V]
ê
/2
^P;.
"% ■>
^^^ ^
7
IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3)
1.0
l.l
1.25
If 1^ 11^
■IT lââ IIIII2.2
:: 1^ 12.0
1.8
1.4 IIIIII.Ô
k'qj^
V
\\
^\^
<K% "^(^
'-F\ ^^
-^ij^
&3
CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHM/ICMH Collection de microfiches.
Canadib Institute for Historical Microreproductions Institut canadien de microreproductions historiques
1980
Technical Notes / Notes techniques
The Institute has attempted to obtain the best original copy available for filming. Physical features of th'? copy which may alter any of the images in the reproduction are checked below.
0
n
Coloured covers/ Couvertures de couleur
Coloured maps/
Cartes géographiques en couleur
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire qu'il lui a été possible de se procurer. Certains défauts susceptibles de nuire à la quelité de la reproduction sont notés ci-dessous.
n
Coloured pages/ Pages de couleur
Coloured plates/ Planches en couleur
1
P c
fi
T c o
a
T fi ir
0
n
Pages discoloured, stained or foxed/ Pages décolorées, tachetées ou piquées
or
Tight binding (may cause shadûw distortion along interior maryin)/ Reliure serré (peut causer de l'ombre ou de la distortion le long de la marge intérieure)
0
Show through/ Transparence
Pages damaged/ Pages endommagées
N in
u| bi fc
0
Additional comments/ Commentaires supplémentaires
premier plat de couverture restauré,
Bibliographie Notes / Notes bibliographiques
□
n n n
Only édition available/ Seule édition disponible
Bound with other material/ Relié avec d'autres documents
Cover title missing/
Le titre de couverture manque
Plates missing/
Des planches manquent
n n n
Pagination incorrect/ Erreurs de pagination
Pages missing/ Des pages manquent
Maps missing/
Des cartes géographiques manquent
D
Additional comments/ Commentaires supplémentaires
The images appearing hère are the best quality possible consideriftq the condition and legibility of tlie original copy and in keeping with the filming contract spécifications.
The last recorded frame on eacii microfiche shall contain the symbol — ►(meaiiing CONTINUED"), or the symbol V (meaning "END"), whichever applies.
The original copy wâs borrowed from, and fllmed with, the kind consent of the fotlowing institution:
National Library of Canada
Maps or plates too large to be entirely included in one exposure are filmed beginning in the upper l«ft hand corner, left to right and top to bottcm, as many frames as required. The following diagrams illustrate the method:
Les images suivantes ont été reproduites avec le plus grand soin, compte tenu de la condition et de la netteté de l'exemplaire filmé, et en conformité avec les conditions du contrat de filmage.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la der- nière image de chaque microfiche, selon le cas: le symbole — ► signifie "A SUIVRE", le symbole V signifie "FIN".
L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la générosité de l'établissement prêteur suivant :
Bibliothèque nationale du Canada
Les cartes ou les planches trop grandes pour être reproduites en un seul cliché sont filmées à partir de l'angle supérieure gauche, de gauche à droite et de haut en bas, en prenant le nombre d'images nécessaire. Le diagramme suivant illustre la méthode :
1 |
2 |
3 |
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
6 |
f^'^
%'■■
i
\\rii
*Wî|ÉS BU MOWEÀÙ-MONDÈ
'^;% 0E lEUR ClVpSATION
'' -«jS
PAR
' f, DABRY iiE THïERSANT 5
I -^«A*RHd>FPAII,ES de U RÉPUpuQOB FRANÇArtR AU CEHTRÉ-AMERIQUK
1-'' n - - i .;,-.'■', ^ . "•
t I
\\ *
isaa
k j i
,<ji..'iw"*- .;, 4
% \<
-^ A
%* «t'' »H '
'Y,
•7Î r" .
-• Al
.f/^'
*^ -
■<*!n^
tt
r
DE L'ORIGINE
DKS
INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
ET DE LEUR CIVILISATION
^yy
■-K l'UV. IMPIUMKRIE DR MAPCHRSSOU FII.S, nOUI.EVARU SAINT-LAURENT, 2}
DE L'ORIGINE
DES
INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
ET DE LEUR CIVILISATION
PAR
P. DABRY DE THIERSANT
CONSUL GKNÉIIAI, F,T CHARGK d'akKAIRES DK LA HÉl-imUQVE KRANÇAISK AU CKNTRR-AMnRIQUK
OWV^iO^GE Oli^É 1>Ë -VIGNETTES
PARIS ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
28, RUE BONAPARTE, 28
1883
Droits de reproduction et de traduction réservée
DE LORiGINE
UES
INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
ET DE LEUR CIVILISATION
ORIGINE DES INDIENS
KPUis plus de trois siècles, on cherche l'origine des «' P'^'IA Indiens du Nouveau - Monde , ainsi que de leur ^^^^) civilisation aujourd'hui éteinte, et ce problc'me in- téressant n'a pu être résolu malgré les progrès que les sciences ont faits dans ces derniers temps. Que d hypothèses, cependant, ont déjà été présentées par les auteurs anciens et modernes! Et combien de systèmes plus ou moins vraisembla- bles ont été exposés sans être acceptés par la critique histo- rique! Lrsuns ont prétendu que le nouveau continent, imiM-o-
•J 1)K I. ORIGINK DES INDIRNS DT NOUVEAU-MONDE
premcnt nomme, était l'Ophicr de !a Bible, que le lils Je Jactan y serait venu de la côte de Tlnde Orientale, et que son peu- plement aurait commencé en l'an 1745 après le déluge. D'au- tres se sont efforcés de démontrer que les premiers habitants de l'Amérique sont issus des Chananéens chassés par Josué de la Palestine, et qui !>eraient partis des côtes de l'Afrique. (Quel- ques-uns ont soutenu que sa population primitive était sortie des tribus d'Israël. Puis est venue la légende de la fameuse At- lantide de Platon. Ensuite, interprétant cerUiins passages de l'ausanias, de Lucain, on s'est imaginé que l'Amérique avait reçu à une certaine époque de nombreuses colonies Egyp- tiennes. Les Troyens, les Helléniens, les Pélasgiens, les Phéni- ciens, les Assyriens, les l'omains, les Grecs, les (Carthaginois, les Norvégiens, lesScandinaxes, les Portugais, les Japonais, les Français, les Espagnols, les Coréens, les Polynésiens, les Malais, les Juifs ont été passés tour à tour en revue; et, quand on a eu épuisé tous les peuples de l'ancien continent, on en est arrivé à les déclarer autochtones. Une école qui compte de nombreux adhérents et des chefs éminents dans tous les pays, tels que Vol- taire, Lord Kames, Agassi/, Muller, Morton, etc., rejetant l'idée de l'unité d'origine des races comme contraire à la science et à la raison, a formulé une nouvelle doctrine d'après laquelle Dieu aurait créé, non point un couple unique, mais plusieurs couples d'êtres diderant intérieurement et extérieurement , qu'il aurait placés dans des régions appropriées à leur organi- sation physique.
Ces polygénistcs ajoutent qu'en raison : i" de la nature de la faune et de la flore du Nouveau-Monde, qui ne peut s'expli- quer que par une création spéciale sur les lieux mêmes; 2° de la certitude de la présence de l'homme sur le sol américain dès l'âge quaternaire; 3" des différenciations physiques, morales et intellectuelles entre la race américaine et les autres races, les peuples du nouveau continent sont sortis d'une souche qui a pris naissance sur le sol lui-même.
i' Il n'est permis qu'à un aveugle, a dit \'oltaire, de douter
I '
KT DE LF.UU CIVII.ISATJON
3
que les blancs, les nègres, les albinos, les Hottentots, les La- pons, les Chinois et les Américains soient des races dillerentes. Si l'on veut savoir d'où sont venus les Américains, il taut de- mander alors d'où sont sortis les habitants des terres austra- les, et l'on a déjà répondu que la providence, qui a mis des hommes dans la Norwège, en a planté aussi en Amérique, comme elle y a planté des arbres, des animaux et lait croître de rherbe. ■>
L'abbé Brasseur de Hourbourg, dans son Histoire des nations civilisées du Me. ^iic et de l'Amérique centrale, a dit à son tour : ■I Nul ne pourra Li'oire que l'ocelot et le jaguar, qui font enten- dre leurs rugissements depuis le rio (lila jusqu'au delà de l'Amazone, y soient venus à la nage Je l'Airique ou que des hommes les y aient transportés avec eux de nays où absolu- ment rien ne prouve qu'ils aient jamais e^ "i donc nous sommes forcés d'admettre une création spéck i ^ our les mam- mifères, pourquoi l'homme formerait-il une exception à la règle générale'.' »
Saint Augustin ne va pas si loin, 'l'ouîefois, dans son livre de Civitate Dei (1 XVI, ch. vu), il admet que Dieu, après le déluge, a pu créer de nouvelles races animales pour en peupler les régions auxquelles elles devaient convenir par leur nature et leur constitution physique.
Les monogénistes, c'est-à-dire les partisans de l'unité d'ori- gine des races humaines, ne tenant pas à leur tour suffisamment compte des différences physiques radicales des races, invo- quent en faveur de leur opinion, en dehors des traditions bibli- ques, l'affinité de ces races fécondes entre elles et, pour ex- pliquer le peuplement de Tunivers, placent le berceau des animaux, des végétaux et de Thomme dans les régions circum- polaires, d'où pa es migrations ils se sont répandus en sie, en Europe, en Amérique.
Nous ne discuterons pas ces deux théories, parce que cela nous entraînerait en dehors de notre sujet. Nous dirons seule- ment que nous ne partageons pas l'opinion des polygénistes
4 1)K LORIGINI' DKS INDIENS DU NOCVHAU-MONDK
américains, parce que, même en admettant avec saint Augustin que Dieu ait pu créer après le déluge des plantes et des ani- maux spécialement pour le Nouveau-Monde, cette création ne prouve pas que la race américain"; soit dilFérente des trois races principales, que lanatomie montre le contraire, et que la certi- tude de l'existence de l'homme à l'époque quaternaire sur le sol américain est loin d'être reconnue par la science.
11 y a quarante ans, quoiqu'on eût découvert en Amérique un grand nombre ci'animaux et de plantes fossiles, on n'avait constaté encore aucun vestige de l'homme à l'époque du mam- mouth ou de l'âge du renne. Un célèbre paléontologiste Danois, le D' Lund, écrivait même à cette époque qu'il ne croyait pas possible que l'homme ail pu vivre en même temps que les for- midables bétes de proie qui caractérisent cette faune éteinte. — En 1844, ce même savant, ayant trouvé dans la caverne de Somiduro, province de Minas-Geraez Brésil , les ossements humains de trente individus de ditîérents âges, adressait à l'A- cadémie royale des sciences de Copenhague un mémoire con- tenant le passage suivant : ^ Ces individus portent les traits " distinctifs de la race américaine ; ils ont la face pyramidale for- 0 tement prononcée, ce qui constitue le trait que la race améri- " caine et la mongolienne ont de commun : ils ont ensuite le « front très bas et étroit, qui est le trait le plus constant par lequel (. la race américaine se distingue de la mongole. Le peu d'élé- I. vation du front diminue chez quelques individus à un degré 0 très marqué, sans que la torme permette d'en attribuer la cause
« à un aplatissement artificiel Ces crânes fossiles diffèrent de
" toutes les races d'hommes vivants, par un seul trait qui est la « forme des dents. Les dents incisives de tous ces individus, jeu- " nés comme vieux, au lieu de se terminer par un bord aigu et '. tranchant placé de travers, formaient une surface ovale dont « l'axe de la longueur est parallèle au même axe de la cavité .. de la bouche. Quoiqu'il n'y ait pas de doute que cette forme « particulière des dents ne soit produite par le frottement, nul « exemple d'une pareille conformité ne m'est connu dans aucune
ET DE LEUR CIVILISATION 5
" des races existantes. Les tribus sauvages du Brésil que j'ai " vues se distinguent toutes par des dents régulières et bien fai- " tes, d'une forme ordinaire et d'une grandeur moyenne. Ces crà- « nés étaient associés, dans cette même caverne, à des restes « d'espèces animales, en particulier à des ossements de mam- <■ mifèrcs, parmi lesquels un cheval, que les géologues et les
« paléontologistes rapportent à l'époque quaternaire "
« I" L'habitation de l'Amérique méridionale par l'homme " s'étend très loin dans le temps historique, probablement au " delà de celui-ci jusqu'au temps géologique, puisque plusieurs '< espèces d'animaux semblent avoir disparu des rangs actuels " de la création depuis l'apparition de l'homme dans cet hé- " misphère; 2" la race d'hommes qui a vécu dans celte partie « du monde, dans son antiquité la plus reculée était, quant à " son type général, la même qui l'habitait au temps de sa dé- " couverte par les Européens. »
Tel est l'argument principal sur lequel s'appuient les poly- génistes. Or, t-i nous comparons l'homme fossile du D' Lund avec l'indien au temps de la conquête nous voyons que, lui ressemblant comme type général, il n'en diffère que par la tête pyramidale, le front déprimé en arrière et la forme des dents. Une remarque importante du savant paléontologiste, c'est que ces derniers caractères n'existaient pas dans quelques-uns des crânes trouves. Ainsi donc, ou, à cette époque quaternaire, il y avait deux races, l'une brachycéphale, l'autre réunis.sant la dolychocéphalieà rhypsisténocéphalie,ou bien l'une de ces races n'obtenait ces caractères extraordinaires que par des procédés artificiels. D'autre part, si nous consultons l'histoire de ces peu- ples, nous trouvons qu'un certain nombre d'entre eux avaient l'habitude de déformer le crâne de leurs nouveaux-nés, et c|uc cet usage leur avait été apporté de l'Asie centrale où il était très répandu. « .Fe suis convaincu, a dit Don Francisco de Moreno dans son Esludio ciel liombre Sud Americano, que la cràniologie, aidée de l'archéologie, nous apprendra que la race qui a apporté la civilisation dans toute l'Amérique sans exception, est celle
6 m: L OKIGINK DKS INDIKNS DU NOL'VEAL'-MONDK
que nous connaissons sous le nom de Caraïbe et qu'à elle ap- ixirticnncnt les crânes déformés macrocéphales, que Ton décou- vre depuis l'ile de Los Sacrijicios, dans le golfe du Mexique, jusqu'en Palagonie, de même que ceux que l'on a retirés des nécropoles de iiolivie »
Un vo}vigeur français, M. Charles Mano, a retrouvé récem- ment des crânes semblables dans un grand nombre de localités de l'Ameiique méridionale, habitées autrefois par les Cnraïbes et les Aymaras, telles que Tiaguanaco, Ayacucho, Xamapeyta, 'l'chumbela, etc., et non plus dans des cavernes, mais dans des tombeaux. Ce n'est pas tout, il a reconnu le même type chez des tribus telles que les Paiguas, les Quiniquinoas, les Poloreroset autres fragments de tribus qui vivent sur les bords des lagunes du haut Paraguay et qui ont conservé jusqu'à ce jour l'habitude de déformer le crâne des nouveaux-nés comme certaines peuplades de l'Amérique septentrionale. M. d'Or- bigny a extrait lui-même un grand nombre de crânes dépri- més de tombeaux qu'il a fouillés dans les iles de 'i'iticaca, dans les provinces d.'Munécas, de Carangas et dans les vallées de Tacna. Il a remarqué aussi que, dans ces mêmes tombeaux, à côté de têtes déprimées, d'autres ne l'étaient pas; d'où il infère que cet aplatissement n'était pas normal, qu'il ne caractérisait pas la nature, mais tenait évidemment à une opération méca- nique. « Cette première observation, dit-il, que la coutume n'était pas générale, nous a fait reconnaître que les tètes chez lesquelles l'aplatissement était le plus extraordinaire, apparte- naient toutes à des hommes, tandis que les corps dont l'état de conservation permettait de distinguer des corps de femme, avaient la tète dans l'état normal '. »
I. Il y a qucl:)Ui.s aiinccs, M, Santiago Wilson a découvert sur pUisicuis points de la côte ctc l'Equateur, à une certaine distance dans la mer, des objets antiques en terre, en or, argent et cuivre, tous parfaitement traviillés. Ces objeu étaient enterrés dans une couche de terre recouverte d'une autre couclic de dépots marins de plus de 6 pieds d'épaisseur. La composition géologique de la terre a permis de reconnaître qu'elle était aussi ancienne que le straluin primitif de l'Kurope et semblable à celui de Guya )uil, dans lequel on a rencontré des os de mastodonte, d'où l'on a conclu que l'antique
i:t dk i,i:iR civilisation 7
Quant à la torme des dents qui a tant Irappé le D'' Lund, voici un passage d'un ouvrage public, il y a peu de temps, par José Torribio Médina et intitulé les Aboriir-ènes du Chili, qui en donne une explication très vraisemblable : « Nous avons trouvé, dit-il, page 21 (3, dans les anciens cimetières indigènes la preuve palpable et indiscutable que, dans ie système chilien, l'ali- mentation végétale dominait entièrement. Il suffit, en eti'et, d'examiner n'importe quel crâne, pour remarquer que la con- servation générale des dents est parfaite et qu'elles présentent toutes une surface ovale ; quelques-unes se montrent usées jusqu'à leur base par suite de l'habitude qu'avaient ces peuples de mâcher le maïs pour labriquer la chicha. ■>
Dans l'Amérique septentrionale, on a cru également, en iS55, avoir trouvé l'homme fossile à la Nouvelle-Orléans, en faisant des excavations pour placer des conduits de gaz. Au-dessous de quatre couches différentes couvrant la couche \'égétale, gisait, à côté de restes de cyprès gigantesques et de fragments de charbon végétal, un crâne humain, en parfaite conser- vation, présentant exactement le même type que celui de la race indienne actuelle. Des savants ont étudié ces couches de terrain et ont déclaré qu'elles remontaient à 1 5, 000 ans, que, par conséquent, le type des Peau.x-Rouges existait déjà à cette époque. Malheureusement pour l'antiquité du crâne, tous les paléontologistes n'ont pas été de ce même avis. M. Burmenster, dont le nom fait autorité dans ces questions, a affirmé que tous les ossements humains découverts en connexion avec des animaux fossiles ou dans des terrains très anciens qui lui ont été soumis, ne différaient en rien des restes d'ossements des indigènes an temps de la conquête, qu'ils
surface de la terre sur laquelle ont été laissés ces bijoux, était habitée par des êtres humains très civilisés, contemporains de l'âge de pierre de l'Europe occidentale. On a remarqué aussi que la plupart de ces objets ressemblaient à d'autres de la même sorte, trouvés dans des tombeaux de l'intérieur du pays, et l'on a fini par admettre que ce stratum primitif avait été submergé à une époque moins reculée, par suite d'un de ces cataclysmes sous-mmins, si fréquents sur cette cote et que la mur avait gagné peu à peu en s'avançant dans les t'jries.
s
DF I, ORIGINt: DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDt:
appartenaient à Tépoquc des alluvions modernes, et qu'il était impossible d'admettre la conservation du type pendant une période aussi longue que celle qu'on lui prêtait.
Ainsi tombe d'elle-même la prétendue certitude de la pré- sence, sur le sol américain, de l'homme fossile, souche de la race américaine. I, histoire et la statistique sont, du reste, là pour démontrer que cette -supposition est erronée. Quand les Espagnols ont envahi le Nouveau-Monde, la population n'y dépassait pas quinze à vingt millions d'habitants, ainsi que le constatent les dénombrements ol'liciels ordonnés après la con- quête par les rois d'Kspagne. Or, ce chitl're de quinze à vingt millions qui doit se rapprocher de la vérité si l'on songe à la laible résistance qu'ont rencontrée les conquistadores et la dilVi- culté qu'ils ont éprouvée pour pourvoir à la subsistance de leur petite armée, n"est-il pas de nature à taire rétléchir les parti- sans de la race américaine autochtone .' On aura bi-au objecter que le continent américain a été, à diverses reprises, bouleversé par des commotions naturelles qui ont tait périr un grand nombre d'hommes, que les gut.-rres continuelles de ces peuples, leur esprit de terocité, leur impréx'oyance, les pestes, les épi- démies causées par le climat , et une loule d'autres causes , ont contribué à arrêter le développement de la population. Jamais on ne parviendra à expliquer comment, dans ce pays si admirablement doté par la providence , après 200,000 ans d'existence , ces peuples ne se soient pas multipliés davantage , surtout avec la demi-civilisation dont ils ont joui pendant un certain temps , lorsque la population d'une autre nation voisine à laquelle ils se relient par tant de traits, a pu atteindre le chitl're de J à 400,000,000 d'ha- bitants.
Xous allons démontrer maintenant que la race américaine, loin de dillérer des autres races par les caractères physiologi- ques, comme le prétend 1 école autochtone, ne présente ana- tomiquement aucuns caractères déterminatit's spéciaux, tandis que l'on retrouve chez tous ces peuples les caractères inhérents
ET DK LEUR CIVILISATION 9
à la race jaune, mélangés chez quelques-uns avec ceux de la race blanche '.
Commençons par la couleur de la peau, que plusieurs au- teurs ont décrite comme uniformément uivrée.
« Tous les Indiens, a dit Ulloa, sont d'une couleur rougeà- trc, qui, par l'action du soleil et du vent, se modifie plus ou moins. Lorsqu'on a vu un Indien, on les a tous vus et on peut dire qu'ils ont la même teinte et la même conformation. ■
Cette opinion, qui a été partagée par Bullbn, Home, Robert- son, Pedro-(]ieza de Léon et un grand nombre d'autres écrivains, est loin d'être fondée. Dans l'Amérique septentrionale, la teinte de la peau est, en général, cuivrée et présente diverses nuances, mais on y rencontre également des peuples à la peau plutôt jaune ou couleur chocolat, ou hron/é noirâtre, et même d'un blanc laiteux comme les Koloshes. D (3rbigny, d'un autre côté., dans " l'homme américain >■, soutient que, dans toute l'Améri- que méridionale, il n'a jamais vu un seul Américain cuivré, que les deux teintes des peuples de cette partie du nouveau continent sont le brun olivâtre et le jaune avec toutes les nuan- ces intermédiaires, le jaune dominant chez les peuples orien- taux, tandis que le brun prévaut chez les peuples de l'Occident et du Centre. Les Péruviens, les Pampéens, les Araucaniens, les Chiquitéens, sont bruns olivâtres, tandis que les Brasilio Guaraniens ont une peau de teinte jaunâtre mélangée de rouge très pâle ou de brun. Les Yuracarès, les Mocetenos et les 'l'a- canos ont le teint légèrement basané et presque blanc. La couleur de la peau des peuples du Nouveau-Monde, loin donc d'être uniforme et cuivrée, comme on le prétend, \arie du cuivré au jaunâtre, avec toutes les i.uances intermédiaires. Reste à chercher d'où vient cette teinte propre aux Américains.
« L'homme noir en Afrique, a dit RuH'on, jaune en Asie,
I. a La crâniologie, a dit Urinlon, n'a pas Iruuvii linns le Nouveau-Monde de crânes différant de ceux de l'ancien continent et l'anatoniie ne momie aucun caracière physio- logique piopre à l'Indien, qui puisse taire croire ii son type originel. ■•
10
OK I. ORiniNr HKS INDIENS l)V NOUVEAU-MONDF
blanc en Europe, rouj,'e en Amérique, n'est toujours que le même anim;il recevant la teinte du climat où il se trouve. » — ' Il nest pas douteux, a dit un autre physiologiste, que les diffé- rences de santé, d'accroissement, d'exposition à l'air, n'aient un etl'et cert.iin sur ! individu, et, pour peu que les mêmes cau- ses se répètent sur une série de générations, on sera convaincu que les milieux transforment les races ; mais examine-l-on. non plus les individus, mais la race elle-même, l'illusion s'évanouit. Aucune de ces modilications individuelles sur la peau, sur les cheveux, sur le crâne, compression exercée à la surface, sur les proportions ne se transmet en quantité quelconquxi. "
En etiet, le climat ne change pas la race, mais modifie la teinte de sa peau qui varie suivant la race, l'altitude, la lati- tude, la nature des lieux et de 1 atmosphère. Ainsi, les blancs ou les nègres en Amérique ne deviennent jamais cuivrés comme les Indiens, à moins de se mélanger avec eux ; tandis que la race jaune prend après peu de temps la teinte cuivrée, bis- trée ou brun olivâtre. Ce lait, qu'il est facile d'observer, ré- sulte de ce que la couche pigmentaire ou matière colorante ii- nement granulée qui donne naissance à ia couleur de la peau est sinon différente chez les trois races principales, du moins susceptible de s'altérer diversement par suite des influences climatériques.
Pourquoi la teinte cuivrée domine-t-elle dans l'Amérique septentrionale et est-elle à peu près inconnue dans l'Amérique méridionale où le jaune et le brun olivâtre l'emportent, le jaune chez les peupies orientaux, le brun olivâtre chez les peuples occidentaux et du centre .'
Pourquoi les Quitchuas et les Aymaras qui présentent des caractères physiques identiques à ceux de l'Amérique centrale et du Mexique, sont-ils de couleur brun olivâtre, pendant que ces derniers sont cuivrés? Pourquoi, dans le même lieu ou à des distances peu éloignées, les mêmes tribus offrent-elles des nuances diverses de peau ? Ainsi, dans la péninsule yucatèque, " on trouve encore, dit l'abbé Brasseur, des indigènes à peau
KT DF I.rUR CIVILISATION
I I
rouge, gens robustes et trapus, aux pommettes lortement sail- lantes, au ne/ épaté et, à côté d'eux, des types bronze noirci et souvent d'un blanc mat, au nez aquilin, aux yeux horizon- taux et avec les autres traits assez fins. ■■ Autant de questions qui sont loin d'être résolues.
Les uns sont d'avis que la latitude, I altitude, lu chaleur ont une influence directe sur la teinte. D'autres, comme d'Orbignv, .soutiennent que ce n'est qu'une question d'hygrométrie. " Les nations les plus foncées, dit-il, se trouvent dans la zone tropi- cale comme dans les régions plus méridionales. D'un autre côté, les plus claires sont dans les régions chaudes. Les Fué- giens, les habitants les plus rapprochés du pôle austral, sont moins foncés que les Péruviens. La latitude n'exerce donc au- cune influence sur la coloration pâle ou intense de la même teinte chez les peuples américains. L'altitude ne produit pas également d'effet sensible sur la teinte, tandis que le plus ou moins d'humidité dune région a une influence directe sur l'intensité de la teinte des peuples qui l'habitent. La race ando-péruvieniie en est une preuve évidente, de même qu.; les Araucaniens, les Fuégiens et les Brasilio-(Juaraniens '. » D'autre part, des physiologistes croient que les poussières al- calines dont l'atmosphère sèche de certaines régions de l'Amé- rique .serait imprégnée, sont une des causes de la teinte rouge ou cuivrée des habita.its.
Il y a là un vaste champ d'études, et, en attendant que la science se soit prononcée, nous dirons que la couleur de la peau n'est pas un caractère déterminatif sutiisant pour classi- lier la race américaine et en faire une race à part. Nous ajou- terons que les couleurs cuivrée, brun olivâtre ou jaune, qui la distinguent, ne sont que des nuances de la couleur jaune ou jaune blanche, produites par les influences climatériques.
I. Gumilla assure que les habitants de l'ancienne Guyane espagnole qui habitent dans les tbréts sont presque blancs, que ceux qui demeurent dans les champs sont ba- sanés et que ceux qui fréquentent les plages des lleuvcs et des rivières sont d'une cou- leur brune très toncce, tirant sur le noir.
12
UK I.OKIGINI- ni:S INDIENS Dl NOUV! \l -MONDI:
Ce qui distingue, par exemple, la race américaine, c est la contexture de la peau qui ne pré .enie jamais celle légère vil- losilé de celle des habilants de l'ancien monde; elle est lisse, polie, brilla ite même, aussi dotice que du satin. In autre trait distinctil. c'est son odeur ,v/// gciicris, se rapprochanl de celle dv Chinois et du Tartare.
Laclassilication de la race américaine par la cràniologie nous parait tout aussi diflicile que par la couleur de la peau. A tou- tes les époques, on a trouvé, sur ce continent, des hommes au crâne brachycéphale, Aivantau milieu d'hommes au crâne doly- chocéphale ou mésaticéphale. " Nous ne doutons pas, dit i'Or- bigny.que, sur quelques milliersde crânes d'une race quelcon- que dans l'ancien comme dans le nouveau continent, l'on ne trouve des têtes que leurs caractères rapportent à toutes les autres, celles des nègres exceptées : on sentira alors l'extrême dirticulté de donner quelque chose de positil sur ce j^oint. "
dépendant les plus célèbres physiologistes ', tels que Law- rence, lilumenback, le D' Lund, Broca, M. de Quatret'agcs, ont reconnu que le crâne américain, en général, se rapprochait beaucoup du crâne mongol et du crâne usbeck ancien Oueï- gour par la lorme pyramidale lortement prononcée de la tête et par Tétroiture el la convexité du front. Cette lorme naturelle dans le principe a dû être exagérée par l'habitude qu'avaient quelques-uns de ces peuples de délormer le crâne des nouveaux- nés par des moyens artificiels. Parmi ces peuples, nous cite- rons ceux qui appartenaient au groupe (Joihuaque ou Maya. les (iolhuaques, \'ucaièques, (juatémaliens, Nicaraguayens, Hondureniens, (^ostaricains, .\} maras, Caraïbes -, tandis que
1. Suivant Morton, il n'y a qu'un soûl type do crâne aincricain à formo aiTondlc. t.a portion occipitale est aplatie dans la direction il'en liaut et le diamètre transversal, me sure entre les us pariétaux, est eonsidérableinentlarge, excédant souvent la ligne longitu- dinale; le Iront est bas, incliné vers l'arriére et rarement arqué, caractère considéré par llumbold, Lund et d'autres naturalistes comme spécial à la race américaine.
2. l.es Natcliez, d'après un grand nombre d'historiens, aplatissaient la tête de leurs enfants. Certaines tribus de Guaranis observaient également celte coutume, ainsi que l'indiquent les peintures mexicaines.
U.uis le Vucalm, cinq ou six ]ui;is .iprès la naissance de l'enfant, sa tète lit mise
rn Dr ij:uk nvii.is .tion
i3
les Mexicains et tous ceux du groupe Nahualt avaient le crâne normal. C'était une des principales distinctions entre les deux groupes.
« Pour ma part, a dit Hutchinson ' iwo years in Pcru, t. 11, p. 3()7;, je ferai remarquer simplement, en nie basant sur mes propres observations, que le type brachyccphale pré- valait chez les tribus indigènes dans les régions de la côte du Noril et du Sud de l'Amérique, depuis .>.ootka Sound jusqu'à la côte de la Patagonie. Quant au type dolychocéphale, je partage I opinion du H' Wilson, qu il a dû dominer le type brachycé- pliale dans la région orientale de TAmérique, depuis le ('a- iiada jusqu'à la Terre de Feu. Blake et d autres auteurs qui ont traité cette question, sont d'avis qu'on trouve non-seule- ment deux lor-ics de crânes dans les antiques cimetières, l'une arrondie, l'autre allongée; mais qu'aujourd hui même on ren- contre deux types distincts de crânes chez les populations américaines. »
Cette coutume s'est conservée, eneflét, chez un certain nom- bre de tribus des deux Amériques. Tes Chaktaws sont désignés,
entre deux plaiKhettes. Laiula, ji xxx.)Les Indiens du Guatemala aplatissaient et allon- geaient la tête lies nouveaux-nés au moyen de planchettes et de bandelettes (Kuenlès, J'alacios, p. loO). Au Nicaragua, on aplatissait la tête des cnl'ants pour leur donner plus de noblesse et pour qu'ils pussent mieux porter les fardeaux (Squiers, Nicariifrii.j,
p. ;^45),
l.cs l'anchees lionnaicnt, au moyen de planchettes, une turme pyramidale <i la lête de leurs enfants (J^oaq. Accosta, p. n). Les Ayar.ias et les Nataguamas mettaient la tête du nojveau-nc entre deux planchettes pour l'allonger. Cette habitude avait pour objet d'augmenter la lérocité de la physionomie (Piedraliita, I. 1, cli. ii\ Quand un Caraque venait au monde, on mettait sa lête entre deux planchettes, île telle sorte qu'à quatre ou cinq ans. \n tête était longue et aplatie. Ils disaient que cette coutume donnait de la force, de l'intelliqence et facilitait les travaux. (Ciéza, ch. l Les têtes de Collas étaient longues et plates iCaéza, c\\. c). Meyer cite un décret d'un synode de I.ima défendant l'aplatisse- ment des t' tes,
Les Apichèques (Je la côte déformaient les têtes de leurs enfants en les comprimant au moyen de planchettes GarciLTjo, liv. IX, p, in'). Rochcfurt {Histoire des Antilles, p. 3 2(1 raconte que les Caraïbes des Antilles déformaient la lête de leurs enfants.
Les Indiens du .\laranam aplatissaient la lête de leurs enfants {Cosmografia lîr^yilea, ch. IV, p. 32Û). Les Indiens de la Colombie aplatissaient la tête de leurs enfants au moyen de tablettes (John Scanter, Zool. Journal, iSiii, p. 3o.).;.
Au Chili, cette coutume existait che^ les Araucaniens, d'après .M. Torribio .Médina.
'4
DK I. ORIGINK DKS INniRNS DI' NOUVKAU-Mt)Nl)l-
d'après M. Hartram t. Il, p. 4i() , par les blancs qui font la traite, sous les noms de tètes plates ". " Tous les hommes ont, dit-il, les parties antérieure et postérieure de la tète comprimées de bonne heure par le procédé suivant : aussitôt que Tentant est né, il est mis dans un berceau creusé dans du bois; il reste couché sur le dos, la tète prise dans une cavité ayant la forme d'un moule à brique. Sur le Iront repose un petit sac de sable de telle sorte que la tète prend peu à peu la forme du moule. "
M. Charles Mano, ainsi que nous l'avons dit plus haut, a trouvé dans l'Amérique méridionale plusieurs tribus chez les- quelles s'est perpétuée cette déformation qui consiste, en géné- ral, à exercer une pression d'avant en arrière et circulairement, ce qui repousse la masse du cerveau et donne une grande largeur aux parties postérieures, au détriment des parties antérieures. Les pariétaux forment ainsi des mamelons remarquables, tandis que le front devient presque horizontal au-dessus des arcades sourcilières. Les bas-reliefs du grand monument de Palenqué représentent le profil du visage de quelques personnages à la tète aplatie. Chez quelques-uns, une courbe, décrite depuis le haut du front jusqu'à l'extrémité du nez, équivaut presque à un quart de cercle. Ce type étrange a disparu ou, du moins, est devenu très rare au V'ucatan. Nous avons vu, toutefois, quel- ques tètes d'hidiens très allongées avec le front déprimé au Cuatémala et au Nicaragua.
Si l'on recherche l'origine de cette coutume bizarre, on trouve qu'elle a pris naissance en Asie. Hippocrate rapporte qu'aucun peuple n'avait la tète de forme plus allongée qu'une nation établie près du Pont-l-^uxin. Les habitants mettaient leur gloire à avoir la ligure la plus longue possible et, à cet etîet, ils pétrissaient dans leurs mains le crâne de leurs enfants nou- veaux-nés, et le comprimaient ensuite avec des liens et des ban- delettes, de manière à le contraindre et à le développer dans la forme qu'ils désiraient lui donner.
Quelques tribus indiennes près d'Ava sont décrites, dans le Périple, comme ayant la tète allongée depuis le front jusqu'au
FT 1)K I.EUU CIVn.lSAllON
l!)
menton et se projetant en avant comme celle des chevaux. Ix's Cappadocicns et les habitants de la mer Caspienne, suivant d autres auteurs, étaient aussi macrocéphalcs.
Hiucn-Tsang, dans la relation de son voyage au vu' siècle, raconte qu'à Kachgar et dans d'autres lieux de l'Asie centrale, quand un entant venait au monde, on lui aplatissait la tète en la comprimant avec des planchettes.
Chez les anciens Turcs, la mère, après 1 accouchement, indi- quait la torme qu'elle voulait qu'on donnât au crâne de l'enfant. Le but de cette déformation est ditiicile à comprendre. Les uns croient ' que c'était une question d'esthétique, d'autres prétendent que ces peuples pensaient augmenter ainsi les fa- cultés intellectuelles '. Kn(in, il y en a qui y rattachent une question religieuse. Ne serait-ce pas simplement afin de faire ressortir le ne/ et de différer ainsi le plus possible des races mongoles que les races aryennes devaient considérer comme inférieurc'S '.Quoi qu'il en soit, on voit, d'après ce que nous avons dit, que la crâniologie, pas plus que la couleur de la peau, ne font ressortir des caractères sutiisants pour classi/ier la race américaine en dehors des autres races
Passant de la forme du crâne à la face des peuples du Nou- veau-Monde, on constate que loin d'être uniforme dans ses contours, qu en général, elle est circulaire et même s'éloignanl de l'ovale plus que chez toute autre race, excepté la race ouralo-altaïque. Cependant, quelquefois elle est elliptique
1. D"aprcs M. Gebbs {Tribcsof West^im U'iiç/i/ii^(o)i and Sorth-westcin Oiesjon) clic/ les tribus de rOregon, l'aplatissement de la tète distingue l'homme libre de l'esclave ;i ^lui cette déformation est interdite.
2. Nous avons lieu de croire que, dans ce cas, il n'y avait que de'placemcnt de partie, et non altération, et que les facultés intellectuelles devaient en être peuatl'ectées. (D'Orbign) .)
I.a forme plus ou noins variable du crâne chez les hommes de diverses contrées ne saurait avoir une iniluence directe sur leurs tacultéi. Parchasse (/?cc/uTc/ies sur l'encé- phale).
!•■ Les aryas désignaient les hommes de la race sombre comme les hommes au nu/. de chèvre ou les hommes sans ne/, tandis que le ne/, est une des beautés que les poètes aryens vantent chez leurs dieux. (Essais sur la mythologie campai ie, p. '.^■j^. Mnx- Muller.)
I()
1)1 I. OKIC.INK DIS INIMFNS Otl NOUVKAl.'-MONDi:
comme chez certaines tribus du IVlcxiquc et du Vucatnn ou chez les Araucaniens. les Péruviens, les Moxéens, les Antiviens, ou bien carrée telle que celle des l*anipéens et des Pataf,'ons. De même certains peuples ont le visa^e aplati et d'autres aussi saillant <.\ les lùiropéens.
Le troni américain est presque toujours bas, étroit, comprimé latéralement et luyant. (le caractère est essentiellement tou- ranien. \ambérv, dans <'}s Skc/c/ivs nf (Jcii/ral Asia, dit que 1 Isbeck de Kliiva a le front bas, étroit et déprimé.
Le ne/ américain, très variable, appartient tantôt au type mongol, tantôt au type aryen. 11 est quelquetois court, légère- ment épaté, ou très court, très épaté; d'autres to droit, aqui- liii, loni;, saillant, recourbé à son extrémité.
I .es peuples qui ont joué le plus grand rôle, tels que les Mexi- cains, N'ucatèques, (lentro-Américains, (juitchuas, Aymaras, (iaraïbes, sont remarquables par la (orme de leur ne/aquilin et recourb/ On sent le mélange de la race caucasienne avec la race mongo! •.
" Dans le Vucatan, le Mexique et le (Centre Amérique, dit l'abbé Brasseur de Bourbourg, le caractère général de la source la plus antique oll're des traits nombreux de ressemblance avec les races de la Palestine et de l'Lgypte ancienne. On y retrouve le profil juif et algérien, exactement semblable aux types que l'on voit sur les monuments de Palenqué et dcTIièbes. On re- connaît là évidemment les immigrations qui sont \enucs se grellér sur le tronc primitif. ■>
Les yeux sont petits et noirs (hi gris, entoncés, très per- çants, tantôt horizontaux comme parmi certaines tribus de l'Amérique du Xord et la plupart des peuples du Mexique de l'Amérique centrale, les Ando-Péruviens, les Moxéens, les Patagons et les Puelches. D'autres fois, ils .sont obliques et bri- dés à l'angle externe comme chez les Esquimaux, quelques tri- bus indiennes de l'Amérique du Nord, du Mexique el de l'A- mérique centrale, les Chiquetéens, les Guaranis qui ont conservé davantage le type mongol. Une chose remarquable, c'est que
FT DE LEUR CIVILISATION
»7
chez les Mexicains, Centro-AnK'ricains,Quitcluias, Aymaras, lu corncc est presque toujours jaunâtre, caractère des peuples avoisinant la mer Caspienne.
1,1 pommettes des peuples de l'Amérique sont presque toujc. saillantes, plus ou moins, suivant I à^e. (]e caractère a étO emp'uiité à la race mongole.
La bou. 1-, très grande chez les uns, avec des lèvres grosses, charnues, s. illantes, est chez les autres assez développée, ou bien moyenne avec des lèvres plus ou moins minces, comme chez les Mexicains, Centro-Américains et Péruviens. Qucl- quelbis la mâchoire, est recouverte de i^lis \erticaux de la peau qui donnent à la lace un air d'astucieuse sauvagerie, i-es dents sont belles, bien rangées, presiue verticales et persis- tantes, ('ertains peuples, appartenant au groupe Maya, d'après Landa, j; xxxi, avaient l'habitude de scier leurs dents.
Le menton est mongol, peu accusé, court et rond. Le. oreil- les, presque toujours grandes, se détachent très sensiblement de la tète, caractère physique des peuples de l'Asie centrale. (]!ertains peuples du Pérou les allongeaient le plus possible.
La race américaine se rattache à la race jaune par le système pileux. Les cheveux noirs, gros, épais, lisses, droits, blanchissant diflicilement, tombant rarement, sont remarquables par leur coupe transversale qui, vue au microscope, dessine une sec- tion ronde, tandis que, chez l'Luropéen, cette section est une ellipse et, chez le nègre, une ellipse allongée. Ce trait, presque suffisant pour relier la race américaine à la race mongole, a été mis au jour par Pruner bey.
La race américaine, comme la race mongole, se dist.ngue également par la rareté de la barbe et du poil sur le corps. La barbe, quand elle existe, est constamment droite ou non irisée, noire, pousse tard et couvre plus particulièrement les côtés de la lèvre supérieure et le milieu du menton; encore se réduit- elle, le plus souvent, à quelques poils rares. Les tribus ou indi- vidus ayant de la barbe sont des exceptions à la règle géné- rale. Une chose curieuse au point de vue du mélange des races.
i8
OK K OUICiINI' ni'S INDiKNS DU NOUVRA '--MONnK
c'est que l'on a déjà remarqué que le méiis du Russe et du Bouriate a invariablement les cheveux de ce dernier. Les sourcils sont étroits, arqués et noirs. Les formes du corps se ressemblent chez presque tous les peuples du nouveau continent ; en général, la tête, comparée au reste du corps, est plutôt grosse que petite, caractère ôcf, deux races mongole et touranienne. Le tronc est large, ro- buste; la poitrine bombée et bien développée; les hanches peu saillantes; les membres courts, mais replets, pourvus de mus- cles saillants; les extrémités supérieures souvent trop fortes; les mains petites; les extrémités inférieures bien proportion- nées; les membres mal attachés, cuisses et jambes replètes; pieds petits, mais larges. Le dedans des mains et le dessous des pieds blancs. Les femmes sont robustes, ont de larges épaules, la poitrine effacée, la gorge bien proportionnée et le bassin large. En résumé, nous dirons avec le D' Topinard 'Authropolo- gie, p. 46), que la race américaine se rapproche, dans son en- semble, du type des races jaunes par différents cr.ractères de premier ordre, tels que la face et le nez souvent aplati, la couleur de la peau, la nature des cheveux, le peu de dévelop- pement et la rudesse des cheveux, enfin l'aplatissement de l'occiput qui se rencontre également chez quelques peuples de l'Afrique. Mais elle présente en même temps des dilférences notables, comme la prééminence du nez convexe et relative- ment lin, l'élévation de la taille, le peu de développement de sa cavité et la faiblesse de son prognathisme. Ces caractères sont ceux des races croisées. Un des éléments était franchement asiatique et l'autre tout à fait spécial et particulier. Cette des- cription peut s'appliquer aussi bien aux indigènes de l'A- mérique du Nord qu'aux sous-types Péruvien, l'olteque , Araucanien.
La race américaine est donc une race mixte que nous nom- merons mongolo-touranienne; sur le tronc primitif, essentielle- ment mongol, est venue se grellér une immigration aryo-tou- ranienne.
^:^ de lkur civilisation
19
PEUPLEMENT DU NOUVEAU-MONDE
Reste à examiner comment les premiers habitants de race mongole ont pu penetrerdanslenouv.au continent.
Il est admis par la science que les deux continents étaient autrelois reliés entre eux par un isthme qui a été détruit, à la hn au pliocène, par des bouleversements de la nature et Ten- vahissement de la mer. D'après la disposition volcanique des lieux, on est porté à croire que non-seulement il se fit une séparation des continents au détroit de Behring, mais que 1 espace entier depuis les îles en croissant jusqu'à cett. petite ouverture, a été jadis orcupé par la terre et que la force de élément aqueux, mi^^ en action par celui du feu dans les siècles les plus reculés, a bouleversé et abîmé cette étendue en lais- sant des fragments d'îles comme souvenir de ce grand événe- ment. L'aspect des côtes parallèles, surtout depuis la pointe des Kouriles jusqu'au cap Tchou-katska, indique un récent travail de la nature que Ion peut suivre encore aujourd'hui On voit que, par Tertet des mare , le détroit s'élargit, quoique lentement, car la distance entre les deux terres est réellement jusqu'à présent, peu considérable.
D'après le capitaine Cook et Steller, elle serait de 8 lieues marmes. d autres disent cinquante milles. La profondeur de la mer, dans le détroit, ne dépasse pas 60 mètres, de sorte que les baleiniers peuvent y mouiller facilement. En été, les naturels le traversent en canots; en hiver, le passage est fermé par les
20
HE L ORIGINi: DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
glaces. Tout semble indiquer que les communications entre les deux continents ont dû s'établir à une époque qu'il est dit- licile de déterminer.
Premièiement les habitants de la partie de l'Amérique qui correspond à Textrémité orientale de l'Asie ressemblent physi- quement aux indigènes du Kamtschatka, des Kouriles, aux Foriaks et aux Kamtschadales.
" Feu le D' Mitchell pense que les peuples septentrionaux de lAmérique ont la même origine que ceux de la partie septentrio- nale de l'Asie el que leur race est celle des Tartares. Il tonde son opinion sur la ressemblance de physionomie chez les Indiens et les Tartares de l'Asie, la similitude du langage, l'existence de coutumes et d'usages communs aux deux peuples '. >>
|{n second lieu, on retrouve chez les peuples des deux con- tinents les mêmes mœurs et les mémos usages privés. Tous se tatouent et ont l'habitude pour orner leur visage de se l'aire des trous dans les joues, d'y mettre des pierres de dillérentes couleurs ou des morceaux d'ivoire, de s'attacher aux narines ou aux lèvres des pendants assez longs. Ils se nourrissent, les uns comme les autres, de poissons, de bétes marines et d'herbes qu'ils apprêtent de la même manière. Ils se servent du même instrument de bois pour allumer le teu. Leurs haches ont une forme pareille; ils sont vêtus de même et teignent leurs vêtements et leurs corps avec de l'écorce d'aune; ils vont gé- néralement la tête découverte, le sommet rasé et les cheveux attachés avec un n(L'ud en lorme de châtaigne, ils émigrent par tribus, enlèvent le crâne de leurs ennemis, ,j suivent en file, l'abriquent des canots d'écorce de bouleau et des pagaies larges et à deux bouts. Ils ensevelissent avec leurs morts les objets les plus précieux qui leur ont appartenu. Knlin, ils pla- cent les corps sous de grands tertres en terre ou sous des amas de pierres. De plus, leurs langues ont de nombreuses affinités et ils peuvent même se comprendre entre eux.
1. Aiituiuiii's )ue.\ii:aiiic.s.
II l)i: I.KI K CIVILISATION 2 1
Ainsi tout permet de supposer que les peuples des deux côtés du détroit de Behring ont une origine commune. Mais ce n'est pas tout-, si l'on jette un coup d"(eil sur la carte, on verra que, de File de "^ézo, rien n'est plus facile, en profitant du courant japonais Kuaro Suewo et en longeant les îles Kou- riles, v|ue de gagner le Kamtschatka et les îles Aléouliennes, celles du Kenard, enlin la pointe d'Alaska sans perdre la terre de vue plus de quarante-huit heures. In de nos illustres et savants anlhropologistes. M. de Quatrefages ', écrivait, il y a quelque temps : " Depuis longtemps et à plusieurs reprises, dans mes cours au Muséum et dans diverses publications, j'ai cherché à montrer que les populations de l'extrême Orient connaissaient et Iréquentaient, avant les Kuropéens, certains points des côtes occidentales de TAmérique ou Nord, et que ce fait était en par- ticulier dillicile à nier à propos des contrées répondant à peu près à la Nouvelle-Calilornie et à 1 Orégon. Au nombre des ar- guments les plus sérieux à invoquer à l'appui de cette opinion, j'ai toujours placé quelques-unes des particularités géographi- ques et anthro^"»ologiques consignées dans le récit d'un ^■oyage accompli par Moncatch Apé, Américain peau-rouge de la tribu des Yasoux-Xax vivant sur la rive gauche du Mississipi, récit recueilli de la bouche de cet indigène par un colon français, le Page du Prat/, qui l'a publié dans un ou\-rage intitulé Histoire de la Louisiane. Des renseignements fournis par le voyageur peau-rouge, il résulte que, dès les premières années du xviii"^ siè- cle, « des hommes blancs barbus se servant d'armes à feu, mais « qui ne peuvent être des Kuropéens, se rendaient annuellement « dans le voisinage deTembouchure de la ('olumbia pour s'ap- « provisionner de bois de teinture et, par la même occasion, cn- « lever quelques esclaves ".
La description que donne Moncatch Apé des pays qu il a traversés indique clairement qu'après avoir remonté le Missouri il franchit les montagnes Rocheuses, descendit jus-
I Les voyages de Moitc.iuh Apc, annotes p.ir M. \. Je Quatrcfages.
21 1)1 l.OKIGINi: I)i:S lN'nii:NS DU NOIV|;aI -MONDl
qu'à l'ocOan Pacifique, un grand fleuve qu il nomme la belle rivière et qui ne peut être que la (]olumbia, enfin reconnut la j-iresqu'ile d'Alaska.
Rien de plus intéressant que son récit de la rencontre des hommes blancs barbus ' : " Mais si Ion vit bien dans ce " pays, il faut toujoursyétresur ses gardes contre les hommes " barbus qui font tout ce qu'ils peuvent pour enlever les " jeunes gens, sans doute pour les faire esclaves. On me dit que " CCS hommes étaient blancs, qu'ils avaient une barbe longue " et noire qui leur tombait sur la poitrine, qu ils paraissaient gros " et courts, la léte grosse et couverte d'étoile, qu'ils étaient tou- «' jours habillés, même dans les plus fortes chaleurs; que leurs -' 1- ' Mts leur tombaient jusqu'au milieu des jambes qui étaient " couvertes ainsi que les pieds d'étotle rouge ou jaune ; qu'au <' reste on ne savait pas de quoi leur habillement était fait, parce " que l'on n'avait jamais pu en tuer aucun, leurs armes faisant " un grand bruit et un grand feu; qu'ils se retiraient cependant " quand ils voyaient plus d hommes rouges armés qu'ils n'é- « taient, qu'alors ils se mettaient à couvert dans leurs pirogues « (sans doute une barque. Le Page où ils étaient quelquefois " trente et jamais plus. On ajoute que ces étrangers venaient d'où >' le soleil se couche pour chercher sur la côte un bois jaune et " puant et qui teint en beau jaune, (lomme je dis que j'avais vu " des armes à feu et que je n'en avais point peur, ces peuples >■ m'invitèrent à aller avec eux en me disant que ces deux nations " étaient sur le chemin que je devais tenir pour aller au pays ■' d'où nous sommes sortis, je leur répondis que mon cœur ■ trouvait bon que j allasse avec eux. J'avais faim de voir ces " hommes barbus qui ne devaient ressembler ni aux Français, " ni aux Anglais, ni aux Espagnols que j'avais vus, qui tous se " coupent la barbe et sont ditléremment vêtus. Lorsque le " temps fut venu, je partis avec les guerriers, et nous marchà- " mes cinq grandes journées. Nous attendîmes les hommes
I. Ccti sj jMSat au canmciKciiiciU Ju x\iir aicilc.
r:r m-: i.kck nvii.iSATiON
23
barbus pendant dix-sept jours, au bout desquels on les vit paraître dans deux grandes pirogues, et ils vinrent se placer I entre deux rochers où ils s'occupèrent d'abord à remplir des vaisseaux de bois pareils à ceux où les Français mettent l'eau I de feu eau-de-vie . Ce ne lut que le quatrième jour qu'ils al- i lèrent tous à terre couper du bois. On lit contre eux ce que j'avais conseillé. Cependant on n'en put tuer que onze. Le reste s'enluit avec leurs pirogues sur la grande eau. Nous al- lâmes ensuite examiner les morts qui nous restaient. Ils étaient plus petits que nous ne sommes et fort blancs. Ils avaient la tète grosse et le corps assez gros pour la hauteur. Leurs cheveux n'étaient longs que vers le milieu de la tète. Us ne portaient point de chapeau comme nous autres, mais leur tète est entortillée de beaucoup d'étoiles. Leurs ha- bits n'étaient ni de laine ni d'écorce Me soie , mais de quel- que chose de semblable à nos vieilles chemises sans doute en coton; très doux et de différentes couleurs. Ce qui couvrait leurs jambes et leurs pieds était d'une seule pièce. Je voulus essayer une de ces chaussures, mais mon pied ne put jamais y entrer. Toutes les nations qui s'étaient assemblées en ce lieu se partagèrent leurs habillements, leurs barbes et leurs chevelures. De ces onze qui aval .-nt été tués, deux seulement avaient des armes à feUj de la poudre et des balles. Quoique je ne connusse pas alors les fusils aussi bien qu'à présent, je voulus éprouver ceux-ci, et je trouvai qu'ils ne tuaient point aussi bien que les nôtres. Us étaient beacoup moins légers. La poudre était mêlée de grosse, de moyenne et de fine; mais la grosse était en plus grande quantité. Je ne pensai plus ensuite qu'à continuer mon voyage. Je me joignis à ceux qui habitaient plus avant sur cette île vers le couchant, et nous marchâmes tous ensemble en suivant à peu près la côte de la grande eau qui va droit entre le froid et le couchant. Quand je tus arrivé dans cette nation, je remarquai que les jours étaient beaucoup plus longs que chez nous et les nuits très courtes. Les vieillards m'apprirent qu'il était inutile que j'en-
24
i)i: i.oiuCiiNi: i)i:s- indikns dc nouvi:ai;-moni)I
" treprisse d'aller plus loin. Us me dirent que la côte s'étendait <• encore beaucoup entri- le IroiJ el le couchant, qu'elle tournait «1 ensuite tout court au couchant, et qu'enfin elle était coupée " par la grande eau directement du chaud au troid. 1. un d'eux " ajouta qu étant jeune il avait connu un homme très vieux qui " avait \u cette terre a\ant que la grande eau l'ait mangée, " qui allait bien loin et que, dans le temps que la grande eau " était basse dans les basses marées , il paraît dans l'eau des « rochers à la place où était cette terre. Tous ensemble me dé- " tournèrent donc d'entreprendre ce voyage, parce qu'ils m'as- « surèrent que le pays était rude et troid, sans gibier et, [vu- " conséquent, sans habitants, et ils me conseillèrent de repren- " dre le chemin de mon pays '. "
(Cherchons maintenant quels pouvaient être ces hommes blancs et barbus qui venaient sm- les côtes du nord-ouest du continent s'approvisionner de bois de campéche. I, endroit dont il est question, où abordèrent les deux pirogues, devait être à 5o ou Go lieues au nord de l'embouchure de la (^olumbia. Les habits tombant jusqu au milieu des jambes, en coton et de dillé- rentes couleurs, la coill'ure en torme de turban, les bottes d'une seule pièce en étoile ou en cuir, les armes à feu, lourdes et d'une laible portée, la poudre grossière, la manière de porter les che- veux en nicuds au sommet de la tète ou en queue, la tète assez grosse et le corps assez gros pour la hauteur, tout indique un peuple de race mongole de l'Asie septentrionale, ou chinois, ou japonais, ou coréen, ou des îles de \'ézo qui, tous habillés, coiffés à peu près de cette manière, avaient un type analogue et des fusils de cette sorte. Il n\\' a que la barbe tombant sur la poitrine et le teint blanc qui peuvent embarrasser sur le pays véritable d'où venaient ces étrangers, et il faut trouver une population réunissant ce double caractère d'un teint blanc, ou tout au moins pouvant être regardé comme tel par un i'cau-
I. Celle description convient à la descriptiou générale des côtes uord-ouest du conti- nent cl à la presqu'île d'Alaska.
i:r 1)1-: i.v.ih civii.isaiion
25
Kougc, et d une barbe bien lournic. Or, parmi les |X)pulations de ces régions, trois n'étaient point inférieures aux Européens, au point de vue du système pileux, les Ainos, les habitants des îles Lieoukieou et les (>oréens. Les Ainos, refoulés aujourd'hui dans les iles septentrionales de l'Archipel japonais, dans les Kouriles et le Saghalien, ont occupé jadis incontestableivienl une aire beaucoup plus étendue et en particulier peut-être le Japon, sinon tout entier, du moins une partie, suivant les tra- ditions historiques les plus anciennes de cet Arclii[iel qui mon- trent Zin-Mou, le l'ondateur de l'empire, partant de Kiou Siou, nie la plus occidentale, pour aller combattre et subjuguer les peuples à 1 orient de la Chine nommés Mo/in, c est-ù-dire hommes velus.
Il n'y a pas plus de deu.x siècles, d après les récits des Espa- gnols, vivait dans les contrées avoisinant le lac Salé un peu- j-ile nomme .Mo/enlec. barbu, agriculteur et pasteur de bisons. Les Jl'a/v'. réduits aujourd'hui à quelques milliers de pécheurs répandus sur les côtes des lagunes voisines de la Aille de 'l'ehuantepec, racontaient que leurs ancêtres étaient venus par mer du nord-ouest. Ces ]Vaù't\\u'\ étaient barbus et dont la lan- gue ressemblait à celle des Ainos, étaient probablement des descendants des Atsoumai ^■ebi qui, sous le règne de Kakosemo, envahirent le .lapon vers l'an k^o ap. ,1,-C, Il a toujours existe une tradition d après laquelle des nations venaient autrefois d'une région doutre-mer pour commercer aux ports de Coatlaco et de Pechingue, non loin de 'l'ehuantepec '.
Rien n'était plus facile, comme nous l'avons dit plus haut, pour les Ainos que de gagner la presqu'île d'Alaska dans leurs barques, sans perdre la terre de vue plus de quarante-huit heures.
1. Dans un ouvra-e iiilitulO Aperçu f;c,ià\il des trois royaumes, les habitants des ilcs de Yezo, à une ccrlaim; époque, entretenaient un commerce suivi avec les îles Kouriles et le Kouroumouk (Kamtscliatkai; ils allaient jusqu'aux iles Aléoutiennes pour capturer des loutres de mer. On a rem.irqué aussi que les habitants de ces iles avaient les mêmes habitudes que ceu.\ de la presqu ile d'Alaska.
■J()
1)1 1, OKIdlM nl-;S INDIKNS t)r NOIVI Al-MONDr-
Nous rclrouvons cgalemcnt aux ilcs l.icou tchou des hom- mes barbus. P>asil Hall ' qui visita cette terre eu i8i(") dit, en parlant des indii;ènes : ■ Leur chevelure qui est d'un noir lui- sant est rasée sur le crâne. Mais la place nue est cachée par leur manière de réunir leurs cheveux en na'ud au sommet de la tète:, ils laissent croître leur barbe, qu'ils tiennent très propre et très souple. - De leur côté, M.M. Fah et (jrecn, qui faisaient partie de Texpédition américaine sous les ordres du C^ommo- dorc Percy, parlant du système pileux des habitants des Lieou-tchou racontent que dès leur jeunesse, ils ont une riche barbe très noire qui, chez les vieillards, devient aussi blanche que la neige. D'après Basil Hall, leur habillement se rapproche beaucoup de celui des étrangers qu'a rencontr<'S Moncatch Apé. « Les classes inférieures se roulent autour de la tète une étotl'e de couleur qu'ils appellent s^ulac; sur le corps, ils portent un léger vêtement de coton. Leur taille est plutôt basse qu'éle- vée. »
()uant aux armes à ieu, comme ces populations étaient en rapport, depuis des siècle.:, avec la Chine et le .lapon, on ne peut supposer qu'elles soient restées dans l'ignorance à cet égard. La qualité de la poudre et la lourdeur des fusils indi- quent une fabrique japonaise ou chinoise.
(^)uoi qu'il en soit, ce lait, extrêmement curieux, prouve non- seulement qu'antérieurement à l'époque où les Européens ont connu cette partie des côtes de l'Amérique du Nord, l'embou- chure de la Columbia et les plages voisines étaient fréquen- tées par une population asiatique habitant quelque point peu éloigné, mais montre également comment le peuplement du Nouveau-Monde a pu s'opérer par le détroit de Behring, ou par mer le long de la côte du nordoucst de TAmérique.
On s'est demandé si les (.;hinois et les .laponais, ou du moins leurs gouvernements, avaient connu le Nouveau-Monde, avant l'arrivée des Espagnols. Nous en doutons, parce qu'ils auraient
1. Hibliiilhc.jHc uiiiversclli.- l'i's rawiircs. t. l..\l, y. 70.
I r Dr IKLK nVII.ISATION
27
Lontinuc à eiilrclcnir Jcs relations avec les peuples de la C(')te, el qu'en tout cas, leurs annales auraient été plus précises à ce sujet. Cependant on doit tenir compte des recherches de De Guignes, quand il prétend que les Chinois du v' siècle de notre ère se rendaient jusqu'au l-'ou sang, situé à 20,000 lieues de Tahan Kanitschatkal. l^lus tard, dans son Histoire des Iluns, il répète qu'une immense contrée appelée Fou sang, située à l'orient de la (Miine, lut colonisée par cinq prêtres de Samar- kand. Il en est de même d'une curieuse notice qu'on trou\e dans le ]Va-KaH-San-'.ai-dliou-ye (Grande encyclopédie japonaisej sur lel'\)usang. " Cetterégion. est située, à l'est de 'l'ahan Koue, à une distance d'environ 20,000 ly à l'est, suivant l'autorité de 'long Sicu II y croit un grand nombre de iow^an^ (hibiscus rasa Siiieiisisi dont les l'euilles ressemblent à l'arbre Tong. Les habitants possèdent une écriture, élèvent des cerfs comme des bœuls, se font une boisson avec du lait j ils ne se servent pas du fer, mais du cuivre. >
Kn attendant que cette question soit résolue, tout autorise à supposer que le Xouveau-Monde a été peuplé, à une époque qu'il est ditticile de déterminer, par des colonies de race mon- gole venues soit par le détroit de Behring, soit par les iles Aléoutiennes, et que si ce peuplement ne s'est pas etlectué plus tôt, c'est que les climats glacés du nord de l'Amérique n'otl'raient rien de bien attrayant pour des Asiatiques; c'est ce qui explique aussi pourquoi, d'après les traditions, au vu' siè- cle de notre ère, il n'y avait encore en Amérique qu'un petit nombre de tribus sauvages, se couvrant de peaux de bctes, vivant de la chasse et de la pèche, n'ayant pour demeures que des grottes ou des cavernes souterraines.
28
i>i: r. uKKiiM-; i)i:s im)Ii.ns dt noivi;\i -mo.ndi
OHlGINh 1)1- I.ACIVILIS.XTION
DU NOLVKAl-MONDi;
'l'cllt-'s ctaicnt oos tribus, quand ahordcrcnt à la pointe d'Alaska ' scpi barques ou navires montes par des étrangers que i^uidait un prêtre porteur de leur Dieu.
« Ils étaient venus \ disaient-ils, à la recherche du paradis terrestre ' Tamoauchau . C'étaient des f^ens de bonne apparence, bien vêtus d'habits lonj^s d'étoile noire, comme des sou- tanes, ouverts par devant, mais sans capuchon, au col échan- cré, aux manches courtes et larges n'arrivant pas aux coudes, comme les vêtements dont les indigènes usent encore dans leurs ballets, crétaient des gens parfaitement entendus, habiles, de beaucoup d'ordre et d'industrie. Ils travaillaient l'or et l'ar- gent, étaient des artistes, grands lapidaires par dessus tout, très experts autant pour les choses délicates que pour pro- duire ce qui était nécessaire à la sustension de Thommo et pour rompre et cultiver la terre. L^n sorte que partout où ils arrivèrent on les tenait en grande estime, leur taisant
I. A l'égard de l'oiigine de ceux qui, les premiers, civilisèrent ces contrées, les rela- tions disent qu'ils arrivèrent sur sept navires, ce qui a fait croire qu'ils étaient sortis d'un endroit nommé Chicomoztoc , les " sept grottes ». Ils étaient conduits par ur prêtre qui portait son Dieu et le leur, qu'ils consultaient chaque fois qu'ils entreprenaient quelque chose iSagahun).
.:. Torqucmada, Muiiaïq. liid., liv. III, ch. vit.
ET I)F LEUR CIVILISATION
89
beaucoup d'honneur. Quelques-uns se peignaient le corps el mangeaient de la chair humaine. Leur chef était un per- sonnuge considérable, du nom de (Jiietc^al-co/iiial/ le ser- pent oiseau , homme de bonne mine, rond, de visage blanc et barbu, au.\ cheveux longs et noirs suivant les uns, blonds sui- vant d autres, et dont la robe était parsemée de petites croix de couleur rouge. »
(Juels pouvaient être ces étrangers; de quels pays venaient- ils.' De l'autre côté de la mer, répondent le l'opol vuh ' livre sacré des (^uitchés , ainsi que les manuscrits Kakchiquel , Nahualt, l'/utohil, etc., du pays de l'ombre ((lamuhibali, de là où le soleil se lève, de l'heureuse région de Tulan Zuiva ou C^lhiwM, dont les tribus, dans leurs migrations, chantaient les grandeurs et les délices, enfin de Hue Hue Tlapalaii la terre rouge des Hue Hue anciens, anciens.
Ainsi la patrie d'origine de ces étrangers est désignée on ne peut plus clairement, et nous nous demandons comment on n'a pas découvert plus tôt où elle était située. On n'avait ce- pendant qu'à lire le Xcud Avesla el on y aurait vu que, d'a- près la doctrine de Zoroastre, 'l'uran, le pays des nomades au nord où régnait Atrasiab, était 1 image de l'empire de l'ombre, gouverné dans l'ordre idéal par Ahriman, tandis qu'Iran, l'em- pire ae la lumière sous le sceptre de (uistap, représentait l'empire d'Ormu/d. ' (domine l'uran est au nord, l'empire
I. l.c Popol vuh (livre national Jcs Ouitchcs) est l.i rcpioduction partielle Ju 7'to amoxtii livv sacré îles Tohèqnes. L'original Jii Puful vuh a été brûlé par les moines espagnols et ret'.iit de mémoire p;ir un prinee de la lamillc régnante déchue des Ouitchés, quelque temps après la conquête. Lhi prêtre espagnol, Francisco Ximénès, l'ayant découvert dans les dernières années du xmi" siècle, à quelques lieues au sud de Santa Cruz de Quitché, essaya de le traduire en espagtiol, mais ne parvint quVi laire un travail peu compréhensible el incomplet que l'abbé Hrasscur de lîourbourg a cor- rigé et qui, passant par ses mams, est devenu la traduction tiJèle ilu manuscrit (juitché. Le Pofol vuh contient un recueil d'annales historiques, d'autant plus intéressantes qu'elles sont confirmées par d'autres manuscrits qu'on possède en langues nahualt, el kakchiquel, tous se complétant les uns par les autres et remplissent plus ou moins les lacunes qu'on y trouve. C'est en étudiant le Popol vuh et .n l'interprétant avec l'aide d'Indiens quilchés parlant l'espagnol, que nous sommes arrivé à découvrir l'ori- gine des Indiens et de leur civilisation.
H)
i)i: I. oiUdiNi-: i)i:s indii.ns dc ndl'VK.mi-mondi:
dAhriman est do mcmc placé vers le nord. De là viennent les dvii's qui ont accablé de maux Iran et l'en accablent en- core. Ciomme les habitants de ces réf^ions mènent u le vie errante et nuisent à leurs voisins par des invasions continuel- les, ainsi les cieivs sortent du pays de l'ombre, et cherchent à taire du mal. Mais de même qu Ahriman sera un jour vaincu et son règne aboli, de même la puissance des princes touraniens sera renversée. " l.a parole de Zoroastre dominera et l'on verra renaître « l'âge d'or de Djemschid ". [Xeiui-Avcsla, t. h', pp. i26-i(3o. Le pays de l'ombre était donc Tiiiwi ou Turan-Chiwa. Vo- tan, dans un ouvrage dont des Iragments ont été conservés par Ordone/, dit clairement qu'il est de la race des Serpents (Cha- nes;, et que son pays d'origine ét-nt le Chiivim ou le Chiwan, le même que 'l'uran. Le Khanat deîChiwa existe encore et fai- sait autrefois partie du Choaresm ou Kharism, appelé par le Popol vuh Hue-hue Tlapalan : la terre rouge des Hue-hue.
Ce peuple a joué un rôle important dans l'histoire de cette partie de l'Asie.
Le Tong-Kien-Kang-Mou (//w/o/Ve^tvaVii/t' Wt' la Chine en parle souvent et raconte ainsi la fin du royaume de Choa- resm.
". P]n Tan 1222, Tamoudgin '(îengis-Khan) divisa sa grande « armée en trois corps dont il confia le commandement à ses " trois fils : Giagatai, Oktay et Touly. Oktay s'empara de la ville -< dOtrar après un siège de cinq mois. (îiagatai pritOrkandjc et M Hcnaket, Tamoudgin se rendit maître de Balkh et mit le siège " devant '1 alkan qui résista sept grands mois. Lnfin cette place " étant tombée entre ses mains, ainsi que Boukhara et Samar- ■< kand, la grande armée pénétra dans le royaume des Hue hue « dont le roi s'enfuit et alla mourir dans une île de la mer Cas- <- pienne. Le général Suputai Sabutai Bahadour^ fit main basse '< sur les trésors, les pierres précieuses, les vases d'argent et les " envoya à FEmpereur. » Le roi des Hue hue, d'après Thistoire, « se nommait Mohamed (JiMhbeJin, surnomméChoarcsm-Shali,
I- )• ni- i,i:i;i< civilisation
:u
.. (HsdcTagash-Khan, le sixième siillaii do la dynastie des Clio- '. riismicns. H avait reçu de ses sujets le surnom d'Iskender " Thani 'Alexandre II . Lorsqu'il lut attaqué par (Jengis-Klian, « son royaume comprenait le Choaresm, la Iransoxiane, le " Khoraçan, l'iraque i'ersique, le royaume de (ja/nali et la (,'a- I. ramanie. Il lut le dernici- ic>i du ('hoaresm qui resta en la pos- >. session des successeurs de Gcngis-Kan jusqu'à l'arrivée de Ti- '. mour. » Les Hue hue étaient les méme;> que les (^horasmiens dont le nom très ancien est écrit en caractères cunéiformes sur plusieurs monuments de Persépolis. Dans l'énumération des contrées d'Iran et de Turan, Hérodote donne à leur pays les noms de (^horasmia, Choaresm, C^hovaresm. L'inscription que ' Darius lit graver sur les rochers de Héhistan, mentionne parmi les provinces soumises au sceptre du grand roi, la seizième, Urarismia, l'Uvarasmis de Nash-i-rusten, Quairizao en Bactrien. Suivant M. Girard de Rialle, dans son Mémoire sur l Asie cenfralc, ce mol viendrait du néo-perse hhiiar, médiocre, qu'exprime aussi choarem, autrement terre déserte, que Bur- noul, d'un autre côté, appelle terre à fourrages.
Nous croyons, à notre tour^ que celte expression prononcée également khuaresm ou kharism, provient de la racine /,/• qui, en sanscrit, veut dire/h/rt-, ai-iv, d'où sont sortis les mots de kara, acte de la guerre, hwiu, guerrier, soldat, et les noms de peuples tels que les Carias, les Caraïbes, les Galihis, les Guaranis. Les Cares de l'antiquité s'appelaient eux-mêmes les braves^ les hommes par excellence. Gara, chez les Turcomans, signilie : excellents, vaillants, puissants.
Khare.sm ou Khoaresm était donc le pc?ys des Gares, braves, guerriers, ou des Hue hue (anciens, anciens , appartenant tous à la famille touranienne ou scythe. Le nom de Tlapalan donné à cette contrée, convient au sol khivien, formé d'une terre argi- leuse, rougeàtre. Le Popol vuh ajoute que c'était une terre
I. La silualion géographique des (lliorasmions n'a pas change ilcpuis Darius. Ils cul- tivaient déjà les rivages plantureux et le riche delta de l'Oxus, coinme le t'ont encore les ladiiks, agriculteurs du Kliaresm ou Ivlianat de Khiva.
32
l)l'; I. ORIGINK DES INDIKNS DU NOUVRAU-MONDP:
d'abondance ' où les calebasses sont énormes et qui est ar- rosée par un lleuve impétueux (l'Oxusj, roulant ses ondes au milieu de rochers amoncelés, et par plusieurs rivières très boueuses 'L' Sir-Daria '.
D'après la chronologie mexicaine, l'origine des Hue hue re- monterait à plus de l^joooans avant l'ère chrétienne. Des écri- vains, frappés de l'analogie qu'otlrent au premier abord diver- ses peintures indigènes avec l'histoire mosa'i'que, prétendent que cet événement eut lieu 5oo ans après le déluge universel. (Jes Hue hue anciens anciens , seraient-ils donc la souche des Aryas, dont plusieurs auteurs ont 1;-. ; le berceau, soit dans la Bac- triane ', soit dans la région qui s'étend depuis le Turkestan jus- qu'au golfe Persique et de l'indus à la mer Caspienne? Ce qui est certain, c'est que, d'après Hérodote, ils portaient dans l'armée de Xcrxès l'arc de Alédie et le costume Bactrien. En outre, on sait que quand Alexandre de Macédoine poursui^'it les débris de l'armée Perse, la Chorasmie s'était déclarée indépendante depuis quelque temps déjà ; son prince national Pharasmanes lit sa soumission au conquérant grec. Le nom de ce roi, d'une forme absolument iranienne, indique que 1 élément arven avait con- ser\'é sa prépondérance sur le bas Oxus, et démontre oue la séparation de ce pays d'avec le grand empire de Suse et de !-ersépolis, n'était autre chose que le résultat d'un énergique courant d'idées dans le sens de l'autonomie, et non le soulève- ment d'une race étrangère re|M-enanl ses droits méconnus par ce conquérant.
(}uant à la division des .Ar\as en iraniens et touraniens ou
1. Les melons Je Khiva sont connus par lour ginsscair.
.:. Le Sir-Dariii, ancien laxarte qni coule de l'est à l'ouest et se )eltc dans le lac Aial.
>. l")ans l'Histoire de KhotAm, il'Ab^l de Rémusat, se trouve ce passade ; « A partir ae Khaotchan (Khotani) en allant vers l'cjuest, tous les t-ens de ces pays ont les \eii\ enfoncés et le ne/ proéminent. 11 n'y a que les habitants de ces pays Khotam), dont l.i tigurc ne soit pas très étrange et ressemble beaucoup 'i celles des habitants de la Chine. > Cette observation positive est une des plus importantes, en luisant de Klioiani la limite des races mongoliques et des races ;i tvpe caucasique. Shaw, dais sa \'isit ta higlt T^vtM-y, est du même avis
Ci
Fr OF LKVH CIVILISATION
33
Scythes, les premières annales de l'Inde, dépouillées de leurs tables et interprétées dans leurs allégories, nous ont appris que les noms d'Iran et de l'uran comprenaient l'antique division des montagnes et des plaines de cette partie de l'Asie, habitée par la race aryenne ou indo-perse. On appelait iraniens, tous ceux qui. dans cette région, avaient des demeures fixes, par rapport aux ' louraniens ou Scythes, pasteurs ou nomades aussi avancés que les premiers et préiérant la plaine à la mon- tagne.
Les Iraniens ou Perses, et les louraniens ou Scythes, d'a- près Ammien Marcellin, étaient le même peuple. Les Mèdes, souvent mêlés dans les expéditions et l'hi-stoire des Scythes primitifs, étaient Iraniens, de plus {.rande industrie et plus amis de la vie sédentaire. Mais les Iraniens établis dans les villes où ils prenaient le nom de Zendes, ne dédaignaient pas celui de Scythes qui remontait à la plus haute antiquité. Les rois pasteurs de l'Egypte n'étaient autres que des Scythes '. Champollion a lu mille l'ois le nom de Shoto, donné comme épithète insultante, par les vaincus convertis en vainqueurs. Les peintures qui ornent les palais et les tombeaux des rois de Thèbes montrent des portraits très ressemblants de peuples Scythes au teint blanc, avec des cheveux châtains ou rouges . Les grands bas-reliefs de Médine Abu représentent les Cara- maniens et les Gédrosiens, la tète couverte d'une peau de che- val. Djemschid, nom royal et national, est rapporté par Eugène Burnouf à Yama-Shacta, le Sc)the brillant. Si Ton consulte le.'^: ouvrages chinois, on verra, d'autre part, dans le I-Lviu;- che-saii-/x\:o, que le pays ancestorial des Hue hue était situé
I. Le 111,111 de touranicn vient liu livre des Rois de l'erdaiiie; celui de Scythe, SIiuUj, Skolotos, nomades, pasteur.s, avait été donné à ces peuples à cause de leurs habitudes.
i. Joseph donne aux rois pas'.eurs le nom de UicUsos qui, prononcé i\ l'orientale comprend le nom des Scythes Shoto.
3. L'histoire nous apprend aussi (Diodore, liv. I, p. 3b , que les Perses sous Cambj'se, après la conquête de l'J^yptc, tirent venir des architectes de ce pays pour élever des palais à Suse, à l'kbaiane et que la domination perse en Egypte a duré t3i ans.
34 1)1-: I-'ORIGINK in:S INDlf'NS I.l' NOLVKAL'-MONDK
à Test de l'ancien royaume du '.'.'atsin et a formé le royaume nommé Po-cul-sia ou l\io-lze (Perse^.
Il A la crise linale c[ui renversa l'empire romain d Occident, a dit un de nos historiens, tous ces peuples venus des régions qui avoisincnt la mer Caspienne, formaient une chaîne non in- terrompue de rindus et du Gange jusqu'aux rives de la Ikilti- que et du Belour-Tagh jusqu'à Tarchipel Britannique, présen- tant, à l'exception de quelques Mongols et Huns qui avaient suivi le mouvemeut, les mêmes caractères physiques généraux et parlant la même langue avec des dialectes dilférents. » C'est de cette langue que sont sortis, comme d'une souche commune, le /end, le sanscrit, le persan, le grec, le latin, le teutonique, le slavon, le lithuanien, le nahualt, le maya, le quitchua ou aymara, etc.
Ainsi ce sont bien les Aryens, Iraniens, Perses, 'i'ouraniens, Scythes, qui, partis du même point et poussés par une volonté supérieure à la leur, ont porté à toutes les nations non éclairées le tîambeau de la vieille civilisation asiatique '. Qu'y a-t-il d'étonnant après cela qu'une colonie de celte même famille ait été choisie par la providence pour remplir un rôle analogue auprès des tribus sauvages du Nouveau-Monde 7
Laissant de côté l'histoire des Hue Hue ou Chorasmiens, qui nous entraînerait trop loin, nous dirons seulement que, vers l'an 65o, la plupart d'entre eux turent obligés de quitter leur pays quand le calife Othman, après avoir battu et renversé de son trône le malheureux Ye/degerd, voulut imposer la loi de l'Islam à tous les sectateurs de Zoroastre.
I^endant que les Parsis se réfugiaient dans les contrées mon- tagneuses de la Perse, dans le Kerman, le Guzerath, un certam nombre de Hue hue profitèrent des facilités de communica-
I. Ce sont les Aiyons qui oiM vaincu et civilisé les pi;u;i|cs Je race mongole. Les premiers habitants île 'liule de race noire ou négroiJc .|ui se rapprochaient du type éthiopien, avaient été obligés de se soumettre. Plusieurs siècles avant les Védas, les Aryens avaient fondé des villes populeuses dans l'Inde. C'est ce qui explique les nom- breux rapports e.\istant entre les races peisane. inditauc et américaine.
FT DP. LEUR CIVILISATION
35
tion ' établies déjà à cette époi^juc entre l'Arabie, la Perse et la Chine pour se rendre à Canton où ils bâtirent, vers le milieu du XV' siècle, les premiers temples de la religion du génie du teu Ho-chin-kiao-sze ou Po-sze-kiao-sze (temples de la religion persane;.
Leur nombre ne tarda pas à s'accroître et, au ix'= siècle, ils étaient répandus dans tout l'empire, si l'on doit ajouter foi aux récits des voyageurs arabes Wabah et Abusaid. Les raisons qui les ont obligés à émigrer et à quitter la mère-patrie sont exposées par les manuscrits qu'on a trouvés depuis la con- quête '. -' Ce qu'on distingue au milieu de leurs plaintes, disent ces manuscrits, ce sont des guerres terribles causées par l'op- pression et la tyrannie. Des nations : j rassemblent avec les chefs, venant de l'Occident et de l'Orient. On en voit d'autres qui descendent des régions plus lointaines du septentrion. Les unes arrivent pour imposer leur Dieu, les autres pour oll'rir leurs bras et prendre part au combat. Plusieurs peuples sont mis sous le joug. Quelques-uns trouvent le moyen de fuir. Ils s'échappent avec les chefs, qui, pour les animer, leur montrent au d'ilà des mers une patrie où ils cesseront d'être esclaves. <' Partons, mes enfants, disaient les chefs, les pères et les mères aux treize divisions des sept villes et aux treize divisions des guerriers. Par delà les mers, nous trouverons une autre pa- trie. Ils se mirent en route et arrivèrent sur le bord de la mer
r. Los relations commerciales ciuic les peuples de l'Asie et de la (^lii ne ont commence sous la dynastie des Tsin. Les empereui's Iliao-yucn-ly et lliao-liing-ty (de i5l a 170 ap. J.-C.) reçurent des piéseiits que le monarque de l'Inde et l'empereur romain leur en- voyèrent par la mer Orientale; l'histoire rapporte que sous Houîn-ty (iiif) ap. J.-C.) des ambassadeurs de l'empereur Antun arrivèrent par mer dans le royaume du Milieu; ces relations ont continué sous les dynasties suivantes. Sous les Léang, de 55i à 55-, et sous le règne de Kao-tsin, les jonques chinoises se rendaient en grand noinbre à l'ile de Ccylan et dans les ports de l'Inde. Au commencement de la dynastie des Tang, G18 ap. J.C , le commerce entre la Chine, l'Arabie et la Perse prit une e.xtension considérable. Pour aller de la Chine à l'entrée du gollè Pcrsique, on ne mettait pas plus d'un an et ((uelques jours (aller et retour; , quelques-unes des jonques qui taisaient ce trajet por- taient jusqu'à 400 tonnes.
;. Manuscrit KaUchiquel de l'ccp.in Atitlan, etc.
M')
1)1. l.'ORI'-.iNi: Iii:S INDIENS l)i; NOfVEAU-MONDK
OÙ ils restèrent quelque temps avant de s'embarquer, craignant sans cesse de voir se lever sur leurs tètes Tèpèe sanglante de leurs tarouches persécuteurs. "
11 est probable que c"est une colonie de ces Hue hue, ou Cares, établie dans le nord de la Chine qui, pour tuir quelque persécution locale, gagna le .lapon d'où elle s'embarqua sur des jonques et, guidée par des pécheurs de l'ile de Yé/o habitués à naviguer jusqu'au Kamstchalka et aux îles du Renard, débar- qua à la presqu'île d'Alaska à la lin de l'hiver, après une tra- versée des plus pénibles que rappelle un manuscrit Kakchi- quel :
.. Ils arrivèrent, dit le mémoire de Tecpan-Atitlan, après un vovage pénible au îiiilieu .le rocs amoncelés sur la mer des gla- ces;. Quand ils turent débarqués, ils n avaient pour toute nourri- ture qu'une gorgée d'eau à boire et un peu île mais ' à manger. » Les traditions ajoutent qu'en touchant au rivage, ils se réuni- rent sur une montagne voisine qui reçut d'eux le nom de Chi- pi/ab lieu du mandat ou du conseil . La joie qu'ils éprouvèrent en revoyant la terre lut (.ij courte durée. La misère et les cha- grins les attendaient sur c; sol nouveau. Ils étaient dans le froid et I obscurité, dépourvus d'aliments, sans savoir de quel côté i's dirigeraient leurs pas. " Les pages qui suivent parlent Iréquemment de cette obscurité et de cette nuit si prolongée, qu'ils trouvèrent non seulement pendant la traversée, mais en- core un certain temps après leur débarquement. « Pendant qu'ils étaient avec ' urs dieux sur la montagne de Chipizab, les quatre sacriiicateurs jeûnaient continuellement durant les veil- lées de cette long-itc uni/ des régions boréales '. Ils étaient tris- tes et sans aucune consolation. C'est alors que leur dieu, par la voix de leur chef, parla. - Partons, leur dit-il. Qu'avons-nous besoin de rester davantage en ce lieu? 11 est temps de gagner
1. Ce maisav.Tit dû ctro apporte avec eux, car le mais ne pousse pas par une latitude aussi élevée.
2. Cette longue nuit permet de reconnaître les régions où Ils abordèrent, et l'époque de l'année où lU tirent leur tiaversée et débar.|uèrent.
KT DE LF.LR CIVrLlSATlON 'Sj
d autres régions meilleures; car voici que la lumière approche lia fin de l'hiver). Malheur à nous, si Tennemi nous voit, s'il nous t'ait captits dans ces murs où vous nous tenez, vous autres sijcrilicateursl Ils partirent alors et, pour ne pas perdre leurs dieux, ils les cachèrent dans les bois et les fondrières. Quelque temps après le soleil reparut, les animaux, grands et petits^ furent remplis d'allégresse. Tous sortirent des rivières et des ravins; montant jusqu'à la cîme des montagnes et tournant la tète du côté d'où venait le soleil ils firent entendre leurs chants et leurs cris de bonheur. Le premier qui chanta lut l'oiseau quetzal. C était une joie universelle dans la nature; tout ce qui pouvait voler déployait ses ailes, l'aigle et le milan ainsi que tous les oiseaux grands et petits. La surface de la terre commença à se sécher par l'action du soleil. Jusqu'alors tout était humide et fangeux. Mais sa chaleur était faible et il ne fit que se montrer lorsqu'il parut , comme une image dans un miroir. Ce ne peut être le même soleil qui luit au- jourd'hui. Ainsi disent les traditions. » Les tribus étaient encore en petit nombre, ajoute le manuscrit. Mais ce fut là qu'elles commencèrent leur premier établissement et qu'elles se multiplièrent. C'est aussi là qu'ils se séparèrent par groupes parlant des dialectes dillérents. La division ayant eu lieu, les uns allèrent à l'Orient ; un grand nombre vinrent de ce côté. Or, en ce temps-là, ils ne portaient pour vêtements que des peaux de bètes fauves; car ils n'avaient pas encore trouvé le moyen de fabriquer de bonnes étoffes, lis étaient pauvres, dépourvus de tout, mais ii» étaient aussi sages que savants (Nahiial) '. »
« A la suite de ces événements, la tradition interrompue a perdu le souvenir des lieux par où passèrent les ancêtres des Quitchés, et l'on ignore où ils fixèrent leurs demeures et prirent leurs femmes. On sait seulement que les tribus se réunirent peu à peu et formèrent des sociétés qui se répandirent partout '. »
1. .Manu5i.iit liuiMic ilc t.liicliibcatcnansu. j. .Mènii; maiiuaciii.
38
DE I-ORIGINK ni:S INDIENS DL' NOUVEAI-MONIM-;
" Suivant les traditions, les ancêtres des QuitchOs appar- tenaient à une nation puissante, établie dans une région lointaine au delà des mers. Ayant été persécutés par un peuple enva- hisseur^ ils se décidèrent à abandonner leur patrie pour cher- cher au-delà de l'Océan un retuge où ils seraient à l'abri de la vengeance et de la tyrannie, (ne escadre composée d'un grand nombre de navires emporta les exilés aNec leurs familles. Après un long voyage, ils débarquèrent dans un lieu très Iroid, où les nuits étaient tort longues, et s'établirent dans un pays nommé Vucub-Pecou\'ucub-Cui\an, les sept grottes ou les sept ra\ins. De là ils se transportèrent à Xeni-Main sous le Grand-(]aïman , où ils s'arrêtèrent dans des parages déserts qui, pour cette rai- son, reçurent le nom de Tulan. Là ils fondèrent divers Etats, dont le plus (lorissant tut celui de Tulan. Ensuite, ils furent obligés de quitter cette nouvelle patrie et quelques-uns arri- vèrent, après des fatigues et des dangers de toutes sortes, dans les montagnes de Quitché '. »
Voilà à peu près tout ce qu'on sait jusqu'à présent sur l'his- toire de cette époque. Tout le reste est hypothèse. Les pre- miers indigènes qu'ont rencontrés les Touraniens ont dû être les Esquimaux, dont les traditions ont conservé encore le nom de Caralit ou Garlik, qu'ils nomment leur fondateur. Ces Esquimaux devaient occuper la même région qu'actuellement. Cependant, des ustensiles leur ayant appartenu, retrouvés dans le Massachusets, donnent lieu de croire qu'à une cer- taine époque ils se .sont étendus beaucoup plus loin. On dit même qu'au xi*^ siècle, ils disputaient encore ce territoire aux Algonquins.
Il est difficile de savoir s'ils avaient reçu des louraniens une certaine culture intellectuelle; cependant MAL de Hum- bold et Vater ont signalé dans les langages de quatre nations appelées "^'ocualt, Kolushi, Lgalcamamutsi et Kinautsi qui ha- bitent les côtes et les îles de la Californie, depuis le 43° de
I. Manuscrit Zutuhil, dans la chronique de San Francisco de Guatemala.
1;
1 T nr. I.KtR CIVILISATION
3o
latituJc jusqu'au 60" où commencent les bourgades des p]s- quimaux, de grandes atfmitésavec la langue mexicaine. M. Va- ter, en comparant les vocabulaires des langues des Kolushi et des Ugalcamamutsi avec celles des Mexicains, a trouvé deux cents mots désignant les mêmes objets, et vingt-six polysyllabes de la langue mexicaine, qui ont une si grande aliinité qu'ils paraissent dérivés des mêmes racines. On a remarqué aussi que les naturels de la côte, au nord de Xoolka, montrent une certaine aptitude pour la sculpture et qu'ils font usage des hié- roglyphes-, enlin, M. de Humboldt a obser\é que, comme les Mexicains, ils mesuraient le temps par des mois de vingt jours.
De la baie d'Hudson aux grands lacs devaient s'étendre, comme aujourd'hui encore, les Athnpascas qui, émigrant de leur patrie primitive, véritable terre damnata ', se sont répandus ensuite le long des versants des IVlontagnes Rocheuses, de l'O- régon et dans les plaines du Nouveau-Mexique sous le nom d'Apaches, Xavajas et Hiparas, et sont arrivésau delta duRio- Grande et au golfe de Californie (.es Algonquins qui vivaient à l'orient, sur les bords de l'Océan, disséminés jusqu'au cap Hatteras, étaient, au temps de la découverte, seuls possesseurs du pa)s, qui comprend maintenant le Canada et les Etats de l'est des Etats-Unis, au nord du 33' parallèle. Les récentes re- cherches des linguistes ont démontré l'existence d'un fond de racines communes dans les langues des Apaches et des Algon- quins. D'après Buschman, les Athapaskes, les Dakotas, les Soshones, les Etes, les Comanchcs parlaient un langage ayant beaucoup d'affinités avec le nahual, et tous ces peuples, comme nous le démontrerons plus loin, suivaient la même religion et avaient les mêmes coutumes que les Mexicains, Centro-Amé- ricains, Péruviens, etc.
I. La culture profitable du mais ne s'cteiui pas .Tu-dclà du 5o' degré tl à moins de 7 degrés de latitude. La mo)enne de la température annuelle est au-dessus de zéro, l'agri- culture est impossible. Les seules ressources consistent dans lâchasse cl dans quelques produits de la liorc arctique.
40
1)1- 1, ORIGINE DFS INDIKNS Df NûrVKAl-MONUI
Au milieu du pays occupé par les Alf^onquins, sur les bords du Saint-Laurent et des lacs Ontario et Krie, vi\'aienl les Iro- quois formant la conlédération des cinq tribus. Ils étaient plus avancés que les Algonquins, leurs ennemis, et plus agricul- teurs. Au sud, dans les vallées isolées du i'ennessee oriental, habitaient les Chéroquees. fclntre les avant-postes des Algon- quins, au sud, et le golfe du Mexique étaient disséminés de nombreux clans parlant les dialectes de la langue chakta iVlus- kokee, tels que les (llioktanes, les Chikosa^vs, les Kreeks, les Natchex de la Louisiane, les Apalaches, les Séminales de la Floride, les Uahee, les l'oranquos, dont les langages se rap- prochaient du maya.
Au nord de l'Arkansas, sur la rive droite du Mississipi jus- qu'au lac de Michigan, on trouvait les Dakotas ou Sioux, dans le bassin supérieur du Missouri, au nord, les Soshones ser- pents, avec les l'tes, les Comanches, dans la contrée occupée aujourd'hui par les Pieds-Noirs. Enlin, dans le bassin de l'Oré- gon, les 'i'éles-Plates, les Nez-Percés.
Ces peuples ou tribus avaient été en contact et en commu- nication a\cc les Touraniens. Il est établi par Torquémada et par Bétancourt que, dans une marche faite par les Espagnols, en i6o(), à ()00 milles au nord-ouest du Nouveau-Mexique, ils trouvèrent de grands édifices et des Indiens qui, parlant la lan- gue mexicaine, leur dirent qu'à quelques jours de marche, au nord, se trouvaient autrefois le royaume deTulhan ' et d'autres provinces peuplées d'où étaient sortis les premiers habitants du Mexique.
il n'y a pas plus de deux siècles, d'après les récits des Espa- gnols, dans les contrées voisines du lac Salé vivait encore un peuple nommé Mo/enlec, qui était barbu, velu, agriculteur et pasteur de bisons, il était .^ous la domination d'une noblesse considérable, formant comme une nation à part, qui s'appe-
I. Il est probable que c'est là le Tolan ou région déserte ilotit parle le niaïuisciil Zu- tuliil v|ue uoiib a\oiib cite plus haut.
ET UK l.Kl'K CIVILISATION
4>
lait 'laguglauk et qui habitait des villes totalement inconnues aujourd'hui. A Utah, près du grand lac Salé, on voit sur les rochers qui bordent le lac, des figures de grandeur naturelle entaillées dans un granit bleu, très dur, à plus de 9 '" au-dessus du sol. Ces travaux doivent remonter à une époque déjà re- culée.
Entre le lac Salé au nord, la Sierra Nevada à le .-t, les Mon- tagnes Rocheuses à l'ouest et le Rio Gila au sud, se trouvent un vaste désert et des plaines sablonneuses qui n'ont jamais dû être habités par des populations civilisées Mais entre les Mon- tagnes Rocheuses et un rameau qui court parallèlement du nord au sud, coule le Rio Grande del Norte sur les bords du- quel, à partir de Santa Fù, on rencontre de nombreuses ruines. Les Soshones ont conservé le souvenir dune grande nation policée dont les monuments existeraient encore dans les mon- tagnes et que des bouleversements naturels auraient obligé à quitter cette contrée. Lorsque les Espagnols pénétrèrent dans les régions montagneuses qui portent aujourd'hui le nom de Nouveau-Mexique, ils rencontrèrent, sur les bords du Rio Ya- qui, une nation à demi-civilisée qui bâtissait de grandes villes et récoltait d'abondantes moissons. Cstte nation comprenait soixante-dix bourgades fortifiées dans la vallée étroite que sil- lonne ce fleuve, et à la force des positions très bien choisies se joignaient la hauteur et la solidité des maisons dont chacune formait une forteresse. On appelait ce pays Cibohi ou les Sept Provinces '. C'est là que plusieurs auteurs ont placé Chicomos- toc, les Sept Grottes et Aztatlan. Torquémada, Sagahun et d'au- tres écrivains prétendent que, suivant les peintures mexicaines et les documents historiques qu on possède ', Aztatlan était la capitale du pajs des Mexicos, Mec Scythas ou MecScythi, et
I. Immola csl II' même nom que Vuculi IVi; nu Sucub-Coswan ilu manuscrit Zu- tuhil.
^. Des auteurs placent Aztatlan Chicomostoc tantôt aux environs de Teocolhuacan de Sinaloa, tantôt dans la basse Californie; d'autres sur les bords du Rio Gila ou bien dans les réfiions les plus lointaines de l'Aniériquc du Nord. Des histoires anciennes
m
42
1)1 I, OUIGINI l>t:S INDIENS IM" NOL'VKAl'-MONDK
était bâtie sur les bords du fleuve N'aqui. Herrera soutient éga- lement qu'on donnait le nom d'A/.tatlan au lleuve Naqui qui portail encore ce nom lors du passage de Nune/ de (iu/man. L'aspect des bâtiments vastes et réguliers indiquait une race déjà avancée, (les peuples, d'après Castaneda, \i\aient dans de grandes salles creusées dans la terre et dont le toit venait au niveau du sol. (tétait probablement le genre de demeures adop- tées dans le principe par les tribus et dont on a découvert der- nièrement des traces dans ces mêmes régions. Au centre était le teu entretenu par les lemmes dont les époux et les lils, réunis en cet endroit, filaient et tissaient le coton ou fabriquaient les outils et les armes. Le reste de la maison, 01; plutôt de ce sou- terrain, appartenait à l'autre sexe qui, seul maître, s'> livrait sans contrôle à ses j-^ropres travaux. Ces peuples savaient tan- ner les peaux des bétes fauves de manière à les rendre aussi souples que le linge le plus lin Us se servaient également d'é- toties de coton parfaitement tissées, de draps de laine qu'ils re- cevaient d'une province voisine plus septentrionale nommée Totoutcac. Ils chaussaient des brodequins de cuir, avaient des bijoux d'or et d'argent, des pierres précieuses bien taillées, des poteries vernissées aussi remarquables par la forme que par le dessin et les couleurs. Ils connaissaient, en outre, le chant et la musique, (chaque bourgade était gouvernée par un conseil de vieillards, et, en cas de guerre, un chef militaire prenait le com- mandement. Leur religion était une sorte de sabéisme sans sa- crifices sanglants. Us parlaient la même langue et avaient les mêmes mœurs que les Mexicains.
Cet établissement a dû être le premier qui fut fondé par les immigrants touraniens. Plus tard, il s'est étendu considérable- ment, et, quand les traditions disent que tel peuple était sorti de (Jhicomostoc ou d'A/tatlan, il est probable que l'on comprenait
menlionnciil un prince nomme Montczuma qui auiait rt'gnii aux bords du Rio Gila sur Aztatiaii Chicomostoc au xr siècle.
