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ESSAI

HISTORIQUE ET CRITIQUE

L'ATLANTIQUE DES ANCIENS.

ESSAI

HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUR

L'ATLANTIQUE DES ANCIENS;

DANS LEQUEL ON SE PROPOSE DE FAIRE VOIR LA CONFORMITÉ Qu'lL Y A ENTRE L'HISTOIRE DES ATLANTIQUES ET CELLE DES HÉBREUX.

PAR FRÉDÉRIC-CHARLES BAER,

Aumônier de la Chapelle royale de Suède à Paris , Professeur dans l'Université de Strasbourg , Membre de l'Académie royale des Sciences de Suède et de celles des Belles-Lettres et Beaux-Arts de Gottingue et d'Ausbourg? Correspondant de l'Académie royale des Sciences de Paris.

SECONDE ÉDITION.

w

AVIGNON,

SEGUIN AIMÉ, IMPRIMEUR-LIBRAUXE-ÉDITEUtt,

rue Bouquerie , 8.

> 1835.

THE LIBRARY OF CONGRESS

WASHINGTON

PREFACE.

JL/epuis la renaissance des Lettres , les Savans de tous les pays se sont appliqués à étudier l'Histoire des anciens Peuples , afin d'offrir au monde un tableau raisonné et suivi de tous les habitans de notre globe.

Cette entreprise , difficile en général pour tous les temps , le devient encore plus à mesure que l'on remonte vers l'origine du monde et de ses premiers habitans ; et cette difficulté n'a rien de surprenant pour ceux qui , au lieu de s'instruire dans les Dictionnaires , se sont ac- coutumés à puiser l'Histoire dans ses premières sources. Si quelque chose , au contraire , a lieu de nous étonner , c'est qu'on n'ait pas plus tôt mis à profit ces mêmes sources , qui , malgré les injures du temps , sont parvenues jusqu'à nos jours.

Des Chroniqueurs du bas âge , on est re- monté aux Auteurs Latins ; et ceux-ci nous ont conduits aux productions des Grecs , dont ils

i

2 PREFACE.

n'ont été que les copistes pour tout ce qui con- cerne l'Histoire ancienne. Mais si ces derniers rapportent avec assez d'exactitude l'Histoire de leur temps', il faut convenir qu'ils ne nous offrent presque que des fables , lorsqu'ils doi- vent nous instruire sur ce qui regarde les siè- cles antérieurs.

Je n'examinerai pas maintenant si en écrivant ces fables , les Grecs ne comprenaient pas le sens que les Egyptiens leurs maîtres y avaient attaché ; ou si , par une politique mal entendue , ces Auteurs ont affecté de couvrir d'un voile mystérieux les faits qu'ils rapportaient. Quoi qu'il en soit , il sera toujours constant que l'impossibilité apparente d'expliquer la Mytholo- gie des Grecs a rebuté un très-grand nombre de nos Gens de Lettres ; et que par conséquent on s'est souvent contenté de savoir ces fables, sans se donner la peine d'en rechercher l'explication.

Il restait cependant un chemin pour péné- trer dans ces mystères. Les Grecs , moins in- grats que vains , nous assurent d'une commune voix qu'ils doivent toutes* leurs connaissances , jusqu'à celle des Lettres même, aux Egyptiens et aux Phéniciens. U fallait donc remonter jus-

PREFACE. 3

qu'à ces Peuples fameux , dont tous les Auteurs anciens ne' parlent qu'avec vénération. Il fallait ramasser avec soin les débris qui nous en ont été conservés , et tâcher de découvrir la vérité , en comparant les fables débitées par les disci- ples, avec les instructions reçues de leurs maîtres. Si dans le siècle passé on a connu l'impor- tance de ce genre d'étude , si quelques person- nes célèbres s'y sont appliquées , il faut cepen- dant avouer que le succès n'a pas répondu aux peines qu'elles se sont données à cet égard ; à moins qu'on ne veuille regarder comme un succès le mérite d'avoir rassemblé des matériaux dont un autre se sert pour construire un édi- fice. Ce qu'il y a de certain . c'est que de nos jours seulement on a commencé d'être plus heureux. Aussi n'est-ce que depuis ce temps, que le monde littéraire est convaincu par expé- rience de l'avantage réel qui résulte de l'étude des anciens monumens d'Egypte et de Phé- nicie. (i) Les preuves que plusieurs Savans illus- tres nous ont données de cette vérité ne nous

(i) Qu'il me soit permis d'être ici l'interprète des obligations que la Ptépublique des Lettres doit à cet égard au zèle éclairé et généreux de M. le Comte de Cayius.

I .

4 PRÉFACE.

permettent plus d'en clouter. Que ne devons- nous pas nous promettre des découvertes faites depuis quelques années ? Peut-être touchons- nous au moment de pouvoir déchiffrer ces fameux monumens de l'Egypte que l'on avait regardés jusqu'ici comme inexplicables. (*)

Parmi les objets qui ont mérité l'attention et les recherches des Gens de Lettres , le pays que nous connaissons sous le nom d'Isle Atlantique, tient assurément un rang des plus distingués. L'idée magnifique que les Anciens en général nous en donnent, et surtout la description que Platon nous a laissée , d'après les Egyptiens , de sa situation , de ses habitans , de leur gouverne- ment et de leur sort , intéressent trop les ama- teurs de l'Antiquité , pour ne pas exciter leur curiosité.

Mon dessein n'est pas d'examiner maintenant les différentes opinions de ceux qui ont écrit sur ce sujet. Si les raisons qu'ils ont alléguées en leur faveur n'ont pas eu la force de me convaincre, je ne me sens pas non plus le cou- rage d'attaquer des Savans dont le mérite est

(*) La première édition de cet Ouvrage a paru en 1763. [Éditeur, \

PRÉFACE. 5

reconnu dans la République des Lettres , et dont je respecte les connaissances et les lumiè- res. Je ne fais que soumettre ici au jugement des personnes éclairées une suite de réflexions, qui , si elles ne leur paraissent pas entièrement démontrées , méritent du moins d'être pesées mûrement avant que d'être rejetées.

Le sentiment que je propose n'est pas nou- veau. Je ne puis pas non plus m'attribuer le mérite de l'invention , quoique je puisse [assu- rer , qu'à l'exception de Serranus (De Serres) , Traducteur de Platon , tous ceux qui avaient avancé la même opinion , m'étaient parfaitement inconnus lorsque les deux tiers de ma Disserta- tion étaient déjà écrits. Je relisais , il y a quel- temps , le Timée et le Criiias de Platon. En pas- sant je jetai les yeux sur le petit argument que Serranus a mis à la tête du dernier de ces Dia- logues. J'y trouvai l'assertion de ce Savant , qui dit : « que pour bien entendre le récit de Pla- » ton , il fallait en chercher l'explication dans les » Livres de Moïse. (2) » Je suivis le conseil de ce Commentateur , et je pris pour base l'avertisse- ment que Platon nous donne lui-même ; savoir,

(2) « Ex Mosaicœ historiée régula omnis hœc narratio expert' » denda est. * Serranus , in Argumenta Gritiœ.

PREFACE.

« que les noms propres , dont il se servait dans » îa description de l'Atlantique , n'étaient que » des traductions littérales du sens que ces » mêmes noms offraient dans la langue du pays » dont il parlait. »

Le travail que j'entrepris en conséquence, m'offrit de jour en jour de nouvelles probabi- lités , lorsque le hasard fit tomber entre mes mains une petite brochure Suédoise, intitulée : Atlantlca Orlentalis ; écrite par Jean Eurénius , Prévôt de l'Eglise d'Angermanland, et publiée à Strengnœs en 1754. Cet Auteur ayant entre- pris de réfuter le système du célèbre Rudbeck, augmenta les connaissances que j'avais acquises. Je continuai donc mon travail, et à mesure que j'avançais- , je communiquai mes découvertes à quelques amis dont les lumières sont aussi sûres qu'elles sont connues. Par leur moyen j'appris que ce même sentiment avait été soutenu par M. Olivier de Marseille , dans une Dissertation qui est insérée dans îa Suite des Mémoires de Littérature et d'Histoire de M. de Sallengre , imprimée à Paris en 1726. Ce serait ici l'occa- sion de montrer la différence qu'il y a entre mon travail et celui de MM. Olivier et Eurénius ,

PRÉFACE. 7

cependant je crois pouvoir m'en dispenser. La Dissertation du. premier est entre les mains de tout le monde; et pour peu qu'on veuille se donner la peine de la parcourir , l'on trouvera que si le sentiment de l'Auteur est conforme au mien quant au fond , la manière dont il tâche de le prouver n'est rien moins que suffisante , et sert plutôt à dissuader le Lecteur qu'à le convaincre. Quant à l'Ouvrage de M. Eurénius , je me contente d'observer que voulant réfuter Rudbeck , il est tombé dans le même défaut. L'un transporte toute la Mythologie des Grecs en Suède, l'autre se donne la torture pour la trouver tout entière parmi les Juifs, (*) ïl faut

(*) h'Atlantica Orientales a été traduite et publiée en latin à Berlin, etc. , eu 1764 , par Olavus Bidénius Rcnhorn , qui dans son E pitre décîicatoire montre fort bien qu'Eurénius n'a pas tant de tort que le prétend ici Me Baër. On peut voir, entr'autres Ouvrages récemment publiés sur cette matière ; L'Histoire des derniers Pharaons et des premiers Rois de Perse selon Hérodote , tirée des Livres Prophétiques et dit Livre d'Esther ; par M. pde Bovet , ancien' Archevêque de Toulouse. 2 vol in-S. i855. Les Dynasties Egyptiennes suivant Manethon , considérées en elles- mêmes , et sous le rapport de Chronologie et de l'Histoire ; par le même. in-S. seconde édition. i855. La Conférence de la Fable avec l'Histoire Sainte, oh l'on voit que les grandes Fables, le Culte et les Mystères du Paganisme ne sont que des copies altérées des Histoires, des Usages et des Traditions des Hébreux ; parM. de Lavaur. in-S. ou in- 12. seconde édition. i835. Ces Livres se trouvent chez Seguin aîné , imprimeur-libraire , à Avignon. ( Editeur, )

S PRÉFACE.

cependant rendre justice à ce dernier , et dire que son ouvrage est rempli de savantes re- cherches.

Il ne m'appartient point déjuger si j'ai mieux réussi dans l'ouvrage que je me suis proposé. Que des Lecteurs éclairés en décident. Quel que soit le résultat de leur examen , j'aurai toujours rempli mon dessein , qui est de mettre le public en état de juger du plus ou moins de solidité d'une découverte qui est également curieuse et intéressante.

REMARQUES PRELIMINAIRES.

Avant que d'entrer en matière , je demande la permission de faire quelques observations qui serviront de base à mes recherches.

La description que Platon nous donne de l'Isle Atlantique n'est pas une fiction , comme plusieurs l'ont prétendu, en la regardant comme un discours purement allégorique. Il est éton- nant que des personnes , d'ailleurs éclairées , aient pu s'égarer à ce point , tandis que Platon lui-même proteste contre cette opinion , et cer- tifie que son récit est véritable, (i)

20 Platon parle d'un Pays connu aux Grecs de son temps , quoiqu'il dise qu'une partie en avait été submergée. Cette observation ne souf- fre aucun doute ; puisqu'en parlant de la par- tie de ce Pays , occupée par un des Chefs des Atlantiques , qui s'appelait Gadir, ce Philosophe dit, que de son temps cette Province s'appe- lait encore Gadlrica (2). Elle existait donc cette

(1) Voyez à la fia du Volume {page 83 et suiv. ) les Extraits des Dialogues de Platon sur l' Atlantique , en Grec , avec la Traduction Française en regard du Texte. Extraits du Tintée ,

n°. i.

(2) Extraits du Crltias , 35.

IO REMARQUES PRÉLIMINAIRES.

Province ; elle était connue des Grecs , et par conséquent on la chercherait en vain dans la l'Amérique , quelques Savans ont prétendu placer l'Isle Atlantique.

La plupart de ceux qui se sont appliqués à la recherche de l'Atlantique , ne se sont égarés que parce qu'ils ont négligé le moyen simple et naturel que Platon lui-même nous indique et que j'ai déjà annoncé plus haut. Avant que de donner la description de l'Atlantique, Platon met dans la bouche de Critias les paroles sui- vantes : « Ne soyez pas surpris si vous voyez » que la plupart de ces hommes étrangers por- » tent des noms Grecs. La raison en est , que » Solon , en voulant les insérer dans son Poème , » rechercha la signification de ces noms ; qu'il » trouva que ceux des Egyptiens , qui les pre- » miers ont écrit cette Histoire , les avaient tra- » duits dans leur idiome , et qu'à son tour il a » pris le sens de chaque nom et les a tous mis » dans notre langue. Ces écrits que j'ai déjà » lus dans ma jeunesse , étaient chez mon grand- » père , et se trouvent maintenant chez moi. Si » vous trouvez donc des noms semblables aux

REMARQUES PRÉLIMINAIRES. I I

» nôtres , n'en soyez point étonnés , car vous » en savez la cause. » (3)

De cet avertissement je tire deux règles de critique également incontestables , et qu'il ne faudra jamais perdre de vue dans la suite de cette Dissertation.

La première , c'est que Critias était le grand- père de Platon même ; que ce Critias dit tenir ce qu'il raconte de son grand-père , qui s'appe- lait également Critias ; et que celui-ci , comme Platon nous l'apprend , avait été instruit par son oncle Solon , lequel avait voyagé en Egypte , les Prêtres de Sais lui avaient raconté l'His- toire de l'Atlantique. Yoilà donc une tradition moitié orale , moitié écrite , qui a passé par six générations , et qui probablement peut avoir été altérée. Cette observation est d'autant mieux fondée , qu'à cette occasion Platon lui-même fait dire à Critias (4) ? qu'il se pourrait bien que sa mémoire le trompât quelquefois sur des faits qu'il a entendus dans sa grande jeunesse. De je conclus > que quand même , dans l'explica- tion que je vais donner , il resterait quelques

(5) Extraits du Critias, n i5. (4) Extraits du Critias , io.

12 REMARQUES PRELIMINAIRES.

légères difficultés à résoudre , mon opinion ne perdra rien de sa vraisemblance , si d'un autre côté on trouve un nombre bien plus considéra- ble de preuves qui parlent en sa faveur.

La seconde règle également nécessaire et bien plus importante encore , c'est que les noms propres rapportés par Platon dans sa descrip- tion de l'Atlantique , ne sont pas les vrais noms des peuples et des endroits dont il parle ; mais seulement une traduction Grecque du sens lit- téral de la traduction que les Egyptiens ont faite de ces mêmes noms. De je crois pouvoir conclure qu'un Peuple dont l'histoire en géné- rale se rapporte à celle que Platon nous donne du Peuple Atlantique , et dont les noms des Chefs , des Provinces , des Frontières , des prin- cipales Villes , et même des Peuples voisins si- gnifient dans la Langue du pays les mêmes cho- ses que les noms Grecs rapportés par Platon ; qu'un pareil Peuple , dis-je , peut être plus que soupçonné d'être l'ancien Peuple Atlantique.

La mauvaise opinion que nous avons aujour- d'hui de toute explication étymologique me fait déjà prévoir les objections que plusieurs de mes Lecteurs pourront me faire. Je n'ignore

REMARQUES PRÉLIMINAIRES. l3

pas non plus que cette prévention n'est pas des- tituée de fondement. L'on me dira que les anciennes Langues ne nous sont pas assez con- nues , pour que nous puissions appuyer des faits historiques sur le sens équivoque de quel- ques mots ; que dans les Langues Orientales surtout,. les mots sont souvent susceptibles, de plusieurs sens; qu'une imagination fertile, en choisissant parmi ces différens sens celui qui lui convient le plus , a déjà produit les systè- mes les plus absurdes , fondés sur des vrai- semblances étymologiques ; et qu'ainsi on ne saurait être trop en garde contre ces sortes d'ex- plications.

Je conviens aisément de la solidité de ces objections. Mais je prie le Lecteur d'y faire les observations suivantes.

Si l'imagination prévenue de quelques Auteurs a souvent abusé des recherches éty- mologiques , ces recherches ne sont pourtant pas toujours vaines ou inutiles. Elles sont même nécessaires dans l'étude de la haute Antiquité , et surtout dans l'histoire d'un pays Oriental , l'on sait que les noms propres sont toujours significatifs.

î4 REMARQUES PRÉLIMINAIRES.

Dans ie sujet que je me suis proposé de traiter , la partie étymologique est indispensa- ble. Elle est la clef que Platon nous offre lui- même pour l'explication des faits dont il est question. La passer sous silence , c'eût dont été de ma part une négligence impardonnable.

L'explication que j'offre des noms Atlan- tiques n'est rien moins qu'arbitraire de ma part. À l'exception du seul nom de Gadir , de la variation duquel je rends raison , tous les autres sont pris dans le sens que Moïse même leur attribue , et conformes à l'explication que cet Auteur sacré en donne. Et quant à leur inter- prétation Grecque , j'en ai pour garans les meilleurs Dictionnaires que nous ayons de cette Langue. On ne saurait , je crois , suivre des gui- des plus sûrs.

Enfin , la partie étymologique de cette Dissertation, quoique la première dans l'ordre, n'en est cependant ni la principale ni la plus essentielle. Seule elle ne prouveroit que peu de chose ; mais appuyée des autres , elle a de son côté contribué à me confirmer dans le senti- ment que j'ose soumettre aux lumières du public.

REMARQUES PRELIMINAIRES. l5

Pour procéder avec ordre , je rangerai les preuves que j'ai à produire , dans cinq Sections :

Dans la première, je parlerai de l'Origine et des Chefs du Peuple Atlantique.

Dans la seconde , je rapporterai les Expédi- tions de ce Peuple.

Dans la troisième , je traiterai du Pays qu'il a habité.

La quatrième contiendra son Gouvernement, ses Mœurs et sa Religion.

La cinquième et dernière exposera le Sort de cette Nation.

ESSAI

HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUR

L'ATLANTIQUE DES ANCIENS.

SECTION PREMIERE. Ouigine et Chefs du Peuple Atlantique.

Jl ous les Auteurs anciens qui font mention du Peuple Atlantique, sont d'accord sur le nom de son premier Chef , que d'une commune voix ils nomment'Atlas ( At^ocç ). En recherchant la signi- fication littérale de ce nom, on trouve qu'il est synonyme d'Athlète , et par conséquent il signi- fie un lutteur, un combattant, un brave, (i)

Parmi tous les Peuples de l'Antiquité , nous ne trouvons aucun Chef de Nation à qui ce nom puisse mieux convenir qu'à Israël , Chef de la Nation Juive , petit-fils d'Abraham et père des douze Tribus dans lesquelles ce Peuple fut

(i) Hesychius explique le verbe ÙtXoltsù} par celui d'#¥0**&9 celui d'«3"A£ff%u par âyavla-xS-ctt , et xB-Xoy par' àycùvttrf&tt ; d'où il résulte que les verbes étant synonymes , les mots qui en dérivent le doivent 6 Ire également.

î8 sur l'atiantique des anciens.

partagé. Ce Patriarche , après avoir combattu contre l'Ange du Seigneur , changea de nom , et au lieu de Jacob , qui était son nom ordinaire , il reçut celui d'Israël. Moïse nous donne lui- même l'explication de ce nom , lorsqu'il dit que l'Ange du Seigneur lui adressa ces paroles: » Tu ne t'appelleras plus Jacob , mais Israël ; car » tu as lutté contre Dieu et contre les hommes , » et tu as été vainqueur, (2) » (3)

Je sais qu'on pourrait m'objecter , qu'Israël ne saurait être regardé comme Chef du Peuple Juif, puisque cette qualité n'appartient qu'à Abra- ham; mais je prie le Lecteur d'observer qu'il est question ici d'un Chef qui a donné son nom à sa Nation ; que les Juifs , quoique descendans d'Abraham , n'en ont cependant jamais porté le nom ; que depuis la mort d'Israël on leur a donné constamment celui de Peuple^ ou d'En- fans d'Israël , comme le Peuple Atlantique a conservé le nom de son fondateur Atlas.

Si les Anciens sont d'accord sur le nom du

(2) Genèse , xxxri. 28 et suiv.

(3) En effet , qu'on dérive ce mot de *TW Slltir, de H^^ Sliarah , ou de *TTtè79 Sharar , qui signifient également être supérieur, combattre pour la supériorité; il en résultera que le nom de V&OUJ* , Israël , veut dire un homme qui a com- battu contre Dieu et qui a prévalu ; et cette signification re- vient exactement à celle du mot Grec'' ' ArXcts , Allas , à l'excep- tion seulement que celui-ci veut dire un combattant ou vain- queur en général , tandis que l'autre détermine en même temps celui contre lequel on a lutté , un combattant et vainqueur de Dieu.

SECTION PREMIERE. 19

Fondateur da Peuple Atlantique, il n'en est pas de même pour ce qui regarde son origine et sa postérité. Platon le fait descendre de Neptune , en disant : « que le Pays habité par Atlas et » par sa postérité avait été occupé antérieure- » ment par un nommé Evénor , lequel > avec » sa femme Leucippe , avait eu une fille , appe- » lée Clito ; que celle-ci avait épousé le Dieu » Neptune , et que de cette alliance était pro- » venu Atlas , ainsi que neuf autres fils , aux- » quels par la suite ce Dieu avait partagé le » Pays , de manière cependant qu'Atlas leur » aîné resta en possession de la Capitale du Pays » et de ses environs , qu'il fut établi en qualité » de Chef sur ses autres frères , et que ceux-ci » à leur tour gouvernaient chacun leur pro- » vince. (4) »

Diodore de Sicile rapporte la chose différem- ment. (5) Selon lui , les Atlantiques descendaient d'un nommé Uranus. Leur Fondateur s'appelait Atlas ; et celui-ci n'avait qu'un seul frère , sa- voir , Saturne ; mais il avait eu plusieurs fils , dont cet Auteur ne rapporte pas les noms.

Dans ces différens récits je crois pouvoir don- ner avec sûreté la préférence à celui de Diodore de Sicile. Car Platon lui-même nous prévient

sur le défaut de sa mémoire , tandis que Dio-

»

(4) Extraits du Crltlas , 20 et suiv.

(5) Diodore de Sicile , 1. m, c. 3 1 .

2.

20 SUR L'ATLANTIQUE DES ANCIENS.

dore de Sicile nous assure d'avoir parcouru lui- même la plupart des pays dont il parle ; d'avoir examiné tout de ses propres yeux ; d'avoir lu avec attention les anciens livres et monumens qui se trouvaient en Egypte et dans les Biblio- thèques de Rome. (6)

Au rapport de Diodore de Sicile , Atlas avait pour frère un nommé Saturne , et ce nom ? qui n'est pas Grec, en le dérivant de l'Arabe est absolument synonyme de celui d'Esaù , frère d'Israël. (7)

Enfin , selon cet Auteur , Atlas et Saturne descendent d'un nommé Uranus ( Oucavoç ). Israël et son frère descendent d'Abraham , le- quel étant originaire du pays d'Ur , en Chaldée, pouvait fort bien, selon l'usage de ce temps, avoir eu le surnom d'Uranien.

Ce rapport est trop frappant , et par consé-

(6) Diodore de Sicile , dans le commencement du premier livre de son Histoire ; et 1. ni. c. 5,

(7) L'Ecriture nous assure [Gen. xxv. 25. ) , qu'en venant au monde , Esaû était comme couvert d'un vêtement , et que par cette raison on l'appela Esaù. On chercherait inutilement l'étymologic de ce nom dans l'Hébreu , sa racine y est perdue ; mais on la retrouve dans l'Arabe ; HU^P ', Ashah , dans celte lan- gue a deux significations : tantôt ce mot veut dire , couvrir , habiller ; et tantôt , être obscur , ténébreux , caché. En prenant la première de ces significations , nous avons l'étymologic du nom conforme à l'Ecriture. En prenant la seconde , nous trou- vons l'explication de celui de Saturne. Ce mot dérive indubita- blement de l'Arabe ou de l'Hébreu ^ItOU? ? Shatar ou Satar , lequel dans l'une et dans l'autre Langue signifie , ( ainsi que r?Wy y Ashah } ) être obscur et caché.

SECTION PREMIÈRE. 21

quent ces raisons trop solides , pour ne pas jus- tifier la préférence que je crois devoir donner en cette occasion au récit de Diodore de Sicile , sur celai de Platon. Continuons maintenant à examiner les noms que Platon donne aux autres Chefs Atlantiques. Voici ses paroles : « Celui qui » naquit après lui (Atlas), et qui reçut en par- » tage le district de l'Isle qui touche les Colon- » nés d'Hercule , a été appelé Gadir , dans la » Langue du pays , ce qui repond au mot d'Eu- » mèlus ( EufJMpiOç ) , et de toute cette Pro- » vince porte encore aujourd'hui le nom de » Gaclirica. (8) » Sans nous arrêter maintenant à l'ordre de naissance des enfans d'Atlas , que Platon pouvait très -bien ignorer, observons qu'un des fils d'Israël s'appelait Cad , ce qui répond au Gadir dont Platon parle'. (9)

20 Que ce mot Hébreu signifie un bélier ;, et que c'est en ce sens que Solon l'a pris , en le tra- duisant par ESpirjXo; , qui veut dire heureux ou fertile en brebis. (10)

Enfin , pour lever toute difficulté , nous

(8) Extraits du Crltlas , n" 35.

(9) La lettre R ne doit point nous arrêter : Gad signifie un bélier ; Gadera , un parc : ce nom est celui qu'on a donné à la Province occupée par la Tribu de Gad. Est-il étonnant que les étrangei's aient fait une fausse séparation des lettres radicales?

(10) Voyez Stockii Clavis Linguœ Sacr. Rad. fTTX Le mot de Gad pris dans le sens qui nous est offert par l'Ecriture , signifie une troupe. ( Gen. xns. 19. ) Cette interprétation ne cadre point avec celle que Platon nous en donne ; mais celte différence

22 SUR LATLANTIQUE DES ANCIENS.

prions le Lecteur d'observer que la partie de la Palestine , occupée par la Tribu de Gad , tou- chait à la partie de l'Arabie , appelée le Désert de Cadès ; Ptolémée donne à cette partie le nom de Gadirtha (n), Etienne de Byzance appelle Gadara un canton de la Palestine (12) , et Lightfoot nous apprend (t. 2. p. 417.) que ce canton était situé de l'autre côté du Lac de Tibériade , et par conséquent vers la portion échue à la Tribu de Gad.

Cet éclaircissement suffit , à ce que je crois , pour ne laisser aucun doute sur le Gadir de Platon. Quant aux autres Chefs Atlantiques, nous n'avons pas besoin de nous y arrêter long- temps. Il nous suffira de confronter leurs noms Grecs avec les noms Hébreux que l'Ecriture donne aux enfans d'Israël : la ressemblance en est trop frappante pour ne pas mériter l'atten- tion du Lecteur ; et elle en est d'autant plus digne , que , comme je l'ai déjà remarqué plus haut , loin de donner aux noms Hébreux une

est facile à concilier. Le mot de Gad peut être dérivé de deux racines différentes. En le faisant descendre de la racine T7A Gadad9 il signiûe une troupe , et c'est le sens que l'Ecriture lui donne. Le même mot dérivé de iTW •> Gadali , signifie un bélier , et c'est dans ce sens que les Egyptiens l'ont interprété et les Grecs après eux. Car l'Evp^o? de Platon est composé de fûjXoç , brebis , et de la particule eu , qui caractérise la bonté d'une chose.

(il) Ptolem. 1. v. c. 19. Gadirtha.

(12) Stephanus Byzant. in Tuiïaç».

SECTION PREMIÈRE. 2 3

interprétation arbitraire , nous nous en tien- drons à celle qui nous est offerte par Moïse même.

Selon Platon , le troisième des Atlantiques s'appelait Ampherès , et ce nom signifie quel- qu'un qui s'est élevé , ou qui a été élevé. Il répond à celui de Joseph , qui signifie également quelqu'un qui a été élevé, (i 3) Le père de Joseph y fit allusion , lorsqu'en donnant la bénédic- tion à ses enfans , il dit à celui-ci : « Joseph va » toujours en croissant et en augmentant. (i4)B La mère de Joseph y fit également allusion , lors- qu'en le mettant au monde , elle lui donna ce nom , en disant : « L'Eternel m'ajoute un autre » fils. (i5) »

Le quatrième des Atlantiques s'appelait Eu- dœmon , ce qui veut dire, bienheureux. (16) Le même mot traduit en Hébreu est Asher , ce qui est encore un nom d'un des fils d'Israël. (1 7) Lia , la mère de ce Chef de Tribu , y fit allusion , lorsqu'à sa naissance elle lui donna ce nom , en

(i3) Ampherès vient d'âpÇtpa, civu(pipa , extollo , sursum fero. Joseph descend de MU' 5 addidit , cresccre fecit. J'avertis une fois pour toutes que , pour les étymologies Hébraïques , je me suis servi du Dictionnaire de Stockius , pour les Arabes de celui de Golius , et pour les Grecques de celui de Henri Etienne.