Aztailan veut dire prèi de l'eau. D'.iprès une autre version, A;!latlan Cliicomosloc elait la légion des Sept Grottes entourées d'eau Je tous coiés.
I-.T DF I.KUR CIVILISATION
43
SOUS ce nom tout le pays situé au nord-ouesl du Mexique. Kntre le Colorado Chiquito el le RioGila, la région parcourue aujourd'iiui parles Apaches est couverte de ruines de villes et d'édilices antiques. Dans les grottes de Cosminos, on voit des travaux denihellissenient, des statues, etc. I^lus au nord, au coniluent du Kio Virgen et du Colorado^ vivent des tribus qui seraient, croit-on, des descendants des habitants de Totonteac au nord-ouest de Cihola. Tout le pays est parsemé de ruines. Kn arrivant sur les bords du Uio Gila, qui prend sa source dans la montagne de Mongolon et qui, après avoir parcouru la val- lée de Santa Lucia, se d.rige à l'orient, reçoit le San Francisco et va se jeter dans le Colorado, se trcuivent également u s restes de villes qu'il sera pendant longtemps ditiicile de reconnaître à cause de la nature du terrain et des peuplades féroces qui habi- tent ces contrées, (^est surtout près des sources du fleuve que se présentent les débris les plus considérables, Ce sont des vil- les avec des maisons de pierre à plusieurs étages et entourées de fortifications indiquant que toute cette région fut le séjour d'une population nombreuse et civilisée. (^)uelques-uns de ces édifices, de forme rectangulaire, rappellent le style des Casas (Grandes de Monle/uma plutôt que les bourgades de la vallée du Rio del Norte. Les grandes pierres qui ont servi à les cons- truire ont dû être apportées de fort loin. A côté de ces ruines, il y a des restes de canaux et d'autres travaux d'irrigation. Au dire des indiens, ce sont des convulsions de la nature tremble- ments de terre sans doute) qui ont contraint les habitants à les
1. Les tours jclccs sur les deux versants des .Montagnes Rocheuses, les demeures que nous voyons dans les Canons (c'est le nom que les Espagnols ont donné aux gorges étroites du Colorado et de l'Arezona) n'excitent pas moins l'étonnement. 1-es cavités, les aspérités du roc ont été creusées, les plales-lormes nivelées. Les habitations souvent à plusieurs étages, élevées à l'aide de quelques pierres cpautécs à coups d'autres pierres et placées sans aucune espèce de ciment. D'autres t'ois, notamment sur les rives du San ■luan, les ruines nous montrent des constructions en briques larges et épaisses avec des joints régulièrement cimentés. .V Astersprung Colorado, elles couvrent une superhcic de 4^0,000 pieds carrés, et l'on n'estime pas à moins de i,5oo.ooo m. cubes la quantité de terre employée à leur construction. Tout récemment encore un journal de San Fran- cisco, l'Alta CtxUfomia, citait la découverte de plusieurs villes incinnucs jusque dans la
44
1)1 I.OKlOINi: l)i:S INDII'NS 1)1 NOlîVKAU-MONDK
abaiulonncr. Au suJ, le long du cours supérieur du Uio ^aqui, deux amas de ruines lort anciennes nous montrent les emiMacc- ments où turent la grande '^)uivira et uneautrecité qui n'a pas transmis son nom à Thistoire. La grande (J|uivira gil à l'ouest, non loin du massil montagneux de San Uernardo qui marque la limite commune de la Sonora, de Chihualiua et d'Arezona. Située par l^S'de latitude, elle commandait les défiles du nord. Plus au sud par .U", une ville détendait le passage de la Ca- nada de (juadalupe dans la Sierra Madré de Sonora; enfin^ par 1^0" 22' de latitude nord et 1 10" de longitude ouest de Paris se trouvaient Las Casas Grandes de Malit/in ou Monte/uma, fer- mant un des pussages qui sépare l'Anahuac des contrées sep- tc'itrionalcs. C'était un immense établissement agricole, com- prenant des maisons isolées et toutes tortillées sur un espace de 60 kilomètres carrés. Au sud, dans la province de Sinaloa, s'élevait la cité importante de Teocolhuacan ' dont, jusqu'à pré- sent, on ne peut lixer le véritable emplacement, quoique, d'a- près Las Cases, au temps de la conquête, c'était une ville encore florissante. Elle était ornée d'un grand nombre de temples, de tombeaux superbes qui la faisaient considérer comme la ville sainte où les populations voisines se rendaient pour sacrifier à Tetzauh Ma déesse de l'épouvante . Ses l'eocallis étaient
\allcc Je Pueblo Nczo. au sud ilu Rio Cila Arezona. Maigre les ilillicultes qu'on éprouve à faire des tou'''cs dans cette région où les Pumas, les Apaches sauvages causent de véritables dan trouve des poteries, des haches, des anneaux, des perles, des
pierres pou' mais. L'historien Vaca dit que les demeures du Colorado étaient
encore ;a hn du xvi^' siècle. (Lcx yiemicrs hommes, marquis de Na-
dailli
Fo. ns ses Prchisioric races of thc united statcs, dit, p. i52, que, sur les bords
du Colorado, il n'existe pas un niélre carié qui ne fournisse l'évidence d'une occupa- tion antérieure par une race totalement dillérente des hordes nomades qui errent dans cette région et en tout supérieure .i elles.
I. Celte ville devait être située par l'è degrés dans la prosince de Sinaloa, ainsi que l'indique le manuscrit Zutihil quand il dit que le premier établissement fut fondé sous le grand Caïman, c'est-à-dire le tiopique du Cancer. — Une autre conlirmalion de cette supposition, c'est que les Mayos, Vaquis, Tepehuanes et autres tribus de ce dernier groupe formées en confédération \ivaient dans la région située entre les i'^ et 27 de- grés
r r i)i; urru civit.iSATiON
4!)
scmblahlcs à ceux du Rio (Jila et du Nouveau -Mcxuiuc.
Dans la région 4.-' forme aujourd'hui la (Californie propre- ment dile, entre la Sierra Nevada et la mer, on n'a pas re- trouvé jusqu'à présent de traces de peuple civilisé. Les restes de quelques trihus qui habitent la côte entre San Francisco et la pointe (loncepcion ne ressemblent pas aux autres tribus. bJUes ont la peau de teinte très toncée, tirant sur le noir. Leui type général se rapproche du malais. Kl les sont, en grande par- tie, anthropophages. I.es Indiens qui viventàune petite distance dans l'intérieur ont un tout autre type, de même que ceux qui sont établis depuis le cap de la Concepcion jusqu'à San Diego et dont le type est japonais. C'est dans le comté de Santa Bar- bara que se trouve la tribu dont quelques individus purent se faire comprendre dans leur propre langage des membres de l'ambassade japonaise qui vint à San Francisco en i8G5. Plus loin, dans le val de Ikuidaras, sur les bords de la mer, près du village de Jalisco, on a découvert deux établissements nommés Atatonalco et Ameca. Enlin, sur les bords du lac Cha- pala, se montrent les vestiges d'un ancien centre de popula- tion.
Si, pénétrant ensuite plus au nord-est, on cherche les traces des peuples qui ont joui d'une certaine civilisation, on peut dire qu'on en trouve disséminées un peu partout ; telles que des collines arlilicielles nommée" par les Américains Moiinds, d'an- ciens canaux, des tertres gigantesques, des fortifications en pierres, qui sont autant de témoignages éloquents de l'exis- tence et de la disparition de nations jadis fiorissantes habitant cette partie de l'Amérique et qui, aujourd'hui, sont oubliées ou sont redevenues de sauvages Peaux-Rouges. Les savants amé- ricains qui s'occupent de ces recherches si intéressantes pour la science, découvrent chaque jour de nouvelles preuves cons- tatant que les Comanches, les Iroquois, les Soshones, les Nat- chez, les tribus del'Orégon, etc., etc., avaient la même religion, les mêmes mreurs, les mêmes usages, la même langue que les Mexicains. Ce qui confirme ce que nous avons dit au sujet du
%'
46
DK L ORIGINF DES INDIKNS DU NOUVEAU-MONDE
séjour parmi eux de la colonie touraniemic venue des régions avoisinant la mer Caspienne.
Le premier royaume fondé par les Hue hue et dont Teo Colhuacan était la capitale, s'appelait, suivant -es traditions, Hue hue Tlapalan, en souvenir de la patrie perdue, et ses ha- bitants Trhue les grands Hué ou Hue hue. l'eo Colhuacan est nommée aussi Hue Colhuacan. D'après Ixtli!.\ochitl, les tribus qui envahirent VAiiahiiac, à la fin du vu"' .siècle, sous les ordres de la Couleuvre blanche nébuleuse, étaient des tribus qui s'é- taient révoltées contre le roi de Hue hue 'llapalan, dont la capi- tale était Hue hue Xalac, La première ville que bâtit Mixco- hualtfut Hue-hue Tocan. Il est probable que c'est à rettc époque que se formèrent les deux groupes distincts que Ton retrouve dans l'histoire sous les noms de .Mc.ùcas, Mec-Scylhi, 'l'oltè- ques, Nahuas, Aztèques, (^uitchuas d'un côté et Caras, Caris, Caraïbes, Colhuaques, Mayas, Aymaras de Tauire.
.\lexicas ou Mec-Scythi ou Scythi est 1 ancien nom de ces peuples. Mec est la marque du pluriel en nahualt et indique la filiation en maya. Torquémada raconte qui. lorsque les chefs Tépanèques se présentèrent au roi de Teneyocan, ils se firent reconnaître comme do^ ScyHiis dont les ancêtres étaient aussi illustres par la noblesse de leur race que par leurs actions hé- roïques. Ces Scythis, ajoute cet auteur, venaient d Artatlan Chicomostocar. •
Dans l'ouvrage de Thévenot, imprimé à Paris en 1644, à l'ar- ticle Mexique, p. 47, sont jointes soixante-trois planches d'un manuscrit mexicain trouvé cl ]uiblié par .Manuel Purchas, sa- vant théologien anglais. La première partie de ce manuscrit a rapport aux annales de l'empire, à la fondation du pays et au.\ conquêtes des Mecili sic . Ce même nom, qui se trouve dans un grand nombre de traditions orales ou écrites et qui a été donné à l'empire du Mexique, conviendrait mieux à toute lAmérique septentrionale.
Le nom de ''' Itèques a dû être donné au groupe des Mexi- cas après la fondation de Tula, Teca est la marque du plu-
ET DE LEUR CIVILISATION
47
riel désignant, cmi nahuall, les habitants d'une ville. Ainsi, de riascala (ville i, on fait Tlascaltecalt, habitant de l'iascala au singulier et 'l'Iascaltecall au pluriel.
Nahuas était le nom de tous ceux qui parlaient l'idiome nahualt dont l'étymologie vient de na ou nao; savoir, ;;7.ï en sanscrit. Les Yaquis, qui appartenait au même groupe, étaient des nomades ou des sacrificateurs, suivant le sens qu'on donne à cette expression, d'après le sanscrit : « Les Yaquisqui, depuis, s'établirent là où est Mexico, « dit le manuscrit Quitché de Chichiscatenango. Les anciens auteurs appelaient le royaume de Chiquinuila Pa Ycujiii chez les \aqui . Dans le ballet-drame Xahot-tun, le héros de Rabinal, parlant de ses armes venues de Mexico, dit ma hache et mon épee de Vaqui.
■' Alors ils se souvenaient de leurs Irères qui étaient lestés loin derrière eux, de la nation des Yaqui, que leur aurore éclaira dans ces contrées, nommées aujourd hui Mexico >< (Po-
pol Vll/l).
11 existe encore des Indiens ^"aqui sur les versants occiden- taux de la Sierra Madré.
Les Aztèques étaient des tribus du même groupe sorties d'A/ latlan, dont nous parlerons plus loin.
J)ans le deuxième groupe, qui se distingue du premier par la langue, le culte, la manière de bâtir, les uKeurs, I habitude de détormer le crâne des nouveaux-nés, se trouvent, en première ligne, les Caras ou Caris, Caraïbes dont le nom rappelle celui des vaillants guerriers du Kharism, leur patrie; on les appe- lait aussi Walknas nomades).
Quant Colhuacan lut tonde, les populations appliquèrent à ses habitants, qui appartenaient à ce groupe, le nom de Col- huaques, Colliuacan signilie ou adoration du serpent, de Kulh adorer en Maya et en assyrien. Kan 'serpent ou serpent re- courbé, suivant l'abbé Pirasseur, ou bien encore le serpent divin en tzendal. (Jette expression implique une idée du serpent qui, comme nous le \ errons plus loin, était un des mythes de la religion de ces peuples. Dans le Vucatan, les Colhuas étaient
48
ni' I. ORIGINi: OKS INOIFNS nr NOrVFVl-MONDi:
nommés aussi Chancs <- Serpents •- et Palenqué, Hochan, Na Chan, ■ la ville des serpents ". Volan, fondateur de Palenqué, dans les t'ngments historiques qu'il a laissés sur l'origine des Indiens, dit qu'il était de la race des Surpeitls. Les Aymaras étaient aussi des Serpents, de même que la tribu des Soshones.
Les peuples de ce groupe étaient appelés également Mayas ou Mams, du nom de Maya, mère nourricière, terre mère, donné par les Colhuaques au ^'ucatan. Maya, comme nous le verrons plus loin dans la religion de ces peuples, était la grand '- mère, l'aïeule de toutes choses, et mam. l'aïeul, le grand- père.
Ces deux groupes ', nahualt et maya, comprenaient un grand nombre i^ tribus, telles que les Olméques, j'epanèques, Xica- lancas, Mixtèques, Tarasque^ etc., etc., dont chaque nom avait une signilication particulière.
En dehors de ces deux groupes, existait un troisième groupe formé des tribus de race mongole, telles que les Othomites, les 'l'arhumares, les 'l'épéhuans, dont la langue était tout à fait dillérenle du nahualt et du maya.
Les Chichimèques qui ont joué un rôle important dans l'his- toire de ces peuples, représentaient, à l'époque delà conquête, les peuples établis au-delà des frontières septentrionales du Mexique et du Michoacan, ce qui n'excluait pas pour cela leur distinction en plusieurs nations dillérentes d'après les histo- riens espagnols. Leur nom signiliail : forts, robustes. Chihaam ou chichi, en maya, veut dire : fort. (Ihih, en quitché, indique la force, la violence, la puissance. C est le mé. v' sens que caribes ou caraïbes. Kaam, en maya, et ka, en quitché, e.xpriment la Ibrcc, la violence, la pui ance. (>hichimèques et Caraïbes, noms des Hue hue, étaient synonymes ; seulement le mol de chichimèques s'appliquait plutôt aux peuples du groupe maya qui se divisa-'.'nt en (Chichimèques proprement dits et
I. (^os iieux groupes devaient représenter les ileux élcnients ir.mien et t.mranien lies Hue hue. Dans le Klian;\t aeluel de Khiwa, on trouse encore les l'ailplvS ou Sartes, les U-diegs et les 1 ur^oniana.
I:T de leur CIVILrSATION
49
en Téo ou Teu Chichimèques ( Chichimèqucs nomades). Les quarante ou cinquante premièi es années après l'arrivée des Hue hue (louraniens furent consacrées par eux à ap- prendre aux tribus encore sauvages de l'Ame. ,ue septentrio- nale à se vêtir, à cuire leurs aliments, à construire des demeu- res, à cultiver le sol, à fabriquer des armes et des ustensiles, à élever des temples, à faire des sacnlices, à parler leur idiome et à se servir de l'écriture. D'après les traditions, ils restèrent concentrés pendant ce temps dans I espace compris entre le lac Salé au nord, le golfe de Californie ou le lac de Chapala au sud, les iMontagnes Rocheuses à lest et la mer Pacifique à Touest. C'est là que les tribus se multiiilièrent ; quand la ruche fut trop pleine, les essaims s'en échippèrent, se répandant, comme autrefois les Aryas en Europe et en Asie, sur toute la surlace du Nouveau-Monde où l'histoire, ainsi que les ruines de monuments qu'ils ont laissés, permettent de suivre leurs traces depuis le rio Gila jusqu'à la terre de l-'eu.
DO
1)K L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
DÉVELOPPEMENT DE LA CIVILISATION
(>c lui \crs liui (ijo ou 700 de notre ère que commença ce ^rand mou\ement de mi ^ration ^\i\'\ u"a fini que lorsque tous les peuples de 1. Amérique eurent reçu les hases de la civilisa- lion aryenne.
I,c premier essaim partit de (Ihicomostoc, atteignit, après
i'tat de
queldues lours de marche
site de
anuco
Tanaimo ; de la.
>e répandant dans les plames situées au
sud -est de Durani^o, il ^ arrêta au \al de Suchil cjccupé par les Othomites et où se trouxent les ruines de la (^uémada. Les cités de 'l'eul et de léocalticlii turent (ondées. (Jiuelques années plus tard , un autre essaim , compo..é de (iolhua- ques, lotonaques, Olmèques, (Ihichimèques, entraînant avec eux les Othomites, se mirent en route sous la direction de Mixcohualt Ma/at/in la tÀ)uleu\re hlanche; et arri\èrent sur le plateau de l'Analuiac où ils hatirent Culhuacan qui devint la ca- pitale des (^olliuaques, Othompan, celle des( Jthomites et 'l'éoti- luiacan, leur ville sacrée. Mi.xcohualt prit alors le titre de roi riatoi
mi auc
juel il ajouta ceux de Topilzin Nauhiotsin. Sur ces entrefaites, sur\inreiU d'autres tribus l\u groupe naluialt .SOUS les ordres de leur grand-prétre Huémac qui, après être restées quelque temps à Tulan t/.inco, gaf^nèrent le plateau de Xocotitlan et établirent leur capitale à Tulan, doù Huémac envoya une députation à Mixcohualt alin de le prier de don- ner un de ses lils pour 101 aux l'oltèques. Mixcohualt ayanl
F.T DE LEUR CIVILISATION
."> I
consenti, Chalchuih-Totonac- Tlanctzin tut nommé roi des 'lol- tèques, et une confédération se tornui entre les Culliuaques, les 'l'oltèques et les Othomites. Ainsi commença le premier empire mexicain, quarante ou cinquante ans ajM'ès le départ des Touraniens de leur pays. La coïncidence de ces dates est trop remarquable pour ne pas Irapj-'cr tout d'abord l'attention. En S73, l'otepeuh-Xanaliuall, roi des 'loltèques, ayant été assassiné, Vocualatonac, roi des (Joliiuaques, en prolita p' ur l'aire décerner par les anciens, réunis en assemblée solennelle à Colhuacan, le titre ue métropole de la contédération à cette dernière ville et pour prendre lui-même celui de llatocala- hau, le premier des trois rois.
Pendant que Huémac succédait la n.émc année à Totepeuh- Nanahualt, Topilt/.in Ceacalt-Nauyot/.in (^uetzalcohualt rem- plaçait sur le trône ^'ocualat()nac. Nous touchons à un des événements les plus importants de l'histoire du premier em- pire mexicain.
Dès que Topeltzin Ceacall, plus connu sous le nom de (^uet/ al Cohualt, le Serpent oiseau , qui était son titre de chef de la religion, eut pris les rênes du gouvernement de la confédéra- tion comme grand-prêtre de la nation, il résolut de reformer le culte et de l'entourer de plus d'appareil, tout en le revêlant du voile de la mysticité. Lorsqu'il crut .sa puissance suffisam- ment allermie, une de ses premières mesures fut de prohiber, sous les peines les plus rigoureuses, la coutume abominable de verser le sang humain en l'honneur de l'iùre suprême. 11 donna l'ordre de purifier tous les temples et spécifia la qualité de dons qu'on pourrait offrir sur les autels. C'étaient des parfums, des Heurs, du pain de mais, des papillons, des fruits aux jours ordinaires. Aux fêtes solennelles, il accorda qu'on immolât un lapin, un serpent ou un daim, suivant la circonstance. Telle était l'horreur qu'il avait pour 1 effusion du sang, qu il travail- lait constamment, dit la tradition, à mettre un frein aux désor- dres et aux calxiles qui enfantent la guerre ; il châtiait avec ri- gueur les crimes et les délits capables d'allumer la haine entre
.TJ
m-: I. oiuc.iNc ijis indikns di- noi:vkai:-m()NI)i:
les citoyens ou les peuples. On rapporte et on assure, dit le Codex Chimalpopoca, qu il adressait ses prières au Dieu du ciel, représente par le soleil. 11 poussait de grands cris quand cet as- tre se levait; il croyait dans l'Omeyocan, les neui degrés du ciel où, disait-il, demeuraient ceux qu il appelait, priait, conju- rait avec terveur et humilité.
Pendant vingt ans, les trois royaumes jouirent de la pai.x et prospérèrent; lorsque Huemac, poussé par la noblesse et dési- reux de contrebalancer et de .saper l'inlhience du roi de Co- ihuacan. organisa une secte à laquelle le nom de Tet/catlipoca le Dieu des châtiments, servit de ralliement. Cette .secte de- manda le rétablissement des sacrifices humains et un jour, sous prétexte de céleb'vr la tète de leur dieu, son chci pria Quet/al (Polluait de leur accorder l'autorisation d'immoler quelques victimes humaines. Ceacalt (^)uet/al (:ohualt,se bou- chant les oreilles avec horreur, déclara qu'il avait trop d'amour pour ses sujets pour leur permettre de \erser le sang d'un seul homme, et redoubla de sévérité envers les sectaires qu'il pour- suivit impitoyablement. Ces rigueurs ne servirent qu'à en- flammer leur zèle et à augmenter leur audace, l-lnlin, quand Huémac se crut assez Ion pour lever le masque, il pénétra jus- que dans le palais du roi de Colhuacan, et, au nom du peuple des trois royaumes, lui signilia qu'il était nécessaire de taire des sacrifices humains pour etlrayer les ennemis de la conlé- dération, lavertissani que son refus pourrait être sui\i desjMus gra\es conséquences, (^uetzal (!ohualt ne répondit rien et se disposait à prendre des mesures énergiques, quand il apprit que la plupart des villes toltèques et othomites s'étaient révol- tées et que l'on avait commencé à faire des sacrilices humains dans '1 ulan. Alor^., profondément découragé et dans le but de prévenir la guerre civile, il préféra abandonner les rênes du gouvernement et se retira. Quelques jours après, en 8()1<, il quittait secrètement Colhuacan. Dès que son départ fut connu, un grand nombre de ses lidèles olmèques, saisissant leurs ar- mes, coururent le rejoindre. Huémac songea un instant à le
i;t i>k i.t:ri< civilisation
53
poLirsuixTo et à le taire arrêter; mais, redoutanl son iiillueiiee, ileiivoya des é-niissaires aLiprès de lui pour le supjMier de re- venir dans son palais. (^)uet/al (^ohualt leur (il réjiondre qu'il avait une mission à remplir dans d'autres lieux et que le maître des terres lointaines, le soleil, le f^uiderait là où il devait aller, (Continuant sa roule, il s'arrêta quelque temps à (^uautillan. d où il f^aj^na à petites journées, en lont^eanl les montagnes, les vallées qui avoisinent le l'opocatapelt. A peu de distance des lacs, ses ennemis le dépouillèrent de ses lixres et obligèrent les artistes qui l'accompagnaient, ainsi que sa suite^ à retourner sur leurs pas. Il ne lut entièrement à l'abri de leurs outrages que lorsqu'il eut gravi les montagnes qui séparent l'yVnahuac des plaines de Huet/ilapan. Les populations des provinces ol- mèques du levant et du midi s'empressèrent de venir au-de- vant de lui, et, déposant à ses pieds leurs hommages, lui oll'ri- rent l'aide de leurs bras et tout ce qu'elles possédaient. Elles le le supplièrent en même temps de rester parmi elles. Quet/al Cohualt, touché de tant de dévouement, consentit à séjourner quelque temps dans cette ccMitrée où s'élevèrent alors les villes de Huetzilapan, Huetzot/inco, Chalchiuhhapan, et la cité célè- bre de Cliolulan, qu'il appela la ville de l'exilé. Il traça de ses propres mains la ligne de ses rues et marqua l'emplacement de la fameuse pyramide dont les proportions gigantesques t'ont en- core aujourd'hui l'admiration des voyageurs et des archéolo- gues.
Quetzal Cohualt profita de son séjour pour doter ces peu- ples de son code de lois civiles et religieuses. Cette époque tut pour les Olmèques Fàge d'or, mais ne dura, malheureusement l^our eux, que trop peu de temps. Non content de répandre ses bienfaits sur ces populations qui le considéraient comme un dieu, Quetzal Cohualt envoya quelques-uns de ses disciples dans les provinces de la xMixtèque et du Zapotécan. La Mixtè- que ou le Mixtecopan comprenait la région occidentale de l'E- tat d'Oajaca jusqu'à la mer. Elle comprenait le haut et le bas Mixtecopan.
54
ni-: I, ORIGINF DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
I.cs niontat^ncs du Mixtccapau ou de la haute Mixtèquc étaient habitées par des tribus qui vivaient de la chasse au milieu des sombres forêts. Plus tard on appela ces tribus Mix- tcquipei ou Mixlecan 'chats sauvages^, faisant allusion en même temps à leurs mceurs féroces et à l'àpreté naturelle de leur pays couvert de bois et entrecoupé de précipices et de cavernes où ils se retiraient comme des bétes lauves. La basse Mixtèque occupait principalement les bords de la iner et avait pour ca- pitale la ville de Tululepec ; à l'ouest, était la tribu marchande de Benixono et, à l'est, vivaient les Mixi qui s'étendaient jusqu'à l'est de 'l'ebuantepec. Les /apotèques. les Wabi, les Chontales étaient répandus jusqu'à l'océan Pacilique. Les Wabi venus de Yé/.o) avaient été possesseurs de la province de Tehuantepec ainsi que du riche territoire de Soconuseo. Les Chontales, de leur côté, avaient occupé toute la contrée qui s'étend entre la mer et la chaîne de Quyccolan où ils avaient bâti la ville de Xekapa et d'où ils furent chassés par les rois Zapotèques. Ces derniers, resserrés d'abord entre les montagnes de Wijazoo, s'étendirent ensuite et refoulèrent les Chontales, ainsi que les Wabi, dans les îles de Diiic qui aloy ou lagunes de Monapos- tiac.
Les disciples de Quetzal Cohualt, après avoir franchi les hautes montagnes qui séparent le plateau sur lequel ils s'étaient établis de la vallée d'Oajaca, s'arrêtèrent d'abord au milieu des sombres forets d'Achuitla où ils bâtirent le fameux temple de ce nom. Passant ensuite dans le Mixtecapan et le Zapoteca- pan, ils traversèrent le la. de Uualo et fondèrent un établisse- ment au pied des monts de Zaquilia, dans un triste vallon connu depuis sous le nom de Yopaa et de Mictla. Ils ados- sèrent là au filanc des montagnes les grands édifices « dont les voyageurs admirent encore les ruines » . Le temple souter- rain de \'apaa servait à la sépulture des rois du Zapotecapan. Au-dessus on avait édifié un palais dont les restes existent encore au bourg de IVlictla et qui a été souvent décrit. De grandes dalles, de plus de deux pieds d'épaisseur, reposant sur
FT DK Lr:UR CIVILISATION
55
des piliers d'une hauteur de 3 mètres, constituaient le plafond. Au-dessus était une corniche saillant.; ornée d'arabesques, de grecques dont lensemble formait comme une sorte de diadème placé sur le sommet de l'édilice. I,a tradition (.lit qu'on donnait le nom d'enfants de (^)uetzal (.'ohualt aux habitants de la Mix- tèque et du /apotecapan '.
Pendant que les disciples de (Jiuct/al (^ohualt répandaient au loin la civilisation , le maitre vénéré agrandissait les villes de iiuetzotzinco et de Tlascalan où il fit élever un tem- ple magnilique en l'honneur de son père Camaxtli. Il fil cons- truire également 'l'iamacazcola 'la cité des prêtres , destinée à la célébration des mystères sacrés et à la réception des che- valiers des divers ordres, I.e nombre des associations secrètes était considérable. Parmi elles, il y en a\ait une qui a\ail pour objet de veiller perpétuellement à la garde du tombeau de Mixcohuait, fondateur de la dynastie des Colhuaques dans l'Anahuac.
Les Colhuaques, après le départ de Quetzal Cohualt, déses- pérant de le voir revenir parmi eux, avaient nommé à sa place (^uetzalaczoyotl, qui fut obligé, après avoir tenté de résister, d accepter la suprématie de Huémac, roi des 'l'oltèques, de- \enu tout puissant, (n grand nombre de Colhuaques émi- grèrent alors. Huémac, enorgueilli de ses succès, mais toujours préoccupé de la présence de Quetzal (]ohualt à Cholulan, ré- solut de le contrainre à se soumettre et à abandonner complète- ment ces contrées. A la tète d'une armée considérable, il marcha contre lui. Les Olmèques essayèrent de se défendre, mais fu- rent vaincus, la plupart de leurs villes saccagées et ceux de leurs habitants qui purent échapper à la mort, furent réduits en esclavage ou durent chercher une autre patrie. Cholulu- lan tenait encore. Quetzal Cohualt, pour leur épargner les horreurs d'un siège, convoqua auprès de la grande pyramide les membres de la noblesse et du clergé et leur annonça sa
I. Sagahuii (//î'.W. •^eiiCJ\U de Lis C'o.vtJ.s- de /ii Siitra l.'isyaiiia
56
ni, I.OKlC.INI l)i;S INDll'NS Dr NOl \'lAr-MONI)|-
résolution Je se retirer momentanément, leur promettant Je revenir dans des temps meilleurs... Il partit le lendemain Ccn ()'^S , accompat^né de quelques disciples, se dirigea vers Ahuilahapam, contourna la montagne ardente du l'oyautecalt et gagna Cuetlatitlan terre des loups^ aujourd'hui Cotaita, bourgade de la Vera Cru/, d'où, dit-on, il s'emharqua sur ini navire orné à la poupe de serpents entrelacés.
Huéniac, ayant appris la luite de son rival, marcha contre (Jiolulan vju'il réduisit en cendres, puis, continuant ses victoi- res soumit tout le pays et se lit décerner les honneurs de l'apo- théose sous le nom de 'l'et/catlipoca. iMais il ne jouit pas longtemps de son triomphe. Une laction qui s'était tormée en son absence dans l'ulan^ mit à sa place Mill ?<auhwtsin qui s unit a^ec (^uet/alac/oyolt, roi de (!olhuacan, et tous deux ayant réuni leurs forces s'avancèrent contre liuémac. I.-CS deux armées se rencontrèrent entre Colhuacan et 'l'ez- cuco. Huémac, vaincu, disparut dans la mêlée. Ses partisans publièrent qu'il avait été transporté par le soleil au séjour éthéré, mais I histoire deTczcuco rapporic qu'il mourut, quel- ques années après sa délaite, près de cette ville et qu il fut enterré dans ce même lieu, où on lui érigea plus tard une pyramide avec un temple magnilique dans lequel sa statue, re- vêtue des vêtements et ornements de Tetzcatlicopa, l'ut placée pour recevoir les hommages de la vénération des peuples. La mort de Huémac ne /it que donner plus d'élan au culte sanguinaire dont il avait été le promoteur. Le règne de Nau- hiotsin qui dura soixante ans, jusqu'en (jcjo, tut très brillant. Animé d'un grand esprit de tolérance, il permit aux Colhua- ques de conserver le culte de Quelzal Cohualt et lit réparer Cholulan qui s'érigea en république avec un conseil de nobles et de guerriers choisis par le peuple et approuvés par le roi de Tulan. l'eotihuacan resta la cité sacrée, le lieu de réunion de la noblesse appelée à convoquer les tribunaux qui étaient char- gés de juger en matière criminelle. C'était là aussi qu'on nom- mait les rois, qu'on les enterrait et où on sacrifiait solen-
Il l)i: ilK CIVILISAI ION 37
iK'lIcmcnt à rcl/catlip()ca. (^liolukm dcviiu lu ville sainte des (^olluiaques et lulhan la métropole des trois royaumes : (]olluiacaii conser\a, de son côté, le privilège de recevoir le jxirlement formé des j-irinces et des délégués de la noblesse qui se réunissait chaque année pour discuter et régler les al- laires de la conlédération.
On attribue à \auliiolsin I érection d'un temple célèbre dé- dié à Maya Cu^yé, la mère des dieux, laïeuK; du soleil et de la lune, la grandmère dont le culte se répandit luirtout; l'on croit aussi que c'est lui qui a lait construire les monuments de Xa- liscotepec, Quaunacuac (^uernacava et Xochicaiccj. Après sa mort, il lut enterré sous les Noùtes du temple Je (^halchiuli- lieu.
l.a reine Xiuhiat/in lui succéda et mourut quatre ans ajirès son avènement au trcnie, en ()(j.(. Mlle tut remplacée par son lils Matlacoalt, qui régna ju>^qu"en 1010. Le sceptre passa en- suite entre les mains de 'l'Hcoatsin qui, en io2(j, désigna avant de mourir, pour prendre sa place, son tils Huémac Atecpone- calt, surnommé 'l'ecpan Calt/in ou i/.tacquautzin.
()uet/ala\oyot/.in, roi deColhuacan, était d'autre part mort en()5l^, laissant la couronne à (^halchiuh llatonae, qui, après un règne de trente-deux ans, en «jM?, nomma pour lui succéder l'otepeuh-Nauhyolt.
Le règne de Huémac II lut très heureux pendant les premiè- res années. Lnnemi des sacrifices humains, il fit ce qu'il put pour les abolir. La confédération prospérait quand les frontiè- res du Nord lurent envahies tout à coup par des hordes Chi- chimèques. Les vassaux les repoussèrent énergiquement, puis, se croyant menacés dans leurs droits par Huémac, les appelèrent à eux et les enrôlèrent sous leurs drapeaux contre leur souverain légitime, (^ohuanacox et Meyoxotun, deux sei- gneurs qui gouvernaient les provinces de Quiahuit/lan et de Totonïcapan, ainsi que !e prince de Xalisco, Huetzin se décla- rèrent indépendants et marchèrent contre l'ulan. Battus à Coa- tepec, ils revinrent à Xalisco et envoyèrent des émissaires dans
58
DK i/oHiGiNF ni:s iNnir:NS ni: NouvKAU-MONnK
le Noid-Ouest auprès d'autres trilnis cliichimcqucs qui accou- rurciil se mettre a leur disposition. Iluémac, ébloui parla tor- tune qui lavait protégé jusqu à ce jour, au lieu de prendre des mesures pour mettre le pays à lahri des en\ahisseurs, s'a- bandonna a toutes sortes de désordres. C'est alors que des e,i- lamitéssans nombre tondirent sur la contédération. Des tremb.e- ments de terre épouvantables commencèrent à jeter la terreur parmi les populations. Les sectaires de l'et/catlipoca, dans le but d'apaiser la colère de ce dieu auquel ils attribuaient ces malheurs, demandèrent à lluémac l'autorisation de lui otl'rir un sacrilice e.\piatoire, et un jeune homme ùt immolé sin* lautel. l.a tradition raconte que, lo'-sque le grand prêtre eut plongé son couteau d'obsidienne dans la poitrine de la victime, il s'en exhala une odeur si tétide que les sacrificateurs reculè- rent d'horreur, et que, lorsqu'on voulut enlever le cadavre pour le jv'ter en bas du temple, les prêtres qui le touchèrent mou- rurent asphyxiés. I.e lendemain, la peste était dans la ville et se répandit dans toutes les provinces. L'hiver suivant, la gelée détruisit les plantes et les semailles. A ce froid excessit suc- céda un été d'une aridité sans exemple. (]es lléaux se ré- pétèrent plusieurs années consécutives, de telle sorte que la lamine étant survenue, les habitants moururent de laim par milliers, semant les chemins de leurs cadavres, qui, faute d'être enterrés, occasionnèrent une nouvelle peste. Quatre ans après, la grêle ravagea les moissons et la température s'abaissa telle- ment, que les magueys eux-mêmes gelèrent tous. Ce n'est pas tout ; des bandes de brigands, prolitant de la panique générale, pillèrent les campagnes et les petites villes, répandant partout le meurtre et l'incendie. I.e peuple, désespéré, se révolta dans Tulan, envahit le palais du roi, et le somma de sacrilier un de ses enfants pour calmer le courrou.x de l'ctzcatlipoca. Huémac s'enfuit avec sa famille à Xochiquel/ahapan et de là à Huitzoc, d'où il revint dans la capitale et s'enferma dans la forteresse de Xilococ qui dominait la ville. Il fut témoin, pendant plusieurs jours, des excès commis par la multitude, sans pouvoir lesrépri-
IT DK LKUK CIVILISAI ION
59
mer. Les demeures des nobles turent hrùlées et un grand nom- bre d entre eux sacrifiés sur le sommet du temple par le peuple en délire. (!cs désordres durèrent jusqu'à ce qu'une récolle un peu abondante jtermit de croire qu on touchait à la (in de tJnl de maux, l'eu à peu les passions s'apaisèrent et 1 luemac put re- prendre les rênes du gouvernement. Mais, peu de temps après, découragé par suite de nouvelles révoltes des vassaux, il voulut abdiquer en laveur d'un de ses fils illégitimes, nommé Axcitl, qu'il avait eu de la belle Quetzaixochilt.
Dès que cette nouvelle lut connue, un soulèvement se pro- duisit et les seigneurs demandèrent que Huémac tïit déposé et remplacé par un prince plus digne qu'Axcitl. Les lactieux, sai- sissant en même temps dans le grand temple le prêtre (^uautli, membre de la iamille royale, chargé dt 'entretien du feu sacré, le portèrent au sanctuaire de Xicococ et l'obligèrent à recevoir l'investiture royale et sacerdotale. Huémac lit alors des ouver- tures aux deux principaux chefs de la rébellion qui consentirent à appuyer la nomination d'AxcitI, à la condition qu'ils seraient associés à la royauté et prendraient rang sur les marches du trône, les premiers après Axcitl, comme s'ils tussent ses pro- pres frères. Axcitl lut proclamé roi io:-î(3^ et Huémac se re- tira dans une ville de Tintérieur.
Au début de son règne, Tolpili/in xvxcitl se montra un grand jM-ince; mais, se laissant tout à coup dominer par les passions, il ne tarda pas à se plonger dans livresse et la débauche.
Nobles et peuples suivirent l'exemple du souverain. La pros- titution fut à son comble, et le crime contre nature pratiqué de la manière la plus éhontée. Les allaires de l'Ltat. négligées entièrement, tirent que quatre ans après, à la place des lois, il n y eut plus que vols, brigandages, assassinats et licence hon- teuse. Les princes du Nord et du Nord-Est, renonçant ouverte- ment à toute allégeance, levèrent l'étendard de la révolte et 'Lulan se vit menacée par les forces de Hohuetsin, prince de Xahsco, de Xohuaxanit, prince de Quahuitzian, et de Xaitemal, autre vassal dont les Etats étaient baignés par l'Atlantique. Ils
bo
i)i; I. OKUiiM, bis INDIENS i)V nouvi:au-.\ioni)i:
ravagèrent en quelques semaines toute la vallée de Xocotillan. Topilt/in Axcilt, au lieu de marcher contre eux à la tète de : on armée, leur envoNa une ambassade avec de riches présents, qu'ils reçurent axec dédain, ils étaient depuis un certain temps sous les murs de la capitale, quand tout à coup ils levèrent leurs camps, et regaf^nèrent à marches forcées leurs Ktats qui venaient d'être enNahis par d'autres hordes (Iliichimèques. Ces hordes , d'après les traditions, venaient des bords de la mer ou des territoires parcourus aujourd'hui par les (x)man- ches et par les Apaches. Leur nom générique était chichimè- qucs ; mais ceux dont les historiens ont conservé le souvenir le plus complet s'appelaient l'eotenancas, de la ville de l'eote- nanco, qui appartenait à la province de Matlazma, aux fron- tières du Michoacan, et qui se divisaient en l'eotenancas, Axo- tecas et 'leotetzlepictin. Ils dévastèrent en passant les provinces de Matlazinco, de Michoacan où ils fondèrent divers établis- sements et de là se répandirent sur les rixes occidentales des lacs de l'Anahuac.
Les souverains des trois royaumes deTulhan, Colhuacan et (Jtompan, loin de songer à former une ligue sérieuse contre l'ennemi commun qui avançait à grands pas, crurent le mu- ment favorable pour assouvir les haines qu'ils nourrissaient l'un contre l'autre et appelèrent à leur aide les bandes de Chi- comostoc. Nauhyolt II, roi de Tulhuacan, déclara alors la guerre à Topiltzin Axcilt, tut délait et obligé de rentrer en toute hâte dans sa capitale. Les Chichimèques en profitèrent pour gagner du terrain, détruisant les villes qui ne se soumettaient pas volontairement. La panique s'empara des populations et la grande migration dont parlent les chroniques commença 1040;.
LesTeotetzlcpictin, commandés par Toleltecalt, encouragés secrètement par le roi de Culhuacan, parvinrent à se rendre maîtres de la vallée de 1 enanco, après avoir écrase les trou- pes que Topiltzin Axcilt avait envoyées contre eux. D'un autre côté, Xalliteutli, chef des Axcotecas, avait pénétré par trahison dans Tulan où il introduisit un nouveau culte, celui d'Acot-
r;T DE LF.UR CIVILISATION
6i
lacatl-Nahuac-teutli. Les vassaux des trois royaumes se révol- tèrent en grand nombre et la famine lut suivie de la peste ('047;.
Sur ces entrefaites^ les Axcotecas, ayant perdu leur chef, se retirèrent à Hue-ya-cocotlan. Tulan pouvait espérer un peu de tranquillité quand arrivèrent à leur tour les Nonohualcas que les traditions et k j manuscrits de Chihuahua font venir de Calmihuar et nomment 'i'epehuans (i). D'autres les appel- lent Teo-chichimèques. Otompan et Tetzuco tombèrent en leur pouvoir et turent saccagées. Colhuacan, leur ayant ouvert ses portes, fut épargnée. Le vieux roi Huémac qui, depuis son abdication, vivait dans la retraite, proposa à Topiltzin Axcilt de marcher à la tète d'une partie de l'armée contre les enva- hisseurs, pendant qu'il garderait la capitale. Il fut mis en dé- route sur les bords de la rivière de Quautitlan. Axcilt, déses- péré, se réfugia à l'olucan, après avoir mis le feu a Tulan. Huémac, malgré son grand âge, ayant rassemblé de nouvelles forces, tenta le sort des armes. Il lut encore battu sur les bords d'un des grands lacs, et, ayant pu s'échapper avec la reine Quetzalxochilt, femme aussi remarquable par sa beauté que par son courage, tous doux se réfugièrent à Chalpultepec où le roi ne tarda pas à mourir des suites de tant d'épreuves.
'l'opiltzin vVxcilt se cacha dans une grotte de l'île de Xicco et, après avoir recommandé ses entants à un de ses parents nommé Xuihtemal, traversa les j^rovinces oiméques et s'em- barqua à Queyapan. L'histoire ajoute qu il fonda ensuite un nouvel empire et mourut à un âge très avancé.
y\près la dernière bataille livrée par Huémac, les Nonohual- cas ou Teo-chichimèques entrèrent dans l'ulan dont une partie
I. I.cs Tcpchuans s'clendaiont au suJ île la 'rarluiinarie, du Fa)s des Vaquis et des Mayas, sur le revers oceidenial de la Sierra Madré et jusqu'aux contins du Zapoteeapan, Les l'epeliuans, parleur teint jaune, leur pommettes proe-minentet,, l'inHcxion des yeux et le Vvilume de leur crâne, se rapprochaient du type mongoliquc. t^eux ipii existent encore dans le même lieu ont les cheveu» 'boudants, plus fins que les Indiens voisin- et por- tent égali.'ment les cheveux tressé? -■• la tête. On retrou\e dans leur langue un grand nombre de mots et de racines de; ,ues aryennes.
62
Di: L ORlCINr DFS INDIENS DU NOUVEAL-MONDF
avait été brûlée lors de la tuitc d AxcitI, et choisirent pour roi un prince toltèque qui était resté dans la ville. Son nom de Matlaxochitl fut changé en celui de Huémac 111. Les popula- tions lui prêtèrent serment de (idélité, mais les factieux, tran- quilles pendant quelque temps, ne tardèrent pas à en venir aux mains. Huémac fut assassiné par Xelhua, chef des Nono- hualcas, qui, craignant à son tour les représailles des deux au- tres partiSj sortit du pays avec les siens et , après avoir tra- versé une partie du Michoacan, gagna les régions tempérées où il fonda plusieurs établissements.
Après son départ, Ixcicocualt, chef dune des deux autres factions, voulut s'imposer; mais, ayant perdu un grand nombre de ses plus fidèles serviteurs dans une mêlée qui eut lieu dans la ville, il l'abandonna égalemenv, et il ne resta plus que ^'aolt qui, ayant appris que d'autres bandes chichimèques appro- chaient, partit à son tour, laissant la ville à peu près déserte. L'année suivante, les derniers habitants avaient émigré, de telle sorte que la végétation ne tarda pas à envahir les rues. Col- huacan et les autres villes des trois royaumes eurent le même sort. Ainsi linit le premier empire mexicain vers l'an i loo ou 1 1 08 1 1 .
Le pays resta dépeuplé pendant une dizaine d'années d'a- près Torquémada. C'est alors qu'on voit apparaître le nom de Xolotl 'I ochinteutli. Suivant les annales du roi d'Acolhua- can, il descendait des rois septentrionaux qui, des cités de Nequamelt et de Naciutz, dominaient au loin les vastes ré- gions comprenant aujourd'hui le nouveau .Mexique et la Sonora, et dont, dit-on, la ville sainte était Téocolhuacan. Tout ce qu on sait sur lui, c'est que son père Tlacamatzin avait deux iils et, que quand il mourut, le peuple ayant choisi son frère pour roi, il résolut d'émigrer, emmenant avec lui un cer- tain nombre de tribus toltèques qui voulurent bien le sui-
I. Suivant d'auires histoiicns, ces derniers événements auraient eu lieu en iuf)o ou 1032. Dans ce cas, l'ernpire d'Analiuac aurait commencé beaucoup plus tôt. Nous avouons qu'il est bien dillicile de dire qui a raison.
KT DR LRUR CIVILISATION
63
vrc '. Le Mixtecapan et le Zapotecapan, policés par les envoyés de Quet/.al Cohualt, devenaient de jour en jour plus flo- rissants. Le royaume ibndé par Xelliua et les Nonohualcas , après leur départ de i ulan, s'était considérablement déve- loppé. De Xacatula il s'étendit d'abord à (^ueîzaltepcc et peu à peu, depuis le versant du Popocatepelt jusqu'aux rives de l'Azamacuta. Tout permet de croire que les rej^ions fertiles, arrosées par le (]oat/alcuaco et les nombreux embranche- ments du 'l'abasco, désignés depuis cette époque dans les cartes mexicaines sous le nom de Nonohualco, virent surgir alors leurs principaux établissements. Les Xicalancas habitaient près de la lai^une de Xicalanco, à l'embouchure des fleuves de Ta- basco, (À)at/alluaco et l^apa-Coapan. (.iholulan commençait à renaître sous l'administration de deux seigneurs élus par le peuple. Les princes de Michoacan avaient cherché un abri dans les iles du lac de 1 e/.cuco et y conservaient tous les élé- ments de la civilisation dont ils dotèrent ensuite ce royaume. Xiutemal, un des lils de Huémac, régnait à Colhuacan, qu'on avait rebâti et où un grand nombre d'exilés étaient rentrés, mais les campagnes étaient encore laissées à elles-mêmes. 'J'ulan était toujours en ruines. Dans le pays toltèque proprement dit, depuis Textrémité orientale de la vallée de Xocotitlan, en des- cendant vers Tulhantzinco et Me/.titlan, les 'l'éochichimèques avaient londé quelques établissements. Sur les débris de (loat'ichan et de (]atlexichco, s'était établie une tribu nom- mée Chichimèque .\colhua. D'autres familles de la même tribu s'étaient échelonnées, au sortir de la vallée de Xoco- titlan, dans les cantons voisins de Payautlan, de Chimal- cuacan et de l'otonicuacan. Ln certain nombre d'exilés de Tulan s'étaient cachés dans les lagunes de l'Anahuac; enlin, la plupart des villes voyaient rentrer les habitants dans leurs murs. L'émigration a\ait été telle que les classes supérieures
I. S'iivant Ixllil^oclult, le picmicr des aïKctres de Xoloil qui léguait sur l'Amaque- niccan, lut Ignauisin ; le dcuxièiiie, Mocaoquitchli, et le troisième, Tlamacatzin.
(H
l)i: I.OKUilNR l)i:S INDIENS DU NOUVRAU-MONDR
ne comptaient pas, à cette époque, plus de cinq cents per- sonties élevées au-dessus du ran^' de Macehuaies ou pro- létaires. l/aj,'riculture , dans ces conditions, avait, pour ainsi dire, disparu des vallées. A peine si l'on en apercevait quelques traces dans les savanes qui bordaient les lacs aux alentours de Colhuacan eî de Chalco. Aussi les émissaires que Xolotl avait expédiés pour reconnaître le pays, lui rapportèrent- ils que les campagnes ressemblaient à un désert. Satisfait de cette information, Xolotl se mit en marche en 1 1 17 suivant la plupart des auteurs , et employa trois ans pour atteindre le plateau de Xocotitlan. Après avoir pris possession du pays, voulant se rendre compte une seconde t'ois de la situation de la contrée quil se proposait d'occuper, il envoya son (ils To- pilt/in à la découverte. Celui-ci, à son retour en 1 124, lui ren- dit compte qu'il avait rencontré les 'J'oltèques Nonohualcas, éta- blis à Oajaca, à Téohuacan, sur le Coatzalcualco et dans letat de 'l'abasco. Aussitôt Xolotl, après avoir laissé dans Tulan le noyau d'une population nouvelle, gagna 'l'upan, et de là le lac Xaltocan où il s'établit dans un iieu rempli de grottes, qu'il nomma Xotol. 11 réunit ensuite les principaux chefs et il fut décidé qu'on se fixerait à Tenayocan d'où il en^■oya des émis- saire à Xiuhtemal pour lui faire des avances. Le roi de Colhua- can reçut froidement les envoyés de Xolotl et mourut peu de temps après, ayant eu soin de désigner pour lui succéder son lilsNauhyotl, au détriment de son neveu Pochoti, lils de To- jMlt/.in Axcilt.
Sur ces entrefaites, arrivèrent six guerriers colhuaques qui, d'après Torquémada, s'étaient mis en route en apprenant les conquêtes de Xolotl, désireux de lui offrir leur concours, ils ne parlaient pas la même langue, ajoute cet historien, mais ils se firent reconnaître comme appartenant à la très noble famille des .S'97//;, Xolotl leur fit le meilleur accueil et donna à l'un d'eux, Amaciu, sa fille en mariage. Xolotl transporta ensuite sa cour sur les bords d une grande lagune, à 'ie/cuco, qui était une ancienne ville Chichimèque du nom de 'l'etzcolt. Le
tn UK LIÎUK CIVILISATION
65
.'S IL*
C
royaume do Tezcuco a,i;ranJi s'appela CoUiuacan et lut, pen- dant longtemps, un des plus puissants de rAïuiluiac. Celui de Tlacopan, ou Tacuba, lut tonde, quelques années après, parles l'épanèques qui étaient des Chichimèques Colhuaques. 1mi 1196, arrivèrent à leur tour les y\/.lèques d A/tatlan, près de Teaui qui appartenaient au groupe des Mexicas Mee-Scythi ou Nahualt. Les A/tèques ou Mec-Scvthi, suivant Clavigero, vécurent jusqu'en l'an 1160 en Aztatlan, pays situé au nord du golle de Calitornie. Cet historien les suit dans son ouvrage depuis leur départ jusqu'en li^ul^ ou il^25, époque à laquelle ils fondèrent la ville de Tenolchitlan Mexico,. Kn \'.^52, ils changèrent la lorme de leur gouvernement et élurent pour roi Acamapiat/in, un de leurs principaux cluls , ils l'ormèrent alors, avec le roi de Colhuacan et celui de Tlacopan, une contédéra- tion qui dura jusqu'à l'arrivée des Espagnols.
L'histoire de ce deuxième empire mexicain a été laite par plusieurs auteurs. Nous n'en parlerons donc pas afin de pou- voir plus rapidement jeter un coup-d'(eil sur les événements qui se sont passés^ durant cette période, dans les autres parties de l'Amérique.
Nous avons dit plus haut que Ceacalt-Quetzal-Cohualt, pour échapper à la persécution de son terrible ennemi, s'était em- barque à Cuetlacan avec un certain nombre d'Amoxoa- ques '.
Nous les retrouvons un an après à Xicalanco. A l'épo- que de la conquête, on conservait encore dans cette ville le souvenir de l'arrivée de vingt chefs qui étaient venus de l'Est avec une colonie nombreuse d'étrangers, guidés par un grand personnage nommé (^uetzal-Cohuall, Cuculcan ou
I . (.'.cUc Lxpresbioii tsl Ovidcmiuciu li'originc asialiv^uo et r.ippi.lli.' colle des Atnausians, prêtics ou Jocleurs établis en Perse par Fcidouii, après qu'il eut battu ZaJic qui vou- lait le livrera ses serpents et qu'il l'eut lenlermé dans la caverne du mont Damavcnd. Les Amausians Iraniens se retrouvent également au Pérou sous le nom d'Ania:itas, sages ou philosophes, i]u"il ne faut pas confondre avec les membres du sacerdoce proprement dit. On voit ainsi l.i chaîne qui unit la Perse, l'Asie centrale et l'Asie méridionale.
t
66
1)1-: I.OKIC.INI l)i:S INDIKNS DT NOrVIAl-MONDi:
(iucumat/, sLii\'anl riJionic mexicain, maya ou t/cndai dans ic>.|ucl ce nom était prononcé en sij^nidant le Scrpi-iii cniplinnc.
Daprès d autres traditions, Quet/.al-Coluialt serait venu par terre à Xicalanco en cheminant le long du ri\'af;e de la mer, ret^ardant les hautes montagnes cou\ertes de neige et les vol- cans. Le premier endroit où il s'établit, est appelé aujourd'hui Puntade Xicalanco, en l'ace de Tîle de Carmen, près du détroit qui réunit la lagune de l'erminos au golfe du Mexique. Il nomma ce lieu Tamoanchan Paradis terrestre '. Les popula- tions indigènes, en voyant ces étrangers, lurent d'abord sur- prises, mais ne les accueillirent pas moins avec de grands égards, et se mirent promptement à l'teuvre pour apprendre ce qu'ils leur enseignèrent La transformation s'opérait rapide- ment, lorsque survint un ouragan terrible dont le souvenir est resté dans les annales des peuples de ces contrées, au com- mencement du x" siècle. La violence de ce typhon fut telle que, dans les terres basses, maisons, forêts furent arrachées de leurs f-iases et détruites. Les eaux de la mer envahirent les plaines et un certain nonjbredes compagnons de Quetzal-Co- hualt furent noyés '. La tradition ajoute que, des vingt Amoxoa' qites, sept seulement purent échapper avec Quetzal-Cohualt et sa suite qui se rétugièrent dans des grottes creusées dans le flanc des montagnes.
Le découragement ne larda pas à s'emparer de la petite troupe. (,)uetzal-Cohualt partit alors seul à la découverte. Après avoir marché pendant deux jours et deux nuits, il ren- contra des indigènes qui faisaient la récolte du maïs dans un endroit nommé Paxil Cayala lieu où les eaux se divisent en tombant et qu'il appela 'l'onacatepelt, « la Montagne d'abon- dance ». Le chef de cette localité habitée par une population pacifique et agricole se nommait Utiuh Chacal,. Il fit le meil- leur accueil à Quet/.al-Cohualt qui revint auprès des siens pour
I. Ce tameux paraJis terrestre que les Hue hue disaient avoir perdu en quittant leur pays et qu'ils cliercliaieni ailleurs, i. C.uJc.y VatuwHus.
F:r DR LEUR CIVILISATION
67
leur iairc part do son heureuse rencontre, (^euxci lurent rem- plis de joie cl des relations sétabliient avec les indii^ènes. (Quelque tempsaprès, L'tiuh était tué par les nouveaux arrivants. (^uet/al-Cohualt j mécontent, quitta le pays avec trois des amoxoaques.
Sagahunij taisant allusion à cette séparation, dit : « Ils demeu- rèrent quelque temps en Tamoanchan avec leurs sages ou de- vins qu'ils appelaient amoxoaques, c'est-à-dire hommes savants et entendus dans les arts; puis ils se divisèrent; ceux qui s'en lurent avec (J>uet/.al-Cohualt dirent aux autres: " Sache/ que le " Seigneur notre maître vous ordonne de rester en ces lieux. " Nous partons avec lui; il reviendra plus tard, lorsque son " œuvre sera achevée. Conserve/, rc.poir de le revoir. Nous " emportons notre Dieu, recevez nos adieux. •• Ils se mirent ensuite en route, ajoutent les traditions, avec leur Dieu qu'ils portaient enroulé dans de l'étoHé et qui leur enseignait la route qu'ils devaient suivre; ils s'en lurent vers l'Orient. >>
Quetzal-Cohualt se dirigea vers le nord de la péninsule Yuca- tèquc où il fonda Mayapan qui devint la capitale du royaume des Mayas, nouvelle preuve de l'identité d'origine entre les Colhuaques et les Mayas. I.e Franciscain Landa ' ne partage pas cette opinion. 11 prétend que Quetzal-Cohualt a séjourné d'a- bord à Chichen où il a laissé de grands édilices qui rappellent sa mémoire, que Chichen a vu apparaître ensuite trois frères, dont un nommé Zamna, qui prenaient le titre d'ii^^as, hommes divins; qu'après la mort ou la fuite de l'un d'eux, les deux au- tres, étant devenus des tyrans, furent mis à mort, et que Quet- zal-Cohualt fut obligé de rétablir l'ordre. Les traditions ajou- tent qu'après sa mort on construisit le môle d'Itzmatul sous lequel on suppose qu'il fut enterré. On lui attribue également la fondation de la ville d'I^amal. A la même époque, un au- tre compagnon de Quetzal-Cohualt, Votan, fondait Palenqué, appelée aussi Colhuacan , iWi-chaii , Ilocliaii la ville des Ser-
I Diego du Laïuia, Relation des choses du Yiicataii.
68
\W. I, ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
ponts , Cl qui, de iiicmc que Tcocolluiucim et Teotiliuacan, devait être une cité sainte, comme semblent 1 indiquer ses mo- numents; cette ville lut hàtie vers le milieu du x" siècle. Votun, dans le Ira.^ment d'ouvraj^e conservé par Ordu'ic\ et dont nous avons parlé plus haut, ditqu il tut le premier que Dieu en\oya dans cette réyion pour la peupler et la partager. Or. 1 histoire des Sok'i/s, dans le Codex (lliinutlpopaca, taisant allusion à ce {vir- tage, le tait remonter a l'an (j33, date qui coïncide avec celle que nous avons trouvée.
Que s"est-il passé ensuite dans le Yucatan et le Chiapas? Nous l'ignorons, l'histoire étant muette à ce sujet, (Cependant certaines traditions rapportent que (^)uet/.al-Cohualt se Serait em- barqué à CJhampoton api .s avoir bâti, dans une ile voisine de la terre terme, un temple dont on a r 'Irou^■é les restes. D'autre part, suivant le Codex Cliintalpopaca, il serait mort de latigue à l'embouchure du fleuve Coatzacualco. " Son corps ayant été consumé par le teu, son àme s'envola au milieu des flammes sous la lorme d un quet/al aux brillantes couleurs qui prit sa course vers 1 lùnpyrée, car il savait où était le ciel, et c'est au ciel qu'il alla. » Cette légende rappelle celle du Phénix ou \'en- non des égyptiens qui se rend d'Arabie en Kgypte tous les cinq cents ans et renaît de ses cendres.
Après sa mort, les seigneurs nommèrent pour roi le chel de la t'amillc des Cocoiiis en maya, croyant;.
I.es Cocoms régnaient sur la péninsule yucatèque, lorsque, \ers l'an i25o ou i2(So, arrivèrent les 'l'utulxius, conduits par Holonchan lepeuh. La chronologie maya raconte que la contrée où ils pénétrèrent d'abord s'appelait Bakhalar ou Zyam (]aan ; ils s'emparèrent ensuite de Chichen et oll'rirent au roi de Mayapan de se reconnaître ses vassaux. Le roi de Mayapan y consentit à la condition qu'ils rendraient Chichen aux Itzas (branche des Cocoms; qui dépendaient de lui. Ahautok — celui du silex ou du couteau sacré, allusion aux sacrifices humains, — devenu roi des Tutulxius, fonda successivement 'l'ihon, Mani et Uxmal, qu'il choisit pour capitale. L'ne confédération fut for-
i:r w. I KIR rrvir.iSATiON
60
mec. Apres un certain temps, le rni des Cocoms ayant intro- duit dans le pays des troupes nonohualtesde Tabasco et de Xi- calanco pour opprimer le peuple, les seif,'neurs se soulevèrent et, aides des Tutulxius, massacrèrent par trahison les mem- bres de la famille royale des Cocoms, dont un seul put s'échap- per et se rèlugia dans dans la province de Zohila où il bâtit la ville de 'l'ibulon. l/auteiir du document chronoloi^ique maya ne parle pas de cet événement et raconte quAhautoc, après avoir fixé sa résidence à Uxiual. resta allié des rois de Mayapan et de Chichen et que la paix régnr durant plus de deux cents ans. Ce tut sans doute pendant cette période de prospérité que fu- rent construits la plupart des magni/iques édifices dont les ruines couvrent la presqu'île et qui permettent de distinguer les deux styl'.'S diflérents d'architecture employés par les i'ol- tèques et les Mayas. D'après ce mèinc document . dans le xin" siècle, la guerre éclata entre les trois royaumes, et les 'l'u- tulxius, après avoir mis à mort leur souverain, s'organisèrent en république. Tout ce qu'on sait ensuite, c'est qu'à la fin du xni" siècle, Mayapan tut envahie par un peuple montagnard, sans doute les Quitchés venus du Midi, qui saccagèrent cette cité. Les vassaux en profitèrent pour se révolter et l'anarchie devint générale. Les Tutulxius se retirèrent à Mani, pendant que les Itzas, obligés d'abandonner Chichen, se réfugièrent dans les îles du lac Chaltima au Péten, où ils maintinrent leur indépendance jusqu'à la \\n du xvii^ siècle. M. Charnay a dé- couvert dernièrement dans le Péten des monuments admira- bles qui indiquent le séjour des Itzas dans cette contrée; il est convaincu également que les temples et les palais d'Izamal, de Chichen et de Mani étaient occupés dans les premiers temps de la conquête. Suivant Landa, la péninsule resta dès lors par- tagée en un grand nombre de principautés plus ou moins im- portantes, parmi lesquelles celles des Tutulxius et des Cocoms à Zotula paraissent avoir conservé la suprématie. A ces deux principautés, la chronique ajoute celle des Chélas, descendants des premiers prêtres de Mayapan et qui s'étaient établis à lt/,a-
70
DE i.ouiGiNi, ni:s indii;n^ nr NorvKAU-MONni;
mal ; cctlo principauté prit le nom d'Alki)! Clicl prêtre du Chel;. Alikin est un mot ^vr.w;; qui veut dire prêtre.
L'abandon et la ruine délinitive de Mayapan ont eu lieu, suivant l.anda, vers l'an 1447, date qui concorde avec celle du document chronologique maya.
Dans le royaume des \'otanides ou de Xibalha, Votan ayant organisé les tribus IV.endales et leur ayant enseigné les arts et les sciences, fit plusieurs voyages, probablement dans les con- trées voisines ct_, au retour de l'un d'eux, trouva un grand nom- bre de 'l'oltèqucs, qui avaient fui de 'l'ulan, établis dans son ro- yaume. Il les reçut comme des exilés malheureux et les autorisa à bâtir 'l'ulan, dont les ruines ont été retrouvées prés d'Ococingo. 11 partagea en quatre parties le royaume qui s'étendait jusqu'au Guatemala, à l'ouest jusqu'à la rivière de Tabasco, au sud jus- qu'à la mer, et au nord au royaume des Cocoms. Le manuscrit kakchiquel dit que c'était un royaume riche, glorieux et puis- sant. D'après le Popol vuh, il était gouverné par deux rois et par sept juges suprêmes ayant sous leurs ordres dix autres chefs, nommés deux par deux et formant le conseil d'Etat.
Ordoiîe/ rapporte que les 'l'oltèques établis à Tulan et les \'olanides à Palenqué formaient, avec le roi de IMayapan, une vaste confédération , Palenqué conservant une supériorité d'honneur et de juridiction. Des questions religieuses ne lar- dèrent pas à rompre la bonne harmonie entre les Toltèques et les Votanides Mayas au Colhuaques. La guerre éclata et ces derniers furent vaincus : leur capitale fut détruite vers l'an 1200 ou i23o. Mais ils parvinrent ensuite à battre les Toltèques qui se retirèrent sur les frontières méridionales de l'empire où ils continuèrent encore, pendant sept ou huit ans^ à soutenir une lutte inégale. Knlhi, obligés de céder, ils traversèrent les mon- tagnes et s'établirent sur les rivages du Pacifique où ils bâti- rent une autre Tulan Tzinco et prirent le nom de Xucheltépè- ques ou de Pipiles enfants nobles). Un autre essaim gagna l'océan Atlantique sous le nom de Tutulxius. Ce sont les mê- mes dont nous avons parlé plus haut.
i;i i)F r.KiR nviMSATiON 71
Les Pipiles prospiircrcnt pcndanl quelque temps à 'lulan Tzinco jusqu'à l'arrivée des Mixlèques et des Zapotèques, leurs voisins, qui les réduisirent à la servitude la plus dure, ils se décidèrent alors à émigrer de nouveau sous la conduite de leurs prêtres, et, cheminant le long des rivages du l\acirique, après vingt jours de marche, atteignirent les hords de la rivière Michatoyalt où la maladie d'un de leurs chefs les ohligca de s'arrêter. Ils bâtirent là une ville à laquelle ils donnèrent le nom d'1/.cuitla ;lîscuintla de Guatemala . Quelques-uns se fixèrent en ce lieu pendant que d'autres contuiuèrent leur route jusqu'au Salvador et s'établirent entre l'océan Pacilique et les volcans de Chunco, Cu/caltan et Xilopanco. Ce sont eux qui ont fondé la plupart des villes de cette région, telles que ' Sonsonate, Izalco, Cu/.catlan, Almachapan, Comapan, Xutiapan. ils cou- vrirent de cités superbes les deux rives du l.ampa, traversèrent le Paxil et portèrent leur nom jusqu'au pied des Cordillères où l'Indien superstitieux révérait les sanctuaires d'Esquipula et de (^hiquimula '. \Jnc partie d'entre eux ne s'arrêta définitive- ment qu'au nord et à l'ouest du golfe de Conchagua, aux fron- tières du Honduras et du Nicaragua où ils prirent le nom de (>holutecas exilés .
l^endant que Xelhua, chel des N'anahualts, fondait un nou- veau royaume qui s'étendit jusqu'à Xilanco, à l'embouchure du lleuve de l'abasco, d'autres tribus sorties du Mexique, quand eut lieu la grande émigration, les Tukulchés, Kackchia quels, connus sous le nom de Zotziles-'l'ukutchés, les T/ulo-
I. Au Salviklov, I06 niincs les plus impoi laiilcs soiil près de hi villo ilc San ViiKcntc, occupanl un espace d'environ 1 milles caires, prés du -.olcan d'Opieo. cl consistant en tetfe pleins, ruines d'cditices, tours circulaires et carre'es, galeries souterrairies et au- tres ouvrages en pierres travaillées, resscmbl>uit à ceux du Mexique. Dans la plaine de Siboa et les environs de Souscnate, on ' 'icontre beaucoup de lumuli.de même qu'à la Ironlièrc nord-ouest du Guatemala ans les iles du lac Guijn. M, Squier assure
qu'il V 8 dans cet litat d'autres ruines 1 i\alisant avec celles de Copan, mais il ne dit pa^ où elles sont.
1. Ce sont eux qui ont tundc Copan C'>panlli, autrelois capitale du niyaunie de (^lii- qtuniula ou l'ayaqui .
ri
l)K I.'OKKilNK I)i;S INDIIvNS 1)1' NOL'VliAL'-MONm';
hilcs, les L't/.iquiiiahas, les Akalialos et les I.enapis, se dirigè- rent au s'id en suivant les rivages de la nier.
" Ainsi vinrent également l'amub ' et Elocah avec les treize tractions de tribus. Les trei/e de Tecpan, ayant à leur tète Xurcaii et lotonian, puis ceux de Uabinal, >.|ui sont re- gardés comme les premiers cliets de la maison de Kawec, les Kakchiqueis, ceu.v de Tsiquinalia, ensuite ceux de Zacatia, puis après ceux de Camak, de Canuitz, etc. » Popol vnh.
D'après les traditions, on trouve toutes ces tribus un beau jour rassemblées en un lieu nommé Déocamanca, sans doute 'l'éot/acualco, qui paraît avoir été une ancienne localité de TKtat de 'l'abasco. Après quelques jours de repos, elles arrivèrent à Oloman, situé dans les terres basses voisines du goHe de Xila- lanco.C'ette région était occupée par lesXicalancasNonohualcas. Les deux premières \illes ou grands Pueblos que rencontrè- I eut les tribus, turent Nanualcalt et Zulpiti manuscrit kakchi- quel . Gayawitz et Zactecaib, chetsdes Kakchiquels, lurent d'a- vis dans im grand conseil qui tut tenu, qu'on attaquât de vise force ces deux villes. Les Xicalancas ne purent tenir contre l'impétuosité des tribus et se réfugièrent dans leurs barques amarrées au rivage. Leurs adversaires se précipitèrent à 1 eau, s'emparèrent des barques les plus proches et parvinrent à taire iuir les autres, ils se portèrent ensuite en toute hâte vers la \ille et étaient occupés à massacrer les tamilles des Xicalancas, quand ceux-ci, pousses par le désespoir, revinrent à la charge, surprirent les guerriers kakchiquels et autres, et en tirent un grand canarge. Leurs débris se rallièrent sur le mont Oloman. Là les chets se réunirent de nouveau et il fut décidé qu'on se séparerait.
Les annales sont silencieuses sur les premiers temps qui suivirent la séparation. On ignore également le chemin que
I. Tamub, d'après le livre sacre, serait venu il'Aniayt.in, peiit-circ la raiiis capitale des Miksos, révéliie par Mariette. (Je qui iiulivi'icrait que ces tribus dépendaient des prtmii.rs Scythes.
I T HK I.i:nK CIVILISATION jS
prirent les tribus avant d'arriver aux lieux où elles se trouvè- rent de nouveau réunies.
Suivant le livre sacré des Quitchés, les tribus, pendant plus d'un siècle, restèrent disséminées dans les réj,Mons hmniiles des montagnes qui s'échelonnent sur la rive gauche du (Ihixon Lacandon ofi elles se grossirent peu à peu par l'incorporalion de tribus étrangères, telles que les Manis, Poko-mans et les Pokomtchis qui occupaient déjà le pays, relevant sans doute du roi de Mayapan. Les Pokomtchis et les Pokomans sont appelés, par le mémoire de 'l'ecpan Aîitlan, les hommes à la poitrine cuirassée, ce qui rappelle les guerriers revêtus de cuir des bords du rio (îila et du Colorado.
La maison de Kawec (init par être à la leie d'une grande confédération comprenant les Habinaliens qui, avec les Poko- mans, dominaient la grande courbe du Chi.xon et les plaines voisines des neul châteaux de Zamanab; les Kakchiquels, qui avaient iixé leurs demeures entre les monts Pauxin et Para/one ; les At/it/iquinchas, mêlés aux T/utohiles qui s'étaient établis sur les bords du lac d'Atitlan -, enlin les Mams occupant le pays où se trouvent actuellement Hue-huc tenango, Quet/alte- nango et le Soconusco. La capitale des Quitchés était Utatlan.
L'histoire du Guatemala a déjà été écrite et présente trop peu d'intérêt pour que nous résumions les événements qui se sont écoulés entre l'arrivée des Quitchés et celle des Espagnols. Nous dirons seulement que le pays est couvert de ruines, que nous engageons les archéologues à visiter, et qui prouvent que les peuples qui habitent cette région avaient reçu la même civi- lisation que ceux de TAmérique septentrionale, du Mexique et du Yucatan.
Le Honduras qui touche au Guatemala, était habité autre- fois par trois tàmilles distinctes : i" les Chortis, appartenant au groupe Maya et occupant encore le département de Gracias; 2° les Lencas, portant également le nom de Chontales, faisant partie également du groupe Maya et dont les descendants sont répandus dans les départements de San Miguel, Comayagua,
lA
1)1:; L ORIGINK DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDK
Cholutcca, l'egucigalpa, Olancha cî Yoro, dans les îles de Roatan Guanaya et leurs dépendances; 3" les Caraïbes, qui s'étendaient près de la lagune de Caratasca jusqu'au rio San Juan et sur les côtes de la Mosquitie. Tous ces peuples de- vaient être assez avancés si l'on en juge par les ruines de leurs monuments. C'est le même style architectural en terrasses ; les tertres et tumuli ont des formes analogues, les Téocallis sont construits dune manière semblable, et les sculptures sont iden- tiques avec celles qu'on retrouve au Mexique, au Yucatan et au Guatemala.
Le Salvador a été civilisé, comme nous l'avons dit plus haut, par les Pipiles du groupe Nahualt ou 'l'ollèque qui fondèrent le royaume de Huey Tlato, que les Espagnols trouvèrent à leur arrivée.
Au Nicaragua vivaient les Cuzcotecas (habitants de Cuzco'j du groupe Nahualt; les Niquerans, ou plutôt Nicarans, dont la capitale était Nicarao Cari, d'où est venu le nom de Nicaragua; le pays des Nicarans ou Carans Caraïbes groupe Caraïbe ou Maya' ; les Orolenanos ; les Cholutecas ou Chorotecas, anciens Pipiles, divisés en Derians et Niqueras du groupe Nahualt ; les Chontales et les Caraïbes.
Les Chontales, qui parlaient un dialecte maya et dont le nom signifiait étrangers, occupaient les versants de la Cordillère centrale au-delà des lacs. Il est ditîicile de préciser l'époque à laquelle ils vinrent s'interposer entre les Cholutecas et les (Ca- raïbes de la côte orientale. Mais, comme le chonlal est parlé dans toute la Cordillère américaine depuis le Nicaragua jus- i]u'à Oajaca, il est probable que c'était une branche des Mayas qui, obligés par des tribus du groupe Nahualt d'émigrer, s'éten- dirent au sud principalement entre les sinuosités dépeuplées de la Cordillère, Ils n'avaient pas de grande ville. Matagalpa, leur principal centre de population, n'était qu'un pueblo.
Les Ce raïbcs étaient m iit; .s de tout le versant oriental de la (Cordillère jusqu'à l'Atlantique. Ils étaient divisés en tribus, les unes nomades v. alkenas , les autres sédentaires, vivant dans
KT DE LEl-R CIVILISATION ^5
les villes et entretenant un commerce considérable de cabotage avec les Mayas de la péninsule Yucatèque. Ces Caraïbes, de même que ceux des côtes du Honduras, nétaient autres qu'un essaim de ce groupe Maya qui, en arrivant dans ces nouvelles régions, a repris son nom de famille, Caras ou Caris, les forts. (' Ils avaient, disent les historiens, des livres en papier fabriqué avec des fibres de végétaux ou bien avec des peaux sur lesquels ils retraçaient, au moyen de caractères hiéroglyphiques peints, leurs lois, rites et faits mémorables. Ces livres avaient quelque- fois douze palmes de longueur sur une de largeur, étaient dou- blés en douze ou vingt-quatre pli«^ et peints des deux côtés. " La plupart de ces précieux documents ont été brûlés, en i524, par le Père Bobadilla. « Leurs connaissances astronomiques, ajoutent les historiens, étaient aussi avancées que celles des Mexicains. Ils divisaient l'année en dix-huit mois de vingt jours et avaient un système de numération très ingénieux dont la base était le nombre 20. Ils savaient travailler les métaux et la pierre et ne se servaient pas de fer; ils cultivaient le cacao et le maïs, et étaient enclins au vice contre nature, Leur religion était une sorte de sabéismc mêlé d'idolâtrie et d'institutions phalliques. Ils désignaient l'Etre suprême par les noms de Père du ciel ('Ta- moi;, grand-père, grand'mère, deux fois grand-père, deux fois grand'mère du soleil et de la lune. Ils sacrifiaient leurs prison- niers; ils avaient un culte spécial pour Dobayba, la mère des dieux, pour le soleil et le serpiint; ils reconnaissaient un Etre suprême créateur. » Toutes ces données, que nous avons em- pruntées à labbé Brasseur de Bourbourg, indiquent aussi clai- rement que possible, comme nous le démontrerons plus loin, que ces Caraïbe, .l'étaient autres que des Touraniens du groupe Maya. Nous allons les suivre jusqu'aux Antilles et à la terre de Feu, où ils ont porté les éléments de leur civilisation.
Du Nicaragua, ils gagnèrent le Costarica et le Darien. Quand les Espagnols arrivèrent dans le Darien, on n'y voyait guère d'édifices en pierres disent les historiens '. " Les maisc.is des
1. Abbu Ijrabscui- do bouii-iurg, /lisloirc Jcs )Uitiuni civiliscx;i.
'■I .'
yô m-, i.'ohicint: nr:s indikns Dr Nntvr:Ai;-MOM>i'
chefs ctaienl bâties en bois sur pilotis. L'intérieur était distribué a\'ec beaucoup de goût. Dans une des salles, le chef gardait les corpsdesesancètrcsdesséchésau feu. Cette installation étaitcelle de la plupart des villes du Honduras et du Nicaragua jusqu'aux bouches de l'Orénoque sur l'Atlantique '. Ces tribus énergiques et guerrières mangeaient de la chair humaine. Mais cette cou- tume, liée à des rites mystérieux, ne les a\ait pas empêchés de recevoir les notions des arts. Aussi, d'après Herrera, ils fabri- quaient des étotiés de la plus grande finesse, des bijoux d'or et d'argent, et leurs institutions étaient au niveau de cuUes du Guatemala et du Nicaragua. Herrera loue leurs peintures '. » Ce sont des chefs (Caraïbes qui indiquèrent à Balboa l'empla- cement du Pérou et qui lui remirent un dessin des côtes du Pacifique. Le Darien a conservé également des traces des Cho- lutecas 'PipileS/ du groupe Nahualt qui, attaqués traîtreusement sur les bords du lac Nicaragua par des tribus .Mayas venues du Yucatan, lurent obligés de quitter leurs établissements. Les uns se dirigèrent au nord-ouest où ils fondèrent Nagarando sur les bords du lac de Managua, tandis que d'autres contournant les rivages du golfe de Nicoya encore aujourd'hui habités par leurs descendants, pénétrèrent dans les provinces de Costa- rica et, au-delà du Darien, dans l'Amérique méridionale où nous les retrouverons plus loin. Ce mou\emcnt simultané des deux groupes vers le sud a été remarque par ()\iédo qui dit en parlant d'eux : « On dirait que les uns poussaient les autres. Ils avaient la même religion;, mais leur langue, leurs mœurs, leurs coutumes et leurs cérémonies étaient diltérentes, et ils étaient ennemis. "
Nous voilà arrivés à l'Amérique méridionale.
Nous allons examiner maintenant non point comment le peu- plement de l'Amérique méridionale a pu s'opérer, puisqu'au- cun obstacle n'a pu s'opposer aux migrations des tribus de race
1. Oii hc construisait sans doute pas en pierres à cause îles trembleiiients de terre.
2. Les chefs du Dauen et des côtes d'Urraba portaient U: litre de snko ou loi ..pu se retrouve dans le Cundenamirca et i]ui et.iil un litre princier et sacerdotal dans le Cun- denamarca.
ET DK LELR CIVILISATION
77
mongole venues de l'Asie dans rAmcrii.]ue septentrionale, mais nous allons chercher quelle route ont suivie les peuples qui y ont importé la civilisation et quels étaient ces peuples. Pour plus de clarté, nous demanderons la permission de laire connaî- tre succinctement la situation géographique et la nature de ces contrées.
l.e territoire occupé par les Incas à l'arrivée des Espagnols s'étendait du 4 degré de latitude nord au 34" sud, sur une lon- gueur d'environ 2,5oo milles. Sa largeur, de l'ouest à l'est, était approximativement de 400 milles, ce qui donne une surface de près d'un million de milles carrés, autrement dit égale à celle de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Allemagne, de l'Au- triche et de l'Kspagne réunies. \Jn^ très grande partie de cette surlace est inhabitable pour des êtres humains. I.a population indienne qui est à présent de cinq millions d'habitants, au temps des Incas, ne devait pa^ dépasser, comme l'a établi M. Squier, dix ou quinze millions. Géographiquemenl, tout l'empire des Incas était tropical, mais, à cause de l'altitude, une portion im- portante jouissait d'un climat tempéré, pendant qu une autre assez considérable appartenait à la zone sous-polaire et même polaire.
Les sept huitièmes de l'entière surface sont aujourd'hui, comme anciennement, occupés par les deux grandes chaînes des Cordillères. La chaîne occidentale court parallèlement à la cote à une distance moyenne d'environ qt) milles; quelque- fois elle s'en éloigne davantage ou descend si bas que les lon- gues vagues de l'océan Pacitique déferlent au pied de ses ro- chers. Hn plusieurs endroits, elle est coupée par d immenses quebradas ou ravins qui rendent les communications, surtout le long de la côte, très difficiles. La plaine étroite entre la Gor- dillère et le Pacifique n'est qu'un vaste désert de sable, au- quel l'intérieur de l'Australie peut seul disputer la prééminence. Pratiquement, c'est une région sans pluie, quoique, à des in- tervalles de plusieurs années, il y tombe de fortes ondées. Les quelques rivières qui sont alimentées par les neiges
78
DF L ORIGINi: DFS INIMRNS DU NOL'VFAU-MONDF
tondues sont absorhccs par le sable avant d atteindre locéan.
Les habitants supjMéaient à ce manque d'eau par des systè- mes d'irrigation très habiles. Mais on comprend que, malgré cela, les centres de population devaient être rares dans une pareille contrée si aride, si accidentée, dont la partie cultiva- ble était peu étendue, où il n'y avait comme bètes de somme que le taible lama '.
La chaîne orientale ou les Andes proprement dites se diri- gent presque parallèlement à l'autre chaîne , quelquefois à une distance de 2C0 milles, ou se rapprochent si près qu'elles ne sont séparées entre elles que par une étroite vallée. Cette chaîne s'ouvre en dilTérentes places pour livrer passage aux rivières qui prennent leur source sur le versant oriental de la chaîne occidentale et sur le \ersant occidental de la chaîne orientale. Quelques-unes de ces rivières parcourent plus de 1 ,000 milles au nord, parallèlement à la chaîne occidentale et au Pacifique, avant de rencontrer un passage à travers la chaîne orientale et, se réunissant, forment le grand fleuve l'Amazone qui va se jeter dans lAtlantique, à 4,000 milles de sa source située à 400 milles du Pacifique,
D'autres rivières, telles que l'Orénoque et ses confluents, re- lient l'océan Atlantique au plateau, large et ondulé, qui se dé- veloppe sur le sommet de la Cordillère, à 14 ou 18,000 pieds au dessus du niveau de la mer.
Ce plateau, dominé par de nombreux pics très élevés et dont la largeur varie de 25 à 100 milles, s'appelle le Despoblado, c'est-à-dire la région dépeuplée. En fait d'animaux, on n'y rencontre que la vigogne et le condor. Autrefois il n'y avait nulle trace d'habitation humaine, excepté les huttes de refuge construites par les Incas sur les roules qui conduisaient du nord au sud de l'empire.
t. Lorsque les espagnols sont arrivés au IVrcju, le lama était la soûle bête de somme de ces peuples. Mais il est probable qu'ils eu avaient eu d'autres i;ui ont disparu. On a trouvé des squelettes de cheval, et il est permis de supposer que le boa americ^viiis ibutrie) y vivait également.
I.T l)F LRLR CIVIMSATION 79
Ali sommet du Dcspoplado à environ ii on 12,000 pieds nu dessus du niveau de la mer, au milieu de pics dont la tète \a se perdre dans la région des neiges, se trouvent des régions aussi désolées que sur le plateau, mais qui sont [xirsemées de loin en loin de profondes vallées semi- tropicales que les Espa- gnols ont appelées boisas, bourses. Ainsi la bourse de Cuzco, siège de la résidence des Incas, était située entre les vallées de V'ilcomayoetde l'Apurimac, alflucnts de l'Ama/one. C'était sans doute la plus grande ville des Incas, quoique M. Squier pré- tende que sa population ne devait pas dépasser 5o,ooo habi- tants. La civilisation était limitée entre les plateau.x de Bogoia, Quito, Cuzco, quelques points de la côte, Chimu, Aréquipa, Quizca, et la région du lac de Titicaca. Le 'l'ucuman et le Bré- sil étaient à peine soumis quand arrivèrent les conquérants. Quito n'a été conquis par les Incas que dans les derniers temps de la dynastie. Les communications avaient lieu presque toutes par terre. Plusieurs grandes routes rayonnaient de la capitale '.
La première allait à la côte, ainsi quïi Quito et à Pasto. Une deuxième conduisait à Aréquipa et à l'océan Pacifique. Une tr'nsième menait aux provinces sur le plateau des Andes et à quelques pueblos au pied des montagnes. Enfin une der- nière aboutissait au Chili '. Nous ajouterons que de la côte^ près de Truxillo, on pouvait, par une passe, se rendre à Quito. Au dessus du golfe de Quayaquil et en dessous du cap San Fran- cisco, existaient deux autres passes; il y avait deux routes sur le plateau ; l'une par Popayan, Cah, Antioquia, conduisait à locéan Atlantique; l'autre, par Bogota, menait à l'Océan, soit en passant par Aranca et Augostura, soit en prenant une passe non loin de Pamplona qui aboutit au cap Vêla.
La voie de mer présentait de très grandes difîicultés pour les navires de cette époque. Quoique ces peuples, si bons architec- tes, devaient savoir construire de grandes barques, comme le
1. Cai-cilaxo, liv. MX, ch, xiii. i. Cic/îa, cil. .\i:ii,
fJJ
8o
1)1 1. ORIGINE DFS INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
dit Pierre Martyr ', ei n'en étaient pas réduits aux bateaux for- més de deux outres de peaux de loui"»s-marins, cousues et réunies au moyen de cordes, quils remplissaient d'air avec un tube placé à I extrémité de chaque outre, il n'en est pas moins vrai que la navigation dans ces parages était loin d'ê- tre l'acile. Les cotes de la Nouvelle-Grenade sont presque inabordables. Le lameux courant d'eau chaude va du sud au nord avec une rapidité de deux milles à Theure. Au- jourd hui encore les navires à voiles qui veulent se rendre au Pérou doivent remonter d'abord à Touest jusqu'à deux cents lieues en mer pour rencontrer les \eiUs du quart de cer- cle occidental, qui sont les seuls avec lesquels oi-i puisse gagner le littoral. 11 n'est donc pas probable que, contrairement aux assertions de Vélasco et de Montésinos , les Aymaras ou les (]aris soient venus par mer. Les traditions disent qu'ils s'éta- blirent d abord entre San-Francisco et Manta. Les populations de Manta se vantaient d'avoir vu et possédé le dieu Cou ou Ciiii et lui avaient donné le nom de Huk-Kon ou Oua (^on (le serpent volant . Ils auraient l'onde en ce lieu leur premier établissement, Carangui, du nom véritable de leur chef. Cette hypothèse est admissible. Seulement, au lieu d'être venus par mer, ils ont plutôt pris la \oie de terre que M. Charles Mano a reconnue au moyen des crânes allongés des Aymaras ou des Caris qu il a trouvés dans les tombeaux à leurs dillérentes stations. Il a publié à ce sujet un mémoire des plus intéres- sants dont nous allons donner quelques extraits '.
■ Dans une des dernières pentes intérieures de celte même
I. l'icnc .\laityr, raijoiuaiii la coiiicrcnci;, i|uc Balboa eut ttaiis les cites orientales de rislhnie avec le lils de Khuniu Caii, met ces mots dans la bouche iki jeune chef: u Ilos montes (undice digito montes nionstrabat; tr,i)iciendo mare a'iud e proniotoriis despec- laïc licebit, quod navigiis nihilo veslris nunioiibus et caiavelas inâumabat licct et illi nudi sint more nostio, velis lamen et ternis utuntur. » DccaJ., 111, liv. III.
i. Montcsinos ajoute qu'ils seraient partis du cap de Buena Esperan/a, près de Colima (.Mfxique).
■;'. l.iLi lac dcliticaca ,i lîogot.i /'iinaU's ,(i' /'/iivïrdcnofi publique Ms Etals di; Culoiii- iic par M. Mano.
IT 1)F I.FUR CIVILISATION
8i
vallée de Telumbéla l^qualeur , près du thalweg de toute cette région du Chimhora/o, à dix minutes de distance de 1 en- droit où sont les antiques sarcophages naturels de Mosusan, se trouve la pierre curieuse sculptée dont on parla à i^odegas de liadahoyo. Elle ressemble, par sa lorme générale et ses sculptures, à la pierre dite des sacrilices que l'on peut voir dans le musée de Mexico. On y remarque huit trous, comme dans les pierres destinées au même usage. l\Trmi les orne- ments grossiers dont elle est cou\'erte, on distingue des tétcs humaines, des serpents ailés, des oiseaux et animaux lan- tastiques.
" Un guerrier avec un casque en lorme de tète de condor, tient, dans une main, une sorte de javeline et, dans l'autre, un bouclier. Ce personnage est surtout curieux, à cause du développement de .son ne/ orné d'un anneau '. 11 foule à ses pieds, comme à Xamapayta, à Cheriguane, à Sica-Sica, à Tiaguanaco, un autre guerrier vaincu '. n Arrivé en ces lieux, l'exode a été obligé, par suite de l'érup- tion de quelques volcans, de dévier Je sa route à angle pres- que droit pour se diriger vers la côte du Pacilique. « A Guayaquil et au Venezuela, j'ai vu plusieurs sièges en pierres sculptées de la province d'FJméralda ; un de ces sièges était placé sur le dos d'un Indien au long nez aquilin. " Dans la province d' Umtabura, à la hauteur de Huaca, j'ai ' trouvé une autre station avec une nécropole et quelques ani- 1 maux sculptés comme ceux de Diezmo (Pérou . Ces sculp-
I. Ce qui trappe dans les bas-roliels Jii graïul monument de Palenqué, c'est la sin- gularité qui se rencontre constamment dans le pvotil du \isage des personnages, et qui consiste en une courbe décrite depuis le haut du front ;usqu".'i l'extrémité du nez et qui équivaut presque à un quart de cercle. D'un autre côté, les nez aquilins, d'une grandeur énorme, caractérisent essentiellement les monuments de sculpture mexicaine. Dans les t.ibleaux hiéroglyphiques conservés à X'ienne, à Rome, à \'illetri, au palais du vice-roi à Mexico, toutes les ilivinités. les héros, les prêtres mêmes sont ligures avec de grands ne/ aquilins, souvent percés vers la pointe ou ornés de l'amphisbéne ou du serpent inysté- rieux à deux têtes (Antiquités mexicaines).
■j.. Nous savoi-i: par les sculptures de Ninive et par d'autres sources, que c'était l'usage du conquérant de touler à ses pieds le vaincu et de poser le pied siu- son cou.
6
8'j
i)i-: r. oruGiNE des indiens du nouveau-monde
" tures se rencontrent Jusqu aux altos de Boliché, près de 1 iil- " can. A la irontière, entre l'Equateur et la Colombie, dans les « environs de Carc/ii, en remontant la rivière, il y a une autre " station. IX\ les volcans l'uquères et Pasto ont empêché « l'exode de suivre la mer. Du Rio-Carchi, en allant au nord, « je n'ai pas rencontré une seule trace de leur migration jus- << qu'à la partie de la (Cordillère, qui se trouve dans les environs « de Cali. En entrant dans cette région, j'ai trouvé une autre " station, une autre nécr.îpole ou plutôt une succession de né- « cropolcs, qui s'étendent plus ou moins entre les parallèles 3 « et 4. Des ligures caractéristiques attestent le passage de " l'exode, qui s'est étendu sur les deux Cordillères, car je " sais qu'il y a égalemei.l des tombeaux dans le rameau central " de (]aloto. J'ai reconnu encore là les deux races, l'une avec " le crâne allongé et l'autre au crâne normal, en même temps " que le type au ne/ proéminent et busqué qui, à Palenqué, a " tant frappé 1 attention des ethnologistes. l.a tribu sauvage des " Indiens Cibaris, les Sibarios nomades du Uio-Grande, près " de la frontière de la Liolivie et du lîrésil, et certaines frac- '< tions des Bogres de la République Argentine ont conservé » ce type '.
« L'existence de nécropoles analogues dans \a Coniillèrc ccii- <' traie, ainsi que les gigantesques statues de San Augustino 0 'lolina mont convaincu qu'au sud de Popayciii, l'exode " s'était divisé : les uns se dirigeant vers le nord de la Colombie " pour se rendre au \'éné/uela , par Anlioquia, 1er. autres " par le Chocu et l'isthme de Panama.
" En entrant au passo de (^uindio en 'l'umbuez, entre Car- " thago et Salento, il y a une auti'e nécropole. Les briques qui <' couvrent ici les cadavres comme au Pérou et en Bolivie, <• n'ont pas été suMlsantes pour les préserver de la décompo- " sition. Mais des statues en terre permettent de reconnaître '■ les deux types opposés.
I. (Jii rciiiarquciA que cls peuples apparticniv.iil au rameau i;iiaraiiien, aulrciii.'iit dit .lesccnJeni îles CaraUvs.
I T OK LKL'U Civil, ISATION
8:<
<' Ix' pueblo de Salenco est bâti sur une de ces nécropoles.
<i Après avoir traversé le Quindio d j Carthago à Ebagué d'o-
'< rient à l'occident, je n'ai pas trouvé une seule station de
" lexode, quoique j'aie observé attentivement le terrain entre
" le rio Maiidalcua et Bogota '.
0 A Titnja, je n'ai rien remarqué non plus, ce qui me tait « croire que l'exode n'est jamais arrivé dans la Cordillère orien- " taie, dans la zone comprise entre la ligne équatoriale et le 7 ' " degré. "
Ainsi, d'après ce savant voyageur, l'exode est parti de Pa- nama et de lembouchure du Rio Magdalena. Les uns ont re- monté le Uio Magdalena et le Rio Cauca et, passant par An- tioquia-Calli, sont arrivés à Popayan où les autres les ont re- joints en suivant la route de Quindio et de Choco.
Pendant ce temps un de ces essaims de Caras ou Cara'ibes, venus sans doute de l'Amérique centrale, conduit par un prêtre, son guide Bocica ou Pitcika , remontait le Rio Cauca ; et fon- dait les trois royaumes de Zenu, 'i'un/enu et Panzenu de Cun- dinamarca; situés entre la Magdalena, les montagnes d'Ebibe et le golt'c de Tolio.
'I Ces nations, dit l'abbé Brasseur, étaient d'origine caraïbe. " C'est là qu'on a découvert des tumuli semblables à des colli- " nés qui renfermaient des tombeaux en pierres de taille et voû- « tés, contenant les restes de leurs princes et des trésors consi- 'i dérables. Depuis Caramara, la vallée du Zenu et du Rio Cauca '< était parsemée de ces tumuli. On retrouvait les vestiges d'une « antique civilisation dans les monumentsen pierres abandonnés « dans l'épaisseur des forêts et surtout dans les arts admirables I. que les Caras avaient conservés. On les reconnaissait à la taille 'I des pierres précieuses, au travail de la bijouterie d'or et d ar-
jlll dit
I. Dans le ttislrici de San Augustin, dans les parties élevées de Meira, par 3" i 3' de latitude nord, on a rencontré des monuments comme la grande table de granit de los sacriflcios, supportée par des cariatides, des statues de grandes dimensions et d'autres objets artistemcnt travaillés. Antiquariai cthnulogic.il ^nd ullwr i-csearclics, Xi'w-Cua- iij./a l'y BoHaevt. )
4
\)\-. I. OUICilN'l' DIS INDII'SS l»r N01'VP:\('-M0V|)|
gciit, à la liclKSSc et à l clci^anccdosctotlcs qu ilscontiiuiaiciit à tisser et même à la structure si remarquable de leurs temples et de leLirs palais qui. quoique en bois, présentaient un air de
K'"
and
eur dont s'étonnaient à jusie titre les conquérants
Une tradition attribue à un autre iiocica la civilisation du plateau de l^ogota. Ce Hocica, appelé éiçalement lluc-koi» ou Huc-moxo, serait arrivé de lest, c'est-à-dire des grandes plai- nes arrosées par les contluents de l'Orénoque, tels ijuc le Guavara, le Meta et TArauco, encore aujourd'hui célèbres par les grandes ruines qu"on y découvre à l'approche des (.:ordillè- res et par les rochers sculptés disséminés entre les bras de l'A- ma/onc. Il est représenté comme le Hocica de Menta, avec une grande barbe, des chevei;\ noirs et lisses, vêtu d'une tunique descendant à mi-jambes et d'un manteau noué sur l'épaule. 11 apprit aux Chibchas, de même qu'au.v populations de la côte, à peindre des croix sur leurs manteaux '. 11 serait venu sur le plateau de Bogota par Pasca, d'où il serait passé à Aloxa et à Foulivon, en traversant les montagnes qui sont au nord. On le vit à Hanza Tunja et à Sagnmosco où il mourut.
Enfin^ un troisième Piocica serait parti de Panama et, suivant la route de (^uindio-Clioco-Popayan, aurait gagné les bords de la mer, entre le cap San-Francisco et la pointe Santa-tllena, où il aurait londé les établissements d'Atacames, Carangui nom de la nation et Menta, dont les populations axaient conservé son souvenir sous le nom d'Huc-con et Oua-con , comme celles du plateau de Bogota et du Cundinamarca ^frontières extrêmes de Con';. C'est un de ces trois groupes qui a pénétré dans le royaume de Quitus -, qui Ta civilisé et où il a pris le
I. Cotte ri;niaiv]ue est on ne l'Cut plus intéressante. Q_uani.i Quet/aleohualt, grand prê- tre des Touraiiiens, débarqua à la presqu'île d'AlasUa , sa robe, disent les traditions, était parsemée de croix rouges. Le Boeica ou le H ue-kon ou Alion de Manta et de Bogota, qui portait le même nom, était donc un personnage tout à tait semblable à Quet^al- cohualt; et qui permet de suivre la marelie de la civilisation dans le Nouveau-Monde.