(i4) « Filius accrescens Joseph , filius accrescens et decorus » aspectu. ( Gen. xlix. 22.) »

(i5) « Addat mihi Dominus filium alterum, ( Gen. xxx. 24. ) »

(16) Eùêulpav , beat us.

(17) *WK ? beatus.

2 4 SUR LATLANTIQUE DES ANCIENS.

disant : « C'est pour mon bonheur ; car les fem- » mes m'appelleront bienheureuse. (18) »

Le cinquième des Atlantiques s'appelait Mné- seus. On peut traduire ce nom par quelqu'un qui s'entremet à faire un mariage , ou qui donne des arrhes de mariage pour quelque autre. (19) A cette dénomination l'on doit reconnaître celui des fils d'Israël qui s'appelait Issachar, à qui sa mère donna ce nom , en disant : « Le Seigneur » m'a récompensée , parce que j'ai donné ma » servante à mon mari. (20) »

Le sixième des Atlantiques est nommé Au- tochthon , qui veut dire , de la terre , ou

(18) « Hoc pro beatitadine meâ : beatam quippe me dicent mulie- » res. (Gen. xxx. i3. ) »

(19) Mwoïos descend de Mimfteù , qui , entr'autres significa- tions , a celle de , rechercher en mariage , donner des arrhes de mariage.

(20) On sait que Lia mère d'Issachar , ennuyée de n'avoir pas eu d'enfans pendant quelque temps , engagea son mari à par- tager son lit avec sa servante , de laquelle il eut successivement deux fils. Enfin Lia devint enceinte elle-même , et Moïse dit ( Gen. xxx. 18. ) qu'en mettant son enfant au monde, elle lui donna le nom d'Issachar , en disant : « Dédit Deus mercedem » milù , quia dedi anciUam meam viro meo. Le Seigneur m'a » récompensée, parce que j'ai donné ma servante à mon mari.» 11 y a plus : on sait l'histoire des mandragores qui ont donné occasion à la naissance d'Issachar. Rachel, seconde femme d'Is- raël , les désirait : Lia les lui céda , à condition qu'elle lui céde- rait le mari pour la nuit suivante. Le marché conclu , Lia se hâta de l'annoncer à Jacob , en lui disant : Je t'ai loué pour les mandragores de mon fils. Et le mot Hébreu dont elle se sert pour dire , je t'ai loué , est encore le même , WW) d'où dérive le nom du fils qui fut le fruit de celte convention. ( Gen. xxx. x6, 18.)

SECTION PREMIÈRE. 25

demeurant dans la même terre. (2 1) Nous y trou- vons la traduction de celui de Zabulon , qui peut être rendu par, demeurant à côté ou au même endroit. Israël y fit encore allusion dans la béné- diction qu'il donna à ce fils , en lui disant : « Za- » bulon habitera à côté ou sur les bords de la » mer. »

Le septième des frères s'appelait Elasippus , et il peut être traduit par , vainqueur triom- phant, ou , quelqu'un qui expulse un autre avec violence. (22) Le même sens nous est offert par

(21) AÙTo%B-av est composé Ôluotcç, Me idem , cl de Z&&V y terra, et sa traduction littérale est par conséquent ex eàdetn terra , in eâdem terra , étant du même endroit , ou demeurant au même endroit. Ce même nom a été pris par les Athéniens dans un sens un peu différent. Ils se sont appelés eux-mêmes uvrôxfravtç , parce qu'ils prétendaient êtrc.nés delà terre. L'un et l'autre sens se trouve dans le mot de p /u*. Ce nom dé- rive de la racine 7 > qui veut dire cohabiiare , cohabiter. Dans l'Hébreu ainsi que dans nos Langues ce mot est susceplible d'un sens naturel , et d'un sens figuré. La mère de Zabulon fît allusion au dernier , lorsqu'on accouchant de ce fils , elle lui donna ce nom , parce que , disait-elle , mon mari habitera » avec moi encore celte fois. ( Gen. xxx. 20. ) » Le père de Zabulon, au contraire, fit allusion au sens naturel, lorsque dans sa bénédiction il dit : « Zabulon in littore maris habilabit, * Zabulon habitera sur les bords de la mer. (Gen. 49. i3.) » Enfin quant au sens que les Athéniens ont donné au mot d'Aùrô^B-cûv , nous le retrouvons dans l'Arabe , le mot 7-3T veut dire saginare terram , funo fertilem rcddere , engraisser la terre et la reudre fertile.

(22) 'EXu<rt7T7ro<; est dérivé du verbe iXauva , expellere , chas- ser ; de ï\a<nç , expulsio , l'action de chasser , expulsion. Le 'i7T7ro5 qui y est joint , ne dénote le plus souvent , daixs les noms propres , qu'une plus grande intensité de la chose dési-

26 sur l'atlantique des anciens.

le nom de Neplithaîi que portait un des fils d'Is- raël, et qui veut dire , quelqu'un qui a vaincu en luttant. (2 3) De aussi le mot de Rachel qui à la naissance de Nephthali lui donna ce nom , en disant : « Le Seigneur m'a fait entrer en » combat avec ma sœur , et je l'emporterai sur » elle. (24) »

Le huitième des Atlantiques s'appelait Mestor, qui veut dire, un homme prudent, sage et de hon conseil (2 5) , et de cette manière il rend exactement le sens du nom de Dan que portait un des fils d'Israël (26) ; et comme chez les Orientaux les noms de savant , de sage et de juge étaient pour ainsi dire synonymes , Israël les joignit ensemble dans la bénédiction qu'il donna à Dan , en disant : « Dan jugera son peu- » pie ; Dan sera comme un serpent dans le che- » min. (27)»

gnée par le mot auquel il est joint , comme il est aisé de s'en convaincre dans le Dictionnaire de Henri Etienne , à l'art, 'twou Et de cette manière on peut rendre le nom d"~EXcuri7T7roç } par, expeilens fortiter , victor strenuus ; un homme qui expulse un autre avec violence , un vainqueur fort.

(2 5) **/£)£)% descend de la racine /DIS •> laquelle , dans la conjugaison de Niphal , signifie , luctatus est , lutter.

(24) « Luctationibus Dei luctata sum cum sorore , et invalui. » (Gen. xxx. 8.) »

(25) Mitrœç peut être dérivé de Mîj^o; , qui veut dire , atten- tion , conseil ; de Myraç , un sage , un homme expérimenté et de bon conseil.

(26) 71 \ient de ni qui veut dire examinare , ob oculos po- nere , j udicare ; examiner , représenter, juger.

(27) * Dan judicabit populum suum ; Dan fiai coLuber in via» " (Gen. xlix. 17. ) »

SECTION PREMIÈRE. 27

Le neuvième des Atlantiques est appelé Azaës , qui peut être traduit par honoratus , honoré, révéré (28) , et par-là il n'est pas difficile de recon- naître dans sa personne le fils d'Israël , appelé Juda ( Jéhuda), qui veut dire également , hono- ratus, celebratus , honoré , célébré. (29) Ce nom est interprété de même par Israël , qui , dans sa bénédiction , dit à ce fils ; « Juda , tes frères te » loueront (3o) , » et l'Ecriture nous dit , que , clans le même esprit , sa mère Lia, en le mettant au monde , s'écria , en disant : « Je louerai le Seigneur; » et qu'à cause de cela elle l'appela Jéhuda. (3i) »

Le dixième enfin des Atlantiques fut appelé Diaprepès , qui peut être traduit par, honestus, eminens , distingué, éminent. (32) Il n'est encore que la traduction simple du nom de Ruben , fils aine d'Israël , qui offre exactement le même sens. (33) Et ce fut encore par allusion à ce sens , qu'Israël dit à ce fils : « Ruben , mon fils aîné , » tu es ma force , le premier dans les dons , le » plus grand en autorité. (34)»

(28) 'A^aqç descend d'^A^o» , colo , veneror, honorer , révérer.

(29) i"Tl HT descend de Hl* ? qui , dans la conjugaison Hiphil , signifie laudavit , celebravit , louer , célébrer.

(30) « Jéhudah ! te laudabunt fratres tui. (G en. xlix. 8. (01) « Nunc taudabo Dominum. (Gen. xxix. 35. ) »

(32) Atci7T(>i7rn$ est composé du verbe zrgiTva , decorus sum , être honorable , et de la préposition ^ta $ il peut être traduit par eminens , excellens , éminent , excellent.

(33) TDIK^ descend de la racine rO*^ ? qui veut dire , atte- tus est , crevit , magnus fuit , être grand , élevé , distingué.

(34) « Ruben, primogenitus meus , tu fortitudo mea ; prior in » donis , major in imperio, ( Gen. xlix , 3. ) »

28 sur l'atlantique des anciens.

Plus on réfléchit sur ces étymologies , et moins il semble possible de se refuser à la clarté qu'elles offrent. Rien n'y est forcé , et les sens offerts dans les deux Langues sont aussi confor- mes qu'il est possible dans une traduction faite sur une autre traduction. Je n'ai plus qu'à ré- pondre à quelques difficultés qui paraissent d'abord assez importantes , mais qu'un examen bien réfléchi peut aisément résoudre.

En regardant d'abord Atlas comme père des autres Chefs, il ne reste plus que neuf frères, ce qui est encore bien éloigné du compte des douze Tribus dans lesquelles nous savons que les Juifs ont été partagés. Cette objection paraît frappante; voici ce qu'on y peut répondre :

Quoique les En fans d'Israël fussent parta- gés en douze Tribus , les étrangers cependant n'en connaissaient que dix. (35)

Des douze Tribus dont l'Ecriture fait men- tion, celles de Lévi , de Manassé, d'Ephraïm , de Benjamin , et de Siméon , sont celles dont il n'est point fait mention dans Platon. Quant aux trois premières, la raison en est toute simple. La Tribu de Lévi , quoique très-distinguée des au- tres , n'avait cependant point de district à part dans la division des terres. Destinée uniquement au service divin , elle ne devait vaquer ni à l'agri- culture ni au commerce ; par conséquent D>^"

(35) Justin. L xxxvi. c. 2.

SECTION PREMIÈRE. 29

voulait qu'elle vécût aux dépens des autres Tri- bus, et elle y fut répartie. Or n'ayant pas eu de part distinguée, il n'est pas étonnant qu'elle ait été ignorée des étrangers.

Pour ce qui regarde les Tribus d'Ephraïm et de Manassé ; comme leurs Chefs étaient fils de Joseph , frère des autres Chefs , l'Ecriture elle- même les comprend souvent sous le nom de Joseph (36) leur père ; et nous ne devons pas être étonnés que les Egyptiens , chez qui Joseph était plus connu et plus considéré que tous ses autres frères, aient suivi cet exemple.

A l'égard de la Tribu de Benjamin , l'on sait le massacre épouvantable qui en a été fait par les autres Tribus (3t), de manière qu'il n'en resta que 600 hommes , et que dès ce moment cette Tribu fut regardée comme incorporée dans celle de Juda dont elle était voisine. Cette vérité est si constante , que ceux de Juda donnaient leurs filles en mariage à ceux de Benjamin ; ce qui ne se pratiquait point dans les autres Tri- bus. Aussi , lors de la fameuse séparation des Tribus , après la mort de Salomon , celle de Ben- jamin fut la seule qui demeura avec Juda.

(36) Au Deutéron. xxvn. 12. il est fait mention de la Tribu de Joseph 9 et même elle n'y est comptée que pour une seule. Dans la bénédiction que Moïse donna avant sa mort (Deut. xxxnr. 10.) il nomme Joseph , et ne fait mention directement ni d'Ephraïm ni de Manassé. Dans le partage prophétique de la Terre sainte * (Ezéch. XLVir. i3. ) il est encore fait mention de la Tribu de Joseph , et on lui assigne deux parts. J'omets plusieurs autre» passages qui confirment la môme chose.

(37) Juges , xx.

3o sur l'atlantique des anciens.

En faisant ce calcul , qui est fondé sur la vé- , rite , nous trouvons exactement neuf Tribus ; savoir : Ruben , Juda , Dan , Nephthali , Cad , Àser , Zabulon , Issachar , et Joseph , conformes également et à l'Ecriture et au récit de Platon. Il reste seulement , d'un côté 9 la difficulté au sujet d'Atlas , que ce dernier met au nombre des frè- res Atlantiques , tandis qu'il en était le père ; et de l'autre , celle au sujet de Siméon dont nous ne trouvons point d'équivalent dans Platon. Pour répondre à la première de ces difficultés , je ne répéterai pas ici ce que j'ai dit plus haut au sujet de l'erreur dans laquelle ilf paraît que Platon est tombé. J'observerai seulement quant à la seconde, que Platon , et peut-être Solon lui- même , ayant faussement regardé Atlas comme frère des Atlantiques , il fallait , pour ne pas excéder.le nombre de dix , retrancher nécessai- rement une des autres Tribus. Ce retranchement tombait aussi très-naturellement sur Siméon. Car non-seulement Israël prédit à Siméon ainsi qu'à Lévi, que loin d'avoir une portion à part, ils seraient dispersés tous les deux dans les au- tres Tribus (38) ; mais nous apprenons aussi dans le Livre de Josué (39) , que cette prédiction a été accomplie , et que la portion de Siméon a été entièrement enclavée dans le centre de celle de la Tribu de Juda ; ou , pour mieux dire , que

(38) Genèse , xlix. 5,6,7,

(39) Josué , xix. 1 et suiv.

SECTION PREMIERE. 3l

la Tribu de Siméon (4o) n'a reçu pour sa part qu'une partie de celle qui appartenait en pro- pre aux Enfans de Juda ; que par conséquent elle en était dépendante, et pour ainsi dire, vassale ; et que par cette raison il n'était pas étonnant que les étrangers n'eussent point fait attention à elle.

SECTION IL

Expédition des Atlantiques.

Après avoir examiné les noms des Chefs Atlan- tiques , passons à leur expédition que Platon nous rapporte et que nous pouvons rassembler sous trois différens Articles , savoir : l'épo- que du commencement de cette expédition ; l'endroit d'où les Atlantiques sont venus ; et le pays ils sont allés et dont ils ont chassé les habitans.

(4o) Cette espèce d'incorporation de Siméon dans Juda no serait-elle pas la cause de l'erreur dans laquelle Platon a donné en regardant Atlas comme un frère des autres ? Les étrangers divisaient communément les Juifs en dix Tribus. Or Siméon incorporé dans Juda , il n'en reste que neuf ; pour y suppléer , Platon pouvait donc y avait ajouté Atlas , et l'avoir regardé comme un frère des autres Chejs de Tribu , tandis que c'étaient ses enfans.

32 sur l'atlantique des anciens,

§. i . Époque du commencement de V Expédition des Atlantiques,

Quant à cette époque, Platon fait tenir aux Prêtres de Sais le propos suivant. « Dans nos » Livres sacrés il est rapporté quel était l'état de » notre Gouvernement pendant l'espace de 8000 » années ; mais je vous rapporterai ce qui est » arrivé à ces anciens depuis l'espace de gooo » ans. (1) » Ajoutons à ce passage un autre Platon dit : « que depuis le temps de l'expédition » des Atlantiques jusqu'à celui de Solon , il y » avait un espace de 9000 ans. (p.) » Ces deux pas- sages s'accordent ; il n'est donc question que de les bien entendre.

D'abord il est constant qu'on ne saurait pren- dre les années dont Platon parle, pour des an- nées Solaires , semblables aux nôtres. La chose est hors de doute , et je ne m'arrêterai pas à le prouver. Voyons donc comment il faut les en- tendre. Diodore de Sicile nous servira encore de guide. Cet Auteur nous assure « que les an- » ciens Egyptiens avaient coutume de compter » leurs années par des révolutions de Lune (3) ; »

(1) Extraits du Tintée 9n° 17.

(2) Extraits du Critias, 1.

(3) Diodore de Sicile , I. i. c. i4- Je pourrais ajoutera cette autorité celle de Pline , du Syucelle , et de quelques autres ; mais je la crois suffisante.

SECTION SECONDE. §. I. 33

de manière qu'il faut compter douze années des leurs pour en composer une des nôtres. Cette vérité nous est confirmée par Horus Apollo(4) qui nous apprend que pour désigner une année, les Egyptiens avaient employé dans leurs Hiéro- glyphes tantôt la figure d'Isis , qui , comme on sait , désignait la Lune , et tantôt simplement la figure d'une femme.

En partant de ce principe , les 9000 années des Egyptiens ne feraient qu'environ 700 années des nôtres ; et cet espace revient assez à celui qui s'est écoulé depuis l'entrée des Israélites dans la Terre promise , jusqu'au voyage de So- lon en Egypte. (5)

Ce qui me semble confirmer la justesse de cette façon de compter , c'est un autre exemple

(4) Horus Apollo. Iliéroglyph. 3.

(5) En supposant que les Israélites sont les'vrais Atlantiques , il s'ensuit qu'il faut que les neuf mille mois , dont il est question ici , remplissent l'espace de temps qui s'est écoulé depuis leur sortie d'Egypte jusqu'à leur captivité. Or selon le calcul de Scaliger , les Juifs sont sortis d'Egypte , environ l'an du monde 24^0 , et les dis Tribus ont été emmenées en captivité par Sal- manasar , environ vers l'an 0220. En déduisant une époque , de l'autre , il reste un espace de 777 années Solaires ; en mul- tipliant cette somme par douze , on aura la somme de 9324 mois. U resterait donc une différence de 3a l\ mois , ou, ce qui revient au même , de vingt-sept années Solaires , laquelle ne doit point nous arrêter , surtout dans un récit , où, comme il est aisé de voir , il était plutôt question d'un nombre rond que d'une exacte Chronologie. Ajoutons encore à cela , que le voyage de Solon en Egypte tombe à peu de cliose près dans le même temps que la captivité des dis Tribus. 11 n'en peut être posté- rieur que d'environ une vingtaine d'années.

3

34 sur l'atlantique des anciens.

qui , calculé sur le même principe , nous offre la même exactitude. Pour prouver que les an- nées des Egyptiens ne sont que des révolutions de Lunes , Diodore de Sicile remarque (6) , qu'à moins de les envisager ainsi , on tomberait dans des absurdités palpables; puisque les Egyptiens comptaient a3ooo ans depuis leur premier Roi le Soleil , jusqu'à l'expédition d'Alexandre-le- Grand en Asie. Que l'on se souvienne mainte- nant de la règle que Platon nous a donnée; savoir , que les Egyptiens avaient coutume de traduire en leur Langue les noms propres des Peuples dont ils parlaient ; qu'on se rappelle encore , qu'au rapport de Moïse , Metzraïm, fils de Cham , est le fondateur du Royaume d'Egypte (7), et que ce Royaume en a gardé le nom : que l'on recherche ensuite la signification de ce mot de Cham , père de Metzraïm , l'on trouvera qu'il veut dire ardeur ou chaleur du Soleil (S) ; et de cette manière l'on se persuadera aisément que les Egyptiens ont regardé ce Cham comme leur premier fondateur , et qu'ils l'ont désigné sous le nom du Soleil. (9) Que l'on divise

(6) Diodore de Sicile , I. 1. c. 14.

(7) Genèse , x. 6.

(8) D n j ardor solis.

(9) La chose est si vraie , que , dans l'Ecriture même, l'Egypte est souvent appelée la Terre de Cham. Voyez les Psaumes lxxviii. 5i.cv. 23, 27. cvr. 22. Saint Jérôme, dans son Commen- taire sur la Genèse , rapporte que de son temps encore l'Egypte était appelée le Royaume de Cham , dans la Langue du pays.

SECTION SECONDE. §. I. 35

enfin le nombre de 23ooo par 12 , on trouvera la somme de 1916, et l'on s'apercevra qu'elle ne diffère encore que de très-peu de chose du nombre des années qui se sont écoulées depuis le Déluge jusqu'à l'expédition d'Alexandre-le- Grand. (10)

Voilà donc deux exemples qui concourent à prouver le même fait , et je crois que c'est tout ce qu'on peut demander dans la discussion d'une matière si difficile et si couverte de ténèbres.

§. 2. Pays <Toù les Atlantiques sont venus*

Ce que je viens de dire doit suffire quant à la Chronologie ; examinons maintenant le Pays d'où les Atlantiques sont venus. Voici ce que Platon nous en dit , dans le Timée , en rappor- tant les paroles des Prêtres de Saïs à Solon : « Nos » Ecrits, dit-il, font mention de la grande résis- » tance que votre République a faite autrefois à » la puissance de ces hommes qui sortant de la » Mer Atlantique ont assailli toute l'Europe et » l'Asie ensemble. (1 1) » A ce passage il faut join- dre celui que nous lisons dans le Critias , il

(10) Selon la Chronologie de Scaliger , le déluge arriva l'an du monde 1657. La première bataille qu'Alexandre livra à Darius , tombe , selon le même auteur , dans l'année 3619. En déduisant une époque de l'autre , il reste la somme de 1962. 11 n'y a donc encore qu'une différence de quarante-six ans, laquelle disparaî- tra , lorsqu'on voudra compter le temps qui s'est écoulé depuis le déluge jusqu'à l'établissement de Mctzraïm en Egypte.

(ïi) Extraits du Timée, 18.

3.

36 sur l'atlantique des anciens.

est dit : « Avant toute chose il faut nous rappeler » qu'il y a neuf mille ans il y eut une guerre » entre tous ceux qui demeurent en-deçà et par- » delà les Colonnes d'Hercule. (12) » De ces deux passages il résulte , que les Atlantiques sont ve- nus de la Mer de ce nom , et qu'ils ont dépassé les Colonnes d'Hercule , pour occuper le pays dont ils voulaient faire la conquête. Ces deux passages ont toujours servi de guides aux inter- prètes de Platon , et ils les ont égarés , parce qu'ils en'ont été mal entendus. La méprise était facile. Tout le monde connaît les Colonnes d'Hercule qui se sont trouvées dans le voisinage du Détroit de Gibraltar , anciennement Fretum Gaditanum. Tout le monde connaît également cette partie de l'Océan qui baigne les côtes de Portugal , d'Espagne et d'Afrique , et qui porte encore aujourd'hui le nom d'Océan Atlantique. Quoi de plus naturel que de s'imaginer que c'est de cet Océan et de ces Colonnes que Platon ait voulu parler! J'ose cependant assurei le contraire. Je ferai mieux ; je ferai parler les Anciens à ma place.

Commençons par un passage d'Hérodote. Cet Historien dit « que la Mer qui est par-delà » les Colonnes, appelée Atlantique, et la Mer » Rouge , sont la même chose. (i3) » Cette

(12) Extraits du Crltlas , 1.

(13) « 'H e|ôi çqXeœv SaXatrru y 'ArXuvrtç xuXîof&tvq , kcu q » 'EçvS-çli y pla %y^uvoi tis<ra. ( Hérodote , 1. 1. c. 2o3.) «

SECTION SECONDE. §.2. 3j

vérité est confirmée par Strabon , qui dit « que » l'Arabie heureuse est située sur les bords de » la Mer Atlantique , et qu'elle est occupée par » les premiers cultivateurs après les Syriens et les » Juifs. (i4) » Qui ne reconnaît là-dedans la Mer Rouge ? A ce témoignage nous pouvons ajouter celui de Denys le Périégète , qui dit « que les Ethio- » piens habitent le Pays d'Erythia qui est fertile » en bœufs et proche de la Mer Atlantique. (i5) » EpuOpoç , en Grec , veut dire rouge 9 et se rap- porte au Pays appelé dans l'Ecriture le Pays ftEdom , QlK? qui signifie la même chose. Or il ne faut être que tant soit peu versé dans la Géographie de la Bible , pour savoir que ce Pays était situé entre la Palestine et la Mer Rouge. Pour achever de nous convaincre, Platon lui- même nous assure que du temps de l'Expédition des Atlantiques , la Mer de ce nom avait été gué- able. (16) Il paraît enfin que cette tradition s'est conservée assez long-temps , puisque Diodore de

t (i4) « Eviïctiftw 'ApctÇid tKKit^iVii «rpW voroy ? &£%$* T% » 'AtXuvtuqv 7rîhâyovs ' ï%ovci ^'etùrtiv ol fàv 7rf>aTot ^ira, rovç » 1,'jpovç km rovs 'loviïetiovç 3 ei^avot ytapyol. » « Arabia felix » ad Austrum porrigitur usque ad Atlantic uni Mare. Incolunt eam t> primi post Syros et Judœos , homines agricoles. ( Strabon. » 1. xvi. ) *

(15) «"Hrot pev vetifs<ri fiooTpÔQov âpÇf 'Epu&uetv » " At Xetvros ireft %évpct S-etsMis AîB-i07r^(ç

» Metx.pi§lm i\fcs ùpvponç. ( Dioays. Perieg. v. 558. )

(16) Extraits du Timée , n°. 18.

38 sur l'atlantique des anciens.

Sicile nous apprend , que de son temps les habi- tans voisins de la Mer Rouge « disaient avoir » appris de leurs ancêtres , que Veau de cette mer » s était un jour partagée en deux , de manière » qu on pouvait y voir le fond. (17) »

Ces autorités suffisent, à ce que je crois, pour constater sans réplique que la Mer Rouge est la Mer Atlantique dont Platon parle. Il ne s'agit donc maintenant que de fixer le'Pays que les Atlantiques ont occupé après le passage de la Mer Rouge.

§. 3. Pays occupé par les Atlantiques.

Soîon dit « que cette terre , avant V arrivée des Atlantiques , avait été occupée par les » ancêtres des Athéniens. (18) » Dans un autre endroit' il ajoute « que les Athéniens de son » temps étaient les descendans d'un petit nom- » bre de personnes qui avaient échappé à une » grande calamité. (19)» Dans un autre endroit encore , il nomme « le pays occupé par les At- » lantiques , la première et V ancienne patrie corn- » mune des Athéniens et des Egyptiens. (20)» Et par cette, raison il soutient que ces deux nations étaient apparentées. Enfin , dit-il , « une

(17) Diodore de Sicile . 1. nr. c. 20.

(18) Extraits du Timée , 18. (*9) Extraits du Timée , 15. (20) Extraits du Timée , 16.

SECTION SECONDE. §. 3. 3o,

» partie de cette terre , ( savoir celle qui est proche » de VEridanus et de la ville d'Elissus,) a été » submergée par un tremblement de terre , et » à cet endroit il s'est formé un lac bourbeux , » innavigable , et dont les exhalaisons sont mor- » telles. (21)»

Il n'est pas difficile de reconnaître à cette description la Phénicie , ou , pour mieux dire , la Palestine , occupée par les Israélites. Solon dit que Y Atlantique était l'ancienne patrie des Athéniens. Qui ne sait que les Athéniens ont été une Colonie de Phéniciens? (22)

Les Athéniens sont les descendans d'un petit nombre de gens échappés à une grande calamité publique. C'est le portrait des enfans des Peu- ples de Phénicie échappés au fer des Israélites.

Les Athéniens et les Egyptiens sont apparentés , et avaient anciennement une patrie commune.

(21) Extraits du Timée , n°. 32 , 33. « Fsftiyefoç fàv

» «y TrpW tov 'Eptiïoivw kui rov 'IXifj-ov â7rofit£tiKv7ct. ( Plato , in » Timœo. ) »

(22) Bochard ne laisse aucun doute sur ce fait 3 dans son Phaleg et Chanaan. Ajoutez à cela un passage de Marcianus dans sa Périégèse , et qui est cité par Meursius (Fort. Attica. p. 9.)

'El^V 'A&we&S (patriv <hwtu.ç Xoi/2e7v

pàv TTiXâryas 7r^càlov »? J]}i Ket) Xoyot

Kçctvotaç KCtXi7S-Cit.

Il est vrai que les Athéniens prenaient le nom d'AvSôfcS-ovoi , et prétendaient être sortis de terre ; mais outre que cette fable ne saurait arrêter personne , ne pourrait-on pas soupçonner que descendant des Cananéens , et sachant par tradition que le pre- mier homme s'appelait OIK ? Adam , c'est-à-dire , terre , ils n'eussent de pris occasion de se dire issus de la terre ?

4o sur l'atlantique des anciens.

Les Phéniciens descendaient de Chanaan, fils

de Cham. Les Egyptiens devaient leur origine

à Metzraïm , autre fils de Cham et frère de

Ghanaan.

Une partie de V Atlantique a été submergée par un tremblement de terre , et remplacée par un lac innavigable et bourbeux. A ce tahleau on se rappelle aisément l'histoire tragique des villes de Sodome et de Gomorrhe englouties dans le Lac Asphaltite.