■.;. \'elasco, l'historien Je Quito, dit que les anciens liabitants de cette contrée se nom- maient (^uitti et que .^ou aits a\ant la conquête espagnole, vers l'an looo de notre ère, les C.ira.s, rcmont.tnt la rivière Ksmer.ilde. dans des bateaux de loup-marin, con-
I r 1)1 Ml U civil, ISATION
S 5
nom de Scyri prnbiiMcmcnl Scvthi ; on les retrouve encore sur les hords et dans les environs de la rivière de Guavaquil. Kn i32(), les 1-^spagnols ont trouAé à Tumbe/ des vestiges de forteresses qui prouvent qu il y eut là un établissement im- portant, l-'n a\ançant vers le sud, on voit des traces de leur passage sur les bords du rio Vinaque, où existent les ruines de grands édifices dont l'architecture dill'ère de celle desincas. Les Indiens du voisinage, consultés par les espagnols sur l'an- cienneté de ces monuments, répondirent qu'ils étaient l'ouvrage d'un peuple blanc et barbu comme les Européens, qui régnait sur ces contrées bien avant les Incas. De là, profitant d'une passe qui se trouve noa ioin du 'l'ruxiilo actuel, ils pénétrèrent dans la région intérieure sous le nom de Chimus, et bâtirent (]himu Chancha ' dont les ruines, ainsi que le cimetière rempli de crânes allongés, attestent leur présence. M. Manos a dé- couvert des crânes de cette même forme près du Cerro de Pasco, à une petite distance de Canta. ■■ J'ai trouvé là, dit-il, une tablette en granit, a^•ec des sculptures représentant des grecques assez parfaites et des losanges qui entouraient une pierre à sacrilices. Deux félins, grossièrement sculptés en creux dans le granit, semblaient défendre l'accès de ce sanctuaire en plein air, à quelques lieues plus loin, dans un lieu nommé Diezmo, j'ai \u des sépultures souterraines semblables à celles que je cherchais. "
iiuireiil t()Ut le haut plateau Ac traita et guuvcrnèrent le pays sous le no!n de Garais Scyris.
I. I^cs Chimus liommes torts), étaient, dit Montésiiios, des ge'ants qui, comme au- trefois les peuples de Teo CoUuiacaii, pratiquaient la sodomie d'une faifon si éhontéc que les tribus vaincues fuyaient pour se soustraire à leurs cmbrassements. Ce vice, sui- vant Diaz, e'tait commun à tous les peuples de la côte du Pacitique. Les Chimus occu- paient les cinq vallées de Permunca. llualinii, Santa, Huanapes et Chimu. l.'aride plaine de Chimu, près delà ville moderne de Truxillo, sur 12 ou i3 milles de longueur et sur 3 ou 6 de largeur, est couverte de ruines Je l'ancienne, Scyri ; comme Babylore. elle était, d'après M. Squier, bâtie en terrasses; les Chinuis sont restés indépendants jusqu'à leui- iléfaite par l'Inca ^■upa^qui, lils de l'.ichakutek. On trouve encore, près de Cliinni Chanchu, un cimetière dans lequel furent enterrés les Chimus et les Quitchuas, après la dernière bataille, dans laquelle les CbimULi turent anéai-.tis. Us se reconnaissent à 1.1 lurme de leva' ciàne allonge.
IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3)
//
^/
ij.
■^ â^^ /////
L!?
•il. '^4L^ W,
(/.
1.0
l.l
!.25
1^
110
m
2.5
1.4
2.0
1.8
1.6
V]
<^
/a
/:
é^M . 0% ;v
7
V
«^
-êP
:\
\
»x°'
^^ ^17
>^
iV
mmar
86
UK I, ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAt.-'MONDE
De là, on les suit sous le nom de Yuncas, à Concon, ancien nom de leur chef; à Liin'ii, où ils avaient bâti un temple; à Quelca, d'où, sous le nouveau nom d'Aj-inams, serpents, ils ont gagné le lac Titicaca, à 120 ou i3o lieues, en passant par Arequipa.
Lorsqu'ils turent arrives dans cette magnifique région, ils s'établirent à riaguanaco, et nommèrent roi Pirrhua , Icurpré- tre Manco, en Tan 8(30 ou 900 '. Cette expression de pirhua vient de pir, chaleur du soleil, huî:, race. La racine /j/r exprime aussi ridée de lumière et de feu dans toutes les langues aryen- nes. C'est de là que sont sortis les noms de Pérou et de Perse (pays de lumière ou terre du feu, de la lumière , nom que porte encore le pays des Fuégiens. Bc^er veut dire lumière, éclat, rayon. Pars, en zend, suivant Anquetil Duperron, signifie pur, brillant, lumineux, ce qui convient au pars proprement dit, c'est-à-dire à la Perse, tant à cause de son ciel pur que comme siège de la religion de Zoroastre. On sait aussi que chez un grand nombre de tribus de la Turquie, de la Tartarie et de l'Iran, les petits rois ou khans se donnaient et se donnent encore le nom de pyr. Porus, ce roi célèbre de l'Inde, qui lutta contre Alexan- dre, n'était autre qu'un pyr de l'Iran oriental, désigné par son titre monarchique et non par son propre nom. Le nom de Pirhua, que prit le souverain des Aymaras, n'a donc rien d'ex- traordinaire et vient coniirmer l'origine de la civilisation aryenne de ces peuples. On remarquera également l'analogie frappante qui existe entre les deux noms de Perse et de Pérou.
De Tiaguanaco, les Caras ou Caris, pénétrant à Test, fondè- rent la ville de Tapaccariz, dans le département de Cocha- bamba où ils se maintinrent indépendants jusqu'à ce que llnca
I. Cette date coïncide avec l'époque à laquelle dueliaicoliualt quitta la presqu'île Yiica- téque et s'e;Tibarqua à Cliaitipoton avec ses anioxoaqucs, à la recherche d'autres régions à civiliser. Son nom se retrouve, peu de temps après son départ, dans l,i Nouvelle-Gre- nade, transformé da' s la langue du pays en celu; de Oua con, qui a la mêmesigniticaiion. Et le personnage qui le porte est représente par les traditions avec les mêmes traits, les mêiiics vêtements sur lesquels étaient peintes iies croix rouges.
FT dp: i,i;uu civimsaiion 87
Capac Vupanquu les soumit à son autorité. L'établissement londé par eux ci Xamapeyta, quà découvert M. Mano et dont nou'^ parlerons plus loin, est une preuve qu'ils ont pénétré chez les Chiriguanes. On les retrouve jusque sur la Ijrre du Feu, sous le nom de Karaiques, que portaient, dans le prin- cipe, les t'^uégiens actuels, auxquels ce dernier nom a été donné, en 1822, par le capitaine Weddel.
Cent cinquante ans après leur arrivée dans l'Amérique mé- ridionale, vers le milieu du xi" siècle, ajoutent les Annales, des peuples nouveaux envahirent le Pérou. « Ces étrangers venaient d'une contrée lointaine, riche et puissante, d'où ils avaient été chassés par des hommes (orts, robustes, de haute taille. "
Leur chef s'appelait Manco Capak je prêtre souverain , et les peuples qu'il guidait étaient nommés Quitchuas, hommes qui s'expriment bien. Même sens à peu près que celui de nahuall. " Quant aux caractères physiques, dit d'Orbigny, les Quitchuas " ne ditierent en rien des Aymaras qui tous deux se rappro- « chent des peuples mexicains. Pour le caractère, ajoute le " savant voyageur, pour les facultés intellectuelles, pour les " coutumes, pour les usages privés et de société, pour l'indus- " trie agricole et manufacturière, pour les vêtements, les Quit- « chuas ressemblaient en tout aux Aymaras ; seulement leurs " tombeaux, leurs monuments différaient pour quelques points. " Les langues se ressemblaient beaucoup par les formes, la ' composition, par la dureté et l'étendue La langue aymara '■ est peut-être une des plus dures du monde. Sa gutturale, " sortant de toutes les bornes connues, vient tout à fait du tond " de la gorge et ne cède en rien à la langue quitchua pour le " nombre des consonnes, pour la redondance rude et saccadée. ■ On retrouve à peu près un vingtième des mots qui ont évi- « demment la même origine, surtout ceux qui expriment les -' idées religieuses; aussi, tout en y reconnaissant une foule '■ d'autres dont la racine est différente, et qui, par conséquent, 0 dénotent une langue distincte, nous sommes porte à croire « que la langue aymara est la source de la langue quitchua.
m
88
1)K 1. ORIGINK Uh-^ INDIl-iNS DU NOUVEAI-MO.SDK
- ' I
« qui l'entoure de tous côtés et que le temps a pu altérer '. i>
Les Quitchuas sont venus par mer jusqu'à l'embouchure de l'Urénoquej qu'ils ont ensuite remonté ainsi que ses contluents, ont gagné le plateau de la (Cordillère, non loin de Bogota, sans doute, et ', de là, passant par Quito, sont arrivés à Cu/xo. Il est fort possible, d'un autre côté, qu'ils aient suivi la même route que les Aymaras. Les Aymaras ayant été soumis, leur chef, Manco Capac, prit le titre de souverain Inca . 11 com- mença, suivant Montésinos, vers l'an 1020 ou lol^o \ la dynas- tie des Incas qui dura jusqu'à l'arrivée des Espagnols,
L'histoire de cette dynastie est restée jusqu'à présent très obs- cure, car on ne peut ajouter foi à celle qu'a écrite Montésinos. Celle qui a été faite pa»- Garcilazo de la V'éga, de la famille des Incas, est meilleure, mais laisse encore beaucoup à désirer.
La destruction des monuments de Tiaguanaco date proba- blement de l'arrivée des Quitchuas. " Par tout le voisinage, dit Cieza de Léon en parlant de ces ruines, demeurent couchées à terre maintes pierres très travaillées, grandes et petites, en nombres iniinis, par quoi l'on veoit que survinrent aucunes guerres, lesquelles suspendirent l'œuvre avant qu'elle ne fust terminée. »
Ce qui semblerait indiquer que les A} maras n'étaient pas, depuis très longtemps, dans le pays quand les Quitchuas en ont pris possession.
Pendant que les Incas étendaient chaque jour leur domina- tion, les Caras, Caris, se répandant de leur côté jusqu'aux rives de la Plata, portaient leurs mœurs, leur religion, leur industrie et leur langue dans les (les des Antilles ', fon-
1. Ne pcut-ou pas appliquer tout co qui prcccdc au sujet ilc l'ayinara et du quitchua, au nahualt ut au maya :
2. Garcihizo raconte qu'il y avait autrefois une roule qui eonduisait de 'luico à Quuo, cl qui allait jusqu'à l'ogota, suivant I-'ergusson.
3. Cette date coïncide avec la grande migration des peuples de TAnatiuac quand K: premier empire mexicain, livré aux horreurs de la guerre civile, de la peste lI de la li- mine, lut envahi par des hordes de Chichimèques.
4. u En résume', après a\oir denionlié que le nom de Carioc (i.aïaibtj u'esl qu'une
ET DE LEUR CIVILISATION 89
daicnt un empire dont le siège fut 'l'ap-Kari dans la province bolivienne de Cochabamba et pénétraient jusqu'à l'extrémité du continent dans les régions glacées de la terre du Feu où on les retrouve sous le nom de Karaïques. l.cs Patagons appe- laient 1 Être suprême Kanex, et les Puelches Kauchi oi' Ura- kans.
xMaintcnant qu^ mus savons par qui et comment le Nou- veau-Monde a été peuplé et civilisé, si nous conjparons les arts, la religion, les mœurs et les institutions des peuples des deux continents, et que nous puissions prouver qu'il existe entre eux des assimilations, des atïinités, des ressemblances, telles qu'il ne soit pas permis de douter de leur identité d'o- rigine; nous espérons qu'on ne dira pas comme dernière- ment un savant : " Ces rapprochements s'expliquent par la conformité de l'esprit humain à la Ibis variable et possé- dant un fonds commun d'idées, d'instincts et de procédés. Ces similitudes prouvent, si l'on veut, l'unité de l'homme, mais, parce que l'homme d'Amérique, en inventant des méthodes, en ciéant des arts, en supputant la durée chro- nologique, aura rencontré des (ormes équivalentes ou même
corruption du mot Guarani fiuicnier); après avoir ciigrché à prouver, par la comparai- son des langues, que les Guaranis ont poussé leurs migrations jusque sur les rives de rOrcnoque et dans toutes les Antilles; après nvoir signalé le mode de leurs .migrations, les motifs qui les ont déterminées et les traditions qui s'y rattachent, nous avons constaté une identité pai laite entre les Ouar-i;iis, les peuples brésiliens, les peuples des Antilles, sous le rapport de leurs caractères physiques, de leur taille, de leurs formes, Je leurs traits. Passant ensuite aux rapports moraux, nous avons retrouvé cette même identité des Guaranis et des Caribcs, dans leurs coutuines privées, leurs usages, leurs mœurs, leur industrie, leur costume, leurs ornements, leurs parures, leur gouvernement, l'hérédité de leur chef, leurs principes religieux. > D'Orbigny, L'homme américain, p. ixi.
Sur ce territoire d'Haïti a vécu et brillé la Quizqueya caraïbe ; les t^èiies, dieux tuté- laires, ont donné leurs oracles ; Hukcon, aux éclairs éblouissants, s'est élancé de ses cavernes sacrées vers le ciel. Espérant le lever de la blonde reine des nuits, les popula- tions sortaient en foule de leurs carbets, s' écriant selon le rite : Nonoun-nonoun ! Là. bravait CouroMmou, aussi puissant que Michebon, le génie des eaux, et aussi terrible qu'Atamastor et C.'racau, le? génies des tempêtes. ^\i cacique Ouacanagari voguait dans son canoa sur le fleuve Han-bonico. Les guari-one^ régnaient sur cette plaine, et la femme cacique Anacoana, sœur de Liocheio ;13ochica), dominait par son talent. [Haïti awint l'olumb, par Ldgard la Salve.)
wamr
l
90
m: I. (iRKjiNr: dks in'dikns nu nol:veai:-moni)F
identiques à celles dont 'homme d'Europe ou d'Asie se serait servi, il ne s'ensuit pas que celui-ci ait dû \e£, importer. » M. Charles Mano est convaincu que la civilisation américaine a pris naissance près du lac de Titicaca d'où elle s'est répandue dans toute l'Amérique. L'abbé Brasseur va plus loin; il se demande si ce n'est pas au Nouveau-Monde que nous devons nos lumières. Toutes ces théories sont respectables, parce qu'elles émanent d'hommes éminents et convaincus. Quant à nous, nous le répétons, nous sommes persuadé que la source à laquelle les peuples de FAmérique ont puisé Fétat de culture intellectuelle qu'ils possédaient à l'arrivée des Espagnols, est essentiellement aryenne et nous allons nous efforcer de dissiper les doutes qui pourraient rester à cet égard.
trr DE LEUR CIVILISATION
91
L'ORIGINE
DE LA CIVILISATION INDIENNE
PROUVÉE PAR LES AR 1 S
La meilleure preuve de la civilisation d'un peuple ou du moins celle qui est aussi sûre que toute autre, par la déduction qu'on peut tirer des arts mécaniques, s'appuie sur Tarchitec- ture qui présente un champ si vastp et si noble au développe- ment du beau et du grand, en même temps qu'elle est intime- ment liée aux commodités essentielles de la vie. Les monuments d'une nation portent en eux le sceau particulier de son génie. Deux architectures distinctes existent dans le monde : i" l'ar- chitecture orientale qui commence à Babylone et à Memphis et s'étend jusqu'aux Indes, en augmentant de solidité et de grandeur; 2" l'architecture occidentale qui prit naissance dans TAsie-Mineure, régna dans l'Asie, d'où elle se communiqua à la grande Grèce, ensuite à Rome et de Rome aux colonies barbares de l'empire. L architectonique mauresque et gothi- que est un art du milieu des temps et des clim.ats, tenant de la grandeur du génie babylonien et de la légèreté du gé- nie d'Athènes. La première architecture se distingue par la solidité, la déclivité en talus, la construction en terrasses et la forme pyramidale, caractères que nous retrouvons dans l'architecture américaine. Quand on étudie les villes, tem-
■»
02
ni-. I. ôKic.iM i)!"s iNmr.NS nr noi vkal'-mondk
pics, palais, ponts, aqueducs, tertres en terre, tumuli en pierres, lortitications, dont les ruines couvrent le sol depuis le rio Gila jusqu'au Paraguay, on reconnaît de suite que ces œu- vres admirables comme simplicité, symétrie et solidité, sont sorties de la même conception et que les nuances qui les distin- guent proviennent seulement d'une différence de mœurs, de temps et de culte. Même point de départ, plan uniforme, style analogue, ordonnance pareille, ornementation semblable, but égal, c'est-à-dire construire solidement selon les règles et les proportions les plus parfaites exigées par la nature du terrain et la destination des édifices.
Ce qui caractérise par dessus tout l'architecture américaine, c'est la tendance dominante qu'avaient ces peuples de placer leurs temples et leurs demeures sur plusieurs fortes assises en terrasses comme sur une sorte de trône, ce qui semblait les grandir encore et leur donnait l'avantage de la sûreté de la position, ainsi que la perspective d'une vue étendue. Ils avaient compris, que le sacrifice religieux qui pouvait être aperçu par tout un peuple à la fois présentait un caractère plus imposant, et qu'un monument élevé en amphithéâtre acquérait ainsi dans un isolement plein de majesté, les perspectives les plus flat- teuses à l'œil, les proportions les plus grandioses, la symétrie la plus élégante et les lignes les plus harmonieuses dans un ensemble saisissant. Pour que leurs édifices résistassent miuux aux bouleversements naturels si fréquents dans ces contrées, ils avaient adopté la forme en talus pour les murs extérieurs, en carres longs pour leur palais, et en pyramide pour les monuments élevés, dont le sommet était mis en communica- tion avec le sol par des escaliers dont la largeur variait en pro- portion de la hauteur, et qui étaient plus ou moins rapides^ pourvus d'une rampe avec ou sans inclinaison, et un palier pour les grands édifices de cinquante à soixante degrés.
Ce mode de construction en terrasses se retrouve aussi bien au nord que dans le sud de rAmériquc. A Chilocoth, à Mar- cetta, dans l'Ohio, dans le Kcntucky, l'clat de New-Vork, le
f;''
IT DK I.r ru nVII ISATION g3
l'cnnessc'C, le Missouri, etc., on a découvert un grand nombre de tertres en terrasses superposées semblables aux teocallis du Mexique. Un tumulus, près de Saint-Louis, a 2,400 pieds de circonférence à la base et 100 pieds de hauteur, dimensions qui ra^jpellent celles de la pyramide d'Asychis, roi d'Kgypte '.
A Florence : Alabama , se trouvent les ruines d'une pyramide tronquée rejnarquable par sa régularité géométrique. Chacune de ses faces est orientée comme celles des pyramides du Mexi- que.
Au Mexique, dans le Yucatan, l'Amérique centrale et PAmé- rique méridionale, on trouve un grand nombre de ruines : i" de tumuli en terre, ou en pierres et chaux, ou en briques, les uns sans issue apparente, les autres avec une galerie transversale ou avec deux galeries en croix revêtues de pierres régulières et taillées; 2" des teocallis de diverses formes en pierres taillées couvertes d'un solide enduit, orientés, à plate-forme unie ou à plate-forme portant un temple, et disposés depuis quatre corps en retraite l'un au-dessus de l'autre jusqu'à huit corps; 3" des py- ramides quadrangulaires d'un seul corps ou de plusieurs corps en retraite avec des escaliers sans rampe ou pourvus d une rampe diagonale.
Parmi ces constructions en terrasses, nous demanderons la permission de citer les plus curieuses et les plus remarquables.
Le plus grand, le plus ancien et le plus célèbre de tous les monuments pyramidaux à terrasser de l'Anahui' ' est le teocalli de Cholula la ville de l'exilée bâtie par Quetzalcohualt . On l'appelle aujourd'hui la Montagne faite à mains d'hommes. Il se trouve à Test de la ville actuelle de Cholula^ sur le chemin aui mène à Puebla. 11 a quatre assises toutes d'une hauteur égale en retraite et en talus. Il est exactement orienté d'après
I. i^c prince, voulant surpasser Ls rois qui avaient gouvermi i'Egypie avant lui, laissa pour monument une pyramide en briques avec cette inscription : .i Ne me méprise pas en me comparant aux pyranii-les en pierres. Je suis autant au-dessus d'elles que Jupiter est au-dessus des autres dieux. J'ai été bâti de briques tirées du tond du lac >• (Fléroddle, V.\. il, c'ii. i;\x.\vi.
94
l)K 1. DHU.INI- l)l:S INDIFNS l)f SOI' VF.iT-MONbli
les quatre points cardinaux. Sa base est plus étendue que celle de tous les éditices du même genre mesurés dans l'ancien con- tinent. Klle est., par exemple, deux lois plus grande que celle de Chéops. Chacun des côtés de la base a .jl^p n', de longueur; sa hauteur est de ()5 m. suivant Bétancourt, 70 suivant Torque- mada. KWc e.xcède un peu celle de Mycériiius '. Un escalier servait pour monter diagonalemenl d'un corps à lautre ; il avait cent vingt gradins. A la cime était un autel dédié à Quet- /alcohuat. Ce monument était construit en briques non cuites alternant avec des couches d'argile; c'est pourquoi on l'appelait 'l'IalcheliUatepec la montagne de briques non cuites . La plate- forme a 4,200 m. carrés.
Au sud-est de la ville de Cuernacava, l'ancien Quauhnahuac, sur la pente occidentale de la Cordillère d'Anahuac, s'élève le monument de Xochicalco (la Maison des fleurs ; c'est d'abord une colline ou une masse de rocs à laquelle la main de l'homme a donné une forme conique assez régulière et qui est divisée en cinq assises ou terrasses dont chacune est revêtue de maçon- nerie ; les assises ont à peu près 20 mètres d'élévation perpen- diculaire; elles se rétrécissent vers la cime. Toutes les terras- ses sont inclinées vers le sud-ouest. La colline est entourée d'un fossé assez profond et très large. Le sommet présente une plate-forme oblongue qui, du nord au sud, a 72 m. et, de l'est à l'ouest, 86 m. de largeur. Cette plate-forme est entourée d'un mur de pierres de taille dont la hauteur excède 2 m. et qui ser- vait à la défense des combattants. C'est au centre de cette place d'armes spacieuse que l'on trouve les restes d un monument pvramidal qui avait cinq assises et dont la forme ressemblait à celle des autres teocallis. Tout l'édifice avait environ 20 m. d'é- lévauun. Les faces sont exactement orientées d'après les six points cardinaux. La base a 20"' 07 de long sur 17'" 04 de large. On ne découvre aucun vestige d'escalier conduisant à la cime
I. Dans les trois gfaiultfs p}iiuni.ies de l)|izch. le» hauteurs sont sux bases connut I a 17 10; dans celle de ClioUilan, comme i à ■;H lo.
; a
ET DE LEUR CIVILISATION çS
de la pyramide où l'on assure avoir trouvé jadis un siège de pierre orné d'hiéroglyphes. Les voyageurs ne peuvent assez admirer le poli et la coupe des pierres qui ont toutes la lorme de parallélipèdes, le soin avec lequel elles ont été unies les unes aux autres sans que les joints aient été remplis de ciment, et l'exécution des reliefs dont les assises sont ornées. Ce monu- ment a été londé par les disciples de (^uet/.acohualt presque en même temps que Cholulaa.
Dans la vallée de .Mexico, à (S lieues de distance de la capi- tale, s'élève le groupe des pyramides de l'eotihuacan dans une plaine qui porte le nom de Micoall le chemin des morts . On y observe encore deux grandes pyramides dédiées au soleil 'i'onatiuhi et à la lune Meztli e» entourées de plusieurs cen- taines de petites pyramides qui forment des rues dirigées exac- tement du nord au sud et de l'est à l'ouest. Des deux grands teo.rallis, Tonatiuh it/.agual la maison du soleil a 55 m. de hauteur, suivant M. de Humhold, et 208 m. de longueur comme base. Metzlr itzagual a 44 m. d"élé\'aiion perpendiculaire. Les petites pyramides ont à peine cj à 10 m. de hauteur. Autour du Chéops et du Mycérinus, en Egypte, on remarque aussi huit petites pyramides placées avec beaucoup de symétrie. Les deux grands teocallis avaient quatre assises principales. Chacune d'elles était divisée en petits gradins dont on distingue encore les arêtes. Leur noyau est d'argile mêlé de petites pierres ; il est revi't'.i d'un mur épais d amidaloïde poreuse. Ciette construction rappelle celle des pyramides de Sakharah qui a six assises et qui, d'après le récit de Focok, est un amas de cailloux et de mortier jaune, revêtu en dehors de jiierres brutes. Sur les grands teocallis mexicains se trouvaient deux statues colossales du soleil et de la lune en pierres et enduites de lames d'or. Un es- calier en grandes pierres de taille conduisait à la plate-torme. La pyramide de Papautla s'élève à l'est du groupe des pyramides de Teotihuacan en descendant la Cordillère vers le golfe du jMexique. Elle est composée de sept terrasses su- p;.rposées, ayant le même angle d'inclinaison. La base est un
96 Dr: l'oHiCiiNi i)i:s indifns Dr noivfai-mondi'
carre partait, dont chaque côté a ii'O pieds anglais Sa haut -î»- est de S 3 pieds.
Elle est construite en pierres très bien taillées, d'une gran- deur extraordinaire, réunies par des couches de mortier de trois pouces d'épaisseur. 11 y a trois escaliers. I.e grand es- calier est au milieu, à l'ouest, et conduit seulement à la sep- tième terrasse. Les laces sont orientées. Le levétement est orné de signes hiéroglyphiques et de petites niches disposées avec beaucoup de symétrie. Le nombre de ces niches paraît taire allusion aux 3Go degrés, simples et composés, des jours du (Calendrier civil des loltèques '.
A Tehuantepec, au milieu de ruines considérables, gisent deux monuments de forme pyramidale. L'un d'eux est un mas- sif composé de quatre corps en retrait l'un sur l'autre, orien- tés, construits en chaux et pierre et couverts extérieurement d'un enduit brillant de chaux, de sable et d'oxyde de fer. L'escalier principal esta l'occident. Les deux escaliers latéraux regardent le nord et le midi ; ils conduisent tous à une plate- forme. Le premier corps de construction forme un carré long, dont le plus grand côté oflVe un développement d'en- viron 120 pieds et le petit côté de 55 pieds; l'escalier princi- pal a quarante degré? de 9 pouces de haut et de 9 pouces de large.
Le deuxième monument n'a que deux corps de construction, mais est bâti sur le même modèle que le premier.
A quelques milles de Tezcuco, au pied de la Cordillère, on aperçoit une colline isolée et conique, d'environ 700 pieds de haut, qui évidemment fut autrefois formée par une .suite de ter- rasses superposées et qui devait avoir un temple à son sommet. Sur les ditiérentes parties de cette colline on retrouve les débris de murs de terrasse^ ; ecouverts d'un ciment coloré ainsi que des morceaux d'obsidienne, des tètes, des flèches, des poteries de toutes sortes.
I. Picmicri: e\pc liiion du capitniiie Diipai.t.
I:T DR LRUR CIVII,IS\TI0N
97
le
;1.
Le grand temple de Mexico consistait en cinq' corps super- posés, ayant chacun une hauteur à pcLi près égale, mais dil]'é- rant en longueur et en largeur; la base avait plus de :^5o pieds en longueur de l'est à l'ouest, sur '^oi de largeur. Le deuxième avait 7 pieds de moins en longueur et en largeur; le troisième, également, 7 pieds de moins, et ainsi de suite. Les escaliers comprenaient cent quatorze marches d'un pied; au sommet était une plate-forme de ;<oi pieds de long, sur 2^8 de large. A l'extrémité de cette plate-tbrmc étaient deux tours de 56 pieds de haut; lans la partie intérieure de ces tours se trouvaient les sanctuaire;- où, sur un autel de 5 pieds de hauteur, étaient pla- cées les idoles.
Nous arrivons à un des monuments i'vramidaux les plus im- portants, celui de Palenqué. Qu'on se représente d'abord une masse de construction pyramid ^sise sur une base présentant un carré long A consistant rois corps qui s'éle- vaient en talus l'un au dessus de l'autre. Cette base a 1 ,oSo pieds de tour et 60 de haut; elle est construite en pierres, chaux et sable. Au milieu de la façade qui regarde l'orient se trouve un grand escalier en pierres taillées qui conduit à l'entrée princi- pal. Le soubassement e.>t revêtu de pierres de taille et chaque division ofVrc une corniche très saillante.
Au dessus de cette masse pyramidale s'élève avec majesté le plus grand édifice de cette ancienne ville. Le plan de cet édifice, qui représente comme un carré long, a 240 pieds sur les grands côtés, 144 sur les petits côtés et 768 pieds de périmètre ou de tour, sa hauteur est de 36 pieds. Les murail- les principales ont 17 pieds d'épaisseur.
Dans le village de San Cristoval 'l eapantepec se trouvent les ruines d'une pyramide très intéressante, construite dans le goût égyp n avec 17 corps en retrait l'un au dessus de l'au- tre. Elle avait 72 pieds de haut.
Dans une vaste plaine près de Mitki, on découvre des ruines considérables, restes d'immenses téocallis, comme l'indiquent les autels placés au centre; à l'inspection de ces tcrre-plein.s.
98 1)1-: I.'OKIGINF nrs indiens nu NOrVKAl-MONDE
disposes en carré, dont l'un plus élevé que l'autre est com- posé de plusieurs corps en retrait comme les pyramides, on se figure voir toute; une population rassemblée sur ces terre-pleins, les princes et les prêtres sur les points les plus élevés et le culte se célébrant à la lace du ciel avec beaucoup de grandeur. Le premier monument est quadrangulaire. La principale construction , composée de 17 corps en retrait , l'un au dessus de l'autre, est très élevée; ce qui reste a 140 pieds de longueur. Les autres parties qui n'ont que deux étages, sont dans la même proportion. Le tout est construit en pierres et en briques ; au centre se trouve un grand autel carré, construit en maçonnerie, avec un escalier pour y .monter. C'est là probablement que se faisaient les sacrilices. Le deu.xième monument semblable au précédent forme aussi un carré long comprenant trois corps de btttiments en briques, l'un au-dessus de l'autre. Les autres terre-pleins n'ont qu'un seul corps ou étage. L'autel est également au centre.
Le grand tertre de CKitchen It/a construit, d'après les mêmes principes, mesure à la base, côtés sud et nord, 196 pieds; côtés est et ouest, 202 pieds; hauteur, -jb. Escalier à l'ouest, 1^7 pieds de largeur; escalier au nord, 44 pieds; 90 marches '.
A Izamal, ie tertre est trop défiguré pour permettre une me- sure exacte. Il a environ 700 pieds de longeur, sur 60 de hau- teur ".
Le palais des rois d'Uxmal était bâti sur trois rangs de ter- rasses, formant ensemble une hauteur de plus de 40 pieds. L'abbé Brasseur de Bourbourg en a fait une description qui indique que c'était un des plus beaux monuments de ces peuples.
A Copan. au milieu des ruines de la ville, se trouve un terre- plein disposé en carré et en terrasses, mesurant 1,600 pieds de longueur sur 900 de largeur. En dessous sont les ruines d'un autre terre-plein qu'on appelle le temple et qui est cons-
I. Cathervoo.l, p. ;> i. Catlicrvooil, p i[ .
Illiii
; ; - 1
Il 1)1-: M'IR civil. ISATION
99
ir- Iliu
L'S.
•e- :ds
iCS
ns-
tiLiit Je la même manière. Au centre, on voit deux pyramides assez élevées, de l'orme quadrangulairo. Elles étaient bâties en pierres, d'un pied et demi d'épaisseur et de 6 pieds de longueur. On a calculé que les principales i\vramides, le temple et les murailles qui l'entourent , mesuraient '26,000,000 de pieds cubes de construction.
Dans la vallée de Comayai,'ua Honduras;, on a trouvé des ruines de p\ramides et de terre- pleins entourés de pier- res travaillées, des collines artificielles de forme conique et des murailles en pierres. Près de 'l'ambla, sont les ruines de (^alamula, comprenant des tumuli ou terre-pleins de lorme rectani,'ulaire, dont un a 100 pieds de longueur, avec un esca- lier pour parvenir au sommet, ('.et édliice est couvert de pier- res sculptées. Ce sont de véritables téocallis ressemblant à ceux du .Mexique, l.es indigènes ont conservé par la tradition le souvenir de constructions souterraines servant de demeures et de galeries pour les morts, A 20 milles au sud-est de ('o- mayagua, près de Florès, se trouve une colline en pierres blanches rayées, se terminant par un plateau sur lequel sont un grand nombre de téocallis et de tombeaux. Quelques-uns de ces tertres ont plus de 100 pieds de longueur, avec une hauteur et une largeur proportionnées. Au centre de la plaine de Comayagua, on aperçoit également les restes d'un ancien téocalli en pierres, à trois assises-, près de la gît une autre grande pyramide, entourée d'un nombre considéra'^'lc de plus petites. Près d'Amaracana, on remarque un amphithéâtre de 100 pieds de longueur sur 25 de largeur et dont l'intérieur est revêtu de pierres fines, couvertes de figures en haut relief, qui rappellent celles du Mexique et de l'Amérique centrale. Des gradins conduisent au sommet. A Tenampua, on distin- gue aussi les restes de fortifications très bien construites, avec de tours de distance en distance.
Dans l'île d'Omotepec, que nous avons visitée au Nicara- gua, on a trouvé des tertres en terre à étages, ainsi que des tombeaux renfermant des objets en terre, en pierres ou en
100
DE L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
mctal. Dans l'île de Zapatero, existent huit pyramides en pier- res, entourées de statues, et qui, d'après M. Squier, étaient des téocallis.
Au Salvador, les ruines les plus importantes sont près de San Xicente , et du volcan d'Opico; elles consistent en de grands 'erre-pleins en terrasses, tours circulaires et carrées, galeries souterraines. Non loin de San Sonate et de la frontière nord-ouest du Guatemala, nous avons vu nous-méme un grand nombre de tertres et de tumuli.
D'après le Père Cicuna, de nombreux tumuli existent à une laible distance de Teralba. Au Costarica, dans les environs de la ville de David, dans la province de Chiriqui, on a trouvé également des téocallis cl des tertres semblables à ceux du .Mexique et de 1 Amérique centrale.
Ainsi, du nord de l'Amérique septentrionale jusqu à l'isthme de Panama, on retrouve ce mode de construction en terrasses, que les mêmes architectes ont importé dans l'Amérique méri- dionale. " Dans ces contrées dit .M. Angrand, surtout dans les provinces de Huamanga et d'Abancai, situées au nord de (Ài/co et habitées autrefois par plusieurs peuplades dont la principale était celle des Huclcas, on trouve de nombreux mo- numents ayant une forme pyramidale, composés de plusieurs terrasses superposées, construites avec plus ou moins de soin. Un escalier montant au sommet de l'édilice en occupe une des faces. Le nombre des terrasses est de trois à cinq et leur hau- teur totale varie de 5 à 3o mètres. Il ny a qu'un seul de ces monuments dans chaque localité, mais il est toujours environné de constructions ayant servi d'habitations. Ces pyramides sont de \éritables téocallis, semblables à ceux du Mexique. » — " Les jardins en terrasses de la vallée de \'ucay, à 20 milles de Cu/co, ont été établis d'après les mêmes principes que ceux de Tet/cot/uco dans l'Anahuac et d'L'xmal au Yuca- tari. Chaque jardin avait son réservoir 'aiequiai alimenté par un aqueduc. » Les édifices en terrasses qu'on retrouve à Chimu et près de Chimu, à Moché, sont bâtis d'après le même
Kl DK U:VH CIVILISATION
101
Style. La grande pyramide de Moché, connue sous le nom de temple du soleil, rappelle exactement celles du Mexique et du Yucatan Hàtie d'adauhes à l'extérieur et de terre à l'inté- rieur, elle mesure, à la base, 800 pieds de longueur sur 470 de largeur. La hauteur est de 200 pieds. Le revêtement du mur a une épaisseur de trente à quarante adaubes. Elle est formée de quatre rangs d'assises et orientée comme celle de Cholulan au Mexique
Le palais de Chimu, d'après la description qu'en a laite M. Squier, construit également en terrasses couvertes de bâ- timents, contenait un grand nombre de chambres souterraines, ornées de reliefs ou de peintures. Les arabesques en stuc, en relief d'environ un pouce et formées de mosaïques, ressem- blaient, dit-on, entièrement à celles de Mitla.
Le mode de bâtir en terrasses ne s'appliquait pas seulement aux grands édilices. '■ A l'uia, dit M. Charnay, dans une com- munication adressée à la Société de géographie de Paris on 1S81, nous avons trouvé dans les maisons un exemple entiè- rement neuf et bien curieux de la manière de bâtir de ces peu- ples. La première maison que nous avons découverte est pla- cée sur une hauteur, et les diverses pièces qui composent l'habitation suivent les mouvements du sol, s"échelonnanl à des niveaux ditlérents et communiquant entre elles par de petits escaliers et détroits corridors. "
En résumé, dans toute l'Amérique, les anciens peuples avaient adopté la construction en terrasses, la déclivité du ta- lus, la forme carrée dans la base et pyramidale dans l'éléva- tion. Ces caractères, qui distinguent l'architecture orientale dont nous avons parlé plus haut, se retrouvent tous dans les monuments de Persépolis, que Heeren a si bien décrits dans son Histoire de Az politique et du commerce des peuples de l'an- tiquité, et dans le temple Je Bélus à Babylone qui, d'après Hérodote, était un véritable téocalli. « Sur un plateau, dit Heeren, appelé actuellement Merdasht, à 5o ou 60 kilomè- tres de Chii'ùz, on aperçoit des ruines auxquelles les Ara-
mssr.
ni
102
DE r, OUKJINI'. DKS INDIKNS DU NOl VEAl -MONDI",
bcs ont donne le nom de 'Ichil Minar les quarante colon- nes) qui sont, à ce qu'on croit, les débris d'un palais qu'A- lexandre brûla dans une orgie, à l'instigation de la courtisane 'l'haïs. Ces ruines couvrent inie partie de l'ancienne Per- scpolis, capitale de l'empire perse. Leur ensemble présente la forme d'un amphithéâtre et de plusieurs terrasses superposées. Le palais de Tchil Minar était un grand et magnifique édilice, admirablement situé sur l'emplacement où se réunissent la Perse montagneuse et la plaine. 11 semble sortir des monta- gnes. Dans une ouverture en forme circulaire de la chaîne éle- vée des rochers de marbre gris de la plus grande beauté, est placé le fond de l'édifice, tandis que la partie extérieure avance dans la plaine. Il a la forme d'un amphithéâtre à trois terras- ses. I.e tout est construit en marbre des montagnes voisi- nes, dont les blocs énormes, d'un fini et d'un poli admirables, sont joints sans chaux ni mortier d'une manière étonnante -, des escaliers de marbre, à l'ouest, permettent de monter au som- met, ils sont si larges et si commodes que doux cavaliers pour- raient se tenir de front. Ils n'ont pas de rampe. » L'édilice offre partout, comme en Amérique, des toitures plates. In immense espace est couvert de colonnes, de portails, de fragments de murs revêtus de bas-reliefs sculptés sur le mar- bre et dont les des^ins rappellent ceux de Palenqué. On a dé- couvert également des ton;beaux taillés dans le roc, et dont l'entrée a été cachée avec soin.
Ecbatane, d'après Hérodote, était originairement une cita- delle en forme de terrasse, dont les ruines rappellent le style de Persépolis. On connaît aussi la description que cet histo- rien, qui visita Babylone et qui \it le temple de liélus, lait de ce monument pyramidal qui avait huit assises, a Sa hau- teur, dit-il, était d'un stade 'iH3 mètres . La largeur de sa base égalait sa hauteur; le mur qui formait son enceinte exté- rieure avait deux stades en carré. " Il est probable que le temple de Ik'lus était orienté d'après les quatre points car- dinaux, comme le sont les pyramides égyptiennes et mexicaines.
KT nr: ij:ur civilisation
lo;^
quoique ce fait ne soit pas mentionné par Hérodote, Strabon, Diodore, Pausanias, Arrien ou ()uinte-Curce. Knfin, il n'est personne qui n'ait entendu parler des fameux jardins suspen- dus de Babylone qui consistaient en un édiiice carré de 120 mètres de hauteur sur chaque (ace avec douze terrasses super- posées en retrait représentant une p) 1 amide tronquée.
Les Scythes avaient adopté le même type architectural. La pyramide triangulaire de leur reine Zarina avait un stade de hau- teur, trois de largeur, et était ornée d'une figure colossale. Nous citerons également les quatorze pyramides étrusques que l'on dit avoir été renfermées dans le labyrinthe du roi Porscnna, à Clu- sium, et qui avaient été construites pour servir de sépulture à des personnages illustres '. dette forme avait été choisie par la plupart des peuples pour marquer la place où reposaient les restes de ceux dont ils chérissaient la mémoire. C'étaient d'a- bord de simples monceaux de terre ' ou de pierres et, par la suite, des tumuli d'une hauteur surprenante. Ceux des Chinois et des'l'hibétains n'ont que quelques mètres d'élévation ; plus à I ouest, les dimensions vont en augmentant. Le tumulus du roi Alyatte, père de Crésus, en Lydie, avait six stades ou qcjS mè- tres; celui de Ninus, plus de dix stades, 83() mètres en diamè- tre. Le nord de l'Lurope oll're les sépultures du roi Scandinave (jormus et de la reine Danoboda, couvertes de monceaux de terre qui ont 3oo mètres de largeur et plus de 3o mètres de hau- teur.
I. La l'oriiic p)iam'uiak cuiii en gr.ii.iic ta\cur .lan» l'iiiiic. où clic fui imporlcc s.ms iloiitc par les Aryuns.
La pyramivlj cilu couronne l'cnlicc lic la maïuio pa^oili:. a Jagrcnat. a ?4o pieds de liameur.
Les téoeallis de r.\niefii]iie eiaieiit géiiéraleniLiit enviionnes de pyramides plus peti- tes, comme les temples triangulaires, à même base et à sommet commun, appelés Oho- madon et Cliodoya, dans l'empire de Brachman.
z. L'origine des lumuli date d'une antiquité très reculée. Avant la naissance d'Ho- mère, on les regardait déjà comme anciens, lloinère fait mention de celui d'iigypl.is sur le mont Sopra, en Arcadie. Pausanias e parle également. La butte tumulaire de I hydée, prés de Tlièbes, en liéolie, était recouverte de trois pierres brutes. On liouvc égaleinent l'ongîne des tumuli dans les tas de pierres que plusieurs peuples de l'anti- .pntc eLvaient sui la tombe de leurs morts.
n:
104
Dii L ORIG.Ni; DLS INDllîNS DU NOUVKAU-MONUF.
Beaucoup de peuples avaient t'ait de leurs temples ou pyra- mides des tombeaux.
I.a pyramide de Bélus était, en même temps, le Icmpie et le tombeau de ce dieu. Strabon l'appelle ainsi, lui Arcadie, le tumulus qui renfermait les cendres de (^alisto portait au sommet un temple de Diane. Pausanias le décrit comme un cùne t'ait de mains d'hommes et couvert d'une antique végétation. Ce monument remarquable sert de passage entre les pyramides de Sakharah et les téocallis de l'Amérique.
Les Egyptiens, comme on le sait, alléctionnaient cette forme. Les Perses et les Scythes la tenaient-ils d'eux, ou tous les deux l'ont- ils empruntée aux premiers peuples de la Chaldée, ou bien encore est-elle née simultanément dans les deux pays? L'n certain nombre d'historiens, entre autres Hérodote, sont d'avis que les rois pasteurs qui ont construit les pyramides d'Egypte, étaient Scythes. Le nom de Hiksos, comme nous l'avons déjà dit, donné par ce peuple aux rois pasteurs, contient, prononcé à l'oriental, le nom naturel des Scythes, Sliok's, Skololes, /\ï,v- icnis. ChampoUion a lu souvent dans les hiéroglyphes le nom de Shoto donné comme épithète insultante par les vaincus con- vertis en vainqueurs. En outre, Fhistoire ne nous apprend-elle pas Diodore, 1. I, p. 53 que les Perses sous Cambyse, apré) la conquête de l'Egypte, tirent venir des architectes de ce pays pour bâtir leur, principales cités et que la domination j^-rse en Egypte a duré cent cinquante-un ans?
Qu'y a-t-il donc d'extraordinaire que nous retrouvions dans toute l'Amérique le mélange des st\les perse et égyptien, quand on sait que la colonie qui a apporté la civilisation dans ces contrées, était d'origine aryenne'.'
Les peuples de l'Amérique, comme ceux de la Perse, de la Médic, avaient adopté pour leurs monuments des murs très épais, verticaux à l'intérieur avec la l'orme en talus à l'exté- rieur. Les toitures étaient le plus souvent plates, soutenues par des solives parallèles arrondies ou carrées. Les planchers étaient formés de dalles ou d'un assemblage de pierres et de
I.T l)l'; I.r'L'K civil, ISATION
lO?
sable, revêtu d'un enduit très dur. Les entrées des édifices étaient plus lonj^ues que hautes, tantôt à pans inclinés, tantôt à pans droits. Les fenêtres, déforme et de [randeur ditFérentes, repré- sentaient des ligures géométriques parmi lesquelles une sorte de croix à trois ou à quatre hr Miches.
Comme constructions, ils employaient le pilastre, la colonne engagée, les cariatides^ les corniches, les fraises, les bases, les chapiteau.x, la colonne libre, la voûte ogivale et la voûte en plein cintre, mais plus rarement'.
Il n'est point de motifs architecturaux qu'ils ne connussent.
C^omme matériaux, ils faisaient usage de la pierre ou du bois, de la brique séchée au soleil ", nommée adaubc, connue des Perses, des Babyloniens et des Egyptiens, et de briques cuites au feu dont quelques-unes étaient de terre argileuse, mélan- gée avec des herbes. Ils employaient , pour l'intérieur des murailles, la terre ou la pierre mêlée de boue et de mortier. Le ciment et la chaux servaient pour les revêtements ex- térieurs. Leurs murs étaient soux'ent couverts d'un en luit de chaux et d'oxyde de fer '. Les revêtements intérieurs étaient en brique cuite ou en pierre taillée. Mais ce qui rapproche davan- tage leurs constructions de celles de la IVtsc, de la Habylonie et de l'Egypte, c'était la manière d'assembler sans chaux ni mor- tier, des blocs énormes de pierre, de telle sorte qu'on ne pou- vait en découvrir les joints, ('es blocs étaient souvent transpor- tés de distances considérables. On se demande comment 'Is pouvaient le faire, n'ayant pas de bêtes de somme et ne con- naissant pas les instruments de fer-, il est probable qu'ils de- vaient avoir d'autres instruments métalliques, par exemple en cuivre, auquel ils seraient arrivés à donner une grande dureté
1. A Palenquc, ! Ci^calicr delà cour carrée ci\ soutenu par une voûte en plein cintre.
2. Les Egyptiens ont construit aussi certains éùitices avec des briques cuites au soleil. Les Perses, les Chinois, les Japonais et d'autres peuples encore, ont eu des cons- tructions de ce même genre.
3. La grande pyramide et les deux autres qui l'accompagnent à Djezèh, sont rccou- \enesu'un stuc épais semblable à celui des monuments améiicains.
loh
l)i: I ()I<1(>IN1 m s INDIKNS m NrjtVi:.\l-MOM.'l'
par le mélange de l'étain et de l'arsenic. Quant au transport et à lérection des blocs de pitrrc d'un volume aussi considérable, on doit supposer qu'ils uvaient des machines c7t/ hoc. Des maî- tres aussi avancés en architecture ne pouvaient ignorer les lois du mouvement et des forces motrices, la mécanique pra- tique et la coupe des pierres '.
Leur ornementation était remarquable par la richesse des décors jointe à une grande simplicité de lignes. Leurs bas- reliefs, d'une assez, belle exécution, étaient sculptés ou sur pierre ou sur granit, ou bien faits en stuc ou en ciment mo- delé. Ils connaissaient les grecques, frettes, labyrinthes, méan- dres, etc. Ces arabesques formaient quelquefois une sorte de mosaïque composée de petites pierres carrées, placées avec beaucoup d'art les unes à côté des autres sur une masse d'ar- gile; et qu'on ne dise pas que ces décorations étaient propres aux constructions de Mitia, on les retrouve partout jusqu'au Pérou. " I,es peuples de l'Amérique méridionale, dit d'Or- bigny, employaient beaucoup les grecques pour ornemen- ter leurs temples ou leurs vases. Us aimaient aussi des ligu- res régulières composées de lignes diversement croisées, mais toujours anguleuses, qui décoraient leurs vases et leurs vête- ments. On retrouve ce genre de dessin chez les Américains même les plussau\ages. 1-es Patagons, les Araucans, les Puel- ches, les reproduisent en couleurs sur leurs manteaux de tissus, sur leurs vêtements. Les Moxéens en ornent leurs calebasses. Les Yuracarès les modifient en lignes courbes régulières qu'ils impriment sur leurs chemises d'écorces d'arbres au moyen de planches en bois sculpté, et les Tacânas les imitent avec des plumes de couleurs variées. «
■ Le style, ainsi que les nombreux ornements qui couvrent le temple de Mitla, peuvent être comparés à ceux de l'archi- tecture indienne ou per.sane \ La laçade est couverte d'orne-
I. Ce qui scmbl;: lin 11 |iicr, l'csI Ij >iih|'osiuon lic Icuia assises:! pl.il ou de champ, selon le poiJs qu'elles avaient .1 supporter, j. Expédition liu capiumo l)iipaix. p. ?:.
i;r 1)1". i.i;t " civilisa mon
m
7
lanip,
mcnlscxOcutcs avec soin par une sorte de procédé mosaïque, dont les dessins contrariés sont de véritables }^recqbes. On retrouve dans la plupart des dessins muraux, de grandes res- semMances avec ceux de la Perse, de llndc et de l'ICf^'vpte. '■ M. (Iharles Mano, qui a parcouru pendant ilix ans 1 Améri- que méridionale, raconte, dans un mémoire intitulé Du lac de 'l'i/icaca à Doi^otci, publié dans iev Annales de l inslruclùm publi- que des l-'Jats-Unis de (Colombie, à •>0!;ota, qu'il a trouvé en Wo- livie, à Xamapayta, entre le ry' degré de latitude nord et par 65" de longitude, les ruines d'un ",rand établissement dont les murs étaient couverts de grecques d'une délicatesse admirable, semblables à celles de Mitla. Sur un autre contrefort, à un degré et demi plus au sud , en un point où la (lordillère, moins ei-\ée, sépare le territoire de (]haco des anciennes maisons des Franciscains, établies au xviii'= siècle chez les Chiriguanos, il a découvert plusieurs tombeaux dans des sou- terrains creusés dans le roc et dont les murs latéraux étaient ornementés de ligures travaillées en creux. « Je n'ai pas \ isité l'Amérique centrale, dit le savant voyageur, mais j'ai ' étudié a\ec soin les œuvres de Dupaix et de Stephens. J'ai vu " la collection de Heideberg, ainsi que l'admirable série des des- " sins plastiques de mon ami le marquis de Mantega/./i et je ' déclare que, ainsi que je l'avais remarqué à Xamapayta, j'ai " reconnu les mêmes personnages, les mêmes dessins de pein- tures murales qu'à l'alenqué, à L'xmal et dans toute la pé-
■ ninsule yucatèque. L'hercule indien saisissant la Macana. '■ les rois porteurs d'un sceptre en bec d'oiseau, la tête du " 'apin que l'on a pris pour un éléphant, les divinités avec des <. ceinturons de tètes coupées, les coiU'ures pareilles à celles de ■' lantique Egypte, des casques en forme de tète de condor, hié- • roglyphcs extravagants, tout s'y trouve, mais grossier et d'un " dessin rudimcntaire. 11 y a entre les beaux stucs monumen- <■■ taux de l*alenqué et ces derniers la même dill'érence qu'entre
une médaille de l'époque barbare et un bel exemplaire des
■ meilleures époques de l'art. "
lOS
i)i; I. OKioiM'; i)i:s indikns m noivi^ai -mondi
" M. Ik'rthc, un IVançais, a pu se procurer une magniliquc pierre noire, travaillée assez grossièrement et représentant un roi ou chef revêtu d'une espèce de dalmatique, tenant en main un sceptre terminé par une tète de condor et ayant à ses pieds des vaincus qui semblent lui demander grâce. Dans Tune des belles fresques de Palenqué, reproduite par lahbé Brasseur de liourhourg, on retrouve exactement la même scène '. <T A la jnisse de Xayacucho, j'ai trouvé des sépultures mieux conservées qu'à Xamapaytaet. dans quelques tombeaux des pierres sculptées représentant des ligures de lama et de con- dor, des serpents ailes et des tapirs dont l'appendice du mu- seau était très développe.
" A 'l'elumbela, Equateur, près du thalweg de toute celle région du C>himbora/o, à dix minutes de distance du lieu ou gisent les très anciens sarcophages de Mosusan, on voit la lameuse pierre sculptée dont on parla à lîadegas de Badahoya . Klle ressemble, par la torme générale et les sculptures, à la pierre dite du sacrilice qui se trouve au musée de Mexico. Parmi les ornements grossièrement laits, on remarque des tè- tes humaines, i.\c> serpenfs ailés, des oiseaux et des animaux fantastiques. La partie latérale contient des reliets semblables à ceux de Mexico. L'n guerrier est représenté avec un casque en forme de condor ; il tient, dans une main, une sorte de jave- line et, dans l'autre, un écu. Il se distingue surtout par son ne/ crès long, comme celui des figures de Palenqué, et orné d'un anneau. Il foule à ses pieds, ainsi qu'à Xamapayta, à Cheriguancs, à Sica Sica et à Tiaguanaco, un guerrier vaincu.
" A Tiaguanaco, j'ai retrouvé les mêmes animaux, les mêmes dessins qu'à Xamapayta et à Cheriguancs, plus le caïman et une figure formée par des pierres qui ont dû servir de claire-
i. Ces remarques, on ne peut plus intéressâmes, indiquent une fois de plus que les Cu'ibes, Garas appirticnnent au même groupe que les CoUuiaques et les Aymaras. i)'a- près ci'Oibigny, les C-liouguanasou Ciieriguinas étaient Jes Guaranis qui déjà, en l-i-Jo, SL li le règne de Vupan.iui, étaient retombés dans la barbarie.
rr ni: i.rau civilisation
I0()
ta, Il
" voie ou de fenêtre sous la lornie de croix, ou du '1 au égyptien, « telle quon la rencontre dans l'Amérique centrale, j'ai re- " marqué également une autre croix obtenue par un jeu de " grecque qu'aimaient les peuples primitifs de l'Amérique et '< qui a été signalé à « Palenqué ».
(I Dans rile de Cloali, il y a des ruines remarquables, entre " autres celles d'un édilice ou temple ayant beaucoup de rcs- " scmblance avec ceux du Centre-Amérique, peu élevé, mais « très étendu '. "
Les Péruviens se servaient, comme les Mexicains et les Vu- catèques, de briques non cuites , adaiihs. Klles acquéraient une grande dureté avec les années (.'t résistaient au soleil ainsi qu'à toutes les intempéries. Ils connaissaient la xoùte en plein cintre et la voûte en encorbellement boveda, .
On retrouve au Mexique et au (lentre-Amérique les mêmes genres de tombeaux qu'au l\'iou, tantôt souterrains, tantôt élevés au-dessus du sol. Les galeries souterraines étaient les unes, sans issue apparente, les autres avec une galerie trans- versale, ou avec des galeries en croix, revêtues ou non de pierres régulièrement taillées et de dalles sculptées.
Avant de terminer ce qui a rapport à l'architecture, nous dirons quelques mots de leurs villes et de leurs maisons par- ticulières. Leurs habitations étaient très imparfaites, en dehors des palais des souverains et de la noblesse. Selon la descrip- tion des Espagnols, 1 lascala, à leur arrivée, ressemblait à uu \illage d'Indiens; c'était un ramassis de cabanes et de maisons
juc k'S
i. D'a-
l.|.3o,
1. <• Les moiuii'.n;iU> de 'l'iagiiana»;') aiinijiiccnt une civilisntion plus avancée peut-être i|ue celle lie i'.ilcnqué. Us se composent ù'un tunnilus, i.le\é de près de cent pieds, en- toure- de pilastres de temples, de loo i\ 200 mètres de longueur, bien oriente'S à l'est, or- nés de tuiles, de '.-olinnes triangulaires colossales, dj portiques, nujnolithes que recou- vrent des grecques élégantes, des reli-fs plat:, d'une exactitude régulière, quoique d'un dessin grossier, représentant des allégories religieuses du soleil et du condor, son mes- sager, des stitues colossales de basilie, chargées île reliefs plats, dont le dessus à tête carrée est demi-égyptien, et entin d'un intérieur de palais t'ormé d'énormes blocs de rochers partaitement taillés. Tous les monuments de Tiaguanaco sont ornes de sculptures et de reliels plats, tandis qu'on n'en trouve aucun dans les monuments des (^uitcliuas ù Cu/co. « D'Orbigny.
I lo
lil I OKKilNI' l)IS IM)I|-NS Dr NOrVIAf-MONId
il"
reparties sans orJrc, construites avec Jes pierres et de la boue, couvertes de jonc et qui recevaient, la plupart, la lumière par une porte si basse qu On devait se baisser pour la franchir. A ' xico. les maisons du jieuple n'étaient également que des cabanes d'adaubes ou de branches d'arbres, très basses cl étroites, sans meubles, pour ainsi dire-, on n'y voyait que les ustensiles et les vases les plus nécessaires. Beaucoup de familles vivaient sous le même toit, d'après Bunlop, p. c>',)(j, S; les maisons actuelles des personnes riches des vilL-s et des In- diens des villages, au Mexique et au ("entre-Amérique, ressem- blent à celles qui existaient au temps de I conquête. On peut dire, en général, que tout était sacrifié pour le bien être et le confort des grands, et que le peuple était très mal logé. » Le te'ine de cité, a dit Brun, p. M')5, appliqué à Palenqué , à rxmal. à Chichen it/a, etc., est une erreur sérieuse de nom. ! es ruines trouvées dans ces lieux sont exclusivement des constructions élevées pour des objets religieux, et leur exis- tence, sous des formes si colossales, prouve combien était grand le pouvoir des prêtres et des chefs, et combien était supersti- tieuse et servile la masse du peuple. Dans la plupart des lieux où 1 on a rencontré des ruines de monuments ou d'édifices, on n'a découvert aucunes traces d'habitations ordinaires, ce qui semble indiquer qu'au lieu de ces édifices le peuple vivait dans des cabanes ou huttes en bois ou en chaume. "
D'Orbigny dit que les Quitchuas avaient des monuments spacieux pour leurs souverains, des temples superbes pour les divinités, mais qu'eux-mêmes se contentaient de petites huttes arrondies en forme de dôme, couvertes de branchage et de terre, habitations dont les formes sont encore identiques aujourd'hui.
Les peuples du Nouveau-iMonde étaient aussi très habiles pour construire des ouvrages souterrains, ainsi qu'on peut en juger par leurs plans et leurs voûtes conçus avec tant d'art et d'intelligence '. Ces souterrains, qui étaient consacrés à des sé-
1. Parmi ces \oûles, nous citerons celle ilu souterrain ilë. uvlM'I par le capitaine l)u-
I 1 ui: i.i:rii CIVILISAI ion
I 1 1
pulturcSj rappellent ceux de l'K^ypte, de riiuie, de la l»erse^ riiypogéc de l'hèbcs, celui de Karnak, etc.
Leurs routes et esplanades n'étaient pas moins typiques. '■Iles du Pérou surtout étaient des (ouvres remarquables.
Ils e.vcellaient également dans les travaux hydrauliques. Les cite U's du ^'acatan sont des travaux qui méritent d'être cités, de , 'me que les digues et murailles qu'ils avaient construites dans le lac, près de Mexico, pour protéger la population. Les aqueducs qui amenaient l'eau de Chapoltepec à Mexico étaient aussi élégants qu'ingénieux. Les conduits de ces aqueducs, en terre cuite, étaient doubles et assez grands pour qu'un homme put pénétrer dans l'intérieur; de telle sorte que quand l'eau coulait par l'un de ces conduits, l'autre pouvait être réparé. Les aqueducs de 'l'etcut/inco et de ('empoalan étaient de véri- tables (euvres d'art. Leurs ponts étaient très hardis, quelques- uns cyclopéens.
Us connaissaient aussi l'art de fortifier les villes ou les lieux qu'ils croyaient nécessaire de défendre au moyen de travaux en terre ou en maçonnerie; ils avaient des forts avec parapets et fossés, et savaient combiner les obstacles artiliciels aux obs- tacles naturels.
On a trouvé dans l'Amérique septentrionale un grand nom- bre d'enceintes en terre, en pierres ou en briques, élevées dans un but défensif. Un fossé extérieur longe un rempart qui sert à la fois d'abri à l'assiégé et d'obstacle à l'ennemi. Les points choisis sont presque toujours les sommets des coteaux domi- nant les rivières. Le travail considérable nécessité pc.r Térection de ces ouvrages permet d'afîirmer qu'ils étaient permanents. On a cru même reconnaître un système continu de défen''! combiné avec une grande intelligence. Les fortifications d'Atit-
i; Du-
paix, près d'Antcqucira. » Celte voûte, dit-il, est tonnée p.ir île grandes dalles posées angulairenicnt comme le faîte d'un toit; la liautour de la voiJte depuis le sol jusqu'au sommet de l'angle est de 12 pieds, et sa largeur de plus de 3 pieds. L'entrée du sou- terrain, en forme d'ogive, possède celle perfection que l'on remarque clicz les peuples les plus civilisés. »
i:
^
11'
I 12
ni: L ORIGINE DlïS INDIENS DU ..OUVEAU-MONDE
lan au Guatemala, décrites par Juarros, montrent qu'ils com- prenaient parfaitement ce moyen de défense. Les historiens de la conquête ont donné la description de plusieurs de ces ouvrages, parmi lesquels on peut citer la fameuse muraille d'adaube, élevée par les 'l'iascalans à l'extrémité de leur terri- toire. On peut voir encore les ruines des forteresses élevées autrefois au Mexique et dans l'Amérique centrale.
Nous n'a\-ons pas cherché quelle analogie tous ces travaux pouvaient avoir avec ceux de l'ancien continent, mais il est probable que leur conception provenait de la même source que le style architectural, d'origine perse, médique ou scythi- que, c'est-à-dire aryenne.
Plusieurs archéologues très distingués ont trouvé une cer- taine différence de style entre les monuments, par exemple, du Mexique et ceux de Palenqué, de même qu'entre ceux des Aymaras et des (^uitchuas. On a remarqué, en outre, que ceux des Aztèques et des Quitchuas étaient inférieurs à ceux des ColhuaqueSj Mayas, Caribes ou Aymaras.
Les monuments découverts dans la contrée comprise entre le Yucatan, les Chiapas et l'Amérique centrale, diffèrent des temples et des palais aztèques trouvés par les Espagnols ou de ceux de la Quemada et des Casas Grandes. La grandeur de ces monuments, la beauté et la régularité de leur ornemen- tation, le goût déployé dans la décoration, les dessins graeieux et corrects des figures, les caractères hiéroglyphiques, révèlent une civilisation distincte de celle des Aztèques; de même que la ph}sionomie des personnages ' représentés par les sculptu- res montre un tout autre peuple. L'attitude des hommes, la forme de quelques ustensiles indiquent qu'aucune coutume
I. Les pcrsonuagos reprcsciUcs par les sculptures de Palenqué sont presque tous re- marquables par rextrêmc longeur de leur nez. Les Aryens désignaient tous ceux qui n étaient pas de race blanche, les hommes au nez de chèvre ou les hommes sans nez, tandis que le nez est une des beautés que leurs poètes vantaient chez leurs dieux. (Max. MuHer, Essais sur la mytholos^ic comparée, p. Scji.) Ceci explique la déformation des crânes des nouveaux-nés et constitue une nouvelle preuve en faveur de notre thèse.
! liîl
! M
KT DF I.FUU CIVILISATION
IlJ
aztèque n'est représentée par ces sculptures '. (Orozco y Berra.)
Cette dilFérence entre les deux grouj^es, Toltèque et Colhua- que ou Maya, se remarque principalement dans le Vucatan où ils ont tonde deux villes Tune à côté de l'autre. " Il y a de Jurandes diU'érenccs, dit M. Viollet le Duc, p. 97, entre les mo- numents de Palenqué et ceux d'IJxmal. La manière de bâtir adoptée à Uxmal se reconnaît aux masses de pierres brutes couvertes de couches de pierres travaillées. A Palenqué, au con- traire, ce sont des ornements en stucs, et de larges dalles couvrant les couches de pierres brutes. Le caractère de la sculpture de Palenqué n'a pas le même caractère d'énergie qui est observé dans les édifices du \'ucatan. Les types des personnages représentés sont encore plus dillércnts... Seule- ment, dans les '""lonuments de Vucatr. i, on voit des traditions sensibles de structure en bois. ■>
« La taille des pierres solides, a dit à son tour Brive, p. 368, qui couvrent la face de tous les bâtiments à Lxmal, et des autres temples de Yucatan, représentait le plus haut point de l'habileté de ces peuples. Les constructions elles-mêmes sont ( es preuves d'un goût et d'une habileté architecturale très remarquables. »
Que conclure de tout cela'.' Que les deux groupes unis en- semble par certains points en ditleraient par d'autres, et que ces rapports et ces diversités s'observent jusque dans leur mode de construire. Cette ditl'érence est, comme chez les autres peu- ples, une question de temps, de décadence, de coutumes et de mœurs.
Le sculpteur, comme le pein<re, a pour but d'imiter la nature. La forme, l'attitude, l'expression même qu'il donne aux statues de ses dieux ou de ses héros, chez les nations civilisées, comme
Ix qu
fMax. des
I. A Palcnquc, on ne trouvo point de voûtos circulaires comme dans les construciioiis du Mexique, notamment dans qucKiues tuniuli et dans certaines parties des soti- tenainsde Xocliicalco. Il n'existe pas i.^n plus de pyramides, proprement dites, ou de grands autels à découvert pour la célébration du culte. Là, tout les temples sont cou- verts et c'est une notable dilVércnce. On ne voit dans ces solides constructions aucune trace de bois. Les marches des escaliers, sans palier ni repos, soi.t plus hautes.
114
DE L OBKHNF DKS INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
chez celles qui ne le sont pas, reçoivent un caractère qui dé- cèle le peuple auquel elles appartiennent et aussi l'époque re- lative où elles ont été laites. Les oeuvres des sculpteurs, surtout celles qui sont livrées aux grands édifices, ont même l'avantage sur 'es écrits ou les livres de pouvoir résister plus longtemps aux ravages du temps. Les statues et les bas-reliets qu'on a trouvés au milieu des ruines de monuments américains peu- vent être de la plus grande utilité pour refaire l'histoire de ces peuples, surtout en ce qui concerne leur culte. Or, la plu- part des dieux, héros, êtres animés ou inanimés représentés par les sculpteurs et les peintres américains se retrouvent sur Tan- cien continent, même certains animaux ou personnages qui n'ont jamais existé dans le Nouveau-Monde '.
Près d'Orizaba, le capitaine Dupaix a découvert une statue en pierre ayant une analogie frappante avec les sculptures égyp- tiennes. C'est un buste de femme montée sur deux espèces de colonnes massives figurant un ternie ou Hermès dont la coil- fure ressemble beaucoup à celle nommée calasiris en Egvpte et que portent les temme^ et les prêtres attachés aa service des aut'.ls. On les retrouve également à Persépolis. Chez ces peu- l^les. cette coitl'ure faite en toile d'écorce d'arbre et brodée en plumes s'élevait assez haut et figuroit une sorte de pyramide divisée par étages et ornée de bandes de diverses couleurs.
L'étoffe rayée d'une ou plusieurs couleurs, que les Mexicains enroulent autour de leur corps en se serrant à la ceinture comme un jupon qui descend plus ou moins bas au-dessous des genoux, se trouve être exactement la même que celle qu'on voit
1. Dans lus iiinnus^rits Uc Kiiigsboiough on tiouvc la constellation Ju taureau, re- mai\|uons-lc, monté par Mitlua, comme le représentent les Perses à Téquinoxe du prin- temps. Dans le Codex de Dres.ie, première feuille, seconde division, se trouve le taureau Mithriaque monté par le dieu qui montre dans ses deux mains des feuilles et des Heurs (planche xviii, lettre K. .\u même Codex, teuille '.<, série V, dernière division de la Ii<»ure du centre, existe l'imaiie du chevreau ou capricorne portant dans sa main le signe du mois niaya-men.— Planche xviii, lettre S. On reinarquera que le taureau et la chèvre n'existaient pas en Amérique nvant l'arrivée des Espagnols, et cependant on les voit représentés ici lidèlemenl, ce ii\.l est encore une preuve bien forte en faveur de l'impor- tation en Aniéiiquc de la ci\ ilisatin i par les Aryens.
ET DF LEUR CIVILISATION
ll5
lidc
u, rc- prin-
luioau
tlcurs
de la
signe
.licvre
U voit
aux images disis et aux lemmcs égyptiennes de l'époque pha- raonne. En 1S62, on a découvert dans des fouilles auprès de 'l'uxtla V'cra Cru/ une ligure sculptée en granit de près de 2 m. de hauteur, dont il était impossible de méconnaître le style éthiopien. Lîle de Zapatero a fourni des idoles, grossières re- présentations des colosses égyptiens.
Les Américains avaient atteint un certain degré de perfection dans l'art statuaire. Mais, à la manière des anciens Egyptiens, ils modelaient peu les contours de la ligure humaine. On remar- que parfois plus d'exactitude dans l'ensemble et dans la disposi- tion des membres de leurs statues et de leurs bas-reliefs que dans les ouvrages des Indiens et même des Egyptiens. Mais ils n'ont pas atteint la pci.wCtion que ces derniers ont donnée à leurs tètes, surtout celles de profil, ioutcfois, quoiqu'ils n'aient pas connu plus qu'eux Tétude de l'anatomie, ils sont parvenus, par une imitation scrupuleuse de la nature, à produire des ii- gures passables d'hommes et de femmes. Ce qu'on peut repro- cher à leL rs statues, c'est qu'elles sont comme d'une seule pièce, sans articulât on de membres. Les membres des statues des Incas, dit d'Orbigny, à la manière des anciens Egyptiens, adhéraient au corps.
On a remarqué qu'un grand nombre de leurs statues conser- vaientj dans leur attitude, leur forme et leur aspect, le style persan, égyptien ou indien. Des détails caractéristiques dans la pose ou la coillure des statues révèlent l'Egypte. La décence la plus scrupuleuse est observée dans l'invention et l'exécution des sujets, ainsi que dans le jet des draperies. Cette observation rigoureuse leur donne encore de la ressemblance avec les pein- tures des dieux et déesses de la l'erse, de l'Inde et de l'Egypte qui portent, à peu de choses près, les mêmes couleurs et les mêmes coiffures.
Us avaient connaissance de l'art plastique et probablement ils modelaient leurs statues et leurs bas-reliefs avant de les tail- ler dans la pierre ou de les exécuter en stuc, marbre factice dont ils revêtaient les murs des temples.
ii6
hi-: i.'oHiGiNK i)r:s indiicns du noivi:ai:-mom)K
Ils savaient aussi pousser dans des moules faits sur des cho- ses modelées à lavance, des statuettes, des vases ou tout autre objet ',
A rimitation des Kgyptiens, les artistes américains aimaient à peindre l'intérieur et l'extérieur de leurs édilices. Mais on voit, par les fragments qu'ils ont laissés, qu'ils n'étaient j^as experts dans ce genre de peinture agglutinati\'e pour laquelle ils employaient des couleurs minérales naturelles.
L'art de la céramique était assez avancé chez les peuples américains, et l'on retrouve dans la forme et les dessins de leurs vases de nombreux rapports avec l'Inde et l'Egypte. 11 n'y a qu'à comparer les spécimens de la céramique péruvienne dépo- sés au musée du Lou\r-' et ceux de la belle collection égyp- tienne pour reconnaître des ressemblances surprenantes.
Le comte de Sartiges ' raconte que dans le musée national de la Paz il a vu des vases, vestiges de l'ancienne civilisation aymara. Sur chacun de ces vases était peint en noir un éléphant supportant soit une tour, soit un palanquin. Or, comme on le sait, les éléphants ont disparu depuis longtemps du sol amé- ricain.
Les Aymaras excellaient surtout dans la manière de fabriquer des vases qui, sous les formes les j'élus xariées, représentent souvent nos formes étrusques, comme on peut en juger par les collections que possèdent nos musées, quelquefois aussi des Iruits, des jeux hydrauliques ingénieux. Ces vases, élégants de lorme, sont d'une belle exécution et d'une régularité parfaite, quoique modelés seulement avec la main sans le secours du tour à poterie, Les(juaranis, encore aujourd hui, en labriquenl de remarquables par leur dimension et par leur régularité. La
I Au iiiuscc ilo .\lc\i>;i), ii;i vuit do petits mo.lcics en tcriL' cuilc do Icocallis qm ont de l'analogie avec Ijs temples iiuliens. Les Et;ypliens Taisaient aussi des re-dnctions ou ili; peli:s modèles en terre ou en pierre de leurs temples. Notre musée en renternu" de 1res remir-iuables. Ces imjdeles s'expusaient probablement sur l'autel, dans l'intérieur du temple même, le |ourde la déJiea,;e et certains autres jours. Ils pouvaicnl être des- tinés aussi aux personnes qui, par ilnutiuii, tenaient a posséder ces petites i:iiagi.i.
j. lieviii'Ji:s DiUix-MonJcs, i^ri .
Il i)i: m:uk civil. iSATiON
117
cuisson avait lieu, chcv, tous ces peuples, à lair libre ou dans une fosse {■•eu jM'otonde creusée dans le sol.
Pendant notre scjour au (X'ntre-Amérkiuc, nous avons vu des vases très remarquables venant du Nicaragua, du Salvador et du Guatemala.
" Chaque race américaine, dit M. Lucien de Kosny ',se dis-
• (inguait , pour la céramique, par un caractère particulier.
• Ainsi la dillérence est très sensible c-ntre les produits cérami-
• qucs des A/tèques et des Péruviens. On distingue non moins
• facilement celles provenant du Canada , de ia Floride , de •' la Nouvelle-Cirenade, des bords de l'CJhio et d'autres par- ■■ lies des Htats-L'nis.
• Kn thèse générale, les indigènes de l'Amérique, après avoir
• lait une pâte plus ou moins soignée, la façonnaient avec les ■ mains, y ajoutaient quelques ornements, soit par incision,
• soit en relief, en trochisque ou en pastillage, comme le pra- « tiquaient les Romains, au moyen dune barboîine épaisse dis- " lH:)sée sur la surface de leurs poteries. S'ils voulaient former " des ligures très saillantes ou à haut relief, par exemple, à " l'orifice, ils les modelaient encore à la main. Le tout était en- " suite recouvert d'une peinture et soumis à l'action du feu. La " cuisson s'opérait souvent à l'aide d'un four, sans aucune au " tre enveloppe que le bois enflammé qui environnait le travail .
« Les pièces rondes consistaient en petits bâtons ou colom- •< bins de pâte qu'ils assemblaient et faisaient adhérer à l'aide " d'un instrument en bois ou en pierre, répondant à lestèque " de nos tourneurs. Ils se servaient aussi d'un espèce de spa- " tule dans les endroits où ils ne pouvaient introduire les doigts. " On admirera leur habileté dans la confection et l'assemblage " des parties creuses , surtout dans les vases doubles ou " quadruples qui communiquaient intérieurement.
" Les poteries antiques de l'Amérique septentrionale ne sont " pas baroques ni excentriques comme celles du Chili, du Brésil,
I . Hislnire Je l.i cerjmii]ue i /'/l'f U's In.iiena Jn Souiwtii-MonJt:
II. s
1)1. 1. ORIGINi: DES INDIKNS \)V NOUVEAU-MONDE
du Mcxiiiue et du l'crou. L-curs formes, leurs ornemenls, la couleur noire ou f^'risàtre de la pàtc, sa grossièreté, son hé- térogé'néité, son façonnage, son ornementation linéaire, ponc- tuaire en chevrons, se rapprochent, dit Brongniarl , quel- quefois, à s'y méprendre, des poteries celtiques, gauloises, scandina\es et germaniques.
" On trouvera dans mes vases péruviens l'emploi fréquent des méandres, qu'on appelle vulgairement grecques, sorte d'orne- ment connu des barbares de la CJermanie. Je reproduirai un vase à forme de corne dont une des deux extrémités se termine par une tète d'animal, comme les vases grecs nommés rhybm, et qui servaient à boire. (Jn verra aussi dans mes vases ju- meaux des types qui rappellent les vases grecs nommés uoUm, dont l'on se servait pour séparer l'eau puisée en voyant les impuretés qu'elle pouvait contenir-, l'on verra dans mes types des vases phalliques pour boire, comme les Romains en pos- sédaient ; on y verra le phallus porté religieusement comme un insigne connu chez les llomains. D'autres faits tendent à prouver qu'il est vraisemblable que par le trajet si court du détroit de lichring, il se soit établi des communications acci- dentelles entre les Chinois navigateurs et les indigènes de l'A- mérique, bien avant les expéditions des Espagnols. Un vase ancien trouvé dans le sol de la Nouvelle-(jrenade est décoré à Torilice d'une ligure en haut-relief représentant un vieillard dont le type physiologique rappelle singulièrement celui des magots du Céleste-Kmpire. Des motifs d'ornementation des A/tèqucs ou anciens Mexicains et des anciens Péruviens se retrouvent souvent avec une identité fort remarquable sur les vases de bronze que les Chinois fabriquaient à une époque voisine de l'ère chrétienne. Des rapprochements de tout genre abondent : la trimurti péruvienne correspondait à la « trinité des catholiques, (ÀMi à .1.., Pachacama à Vishnou " et Huira-Cocha à Siva, ains» , ' marque ilivcro,
" Brongniart assure que le peuple qui habitait Mitla et Palen- « que possédait le secret d'une glaçure vitrifiée, peut-être pro-
r.T OK I.KL'R CIVILISATION
"9
« duitc par un silico alcalin, rcnlcrmant du ter. du manganèse, '< et un vernis plumbitère.
" Je ne vois, ajoutc-l-il, que les Chinois, les Egyptiens et « peut-être les Mores qui puissent être associés, ou du moins " comparés, pour cette immense perlection des arts céramiques, " à l'ancien peuple qui vivait autrefois sur ce territoire. N'est- " ce pas une présomption importante des relations de l'Amé- '■ riquc ancienne avec les Chinois? Ce n'est qu'au xin= siècle " seulement qu'un potier de Schelestadl trouva la glaçure à <' base de plomb ou vernis, dont les Arabes faisaient usage de- ' puis plus de trois siècles.
'< Tout archéologue qui feuillettera l'atlas publié à Vienne par •' MM. l<.ivero et Tschudi, en i85i, et comparera les poteries '■ figurées dans cet ouvrage à celles que M. Birch a reproduites, ' remarque sur-le-champ la coexistence au l^érou de trois styles « que l'on pourrait appeler le premier, égyptien, le second étrus- " que, et le troisième pélasgique. Figures grotesques et obscè- " nés ; rondes d'animaux taillés ou peints sur les parois du vase ; " vases doubles unis par le ventre, au col surmonté d une sorte " de lézard ou de gorgone qui sifile et hurle lorsqu'on agite le ■■ liquide renfermé dans la panse ou qu'on le boit; tiges de maïs '^ terminées |->ar un profil de tète humumi: parfciilciiicnt aircii ; '■ matière réduite à une apparence de 1er; manque de peintures " humaines ou de scènes plastiques; dessins formés de lignes « droites ou courbes; méandres comme sur les vases grecs et ' chinois, figures de cigognes et de renards, emblème des races « pélasgiques, selon vSirabon, tels sont les principaux caractères " de la céramique péruvienne. Comparons les traits exposés " dans ces lignes avec ceux que M. iJirch attribue à chaque épo- « que de la céramique antique ; nous rencontrerons à chaque pas <! une identité parfaite entre* l'art péruvien et lart hellénique. « M. Birch, complètement étranger aux études péruviennes. 1 ne peut s'empêcher de remarquer combien certains vases pc- « lasgiques ressemblent à ceux que l'on a trouves dans lessépul- 1 cres des anciens Péruviens. Si on compare les canopcsétrus-
i:20
l)i; I.OHKJINi; 1)1 s INDIKNS DU NOU VEAU-MONDK
« qucs en terre cuite avec les canopes péruviens de la même •< matière, on verra qu'il y a entre les deux séries identité com- ■I plète de lorme et de conception sacerdotale. Dans les uns et " les autres, les bras et les mains sont placés à an^-le droit sur " la poitrine. Il y a, entre la tête et le corps la même propor- ■• tion. Dans les deux cas, enfin, le vase servait à conserxer les " entrailles des momies. ■>
A toutes ces circonstances on peut ajouter l'identité des noms. Les I^TUxiens mettaient la chicha dans des vases appe- lés aç-kahi:a ayCii/iii-i^cas . (Hie/ les Pélasges, on trouve le \ase ascos. Les Péruviens connaissaient aussi l'amphore >i célèbre dans les fastes de la littérature grecque et latine sous le nom de luiampciro ou huampluvii, mot qui a passé dans Tespai^nol sud- américain avec une légère modification de sens. Kn grec, est un vase dont le nom est caniharos. Nous le retrou\:)ns en quitchua, sous le nom de luvikkara. Les deux mots ont .{tour racine le thème primitil lum. vase ou calebasse '. »
Nous terminerons cet aperçu sur l'art céramique d.ms le Nouveau-Monde en reproduisant une notice de I). W'ilson, 11, p. ()(), qui a étudié avec beaucoup de soin cette intéressante question. " Il existe, dit-il, une variété de Crette particulière h l'art céramique du Pérou et aux sculinures du \'ucatan. dette correspondance est digne de remarque; elle est visible sur un spécimen de poterie noire du l^érou, apportée de Ik'rne, fig. 35. C'est exactement le même genre de Irelte que l'on remarque dans les ruines de Mitla-(Jajaca, et dans le dessin de la porte de Chimhuhu Vucatan , donné par M. Catherwood. »
Les peuples d'Amérique avaient adopté, à l'instar des égyp- tiens et des autres peuples, l'année civile de trois cent soixante- cinq jours '. Un grand problème à résoudre serait celui de sa- voir qui amena à cette unanimité les peuples les plus divers répandus sur la surtace du globe. L'année lunaire avait pré-
1. Vicente Lopez, Les races aryennes, p. 2(jt.
2. Astronomie, dv onologic et rites des Mextcains, par l'abbc Pépjrt.
KT UE 1 TLK CIVILISAI ION
12 1
tc- ia-
cédc I année solaire, et le nombre latidique de trei/e îienible avoir eu pour cause la révolution périodique de l'autre de la nuit qui, pendant trei/e jours, va en croissant pour ensuite, au départ de son plein, arriver de sa décroissance pro.qressive à une disi^arition momentanée. Mais ces deux périodes de trei/e jours, ou somme de vingt-six, ne mesuraient pas une néomé- nie comi^lèle ni ne coïncidaient ordinairement pas avec les évo- lutions solaires. 11 lai lut combler celte lacune ou changer de système, (^est ce qui, après plusieurs essais, eut lieu dans la suite. Or, si le chillre trei/e était en honneur au Mexique, le chiffre quatre ne l'était pas moins. 11 servait à diviser le jour, à former le cycle. Il comptait quatre indictions ou semaines d'an- née de trei/e chacun. I^)ur les exprimer, il y avait des séries périodiques de signes. Dès lors, le système lunaire ne servit plus à mesurer les années, et on l'accommoda, au contraire, au cours du soleil comme simple division chronologique. (Cepen- dant le mot met/li, bien qu'il veuille dire lune, continua néan- moins à désigner les mois du système solaire. Pour changer le système, il fallut que les nouveaux venus eussent acquis déjà un haut degré d'influence. Ixtiiixochilt fait mention d'une as- semblée de sagos et d'astrologues qui tut convoquée dans la cité de Hue Hue 'l'iapalan afin de travailler à la correction du ca- lendrier et à la réforme du coniput annuel reconnu erroné et que les Othoniis conservèrent quand inéme, malgré la décision du législateur. I,e cycle se divisait en quatre indictions de treize semaines chacune et avait deux périodes : la première consis- tait en signes numériques jusqu'à trei/e; la seconde en quatre des symboles du calendrier mensuel espacés de cinq en cinq, revenant tous les cinq ans comme tous les cinq jours. iVoir le Codex Chimalpopoca pour la description du zodiaque de Tulanl- zinco placé dans l'observatoire de cette ville par Ceacatt Quet- /al (Cohuall et le mémoire de Gama sur le /odiaque de pierre trouvé à Mexico en 1790. Ce dernier monument mesure 14 pieds en carre et présente à sa surface plusieurs séries de figures gravées en relief et quatre cercles ayant au centre une image
122
1)1 I oinCiiNK i)i;s INDIENS ne noivl.m-mondl:
nionslriiL'iisc du soleil. 0\\ y trouve indiques les lastcs religieux des Mexicains et leurs léics principales. Les équinoxes et les solstices y sont également marqués, (tétait un cadran solaire marquant non-seulement llieine diurne et nocturne, mais en- core les rites et sacridces journaliers prescrits pour chacune Ce monument est le plus précieux que nous ayons de l'antique science astronomique, chronologique et gnomonique des l'ol- tèques.
Le système du calendrier mexicain se nommait xiohtlapo- hualli ou comput de l'année. (Recycle était également employé pour représenter le xuhmolpilh qui, deux lois répété, compo- sait le cycle majeur. Le mois n'était pas, comme chez nous, une réunion de jours groupés par sept, mais bien la série des treize nombres appliqués indistinctement aux vingt jours dont se composait le mois. Celte semaine était de treize jours occu- pant donc un mois moins sept jours que l'on était censé em- prunter à la semaine du mois suivant. 11 y avait dix-huit mois, ce qui taisait vingt-huit semaines ou trois cent soixante-cinq jours auxquels les Mexicains ajoutaient les momentanés, cinq dans les années ordinaires et six tous les quatre ans pour réparer la perte du quart de jour, c'est-à-dire les six heures de reste cha- que année, ce qui correspond admirablement à Tannée grégo- rienne aussi bien qu'aux années bissextiles. En raison du jour excédant, on arrivait très tacilement, en suivant la progression arithmétique des treize nombres de la semaine, à désigner cha- que indiction par les nombres i , 2, 3, et chaque année put donc également avoir un nom, un symbole spécial qui la lit recon- naître dans tout le cours du cycle.
Le jour se disait soleil et se divisait en quatre parties : r du lever à midi; 2'' le centre; 3'' l'entrée de la nuit; 4'' le minuit. Chacune de ces parties se divisait en deux tractions égales, les- quelles correspondaient à neuf heures du matin, à trois heures de l'après-midi, à neuf heures du soir, à trois heures du matin. Le jour civil conmiençait également au lever du soleil, était plus particulier à l'usage de la caste sacerdotale et se divisait
Il I)i; I II R civil. ISATION
133
en sci/.c parties doiil huit pour le jour et luiil pour la nuit. Les quatre premières ou matinales étaient signalées par un gnomon sur le cadran solaire et les quatre vespérales par un autre cor-
resi^
)nJant.
(iliaque jour Je grand matin on oll'rail au soleil du sang ac- compagne d'encens, on se scarifiait les oreilles, on immolait des cailles et on l'adorait en lui disant : " Seigneur, voici que
commence \()tre course, continue/-la heureuse.
!:>
es cerem I-
nics religieuses avaient lieu aux quatre parties du jour et de la
nuit
I.e rituel s'inaugurait a\ec le mois atlacualco commentjant avant le 2 lévrier; il était consacré à llalocàqui on sacrifiait
liants. Le di
Mlle
•tait
:\u
it hu-
mois euiii ceuii ue 1 ecorcnemei main. Le troisième était appelé petite \eille. Le quatrième, huey loxolle, commençait au 3 avril. Le mois suiNant, to.xcalt, était consacré à 1 la/catlcpoca. Le sixième, etzalqualit/a, était con- sacré aux 'l'ialoques. Le mois suivant était la petite léte des princes. Le huitième mois était la grande tête des princes. Le neuvième mois, mois des bouquets de fleurs. Le dixième mois, la chute des fruits. Le onzième était appelé le mois du balda- quin. Le douzième, arrivée des dieux. Le treizième, la guerre des montagnes. Le quatorzième, on célébrait la léte du gé- nie des chasseurs. Le quinzième mois était nommé panquel- zalitza. Le seizième, la chute d'eau. Le dix-septième le mois du glanage. Le dix-huitième était consacré au dieu du teu.
Les cinq jours supplémentaires étaient considérés comme des jours néiastes.
A cet exposé on ne peut plus clair, donné par l'abbé Pepart, de la manière de mesurer le temps des anciens peuples du Nouveau-Monde, nous croyons devoir joindre une notice sur le même sujet de notre célèbre astronome Laplace '.
" L'histoire de l'Amérique, avant sa conquête par les Espa- K gnols, nous ollVe quelques vestiges d'astronomie. Les Mexi-
1. Exposition du système du munde, par LapUce, p. 344.
IJ.I
1)1 i.okkhm; 1)1 s i.ndikns di; soi vi.ai -moM'I
. cains, au lieu de la semaine, avaient une période de cinq
• jours. Les mois étaiL-nt chacun de viiif^t jours , et dix-huit
■ de ces mois lormaient une année qui commeni.ait au sols-
• tice d'hiver et à laquelle ils ajoutaient ciui] jours (;omplé- " incntaires. Ils composaient de la réunion de cent quatre ans
■ un grand cycle dans lequel ils intercalaient \inf;t -cinq-jours.
■ Cela suppose une durée de I année tropi.jue plus exacte que
■ celle d'Hipparquc, et ce qui est remarquable, c'est qu'elle est
■ la même, à très peu près, que Tannée des astronomes d'AI- mamou lils d'-Xarounel-Rashiil qui ré^Miait en Si.| .
" Les l*éru\"iens et les Mexicains observaient avec soin les
■ Cercles ou gnomons, les solstices et les équinoxes. Ils avaient ■' même élevé pour cet objet des colonnes et des pyramides. (]e- " pendant, quand on considère les ditïicultéspour ime délermi- " nation si exacte de la longueur de Tannée, on est porté à croire
• qu'elle n'esl pas leur ()iir)-ai^c et qu'elle leur est venue de Tan- - cien continent. Mais de quel peuple et par quels moyens l'ont-
■ ils reçue'.' Pourquoi, si elle leur a été transmise par le nord " de l'Asie, ont-ils une division du temps si ditlérente de celle ' qui était en usage dans cette partie du monde '? Ce sont des '■ questions qu'il paraît impossible de résoudre',* "
A ces questions on peut répondre aujourd'hui en disant que ces connaissances astronomiques leur ont été enseignées par les Aryens dont le pays n'était pas éloigné de la Chaldéc. Les peu- ples de cette contrée, d'après Joseph, flis/oirc dus Juifs, à une époque très reculée, avaient découvert que la révolution com- plète du soleil et de la lune ne s'opérait qu'après six cents ans révolus; calcul dont l'exactitude vérifiée par Cassini enlève quelque gloire à ceux qui prétendent lavoir trouvé les pre- miers.
Les Indiens du Nouveau-Monde savaient déterminer la li- gne méridienne et la ligne équatoriale qui leur servaient à orienter les taçadcs et les portes principales de leurs édifices.
Les Péruviens rectifiaient leur calendrier au moyen d'obser- \ationssolairesaveCi lidedecolonnescylindriquesqu'ilsavaient
rr i)i; t.i.uu ciVfLiSAiiON
I-»D
élevées sur les terrains les plus hauts autour Je (Ài/co et qui leur servaient pour prendre l'a/inuitii. lui mesurant son ombre, ils trouvaient la période exacte à leur solution. Ils déterminaient la période des équinoxes avec l'aide d'une seule colonne ou gnomon, placée dans le centre d'im cercle dans l'axe du grand temple et traversée , 'ir un diamètre de l'est à l'ouest, (juand les ombres étaient à peine visibles à midi sous les rayons du so- leil, ils disaient que l'être suprême s'appuyait avec toute sa lu- mière sur la colonne.
(^uito, placé exactement sous Téquateur où les rayons du so- leil ne produisaient pas d'ombre à midi, était un objet spécial de vénération comme la demeure lavoritc des représentants de la grande divinité. Par ces périodes, les l'éruviens réglaient leurs rites religieux et leur cérémonial, et indiquaient la classe des travaux dont devaient s'occuper les agriculteurs à chaque époque de l'année.
Ces peuples, surtout les Péruviens, étaient assez avancés en agriculture, qui recevait une protection toute spéciale du gouver- nement. Partout où le sol cultivable avait besoin d'eau pour être lécondé, on la taisait venir au moyen de canaux ou d'aque- ducs disposés de manière à laisser s'écouler la quantité d'eau nécessaire pour les irrigations et qui était (ixée par la loi poui' chaque champ. Us étaient très hal^'iles pour cultiver les terrains des montagnes, en les divisant, comnwcn Chine, en terrasses re- vêtues de pierres et admirablement disposées pour l'arrosage et l'écoulement des eaux. iJaus les vallées arides, ils creusaient le sol jusqu'à ce qu'ils eiissent rencontré une couche de terre avec un peu d'humidité naturelle. Ces excavations, protondes de 1 5 à 20 pieds, embrassaient une vaste surface qu'ils pré- paraient avec du fumier et dans laquelle ils faisaient leurs se- mis.
Ils connaissaient les dillérentes espèces d'engrais, entre autres le guano dont les propriétés stimulantes et nutritives étaient très appréciées des populations des campagnes. Au lieu de la char- rue, ils se servaient, pour rompre le terrain d'un pieu très tort
126
DK L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
et pointu, traversé par un morceau de bois à lo ou 12 pouces de rextrémité, et sur lequel le travailleur appuyait son pied for- çant ainsi le pieu à pénétrer dans le sol. Six ou huit hommes robustes s'attelaient à cet instrument et le tra-:".aient en chan- tant. Ils pouvaient briser ainsi le terrain à la profondeur dé sirée.
Grâce à leur patience et à leur savoir, on peut dire qu'il n'y avait pas un pouce de terrain auquel ils n'aient fait rendre le plus possible. Leur principale culture était celle du maïs, de la tige duquel ils extrayaient uac espèce de matière saccharine : avec le t.rain fermenté, ils fabriquaient une liqueur très forte dont ils abusaient extraordinairemcnt.
r.e souverain, comme l'empereur en Chine, labourait une fois par an en présence du peuple comme preuve du respect et de la protection qu'il accordait à l'agriculture.
On s'est demandé souvent si ces peuples connaissaient le fer. Ce n'est pas douteux ', attendu que le mot fer se retrouve dans toutes leurs langues. Les Péruviens l'appelaient quillay, les Chiliens Panlih. Dans le Mcratrio, t. I, p. 201, il est dit qu au commencement les souverains péruviens exploitaient de magnifiques mines de fer ù A. :oriam, sur la rive occiden- tale du lac de Titicaca.
Us connaissaient également l'or, le cuivre. Tétai n et le mer- cure, l'argent natif et ses combinaisons chimiques, avec le sou- fre et l'antimoine. Ils savaient extraire le métal pur de ses com- posés.
Ils possédaient le secret d'allier le cuivre à l'étain, de manière à en faire un métal dur et ductile. Le D' Wilson, I, p. 3o5, " prétend que l'alliage du cuivre et de l'étain, quand il est destiné
i.Moiitcsinos, parlant dcsChimus ou Rcants quand ils annèrciit au Pérou, dit, p. 73, qu'ils travaillaient les pierres avec îles instruments en fer. A la page suivante, il répète que la vue de leurs armes en fer jeta l'i'pouvante parmi les populations. Ce qui indique que les Caraïbes ou les peuples de l'.Vniériqiie septenlrionali- connaissaient l'usage du ter. Dans la langue chilienne, les instruments c.i ter s'appelaiei-t chi-quU pour les dis- tinguer de ceu.x en pierre mulni. Or, dans la langue maya, M veut dire lance, tlèclit; l'iulni, pierre.
*' k
ET DE LEUR CIVILISATION
127
à faire des instruments, possède les meilleures qualités, lors- qu'il comprend environ 90 pour cent de cuivre et 10 d'étain, et que les reliques en bron/e de l'ancienne Europe, analysées, donnent cette composition, tandis que le résultat général de l'analyse, des objets péruviens, chiliens, mexicains, indique un mélange d'étain variant de 2,r:^ à 7,61 5 pour cent. »
Au moyen de cet alliage ils obtenaient un métal très dur et très tranchant, qu'ils préféraient sans doute au fer. La plupart de leurs instruments coupants étaient en cuivre, mêlé détain. C'est avec ces instruments qu'ils faisaient ces travaux cyclo- péens en pierres que l'on admire à Cuzco, à Palenqué, à Ux- mal et dont il est ditficile de se rendre compte si l'on suppose qu'ils ne connaissaient pas le fer.
I,a plupart de ces instruments avaient des formes semblables à celles de l'ancien continent, à une époque reculée.
Ils avaient pour armes oll'ensives des lances, des épécs, des sabres, des javelots, des haches, des frondes, des arcs et des llèches dont la forme était la même que sur l'ancien continent. Comme armes défensi^■es, ils se serNaient de petits boucliers et de cottes d'armes en coton rembourré. Sur la tète ils por- taient comme coitfure une sorte de casque en bois ou en cuir représentant des tètes de tigres, serpents, etc., garni de colon et surmonté de plumes. Lx*s seigneurs avaient des cuirasses d'or ou d'argent.
Les Indiens du Nouveau-Monde savaient fondre le métal, le purilier par le feu, en le mettant dans de petits fourneaux construits tout exprès. Ils jetaient ensuite le métal dans des moules en terre ou en plâtre, polissaient a\ec beaucoup d a- dresse les objets ainsi obtenus, les travaillaient et les soudaient d'une manière admirable. Ces fourneaux étaient, notamment chez les Péruviens, si arlistement disposés, que le courant d'air remplaçait le soufïlct qui leur était inconnu. Par ce procédé si simple, le métal était fondu avec tant de facilité que l'argente- rie était devenue assez commune dans leur pays pour servir sous forme d'ustensiles de ménage et de vases destinés aux
n
m
V
12S
l)i: I. ORICINE DFS l>'Uir:NS DC NOlVFAU-MONDi:
usiiges les plus ordinaires. ..es plantes, les Heurs et les fruits d'or qui, suivant les historiens, ornaient les jardins de l'inca^ prouvent que ce peuple avait poussé assez loin l'art de ciseler les métaux précieux et de leur donner toutes les formes possi- bles. Aussi les jardins qui entouraient les autels sacrés, étaient remplis d arbres et de plantes i. i feuillage d'or et d'argent, chel's-d'(eu\re des orfèvres de Gu/co (jarcilazo de la Vcga). (]ette capitale que bâtit Manco-Capac, selon la tradition, possé- dait un templ: consacré au soleil. Les dimensions en étaient im- menses. Les murs, en terre cuite, étaient de haut en bas cou- verts d'épaisses plaques d'or. Le bâtiment était couronné d une guirlande du même métal. Les nombreuses portes qui don- naient accès dans linléricur, étaient également revêtues de lames d'or. Au-dessus du grand autel, s'élevait l'image du soleil en or. Cette iigure était rayonnante de llammes, et sa grandeur était telle, qu'elle occupait tout l'espace compris entre les deux murs parallèles du temple. C'est autour de ce soleil que les i^éruviens plaçaient leurs rois délunts sur s chaises d'or.