Ce lac est proche du fleuve Eridanus et de la ville d' Elis sus. Le nom de ce fleuve n'est point Grec ; mais pour peu qu'on fasse attention , l'on trouvera, que ce n'est qu'une corruption du nom de Jordanus que porte le fleuve de la Pa- lestine qui se jette dans le Lac Asphaltite. (a3)

(23) Pour s'en convaincre il n'y a qu'à se souvenir que la Mytho- logie des Anciens donne ce nom au fleuve dans lequel Phaéton a été précipité par le feu du ciel. Apollonius nous en assure , en disant « que le fleuve Eridanus était celui dans lequel Phaéton » avait été précipité ; que l'abîme qui s'y était formé subsistait » encore aujourd'hui , et qu'il exhalait une vapeur si pernicieuse » qu'aucun oiseau ne pouvait y passer. [Argon, h iv. v. 5g6 » 6o3. ) » Qu'il nous soit permis de joindre à cette description une remarque fort intéressante. Que l'on se souvienne de la règle que Platon nous donne de rechercher le sens littéral des noms propres , et qu'en conséquence on remarque que le nom de Phaéton des- cend du mot grec <putvœ , qui , entre autres significations , a celle de, brilter , être éminent , se distinguer ; que l'on cherche la même signification dans l'Arabe , et l'on trouvera que y l3 > Bara ou Bera , veut dire un homme qui s'est attiré de la considération et qui s'est distingué par ses connaissances et par sa prudence. Or l'Ecriture donne le nom de J?*0 ? Bera , au Roi qui régnait

SECTION SECONDE. §. 3. £l

Quant à la ville d'Elissus, ce nom est Grec, et il est dérivé du verbe slfocco , qui signifie rouler. En Hébreu cette idée est exprimée par 773, Galal , et de vient le nom de la ville de 7^7^ , Gilgal , qui veut dire une roue , et cette ville , comme on sait , était située sur les bords du Jourdain et assez proche de la Mer Morte*

§. 4* Colonnes d'Hercule.

Nous avons vu le lieu d'où les Atlantiques sont partis pour commencer leur Expédition. Nous avons examiné le pays qu'ils ont envahi. Il nous reste à considérer le chemin qu'ils ont pris pour y arriver. Platon dit qu'ils ont passé devant les Colonnes d'Hercule. Ce fait ne saurait se concilier avec ce que nous venons de dire, s'il fallait entendre par les Colonnes d'Hercule celles qui sont connues sous ce nom , et qui se trouvaient au détroit de Gibraltar. Mais j'oppose à cette difficulté les remarques suivantes.

Originairement Hercule était une Divinité Phénicienne. Au témoignage de Phavorin (24) , l'Hercule d'Egypte portaitle nom de \ôvoç , Cko- nus ; ce qu'il rend lui-même par Phénicien ou

dans Sodome lors de sa destruction. Selon la Fable , Pliaèton était fils du Soleil; et Bera , roi de Sodome, descendait de Cham , qui , comme nous l'avons déjà observé plus haut , signi- fie également , ardeur du Soleil. (24) Phavorin. in Xûùvîs.

t\% sur l'atlantique des anciens.

Tyrien ; et , suivant Etienne de Byzance , la Phénicie était appelée Xva , Chna , ce qui est absolument la même chose que le Chanaan des Hébreux. (25)

20 Dans les temps les plus reculés , les Phé- niciens étaient le peuple le plus commerçant de la Méditerranée.

Sur les côtes de cette Mer ce peuple avait établi des Colonies et des Comptoirs , et dans ces Colonies les Phéniciens étaient communément en usage de bâtir un Temple à Hercule , qui était leur principale divinité. A Tyr le Grand-Prêtre d'Hercule était le premier personnage après le Roi (26) ; et quant aux Temples , nous savons qu'à l'imitation de celui de Tyr , ils en ont cons- truit à Thasus clans l'Archipel (27) , à une des embouchures du Nil (28) , à Malte (29) , en Es- pagne et ailleurs. (3o)

Dans ces Temples il y avait ordinairement deux Colonnes , dont l'une était consacrée au feu , l'autre aux nuées ou au vent. (3i) Et ces

(25) Slephan. Byzant. in Xv£.

(26) Justin. 1. xviii. c.

(27) Hérodote , 1. h.

(28) Diodore de Sicile , 1. 1. c. 19.

(29) Ptolémée. Diodore de Sicile , 1. v.

(5o) A l'égard du Temple bâli en Espagne , Justin nous dit expressément, à la lin du xnve livre de son Histoire , que non- seulement les habitans de Gades étaient venus de Tyr , mais qu'ils y avaient bâti un Temple à Hercule , par ordre précis de leurs Chefs.

(3i) Hérodote, 1. 11. Telle est au moins la description que

SECTION SECONDE. §. l\. /i3

Colonnes étaient appelées tantôt croirai , colon- nes, et tantôt copoi, frontières ou bornes (3a) , et par conséquent rien n'était plus naturel que de nommer les Colonnes d'Hercule pour dési- gner son Temple.

Les Colonnes dont il est question ici , ne peuvent point être celles qui étaient à l'extré- mité de l'Afrique : le fait est indubitable. Selon le récit de Platon, les Atlantiques n'ont dépassé les Colonnes d'Hercule qu'après avoir passé la Mer Atlantique ; et nous avons vu plus haut , qu'au témoignage des Auteurs les plus respec- tables de l'Antiquité , la Mer Atlantique de Pla- ton n'est autre chose que la Mer Rouge , laquelle est bien éloignée du Détroit de Gibraltar.

Ces Colonnes doivent avoir été voisines de la Palestine et de l'Egypte. Platon lui-même nous en assure , en disant que le partage de Gadir , l'un des Chefs des Atlantiques , était à l'extré- mité du pays et s'étendait jusqu'aux Colonnes d'Hercule. Or, comme nous avons déjà observé plus haut , qu'il est plus que probable que le Gadir de Platon est le Gad des Hébreux ; et

cet Auteur nous donne du Temple d'Hercule à Tyr ; et il est d'autant plus à présumer que les autres lui ressemblaient , que nous savons précisément que ces Colonnes se trouvaient éga- lement sur les côtes d'Afrique et dans le Temple de Gadcs , , selon le rapport de Justin , tout le culte était conforme à celui des Phéniciens.

(32) Platon , dans tout son récit , se sert de l'un et de l'autre mot indifféremment.

44 sur l'atlantique des anciens.

comme la plus grande portion qui échut à cette Tribu était en-deçà du Jourdain et touchait au désert de Gadès en Arabie , il s'ensuit nécessai- rement que ce n'est que de ce côté-là , et par conséquent sur les frontières d'Egypte, qu'on doit chercher ces Colonnes.

Ces faits sont hors de doute ; les meilleurs Auteurs de l'Antiquité en sont , comme on a vu , les garans ; il n'est donc plus question que d'en tirer les conséquences qui doivent en résulter. Les voici. Les Colonnes d'Hercule qu'on a nom- mées ainsi par excellence , et qui se trouvaient au coin de l'Afrique, ne sont point celles dont il est question dans le récit de Platon. Le fait est prouvé par ma cinquième remarque. Or , puis- que nous ne pouvons et ne devons les chercher que de l'autre côté de la Mer Rouge , et que , selon ma quatrième remarque , Colonne d'Her- cule et Temple d'Hercule sont synonymes , lors- qu'il est question de l'Hercule Tyrien ; il ne reste plus qu'à savoir , si entre la Mer Rouge et la Palestine il y avait un Temple célèbre , consacré à cette divinité ; et c'est ce que Dio- dore de Sicile nous apprend, en disant (35) que l'une des embouchures du Nil était appelée Ç-&JXO, Hpax.^7)&raftbv , embouchure d'Hercule , à cause d'une ville et d'un fameux Temple consa- crés à cette divinité. Nous demandons à nos

(33) Diodorc de Sicile , 1. î. c. 20.

SECTION SECONDE. §. [\. [fi

Lecteurs , si ce ne sont pas les Colonnes dont les Egyptiens ont voulu parler dans le récit qu'ils ont fait à Solon. La chose nous paraît plus que vraisemblable ; mais nous en laissons la décision à des juges plus éclairés.

SECTION III.

Description du Pays Atlantique.

.Lia description que Platon nous donne du Pays Atlantique est si intéressante, et le rapport qui se trouve entre elle et ce que nous savons de la Palestine est si parfait , que ce rapport suffirait presque seul pour décider la question. L'examen que nous allons en faire roulera sur quatre Articles ; savoir : l'Etendue de l'Atlan- tique ; ses Frontières ; ses Villes ; et sa Fertilité.

Mais avant que d'aller plus loin , écartons encore une pierre d'achoppement qui d'abord se présente. La voici. Partout Platon fait mention de l'Atlantique , il en parle comme d'une isle ; et comment concilier cette dénomi- nation avec la Palestine ? La chose est plus fa- cile que l'on ne pense. Il faudra seulement ob- server qu'il est question ici d'un pays Oriental , et ne pas perdre de vue la remarque que nous avons déjà faite plusieurs fois ; savoir : que les

46 sur l'atlantique des anciens.

Egyptiens ont traduit de l'Hébreu ou du Phéni- cien , et que Solon , d'après lequel Platon parle , a traduit de l'Egyptien. Or il faut savoir que le mot *K ? i » qui en Hébreu désigne une isle , ne dénote pas seulement un endroit environné d'eau , mais qu'il signifie aussi en général une demeure , une habitation , un lieu habité (i) ; qu'il est dérivé du verbe arabe *K , «, qui si- gnifie , demeurer , séjourner ; et que dans ce sens il est souvent employé clans l'Ecriture même et surtout dans les Livres Prophétiques , le mot d'isle ne signifie en bien des endroits autre chose qu'un pays habité par tel ou tel peu- ple. (2) Cette façon de parler est encore la même aujourd'hui chez les Arabes , qui nomment leur pays l'Isle des Arabes. Et cette remarque suffit pour écarter le doute que cette qualification aurait pu faire naître à l'égard de la Palestine.

§. 1. Étendue de V Atlantique.

Après cette discussion préliminaire , com- mençons par examiner les dimensions que Pla- ton nous donne de l'Atlantique. Pour cet effet ne nous arrêtons point aux expressions généra- les dont ce Philosophe se sert , en disant que cette Isle était plus grande que l'Asie et la Libye

(1) Voyez Stocka Clavts L. S. voce ^K-

(2) Dans Tsaïe , xx. 6. l'Ethiopie et l'Egypte sont appelées Itlcs,

ensemble. (3) Tenons-nous-en plutôt aux dimen- sions qu'il en donne lui-même , en disant que « l'Atlantique avait 3ooo stades en longueur , » et 2000 en largeur vers la Mer. (4) » Selon la même description , « ce pays s'étendait du » Nord au Midi. Vers le Nord il était bordé de » hautes montagnes , et il avait une forme pres- » que quarrée , de manière cependant qu'il » s'étendait plus en longueur qu'en largeur. (5)» Cette description en général convient à la Pa- lestine. Il n'est donc question que de la dimen- sion , et pour cet effet il faut d'abord savoir ce que Platon entend par stade. Pline dit (6) qu'au temps d'Hipparque et de Platon l'on comptait 774 stades sur un degré. Sur ce pied 3ooo stades feraient 52r ; et 2000 stades feraient 34'. Comparons maintenant cette mesure avec celle de la Palestine. Selon la promesse que Dieu fit aux Israélites , les bornes de leur domination devaient s'étendre , quant à la longueur 9 d'un côté jusqu'au Mont Liban , et de l'autre jusqu'à

(0) En conférant ces expressions générales avec les dimen- sions précises que Platon nous donne du Pays Atlantique s il faut conclure de deux choses l'une, savoir, ou que ce Philosophe soit tombé dans une contradiction des plus grossières, ce qui n'est pas à présumer ; ou que ces expressions générales ne doivent être prises que de l'étendue du Commerce et des Colonies des Anciens habitans de cette Province ; et c'est ce qui paraît le plus vraisem- blable.

(4) Extraits du Crltias , 77.

(5) Extraits du Crltias , 78 , 80.

(6) Plin. Hist. Nat. 1. n. c. 108.

48 sur l'atlantique des anciens.

la Mer Rouge (7) ; et quant à ce dernier ternie , Moïse pose pour dernière limite le Pays d'Edom dans lequel se trouve la ville d'Elath , située sur la Mer Rouge. (8) Or , selon Ptolémée (9), cette dernière ville était située au 290 de latitude. Se- lon le même Auteur , la ville de Tyr , située pro- che du Mont Liban , était au 33° 20' de lati- tude. (10) Il s'ensuit de que toute l'étendue de la domination des Israélites était d'environ 20' , ce qui ne diffère que de 28' de la lon- gueur que Platon nous donne de l'Atlantique. Cette différence même se retrouve , lorsqu'à cette étendue l'on ajoute les conquêtes que Salomon a faites et qui n'étaient bornées que par l'Eu- phrate.

Il en est de même quant à la largeur , en prenant pour termes , d'un côté , le Port de Gaza sur la Méditerranée , et de l'autre côté, le Lac de Cinnereth ou deTibériade. Selon le même Pto- lémée (11), le premier est situé à 64° 4^' de longitude , et l'autre à 670 i5'. En déduisant l'un de l'autre , reste encore , à doux minutes près , la mesure que Platon nous donne de la largeur de l'Atlantique.

(7) « A flumine Euphrate usque ad mare posierum eril icrminus » vester, ( Deut. xi. 24.)"

(8) « Erit vobis plaga Justralis à deserto Tzin , secundum sedcs » Edomœorum ( Num. xxxiv. 3. ) »

(9) Ptolem. 1. v. 17. {10) Ici. 1. v. 14. (11) Id. 1. v. 16.

SECTION TROISIÈME. /jg

§. 2 Frontières de V Atlantique.

Passons maintenant de la dimension de l'At- lantique à l'examen de ses Frontières. Voici ce que Platon en dit : « L'Atlantique a été gou- » vernée par de puissans Rois dont la domi- » nation s'étendait non -seulement sur l'Isle, » mais sur plusieurs autres Isles et parties du » Continent , savoir : du côté de la Libye , jus- » qu'en Egypte ; et du côté de l'Europe, jusqu'à » Tyrrhénia. (12) »

Voilà donc, selon les propres paroles de Pla- ton , la Libye et l'Egypte annoncées comme la frontière de l'une des extrémités de l'Atlantique, et la Tyrrhénia comme l'autre. Tout le monde sait est située l'Egypte , et il ne nous reste que quelques observations à faire sur ce que Platon , d'après les Egyptiens , nomme Libye. Entendre sous ce nom la grande Libye Africaine, ce serait contredire Platon lui-même. La Libye dont il est question ici doit avoir été une partie de la domination des Atlantiques. La Libye Afri- caine comprend seule une étendue de plus de 3o degrés de pays ; et , suivant Platon, toute l'étendue de l'empire des Atlantiques n'avait pas seulement quatre degrés. La Libye Africaine ne peut donc être celle dont les Egyptiens ont parlé.

(12) Extraits du Timée , 24 , 25 , 26.

5o sur l'atlantique des anciens.

Mais en consultant les Anciens , nous trouvons qu'il y avait plusieurs autres pays qui portaient ce nom , et que surtout il y avait une Libye très-connuë sur les bords de la Mer Rouge.

Hérodote nous assure que déjà de son temps, et avant lui, on connaissait des Libyens Pasteurs qui demeuraient entre l'Egypte et le Lac Tri- ton. (i3j

Eustathe, le Scholiaste de Dénys le Périégète, assure également qu'il y avait plusieurs Libyes, dont une sur les bords de la Mer Rouge. (i4)

Etienne de Ryzance rapporte que le Pays d'Ammon était situé au milieu de la Libye. (i5) Or pour savoir était le Pays d'Ammon , il n'y a qu'à consulter l'Ecriture. (16) Il en résulte qu'il a été situé dans l'Arabie.

Enfin dans les Paralipomènes il est fait men- tion de Libyens qui demeuraient aux environs de Gérar , et par conséquent dans l'Arabie. (17)

Voilà donc les Auteurs sacrés et profanes réu- nis ensemble pour placer une Libye dans l'Ara- bie et sur les bords de la Mer Rouge ; et nous

(i5) Hérodote , 1. îv. c. 186 et suiv. Conférez ce rapport avec ce qui sera dit plus bas du Lac Triton.

(i4) Dionys. Periegct. p. 33 et 34.

(i5) Steph. Byzaut. ' Appana, q pio-ôyuoç Avfityç.

(16) Conférez Gen. xix. 58. avec Deut. 11. 19. Au Ch. m. 16 du Deutéronome, il est dit clairement que les frontières de la portion donnée aux Tribus de Ruben et de G ad louchaient à celles du Pays d'Ammon. (17) Conférez 2. Parai, xiv. 14. avec 2. Parai, xvi. 8.

SECTION TROISIÈME. §.2. 5l

n'hésitons point à croire que c'est de cette Li- bye que les Egyptiens ont voulu parler dans le récit qu'ils ont fait à Solon de l'expédition des Atlantiques. Le Lecteur achèvera de s'en con- vaincre , en considérant quel est l'autre pays que les Egyptiens ont annoncé pour frontière de l'Atlantique.

Platon le nomme Tyrrhénia. Ses Traducteurs ont rendu ce mot par Etrurie , et il est vrai que les Historiens Grecs nomment ainsi cette Pro- vince de l'Italie. Mais pour peu qu'on fasse atten- tion, l'on verra clairement qu'il est impossible que les Egyptiens aient voulu parler de la Tos- cane ni d'aucune autre Province située en Eu- rope. La raison en est simple. Selon les Egyp- tiens mêmes , l'Atlantique doit avoir été un pays d'une étendue d'environ quatre degrés, c'est-à- dire, à peu près de 120 lieues de France. Ce Royaume a s'étendre du Nord au Midi ; et par une de ses extrémités il a toucher à l'Egypte. Que l'on prenne maintenant la Carte de l'Asie fn°L), et que l'on regarde la situation de l'Egypte ; l'on trouvera qu'au Nord elle est bornée par la Méditerranée et par une partie du pays d'Edom ; au Midi , par la Nubie ; à l'Orient , par la Mer Rouge; au Couchant , par la grande Libye Africaine ; qu'enfin elle est séparée de l'Europe par la Méditerranée , et qu'entre elle et la Tos- cane il y a une distance infiniment plus grande que la longueur donnée par les Egyptiens.

5i sur l'atlantique des anciens.

Il est une manière bien plus simple d'expli- quer la Tyrrhénia dont il est question ici ; et cette explication est conforme aux autorités les plus respectables de l'Antiquité, elle ne contre- dit en aucune façon le rapport de Platon, et cadre très-bien avec l'opinion que nous pro- posons.

Au rapport général des Anciens , les Tyrrhé- niens qui habitaient la Toscane étaient une co- lonie d'étrangers qui y étaient venus par mer, et qui ont donné leur nom à cette Province. Cette colonie n'était pas la seule que ces étran- gers eussent établie , et nous en trouvons encore d'autres dans la Mer Egée , et surtout à Lemnos et à Imbros, dont, suivant Apollonius (18), ils ont expulsé les habitans naturels pour s'y éta- blir à leur place.

Hérodote dit que les Tyrrhéniens étaient une colonie de Lydiens. (19) Denys d'Halicarnasse , en traitant de l'origine des Tyrrhéniens, rap- porte les opinions de plusieurs Auteurs anciens qui les placent tous , tantôt du côté de l'Ionie,, tantôt du côté de la Mysie , de la Méonie ou de la Lydie. (20)

(18) Apollonii Argon. 1. 4- ▼• 17^9.

nfiv f&zv Trois JjtfliîiJet Aîïpvov wciiov ' Avfiva £•' tlsXetHvliÇ t>7r àvfyko-t Tuç<n)vo7o~t.

Quœ gens Sintiadis fuerat prias incola Lemni ,

liane mutare locos pubes Tyrrhcna coêgit. Vid. Bochart. Geogr. Sacr. 1. 2. c. 33.

(19) Hérodote , 1. i. c. 9/1.

(20} Dionys. Halic. Anliq. Rom. 1. 1. p. 19 et 20

SECTION TROISIEME. §.2. 53

Valérius Flaccus enfin parle de la Tyrrhénie comme d'une Province peu éloignée de l'Éo- lie. (21)

Que Ton prenne maintenant encore la Carte de l'Asie, on observera que tous ces peuples habitaient anciennement dans l'Asie mineure et sur les bords de la Mer Egée ou de la Mer de Syrie , lesquelles font partie de la Méditerranée. On se persuadera de cette manière que la véri- table Tyrrhénia doit avoir été sur les côtes de la même Mer , dans l'Asie mineure , ou proche de cette Partie du monde.

Qu'il nous soit permis d'avancer ici une opi- nion que plusieurs de nos Lecteurs ne trouve- ront peut-être pas destituée de fondement. En entendant les Egyptiens parler de la limite en question , Solon n'aurait-il pas pris le change ? Dans les langues Orientales , la ville de Tyr porte le nom de ^1^ , Tzor, et lesTyriens sont appe- lés Dn Ï2É ou fmtf, Tzorim ou Tzorin. Il est donc probable qu'en parlant du Pays des Ty- riens , les Egyptiens l'auront appelé , selon l'usage , le Pays des Tzorin. (22) Or , les Grecs ayant déjà changé Tzor en Tyr , devaient néces- sairement avoir donné au Pays des Tzorin , le nom du Pays des Tyrin ; et de le nom de la

(21) Val. Flacc. Argon. 1. i. v. 576.

JEoliam , Tyrrhenanue tendit ad antra.

(22) Voyez la savante Lellre de M. l'Abbé Barthélémy , insé- rée dans le Journal des Savans , du mois d'Août 1760.

£>4 sur l'atlantique des anciens.

Province, Tyrrhenia, en y ajoutant seulement une terminaison Grecque. Ce qu'il y a de cer- tain, c'est que si les Auteurs anciens sont d'ac- cord entr'eux , en faisant venir les Tyrrhéniens des côtes de l'Asie, ils ne le sont aucunement sur l'endroit précis d'où ils sont partis ; cepen- dant l'origine d'un peuple si fameux par ses expéditions devait assurément être connue pour le moins autant que celle des Tyriens. Ajoutez à cela , qu'outre la ressemblance qui se trouve entre les noms de Tyriens et de Tyrrhéniens, la description de leur pays , de leurs expédi- tions , ainsi que la quantité de leurs Colonies revient beaucoup à ce que nous savons des Ty- riens et des Phéniciens en général. La Tyrrhénie était une Province de l'Asie mineure ; la ville de Tyr à la vérité est située dans la Syrie; mais il n'y a qu'un petit trajet de mer pour aller de l'une à l'autre. Elles ne sont séparées l'une de l'autre que par l'Isle de Chypre. Les Tyrrhé- niens avaient établi des Colonies dans la Mer Egée , à Athènes , dans le Péloponnèse , en Italie. Les navires des Tyriens couvraient non-seule- ment la Mer Egée, mais toute la Méditerranée. Les Phéniciens avaient des établissemens dans Athènes , dans d'autres endroits de la Grèce , ainsi que sur les côtes d'Afrique , d'Espagne , des Gaules et de l'Italie. On ne saurait assuré- ment désirer une ressemblance plus grande , ni par conséquent une raison plus séduisante pour

SECTION TROISIÈME. §. 2, 55

croire que Tyriens et Tyrrhéniens sont synony- mes. Par la même raison la Tyrrhénia de Platon ne sera plus autre chose que le district de la domination de la ville de Tyr; et en prenant ce district pour l'autre frontière de l'Atlantique , opposée à l'Egypte , nous trouverons que tout sera d'accord avec le récit que les Egyptiens ont fait à Solon. L'Atlantique s'étend du Nord au Midi : il faut suivre cette direction- pour aller de Tyr en Egypte. L'Atlantique avait trois mille stades en longueur : de la ville de Tyr à celle d'Elath , qui est sur les bords de la Mer Rouge, il y a une distance à peu près égale. L'Atlanti- que s'étendait plus en longueur qu'en largeui^: le Pays de la domination des Israélites qui remplit l'espace entre les deux extrémités sus- dites , est également plus long qu'il n'est large.

Mais en supposant même que Tyriens et Tyrrhéniens, loin d'être synonymes , soient en effet deux peuples différens , il n'en sera pas moins constant que ces derniers étaient une Nation dont la principale demeure était au bas de l'Asie mineure , sur les bords de la Mer Egée , exactement à l'opposite de la ville de Tyr, et n'en étant séparée que par une espèce de golfe. Ce qui assurément ne doit pas faire un objet dans une description aussi générale que celle que Solon a reçue des Egyptiens.

Nous croyons donc [pouvoir conclure de , que soit que l'on regarde le district de la ville

56 sur l'atlantique des anciens.

de Tyr pour l'ancienne Tyrrhénia , soit qu'on donne ce nom à une partie des côtes de l'Asie mineure , il en résulte également que la vérita- ble Atlantique ne peut se trouver que sur les côtes de la Méditerranée entre l'Egypte et l'Asie mineure, et que par conséquent l'on ne doit reconnaître à ce nom que la Terre des Israélites.

§. 3. Villes de V Atlantique.

Après l'examen des frontières de l'Atlantique , il sera nécessaire de voir ce que les Anciens nous disent des principales villes de cet Empire- Qpmmençons pour cet effet par entendre Dio- dore de Sicile. Cet Auteur dit « que les Ama- » zones , filles des Atlantiques ? ont bâti une » grande ville proche du Lac de Triton , à la- » quelle , à cause de sa situation , elles ont » donné le nom de Ksodowiaoç •> Chersonesus , » c'est-à-dire, isle déserte ou sablonneuse, (23)» Pour bien entendre ce passage , il faut observer, que dans le style Oriental , le nom de filles est toujours donné aux villes dépendantes des Capi- tales , de même que celles-ci portent ordinaire- ment le nom de mères (24); 20 que pour dési- gner les habitans de cette ville , Diodore de Sicile donne aux filles' des Atlantiques le nom

(25) Diodore de Sicile , 1. nr. c. 27.

(24} Voyez encore la Leltre de M. l'Abbé Barthélémy , citée ci-dessus , page 53.

SECTION TROISIÈME. §. 3. 5j

d'Amazones , et que rien n'est plus propre que ce nom pour caractériser les Enfans d'Israël (2 5); que l'ancienne Capitale de la Palestine s'ap- pelait |V2£ , Sion , et que ce nom traduit littéra- lement signifie exactement la même chose que KeporoviQTOç, Chersonesus. (26) Cette ville de Chersonesus ne doit pas avoir été loin du Lac Triton. Or il y a tout lieu de présumer que ce Lac est le même que celui que nous connais- sons sous le nom de Mer Morte ou de Lac As- phaltite ; ce dernier n'étant éloigné que très- peu de la ville de Jérusalem , était située l'ancienne ville de Sion. Pour nous faire connaî- tre ce Lac plus particulièrement , le mêine Diodore de Sicile dit encore , « que les filles » des Atlantiques avaient habité une Isle située » au couchant du Lac ïritonide , laquelle par » cette raison était appelée Hespérie ; que ce » Lac n'était pas éloigné de l'Océan ; qu'il était » ainsi nommé à cause de la rivière Triton qui

(25) Plusieurs Auteurs anciens en ont fait un nom Grec , et par-là ils ont donné occasion à cette fable d'une République de femmes qui n'a jamais existé. Ce nom est purement Hébreu. 11 est composé d'Am , D^? 5 peuple , et de T.20n,7X2£ 5 troupeau; et il peut être traduit par Peuple à troupeaux ou Peuple Pasteur, Les enfans d'Israël s'étaient donné ce nom. Dans la déclaration qu'ils firent à Pharaon ils se disent être T&>£2£ Hi^ ? Rohe Tzon , Pasteurs de troupeaux , ce qui est à peu près la même chose que ^H}£ D^- Gen. xlvi. 32 , 33.

(26) ^V2£ signifie un endroit sablonneux et désert ; il est em- ployé dans ce sens par Isaïe , c. xlii. i5 ; et %eç<rôvwoç offre exactement le même sens.

58 sur l'atlantique des anciens.

» s'y jetait ; et que cette ïsle touchait à l'Ethio- » pie , près d'une montagne qui était la plus » élevée de la contrée, et qui était appelée Atlas » par les Grecs. »

Rien n'est plus exact que cette description, pour nous dépeindre le Lac Asphaltite. Au cou- chant du Lac Triton est située YHespérie. Ce mot est la traduction Grecque et littérale du mot y*\y , Ereb , qui désigne l'Arabie. (27) Il tient son nom d'une rivière qui s'y jette : cette rivière c'est le Jourdain, (28) 11 n'est pas éloigné de l'Océan : il n'y a qu'une très-petite distance du Lac Asphaltite à la Méditerranée et à la Mer Rouge. (29) H est proche de l'Ethiopie : le Lac

(27) c/E(7îT£p<j? , en Grec , signifie le coucher du Soleil. Le nom de l'Arabie dérive d'Ereb , 3"))? ? qui a la même signification , et cette Province se trouve au couchant du Lac Asphaltite.

(28) Le Jourdain prend sa source du côté du Mont Liban ; il traverse le Lac de Cinnereth ; il parcourt ensuite la Galilée , et va se perdre dans le Lac Asphaltite. Le Lac de Cinnereth porte aussi le nom de Lac de Galilée , parce qu'il est situé dans la Province de ce nom : et comme le Jourdain , en sortant de ce Lac , traverse la même Province , nous ne devons pas être sur- pris qu'on lui ait donné le nom de fleuve de Galilée. Or cette Province est appelée ainsi , à cause des villes de Gilgal et de Galgalah qui y étaient situées. Le nom de Gilgal descend de la racine /7^ Galal , de aussi 37)7^7 A > Galgeleth , qui signifie un crâne ; et le nom du Lac Triton dérive du Grec Tp im , qui signifie également un crâne , et qui est en même temps le nom d'une ville qu'Etienne de Byzance place dans la Palestine.