Les incas avaient, dit Sarmicnt(j, des jardins artiliciels dont le sol était composé de mottes d'or, façonnées à l'imitation des mottes de terre; ce terrain était ]")lanté de maïs dont la tige, les teuilles et l'épi étaient admirablement travaillés. Des brebis et des lamas de grandeur et de forme naturelles, avec des ber- gers armés de leur houlette, étaient en or fin, sans compter une multitude d'objets plus grands sculi^ités et peints. Les ser- vices de table, de cuisine, les fontaines des nombreux palais de rinca, ajoute (Jomara, étaient en or et argent incrustés d'émeraudes, les salles de leurs palais étaient remplies de sta- tues en or de taille gigantes jue, et contenaient les ligures de tous les animaux, arbres, plantes, oiseaux et poissons ^ il y avait aussi des troncs d'arbre coupés comme bois à brûler le tout en o*', des vergers où toutes les plantes étaient d'or; la porte de leur palais était aussi d'or, d'argent et de bron/.e admirablement ciselés, comme l'assure Cie/a de Léon.
i:t i)F. mxr civilisation
I2()
Dans les temples de la lune, les ornement ■ étaient en ar}j;ent. 1). nia/, ch. \ci, raconte qu'un écran d'or était placé entre Montezuma el le teu, admirablement fait et orné de tous C()tés des ligures de leurs dieux. La chaise était sculptée d'une ma- nière remarquable.
Les travaux que les Mexicains exécutaient en fondant des métaux étaient plus estimés par eux que les travaux de sculp- ture, à cause de la plus grande valeur des matériaux el de la supériorité de l'art, ''(^lavigero, I. VII, ch. xci.
Parmi les présents que Cortès reçut de Monte/.ama et qu il en\'03a à son souverain, était un poisson que (Charles V ollrit au pape. l>eii\eiuito ("ellini le vil et le désigna sous le nom de chet-d'œuvre. Le corps en argent et l''s écailles en or étaient tels qu'il ne luit s'expliquer comment on les avait obtenus, 1. amalgame n était pas encore connu en Kurope et il semble Liue les A/léques en taisaient usage. .Sartorius, p. 2?2.j
" J'ai \Li, dit Tvlor Earlv /lis/t»-}-, p. l'o? , dans le .Muséum de r>erlin, une paire d'aigles en (jr pour ornements provenant du Mexique, qui peu\enl être comparé, aux tra\aux étrusques pour le dessin et la délicatesse du lini. Mais ce qui est plus important, c'esl i^juils connaissaient le bron/e, composé de proportions excellentes de cuivre et d étain. ■■
Les objets d"or manulacturés dans la Nouvelle-tîrenade avaient un caractère particulier. (>eux des Péruviens étaient en général ronds, plus légers, plus clairs et plus minces, tandis que ceux de la Nouvelle-(ïrenade sont plus massits, rappelant l'égyptien. L'ricoechea, pp. 42-4!'!.;
Ils taisaient des miroirs en taillant el polissant des morceaux de pyrite de fer. Personne ne pensait encore à réduire le métal.
Us étaient Irèshabilesjiour travailler la plume. Tout le monde connaît le superbe ouvrage de plumes américaines de IWmbraser Sammlung de Vienne. Les plumes du quel/.al qui y ligurenl devaient en faire un costume d'apparat royal ou religieux. Les plumes bleu de ciel du Cotinga Magnana qui forment la bor-
y
\3q
1)1. I. oinciNir i)i:s indmcns du nouvi ai -mondi:
dure supùricure, sont rehaussées par des ornements d'écatllc en or et des croissants du mè'me métal de 2 centimètres de diamètre. La seconde hande est en plumes couleur de teu de l'Ara Canga, la troisième de \ert-émeraude, est composée des ailes du quet/al. Suit une bande couleur catè, à pointe blanche, ornée de trois rangées de boutons d or. Les longues plumes du quet/al mâle forment la partie inlérieure de cette parure dont on ne peut se rendre compte si on ne l'a pas vue Cette in- dustrie employait, avant l'arrivée des {espagnols, de nombreuses ouvrières. P)eniard Dia/ raconte que, dans le palais même de Monte/uma, toutes les concubines du roi s'occupaient à tisser des ouvrages en plumes.
Ces peuples étaient parvenus, malgré leur outillage grossier, à tisser des étoiles élégantes et à laire des tissus de laine d'une finesse extraordinaire. " Nous avons trouvé dans des tom- bcau.x, dit d (Jrbigny, des tissus magnifiques. L homme améri- cain, t. L P- 28(3.,
" Les dessins qui les décorent sont d'un goût original et leurs nuances éclatantes d'un.' telle li.xité, qu'elles sont parvenues jusqu'à nous à peine altérées. Les tapisseries péruviennes du musée Saint-(]ermain peuvent donner une idée de cette indus- trie. 1-^lles proviennent des sé[iullures d'Ancon, à quelques kilomètres au nord de Lima. Toutes ces broderies sont exécu- tées à l'aiguille sans envers. Les animaux qui les décorent sont ceux qui repré.sentent leurs mythes religieux, entre autres le tameux serpeii* oiseau, symbole de l'être suprême. Les vête- ments des Incas tissés par les vierges du soleil, étaient dune finesse admirable.
" Les (^uitchuas étaient également tort adroits pour faire des toiles. Ils les ornaient , les brodaient , les teignaient ci'une façon admirable. Leurs tissus de coton (in, brodés en bleu, pouvaient rivaliser avec les meilleurs produits des manu- factures européennes, (^uant aux tissus de laine, ajoute .VL Vi- ccnti Loj'^e/, nous dirons seulement que les fabriques euro- péennes elles-mêmes ne produisent rien qui soit supérieur aux
Il ni-, IJ'.VH CIVILISATION
i3i
cclù'brcs tissus indigènes en laine de X'igo^ne. C'était avec ces etotles que s'habillaient la tamille im]-'ériaie et les nobles aux- quels on permettait d'en laire usai;e, par grâce spéciale, et e:i récompense de quelque grand service, (ielles que portait l'Inca étaient dune teinte rouge ou couleur de calé brûlé. Le centre et les bords en étaient toujours ornés de grecques, trait singu- lier de ressemblance avec le manteau des archontes helléni- ques et des (.onsuls romains qui, au dire de Varron, avaient emprunté aux pontiles étrusques cette partie de leur cos- tume. >'
L an de la teinture avait aussi été poussé très loin. Ils pos- sédaient le secret de lixer les teintures de toutes couleurs, le rouge et le jaune surtout ; jamais ces teintures ne perdaient leur éclat soit à lair, soit même dans la terre. Le coton seul, teint, perdait un peu de sa couleur, tandis que celles de laine se conservaient parlaitement et acquéraient du lustre a\ c le temps. Ils n'emplovaient, pour leurs teintures, que des couleurs végétales.
Les peuples du Nouveau-.Monde c iiinaissaient la musique. L'abbé r^irasseur, dans son Rabimil achi, p 3, a publié un tra- vail lort intéressant sur la jtoésie, la musique, la danse et les jeux des Mexicains et des (Juatémaliens. 11 mentionne, parmi les instruments de musique, des trompettes, des llageolets, des tlùtes, des tambours et des instruments à cordes, il décrit la marimba nationale, le tun des (^)uitchés, tunkul des \'ucatè- ques et te H)nat/li des Mexicains. La plupart de ces instruments que nous avons vus ressemblent beaucoup à ceux de l'ancien continent.
" S'il nous était permisdentrer dans l'analyse minutieuse de la musique des (^uitchuas, nous pourrions montrer en détail quelle analogie elle présente avec la musique et les instruments des Arcadiens, ces descendants des Pélasges antiques. L'ins- trument po|uilaire des Péruviens était la llùte. Us en avaient deux espèces : 1 une composée d'un seul tube en os, en roseau ou en bois, qu'un noinniait chagna au nord et kena au sud;
nnv
l32
DF I, ORIGINF ni:S INDIFNS DC NOIVF A IJ-M0NI)F
l'autre composée de divers tubes de dimensions graduées, qu'on appelait antara et qui était identique à la llùte de Pan. On voit l'identité de nom entre la canna ou llùte en roseau des Latins et le chaîna ou la kena des Quitcluias.
" 11 y avait également une sorte de luth auquel ses accents plaintilsonl lait donner le nom de huayllaca de la racine clakc, plaindre. La trompette se nommait khapa, le tambour luian- kar.
" La musique clégiaque des \'ara\is a toujours été louée par ceux qui l'ont entendue. Les danses chantées sont un modèle de j^ràce et de douceur erotique. Des virtuoses célèbres, comme Si\ori ou Thalberi,', se sont laissé enchanter par l'admirable correction de leurs thèm.'S et les ont développés, comme si. dans les airs des \'aravis et de la Sambaclueca, ils eussent re- connu un écho lointain des chants classiques '. "
(>es j-'euples culti\aient la poésie, cette s<eur de la musique. Tous les genres leur etiiient connus, depuis la romance jus- qu au drame l1 au poème épique à vastes proportions.
Ils aimaient la dansée', avaient des b.illets imitatils et histo- riques. Les sexes, habituellement, dansaient séparément.
Ils avaient, comme en (Ihine, \.m syslèmu j^o.stal organisé au moyen de coureurs charges de la transmission des ordres et des dépèches. .\ chaque demi-lieue au Pérou, et à G milles au Mexique, six Indiens, hiibiles coureurs, étaient stationnes et se mettaient en route aussitôt qu'un autre arrivait. Ils communi- quaient aussi entre eux au moven de tumée pendant le jour et de leu pendant la nuit. La poste mettait huit jours pour se ren- dre de (Ài/co à (^uito, parcourant ainsi plus de looo milles. Monte/uma avait tous les jours du poisson Irais, apporté du golle du .Mexique, à 200 milles du distance de la capitale.
Le commerce se faisait non-seulement au moyen d'échange, mais par le moyen d achats réels i-t de vente. En dehors du cacao, des leuilles de coca, ils se servaient de morceaux d or et
I. \'ict;iito l.opoz, Les >,xci:s aryenne:, du Péitiii,
'M-
r:r dh i.i;ru civilisa ikin
i;^:'i
d'arpent. Dans I*.' I^ara^uay, des dés en 1er remiMaçaienl la monnaie qui n'existait dans aucune partie de l'Amérique.
Ils étaient très versés dans les poids et mesures.
Ils avaient des instruments en ariient et en bois pour peser leurs substances alimentaires. Leurs balances, qu'on a trouvées dans des tombeaux, étaient de plusieurs sortes, ressemblant à celles de l'ancien continent.
Dans chaque \ille, il y avait un marché général ouvert jour- nelKment et un plus considérable tous les cinq jours, (diaque classe lie marchands a\ail sa place marquée. L'ordre le plus |.;rand remuait. I!n dehors de ce marché, à Mexico, rien ne pouvait être \endu, Ninon l'eau et les objets d'alimentation.
Ils a\ aient des loires ; on y apportait les produits de tout le pays. Llles se tenaient près des temples. L'n ju.^e lixaii les prix des marchandises.
Le commerce entre les provinces et les villes se taisait, soit par eau, soit par terre. Les marchandises étaient transportées jiar des bateaux ou à dos d'homme. Au l\'rou, ils se servaient lM)ur les petits fardeaux du lama. Tous les auteurs qui ont écrit sur l'Amérique, sont unanimes pour déclarer que les Ls- l\îi;nols, à leur arrivée, ne trouvèrent ni cheval, ni bète de somme, à l'exception du lama. (]ela ne \eut pas dire qu'à une époque antérieure, le cheval, le butlle, la chèvre^ l'éléphant ne vivaient pas dans ces contrées et n'avaient pas été domesti- qués par l'homme. Dans l'état de Xew-.lersey, dans la vallée de roliio, dans le district de Columbia Faiina Amevicana^ p. 224 , on a trouvé des dents et des vertèbres d un cheval sem- blable au nôtre. Le D' Hund a découvert également, dans une caverne du Brésil, les ossements d'un cheval assez voisin de notre espèce domestique. Des dents fossiles de l'éléphant de Sibérie ont été ramassées dans plusieurs endroits des Llals-Lnis. D'après le D' Wecay Annales d'hisloire naturelle de New- York ^, quatre ou cinq espèces de genre ^05, dont une seule a survécu, ont existé dans l'Amérique septentrio- nale. Dans les manuscrits de Kingsborough, on voit la cous-
1^4 '*'•■ I.<ll<l<ilM- >>l''^ INDIKNS \)V NOIVl:Ar-MONl)l
tcllation du taureau moulé par Mithra. Dans le codex do Dresde se trouve le taureau Mitrliiaque, monté par le Dieu. Dans le même codex, existe rimaf.;e du chevreau ou capri- corne, portant dans la main le sii^ne du Mois-.Mcn. K\\ \i^j4, 'o D' Behrendt écrivait à M. Duchàteau : " Dernièrement on a découvert dans des souterrains, à Mayapan, des ossements d'animaux. J'ai vu la tête d'ime chèvre avec des cornes parfai- tement conservées. '>
Dans les vastes plaines de FAri/ona, n'a-t-on pas reconnu éi^aiemcnt des vestit^es de butlle et d'alpaga? Les historiens espaf,'nols racontent que lorsqu'ils ont pénétré dans le Nou- Neau-.Mexique, vivait dans cette contrée un peuple nomme Mo/lec, qui était pasteur de bisons. Kntin, si le bos américain a toujours existé dans le nord de l'Amérique, ce que personne ne peut nier, comment peut-on admettre que les Arvo-l'ou- ranicns ne l'aient pas utilisé et introduit dans les autres con' trées en supposant qu'il n'y fût pas'? Ce qui paraît plus difficile à expliquer, c'est non point .sa disparition de ces contrées, mais son reloulemcnt dans le nord-ouest de l'Amérique.
11 est vrai qu'un lait analo,gue s'est passé dans un grand nombre de pays de l'ancien continent, pour certains animaux. Comme conclusion^ Dieu, en créant cet immense pavs, a dû y mettre quelques animaux domestiques pour l'usage de l'homme, et le b(L'ut' américain, peut-être le cheval, ont existé proba- blement sur toute la surface de l'.Amériquc à une certaine épo- que
i:t de leuk civilisation
\35
L ORIGINE
DE LA CIVILISATION INDIENNE
PROUVÉE PAR LA RELIGION
La relif^ion, les nuLairs, k-s usaj^cs, sont chez tous les peu- ples la cause première des monuments et i.Ie leurs formes di- verses. J)e là vient qu'en étudiant les ruines laissées par un peuple qui n'est plus, l'homme éclairé peut, jusqu'à un certain point, reconnaître ou deviner le culte de ceux dont les osse- ments sont aujourd'hui dispersés, confondus avec la pierre ou la brique des édilices que le temps a détruits. Le voyageur qui possède quelques notions des arts, arrivant dans la haute Egypte, en parcourant les immenses ruines de 'l'hèbes, de Karnak ou du Mnemoniimi, aura sur-le-champ une idée de la sagesse, de la religieuse piété, de l'antique splendeur des Egyptiens. (^)uil visite la Perse, l'Inde, le Japon, la Chine, la Grèce ou l'ancienne Rome, partout des observations du même genre frapperont son esprit. Si maintenant, franchissant les mers, il pénètre en Amérique, il lui sera impossible de ne pas remar- quer dans le culte des Indiens de nombreux rapports avec les cultes des anciens peuples de l'Orient. Moïse ne s'est donc pas trompé quand il a dit que tous les peuples ont dû, à une époque reculée, être rassemblés dans le même lieu, et que là ils ont
i3r.
I)l: I, OKKilNK V\:S INDIF.NS M NOIVrAr-MONDi:
aJoptc k- mcmc syslùmi.' religieux qui a ctc ensuite propiigc dans le monde entier par les traLlilions oraics ou éerites.
Les Indiens du Nouveau-Monde, eoinnie .a plupart des peu- ples de l'antiquité, reconnaissaient un être suprême incréé et créateur de toutes choses, incorporel, principe suhtil, vivifiant, nomme le Dieu un ou sans é^al, Ilunablui eu maya-, TcniT , le souverain; Tloquc u.iliitall, celui qui est tout, en mexicain-, /'/- yclao ('.o-ai.vi(>. lincreé créateur en mixtèque, etc. » Tel il était dans l'obscurité et la nuit au milieu du chaos dans lequel il y avait des êtres, mais des êtres en i^erme, des êtres impercepti- bles, indéfinis. » (]e princ'pe subtil, i-iui est la \apeur incessante, le souille de la \'ie. fàme universelle, lorsqu'il \ eut créer, prend, au milieu de la matière fluide du chaos, la lorme d'un crocodile ou caïman, (lipactli, (jpactonal, imox-, ensuite, quand il crée, il adopte celle du serpent-oiseau indiquant la nnite- puissance du temps, le dévorateur insatiable de ses (eu\res, qui détruit à mesure qu il crée et qui, chaque jour, luit et s'en- vole. .Saturne, (ihronos, Ouranos, le premier des dieux de la mythologie grecque ou latine, était représente sous la forme d'un vieillard tenant une faux à la main, avec des ailes aux épaules et aux pieds, touchant un serpent qui se mord la queue. Kn Kf^ypte, en Perse, dans l'Assyrie, la Pheiiicie, etc., nous retrouvons la même idée sous la même forme . (^ette première manifestation de l'être suprême représente la i',rande cause première intellectuelle, le dominateur-créateur, qui, pour créer, a besoin d'une autre manijestation, le principe matériel, primor- dial, source de tout, de la vie, de la mort, de l'homme et de la femme, du feu, de feau, du soleil, de la lune, du bien et du mal, et qui est nommé le Dieu du feu. I.a forme est ensuite
1. Tcotl lappcllw le l)icos lies Grecs; Dcus tics L.Tiius, cl le Ty ilcs Chinois.
2. Il clan appclc. en maya. Ik ; en mexicain, Ehccatt, le snullle qni anime l'uni\crs, Idaliqtie Ava, le Kncpli des Egyptiens, Ik-Ncb (pour dire le soutHe) et avec le V.vzw^ des Grecs que Jambliquc traduit par Spirilus iinifcr.si.
i. t^cci ne Liit-il pas songei a l'Aucicn des joui», connne ail la ISiblc : Wnuna ()u- raiios; dans le Rig-\'eda, vin, xi, ii. .}, est le créateur de rancii.ii séi')ui.
i:r i)K i.iau civu-ISation 1:^7
JoiiiiOc par k' i:(L'Ur du ciel ut de la terre fl-cait, le serpent opérateur , appelé é^alenle^t Ka/'-itl, la main opératriee.
Dans cette trinite, c'est le symhole *.lu Temps tleNoraiil qui domine et dont le nom lwi. dans les langues arvennes ', si^nilie pouvoir, puissance, sai^esse, palernile, rovauté.
lui Amérique, le nom de serpent, {-«our les peuples, était sacre. On le retrouve partout ainsi que son imatie. \on-seuIe- nienl on le domiait aux dieux, mais aux rois, aux chels, aux peujMes, aux tribus, aux villes. Les temples étaient ornes de serpents, et des idoles, représentant le serpent empkniie, étaient adorées dans tous les centres de population. I,e cliel lu la co- ït,nie aryo-touranienne qui leur apporta la ci\ilisaiion s'ap- pelait (Juet/al liohuall le serpeiU oiseau, en mexicain . On le rencontre iMus tard sous ini nom semhlable (iukulcan dans le Vucatan , et sous celui de (ian-ou-llla-tiksi-huira-cocha dans l'Amérique méridionale. La première \ille qui tut fon- dée tut leo-dolhuacan , dOi'i est \enu le nom (.les (loliiua- i|ues adorateurs du ser|''ent Les rois et les chets ajoutaient à leurs titres celui de serj^ent - di\ in. (Constant d'Orville , tome y, paf^e i()0, parlant du temple de lluit/.ilipotchi, à Mexico, dit qu'on y entrait par une place carrée entourée d'une muraille de pierre, où des serpents entrelacés de diverses ma- nières étaient sculptés en dehors du mur. et imprimaient l'hor- reur. Sir .lohn l^yerley, dans son voyage au Mexique, rapporte qu'il a vu à Mexico la tête d'un serpent sculpté d'une i^randeur démesurée, de 70 pieds de ! n^. Dans les cloîtres, derrière le couvent des dominicains, ajoute le même voyat^eur, on voit un bel exemple du serpent idole, presque entier et d'un bon travail. Cette divinité monstrueuse est représentée dévorant une victime humaine, qu'on voit se débattre dans ses horribles mâchoires.
I. (iiiioii, cil grec; (.Miio, en laliii ; en ani;lai.s, caii, ui Ihiil; ; dans le vieux geiniaiii eluiiiiiii;; en saiiscnt i:;jii, eiigeiulier; on le ti'<juve dans le veJa coninie nn nom de loi ; mère, en sanscrit, csl ^'.iiii «ni i;.iin : on le l'ctnnive dans !.■ grec ^iiiw, le goiliu]iic .jiiiiw, le slave \ciia et l'anglais i]tn en.
i;<s
1)1 I.OKK.INi DIS INDIINS DU NOrVI'AL'-MONDi:
Dans un griuul nonihrc do villes du Mcxic]uc, du Yucatnn et du (iiintcniala, du Nicaragua, du Daricn, des pierres sculp- tées représentent le serpent hlotti eireuiaireinent dans l'atti- ti'dc que prend le serpent à sonnettes quand il se repose au soleil. Les six écailles dont sa queue est pourvue lui donnent de la ressemblance avec ce reptile. Il ouvre presque toujours la gueule qui est garnie de délenses-, la langue lourcluie qu'il montre annonce la colère. I.e corps est couvert de grandes écailles qui ont la lorme de plumes.
Si, du Mexique, nous passons au N'ucatan, nous voyons que celui qui civilisa cette contrée tut encore im Dieu serpent, Ku- culcan le serpent emplumé ou le serpent divin . Palenqué portait aussi le nom de (iolhuacon et ses habitants, Cvlui de (Ihanes serpents'. Dans l'Amérique méridionale, le nom de can ou coll. serpent, était connu de tous les peuples, comme celui du Dieu créateur et en même temps do celui qui, selon les tradi- tions, apprit aux hi.bitants de ces contrées ce dont ils avaient besoin pour vivre en paix et en prospérité des produits de la terre X'elasco, 1. Il, v. ■_>, c" 3 . Les (Ihibchas lui avaient donné le nom de Huc-con ou (hia-can ; les Patagons celui de i\aiic{ ; les Puelclies le nommaient hanchi ou aracan, d'où est venu peut-être le mot araucans.
Les murs des temples des Aymaras et des Quitchuas étaient
également ornés de serpents, et Levinus Apollonius t. iq; dit
que nds serper.ts sculptes en pierre, ayant les mêmes
|o'- . au Mexique, étaient adorés dans un grand nombre
.lits. Les Incas eux-mêmes ajoutaient à leurs titres celui
..erpent amaru , d'où est venu le nom des Avmaras.
Ainsi, dans toute l'Amérique, le serpent, emblème de la divi- nité suprême, jouait un grand rôle, et on peut dire v[ue le vrai culte de ces peuples était celui du serpent, que les Aryo-Tou- raniens leur avaient en'^eigné, et qui était celui de la plupart des peuples de l'antiquité et en particulier de nos ancêtres '.
I. Tlic UritoDi h.iJ a s.traiii;<; aial uniblc idiniuii, k:,\lk'i.l llic iv;lii;i'>n ol'ihc Uruiils.
i;r i»i i.i;ri< civii isaiion
i:^
(Juant au systcmc rcli^icll.v dos peuples du Nouvcau-Moiulc, si l'on veut le connaître, on n'a quà lire les premières pa^^es du /^'/''^/ vitli qui, c(Mniiie la Bible des Hébreux, commence par la (îenèsc :
M Tout était en suspens, tout était calme et silencieux, tout « était immobile, tout était paisible, et \ide était l'innnensité " des cieiix '. Il n'y avait pas encore un seul homme, jvTs un .11 animal, pas d oiseau, de po'sson, décrevisse, de bois, de Il pierre, de fondrière, de ravin, d'herbe ou de bocage. Le ciel " seul existait. La lace de la terre ne se manifestait pas encor'.', " seule l'eau paisible était et tout l'espace des cieux.
Il II n'y avait encore rien qui lût corps, rien qui se cramponnât 'I à autre chose, rien qui se balançât, qui lit le moindre Irole- « ment, qui produisit un son dans le ciel.
Il Kieii n'était debout ; il n'y avait que l'eau paisible et calme Il dans ses bornes.
Il Seuls aussi le serpent emplumé. le dominateur, le créateur, I' le lormateur, le resplendissant, ceux qui enf,'endrent, ceu.x Il qui donnent l'être, sont sur l'eau, comme im^ lumière j^ran- « dissante; des plus grands sages est leur être. \'oilà comment <i le ciel existe et comment existe égale' Ment le cieur du ciel, « Kab-iil, la main opératrice '. "
ire ui
les
Il sccnis tn li.TVJ L'ccn biuiif^lit (ivi;i, in \ciy caily ti'iics iiulccil. fVoin llic opposite couiilry ot l''raiK'c aiiciciitlv callc 1 (j.ml, arui lu liavc iiiixi.vl up llic worship ol llic sli - yviil, ai'.d ol' ihc suii and nioon, wiMi ihc wurship (;t' s'iuic 1,1 licatlicn gods and god- dcsscs (///.s/iicy 0/ h'.ngUvui. liy (^hailcs l)ii;kcns .
I. Au coiiimcjicjnicnl, hicu c\<:a le ciel el la leiie, el la leiie elail alurs vide et nue, et les liînèbres étaient alors sur la surlaee de l'abinie et l'esprit de Dieu était porté sur la surface des eaux Genèse, eh. i, par, i-j . Saint-.\ugustin est d'avis qu'il faut voir dans cet esprit île l'ieu, planant sur la matière lluide, un aident créé, un élément vivi- fiant auquel I>ieu aurait donné la puissance nécessaire pour servir ses desseins.
i. La partie cosmogoiiique, dit l'abbé ISrasseur, par laquelle commence le l'oyol vii'i. est d'autant plus curieuse qu'elle s'éloitjne davantage des idées reçues. Sans compter les étranges détails de celte genèse américaine qu'on voit figurer dans la plupart des docu- ments leproduits par ordre de lord Kinsborougli, et qu'on rencontre également dans la collection de M. Aubin ; -elui-ci porte en lui les preuves d'une authenticité d'autant plus remarquable que les mêmes détadss'; retrouvent dans les personnages désignés sous les niOmcb dénominations dans plusieurs manuscrits lojt à fait '.listinclfi. .Nous citerons,
mmmm
140
lîK I.OKuihNK l)t:S INDIKNS DU NOlîVi: Vl'-MONDK
« C'est alors que la parole vint avec (lucumalz et le resplen- '< dissant dans les ténèbres et dans la niiit. Ils se parlèrent-, ils V se consultèrent et méditèrent; ils se comprirent, ils joignirent « leurs paroles et leurs avis.
« Alors, il lit jour pendant qu'ils se consultèrent et, au mo- <■ nient de laurore, l'homme se manilesta par la puissance de •' celui qui est le C(eur du ciel, dont le nom est Huracan Ul- « Can, le serpent opérateur .
" 1, éclair est le premier sit^ne de Huracan; le second est le . sillonnement de 1 éclair-, le troisième est la tondre qui Irappe, « et ces trois sont le C(eur du ciel.
« H l'ut ensuite ordonné aux eaux de se retirer. « 'l'erre, » u dirent-ils, et à linstant elle l'ut formée '. Les grandes mon- ■' tai^nes vinrent alors, puis les monts et les vallées; le cours « des eaux lut divisé et les ruisseaux s'en allèrent, serpentant « entre les montagnes.
« La création de la terre tut suivie de celle des animaux des i' montagnes, des jMaines et des airs, auxquels des demeures " turent assignées. La loi de la multiiMiciaion l'ut promulguée, " et ils lurent dotés de la laculté de produire certains sons. On '< leur ordonna de glorifier le créateur et d'invoquer son nom. u Mais il leur lut impossible de parler et ils lurent condamnés « à être mangés et tués '. ■>
Ces quelques lignes renferment toute la théogonie indienne. On reconnaît avant tout une trinité divine, dans laquelle se montre en première ligne le serpent-ois .'au ou serpent emplumé
ciUè'c ailircs, lo vroJcx cliim.ilp'ipoca ccrit iljiis Ui l,iiii;tic naluiall, .linsi qiii; sept auli-ts ilocunnjiits ilonl muis possOiions des copies ou des orii;iiiaux en quitehe, en kakchiquel, en l/iiUihil, en espagnol, iniis se complétant les uns pai- les aulnes, et remplaçant, d'une manière plus ou moins complète, les lacunes qu'on y trouve. (Brasseur de Lioi'rbour;;.;
I. Dieu dit : u (jue les eaux qui sont sous le cie! se retirent et que l'aride apparaisse » et il en lut t'ait ainsi. Dieu donna à l'aride le nom de terre (Genèse, ch. i", p. (j).
.i. Avant lu'il n')- eût ni jour ni année, dit la cosmogonie Mixlèque, dans le chaos au niilie la surface liquide, était celui qui, par les ellorts de deux souilles ou vents
persorinmés, l'un comnie un oiseau, l'autre comme le serpent, créa le monde. Garcia, Oi igo Je las IiiJins, liv. \ , cli. iv.
i:t de leur civilisation
141
nommé, par les Mexicains, Quct/al (]ohualt ; par les Mayas et les (^)uitchés, Ivuculcan-(jLicLimat/; par les Qiiitcliuas ', Pacha- camac, le temps créateur-, Paclia-Atiksi ', lu temps Jomiiiateur ou souverain; enlin, par les Aymaras, (^an-tiksi 1-luayra-Cocha, le temps créateur, principe subtil.
Il était représenté sous la lorme d'un serpent avec le corps d'un oiseau ', ou d un serpent blotti circulairement, à l'aspect menaçant, dont les écailles axaient la l'orme de plumes ', sym- bole du temps qui dévore et s'envole sans cesse.
C'est lui , la f,'rande cause intellectuelle , première mani- festation de l'être suprême; dont il exprime la pensée ciéa- trice.
H est le même que Saturne, C;hrt)nos, Ouranos, Zer\ane- Akéréné, Odin, Baal, Brahma . etc.
il crée d'abord les merxeilles sans lorme et sans couleur bu ciel iVitéricitr et c'est le principe matériel primordial, deuxième émanation de l'être suprême, qui a ser\ i à tormer tout ce qui a une l'orme et un corps. « l,a parole vint avec (Jucumat/ et le resplendissant dans les ténèbres et la nuit; ils se consultèrent et, pendant ce temps, il lit joiu- et, au moment de l'au" -e, l'homme se manifesta par la puissance de celui qui est lecceur du ciel, le lormateur, l'opérateur. ■■
l,e principe matériel primordial, deuxième émanation de l'être suprême, com(M-enant en lui la source de tout, de l'homme et de la lemme ou plut(')t du principe masculin et du principe léminin, du jour et de la nuit, de la \ie et de la mort, du bien et du mal, était nonnné le lormateur, le resjMendissant Tiipal; eri quitchua, 'repcii/i en quitché . le dieu du teu destructeur
r. De /ùj)»i7, vouloir, siinsUril; /,-.j,ii)!, en iiuwa, est le lort, le puissant; de même qu'on giee, caiiialcids .
1. Du sansent, ait, si'i'passor; en nia)a, ahti'yiil signilie majesté supie-nie.
'i. \'oir flanelle XX\II, tioisiéme expé\lition du capitaine Dupais. Anli.jiiius ir.cxi- caiiu s.
■|. \ Dii' planehe 1,XI, ileuxiéme expédition du eipilaine Dupai\.
3. iJette idée se reliouvc dans I' YliiUi,', le 'J'jolciiiiig, le Kiiiij;- IV.^i, ete,
l'i. De lâp, bnllei-, en sansent
l.)J
l)i; I.ORIGINF DF.S INDIKNS \)V NOUVFAU-MONDr-:
et reproàiictcLir ; Xiiili-tcutli. [lla-liksi. la lu.niicrc primitive créatrice; ou pirhua, la lumière.
Le mythe du leu se retrouve, chez jiresque tous les peuples de lantiquité, lié à celui du serpent et du temps. I^vr ou -j,:. leu, est d'origine asiatique'. La l*erse était, comme nous l avons dit, le pays du leu et de la religion du leu, de même «.pie le Pérou, dont le nom exprime la même idée. Pirhuas et Perses sont synonymes.
Partout le cours périodique du soleil était représenté par un cercle entouré d un serpent. Le cycle mexicain de cinquante- deu.v ans était ligure par le soleil entouré du serpent i-pii tonne quatre nteuds et embrasse les quatre périodes de treize ans. CcWij idée est très ancienne, l-^n astronomie, les points dans les- quels se succèdent les éclipses, d'après le l'ère PvOmanoli, s'ap- pellent tète et queue du dragon. Les (Chinois croyaient que, dans les éclipses, un dragon essayait d'avaler le soleil. Les Lgyptiens, pour symboliser le soleil, se servaient d'un cercle avec un serpent. Le Père Montlaucon cite, dans ses Aiili\jiti- Ics, un monument dans lequel on \oit un serpent qui, avec ses tours autour du zodiaque, le coupe en plusieurs points '. Les sacrilicateurs au Mexique, dans les grandes cérémonies, j-^eignaient sur leur Iront des cercles entourés de serpents.
Un des ba.s-reliets de K'on-yun-jik représente deux personna- ges taisant un .sacrifice devant un autel sur lequel brûle le feu sacré. Kn lace de l autel sont des serpents auxquels est adressé le sacrifice.
Tous ces peuples, en laisanl du I . le Dieu source de toutes choses, avaient en \ue non-seulement l'éclat de la lumière qui convient à la w ^esté divine, mais encore son double pou-
I. I.c IlU 'ibiiiit, tics le commcncemciil du culU', une place ilisliiiRuée parmi les ob- jets du culte de rindoustaii. Le dieu présidaitt .i cet éleMieiil se iiuiniiiait Agiii. Ce culte aiuiiiue a e'té absorbe dans celui île Siva au.|uel on l'a réuni.
.:. l-'.n l'i^ypte. Knepli. le dieu du bien, e'tuit sjnibolisé par le soleil et le dieu puis- ban; Meclivlel, par une vipère. Les prêtres d'I^ijvpte oi naient leurs bonnets de guirlandes en lornie de serpents, avec l'iniage du soleil. Le diadème des l'Iiaraons e-tail aussi orne du serpent, ainsi i|Ue de l'image du Soled.
FT DR l.ia.'R Civil, ISAI'ION
I.|.<
voir, hicnlaisant quand il éclaire et léconJc, et nialtaisani quand il détruit. (Jcst pourquoi ils le considéraient comme l'origine des deux princi['»es opposes, bien et mal, mort et vie, jour et nuit, et lui prêtaient deux natures, I une me, l'autre mau- vaise '. (Jomme Dieu créateur et f^énérateur, les Américains lui donnaient la torme dun vieillard et d'une vieille lemme 'monade hermaplirt)dite', avec les noms de ^'rand-père, aïeul, deux lois {^rand-père; grand'mère, aïeule, deux lois grand- mère; /Jiic-'J'cii/li, lancien Dieu; Mam-Tamoy, Xmyacoc, le grand-père; Maya, Alit, lo-^i-Dobaylhi, Xmiic, Xiniicaiic, la grand-mère; Ometeill, deux lois grand-père; Omccicuall deux fois grand" mère.
Le prêtre, dit Sagahun, liv. IV, ch. xn, in\'oqua le leu. " \'ous, Seigneur, qui êtes le père et la mère des dieux et le plus ancien des dieux. » « 1/ancien Dieu, le père et la mère des dieux, dit une prière a/tèque, est le l^ieu du feu (^amargo .
(les titres de grand-père et de grand'mère se retrouvent chez presque tous les peuples de l'antiquité. Considérés comme les générateurs de l'univers qui tirait son origine de leur union mystique, le grand-père et la grand mère étaient représentés par des symboles suffisamment expressils par leur attributs, mais qui ne pou\aient être vus sans blesser la pu- deur. Ces symboles, communs à I Inde, à la (îrèce,à la Chine, au .lapon, etc., où ils étaient connus sous les noms de )'<>iiis, /.■'"itaiiis, Phallus, Priapc, etc., étaient très répandus dans toute 1 Amérique, où on les retrouve représentés en pierre, en terre, en bois, en or, ou tout autre métal.
Le dieu du feu était tout à la lois le dieu de la vie et de la mort, le dieu bt)n comme le dieu terrible, le dieu fort. Dans
I. Dans la inytlioloi»ic liind(juo nous retrouvons la piêinc trinilc qu'on Anicriquo. I^a vulontc ilo Uralima so manifeste par trois allrilnits sensibles dans les dieux de la tri- nuirli. ISralima est la puissan..e créatrice ; Siva, le leu destructeur et reproducteur, est .1 la lois la vie et la mon, la lumière et les ténèbres, le bien et le mal ; \ isclmou est le dieu qui lerlilise et técnnde, le principe générateur s incarnant dans la suite des âjjes pour le salut du nioiule.
144
1)1 1. OlUr.INK DIS INOIKNS lii: NOIVF.Vi;-MONr)i:
le manuscrit Iroano, le dieu de la \ ie a la lii^urc d'un homme dont la coillure est ornée du bandeau royal. Son aspect est doux ; il est assis près d"un loNer, entouré des eniblè'mes de la vie. Le dieu de la mort est noir ou pointillé de noir. Il paraît féroce, devant lui sont des ossements humains en croix.
l.e soleil, représentant naturel du dieu du léu, était adoré comme l'astre bienlaisani par excellence. Les Incas avaient établi i\nc loi ^jui prescrivait de l'adorer comme leur grand bienfaiteur par qui ils a\aient été envoyés, eux ses enfants, pour les ci\ iliser .
(Test à lui qu'étaient élevés les plus beaux temples dans l'enceinte desquels brûlait constamment sur l'autel, le leu sacré entretenu, avec beaucoup de soin, par de jeunes vierges, comme à Rome, en(irèce, en l'erse et dans l'Inde, et, comme si l'on avait craint que le feu \ int à disparaître, on regardait son ex- tinction comme un grand malheur. (Iliaque année, à la léte du Soleil, nommée au Pérou rmu-ra\mi, le leu sacré était ral- lumé par le sou\er;'.in pontife qui recueillait ses ravons dans un miroir et alkmiail au foyer mi morceau de coton con- sacré. (>e feu di\ in était aussitôt distribue aux temples des ves- tales répandus dans tout l'empire. Le roi seul, dans les fêtes solennelles, présentait au soleil les \(L'Ux et les oll'randes du peuple. Tout ce qui était a son usage était regarde connue sa- cré : chaque matin, les prêtres saluaient son le\er par des chants d'allégresse; et c'est à kii qu'était olleri le C(eur des victimes dans les sacrilices humains.
(]omme dieu méchant, le dieu du feu était rej^résenté le corps tout noir, avec une tête humaine, la bouche ou\'erte, de larges dents apparentes et une langue de feu pendante; trois rayons l'entouraient; quelquefois il était figuré sans corps.
On l'appelait Ical-a/iaii, le roi noir. Son teil ressemblait à une marmite ouverte, d'où son nom de Kin-ich-kak-mo en maya , le soleil à Iceil de leu, K.}/,ii-fa/,\jl en t/endal ; de sa
I. Gar,;ilazo, I. I\', ch. i.
t.,1
irx I)K I.FUR nVII.ISATION
145
ics du •;a-
es es
le
de
■ois
l à en sa
bouche ouverte el armée de grandes dénis sortait une lani^'ue rouge; la tète était surmontée de l'aiije qui lui était consacré. C^anope, le dieu des eaux chez les l'"g)ptiens, était représenté sous la lornie d'une urne à large ventre ; assez souvent ce vase est surmonté de têtes d'hommes ou d'oiseaux. Quelque- lois on lui donnait la lorme d'une marmite au ventre énorme et rond. La tête, j-ietite par rapport au corps, était iKMichée légèrement en arrière; par le rictus de la bouche, on ii...odui- sait le sann des ^-ctimes.
Il
pré
sidait à la guerre et aux combats. Les Mavas
por-
taient dans les batailles une idole nommée Achuy-kak, celui qui dispose du (eu. Au Mexique, il était appelé Huitzilipotchi.
Duran, t. L', p. nj3, rapporte qu'un roi du Mexique lit gra- ver siu' ime pierre l'image du soleil sous la forme d'un cercle au centre duquel était un i>etit bassin où aboutissaient les rayons partant de la circonférence; ces rayons avaient été disposés ainsi alin de j^ouvoir se repaître du sang des victimes versé dans le bassin; autour étaient les noms de toutes les batailles gagnées.
A un certain jour, l'aconte le même auteur, t. L', p. 199, au Mexique, les chevaliers du Soleil nommés Cuacuautin, c'est-à- dire les Aigles, célébraient la fête du Soleil Xauholin , dans laquelle on sacritiait un Indien dont le corps était peint entiè- rement en rouge ; il devait ix)rter un message au Soleil et lui dire que les chevaliers restaient à son service, et le remer- ciaient de les avoir protégés dans la guerre. L'hidien gravissait à pas lents l'escalier du temple, allant tantôt à droite, tantôt à gauche, j^iour figurer le cours du soleil de Test à l'ouest, et, i[uand il était parvcMiu au sommet du temple, il mettait son l>ied au milieu de la pierre du soleil, représentant mUi; le grand sacrilicateur prenait alors son couteau d'obsidienne et le lui plongeait dans la poitrine. Arrachant ensuite le cœur, il l'otlrait au Soleil en jetant un peu de sang dans cette direction et lan- çait le corps au bas du temple pour représenter la descente du soleil vers louest.
«•l<'
i)i: I. (iKiiriNi: i)i;s indikns i>i; noi'viiai'-mondk
Lls prcircs cliihclias, après avoir immolé leurs prisonniers de guerrcsur le sommet des monlaf^iies, teignaient, avec le san^ des s'ictimes, les roches exposées au soleil levant auquel ils aixindonnaient ensuite le cadavre.
Les Incas avaient aussi l'habitude, après avoir suhjui^uè un peuple, de choisir un certain nombre de |-«risonniers parmi les plus beaux hommes et de les envoyer à Cu/co où ils étaient sacrifiés au soleil qui leur avait procuré la \ictoire Molina, p 3(j .
Le dieu du teu présidait également aux châtiments. Au Mexi- que il portait le nom de l\i-^aliipoca). Suivant Herrera '. il était représenté avec un corps noir-, les yeux saillants et ornés de lunettes, et tenant dans sa main droite quatre dards. 11 était assis sur un trône entouré de crânes et d'ossements humains. Sagahun dit que son symbole était une tète de dragon \omis- sant du teu ''.
On l'implorait dans les temps de peste, d'épidémie et aussi pour obtenir le pardon des péchés.
Au N'ucatan, d'après llogolludo, le soleil était invoqué dans les temps de grande nK^rtalité.
La troisième personne de la trinité américaine était le cceur du ciel et de la terre, Huracau, ou plutôt Ulcaii, le serpent opé- rateur, le l'ormateur; de même que Jupiter et Zens, nommé Wyyr.ir,: \ il était regardé comme le lils du temps créateur, le serpent oiseau. « Les hidiens du 'S'ucatan, dit (^ogolludo, 1. IV, ch. VI, croyaient qu'il n'y a\ait qu'un seul dieu, Unnab- cab, qui avait un tils, Ilnn-il^amua. »
(>'est ce dieu qui a donné la l'orme à toutes les choses con- tenues dans le principe matériel primordial et par la i^uissance de qui tout a été t'ait et se lait. (Test le dieu qui agit, opère et
1. I^. m, p. 3ij5, il'apix'S Stcpliciis.
2. Siva-lloudra ctait ivpi'cscnlc li; Ic'u S'jrtaiu Ac la boiulic ; des crâiiL's iiumains cou- ronnant sa chevelure hérissée de (Liiiimes, et d'autre.-; Lr-'ines lui loiniant encore un col- lier; SCS mains étaient armées de daids.
3. Fils du Temps.
Kl 1)K I.IX'U Civil. ISAIION
'47
o,ui en môme temps préside au tonnerre, aux orales, aux eaux et à la léconJité, à la médecine, à l'a^tricullure, etc.; on 1 invo- quait aussi lorsqu'on voulait connaître 1 avenir.
Le ceiba lui était consacré, comme le chêne à Jupiter'.
(le dieu est nommé, comme nous lavon.s dit, /Iui\u\vi, dans le /'upol vitli, ou plutôt Ul-Ciiii, le serjtent opérateur fcn maya . Ses autres titres étaient Kab-itl, la main opératrice. (Test cette main qu'on voit si souvent dans les liiéro^'lyplies. 11 était ap- pelé aussi //yi'ihil-iil ', celui qui donne la vie, l'opérateur; //^cv/- CiUiii-ftyCii-miiral, celui qui donne la vie au ciel et aux luuii^'es; Akchim-CiUvi, le cœur lIu ciel ; lHhuu-a-litm, le dieu du tonnerre et de la pluie qui coupe il était leprésenté un couteau à la main ; cilcIhK-coh, le tapir présidant aux orales le tapir lui était consacré ; ah-bitluc-baUiii, le tii^re ».iui iM"ésKle à 1 eau-, cl;~ l\xlam-c}hK\ le léopard qui préside à la pluie ; Yaca-tciitli, le dieu au loni? ne/ ; Quialcoh, le dieu de la pluie ; llaluc, ou Tla- iciilli, le dieu fécondateur de la terre; l'otau, le cœur du ciel ; A/uiii-chcii-caii, le maître principal du ciel.
Sa II
h
Ni
,'mme qui avec lui ne taisait qu un, se nommait huait, (Jtakliiiihlliycuc. la pierre précieuse verte, ou Centeolt, la déesse de la mer ou du mais; elle présidait à lalécondité, à la pluie.
i\c dieu hermaphrodite était représenté le plus souvent a\ec un lon^ ne/, et une mâchoire énorme armée de dénis de caï-
con-
mce
ère et
|ns cou- 1 col-
I. Presque tous les peuples ont dans leur mythologie un arbre sacré : chez les Hin- dous, c'est le figuier Aswatha; chez les habitants du Thibet, c'est l'arbre merveilleux /ampuch; pour les Scandinaves, le ygdrasil ou Irène sacré ; pour les Gaulois, le chêne,
etc.
.'. Cogolludu raconte iiu'à llzanibo, sur une colline, se trouvait un temple élevé à
llzenat-ul, que l'on invoquait pour connaître l'avenir. Les indigèneo croyaient qu'il avait le pouvoir de ressusciter les morts et de guérir les malades. Sur une autre col- line, en lace, était un temple élevé au même dieu dont 1 idole représentait une main. On portait à ce temple les morts et les malades. (Cogolludo, liv. I\', ch. vni) kab, en maya, main, vient du sanskrit kayiati, ï.npata'; en quitcluia, kapac, puissant; kayam, prendre, tenir, contenir; en latin, cjpcrc ; en anglais, kevp ; en grec, cupi:
i. Nom identique avec celui du dieu au be.ui nc/:, sous Icvniel les \ édas connaissaient le dieu Indra.
148 Dl" l.'ORIGINr: DIS INDIKNS DU NOIVF: AIJ-MONDP:
nian avec le crochet du serpent à sonnettes, ressortant au coin ; son (L'il caractéristique ressemblait à cekii du tit^re. Sur la tète, il portait une coill'ure de feuilles et de lleurs au milieu desquelles on distinf^ue wn av^\c. Dans une main, il tenait un couteau ou une hache et, dans l'autre, une torche. Il était couvert d'une peau de léopard et avait quatre mains; entre ses jambes se montre un serperit, qui quelquefois est placé en travers de son ventre. Souvent il a l'attitude d'un homme qui souffle dans un tube. (\'oir les dessins du temple de la (^roix à Palenqué, planche LXl de Stéphens, et le manuscrit troano dont nous re- produisons la planche.)
Auracan ou Ul-".can, d'où est venu le mot ouragan, comme dieu du tonnerre et des orages, était représenté quelquefois sous la forme d'un guerrier dans l'attitude du combat, la lance dans une main et, dans l'autre, tenant le couteau avec lequel il coupe les nuages d'où l'on voit tomber l'eau. Au-dessus de sa tête, se déroule le serpent imitant l'éclair qui sillonne les nues'. '^V^oir planche ci-après.)
I. l.c pi'cmiui' du L(i.-ui' du ciel HLiracan, est L' toiiiicrre; lo deuxième, l'éclair qui billuiinc laïuic; le troisicinc, la tuiidre qui frappe, J'opol vuh.
ET DE LLUr< CIVILISATION
«49
Comme dieu de la pluie, il agit tantôt avec la déesse des eaux, ou hien il la laisse seule remplir ses fonctions. Dans le premier cas , il était représenté , comme dans le manuscrit 'Iroano, debout sur la tête horizontale du serpent dont le corps est relevé et versant de l'eau avec un vase. Sa lemme, debout également sur la queue du serpent, tait la même opération. (\'oir planche ci-jointe.,
La déesse deseaux, présidantseuleà la distribution de la pluie
I.IO
U\: I OHKilM niS INMIKNS 1)1' NOI' VKAt'-MONDT
Jiins le niùmc nianusciit, est debout, les jambes écartées, les hrns éteiulus, tenant dans clia^iue main un petit ti^ie et un pe- tit léopard dont la {gueule vomit de l'eau qui coule également à Ilots des seins de la déesse. Sur sa télé est le serpent et, à ses pieds, le dieu des eaux se repose. I,es deir.v hras de la déesse avec son corps forment la croi.x.
Dans le temple de la (Iroix à l^ilenqué, son image en bas- reliet est celle d une lemme coitlée d'un casque couvert de leuilles de lotus ' et île poissons. Mlle tient à la main ini épi de tromeiit, et, attaché derrière son dos par une chaîne, un enlaiit nouveau-né.
Quelquelois le dieu et la déesse de la pluie étaient re|>résentes ensemble figurant une croix surmontée d'un oiseau lantasti- que qui est perché sur la tête du dieu au-dessous île laquelle est LUI médaillon de lemme . 'Voir planche, p. i3i.j
I. I.c lotus cl.iil rciiiblàiic sacre ^lii cullc cg) pticM ; Osiiis cl Isis OlaKiil nés J.iiis lu' sijiii il un Intus. I.orsiiuo ()siris clail npicscntc avec un \i»apc irinininic, sa tLtc clalt iiiuri>nni.'c lie lolus. l.c sccrtic li'lsis clan termine par une (leur île lutus nui était .i la lois le symbole ilc l'eau et Je riinniortalilé, et prcsaft'-''"* l'inopilalion. les momies avaient souvent des colliers île cette Heur que l"on retrouve mêlée à toutes les scènes Je relii;ion. Le lotus joue aussi un grand rôle il.ins la mythologie hindoue : les vich- noui>tes représentent \ iclinou, .'i sa naissance, nageant à la surface des cAUX une (leur de lotus à la main ; sur celte lleur est assis Urahina. I.ea dieux des J'ariares. des lapo- nais, s<int souvent représentés assis sur le lotus.
j. On peut voir dans iiofe musée du 'l'rocadéro ce bas relief récemment découvert à Palen^iué par M. Maler.
S. D'après Sléphens, ce même dieu était souvent représenté sous la ligure d'un homme ayant sur la tète un oiseau fantastique, fait avec des plumes travaillées. Il a la main droite appuyée sur uu serpent recourbé tl lient dans la main gauche un bouclier sur lequel cinq plumes lorment la croi.x.
vr DK Li:un f;ivii.iSAiiON
i5i
r-^'d^-"^
^.^
Stlmïïi
s^Y"
U^M
-.ZTUJ
Dans la planche LlWle l'allas de M. Stépliens, on retrouve la même croix supportée par le dieu des oraj^es et la déesse de la pluie. Au-dessus de la croix est le masque du dieu.
I^ans le Codex Wilkouus, le dieu lormateur est représenté les deux bras étendus sur les bras d'une croix '. (Voir plan- che, p. 102.,
I.e capitaine Oupaix, dans la relation de sa première expédi- tion, rapp(;rte qu il a lrou\é, près d'Ori/.aba, un bloc de pierre de 99 pieds de tour, sur lequel était gravée l'image d'un homme debout, les bras étendus, les mains ouvertes et les jambes écartées, formant une croix semblable à celles de l^alenqué.
I. Si la croix, symbole du l'Klic supiOmc dans l'aiitiquiti.'', est ilcvcnuc un instiumciil lie supplice, c'tsi. sans itoule, p.ircc que les peuples crurent être plus agréables à la ili- vinité lorsqu'ils lui ollraient des saciilices humains en immolant les victimes dans l'at- titude qu'ils piêiaienl à celte divinité dans sa représentation. Les TIascales attachaient leurs prisonniers à des croix et les tuaient à coups de llè^hco ou a coups Jj bUoii.
i5i
DE I. OUIGINK DFS INDIENS Di: NOUVEAU-MONDr:
Il L'st (joillc du banJoau royal. A sa droite, on apori^oit un poisson et. à sa gauche, un lapin, emblème de la lécondilé. Sur le bandeau supérieur, on remarque une main qui indique le nom du dieu opérateur Ainsi il n'y a plus de doute à avoir sur la signilication de la croix en Amérique. IClle était le symbole du serpent ou du dieu formateur et operateur. C'est ce qui ex- plique pourquoi (^uet/al (Itjhualt et Oua-can ou Bochica, à leur arrivée dans l'Amérique septentrionale et dans la Nouvelle- CJrenade, portaient des croix roug's peintes sur leurs vêtements.
Elle a été retrouvée dans toutes les parties du Nouveau-Con- tinent, depuis le Mexique jusqu'au Pérou.
(jarcila/o, liv. 11, ch. m, raconte qu'à (ùu/co les Incas avaient l'ait construire une magnifique croix en jaspe à laquelle les fidè- les venaient laire des otl'randes.
iM. de Castelnau dit, part. 111, p. '.Uj.[, qu'à Tiaguanaco on a trouvé plusieurs pierres sur lesquelles des croix étaient sculp- tées.
P. Simon, p. 244, rapporte qu'il a vu près des villages de Boza et de Suasha, dans la Nouvelle-Grenade, des croix gra- vées sur des rochers. M. Charles Alano parle également de plu-
1
f
:\-
.'Lir
•nt
le a-
Ll-
KT nr. i.riJR ciyiusATiON i53
sieurs croix qu'il a trouvées dans ses voya[;essur des ruines de monuments.
P. Simon, p. 244, raconte que lesKspaf^nols, en arrivant au Pérou, ont reconnu, sur des rochers, la (if^ure de la croix si bien peinte en ocre rouf,'e que ni le temps ni l'eau n'ont pu l'etlacer.
Ainsi, du nord au sud, 1» croix était 1 emblème du dieu for- mateur, dieu des orages, des eaux et de la fécondité, en un mot, de la divinité suprême et non pas seulement de la pluie, comme quelques savants l'ont prétendu.
La croix, dans l'antiquité, représentait, chez les peuples de l'ancien continent, le même symbole. On . trouve sur les mo- numents de Babylone, de Persépolis, de l'I'^gypte et de l'Inde. IClle était appelée 'i'au, dru/ ansitu ou Croix ansée. I -es mytho- logistes disaient qu'elle était formée par l'union de l'écliplique et de l'équateur qui fixe deux points importants de l'année, savoir : le printemps, par la présence du soleil dans le /'J/ùr qui est cou- ché sur cette jonction cruciale, et l'aïUomne par la station que l'ait le soleil dans le signe de la Vierge qui est placé sur le deuxième point crucial. Klle annonçait le retour du printemps et de l'automne et le renouvellement des choses. Mis dans la main d'Osiris, ce symbole indiquait le printemps et l'automne et, dans celle d Isis, l'abondance des pluies, l'inondation. On n'a qu't\ voir, sur les bas-reliefs égyptiens, Isis, Osiris et Anubis tenant le tau. Le printemps était représenté par le bélier cou- ché ayant la croix ansée attachée au cou, cl l'automne par une belle femme, Isis, debout ou assise, ayant cette même croix dans la main droite et, dans l'autre, un sceptre terminé par une fleur de lotus en sa qualité de reine du ciel. Enfin, pour figurer la pluie, on la donnait indistinctement à Osiris, à Isis et à So- this-Anubis qui, comme eux, présidait à la pluie et aux inonda- tions. Cette même croix indiquait le temps des pluies dans l'Abyssinie. A Gartasse en Nubie, dans le principal temple, on remarque un bas-relief sur lequel une croix est sculptée au dessus de l'emblème qui figure l'union des saisons entre elles
:i
134
ni; LOKir.iNi!: dks indiens nu noi'vkaî'-monpk
par le nœud que forment les grandes divinités de l'Egypte, Isis et Sate, mère de la nature ', Dans l'Inde, la croix état Tem- blème du dieu Djagarnatha, c'est-à-dire du lingam ou de la fé- condité. Elle représentait donc aux yeux de ces peuples la même idée qu'en Amérique : celle de l'Eltre suprême.
En résumé, les peuples du Nouveau-Monde croyaient en un être suprême comprenant trois personnes ' ou attributs, à sa- voir : la puissance créatrice, la main opératrice et le (eu des- tructeur et reproducteur. C'est cette trinité qu'ils invoquaient dans toutes leurs prières :
" Salut, créateur, toi qui nous vois et nous entends. Ne nous abandonne pas, ne nous délaisse pas. loi qui es au ciel et sur la terre, cœur du ciel, cœur de la terre, Huracan, donne-nous notre descendance et notre postérité. Puisse le soleil durer tou- jours et ses actes s'accomplir. P^ais que nous marchions dans des sentiers ouverts. Puissions-nous être tranquilles et avoir une vie heureuse! Huracan, Gucumat/, Tepeuh M
'< Dieu du ciel et de la terre, toi qui donnes la gloire et la félicité, toi qui nous donnes des lils et des tilles, tourne tes re- gards vers nous, llépands sur nous la prospérité. Donne la vie et l'être à mes sujets. Qu'ils croissent et se multiplient, eux les soutiens de tes autels ! Devant ta bouche, devant ta lace, je t'en supplie, cœur du ciel, cœur de la terre, resplendissant, ma- jesté, enveloppé de lumière, Tohil, Avilix, Hacavitz, Gucumat/. Tant que le monde existera, puisse-t-on t 'adorer '!
" O Huanacari, créateur, soleil, dieu d?.: tonnerre puissie/- vous rester toujours jeunes et jamais vieux! Puisse ton lils l'Inca
1. Des Inbus sauvages ilc l'iliiiialaya se ]n;ignL-iU encore des croix roui^ts sur le corps.
2. Celte iile'c de la iiiniié élait telleiiienl répandue en Amérique qu'ils^la représen- taient quelquefois avec irois léles tur un cjrps. I,es Pynos indiens et les indigènes du district d'irnga, dit P. Simon, p. 24), avaient dans leurs sanctuaires des idoles a\ec trois têtes humaines sur un corps. Ils disaient que c'étaient trois personnes avec un cœur.
'i. Pvf'ol vuh. 4. Popol vu/i.
ET DF LEUR CIVILISATION
i5;
garder sa jeunesse et réussir dans tout ce qu'il entreprend ! Quant à nous tes fils, qui célébrons aujourd'hui cette tète, puissions-nous être toujours dans les mains du créatcar, du soleil, du tonnerre et dans tes mains ' ! «
Si nous cherchons l'origine de cette théogonie, nous voyons qu'elle était commune à tous les peuples de l'antiquité. Elle se retrouve dans I s mythologies grecque, romaine, égyptienne, hindoue, assyro-babylonienne, Scandinave, perse, médique.
Elle provenait donc, comme nous l'avons déjà dit, du pre- mier système religieux établi avant la dispersion des peuples et dont il est difficile de connaître fauteur.
Ce système est exposé assez clairement dans l' Y-kiiii^- et le Tao-toking ; on y retrouve Fétre suprême nommé ('hang-ty ou 'l'ay-y, comprenant la substance ty\ l'activité, la volition. Au milieu du chaos, il est le principe subtil, vivifiant A';- , ou la raison Tao; il crée d'abord le ciel antérieur et se manifeste en- suite. Alors le grand-père et la grand'mère de toutes choses sont désignés respectivement par les mots de kicn et de /iouau, ou le ciel et la terre ; le premier étant regardé comme yang-, ou lu- mière; le second comme ,r«, obscurité.
Kicn est le principe masculin de l'univers et le soleil dans le- quel son âme réside. H est considéré comme le grand-père ou l'aïeul de l'humanité et de toutes choses. Kouaii, le principe lé- minin de l'univers, est la grand'mère de l'humanité, astronomie quemenl, la lune. C'est le grand réceptacle dans lequel tout l'univers est assemblé à la iin de chaque kalpa et d'où sortent les dieux, les démons, les hommes et les animaux, etc., après les cataclysmes qui détruisent chaque monde.
Kouan est l'immense réceptacle de toutes choses. Ainsi le grand-père de la race humaine, d'après f Y-king, est le ciel animé, et Kouan, la grand'mère de f humanité, est la terre ani- mée.
Kien et Kouan forment une grande monade hermaphrodite.
1 . .\luliiia, p. jS.
i56
de; l origink dks indiens du nouveau-mondk
le 'I"ai-y, le grand L'n de Conlucius, le même que Chang-ty, le souverain au-dessus de tout.
La principale divinité de Habylone était Belus ou Baal, qui veut dire seigneur, et qui, dans l 'Ecriture-Sainte, est désignée tantôt comme liomme, tantôt comme lemme.
Ainsi Bélus est mentionné avec l'article léminin dans Hosea, 1 iS, tom. XI, 4. Son nom comme tel est Omoroca. Le Baal masculin est reconnu par Nonnus. iV^oir l'Iw Moabilc Shmc; LitteFs Living âge, n" K^t)i>,)
Bélus était le même dieu que Moloch, qui signiliail roi ci qui également comprenait les deux principes masculin et léminin.
'■ Dans l'Inde, Brahma, d après lesVédas, l'être par excellence, existence première qui contient tout en soi, Fàme du monde dont la volonté éternelle innée en toutes choses se révèle dans la création, dans la conservation et dans la destruction, ab- sorbé dans sa propre essence, resta longtemps jMongé dans la méditation avant d'avoir la volonté de créer le monde. (Cepen- dant il se maniiesla dans Maya. La première apparition de l'être, la mère de tous les êtres créés et l'ceut'du monde, sym- bole enveloppé d'un serpent, naquit de l'union de Brahm à Maya. Dans le second état. Maya s'appelle Parasach, la grand- mère, la mère universelle ou la grande Balivan, nom qui si- gnifie la mère des dieux et des hommes. ■■
Dans la mythologie grecque ou latine, Cybèle, l\/u\i, épouse de Saturne, était appelée également l'aïeule des dieux et des hommes.
l'tah, le Saturne égyptien, était nomme I aïeul et le père des dieux, et Isis, la grand'mère, l'aïeule '.
Dans l'Lcriture-Sainte, nous trouvons laautés et Astarté, et chez les Goths, W'ooden et Préa.
Sapandomad, chez les Perses, était la grand'mère de l'hu- manité.
(lonniie on le voit, l'idée du grand-père et de la grand'mère
I. Jiibl'iiski, 2\tiit/iciiii .F.i^yytiovum, l'\i. I. cliap. 11.
i:T 1)K l.ICLU CIVILISATION
ID7
des peuples du Nouveau-Monde était orif,'inaire de lancien continent. (]e n'est pas tout, le Ivan ou Kouan des (Chinois, d'après rV-king, était représenté par le dragon. Dans le dia- gramme kien de I ^'-king, le dragon est lair subtil^ le même que Cliang-ty.
Les expressions de deux lois grand-j-'ère, deux fois grand- mère, se retrouvent également ehe/ presque tous les peuples païens qui ont conservé le souvenir du déluge par lequel le genre humain a été renouvelé. La terre est la grand' mère anti- diluvienne qui, pendant que les eaux du chaos couvraient tout, renfermait en elle toutes les choses auxquelles elle donna nais- sance après que les eaux se turent retirées. Le monde ainsi créé ayant été détruit plus tard par Teau, c'est alors qu'agit de nou- veau la grand' mère post-diluvienne, l'arche ou réceptacle , dans lequel était réuni égal(;ment tout ce qui devait remplacer ce que les eaux avaient détruit. Adam a été le premier homme du premier monde, et Noé le premier homme du deuxième monde.
Ces expressions de deux fois grand-père et deux fois grand'- mère, employée.-, par les peuples d'Amérique, semblent in- diquer d après cela qu'ils ont eu connaissance du déluge '.
I. Il est ilillicilc lie savoir si lo dcluge Ac la Uibic a liic cominim au nouveau continent ; ce qui est certain, c'est ijuc tous ses peuples savaient que ce gran,! cataclysme avait existé. Dans l'ouvrage publié par loril Kinsboroug, qui contient une collection vraiment admirable îles monuments américains, Te/pi où Cozco, comme on appelle le Noé ainé- ricain, est représenté, parités peintures, dans une arche Itottante sur les eau.>c, et avec lui sa lomnie, ses enlants, plusieurs animaux et itilVérentes espèces de graines. Quand les eaux se retirèrent, l'iiespi envoya un vautour qui, trouvant à se nourrir sur le corps des aniiTiaux noyés, ne revint pas; après que l'expérience, répétée avec plusieurs autres oiseaux, eut manqué, l'oiseau-mouche revint à la lin, portant une branche verte à son petit bec. Dans les mêmes peintures hiéroglyphiques, la dispersion de l'espèce humaine est ainsi représentée. Les premiers lionimes après le déluge étaient muets, et on voit une colombe perchée sur un arbre donnant à chacun une langue. La conséquence de cela tut que les familles, au nombre de quin.!e, se disper.;èrent en dillérentes directions.
Les Indiens du Nicaragua, d'après le récit du l'ère Francisco de liobaJella, connais- saient le déluge, et, quand il interrogea à ce sujet, en ib'iS, le Cacique Chicossotonal,ce- luici lui répondit qu'avant l'existence de la généraiion présente le monde avait été dé- truit par l'eau et était devenu mer; qu'un homme cl une femme purent s'échapper.
i5H
I)i: I.ORIGINK l)i:S INDJKNS DU NOUVF.AU-MONDI-:
En dehors de la trinitc divine, les peuples du Nouveau- Monde rendaient des honneurs à la lune, aux étoiles, à la terre, à la mer, à la pierre ', aux niontaf^nes, aux animaux téroces, en un mot, à tout à ce qui, par sa provenance, marquant quelque atïinité avec les éléments et les forces vitales de la matière terrestre et atmosphérique, pouvait leur nuire ou les lavoriser. l-]n résumé, comme disait d'Acosta, ils invoquaient tout ce qu ils pouvaient supposer leur être nuisible ou utile-, ils avaient aussi, comme dan? lancien continent, leurs dieux domestiques et un dieu des enters, qui étaient gardés par un chien à trois têtes.
Ils divisaient le gouvernement de 1 univers entre deux prin- cipes, représentant les deux natures de la divinité suprême, l'une bonne et bienlaisante, l'autre mauvaise et maltaisante. Cette idée de deux principes se retrouve aussi bien dans 1 Amé- rique septentrionale que dans I Amérique centrale et l'Améri- que méridionale.
ils croyaient à limmortalité de l'âme, à la (in du monde, à la résurrection, au jugement dernier ' et à la récompense ou à
iiiunti.ri;nt :ui ciel et redcscendircnl sur la tcriL-, où ils crcL-rt-iit tout Je nouveau. Cette incMie iJiie était rJpaii^lue vlans rAméri>^)ue mérivlionale. D'après Lcviiius Apullonnius, toi. i^. les Péruviens ei(>yaicnt que le inonde aurait été déduit une première lois par un déluge, et iju'il le serait plus tard par l'anéantissement du soleil et de la lune.
1. Le culte de la pierre est commun au\ races les plus ancie-.nes. Moïse eu parle, d.ins la Genèse, comme de la première idolâtrie.
2. Le manuscrit 1 roano. planche X.\.\', à la paf;e C14, ilonne une idée aussi claire cjue possible des croyances, à ce sujet, des peuples du Vucatan. On voit d'abord un person- nage tout noir, à l'aspect ttliayanl, tenant a sa main une sorte de tamtani ipi'il remue. Alors les animaux, l'homme, tous les êtres se réveillent. On leur pri;sente ensuite une tablette ou un miroir. Le lUL'e.ient est prononcé. Les uns sont torturés et renler- nv's ilans un lieu ténébro'.ix, les autres jouissent il'une vie de délices. Les émana- tions de !a trinitc divine meurent à leur tour, et, dans l'avant-dernitr tableau, il ne reste plus que le dieu suprême avec ses deux natures, debout, tenant dans ses deux mains, d'un côté, la terre, de l'autre, la mort et son messager ailé. Le voc, médiquc, le saint Ksprit du christianisme, est assis enchaîné à ses pieds. Dans le dernier tableau,
dieu bon tient dans une main le ciel, et dans l'autre la vie. Son messager ailé est en- chaîne à sts pieds; à côté se trouve une légende signiliant que tout est rentré dans le néant.
KT DK I.KUK ClVIt.ISAlKlN
iSg
la punition des hons et des mauvais, qui variaient suivant chaque peuple.
Les Mexicains admettaient que le soutlle impérissable sorti de la bouche au moment de la mort, c'est-à-dire l'àmc des sol- dats tués à la guerre ou décédés comme prisonniers, et celle des lenmies ayant succombé à la suite de couches, allaient dans la demein-edu soleil, le seigneur de la gloire, conduites par Teoya- inique, femme du dieu de la i^uerre, et que la elles jouissaient de l'existence la plus heureuse, (chaque matin, ces âmes lètenl le lever du soleil au moyen d hymnes, de danses et dédiants, et l'accompaj^nent jusqu'au zénith, où les âmes des temmes viennent à sa rencontre avec les mêmes démonstrations, restant a\ec lui jusqu'à son coucher. Après quatre années de cette .glorieuse existence, les âmes passent dans les nuages pour les animer, et dans le corps des oiseaux au plus beau plumage et au plus doux chant 1-llles ont aussi la liberté de monter au ciel ou de descendre sur la terre, pour chanter et se délecter du suc des fleurs. Les âmes des personnes frappées par le tonnerre ou [tar quelque accident, telles que maladie, blessure, etc., de même que celles des enfants et des sacrifiés, sont transportées dans un lieu frais et agréable, où on tient à leur disposition toutes les jouissances possibles.
Les âmes des mauvais sont condamnées à rester dans un lieu obscur, où règne un dieu terrible qui leur inflige toutes sortes de tourments, tandis que les âmes des justes montent au ciel, sorte d empyrée divisé en neuf degrés.
Les Nicaraguaiens croyaient que fàme de soufifle qui sort par la bouche, r"/'^ ') des bons allait auprès de dieu, et celle des mauvais dans un lieu sous terre nommé Mieqtanteot, où elle était tourmentée.
Les Yucatèques croyaient qu aprè.s la mort chacun serait puni ou récompensé, selon le bien ou le mal fait ici-bas.
I. Lorsqu'un p.us!S ci.iit piL-s .l'cxpnci', les parciils pUuaiciit sur la bouche lUi iiiori- boiul Un chien, pour (.(u'il reçût sou unie. CxUc eoutunie existait au Nie-iragu.i; le ehien était remplacé par le coyote, et ilans les autres cnJroils par une pierre précieuse.
IWi
i6o
i),i: I, oiuc.iNK i)i:s induns du nouvF'AL-mondk
I/àmc des bons va dans un lieu délicieux où elle a à sa volonté, exempte de peines et de soucis, les mets les plus agréa- bles. Dans ce lieu, il y a un arbre nommé N'a/che, toujours vert, et sous l'ombre duquel on reste étendu, jouissant d'un re- pos éternel. Les méchants sont transportés dans un lieu obs- cur, plus ba^ que la terre, nommé Mitnal, où ils soullrironl de la soit, de la t.iim, de la latigue, etc. Le chef de ce lieu se nomme Hunhan. Ces deu.x existences seront sans tin '.
Les (îualemaliens avaient les mêmes croyances, à ce sujet, que les Vucatèquos.
Les habitants du Miclioacan croyaient au jugement dernier, à la lin du monde, à la punition des méchants par l'enfer, et à la récompense des bons par 1 empyrée '.
Les C]hibchas croyaient que les âmes des bons jouiiaient d'un repos éternel, et que celles des méchants seraient tor- turées.
Les 'llascalèques prétendaient que les âmes des hauts per- sonnages passeraient, après la mort, dans le corps des plus beaux oiseaux, et celles des personnages ordinaires dans le corps des scarabées et des animaux les plus vils.
Les Araucans étaient convaincus que les âmes des guerriers morts sur le champ de bataille montaient dans les nues, où elles étaient converties en f/Z/a» dieu ; quant aux autres âmes, celles des bons, elles allaient dans un lieu où elles jouissaient de toutes les délices imaginables et d'un repos sans tin ; on doit retrouver là les mêmes temmes qu'on a eues ici-bas, mais plus jeunes et ne taisant jamais d'entants; de plus, on se reposera sans cesse. Quant aux âmes des mauvais, elles étaient précipitées dans un lieu ténébreux.
Les Péruviens disaient que Thomme était composé d'un corps et d'une àme, que l'âme était immortelle et (.jne le corps, l'ait de terre, retournait en terre; c est poiu'quoi ils le nom-
I. I.anJa, ^ xxxiii.
.;. Uenera, III, p. 25,).
Kl HK ij:l'r civilisation
ir.i
niaient terre animée, ail pa ccimasca. Mais, }X)urle distinj^Micr de celui des brutes, ils ajoutaient lexpres- ion riitui <\\.\\ sii^nilie un être raisonnable et intellif^ent, tandis que les brutes étaient ap- pelées/<tj;;/i7. ils prêtaient aux brutes un esprit véf,'étatit' et sen- sitit parée qu'ils les voyaient pousser et >.|u elles pouvaient sen- tir, mais ils ne supposaient pas qu'elles avaient la raison.
Ils croyaient c[U ajirês la mort il y aurait une aiitre vie dans laquelle les bons seraient récompensés par un repos éternel, et les mauvais punis par des tourments infinis. Us divisaient l'univers en trois mondes : le ciel, hanan pacha, le monde éle\é, où ils disaient que les bons allaient pour y recevoir la récom- pense de leurs vertus; le monde d ici-bas, /////•/;/ /.njcV/a, monde inférieur où l'on naît et où l'on meurt-, enfin le monde inté- rieur, l'eu pacha, où sont envoyés les mau\ais après leur mort; ils nommaient ce dernier sapaya iniasin, la maison du dia- ble. I.a \ ie dans l'autre monde n'est pas spirituelle, mais cor- porelle, comme celle de ce monde. Le plus ^rand bonheur sera de jouir du repos, sans souci, sans maladie, sans travail, ni douleur, ni préoccupation. Les méchants iront dans l'enter, qui est un lieu ténébreu.x, rempli d'infirmités, de tortures de toutes sortes, où les âmes souffrent sans cesse et sans lin.
Les corps doivent ressusciter un jour, c'est pourquoi ils pre- naient tant de soin pour les conserver après la mort. Ils met- taient un soin extrême à !.;arder les rofçnures de leurs oni^les et les cheveux qui tombaient en se peignant et les cachaient dans des trous ou niches des murs; et, si on leur demandait pourquoi ils le faisaient, ils l'épondaient : <■ 'l'ous les êtres qui sont nés, doivent renaître après la mort, et les âmes de- vront retrouver tout ce qui appartenait à leur corps; nous mettons nos cheveux et tout en ordre, afin qu'au moment de la résurrection, où régnera tant lie confusion, nous les trouvions plus facilement. Garcila/o, liv. II, ch. ii.)
Les Yuracarès, d'après M. d'Orbigny, croient à une autre vie dans laquelle ils auront abondance de chair et où tous, sans exception, doivent se retrouver. Les Ancas, les l^ampéens, les
■HP
i()i
m louuiiNi: 1)1 s indu ns di; Noivr.xi -monde
Pataj^'oiis, croient à l imiiiortalitc de I âme et à une autre vie dans laquelle ils jouiront d'une lelicité parlaite, tandis que les méchants seront punis.
Les /apotèques et les Mixtèques croyaient que les âmes voyageaient pendant lui certain nonihre d'années avant d'être jugées et qu'elles revenaient une lois chaque année visiter les laniiUes. Aussi, ce jour-là, le douzième mois de l'année, prépa- rait-on un local pour les rece\oir : la veille, chaque famille dis- posait des mets sur inie table dans la pièce principale de la maison. On invitait ensuite les esprits à entrer-, puis on s'a- f^enouiilait et on leur ollrait les mets; au lever du soleil, on distribuait les restes aux pauvres. On allait ensuite oflrir des sacrifices dans les temples et sur les tombes. La même coutume règne en (Ihine.
Tous ces peuples étaient convaincus, comme les Chinois, les Egyptiens, les Assyriens, ks Perses, que la mort ne mettait pas lin à Texistence de l'homme, que son àme ou son ombre conti- nuait à vivre et à s'intéresser aux vivants et que, pour ainsi dire, double, l'une habitait le tombeau et le gîte du délunt, pendant que l'autre allait dans un autre monde pour être jugée, (^est pourquoi ils taisaient des oH'randesaux morts dans la croyance qu'ils pouvaient en jouir et pouvaient rendre des services aux vivants ou les tourmenter dans le cas où ils ne seraient pas satisfaits. Ils étaient persuadés en même temps que les âmes des morts, privés de sépulture, c'est-à-dire de gîte et de liba- tions funéraires, menaient une existence malheureuse et er- rante.
Au Mexique et dans l'Amérique centrale, les olhandes au mort étaient laites périodiquement jusqu'à la lin de la quatrième année; pendant ce temps, ils croyaient se trouver en présence du mort '. Après cette période, ils supposaient que rame était jugée et passait ou dans l'enfer aux neuf degrés, ou dans la maison du soleil.
I. Sagahun, I. III, ch i, i.
i:t dk i,i:i;i< civilisation
!(■..•!
au
tllK'
Incc [tait la
Vin^t jours après rcnterivmeni, ils retournaient à la tombe et mettaient dessus des aliments et di-s roses. Ils recommen- çaieiu cinquante jours après et ainsi de suite '. A la (in de la première année, ils célébraient l'anniversaire du jour du mort par des otlrandes et continuaient ainsi jusqu'à la fin de la qua- trième année.
Ces croyances et ces coutumes se retrouvent chez les Assy- riens, chez les anciens '.iraélites, chez les Hébreux, les Phé- niciens, les Chinois, les égyptiens, les(îrecset les Homains. " D'après les croyances des Assyriens, le principe vital in- « destructible, l'esprit substance incorporelle appelé K^mmon, <> se dégageait de la dépouille charnelle du mort. Il habita le « tombeau, repose sur le ^ite du mort; s'il est bien traité par « les entants du défunt, il les protège, sinon il devient mau- .. vais et les accable de maux. (,)uand le mort est privé de sé- « pulture, c'est-à-dire de,nile et de libations l'unéraires, il mène « une vie errante et malheureuse et se trouve exposé à toutes «' les avanies de la part de ses semblables, qui le repoussent « sans pitié. (]'est pourquoi la privation de sépulture devait " paraître aux anciens Sémites comme aux Grecs le dernier -. des maux. Les guerriers morts sur le champ de bataille ont « une place dans l'Hadèsa-ssyrien, après avoir retrouvé toutes <i leurs forces, se délectent d'une nourriture exquise servie dans '- des disques de métal pur.
11 I^'existence du culte des morts chez les anciens Israélites « et l'habitude qu'ils avaient de leur taire des otlrandes sont " attestées par la formule que le législateur jéhoviste prescrit à " ses adeptes quand ils apportent des offrandes à leur Dieu. •' Je n'ai pas mangé de ce produit pendant que j'étais en deuil. « .le n'en ai rien enlevé pendant que j'étais impur et je n'ai « rien offert aux morts. » (Deutéronome, xxvi, 14'.
« Faire des oll'randes aux morts implique la croyance qu'ils «■ peuvent en jouir et qu'ils sont capables de rendre serxice à
I. Mololiiua, j>. il.
i()4
1)1 I. DKICINl. OIS INI)II;nS I)|i N()IVfAi;-M()NI)i;
'< ceux qui ont pu gagner leur laveur. On croyait donc que la ■' mort ne mettait pas lin à l'existence de Ihomme, mais que « son ombre, Skia chez les (Jrecs, /mit/iial chez, les ICtrusques, ■' c'ciitt chez les Assyriens, continuait à vivre et à s'intéresser " aux \ivants.
« Les Héhreux nomment sc/mol le lieu de la ré-union de " tous les morts. Les Phéniciens avaient, à ce sujet, les mêmes ■I croyances que les Assyro- Babyloniens, ainsi que l'indique " l'inscription Kslii-nonhucan ; on y voit, d'une part, que celle " dont le corps reste sans sépulture n'a pas de gîte auprès des " mânes ; d'autre part, ciue le juste est reçu dans des cieux ' magniliques, auprès d'Astarté.
n Les Egyptiens et les l"*!iénicicns avaient les mêmes croyan- « ces, ainsi que l'indique l'inscription d'ithmouna/ar ; on y voit ' que celui dont le corps reste sans sépulture n'a pas de gîte ■ auprès des mânes iRefaini); d'autre part, que le juste est reçu " dans les cieux magnifiques auprès d'Astarté. Le texte phé- " nicien nous fournit même le texte qui signifie immorta- " lité.
« 11 est indispensable de rapprocher ces croyances de celles
" des Egyptiens. Dans un travail de M. Maspéro, on voit que,
« suivant les traditions de la vallée du Nil, la momie avait une
" double sorte d'être intermédiaire entre la matière absolue et
« le pur esprit. Le double habitant le tombeau et le gîte du dé-
« funt, avait besoin des otl'randes, s'en réjouissait, en tenait
'< compte aux vivants qu'ils pouvaient tourmenter ou protéger.
" Cependant, l'âme véritablement incorporelle^ le lumineux,
" comme disaient les hiéroglyphes, sortait de notre univers.
" Les Egyptiens, ajoute IVL Maspéro, connaissaient, comme la
" plupart des peuples, le passage de cette terre-ci à l'autre ; le
•■ j->oint exact où les âmes adranchies parlaient pour entrer dans
" le nouveau monde, était à l'ouest d'Abydos. C'était une fente
'< pratiquée dans la montagne. Au-delà d'Abydos, on rencon-
" trait le monde inférieur et le tribunal d'Osiris.
'I 11 semble que les Assyriens, les (jrecs et les Latins^ dans
Il i)i; i.ii'K (:ivii.i'<AiioN
Mb
'■ leur conception Je l'unie, nom jamais dépassé la notion " du double des hl^yptiens.
i> Si on lit la très curieuse notice i|ue M. 111. Saint-Martin a " écrite sous ce titre: ■' 'Iradilioushumà-iqucsct licsiodiqucs sur le " scjour iics morts, on y relèvera beaucoup de traits communs <■ entre la conception assyrienne et la coiicej>tion j^recque '. ■■ Les mêmes croyances sur le double de lame existent chez les Chinois.
l'ne autre croyance commune a tous les peuples de l'Améri- que, était qu'aj-irès la mort les àines allaient dans un pays silencieux, l'pa tiiiirca en quitcliua , et qu'avant d'y arri- ver, elles devaient traverser une lar^e rivière, sur un pont aussi étroit qu'un cheveu, gardé par un .serpent. Elles ne pou- vaient passer de l'autre côté qu'avec l'aide de chiens noirs qu'on nourrissait à cet ellét et qu'on enterrait ou brûlait avec le corps.
Cette idée était répandue dans toutes les parties de l'Améri- que. Les (^hippewas, rapporte Keatung, Longs expcd., 1S24, vol. Il, p. i5H, croient qu'il y a dans l'homme une essence en- tièrement distincte du corps; ils la nomment (khacluii^-, et, d'a- près ce qu'ils en disent, c'est tout à lait l'âme. Elle quitte le corps au moment de la mort et va dans un endroit nommé Chckek chekchekawe. (x'tte région est supposée être située au sud et sur les rivages du grand Océan. Avant d'y arriver, on rencontre une rivière qu'on est obligé de traverser sur un pont très étroit, gardé par un énorme serpent. Les âmes de ceux qui sont morts noyés, ne parviennent jamais à traverser la rivière. Elles sont jetées dans Ja rivière où elles restent éter- nellement.
Les Mexicains appelaient cette rivière que les âmes devaient traverser Chenhnahuap pour obtenir le passage du lameux pont gardé par le serpent, on mettait avec le cadavre une pièce
I. La croyance à la lic future tt à l'immorlalilc .ie l'aine iiaiia la liaute ar.tiquitè, citej les yeufles sémitiques, par KtiJiuand Dclauna) .
i6r>
ni; i.'oiuCiiNi'; dis inditns nr noi'Vi:au-moni)1';
de papi<'«" cl un chien ou animnl ressemhlanl au chien nommé Techichi.
Ils croviiicnt aussi qu'on Jc\ ait traverser une place ^anlée par le crocodile et l'ochitonal, deux montagnes se battant entre elles, huit déserts, huit collines, ensuite un endroit où le vent soufflait, 'avec tant de force qu'il taisait voler les rochers et coupait comme un couteau.
Les oll'randes aux dieux consistaient en animaux, Heurs, plantes, joyaux, résines et autres sultstances. l'ous les jours ils brûlaient de l'encens i copal ) devant les idoles et dans leur propre maison. Les prêtres dans leurs temples, les j^ères de famille, les ju^es dans leurs tribunaux quand ils prononçaient une sentence importante, oUraient de l'encens au dieu torma- teur et opérateur. (Miez les Mexicains et les autres nations de l'Anahuac, c'était tout à la fois un acte religieux et une démons- tration de courtoisie envers les rois, les seigneurs et les am- bassadeurs '.
Au dieu du feu, on sacrifiait des cailles et des hérons. Cha- que jour, au lever du soleil, les prêtres étaient debout, le vi- sage tourné à l'Orient, tenant chacun une caille dans la main et, dès qu'on apercevait ie disque de l'astre, ils le saluaient avec de la musique et des chants, coupaient la tête aux cailles et les lui otlraient; ensuite ils chantaient des hymnes au so- leil.
Au dieu des orages, des eaux, ainsi qu'à la déesse de la pluie et de la fécondité, on offrait des lapins, des fleurs, des daims.
Au Pérou, les oflrandes à la divinité consistaient en ananas, maïs, plumes, coquilles, vêtements de laine^ bois odoriférant^ chicha, argent, or, fruits, pain, etc.
En dehors de ces offrandes, tous ces peuples sacriliaient à leurs dieux des victimes humaines. La religion indienne, fondée sur la reconnaissance d'un être
Clavigero, I. VI, ch. xx.
!• r l)K I.IJIK CIVIIISMION
1(17
suprême, dont la crcmiùrc maiiilcstatinn est le serpent ou le temps qui dévore, et la deuxième TLinion do deux natures ou de deux principes, l'un hientaisant, l'autre mallaisant, autre- ment dit, dont le do^me admettait que l'être suprême j^roduit pour détruire et détruit pour reproduire, cette religion devait, sous l'impulsion de l'esprit du prosélytisme, aboutir nécessai- rement au fanatisme et à ces horrihies mystères cjui se célé- braient par des sacrifices humains. I''emmes, entants et vieil- lards, rois, prêtres et sujets devaient laire couler sur les autels le sang propitiatoire pour apaiser la soit de ce Dieu implacable, le dévorateur insatiable de ses (cuvrcs qui, après avoir créé 1 homme, l'a condamné sans raison, en naissant, à soullrir et à mourir '.
I.a coutume de sacrifier des victimes humaines à l'être su- tre suprême ou au temps Saturne, (]hronos, Ouranos remonte à la plus haute antiquité. Klle tut apportée en Amérique par la colonie aryo-touranienne. A peine 'i'eocolhuacan, leur première ville, tut-elle (ondée, qu'on sacrifia à 'let/.auhj le dieu delà ter- reur. Elle se répandit ensuite partout, jusque dans l'Amérique méridionale. Dans le principe, ces sanglants holocaustes durent être plus rares, parce que ces peuples n'avaient pas de prison- niers, que l'esclavage n'existait pas et que, malgré tout, il leur répugnait d'oll'rir leurs entants. Mais, dès que les deux groupes Nahualt et Colhuaque étendirent leur domination, ces sacriii-
I. Cctle croyance litaii commune à tous les peuples d'Amciique. l.es Vuracarcs, ilit d'Oibigny, ne révèrent aucun des êtres qu'ils placent dans leur mythologie. Leur Jc- mande-t«on quelle est leur divine bienfaisance, ils montrent leurs ores et leurs llèches, aruies auxquelles ils doivent leur nourriture.
Les Ancas ne croient pas que leurs crimes puissent iniluer sur le mal que leur lait l'esprit malin.
Les Pampeens redoutent un génie maltaisant, cause de leurs maux.
Les Patagons craignent plutôt qu ils ne révèrent leur Achekenat-Canel, génie du mal et du bien.
Les Puelchcs croient à un génie du mal nommé Canchi-Oraken, qui devient quel- quefois bienfaisant sans qu'on ait besoin de \i prier.
Les Onamas n'adoraient aucun dieu bienfaisant, mais craignaient beaucoup lo malin esprit Chekewa.
iGS
1)1-: I, OKIGlNl; 1)1 s ÎNDII'NS ni! NOUVKAU-MONDK
CCS devinrent plus IVéqucnts. Ils variaient comme nombre , lieu et mode, suivant les circonstances. En général, les prê- tres ouvraient la poitrine des victimes avec un couteau d'obsi- dienne. D'autres lois on les noyait ou bien elles mouraient de faim, rentermécs dans les cavernes où Ton enterrait les morts. D'autres, enfin, périssaient par le sacrifice gladiatorial. Les sa- crifices avaient lieu le plus souvent au temple, sur la partie su- périeure où se trouvait un autel destiné ad hoc. Les ministres ordinaires des sacrifices à Mexico étaient six prêtres, dont le chef était le topilt/in, dignité héréditaire et prééminente. Il portail, pour cette cérémonie, un vêtement rou^e de la forme d'un scapulaire, orné de croix rouges. Sa tête était surmontée d'une couronne de plumes. Des pendants d'or el des pierres précieuses étaient attachés à ses oreilles et à ses lèvres. Sur son front étaient peints des cercles entourés de serpents. Les autres ministres étaient vêtus de blanc, le corps peint en noir, les che- veux tombant sur les épaules. A un mot d'ordre donné, ils sai- sissaient la victime, la portaient jusqu'à l'autel et, après avoir informé le peuple que le sacrifice allait commencer, ils reten- daient sur une table de pierre. L'autel était convexe dans le sens de sa longueur fen dos d'une i, de telle sorte que la tête et les pieds étaient plus bas que la poitrine qui faisait saillie '. Un joug en pierre, qui lui entrait jusqu'au cou, achevait d'im- mobiliser le patient, dont les pieds et les mains étaient tenus par les ministres. Alors le grand-prêtre enfonçait d'un seul coup son couteau dans la poitrine et en arrachait le cœur tout palpitant qu'il offrait au soleil et jetait ensuite au pied de l'i- dole; puis on le brûlait et on conservait ses cendres. On hu- mectait les lèvres de l'idole avec un peu de sang qui servait aussi à teindre les corniches du temple. Si la victùne était un prisonnier de guerre, on coupait la tête pour l'exposer et le corps, lancé par les escaliers, était reçu par celui qui l'avait fait prisonnier e* qui L mangeait avec ses amis. Si c'était un
I. On peut voir un du ces jougs à notre iiiuscc du 'lroi;adti'o.
KT dp: i.kur civilisation i6g
esclave, son maître l'emportait pour faire les honneurs d'un banquet. On ne faisait cuire que les jambes, les cuisses, les bras et les mains. Le restant était distribué aux animaux de la ménagerie du roi. Les Otomites coupaient la victime par mor- ceau.x qui étaient vendus sur le marché.
Dans la fête en l'honneu de Tetcoman, la femme qui re- présentait cette déesse était décapitée. Lors de la fête de l'arri- vée des dieux, les victimes étaient brûlées. On sacrifiait quel- quefois à Tlaloc des entants des deux sexes, qu'on noyait ou qu'on enterrait vivants dans ure caverne.
A Quautitlan, tous les quatre ans on sacrifiait deux esclaves qu'on écorchait et dont on retirait les os des cuisses. Le lende- main, les prêtres revêtus de ces sanglantes dépouilles et, les os dans les mains, descendaient lentement l'escalier du temple en poussant des cris aigus. Dès qu'ils étaient arrivés au bas du temple, commençait un grand bal qui durait toute la nuit et qui se terminait par un souper dans lequel on mangeait les res- tes de six prisonniers immolés dans la journée.
Dans le moisdeTlacaxi pehualitzli lécorchementdes hommesi, on sacrifiait à Mexico un grand nombre de prisonniers, et les p. êtres, après avoir écorché les victimes, se revêtaient de leur peau qu'ils ne quittaient que quand elle commençait à se cor- rompre. Ils couraient ainsi dans les rues, demandant raumône.
Les prêtres, blasés sur ces sacrifices, cherchaient à rajeunir la cérémonie par des variantes. « On liait les pieds et les mains des victimes; ainsi attachées, les assistants et les prêtres les chargeaient sur leurs épaules et se livraient sous ce poids à des danses variée autour d'un grand loyer allumé. Tout d'un cou{>, on lançait la victime sur la partie la plus ardente du foyer; on la laissait se griller un ii.stant, et, vivante encore, on la saisissait avec un crochet, et, la traînant violemment sur le sol, on la plaçait sur la pierre du sacrifice, où on lui arrachait le cœur '. »
I. Sagahun, Hist. "t'ii. .1 ' las cosasJc la Xiii:va Hispania.
lyo
m; I, ORitiiNfc; di:s iNniFNS du Nouvi:Ai>MONnK
Il y avait des lanatiquos qui demandaient à être étendus dos à dos sous la victime pour la maintenir à l'instant du sacrifice et sentir ainsi ses derniers frissons.
Le sacrifice gladiatorial était réservé aux prisonniers d'un certain rang. Sur un terre-plein de forme ronde, haut de 8 pieds, était une grande pierre de 3 pieds de haut, ornée de figures de serpents. Le prisonnier montait sur cette pierre, armé d'un bouclier et d Une épée courte. 11 était fixé à la pierre par un pied. Alors un ofhcier ou soldat, armé à sa volonté, mon- tait pour le combattre. Si le prisonnier était vaincu, un prêtre le portait, mort ou blessé, à l'autel; on lui ouvrait la poitrine. Le vainqueur recevait une récompense. Si le prisonnier était vainqueur six fois de suite, on lui rendait la liberté.
D'après Landa, '^, ,\viii, p. 104; Licana, fol. 8; Herrera, IV, p. 176, les peuples du Yucatan avaient les mêmes sacritices humains qu'au Mexique. Ces mêmes coutumes régnaiert au Guatemala, suivant Ximénes, Juarros, et au Salvador, au Honduras, au Nicaragua, au Costarica et dans le Da- rien.
Nous les retrouvons également chez les peuples de TAmêri- que méridionale.
M. Mano a trouvé, dans de nombreux temples construits par les Aymaras, des pierres de sacrifices semblables à celles du Mexique,
Chez les Chibchas, les sacrifices importants étaient offerts par les prêtres au soleil sur les sommets des hautes montagnes ex- posées à l'ouest. Là, les chèques (prêtres prenaient un jeune prisonnier de guerre, qu'on avait conservé jiour ces occasions, et le conduisaient ù la place du sacrifice où on i'étendait sur un riche manteau, et on le tuait avec un couteau rouge. On rece- vait le sang dans une écuelle et on en teignait quelques roches exposées aux rayons du soleil levant, moment auquel la céré- monie avait lieu. Le corps de la victime était laissé sur place jusqu'à ce que le soleil s'en lût repu. Les sacritices privés étaient diliérents. L'enlant qui devait être sacrifié était attaché à une
i:t i)i; i,i;i k civilisation
171
corniche de la maison; on le tuait à coups de flèches. I.cs chè- ques teignaient de son sang les rochers exposés au soleil levant et enterraient le cadavre '.
Les sacrifices qu'ils croyaient les mieux accueillis par les dieux étaient ceux du sang humain '.
(^ieza, ch, r.vi, rapporte que les Indiens de Quayaquil, quand ils semaient leurs champs, faisaient des sacrifices humains et agissaient de même quand un de leurs chefs était malade.
Les peuples de la côte de l'océan Pacifique^ suivant F. de Xérès, sacrifiaient quelques enfants et, avec le sang, barbouil- laient la face des idoles et les portes des temples. — D'après Cieza, les insulaires de Puma tuaient les esclaves ou prisonniers de guerre.
Au dire de Zaratc ', les Pirhuas de Tiaguanaco tuaient tous les prisonniers de guerre devant l'idole nommée Ka Ata Killa (la lune décroissante i et lui oH'raient tout le butin.
Passons maintenant aux Quitchuas.
Un certain nombre de femmes étaient choisies pour les sacri- fices qui étaient offerts assez souvent dans le courant de l'an- née. Dans ces occasions, on tuait de jeunes vierges qu'on im- molait, également, dans des circonstances spéciales, telles que lorsqu'un inca était malade, qu'on entreprenait une guerre, pour une éclipse totale de lune, pour des tremblements de terre et autres cas suggérés par le diable '.
On dit qu'au temps de l'inca Capac Yupanqui furent in- ventés les sacrifices du Capaucha Cocoy ou l'inhumation de jeunes filles vivantes avec de l'argent et de l'or et celui des Ar- pay, sacrifices humains '.
" Les provinces de Colla Suya envoyaient à Cuzco un ou deux enfants, garçon et fille, âgés de dix ans environ et appar-
1. l*. Simon, p. ^48.
2. PicLlrahita, 1. 1, ch, iv.
3. Hisl. du Peiou. I. \l, ch. r .(-■ Oiuicf^arJo, litctis, p. i6(i. 5. Saiila Cruz, Rccits, p. .S3.
m
172 hl. I. ORIGlNi: 1)1 s INDIKNS DT NOUVKAlî-MONDK
tenant à chaque trilni. 1/inca une lois assis au milieu de la l^rande place, les entants et autres otlrandes étaient jM-omenés deux l'ois autour des statues du créateur, du soleil, du ton- nerre serpent aérien et de la lune. 1/inca appelait alors les prêtres de chaque province, leur ordonnait de diviser les ot- lrandes en six parts et de les présenter à leurs huacas. Les en- fants étaient alors étrangles et enterrés avec de l'or et de l'ar- gent et de petites idoles représentant des hommes et des moutons. Cet inca lit ces sacrilices au commencement de son règne, alin d'obtenir la santé pour lui et la paix pour son royaume. Ensuite des sacrilices sanglants étaient oUerts aux principales idoles dans les provinces'. (Chaque place sacrée re- ce\ait la part qui lui avait été assignée par l'inca à Cu/co. On étranglait les enfants après leur avoir donné à boire et à man- ger, alin qu'ils ne se présentassent pas devant le créateur ayant soif ou faim. On retirait le cceur des autres victimes dont on ouvrait la poitrine avec un couteau d'obsidienne, on l'otlrait tout palpitant aux idoles que l'on barbouillait de sang d'o- reille à oreille. (Quelquefois on ollrail le corps avec le sang^ et linalement on l'enterrait '. »
Les Quitchuas sacrifiaient des hommes et des enlants, mais ne mangeaient pas leur chair. Seulement^ avec le sang de la vic- time, ils barbouillaient la face de l'idole et la porte du tem- ple \
A Hunoyan, il y avait deux idoles iuixquellcs on sacrifiait des enfants, parce qu'on disait qu'elles vivaient de chair humaine '.
Ils dépouillaient les victimes de leur peau et, comme au Mexi- que, la portaient encore toute sanglante .
1. M. Kip.cst Dcsiaitliiib, dans suii ouM'ogi; Le l'cion awiiil la cunqucte espagnole, p. l'ii, raconte qu'il a trouve en plubicurs endroits, cntie autres sur la route Je Lima à Cuzco, dans un endroit nommé Conlacha, des pierres de saerilices qui atlestciU évi- dcninijiil ce euUe sanguinaiie.
2. Molina. HecUs, pp. .V)-.S("). j. Benxone, p. 2.i<S.
4. E. Hernandez, I'ii)uife i}i ai >iaf;iS,]i. tô. b. Monte'sinos, eh. xxii.
ET I)K I.EIR Civil ISATION . l'yS
Joseph d'Acosta (.lit qu'on otlVait souvent des victimes hu- maines au soleil ou à Huiracocha liv. V, ch. xixi.
Près de Cuzco, il y avait une place sacrée nommée Huana- caure, et sur une colline était un téocalli sur lequel on sacrifiait des victimes humaines '.
Enlin Balboa, ch. xvii, raconte que des Espagnols laissés à la côte de Tumbez par Pizarro turent sacriliés à Tiksi Huiraco- cha Pachacamac dans un temple de la vallée de Potnas, près Quito.
M. de Gasteinau, 1, 111, p. 5, pi. LII^ décrit un vaisseau d'argile d'une collection de Cuzco sur lequel est représentée une idole tenant des tètes humaines par les cheveux. Herrera, Balboa conlirment, par leurs récits, l'existence de cette horrible coutume. C'était surtout à la léted'l'ma Ka}mi qu'on Sacrifiait des êtres humains à Cuzco.
Dans ÏHistoria cclesiaslica de iiiiestros tempos dcl Domimcano fra Alotr^o Fenhwde\, cet auteur affirme que les hidiens chi- liens sacrifiaient des hommes à leurs divinités; cette opinion a été confirmée par (^ordova y Salinas. Dans le pueblo de Curacan et dans beaucoup d'autres endroits, on a retrouvé des pierres de sacrifices. " Ces sacrifices injustes et barbares, [El Cronicou, liv. 1 ', ch. m étaient appelés pruloncion ou chant de la victoire et bal de la tète. Ils étaient horribles, suivant la description qu'en a donnée Nunez de Pineda. »
Quand ils voulaient tuer un prisonnier de guerre, ils le conduisaient sur la place d'armes nommée Lepan, les mains liées derrière le dos, la corde au cou et là toute la foule, surtout les vieilles femmes venaient l'insulter, on dansait autour de lui en hurlant : (^u'il meure, qu'il meure! Ensuite on l'o- bligeait à s'agenouiller, on lui mettait dans la main un certain nombre de petits bàton^; avec l'un d'eux il faisait un trou dans lequel il jetait tous les autres en nomn:iaat à haute voix quel- qu'un de son pays. 1mi jetant le dernier, il se nommait lui-
I . C\c/..\, cil. xcxm .
«74
i)i: i. OKUiiNi'; i)r:s iNUiiiNS du nolvi-au-mondk
mC'me en disant : Je suis un tel (.'t ici je m'enterre, mon dernier jour est arrivé; " et, au moment on il couvrait ce hàton de terre, il recevait un coup derrière la tète qui lui taisait per- dre connaissance. On lui ouvrait alors la j^oitrine avec un couteau d'obsidienne ; on en tirait le cœur palpitant ; un autre lui coupait la tète et deux autres les jambes pour faire des flûtes de SCS os. Un autre, saisissant le cadavre, le portait en dehors de la place pour que les chiens et les oiseaux le mangeassent. Le cœur au bout d'un couteau était passé au tOL|ui j^énéral et à tous les chefs qui en mangeaient un morceau. 11 revenait en- suite à celui qi'i avait ouvert la poitrine et qui, avec le sang, en teignait les flèches. C^eux à qui revenaient les jambes et les bras en enlevaient les chairs et, avec les os, faisaient des flûtes avec lesquelles ils faisaient semblant de donner l'alarme, en faisant trembler la terre avec leurs pieds, en agitant leur lance et en vociférant. Ils taisaient ensuite avec leurs pieds rouler la tète du côté de l'ennemi et tout en lançant des bouf- fées de tabac dans cette direction, criaient qu'ils agiraient de même avec tous ceux qu'ils prendraient. La tète était clouée sur un pieu et exposée. Ils se livraient, après cela, à de nom- breuses libations et laissaient le corps sans sépulture. Ils désossaient la tète, mangeaient la cervelle et les Caciques bu- vaient dans le crâne, comme autrefois les .Scythes (Rosale/, t. 1, p. 12:^;.
La coutume de sacrifier des victimes humaines régnait, comme nous venons de le voir, dans toute lAmérique et partout on cherchait à taire le plus de prisonniers pour les sacrifier. Quelquefois le clergé avertissait le chef de la nation que le soleil et le dieu de la guerre avaient soif de sang et qu'il fallait à tout prix les satisfaire.
Ce système de terreur unie à la férocité apparaît jusque dans leurs institutions civiles. Ainsi, au Mexique, les pre- miers conseillers de l'empire étaient le prince de la lance 'mortelle, le déiruiseur d'hommes, le répandeur de sang, le seigneur de la maison noire. Une raison que ces peuples
i:r UE i,i;uK civimsaiion
'75
barbares invoquaient pour se justilier, était qu'en tuant les prisonniers, en les otirant aux dieux et en mangeant leurs chairs, non-seulement ils taisaient un sacrilice propitia- toire, mais ell'rayaient les ennemis de TKtat et ne taisaient qu'user de représailles. Nous avons trouvé dans le l'opol vuh un passage tort curieux à ce sujet : .1 Chaque jour, dit le livre sacré des Quitchés, les guerriers se plaignaient plus amèrement des insultes dont ils étaient l'objet, lorsqu'ils sortaient dans les chemins pour chercher leur subsistance ; alors ils s'appro- chaient de i'ohil, leur dieu, et déposant leurs offrandes à ses pieds; ils lui disaient tristement : Hélas, nous ne donnons à I'ohil, à Avilix et à (iagavit/ que le sang des bêtes fauves et des oiseaux et nous nous contentons de nous tirer du sang des oreilles et des coudes. Prions-les de nous donner des forces et du courage. () I'ohil, Avilix, Gagavit/, continuèrent-ils avec plus de vivacité, que veut dire ceci qu'on tue ainsi les hommes de notre peuple, les uns après les autres; et, se perçant de nou- veau les coudes devant le dieu, ils barbouillèrent la pierre de leur sang et en arrosèrent le trou de la pierre. Mais déjà ils ne voyaient plus la pierre ; c'étaient trois jeunes prisonniers qui étaient devant eux. Les sacrificateurs se réjouirent en voyant le sang. Les dieux donnèrent alors des signes de leur puissance. Soyez hommes, dirent-ils aux guerriers. »
Cette explication semblerait indiquer que quand la colonie aryo-touranienne est arrivée en Amérique, les tribus sauvages ne faisaient aucun quartier à leurs ennemis et même les dévo- raient, ce qui aurait amené l'horrible coutume qui existait au Mexique et dans TAmérique centrale, de manger les chairs des prisonniers après les sacrifices et quelquefois en dehors des sacrifices.
" Au Mexique, les Indiens, dit Diaz, p. 208, mangeaient de la chair humaine comme nous du bieul, et on engraissait, dans chaque ville, dcj hommes, des femmes et des enfants que l'on conservait dans des cages de bois pour les sacrifices et les fêtes. De la même manière ils tuaient et dévoraient tous les prison-
lyG 1)K l.'OKKilNi: DFS INDIKNS UV NOrVKAOMON'ni:
nicrs '. " Suivaiii (^o^olluJo, liv. IX, ch. xiv : " Les Itzae/, et les Cliinaiiiilcs, au N'ucatan, mangeaient leurs prisonniers. Au Honduras, la généralité des indigènes ne mangeait pas de chair liumaine." Herrera, l\^ p. i>'().) .( Les Nicaraguaiens, les (Ihorotegans, les Chontales mangeaient de la chair humaine. » lOvicdo, 1. XLU, ch. m « Ils ne mangeaient jamais ceux de leur propre tribu. » (Oviedo, I. XLll, ch. iii.i 't Les l'anches étaient mangeurs d'hommes, mais les Indiens du royaume de la Nou- velle-Grenade ne Té aient pas. » Herrera, V, p. (jo.i » Les Musos et les Colvmas augmentèrent considérablement après qu'ils eurent cessé de manger de la chair humaine. " iLact., liv. IX, ch. IV.) » Les habitants de (^)uunba}a ne mangeaient l^ias de chair humaine, exce}->té dans les grands lestins. Les habitants de beaucoup des pays bordant le i^érou conservè- rent la coutume de manger de la chair humaine de la manière la plus bestiale jusqu'à ce qu'ils lussent sous la domination des hîcaSj ou sous celle des Espagnols. » ililas Valcra in (iar- cilaiu, liv. II. ch. vu. " Chez les Caribes, il était détendu de manger les femmes. Ceux qui étaient pris jeunes étaient engraissés comme des poules, pour les sacrifices. » i Martyr, p. G.,
« La vengeance portait les Guaranis, par représailles, à tour- menter les vaincus, et même, dans beaucoup de tribus, à les manger après les avoir d'abord bien traités. C'est plus particu- lièrement chez les Guaranis qu'existait cette coutume barbare. L'anthropophagie n'avait lieu que pour les prisonniers de guerre ; elle n'était pas commune à toutes les tribus et a ce.ssé dès l'ins- tant de la conquête. » D'Orbigny, p. 304.) « Les hommes Ca- raïbes des îles mangeaient les prisonniers mâles. " Hisi.vciwt. (i55i), p. 83.) — Pigatesta, V\)yagi;de Magellan eu i5nj, p. 17, « dit que les Brésiliens ne mangeaient que leurs ennemis. C'é- tait aussi la coutume primitive des Guaranis du Paraguay. »
I. Il y e;i a\ait qucl.iiici'ois qui se laissaient t;agiici- par la tristcs.sc, au tlctrinient ilu but l'cclicrchc, il n'était pas alors Je moyen inyénieux auxijuels le propriétairi; n'eût recours pour Jisbiper cet abattement sinj^ulier.
Il I)K LliUK CIVILISATION
77
:u-
is-
iConu'Utiirio (.ic Alvar i\'u>U"{ Cabf^a ih' J'ijaj, i54i, p. i5, et à la côte terme. (Oviedo, De la isla cspai^uola'. Barcia, IJis/. prini. de las biiiias, cap. x, p. i 5, " dit que les (Jarihes de Cartliagène et de la plus grande partie de la cote agissaient de mè-nie' i-. Vm résumé, cette coutume ne s'appliquait qu'aux prison- niers et avait un double but: ell'rayer l'ennemi et être agréa-, blc à leurs divinités. Les indiens du Chili mangeaient les ca- davres après les sacrifices '.
Les sacrifices humains et l'horrible coutume de manger les chairs des victimes sont d'origine asiatique. On les retrouve chez les Scythes et les l*erses, jusqu'à celle de se revêtir de la peau d(; la victime après l'avoir écorchée et de conserver cette peau sur le corps jusqu'à ce qu'elle tombât en lambeaux par la putrétàction.
L'exposition des crânes sur des autels où ils étaient lixéspar des clous à crochet, existait également chez eux : " Après la victoire, dit Anquetil, ils se désaltéraient dans le crâne de leurs ennemis et se faisaient des tapis, des housses et des brides avec leur peau. Ils s'en revêtaient et en cou\ raient leurs carquois. Ils regardaient comme un honneur de montrer attachée à la porte de leur maison la tète sanglante d'un ennemi^ et les ièmmes considéraient avec plaisir ce trophée de valeur laisaiU, pour ainsi dire, sucer la cruauté à leurs enfants avec le lait. Ils sacriliaienl des victimes humaines au dieu de la guerre et consultaient les entrailles palpitantes. Ils tiraient des augures de la manière dont tombait la victime ou comment coulait le sang, a\ec lequel
hct. >7.
Il au
eût
1. Mandicta, pp. loS-joy.
•2. '< l'"ii ihcsc gciicialc, on ne peut pas soulcnii- >]uc les Indiens du Chili aient été ja- mais cannibales. Ce qui a été leeonnii par les chroniqueurs, c'est que dans leurs lêles, que précédaient oi\l mai renie ni leurs expéditions de guerre, ils tuaient un priso.mier qu'ils avaient conservé, et que, quand le cadavre était encore palpitant, ils en arrachaient le cœur pour teindre, avec son sang, leurs rièchcs, et le répartir par morceaux entre les assistants, comme signe d'une haine commune et ie vengeance.
Les cas où la faim les poussait à cette horrible extrémité étaient rares, de même qu'aujourd'hui les Fuégiens, pour le même motif, sacriticnt les vieilles lémnies,» Torri- bio, Los aboi tf^ciica Jcl Cliili, p. il 7.
i7«
l)i: I.OKUilNI" DIS INDU Nïi |)i; NOIiVKAM-MONDL
ils marquaient les arbres les plus grands de leurs hois; ils laisaient aussi cuire des victimes dans des marabouts. »
Les Perses sacriliaient des victimes humaines à Miilira. I.ors des mystères du dieu soleil, leurs prêtres pratiquaient une cérémonie tout à tait semblable à celle qui avait lieu au Mexique, quand on célébrait la lète du dieu des châtiments. Des Vestales pétrissaient avec un peu de tarine et du miel une statue représentant le dieu en question.
Mais ce n'étaient pas seulement les l^erses et les Scythes qui immolaient des victimes humaines, L'histoire nous apprend que les Ammonites brûlaient leurs entants en l'honneur de Moloch, et que d autres peuples de la terre de (^hanaan étaient aussi cruels. Les Israélites imitèrent cet exemple Nous savons, par le témoit^nage de Manethon, prètie égyptien, cité par Lu- sèbe et Césarée, qu'à Héliopolis on sacriliait journellement trois victimes à .lunon. Les Phéniciens et les Carthaginois sa- criliaient à Ikial et à Saturne, les Cretois à Jupiter^ les Lacédé- moniens à Mars, ies'lhessaliens au centaure Chiron, à Pelée, Les Druides gaulois ollraient à l'eutatès le corps des captifs, après les avoir cruellement massacrés '. On les brûlait vivants en présence du peuple et des poètes, qui chantaient des hymnes belliqueux en s'accompagnant sur leur harpe d'or. L,es liardes de la (jcrmanie sacriliaient à Tuixton, les Scandinaves à Odin.
Les Romains, eux-mêmes, ollraient des victimes à leurs dieux,
A la même époque, l'Inquisition, comme le fait remarquer Prescott, sacrifiait en Europe, au sein des nations les plus avan- cées, plusieurs milliers d'hommes que l'on torturait en vue d'être agréable à l'Lternel.
Les sacrifices chez les peuples de l'Amérique étaient sou- vent accompagnés de la confession auriculaire et de la com- munion. Chez les Mexicains, cette confession avait lieu
I. Taciic, Laciancc et Lucain nous attestent cette cvutlle dégradation. D'après Tacite et Dion Cassius, ce turent ks Oauloib qui introJuisMeiit en Angletern; les sacrifices liu- maiiis.
KT i)i: i,i:ur< civilisation
17')
an- l'trc
licu
lito et hu-
trc\]UL'!nmcnt, quoiqu'elle ne tût pas obligatoire, (leiix qui Je- inaïuiaiont à se coiilesser au prêtre étaient ordinairenienl clés vieillards et des moribonds, dont la conscience était très charf^éc. Le prêtre, avant d'entendre le pénitent, lui faisait, sous tonne de serment, toucher la terre de ses mains, et lécher la poussière. 1/aveu de ses fautes achevé, il lui imposait une pé- nitence et lui donnait l'absolution, qui avait jtour ell'et de re- mettre spirituellement ses péchés et de l'acquitter des délits civils qu'il avait commis.
Au Nicaragua, le prêtre confesseur jiortait, comme signe dis- tinctif, une calebasse pendue au cou.
L,es A/tèquesaviiient une sorte d'eucharistie et faisaient de pe- tites idoles avec de la farine et i.\ii sang humain, et les man- geaient comme représentant le corps de leur Dieu, lorsqu'ils sacriliaient à une de leurs divinités. Les 'l'otonaques commu- niaient de la même manière. Tous les trois ans, on tuait trois entants, on leur arrachait le C(eur, et avec leur sang, une cer- taine gomme et de la farine provenant des premières graines des jardins de leur temple, on faisait une pâte qui, considérée comme sacrée, était partagée tous les six mois par des hommes au-dessus de vingt-cinq ans et des femmes au-dessus de seize. Elle était donnée généralement après la confession. On appelait cette pâle la nourriture de notre âme. Lors de la fête de l'et- zaltipoca, des vestales pétrissaient avec de la farine de maïs, du miel et un peu de sang humain, une statue qui représentait le dieu en question, (^uand la statue avait été transportée sm" la plate-forme du temple, les vestales venaient présenter aux iM-ê- tres de petits morceaux de la pâte qui avait servi à former l'idole, et qui avait la forme d'os humains disposés en croix. Les prêtres bénissaient et consacraient les restes précieux de cette pâte, puis ils faisaient approcher les victimes et consommaient leur barbare sacrifice. Chaque assistant recevait ensuite un morceau de la pâte bénie et le mangeait avec dévotion, croyant manger la chair de son dieu, dont Fattouchement donnait le pardon de tous les crimes et péchés commis.
Aè
^.
IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3)
1.0 !rl- 1^
M
1^
■ 40
M
1.8
1.25
1-4 llllli.6
<^
'c*l
w
°>^ >
/a
7
/A
4^
f^"^
:\
\
*%
N
o^
V
'9)
f^^
K
!
i8o
DF I, ORIGINr; DES INDIFNS DU NOUVEAU-MONDE
Les Perses avaient, dit-on, une cérémonie entièrement ana- logue lorsqu'ils sacriliaient à Mitlira.
On retrouve également en Amérique le jeûne, les vœux, les mortitications, l'ascétisme. Le jeûne consistait dans l'abstention de viande, de vin ou de cliicha, de plaisir charnel ; un seul re- pas par jour était toléré, il précédait toutes les létes et était prescrit souvent pour tout le peuple. Pendant ce temps, aucun leu n'était allumé dans les villes.
Ils ne s'approchaient jamais des autels sans les teindre de leur sang, tiré de leurs oreilles, de leurs bras, de leur nez, de leurs parties génitales. Les prêtres et les nobles, d'après Her- rera, au Mexique, tiraient du sang dé" leurs cuisses et en tei- gnaient leurs temples ainsi que les lancettes qu'ils mettaient dans des torchons de pailie, sur les créneaux du temple, afin que le peuple pût les voir. Le bassin dans lequel ils se lavaient après ces mutilations était appelé czapan, c'est-à-dire le bassin du sang. Quelques-uns d'entre eux, par pénitence, se coupaient les parties génitales ou se rendaient impuissants par un autre moyen.
Ils avaient des couveiils d'hommes et de femmes dans les- quels vivaient les membres des diverses congrégations. Quel- ques-uns taisaient vœu de chasteté pour toute leur vie ; d'autres pour un temps limité. Leurs v(x;ux quelquctois concernaient leurs entants qu'ils consacraient au service des dieux.
Ils avaient aussi des ermites ou fakirs, qui passaient leur vie entière en extase et en méditation dans une caverne, avec un ara, symbole du soleil, lis priaient, dit Clavigero, toujours agenouillés, la face tournée vers l'Orient. L'ouverture des portes de leurs sanctuaires était à l'est. Ils faisaient souvent usage du nom de Dieu pour affirmer la vérité, et leur serment habituel était le suivant : <■ En présence de l'Etre suprême qui me voit, je jure, etc. " En même temps ils touchaient la terre avec leurs mains et les embrassaient ensuite. Ce mode de serment était commun à plusieurs peuples de l'Asie.
Les Péruviens avaient également la confession auriculaire en secret, suivie de la communion du pain et de chicha consa-,
ET DE I.KUR CIVILISATION
i8i
cré par le grand-prètrc. Le pain était pétri avec du sang hu- main et, oien que Garcilazo assure que le sang était unique- ment celui que les prêtres se tiraient volontairement du corps, il n'en présente pas moins un rite semblable à celui des Quit- chés dont il est si souvent question dans le Popnl viih. \Ln voyant cette confession auriculaire et cette communion^ n'est-ce pas le cas de s'écrier : A7/ novi snb sole ?
Un autre rapport qui relie les peuples d'Amérique auv Ma/- déites, aux IVrses ou aux Scythes et aux autres peuples de l'an- tiquité, c'est que leurs prêtres exerçaient l'art de la magie avec une habileté extraordinaire. Le Pnpol vuli cite de nombreux exemples qui marquent l'influence de ces magiciens. Ainsi les deux héros Hunapu et Lxbalanqué ensorcellent les rois et les princes Xibalba, sous la ligure de deux saltimbanques, par les prodiges qu'ils opèrent en spectacle ^uiblic, se tuant, se ressus- citant tour à tour, et se servant de tous les secrets de la ma- gie pou" surprendre la confiance. Un curieux passage de Saga- hun confirme le texte du livre sacré des Quitchés en lui servant en quelque sorte de paraphrase. Les prêtres Mixtèques ou Huastecans, dit-il, en parlant de la population voisine des côtes de Pamenco, faisaient des tours d'adresse donnant pour vrai ce qui était faux; par exemple, ils faisaient semblant de brûler des maisons, de faire apparaître des poissons dans l'eaM, de se cou- per par morceaux et autres tours semblables. »
La sorcellerie et les modes d'incantation magique étaient les mêmes chez les Mayas que chez les Toltèques (Hist. dit Yn- catau, liv. I, ch. iv); les prêtres magiciens se servaient de ser- pents, qu'ils charmaient; et, à l'aide de graines de maïs, avec les- quelles ils composaient toutes sortes de cercles et de figures en prononçant certaines formules mystérieuses et en invoquant le soleil, la lune et d'autres astres, ils obtenaient des résultats très curieux . »
I. Les Mayus obscivaiciit allciilivcmcnt le clianl des oiseaux, le cri des animaux, leur passage, leur vol et avaient une conliance extrême dans les songes-
■r'
182
DE L ORIGINE m '^ INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
11
L'art de la magie, comme on le sait, a pris naissance dans la Médie d'où il s'est répandu peu à peu en Chaldée, en Perse et ailleurs. Les magiciens de la Médie et de la Perse passèrent toujours pour les plus habiles '.
Les Mixtèques et les Zapotèquos avaient dos prêtres chargés d'interpréter les songes et de connaître l'avenir par l'observation des astres, de la terre, du vent, du feu, de l'eau, du vol df,'s oiseaux, des entrailles des victimes, par les signes de la figure ou par les cercles de la magie.
Il y avait également en Amérique des tireurs'd'horoscopes, as- trologues en même temps médecins qui abusaient de la crédulité publique. On les appelait nagualistes et on les trouve au Cen- tre-Amérique et au Pérou. « Les nagualistes, d'après M*^"^ Fran- cisco Nunez de la Véga, premier évèque de Chiapaz, se piquaient de savoir régler la destinée des hommes par le cours et le mouvement des astres, en observant les temps, moments du jour et les mois où naissaient les enfants. Us prétendaient deviner, pronostiquer l'état, la condition, les événements heureux ou malheureux de la vie de chacun et la manière de gouverner et de diriger les actions humaines. Us avaient des calendriers qui leur permettaient de savoir à quoi correspondait le jour de la naissance de l'enfant et de conclure, avec le consentement des parents, un pacte qui liait lenfant aux naguals jusqu'à la mort^ de telle sorte que tous deux éprouvaient les mêmes im- pressions et les mêmes souffrances '. Les nagualistes préten- daient aussi guérir les maladies au moyen de simples et de paroles cabalistiques et jeter des sorts. Ils se servaient, pour faire leurs conjurations de neuf signes, comme les anciens Scy- thes, les Gètes, les Lamas, les Mongols, les Kalmouks et plu-
1. I.c mot maya vient pcut-ctrcde là. Les magiciens du groupi. maya ont été cités pat- tous les auteurs, tandis qu'on ne dit rien de ceux du groupe totlèquc.
2. l'orquémada, Aloiurq. ind., I. III. cli. xlt, rapporte que les habitants de la Nouvelle- (îrenade croyaient que chaque individu contractait une alliance avec un animal ou un oiseau qui s'appelait nagual et, quand l'un mourait, l'autre ne lui survivait pas. Voilà encore une autre preuve frappante de la civilisation de la Nouvelle-Grenade par les Mayas.
ET DK LEUU CIVIL ISA! ION
l83
sieurs peuplades de la Sibérie. Ces sortes de sorciers se retrou- vent en Asie sous le nom de Chamans, que Strabon nomme Cermanes, prophètes, ou religieux, ou médecins, dont les gri- maces, les contorsions, les tours de Ibrcc avaient pour objet de faire descendre l'Esprit saint sur les hommes. Chez les tri- bus sauvages de l'Amérique, ces chamans étaient en grande faveur. Ceux du Brésil exigeaient qu'on dansât autour d'eux. Alors, se démenant de cent manières bizarres et lançant la fu- mée de tabac à la face des danseurs, ils leur insufflaient ainsi l'esprit de sagesse.
En Chine et en Tartarie, ces mêmes sorciers portent le nom de fong-choui sien-seng, maîtres du vent et de l'eau. On les appelle également à la naissance de l'enfant, on ne fait rien sans les consulter, et ce vSont eux qui désignent l'endroit où doit reposer le cadavre en même temps qu'ils indiquent à la famille ce qu'elle doit faire pour que l'âme du défunt qui ha- bite le tombeau et le gîte de la famille soit heureuse. Cette question a été développée dans notre Pieté filiale en Chine.
Les Hue hue, dans leur payj d'origine, avaient des Noumi qui, d'après le Tarik-djehan-Kroucha, étaient des magiciens, se disant possédés du démon avec lequel ils entretenaient des communications : ils étaient aussi guérisseurs. Le Khan des Oueigours les consultait souvent.
Tous ces peuples étaient très superstitieux; ils croyaient aux rêves, et avaient des devins pour les interpréter. « Les Péru- viens disaient que l'âme laissait le corps pendant le sommeil, qu'elle ne pouvait pas dormir et que les rêves étaient ce que l'âme voit pendant que le corps repose. Par suite de cette vaine croyance, ils prêtaient beaucoup d'attention aux rêves et à leur interprétation, en disant que c'étaient des signf ^ et des présages de bien ou de mal. »
Ils avaient des diseurs de bonne aventure.
Quand des jumeaux naissaient, ils étaient convaincus que c'était en dehors de la nature humaine et que cela annonçait une calamité pour la famille. C'est pourquoi ils tuaient un des en-
18.^
I)K, I, OHIGINK DIS INDIKNS 1)1) NOUVF.Al'-MON'Dl
tants ' ; ils tuaient cgr'.ment la l'cmmc qui avortait. Ils ne fai- saient aucune entreprise, quand ils entendaient le cri de cer- tains oiseaux. Jamais ils n'entraient dans une maison nouvelle- ment bâtie avant qu'un devin ou sorcier n'en eut chassé le mauvais esprit \ Au.\ éclipses du soleil ou de lune, ils faisaient un grand bruit en poussant des cris et en faisant aboyer les chiens pour ellrayer l'animal qui avalait l'astre '. Ils considé- raient ceux qui se pendaient comme des êtres surhumains et les invoquaient. Quand ils étaient malades, les sorciers leur prescrivaient de jeter du mais blanc sur la route ou de mettre un petit chien en pâte de mais sur une feuille de maguey alin que le premier passant marchant dessus prit lui-même la maladie ". l'our protéger les propriétés contre les voleurs, ils jetaient à l'entrée des écailles de tortue qui pouvaient, si on les touchait, donner instantanément la lèpre. Ils avaient des philtres d'amour en forme de pilules. Ils étaient convaincus qu'au moyen de certaines paroles et en enfonçant une aiguille dans le ccuur dune personne, ils pouvaient la tuer .
Le tremblement des paupières était considéré comme un mauvais signe.
Quand ils étaient près du feu et que des étincelles étaient produites, ils craignaient qu'on ne vînt les ennuyer. Quand ils coupaient les cheveux de leurs enfants, ils laissaient une toulfe derrière l'occiput, autrement l'enfant serait tombé malade ". Si la terre tremblait dans un endroit où se trouvait une femme enceinte, ils couvraient les pots ou les brisaient, afin qu'ils ne pussent pas être remués, et disaient que ce tremblement de terre était un signe que le ma'is conservé pourrirait.
Quand un voyageur rencontrait de larges pierres jetées sur
1. Motolinij, p. i iu.
2. Cogolludo, liv. IV.
3. La mcmc idée cl le môme fait se retrouvent chez les Chinois et les Hindous pour l'éclipsc.
4. Motolinia, p. 1 3o.
5. Cogolludo, liv. D.
6. Mendieta, p. 1 10.
:-ll
R.
ET DE I,EUH CIVILISATION
i85
la route pour faciliter le passage, il les invoquait en mettant une branche sur elles et se frappait les genoux avec une autre : par ce moyen il évitait toute fatigue. C'était une tradition de leurs ancêtres. Quand ils se mettaient en route, au lever du soleil, et qu'ils craignaient de ne pouvoir arriver au village avant la nuit, ils déposaient une pierre sur le premier arbre qu'ils rencontraient, en priant le soleil de leur permettre d'ar- river; ou bien ils s'arrachaient quelques Si\s cl les soufflaient dans la direction du soleil '.
Ils ne permettaient pas qu'on prit, avant un certain temps, du feu d'une maison dans laquelle se trouvait un nouveau-né, disant que lorsque l'enfant serait grand, il détruirait les mai- sons par le feu '.
Quand ils bâtissaient une maison, ils mettaient un cadavre au milieu des fondations pour qu'il protégeât la maison '.
Ils croyaient que le bruit qu'on entendait soit d'un côté, soit de l'autre, ou le bourdonnement d'oreille, indiquait un bon ou un mauvais présage '.
Les femmes nttachaient <^e. petites pierres à de plus grosses, avec des cordons de laine, pour avoir des enfants .
Il ne fallait pas enfoncer une alêne ou une aiguille dans un tison brûlant sur le feu. Il n'était pas permis non plus de prendre un charbon allumé avec un couteau ou instrument tranchant, ni de toucher le feu avec un couteau, ni même de tirer de la viande hors d'une marmite avec un couteau, ni rien couper près du feu avec une hache. Ils croyaient que de cette manière ils nuiraient au feu.— Au Kamtsohaka, c'était un pé- ché de prendre un charbon ardent avec la pointe d'un couteau pour allumer la pipe : il (allait s'en saisir avec les mains nues. Joanès de Piano Garpin décrivant, en 1646, les mœurs et les
I. Cogolludo, liv. IV, ch. viii. :i. Xinunoz, p. liS.
3. Xiiiunic.j, p. 166.
4. Garcilazo.
3. Ari'iaga, p. 34.
Pi
i86
ni'. I.dHUilNI': HKS INDIENS DU NOlVIiAU-MONDK
coutumes dcsTartarcs, dit qu'ils avaient exactement les mêmes superstitions.
En Amérique, si un coq chantait entre dix ou onze heures du soir, on le tuait et on regardait son chant comme un mau- vais présage. La même superstition se retrouve en Chine et en Perse.
Nous n'en finirions pas avec ces croyances superstitieuses qui se retrouvent presque toutes dans l'ancien continent et surtout en Chine.
FT DE LliL'R CIVILISATION
187
L'ORIGINE
DE LA CIVILISATION INDIENNE
PROUVÉE PAR LA PHILOLOGIE COMPARÉE
Nous avons dit plus haut que, rassemblés dans le même lieu, à une certaine époque, tous les peuples adoptèrent le même système religieux et que leurs groupes ne se séparèrent pas avant que l'on eût trouvé des termes pour rendre des con- ceptions aussi susceptibles de développement ultérieur que les idées de Dieu, de mauvais esprit, de ciel, de choses sacrées, de l'adoration et de la croyance.
Les différentes formes de la religion et de la mythologie aryenne dans Tlnde, la Perse, l'Italie, la Germanie et l'Amé- rique, sont par ce grand fait liées à la philologie comparée que l'on pourrait appeler la physiologie du langage. Cette science, par une simple classification des langues, par une analyse ri- goureuse des mots, a répandu une lumière éblouissante sur les époques les plus obscures de l'histoire de l'homme. Elle est le meilleur moyen pour expliquer l'origine des peuples sans annales, faire connaître leurs migrations, et en suivre les tra- ces; car, s'il est de ces mots que le hasard seul fait retrouver chez des nations éloignées, il en e:t d'autres qui tiennent aux usages privés, aux mœurs, aux coutumes intimes, aux croyan- ces religieuses et qui ne peuvent se transmettre que par un
i88
i)i: I, OHKiiNh: ni;s indikns du noiivk.ai'-mondi:
contact bien prouve; ci, quand ce contact peut être démontré historiquement et f^éof^raphiquement, l'incertitude sur leur ori- gine commune doit cesser à mesure que les preuves s'accu- mulent.
Quoi que lassent les années, les événements, le changement de pays, le contact d'autrui ou le mélange des races, l'homme, de même que la langue, demeure pour le fond, à toute époque de son existence, ce qu'il était au point de départ. Bien que divisées par la grammaire et le vocabulaire, les langues sont soumises à certaines intlucnces supérieures qui déterminent parmi elles des tamilles, des groupes distincts. Des idiomes, quoique très inégalement avancés, peuvent avoir des liens de parenté visibles. .lamais une langue ne se soustrait complète- ment, sous le rapport grammatical, comme sous le rapport phonétique, aux habitudesqu'ellea reçues en quelque sorte avec le sang. Les modilications qui s'opèrent dans sa vie ne la font point sortir de la condition mémo de son être. Elle ne peut bri- ser son organisme ni etiaccr complètement sa marche origi- nelle; jusque dans l'euphonie, la prononciation, 1 analyse des sons, on peut reconnaître sa source primitive.
Aussi nous croyons que les trois langues mères de Sem, de Cham et de .laphet ', ou des trois races premières, sont parlées encore aujourd'hui et que les langues des nations sémitiques ou aryennes ne sont que des variétés de la langue primitive de leurs premiers ancèties.
Nous croyons également que les langues parlées par les na- tions de race mongole ne sont que des variétés de la langue primitive et que, comme les peuples d'Amérique tiraient leur origine de la race mongole et leur civilisation de la race aryenne, tous les idiomes employés pour communiquer leurs
I. M. Williams Jones, président de la Société de Calcutta, dans un discours remar- quable prononce en 1792, le l'i janvier, dit : » Dans mon opinion on peut prouver d'une manière incontestable ijue la première race des Perses et des Indier.s auxquels nous pouvons ajouter les Romains, les Grecs, les Goths, les Scythes et les ligyptiens, ont originairement parlé la mèine langue et professé la même religion. »
:i!:;!;
1:11;
ET 1)F' LEUR CIVIMSATION I 89
idées, maigre leur iiomhre considérable, n'étaient ciiie des Lv an- ches ou rameaux des deux grandes familles ai/ennc ■* ougro- tartarc.
« Si nous sommes ce que nous sommes, a dit Max-Muller, non seulement parla chair et le sang, mais par la ; ensée et la langue, c'est parmi les nations de la (jrèce et de l'Italie, de rhide et de la Perse, que nous devons '.louver nos vrais pa- rents, nos vrais proches ; nos véritables ancêtres reposent en- sevelis dans cette patrie centrale de la race aryenne d'où émi- grèrent, à une époque bien antérieure au xv*^^ siècle avant Jésus- (^hrist, ceux qui apportèrent à l'Inde la langue des Védas et aux ri\ages de la mer Kgée la langue des poèmes homériques. La science du langage a prouvé, ajoute-t-il, de la manière la plus claire, l'identité primitive de la structure grammaticale du sanscrit, du perse, du grec, du latin et des dialectes teutoni- ques, slaves et celtiques. «
(le que l'on ignore jusqu'à présent, c'est le nom de l'ancêtre commun de toutes ces langues '. Ktait-ce le sanscrit ou le perse ? Les t)pinioiis des savants sont très divisées à ce sujet.
Aux époques les plus anciennes apparaissent le perse et le /end. Suivant Hérodote, les Scythes parlaient le zend, la plus vieille langue, dit-il, de ces contrées, et des dialectes médo-scy- thes. Le zend était la langue de la lîactriane et des pays en- vironnants. Schlezer, dans son iXesior, prétend que la langue scythe était semblable à l'idiome perse. Heeren va plus loin ; il dit que, comme il résulte des langues de la famille perse, ainsi que des témoignages exprès de l'antiquité, que les dif- férents dialectes de celte langue-mère étaient réellement des branches du même tronc, les peuples qui les parlaient devaient appartenir à la même famille.
I. L'on doit admettre que longtemps avant les plus anciens documents littéraires du sanscrit, qui remontent jus.yi'à mille cinq cents ans avant notre ère, longtemps avant Homère, longtemps avant la première apparilio.i des langues latines, celtiques, germa- niques et slaves, il a dû exister une première langue, langue pure, primitive, qui a été la source de tomes celles que nous venons de nommer. Essais sur la mythologie compa- rée, Max-Muller, p, ïih )
I ()()
m: I. ouu'.im: I)I:s indiins du nol;vi;au-m )Nni'
Ainsi, le sanscrit ne serait qu'un rameau Je ce niemc fronc. Si Ion veuf savoir pourquoi, dit Tyksen, le sanscrit, cette source commune des dialectes indiens, présente pour le lond et la forme la plus exacte analogie avec le perse, ce que Paulinius a reconnu de son côté , on n'a qu'à consulter les traditions et l'histoire qui nous apprennent que les plus anciens liabitnnts de l'Inde de race noire ou négroïde se rapprochant de la race éthiopique, turent envahis par des peuples très voisins de la race tartare alliée à la race finnoise, et que ces tribus désignées sous le nom de Dravi- diennes ou Draviriennes furent à leur tour soumises par les Aryas qui leur imposèrent, avec leur civilisation, leur propre langue.
Ainsi le zend et le perse seraient les langues les plus ancien- nes; c'est en zend que les deux tiers du /end-avesta sont écrits. Le zend a fait place au pehivi sous les Sassanides; est venu ensuite le perse, dialecte de Farsistan^ d'oi!i est dérivé le per- san moderne.
La famille ougro-tartare comprend cinq branches : Tougrienne avec l'ostiak, le samoyède, le vogoul et différents autres dia- lectes de la Sibérie; la tartare, à laquelle se rattachent le mon- gol, l'ouïgour, le mandchou et le turc; la japonaise avec le coréen ; la finno-ougrienne ou tchoude, embrassant le soumi ou finlandais^ l'esthonien, le lapon et le magyar; enfin les langues monosyllabiques telles que le chinois, le thibétain, le siamois, etc.
Toutes les langues américaines dérivent de ces deux sou- ches. Quelques peuples, comme, par exemple, les Otomites, ont conservé leur langue primitive qu'ils avaient en venant dans le nouveau continent. D'autres ont laissé de côté leur idiome national pour prendre ceux de la colonie touranienne. Mais il a dû arriver que les deux familles de langue se sont mélangées plus ou moins, suivant*les tribus, tant au point de vue de la grammaire que du vocabulaire, de manière à for- mer de nouveaux idiomes^ différant sans doute par certains
hr DR I.K.ur* CIVIIISMION
loi
caractères, mais ayant la même pliysionomic grammaticale '•
« l"^n Amérique, depuis le pays des Ksquimaux, dit Vater, jusqu'aux rives de l'Orénoque, et depuis les réj^ions tropicales jusqu'au détroit de Magellan, les langues ont, pour ainsi dire, une même physionomie. On reconnaît des analogies frappantes de structure grammaticale, non-seulement dans les langues perfectionnées comme le quitchua, l'aymara, le guarani, le mcxicaip. et le maya, mais aussi dans les langues les plus I ossières. »
« Nous avons comparé, dit à son tour d'Orbigny, les nom- breux vocabulaires des langues américaines, recueillis dans le cours de notre voyage, et dont presque tous sont inconnus aux philologues. Cette comparaison nous a convaincu de la vérité du principe d'uniformité entre los idiomes du Nouveau-Monde. Tous ont un mécanisme intt u . nalogue, les règles gramma- ticales sont presque toujours ,tiisines pour toutes. Seulement, il faudra chercher si la comparaison des racines composantes et c'es mots donnera le même résultat. »
Ce qui caractérise par-dessus tout les langues américaines, c'est une tendance marquée à l'agglutination. Les mots s'agglo- mèrent par contraction en supprimant une ou plusieurs sylla- bes des radicaux combinés, et les mots ainsi formés sont trai- tés comme des mots simples, susceptibles d'être employés et modifiés comme eux. Cependant ces langues ne repoussent pas les flexions proprement dites. « Cette propriété de créer une quantité inépuisable et très variée de nouveaux composéSj en même temps que pouvoir de former des mots par suffixes et par addition de particules modifiantes, les fait ressembler beau- coup au sanscrit, au grec, au teutonique et au slave ". »
Parmi les langues de souche aryenne, une des principales est le iahualt ou mexicain, qui a couvert de ses ramifications une grande partie du Nouveau-Monde. On en trouve des traces
1. MithriJah; t. lU, p. 38.S.
2. Uuchman, i 9.
192
DE L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
dans rAmérique du NorJ, chez les Esquimaux, les Athapaskias, les Kolushi, les Ugalçamaniutsi ', sur les bords du rio Gila, du Mississipi, dans les vallées du Nouveau-Mexique, au Texas, dans les provinces de Sonora, de Sinaloa, de Chihuahua, et de Durango. Dans l Anahualt proprement dit, sur une grande partie du plateau a/tèque, c'était la langue dominante, en même temps que la langue des cours, otîicielle et diplomatique. On la retrouve dans tous les lieux où les Toltèques avaient pénétré, au Yucatan, au Chiapas, au (îuatémala, au Salvador, Hondu- ras, Nicaragua, Costarica, Darien, enlin dans l'empire des Incas.
Le maya, la langue du groupe Colhuaque, était parlé dans une partie du Mexique, le V'ucatan, le Chiapas, le Guatemala et l'Amérique du Sud.
« M. l'abbé Brasseur de Bourbourg est d'avis que le nahualt et le maya sont sortis du même tronc, et a trouvé que tous les vocables du groupe qu'il nomme mexico-guatémalien sont com- posés de racines communes. Les mots sont formés de racines monosyllabiques au nombre de treize à quatorze cents environ, à l'aide desquels se déploie tout le mécanisme de ces langues. La syllabe radicale se découvre facilement dans les mots. Ces monosyllabes sont à la iin des racines substantives et verbales. Les mots composés abondent dans les différentes langues du groupe; à l'exception du nahualt, ils sont généralement formés par juxtaposition. L'élision y existe autant que dans les langues européennes. La source la plus riche de la formation des mots est la dérivation. Les dérivés, pour la plupart, sont formés par des afïixes, mais cette règle n'est pas exclusive, et le nahualt, en particulier, offre fréquemment des mots commençant par un préfixe '. >'
« En outre, ajoute-t-il, les sources d'un grand nombre de mots appartenant aux langues indo-européennes, sources sou-
1. Voir plus haut, pp. SS-':iij.
2. La langue maya, comnio nous l'avons Jci.'i ilit, est une des langues les plus Jures qui existent comme prononciation; les gutturales prédominent, et il y a prédominance des aspirées et des patales.
ET OK LFUR CIVILISATION
193
U
}s
te
vent difficiles à découvrir nettement dans les idiomes de l'Inde et de la Germanie, se montrent de la façon la plus claire et la plus distincte dans les monosyllabes radicaux du groupe mexico- guatémalien. 11 existe un rapport très étroit entre les gram- maires maya et nahualt et les grammaires grecque et latine, de même que Bopp l'avait remarqué entre ces dernières et le sanscrit. L'examen des langues grecque et latine nous a convaincu que ceux qui en portèrent les formes en Europe, ou vice l'crsa, avaient dû se trouver en relations avec le quitché et le mexicain avant de se séparer définitivement du pays de leur berceau. En effet, la plupart des formes grammaticales et des vocables grecs et latins, que le maya ne présente pas à première vue, se retrouvent dans le nahualt et le quitché. Quand on compare les temps, les modes, les différentes classes de verbe, les conjonctions, les prépositions, dont un grand nombre sont identiques dans le maya, le grec et le latin, on est convaincu qu'il existe entre ces trois langues de grandes aflinités. Nous soutenons également que ces langues, quoique agglutinantes, ne repoussent pas les flexions, et qu'après tout elles ne sont pas plus agglutinantes que le grec et le latin. »
Pour prouver son assertion, dans son dictionnaire de la lan- gue maya, le savant philologue a fait un travail comparatif des racines mayas, grecques et latines, et, dans son vocabulaire de la langue quitché, il montre les analogies qui existent entre un grand nombre de mots quitchés et germains. 11 a reconnu aussi des similitudes frappantes, non-seulement dans les radi- caux et les mots qui en sont dérivés, mais aussi dans les formes grammaticales dont les plus essentielles sont communes au teu- ton et au groupe mexico-guatemalien (Nahualt- Maya ').
Il a trouve; également une grande ressemblance entre des ra- cines du groupe maya- guatémalien et des radicaux de l'ancien égyptien.
les
ICC
I. MM.Tsclludi et Rucro ont rccon;m de grandes analogioà entre le groupe mexico- maya et les doux langues aymara-quitclma.
194
DE L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAL'-MONDE
M. Lopez (Vicentc), dans un livre intitule « Les races aryen- nes du Pérou, leur langue, leur religion, leur histoire », a cher- ché, de son côté, à démontrer que le quitchua est une langue aryenne agglutinante, et arrive à la même conclusion que l'abbé Brasseur :
<( Quand je dis du quitchua que c'est une langue aryenne, » je ne voudrais pas que l'on exagérât par trop la portée et le « sens de mes paroles. Je n'ai nullement la prétention de sou- « tenir que l'on doive retrouver dans les formes secondaires « toutes les formes correspondantes du sanscrit, du zend et des " idiomes congénères. Le système grammatical dill'ère un peu, " quoique la déclinaison contienne de véritables llexions qui " présentent une analogie frappante avec les llexions aryennes. « Mais, si l'on passe à l'élude des racines qui ont constitué et n les mots et les formes elles-mêmes, on est bientôt forcé de « reconnaître que toutes ces racines se retrouvent avec le même « sens, les mêmes fonctions et les mêmes dérivations que dans « les langues aryennes, et principalement dans le rameau pélas- <i gique. Le quitchua appartient donc primitivement à la même " famille que les langues aryennes. Mais, en même temps, pour " expliquer les divergences capitales que présente sa constitu- ■1 tion grammaticale, il faut ajouter qu'il a dû se séparer de la 'I langue-rnère à une époque où cette langue ne se servait pas " encore du système accompli des flexions, et cherchait sa Il forme définitive. Pour tout dire en deux mots, le quitchua Il est une langue aryenne agglutinante, et je puis citer à l'appui Il de ma délinition le nom et l'autorité des savants les plus Il éminents de notre époque, MM. Bunsen, Pott, Max MuUer Il qui, les premiers, ont avancé la théorie sur laquelle je m'ap- " puie. Je me contenterai d'établir comme un tait, avec M. Pott, « que la formation du sanscrit, tel qu'il nous est parvenu, a Il été précédée d'une période d'extrême simplicité et d'extrême " absence de flexions, laquelle nous est encore représentée par Il le chinois et les langues monosyllabiques. J'ajouterai même^ « avec M. Max Muller, qu'il est impossible absolument qu'il
ET DE LEUR CIVILISATION
I9D
H
" en ait ctc autrement. N'est-il pas simple et naturel d'admettre " qu'une langue dont toutes les racines indiquent l'origine « aryenne séparée par le hasard des migrations de ses sœurs " asiatique et européenne, et continée, pendant des siècles, au <( cœur de l'Amérique méridionale, se soit vue arrêtée dans sa " période transitive par un commencement de concentration Il politique et sociale, et se trouve ainsi avoir, avec un fonds « tout aryen, des accidents grammaticaux que l'on est accou- " tumé à ne rencontrer que dans d'autres lamiiles ? C'est là, " précisément, le cas du quitchua, si je parviens à démontrer " d'une façon satisfaisante qu'il a toutes ses racines aryennes et " présente avec le sanscrit une origine commune. »
Cette hypothèse est d'autant plus admissible que cette trans- formation graduelle dont parle M. Lope/ se remarque surtout dans le sanscrit. Au début, dans le Rig-\'éda, la langue appa- raît avec le caractère synthétique, les inversions constantes, et les expressions complexes, conditions indispensables de l'exercice primordial de la pensée. \'ient ensuite le sanscrit des grandes épopées de l'Inde. La langue alors a gagné plus de souplesse, tout en conservant cependant la raideur de ses pre- miers procédés. Bientôt l'édifice grammatical se décompose. Le pâli qui correspond à son premier âge d'altération est em- preint d'un remarquable esprit d'analogie. Ces loi-; sont celles qui ont présidé à la formation d'autres idiomes dans d'autres contrées, à des époques dillérentes. Que Ion compare, en ellet au latin, les langues qui en sont dérivées; aux anciens dia- lectes teutoniques, les langues de la même origine; au grec ancien le grec moderne; au sanscrit les nombreux dialectes de l'Inde, on verra se développer les mêmes principes, s'ap- pliquer les mêmes lois.
On peut donc admettre que les peuples qui habitaient le Kha- rism, au vu'' siècle de notre ère, avaient conservé dans leur idiome le caractère agglutinatif ou synthétique, et que de même que les Turcs, les Tartares et les Mongols, ce moyen d ex- pression leur a semblé assez parfait pour n'avoir pas éproi vé
I
ig6 Dt: l'origine des indiens du nouveau-monde
le besoin de l'abandonner^ ou bien que le degré de puissance intellectuelle ne leur a pas permis un développement plus com- plet. Ce qui n'est pas supposable, attendu que M. Markham 0 trouve que tel qu'il est, le quitchua est une langue admirable par la force d'expression et la richesse des mots, aussi bien que par la régularité dans ses formes et la douceur dans ses sons. Ses terminances produisent une très énergique concision, expri- mant des idées complexes et toutes les conceptions avec un nom ou verbe qui, dans d'autres langues, exigeraient une mul- titude de mots. La syntaxe est très simple. » Le quitchua, l'aymara, le nahualt et le maya, transportés en Amérique, ont fort bien pu éprouver par le contact avec les populations de race mongole, des altérations secondaires et un certain nom- bre de mots nouveaux ont pu s'introduire dans le vocabulaire, mais ces langues n'ent ont pas moins gardé leur cachet origi- nel qui se retrouve dans les principales racines.
De nouvelles études dirigées d'après cet ordre d'idées vien- dront peut-être conlirmer cette hypothèse qui est conforme aux lois de la philologie. Déjà nous avons trouvé que la plupart des noms se rapportant à la religion sont de source aryenne.
En attendant, \o\ci un tableau dans lequel nous avons réuni un certain nombre de mots quitchuas, mayas et sanscrits, qui montreront les afiinités entre ces trois langues, aflinités qui prouvent leur unité d'origine.
(JUITCHI'A
MAYA
SANSCRIT
atilisi, i-uissatu; ^itti, p. ni- ahlil-ahtepel, nnjcstc. l!/^ surpasser.
\oir, (jiic giniui. kaya-hjp.ic, hciucux. puis- K-at-iiiaiii, coutciiii-, i^arJcr. hj/raiii. contenu ; h\TyaLi,
main tuivcne.
sant; kaL\liit, contenir. CMiiac, créateur, qui anime. f.J.ti'i, le t'ort, le puissant
/.Me'/;j, l'eu. suIIj, rose'c, siiinjlc, beau, bon. ,l')ic..7, nez.
I;al,\ l'eu. ciil, tremper. ^iic, beau, doux. ÎHii, iici!, se mouclier.
/iMiiiJ, vouloir.
kac, briller.
^MH, vase rempli il'eiu,
su, bien.
sing, sentir.
ET DE LKUK CIVILISATION
197
QUITGIIUA
MAYA
SANSCRIT
sepyuni, cioindre. pachak, rouleau it'JtoiVi;. panku, viande cuite. pantiVli, se multiplier. pai\i, pluie, eau. muka, rongeur, rat.
picliii, oiseau.
pillakd, manteau, couver- ture. pi)iclii, vision. pakti, pre'caution, examen. maki, main. ma'ita, jeune, robuste. machii, vieux, a;\cien. tn.ilki, momie. ina»ia, mère.
michum, |
... mêler.
nurk/uDii, \
mici, chat.
mucu, nœud, lilet.
mosko»!, dormir.
miikim, tromperie.
KiioMiii, aimer. miillii, coquille. nakani, tuer, égorger. ilJii, chemin, sentier. naiw», chanter. )iaiii-ihihiii, œil. lakka, maigre, élancé. lachan, couper. laclniam, goûter. lamya, bêche. ILipini, presser, serrer. lluUiir, mensonge. Iiiiin\iiii, ôter, nettoyer. liitjiii, couvrir. XacliJin, savoir. yahu, eau. yanti, le sceptre. yaptoi, broyer. takjiii, marteler.
^cp, L;iniire. pak, rouleau d'étoile. p.jcai-li, taire cuire. pjiiali.il, se multiplier. pa, eau, éiaiig. >nti^, ronger.
picli, sorte de grive. piil, chose qui en recouvre i';7, couvrir, une autre.
f.', éteindre.
pjc, lier.
;m. CHiro.
/M/, aller.
/M, boire.
tiuisliDS, r',ngcur (.^rec mus;
latin, )>ui.s). /\t/,'.v/ii, oiseau,
pacal, vue, vision.
ma, main.
makaii, surabonder. macliat, s'allaililir. mal, maciilature. mam, mère.
mec, mêler.
mic^, chat.
mincit, groupe.
miik, enterrer.
mucttl, taire quelque chose secrètenieni.
miinil, tendresse.
mol, réunir.
uakal, linir entièrement.
Ho}nay, passager.
niib, chanter,
)iaiia!ivl, voir.
lacac, léger, amolli.
lac, décoller.
lac, goûter.
lam, enfoncer, briser.
lob, saisir.
liiksah, calomnie.
lu^, ôter.
Iii^akiit, parasol.
yahtal, entendre.
il, eau,
yam, 'j premier.
yap, oroycr.
tac, travailler avec un ins- trument.
f'.i/, voir.
S ma. mesurer.
' mati, main.
m.ilial, grand, fort.
iiia.l, vieillir, s'aiVaiblir.
wa!a, s.de, souillé.
malc, mère.
micr, mêler.
mit. s'irriter. mil, attacher, lier. mis, fermer les yeu.x. vtits, tromper.
miiiiia, aimé. tniir, envelopper. )iac. disparaître. nii, aller. nu, chanter, jna, connaître. laga, mince, léger. !a, couper. lac. goûter. liiy, briser. lai\ acquérir. liip, tromper. lup, retrancher. liiJ, couvrir. j'ak, voir, connaître. ffa, courant. _)M)i, diriger. rai), prendre en main. Iaki, tailler.
r
UjH
.>i: LOUIGINK DES INDIFNS DU NOUVEAU-MONDK
QUITCIIUA
MANA
SANSCRir
takiini, mclL'r, )oiiuirc. tupak, rcsplenUissant. utku ruisseau. tiinkini, Jouter. mauka, vicillai\l.
tak, attacher, eollcr. IkXp, faire du Icu. nie, a no sur.
tiikiniiiii, de toutes p.irts. >niic, pourri, Je'taillaiit.
/.l/i'f, mêler, unir. M/', brûler. (;/(/, eouler. ttiii, être sijuieux. iMÔ/i.i, de'taillaiKe.
En dehors de Taymara et du quitchua, une autre langue parlée dans une grande partie de l'Amérique méridionale était le toupi-guarani ou langue caribe. M. dOrbigny a démontré dans VHoinnie américain, page 24!^ et suivantes, que les Gua- ranis du Paraguay, les Guarayas de la Bolivie, les Caribes, les Omaguos, les Tamanaquis de l'v.irénoque et de ses attlucnts, les Chaunas de Cumana, les Oyampis de Cayenne, les Galibis de la Guyane, les Caribes des Antilles parlaient des dialectes de la langue caribe. M. de Margalhaés, comme M. de Varna- ghen, ne reconnaît dans le lirésil qu'une seule langue, le tupi et ses dialectes. C'est celle des langues primitives, dit-il, qui occupe le plus grand espace géographique : de l'Amapa au Rio de la Plata et du cap Saint-Eveh au Javary, sur upj étendue de mille lieues sur huit cents, elle a laissé son empuinte dans les ncms des lieux, des plantes et des tribus,
'■ Cette langue que l'on entend sur un si grand espace géo- graphique est, ajoute M. de Margalhaés, admirable de jierléc- tion. Ses formes grammaticales, quoique embryonnaires sur plus d'un point, sont si ingénieuses qu'elle pourrait être com- parée aux langues les plus célèbres- beaucoup de questions philologiques et linguistiques, encore obscures, trouveront en elle leur explication. »
Parlant des 1 oupis et de la Lengoa gérai ', il y a plus de deux
I. Les Brésiliens, appellent la langue guaranio la langue générale, Ictii^oa f;ei\il, et les indigènes eux-mêmes attestent par leur légende cette communauté d"origine. Deux frères, racontent-ils. Toupi et Guarani, débarquèrent un jour sur la côte du Mrésil qu'ils
ET DE LEUR CIVILISATION igg
cents ans, le P. Simon de Vasconccllos s'éciiait : c A quelle époque ont- ils donc appris, au sein du désert, des règles gram- maticales si certaines qu'ils ne manquent pas à la perfection de la syntaxe? En cela, ilr ne le cèdent d'aucune manière aux meilleurs humanistes grecs et latins. Voyons, par exemple, la grammaire de la langue la plus répandue au Brésil, qui nous a été donnée par le vénérable Joseph de Anchieta et les louan- ges que l'apôtre accorde à cet idiome. Grâce à ces réflexions, beaucoup de personnes pensent que l'idiome dont nous par- lons a les perfections de la langue grecque, et, par le fait, j'ai moi-même admiré en elle la délicatesse, l'abondance et la fa- cilité. »
Cette langue, d'après M. de Varnaghcn, est d'origine aryenne, ainsi qu'il le prouve dans un ouvrage publié en 1876, sous le titre : VOrigine touraniennc des Tiipis-Guaranis, prouvée par la philologie comparée, « La race tupique, dit-il, qu'on a découverte à la côte septentrionale et dans les parties orien- tales de ces contrées, n'était pas une race autochtone, mais une race conquérante, et sa langue était un rameau de la fa- iTiille aryenne. »
Les Caraïbes eu Caribes, comme nous l'avons dit, étaient les mêmes que les Mayas. Leur langue devait donc appartenir à la même famille. Il en est de même de la langue de la Nouvelle- Grenade, le mosca ou muysca qui devait être un dialecte maya. Quant à l'idiome araucan, nous n'avons rien pu trouver au sujet de son origine. Cependant déjà Molina et Vater ont .e- connu de grandes analogies entre cette langue et le grec et le latin. M. 'l'orribio Médina dit que c'était une langue aggluti- nante dont la syntaxe se rapprochait de celle des langues eu- ropéennes.
Comme les Incas, à chaque conquête qu'ils faisaient, impo- saient aux peuples vaincus leurs lois, leurs coutumes et leur ian-
trouvcrcnt inhabitcc et s'y établirent. Mais leurs femmes étant venues à se quereller, ils se séparèrent ■ Guarani s'en alla habiter les côtes de la Plata, tandis que Toupi resta au pays.
200
l>I' I. ORIGINK UFS INDIENS DU NOUVFAU-MONDi
gLic, les Arnucanr, n'ont pas <\ù échapper à c^ système général, (^l'st pourquoi on retrouve di'ns leur langue un grand nom- bre de mots quitchuds. D"un autre roté, Ihistoire nous appre- nant que les Caribes ont pénétré jusqu'au détroit de Magellan, nécessairement l'idiome araucan doit contenir des expressions caribes. Maintenant il est fort possible que cette même langue appartienne, quant au l'ond. à la lamille ougro-tartare. Aux philologues à étudier et à résoudre cette intéressante question.
Les autres idiomes parlés dans le Xouveau-Monde, en dehors de ceux dont nous venons de parler, se rattachent à la famille ougro-tartare.
Les langues otomitc et totonaque ont de grandes aflinités avec le chinois. La langue tépéhuane renferme un assez grand nombre de mots d'origine tartare et mongole.
lui iSGq, lorsque la première ambassade japonaisi; visita San Francisco (Californie , on fit venir de Santa Harbara les chefs d'une tribu dont le type semblait japonais. Quel ne fut pas l'étonnement général, lorsque les chefs et les membres de l'ambassade s'adressant la parole, chacun dans leur langue, purent se comiirendre avec facilité. Les Indiens du village d"E- ten, sur la côte nord du Pérou, purent ?ntrcr de suite en com- munication avec les colons chinois qui arrivèrent les premiers dans le pays.
Dans un voyage que nous avons fait en 1879, de Guatemala au Salvador, nous avons nous-mêmc rencontré, dans un pue- blo situé à la frontière des deux républiques, des Indiens dont les mots les plus usuels étaient d'origine chinoise.
Notre collègue et ami, M. le général Loaeza, ministre plé- nipotentiaire du Mexique au Centre-Amérique, nous a raconté également que, durant la dernière guerre du Mexique, un dé- tachement autrichien s'étant égaré sur les hauts plateaux, l'ot- ficier qui le commandait put se faire comprendre dune tribu d'Indiens en s'exprimant en allemand.
Kntin, le révérend Morgan rapporte, dans une lettre écrite en 1686, qu'étant chapelain du général ennett, et ayant été
I
i;t :jE i.i:im< civilisai ion
20I
lait prisonnier dans la pro^ incc ck- Ncw-^ ork par les Indiens Tuscarolas, il allait être mis à mort lorsqu une exclamation en {gallois lui sauva la vie. Il ajoute qu'il put p'écher ensuite dans cette lanf^'ue que les Indiens comprenaient. 11 existe dautres anccdoctcs rapportées par divers auteurs sur des individus de plusieurs expéditions qui, laits pris /nniers en Virginie, ne du- rent la vie qu'à plusieurs phrases galloises qui lurent entendues et comprises par les naturels '.
L'histoire des arts graphiques dans le Nouveau -Monde comprend deux périodes distinctes, celle qui précède le vu'^ siè- cle alors que les tribus d'origine mongole étaient encore sau- vages et celle qui est postérieure à cette époque, après que les Touranien , leur eurent apporté la civilisation. 11 n'est pas pro- bable qu'avant cette époque, les tribus qui ne savaient même pas, disent les traditions, cuire leurs aliments, connaissaient l'écriture; et les figures grossières que l'on a trouvées gravées ou peintes sur des rochers ou dans des grottes des deux Amé- riques, ne peuvent leur être attribuées.
« Des rochers granitiques, dit de Humboldt, Vues des Cor- dillères, t. 1, p. 2 12, qui s'élèvent dans les savanes de la Guyane entre le Cassiquiare et le Conoritché, sont couverts de figures de tigres, de crocodiles et dautres caractères q'ie l'on pourrait croire symboliques. Des dessins analogues se trouvent tracés cinq cents lieues au nord et à l'ouest sur les rives de l'Orénoque, j^rès de l'Encaramada et de Caicara, sur les bords du rio Cauca près de l'imba, entre Cali et Jeluna, enfin sur le plateau même des Cordillères dans le paramo des Guanacas. Les peuples indigènes de ces régions ne connais- saient pas l'usage des outils métalliques : tous conviennent que ces caractères existaient déjà quand leurs ancêtres arrivèrent dans ces contrées. Est-ce à une seule nation industrieuse, adonnée à la sculpture, comme l'étaient les Toltèques, les
r. /Î.T',7, pain; uiam. nùre; talc, pcre ; 1^(^11')-, eau ; f;moyii donr, eau blanche, se retrouvent dans le iriL-xicain et le gallois.
•J0'_' DIC l. OUIGINK I)i;S INDIKNS DU NOl. VlAl.-MONUK
A/tèqucs et tout le groupe Jcs peuples sortis J'Aztlan, que sont dues ces traces d'une ancienne civilisation? Kn quelle rét;ion doit-on placer le loyer de cette culture? l']st-ce au nord du rio Gila, sur le plateau du Mexique (ju hien dans l'hémisphère du Sud, dans CCS plaines élevées de 'l'iai^uanaco que les Incas mêmes trouvèrent couvertes de ruines d'une imposante gran- deur et que l'on peut considérer comme l'Himalaya et le Thi- bet de TAmérique méridionale? Ces problèmes ne peuvent être résolus dans l'état actuel de nos connaissances. "
Parlant du Venezuela, don Aristides Uojasdit : " Kn quittant San l:lsleban et en se dirigeant vers les sommets élevés de l li- laria, laissant à gauche une muraille de roches, on atteint, près des hauteurs de Campanero, un plateau sur lequel on distingue une surface plane, couverte de ligures sculptées, re- présentant des insectes, des étoiles, des animaux et autres objets. La disj-iosition de ces ligures, et leur alignement géo- métrique indiquent de véritables hiéroglyphes. "
M. Auguste Saint-Hilaire mentionne des inscriptions sem- blables qu'il a vues en traversant la vallée de 'l'epico. Franz Relier raconte que, près d'une cataracte de Madeira, il a re- marqué des dessins en spirales et demi-cercle g.avés sur pierres. Plus loin, il a trouvé une pierre noire couverte de li- gnes en spirales et d'anneaux concentriques.
D'après le récit du D' Mariani R. de Kivcro, il existe, à 8 lieues au nord d'Arequipa, une foule de dessins sur granit re- présentant des animaux, des fleurs, etc. 11 cite également d'au- tres inscriptions qu'il a rencontrées dans plusieurs endroits.
Tschudi, t. 11, p. 3S(), parle d'une inscription qu'il a aper- çue sur une pierre, dans un \-illage près de Huain. Il déclare qu'elle était semblable aux hiéroglyphes du Mexique.
Nous-mimes, au Nicaragua, nous en avons vu un certain nombre que nous avons relevées et qui sont des caractères hiéroglyphiques accompagnés de peintures.
" Les recherches patientes nous montreront, a dit Morcno, que les dessins gravés sur les rochers ou sur les pierres se
I.T l)K !,i:i.'l: CIVILISA IION
303
rencontrent dans toute l'Amérique, depuis les Iles Vancouver près du cercle boréal, jusqu'au lac Ar.^entin en Pataf^'oni'; ul que les fij^ures peintes sur les murs ohruptes et iverticaux de la pointe Walicha sont presque les mêmes que celles qu'on a dé- couvertes dans TArizona, le Mexique, le Ck'ntrc-Amérique, la Guyane, le lîrésil, le Pérou, la P>oIivie, le Chili et la republi- que Argentine. Toutes sont le [M'oduit de la même race et j'ai la conviction que l'archéoloi^ie, aidée de la cianiologie, nous enseignera que cette race a été celle que nous connaissons sous le nom de Caraïbe, et qu'à elle appartiennent lescrànesmac ro- céphales qu'on rencontre depuis bile des Sacrificios jusqu'en l'atagonie, ainsi que ceux attribués faute d'études sullisantes aux constructeurs de 'liaguanaco. baptisés du nom d'Aymara [El csiiidio iicl hovibrc sud Aiiieriaiuo .
Comme on le voit, nous ne sommes pas seul à croire que CCS inscriptions sont dues à un pcuiMe plus a\ ancé que les tri- bus moUf^oles qui habitaient l'Amérique avant larrivée des Touraniens. Ce qu'on peut admettre plutôt, c'est que ces tribus connaissaient les quipos ou quipus d'origine chinoise qui se sont étendus jusque chez les Araucans, les Puelches et les Patagons.
Ce mot signifie nouer et, par extension, figurément compter, calculer; car les nombres et les quantités étaient ajoutés ou soustraits au moyen de marques qu'on faisait avec ces nœuds. A l'aide de certaines conventions, les quipos servaient aussi à conserver le souvenir des événements. Un écheveau ou une poignée de quipos était composé de cordes pendantes. Chaque corde, formée de trois ou quatre fils mariés cnsem.ble et tordus serréj comme de la ficelle à fouet, avait environ 25 pouces de long. Aux cordes principales étaient suspendus comme annexes des fils supplémentaires plus courts servant à noter les excep- tions aux règles générales et à faire toutes les remarques et ob- servations que pouvaient nécessiter les circonstances. Ainsi les nœuds étaient le pivot de ce langage, leur distance marquait la durée, le temps, et le nombre des cordes qui se réunissaient
204
DE I, OUIGINK DES INBIKNS DU NOUVEAU-MONDR
dans chaque iKL'ud représentait le nombre des éléments qui figuraient la scène qu'on voulait rendre. Mais, de plus, ce lan- t;age était parlant. Ditlcrentes couleurs propres ou symboliques jtaient all'ectées à certains êtres, à certaines choses. I-e compte des revenus publics et le mouvement de la population étaient tenus par le moyen des quipos, dont on taisait la clôture à la lin de chaque lunaison.
Sa plus f^'rande diliiculté, comme on le conçoit, gisait dans la représentation des idées abstraites. Des historiens ont ra- conté qu'avec ces quipos les peuples trouvaient le moyen de conserver les faits de leur histoire, airs lois et cérémonies, ainsi que les comptes de leurs alTaires, avec une grande exactitude. Nous croyons plutcV que ces quipos, dont l'origine était mongole ', servaient pour les comptes de toutes sortes qu'ils permettaient à l'administration de contrôler plus lacilc- ment.
Les quipos devaii-it, pour ces peuples, remplacer le Souan- pan des Chinois dont Tusage est connu de tout le monde, même de ceux qui ignorent leurs caractères. Le souanpan, en somme, n'est qu'un quipo perfectionné ". (Quelquefois, à la place des quipos, ils se servaient de petits aiilloiix de compte. Quelques tribus ont conservé encore l'usage des Wampum, ou colliers de porcelaine dont parlent Lalitau et Charlevoix '.
1. Les quipos, en Chine, lu eni remplaces par les liouas et ceux-ci par les carac- tères.
2. Nous partageons l'avis de Garcila/.o et des autres historiens qui disent que ces quipo servaient comme moyens de numération ; mais que ni les mots, ni les raisonne- ments, ni aucun événement historique ne pouvaient être représentés par ce moyen. Tout au plus pouvaient-ils, seivir comme des sortes d'aide-mémoirc.
3. On sait d'ailleurs que ces tribus dont le nombre diminue chaque jour conservaient des annales peintes avec des hiéroglyphes sur des planches, sur des toiles de coton, sur des papiers d'écorce d'arbres et sur des peaux préparées ad hoc. I.e D'' Ward de l'Etat d'indiana mentionne les W'alam-olum ou Annales peintes de la tribu des Lénapi de \Va- paham. I.es Jésuites, dnns leurs relations parlent des symboles peints sur bois des Mu- rons. Ilenwelder a vu également entre les mains des Lénapi les bâtons peints qui rap- pellent celui sur lequel Iluayna-Capac lit son testament. Sidérer a trouve, au xvi" siècle, chez les indigènes de la Caroline, des tableaux peints représentant différents sujets avec des hiéroglyphes en forme de roues semblables à .. ;ux des Mexicains.
ET DE LEUR CIVILISATION
205
Quand les Touranicns arrivèrent, ils conservèrent cette ma- nière de compter qui leur parut aussi ingénieuse qu'utile et enseii^'nèrent en même temps aux tribus l'écriture et la fabri- cation du papier.
Pierre Martyr d'Anghiera parle avec un grand discernement, dans plusieurs de ses ouvrages, des livres mexicains qu'il avait vus et touchés à la cour de l'Kmpereur où il brillait par son savoir. Dans une lettre adressée au pape Léon X, il en tait une longue description qu'il répéta depuis avec quelques légères variantes dans sa quatrième Décad.' (de Insii/is niipcr iuvaitis) :
" Ad muncra crgo régi allata, >> dit-il, « deveniamus et à- libns ordiamur. Diximus libros liabere gentes bas : libros at- tulerunt una cum cœteris muneribus hi Çolluiacanii^ novi co- loni, procuratores, nuncii, multos. Scrii .ibilia sunt eorum t'olia ex anteriore arborum tenui cortice, sub libro superiorc creato. Erarum aiunt esse : uti videmus non in saliceo aut ulmeo, sed uti cernere tas est in palmuiarum csui aptarum, tela dura l'o- lia intersecante : velut'i rotia foraminibus et maculis angusus contexta, bitumine tenaci retiacula compingunt. Ad aptatam hinc t'ormam mollet'acta convertunt, et extendunt ad libitum, dureque facta liniunt gypso. Putandum est autem, eos aliqua gypso consanguinca materia tabellas \ldisse. Credendum est, gypso in larinanî cribrato superl'uitas, in quibus quidquid ve- nit in mentem scribi potest, dehinc spongia vel pannulo de- leri, ut denuo reiteretur. Ex ficuum tabeliis fiunt libelli, quos magnarum domorum dispensatores ptr fora secum ferunt, styloque metallico merccs emptas coaptant, delendas quando jam in computatorios codices traduxerint. Non toiiatim libros concinnant, sed in longum distendunt, ad plures cubitos : ma- terias in quadratas reducunt partes, non solutas, sed tenaci bi- tumine Hexibili adeo conjunctas ut ligneis compacta; tabeliis, ar- guti librarii videantur manus subiisse. Quacumque pateat liber apertus, duse sese faciès inscriptœ otFerunt, duœ paginae apparent, totidem sub illis latent, nisi protendatur in longum. Sub uno
206
DE L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
namquc folio multo conjuncta folia consistunt. Sinii characle- vcs a uosivis valcie dissimilcs, taxillis, hainis, laqiieis, /unis, siel- lisque ac fovmis ejiisniodi, lincatim cxarati nostro more. ^Egyphas /ère formas a'mulantiir. Iiitcrlincatim hominum, animaliumque species, regumque pnccipuc ac procorum depingunt : quaré crcdendum est, gesta esse ibi majorum cujusque régis cons- cripta, quemadmodùm nostra fit tempestate. Videmus Scupe numéro eos generalibus hisloriis, fabufoqs etiam codicibus, ipsius rei, quœ narratur, ad alliciendos emere cupientium ani- mos, authorum figuras interserere. Arte quoquc grata supe- riores tabulas compingunt : nil dill'errc a nostris clausi viden- tur. Lcgum quoque et sacriliciorum. ca-remoniaruinque ritus, astronomicasque annotationes et computatlones quasdam, scminandique rationes ettempora, libris commendant. Annum ab occasu heliaco Vcrgiliarum incipiunt; et mensibus claudunt iunaribus. >•
Ces lignes si concises sont remplies de faits intéressants. Le savant conseiller de l'empereur Charles-Quint ne raconte pas seulement par ouï-dire. Il parle des manuscrits nombreux qu'il a vus de ses yeux et touchés de ses mains. 11 en donne la des- cription matérielle. Il dit quels étaient les stylets de métal à l'aide desquels les Américains écrivaient sur ces feuilles gom- mées et préparées à Tinstar de nos cartes de visite. Livres de politique ou dhistoire, livres d'art et de science, traités reli- gieux et rituels, codicilles à l'usage des astronomes, des méde- cins ou des cultivateurs, rien n'y manque, pas même les li- vres pour amuser le public que les auteurs illustraient d'ima- ges, de même que les rituels.
Ces détails suffisent pour prouver que les peuples de l'A- mérique connaissaient l'écriture et possédaient des livres que le gouvernement espagnol par politique et les moines par fa- natisme ont détruits presque tous.
« Le gouvernement espagnol crut que, pour assurer sa con- quête le meilleur moyen était d'éteindre la civilisation indigène et de rendre ces peuples à la plus barbare ignorance. Pour cela,
ET DE LEUR CIVILISATION
207
il fit disparaître les nobles et les prêtres ' qui concentraient en eux toutes les lumières et, suivant tous les témoignages des écri- vains de cette époque, des ordres sévères furent donnés, fort peu de temps après la conquête du Mexique, aux é\-êqLies et aux chefs des divers ordres religieux de la Nou\-ellc-l{spagne, de livrer aux flammes les manuscrits ou livres des indigènes^ à quelque catégorie qu'ils pussent appartenir. On ne sait que trop avec quelle déplorable rigueur ces ordres furent mis à exécution; car c'est à peine si, quelques années après, on trou- vait encore quelques rares exemplaires de ces documents dans la possession des vaincus. »
Ces livres servaient, dans les collèges, pour instruire les en- fants de la noblesse et ceux qu'on <.lestinait à l'état sacerdotal, auxquels on apprenait Téloqucnce, les '■ciences, l'histoire des dieux, des rois, la poésie, en un mot tout ce qui, à cette épo- que, constituait les bases de l'instruction.
" Ces gens, dit l'évêque don Diego de Landa, se servaient de certains caractères ou lettres qui leur permettaient d'écrire dans leurs livres leurs choses antiques, ainsi qr^e leurs sciences, et par leur moyen et quelques signes particuliers dans ces figu- res, ils entendaient toutes choses et ies donnaient à entendre en les cw^eignant. Nous avons trouvé un grand nombre de li\res composés avec ces caractères, et, Lomme il n'y avail rien en eux gui n'eût rapport à la superstition et aux faussetés du dénum, nous les avons tous brûlés, ce qu'ils regrettaient vivement et leur causa beaucoup d'alflictiou. '>
La responsabilité de ces actes de vandalisme doit in- comber au gouvewiement qui fit tout j^our anéantir ces trésors accumulés par tant de siècles, et dont ces peu- ples avaient le droit d'être fiers ". Le conseil des Indes
1. Les sciences que les prêtres enseignaient aux nobles et à ceux qui se liesti .-nt à la prêtrise étaient la computation en années, mois et jours, les fêtes et les cérémoniiis, l'art lie la divination, lest énements passés, avec l'art de lire (;t d'écrire selon les lettres et les caractères à l'aide desquels ils écrivaient comme aussi avec des figures qui signi- fiaient les écritures (Relation des clioses en Yiicatan, par don Diego de Landa).
2. On se souvient de la lettre où Cortès, écrivant do Mexico à son souverain, décrit les
208
DE L ORIGINE DES INDIENS DL' NOUVEAU-MONDE
ne se borna pas à la destruction des monuments indiens ; dans la crainte que des autres l'^tats espagnols de l'Europe quelque esprit éclairé ne vînt leur tendre une main sccourable et rallumer chez eux le llambeau prêt à s'éteindre^ il alla jus- qu'à interdire par des lois spéciales l'Amérique entière aux avocats, aux chirurgiens, aux hommes de lettres, sans compter les Maures, les Juits ou les suspects d'hérésie, eux et leurs descendants jusqu'à la troisième génération. Aucun étranger, quel qu'il tût, ne pouvmt passer aux colonies sans une licence obtenue à Séville. Mais ce n'est pas tout : aucun religieux ne pouvait écrire au pape ni recevoir de lettres ou autres papiers cfe Home sans qu'au préalable, ils n'eussent passé par les bu- reaux du gouvernement.
Ces prohibitions et ces mesures dignes de l'époque ont at- teint le but que poursuivaient les conquérants. Les Indiens de toute l'Amérique sont redevenus ce qu'ils étaient avant l'arrivée des Touraniens, de véritables sauvages; mais leurs oppres- seurs ont été punis eux-mêmes. Ils ont perdu peu à peu toutes ces magniliques possessions, et les descendante des Conquista- dores qui sont restés dans le pays, à moitié Indiens aujour- d'hui, semblent expier encore les fautes de leurs ancêtres. Le nom le plus célèbre après celui de Pierre Martyr, pour la mo- nographie des livres américains, est le nom de Las Casas, le bienfaiteur des Indiens. S'il fut obligé de sacrilier à la politique inexorable de son pays, il n'en rendit pas moins une justice en- tière au mérite des livres indiens. » Quoiqu'ils n'ei'^sentpas une écriture comme nous, dit-il, ils avaient toutefois leurs figures et leurs caractères, à l'aide desquels ils entendaient tout ce qu'ils voulaient, et, de cette manière, ils avaient leurs grands livres, composés avec un artihce si ingénieux et si habile que nous pourrions dire que nos lettres ne leur furent pas d'une grande utilité '. »
archives et les bibliotlu-s'ies de ces contrées, en p.inioiilier celle de Montezuina dont ce malheureux prince se plaisait à étaler les trésors aux yeux des conquérants. I. llisiovi.x apologdtca de las [n.iias occidentales.
ET DE LEUR CIVILISATION
2O0
« Ce qui indique qu'ils avaient une écriture courante, c'est qu'ils avaient des historiens, des chroniqueurs, des httérateurs, des poètes. Ces chroniqueurs, ces historiens possédaient a'.i Mexique la connaissance des temps les plus reculés et étaient capables de rendre compte de tous les événements passés. Ils pouvaient calculer les jours, les mois et les années et, au moyen de leur écriture, enret^istraient chaque chose. C'était une profession héréditaire. On les consultait pour tout ce qui avait rapport à la religion, aux têtes et à des faits historiques. »
Il y avait des écrivains pour chaque espèce de travail. Les uns composaient des annales, mettaient en ordre les laits de chaque année avec la date du mois, du jour et de l'heure. D'autres étaient chargés de la généalogie des rois, des chefs, des nobles, marquant avcw soin leurs naissances et leurs morts. D'autres s'occupaient des peintures représentant les plans et limites des provinces, villes, villages et propriétés. Des otHciers spéciaux étaient chargés des livres de lois, rites et cérémonies. Les prê- tres des temples avaient des livres contenant toute leur doc- trine ainsi que des calendriers dans les quels étaient marquées leurs fêtes. Finalement, les philosophes et les savants devaient peindre toute ce qu'ils possédaient en fait de science et ensei- gner leur corps de doctrine et leurs histoires Ixtlil.xochitl, ///«/., 1, p. i5).
Les peuples du Guatemala fabriquaient une sorte de papier avec l'écorce d un arbre nomm'- amatl et cette industrie était principalement celle des habitants d'Amatitlan. L'art de la peinture sur papier et sur des tissus de coton ne leur était pas in«^onnu ; ils employaient à cet ellét les couleurs que produisaient les terres métalliques et les plantes tinctoriales dont ils étaient parvenus à saisir les propriétés. (]es peintures pouvaient durer plusieurs siècles. Elles servaient à appuyer leurs traditions. Ils peignaient sur des étoffes, les villes, villages, rivières, lacs et chemins, formant ainsi de véritables cartes avec les degrés et les distances. Les Espagnols s'en sont servis dans plusieurs circonstances pour se rendre d'un point à un autre. Ils avaient
«4
2IO
DK I, ORir.IN'K DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
des livres en parchemin liiils avec Ju cuir de chevreuil. Au moyen de certains signes, ou caractères (iguratils, ils expri- maient tout ce qu'ils voulaient et ces manuscrits étaient lus couramment par les lettrés. Ils avaient même des livres de chro- nique et d'histoire. 11 existait des collèges et des écoles pour les enfants nobles. Ils s'y instruisaient de toutes les choses qu'il leur importait de savoir, l'éloquence et les traditions nationa- les, et apprenaient de mémoire les harangues et les chants an- tiques, les sciences de la religion et de l'astronomie, l'histoire des dieux, des rois, des héros qui se trouvait consignée dans ces livres, composés et écrits par les prêtres. Ces livres étaient écrits soit sur des peaux préparées, soit sur des sortes de papy- rus fabriqués d'écorce de certains arbres et dont les feuilles étaient recouvertes d'un vernis glacé (Juarros, Ximenés).
Dans le royaume de Te/cuco, un tribunal extraordinaire, nommé le conseil de musique, avait pour objet l'encourage- ment des sciences et des arts. Les travaux sur la chronologie, l'astronomie, l'histoire ou toute autre science, devaient être soumis à son jugement avant d'être publiés. Ce conseil, composé des personnes instruites du royaume, était chargé de la sur- veillance de tous les travaux d'art et de l'éducation de tout le pays. A des jours fixés, des compositions historiques et des poèmes traitant les questions de morale ou relatives aux tradi- tions étaient récités devant le conseil par leurs auteurs. Les trois rois alliés y assistaient et délibéraient avec les autres membres du conseil sur le mérite des pièces et sur les prix à distribuer aux compositeurs. Prescott, Mexico, i.)
Au Mexique, un noble du plus haut rang était chargé de la surveillance des peintures historiques. 'Torquémada, liv. XIV, ch. vni).
Ainsi, plus de doute. Les peuples de l'Amérique centrale et du Mexique avaient une écriture et des livres écrits sur une grande feuille doublée en plis qu'on enfermait ensuite entre deux planches qui étaient ornées avec soin. Ils écrivaient de l'un et de l'autre côté, en colonnes, suivant l'arrangement des
KT l)K I.KUU CIVIMSATION
21 I
et Ine Ire
le les
plis; quant au papier, ils le labriquaieiit avec des racines d'un arbre et lui donnaient un vernis blanc sur lequel on écrivait très bien. « lis avaient, ajoute Landa, un f^rand soin de leurs livres, il y avait une tète dans laquelle on les nettoyait avec un peu de vert-de-i^ris que Ton mettait dans de l'eau vieri^e qu'ils di- sait avoir été apportée des bois où jamais femme n'avait péné- tré. On donnait à cette tête le nom de i^ocan '. »
Les Caraïbes possédaient éi^alem.nt Part d'écrire. « Ils avaient, disent les historiens, des livres en papier labriqué avec des libres de véi,'étaux ou bien avec des peau.x sur lesquelles ils retraçaient, au moven de caractères hiéroi,'ly- pliiques peints, leurs lois, rites et taits mémorables. (]es livres avaient quelquefois douze palmes de longueur sur une de lar- geur, étaient doublés en douze ou vingt-quatre plis et peints des deux côtés. La plupart de ces précieux documents ont été brûlés par le Père Hobadilla. » Herrera loue les peintures avec caractères hiéroglyphiques des Caraïbes ou (]aramans du Da- rien et d'Uraba. Dans l'Amérique méridionale ', d'après Mon- tesinos, p. i\3, les Aymaras et les (^uitchuas connaissaient Tusage des lettres et des chitl'res, ei écrivaient sur des feuilles de bananier. Kst survenu ensuite un bouleversement pendant lequel se perdit cet usage. On conserva simplement les qui- pos, dont les Amautas seuls avaient la clef. La caste sacerdo- tale lit tout son possible \>(>Ar entretenir cette ignorance. On connaît la réponse que les prêtres d Ula l'iksi Huira Cocha tirent à Topa Kauri Pachakuta quand ils dirent que l'usage des lettres avait été cause de la peste et que leur rétablisse- ment occasionnerait beaucoup de malheurs. Le roi défendit ensuite, sous les peines les plus sévères, de se servir de quilcas (parchemin préparé pour écrire , des feuilles de bananier, et de tracer aucun caractère hiéroglyphique. Cette tradition prouve que ces peuples connaissaient l'écriture à une époque
1. Don Dicgi) tic I.aiula.
2. On ne possifJc, jusqu'à iircscnt, aucun manusciil ou livre de l'Amciiqnc mcridio- nalc i)ui: nous connaissions, l'ous ont tilé dùtruils après la conqutlc.
212
DE L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
assez reculée. Quant à la prétendue disparition de l'écriture, elle est contredite par cet autre passade des historiens, quand ils disent de l'inca Roka qu'il acheva de rétablir les lois de l'ancien empire, et. pour qu'elles fussent désormais à l'abri de l'oubli, il les lit écrire toutes sur un ji?i7rc//t';«»;. HuaynaCapae écrivit son testament sur un bâton rayé.
Le poète espagnol Lr/illa, dans son introduction à lArau- cana, parle des livres qu'il trouva entre les mains des Arau- cans. Humboldt donne é.^alement la description de livres que le Père Narcisse (Jilbar découvrit chez les Judiens Panos sur les bords de l'Ucayale. (tétaient, dit le savant voyageur, des cahiers de peinture qui, par leur forme extérieure, ressem- blaient parfaitement à nos volumes in-quarto. Chaque feuillet avait trois décimètres de long ' sur deux de large; la couver- ture de ces cahiers était formée de plusieurs feuilles de papier collées ensemble et d'un parenchyme très épais; des morceaux de toile de coton d'un tissu assez lin représentaient autant de feuillets qui étaient réunis par des fils de pita. Lorsque le Père Gilbar arriva parmi les Panos, il trouva un vieillard assis au pied d'un palmier et entouré de plusieurs jeunes gens auxquels il expliquait le caractère de ces livres. Les indigènes voulurent s'opposer d'abord à ce que I homme blanc s'approchât du vieillard ; ils firent savoir au missionnaire, par l'intermédiaire des Indiens de Mansa, les seuls qui entendissent la langue des Panos, que ces peintures contenaient des choses cachées qu'au- cun étranger ne devait apprendre. " Ce ne fut donc qu'avec beaucoup de peine que le Père (jilbar parvint à se procurer un de ces cahiers qu il envoya à Lima pour le faire voir au Père Cissieras. Plusieurs personnes de la connais.sance d'Alexandre de Humboldt avaient eu en main ce livre de l'Ucayale dont toutes les pages, disent-elles, étaient couvertes de peintures. On y voyait des ligures d'hommes et d'animaux accompagnés d'un grand nombre de caractères isolés. Ils étaient rangés par
Vues des Cordillères et moiwmeiils des peuples de l'Amérique, i. I, p. 211),
ET nn: leur civilisation
2l3
lignes avec un ordre, une symétrie admirables. Malheureuse- ment, ce livre précieux a disparu et n'a pas été copié.
Au Mexique, dans l'Amérique centrale et l'Amérique mé- ridionale, existent de véritables livres avec des peintures et des caractères d'écriture. Dans toutes les parties de l'Améri- que, l'art d'écrire était donc connu. Keste à chercher quelle était cette écriture.
Nous croyons ne pas nous tromper en disant qu'elle était fi- gurative et idéographique, analogue à celle des Chinois, et était formée d'un certain nombre de radicaux se combinant entre eux. Nous espérons avoir trouvé la plupart de ces radicaux que nous ferons connaître prochainement dans un travail spécial qui est sur le point d'être terminé. En attendant, avec la con- naissance des vingt radicaux suivants, on peut déjà lire une partie des manuscrits que l'on possède sous le nom de rituels '.
Caan ou Can @ ©g)
S
Cet hiéroglyphe, premier signe dans l'ordre du calendrier maya, signifie : serpent ou ciel antérieur . Dans le calendrier tzendal. il porte le même nom, tandis que, dans le calendrier mexicain, il représente le caïman sur la surface liquide du chaos, comme l'esprit sur les eaux de la genèse mosaïque. Dans
I. Ces vingt radicaux sont les signes des jours du calendrier maya. L'année maya, ainsi que l'année mexicaine, se composait de dix-huit mois, chacun de vingt jours aux- quels on ajoutait un mois de cinq jours cpagomènes. Dans l'ordre du calendrier, les vingt jours avaient chacun un nom di.'lérent qui se répétait de vingt en vingt. L'abbé Brasseur a donné la traduction des vocables qu'expriment ces caractères, mais nous croyons qu'il s'est trompé quand il dit que ces vngt signes sont les symboles des phé- nomènes géologiques dont Thistoire est renfermée dans le manuscrit Troano. Nous croyons également qu'il a appliqué à quelques-uns de ces signes des vocables qui ap- partenaient à d'autres. Ces signes comme des radicaux chinois, sont les bases de l'écri- ture indienne.
2 14
DF; I. OKKIINK DIS INniKNS DU NOlJVKAU-MONDi:
le niaïuiscril Troano, il est (igurc pur le chaos au milieu duquel repose le pur esprit avec les êtres en germe.
(^/lic-chan
Cet hiéroglyphe, signe Ju deuxième jour du caleiidrii.T maya, sigiiilic : petit, mince. Dans le calendrier tzendal, il porli.' le iiTMiic nom et a la mè-me signilication; il est représenté par des carreaux très petits.
i'.imi
(]et hiéroglyphe, signe du troisième jour du calendrier maya, signilie : la mort, détruire. Les signes caractéristiques sont fa- ciles à reconnaître : la paupière baissée, indice de la mort; les dents en saillie; Tescalier renversé ainsi que la croix grecque; la base de la croix est en haut. Dans le manuscrit Iroano, il est figuré par un dieu pointillé de noir, avec de grandes dents et des ossements humains devant lui. La mâchoire a ' l'orme de la croix renversée. Cimi vient de cim, éprouver, sentir. //■•, la mort, ou de cimi, sans activité. Dans le calendrier tzendal, il correspond à abas^iaii, qui veut dire : rompre, briser, tuer. C'est le même sens.
Manil;
^
Cet hiéroglyphe, signe du quatrième jour du calendrier maya, signifie : la vie, créer. Les signes caractéristiques sont : Itcil ou- vert; l'escalier dans sa position naturelle; la croix également Ijxéc sur sa base, et une main, la main qui opère. Ma, en maya,
1 ;
ET DE LEUR CIVILISATION
21 5
veut dire : main ; inh, force. Dans le manuscrit Troano, il est figuré par un dieu debout devant le leu, avec la main levée, et montrant un pouce dentelé. Dans le calendrier me.\icain, il cor- respond au caractère signiliant : une maison debout, et dans le calendrier tzendal, à noh, 4ui veut dire : temple.
Lamal
Cet hiéroglyphe, signe du cinquième jour du calendrier maya, signifie : atteindre, obtenir, venir. Quand il est incliné, il veut dire retourner ou tourner, et horizontal, s'arrêter. Dans le manuscrit Troano, il est figuré par -luatrc dieux séparés, une torche à la main. En t/cndal, il correspond à lambot, qui a le même sens.
Mtiliic
(x't hiéroglyphe, signe du sixième jour du calendrier maya, signilie : nuages, eau, couler de mur humide, ////,-, couler. Dans le manuscrit l'roano, il est figuré par le dieu des orages et des eaux. Dans le calendrier mexicain, il correspond à l'eau, et, dans le calendrier t/endal, à molo, qui a le même sens que miiliic.
Oc
Cet hiéroglyphe, signe du septième jour du calendrier maya, signifie : partager, diviser, changer, comme l'indique le carac- tère. Dans le calendrier izendai, il correspond à t^iquine, qui a le même sens.
2lG
ni£ L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
« © ©
(x't liicrof-lN plie, signe du huitième jour du calendrier maya, signifie : couper, aiguiser-, ce qui est pointu, acéré. Les signes caractéristiques sont des dents. Dans le manuscrit Troano, il est figuré par le dieu opérateur, le couteau ou la vrille à la main. Dans le calendrier mexicain, son image est une scie, et, dans le calendrier tzendal, il correspond à e/al^, qui a le même sens.
C/icn Çoii
m
(]et hiéroglyphe, signe du neuvième jour du calendrier maya, signifie : source, principe, origine. Les signes caractéristiques sont deux crochets opposés, un rond et diverses lignes dans des positions inverses. Dans le calendrier mexicain, il est li- gure par une fontaine, et, dans le calendrier t/endal, il corres- pond à chimin, qui a le même sens.
Ik'cn
Cet hiéroglyphe, signe du dixième jour du calendrier maya, signifie : clair, voir. Dans le manuscrit Troano, il est figuré par un dieu qui regarde avec attention des objets entassés devant lui. Sur sa tète est l'aigle consacré au soleil. Dans le calendrier t/endal, il porte le même nom. Dans le calendrier mexicain, il est figuré par le soleil.
ix m
Cet hiéroglyphe, signe du onzième jour du calendrier maya.
ET DE LKUR CIVILISATION
217
signifie : obscur, caciié. Diins le manuscrit Troano, i! est (igurc par le dieu de la nuit. Dans le calendrier t/endal, il correspond
à ///,v, même sens.
Mai
0
(S)
Cet hiéroglyphe, signe du douzième jour du calendrier maya, signifie : fonder, hàtir, supporter Dans le manuscrit Troano, il est ligure par un dieu supportant des objets. Dans le calendrier t/cndal, il correspond à Voiaii. londatcur du Palenqué et du Xibalba.
C't © m ® CE
Cet hiéroglyphe, signe du trei/iènie jour du calendrier maya, signifie : détaché, séparé, isolé. Dans le calendrier tzcndal, il correspond à moxib, qui a un sens analogue. Dans le manuscrit '1 roano, il est figuré par un dieu tenant un ciseau à la main, de- vant lui sont des ossements et des parties séparées du corps.
Caban ^)
Cet hiéroglyphe, signe du quatorzième jour du calendrier maya, signifie : bas, descente. Dans le manuscrit Troano, il est figuré par un dieu qui tient des objets dans sa main abaissée. Il correspond, dans le calendrier tzendal, à c/iaùin. qui a un sens analogue.
E^anab
Cet hiéroglyphe, signe du quinzième jour du calendrier maya, signifie : déformé, faux, froid, mauvais. 11 correspond, dans le calendrier tzcndal, à bat^, grand singe.
2lS
I)K I. OUKIINI': DKS INDII;NS du NOUVEAU-MONDr:
(^ai(ac
© 0
C:ct hicroglyphc, si^ne du sci/iC-mc jour du calendrier maya, signifie • la terre. Il correspond, dans le calendrier t/endal, à ff'-ao/î, qui a le même sens. En grec, v;.
A/iau
0 11
I7i
Cet hiéroglyphe, signe du dix-septième jour du calendrier maya, signifie : le maître, le chef, l'homme. 11 correspond, dans le calendrier t/endal^ à ahoc, qui a un sens analogue.
>•'"- Q Q ®
Cet hiéroglyphe, signe du di.\-huitième jour du calendrier maya, signifie : loyer, Icu. 11 correspond, dans le calendrier tzcndal, à yvxix, qui a le même sens. Dans le calendrier mexi- cain, il est iiguré par un foyer.
"■• @ ® @ (i) (D
Cet hiéroglyphe, signe du dix-neuvième jour du calendrier maya, signifie : souffle, vent. Dans le manuscrit 'Iroano, il est représenté par un dieu qui soutîle. Dans le calendrier mexicain, c'est un animal qui court comme le vent. Enfin , dans le ma- nuscrit Tzcndal, il correspond à igh.
AUbal
Cet hiéroglyphe, signe du vingtième jour du calendrier maya,
V.T DE l.F.VM CIVILISATION
219
signifie : ce qui est au-dessus. Il correspond, dans le calendrier t/endal, à loh, la pluie '.
lels sont les vingt radicaux principaux, (.'hacun d'eux a un grand nombre de variantes dont la signification est dillérente. Kn outre, de même que les caractères chinois^ ils se combinent entre eux pour lormer les mots dont on peut avoir bcroin. Les caractères hiéroglyphiques ;;ravés sur les monuments sont plus compliqués ou ont une écriture plus élaborée. Mais on recon- naît la plupart des rad.caux qui forment la base de l'écriture des livres que nous possédons.