(29) Diod. de Sicile , 1. m , dit que les Phrygiens demeuraient sur le bord de l'Océan ; donc ce nom était donné indistinctement à la Méditerranée et à la Grande Mer.

SECTION TROISIÈME. §. 3. 5o,

Asphaltite touche au Pays d'Edom , qui , comme nous lavons déjà prouvé plus haut , est syno- nyme d'Ethiopie. (3o) Il est enfin près du Mont Atlas ; cette montagne , au rapport de Diodore de Sicile (3i) , était appelée ainsi par les Grecs. Mais quel en était le véritable nom ? L'Auteur ne le dit pas. Selon l'aveu des Anciens , le Mont Atlas était situé au milieu de la Libye ; et ce terme très-général désigne, comme nous l'avons prouvé dans l'Histoire des Atlantiques , une partie de l'Arabie. (3i) Ceci présupposé , le Mont Atlas ne sera pas difficile à trouver. Si les Israé- lites sont les vrais Atlantiques , on reconnaîtra le Mont Sina dans la description du Mont Atlas. Cette montagne enfin était proche de l'Océan : du Mont Sina à la Mer Rouge il n'y a qu'une très-petite distance. Nous concluons de tout ceci , que la ville de Chersonesus , bâtie par les prétendues filles des Amazones ? n'est autre chose que la ville de Sion.

Après avoir entendu Diodore de Sicile , écoutons maintenant Platon. « Au milieu du » pays , dit cet Auteur , il y a une plaine belle » et fertile , laquelle décline en s'abaissant vers » la mer , et proche de cette plaine était une

(3o) Les Ethiopiens habitaient , selon Denys le Périégète , le pays d'Erythia ; 'Eçv$-ços > d'où le nom Grec de ce pays dé- rive . veut dire rouge. Edom , Q1K ? en Hébreu , a la mcnic signification.

(3i) Diod. de Sicile , 1. m. c. 27.

(3a) Voyez Sect. ni. §. 2. ci-dessus, p. 49*

60 sur l'atlantique des anciens.

w petite montagne fortifiée par des remparts et » des fossés. (33) » Cette situation est exactement celle de la ville de Salem. Maginus dit « que cette » ville était située sur un endroit élevé et mon- » tagneux , de manière que de quelque côté que » Ton s'y rendît , le chemin allait toujours en » s'élevant. (34) » Quant à la petite montagne , elle est connue sous le nom de Sion , dont il est souvent fait mention dans l'Ecriture , et que nous savons avoir été très-bien fortifiée.

« Sur cette montagne , continue Platon , » étaient situés le Palais du Roi et le Temple. y> Il y avait aussi un pont pour passer le fossé » qui entourait l'ancien Fort , et pour aller au » Palais du roi , au Temple et aux autres Bâti- » mens Royaux. Ce fossé était si grand , qu'à » peine pouvait-on croire que des hommes l'eus- » sent fait. (35) » Cette description revient en- tièrement à ce que Strabon nous dit de la ville de Jérusalem et de la montagne de Sion. « La » ville , dit-il , était attenante au fort ; elle était » très-bien fortifiée par un mur de pierres de » taille ; elle avait abondamment de l'eau au » dedans , mais au dehors l'eau manquait , à » l'exception d'un fossé d'eau , muré de pierres » de taille , dont la profondeur était de 6o pieds ,

(33) Extraits du Critias , 18 et suiv.

(34) Maginus , in Judaeâ.

(35) Extraits du Critias , 52 et suiv.

SECTION TROISIÈME. §.3. 6l

» et la largeur de 25o. (36) » On ne saurait exiger une conformité plus parfaite que celle qui se trouve entre ces deux descriptions.

Après avoir parlé de la Capitale , Platon ajoute que « les Atlantiques avaient trois Ports de mer , » lesquels étaient remplis de vaisseaux. (37) » Les Israélites n'avaient que trois Ports connus , dont deux sur la Méditerranée , savoir ceux de Joppé et de Gaza , et un sur la Mer Rouge ,; savoir celui d'Elath , dans lequel Salomon tenait sa flotte pour le commerce d'Ophir. (38)

§. Intérieur du Vays Atlantique , et sa fertilité.

Après la description des Ports , Platon nous offre celle de l'intérieur du Pays qu'il nous dé- peint comme des plus abondans et des plus fer- tiles. Cette description est même si ample , que je me contenterai de n'en rapporter ici qu'un extrait. « La terre , dit Platon , leur produi- » sait tout ce qu'on y trouve ailleurs de solide » et de fusible. Le métal que nous ne connais- » sons plus que par le nom , savoir l'Orichal- » que , opziyj&kxov , se trouvait à plusieurs en- » droits dans le Pays ; et c'était ce qu'après l'or » on estimait alors le plus. Il y venait aussi des

(36) Strabon ,1. 16.

(37) Aic&ÇâvTt £% rovç Xtfttvctç g|a> ryiïç ovrtzç , âfëâptvov àno rîjs ruxârl^s jjv h xuscXé ru^oç , . . . . ô £% àva,7rXovs xut 0 (t'iyiçoç àtftw 'lytf&i 7rXoia)v. Plato , in Critia.

(58) 2. Parai. 11. 16. 3. Rcg. ix. 16.

6i sur l'atlantique des anciens.

» bois de construction de toute espèce ; elle » abondait en animaux tant domestiques que » sauvages. Il y avait une grande quantité d'Elé- » phans. Les animaux de tout genre y trouvaient » aussi une ample nourriture. Elle produisait » toutes les espèces de plantes odoriférantes , » des racines , des herbes , des bois , des liqueurs , » des sucs , des fleurs et des fruits. On y trou- » vait des raisins et tous les autres fruits qu'on » pouvait demander , soit pour satisfaire au be- » soin , soit pour flatter le goût : et tout y venait » en abondance , puisqu'on y faisait deux récol- » tes. (3g) »

Telle est en abrégé la description que Platon nous offre du Pays Atlantique. Mettons-y à côté celle que Moïse nous donne de la Palestine. « Le Seigneur votre Dieu , dit-il aux Israéli- » tes , va vous faire entrer dans une Terre » pleine de ruisseaux , d'étangs et de fontai- » nés , les sources des fleuves sortent des » plaines et des montagnes ; dans une Terre qui » produit du froment , de l'orge et des vignes , » naissent les figuiers , les grenadiers , les » oliviers ; dans une Terre abondante en huile » et en miel , vous aurez de quoi manger » sans que vous en manquiez jamais , vous » serez dans une abondance de toutes choses ; » dont les pierres sont de fer , et dont les mon- » tagnes sont pleines d'airain ; et vous aurez » des Bœufs , des troupeaux de brebis , et une

(3o) Extraits du Critlas , 45 et suïv.

SECTION TROISIEME. §. [\. 63

» abondance d'or, d'argent et de toute chose. (4o)» Ne dirait-on pas que la description de l'Atlan- tique donnée par Platon est copiée d'après cette promesse de Moïse ? Il est vrai que nos voya- geurs modernes ne reconnaissent plus la Pa- lestine dans cette description , et ils convien- nent presque tous que c'est un pays stérile et désert. Mais son état présent ne saurait décider de ce qu'elle a pu être il y a trois mille ans. Quelles révolutions , quels changemens ce Pays n'a-t-il pas subis? Je me contente donc de prouver que cette promesse de Moïse a été accomplie , et que les Juifs avaient en abondance tout ce que Platon vante de l'Atlantique.

Les Atlantiques avaient une quantité de mines de fer et d'airain. David a fait des amas prodi- gieux de fer et d'airain pour la construction du Temple. (40 Homère appelle la ville de Sidon , frontière de la Palestine , TCQ^uya^&ov ? riche en airain. (4a) La tribu de Dan apportait du fer façonné à Tyr. (43) Dans la bénédiction que Moïse donna à la Tribu d'Aser , il dit que le fer et l'airain seront sa chaussure. (44) Proche le Mont Liban il y avait une ville appelée Sa- repta , ce qui veut dire fonderie. (45) Pline

(4o) Dent. vin. 8 , 9.

(40 1. Parai, xxn. 3 14. Voyez la Bible de Galniet , au Deut. vin et suiv.

(42) Odyss. xv. 425.

(43) Ezech. xxvn. 19.

(44) Deut. xxxm, 25. (44) 3.,Reg. xvn. 9 , 10.

64 sur l'atlantique des anciens.

rapporte que Cadmus avait établi des fonderies de métaux dans la Grèce , et qu'il avait apporté cette invention de Phénicie. (46) Enfin Eusèbe parle , dans plusieurs endroits , de Martyrs qui ont été condamnés aux mines de la Palestine. (47)

V Atlantique produisait des bois de construc- tion de toute espèce. Quand la Palestine n'aurait eu que le Mont Liban , elle aurait eu plus de bois qu'il ne lui en fallait. Salomon y employa 80000 Charpentiers pour la construction seule du Temple.

V Atlantique abondait en toute sorte de bétail. Depuis les temps les plus reculés la Palestine était habitée par des Pasteurs. Les pâturages y étaient donc très-bons , et par conséquent le bétail abondant.

Dans l'Atlantique il y avait ^beaucoup d'Elé- phans. La Palestine n'en avait point. Mais Solon , d'après lequel Platon parle , ne se serait-il pas trompé ? Le mot d'ÉTiçotç •> Elephas , n'est pas Grec , et il est aisé de voir qu'il dérive de l'Hé- breu D^/K ? Elaphim , qui désigne des Bœufs. Les Phéniciens donnaient également aux Bœufs le nom A' Elaphim ; et les Grecs ainsi que les Romains donnaient au commencement le nom de Bœufs aux Eléphans. (48) Il est aisé de voir

(46) Plin. I. vu. c. 56.

(47) Euseb. de Martyr, c. v. et sur.

(48) Voyez Bochard , en Hierozoico , c. xxiii. « Etephanles » Jtalia primum vidit Pyrrhi régis bello , et Baves Lucas appel- » tavit in Lucanis visos. » Plin. 1. vin. 6.

SECTION TROISIÈME. §. [[. 65

par-là combien il était facile que Solon se mé- prît , et qu'il donnât aux Bœufs le nom d'Éle- phans , pendant que d'autres donnaient aux Élephans le nom de Bœufs. Ce sentiment d'ail- leurs est d'autant plus probable , que Platon parle d'une grande quantité de ces animaux , tandis que l'on sait que les Elephans , même dans leur pays natal , ne sont pas en si grand nombre.

Dans V Atlantique il y avait beaucoup de plan- tes odoriférantes et balsamiques. Tout le monde sait que la Palestine en est pleine.

Dans V Atlantique enfin on faisait deux récol- tes par année. (49) Maginus certifie la même chose de la Judée. (5o)

SECTION IV.

Religion et Moeurs des Atlantiques.

Après ce que je viens de rapporter sur l'His- toire de ce peuple en général , sur ses Expé- ditions , et sur le Pays qu'il a habité ; il me reste à parler de sa Religion , de son Gouvernement et des ses Mœurs ; et à prouver que ce que Platon en dit , se concilie également avec la Religion , le Gouvernement et les Mœurs des Israélites.

(49) K«< iïis $vi too ivtctuTou rhv yîjv Ikx^ttovvto. Plato , in Critiâ.

(50) Maginus , in Judaeâ.

66 sur l'atlantique des anciens.

§ i. Temple des atlantiques.

Commençons par le Culte religieux , et rap- portons les paroles de Platon à ce sujet. « Au » milieu de la ville , dit ce Philosophe , il y avait » un Temple consacré à Clito et à Neptune , » lequel était couvert d'or , et inaccessible au » vulgaire. Dans ce Temple , les descendans des » dix Chefs s'assemblaient annuellement pour » y faire un Service solennel selon leur cou- » tume. Ce Temple de Neptune avait un stade » en longueur et trois plèthres , TzIéiïûOL , en » largeur. Son élévation était proportionnée à » sa longueur et à sa largeur , quoique sa forme » eût un air étranger. Les parties extérieures » du Temple étaient couvertes d'argent, excepté » les sommets qui brillaient de l'or qui les cou- » vrait. Les voûtes au dedans étaient toutes » d'ivoire incrustées différemment d'or , d'argent » et d'airain. Les parois , les colonnes et le pavé » étaient incrustés d'airain : ils y avaient en » outre érigé des statues d'or : ils y avaient » représenté le Dieu assis sur un char , et con- » duisant six chevaux ailés. Cette statue était si » grande, que sa tête touchait à la voûte. Hors du » Temple il y avait aussi un Autel construit dans » le même goût et d'une grandeur proportion- » née au reste ; et toute la résidence Royale » répondait à la considération et à la majesté de

SECTION QUATRIÈME. §. I. 67

» cet Empire , en contribuant à l'ornement des » saintes cérémonies, (j)»

Après cette description du Temple des Atlan- tiques , je demande à chacun de mes Lecteurs , s'il y a moyen de donner en abrégé un tableau plus exact du Temple de Salomon ? Mais que dira-t-on , lorsque j'aurai prouvé que jusques aux dimensions tout est conforme au Temple dont je viens de parler ?

Platon dit que le Temple des Atlantiques avait un stade en longueur et trois plèthres en lar- geur. En parlant de stades , il est croyable que ce Philosophe entendait le stade Olympique, qui était de son temps la mesure la plus com- mune ; et au rapport de Censorin (2) , un stade contenait 600 pieds romains , ou , selon le cal- cul de Kircher, 100 coudées Egyptiennes.

Le Temple de Salomon (3), à ce que nous dit l'Écriture , avait en longueur 60 coudées.

Le Parvis qui était devant en avait 10

Les deux avant-cours ensemble 18

Ce qui fait en tout 88 coudées.

La mesure exacte des coudées Hébraïques ne nous est point connue , et par conséquent nous pouvons croire que les douze coudées qui man- quent sont le complément de la différence qu'il

(i) Extraits du Critlas , 57 et suiv. (2) Censorin. c. xm. (5) 1. Ueg. vi. 5 et seq.

68 sur l'atlantique des anciens.

y avait entre la mesure des Juifs et celle des Egyptiens. Peut-être même que les Egyptiens, en donnant cette mesure , ont préféré un nom- bre rond. Quoi qu'il en soit , il sera toujours certain que la. longueur du Temple donnée par Platon , comparée à celle que nous trouvons dans l'Ecriture , n'en diffère que de douze cou- dées , ce qui dans le fond est peu de chose.

Il en est de même à l'égard de la largeur. Pla- ton la désigne sous le nom de trois plèthres. Or, en comptant cent vingt pieds romains par plè- thre (4) , ce qui ferait environ vingt coudées Egyptiennes -, il en résultera que toute la lar- geur du Temple des Atlantiques était de soixante coudées. En comparant encore cette mesure avec celle du Temple de Salomon, nous trouve- rons que celle-ci était de cinquante-six coudées Hébraïques , y compris celle des avant-cours (5) , et je crois que cette différence de quatre coudées ne doit pas encore nous arrêter.