Ces documents publiés par les soins de lord Kingsborough à ses Irais, forment encore aujourd'hui le plus beau monument de l'épigraphie américaine existant en Europe. Parmi les plus importants sont ceux qui sont classés généralement sous le titre de rituels, et dont les plus remarquables sont le manuscrit du Vatican, dillèrent de celui qui futannoté par le dominicain Rios; le manuscrit mexicain de l'Université d'Oxi'ord, celui de Fegervary, en Hongrie, celui de l'Insitut de li 'ogne, le codex mexicain de Dresde, le manuscrit Horgia de la
I. Les boules roiulcs qu'on remarque ^lans le inaniiscril Troaiio n;; .ont autres que les signes numéraux des Mayas. l'nc, ileux, trois, quatre boules rei "esenicnt les nombres i. 2, 3 4; 5 est (iguré par une barre; (i, 7, H, 9 par luie barre avjc une, • x, trois, quatre boules au-dessus ; 10 était (iguré par deux barres. Les quinze premiers nombres avaient des noms spéciaux : |0, 17, i^i, iq portaient les noms de dix et six. dix et sept, dix et huit, dix et neuf; 10, 3o, 40, 100 avaient des noms spéciaux. Les nom- bres interniéJiairea ét.iient formés \\\r l'iuldilion des neuf premiers. Arrivé à 400, on continuait à multiplier de 400 en 400, disant deux qu.ilre cents, trois quatre cents. Mais, si après 400 vient un nombre moindre, on compte selon ce qui a été dit plus haut. Che,! les .Mexicains, les dix-neiif premiers nombres se figuraient par un certain nombre de points ronds et des b;iies; l:i cinq premiers avaient des noms spéciaux; les quatre suivants étaient représentés par un mot auquel on aflixait les premiers; lo avait un nom particulier et comme li, qui lui-même avait une dénomination distincte, se combinait encore avec les quatre premiers; c'est ainsi qu'on arrivait à io qui, figuré par un petit drapeau, se disait utt compte. En y ajoutant les dix-neuf premiers nom- bres jusqu'à 40, on avait deux comptes. Ainsi de suite de io en 20 jusqu'à 400. Ce dernier avait pour symbole une plume. Le cube de 10 ou H,ooo était Hguré par u; c bourse. Pour abréi^er, on disait la moitié d une bourse, d'une plume.
Chez les Péruviens, d'après Uarcilazo, le système numéral, au lieu d'être vigiiitésimat, était décimal.
i
220
iv: I. ORiCiiNi': ni-:s indiens du nouveau-mondk
propagande à Rome, le manuscrit Troano ' et le codex Chipolpopoca. L'histoire de ces manuscrits est connue. Nous ne parlerons que du manuscrit Troano, rendu célèbre par Tabbe Brasseur de Bourbourg. Ce manuscrit se compose d'une bande de papier antique, fait d'une écorce d'arbre battue, analogue aux étoiles du même genre, que fabriquent encore aujour- d'hui un grand nombre de nations américaines. Cette bande^ de 3 m. 70 c. de longueur, est haute de 22 centimètres et demi. Elle est recouverte en entier d'un enduit blanchâtre et pliée de manière à tormer vingt-cinq folios de 12 centimètres et iemi de large chacun, présentant absolument l'aspect d'un li- vre ordinaire. Chaque folio est peint, des deux côtés, d'images en couleur, entourées ou entremêlées de caractères en noie, que les mayas, dans leur langue, nommaient uoli, par opposi- tion aux images qu'on désignaient par le vocable .y/7'. Le docu- ment est complet. Aussi, sous ce rapport, peut-il être regardé jusqu'à présent comme un monument unique.
« D'après l'abbé Brasseur de Bourbourg, ce manuscrit con- " tient le récit di l'histoire d'un cataclysme géologique sur le- " quel était fondé le système religieux des populations du Mexi- " que et de l'Amérique centrale. « Sans chï,rcher à expliquer « entièrement ce document intéressant, dit-il, page 140, études " sur le manuscrit Troano, dont la traduction intégrale deman- " derait un temps considérable, je crois devoir affirmer ici ma « proposition d'une manière absolue. Le cataclysme, dans ce " document, y est sous toutes les formes; les volcans sont des- " sinés à chaque page, et toutes les forces de la nature ordi- " nairement réduites à trois, l'eau, l'air et le feu, s'y signalent
I. Le maïuisciit Troano est un document oiiginaj de ceux auxquels, dans le dialecte du P'jrou, on donnait, au rapport de F-'uensalida, cité par Cogolludo, le nom d'O- nialté. L'historien Villaguittière ajoute qu'on appelait ainsi des livres faits de piipier d'écorce d'arbre, où se trouvaient écrites les histoires de cette contrée en figures et caractères.
Les premiers documents de cette sorte furent apportés en Espagne avec les autres pré- sents enviiyés par les conquérants et offerts à l'empereur Charles-Quint.
ET DE LEUR CIVILISATION
221
' de la manière la plus évidente et la plus claire; les images en " sont les mêmes que celles que nous dessinons souvent au- " jourd'hui, et ce sont ces images qui dessinent le sens des " vocables que je lis couramment partout.
" Ce cataclysme n'a rien en lui-même qui ait lieu d'étonner " les lecteurs. On sait que le récit s'en trouve, même avec des " détails fort circonstanciés, dans tous les documents prove- " nant du Mexique et de l'Amérique centrale, absolument •' comme l'histoire du déluge dans les traditions de l'ancien " monde. Qu'on li.se les annotations du manuscrii Letellier, de " la Bibliothèque impériale, ainsi que celles de la copie vati- " cane; qu'on interroge un à un tous les documents contenus " dans la collection de Kingshorough, qu'on les compare à ce " que disaient Gomara, Motalinia, Sagahun, Landa, Cogolludo, « partout on aura les mêmes témoignages au sujet de ce cata- " clysme. »
Hélas! nous nous demandons comment un savant comme l'abbé Brasseur de Bourbourg a pu commettre une pareille erreur et comment il a osé publier ce qui suit :
Exposition et analyse de la pai^e J'onnanl le tilrc du nianuscril Troano.
« Traduction libre : « Le maître... C'est celui de la terre sou- " levée, le maître de la calebasse, terre soulevée de la bête lauvc, ■ au.\ lieux abîmés sous les flots-, c'est lui le maître de la terre " soulevée, de la terre gonflée, de la mesure, lui le maître du " bassin de l'eau. "Voie descendue; abîmée; sans soutîle; voie " descendue, abîmée de toutes parts, les hiontagnes s'y sont " soulevées en dix-neuf endroits, etc., etc. »
« Première inscription du tableau inférieur n" i, de la plan- " chc première :
La terre du croissant, pays aquatique, a été abîmée sous les « eaux, gonflée qu'elle était comme une grenouille. Voilà que
1 [
222
nrc I.'ORIGUIK DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
'. le sourtle voloani(.iUC va le saisir. 11 se lèvera, celui qui a là " son j^îte. Sa voie, c'est ce qu'il a amoncelé sous la surface ri- dée de ia terre soulevée; sa marche, c'est la lave en avant, <■ c'est la surface glacée des terres soulevées ; sa voie, c'est ' la lave poussant le bassin de la surface des terres sou- " levées. »
Voici un dernier passage : " co co co u co ca co co co co bchic ; « co co co co hiic-hihum ; co co co co fa«, co co c<> co lahca ; co co
" co ca, p. 14S. Ce qui veut dire : lieux soulevés soulevés;
" croissant'.' deux lieux soulevés sont noyés 1 bouleversés , lieux " soulevés en di.v-scpt endroits; lieux soulevés quatre en chai- " ses dej ; lieux soulevés, douze :, lieux soulevés, deux. »
Il continue ainsi jusqu'au folio v : « Nous n'irons pas " plus loin actuellement dans l'interprétation du manus- M crit troano, dit-il en terminant. Ces pages, nous aimons à " l'espérer, suffiront pour donner de ce document un», idée " complète au lecteur. Que de choses il nous reste '» étudier et I' à apprendre dans les documents mexicains, si lo. ^^emps re- " poussés avec dédain par les philologues et les orientalistes!... »
On est vraiment peiné de voir un érudit aussi distingué que l'abbé Brasseur s'égarer à un tel point. Il a pris pour un alphabet une sorte d'aide-mémoire des chrétiens du Yucatan que Landa avait conservé et dont l'explication est donnée par Las Casas, quand il dit : « 11 arrivait parfois que quelques-uns d'entre ces Indiens, oubliant certaines paroles ou particulari- tés de la doctrine chrétienne qu'on leur enseignait et n'étant pas en état de lire notre écriture, se mettaient ù écrire en entier ces paroles avec leurs propres ligures et caractères, d'une manière fort ingénieuse, mettant lajigure qui correspondait chc\ eux à la parole et au son de notre vocable ; ainsi, pour dire : amen, ils pei- gnaient quelque chose comme de l'eau a, racine d'à//), puis un maguey (une racine de mo'J aloes), ce qui, dans leur langue, correspond à amen, et ainsi du reste. Quant à moi, j'ai vu une grande partie de la doctrine chrétienne ainsi écrite en figures et en images qu'ils lisaient comme je lis mes caractères dans
KT DE LEUR CIVILISATION
123
mes lettres, et c'est là une production peu connue de leur génie. " Nous avons nous-mème vu pareille chose en Chine. Ainsi, pour écrire le mot l'Vance, on se sert des caractères ta-lan-si. 'i'elle a été la cause de Tincroyable erreur commise par l'abbé Brasseur. Mais ce qui nous surprend le plus, c'est que les pein- tures du manuscrit troano ne lui aient pas ouvert les yeux. Car il suffit de jeter un coup d'teil sur les premières pages pour re- connaître que c'est une sorte de bible illustrée, de même que le (]odex mexicain de Dresde, le Codex vaticanus et tous ceux auxquels on a donné le nom de rituels ' qui contiennent sur la religion de ces peuples et sur leur astronomie les renseigne- ments les plus intéressants,
La première planche sans image du manuscrit Troano est une sorte de table donnant les noms de tout ce qui était en germe dans le chaos et ceux de l'être suprême en repos. La deuxième planche, tableau premier, en commençant par le bas à droite, et en allant de droite à gauche, est la créa- tion du ciel et du scarabée, emblème, comme en Egypte, du Devenir et des transformations. La légende explicative est elFacée. La deuxième légende est composée des caractères mu- luk-ik-manik-been avec l'œil fermé;. Le cinquième, qui est cllacé, était sans doute le caractère de la clarté, ce qui veut dire l'esprit du chaos liquide', crée l'obscurité et le jour, le ta- bleau à côté, représente en ell'et le dieu de l'obscurité et le dieu du feu ou de la clarté. {Voir le tableau, p. ■224.)
ï. Ainsi, dans le tome 111 J;.' la collcvlion Kiiigsborough, au premier manuscrit qui existe dans le musée Borgia. au collège de la Propagande de Uome, les quatre saisons de l'année sont indiquées avec les mêmes personnages que dans le manuscrit troano. Dans le Codex vaticanus, le feuillet 73 représente l'être suprême étendant les bras, et les pieds écartés, entouré des vingt signes des jours du mois. La page linal>' du C^odcx de Dresde représente le dieu des orages tel qu'il est liguié par le manuscrit troano.
224 ^^^' L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
Kj(.<V '
Si nous prenons maintenant la dernière planche trente-qua- trième du même manuscrit, le dernier tableau à gauche repré- sente le dieu bon qui est sur le point de retourner dans le chaos. Il tient dans une main le ciel et, dans l'autre, la vie; il porte devant lui la tète du dieu du feu et derrière lui enchaîné le dieu opérateur. Les dix caractères de la légende veulent dire: le maître de la vie, de toute source, de tout ce qui est droitj de tout ce qui est grand comme le ciel, de tout ce qui
i:i 1)1-; Ll-.LK CIVILISATION
223
est, de tous les esprits, retourne dans l'obscurité ou le chaos.
Le tableau précédent représente le dieu mauvais, tenant dans ses mains la mort et la vie; la légende est composée de carac- tères presque semblables en apparence à ceux de la légende que nous venons d'expliquer, avec cette ditlérence que chacun d'eux est modilié de manière à dire le contraire, à l'exception des deux derniers.
Nous nous en tiendrons à l'interprétation de ces deux ta- bleaux du manuscrit troano dont nous proposons de publier plus tard la traduction entière.
Aurions-nous donc trouvé la clef de cette écriture mysté- rieuse? Nous n'osons le prétendre. Cependant nous croyons pouvoir dire que nous sommes sur la voie et espérons qu'a- vec l'aide de savants, nous parviendrons à déchiU'rer sinon les mscriptions des monuments de Palenqué, Copan, etc., du moms les quelques livres que l'on a pu sauver du .aufragc de la civilisation indienne.
22(i
hl l.(J|(|(ilM. iJl .S |M)II,N^. \n N(Jl \'l /il-MOM)!
L'ORIGINE DL: LA CIVILISATION INDILTnN'L
l'KOlJVI.I'. l'AK l \ (;o\ll'Alv'A!>ON Dl..^ Md'JIKS Il (.fJl.inMI.^
l.'clLidc L()iii|virati\c lies iii'riii^ Ll ujutuiiiusj mi pcujilc csl un LXCL'Ikiit iiuncii i^oLii rceoimaitre son orij^inc. I,()rsi|uc clcux |H.n|ilcs possc'.'dcnl en c(;iniiiuii la ineinc coLiluinc, il huit aJinclIrc; >ju un ctal de lIioscs analo.^ucs a pu doiincr nais- saïuc plus dune lois a un niLinc usa,^c, ou bien <\n il est in- vraisemblable, impossible, i)u un tel usa^e ail pu se |iroduiie d une manière indepeikhinte dans plusieurs eiidroils a la lois. Dans le jiremier cas, la ressemblance observée est sans valeur, mais, dans le dernier cas, elle tend a proiivei d Une manière plus cm moins concluante que les peuples ijui |M>sséden( en commun cette coutume sont alliés par le san^, ou i|u ils ont été influences directement l'un j'ar l'autre ou qu ils ont puisé a i|iieK|Ue source commune, ou bien, eiilin, i|Lfe quelque com- biiKiisoii de ce j^enre a du se ]iroduire; en un mot, qu il y a eu un rappoil historique entre eux. (iesl ainsi >|u une croyance à limmortalile, i|ui se rencontre i^laiis beaucouj"» de |virlies du monde, ne prouve en aucune manière un contact liistoriL|ue entre les nation . Ljui la pr(jlessenl. Mais on ne p-eut en dire
' ' "I II I l< filVIl ISA MON
■-'■.>7
niit.'.nt s. une conceplion ctrango, duuv lomic peu commune se run.uvc ;. la |„is dans plusieurs lieux. - Il y .-, ,hns les ira- " diliousde rAu.Ori.iue centrale, dil .Max Mcllcr ', lliisloire de " deu.v Ireres .|ui, au mon.enl de parlir pour un dangereux " voyage au pays de Xihalh;,, („, leur père avail pen, planleul " chacun un r(,seau au nnlieii de la maison de la ^rand'mere '■ -'l"i <\u elle puisse savoir, en vovanl les roseaux fleurir ou se- " dessécher, si ses pelits-hls soiil ^ivanls ou morts. |,i même " t'.nceplion, exactement, se retrou\e dans les contes de " f.nn.m. (finaud les deux enlanls .U)r veulent aller voir le ■' n.onde et .juitter leur père, celiii-ci. loul insic, leur demande " conmient il pourra avoir de leurs nouvelles, el ils lui repo,.- " Jent : . Nous vous laissons les deux lis d or; «face a eux " vous poiirre/ voir comment nous iK,ns portons. S'ils .sont " ''■■•lis, c est >|uc nous sommes bien portants; sils se laneiit " c'est .jue non- sommes malades, s'ils lonihent a terre c'esî " M'ie nous sommes morts. ., (jriinin signale la même idée dans " les c(mtes indiens. > )r, cette idée es! assez ctran^'e, et ce uni " est encore plus Crante, c es) de la retrouver a la lois dans " I liKlc, la (jermanie et rAmérii|ne centrale.
■ Si elle .c rencontrait seulement dans ks contes indiens '■ cl Hcrmani.pies, nous pourrions la considérer comme une ■' propriété aryenne, mais, .piand nous la trouvons aussi dans " I Aiiieri>|ue centrale, ,1 ne nous reste ..jue .luux manières de " sortir u cmharras : ., (>„ ,[ un,,, jluu .nh„cllvc .j„,l y a c, à " nnc cp,n,„c rrcu,/c. cc/,a„^r J ,J^,s cuire les a>ln„, eurnpécs cl " lcscoulc,„-s ,„J„;v„csJc IA,ucr,.]„c. s„prns,nn„ .j,,,, ,nahn' /es ■' di//,a,//cs .jucllc prcsculc. ncst ccpciJanl pas ,„aJ,mss,Nc ■ nu " bien m>us devons nous demander s il n v a p;,s ,,ueK,ue ele- " M,ent intelligible et vraiment humain dans celte sympathie " supposée entre la vie des Heurs et celle des hommes ' I. étude comparative des coutumes peut donc être 1res utile
I. A
m:,,;;""' " """"'"'"■' '■-"■'■'■■'- "■'■"" ' ''- i.. ... p:„ M.,
228
m-: I. oRiciNi: ni:s ini)Ii:n.s ni; nol'vf.au-mondf;
pour retrouver les lions qui unissent les peuples. Nous allons examiner celles qui nous ont le plus frappé dans le Nouveau- Monde, et que l'on retrouve dans I ancien continent.
En Amérique, comme en (]liine, en lartarie et dans toute l'Asie, le plus i;rand désir de ces peuples était d'avoir une nombreuse pro.^éniture et d'abondants fruits de la terre, lisse conformaieni en cela au\ recommandations de .''or(.)astre. (té- tait ce qu'ils demandaient le plus souvent dans leurs prières. « Salut, disaient-lis, ô créateur, ô formateur, toi qui nous \()is et nous entends, ne nous abandonne pas; ne nous délaisse pas. Dieu du ciel et de la terre, donne-nous notre descendance et notre postérité; tant i.\uc marcheront le soleil et l'aurore. Que les semailles se fassent ainsi que la lumière! » • Popol viili, III" partie, ch. ni;.
" Salut, beauté du jour, Huracan, toi qui donnes la gloire et la félicité, donne des lils. des lilles, la vie et l'être à mes sujets. Qu'ils croissent, eux, les soutiens et les nourriciers de tes au- tels. Hn yràce, donne-leur des lils et des lilles. " Popol viili, ch. xu .
Au Mexique et dans l'Amérique centrale, quand un enfant venait de naître, de même qu'en Chine et en 'l'artarie, on tuait une dinde ou un canard, et on l'envoyait au prêtre. On allait ensuite au temple où l'on brûlait de l'encens et priait.
« Le cordon ombilical était coupé avec un couteau neuf sur un épi de maïs, dont les i^rains étaient conservés comme sa- crés. Au jour (ixe par les devins, on procédait au baptême. On se rendait sur le bord d'une rivière ou près d'une ton- laine, on la\ait le corps de l'enfant et on olfrait de l'encens et des papillons aux dieux. Avant de laver le corps, le prêtre prononçait ces paroles : « (]ette eau te purifiera des taches et des souillures que lU as contractées dans le ventre de ta mère, et, ainsi purifiée, ton existence sera heureuse. » Prenant alors de l'eau dans la main droite, après avoir souillé dessus, le prêtre en humectait la bouche et la poitrine de l'enfant. A la lin de la cérémonie, après avoir fait plonger lenfanl dans l'eau,.
i:t I)K lkuk civilisaiion
22f)
il disait : " Dieu invisible, liesceiuls sur celle eiui. Délivre cet enlaiil de ses péchés et iM-otè,i,'e-le contre la mauvaise fortune. ■> Se tournant vers l'enlant, il ajoutait : « Mon enti;nt, puisse Dieu te protéi^'cr et détourner le malheur de ta tète ! »
Quand le baptême était terminé, les devins tiraient l'horoscope du nouveau né, et, ^juelques jours après, on invoquait les dieux tutélaires en mcttanl dans la main de l'enlant de petits instruments en miniature, rcprcscniant ceux dont il serait ap- pelé à se servir plus tard. Dans certains pays, après le baptême, on passait six fois le corps de l'enfant sur les llammes et on lui donnait un premier nom. Trois mois après, les parents présentaient l'enfant au temple, et il recevait le nom de la di- vinité qui avait présidé à sa naissance. Les Jils des nobles avaient un troisième nom qui était celui de leur père Moto- iinia, p. 3ij).
Au Yucatan, aussitôt que l'enfant était né, il était porté au prêtre qui, après avoir examiné son horoscope et désigné le métier ou la profession qu'il devait embrasser ou suivre, faisait connaître le nom qu'il devait avoir pendant son enlancc. Plus tard, l'enfant prenait le nom de ses parents Landa, ,ii xxxii .
Au Pérou, le nom était uonné à Fenfanl quinze ou vingt jours après sa naissance. A dix ans, il en recevait un autre. Quelques- uns gardaient celui de leurs parents. Les cheis et seigneurs prenaient le nom qui leur plaisait Cieza . Le jour de la nais- sance était toujours célébré par des fêles.
Les enfants étaient sevrés en général à deux ans, et, à quinze ans, on leur perçait les oreilles. AuCuiatémala, les mères don- naient le sein à leurs eniants jusqu'à l'âge de trois ans sans jamais les confier à personne autre, les portant dans un lilet attaché à leurs épaules et faisant tous leurs travaux domesti- ques sans s'en occuper. Elles ne les mettaient pas à l'abri des intempéries et les faisaient coucher sur le sol ou dans un petit hamac. Dès que les enfants commençaient à marcher, on les habituait à porter de petits fardeaux. A cinq ou six ans, ils allaient déjà aux champs pour couper Iherbe ou en rapporter
i.U)
\)\ I OKKilNI l)r:s INDIIvNS Dli NOI'Vi;AlI-MONI)K
du bois. A mesure qu'ils croissaient, on leur enseignait ou un métier quand c'était le lils dun artisan (ju la chasse, la pèche, le tir de lare, la danse, etc. l-es mères apprenaient à leur lilles à moudre, à dénouer le coton, à tisser.
La plupart de ces i^eii|">les pratiquaient la circoncision. Cette assertion est corroborée par celles de (^o^olludo, liv. l\\ch. vi; de l\ Martyr, pjv .<l'i cl :■>;•>('), et de (îomara, p. \'M'). M. l'abbé lirasseiir ( licnic or. cl am.) dit t|ue la coutume de la circon- cision se retrouxe encore chez les Mi.xi, dans le centre de l'Isthme de 'l'ehuantepec. Suivant Mendieta, les Tolonaqucs pratiquaient la circoncision.
Il est une coutume bien curieuse, que nous avons re- trouvée au Yucatan, et qui prouve combien les peuples comprenaient l'esthétique ditléremment de ceux de l'ancien continent. Pendant que nous considérons le strabisme comme une imperfection de la nature, les habitants du Yucatan, d'après Landa, i^ x.\, regardaient comme une beauté de loucher, et les mères, pour obtenir le strabisme artificiellement de leurs entants, attachaient à leurs cheveux, dans leur basàf,'e, un petit morceau de plâtre qui arrivait au milieu des sourcils, et faisait que, les yeux se portant sur lui, le .strabisme ne tardait pas à se produire.
Les i^euples d'Amérique étaient très superstitieux en ce qui concernait les jumeaux, Lorsque deux enfants naissaient en- semble, i^resque toujours ils en immolaient un. Suivant Moto- linia, les Mexicains, en pratiquant cette horrible coutume, croyaient éviter un malheur pour les parents qui, .sans ce sacri- fice, auraient été menacés d'une mort prochaine. Les .\loxos, d'après d'Orbif^ny, étaient convaincus que, chez la f(;mme, la naissance de jumeaux était en dehors des lois de la nature, que les animaux seuls pouvaient avoir plusieurs petits, qu'un homme ne pouvait procréer qu'un seul enfant, et qu'un tel cas pouvait être considéré comme une preuve de finfidélité de la femme. Les indigènes ((Caraïbes , dit Laptan l't. I, p. 5(j2), tuent un de leurs enfants jumeaux avec l'idée qu'un enfant robuste vaut mieux que deux laibks que la emme serait obligée de
Il 1)1 i,n i( CIVILISA rioN 'ii^ I
nourrir. (^Iicv les Arniicnns, In naissance de deux jumeaux était considérée comme sacrilùj^e, et, ijuniquils rei^ardasseiil un des enfants comme (ils du tonnerre, les parents laisaient pénitence comme s'ils avaient commis un ^rand |Kclié; très souvent ils en mettaient iiii a mort et conservaient le corps dans un vase comme un objet sacré.
Cctf.c coutume se retrouve chez les Casias de IHindoustan. Quand ils ont deux jumeaux, ils en tuent un en disant que c'est une déf^radation et que les animaux seuls peuvent avoir plu- sieurs petits '. Les Ainos se débarrassaient toujours d'un de leurs jumeaux ^liekmore, Pr<>c. liosl. Soc ofnai. Iiisi. . Kn Ara- bie et dans la Guinée, dajirès Smith et l'.oniian. quand une temme a deux jumeaux, on la tue ainsi que ses entants. Dans la province de N^'uru.déi-iendante de l'empire d'I 'nyam/yembu, la loi ordonne de tuer les jumeaux, en les jetant à l'eau aus- sitôt qu'ils naissent /Speke, Discovcry af/lic source of ihc Nilc .
Dans l'antique poème dcl CabalUro del Cisiic. on lit ce pas- saf,'e : .. Le roi montra à la reine une lemrne assise à la porte du palais avec deux entants jumeaux dans les bras. Le roi dé- tourna la tète en pleurant - Ce spectacle me (ait mal, dit-il à la reine. ,Fe vais secourir cette malheureuse. — Non, répondit la reine, ne le lais pas, 'parce qu'il tant un homme pour procréer un entant et deux lemmes pour en laire deux. Autrement, c'est contre nature. Chaque (ils ne peut avoir qu'un père. Com- bien alors ceux-là en ont-ils? «
I-:n Amérique ', les Barents ne se contentaient pas de tuer par superstition leurs enfants jumeaux à leur naissance-, ils ôtaient également la vie à leurs autres enfants dans le but de s'afiran- chir de l'embarras de les élever, ou quand ils étaient trop nom- breux, ou entin lorsqu'ils avaient trop de (illes. Les Chichimè- qucs, dit Camargo, méprisaient, haïssaient et souvent tuaient leurs (illes. Suivant Oviédo, les habitants du Nicaragua ven-
i.SiucI, Ti\iiisAcli()ns,cil!iu)liii^ical Sdciely, vol. VII, p. JoS.
2. -Souvent, comiii-; nous l'avons .lcj;i .lit, les parents sacriliaicnt leurs propres en- fants aux idoles pour obtenir qnelipie laveur Je la ilivinité.
•j:^-'
l)K I. OKlt'ilNI' DfS INIMKNS DU NOL VKAU-MONDi:
daicnt et tuaient leurs enlants. Les temmes des ^'uracares, ra- conte d'Orhiuiiv, iiiimolciit de sanf;-troid leurs entants à leur naissance. On ne trouve pas chez elles le sentiment maternel et elles tuent lre«.iuemment la moitié de leurs entants, tout en res- tant esclaves de ceux qu'elles élèvent.
Les Panclies, quand leur premier entant était une tille, la tuaient et continuaient ainsi jusqu'à ce qu'ils eussent un garçon, (liiez les Moxos, souvent la mère enterrait ses entants vivants, simpIeniLiit pour se débarrasser d'eu.x; d'autres lois, à !a mort de leur mère, on en inliumait un certain nombre avec elle, s'ils étaient trop jeunes pour avoir besoin de soins étranj^'ers.
Cette horrible coutume a toujours existé, comme on le sait, en Chine, Les mères tuent leurs filles à la naissunce, sans que le sentiment maternel que l'on retrouve chez les animaux les empêche de commettre ce crime épouvantable.
N'oici un tait qui nous a été raconté par le révérend père Anot pro-vicaire apostolique du Kiangsi. Un jour, cet excellent pré tre ayant appris qu'une chrétienne nouvellement convertie avait noyé une de ses tilles, aussitôt après sa naissance, lu reprocha sévèrement sa conduite. Cette mère dénaturée lui objecta qu'elle était trop pauvre pour nourrir quatre ulles, et ce ne fut que lorsque le père Anol lui eut expliqué que c'était un péché capital dont elle s'était rendue coupable que le re- mords commença à se faire sentit , elle se mit à pleurer et pro-
■' de ne plus recommencer. Du reste, en Chine, on doit le dire,
. ne tue jamais les garçons, et plus leur nombre est considé- lable, plus les parents sont contents, dans l'espérance qu'après leur mort leur tablette (la tablette des ancêtres) sera mieux soi- gnée.
Les peuples d'Amérique prêteraient aussi avoir un plus grand nombre de tils que de tilles '. (cependant, quand ils n'a- vaient que des garçons, ils adoptaient une tille ou bien élevaient
I. Les Indiens do Guatemala, dit Xinicncs, jcûnaiLMit et priaient pour obtenir un tils.
r:T DK i.r:uH civif.iSATioN
■23}
un de leurs enfants mâles comme une (ille. Piedrahita (Tiv. 1'', ch. Ml K;.:onte que les Lâches avaient une loi d'après laquelle, quand une temme avait donné successivement le jour à cinq garçons, les parents pouvaient, à ià^e de douze ans, trans- lormer l'un d'eux en lille, c'est-à-dire l'habiller avec des vêtements de femme et l'élever comme telle. Il en résultait que, peu à peu, la ressemblance devenait si parfaite, comm^ forme et maintien, qu'on ne pouvait le distinguer des femmes. On les nommait Aismos. Us exerçaient les obligations des femmes avec la force des hommes. (^)uand ils étaient parve- nus à ràf,'e viril, ils étaient mariés comme des fcnmies, et les Lâches les préféraient à des femmes réelles.
Une très curieuse coutume était celle qui exigeait qu'à la naissance d'un enfant le père se mit au lit. A la naissance d'un enfant, dit d'Orbigny, dans Y Homme amcricain, chez les Chiri- guanos, c'est le père qu'on soigne. La nouvelle accouchée ne suspend pas ses travaux. Chez les (îuaranis du Paraguay, le mari jeûnait rigoureusement pendant quinze jours sans sortir. On le cousait dans un hamac, laissant une petite ouverture vis- à-vis de la bouche pour respirer, et dans cette position on le tenait deux ou trois jours enve'oppé, en l'obligeant au jeûne le plus rigoureux (Padre (luevarrai.
« Chez les Caraïbes de l'Inde occidentale, dit Du Tertre, quand un enfiin" est né, la mère retourne de suite à son ou- vrage, mais le père s'étend dans son hamac. Là il est soumis à une diète sévère; après quarante jours on invite les pa- rents qui, à peine arrivés, avant de se mettre à manger, font de larges entailles dans la peau du malheureux et lui tirent du sang de toutes les parties du corps. Ils prennent ensuite soixante ou quatre-vingts gros grains de piment et, après les avoir bien fait tremper dans l'eau, ils lavent avec celte infusion les écor- chures du pauvre malheureux qui ne doit pas pousser un seul gémissement. »
La grossesse d'une femme, chez les Guaranis, amène tou- jours beaucoup de pusillanimité chez le mari dont les actions
2^4
OF I. ORIGINK OKS INIMKNS niJ NOUVFAU-MONDr;
peuvent influer sur l'état de l'enfnnt et sur l'accouchement qui, traité inditléremment pour la lemme , oblige quelquelois le mari à prendre des mesures hygiéniques (d'Orbigny, p. '277). Chez les Guaqucs Indiens vivant sur les bords du Caqueta et du Patumaya), quand une femme est sur le point d'accoucher, le mari j^répare un rancho, où la femme est reléguée et .qu'elle ne quitte plus pendant trois mois. Pendant ce temps, le mari, étendu dans son hamac, ne commet aucun acte de violence et ne mange aucun aliment nuisible à l'enfant. Le tigre peut alors s'approcher sans craindre la flèche empoisonnée. L'Indien pré- férerait être dévoré plutôt que de tuer l'animal, parce que cela causerait la mort de l'enfant. Les trois mois écoulés, le père, la mère et l'enfant se frottent le corps avec des cendres et vont à leurs travaux ordinaires Albis, p. 10.
Au Kamtchatka, le mari, au moment où Ton attend la nais- sance de l'enfant, ne doit pas faire le moindre travail, comme celui de plier sur son genou des douves de traîneau.
Cette coutume si bi/arre se retrouve dans l'ancien continent, où son existence est attestée, p;;ndant près de deux mille ans, par des témoignages historiques.
Marco Polo, voyageant en Chine au xnr" siècle, l observa dans la province chinoise du Yunnan occidental. Mais elle remonte plus loin. Elle régnait chez les Scythes vers le commencement de l'ère chrétienne. Strabon dit que, chez les Ibériens du nord de l'Espagne, les femmes, après la naissance d'un enfant, soi- gnaient leurs maris, les faisant mettre au lit au lieu de s'y mettre elles-mêmes. Dans le même pays et chez les Pjasques modernes, qui sont les descendants des Ibériens, M. E. Michel a retrouvé la même coutume en vigueur, il n'y a que peu d'an- nées encore. Du pays basque, dans les Pyrénées espagnoles, cette coutume semble s'être propagée jusqu'en Erance, où x.'lle a reçu le nom de faire la couvadc. Ce n'est pas tout. Diodore de Sicile alîirme que, chez les indigènes de la Corse, on ne s'in- r était pas de la femme, mais que le mari était traité et mis au lit comme le vrai malade. On retrouve cet usage, d'après
ET DE EKUK CIVILISATION
235
Apollonius de Rhodes, au sud de la mer Noire, chez un peu- ple nommé Tibaréni. l<:niin, chez les Dayaks qui habitent la terre de Bornéo, le mari, avant la naissance de son entant, ne doit pas travailler avec un instrument tranchant, si ce n'est quand les soins de la culture l'exigent absolument. Il ne doit pas tirer de coup de fusil, ni tuer des animaux, ni faire aucun ouvrage violent. Après la naissance, le père est retenu prison- nier dans la maison pendant quelques jours; il est mis à !a diète, on ne lui donne que du riz et du sel.
Les historiens qui ont parle de cette coutume des peuples du Nouveau-Monde, ont oublié de dire qu'en même temps qu'un jeûne rigoureux était imposé au mari dans son lit ou son haiTiac, après la naissance de l'enfant, il devait demander à la di- vinité de protéger le nouveau-né, et que le jeune et le repos forcé n'avaient pas d'autre but que d'implorer la bonté de la divinité en faveur de l'enfant. " Pour rendre les dieux favorables à leurs prières, dit Piédrahita, les Chibchas jeûnaient toujours pendant quelques jours; cette abstinence était accompagnée d'une ré- clusion volontaire, durant laquelle ils ne se lavaient pas et n'a- vaient aucun rapport avec leurs femmes. Ce ''-iî avait lieu dans toutes les circonstances importantes de la vie. "
Le mariage, en Amérique, était un contrat unissant d'une ma- nière indissoluble l'homme à la femme et ne pouvait être rompu que dans certains cas par l'autorité civile. Ce contrat était passé, soit devant un prêtre, soit devant un représentant de l'autorité civile. 11 était sujet à certaines règles exigées par la loi. Ainsi il ne pouvait avoir lieu sans le consentement des parents des deux parties. En outre , certains empêche- ments de consanguinité étaient prévus depuis le premier jus- qu'au 4^ degré suivant les pays. Aux parents, comme en Chine, incombait le devoir de m.irier leurs enfants et ils se servaient pour cela d'entremetteurs ou entremetteuses, chargés de né- gocier l'affaire. Comme la société était divisée en castes, on ne pouvait se marier que dans sa caste et, dans certains pays, un noble qui se serait mésallié en se mariant avec une fille du
23()
1)K 1,'omCilNi: Dt.S INDIENS DU NOUVKAU-MONDR
pcLuMc, s'exposait à perdre son raiii; et ses hiens. (jénéralc- ment la dot était donnée par l'homme et lui était rendue en cr.s de divorce ou de séparation. D'autres t'ois, l'homme et la femme apportaient à la communauté chacun leurs parts de hiens. Au jour fixé par les devins, le mariage était conclu par un chef civil ou un prêtre, en présence des deux familles et des amis invités pour la cérémonie qui avait lieu, le plus souvent, dans le domicile du père de la jeune lille. Le chef civil ou le prêtre, après avoir demandé aux jeunes f^'ens leur consentement mutuel, unissait leurs mains, attachait leurs vêtements et décla- rait qu'ils étaient niariés. Dans certains pays, comme au (Jluaté- mala, le futur et la future devaient, avant le mariage, faire au prêtre une confession générale de tous leurs péchés. L'acte de mariage devait ensuite être enregistré devant témoins alin de servir de preuve en cas de besoin. Les mariages étaient ac- compagnes de têtes plus ou moins solennelles, suivant le rang, la lortune des conjoints.
La polygamie était permise, mais la cérémonie du mariage n'avait lieu que pour la première femme tant qu'elle vivait. Les autres femmes étaient des concubines qui devaient obéissance et respect à la femme légitime.
Les seigneurs avaient un nombre de femmes proportionné à leur fortune. Le peuple se contentait d'une seule.
Le divorce était accordé au mari dans les cas d'adultère, de stérilité, de mauvais caractère ou de malpropreté habituelle de la femme. La femme pouvai* également demander le di- vorce en certains cas. Ln cas d^ divorce, de séparation légale ou de répudiati(v-, les biens étaient divisés entre les conjoints d'après leur a, port. Ils pouvaient se remarier. La femme emmenait avec elle les filles et le mari les garçons; ils ne pouvaient plus vivre de nouveau ensemble sous peine de mort.
L'adultère était puni partout très sévèrement. Dans plusieurs contrées, la jeune lille était libre de ses actes-, on faisait peu de cas de sa cha^^teté. Mais, une fois mariée, elle était tenue à la
"
I-.T 1)1-: l.liUK CIVILISATION 237
plus grande fidclitc conjugale. La femme, en général, était plu- tôt une esclave qu'une compagne.
Les lois concernant les successions étaient dillérentes suivant les pays. Au Mexique, dans certa endroits, le lils aîné héri- tait de tous les biens et devait soutenir toute la lamille; dans d'autres lieux, les biens étaient partagés entre tous lesiils; les filles n'héritaient pas, et, dans le cas où il n'y avait pas d'enfant mâle, la succession revenait aux frères ou aux neveux. Au Pé- rou, l'héritier utait le (ils de la i->reniiére femme, ensuite le frère ou le lils de la sieur.
On voit, par cet exposé, que les coutumes relatives au ma- riage, les lois domestiques, maritales et tiliales présentent de glandes analogies avec celles de l'ancien continent, surtout de la Chine et de la l'artarie. Afin qu'on puisse mieux en juger, nous allons reproduire quelques extraits des meilleurs auteurs qui ont traité ce sujet intéressant.
Au Mexique, tout mariage entre personnes apparentées au premier degré de consanguinité ou d'allinité était strictement défendu par les lois du Mexique et du Michoacan, à moins que ce ne fût entre cousins et cousines '. Aucun mariage ne pouvait avoir lieu .sans le consentement des parents. (^)uand un fils était arrivéàràgeoùil pouvait diriger ses alliaires, c'est-à-dire à vingt ou vingt -deux ans et la femme à seize ou dix-huit, on cherchait à les marier con\enablement iClavigéro, liv.VI,ch. xxxviii). Les mariages entre frères et belles-sœurs n'étaient pas prohibés.
La polygamie était permise dans tout l'empire mexicain. Les rois et les seigneurs avaient plusieurs femmes iClavigéro, liv. VI, ch. xxxviii;.
Les anciens Chichimèques n'avaient qu'une femme (Ca- margo, Xoup. am., 11, p. 147 .
Le peuple se contentait d'une seule femme, tandis que les seigneurs en avaient un grand nombre, quelquefois plus de huit cents 1 Lettre de Francisco de Bologna).
!. I.ii mciiiv: toulunv.' cxisto cii Lliiiic.
23S
Di: I OKic.iNK i)i;s i.v ,ii:ns du nouvi-.au-mondi:
Un homme qui voulait avoir une concubine la demandait à ses parents d une manière dillérente que lorsqu'il s'agissait du mariage. 11 disait aux parents qu'il désirait leur tille pour avoir des enlanis d'elle. Quand un entant était né, les parents som- maient alors le jeune homme de se marier avec elle ou de la laisser partir, et il était oblige d'y consentir Zurita, p. ii5).
L'adultère était puni de mort (Clavigéro, liv. \'1I, ch. wn;.
ils ne considéraient pas comme adultère la cohabitation du mari avec une lemme non mariée {Clavigéro, liv. \'1I, ch. xvn).
Les Mexicains étaient très jaloux de la virginité de la temme qu'ils avaient épousée, et, quand ils l'avaient constatée, ils lui taisaient des présents ainsi qu'à ses parents Herrera, 111, p. 2 1 71.
Le divorce, comme en Chine, était accordé pour mauvais caractère, malpropreté habituelle et stérilité chez la iemme (Gomara, p. 440).
Chez les Mexicains, le rite essentiel était d attacher ensem- ble les vêtements du futur et de la luture. Chez les Mixtèqucs, après que les vêtements avaient été attachés, ils coupaient une mèche de leurs che\'eux qu'ils se donnaient mutuellement et qu'ils devaient garder avec soin (Clavigéro .
Chez les (Jtomites, quand un jeune homme voulait se marier, si la première nuit il trouvait quelque chose dans sa temme qui ne lui plût pas, il pouvait la renvoyer le lendemain. Mais, s'il ne le taisait pas, il ne pouvait plus labandonner. Le contrat était ratilié, et les mariés taisaient pénitence pendant vingt ou trente jours.
Au Yucatan, on ne pouvait épouser sa belle-sœur après la mort de son mari. Le mariage avec sa bellc-mèrej sa belle-scL'ur ou sa tante était détendu. (Jn ne tenait aucun compte des de- grés de parenté du côte de la mère, même comme cousins ger- mains i'Landa, ?J xxv).
Quelquefois les pères négociaient et concluaient les mariages pour leurs iils quand ils étaient encore petits (Landa, fi xxv).
Les pères devaient chercher pour leurs lils des filles de leur rang et tortune et. autant que possible, de la même localité.
1;T ni". LKUK CIVILISA liON 23q
Pour cela, ils s'adressaient à des entremetteuses, l'ne lois d'ac- cord, la dot était lixée. Le père du liitur l'envoyait au père de la luiure; en outre, la mère taisait des vètemenis pour son /ils et sa belle-lille. Au jour lixé, on se réunissait dans la maison du père de la fiancée. Là avait lieu un banquet, et, quand les invités et les parents étaient assemblés, le prêtre disait que, puisqu'ils se convenaient et que tout était suivant les rèf,'les, ils étaient ma- riés. Alors on donnait latemme à l'homme, et le banquet com- mençait. A partir de ce jour, le i;endre restau dans la mai.son de son oeau-père, travaillant pour lui pendant cinq ou six ans, et, s'il reiusait de travailler, il était renvoyé de la maison, et les mères s'arrangeaient de manière que la temme pût iournir le nécessaire à son mari, pour indiquer que le mariage n'était pas rompu Landa, ?; xxv
Au (iuatemala, les empêchements de consanguinité et d affi- nité ne concernaient que la ligne masculine. C'étaient les pa- rents qui contractaient le mariage pour leurs entants, et ceux-ci ne pouvaient se marier sans leur consentement. Quand ils étaient parvenus à l'âge voulu, et que tout avait été préparé par les parents, ces derniers consultaient les devins. Si, par la. combinaison des signes des deux jeunes gens, ils reconnais- saient que 1 alliance serait malheureuse, on s'inclinait devant leur décision. Dans le cas contraire, on taisait demander la jeune lille à ses parents, par des entremetteuses de la tamille du tutur, Ces temmes portaient un présent à la tamille de la jeune lille, et taisaient la demande de sa main. H était admis que la première fois cette demande devait être refusée, et qu'une nouvelle démarche devait être faite avec de nouveaux présents. Alors on répondait qu'on allait consulter la jeune iille et les devins. Puis, quelques jours après, on faisait savoir que l'on gardait les présents, ce qui indiquait que la demande était acceptée. Les deux tamilles se considéraient, à partir de ce moment, comme engagées. Au jour de la noce, fixé par les devins, le père du iiancé envoyait plusieurs femmes respecta- bles de la tamille, pour aller chercher la jeune fille. Chez cer-
240 i)i; I. ouiuiNL i)i;s i.ndiins dl nouveau-monde
taines tribus, le liancé lui-mcmc se rendait à la maison de sa future pour laccompa.^ner. Avant le départ, on laisail une grande tète dans la lamilie de la liancee, et, quand on se n.et- tait en route, toutes les personnes in\itées taisaient partie du cortège. Si la jeune lille était nohle, elle était portée en litière. Lorsqu'elle arrivait à la maison de son lutur, le liancé et ses parents la recevaient à la jiorte, précédés de quatre lemmes portant des llambeaux '. Le liancé, prenant sa luture par la main, la conduisait à la salle destinée à la célébration du ma- riage. Pendant ce tem.ps, on sacriliait des cailles et on ollrait de l'encens aux dieux. Les deux jeunes gens s'asseyaient sur une natte neuve disposée au centre de la pièce, et près d un leu allumé à cet ellet, La principale autorité civile ou religieuse attachait avec une épingle le vêtement extérieur de la jeune lille à celui du jeune homme. Le mariage était alors conclu. On faisait ensuite sept lois le tour du leu, on ollrait de Tencens aux dieux, et on échangeait des présents. La dot était constituée au moyen dune collecte laite entre tous les parents et vassaux du mari. La cérémonie se terminait par des danses et un ban- quet. Les deux époux ne devaient pas sortir durant quatre jours.
Leurs lits étaient des nattes de roseaux couvertes de petits draps, avec certaines plumes et une pierre précieuse, chalchiuh (sorte de jade vert ou émeraude ').
Aux quatre coins du lit il y avait des cannes vertes et des épines daloès qui leur servaient à tirer du sang de leur langue et de leurs oreilles, en l'honneur de leur dieu.
Le cinquième jour, au matin, les deux époux se baignaient, mettaient des vêtements neufs, et ceux qui avaient été invités ornaient leurs tètes avec des plumes blanches et leurs pieds et leurs mains avec des plumes rouges. La cérémonie Unissait par loliVande de présents aux invités, et le même jour on por-
1. KxactciDcnt les niCnics coutumes qu'en Chine.
2. Leur iJolàtrie con.sistait toujnurs ;i adorer des puries j-récKuscs nommées chal- ciiiuli, et des plumes qu'on appelait ihc sh.iJuir <>f tl>c ^<id. (I)uran, I. p. 220.)
KT DK M'IK CIVILISATION
241
tait au temple les nattes, les draps, les cannes et les mets qui avaient été présentés aux hôtes. (C]lavii,'ero, 1. VI, ch. xxxviii.)
Les Vucatèques achetaient leurs lemmes. Si celle-ci n'avait pas d'entant, son mari pouvait la vendre, à moins que son père ne consentît à rendre la somme déboursée ; l'ernaux-Compans, VI. p. 46;.
Au (juatémala, on ne pouvait être nommé à une fonction publique si Ton n'appartenait pas à la noblesse. Aussi y avait- il une loi pour conserver la pureté du sanj;, laquelle prescrivait que tout noble qui se mésallierait en se mariant avec une fille du peuple serait dégradé, deviendrait un ma/egual, prendrait le nom de sa temme, serait sujet à toutes les charges du peuple, et que ses biens seraient conlisqués, à l'exception de ce qui lui serait nécessaire pour vivre comme Ma/egual Juarros, p. njo).
Au Salvador, la polygamie était permise, mais le peuple, en général, n'avait qu'une femme.
Au Nicaragua, le futur et la future se présentaient devant le Cacique, qui leur faisait mettre les petits doigts de la main gauche dans une petite niche construite à cet ellet, et leur di- sait : " Ayez soin que, pendant tout le temps que vous serez mariés, votre vie soit honorable; veillez sur votre maison et vos enlants. » Il les laissait ensuite dans une chambre avec une petite chandelle allumée, et ils demeuraient ensemble regardant la petite chandelle jusqu'à ce qu'elle fût consumée. Aussitôt qu'elle était éteinte, le mariage était conclu.
Ils n'avaient qu'une femme légitime, mais pouvaient pren- dre comme concubines leurs esclaves (Cieza .
Chez les Chibchas, le mariage était défendu pour le premier degré de consanguinité, et, dans quelques lieux, pour le second (Herrcra, \', p. 88;.
Ils avaient autant de femmes qu'ils pouvaient entretenir. Le nombre des femmes du roi allait jusqu'à quatre cents. Mais une seule d'entre elles était légitime et l'union de cette dernière devait être consacrée par un prêtre.
Quand les Mozcas voulaient se marier, ils allaient devant
U)
242
DE L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
les prêtres, le bras du jeune homme posé sur lépaule de la jeune lille et vice versa. Le prêtre alors demandait à la femme si. elle aurait plus soin de Bochica que de son mari. Elle répon- dait oui. 11 lui demandait ensuite si elle aurait plus soin de son mari que des entants qu elle aurait de lui, si elle aimerait mieux ses enfants qu'elle-même? Après qu'elle avait répondu allir- mativement, il ajoutait : " Si votre mari mourrait de faim et que vous eussiez quelque chose à manger, le manderiez vous? » Elle devait dire non. " Promettez-vous qu'à moins d être ap- pelée par votre mari dans son lit vous n'irez pas. <■ Après qu elle avait promis, le prêtre se tournait vers le mari, lui de- mandait s il acceptait comme lemme celle qu'il tenait eml">rassée. Le mari répondait à haute voi.\ trois ou quatre fois : .l'accepte. Vous êtes mariés, disait le prêtre en terminant la cérémonie Piedrahita, 1. I, ch. iv).
Dans certaines tribus, les Indiens, en se mariant, ne se i">ré- occupaient pas si leur femme était vierge. Au contraire, une bonne conduite passait pour une incapacité de se taire aimer et écartait les prétendants. Malgré cela, une fois mariés, ils étaient très sensibles à leur infidélité. Si une temme était soup- çonnée d'adultère, son mari lui faisait boire une grande quan- tité d'aji qui lui brûlait les entrailles, croyant qu'ainsi elle con- fesserait sa faute. Dans ce cas, elle était, d après la loi, condamnée à mourir avec le coupable, qui pouvait se racheter par des présr-nts (Simon, p. 255). Celui qui perdait sa femme en couches était accusé d être le complice de sa mort et devait donner aux parents la moitié de sa fortune en dédommage- ment.
Chez les Péruviens, chaque année, ou tous les deux ans, le roi ordonnait à tous les jeunes gens arrivés à un certain âge de se marier, c'est-à-dire aux hommes de vingt-quatre ans et au-dessus, et aux filles de dix-huit à vingt ans, et unissant les mains des futurs, déclarait qu'ils étaient mariés (Garcilazo, i. IV, ch vui). Mais aucun mariage n'était valable sans le con- sentement des parents et la libre volonté des conjoints.
irr dp: leiu civilisation
24.<
Tous ceux de sanj^ noble pouvaient se marier avec leurs parents jusqu'au quatrième dej^ré.
Toute lemme surprise en lla^Tant délit d adultère pouvait être tuée sur le coup par le mari, ainsi que son amant, l.cs vierges du soleil qui commettaient un adultère étaient enter- rées vivantes et leur amant pendu. Cependant, si, étant en- ceinte, elle disait qu'elle l'était du soleil, elle était crue jusqu'à preuve du contraire (Gieza).
Chez certaines tribus, quand le mar.hf^'e était convenu entre des tamilles, les jeun.'S fj;ens se réunis.saient. Le jeune homme servait pendant quelques jours sa luture, puis, au jour lixé, après un ieùne de quarante-huit heures, en présence du prêtre, tous deux buvaient dans le même verre un [leu de chicha. Le futur mettait au pied de sa luture un soulier d'une lorme sini^u- lière et le mariage était conclu.
Les Curacas avaient plusieurs temmes (Cie/a, p. 44J. Chez les Canaris, les chets pouvaient prendre le nombre de temmes qu'ils voulaient , mais il n'y avait qu'une témme léi^Mtime. Avant leur mariage, les tilles du j-^euple étaient libres de leurs actes; mais, une lois mariées, elles devaient rester (idèles à leur mari Pi/arro, p. ^yi. Arriaga, p. 35, raconte que les mariages non précédés de cohabitation étaient rares et mal vus.
Chez, les (^ioUas, les lemmes taisaient ce qu'elles vou 'ent; mais, lorsqu'elles étaient mariées, elles étaient punies de ort eu cas d'infidélité.
Les veuves conservaient la chasteté la première année de leur veuvage et un très petit nombre se remariaient, si elles n'avaient pas d'entants. Les Indiens n approuvaient pas le ma- riage avec une veuve, spécialement si l'homme n'était pas un veuf.
Les Guaranis se mariaient jeunes. Tous prenaient une autre femme quand la première était un peu âgée. .Mais la première avait toujours droit au respect.
Nous aurions pu citer un plus grand nombre de cérémonies du mariage et des lois ou coutumes s'y rattachant-, mais cela
244
l)i: I. OHKilN'K DF.S INDIl-NS DU NOL'VKAl!-MONI)K
nous aurait entraîné trop loin. Nous espérons, en outre, que celles que nous avons mentionnées sulliront pour faire re- marquer les curieuses coïncidences qui existent entre elles et celles des (Chinois principalement, des .Japonais, des Hindous, des Perses, des (jrecs. des Romains et des anciens (jermains. Les enfants au Mexique, dans tout l'empire, héritaient de leurs pères, excepté dans la famille royale; et, en l'ab- sence d'enfants mâles, les droits passaient aux frères, ensuite aux neveux Clavij^éro, liv. \'ll, ch. xiii . I")an^ le peuple, c'était le lils aîné qui héritait de tous les biens et qui de- vait entretenir toute la lamille, frères et cousins au besoin. Quand il n'y a\ait ni frère ni cousin, les biens revenaient au chef de la communauté ou a la communauté qui en disposait à sa volonté. Dans d'autres endroits, les biens étaient parta- gés entre les lils. Les liiles n héritaient pas (jomara, p. 334'.
Les enfants étaient éle\és dans l'obéissance et le respect de leurs parents qui, comme en t>hine, avaient sur eux les droits les plus étendus. \'oici quelques-unes des exhortations que les parents faisaient à leurs eniants d après /uriia, pp.»i36-i3(), et qui sont empreintes des principes de la morale la plus pure : 0 Ne tue/ pas, ni n'empoisonne/ votre prochain, parce que vous ollénserie/ Dieu dans la personne de sa créature, que votre crime serait découvert et puni. N'injuriez jiersonne. Lvite/ l'a- dultère et la luxure, \\cc capital qui est très désagréable à Dieu et amène peu à peu la perte de celui qui s'y adonne. Soyez modeste, l'huniililé attire sur soi les laveurs de Dieu et des puissants. N'oUensez pas votre prochain et n'attaquez pas son honneur. Rendez-vous digne des récompenses que Dieu ac- corde selon son bon plaisir. Acceptez ce qu'il vous donne, re- merciez-le; et si ce qu'il vous a accordé est abondant, ne vous en enorgueillissez pas. Soyez humble, votre mérite n'en sera que plus grand et les autres ne médiront pas de vous. Si vous êtes vain de biens périssables et qui ne vous appartiennent pas en propre, \()us vous ferez moquer de vous, tout en olïénsant Dieu. Ne méprisez pas les autres, vous olfénseriez le Seigneur
ET l)K U:V\< CIVILISATION 245
qui vous a place dans une position lioiiorahL'. Aime/ votre semblable. Soyez charitable, bon, modeste, poli, calme et vous serez aimé et estimé. I'"aites votre devoir sans ostentation, parce que l'or^^ueil est ce qui déplaît le plus à Dieu. l-^Uorcez-vous de servir votre mari et de lui être a^Téable ; vous mériterez ainsi la laveur du ciel et il vous donnera des lils. Kemplissez vos devoirs en obéissant à Dieu et a vos parents; ne mentez pas-, ne trahissez pas, ne volez pas ; Dieu vous voit et sait tout ce que vous dites et pensez. <>
Les paren>s recommandaient à leurs filles de pratiquer la décence, l'obéissance et l'amour conjut^al. Ces préceptes res- semblent à ceu.\ que les parents de Tobie donnèrent à Sara h.
Au Yucatan, les filles n'héritaient pas. Les biens étaient partai^és entre les frères, à moins que l'un d'eux ne prouvât que la plus grande partie de ces biens venait de lui. Dans ce cas, la loi lui accordait une part plus considérable. A détaul de fils, les cousins et les plus proches parents héritaient. Quand les héritiers étaient trop jeunes pour administrer leurs biens, on leur donnait un curateur qui fournissait à la mère les moyens de les élever, la mère, habituellement, n'ayant rien en son pouvoir. Quelquefois, si le curateur était frère du défunt, il prenait ses enfants avec lui. Quand l'enfant était majeur, le curateur lui rendait compte de ses biens Landa, ?; xxiv .
La soumission et le respect des enfants pour leurs parents étaient absolus. Chez les Chibchas, les fils n'héritaient pas, mais les frères, et, s'il n'y en a\ait pas de. vivant, les lils de ceux qui étaient morts (Herrera, \, p. SS;.
Chez les Péruviens, dans certaines provinces le lils aîné hé- ritait, la succession passant régulièrement du père au fils. Dans d'autres provinces, le lils le plus populaire parmi les vassaux héritait. Dans d'autres enfin, les fils héritaient suivant leur âge respectif. Les Curacas observaient ces lois asani les Incas (Garcilazo, liv. IV, ch. x).
Chez les Canaris, les Huancavilas, le lils de la femme légi-
246
nr LORiCiiNi: nr.s indii:ns nu nouvkau-mondk
timc hcritait de la charge du pcrc, et, à défaut de lils, le Irère aîné et les (ils des S(eurs f(]ie/a, ch. xlix;.
Chez les indiens de Kiobamha, le lils de la S(eur héritait et non le (ils du Irère ((.'.ie/a. ch. xi.iii .
l'ne loi j-iéruvienne prescrivait que les en(ants devaient obéiràleurspnrentset les servir jusqu'à l'à^'e de vinj^'l-cinq ans.
i. es coutumes mortuaires des peuples du Nouveau-iMonde se reliaient toutes au système relij^ieux dont les bases, comme nous l'avons déjà dit. étaient les mêmes dans l'ancien conti- nent. D'après leurs croyances, le p.incipe \ital indestructible, I esprit, substance incorporelle, se dégageait de la dépouille charnelle du mort, habitait le tombeau, reposait sui le f^îte du mort pendant un certain temps et s intéressait aux vivants, les tourmentant ou les protégeant, suivant les soins et les ollrandes qu'il recevait des enlànts du détunt. La privation de sépulture, c'est-à-dire de gîte l( de libations Cunéraires, était regardée comme une source de maux. C'est pourquoi ils avaient tant soin de leurs morts et tenaient à les avoir auprès d'eux. Mais en même temps, avec leur sens pratique, ils avaient compris que, tout en conservant ce qui peut être gardé du corps, il (al- lait, dans 1 intérêt des vivants, se débarrasser au plus vite des chairs putréliables ou en prévenir la corruption par des procé- dés artificiels. Aussi s'empressaient-ils ou de brûler les cada- vres ou de les (aire dessécher, soit à lair, soit par l'action du (eu, ou de les momiiier, ou d'en enlever les chairs elles-mê- mes, ou de les faire dévorer par des animaux ; très rarement, ils les inhumaient entiers, c'est-à-dire avec les chairs naturelles. Quant aux modes de sépulture, ils variaient suivant les peu- ples et les pays. Ainsi, pendant que les uns inhumaient les res- tes dans des fosses ou trous dans la terre, dans dos tombeaux en pierres ou en briques, dans des tertres, en dedans, dessus ou en dehors de leurs demeures, dans des grottes ou des caver- nes, d'autres les conservaient dans des vases, sur des écha- fauds, des arbres, dans des ossuaires, sur la terre, dans des canots ou les jetaient dans l'eau.
i:t di; Lra'u civilisation
247
Ces diUcrcnts modes de sépulture et d'inhumation se retrou- vent dans l'antiquité, l/emkiumement était pratiqi é par un grand nombre de peuples, par les Perses, les Scythes, les égyptiens, .lusqu'à présent, on a émis diverses théories sur les raisons déterminantes de cette coutume. Suivant (]assien, les Egyptiens embaumaient parce que, durant le temps de l'inonda- tion périodique du Nil, aucun enterrement ne pouvait avoir lieu. I) autres auteurs ont prétendu que c était parce qu'ils croytient qu'aussi longten-.ps que le corps était préserve de la corruption, l'âme existait en lui.
Suivant Hérodote, l'embaumement avait pour objet d'em- pêcher le corps de devenir la prc des animaux. Les Egyp- tiens, dit cet historien, n' Miterraient pas les corps pour qu'ils ne lussent pas mangés \\ les vers; ils ne les brûlaient pas, parce qu'ils considéraient le l'eu comme une béte térocc dévo- rant tout ce qu'il touchait. Diodore de Sicile lait venir cette coutume du respect et de la piété filiale. MM. 'Volney et Pariset croient que c'était pour obvier aux dangers de la peste qu'on employait ce procédé aussi simple que peu coûteux. Nous croyons à notre tour, du moins en ce qui concerne les peuples d'Amérique, que cette coutume, qui ne s'appliquait qu'aux rois et aux grands chefs, avait pour but, tout en témoignant les sentiments d'aiTection pour les souverains décédés, de mainte- tenir le respect dû à l'autorité. Ce qui semble l'indiquer, c'est que les mêmes peuples brûlaient leurs morts. Donc ce n'était pas une question de religion. En outre, comme la crémation complète était réservée aux rois, aux guerriers, nobles, prêtres et gens d'un certain rang, on peut supposer que c'était un moyen de distinguer les castes après leur mort de même que les tu- muli ou tertres dont la forme et les dimensions marquaient également les rangs.
La crémation, comme on le sait, existait sur l'ancien conti- nent dans les temps les plus reculés, l'egg, The last act 18-6. raconte que cet usage était connu lors de la guerre de Thèbes. Il est fait mention de l'incinération des corps de Menœacus
,MMÎ
248 DH l'oKIGINE D1:S INniKNS DU NOUVEAU-MONDK
et d'Archcmonius qui iraient contemporains de Sayr, troisième ju,t;e d'Israël. Les anciens (jrecs^ les llomains, ks Hindous et un grand nombre de peuples antiques^ brûlaient leurs morts. Tous disaient avec raison e]uc c'était le meilleur moyen, à tous les points de vue, pour conserver les restes de ceux que l'on a aimés. L'inhumation du corps entier est dangereuse au point de vue de la santé publique, occupe une plus grande surface de terre utilisable, et est plus e.vposée à quelque bouleversement. L'embaumement est coûteux et ne peut être général. La dessic- cation par le feu est aussi un très bon procédé, mais ne vaut pas la crémation qui, sous un moindre volume, permet, si l'on veut, de conserver chez soi les cendres de ses morts, tandis que la momie, quelle qu'elle |^soit, otîre, sous ces rapports, de graves inconvénients.
La sépulture aérienne se retrouve chez plusieurs peuples de l'ancien continent. Les Colchiens enveloppaient leurs morts dans des sacs et les suspendaient à des arbres. Les anciens Tartares, les Hiong-nou, les Hoei-he, les Scythes avaient la même coutume.
La sépulture aquatique a été pratiquée par plusieurs peuples de l'ancien continent, tels que les Ichthyophages mentionnés par Ptolémée et vivant dans une région située près du golfe Persique qui jetaient leurs morts dans l'eau. Les Lotophages, les Cavaques avaient le même usage qui se retrouve dans l'Inde.
La coutume de faire dévorer, avr.."it de lesinnumer, les corps des morts par des animaux sauvages ou par des oiseaux ou par des poissons était commune à plusieurs peuples dans l'antiquité. Suivant Procope et Agathias, les anciens Perses jetaient les corps de leurs morts sur les chemins, et, s'ils étaient prompte- ment dévorés, le considéraient comme un honneur, tandis que si les chairs n'étaient pas mangées, ils disaient que c'était parce que le corps était mauvais, que l'âme reviendrait pour les tour- menter. Les Parthes, les Mèdes, les Ibériens et les Caspiens avaient la plus grande horreur pour la décomposition des corps.
''
ET DE LEUR CIVILISATION 249
Pour qu'ils ne fussent pas mangés par les vers, ils les laissaient exposés dans les champs alin qu'ils lussent dJvorés par les oiseaux de proie. Les Bactriens et les Hircaniens élevaient pour cela des chiens dont ils avaient le plus grand soin.
Les Bouddhistes du Bhoutan exposaient les corps de leurs morts sur des rochers. Les Parsis avaient et ont encore des tours du Si'jnce (Dakhmas; sur lesquelles ils déposent leurs morts que les oiseaux de proie viennent dévorer. Ils disent, à ce. sujet, que Zoroastre ayant enseigné que les éléments sont les symboles de la divinité, la terre, le feu et l'eau ne doivent jamais être souillés par le contact de la chair putréfiée. Ces parties périssables de notre être, ajoutent-ils, doivent être anéanties aussi vite que possible, de manière que la terre, notre mère, et les êtres qu'elle supporte n'en soient pas souillés. Notre procédé est tout ce qu'il y a de plus parfait au point de vue sanitaire ' et, pour plus de précaution, nous avons soin que î'cau qui lave les os, aille dans un réservoir où elle est purifiée par du charbon. Cela ne nous empêche pas ensuite d'avoir soin des restes de ceux que itous avons aimés. »
La coutume de déposer les corps ou les ossements ou les cendres des morts dans des vases, a existé chez un grand nom- bre de peuples de l'ancien continent. Les Chaldéens, comme les Indiens du Centre-Amérique et du Pérou, moulaient quel- quefois le vase sur la tête du mort et le faisait cuire ensuite, de sorte que la tête ne pouvait plus en être extraite sans briser !e vase.
Nous avons déjà dit que l'origine des tumuli, tertres, monu- ments, que les peuples d'Amérique élevaient sur leurs morts, était asiatique et que cet usage était commun à plusieurs na- tions de l'antiquité.
Si nous passons ensuite aux coutumes précédant ou suivant
I. Ce proccJc n'i.st pas aussi parfait qu'on le prétendait. 11 lis, en tout eus, il est préici-abic, au pcail lI.; vue sanitaire, à eelui que nous employons en enlerraiu les corps en entier, et qui, contredit, sous ce rapport, est le pire de us.
2D0
DK L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
les tuncrailles, nous allons retrouver l'.'s mêmes analogies avec celles de l'ancien continent.
Chez certains peuples du Mexique, Le moribond, dont la conscience était très chargée, se confessait au prêtre en taisant le serment de dire toute la vérité, et, comme serment, il touchait la terre de ses mains et lembrassait. Le prêtre lui donnait ensuite l'absolution qui avait pour ell'et, non-seulement la ré- mission spirituelle, mais le pardon temporel de ses fautes ou délits civils dan<? le cas où il échappait a la mort. Une autre coutume tort curieuse, qui existait au Mexique et au Centre- Amérique, était une sorte d'extrême-onction avec de 1 eau. Le prêtre, prenant un peu d'eau dans sa main, en humectait la bouche et le front du moribond, après s'être fait rendre compte de toute sa vie, et disait : " Puisse cette can qui t'a purifié de tes fautes lorsque tu es venu au monde, te sauver et te proté- ger dans l'autre '. »
Lorsque la mort avait été constatée par un médecin, les maî- tres des cérémonies funèbres étaient appelés et fai.saient la toi- lette du mort suivant son rang, sa position de fortune et les circonstances de sa mort. Mais toujours le mort était revêtu de ses plus beaux vêtements et on le pourvoyait d'un certain nombre de petits papiers sans lesquels il n'aurait pu faire le long voyage pendant lequel il devait rencontrer un grand nombre d'obstacles avant d'arriver au pays du repos où l'àmc attend le jour du jugement.
Ce voyage avec ses obstacles, le pont étroit, les rivières, les montagnes qui se battent, les déserts glacés qu'on doit tra- verser, que l'on retrouve sous les mêmes formes dans toute l'Amérique, font partie des croyances de presque tous les peuples de l'ancien continent dans l'antiquité. La toilette du mort terminée, on le gardait ainsi un certain temps et on pro- cédait û ses funérailles qui, lorsque c'était un roi ou un grand chef, étaient toujours accompagnées des sacrifices d'un cer-
I , Herrcra, III, p. ïîo.
1.1.
KT DE LEUR CIVILISATION
25l
tain nombre de victimes destinées à accompagner le défunt.
Cette coutume barbare se retrouve chez les Scythes, qui l'ont introduite dans toutes les contrées où ils ont fondé des établis- sements. Hérodote raconte qu'à la mort d un roi scythe, on enterrait avec lui une de ses femmes, un échanson, un écuyer, un secrétaire, un huissier, ses chevaux et ses ejfets les plus précieux. D'après Strabon, lorsque Alexandre le Grand péné- tra dans la Bactriane et l'Hircanie, il abolit cet usai,'e inhumain qui a existé éi^alement chez les anciens Grecs, les Gaulois, les Danois, les Hoei-he, dans l'Inde et jusqu'en Afrique, dans les pays de Whidah et de l>oniri.
M. Ferrand parle de la découverte, sous un dolmen de l'Algérie, d'un squelette replié sur lui-même avec deux crânes à ses pieds, appartenant sans doute à des malheureux immolés en son honneur. César dit, en par- lant des funérailles des Gaulois : " Ces funérailles, eu égard à la civilisation de ce peuple,sont magniliques. Tout ce qu'on croit avoir été cher au défunt pendant la vie, on le jette dans le bûcher, même les animaux,et, il y a peu de temps encore, on brûlait les esclaves et les personnes que l'on savait qu'il avait aimés. »
Une autre coutume commune à tous ces peuples, aussi bien dans l'ancitui que dans le nouveau continent, était d'inhumer avec le corps des vases remplis de mets et de boissons.
Cet usage a existé chez les Egyptiens, les Grecs, les Romains, les Gaulois, les Perses, et c'est ell'ectivement de leurs tombeaux respectifs qu'on a tiré les objets qui ornent nos musées. Cet usage n'était pas limité aux aliments, mais aux épices, parfums, huiles, qui étaient jetés sur le bûcher enllammé. Les Juifs l'a- vaient adopté, ainsi que les Chinois et les Tartares.
Les peuples d'Amérique inhumaient toujours les corps dans la position d'un homme assis, le corps recourbé.
Cette coutume, qui existait chez les Egyptiens, les Perses, les Mongols, les Chinois, les Mahométans, avait sans doute pour objet de rappeler l'attitude de l'homme avant de naître.
232 ni- I.'ORKilNK l'ES INDIKNS DL' NOU\'EAU-MONUK
Les tunOraillc'S étaient toujours accompagnées de festins, de repas, de danse et de musique.
Cette coutume se retrouve sur l'ancien continent. Un édit de (^harlemagne défend de boire et de manger sur les tombeaux des morts, et saint Bonit'ace, l'apùlre de lAllemagne, se plaint vivement que les prêtres encourageaient, par leur e.vemple, les festins de la mort. L'usage de semblables festins remonte aux temps les plus reculés. Il existait chez les Grecs {Odyssée,
ch. X et XI .
Durant quatre jours et quatre nuits, les peuples d'Amérique allumaient des feux sur la fosse.
Dans le vieux Testament il est dit : « Durant quatre jours et quatre nuits des feux seront allumés sur la fosse. » L'objet de cette coutume, chez les Indiens, était de procurer aux morts le feu nécessaire pour leur long voyage.
Plusieurs peuples d'Amérique inhumaient les corps dans leur propre demeure, qu'ils abandonnaient ensuite.
Ln Asie, les Mongols, les'lélégoulhs, les habitants d'iarkoutz, les Lapons, n'agissaient pas autrement.
Une autre coutume des Indiens en Amérique était, au mo- ment de la mort ou après la mort, d appeler le mort par son nom.
Quand quelqu'un mourait chez les Romains, les plus pro- ches parents embrassaient le corps, lui fermaient les yeux et la bouche, appelaient à haute voix le nom du mort en lui di- sant un dernier adieu. Cette cérémonie était connue sous le nom de conclamation, et était antérieure à la fondation de Rome,
En Amériqu'j, des pleureurs ou pleureuses loués suivaient le corps.
Cet usage était très répandu sur Tancien continent.
Un signe de deuil, en Amérique, était de se couper les che- veux.
Cette coutume est de la plus haute antiquité. Tegg rapporte que dans les temps anciens, quand un grand homme mou-
|:T Dis I.I-XK CIVILISATION
2 53
mit, toutes les femmes devaient couper leur chevelure. Les Perses étendaient cet usage à leurs animaux. Alexandre, à la mort d'EplKiJStin, lit couper la crinière de ses chevaux et de ses mules.
Certaines tribus indiennes brûlaient les veuves qui^ souvent, s'immolaient volontairement sur le bikhcr.
Cette coutume n'était pas particulière à TAmérique ni à rinde. Klle existait, à une époque reculée, chez les Thraces, les Gètes et les Scythes.
La veuve, chez certaines tribus du nord et du sud de l'Amé- rique, devait porter, pendant un certain temps, sur son dos, les os de son mari ou un rouleau d'étoile représentant son mari.
Nous retrouvons la même coutume chez plusieurs peuples de TAsie centrale.
La plupart des coutumes mortuaires des peuples du Nouveau- Monde existaient donc sur l'ancien continent. Nous allons prou- ver maintenant qu'elles se ressemblaient presque toutes chez les dillérenls peuples de l'Amérique.
Au Mexique, aussitôt que la mort était constatée, certains maîtres de cérémonie étaient appelés. Us taisaient la toilette du mort suivant son rang, sa position de fortune et les circons- tances de sa mort. Si c'était un guerrier, ils lui mettaient des vêtements semblables à ceux du dieu de la guerre, — et, comme a dit Gomara, ils étaient mieux vêtus après leur mort que durant leur vie. Quand la toilette du mort était terminée, et qu'on lui avait mis dafis la bouche une pierre verte pour remplacer son àme, on le plaçait dans l'attitude d'un homme assis, et ses amis venaient le saluer. Si c'était un roi ou un seigneur, les personnes qui devaient l'accompagner dans l'au- tre monde venaient également lui offrir leurs témoignages de bonne volonté. On mettait ensuite, près du mort, une cruche d'eau pour lui servir dans son grand voyage, et successivement différents morceaux de papiers sur lesquels était mentionné leur emploi respectif. En déposant le premier, ils disaient : « Ce
254
UV I. OKICilNK l)i:S INIMINS DU NOUVKAl'-MONDI':
papier te permettra de passer sans danç^er entre les deux mon- tagnes qui se battent entre elles. » \]n remettant le second pa- pier, ils disaient : ■■ Par ce nioycn, tu traverseras le pont étroit qui est gardé par un serjient. ■ l*our le troisième j^ipier, ils tli- saient : » Tu pourras, avec lui, traverser tranquillement la place où se trouvent le crocodile et l'ochitonal. " Le quatrième pa- pier était un passeixirl pour franchir les huit déserts; le cin- quième pour escalader les huit montajrnes , le sixième avait pour objet de permettre i.k' passer dans le lieu où le vent soui- lle avec tant de violence qu'il coupe comme un couteau et tait. voler les rochers comme des plumes. y\ cet ellèt, on brûlait tous les habits du mort, ses armes et quelques objets privés, alin que la chalem- du teu put le protéi,^er contre le troid de ce terrible vent. On tuait ensuite un /cv/;r7//, quadrupède domestique res- semblant à un petit chien, pour accomj^a^ner le deluni dans l'autre monde et l'aider à traverser la lameuse rivière du chin- huahuapan, ou des nouvelles eaux. Le pauvre animal, une corde au cou, était brûlé ou enterré, suivant le genre de sépulture.
Ceux qui mouraient a la guerre ou en captivité étaient sup- posés aller dans la maison du soleil, et leurs corps étaient brû- lés. On brûlait aussi les elligies de ceux qui étaient décédés en captivité, ou dont les corps n avaient pas été retrouvés.
La crémation était également employée pour les prêtres et nobles qui mouraient naturellement. Quant au peuple et à ceux qui succombaient des suite dune mort violente, ou d'une maladie honteuse, telle que la lèpre, l'ivrognerie, noyés ou frappés par la foudre, ils n'étaient l'oint brûlés, mais inhumés. Leur ame, avant de se rendre dans la maison du soleil, allait dans le paradis terrestre 'l'Iolocan. Avant de les inhumer, on avait l'habitude de leur mettre des grains de mais dans la bou- che, de peindre leur front en bleu et de laisser dans leurs mains de petits morceaux de papier nécessaires pour leur voyage, et une baguette.
La créination avait lieu sur un bûcher. Pendant que les maîtres des cérémonies mettaient le leu , le^ autres prêtres
ET DI-; Lr:uu civilisai ion
L'35
chantaient en chœur des airs adaptés à la cérémonie. Après que le corps était consumé, les cendres étaient recueillies dans un vase en terre, dans lequel on mettait une pierre précieuse de plus ou moins de valeur, suivant la position de lortune du mort. Ce vase était ensuite enterré dans une fosse profonde sur laquelle, pendant quatre-vinj^ts jours, on taisait des ollran- des (.le pain et de vin. Les parents devaient jeûner pendant ce temps.
A chaque lunéraille, on manf;cait et buvait beaucoup, et, si le mort était riche, sa lamille donnait des vêtements à tous les invités. Si c était un roi ou un 1,'rand seii^meur, un certain nombre d'esclaves devaient I accompai^ner dans l'autre inonde, amsi que son chai^clain, son intendant, son échanson, son nain, les gens dillormes de sa maison, .ses frè- res qui l'avaient servi et devaient le .servir dans l'autre monde; tous étaient tués et enterrés avec lui cl avec une grande partie de ce qu'il po.ssédait. Les ob.sèques d'un roi duraient deux jours. Les grands chets avaient des insignes et des trophées que Ion portait devant le corps, en procession, jusqu à len- droit où il devait être brûlé ou enterré. Un grand nombre de prêtres accompagnaient le mort ', les uns avec un encen- soir, les autres iisalmodiant, d'autres jouant sur des instru- ments des airs tristes ou trappant de temps en temps .sur un tambour; pendant ce temps, les parents et les invités l'aisaient entendre leurs lamentations. Ils avaient également des pleu- reuses. Le prêtre qui dirigeait la cérémonie portait le vêtement de l'idole que le décédé avait représenté 'tous les hommes d'un rang élevé représentaient des idoles et pour cela recevaient des honneurs). Aussitôt que le corps était brûlé, le prêtre s'avan- çait vêtu en diable, et, avec un grand bâton, remuait les cen- dres d'une manière si extravagante qu'il ellrayait tous les spec- tateurs (H errera, 111, p. 220;.
Quand c'était un roi, d'après Clavigéro, les tunérailles avaient
1. MciiiL C'iulumt cil Chmc.
2 56
Dr: LORiGiNt: ors indiens du nouveau-monde
lieu quatre jours après la mort. Le corps était couvert d'au moins quinze de ses plus beaux vêtements. On coupait une mèche de ses cheveux que l'on conservait précieusement. On introduisait une émeraude dans sa bouche. In masque, commeen Egypte, était mis sur son visage, et sur ses vête- ments les insignes du dieu dans le temple du quelles cendres de vaient être enterrées. On brûlait le corps avec tout ce qu'on supposait lui êu'e utile dans l'autre monde, sans oublier le techili. Pendant que le corps, les vêtements, les armes et insignes de la royauté brûlaient, on sacriliait, dans le temple, un grand nombre d'esclaves appartenant au défunt ou otlêrts par les seigneurs auxquels on ajoutait des hommes dill'ormes que le souverain entretenais pour son plaisir et quelques-unes de ses femmes. Le nombre des victimes était proportionné à la grandeur des funérailles et montait quelquefois à deux cents. Le jour suivant, les cendres, les dents restées intactes et l'éme- raude qui avait été mise dans sa bouche étaient recueillies et mises dans un cercueil avec les cheveux coupés après la mort et ceux recueillis lorsqu'il était enfant. Le cercueil, orné à Tinté- rieur de l'image des idoles que préférait le défunt, était ensuite déposé dans le lieu destiné à sa sépulture. Sur le cercueil, on peignait ou on sculptait le portrait du mort. Les quatre jours suivants, on faisait des ollrandes de mets sur le lieu de la sé- pulture. On sacrifiait des esclaves que Ton inhumait avec leurs instruments de travail, le cinquième jour, le vingtième, le qua- rantième, le soixantième et le quatre-vingtième. A partir de ce moment, on ne sacriliait plus de victimes humaines; mais cha- que année, au jour anniversaire des tunérailles, on sacriliait des lapins, et cet anniversaire était célébré quatre années con- sécutives.
Si un chef était sur le point de mourir, il choisissait parmi SCS concubines les deux qu'il aimait le plus et leur annon- çait qu'il désirait qu'elles l'accompagnassent pour jouir avec lui d'une vie meilleure. 11 disait la même chose à un en- fant d'une de ses concubines. Les femmes et l'enfant, croyant
i:r Di: i.i:;Lr< civimsaiion -^^n
que le chct les prêterait aux autres, lui promettaient Je le sui- vre.
Il n y avait pas de lieu li.xe pour y déposer les corps. Ix-s uns ordonnaient que leurs cendres lussent enterrées près de quelque temple ou autel, d'autres dans leur propriété ou dans des en- droits consacrés des montagnes où Ton avait l'habitude de faire des sacrifices. Les cendres des rois étaient déposées dans les tours des tempL-s. Les tombeaux de ceux qui avaient été inhu- més sans être brûlés consistaient en tosses prolondes revêtues de pierres et de chaux dans lesquelles on mettait le corps dans 1 altitude d'une personne assise avec les instruments de leur métier ou protéssion. On y ajoutait des urnes et des vases remplis de mets et de chicha pour le long voyage qu'ils devaient faire (Clavigéro, liv. VI, ch. xxxix .
Quand un marchand mourait dans un voyage, avis de sa mort était envoyé immédiatement au plus vieux marchand de son pays natal qui le communiquait à ses parents et amis. Immédiatement une statue en bois représentait le décédé et on lui rendait les honneurs funèbres dont aurait joui le corps réel du défunt Clavigéro, liv. \'I1, ch. xxxvnf:.
Le mort recevait des otlrandes périodiques jusqu'à la fin de la quatrième année. Durant toute cette période, on croyait que rame du mort était encore présente. Ce temps écoulé, les âmes résidant dans la maison des morts étaient supposées être pas- sées dans les neuf enfers, et celles qui étaient dans la maison du soleil transformées en oiseaux (Sagahun, liv. III, ap., ch. i"';. Même coutume en Chine et dans la Tartarie.
Après les funérailles, les parents retournaient au lieu de la sépulture pendant vingt jours et y déposaient des Heurs. Ils re- commençaient le quatre-vingtième jour et ainsi de suite de qua- tre-vingts en quatre-vingts jours. Après la première année, ils célébraient le jour anniversaire de la mort par des otfrandes et continuaient ainsi jusqu'à la quatrième année. Us ne laisaient plus rien ensuite pour le mort Motolinia, p. 3 il.
Les peuples de Gua/acualco et d'\'[uta croyaient que le mort
25S
Dl: I, OKIClNi: DKS INDIF.NS Df NOLVKAl.-MONni':
ressusciterait, et, quand les os étaient secs, il les mettaient dans un panier et les suspendaient à un arbre, afin que le mort à la résurrection pût les voir Herrera, IV, p. 97;.
Dans 1 île de Ala'.hado, tous les morts étaient enterrés, ex- cepté les médecins dont les corps étaient hrùlés. La couleur du deuil chez eux était le noir Herrera, IV, p. 38 .
Au Yucatan, les modes de sépulture étaient les mêmes qu'au Mexique, et les coutumes mortuaires se ressemblaient beau- coup.
Us remplissaient la bouche du mort de grains de maïs et de petites pierres qui leur servaient de monnaie, afin qu'il ne man- quai de rien dans l'autre vie. Us l'enterraient dans sa maison ou derrière sa demeure, mettant dans la losse quelques-unes de ses petites idole; et ses instruments de travail. Généralement on abandonnai! la maison du mort et on la laissait inhabitée après les tunérailles, à moins que le nombre' de personnes vi- vant ensemble ne lût cru sutîisant pour ne pas craindre le mort.
Les Mayas embaumaient les corps de leurs rois. Pour cela, le corps était enduit de cire londue. On retirait les entrailles, on le lavait et on l'emplissait de poudre d'osier pilé mélangée avec des aromates, de la graine de persil et de l'anis. D après Hérodote, liv. IV, ch. lxxi, ce mode d'embaumement était ce- lui employé par les Scythes. Les corps des princes, seigneurs et prêtres étaient brûlés. Ceux des autres personnes étaient inhu- més, après avoir été desséchés au l'eu, dans des fosses et tou- jours dans la position d'une personne assise et repliée sur elle- même.
Les Toitèques qui habitaient le Yucatan brûlaient ou inhu- maient leurs morts comme au Mexique.
A la Vera Pa/, quand un seigneur mourait, la première chose que Ton faisait était de lui mettre une pierre précieuse verte dans la bouche. L'objet de cet acte était, dit Ximènes, que la pierre reçût son âme. Au moment de la mort, on frottait légè- rement la figure du moribond avec cette pierre. L'introduction de la pierre dans la bouche et la réception du dernier soupir
Il i)i: i.i:ru CIVILISAI ion
■20i)
étaient conliccs au plus noble, el, dans la laniille du roi, a son plus .qrand lavori La pierre était conservée avec soin par cette personne qui, à cause de cela, était très considé- rée Le corps était maintenu dans la .position de I lionmie assis, et on rhabillait de ses plus beaux vêtements. Pendant ce temps, des messagers étaient envoyés dans tous les villages sous sa juridiction, et à tous ses amis. An jour lixé pour les tunérailles, tous les seigneurs invites apportaient des joyaux et d autres présents ou au moins un esckne ou deux pour les sacrifier. Les joyaux étaient déposés sur le corps qu'on re- couvrait de beaucoui">de manteaux. Ceci lait, le corps était mis dans une bière en pierre. On laisait un lart^e trou dans la terre et on y déposait la bière. Lorsque le seii^neur était à I ai^onie, on tuait tous ses esclaves, a(in qu'ils eussent le temps de le pré- céder et de préparer la maison jH)ur leur maître. (Juand on les enterrait, on mettait avec eux leurs ustensiles de travail, on élevait ensuite un autel sur la losse d'une coudcJ de hauteur, en chau.x et en pierres, sur lequel généralement on brûlait beau- coup d'encens en otlrant des sacrilices. Les gens du peuple, qui n étaient pas assez riches pour avoir de telles bières, tai- saient une longue et large pierre tombale destinée à recouvrir une tosse dans laquelle on maintenait le corps assis. Les au- tres cérémonies étaient semblables à celles qui avaient lieu pour les autres personnes Ximènes, p. 2 1 1 ;.
Au Guatemala, ils enterraient leurs morts dans leurs proprié- tés et élevaient des tertres ou tumuli en terre, correspondant en hauteur avec la position sociale du décédé. Dans quelques endroits, comme a Kabinal, ils élevaient des monticules de pe- tites pierres plates; ce qui laisait que leurs propriétés étaient remplies de ces P'ierres que leurs descendants avaient beau- coup de peine .. irer (Ximenès, p. 2i3j.
(,)uand un roi mourait, on tuait quelques-uns de ses servi- teurs et un certain nombre de ses femmes pour l'accompagner, souvent même ces malheureux se suicidaient eux-mêmes en s'empoisonnant ave: des poisons végétaux.
.•)0
DK LOUKilNi: l)i:S INUIIÎNS Dl' NOL'VKAU-MONDi:
Dans les niciiics (.montrées, on momiliait les corps on les fai- sant dcsscchcr à petit Icli, lue antre coutume sinj^ulière, qui existe encore en CJhine, étailj lors des lunérailles, tle laire pré- céder le Corps d un coq \i\ani.
Mil (]iiine, le coq accompagne également le cercueil sur le- quel il est perché, veillant à ce que lïime du déluut ne sorte pas du corps, ce qui serait un i^rand malheur pour la famille, atti'udu que cette àme pourrait revenir chercher querelle à l'auire àme qui est dans la tablette des ancêtres pendant que son double attemi son juf^ement. Les Hschort/ d'inf,'ria i'in- lande brûlent un coq blanc le jour de la Saint-Jean quand ils visitent les tombes. Le coq joue éi^alemcnt un rolc dans les su- perstitions scandina\.'ennes et gauloises. Kn Chine, quand deux jeunes gens se marieni, aN'ant la cérémonie, ils doivent adorer le ciel et la terre. On me^ ensuite sur une table des chandelles allumées et deux petits coqs blancs en sucre qu'ils se parta-
gent et mangent.
Lu couleur du deuil était le jaune. Ils se peignaient en jaune tout le temps qu'il durait (Ximenès, p. 214).
Les peuples du Salvador enterraient leurs morts dans leur propre maison, assis et revêtus de leurs plus beaux vête- ments. Pendant quatre jours et quatre nuits on pleurait le mort ; le cinquième jour, le grand prêtre annonçait que I ame était avec les dieux et qu'il était inutile de pleurer plus longtemps. Pendant ces quatre jours, ils chantaient les louanges du mort et SCS hauts laits. Si un hom.me du peuple mourait, ses enfants et ses parents se lamentaient. Si une femme perdait un cnlant, elle gardait son lait pendant quatre jours sans le donner à un autre, afin que l'enfant mort ne lit pas de mal au survivant
a>.
PalancOj p. (Si).
Ils construisaient sur la tombe des personnages distingués des tertres ou tumuli en pierres ou en terre (Arriaga).
Au Honduras, on a trouvé plusieurs grandes cabanes cou- vertes en chaume. Dans l'une d'elles, était un corps embaumé. Dans une autre, les corps, tous sans odeur, étaient enveloppés
i;t ï)E i.m;i< cinii.isaiion
Uf)!
clans du coton et des nattes Sur ces corps étaient des tahlettes de hois, sculptées, représentant différcnles li,i^ures d'animaux et, SLir quelques-unes, le portrait du mort Squier, Amâ-ii.]ue centrale, p. :j5i).
Les corps des prêtres et des personnes d'un certain ran^ étaient hrùlés. A (]arcay, avant d'enterrer les corps, ils les fai- saient dessécher.
Chez les Indiens de la cote de Mosquito, d'après Hancrolt, le corps était déposé dans la moitié d'un canot enveloppé d'é- totle. I,,es parents et amis maniteslaicnt leur chai^rin par des libations et les tommes s'inlligeaient toutes sortes de mortifi- tions. Ensuite quatre hommes nus et peints pour ne pas être reconnus et punis par Vulascha Huracan , saisissant une corde attachée au canot, le traînaient dans les bois avec accompagne- ment de musique. Là on inhumait le canot a\ec le corps dans une fosse, ainsi que son arc, ses llèchcs et tout ce qui pou\ait lui servir dans l'autre monde. L'autre moitié du canot était placée sur le corps. Sur la fosse on construisait une hutte dans laquelle les parents venaient déposer de temps en temps des mets et des boissons.
Au Nicaragua, on brûlait le corps des seigneurs et des caci- ques avec leurs vêtements, leurs plumes, leurs éventails et leur or; les cendres étaient recueillies dans un vase et enterrées de- vant sa maison. On brûlait également avec le corps des mets. Les corps des gens du peuple étaient brûlés, ou leurs ossements étaient conservés dans des vases qui étaient enterrés dans un cimetière commun.
Chez les Caraïbes de la côte de Mosquito, la veuve devait, pendant un an, avoir soin de la tombe du défunt et lui fournir tout ce dont le mort avait besoin, ensuite elle prenait ses os et les portait pendant un an, puis les déposait sur le toit de sa maison. Elle pouvait alors se remarier, (Nat. Races of Paci/ic slales, vol. I, p. 7ji. Bancroft.)
Dans les fosses, on mettait de petites idoles d'or, bien tra- vaillées, des objets en cuivre, des figurines en terre cuite. Les
m
:i(y2
ni- I. OKKiiM his ini)1i;ns dt noi viiai-mondk
vases conlenant les ossements ou les cendres avaii.'nl In lorme d'un ciàne humain Squier. NicaraiiiM, II, (Si^;.
Dans le Darien et l'ir^thme de l'anama, quand un chef mou- rait, on le couvrait d or après l'avoir revêtu ue ses plus beaux vélem-cnts. On le sus]X'ndait ensuite par ties cordes au-dessus de brasiers de charbon, deux vases étant placés en d.'ssous pour recevoir la ,i:raisse. Le corps, par la chaleur élu leu, était desséché et j^ardé dans le palais lie la famille du chel. (Cha- que année, le jour anniversaire de la mort, une léte était cé- lébrée en 1 honneur du mort.
Chez les (.ihihchas, le corps îles i^rands criminels était aban- donné dans les champs ]X)ur être dévoré par les animaux ''Si- mon, p. 2.5.5 .
Leurs modes lIc sépulture étaient \ariés. Ils embamnaient les corps de leurs rois et caciques avec une sorte de résine nommée mncoha et d autres inj^MX-dienls. Après que le mort avait été pleinx' dans sa maison pendant six jours, ils le déj'io- saient dans une sorte decav'erne bnhcda construite exprès. Ils rhabillaient de ses jMus idéaux vêtements, plaçaient autour des pains de maïs et des vases de chicha, ses armes, et dans sa main u\m^ (lèche en or, en souvenir de celle que I)Ochica lança de I arc-en-ciei quand il ouvrit le passade aux eaux de cette vallée. Dans les yeux, les oreilles, le ne/, la bouciie et au nombril, ils mettaient des émeraudes et de jietites pla- ques d'or eî autour du cou des colliers '(^hai^italas é,t;ale- nient en or. Dans la même bobeda on enterrait les esclaves et les leninies qu'il avait le plus r.in.és. .Mais, avant, on leur taisait prendre le suc d une plante qui les privait de toute sen- sation.
Les corj-is des rois de L)Of,'ota étaient mis dans des troncs de palmiers creux (Quelquefois on faisait dessécher les corps des rno.'ts dans d- > barbacoas au moyen d'un feu lent. Dans d'autres endroits, ils les mettaient dans des bahios, .sortes de sépulcres. D'autres étaient enterrés dan.s les champs, envelop- pés dans leur manteau. Sur la tcsse, on plantait un arbre pour
i:r i)[: i.kvh civri.iSAi ion
203
cacher la place afin qu'on ne vînt pas déterrer le mort pour enlever les objets précieux qui l'entOLiraient. Sur la tomix; de ceux qui mouraient de certaines maladies, on mettait des croix. Les (ils et lemmes du mort ne conservaient que ses terres, at- tendu que tout ce quil avait en dehors était mis dans la fosse. Le mort était pleuré pendant six jours, et a chaque anniver- saire du jour de son décès durant un certain temps Simon,
p. 2 5(J .
A la mort d'un zippa, tous ses sujets portaient le deuil en se peif;nant avec de l'ocre rouge.
Quelquefois, les corps, après avoir été embaumés et leurs en- trailles remplacées par des joyaux et de lor, étaient couverts de leurs plus beaux vêtements et portés dans une chapelle construite ad hoc et où on les laissait pour toujours.
D'autres étaient jetés dans des lacs profonds avec leur cer- cueil et les joyaux quOn y ajoutait ^Herrera, V, p. 90 .
Les Xèques cachaient le plus possible le lieu où était enterré leur chef ou caciciue. Quelquefois ils détournaient le cours d'une rivière et y mettaient le corps dans son lit, laissant la rivière reprendre son cours naturel 'Simon, }■». 291;.
Ces peuples élevaient éf,'a!cment un grand nombre de tumuli dans lesquels ils déposaient leurs morts.
Chez les Cara'ibes, un an après la mort, les ossements étaient lavés, peints, couverts de baume odoriférant, mis dans un panier et pendus à la porte de l'habitation. La femme du mort devait porter ce panier pendant un certain temps sur son dos, toutes les fois qu'elle sortait 'Gumella, IlisL A rOr- mocn, l, p. 202 !. I^our dépouiller le cadavre de sa chair^ ils rattachaient à une corde et le descendaient dans la rivière où les poissons, en quelques jours, avaient mis les (js.sements à
sec.
La coutume, chez les Caraïbes, avant d'inhumer le mort, était de pousser des lamentations, et de demander en même temps au mort pourquoi i'. avait prétéré quitter ce monde où il avait tout pour rendre sa vie agréable.
■HPiPPi
264
D! I.OIUC.IM: 1)!:S IN'DIKNS 1)1 NOl'VKAU-MONDI'
Les Caraïbes inhumaient quelquefois le cadavre dans leur demeure qu'ils abandonnaient ensuite.
Les PéruNieiis considéraient comme un malheur pour la fa- mille que les restes d'un de ses membres ne fussent pas inhumés ou inhumés loin d'eux ' (Cieza, ch. liv).
Les corps des rois, tels que les ïncas et autres chefs de tri- bus, étaient embaumés. Les viscères étaient extraits, déposés dans un vase d"or et conservés dans le temple de Tambo, à qua- tre lieues de Cuzco. L'ne quantité considérable de leurs joyaux, trésors, argent, or, pierres précieuses était enterrée avec eux, en même temps que des serviteurs et quelques-unes de leurs femmes, dont le nombre s'est élevé quelquefois à mille. Le peuple disait qu'ils devaient s"estimer heureux d'être ainsi sa- crifiés pour servir leur seigneur dans l'autre vie. « Il est certain, dit Garcilazo, liv. V, ch. v, qu'ils demandaient volontairement la mort et que les officiers étaient souvent obligés d'in'ervenir pour empêcher que leur nombre ne fût pas trop considérable. Le corps était embaumé avec beaucoup d'art. Jusqu'à présent on ignore le procédé dont ils se servaient. " D'après Hivero et " 'Lschudi {Anliijit'dii.dcs pcnianas, p. 204), les cadavres des " hicas devaient être incomparablement mieux conservés que (I les autres par un procédé qui devait être un secret de la fa- ■< mille, attendu qu'on n'a pas trouvé d'autres momies que " celles des rois et dos reines. Nous ignorons de quel procédé « se servaient ces maîtres dans l'art d'embaumer, ni quelle " substance ils employaient pour éviter la putréfaction et don- « ner à la peau une certaine flexibilité. Pour arriver à le sa- '■ voir, il serait nécessaire de soumettre une de ces momies " à l'analyse chimique. Lxiste-t-il, toutefois, une seule de ces " momies'? Garcilazo de la 'Vega dit qu'il en a 'S'u cinq, parmi ■' lesquelles l'une, lui avaient assuré les indiens, était l'Inca « Viracocha, l'autre le grand tupac Inca Yupanqui, la troisième « Huayna-Capac. Or, suivant d'autres, Gonzalo Pizarro fit
i. r.n même suDcrstition ii-L;iie en Chine.
FT 1)1-: l.KLK CIVILISATION
205
" déterrer et brûler le corps de l'Inca Viracocha à Haquija- '■ huana, celui de Huayna-Capac lut transporté de Pattalaeta à " Totocacha. Garcila/o de la Vega n'a donc pu les voir. On dit « que la momie de Huayna-Capac était si bien conservée qu'elle " paraissait vivante. Les yeux étaient imités de telle sorte qu'ils " paraissaient naturels. Tout le corps était enduit d'une sorte " de bitume. Sur la tète, on distinguait une cicatrice prove- " liant d'un coup de pierre. La chevelure était blanche et en- " tière; il était mort quatre-vingts ans auparavant. Le licencié " Polo Ondegardo, lorsque Don Andrès Hurtado de Mendoza " était vice-roi, transporta cette momie, ainsi que plusieurs « autres des Incas, de Cuzco à Lima. Finalement, les restes '- mortels de ces puissants et sages monarques furent enterrés " dans un coin de l'hôpital de San Andrès, à Lima. » Les mo- mies que l'on a trouvées à la côte ou sur la Sierra, d'après les mêmes auteurs, p. 207, ne rentérmaient aucun préservatif. A la côte, le sol chaud et le sable calciné desséchaient les corps, et, dans l'intérieur, l'air pur et le vent sec produisaient le même effet. H. Aleyen dit, de son côté, que pour conserver les corps à la côte, on les couvrait de sable sec et, sur la Sierra, qu'on les exposait à l'air sec avant de les enterrer Les corps des rois seuls étaient embaumés avec soin (Cieza, ch. xxxiii).
Le corps des Incas, une fois embaumé, était transporté dans le grand temple du soleil à Cuzco. Les hommes étaient placés à droite, les reines à gauche du grand luminaire. Les corps, re- vêtus de leurs plus beaux vêtements, étaient maintenus assis sur des chaises d'or, la tête inclinée vers le sol, les mains po- sées sur la poitrine.
La mort de l'hica était suivie d'un deuil général dans tout l'empire. A des intervalles déterminés, durant toute une année, le peuple assemblé renouvelait les expressions de son cha- grin. On faisait des processions dans lesquelles on déployait la bannière du détunt. Des bardes et des ménestrels étaient nom- més pour chanter ses hauts faits et les chants étaient répétés
■2C>i')
i)i: I. oKir.iNi I)f;s indiins di noivcad-mondI':
dans les (èle-i en jirOscnce Jii inonarc|ue rcf^mant 'Prcscott, /'cm, \\v. 1, cil. I 'i.
Il y avait dillércnts modes d'inhumer les morts. Les uns les mettaient dansdes trous creusés dans le sol, les autres au-dessus de la terre, d'autres sur la terre, et chaque nation avait une ma- nière dill'érente pour cf)nslruire les tombeaux :(]ieza, ch. i.xiiij.
Les anciens l'éru viens enterraient Iréquenurient leurs morts dans leur iiroi')re maison, qu ils abandonnaient ensuite. Une grande jiarlie des U'-lensiles de ménage était inhumée avec le mort. Sous une |iremière couche de terre, à 2 pieds de prolcjn- deur, on trouvait le corps bien conservé dans la posture d un homme assis. A deux jMeds au-dessous, les ustensiles, vases déterre, jarres, armes, instruments. Knfin, sous une troisième couche étaient placées les vaisselles d or et d'arf^^ent et les idoles de la maison 'l'schudi, /hrii, ji. ^•'(j3;.
Les Huacas, losses ou sépulcres, étaient de dillérentes tor- mes et grandeurs, sui\'ant qu'ils étaient destinés pour un indi- dividu ou des familles. A la côte généralement, mais pas tou- jours, une élévation marque I endroit où les corjis ont été inhumés et ils sont trouvés à côté lun de I autre dans les gran- des plaines. Dans l'intérieur, quoicjue encore a la côte, les huacas sont généralement voûtés et construits en briiiucs non cuites. Sur la Sierra, d'autre part, les tombes sont en maçon- nerie, carrées, ovales ou comme des obélisques. l\,es corps étaient mis au milieu des huacas, isolés ou en groupe, et sup- portés par des pierres ou des roseaux j-iour les maintenir dans Tattitude d un lu^mme assis. La lace était tournée vers l'est. A la tète des corj^s, étaient des rangées de )X)ts remplis de gmana, ma'is, patates, chair de lama desséchée; ces pots étaient couverts d'autres plus petits. J)es deux côtés dans un demi-cercle il y avait des instruments de cuisine , des jiots remplis d eau et de diiclia. Souvent des sacs de ma'is étaient placés entre les jiots et le corps , recouverts de sable (in sur lequel étaient mis différents objets, tels que vêtements, etc. Venait enfin une autre couche de sable et
I:T \)K l.KtH CIVILISAI ION 267
1,-1 tombe était Icrmce p;ir une maçonnerie. Les corps étaient enveloppés dans diliérentes couvertLires, et, L|uand on les retirait, ils ressemlilaient à des statues , à tel point qu'on pouvait reconnaître les diliormités de la tète, des ;^enoux et des pieds. I>e corps était enveloppé dans une natte liée par une espèce de filet en lorles cordes. Ces couvertures enlevées, on trouvait une lar^e bande eje coton entourant le corps de la tète aux pieds, et reli;nil entre eux des supfiorts en hiois pour soutenir la tête. Sous ce bandage était une épaisse cr)uverture rouge ou de (ilusi*eurs Cfjuieurs, et, sous celle-ci encore, un ou deu,\ vêlements. Au cou étaient attachés de petits prjts, des ornements, un petit sac de coca et généralement une petite idole en or ou en argent. Le dernier vêtement et;iil d'une étoile fine. Le corps nu était enveloppé dans deux ou trois bandes d'étofle. Dans la bf)uche on remar>.|uait une petite pièce d'or, i-l'argent ou de cuivre flschudi, /'on. il, |i. '.^i)-j .
Les tombes des Canclios étaient construites en pierres sur les hauteurs. Ils enterraient , avec les corps de leurs chefs, quelques-uns de leurs serviteurs et de leurs chefs 'Gie/a, ch. xf;vii;.
Les Indiens de Lo/a cachaient les corps de leurs chefs f(]\c/.a,
ch. MX;.
Dans la province de (Jauca, les corps desséchés des morts étaient mis dans des peaux, la face seule restant découverte exposée, et conservés dans la maison de la famille du défunt fCicza, ch. 1,1 V;.
A Quito, les corps étaient déposés sur le sol et, avec des bri- ques ou des pierres, ils élevaient j^ar dessus une tombe, [en- suite tous les serviteurs, parents et amis jetaient de la terre pour formel un tumulus qu'ils nommaient huaca. La hauteur et la largeur de ces tumuli étaient proportionnées au rang, à la di- gnité ou à la richesse du défunt iL'Iloa, I, 461 1.
Les Collas ', lorsqu un chef mourait, tuaient une partie de
I. '!<jnirnt Ils Xij(.|ui:s de l'ogola
268
m: I. ouiGiNF i)i:s indifns ne NorvrAr-MONDi-
ses femmes, de ses enfants et de ses domestiques pour l'accom- pa^Mier. On enterrait ei^alement dans le luiaca des personnes vivantes. Pendant les jours de deuil, on revenait danser de temps en temps à la place où le corps avait été inhumé. Les femmes qui restaient et les parents, en signe de deuil, mettaient des cordes de serine autour de leurs cheveux Cie/a, ch. c .
Quand un Indien de Puerto Viejo mourait, on l'inhumait dans une sorte de puits, et, pendant plusieurs jours, les parents invités et les amis dansaient, chantaient et pleuraient (Cieza).
Chez les Indiens des vallées de !a côte, quand un chef mou- rait, un i;rand nombre de femmes coupaient leurs cheveux. On inhumait dans le huaca quelques-unes de ses femmes, des mets, des bijoux.
Chez les Vuncas, le chef était inhumé avec ses trésors, ses serviteurs, ses femmes et ceux qu'il avait le plus aimés. Quand le huaca était plein, on enterrait ces malheureux dans les endroits où ils avaient coutume de se rendre le plus sou- vent, dans la persuasion que l'àme, passant par ces lieux, les prendrait avec elle pour la servir. Souvent ses femmes, pour que dans l'autre monde le maître bien aimé les tînt en plus grande estime, n'attendaient pas qu'on les tuât et se pendaient elles-mêmes en faisant une corde de leurs cheveux.
Chez les Indiens de Ldiacta-cunya, les temmes, en signe de deuil, coupaient leurs cheveux et devaient pleurer pendant un an.
Les Indiens de Tarina, en signe de deuil, portaient des vête- ments noirs et se peignaient le corps en noir. fCieza, ch. lxxxui.)
Après la mort d'un chef, ses femmes et ses serviteurs de- vaient continuer h; mérne genre de vie que s'il n'était pas mort. On faisait une statue d'or qui le représentait et qui était servie comme lui-même. Certains villages étaient désignés pour lui fournir tout ce qui lui était nécessaire. Le successeur faisait construire une nouvelle maison, et tous les oL-ijcts do- mestiques étaient remplacés, parce que le ills ne devait pas se servir de ce qui avait appartenu à son père .Andagoya, p. 5<.j).
ET Di: i.l:ur civilisation 26g
Quand un souverain mourait^ on lermait la chambre dans laqueilc il avait riiabitudc de dormir et personne ne pouvait y entrer. lout ce qu il possédait : joyaux, vêtements, était inhumé avec lui, afin qu'il pût s'en servir dans l'autre monde (Garcilazo, 1. VI, ch. iv^,
Un i^rand nombre de serviteurs étaient désignés pour avoir soin du corps des chefs après leur mort. Ceux-ci souvent abusaient de leurs fonctions en disant que le mort demandait telle ou telle chose qu'on s'empressait de leur donner.
Une coutume, très fréquente chez certaines tribus de l'Amé- rique, était d'exposer leurs morts sur des arbres ou par terre, pour que les oiseaux de proie dévorassent les chairs. Ils re- cueillaient ensuite les os et les enterraient. Les Caddoes Ascena, quand un de leurs chefs était tué dans une bataille, lais- saient son corps exposé aiin que les animaux ou oiseaux de proie dévorassent ses chairs.
Les Coroados du Brésil avaient coutume d'inhumer leurs chefs dans de i^rands vases de terre. Us les enfouissaient assez profondément au pied d'un grand arbre. Les momies, que l'on a retrouvées revêtues de leurs insignes, sont parfaitement in- tactes et placées dans l'attitude d'un homme assis sur ses talons.
Les Changos, d'après une découverte faite à Cobya, ran- geaient leurs morts sous une énorme couche de terre, séparé- ment par sexe et par âge, enveloppés dans leurs vêtements tissés de laine assez line. Ils avaient encore leurs cheveux et étaient couchés en long, coutume assez rare chez les nations améri- caines, qui reploient ordinairement les corps de manière à les remettre dans la position naturelle de l'homme au moment de naître 'd'Orbigny, l'Homme américain, p. 33j).
Les Araucans se limitaient à couvrir le cadavre avec des pierres et de la terre sans l'enterrer. Au moyen de pierres et de terre, on formait une espèce de monticule artificiel. On mettait à côté du mort ses meilleurs vêtements, ses joyaux, ses armes, du fou et des mets. On faisait du feu sur la sépulture pendant un an.
270
l)K l. oalCilNK DI.S INDIICNS DU NOU VKAU-MONDK
Chez les Yuracarès, à lu mort de 1 un d eux. tout ce qui ap- partenait au déluat était anéanti. On abandonnait .sa cabane et son champ, puis on Tenterrait. Les Patayons et les Puelches enterraient ou brûlaient avec le défunt, ses armes, ses bijoux et tous .ses animaux.
Les indigènes du Chaco, à la mort de l'un d'eux, se mutilaient de la manière la plus barbare en signe de deuil, se coupaient une articulation des doigts et se couvraient de blessures. Les Charmas brûlaient tout ce qui avait appartenu au détunt et tuaient sur sa tombe tous les animaux qui lui avaient servi. Pour exprimer leur douleur, les parents se couvraient les bras, les ilancs, la poitrine de blessures prolondes. Les temmes se coupaient larticulalion d'un doigt au décès de chacun des leurs, commençant par le petit doigt ; de plus, elles s'enfon- çaient le couteau du mort dans les chairs des bras, des seins, des lianes. Tous jeûnaient ensuite rigoureusement.
Les 'lobas et les Mataguayas enterraient avec leurs morts tout ce qui leur avait appartenu. Ces derniers abandonnaient ceux qui étaient atteints d'une maladie incurable. Les morts étaient enterrés assis, les membres ployés.
Les Abipones, les Samucas, les Chiquitos, les Monos inhu- maient avec le défunt ses armes et des vivres et on tuait ses chevaux sur la tombe.
Les Guaranisj les Cheriguancs, les Coroados du Brésil et les Indiens du Paraguay mettaient le corps du mort dans un vase de terre ou dans une fosse garnie de clayonnage au milieu même de la maison, la face tournée vers l'orient.
Les Guarayas enterraient leurs morts dans leur maison, la tête tournée vers l'Orient '. Les corps étaient placés dans une fosse profonde. Leurs armes étaient brûlées. Tous les Guara- nis, et notamment les Cayas, Manhès, Monduracas, Gentios, Bravos, confectionnent avec les tètes de leurs ennemis tués de hideux trophées ornementés de plumes iHamyj. (]ette coutume
I CcUc coutume ciaii su'vie par presque tous les peuples de l'Orient
ET DE LEUR CIVILISATION
271
qui rappelle les scalps des Peaux-Kouj^es du iNord iilteint sa perfection dans la tribu des Jivaros du haut Ama/onc. (Is sauvages parviennent à enlever d'une seule pièce et sans inci- sion toute la peau du crâne et de la lace ; puis, par un procédé imparfaitement connu, ils la (ont sécher et rétracter d'une façon si uniforme qu'elle se réduit au volume de la tète d'un nou- vcau-né, tout en conservant les formes du visaye. La cheve- lure très longue est précieusement respectée. Manuel Sobre- viela avait déjà, au siècle dernier, attiré l'attention sur des sauvages du Pérou oriental qui faisaient bouillir la tète de leurs ennemis. « Ils en détachent ensuite la peau qu'ils empaillent et font sécher à la fumée pour en lormer un masque. Les dents leurs servent à faire des colliers et ils susjiendent les crânes au loit de leurs habitations " (Les races saiwai^vs, par Alphonse Bertillon, p. 182).
Plusieurs tribus du Brésil et de la Guyane, de même que quelques-unes de l'isthme de Panama, laissaient mourir les vieillards qui leur étaient à charge ou les malades incurables dans une cabane abandonnée. On a dit même que quelques- unes mangeaient leurs morts. Lalilau raconte {Mœurs des sauvages, 1724, II, p. 40G; que quelques peuplades de TAmé-^ rique méridionale mangeaient les corps morts de leurs guer- riers. « S'il est vrai, ajoute-t-il, qu'il y en a qui font festin des cadavres de leurs parents, il est faux qu'elles les mettent à mort dans leur vieillesse pour avoir le plaisir de se nourrir de leur chair et d'en faire un repas. Les nations qui ont encore cette coutume de manger les corps morts de leurs parents croient leur donner une sépulture plus honorable '. "
I. Comme I.afitau ne cite pas les noms des peuples qui mangeaient les corps morts de leurs parents, on peut douter de la véraeitc de son récit. Cependant, si l'on con- sulte riiistoire ancienne, on trouvera que, d'après Anquetil, chez les Scythes, quand un père ou une mère était atteint d'un mal incurable, on le tuait et on le mangeait. La victime était heureuse parce que, dans son idée, la sépulture qu'elle attendait était plus honorable que celle d'être mangée par les vers. Les Tari;ires, les Massagètcs, les Padéens, les Derbices et les Elledens étranglaient les vieillards, mêlaient leur chair avec du mouton et la mangeaient. Horace et Tertullien aBirment que les Irlandais et
r
1
2^2
Dr: L ORIGINE DES INDIENS Dl' NOIVEAU-MONDE
D après Garcilazo, liv. I, ch. xii, les Cucamas qui vivaient sur les bords des rivières Marànon et lluallaga, lorsqu'un pa- rent mourait, se réunissaient et le numj^eaient, rôti ou bouilli, selon qu'il était gras ou maigre; ensuite ils recueillaient ses os et taisaient ses obsèques avec de grandes cérémonies.
Nous avons retrouvé dans l'Amérique septentrionale, au nord et nord-ouest du Mexique, les mêmes coutumes mortuai- res que dans les autres contrées du nouveau continent. Ainsi, les tribus du Nord-Ouest, d'après M. Dali, Cotit. la N. A. Eth- nui, t. I, p. N9, tantôt enterraient leurs morts dans la partie ré- servée à chaque tamille dans la maison commune ou bien les plaçaient sur une plate-lorme en bois ou en pierre dans quelque abri de rocher. Ceux-ci reposaient sur de la paille ou de la mousse, et étaient recouverts de nattes. Un troisième mode de sépulture consistait à retirer les viscères des corps, ainsi que les matières grasses, à les taire dessécher et à les mettre dans des caisses enveloppées de fourrures et des plus belles nattes. Le corps était courbé le plus possible, maintenu assis, et la boîte était généralement suspendue dans quelque abri. Quel- quefois le chasseur était revêtu de son armure de bois et on lui mettait un énorme masque ' ornementé de plumes, avec une certaine quantité de pendants en bois. Avec le corps, on met- tait ou des efiigies de ses ustensiles les plus utiles ou ses usten- siles. Ainsi, depuis la presqu'île d'Alaska jusqu'à la Terre de Feu, ces peuples conservaient les corps de leurs morts em- baumés ou desséchés '.
les anciciis Bi'eloiis dJvoraient leurs iiioiis. C\vi/. les .Tiieions SeanJinavcs, dcsccnJants des Scythes, les vieillai\ls se précipitaient du haut des rochers à la mer pour ne pas être à charge à leur tamille. Les Ksquimau.\ et les Groënlendais les étranglaient quelque- ois. Les Kamlchadaies, les habitants de Varkoutz les laissaient mourir souvent dans une cabane abandonnée.
1. Ce masque se retrouve au Pérou, au Mexi'.iue et dans l'Amérique centrale.
2. Cette coutume existe également chez les insuliires aléoutiens. Martin Sautr-Bel- lings. Expédition, i8ci, p. lôi, dit que ces insulaires embaumaient les corps des hom- mes avec de la mo'.isse sèche cl de l'heibe et les mettaient ensuite, vêtus de leurs plus beaux habits, dans une sorte de cercueil, le corps maintenu assis, et l'enlerraienl avec
i:t dk lI'L'r civilisation
.73
Certaines ifibus du nord de l'Amérique conservaient les corps de leurs chets de la mè-me manière que celles du Darien et de l'isthme de Panama. On enlevait d'abord la peau, en faisant une incision dans le dos. On retirait toutes les chairs, laissant les nerfs attachés aux os qu'on faisait dessécher au soleil et qu'on remettait dans la peau, qui était gardée avec beaucoup de soin, afin qu'elle ne se rétrécit point. Cette opé- ration finie, on remplissait les vides avec du sable blanc. I^our empêcher la peau de se rétrécir, on l'imprégnait d'huile et de graisse qui la préservait de la corruption. On la recousait de nou\ .'au et on étendait la momie recouverte d'une natte sur une planche au-dessus du sol, dans une pièce préparée ad hoc. Les chairs séchées étaient déposées dans un panier au pied du corps, avec une idole pour le garder. Nuit et jour, quelque prêtre devait veiller '. Les Indiens de la Virginie et les Natche/ embaumaient le corps de leur roi Beverly, Ilist. of Virginia, p. iS5j.
La crémation était pratiquée également par un grand nom- bre de tribus du nord de TAmérique, surtout par celles qui vi- vaient sur les versants occidentaux des Montagnes Rocheuses. Tous ces Indiens jetaient dans le feu du bûcher tout ce qu'ils supposaient être utile au mort. Quelquefois, chez les L'tahs du sud, ils brûlaient tout ce qu'ils possédaient, ou bien couvraient déterre ce qui restait, et en tormaient un tumulus. Nous trou- vons la même coutume dans l'Amérique centrale et l'Amérique méridionale.
Des tribus enduisaient le corps du mort d'une couche de terre, d'un pouce d'épaisseur et le mettaient sur un petit feu.
ses llùches ci ses instruiiiems de pècht'. La tombe éiait décorée avec des nattes et Jea peintures.
Les habitants de la presqu'île d'Alaska embauitiaient les corps de leurs rois ou chefs (Lettres de Francis de Bolof^itaJ.
I. Des momies ont été découvertes dans les cavernes calcaires du Kentucky, à diilé- rentes profondeurs du sol. Une de ces momies se tient accroupie, les genoux replies sur la poitrine, les bras croisés et les mains posées l'une sur l'autre. On n'y distingue ni suture ni incision indiquant que les viscères en aient été retirés.
IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3)
1.0
l.l
1.25
H: lia
2.5
2.0
1=
1-4 il.ô
V]
<^
/2
^>
y
z!;^
é:
cF
4^
:\
\
'<6
V
;\
274
DE L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
Lorsque la terre et le corps étaient cuits, on les recouvrait d'une autre large couche de terre. Les Ethiopien» avaient une cou- tume analogue. Seulement au lieu de terre ils se servaient de plâtre.
Les autres modes de sépulture, dans le nord de l'Amérique, étaient les mêmes que dans le centre et le sud.
Les Soshones brûlaient ou enterraient ou cachaient les corps de leurs morts sous des rochers.
Après que le corps avait été brûlé, la veuve recueillait les os que le feu avait épargnés dans de l'écorce de bouleau, et les portail sur son dos pendant plusieurs années. Cette coutume, comme nous l'avons dit plus haut, existait chez les Caraïbes de l'Amérique centrale et du Darien.
Souvent la veuve, au lieu des os, portait, pendant un an, un rouleau d'étoffe qu'elle appelait son mari.
Les Cherokées, les hidiens de Nootka-Sound, etc., jetaient les corps de leurs morts dans les rivières ou dans la mer; d'autres regardaient l'inhumation dans Teau comme déshono- rante. C'était la peine infligée aux suicidés chez les Ahba- mans.
Quand on inhumait dans la maison, elle était abandonnée.
La tête du mort était tournée vers l'Orient.
Avant de brûler ou d'inhumer le cadavre, un brave faisait le récit de la vie du mort et l'appelait par son nom. Souvent il lui donnait des conseils pour traverser la grande rivière, le pont étroit gardé par un serpent, le désert, la vallée obscure, etc.
Toutes ces tribus avaient à ce sujet les mêmes croyances que les peuples du Mexique, de l'Amérique centrale et de l'Améri- que méridionale, ce qui est encore une preuve assez forte de l'origine commune de leur civilisation. Ce qui frappe égale- ment, c'est de retrouver partout, aussi bien au nord qu'au sud, un grand nombre d'autres coutumes mortuaires entièrement analogues.
Ainsi, en dehors de celles que nous avons déjà mentionnées, toutes ces tribus inhumaient les morts dans la position d'un
'un
ET DK LEUR CIVILISATION 2']5
homme assis. Certaines tribus brûlaient les veuves, qui sou- vent s'immolaient volontairement. Pendant six jours et six nuits, des feux étaient allumés sur la fosse, après quoi l'âme était supposée partie au galop pour l'heureux pays de chasse.
Ils mettaient auprès de leurs morts des vases remplis de mets et de boissons. Ils tuaient un cheval ou plusieurs chevaux, un chien, et quelquefois des esclaves et des femmes pour accom- pagner le mort.
Toutes les cérémonies mortuaires étaient accompagnées de danses, de musique et de libations. Le mort était pleuré du- rant six jours.
On conservait une partie des cheveux du mort qu'on gardait comme la représentation de son esprit. On laissait toujours une mèche au sommet de la tète.
Ils avaient également des vases dans lesquels ils mettent, les cendres et les ossements de leurs morts. Quelquefois comme dans le Centre-Amérique et au Pérou, les vases étaient moulés sur la tête du mort, de sorte que la tète ne pouvait plus en être extraite. Ce vase était cuit ensuite ou bien un cou lui était ajouté postérieurement.
Us inhumaient souvent avec le mort tout ce qui lui apparte- nait ou le détruisaient, ce qui était cause que souvent les fem- mes tuaient leurs enfants pour n'avoir pas à les entretenir après la mort de leur mari.
Quand une mère allaitant son enfant mourait, on enterrait l'enfant avec elle. La couleur du deuil était le noir ou le jaune, suivant les tribus. Ils se scarifiaient en signe de deuil et se cou- paient des articulations des doigts. D'autres, pendant un certain temps, ne devaient ni se peigner, ni se laver, ni porter la moin- dre parure. Ln certain nombre de tribus du nouveau Mexique et de l'Arizona laissaient les corps des morts exposés aux oiseaux de proie et aux animaux sauvages, et recueillaient ensuite les ossements qu'ils enterraient, ou mettaient dans des boîtes sur des arbres, ou bien conservaient dans des ossuaires. Enfin, nous dirons en terminant que dans le nord de l'Amérique les tertres
i.
276
DE L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
et iLimuli nommes Moiinds sont tout à fait semblables à ceux du Mexique et du Pérou.
En résumé, en lisant l'excellent travail du docteur H. Yarrow intitulé A fiirthcr contribution to l/ie stiidy of Ihe viortuary cos- tiims of the Novth Americans Indiens, on retrouve dans le nord les mêmes coutumes mortuaires que dans les autres parties de l'Amérique, ce qui prouve, une fois de plus, que la civilisation aryenne s'est répandue dans tout le Nouveau-Monde.
Ces peuples avaient, en fait d'esthétique, des idées assez bizarres. Ainsi quelques-uns, comme ceux de Guancavalcas et de Guayaquil, se faisaient arracher cinq ou six dents supé- rieures, et, quand on leur en demandait la raison, ils répon- daient que c'était une question de beauté (Benzoni, p. 244). Ils déformaient, dans le même but, les crânes de leurs nou- veaux-nés, de manière à allonger leur nez et à aplatir leur front. Cette coutume, comme nous l'avons dit plus haut, était aryenne. Les Aryas avaient voulu se distinguer ainsi des peuples à couleur sombre qu'ils nommaient « peuples au nez de chèvre ou sans nez » et représentaient toujours leurs dieux avec de longs nez.
Gomara, ch. m, raconte que le gouverneur de I île de Puna non-seulement faisait couper le membre viril aux gardiens de ses femmes, mais le nez, afin de les rendre plus laids.
Une autre coutume que les peuples d'Amérique avaient em- pruntée à l'ancien continent était le tatouage qui était pratiqué dans tout le Nouveau-Monde. Nous avons dit plus haut que les peuples du nord-ouest de l'Amérique septentrionale se ta- touaient et se mutilaient la figure pour y placer des os ou des pierres, les uns aux "ités de la bouche, les autres au nez, in- dépendamment des oreilles. Les Mexicains se tatouaient^ se perçaient les lèvres et y portaient suspendus des crois- sants en or. Les seigneurs se perçaient aussi le nez et y atta- chaient des pierres précieuses. Landa, f^ xxi, raconte que les habitants du Yucatan se tatouaient et que ceux qui ne le fai- saient pas étaient un objet de moquerie. CogoUudo, liv. IV,
ET DE LEUR CIVILISATION 277
ch. v^ dit quCj par ostentation iis se faisaient des incisions avec des lancettes de pierre à la poitrine, aux bras et aux cuisses jus- qu'à ce que le sang coulât, et qu'ils mettaient de la terre noire ou du charbon sur les blessures. Quand celles-ci étaient cicatrisées, apparaissaient des figures d'aigles, de serpents, d'oiseaux et d'a- nimaux qu'ils avaient tracées avec leurs lancettes. Ils se per- çaient également le nez. Les femmes du Yucatan, d'après Landa (^ xxxi), avaient l'habitude de scier leurs dents, de manière à ressembler à une scie, et considéraient cela comme très beau. Cette opération était faite par les vieilles femmes au moyen de certaines pierres. Les femmes se suspendaient également aux narines un morceau d'ambre, ce dont elles étaient très fiè- res. Elles perçaient leurs oreilles pour y mettre des pendants comme leurs maris. Elles se tatouaient à partir de la ceinture jusqu'au cou; à l'exception des seins, leur corps était couvert de figures plus fines et plus délicates que celles des hommes.
Les Indiens du Honduras, suivant Squier {Central Avien'ca, p. 25o), se tatouaient de diverses manières et avaient de grands trous dans les lobes de leurs oreilles, à travers lesquels un œut pouvait passer, ce qui fit que Colomb appela cette côte « la côte de l'oreille » .
Au Nicaragua, la coutume de se tatouer, pratiquée sur une grande échelle, servait à désigner, par des figures diftérentes, les tribus. Les deux sexes, dit Oviédo, se perçaient les oreilles et se faisaient des dessins sur le corps avec des couteaux en pierre et une espèce de charbon nommé Tilé (Squier, Nica- ragua, III, p. 341).
Les Chibchas se traversaient le nez, les lèvres et les oreilles avec des anneaux d'or dont le nombre, chez les guechas (gardes), indiquait les ennemis tués dans les batailles. Ils se ta- touaient (Acosta, p. 219).
Les Quitchuas se tatouaient et se perçaient les oreilles. Ils croyaient que si l'orifice était brisé par quelque accident, c'était un mauvais présage. Ils mettaient des morceaux de coton d^s Torifice et chaque jour en augmentaient le nombre, afin
278 l)K LOUIGINE DI£S INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
d'élargir l'oreille et de l'allonger. Pizarro, p. 277, raconte que quelquefois les oreilles touchaient aux épaules, et que plus elles étaient longues, plus elles étaient considérées comme belles.
Les Péruviens, de même que les botocudos et les Lenguas d'aujourd'hui, regardaient comme une beauté de se les faire allonger jusqu'à tomber sur les épaules et, pour cela, les sur- chargeaient de poids et de morceaux de bois volumineux. C'était l'inca en personne qui perçait les oreilles aux enfants nobles lorsqu'ils avaient atteint l'âge de seize ans. Ceux-ci tenaient à avoir les oreilles les plus longues possible. C'est pourquoi les Espagnols, les appelèrent orejoues, le., longues oreilles.
Les Guancavillas se perçaient le cartilage qui sépare les na- rines et y suspendaient un joyau d'or ou d'argent.
La nubilité des femmes était généralement signalée et solen- nisée. Chez les Guaranis, des jeûnes rigoureux, des stigmates sur la poitrine, le tatouage d'une petite partie du bras et de la figure étaient ordonnés aux jeunes filles. Chez les Pampéens, chez les Araucans et les Yuracarès, on commençait par jeûner et se tatouer certaines parties du corps. La jeune fille et les parents se couvraient ensuite de blessures les bras et les jambes (d'Orbigny, V homme américain). Les Chiriguanes se mettaient des ornements dans la cloison du nez. A l'homme (p. 237) était réservé l'honneur de se faire une ouverture à la lèvre inférieure et d'y placer un bouton de plomb et d'étain comme une pièce de 2 francs.
Les Guaranis, comme les populations du nord-ouest de l'A- mérique septentrionale, se trouaient la lèvre inférieure pour y placer une pierre ou un os. D'autres se mutilaient toute la figure pour y mettre trois ou cinq ornements de ce genre.
Toutes ces coutumes se retrouvent chez les Egyptiens, les Huns, les Perses, les Pietés, les Gelons, les Scandinaves, les Japonais, ainsi que chez les habitants des îles de Yézo et des îles Aléoutiennes.
La plupart des peuples de l'Amérique s'épilaient. Ils avaient
ET DE LEUR CIVILISATION
279
rhabitude, dit Mendieta (p. 96) en parlant des Indiens du Mexique, de s'épiler. Les Indiens du Yucatan, dit Landa, § xx, n'avaient pas de barbe, et on dit que les mères, dans le bas- âge, brûlaient la face de l'enfant avec des étoffes, afin que le poil ne pût pousser. Maintenant, ajoute-t-il, ils ont delà barbe très rude comme des poils de renard.
Cassani, p. 86, raconte que pour empêcher la barbe de pous- ser, chez les enfants des Chibchas, on leur mettait sur la figure un emplâtre de bitume.
Les Péruviens, suivant Cieza, ch. lviii, s'épilaient. Ils por- taient toujours, à cet eftct, pendue au cou une petite pince en argent nommée ntov. Les Araucans avaient la même cou- tume.
Un grand nombre de peuples se peignaient le corps, soit pour effrayer leurs ennemis dans les combats, soit pour se pré- server des insectes. Les Indiens du nord-ouest de l'Amérique septentrionale se peignaient en rouge.
Les peuples du Mexique se peignaient le corps avant d'as- sister aux danses^ aux combats, et comme marque de deuil. Le matin d'un bal, des peintres des deux sexes se rendaient au marché avec des brosses et plusieurs couleurs, et peignaient la figure, les bras et les cuisses des danseurs (Motolinia, p. 53). Herrera, liv. IV, p. 16, parle des dessins que les Indiens du Yucatan se faisaient sur la figure et les bras. Les femmes du Yucatan avaient la figure peinte en noir jusqu'à ce qu'elles fussent mariées (Landa, ^ xxx). Les Indiens Itzaex se pei- gnaient d'une manière horrible lorsqu'ils faisaient leurs danses religieuses et qu'ils devaient combattre (Fancourt, p. 3i3). Cer- tains Indiens du Guatemala se peignaient en noir plutôt pour se préserver des moustiques que comme ornement (Juarros,
p. 194).
Ils avaient l'habitude de peindre leur visage et leur corps en rouge et, quoique ce fût bien bizarre, ils le considéraient comme une beauté (Landa, g xx). Les Indiens aiment plus les choses laides que les belles. Ainsi ils se défigurent en portant
i
280
DE l'origine des INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
de longs cheveux, en ne coupant pas leurs ongles et en enlai- dissant L'ur corps par tous les moyens. Quand ils dansent, ils portent toujours des masques hideux, noircissent leur corps et se couvrent de peaux de tigre et de queues de singes (Licana, fol. 27).
Les hidiens du Nicaragua se peignaient le corps. Ceux de Nicoya et surtout les chefs ainsi que les femmes se peignaient les bras en noir avec leur propre sang mélangé avec du char- bon.
Les femmes des seigneurs Quitchuas, quand elles étaient jeu- nes, se mettaient du vermillon sur les joues. Les jeunes filles, pour conserver leur teint, faisaient usage également d'une com- position laiteuse qu'elles laissaient neuf jours sur leurs joues iGarcila/o, liv. VIII, ch. xxv). Les Indiens du cap de Passaos et do Santiago jusqu'à la ville de Solango avaient la figure peinte plus ou moins (Cieza, ch. xlvi). Les Guaranis se couvraient le corps de peintures noires, rouges et jaunes re- présentant toujours des lignes droites, jamais des dessins d'oi- seaux ou d'animaux. Les Brésiliens se peignaient également le corps (d'Orbigny).
Les Indiens du Brésil se peignaient le corps, et les Araucans la figure. Us considèrent comme ornement, dit Carvalho, aussi bien les hommes que les femmes, des peintures de figures trian- gulaires dont ils se couvrent le visage. Cette peinture s'appelait colii. Les Pehvenches faisaient leurs peintures avec des subs- tances colorantes et du sang d'animaux. Les Changos se pei- gnaient la figure avec de l'ocre.
Cette coutume de se peindre le corps se retrouve dans l'an- cien continent. D'après Hérodote et Strabon, les Indiens, les Gelons, les Scythes de la mer Caspienne se peignaient en rouge et en blanc.
Au Japon, les femmes mariées se noircissent les dents ; et là, comme en Chine, dès que la jeune fille est nubile, elle se ma- quille la figure avec des couleurs blanches ou roses.
Se baisser était, chez les Mexicains, l'attitude du respect,
ET DE LEUR CIVILISATION
381
comme chez nous la génuflexion fUamirczi. 11 en était de même dans la Vcrapaz iTorquemada, liv. IX, ch. xix).
Dans les assemblées, les Mexicains restaient accroupis sans oser s'asseoir, ou cracher, ou regarder leur chef. Quand ils se retiraient, ils baissaient la tète, les yeux fixés à terre (Camargo. l^ouv. ami., II, p. 200).
La manière de parler aux supérieurs et aux inférieurs évait déterminée par des règlements. Quand ils parlaient à leur supé- rieur, leur voix devait être basse et douce ( Torqucmada, liv. XIV, ch. xv). Le salut consistait à incliner la tète (Ixtlilxo- chilt, p. i58).
Les seigneurs et les nobles enseignaient à leurs enfants à sa- luer chaque personne de rang qu'ils rencontraient, aussi que les personnes du peuple, si elles étaient vieilles; et quand quelqu'un, même d'un rang inférieur, les saluait, ils lui rendaient le salut en disant • « Que Dieu vous bénisse, bonne chance, grand- père. " L'autre répondait : « Mon pctit-lils, bonne chance, ioyez heureux dans votre route. » fSagahun, liv. VIII, ch.x.xxvn).
Ne se croirait-on pas en pleine Asie ou en Arabie?
Dans la langue mexicaine se trouvait un manuel de respect que chacun devait connaître et observer en parlant. L'inférieur ne pouvait se servir que de certaines expressions en s'adres- sant à un supérieur. Ce qui indique, dit Gallatin, I, p. 28, le misérable état de la société mexicaine et la complète dégrada- tion de la masse de la nation.
Dans leurs visites^ les habitants du Yucatan se faisaient tou- jours des présents (Landa). Le dais ou baldaquin était un insi- gne de la dignité royale.
Cracher devant quelqu'un était une marque de mépris et d'horreur (Garcilazo, liv. V, ch. ix).
Chez les Chibchas, le respect pour leur cacique était tel qu'ils se croyaient perdus s'ils voyaient son visage. Aussi ne lui par- laient-ils que le dos tourné. Quand ils avaient affaire à un ca- cique, ils courbaient le corps en inclinant la tète, et, après lui avoir offert un présent, tournaient le dos de son côté et s'as-
282
DE L ORIGINE DES INDIKNS DU NOUVEAU-MONDF
seyaient (Simon, p. 251:. Devant le cacique Goranchacha, le peuple se prosternait, la l'ace touchant le sol. On ne pouvait lui parler autrement (Simon, p. 264).
Dans les festins et autres réunions, ils s'asseyaient par terre et chacun, suivant son rang, avait sa place marquée; si quelqu'un usurpait la place d'un autre, ce dernier le prenait par les oreilles et lui reprochait son inconvenance (Simon, p. 258).
Quand ils entraient dans un temple pour faire une offrande, ils s'avançaient à petits pas, les yeux baissés et en faisant de fréquentes et profondes génuflexions. Us se retiraient de même (Simon, p. 249^.
Personne ne pouvait entrer dans le palais, quel que fût son rang, sans porter un petit fardeau sur ses épaules, comme mar- que d'humilité. Aucun seigneur ne pouvait se présenter devant rinca qu'avec des vêtements très simples et nu-pieds, por- tant un présent sur les épaules. Personne ne pouvait re- garder rinca en face. Le vêtement qu'avait porté une fois rinca, ou la coupe, ou le plat dont il avait fait usage une fois également, ne servait plus (Andagoya, p. 58). Une marque d'humilité était d'avoir les mains attachées et des cordes au- tour du cou. « Tous avaient le dos courbé, s'appuyant sur leur coude, et les mains levées. Alors ils adoraient et em- brassaient l'air » l'Garcilazo, liv. IV, ch. xxi). Baisser la tête où la remuer étaient des signes pour dire oui et non (Markham, Reports, p. io3).
Lorsqu'on entrait dans un temple, on ôtait ses souliers. « Tous ôtèrent leurs souliers, excepté le roi, à deux cents pas des portes du temple du Soleil; le roi se déchaussa lorsqu'il fut près de la porte (Garcilazo, liv. IV, ch. xxi).
Parmi les autres coutumes empruntées à l'ancien continent, nous citerons la torture, employée comme moyen de preuve en justice, et infligée avec des cordes, des verges, des bâtons et autres instruments ad hoc, que l'on retrouve chez les Chinois, les Tartares, les Scythes, les Japonais, etc.
F.T I)K LELR CIVILISATION
283
L'iiprcuvc du fer chaud et de l'eau bouillante, mentionnée par plusieurs historiens chez les Scythes, ks Scandinaves, les Francs de Charlemagne et chez un grand nombre de peuples de l'Asie, existait également en Amérique.
Quelquefois, pour célébrer un pacte ou un traité, les deux contractants, après avoir accomnli des cérémonies religieuses, prenaient une coupe, y versaient un peu de chicha, mélaieii quelques gouttes de leur sang avec la chicha, et vidaient la coupe; ce même usage était répandu chez les Scythes. Une autre coutume, celle de marcher toujours l'un derrière l'autre, se retrouve aussi bien chez les Esquimaux que chez les peu- ples de r Amérique méridionale. « (Jet ordre de marche leur est si naturel, dit le D' Crevaux, qu'ils le conservent en allant d'une habitation à une autre à travers la place du village qui est toujours vaste et bien dégagée. »
Leurj amusements venaient aussi de l'Asie. Ainsi leur Jeu favori était le jeu de paume, en gomme élastique de 3 ou 4 pouces de diamètre, que Ton lançait contre des murs blan- chis à la chaux, et qui devait être reçue avec le genou, le coude ou la jointure du poignet. Au milieu de la galerie se trouvaient deux grandes pierres avec un trou au milieu par lequel on pouvait faire passer la balle, ce qui était une preuve de très grande adresse. Ce jeu était l'amusement favori des Hoey-he et des Hiong-nou au moyen âge.
Les vêtements des peuples du Nouveau-Monde rappelaient, par leur forme et leur simplicité, ceux des peuples de l'Asie cen- trale au moyen âge.
Chez les Mexicains, ils consistaient dans le maxtlatl et le tilmatli pour les hommes, et le cueitl ainsi que le huipil pour les femmes. Le maxtlatl était une large ceinture couvrant les parties honteuses. Le tilmatli était un manteau carré de quatre pieds de long environ dont les deux extrémités ve- naient se réunir par un nœud sur la poitrine ou sur l'épaule. Le cueitl, ou robe mexicaine, était une pièce carrée dans laquelle la femme s'enveloppait depuis le milieu du corps jusqu'au
284 nt; l'origine des indiens du no '< au-monde
milieu de la jamhe. Le huipil était un petit veston ou camisole sans manches. Les vêtements du peuple étaient laits en fils de magucy ou de palmier de montagne. Les gens riches portaient des étoffes fines jn coton de difFérentes couleurs ornées de figures d'onimaux ou de Heurs; ou tissées avec des plumes ou du poil fin de lapin, avec de petites figures d'or et des fran- ges en coton pendant autour de la ceinture. Les hommes avaient habituellement deux ou trois manteaux et les fem- mes trois ou quatre huipils et plusieurs robes, disposées de telle sorte que chaque vêtement pût être vu. Les seigneurs faisaient usage en hiver, de vestes de coton avec des plumes entrelacées. Les femmes d'un certain rang portaient en dessus des huipils une sorte de surplis ou robe de prêtres, mais plus large, avec de longues manches. Les souliers n'étaient que des semelles de cuir, ou en étoffe grossière de maguey, attachée avec des cordons et couvrant seulement le dessous du pied. Les seigneurs ornaient ces cordons de riches rubans d'or et de joyaux fClavigéro, liv. Vil, ch. lxvi). Les manteaux des habi- tants de Cholula avaient des poches. Dans les pays chauds, près de la mer, les femmes se garantissaient le visage avec une sorte de voile ci fils jaunes {The Anouymons Writcr, ch. vi).
Ils ne se servaient de coiffure qu'à la guerre, dans les fes- tins et les danses. Cette coiffure était un casque en bois. Les enfants, au Yucatan, allaient nus jusqu'à l'dge de quatre ou cinq ans; leurs parties honteuses étant seules couvertes (Landa, § xxx).
Malgré la simplicité de leurs vêtements, les Mexicains met- taient beaucoup de luxe et de vanité dans les autres ornements de leurs personnes. Outre des plumes et des joyaux, ils por- taient des boucles d'oreille, des pendants aux lèvres et au nez; des colliers, des bracelets aux bras, aux mains, et des anneaux aux jambes. Les boucles d'oreille, pour les pauvres, étaient en écaille, en ambre, en cristal ou autres petites pierres brillantes. Les riches avaient des perles, des émeraudes, des améthystes ou d'autres pierres précieuses montées avec de l'or. Tous les
ET de: Lt;UR CIVILISATION
385
Mexicains conservaient les cheveux longs^ et se croyaient dés- honorés si on les leur coupait. Excepté les vierges consacrées au service des temples, les femmes les portaient déliés, les hommes les attachaient de didérentes manières et ornaient leur tète avec des plumes pour la danse ou la guerre.
Le vêtement principal des habitants du Yucatan était cons- titué par une ceinture de la largeur de la main s'enroulant plusieurs lois autour du corps et dont une extrémité aboutissait au front, l'autre au dos. Ces deux bouts étaient travaillés avec beaucoup d'art. Ils portaient en même temps un large manteau attaché à l'épaule, et avaient des sandales en chanvre ou en cuir de daim. Ils n'avaient pas d'autres vêtements (Landa, xx). Les femmes indiennes de la côte et des provinces de Bacalar et de Campèche, er ^ .s de la ceinture, mettaient sur leur poi- trine une pièce d _ jiic fixée sous les aisselles. D'autres por- taient un seul vêtement, ayant la forme d'un large SiT^ ouvert des deux côtés et descendant jusqu'aux hanches Elles n'a- vaient pas d'autre vêtement que ce manteau avec lequel elles dormaient (Landa, xxxi).
Les habitants du Yucatan portaient des pendants aux oreil- les, au nez et aux lèvres.
Au Guatemala, les vêtements des nobles en coton blanc, de ditKrentes couleurs, ce qui était interdit aux personnes d'un autre rang, atteignaient les genoux et étaient ornés d'une espèce de broderie; les jambes étaient nues. Comme chaussures, ils avaient des sandales attachées sur le cou-de- pied. Sur les épaules était jeté un manteau blanc (Juarros, p. 193).
Les Chibchas avaient une sorte de tunique descendant au- dessous du genou, et généralement en coton. La couleur en était le plus souvent blanche. Les nobles et ceux qui en avaient la permission pouvaient les avoir noires ou de couleur. Les manteaux carrés, dont ils se servaient également, étaient aussi en coton. Leur coiffure était un casque confectionné avec la peau de quelque animal féroce et orné de plumes de toutes
iMr
286
m: I. ouiCiiNM 1)1 s indidns du nouveat'-.mondk
couleurs. Les lemmes mettaient sur leurs épaules, premièrement un manteau carré nommé chircate, qui était attaché à la cein- ture par une large bande appelée chumbe ou maure. Deuxiè- mement u- autre petit manteau nommé liquira, et fixé sur la poitrine par une grosse épingle d'or ou d'argent .'lopoi, dont la tête avait la lorme d'un bec de faucon. Les seins n'étaient pas couverts (Uricoechea, p. 241.
Leurs chaussures étaient des sandales.
Les hommes et les femmes portaient les cheveux déliés sur les épaules, comme le Nazaréen. Les femmes mettaient beau- coup de vanité à les avoir longs et noirs; et, pour cela, elles se servaient de certaines plantes pour les faire pousser et les teindre. Le plus grand allront qu'un cacique pouvait faire à un homme ou à une femme, était de lui faire couper les cheveux et de lacérer son manteau fPiedrahita;. Les femmes ornaient leur tète de guirlandes de fleurs en coton de dilférentes cou- leurs. Quelquefois elles se servaient de lilets pour leurs cheveux, lous ces peuples connaissaient les joyaux d'or. Le front était ceint d'une demi-lune en or ou en argent, la pointe en avant. Ils avaient des bracelets et des pendants au nez et aux oreilles. Dans les grandes cérémonies, ils se peignaient la figure et le corps en noir, avec le suc d'un fruit nomme vija.
Les peuples de Quito portaient des chemises sans manches, ouvertes des deux côtés pour les bras, et au-dessus pour la tète. Ils avaient aussi de longs manteaux de laine ou de coton. Les manteaux des chel's étaient très fins, et de cou- leurs variées et brillantes. Comme chaussures, ils avaient des sandales faites avec les libres d'une plante nommée cabuya, sorte d'aloès, qui leur servaient également pour couvrir leur tète.
L'habillement des femmes consistait en un long manteau, avec des trous pour les bras, serré autour de la poitrine par une large et gracieuse ceinture nommée chumpi; elles mettaient sur ce premier vêtement un autre manteau élégant, parlant des épaules et couvrant le pied ; ce manteau s'appelait lopu.
f
ET I)F, LKUU CIVILISATION 287
Comme coiflurcj elles se servaient d'une bandelette très gra- cieuse, nommée unchas; les ménagères portaient un tablier blanc qu'elles avaient soin de placer sur le côté et non sur le devant de leur personne ; les usutas ou sandales complé- taient leur toilette (Cie/a, ch. xli).
Les Yuncas portaient tous des chemises en coton et de longs manteaux. Les hommes et les femmes avaient le même cos- tume, avec cette dillerence, que celui des femmes était long et large, comme une robe de chambre, avec des ouvertures des deux côtés pour les bras (Cieza, ch. li).
Les vêtements des Indiens, dans toutes les parties de la Sierra, étaient en laine ; et dans les plaines, sur la côte, où le climat est chaud, en coton (Garcilazo, liv. V, ch. vi). Les vête- ments en laine étaient confectionnés avec la laine du llama ou de la vigogne.
Le costume des Indiens du Chili, d'après le jésuite Diego de Rosalès, variait suivant la contrée. Ainsi, les uns se servaient de laine, d'autres de peaux, d'autres de plumes ou d'écorces d'arbres. Quelques-uns allaient nus, le corps peint et une cein- ture faite avec les fibres d'une plante nommée nocha couvrait les parties honteuses Les Puelches ne portaient qu une peau de guanaco, attachée à la ceinture ; les enfants et les jeunes filles des plumes ou de petites cordes tressées. Pour se dé- fendre des moustiques et du soleil, dans beaucoup de par- ties des Pampas, les Indiens se peignaient le corps avec une espèce de vernis.
D autres avaient des vêtements de laine comme au Pérou, et, comme coilfure, des bonnets de prêtres, semblables à des pains de sucre, dit Nunez de Pineda. Quelquefois ils mettaient sur la tête, en forme de coiffure, la peau du prisonnier qu'ils avaient capturé (Rosalès, t. I, p. 126).
Les différents vêtements des peuples du Choa étaient \c pon- cho, grand morceau d'étoffe carré, percé d'un trou au milieu pour passer la tête; une chemisette (tdcu); deux autres nom- mées llochoiv-macim : un manteau, rucu; un autre avec lequel
Jl
288
DE L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
ils se couvraient tout le corps, le chamal; un pardessus, mien- tecitl; etj enfin, les manteaux de femme, ecla et chone. Ils atta- chaient leurs vêtements avec une ceinture nommée machim. Sur la tète, ils avaient des rubans, taritonco-hiiyncha , etc. Leurs vêtements ressemblaient, comme forme, à ceux du Mexi- que et du Pérou.
Les Indiens de Cuzco étaient les mieux vêtus. Leurs vête- ments étaient constitués par une sorte de chemise sans manches, avec un long manteau attaché sur une épaule. Ils avaient des manteaux confectionnés en Lagidium Peruviantim, qui étaient aussi souples que de la soie tCieza, ch. cxiiij. Leurs chaussures étaient faites avec les fibres d'une plante blanche, ressemblant à du chanvre. Les femmes portaient des manteaux les couvrant des épaules jusqu'aux pieds. Autour du corps elles avaient une ceinture large de quatre doigts, nommée chiumbi. Leur cou était orné d'un collier fabriqué avec de longues aiguilles d'or et d'ar- gent nommées topi. Telle était la mode à Cuzco (Benzoni, p. 249).
La litière d'Atahuallpa était portée par quatre-vingts chefs habillés en bleu.
L'inca était vêtu habituellement d'une tunique descendant aux genoux, nommée nnca, et d'un manteau carré appelé yacolla. Sous un bras étaient des espèces de bourses atta- chées par une bande brodée allant de Tépaule au côté droit. Ces bourses ou sacs, nommés chuspas, servaient à porter la coca (Garcilazo, liv. IV, ch. ii). Atahuallpa se servait, comme coiffure, du llautu, turban de lain<j o i chàle de la plus grande finesse. Il avait des robes en peau de chauve-souris. Comme chaussures, les Indiens de Cuzco portaient des sandales en peau de daim, et dont la semelle était en cordes, comme en Chine.
Au temps des Incas, chaque Indien était distingué par sa coiffure particulière qui, pour les Couchucos, était faite avec des cordes ou des franges; les Cavinas se servaient d'un filet noir, et les Collas, de bonnets en laine ou de capuchons comme les moines (Cieza).
ET DE LELR CIVILISATION 28g
Les Péruviennes portaient, toutes, les cheveux longs et dé- liés, sans coiffure. Cependant, quelquefois, elles avaient sur le front une bandelette dun pouce de large qui se croisait le plus souvent sur la nuque et dont les deux chefs venaient en- suite se nouer sur la gorge comme une cravate. Les Collas se couvraient la tète à cause de la température froide de leur pays. Les jeunes filles aimaient beaucoup avoir une longue chevelure noire, et, quand elle était châtain, ou que les cheveux se fendil- laient ou tombaient sous le peigne, elles les mettaient dans un vase d'eau bouillante rempli de certaines herbes, dont l'une était la racine de la chuchau (agave americana) (Garcilazo, liv. VIII, ch. xiiii.
M. Casteinau part. III, pi. 34; donne la description d'un vase en terre, ayant la forme d'une tète humaine dont les che- veux sont disposés en de petites et nombreuses tresses, comme ceux que l'on trouve sur certains monuments de Ninive. « J'ai souvent vu, dit le savant voyageur, des nègres du Sénégal et de la côte de Guinée avec cette coiffure. » « Tous ces Indiens portaient beaucoup de joyaux en or, en argent ou en pierres pré- cieuses, à leurs oreilles, à leurs lèvres et à leur nez. Quelque- fois même, comme à Guayaquil, ils mettaient de l'or jusque sur leurs dents " (Cieza, ch. i.vi). Ils avaient des ornements en plumes admirables. Les vêtements, souvent, étaient enri- chis de figures d'or très bien brodés, et dans les grandes cé- rémonies de plaques d'or et d'argent. Les tuniques avaient dans ce cas, comme bordures, de petits morceaux d'or, très fins avec un trou percé à chaque coin, et qui étaient cousus tout autour du vêtement.
En résumé, on peut dire qu a quelques exceptions près, tous les peuples civilisés d'Amérique avaient un costume qu'on pourrait appeler national, il en était de même de la coitrure. Maintenant, si l'on compare leurs façons de se vêtir et de se coiffer, avec celles des nations de l'ancien continent au moyen âge dans l'Asie centrale, on retrouve encore là des analogies frappantes. Ainsi, autrefois, les esclaves étaient distingués des
'9
♦i
290
DE L OKIGINE OKS INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
•
I
hommes libres par leur chevelure qui était très courte. En Amérique, les bas-reliets et les peintures qu'on a pu conser- ver représentent le prisonnier ou l'esclave au pied de son vain- queur ou maitre, avec les cheveux coupés. Monca.ch Apé, dans son voyage de dévouvertes, raconte que certaines tribus du nord-ouest de l'Amérique septentrionale distinguaient, par la chevelure, i'esclave de Ihomme libre.
Les peuples du Nouveau-Monde, d'après tous les historiens, avaient une nourriture peu substantielle et mangeaient peu, mais aimaient beaucoup les boissons fortes et enivrantes. (3n a dit qu'en fait d'animaux dont ils faisaient usage pour leur ali- mentation, les principaux étaient le cerf, le lapin, le llama, le guanaco. Tours mexicain, le techichi, les cochons d'Inde, les cailles, les perdrix, les faisans, les dindes, acclimatées depuis dans nos pays, les tourterelles, les iguanes, les canards et dif- lérentes sortes de gibier, très abondant partout à la côte. Nous croyons ne pas nous tromper, en ajoutant à ces espèces le bos amcricamis, quoiqu'il eût disparu lorsque les Espagnols sont ar- rivés.
La base de l'alimentation était le ma'is avec lequel ils fai- saient une espèce de crêpe, nommée tortilla. Ils avaient dillè- rentes espèces de végétaux, parmi lesquels les frijoles (espèce de haricot) étaient les plus appréciés, des pommes de terre dont la découverte a rendu déjà tant de services à l'ancien conti- nent, des patates [batalasedulisj, des ignames, et, comme fruits, les bananes, les oranges, etc.
Les habitants des côtes vivaient, en grande partie, de pois- son ; comme assaisonnements, ils se servaient du piment et de la canelle. Leurs boissons étaient tirées des grains de maïs avec lesquels ils fabriquaient la chicha, delà yuca, du maguey ou aloès ' dont ils obtenaient le pulqué. d'une cerise sauvage et
I. L'aloc» ou maguey leur procurait presque chaque chose nécessaire à la vie. Outre qu'ils en taisaient d'excellentes haies pour leur champ, son tronc donnait du bois de charpente pour la maison et ses feuilles pouvaient être utilisées pour la couvrir. De ces mêmes feuilles, ils obtenaient du papier, du til, des aiguilles, des étofles, des sou-
i:r DK LIXK CIVILISAI K)N
agi
ic et
de certains palmiers. Le cacao leur donnait le chocolat. Avec le miel et l'eau, ils composaient une boisson très agréable.
Le peuple mangeait peu de viande et la préférait sechée au soleil. La table des seigneurs était assez bien approvisionnée.
Mâcher des feuilles d'érythroxylon coca a été de tout temps la plus grande jouissance des Péruviens. A dose élevée, la ccca enivre comme le hachich et Topium; à dose modérée, c'est un puissant stimulant. Un de nos amis, M. Heginald Graham, nous a raconté que dans une mission diplomatique qu'il rem- plit en Bolivie pour le gouvernement anglais, les Indiens qui l'accompagnaient parcouraient des distances extraordinaires sans prendre aucun aliment, ne mâchant que des feuilles de coca. Au Nicaragua, la plante nommée yaat, et au Venezuela, celle nommée hado jouissent des mêmes propriétés que la coca.
Toute cérémonie était accompagnée d'un festin dans lequel la plupart des convives s'abandonnaient \olontiers à leur pen- chant pour les liqueurs fortes.
Après leurs repas, ils fumaient du tabac que Nicot, ambas- sadeur de France à la cour de Portugal, lit connaître dans no- tre pays en 1559. Clavigéro raconte que les Mexicains ne se contentaient pas de le fumer, mais l'introduisaient en poudre très fine dans leurs narines. Les hommes se servaient d'une petite pipe. Les femmes fumaient plutôt la cigarette. Benzoni , p. 80, raconte que dans l'Amérique centrale, les indigènes récoltaient les feuilles d'une plante très com- mune dans tout le pays, et que lorsqu'elles étaient sèchées, ils les enveloppaient d'une feuille de maïs, mettaient le feu à une extrémité et l'introduisaient dans leur bouche d'où sortait en- suite une fumée qu'ils avaient gardée le plus longtemps pos- sible. Quelques-uns en abusaient tellement qu'ils en perdaient la raison et restaient la plus grande partie du jour et de la nuit
Outre
bois
ir. De
s sou-
liers, des bas, des cordes, et de son jus abondant du vin, du sucre et du vinaigie. Le tronc et les feuilles cuites lournissaient un alimentassez ai;réable. Entin on en obtenait un excel- lent remède dans certains désordres organiv]ues surtout de la vessie. Nous nous deman- dons comment nous n'avons pas tiré jusqu'à présent meilleur parti d'une plante fi utile
292
DE l'ORIGINL des INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
comme hcbétcs. D'autres se contentaient seulement de s'étour- dir. \'oyez, ajoute-t-il, quel poison pestit'crc et diabolique cela doit être. Celte herbe s'appelle tabaco. »
! Au Pérou, dit Garcila/o, liv. II, ch. xxv, les indigènes font un grand usage de l'herbe ou plante qu'ils nomment sayri et les Espagnols tabaco. Avec les feuilles, ils en tirent de la fumée qu ils introduisent dans leur bouche et leurs poumons, et la poudre est employée pour éclaircir ou débarrasser la tète. Les vertus de cette plante ont été si appréciées en Espagne qu'on l'a appelée l'herbe sacrée.»
Après leurs repas, ils se lavaient la bouche et les mains et se servaient de serviettes dont on ne faisait jamais usage plus d'une lois. En général, tous ces peuples étaient très propres et se baignaient souvent (Cortès, lettre, p. 124^
Ils mangeaient peu et leur alimentation n'était pas de na- ture à leur donner beaucoup de force; « six Indiens, a dit Zu- rita, p. 26G, ne font pas autant de travail qu'un Espagnol, parce que leur nourriture n'est pas suffisante. »
Leur force, en effet, du moins de ceux que nous avons vus dans l'Amérique centrale, est plus apparente qu'elFective. C'est une force de résistance. Leur aptitude à supporter les privations est très remarquable et, par l'habitude, ils sont parvenus à por- ter d'énormes fardeaux durant un temps assez long; cependant, il suffit de changer le mode de les porter pour prouver la fai- blesse relative de l'Indien. Il en est de même de sa corpulence qui n'est qu'une apparence de vigueur. On voit souvent des indi- vidus dont le tempérament semblait des plus forts, réduits en quelques heures à un épuisement extraordinaire par de petites fièvres bénignes. 11 en est de même de tous les Indiens des pays tropicaux, tandis que ceux qui vivent dans les régions froides sont aussi forts que robustes.
Nous avons dit, page no, quelques mots de leurs villes et de leurs maisons particulières. Tout, en général, était sacrifié pour le bien-être et le confort des grands qui étaient assez bien logés, tandis que les maisons du peuple n'étaient que des ca-
KT DE LEUR CIVIt.ISATION 293
banes basses, étroites, sans autres meubles qu'un ou deux bancs et une table. Dans un coin, les vases et ustensiles de ménage les plus nécessaires. La plupart le ces cabanes étaient construites en adaubcs, énormes briques composées de terre glaise et de paille qu'on faisait sécher au soleil. Leurs habitations étaient très dispersées. Un grand village occupait souvent plusieurs lieues. Il était défendu au peuple de construire des maisons à
étages.
Telles sont, en général, les principales mœurs et coutumes des anciens Indiens de l'Amérique.
Î94
r)i: LOUIGlNi; DFS INDIENf. DU NOL'VFAU-MONDE
:h
LORIGIN E
DE LA CIVILISATION INDIENNE
PROUVItlK PAU KES INSTITIJ PIONS ET LES LOIS
Les institutions et les lois d'un peuple permettent, par leur comparaison avec celles des autres nations, de retrouver l'ori- gine et de déterminer le dej^ré de sa civilisation. — Au moyen âge, le système politique et social adopté en Egypte, dans l'Inde, la Perse et un grand nombre de pays de l'ancien conti- nent, était le régime féodal tel qu'il a régné chez nous durant de longs siècles et dont les bases étaient une monarchie avec un souverain dont les pouvoirs étaient plus ou moins limités, un clergé jouissant d'une influence sans égale, une noblesse en possession d'une autorité presque indépendante et, au-des- sous de ces classes privilégiées, les masses privées de toute-li- berté, travaillant beaucoup sans profiter de rien et maintenues dans une sorte d'esclavage par des lois draconiennes et la terreur d'un Dieu méchant. Sur le nouveau continent le peuple était moins opprimé par les autres castes, l'Etat veillait da- vantage à ses besoins; mais, d'un autre côté, les représentants de la religion étaient plus fa:^" tiques et plus despotes.
On sait peu de choses de la constitution politique des pre-
l- r DK LliUR CIVILISATION 295
mièrcs tribus qui peuplèrent rAmériquc. Aussi loin que les traditions et l'histoire permettent de remonter, on retrouve le système féodal et tèdéral. Ainsi Cbola, ou le pays des sept Etats, comprenait sept monarchies unies entre elles. Le pouvoir sacerdotal apparaît à Teocolhuacan et la noblesse militaire se manifeste dès que les tribus policées commencent leurs migra- tions.
Quand le premier empire de TAnahuac fut établi, les Otho- mites, Colhuas et 1 oltèques s'empressèrent d'adopter le même système qui, se répandant peu à peu dans toute l'Amérique, a prévalu jusqu'à l'arrivée des Espagnols.
Cortès trouva les trois royaumes du Mexique, de Tezcuco ..[ de Tla'-opan organisés de cette manière : celui du Mexique avait la priorité sur les deux autres pour toutes les all'aires concernant les intérêts généraux de la confédération. Pour toutes les autres questions, chaque gouvernement était indépen- dant l'un de l'autre. Tlascala, à vingt et une lieues de Mexico, et Tcpeaca, à trente lieues, se gouvernaient par leurs propres lois. Michoacan était un royaume célèbre par son implacable ini- mitié contre les Mexicains.
Les Tlascalans ' formaient quatre Etats, à la tête de chacun desquels se trouvait un roi ou chef suprême, indépendant sur son territoire. Toutes les affaires du gouvernement, principa- lement celles relatives à la paix et à la guerre, étaient discu- tées et réglées dans une assemblée composée des quatre rois et des principaux membres de la noblesse des quatre Etats. Le système gouvernemental de ces quatre Etats était la féoda- lité. La noblesse, militaire et jouissant de grandes prérogatives et immunités, tenait ses terres du roi et devait lui fournir tout ce dont il avait besoin en même temps que le service en temps de guerre. En retour, le suzerain lui devait aide et protection. Les mêmes obligations mutuelles liaient les nobles à leurs vas-
I. Des historiens ont dit que les Tlascalans étaient organisés en république. Nous croyons plutôt que c'était une monarchie t'cdérative.
20<>
l)i: l.'oUKilNi: DF.S INDIKNS l)t' NOUVEAL'-MONDK
saux, chargés do la culture de leurs terres et obligés de payer à leur su/.erain des redevances en nature et en argent. Le peu- ple, organisé en communautés ou municipes, ne pouvait pos- séder, et toutes les charges et contributions lui incombaient. Ils avaient établi un ordre de distinction pour récompenser tous les services civils et militaires, tels que la bravoure, la sagesse dans le conseil, la sagacité et la réussite dans le commerce qui était très estimé Prescott, Mexico, liv. III, ch. n}.
Le royaume deCholula, également indépendant, était orga- nisé de la même manière que celui de l'Iascala.
Au Michoacan, d'après Torquémada, le système gouverne- mental était aussi le régime féodal, avec un roi à la tète du pays et une noblesse jouissant de privilèges très étendus. Le peuple était plus esclave que partout ailleurs; le roi pouvait dis- poser, à son gré, des biens, des iémmes et des entants de ses sujets. Arrivé à un certain âge, il partageait l'autorité avec ses lils, afin qu'ils pussent apprendre à gouverner.
Dans le royaume de Met/titlan, au nord de celui de 'l'et/cucOj le gouvernement était monarchique. Deux vieil- lards choisis dans la noblesse administraient la justice et percevaient les impôts. Ils restaient continuellement dans le palais du roi. Quand le roi avait approuvé leur décision, ils prononçaient leur jugement. (G. de (Jhaves, 1929.) Chez les Mixtèques, le roi, avant de prendre possession du trône, de- vait faire une retraite religieuse d'une année. A défaut d'en- fant mâle, les femmes succédaient. Il était aidé d'un conseil d'hommes expérimentés, qui avaient été prêtres. Les grands- prétrcs étaient très respectés et le roi ne faisait rien sans les consulter, surtout dans les atlaires militaires. Quand on ne les écoutait )>as, ils menaçaient de la famine, de la peste et de la colère des dieux.
D'après le Popol-vuli, le royaume de Xibalba ou de Palen- qué, était gouverné par deux rois, aidés de sept chefs ayant sous leurs ordres dix autres chefs nommés deux par deux et for- mant le conseil d'Etat. H est possible que l'un de ces deux rois
RT DE LEUR CIVIMSATION
297
fût le grand-prctrc ou bien un coadjutcur, comme cela n existé longtemps au Mexique.
Chez- tous ces peuples, le pouvoir qni dominait tous les au- tres était celui du clergé. La première pensée de l'homme, en voyant les merveilles de la nature et l'ordre qui règne dans l'univers, a été, remontant de l'eUetà la cause, de reconnaître un être suprême, créateur, ordonnateur, digne de son adoration.
l'ous les peuples, depuis que le monde existe, ont eu la même conception et ont considéré l'athée comme digne de pitié. De la contemplation on est passé à l'observation, à la rélkxionct, en présence des biens qui nous sont accordés chaque jour, ainsi que des maux qui accablent l'humanité, on a cherché le moyen de se relier au souverain maître, dispensateur de toutes choses, on lui a adressé des prières, des sacrifices et la religion avec le culte ont été créés.
L'adoration de l'Etre suprême étant regardée comme la plus importante et la plus essentielle, une classe spéciale composée des plus sages et des plus instruits a été chargée de servir de trait-d'union entre les croyants et la divinité, et de célébrer toutes les cérémonies du culte. L'institution du clergé est devenue ainsi la première de toutes. Le chef de la colonie tou- ranienne qui apporta la civilisation aux tribus sauvages de l'A- mérique était un prêtre d'après les traditions. Dès que l'orga- nisation politique et sociale de ces tribus fut assurée, le clsrgé, jaloux, de son pouvoir, établit comme loi fondamentale que personne ne devrait s'approcher des dieux sans son intercession et qu'aucun sacrifice ne serait offert sans son avis. En même temps, il régla ces sacrifices, en faisant croire que le plus agréable à la divinité était celui des victimes humaines : on voit de suite l'influence que le clergé acquit aux dépens de la moralité et de la paix des consciences. Non content de cela, afin que le souve- rain ne touchât pas à l'ordre de choses établi lors de son couron- nement, le grand-prêtre, en lui donnant l'onction sacrée, lui faisait prêter le serment qu'il respecterait les formes de la religion et qu'il suivrait en tout les conseils du chef de cetic religion.
2o8
Di: LOKiGiNr; nts ini)Ii;ns dl' nouvkai-mondk
Aussi ctait-il consulte dans toutes les questions importantes, marchant dans les expéditions à la tète de l'armée et, quand il lui plaisait de faire déclarer la guerre, il lui suffisait de dire que les idoles demandaient du sang. 11 s'arrogea ensuite le mo- nopole de l'instruction publique. Sacrificateur, prédicatc >•, contciseur, devin, médecin, conseiller du roi, on peut dire que le prêtre devint la clé de la voûte sociale de ces peuples.
Son autorité s'étendait même après la mort. A lui apparte- naient le soin de l'àme pendant un certain temps et la direction des rites superstitieu.v et !.v>jvent inhumains qui précédaient ou suivaient les funérailles.
Le clergé a été, en Amérique, la cause première de la sta- gnation du progrès et de la décadence de ces peuples. Main- tenant, d'un autre côté, il faut dire que c'est à lui qu'on doit les arts, les sciences et les lettres qui ont régné chez quelques- uns d'entre eux, ainsi que les monuments dont les ruines font l'admiration des archéologues.
Au Mexique, après l'établissement de la monarchie, le gou- vernement politique resta uni au clergé qui continua ù jouir d'une véritable influence. Après le baptême, c'est lui qui don- nait l'éducation à l'enfant qu'il suivait jusqu'au tombeau.
Il y avait deux sortes de collèges, les uns pour les enfants nobles et les autres pour les enfants des marchands ou arti- sans, etc. Dans les premiers, on leur enseignait les sciences, les arts, l'histoire, etc. Dans les autres, on leur apprenait tout ce qui était nécessaire à leur profession. A quinze ans, ils sortaient du collège, Garcilazo dit qu'ils ne restaient pas plus de trois ans dans ces collèges.
Le clergé au Mexique se divisait en clergé supérieur et clergé inférieur. Les prêtres appartenant au premier provenaient de familles nobles désignées à cet effet, qui donnaient leur plus jeune fils. Leur charge restait dans la famille et était confirmée par le grand prêtre. Les aut^-es étaient nommés à l'élection et pris dans toutes les classes ou offerts par les parents. Il y avait diffé- rents ordres ou degrés parmi les prêtres. Les chefs de tous
i;i ni: i.i:( k civilisation
290
étaient les deux grands prêtres nommés Tcolculli, le seigneur divin, et Huei teopkqiti, le grand prêtre. Ces deux dignités n'é- taient conférées qu'à ceux qui, d'une extraction royale ', s'é- taient distingués par leur conduite et leur connaissance appro- fondie de toutes les cérémonies religieuses. Ils étaient consultés par le roi, dans toutes les all'aires importantes de l'Etat. C'est à eux que revenait le droit d'oindre le roi après son élection, d'ouvrir la poitrine des victimes humaines et d'en arracher le cœur, dans les sacrifices solennels. Us étaient nommés à l'élec- tion par le roi et la noblesse. Suivant l'orquémada, il n'y avait qu'un grand prêtre, le 'l'eoteutli. Les prêtres étaient chargés de tous les services religieux. Les uns étaient sacrilicateurs, d'autres devins, d'autres compositeurs d'hymnes ou chantres, .lour et nuit, quelques-uns étaient chargés de la propreté du temple ou de l'ornementatior des autels. D'autres instruisaient la jeunesse, corrigeaient le calendrier, ordonnaient les fêtes, gardaient les livres sacrés, ou faisaient de la médecine.
Au Mexique, certains prêtres consacraient toute leur vie ai service des autels, d'autres ne s'engageaient qi'c pour un temps limité. Les temples jouissaient d'amples revenus qui leur étaient assignés par la loi.
Le costume des prêtres mexicains ne différait de celui du peu- ple que par un manteau noir de coton, qu'ils portaient comme un voile sur leur tête. Ceux qui vivaient dans les monastères étaient toujours vêtus de noir. .lamais ils ne se coupaient les cheveux qui étaient liés avec d'épaisse? cordes de coton et teints avec de l'encre. Quand ils allaient sacrifier sur le sommet des mon- tagnes ou dans des grottes, ils se frottaient le corps avec une composition d'insectes venimeux, de tauac et d'une herbe olo- lintique, le tout pilé dans un mortier. Tout personnage d'un certain rang avait un prêtre ou un chapelain pour faire les cé- rémonies du culte dans sa maison et, quand il mourait, sou-
I. I,c grand prclri;, tlaiis les royaumes d'Acolhuacan et de Tlacopan, était toujours le deuxième Hls du roi, d'après Clavigero.
;^oo
\)V. I. ouiciNr: ni:; indu ns di noiviiac-mondI':
vent le chapelain étail tué pour l'accompaf^iKT dans l'autre monde (H errera, III, p. i-'o;.
C^JKUiue Indien, homme ou teninie, avait deux autels : l'un près de l'endroit où i! dormait, l'autre prés de la porte de la maison. Sur ces autels étaient placées plusieurs caisses en bois rem|">lies d'idoles, de couteaux pour les sacrifices et de livres faisant connaître les saisons, les létes ou l'avenir Dia/, p. 2oSj. Il y avait deux espèces de temples. Les mis bas et circulaires, dans lesquels un teu periK-tuel était entretenu, et les autres hauts et d'une forme pyramidale, sur la plale-lorme desquels les sacrifices avaient lieu Motolinia, )■>. 3oj.
Le nombre des temples au Mexique dépassait, dit-on, qua- rante mille.
Ils avaient des idoles en bois, en or, argent, pierre et même en pierres précieuses et leur nombre dans les tem- ples, les maisons, les rues, les bois, sur les montagnes, était infini.
Le devoir constant des prêtres était de brûler des j-ùiiums devant les idoles des temples i|uatre fois par jour : au lever du soleil, à midi, au coucher du soleil, à minuit, (x-ux (.jui étaient alors de service faisaient retentir les cornes ou autres instru- ments de sons lugubres. Après quoi, le prêtre, revêtu d'une dalmatique blanche, l'encensoir dans une main rempli du feu tiré du brasier où il brûlait sans cesse et tenant dans l'autre main une bourse pleine d'encens, avec un profond respect, en- censait l'autel. Ensuite il prenait une couverture, qu'il mettait sur l'autel et se retirait dans une petite chambre où il se sca- rifiait et s'imposait diverses mortifications. Ils prêchaient au peuple dans certaines fêtes, et jouissaient de revenus qui leur étaient assignés en dehors des ollrandes des tidèles fHerrera,
III j p. 20(JJ.
Le plus important devoir du clergé et la principale cérémo- nie religieuse des Mexicains consistaient dans les sacrifices qu'ils faisaient pour obtenir quelques faveurs du ciel ou en reconnaissance de celles qu'ils avaient reçues ^Clavigero, 1. 'VI,
ET l)i: I.F'UU CIVILISATION
3oi
chap. xvm). Kux seuls avaient le droit de sacrifier dans les temples.
Nous avons décrit plus haut les sacrilices humains et la part du clergé dans ces horribles cérémonies.
I.es prêtres, au Mexique, devaient (>hserver la chasteté et vivaient en communauté. D'après (Portés (V. Lettres, p. 426), tout manquement à la chasteté était puni de mort. (]he/ les Zapoléques, le j^rand prêtre qui cohabitait avec une Ijmme était mis en pièces, et sa chair manyee devant son successeur pour servir d'exemiile.
Ils avaient dillérenls ordres ou congrégations d'hommes et de femmes. I.a coutume était de dédier des jeun'-s lilles au service des temiiles pour un certain temps, juseju à leur ma- riage ou pour un tem|'>s plus court. Là, sous la «lirection de matrones, elles apprenaient à laire toutes sortes de travaux domestiques, des vêtements, etc., en même temps qu'on leur enseignait leurs devoirs religieux.
Des vestales étaient chargées d'entretenir le leu sacré dans les temples et étaient jumies sévèrement si le leu venait à s'é- teindre ou si elles venaient .i rompre leur voju de chasteté.
Au V'ucatan, quelques-unes des lilles entrées au couvent ne le quittaient jamais et restaient vierges. (^)uand elles mouraient, on les vénérait commodes déesses (Cogolludo, liv. IV, ch. ix).
Au Yucatan, les prêtres, comme au Mexique, jouissaient d'une grande iniluence; leur autorité rivalisait avec celle du roi. Ils étaient organisés à peu près de la même manière qu'au Mexique. Le grand prêtre était très respecté et consulté en tout par .. roi. Sa charge était héréditaire, ce qui indique qu'il pouvait se marier. Son lils ou un de ses plus proches parents lui succédait.
Il était le gardien des sciences, le conseiller du roi. Il nom- mait les autres prêtres après les avoir exai... nés sur les .scien- ce^ et les rites. Il n'avait pas de biens personnels, mais recevait des présents du roi et des nobles et des contributions des prê- tres. Les preties, nommés comme en Perse aliliin, enseignaient
il
302
UK L OKIGINi; DKS INDIFNS DU NOUVrAU-MONDK
les sciences, élevaient les entants des nobles, prêchaient, an- nonçaient les tètes, ollraient des sacrifices, confessaient et ac- compagnaient les armées. Les Chilanes en particulier commu- niquaient les réponses du démon au peuple.
Nous avons retrouvé au Yucatan une cérémonie du baptême diirércnte de celle que nous avons décrite plus haut pour le Guatemala. D'après Herrera, IV, p, 172, tous les enfants étaient baptisés. Personne ne pouvait se marier .sans avoir reçu le baptême. Lorsque le jour pour la cérémonie avait été choisi, le prêtre jeûnait pendant trois jours, s'abstenant de tout plaisir charnel. 11 purifiait la maison et en chassait le diable. Ceci fait, il mettait dans les mains de Tenfaut un peu de maïs et d'encens en poudre qu'il jetait sur le feu. Kn même temps, un Indien était chargé de porter un peu de vin en dehors ( i, ville sans le boire et sans regarder derrière lui. Le prêtre, y é de ses plus beaux vêtements, venait ensuite avec un arro- soir, récitait certaines prières, versait de l'eau sur la tète de l'enfant et lui mouillait le front, plu^•leurs parties de la figure, les doigts et les orteils, avec une eau' qu'il tirait d'une corne. La cérémonie finissait par un festin. Pendant les neuf jours qui suivaient le baptême, les parents devaient faire pénitence.
Les femmes ne pouvaient entrer dans les temples, excepté les vieilles, ù certaines fêtes.
Ils avaient des centres religieu.x avec des autels élevés pour plusieurs tribus, des couvents de vierges. Quelquefois, pour que leurs paroles eussent plus de poids, ils se mettaient dans une idole creuse d'où ils prêchaient. Ils avaient les mêmes céré- monies qu'au Mexique, la coutume de brûler de l'encens, les sacrifices humains, le baptême, la confession.
Au Guatemala, l'autorité des prêtres était grande et décisive dans les affaires de guerre et les autres questions d'Etat ( l'or- quémada, liv. IX, ch. vii; l'organisation du clergé était la même qu'au M :xique. Au Guatemala, au Honduras et au Nicaragua, des jeunes filles se consacraient au service des temples comme au Mexique. Dans quelques Etats, le grand-prêtre était le roi.
ET DE LEUR CIVILISATION
3o3
En cas de calamité, le grand-pretre vivait, pendant plusieurs mois, dans une retraite, priant Dieu d'épargner son pays.
Au Salvador, nous retrouvons la même organisation du clergé, les mêmes cérémonies religieuses et les mêmes sacri- fices.
Au Honduras, le grand-prêtre, choisi dans la noblesse, \ivait dans le temple principal ; il ne pouvait se marier et était chargé de l'éducation des enfants nobles. 11 était consulté dans toutes les affaires importantes.
Au Nicaragua, les prêtres ne pouvaient se marier, excepté ceux qui confessaient et imposaient des pénitences. Ces prêtres étaient punis sévèrement dans le cas de révélation de la confes- sion iHerrera, III, p. 3oo). Les femmes n'étaient pas admises dans les temples (Oviédo, liv. XII, ch. iij.
Chez les Chibchas, le cacique était, en même temps, le chef de la religion. Quand une guerre devait être entreprise, on de- mandait l'avis du grand-prêtre Sogomoso. Les prêtres étaient très respectés et consultés. Leur charge était héréditaire et transmissible au fils de la sœur. Ils étaient nommés par le roi. Us ne se mariaient pas et menaient une vie solitaire et dure dans une maison près du temple. Ils avaient des sanc- tuaires. Le soleil n'était pas adoré dans les temples. Les oll'ran- des étaient faites aux idoles par les prêtres. Ils avaient des pro- cessions solennelles. Les prêtres devaient jeûner en cas de famine. Ils avaien. diflérentes sortes de jeûnes et sacrifiaient des victimes humaines.
Au Pérou, le gouvernement ecclésiastique n'était pas séparé du gouvernement politique. L'inca, comme iils du soleil, offi- cjait dans les grandes fêtes du soleil. Les prêtres étaient consul- tés dans toutes les aliaires importantes. Le grand-prêtre était oncle ou frère du roi ou au moins un membre légitime de la famille royale. Il était choisi par le roi et nommait tous les prê- tres sous ses ordres. Sa position était très indépendante. Ses vêtements étaient faits de la laine la plus fine de la vigogne, teints avec des couleurs brillantes et ornés d'or et de pierres
il
;io4
D1-: I, ORIGIUE DKS INDin;NS DU NOUVEAU-MONDE
prC'cicuscs. Sa tcte était ceinte d'un turban de plusieurs cou- leurs nommé hantii. Il portait aussi un diadème avec des houp- pes rouges et des plumes de l'oiseau coragaanga. l'ous les prê- tres du temple du soleil à Cuzco étaient des incas de sang royal. 11 en était de même des principaux membres du clergé dans les provinces. Les autres devaient appartenir à la no- blesse des Curacas.
Les prêtres étaient chargés de tout ce qui avait rapport à la religion; leurs fonctions principales étaient de rendre le culte voulu aux hnacas tombeaux , aux Canopas, idoles conservées dans la maison, et aux malquis momies des ancêtres). Leur nombre était, en raison de cela, très considérable. Us pouvaient se marier, et le fils héritait de son père, ils ne s'occupaient pas de l'instruction de la jeunesse qui incombait aux amautas dé- chus du rang d'interprètes des dieux qu'ils avaient occupé dans le principe. Ceux-ci formaient une sorte d'académie des scien- ces chargée de la culture des lettres et de l'entretien des tradi- tions officielles. Ils tenaient des écoles où la jeunesse noble s'instruisait et prenait ses degrés d instruction à la suite d'exa- mens et d'épreu\es.
La manière d'officier des prêtres consistait à ouvrir les mains, à faire beaucoup de bruit avec les lèvres et à adresser leurs demandes à l'Etre suprême, en ollrant en même temps le sa- crifice iJos. d'Acosta, liv. V, ch. iv;.
Quand ils sacrifiaient devant le peuple, leur lace était tour- née vers les portes du temple et leur dos à l'idole; leurs yeux étaient baissés, et ils devaient trembler Cieza, ch. lxxii).
Leur principale ollrande était la chicha.
A leurs repas ordinaires, avant de boire, ils trempaient le pe- tit doigt dans le bol; ils donnaient une chiquenaude en regar- dant le ciel et otîraient ainsi au soleil la liqueur en le remerciant de la leur avoir donnée. Ln même temps, ils embrassaient l'air deux ou trois fois, ce qui était un signe d'adoration; ils sacri- fiaient des victimes humaines.
Dans chaque pro\ ince, il y avait au moins un monastère dans
Iil
KT DE LEUR CIVILISATION
3o5
lequel deu\ classes de femmes étaient entretenues rux frais de l'Etat. La première classe était composée de personnes âgées nommées viamacinias, sorte d'institutrices. L'autre classe com- prenait les jeunes filles qui devaient rester pendant un certain temps jusqu'à ce qu'elles fussent prises pour le service des dieux ou celui de linca. Chaque monastère avait son gouverneur armé du pouvoir de choisir dans la population les jeunes filles qui lui plaisaient, au-dessous même de huit ans, si ces enfants leur paraissaient jolies et douées de bonnes dispositions. Une fois dans le monastère, les mamacunas leur apprenaient ce qui leur était le plus utile à savoir, autant pour leurs besoins journaliers que pour les cérémonies du culte. A quatorze ans, elles étaient envoyées à la cour. Quelques-unes, vouées au .service des huacas et des temples, devaient conserver leur chasteté. D'au- tres étaient gardées pour les sacrifices. Un certain nombre de- venaient les femmes ou les concubines de l'inca, de ses parents ou capitaines auxquels il les donnait, ce qui était un grand hon- neur. Cette distribution était faite chaque année. Aucun père ne pouvait refuser sa fille au gouverneur. Plusieurs les offraient volontairement, regardant comme un grand honneur de donner leur fille à l'inca (Jos. d'Acosta, liv. 'V, ch. xv).
Les Péruviens, pour garder le feu sacré, avaient les mêmes vierges que les iMexicains; elles étaient enterrées vivantes si elles manquaient à leur vœu de chasteté.
Les vierges du soleil, d'après Cieza, avaient les mêmes règle- ments que les vestales à Rome.
Au Pérou, le clergé était entretenu au moyen des revenus des temples.
La confession était pratiquée au Pérou comme dans toute l'Amérique. Le prêtre entendait la confession de tous les habi- tants de son ayllo, même de sa femme et de son fils lArriaga, p. i8). Les hidicns brûlaient le vêtement dans lequel ils avaient commis un péché.
Ils croyaient que toutes les afflictions et maladies étaient la conséquence des péchés commis. C'est pourquoi ils faisaient
•20
3o6
m: I, OKiGiNi: i)i:s iNnn:NS nu nouvivai-mondi:
des sacrifices et se confessaient souvent au prêtre qui leur inllit^eait des pénitences sévères. Ils croyaient que garder un péché dans une contession était une grave ollense à la divi- nité. Les conlesseurs étaient obligés de conserver les secrets qui leur avaient étéconliés. Les péchés dont ils se confessaient le plus souvent étaient les suivants : avoir tué quelqu'un en temps de paix, avoir commis un vol, avoir pris la temme d'un autre, avoir donné des herbes ou jeté des sorts pour nuire à son prochain. Le plus grand péché était la négligence dans le ser- vice des liuacas, la désobéissance à linca. Ils ne s'accusaient pas de péchés de pensée. Linca se conlessait au soleil; après la confession, il prenait un bain et se tenant debout dans la . ivière, disait : " Je me suis conlessé au soleil. Toi, rivière, conduis mes péchés à la mer pour qu ils ne reparaissent pas. » Les autres personnes, après la conlession, prenaient un bain, (^uand un père voyait ses enfants mourir avant lui, il était considéré comme un grand pécheur ^los. d'Acosta, liv. V, ch. xxv)
Le jeûne consistait dans l'abstinence de lemme, poivre, sel et chicha, pendant trois ou neuf jours. Quelquefois on priait les personnes les plus pieuses de jeûner pour le bénéfice des autres. Ils axaient des pèlerinages. Des fêtes solennelles étaient célé- brées chaque année. Les princijviles étaient la léte du soleil, Umi Haymi, en juin. Aucun feu n'était allumé et le feu sacré était rallumé au moyen d'une lentille; — la fêle de Cuski Kay- my, quand le mais commençait à pousser; — la tète de Situa, en septembre, pour l 'expiation.
A la fête di^ soleil, on sacrifiait des êtres humains. Ils réser- vaient ordinairement ces sacrifices pour solenniser quelque grand événement, comme une victoire, un couronnement, la naissance d'un héritier du trône.
Comme politique extérieure, les incas se servaient du pré- texte religieux pour faire des agressions constantes et, comme les disciples de iMahomet qui portaient l'épée dans une main cl l'alcpran de l'autre, de même que les Mexicains, ils n'offraient d'autres alternatives que leur propre culte ou la guerre. Gepen-
i:t I)i; lkur civilisai ion
307
la
dant, à la fin, par une politique habile, ils tolérèrent les autres cultes qui, du reste, étaient très peu dillérents du leur.
Dans le princii''e, les peuples turent i^ouvernés par un prê- tre réunissant les deux pouvoirs spirituel et temporel. La tâche devenant de plus en plus dillicile, le clergé laissa à la caste militaire les insi,mies de la royauté, se contentant de son in- fluence spirituelle qui lui permettait de tout diriger sans en avoir la responsabilité m les charges. « Un Brahmine, disaient- ils, nest pas lait pour la royauté ; rien n'est plus grand que le guerrier. " Le plus vaillant lut alors élevé sur le pavois, sacré roi par le prêtre et charge du pouvoir exécutil. Ln retour, le sou- verain accorda des prixilèges et des inniuinités aux guerriers qui lormérent la caste militaire ou la noblesse.
Ce système monarchique militaire, qui régnait sur l'ancien continent au moyen âge, lut introduit en Amérique par les 'i'ouraniens. Ln etlet, peu de temps après leur arrivée, l'his- toire et les traditions parlent des rois et delà noblesse.
Au Mexique et dans l'Amérique centrale, le pouvoir du sou- verain était, quand la monarchie lut établie, limité par les pri- vilèges de la noblesse et du clergé. Ainsi, suivant Herrera, " il ne pouvait décider aucune atl'aire importante sans l'approba- tion du conseil des ncjbles fermant une sorte de sénat; il n'a- vait pas le droit également de déclarer la guerre sans avoir consulté cette assemblée, ni de disposer arbitrairement des re- venus de riùat dont l'emploi et la destination étaient réglés par la loi. Plus tard, d'après Clavigéro, à mesure que le terri- toire s'agrandit, les rois augmentèrent leur magnilicence, leur pompe, et les charges de leurs sujets se multi|Mièrent'jn raison de leur richesse. Ils ne tinrent plus aucun compte des limites que le peuple avait mises à leur autorité et parvinrent peu à peu au degré de ce despotisme odieux qui semble avoir mar- qué le règne de Montézuma IL
Les historiens ne sont pas d'accord sur le mode de succes- sion au trône du Mexique : suivant Gomara, les frères étaient les plus proches héritiers et après eux, les fils du frère aîné et
lit
3o8
i)i; l'origine des indiens du nouveau-monde
îf
les fils du premier héritier. A défaut de (ils ou de neveu, les plus proches parents succédaient Gouiara, p. 41^4". D'après Clavij;éro. après qu'Acamapit/in lut mis à la telc de ia nation, la couronne devint élective. Pour cela on créa quatre élec- teurs qui étaient censés réunir tous les suiiVa^'es de la nation. C'étaient quatre seigneurs du premier ranj^ de la noblesse et généralement de sang royal. Leur pouvoir électoral finissait avec la première élection et de nouveau.x électeurs étaient im- médiatement nommés; les premiers pouvaient être réélus par la noblesse. Au temps du roi Itzcoaltj deu.x autres électeurs leur lurent adjoints, c'étaient les rois des deu.x lîtats confé- dérés d'Acolhuacan et de Tacuba. Leur rôle consistait à ra- tifier le choi.v fait par les grands électeuis. Us fixèrent la cou- ronne dans la famille d"Acamapit/in; msuite, en i40(), une loi fut promulguée, iMX'scrivant que quand le roi mourrait, il aurait pour successeur un de ses frères ou, à son défaut, un de se.-; ne- veux, ou, s'il n'y en avait pas, un de ses cousins, laissant les électeurs libres de choisir le plus vaillant, en un mot, celui qui leu;- paraîtrait le plus apte à gouverner. Dans l'élection du roi, on ne tenait pas compte du droit de primog'''niture (Clavigéro, liv. \'1I, ch. vij.
Durai!., I. p, 102, ajoute qu'après l'élection d'un roi les qua- tre électeurs choisissaient quatre seigneurs parmi les frères ou les plus proches parents du roi. C>es quatre seigneurs qu'on nommait le prince de la maison des dards, le coupeur d'hom- mes, le répandeur de sang, le prince de la maison noire, étaient présidents du conseil royal et aucune décision ne pouvait être prise sans leur sanction. Le fils aîné du roi régnant, pouvait faire partie de ce conseil. Lorsqu'à la mort du roi un de ces princes était appelé à le remplacer, un autre était nommé à sa place.
Sagahun, de son côté, prétend liv. VII, ch. v) que l'élection du roi était laite par les membres du grand conseil, les géné- raux, les prêtres et les plus anciens nobles.
Cette opinion est plus probable. Nous croyons, en outre, que
I:T 1)K LIl li CIVILISAI ION
^OQ
le successeur du roi pouvait être choisi parmi quatre fils ou frères du roi ou, à leur défaut, parmi ses plus proches parents, suivant leurs capacités, (xux-ci, jusqu'à l'élection de l'un d'eux, étaient pourvus des plus hautes charges. Le souverain ne pou- vait être élu avant l'âge de trente ans.
Dans le cas où le souverain élu était trop jeune, on lui donnait un tuteur choisi parmi les plus proches et plus vieux parents qui gouvernaient le pays jusqu'à ce que le roi eût at- teint l'âge voulu par la loi.
Lorsque le nouveau roi était élu, le grand prêtre lui faisait prêter le serment de maintenir la religion, d'observer les lois de ses ancêtres, d'aider le soleil à ixircourir son cours, de faire en sorte que les nuages donnent de la pluie, que les riviè- res fournissent de l'eau et que les fruits de la terre mûris- sent.
L'onction du souverain élu était faite par le grand-prêtre avec la même huile qui servait a oindre la statue de Huitzi- lipotchi.
Au souverain appartenait la juridiction civile et criminelle. Quand il s'agissait de décider une question de guerre, les prin- cipaux chefs militaires et les plus anciens nobles formant le sé- nat étaient convoqués. Le roi leur communiquait son intention. Si l'assemblée croyait que les raisons présentées par le souve- rain n'étaient pas sulîisantes, les membres de l'assemblée di- saient deux ou trois fois respectueusement qu'il ne devrait pas déclarer la guerre. Quelquefois le souverain cédait, mais, s'il persévérait dans son projet, ils ajoutaient qu'il pouvait agir comme bon lui semblerait, qu'ils leur avaient donné leur avis et ne feraient rien de plus.
#Le souverain ne pouvait disposer des revenus publics sans avoir consulté son conseil privé.
Dans les royaumes de Tezcuco et de Tlacopan, la couronne revenait de droit aux fils, par ordre de primogénitme; en cas d'incapacité, au suivant; à défaut de fils, au petit-fils, ensuite, par élection, aux frères ou autres parents. Le père désignait son
il
I
3io
1)1 i.ouicim: nrs iNmi:NS ni' NOUVKAi'-MONnK
successeur. Dans quelques pays, les trères succédaient avant les fils.
Au Yucatan, le fils aine du roi succédait à son père,
Au Cîuatémaia, d'après 'lorquémada, le roi désignait, avant sa mort, son successeur qu'il choisissait selon son expérience et sa capacité j-iarmi ses enfants, ou ses plus jiroches parents, l'ainé étant toujours préféré au plus jeune. A délaul de parents, le peuple, dans ce cas, élisait celui des nobles qui lui paraissait le plus apte à ^'(uncriier. I ,e )x)Uvoir du roi était absolu.
Le roi était a;;siste d'un conseil de vini^t-quatre nobles avec lesquels il délibérait sur toutes les all'aires politiques et mi- litaires. (]es conseillers jouissaient de beaucoup d'immunités et de pri\ilè,^'cs. Ils portaient le roi sur leurs épaules dans sa chaise royale quand il quittait le palais, et ils étaient chargés de ^admini^tration de la justice et de la perception des re- venus du roi.
Au Nicarai;ua et au Honduras, d'après Torquémada, certains Etats étaient t^ouvernés par une assemblée ou par un roi.
Les chefs ou rois, au Nicarat^ua, n'entreprenaient rien sans consulter un conseil nommé Mancxt'ca. Ces conseillers, pris parmi les vieillards, pouvaient, en certains cas, se prononcer contre le cacique et leur jugement était exécuté. Mais il avait le droit de les dissoudre quand cela lui convenait.
Des districts étaient gouvernés par des conseils de vieillards nommés i^iu\ii-itc les mêmes que les Hue hue duMcxiquei qui étaient investis de l'administration suprême et du pouvoir exé- cutif. Ils étaient nommés à l'élection et désignaient, en cas de guerre, le chef militaire. Ces ffiu^nic étaient également les chro- niqueurs de leurs tribus et faisaient des livres dans lesquels on marquait les limites de la tribu et des propriétés privées iSquirt-, Nicaragua, 11, p. Sqo;.
Chez les Chèques, le cacique était élu par les quatre chefs de Gameza, Dusbanca, Pezca et Toca et choisi alternativement dans les tribus de 'l'obaza et de Pirabitiba (Piedrahita, liv. 11^ ch. ix).
ET DE l.KLK CIVILISATION
3ll
A Iîoj,'ota, le /.cpa était un souverain absolu. Cependant il y avait un conseil qu'il consultait pour les allaires de guerre. La couronne se transmettait de père en lils. I /héritier présomptif était élevé dans un monastère. Il ne lui était pas permis de regarder le soleil, de manger du sel et d'avoir des rapports avec des femmes, autrement il était chassé ignominieusement. Quand il quittait le monastère, il prétait serment qu'il n'avait pas viole les commandements. Il devenait alors cacique de (]hia, et at- tendait qu'il pût succéder. 11 taisait un nouveau serment et on posait sur sa tète une couronne dor, en forme de bonnet. I.es principaux chefs lui juraient obéissance et lidélité et, comme preuve de leur loyauté, lui donnaient un joyau et des lapins, etc.
« Au Pérou, dit Prescott, liv. 1", ch. r', le gouvernement était le despotisme doux dans son caractère, mais dans la forme un despotisme jun- et non mitigé. Le souverain était placé à une distance incommensurable au-dessus de ses sujets. Les mem- bres les plus iniluents de la noblesse incasique, ceux qui étaient les plus liers de leur extraction divine ne pouvaient se présenter devant l'inca sans être déchaussés et sans avoir sur le dos un fardeau en signe de soumission et d'hommage. Comme re- présentant du soleil, le souverain présidait à toutes les fêtes re- ligieuses importantes; il levait les armées et les commandait en personne. 11 réglait et distribuait les impots, taisait lui- même les lois et veillait à leur exécution. 11 était la source dont tout découlait, dignité, pouvoir, argent, faveur, etc. Il était, en un mot, l'Ltatou bien, comme on l'a caractérisé en Europe, un ciespote.»
L'inca ne pouvait régner avant que le borla ne lui ait été accordé à un certain âge. Jusqu'alors il était élevé dans un couvent avec les enfants nobles. Il avait un conseil de guerre pour chacun des quatre districts dans lesquels l'empire était divisé, aussi bien qu'un conseil de justice et de finances. Les présidents de ces conseils, tous de sang royal; formaient le conseil d'Etat et recevaient des ordres directs de l'inca.
La magnificence de la cour des rois, tant au Mexique qu'au
3l2
m: L OKIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
l'crou, ctïiit telle qu'elle ressemi 'ait à celle des anciens monar- ques de l'Asie.
l,e roi seul, au Mexique, avait le droit de porter, en temps de paix, une couronne sur sa tète; le roi seul et le L,'rand prêtre avaient le droit de porter des souliers dans un palais royal ; le roi seul avait le droit de porter les manteaux qui lui plaisaient, en coton de couleur, ornés de plumes, brodés, etc ,
Monte/uma ne communiq.iait avec personne, excepté par l'intermédiaire d'un interprète, et, lorsqu'il se mettait à table, un paravent en bois, artistement sculpté, le mettait à Tabri de tout rc'f^ard.
Pendant son dîner, il avait des nains et des gens ditVormcs qui cherchaient à l'amuser par leurs boutlbnneries et leurs saillies. D'autres dansaient et chantaient deva..' Uii.
Quand le roi allait à la guerre, il portait, outre si. ■> armure, des insiyncs particuliers, par exemple aux pieds des deUil bot- tes en plaques d'or très minces; sur le bras, des plaques ac même métal et des bracelets de pierres précieuses; à ses lèvres pendait une émeraude enchâssée dans de l'or; à ses oreilles, des boucles de la même pierre; à son cou, un collier ou des chaînes d'or et de pierres précieuses; sa tète était ornée d'un plumet en mat^miliques plumes. Mais l'insigne le plus marquant de la majesté royale était un travail remarquable en plumes qui allait de la tète jusqu'au dessous du dos. I.e vêtement que le roi portait habituellement dans le palais était un manteau bleu mélangé de blanc ; quand il se rendait au temple , il avait un vêtement blanc ; il avait des costumes ditlérents suivant qu'il assistait au conseil ou remplissait d'autres lonc- tions publiques ; dans toutes les occasions, il ceignait la cou- ronne.
Personne ne pouvait regarder le souverain en face, sous peine de mort, et, lorsqu'un noble était appelé en sa présence, il devait se prosterner trois fois en disant : « Seigneur, mon seigneur, sublime seigneur. » Chaque chose qui était commu- niquée au souverain devait être dite en peu de mots, la per-
KT Di; LIIUR CIVILISATION
3l3
sonne qui parlait ayant les yeux constamment baissés. Pour sortir, elle se retirait à reculons.
Quand le roi sortait de son palais au Mexique, accompagné de sa f^arde noble et précédé d'un licteiu' portant trois petites baguettes d'un bois doré et odorilérant, tous les ^ens du peuple qui le rencontraient devaient s'etlaccr contre les murs, baisser les yeux et se prosterner jusqu'à ce qu'il tût passé.
Au Pérou, l'inca remplaçait quelquefois la couronne par un gland rouge cramoisi en laine. « Ce gland nommé borla, dit Oviedo, était large comme la main au plus et d'une palme de longueur. Au sommet, il avait le forme de la brosse plate qui est employée pour les vêlements. Au-dessous, une large frange pendait de la tète aux yeux, sur le front. Cette frange mainte- nait le borla en place, couvrant les sourcils et une partif^; des paupières, de telle sorte que quand Tinca voulait voir à son aise, il fallait la lever et retirer le borla. l.as Cases dit que le borla descendait encore plus bas '/A-//;*, 111, p. 523j. Les sei- gneurs pouvaient porter le borla de :ôté, mais jamais sur le frou' .
L'inca, Manco Capae et, après lui, ses descendants portaient les cheveux courts et seulement une tresse de la largeur d'un doigt.
En résumé, au Mexique comme au Pérou et do-'s lAmérique centrale et comme autrefois en Asie, le monarque, roi ou inca jouissait dune autorité on peut dire sans contrôle, disposant à son gré de la vie, de la personne ou des biens de ses sujets, placés à une distance incommensurable au-dessous de lui. Il levait les armées et les commandait en personne, réglait et distribuait les impôts, dictait les 'ois et les faisait exécuter par des agents qu'il nommait, changeait et révoquait à son gré. Il était la source d'où tout découlait, dignités, pouvoir, argent, faveur. Ce n'était pas tout à fait un dieu, mais le fils du soleil. Ce pouvoir devait être, il est vrai, confié au plus brave, au plus actif, au plus intelligent de la famille royale. Mais ce po- tentat n'était-il pas homme avant tout, obligé de lutter sans cesse contre ses passions et n'arrivait-il pas un jour où l'âge
3i4
DE I. ORIGINR DKS INDIFNS DU NOIIVEAU-MON'DK
exerçait sur son corps aussi bien que sur son esprit une in- fluence funeste à la saine et sage direction des atlaires? Les despotes sont ceux qui ont tait le plus de grandes choses. Mais combien de peuples en ont cié victimes et malheur à ceux qui sont assez insensés pour confier ainsi leurs destinées aux capri- ces absolus d'un homme sans que ses actes soient soumis au contrôle des plus sages, des plus instruits et des plus expéri- mentés de la nation, choisis de manière à donner le plus de ga- ranties possible, tout en représentant les intérêts généraux.
Dan, l'état primitif de toute société, après Fadorction des dieux, l'occupation considérée comme la plus importante et en même temps la plus noble a été la guerre. Aussi le métier des armes passait-il avant tous les autres, comme autrefois chez les Aryas et dans l'Inde. « Personne n'est plus grand que le guerrier, disait le brahmine. C'est pourquoi le brahmine olfre son adoration sous la protection du guerrier dans le sa- crifice royal.» Ceux qui combattaient pour la patrie, qui, pour défendre le territoire, s'exposaient volontairement à tous les dangers, entre autres à celui d'être dévorés par l'ennemi, ceux qui, à chaque instant, étaient obli";és de s'imposer les plus dures privations dans l'intérêt commun, jouissaient, avec juste raison, chez les peuples du Nouveau-Monde, de la plus grande consi- dération. Les prêtres leur avaient imaginé une place spéciale dans l'empyrée pour leurs âmes, et la nr.tion avait admis qu'ils fussent entretenus dignement à ses frais, qu'ils fussent exempts d'impôts et de corvées, et que des privilèges leur fussent accor- dés afin d'encourager leur dévouement. On leur donna alors des terres, et des gens pour les cultiver, les servir et les ac- compagner dans leurs expéditions. Ainsi fut créée la caste de la noblesse militaire à laquelle il fut défendu de se mêler avec celle des plébéiens. Et, pour la distinguer, on l'autorisa à por- ter des insignes, certains vêtements et ornements interdits au peuple, à habiter dans des demeures plus somptueuses et bâties dilïéremment. Un langage spécial fut, pour ainsi dire, inventé pour elle, tandis que des règlements fixaient les marques de
FT DE LEUR CIVILISATION
3l5
respect auxquelles elle avait droit. En même temps, on imposa aux nobles l'obligation d'envoyer leurs enfants dans des établis- sements dirigés par des prêtres où, jusqu'à vingt ans, on leur apprenait les sciences, les lettres et l'art de la guerre. Ils faisaient ensuite leur apprentissage militaire sous les yeux de leurs pa- rents. C'est dans cette classe, la seule qui avec le clergé possédait une certaine instruction, qu'étaient choisis tous les of- liciers de la couronne. Mais tout homme du peuple, même entant, pouvait être créé noble pour action d'éclat ou pour ser- vices extraordinaires rendus par les ch'^fs des communautés. En outre, les nobles étaient, comme tous les autres, soumis à la loi et justiciables des tribunaux.
Les obligations des serfs étaient parfaitement déterminées et le seigneur qui se serait permis de dépasser ses droits, très li- mités, s'exposait à être puni sévèrement.
Au Mexique, la noblesse comprenait deux classes, la noblesse héréditaire et la noblesse à vie. Les premiers portaient le nom de pipiltzin (nobles distingués). C'était une noblesse militaire. Dans son sein étaient pris les principaux fonctionnaires civils et mi- litaires qui jouissaient de très grands privilèges. Le plus haut rang de cette noblesse était celui de teutli. Pour l'obtenir, il fallait avoir donné dans plusieurs batailles des preuves d'un courage extraordinaire, et posséder une fortune suffisante pour maintenir son rang. Les teutli qui ajoutaient ce titre à leur nom passaient avant les autres nobles dans les assemblées. Ils avaient le privilège d'avoir un esclave avec un siège derrière eux. La deuxième classe de la noblesse comprenait ceux qui étaient nommés à vie pour des services rendus et dont les titres étaient attachés à certaines fonctions. Leur noblesse pouvait être rendue héréditaire.
En dehors de ces deux ordres, le chinancallec ou calpule, chef des calpullis ou communautés, était nommé à vie par la communauté et choisi dans la communauté. Ils représen- taient l'aristocratie des vieilles couches de la population et pouvaient être créés nobles avec transmission de leurs titres.
3i6
r,E I, ORIGINI-: ni:s indiens nu nouvi-ali-mondk
Au (iiuitcmala, cluv les (^)uitchiJs, la noblesse se com- posait des descendants des vini^'t- quatre grandes familles entre lesquelles le pays lut divisé par Cotuha-/tayub, le quatrième roi des Quitchés. Les chefs de ces familles, Ahaos, formaient îe i^rand conseil. l"*ersonne ne pouvait être nommé à une chari;e quelconque s'il n'était de sani; noble f.liiarez,
p. KJO .
Les titres de noblesse étaient héréditaires.
Des caipules, ou chefs des communautés ap;ricoles. formaient, comme au Mexique, une sorte d'aristocratie jouissant de pri\'i- lèges qui n'étaient pas transmissibles et étaient considérés comme nobles.
Au Pérou, la noblesse comprenait deu.x ordres. Le premier, celui des incas de sang royal, qui étaient très 'nombreux. Le souverain laissait quelquefois après lui cent ou deux cents en- fants qui étaient nobles de droit, quoique la noblesse ne se trans- mit que dans la ligne masculine. Le^- obles de san,^ royal occupaient les plus hauts postes de l'Etat et servaient près de la personne du souverain.
L'autre ordre de la noblesse comprenait les Curacas, les Caciques des nations conquises, ou leurs descendants, chargés de toutes les fonctions publiques sous les ordres des gouver- neurs des provinces ou autres grands chefs, qui étaient tous choisis dans la noblesse de sang royal.
l'artout la noblesse jouissait de grands privilèges et était astreinte à certaines obligations. Les enfants nobles étaient élevés dans des collèges spéciaux , où ils restaient jusqu'à un certain âge; là on leur apprenait l'éloquence et les traditions nationales, les sciences de la religion, de l'astronomie, l'histoire des dieux, des rois, la musique, l'écriture , etc. A quinze ans , on leur enseignait l'art de la guerre et, à vuigt ans, le père les emmenait dans les expé- ditions.
Presque partout, les bienfaits de l'instruction étaient réser- vés aux enfants nobles. Prescott iPeru, liv. I, ch. iv) ajoute
mmmmm
ET DE LEUR CIVILISATION 3lJ
que les nombreuses tami'les de sang royal seules jouissaient de ce privilèL;e '.
Les nobles et les prêtres concentraient ainsi toutes les lu- mières intellectuelles et le gouvernement empêchait que l'ins- truction ne se répandit dans les masses, alin de pouvoir les maintenir plus asservies.
Les iilles nobles qu'aucun vieu n'appelait à être élevées dans les monastères, restaient dans leurs familles où on leur appre- nait à tiler, à tisser des étoiles, à coudre et à taire tous les ou- vrages de leur sexe.
Les nobles, au Mexique, avaient des costumes ditlérents de ceux des autres classes; douze seulement pouvaient porter des vêtements d'une certaine étoile et d'une forme particulière. Ceux d'un rang intérieur qui s'étaient t'ait remarquer dans la guerre en avaient d une autre sorte.
Les grands seigneurs seuls pouvaient porter aux lèvres, aux oreilles et au ne/ des ornements d'or et des pierres précieuses. Ceux d'un rang intérieur pouvaient faire usage de ces ornements en bois, en os ou en toute autre ma- tière.
Les grands seigneurs et ceux qui s'étaient distingués à la guerre, pouvaient avoir des insignes particuliers et porter des bracelets d'or et d'argent au bras et au cou de pied, des clo- chettes d"or au pied dans les danses, des cercles d'or avec des plumes autour de la tête, des chaînes d'or au cou, des joyaux, des pierres travaillées, des cmeraudes.
Les autres nobles pouvaient orner leurs vêtements d'or et d'argent et faire usage de guirlandes, porter l'aigle sur leur coif- fure et des colliers d'or.
Les vêtements de coton et en plumes étaient réservés aux nobles.
Personne, excepté les nobles, ne pouvait changer de souliers.
I. « 'l'hc miiiiciMUs l'amiliLS, et' tlic blooil royal ,ulonc; cnjoycd thc bcnclit ot' ail tlio iglu ol cdiuaiioii which ihc civilisation ot thc Louiitry could allord.»
3i8
l)i: L OHIGINK DKS IN1)1I:NS DU NOUVEAU-MONDR
Le peuple n'avait que des sandales. Ils avaient seuls le droit de bâtir des maisons à étaf,'es.
Les nobles étaient exempts d'impôts.
11 leur était défendu de se marier avec la lille d'un plébéien sous peine de perdre leur noblesse et leurs biens.
Chaque famille devait avoir ciiez elle son arbre généalogique en ordre.
La noblesse tenait, comme ehe/ nous anciennement, ses pro- priétés en fiels, majorais, alleu.v et bénéllces. (^es domaines héréditaires pouvaient être vendus et aliénés par leurs posses- seurs, à la condition qu'ils ne sortissent pas de loidre de la no- blesse.
La noblesse, en Amérique, était avant tout militaire, ce qui faisait qu'aucune profession n'était plus estimée que celle des armes. Au Mexique, le dieu de la guerre était regardé comme le chtt protecteur de la nation. Aucun roi n'était élu, s'il n'avait donné des preuves de son courage et de son habi- leté militaire, et commandé une armée. Les enfants nobles, à par'ir de l'âge de quinze ans, étaient instruits dans l'art de la guerre. On croyait que les âmes de ceux qui mouraient les ar- mes à la main, jouissaient d'un bonheur parfait dans l'autre vie.
Les nobles étaient les premiers soldats, tous les grades leur appartenaient de droit; mais un esclave même pouvait obtenir la noblesse par une action d'éclat et être nommé capitaine. Les nobles qui se vouaient à la carrière militaire, étaient élevés dans des collèges jusqu'à l'âge de vingt ans.
Afin d'encourager les militaires, des ordres distincts avaient été créés au Mexique; ces ordres, nommés ordres de l'Aigle, du l'igre et du Lion, étaient conférés a ceux qui s'étaient signa- lés dans la guerre (Herrera, lU, p. '223).
Les membres de ces ordres militaires, porteurs de marques extérieures de distinction, servaient de gardes du corps. Ils avaient le privilège d'avoir dans leur maison des meubles d'or ou ornés d'or, de porter les plus lins vêtements de coton et les plus jolis souliers.
mmmmmm'
ET DE I.KUK Civil. ISAIION
3 19
Tous les citoyens étaient appelés en temps de guerre, et recevaient une solde tout le temps qu'elle durait.
Au Pérou, tout Indien payant Timput était oblii;é de serN ir pendant un certain temps, et, quand son temps de service était expiré, il retournait chez lui et prenait part aux exercices mili- taires qui avaient lieu une ou deux fols par mois sous le com- mandement du centurion. Chaque soldat était pourvu par lEtat de son uniforme et de ses armes et recevait une solde journa- lière. Ils avaient des dépôts d'armes, de vêtements et dappro- visionnements pour la guerre.
Les femmes pouvaient suivre leurs maris et portaient leurs armes et leurs aliments.
Les lois militaires étaient très sévères.
Le traître était coupé en morccau.x, ses biens coniisqués et ses parents mis en esclavage.
La désobéissance était punie de mort. Celui qui attaquait sans ordre, qui abandonnait son poste, qia faisait grâce à un pri- sonnier, était tué.
Toute insulte à un ambassadeur était considérée comme une cause légitime de guerre.
Les ambassadeurs, pour être mieux reconnus, portaient les insignes du roi qui les envoyait et par dessus un vêtement vert d où pendaient des touliês de coton. Leur tête était ornée de plumes avec des touliês de dilférentes couleurs. Dans la main droite, ils tenaient une flèche, la pointe baissée; dans la main gauche, un bouclier, et pendu au même bras, un filet contenant leurs provisions. Ces ambassadeurs étaient toujours choisis dans la plus haute noblesse.
Le meurtre d'un marchand, d'un ambassadeur était suivi de la guerre. Pour déclarer la guerre, ils envoyaient des boucliers et des manteaux à ceux qu'ils se proposaient d'aUaquer en leur signifiant leurs intentions.
Le prisonnier de guerre qui s'échappait et revenait chez lui était condamné à mort. Us disaient que celui qui n'avait pas su se défendre ou mourir dans une bataille, devait mourir en
ti.
320
nr. L ORiGiNt: des indiens du nol'Veau-monde
prison, que c'était moins dOslionorant que de s'échapper ^Bastanicnte, p. 200 1.
11 était détendu de porter des armes dans les villes, et dans d'autres circonstances que la guerre et la chasse, ou étant de f^arde.
1-eurs étendards qui ressemblaient plutôt au sii^iiinn des Ro- mains qu'à nos étendards, étaient des bâtons de M à 10 pieds de loni^ueur, avec les armes ou iiisii,'nes de l'Ktat en or ou en plumes. Les armes du Mexique étaicuit un aigle s'élançant contre un tigre; outre l'étendard général, chaque compagnie avait le sien propre, distingue par la couleur des plumes que les otliciers et les nobles portaient sur leurs armures. L'étendard de l'armée était conlié à un général qui se tenait au centre. Chez les 1 lascalans, en temps de paix, l'étendard avec lavant- garde et, en campagne, restait derrière rarméi;.
Les militaires en activité de service étaient exempts d im- pôts et de la corvée personnelle.
Les Péruviens avaient des colonies militaires nommées Mitimaes. Catamarga et Santiago del Kstero, encore aujour- d'hui peuplées par de Quitchuas, en sont des exemples.
Après le clergé et la noblesse venaient les classes moyennes comprenant les artisans et les commerçants. Les professions et les métiers étaient héréditaires.
Ce système, contraire aux principes de la liberté indi\i- duelle, était une des conséquences naturelles de la di\er- sité des castes. Dans un pay>^ ou l'éducation publique était si mal organisée que les classes moyennes ne pouvaient partici- per à ses bientaits que dans des proportions très limitées, le (ils ne pouvait avoir de meilleurs protesseurs que son père. D'un autre côté, c'était perpétuer les arts dans la famille à l'avantage dcTLlat. Mais, en même temps, parquer les hommes dans leur profession héréditaire, n'était-ce pas vouloir que leur intelli- gence s'atrophiât en méconnaissant le principe des aptitudes spéciales de chaque individu'?
Les classes moyennes payaient l'impôt, étaient exemptes de
KT i)i; lei:r civilisation
32 1
travail personnel, mais devaient servir an certain temps dans les armées royales.
Le commerce était très estimé, mais ne pouvait être consi- dérable dans un pays où, à part les nobles, personne ne pou- vait posséder de biens territoriaux, où il n'y avait pas de monnaie, où les communications étaient si difliciles et les moyens de transport si imparfaits.
Dans toute l'Amérique, les marchands l'ormaient une classe à part, les artisans une autre, et les gens exerçant une protés- sion une troisième. Ces trois classes qui constituaient une sorte de bourgeoisie, payaient leur quote-part dimp(jt en marchan- dises ou en articles manulacturés, mais étaient exemptes du service personnel. Personne ne pouvait se livrer à un com- merce quelconque sans la permission de l'autorité. Les lils con- tinuaient la profession ou le métier de leur père.
Les artisans apprenaient à leurs (ils leur métier, Chaque corps formait une corporation habitant un quartier ou une rue appropriée à son industrie, avec son chef, sa divinité tutélaire, etc. I e chef de chaque corporation la représentait dans les all'aires importantes.
Dans le royaume de Te/cuco, un conseil, nommé conseil de musique, était chargé de la surintendance des arts et des fa- briques.
Les principaux artisans étaient les taillein-s de pierre, char- pentiers, orfèvres, peintres sur étoiles et de bàtiment.s, sculp- teurs, tourneurs, tisseurs, fabricants de nattes, tanneurs, cor- donniers pour les nobles et l'armée, couteliers, maçons, barbiers, potiers, artificiers, jardiniers, cuisiniers pour les ri- ches.
Ils avaient des manufactures de drap, etc.
Les objets manufacturés étaient vendus sur des marchés qui se tenaient régulièrement dans les centres de population et les citoyens satisfaisaient leurs besoins avec la facilité et dans la proportion qui s'observent seulement dans les sociétés civilisées.
Les musiciens et les chanteurs étaient très estimés parmi les
ai
n
322
Di: L OUIGINK ors INDIENS DU NOLVEAL-MONDK
Indiens, depuis qu'ils conservaient dans leurs chants le souve- nir du passé. Ils les considéraient comme des sages et des lettrés (Lettre de U. de l-'uenléalj i532; lernaux-Compans^ II, p. 119;.
Ils avaient des orateurs qui étaient instruits depuis leur en- lance dans l'art de bien parler. On leur apprenait à répéter les discours mémorables de leurs ancêtres, qui étaient conservés avec soin Clavi^^ero, liv. \II, ch. xlii;.
Ceux qui suivaient la profession de la médecine enseignaient à leurs entants la nature et la diliérence des maladies et des herbes Clavigero, liv. VII, ch. ux).
Dans beaucoup d'endroits, les prêtres étaient en même temps médecins. Chez les Chibchas, les prêtres chèques' étaient médecins. Au Pérou, les prêtres nommés kollas étaient aussi fameux par leur science médicale, que les Coiès ou Coes à Samothrace et les prêtres égyptiens. Ces prêtres cueillaient, aux saisons con- venables et d'après un rite déterminé, certaines herbes aux- quelles les conjonctions des astres prêtaient des vertus mer- veilleuses '. « Ils connaissaient, dit M. Vicente Lopez, les propriétés du quina, de l'ipécacuana, du copa'iba, du soufre, des toniques amers et aromatiques et la plupart des agents thé- rapeutiques connus aujourd'hui. Si Ton compare, ajoute-t-il, l'état de la médecine péruvienne au xvi" siècle avec l'état ac- tuel de la médecine européenne, on pourra, il est vrai, être frappé de l'infériorité de la première. Mais, prenez la même science au Pérou et en Europe, au moyen âge, et cherchez de quel côté aurait été l'avantage. Les Collas, qui savaient prépa- rer une momie, devaient avoir une connaissance relative de l'anatomie et de la chirurgie. Us pouvaient vider les trois cavi- tés sympathiques du corps humain, extraire du cadavre le sang et les autres liquides corruptibles ou corrompus. Ils connais- saient un à un les viscères, les classiiiaicnt pour les conserver
I. Les nicis aiycHiws du Pàoii, p. 3ii.
ET de: LliUR CIVILISATION
323
dans des vases distincts et appropriés. Il faudrait comparer celte médecine avec celle des Grecs, des Etrusques et des Brahmanes. Malheureusement la société et le culte sur lesquels repose au Pérou l'art de la guérison ont disparu à jamais ainsi que la caste initiée aux secrets de la machine humaine. »
Ils avaient des acteurs qui jouaient la comédie, le drame, etc. Le chef d'orchestre et le directeur du théâtre, au Yuca- tan, avait le titre de holpop, c'est-à-dire seigneur de la natte et comme tel, il avait le droit de s'asseoir sur une natte comme les princes. 11 était traité avec respect (Brasseur, Rabiiial aclii, pp. 14- 1 5;.
Le système féodal implique des serfs ou des esclaves. C'est ainsi qu'on pouvait appeler, en Amérique, les laboureurs et les manouvriers qui tous avaient un seigneur ou maître, roi, no- ble on prêtre, et qui n'avaient pas le droit de posséder les terres qu'ils cultivaient à la sueur de leur front. Ceux qui étaient at- tachés aux terres des nobles leur payaient une certaine rede- vance, et étaient astreints à tous les travaux que nécessitaient la construction et l'entretien de leur demeure ainsi que leur service personnel. Ceux-là ne payaient pas d'impôt au souverain, excepté en temps de guerre ou de circonstance extraordinaire. Leur sei- gneur devait veiller à ce qu'ils ne manquassent de rien. Quant à ceux qui étaient organisés en communauté, ils cultivaient d'abord en commun certaines terres dont le produit ét,ait réservé pour le roi, le clergé ou l'entretien des temples et les frais de guerre. Ces produits, après que les parts du souverain et du clergé avaient été prélevées, étaient conservés dans des dépots pu- blics pour être utilisés le cas échéant. Quant aux produits des terres réparties entre les membres de la communauté pour l'entretien de leurs familles, ils leur appartenaient en entier, mais étaient calculés de manière à suffire à leurs besoins. D'un autre côté, comme aucune terre n'était à vendre, ils ne pouvaient songer à augmenter leur patrimoine; du reste à quoi cela leur aurait-il servi du moment où il n'y avait pas de monnaie et que tout ce qui était superlîu dans la nourriture, ou considéré
îl
324
UK K ORlGINi; DES INDIENS DU NOUVEALi-.MONDI';
n^
comme luxe était dôt'oiiJu? Le système d'espionnante était orga- nisé de telle sorte que nul ne iiouvail échapper à l'œii inqui- siteur de la police qui, nuit et jour, à toute heure, avait le droit de pénétrer dans votre demeure et de voir si votre alimenta- tion était trop ou pas assez abondante, si vous aviez de Tordre, de la propreté, si vous possédiez des objets inutiles, si la paix régnait dans votre intérieur et si vous aviez soin de vos enfants. Des inspecteurs veillaient à ce que les corvées fussent juste- ment réparties, que chacun cultivât son champ, que la justice tût rendue, que les vieillards lussent traités avec les égards voulus, que les seigneurs n'abusassent pas de leurs privilèges. Mais à côté de ces sages dispositions, sous prétexte que la parusse était un lléau, on écrasait le peuple de corvées de toutes sortes. On lui faisait élever des monuments gigantesques pour les dieux, les souverains, les nobles et les prêtres, pendant qu'il vivait dans une misérable cabane; on abrutissait ainsi le corps, tout en refusant à son esprit la nourriture la plus nécessaire. Pour lui, pas d'école, pas d'instruction, qui lui eût permis de se rendre compte de sa fâcheuse condition.
L'Etat avait soin de la bête, on ne peut le nier, mais faisait tous ses efforts pour tuer le reste.
Une caste spéciale était celle des laboureurs comprenant, au Mexique, lesteccalecs qui devaient leurs services aux nobles ou seigneurs auxquels ils avaient été attachés par le roi, les tlal- maites ou magueys, serfs appartenant aux propriétaires qu'ils ne pouvaient quitter, enfui les membres des calpullis ou com- munautés agricoles qui étaient serfs du roi.
Les premiers devaient cultiver les propriétés de leurs maî- tres, élever leurs maisons et leur donner une part du produit de leur chasse, pèche, etc. Leurs obligations ou redevances étaient déterminées.
Les membres des calpullis recevaient une certaine quantité de terres qu'ils devaient cultiver pour entretenir leur famille. Ils ne pouvaient travailler sur les propriétés d'un autre calpulli ni quitter la communauté sans permissioi*..
r.T i)i: i.ruR civilisation
325
I.a distiiKiioii t-lcs proprictcs territoriales, dos biens meubles et immeuhies était établie. Ces diverses espèe-es de propriétés pouvaient et rc échangées, vendues ou transmises par succession. Tout homme libre ou noble pouvait posséder des terres et avait le ilroit de les transmettre. D'autres étaient attachées à la po- sition et se perdaient avec elle. Ces deux moyens de possession étaient le privilège des hautes classes. L»' commun de la na- tion possédait les terres d'une manière très distincte. A chaque district, on adjugeait une certaine quantité de terres propor- tionnée au nombre de lamilles de la communauté. Ces terres appartenant au roi ou à l'Iùat étaient travaillées en commun. Le produit d'une partie de ces terres était déposé dans des ma- gasins pour les besoins généraux. Les autres terres étaient cul' tivées par chaque famille qui pouvait disposer de leurs produits.
Au Mexique, originellement toutes les propriétés territoria- les appartenaient aux communautés. Mais peu à peu les chefs s'emparèrent d'une partie des terres et se les approprièrent. Le pays fut alors divisé; i" en propriétés royales^ pour le maintien des temples, des dépenses de guerre et de la maison royale; 2" en propriétés de la noblesse, comprenant les proprié- tés privées des nobles, transférables seulement à des nobles et réversibles au roi^ à défaut d'héritier; 3" en propriétés des com- munautés (calpullis dont une partie était donnée à cultiver à chaque famille, et réversible, en cas de départ ou d'extinction, à la c mmunauté. Les membres de ces oommunautés devaient donner, a titre de contribution, certaines espèces de produits et fournir des corvées personnelles, déterminées par des lois. On te- nait un cadastre sur lequel les terres des calpullis étaient pein- tes en jaune, celles des nobles en couleur de chair, celles du roi en couleur rougeâtre. Les revenus d'une certaine quantité d'ex- cellentes terres étaient assignés au maintien du culte public.
Le roi pouvait donner ou louer les propriétés de la cou- ronne. Quant aux nobles^ ils pouvaient disposer à leur gré de leurs terres, pourvu que ce ne fût pas en faveur du peuple, qui n'avait pas le droit de posséder de propriété territoriale.
326
nr I. ORIGINK DES INDIENS DU NOL'VEAU-MONDE
Les tci rcs, que chaque Indien recevait du chef de la commu- nauté pour entretenir avec leur culture sa famille, continuaient à appartenir à la coniniunauté. (^uand une famille s'éteii;nait, sa part faisait retour à la communauté, et le chef la distribuait à ceux qui en avaient le plus besoin. SI un membre d'un cal- pulli quittait la communauté, ses terres étaient rendues, avant son départ, à la communauté. Toutefois, ces terres pouvaient être transmises comme héritage. Si le possesseur n'en était pas satisfait, il pouvait les rendre et en demander de meil- leures au chef qui les lui donnait s'il y en avait d'inoccu- pées. Celui qui laissait ses terres incultes par sa faute ou sa né- gligence pendant deux ans, était requis de 'es cultiver; et, s'il ne le faisait pas, on les donnait à un autre membre de la com- munauté.
En résumé, la terre appartenant à la communauté était la propriété perpétuelle et inaliénable, non de chacun en particulier, mais de la communauté entière. (Jelui de ses habitants qui en cultivait une portion y avait droit aussi longtemps qu'il conti- nuait à la travailler. Autrement on en disposait en faveur d'un autre. Personne n'avait le droit d'aliéner les terres de la communauté. Les anciens composaient le conseil qui élisait un chef chargé de surveiller les intérêts généraux.
Au Pérou, tout le territoire de l'empire était divisé en trois parts : une pour le soleil, l'autre pour linca, la troisième pour le peuple.
Dans chaque localité où une communauté se formait, le sol était divisé de la manière suivante : une portion du tiers ou du quart des produits était ruise à part pour l'entretien de la religion et de l'armée. Une autre part des produits était réser- vée pour rinça, conservée dans des magasins, ou envoyée à C]uzco; en temps de guerre, les approvisionnements étaient ex- pédiés de toutes les parties de l'empire, en supplément à la consommation ordinaire, avec le plus grand ordre. Quelque- fois les magasins renfermaient des approvisionnements suffi- sants pour dix ans. Cet impôt était dû à l'inca comme roi et
ICT DE I-KUR CIVIMSATION 327
non comme porsoiino privée. Son proJuil servait pour en- tretenir sa cour, ses serviteurs, ses parents, et, en temps de guerre, pour les besoins de l'armée. La dernière part du produit des terres cultivées en commun était réservée au peuple.
Le peuple, comme au Mexique, ne pouvait avoir de pro- priété privée, ni la donner, ni la transmettre à ses héritiers. Toutes les propriétés appartenant à la communauté, étaient divisées chaque année. On désignait à chacun la pièce de terre qu'il devait cultiver pour l'entretien de sa famille. Chacun avait ainsi plus ou moins chaque année, suivant la famille M'Acosta, liv. VI, ch. XV).
Les troupeaux étaient répartis de la même manière que les propriétés; les pâturages, les terrains de chasse, les forets ser- vaient en commun sous des règlements déterminés.
Toutes les mines appartenaiert à l'inca, ainsi que les plan- tations de coca.
Chaque hidien recevait un tupu, un acre de terre pour plan- ter son maïs; un autre pour chaque enfant mâle, une moitié pour chaque (ille. Quand un fils se mariait, on lui donnait un tupu et de quoi so loger.
Cette distribution des terres intéressait chaque citoyen au bien général et liait son bonheur à la tranquillité publique. MaiSj en même temps, cela a dû être une des causes qui ont entravé la marche de la civilisation et Pont rendue plus stationnaire, car, en paralysant l'ambition des individus, on tarit infaillible- ment toute source de progrès pour la nation.
L'esclavage existait dans toute l'Amérique , comprenant , trois catégories : les prisonniers de guerre qui n'étaient pas sacrifiés, une classe particulière de malfaiteurs et ceux qu'on achetait. Dans le premier cas, il était rare qu'ils échap- passent au sort commun réservé aux captifs. Dans le second cas, c'étaient des voleurs, des traîtres, des femmes incorrigi- bles qui étaient condamnés par la justice. Les derniers étaient des malheureux achetés chez les nations étrangères ou des enfants vendus par leurs parents à cause de la misère. Un
328
DE L ORIGINE DES INDIENS DD NOUVEAU-MONDE
■a?
père pouvait vendre ses enfants comme esclaves^ et le mari ainsi que la femme pouvaient se vendre eux-mêmes (Gomara, p. 441). Les paresseux, les joueurs et les débiteurs pouvaient se vendre comme esclaves.
Les esclaves pouvaient se marier, posséder des biens par le moyen desquels ils se rachetaient '.
Dans certains pays, les enfants d'esclaves restaient esclaves jusqu'à ce qu'ils se fussent rachetés. Celui ou celle qui se mariait à une ou à un esclave, ou avait un enfant d'esclave devenait es- clave 'CogoUudo . Dans d'autres pays, les fils d'esclaves étaient libres. Les services qu'on pouvait exiger d'un esclave étaient stipulés avec une scrupuleuse précision par la loi. Les mau- vais esclaves recevaient des avertissements dans le principe, étaient punis ensuite par un collier de bois qu'on leur mettait au cou, vendus ou finalement sacrifiés.
Au Mexique, quelquefois les familles pauvres s'engageaient vis-à-vis d'un seigneur à lui fournir perp'étuellement un es- clave. Ils lui donnaient, à cet etlet, un de leurs enfants, et, quand il était en âge de se marier ou pour un autre motif, ils lui 2n substituaient un autre.
Les vassaux formaient une classe à part. On comprenait sous ce nom tous les habitants des provinces conquises payant un tribut et soumis à certaines charges. Les chefs, au Mexique, étaient obligés, durant un certain temps de l'année, de résider dans la capitale à la cour du souverain. Ils ne pouvaient pas retourner dans leurs Etats sans la permission du roi et sans laisser comme otage un fils ou un frère Gomara, p. 345j.
Les provinces vassales devaient fournir un tribut plus ou moins fort et le service militaire. Quelquefois le tribut était simplement une marque de reconnaissance de la suzeraineté.
Le traitement des provinces conquises différait suivant les souverains. Ainsi, d'après Vr. Domingo de la Annunciacion (1554), Montezuma F' ayant conquis Chalco n'exigea pas de
I, l'our la position îles esclaves au Mexique, voir Torquémada, liv. XIV, ch. xvii.
ET DE LEUR CIVILISATION 329
tribut, consiucrant les habitants comme ses alliés. Son succes- seur envoya un officier qui les obligea à cultiver pour le roi des terres d'une certaine étendue. Les deux rois suivants firent de même, mais donnèrent des présents aux chefs. Montczuma 11 exigea, en outre, qu'ils vinssent deux fois par an à Mexico, en les obligeant de prendre part aux fêtes, et d'envoyer des soldats pour les expéditions, ainsi que du bois, des pierres et du sable pour la construction de ses palais.
Les tribus qui s'étaient soumises sans résistance payaient le tribut comme alliées, mais devaient fournir les troupes auxi- liaires qui leur étaient demandées. Les Etats soumis par les ar- mes payaient un tribut plus lourd Zarita, p. 120).
Chaque province soumise était obligée d'envoyer des hom- mes pour travailler dans la capitale et dans le palais du souve- rain n'ernaux Compans, 1, p. 23i).
Au Pérou, les incas, considérant que Cuzco était !e centre de l'empire qui s'étendait jusqu'à Quito, a plus de ()00 lieues, jus- qu'au Chili, encore plus éloigné, et que cette immense étendue de pays était habitée par des barbares parmi lesquels se trouvaient des peuples très guerriers, avaient ad' nté le système suivant pour maintenir la sécurité dans leurs doi.. aines. Aussitôt qu'une province était conquise, dix ou douze mille hommes recevaient l'ordre de s'y rendre a^•ec leur famille, On les envoyait géné- ralement dans les endroits dont le climat ressemblait le plus au leur. Ces mitimaes ou colons recevaient des terres et les ma- tériaux nécessaires pour construire leurs maisons; ils devaient toujours obéir aux ordres des gouverneurs et capitaines placés à leur tète; de sorte que, si les indigènes se révoltaient, les mitimaes les punissaient et les forçaient à la soumission. D'un autre côté, si les mitim.aes cherchaient à se soulever, ils étaient attaqués par la indigènes. Ce système avait ainsi le double avantage de maintenir la tranquillité et d'alimenter toutes les provinces de toutes sortes de productions (Cieza, ch. xli).
Dans toutes les parties du Pérou où, par suite de la rigueur du climat froid, le pays n'était pas aussi fertile ni aussi produc-
33o
DF; L ORIGINF DES INDIENS DU NO.JVEAU-MONDR
l!
tit, ils ordonnaient, comme les t^ranJes forêts des Indes bor- daient ces parties stériles, qu'un certain nombre d'indiens avec leurs familles fussent pris dans chaque village et envoyés dans ces endroits pour cultiver les terres et faire parvenir les fruits de leur travail à leurs chefs. Ils étaient appelés aussi mitimacs (Cieza^ ch. xcix;.
Quand le peuple devait travailler des terres en dehors de leur district pour l'inca ou pour les temples, ces terres se nommaient suyu. Des Indiens laissés dans le pays restaient soumis à leurs propres chefs et non à ceux du pays où ils résidaient. Ils étaient dillérents des mitimaes.
Au Mexique, l'administration du royaume était confiée au souverain qui était aidé d'un coadjuteur, nommé l'ecuxcalcal- tecli. Un général nommé lacatecol présidait à toutes les affai- res militaires. 11 avait sous sa direction les chels de districts auxquels les habitants devaient s'adresser. Un ministre était chargé des travaux publics. La perception générale des impôts et leur distribution incombaient au hueycalpix, ayant sous ses ordres des employés, qui, après avoir perçu l'impôt dans leurs districts, le lui faisaient parvenir.
Les provinces étaient gouvernées par des olllciers nommés par le roi. Des préfets administraient les principales villes. Des macuilte paupixques, sorte de centurions, avaient charge décent familles. Au-dessous des centurions venaient cinq centes pau- pixques commandart chacun à vingt familles. Tous ces em- ployés étaient chois., s par le gouverneur et nommés par le roi. Ils liaient pris parmi les nobles. La police était confiée à des ajjents portant comme insigne une baguette.
Les officiers attachés à la cour étaient nobles du premier rang.
Au Pérou, une loi établie par les incas prescrivait que, dans toutes les villes, les habitants fussent enregistrés par décades de dix et qu'un d'eux lût choisi comme décurion. avec autorité sur les neuf autres. Cinq décurions avaient à leur tète un chef commandant ainsi à cinquante familles. Deux de ces chefs
ET DE LEUR CIVILISATION
33l
de cinquante familles avaient un supérieur commandant à cent hommes. Cinq centurions étaient soumis à un autre chef, hu- nanj^o, qui commandait à cinq cents hommes, et deux de ceux-ci obéissaient à un 1 inos, commandant à mille hommes. Pour dix mille hommes, il y avait un gouverneur ou vice-roi, crocricroc, proche parent du roi.
Les devoirs du décurion étaient de servir aux habitants de pourvoyeurs et de les assister avec soin dans toutes les occa- sions , rendant compte de leurs besoins au gouverneur ou aux autres oflicicrs. Il devait agir en même temps comme otlicier de la couronne et faire un rapport à son supérieur pour cha- que oflense commise par ses subordonnés. 11 lallait avoir au moins vingt-.six ans pour exercer les charges inférieures. Les hunnos et les crocricrocs devaient avoir au minimum cinquante ans.
lous les emplois, un peu élevés, étaient confiés aux nobles.
Curaca était le titre des caciques des provinces conqui- ses ou de leurs descendants. Us étaient toujours subordonnés aux gouverneurs pris parmi les membres de la famille royale.
Le décurion devait faire connaître, chaque mois, ù ses su- périeurs, les naissances et décès des deux sexes. A la fin de l'année, un rapport était adressé au roi à ce sujet, dans lequel on portait le nombre de personnes qui étaient parties pour la guerre et qui avaient été tuées. La même règle était observée en temps de guerre par les ofticiers.
Au Mexique, le nombre d'habitantsde chaque village ou quar- tier dans les villes était exactement connu Torquemada, liv. IV, ch. vu). Des groupes de la population étaient formés, ayant cha- cun un chef, aussi bien pour faciliter la perception des impôts que pour d'autres objets Zurita, p. 134;; des recensements gé- néraux de toute la population avaient lieu à des époques fixées. Personne ne pouvait quitter son groupe ni son village ni son quartier.
La population du Mexique et de l'Amérique centrale ne devait pas dépasser 5 ou G millions d'habitants. En 1741, Phi-
332
DE L ORU'INE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
lippe V envoya aux vice-rois et gouverneurs des provinces de la Nouvelle-Espagne Tordre d'opérer le recensement de la popu- lation. Dans le recensement fait au Mexique par Don Antonio de Villasena y Sanchez on compta 294,391 familles qui, à cinq par famille, représentent 1,471,955 habitants, auxquels si on ajoute ceux du Guatemala, Honduras, etc., d'après le recense- ment de 1778, c'est-à-dire 8o5,339, donnèrent 2,276,294, ou 2,5oo,ooo en faisant la part des omis.
Au Pérou, un registre était tenu de toutes les naissances et décès, et un recensement exact de la population était fait par le gouvernement chaque année au moyen des quipos (Prcs- cott, Peni, 1, ch. 11 .
Ce vaste empire ne contenait pas plus de 10 à 11 millions d'habitants, nombre qui diminua rapidement après la conquête. Le recensement général fait en i58o n'a pas donné plus de 8,280,000 habitants (Rivéro et Tchudi, p. 69).
Les droits et les contributions, parfaitement réglés, se rédui- saient aux impôts sur les terres, sur les richesses de l'industrie et sur les marchandises de toutes classes vendues sur les mar- chés publics. Comme l'usage de la monnaie n'était pas répandu, tous les impôts se payaient en espèces. En dehors de ces im- pôts, le peuple devait fournir le service personnel.
Les impôts n'étaient pas payés par chaque habitant, mais, par les villes ou districts sous la forme de subside, tels que vêtements d'hommes et de femmes^ poisson, coton, or, ma'is, axi fpoivrej, haricots. Chaque ville ou village avait des terres appropriées à la culture des fruits destinés au payement des impôts.
Les provinces contribuaient dans des proportions différentes, suivant qu'elles avaient été conquises par force, qu'elles s'é- taient soumises volontairement ou qu'elles étaient sujettes no- minalement.
Les impôts étaient payés les uns annuellement, les autres tous les six mois, les autres tous les quatre-vingts jours.
Les localités éprouvées par la famine étaient exemptes d'im-
^
ET DE LEUR CIVILISATION
[lys
pôt, ainsi que les nobles^ les mineurs, lus veuves, Ls impo- tents temporaires ou permanents, les pauvres et les serviteurs des temples.
Les marchands payaient leurs contributions en marchandises manulacturées et les artisans en produits de leur indi-strie. Ces deux classes étaient exemptes de travaux personnels.
Ceux qui ne payaient pas leurs impôts aux termes lixés, étaien punis sévèrement. Il y avait des rôles de contribution établis au moyen de peintures.
Les juges étaient en même temps receveurs des impôts.
Des octrois étaient établis à l'entrée des villes et dans tous les ports de débarquement où une certaine quantité de provi- sions était apportée , des employés vériliaient tout ce qui en- trait, prélevant un certain droit sur chaque marchandise.
Ce droit, dans la capitale, était pour le roi et, dans la pro- vince, pour le gouverneur. (Cortez II, p. 119.J
Toutes les marchandises sur les marchés publics payaient un droit pour le roi.
Au Pérou, les impôts étaient assez lourds et tous à la charge du peuple. Les nobles, prêtres, capitaines et otïiciers jusqu'au centurion, les gouverneurs, juges et otïiciers du roi en fonc- tions, tous les soldats en activité de service, et les jeunes gens jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, parce qu'avant cet âge ils ne pouvaient se marier et devaient aider leurs parents, étaient exempts d'impôts. Après leur mariage, pendant un an, ils ne payaient pas d'impôt. Les vieillards au-dessus de cinquante ans étaient aussi exempts, ainsi que les tenimes, les malades, les aveugles, les boiteux, les estropiés. Les sourds et les muets n'étaient pas exempts.
Il y avait deux sortes d'impôts : l'impôt foncier et le service personnel ; l'impôt foncier était payé en commun par la com- munauté, comme au Mexique, et chacun était obligé de tra- vailler pour produire ce qui était exigé de la communauté. Mais on ne prélevait rien des revenus des terres assignées à chacun.
Les marchands et les artisans devaient fournir leur part
3:h
DE L OUIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
i
d'impôt en marchandises et produits manufacturés qui étaient déposés dans des magasins de l'Etat. En outre, celait le peu- ple qui faisait les vêtements, les souliers et les armes pour les soldats et les pauvres ne pouvant travailler eux-mêmes.
Tout homme du peuple, à l'exception des marchands et des artisans, devait contribuer aux travaux publics. La répartition en était faite chaque année. On indiquait les travaux à exé- cuter et le nombre d'hommes à employer.
La réparation des chaussées incombait ù chaque district. Le même système était établi pour les autres travaux qui étaient répartis entre les familles, si les travaux étaient peu importants; entre les districts, s'ils l'étaient davantage; enlin, entre les provinces, s'ils étaient considérables comme les constructions des ponts, des palais ou autres semblables.
Les immenses travaux exécutés par le peuple dans toute l'Amérique et dont on admire encore les ruines, rappellent ce qui s'est fait en Egypte, quand on a construit les pyramides. C'est la même tyrannie, le même abus des bras du peuple
Au Mexique, l'administration de la justice, confiée à des tri- bunaux et à des juges, était parfaitement organisée. Dans la ca- pitale, il y avait un magistrat suprême^ ministre de la justice, qui nommait les juges et les collecteurs des taxes, et dont la décision était sans appel dans les atlaires criminelles. Une haute cour prononçait dans toutes les causes civiles et crimi- nelles. Ses décisions étaient sans appel pour les aflaires civiles. Dans chaque quartier d'une ville ou dans chaque village, il y avait un juge élu pour un an par les habitants et ayant sous ses ordres des commissaires chargés de la police, et des mes- sagers. Dans le chef-lieu de chaque province se trouvait un tri- bunal composé de trois juges nommés par le ministre de la justice et auquel on pouvait appeler des sentences des juges locaux. De ce tribunal on pouvait appeler à la cour suprême.
Dans le royaume de Te/cuco, l'organisation judiciaire était dillerente. Il y avait dans le.5 six principales villes un tribunal de deux juges, chargés en même temps de la perception des
ET DK I.EUR CIVILISATION
335
impôts. A Te/cuco, il y avait doux hautes cours, de deux juges chacune^ l'une pour les causes civiles, l'autre pour les causes criminelles. Dans chaque quartier des villes ou chaque villaj^e, un juge nommé par les habitants jugeait les causes peu impor- tantes, 'l'ous les dix ou douze jours, les juges des tribunaux des chefs-lieux de province et de la métropole se réunissaient sous la présidence du roi pour juger les atl'aires graves appelées devant cette cour, 'l'ous les quatre-vingts jours, les causes ex- trêmement graves étaient jugées par une haute cour composée de treize juges et présidée par le souverain.
Le roi jouissait du droit de grâce.
Le traitement des juges consistait dans l'usufruit de certaines propriétés. Quiconque acceptait des cadeaux ou se laissait cor- rompre risquait sa vie.
Au Yucatan, l'administration suprême de la justice et la perception des impôts étaient confiées à un conseil de vingt- quatre nobles.
Dans chaque village, il y avait un juge pour recevoir les plaintes qui lui étaient adressées, rendre la justice dans les cinq jours si le cas était de peu d'importance, ou transmettre la cause à un juge supérieur dans le chef-lieu de la province. Aucun plaignant ne pouvait sortir de son village ou de la pro- vince sans obtenir justice (Garcilazo, liv. H, ch. xni.^^
La justice était organisée de la même manière au Pérou qu'au Mexique. Les attaires graves étaient portées devant un tribunal siégeant dans la principale ville de la province. On pouvait appeler de ses sentences à une cour suprême établie dans la capitale et présidée par un délégué du souverain, de sang royal.
Les litiges entre provinces étaient jugés par un juge de sang royal noinmé par l'inca
Les nobles étaient justiciables des tribunaux dans toute l'A- mérique.
Dans toute cause criminelle ou civile, des témoins étaient entendus. L'accusé pouvait se défendre lui-même ou se servir
336
DE L OKIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
d'un dOtcnseur. En matière criminelle, on employait souvent la torture pour obtenir Taveu du crime. Dans certains cas, on faisait usage de l'épreuve par le l'eu ou par l'eau pour découvrir les coupables : on oblij^eait, comme chez nous au moyen âge, l'accusateur et laccusé à marcher pieds nus sur du l'er brû- lant, de prendre avec la main nue un 1er roui;i au l'eu, de plon- ger le bras dans une chaudière d'eau bouillante, de traverser les flammes d'un bûcher. Les peines, comme les lois, étaient e.xtrémement sévères et le plus souvent barbares. La peine de mort était iniligée pour un grand nombrede délits et était exécu- tée avec tous les ralllnements que la cruauté peut imaginer. Les uns étaient décapités, d'autres pendus, empalés, coupés par morceau.x, lapidés, brûlés vivants et noyés; quelquelois on arrachait au malheureux condamné les intestins ou bien on lui écrasait la tète avec des pierres; ou bien encore on le jetait du haut d un rocher ou on le mettait dans un puits avec des insectes venimeux et on le laissait périr de faim. Enlin, on sacrifiait les prisonniers en leur plonger... un couteau dans le ccjeur. Dans d'autres cas, on se contentait de couper les oreil- les, les lèvres ou les mains. Les biens, la femme et les escla- ves d'un condamné à mort étaient confisqués.
On exposait et marquait. Pour les délits moins graves, on inlligeait le bannissement, la prison, la bastonnade, la Hagella- tion, la cangue. On coupait les cheveux et on déchirait ou re- tournait les vêtements.
11 y avait deux sortes de prison. L'une, semblable à nos prisons modernes dans laquelle on renfermait les débiteurs insolvables, les voleurs et les individus condamnés pour des délits ou crimes n'entraînant pas la peine capitale. L'autre prison était une cage en bois dans laquelle on mettait les con- damnés à mort et les prisonniers destinés aux sacrifices. Ces derniers étaient très bien nourris; on tenait à ce que ceux qui devaient être sacrifiés parussent en bon état devant l'autel. Quant aux autres, on les laissait presque mourir de faim.
Au Mexique, aussi bien qu au Pérou et dans toute l'Améri-
ET DE I.EUU CIVILISATION 337
i-iue, les lois étaient peu nombreuses et très sévères, et cela se comprend avec des peuples qui avaient peu de commerce, pas d'argent monnayé et où la masse de la nation ne possédait rien qui pût s'appeler propriété.
Quelques-unes de ces lois annonçaient un véritable degré de civilisation, elles protégeaient le peuple en assurant son bien- être. Ainsi elles ne permettaient pas de l'occuper ù des travaux nuisibles à sa santé. Les basses classes n'étaient jamais victi- mes impunément du vol public ou particulier, et des prévisions bienveillantes veillaient avec soin à leurs premiers besoins.
Au Pérou, une loi nommée Caseras prescrivait qu'il n'y eût pas de paresseux et même que les enfants de cinq ans fussent employés à de petits travaux en rapport avec leur âge. Les aveugles et les muets n'étaient pas exemptés du travail. Le reste du peuple devait faire chacun ses propres travaux tant qu'il était en bonne santé, et l'on regardait comme infâme et dé- gradant d'être puni en public pour paresse. La même loi or- donnait que les Indiens prissent leurs repas laissant les portes ouvertes, afin que les inspecteurs pussent entrer librement dans leurs maisons et se rendre compte de la manière dont ils se nourrissaient. D'autres agents inspectaient les temples et les établissements publics, aussi bien que les maisons des par- ticuliers. Ces inspecteurs veillaient à ce cv l'homme aussi bien que la femme maintinssent tout en ord . ^ans la maison, et que la discipline régnât parmi leurs enfants. Ceux qui avaient de l'ordre étaient récompensés par des félicitations publiques, tandis que les désordonnés recevaient des coups de baguette sur les épaules et les cuisses ou subissaient un autre châtiment prévu par la loi (Garcilazo, liv. V, ch. n).
Il était défendu de boire du vin sans la permission de l'au- torité, à moins de circonstances prévues. Cette loi avait pour objet de combattre la passion de Tlndien pour la boisson.
Des lois obligeaient tous les individus arrivés à un certain âge à se marier. Au Pérou, cet âge était fixé à vingt-six ans pour les garçons et à quinze pour les filles. Celles qui ne s'y confor-
^k
]t
I :
338
DK L OriGINK DKS INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
maient pas ctaiciit destinOcs à devenir prêtresses du soleil ou à servir les prêtresses.
Des lois fixaient la part de chacun dans les travaux publics. D'autres lois, nommées lois fraternelles, obligeaient les habi- tants de chaque village à s'entr'aider dans les moissons, la construction des maisons et autres ouvrages sans recevoir do paiement. Les champs des veuves, des orphelins, des vieillards, dos soldats appelés sous les drapeaux étaient cultivés par des gens de corvée choisis par l'autorité qui devait empêcher que personne travaillât au-delà de ses iorces.
Des lois ordonnaient aux habitants de chaque village de lêter ensemble certains )Ours de l'année et de prendre part à des jeux, aiin que les familles restassent unies entre elles et que le peuple pût se reposer de ses travaux.
Les étrangers et les voyageurs de aient être traités comme des hôtes, et des maisons publiques étaient disposées pour eux.
Des inspecteurs, chaque année, visitaient les villes et les cam- pagnes et veillaient à ce que les lois fussent observées, que la justice fût rendue, que les terres fussent bien cultivées, que les magasins de l'Etat fussent bien approvisionnés, que les travaux publics fussent exécutés et que les charges fussent réparties équitablement. En outre, des censeurs traversaient souvent les districts, s'enquéraient de la conduite et du zèle des officiers et en rendaient compte au souverain.
Comme on le voit, le peuple était entièrement en tutelle et aussi heureux que pouvait Tètre un esclave.
Les lois criminelles ou civiles au Mexique étaient très sévè- res et différaient peu dans les trois Etats confédérés.
Les ofîiciers déloyaux risquaient leur tête. Les collecteurs de taxes qui trompaient le souverain étaient mis à mort, et leurs parents punis comme traîtres (Torquémada, liv. XIV, ch. viii).
Ceux qui se rendaient coupables d'adultère dans le principe étaient lapidés, plus tard pendus ou décapités fZurita, p. 109). Les nobles ou guerriers convaincus du même crime étaient mis à mort. Quelquefois la femme adultère était empalée.
ET DE LEUR CIVILISATION 339
Celui qui tuait sa femme, même lorsqu'il la surprenait en llaf^rant délit d adultère, était condamné à mort, parce que, suivant la loi, il ne devait pas se rendre justice lui-même.
'l'out homme qui s'habillait en lemme, ou toute lemme qui s'habillait en homme, était puni de mort ou pendu (Clavigéro, liv. VII, ch. xvii).
Toute personne coupable d un crime contre nature était pendue et, si c'était un prêtre, brûlé vivant Clavigéro, liv. \11, ch. xvii).
Le meurtre était puni de mort.
Quiconque chani^'cait de place les bornes placées dans les champs par l'autorité était puni de mort.
Quiconque était convaincu de trahison ou d'un crime contre la personne du roi était mis à mort avec tous ses parents ]i\<,- qu'au quatrième degré rr/if t7;;o;/r'«^>«5 JVritcr, ch. ii .
Les conspirateurs et ceux qui commettaient un adultère avec la lemme du prince étaient coupés par morceaux (Urdcr of succession, Ternaux Compans, I, p. 226;.
(Quiconque maltraitait un ambassadeur, ministre ou cour- rier du roi, était mis à mort. Mais les ambassadeurs et cour- riers ne devaient pas quitter la grande route sous peine de perdre leurs privilèges.
Les voleurs de matières d'or et d'argent étaient punis de mort (Clavigéro, liv. VI, ch. xxxi. Le voleur d objets de peu de valeur n'était pas puni^ mais devait restituer les objets. Si l'ob- jet volé était de grande valeur, il devenait l'esclaN e de la per- sonne qu'il avait volée. Si le voleur ne pouvait rendre l'objet voléj ni payer son équivalent, il était lapidé. Celui qui volait une certaine quantité de maïs, ou détruisait des arbres utiles, devenait l'esclave du propriétaire du champ. Mais tout voyageur pauvre avait le droit de prendre le ma'ïs ou les fruits des arbres plantés sur un côté du chemin en assez grande quantité pour satisfaire sa faim ou sa soif (Clavigéro, liv. VII, ch. xvii). Quiconque, trouvant un enfant abandonné, en foisait son esclave ou le vendait, perdait pour ce crime sa
:Uo
m: I. ORiCiiNi: dks indifvNS du nouveau-monde
liberté et SOS Mens. La même peine était inlli^ée à celui qui disposait de la propriété d'un autre qu'il avait aliérmée.
Celui qui disait un mensonge préjudiciable à un autre avait les lèvres coupées et quelquefois les oreilles i(]lavigéro, liv. VII, ch. XVII .
Il était détendu de boire du vin sans la permission des chcfsou des juges, permission qui était accordée seulement au malade et à celui qui avait dépasse! la cinquantaine ; encore ceux-ci ne pou- vaient boire plus de trois .oupes à chaque repas. Dans les tètes, banquets, les hommes au-dessus de trente ans pouvaient boire deux coupes de vin; il en était de même quand ils portaient du bois ou coupaient des pierres. La même autorisation était donnée aux femmes en couches dans les premiers jours de Tac- couchemcnt. L'ivrognerie était très méprisée. On considérait comme infâmes ceux qui s'y livraient souvent. Pour punition, on leur coupait les cheveux en public et on détruisait leurs maisons. Les fonctionnaires étaient privés de leur charge et déclares incapables de les remplir de nouveau Zurita, p. i lo).
La loi n'empêchait pas de boire dans certaines fêtes. Dans ces occasions, il était permis de boire chez soi plus que d'ha- bitude. Kn out.e, la loi ne s'appliquait pas aux septuagénaires qui, en raison de leur grand âge, pouvaient boire suivant leur convenance (Glavigéro, liv. Vil, ch. xvii).
Les débiteurs étaient emprisonnés.
Celui qui, dans un marché, altérait les poids et les mesures établis par les magistrats, était déclaré coupable de félonie et mis à mort sur le lieu même. Le voleur, surpris //t7^i,'rrt«/f de- liclo^ dans un marché, était mis à mort immédiatement (Cla- vigéro, liv. Vil, ch. wii'.
Dans les marchés publics, des mesures étaient prises pour découvrir les vendeurs d'objets volés.
A Alcztitlan, l'homme adultère était tué en présence du mari et, si c'était un guerrier ou un noble, placé dans le plus dange- reux poste au premier combat qui avait lieu. Ln cas de meur- tre, le coupable était coupé en quatre morceaux et les parties
lui luit
i:t ni-; i.rtiK civilisation 341
de son corps divisées entre ceux qui ra\aicnl arrclé. Le vo- leur devenait esclave du roi, s'il ne pouvait se racheter; la même peine était inllif^ée pour corruption de témoins et de ju- ges f Ternaux Compans, 1, p. '.U v.
Clie/ les Mixtèques, en cas d'adultère, la Icninie adultère et son complice étaient mis à mort par le mari qui pouvait se contenter de couper les oreilles, le nez ou les lèvres du com- plice Herrera, III, p. ■j()2 .
Chez les Zapotèques, une femme convaincue d'adultère était mise à mort et sa chair mangée par tous ceux qui avaient été témoins de son crime.
Dans le Mi hoacan, celui qui se rendait coupable d'un rapt avait la bouch». fendue jusqu'aux oreilles et était empalé. Le voleur était pardonné la première fois et réprimandé ; la deu- xième fois, il était jeté dans un pivcipice et son corps aban- donné aux oiseaux.
Dans l'empire mexicain, les gens du peuple condamnés à mort étaient pendus le plus souvent, après avoir été exposés à un pilori. Les nobles étaient généralement exécutés dans leurs propres maisons; certains criminels étaient déca[Mtés, d'autres battus jusqu'à ce que mort s'en suivit, d'autres empalés ou lapidés.
Au Yucatan, les crimes étaient punis avec une grande sé- vérité et il n'y avait pas d'appel une fois que la sentence était prononcée. L'homicide était puni de la peine capitale qui était infligée par les parents de la victime, si le coupable ne pouvait donner une compensation. Les voleurs devenaient esclaves, s'il ne pouvaient restituer l'objet volé ou donner une indemnité équivalente. Si c'étaient des gens de distinction, on les mar- quait au front, punition considérée comme très dure (Landa, g XXX).
Les condamnés à mort, les esclaves fugitifs et les prison- niers de guerre étaient renfermés, les mains liées et un collier de bois au cou, dans une cage de bois qui servait de prison (CogoUudo, liv. IV, ch iv\
342 DE l'origine des INDIENS ù''^ NOUVEAU-MONDE
Les Mayas étaient très sévères poir le crime d'adultère; le complice de la femme était livré au mari qui pouvait lui écra- ser la tète avec une pierre ou lui pardcnner. La femme coupa- ble était déclarée infâme et mise à l'index. La lapidation était la peine infligée pour le rapt. Avant la fondation de Mayapan, les intestins dun adultère lui étaient arrachés Landa^ v< vm).
Celui qui séduisait une vierge ou ravissait une femme mariée était mis à mort, de même que celui qui se livrait à des vio- lences envers une femme ou une jeune fille mineure. La même punition était infligée pour meurtre. Si l'homicide était involon- taire, un esclave était donné en indemnité. Le traître envers son souverain et l'incendiaire étaient punis de mort. Le voleur restait esclave jusqu'à ce qu'il pût se racheter fCogoUudo, liv. IV, ch. IV).
Lorsqu'une femme était accusée d'adultère, elle était jugée, ainsi que son complice, par le prêtre qui prononçait sa sentence. La femme était conduite dans un endroit rempli de pierres, à une certaine distance du village et attachée à un poteau. Tout le peuple se rendait en ce lieu. Alors le prêtre, prenant une grosse pierre, la jetait sur elle; son Liari en faisait autant, ainsi que tous les hommes et femmes du village jusqu'à ce qu'elle fût couverte de pierres. Le complice était mené dans un autre endroit et attaché à un poteau où le prêtre lui tirait une flèche dans la direction du cœur; le mari et tout le peuple agissaient de même. Alors le mari, retirant le corps de sa femme de dessous les pierres, lui attachait une corde au cou et le traînait en quelque endroit où il l'abandonnait aux bêtes sauvages. 11 pouvait ensuite prendre la femme du complice (Cogolludo, liv. VII, ch. VII).
Au Guatemala, tout seigneur ou noble qui excitait à déso- béir au roi était mis à mort et ses biens confisqués.
Le meurtrier était mis à mort.
Celui qui commettait un adultère avec la femme d'un sei- gneur était mis à mort si c'était un noble, et jeté du haut d'un rocher si c'était un homme du peuple.
:ra- fpa- itait ^an,
J.ii). irice 'io- -■mc lon- 'crs eur do.
ET DE LEUR CIVILISATION 343
Celui qui avait des rapports charnels avec l'esclave d'un autre devait payer une amende du montant de la valeur de l'esclave. Si cette esclave était la concubine du seigneur^ le coupable subissait une peine plus sévère.
Les voleurs étaient condamnés à pa}erunc amende au tré- sor et à restituer l'objet volé; les voleurs incorrigibles étaient pendus. Avis était donné de la sentence à leurs parents, et, si ceux-ci refusaient de leur servir de caution, elle était exécutée.
Les biens, la lemme et les esclaves d'un homme condamné à mort étaient confisqués.
Les sorciers étaient brûlés.
Tout célibataire qui cohabitait avec une jeune fille était puni d'une forte amende et, si les parents de la jeune fille regardaient cela comme un all'ront, l'ollenseur était mis à mort.
Quiconque volait un objet d'un temple était jeté du haut d'un rocher, si l'objet était d'une certaine valeur; et, dans le cas où l'objet était de peu de valeur, condamné à l'esclavage.
Celui qui prenait les armes contre son seigneur ou contre l'état, ou divuijmoit les secrets de l'état, ou passait à l'ennemi, était mis à mort et ses biens confisqués ; sa femme et ses en- fants devenaient esclaves.
L'esclave qui se sauvait de chez son maître était mis à mort.
Le serviteur d'un seigneur devait rembourser tous les dom- mages qu'il causait. Celui qui, après avoir emprunté ou reçu quelque chose en dépôt, le perdait ou le détériorait, devait payer le montant de la valeur. (Ximénès, p. 177.)
Roman afîirme qu'il existait une loi au Guatemala autori- sant le peuple à se soulever contre un tyran et à le renverser avec l'aide de l'étranger. (Ximénès, p. 177.;
Au Salvador, quiconque méprisait ou ridiculisait les sacri- fices aux idoles était condamné à mort; quiconque avait des rapports charnels avec des parents au degré prohibé était mis à mort, ainsi que la femrre. Celui qui adressait des paroles nconvenantes ou faisait des nropositions déshonnètes à une
. l'-'l.
344 DE l'origine DKS INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
femme mariée, était banni et ses biens confisqués. Le meur- tre était puni de mort. Quiconque violait une vierge était sa- crifié. Les menteurs étaient fouettés et, si c'était dans une attaire de guerre, condamnés à Tesclavagc (Palacios, p. 8?).
Au Honduras, les voleurs étaient condamnés à avoir ics oreilles et les mains coupées, si le vol était important. En cas d'adultère, la personne olTensée arrachait les oreilles du coupa- ble et ses pendants, le fouettait et lui prenait ses biens. Mais la femme adultère n'était pas punie, si elle prouvait qu'elle avait été séduite.
Au Nicaragua, un père pouvait se vendre ou vendre ses en- fants comme esclaves, dans des cas de grande nécessité, avec privilège de rachat.
Le paiement des dettes était rigidement requis. Si un homme avait emprunté du maïs ou des fruits, le créancier pou- vait exiger, comme payement, les champs du débiteur. Tout homme pouvait s'expatrier, avec la permission de son chef, sans rien emporter avec lui, pour ne pas nuire à la communauté. Mais il était libre de donner à ses parents ce qui lui appar- tenait. ( Squ'icr, Nicarag-iia, II, p. 345).
Un esclave qui cohabitait avec la fille de son maître était brûlé vivant. Là où des prostituées pouvaient exercer leur mé- tier, les sodomistes étaient lapidés. Le voleur avait les cheveux coupés et devenait esclave jusqu'à ce qu'il eût rendu l'objet volé; et, si cela durait trop longtemps, il pouvait être sacrifié. Il n y avait pas de peine prévue pour le meurtre d'un Cacique parce que, disaient-ils, cela n'arriverait jamais. 11 n'y en avait pas non plus en cas de meurtre d'un esclave. Celui qui tuait un homme libre était mis à la disposition des enfants et des parents du décédé (Herrera, III, p. 270;.
Dans le royaume de Bogota, le meurtrier était puni de mort, même si les parents du mort pardonnaient au meur- trier, parce qu'ils disaient que la vie avait été donnée par Dieu seul, et que la justice devait suivre son cours. Quand un célibataire violait une femme mariée , il était
ET DE LEUR CIVILISATION 345
puni de mort. Si un homme marié se rendait coupable de ce crimCj deux hommes non mariés devaient coucher avec sa femme. Celui qui commettait un inceste avec sa mère, sa fille, sa sœur, ou sa nièce, degrés de parenté prohibés dans le ma- riage, était jeté dans un puits rempli d'insectes venimeux et couvert d'une large pierre ; on le laissait périr ainsi. La même punition était infligée à la femme, sa complice. Ceux qui commettaient l'abominable péché contre nature étaient torturés avant d'être mis à mort. Généralement ils étaient empalés. (P. Simon, p. 252.)
En cas d'adultère, la peine était l'empalement.
Pour s'assurer de la culpabilité d'une femme suspecte, ils se servaient du jugement par épreuve (P. Simon, p. 255).
D'après la loi, les biens de quiconque mourait sans héritier revenaient au l'résor P. Simon, 253).
11 y avait d'autres peines plus douces pour des délits plus lé- gers, tels que fouetter, déchirer le manteau et couper les che- veux (P. Simon, p. 253).
Les Mozcas disaient que leurs caciques étaient des hommes comme eux-mêmes et exposés à faillir; que, comme sujets, ils pouvaient les punir, mais que ce droit appartenait à leurs femmes. Ainsi, dans certains cas, les femmes jugeaient leurs maris. Cependant la peine ne dépassait pas celle du fouet, quoi- que le crime pût mériter la mort (Picdrahita, liv. I, ch. iv).
Au Pérou, les lois étaient peu nombreuses et extrêmement sévères. Elles étaient presque toutes criminelles.
La peirje la plus commune était la mort ; les autres peines étaient le bannissement, la noyade, le supplice par le feu, le fouet ou la peine du talion. Les enfants étaient châtiés pour n'importe quelle faute, et les parents étaient responsables de leurs enfants (Garcilazo, liv. 11, ch. xii).
La rébellion était un crime capital ainsi que ceux de blasphé- mer contre le soleil et de maudire l'inca. Changer les bornes d'une propriété, détourner l'eau de chez son voisin, brûler une maison étaient des crimes sévèrement punis. Brûler un pont
346
DE L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
entraînait la peine de mort. Une ville qui se mettait en rébel- lion était dévastée et ses habitants exterminés (Prescott^ Peru, t. I, ch. ix).
Le vol était puni moins sévèrement si celui qui Tavait com- mis prouvait qu'il y avait été poussé par la nécessité.
Un mari surprenant sa femme en flagrant délit d'adultère pouvait la tuer ainsi que son complice (Andagoya, p. 57).
Les employés du gouvernement qui, envoyés en mission se détournaient de leur route pour entrer dans les champs des Indiens, quoique le dommage fût petit , étaient mis à mort (Cieza, ch. lx).
Quiconque donnait refuge aux vierges du soleil était brûlé vivant. Les vierges du soleil qui commettaient un adultère étaient brûlées vivantes et leur complice mis à mort. Celles quij étant enceintes, alléguaient qu'elles l'étaient du soleil étaient crues jusqu'à preuve du contraire (Andagoya, p. Sy).
Celui qui négligeait de cultiver ou d'arroser sa portion de terre dans le temps voulu était sévèrement puni. 11 était frappé sur les épaules trois ou quatre fois avec une pierre ou était fus- tigé avec une baguette d'osier pour sa paresse qui était regar- dée comme un vice méprisable (Garcilazo, 1. V, ch. iv).
Il était défendu de pénétrer dans une île où il y avait des dé- pôts de guano pendant la saison de l'accouplement des oiseaux, ou de tuer les oiseaux en tout temps sous peine de mort.
Il était prohibé d'emporter de l'or et de l'argent du royaume sous peine de mort
Tout Indien portant de l'or ou de l'argent ou de beaux vête- ments sans la permission de l'Inca était tué (Pizarro).
Us avaient des lois somptuaires défendant toute extrava- gance dans les vêtements, dans l'usage des choses précieuses et toute superfluité dans l'alimentation.
Une autre loi prescrivait de traiter les étrangers et les voya- geurs comme des hôtes, et des maisons publiques étaient dispo- sées pour eux (Blaz Valera et Garcilazo, liv. V, ch. 11).
lout jugt ou gouverneur qui se rendait coupable d'injustice
ET DE LEUR CIVILISATION
347
était puni plus sévèrement qu'une autre personne ayant com- mis la même offense.
Les juges qui recevaient des présents des plaideurs étaient considérés comme des voleurs et traités comme tels.
La chasse était interdite aux gens du peuple. La loi disait que c'était une distraction nuisible, de nature à engendrer la paresse et à détourner les travailleurs de leurs devoirs. On pouvait cependant chasser les chevreuils et les cerfs de sa pro- priété au moment de la récolte. De grandes chasses avaient lieu dans chaque district tous les trois ans (Garcilazo, liv. VI, ch. vi). Après que Ton avait prélevé les parts de Thica et des temples, on distribuait une partie du gibier au peuple.
La dégradation des objets d'art entraînait la peine de mort.
Telles étaient les principales institutions et lois des Indiens du Nouveau-Monde dont il est impossible, à moins de parti pris, de méconnaître l'origine aryenne.
348
DE L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
EXTINCTION
DE LA CIVILISATION INDIENNE
Nous avons dit que le Nou 'cau-Monde a été peuplé, à une époque dont il est ditîîcile de préciser la date, par des colonies de race mongole venues de l'Asie septentrionale, soit par le détroit de Behring, soit par la route des îles Aléoutiennes. Ces populations primitives vivaient encore à l'état sauvage lorsque, au vii° siècle de notre ère, quelques Aryo-Touraniens, chassés de leur pays par les sectateurs de Mahomet, débarquè- rent à la côte nord- ouest et leur apportèrent la civilisation qui s'est répandue peu à peu sur toute la surface de ce vaste con- tinent. Nous avons exposé la marche qu'a suivie cette civilisation, ainsi que son développement matériel, moral et intellectuel] il ne nous reste plus qu'à expliquer comment, après avoir atteint son apogée, elle a décliné et s'est éteinte, ne laissant après elle que ruines et barbarie.
Son histoire, malheureusement trop obscure, renferme de profonds enseignements pour tous ceux qui étudient les causes de la grandeur et de la décadence des nations. On y trouve un gouvernement fort, puissant, tout à la fois despotique et patriar- cal, garanti des révolutions par une organisation solide et qui, tout en opprimant les masses, veillait avec soin à ce qu'elles ne
FT ni'. LI.IU CIVILISATION
'M9
manquassent jamais du nécessaire. De sages mesures de pré- voyance avaient pour objet de parer à tous les besoins, de pré- venir et de combattre la misère publique. Les terres étaient cultivées en commun, à l'exception de celles appartenant au roi ou à la noblesse. La justice était é^'ale pour tous. L'agricul- ture était honorée. Le souverain, comme en Chine, pour l'en- courager, défonçait quelques pouces de terrain avec un instru- ment aratoire.
Des règlements prescrivaient de laisser reposer les terres pendant que des inspecteurs parcouraient le pays pour s'assu- rer que partout le sol était cultivé convenablement. La chasse et la pèche étaient interdites pendant la période d'accouplement des espèces. Il était détendu de tuer les femelles des animaux utiles à l'homme. Les troupeaux n'étaient pas, comme ceux des patriarches ou des Arabes du désert, groupés autour de la tente des tribus nomades; ils étaient la propriété des cultivateurs voisins de la ville ou des villages qui formaient de véritables municipes. Des travaux d'irrigation merveilleusement entendus régularisaient le cours des eaux et entretenaient partout la fer- tilité. Des ponts franchissaient les plus grands fleuves. Des rou- tes larges et commodes, surtout au Pérou, vraies voies romai- nes semées d'hôtelleries où le. voyageur trouvait gratuitement un abri assuré, et parcourues par des courriers qui faisaient le service des postes, conduisaient de l'extrémité d'un royaume à l'autre, à travers plaines et montagnes.
La société était divisée par castes.
La première des classes, en dehors du clergé qui dominait toutes les autres par son influence, était la noblesse, essentiel- lement militaire, intrépide et instruite. Ses rangs étaient ouverts à tous ceux qui se distinguaient par une action d'éclat. Le mé- tier des armes était considéré comme supérieur à tous les autres et était encouragé de toutes les manières. Mais en même temps des dispositions paternelles protégeaient les classes inférieures contre les exactions de la noblesse et les mettaient à l'abri de la brutalité des soldats dont la discipline était ext-èmement se-
35
o
DE L ORIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
vère, Les troupes, dans les expéditions, ne logeaient jamais dans les villages; mais elles bivouaquaient ou vivaient sous la tente.
La noblesse avait ses obligations parfaitement tracées et ses droits limités. Un système de colonisation militaire admirable- ment compris servait à maintenir dans l'obéissance les peu- ples conquis.
Afin de perpétuer les arts dans les familles à l'avantage de l'Etat, les métiers et les professions étaient héréditaires.
Les artisans étaient groupés par corporations confinées dans des quartiers sous la direction de chefs nommés par la corpo- ration et chargés de la défense de ses intérêts. Chaque corpora- tion jouissait de privilèges spéciaux. Les artisans payaient l'im- pôt, mais ils étaient exempts de corvées personnelles. Des caisses de secours, entretenues par l'Etat au moyen des impôts, étaient établies dans chaque centre de population et permettaient, par lintermédiaire des chefs qui connaissaient les besoins de toutes les familles, de venir en aide aux malades, aux estropiés, aux orphelins et aux veuves. Chaque corporation avait ses méde- cins, et des asiles publics recevaient les fous, les lépreux, etc. D'un autre côté, la paresse et la mauvaise conduite étaient châ- tiées rigoureusement ; comme le luxe et la prodigalité étaient prohibés par des lois somptuaires, chacun travaillait et était obligé de mettre de côté le superflu. Ce n'est pas tout : afin que le désir de ramasser des richesses et de jouir des douceurs qu'elles procurent ne les dégoûtât pas de cettç vie simple et tru- gaie, les législateurs, plus sages encore que Lycurgue, avaient proscrit l'usage des monnaies d'or et d'argent, métaux dont le pays cependant abondait.
Sous un tel régime, la misère, cette plaie sociale qui nous ronge et qui est devenue la question capitale de notre siècle, ne pouvait exister. Il n'y avait pas de riches, excepté les nobles; mais les masses, assurées du lendemain en travaillant, n'avaient pas la crainte de voir à leur porte ce hideux fantôme qu'on nomme la faim et qui, en troublant les cerveaux, pousse les in- dividus à la folie.
ET DE LEUR CIVILISATION
35 1
de
Les laboureurs, qui n'étaient pas attaches comme serfs aux terres des seigneurs, étaient organisés en communautés, d'après un système analogue à celui des artisans. Chaque famille avait à sa disposition la quantité de terres appartenant à la commu- nauté suflisantes pour son entretien, et dans le cas où, pour une cause indépendante de sa volonté, le chef de la famille était darîs l'impossibilité de cultiver son lot, le chef de la com- munauté, nommé par ses pairs, y pourvoyait.
Le commerce était estimé, mais peu développé par suite du manque de communication et du défaut de monnaie.
Toutefois des marchés publics et des foires étaient tenus dans tous les centres de population, dans lesquels chacun pouvait se procurer, à des prix équitables, lixés par des juges, les ob- jets de première nécessité dont il avait besoin.
La police veillait à la tranquillité publique et à la propreté des rues, qui, la nuit, étaient éclairées et interdites à une cer- taine heure.
Des dispositions s'étendaient à la propreté, à l'ordre, à lé- conomie des familles, aux soins des parents pour leurs en- fants, au respect de ceux-ci pour les auteurs de leurs jours. La piété filiale, comme en Chine, était une des principales bases de la société, et les préceptes de morale enseignés aux enfants étaient très élevés,
Des marques extérieures fixaient minutieusement la distinc- tion entre les classes. Le respect dû par l'inférieur au supé- rieur était réglé avec un cérémonial si exact qu'il avait influé jusque sur le génie de la langue et s'était, pour ainsi dire, incor- poré en elle.
La justice était administrée régulièrement et équitablement. Les tribunaux étaient ouverts à tous, et des peines rigoureu- ses étaient réservées aux mauvais magistrats, l'ous les agents étaient soumis à la surveillance des envoyés royaux qui par- couraient le pays pour écouter les plaintes des populations, s'informer de leurs besoins et réprimer les abus.
Les registres del'Ltat et les rôles des finances étaient tenus
:^52
DE L OKIGINE DES INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
avec ordre, et la perception des impôts ainsi que des tributs s'opérait rapidement et simplement.
Ils brûlaient leurs morts ou les enterraient, une fois dépouil- lés de leurs chairs ou momifiés, afin que leur putréfaction n'engendrât pas de maladie épidémique.
Les sciences, les lettres, les arts, l'astronomie, les mathéma- tiques, la théologie, l'art de la guerre, la peinture, la sculp- ture, Tarchitecture étaient en honneur. Les jeunes nobles ne pouvaient prendre le vêtement viril qu'après avoir subi des examens littéraires et religieux présidés souvent par le souve- rain lui-même.
Ils croyaient en un être suprême, à l'immortalité de l'ûme, à imc seconde vie, copie de la première où les guerriers trou- vaient toutes les jouissances rêvées ici-bas. Ils pratiquaient le baptême, la circoncision, la confession auriculaire, la com- munion, l'extrême-onction et le mariage religieux ; en un mot, ils possédaient les éléments d'une civilisation avancée; seule- ment, il leur manquait trois choses principales sans lesquelles une nation, grande ou petite, ne peut progresser ni durer longtemps, à savoir : une religion de paix élevant le cœur à l'espérance au lieu de l'abaisser et de le terrifier par la crainte de la divinité, un gouvernement libéral et des institutions égalitaires basées sur la justice.
Une religion qui, dominant les misérables passions humai- nes, s'impose par elle-même, fait entrevoir au malheureux un monde meilleur, le console dans ses afflictions et ses souf- frances, qui prêche l'égalité, pratique la charité et respecte le gouvernement du pays ainsi que les institutions établies, peut rendre les plus grands services aussi bien à ceux qui diri- gent les destinées d'une nation qu'à la nation tout entière. D'un autre côlé, toute religion reposant sur l'ignorance, la su- perstition, le fanatisme, qui cherche par la terreur ou par tout autre moyen à imposer son dogme et son culte, est le plus grand fléau d'un peuple : les Egyptiens, les Assyriens, les Perses, les Hindous, sont tombés en grande partie pour cette
ET DE LEUR CIVILISATION
353
raison et, si les Musulmans, après avoir détruit le berceau de la civilisation des Aryas de manière à en taire un désert, après avoir subjuf^ué toutes les nations et trihus des vieux empires romain et persan et de la plus grande partie du monde connu, se sont trouvés tout d'un coup épuisés, et sont aujourd liui menacés par les autres peuples, il ne faut pas l'attribuer à d'autre cause qu'à la doctrine anti-progressiste de l'Islam.
La Chine, seule de ces vieilles nations, a su échapper au naufrage grâce à la sagesse et à l'habile prévoyance de ses lé- gislateurs qui ont, dès le principe, réglé le culte et mis un Irein à riniluence du clergé, ont honoré plus les lettres et l'agricul- ture que les armes, ont divisé la société en deux seules classes' les supérieurs et les intérieurs, ont re;idu la première accessi- ble à toutes les capacités sans distinction de naissance, enfin qui ont tait tous leurs ellbrts pour encourager la piété filiale. Ce système leur a permis de résister aux ravages du temps, aux révolutions intérieures et aux attaques extérieures. On comprend donc que leurs hommes d'I'ltaten soient tiers, qu'ils y tiennent par dessus tout, et qu'il leur coûte inliniment de se trouver dans la nécessité de le modifier.
Cependant les temps semblent venus où les barrières qu'ils ont établies pour se protéger contre l'invasion de nos iJéeset de nos institutions modernes seront torcément abaissées. De- puis quelques années, les événements marchent à pas de géants, et leur volonté est entraînée malgré eux. Avant peu ils seront ce que nous sommes, et, comme nous, ces quatre cent millions d'habitants qui ont prouvé, en somme, une certaine valeur, pour leur défense personnelle, seront armés jusqu'aux dents. C'est la première condition dans ce siècle de fer pour 1 euple qui veut conserver son autonomie. Maintenant sera- ce un bien pour eux et pour l'fclurope? L'avenir le dira.
En attendant, c'est la religion du serpent, de l'esprit malin qui a été la principale cause de la décadence des Indiens d'A- mérique issus de la même race que les Chinois; religion qui interprétant à son profit le précepte imliamsapicntùv, timov Do-
2 3
:^5.|
oi; I. oKir.iNK i)i;s indii:ns du nouvkaiî-mondk
;;;/;//, eiiseignail aux lidcics que I l-^trc suprcmc, crcntcur et tleslrucleur, se plaisait à tourmenter 1 luiuianité et à se repaî- tre de son sang; religion de lanatisnie qui, au lieu de prê- cher le pardon des injures, apprenait à insulter son ennemi vaincu avant de I immoler et qui n'avait en vue que des biens matériels.
1-e culte, digne des croyances, se manifestait sous un aspcc. sombre et lérocC; ne tendant qu'à inspirer la terreur, à dégra- der, à avilir le cœur, l-es jeilnes, les mortifications, ainsi que les mutilations corporelles portées à l'extrême le pliis cruel, étaient considérés comme des moyens pratiques poiu' apaiser le courroux de la divinité implacable à laquelle on sacrifiait des femmes, des enfants, et tous les captifs qu on égorgeait froidement sur la -pierre du temple. De là encore, l'éclat qu'ils donnaient à leurs funérailles et le sang qu'ils y versaient. Ainsi ils brûlaient et ensevelissaient avec les morts ce qui leur avait servi pendant la vie, leurs armes, leurs bijoux, des mets, des vêtements et ce qui pouvait faciliter le grand vo}aget I.es cérémonies rt>;/ft'/ /'o.s7 »/or/c';« étaient ensanglantées par le meurtre de pauvres serviteurs qui, malgré eux, devaient ac- compagner leur maître dans l'autre monde en emportant la chaîne de leur esclavage.
Comme représentant de cette religion et de ce culte barbare, le clergé tout puissant, parlant et agissant au nom de la divi- nité suprême, ne songeait qu'à régner par la terreur sur ces peuples ignorants, et, loin de chercher à adoucir les mœurs et à exciter le courage, donnait l'exemple de la lâcheté et de la le- rocitéj en dévorant les chairs palpitantes des victimes humai- nes. Son grand chef, conseiller du roi à qui il faisait prêter ser- ment, en lui donnant Ponction sacrée, de respecter les privilèges sacerdotaux, marchait à la tête des armées et était consulté dans toutes les aflaircs importantes, pendant que les prêtres, tout à la fois devins, prédicateurs, magiciens, astronomes, mé- decins, confesseurs, étaient en même temps chargés de l'ins- truction de la jeunesse, Knlhi peu à peu 1 influence du clergé
i:r \)l-. I.KDK CIVILISATION
355
et
HC ■ Mlli
en S
devint tellement prépondérante ijiie le souvernin, comme au Pérou, se déclarant (ils du soleil, prit lui-même en main la di- rection des allaires relif^ieuses.
'l'elle a été la itremière cause de la (.lécadencc des Indiens, à laquelle il laut joindre le despotisme du chef de l'I'^tat, monar- que absolu, levant les armées, les commandant en personne, dictant les impôts, faisant les lois, veillant à leur exécution par des agents qu'il nommait et brisait à sa volonté, placé à une dis- tance incommensurahle au-dessus de ses sujets, disposant à son gré de leurs hiens, de leur personne et de leur existence; en un mot constituant à lui seul l'I'^tat. « Dans le principe, a dit (^lavigéro, le pouvoir des rois du Mexique était limité, leur autorité vraiment paternelle, leur conduite plus humaine, et leurs exigences plus modérées. Mais leur richesse, leur ma- gnificence, leur pompe ayant augmenté avec l'extension du territoire, les charges du peuple devinrent de plus en plus lourdes. Leur orgueil n'eut plus de bornes et ils arrivèrent à ce degré d'arbitraire ou de despotisme qui semble avoir mar- qué le règne de Monté/uma II.»
Après le souverain venait la caste de la noblesse formant l'aristocratie militaire et intellectuelle, possédant avec le clergé le monopole des lumières de la nation, investie de toutes les charges et fonctions importantes, exempte d'impôts, vivant du produit de ses terres cultivées par des familles attachées à la propriété, jouissant du privilège de porter les vêtements les plus beaux et les plus ornés, de donner des Icstins, d'ha- biter des palais somptueux, en un mot de profiter de tous les agréments que procurent la puissance et la fortune. Mais le plus grand vice de cette institution était que les nobles, pour augmenter leurs biens et le prestige de leur nom qu'ils ne pou- vaient souiller par des mésalliances, n'aspiraient qu'à guer- royer; pendant ce temps, l'agriculture était négligée, la popu- lation diminuait, les impôts augmentaient et les classes in- férieures étaient de plus en plus malheureuses. EMes n'étaient pas exposées, il est vrai, grâce à leur organisation, à mourir
:f î V
356
DI-; L ORiOINE DFS INDIENS DU NOUVEAU-MONDE
I
de faim -, mais en même temps tout était calcuic pour énerver leur corps et atrophier leur intelligence.
Elles ne pouvaient posséder ni terres, ni rien qui pût être considéré comme objet de luxe; elles n'avaient pas la liberté de s'habiller, de se chausser, de boire, de manger suivant leurs goûts ni d'habiter une demeure de leur choi :. Des lois draco- niennes punissaient toute intraction à cet égard, et nul ne pou- vait échapper à l'œil inquisiteur de la police qui devait pénétrer dans les moindres détails de la vie privée. Sous prétexte que la paresse est une mauvaise conseillère, on les écrasait de corvées publiques et, pendant qu'on les obligeait à vivre dans des ma- sures, on leur taisait bâtir des palais et des temples aussi gi- gantesques que les monuments des Pharaons et, au besoin, on les taisait servir de bétes de somme. Mais ce qui était plus dur pour ces pauvres déshérités, c'est qu'ils ne pouvaient même pas nourrir l'espoir d'améliorer un jour leur position. Tous étaient parqués dans leur métier ou profession héréditaire. En outre, pour étoutlcr "â eux tout désir, toute ambition, les lettres et les sciences leur étaient feimées, pendant que le clergé, par la su- perstition, terrifiait leur pensée.
Qu'en est-il résulté ? Qu'ils devinrent indifférents à tout, même aux plaisirs de l'amour, et que l'intelligence de leur race s'af- faiblit tellement que les premiers qui portèrent la parole du Christ dans ces contrées déclarèrent que les Indiens étaient une race d'hommes trop stupides pour saisir les principes de la re- ligion, l'n concile tenu à Eima décida que, en raison de cette incapacité, ils devaient i.' u c exclus du sacrement de l'Eucharistie.
On comprend, après cela, [ mrquoi la population ne s'est pas développée chez ces pcples qui, à l'époque de la conquête, n'otlraient déjà plus que le reflets d'une civilisation éteinte chez I? plupart.
"oiS ils étaient quand, un beau jOur, une poignée de vaillants aventuriers, venus do l'Europe, débarqua sur leurs côtes orien- tales comme, huit siècles avant, les Aryo-Touraniens. Seule- ment cette fois ces étrangers, dont des prophéties avaient un-
it
iàp.'Âm.-
ET DE LEUR CIVILISATION
357
nonce l'arrivée, n'apportaient pas avec eux dit nouvelles lumières et la régénération de la race, mais le châtiment et la mort. Ils étaient peu nombreux, mais résolus et armés de tout ce qui était de nature à semer Telïtoi parmi ces populations ti- mides et craintives chez lesquelles l'amour de la patrie et de l'indépenc'ance était mort depuis longtemps. Aussi se délendi- rent-elles comme des esclaves qui croient n'avoir rien à perdre en changeant de maître. Cependant elles eussent mieux (ait de suivre Te-xemple de la noblesse et de se faire tuer bravement; elles eussent ainsi racheté leurs fautes, et leur sort eût été préf '- rable à celui qui les attendait.
Jamais vaincus n'ont été traités plus durement par le vain- queur, jamais la force n'a plus primé le droit. Le premier acte des conqiiisladorcs et de leur gouvernement fut d'étouli'cr com- plètement la civilisation indigène et de réduire les populations à la plus barbare ignorance. Tout ce qui restait de nobles et de prêtres, c'est-à-dire tous les éléments intellectuels, furent ex- terminés sans pitié. En même temps, des ordres sévères furent donnés aux évèques et aux chefs des divers ordres religieux de la Nouvelle-Espagne de livrer aux llammes les manuscrits ou livres des indigènes à quelque catégorie qu ils pussent apparte- nir. On ne sait que trop avec quelle dé[ilorable rigueur ces me- sures déplorables furent exécutées. Le conseil des Indes ne se borna pas à la destruction des monuments de toutes classes ; dans la crainte que, des autres Etats espagnols de l'Europe, quel- que esprit éclairé ne vînt leur tendre une main secourable et rallumer le Hambeau prêt à s'éteindre, il alla jusqu'à interdire, par des lois spéciales, l'Amérique entière aux«vocats, aux chi- rurgiens, aux hommes de lettres, sans compter les Maures, les Juifs ou les suspects d'hérésie jusqu'à la troisième génération. Aucun étranger, quel que lût son rang, ne pouvait passer aux colonies sans une licence obtenue à Séville. Pendant ce temps, les conquérants mettaient tout en œuvre pour dépeupler ces contrées : travaux mortifères duijs les mines, corvées excessi- ves, charges insupportables, impôts écrasants, ci sautés .sans
358
ni'. LORIGINK DKS INDIENS DU NOUVEAU-MONDli
nombre envers les prisonniers qui étaient, d'apiès Las Casas, les uns jetés comme pâture aux chiens, d'autres brûlés vivants ou empalés, ventes d'esclaves en dehors et au dedans, rien ne fut épargné à ces malheureuses victimes dont le nombre, par suite de ces mauvais traitements, de la misère, des épidémies et de la lamine, diminua au point qu'en 1741 et 1778, daprèsles recensements officiels, il atteignait à peine, dans toute l'Amé- rique, 1 3,000,000 d'habitants.
Le gouvernement espagnol, disons-le à son honneur, mieux éclairé, n'épargna rien pour adoucir le sort des populations et les mettre à Tabri des injustices de ses soldats. Mais les distan- ces étaient longues, et la destruction, excitée par la soit' de l'or, lait de rapides progrés.
Depuis cette époque terrible, le peuple indien ne s'est plus re- levé. Parmi ceux qui ont survécu, au nombre d'environ cinq ou six millions, les uns sont retournés à l'i tat sauvage, tandis que les autres n'ont cessé de traîner une existence misérable, et le châtiment continuera jusqu'au jour où ils disparaîtront tous, emportés par le flot envahissant de la forte race, mélange de toutes les autres, qui semble appelée, à son tour, à peupler et à dominer une grande partie de ces immenses contrées.
Puissions-nous profiter de l'exemple de ces pauvres Indiens, et ne pas oublier que les plus grands malheurs sont réservés aux peup'cs dont la religion est un outrage à l'Etre suprême, qui ne songent qu'à détruire leurs semblables, et dont les ins- titutions, quelle que soit la Ibrme de leur gouvernement, ne sont pas établies sur les principes immortels de la justice uni- verselle, de la liberté individuelle et de l'égalité sociale.
FIN
'^^ l
TABLE DES MATIERES
mil m I ■uyi.' «
Dr l'originiî des Indirns du Noijvf.au-Monde et de leur civilisation :
Origine des Indiens i
Peuplement du Nouveau-Monde 19
Origine de la civilisation du Nouveau-Monde 28
Développement de la civilisation 5o
L.'originc de la civilisation indienne prouvée par les arts ... 91
L'origine de la civilisation indienne prouvée par la religion. . i35 L'origine de la civilisation indienne prouvée par la philologie
comparée 7
L'origine de la civilisation indienne prouvée par la comparai- son des mœurs et coutumes ^^0
L'origine de la civilisation indienne prouvée par les institu- tions et les lois ^94
Extinction de la civilisation indienne H^
A
Le P'y. — Imprimerie Je Marchessou lils, boulevard Saint-Laurent, 23.
ff
Pfp*"'
f }
%.
ERRATA
l'aRC. Ligne. Au lieu de : lise^
i5 2 3 qu'en en
44 r2 pussagcs passuges
94 3o six points quatre points
102 3i i83" 83
191 27 pouvoir le pouvoir
275 i5 mettent mettaient
317 32 ..... changer de chausser des
Ernest LEROUX, éditeur
28, RUE BONAPARTE, PARIS
OUVRAGES ;:^ PUBLIÉS PAR P. DARRY DE THIERSANT
,-n V
^
Organisation militaire des Chinois ou la Chine et ses armées. I vol. (i859'.
Guide des armées en Chine ou Dialogues sur les reconnaissances militaires, en t^oi,^ hin-i;ues : {"ranimais, anglais, chii.ois. 1 vol. (i85f)).
Doctrine de la sainte religion. Ouvrage traduit du chinois, i vol.
(1859).
La Médecine chez les Chinois, i vol. Ii863).
Le Massacre de Tientsin et nos intérêts dans l'empire chinois (1872),
De rémigration cmnoise (1872).
La Pisciculture et la Pèche en Chine. Ouvrage accompagné de 5o planc;ies, précédé dune introduction sur la pisciculture chez.les divers peuples, par le docteur .T.-L. Soubciran. i vol. (1872).
La Matière médicale chez les Chinois, par MM. le docteur Léon Soubeiran et Dabry de Thiersant, précédé d un rapport à l'Académie de médecine, par le docteur Gubler. 1 vol. (£874).
Le Catholicisme en Chine au VHP siècle de notre ère, avec une nouvelle traduction de l'inscription de Sy-ngan-t"ou (1877).
La Piété filiale en Chine. Historiettes traduites au chinois, avec intro- duction, par P. Dabry de Thiersant. i vol. (1877).
Le Mahométisme en Chine et dans le Turkestan oriental. 2 vol.
(1878).
La Production et la Consommation du café. (1882).
Le Caféier de Libéria (1882).
» '•
,j*f
Le Pu5 . — Imprimerie Je Marchessou fils, biulevard Saint-Laurent, 43.
i V
V«x
•?r;\'
I vol.
i"!