« Ce Temple était consacré à Neptune et à » Clito. (6) » Il était naturel que les Egyptiens donnassent le nom de Neptune au Dieu d'un

(4) Voyez Eiaenmenger dans son Traité de mensuris et pon* cleribus.

(5) î. Reg. vr. 2,5,6.

(6) Neptune d'ailleurs portait en particulier le nom de domi- nateur et maître de la Mer Rouge. Eurlp. in Hippol. v. 752. Tout le monde connaît en outre le fameux Temple de Posido- nium sur les bords de la Mer Rouge et proche du passage des Israélites.

SECTION QUATRIÈME. §. I. 69

Peuple , qui , comme ils le disaient , était sorti de la mer. Quant à Clito , ce nom est Grec ; et il est dérivé de rikioç , gloire. Or, du Temple de Salomon il est dit qu'au jour de sa consécra- tion , la Gloire du Seigneur vint dans une nuée pour y habiter , et qu'elle remplit le Tem- ple. (7)

« Dans ce Temple il y avait beaucoup de sta- » tues. (8) » Nous reconnaissons à cela les figu- res des Chérubins dont les parois intérieures du Temple de Salomon étaient ornées.

« Il y avait dans le Temple un Char attelé de » six chevaux ailés , lequel était le siège de la » Divinité. » Rien n'est si propre pour nous re- présenter l'Arche de l'Alliance ; l'Ecriture elle- même donne à cette Arche le nom de Char. (9) Elle était , comme on sait , entourée de Chéru- bins ailés , et surmontée d'une nuée qui annon- çait la présence de la Divinité , et qui touchait jusqu'au haut de l'édifice. (10)

(7) KXicç , veut dire gloire : dans la nuée qui reposait au- dessus de l'arche était la gloire du Seigneur. Cette nuée était ap- pelée Sliechinali , H ÏP2V} Ce mot est féminin , et de , selon toutes les apparences , la fable du mariage de Neptune avec Clito.

(8) 1. Reg. vi. 29.

(9) Î"DZHQ 5 carras. Voy. 1. Parai, xxix. 18. ,

(10) L'Arche n'avait à ses côtés que deux Chérubins ; Platon parle de sis chevaux ailés. 11 était aisé qu'on se trompât sur le nombre et sur la figure des Chérubins. La dernière n'est connue de personne ; le premier nous est donné dans l'Ecriture. Personne n'entrait dans le lieu trè3-saint l'Arche reposait. Le Grand-

70 sur l'atlantique des anciens.

«L'Autel du Temple des Atlantiques était au- » dehors de l'édifice. » Celui du Temple de Jéru- salem était également dans le Parvis.

§. 2. Culte des atlantiques.

Passons de la description du Temple à celle du Culte qu'on y rendait à la Divinité. « Dans » ce Temple , dit Platon , les descendans des dix » familles Atlantiques s'assemblaient annuelle- » ment une fois pour y faire un Service solen- » nel selon leur coutume, (i i) » C'est la Pâque des Israélites.

« Les Lois des Atlantiques étaient gravées » sur une Colonne d'airain pour en perpétuer la » mémoire , et elles furent déposées dans le Tem- » pie. » Que l'on substitue à la Colonne d'airain les Tables de Moïse et le Livre de la Loi , dont les premières ont été déposées dans l'Arche de l'Alliance , et l'autre à côté d'elle , et tout sera d'accord.

« Sur cette même Colonne était gravé un ser- » ment qui annonçait les malédictions les plus

Prêtre seul y avait accès ; encore n'était-ce qu'une fois par an. Est-il étonnant que les étrangers aient varié dans la descrip- tion de ce lieu mystérieux ? Il en est de même des Néréides dont il est fait mention dans Platon , et dont cet Auteur dit qu'elles entouraient le Char. Si cet endroit était inaccessible , comme les Egyptiens le disent eux-mêmes , comment pouvait- on en donner une description exacte ? (u) Extraits du Critias , 84 et suiv.

SECTION QUATRIEME. §. a. *J f

» terribles à ceux qui désobéiraient. » On peut lire ce serment au Deutéronome ( c. xxvn. v. ii et suivans) : après une longue suite de malédictions , ce serment finit enfin par ces paroles : « Maudit soit celui qui ne demeure » pas fermement dans les ordonnances de cette » Loi , et qui ne les pratique pas ; et tout le » peuple dira , Amen.

« Les Atlantiques , poursuit Platon , après » avoir immolé , selon leur Loi , et sanctifié les » membres de la victime , versaient sur chaque » partie un peu de sang. Ensuite ils jetaient une » partie de ces membres au feu , en faisant des » aspersions autour de la Colonne (Autel). Après » cela ils prenaient , avec des bassins , du sang » hors du vase , et en faisaient des libations » dans le feu , et en même temps ils juraient » qu'ils jugeraient selon la Loi gravée sur la » Colonne ; qu'ils puniraient celui qui oserait » l'enfreindre; qu'eux-mêmes ne la transgresse- » raient jamais de propos délibéré ; qu'ils n'or- » donneraient rien qui lui fût contraire , ni » n'obéiraient si quel qu'autre leur commandait » une chose semblable. (12) » En lisant ce pas- sage , on dirait qu'il est transcrit du Chapitre xxiv de l'Exode. Il y est dit que « Moïse en- » voyades jeunes gens, des Enfans d'Israël , qui » offrirent des holocaustes et qui sacrifièrent des

(12) Extraits du Crilias , 90 et suiv.

^1 SUR L ATLANTIQUE DES ANCIENS.

» veaux à l'Eternel en sacrifices de prospérité; » et Moïse prit la moitié du sang et la mit dans » des bassins , et il répandit l'autre moitié sur » l'Autel. Ensuite il prit le Livre de l'Alliance , » et le lut ; le Peuple écouta , et y répondit en » disant : Nous ferons tout ce que l'Eternel a » dit , et nous obéirons. Moïse prit alors le sang , » et le répandit sur le peuple , en disant : Voici » le sang de l'Alliance que l'Eternel a faite avec » vous selon toutes ces paroles. (i3) »

Ces deux passages n'ont besoin d'aucun com- mentaire. Je me contenterai donc , avant que de finir mes observations sur le Culte des Atlanti- ques , d'ajouter une seule remarque au sujet de la pluralité des Temples dont Platon fait men- tion , laquelle paraît contraire à l'Histoire des Juifs , auxquels, comme nous savons, il était défendu d'avoir d'autres Temples que celui de Jérusalem. Cette difficulté tombera d'elle-même, si nous faisons attention aux circonstances sui- vantes ; savoir : Quoique Platon fasse mention de plusieurs Temples , il parle pourtant de celui de la Capitale , comme du Temple par excel- lence , et il fallait que tous les Chefs de fa- mille se rendissent au moins une fois par an. Il est vrai que Dieu avait défendu aux Juifs d'avoir plusieurs Temples ; mais il leur était per- mis d'avoir partout des Oratoires ou des Syna- gogues. L'on sait en outre que cette défense a

(i3) Exode, xxiv. 4 8.

SECTION QUATRIÈME. §. 1. j3

été fort mal observée de leur part. Déjà , du temps des Juges, plusieurs ont commencé de sacrifier chez eux (i4); Salomon même sacrifia sur les hauts lieux (i5) ; après sa mort et lors de la fameuse division des Tribus , Jéroboam bâtit un Temple sur le Mont Garizim. (16) Plu- sieurs autres Rois de Juda sacrifièrent tantôt sur les hauts lieux et tantôt à Baal même. (17) Il ne faut donc pas s'étonner de la multiplicité des Temples dont il est question dans Platon. Ce n'était pas aux étrangers à distinguer le culte ordonné de Dieu , d'avec les abus qui s'y étaient glissés. Ils ont rapporté ce qu'ils ont vu , et cela doit nous suffire.

§. 3. Gouvernement et Mœurs des Atlantiques.

Les Anciens nous ont transmis si peu de lu- mières au sujet du Gouvernement, des Mœurs et des Usages des Atlantiques , que nous pourrions nous dispenser d'en faire mention , si nous ne croyions nécessaire de montrer que le sentiment que nous proposons s'y trouve encore confirmé. Nous ferons donc quelques remarques sur la manière de vivre des Atlantiques , sur leur Gou- vernement et sur leur Langue.

Quant au premier article , Diodore de Sicile

(i4) Juges , 11. 12,

(i5) 3. Rois. xi. 4 et suiv.

(16) 3. Rois. xii. 28 et suiv.

(17) 4. Rois. vin. 17 , 18 , etc.

74 sur l'atlantique des anciens.

nous apprend que « les premiers Chefs des » Atlantiques étaient des Pasteurs , et qu'ils vi- » vaient principalement des productions de leurs » troupeaux. (18) » Personne n'ignore que c'était la principale occupation des Patriarches et des premiers Israélites ; nous en trouvons des preu- ves dans presque toutes les pages de la Genèse.

Cette vie pastorale endurcissait les Atlanti- ques au métier de la guerre dans lequel ils ex- cellaient , puisque non-seulement par la force des armes ils se sont emparés du pays qu'ils habitaient , mais que par la suite ils ont encore soutenu plusieurs guerres difficiles. La même chose nous est rapportée du Peuple de Dieu , qui non-seulement a vaincu par les armes les habitans du pays dont il s'était mis en posses- sion , mais qui par la suite du temps a très- souvent été en guerre avec les Nations voisines.

Le Gouvernement des Atlantiques était mo- narchique, mais au commencement il était beau- coup mitigé , et il ressemblait plutôt à une aris- tocratie. Platon , qui dit d'abord que la puis- sance suprême avait été donnée à l'aîné des Atlantiques , lequel , par la suite , l'avait trans- mise à son fils , nous assure bientôt après , qu'au commencement chacun des dix Chefs de famille régnait d'une certaine manière en Souverain dans les Villes et dans les Provinces de sa domi-

(18) Diodore de Sicile , 1. iv.

SECTION QUATRIÈME. §. 3. ^5

nation , et que cette forme de Gouvernement leur avait été prescrite par la Loi que Dieu leur avait donnée. (19) Or , telle était précisément la forme de Gouvernement chez les Juifs , après la prise de possession de la Terre de Chanaan. Cha- que Tribu se gouvernait par ses Chefs , et tel était Tordre que Dieu même y avait établi. Les Juges ne furent nommés que dans des occasions extraordinaires , et ce ne fut que près de quatre siècles après leur entrée dans la Terre promise , que les Tribus ont été réunies sous un seul chef qui porta le nom de Roi. Encore ce changement , ( à cause du motif qui l'avait inspiré ) a-t-il été désapprouvé par l'Eternel , comme on peut le voir dans le premier Livre des Rois. (20)

Au reste , suivant Platon , « les Rois Atlan- » tiques possédaient tant de richesses , qu'il y » eut un temps ils n'eurent point leurs pa- » reils. (21) » C'est comme si Platon avait lu les paroles que Dieu adressa à Salomon , en di- » sant : « Je t'ai donné des richesses et de la » gloire , de sorte qu'il n'y aura point de sem- ï> blable à toi entre les Rois , tant que tu » vivras. (11) »

« Les Rois Atlantiques possédaient non-seu- » lement leur Pays , mais leur pouvoir s eten-

(19) Extraits du Crltias , 30 et suiv.

(20) 1. Reg. vin. 7 , 8.

(21) Extraits du Crltias, 42.

(22) 5. Reg. m. 3.

76 sur l'atlantique des anciens.

» dait sur les Pays contigus et jusqu'aux fron- » tières d'Egypte. (23) » Selon le rapport de l'Ecri- ture , « Salomon dominait sur tous les Rois , w depuis le Fleuve , jusqu'au Pays Philistin , et » jusqu'aux frontières d'Egypte. (24) »

Pour preuve de la puissance des Atlantiques , Platon rapporte « que dans l'enceinte exté- » Heure de la Capitale il y avait un cirque , » et que dans d'autres endroits il y avait des » YUJ^VttCFMG , gymnases, pour les hommes et » pour les chevaux , (c'est-à-dire , des logemens » et des lieux d'exercice pour l'Infanterie et pour » la Cavalerie,) et qu'à l'entour du Château il y » avait des logemens pour les gardes du Roi. (25) » De Salomon il est dit, « qu'il a eu i4oo cha- » riots de guerre , et 12000 hommes de che- » val ; qu'il avait ceux-ci en quartier dans les » Villes étaient les chariots , à l'exception de » ceux qu'il avait fait rester à Jérusalem pour la » garde de sa personne ; et qu'enfin il avait eu » des écuries pour 40000 chevaux. (26) »

Quant enfin à la Langue de ce Peuple , nous n'en avons que très-peu de vestiges ; mais dans cette disette même, c'est beaucoup de voir que ce qui nous reste annonce l'idiome des anciens Israélites. Pour prouver ce fait , je ne répéterai

(23) Extraits du Crltlas , 40.

(24) 2. Parai, ix. 26.

(25) Extraits du Crltlas , 72 , 73.

(26) 3. Ileg. ix. 19. x. 26.

SECTION QUATRIÈME. §. 3. 77

pas ici ce que j'ai dit plus haut au sujet d'un des Chefs Atlantiques , que dans la Langue du pa}rs on l'appelait Gadir , qui revient au Gad des Hébreux ; mais je citerai deux autres exem- ples qui serviront à prouver la même chose.

Diodore de Sicile nous apprend (3o) que l'on donnait aux Nymphes le nom d'Atlantides , parce que clans la langue de ce peuple le mot Nymphe , vûjJLCpv) , désignait une femme. Or , ce mot est sûrement Hébreu. De la racine rpj Nuph , dérive non-seulement le mot de n££)JJ ou *£}Q3 , Nimphé , qui dans le langage Rabbi- nique signifie une nouvelle mariée (3i); mais la signification de la racine même rend très-bien l'idée que les Anciens s'étaient formée des Nym- phes ; celles-ci étaient regardées comme les Di- vinités des fontaines et des sources, et Fp^, Nuph , en Hébreu, veut dire, distiller , tomber en gouttes. (3s)

Selon le même Auteur , un certain Jupiter , oncle paternel d'Atlas , avait dix fils , qu'on ap- pelait Kouqtîtocç , Curetés. Ce mot est encore tout-à-fait Hébreu , étant formé de celui de ÏVIp? Kiriath , qui veut dire district , famille; de manière que les dix Curetés ne sont encore autre chose que dix Chefs de famille.

(3o) Diodore de Sicile , 1. m. c. 3i.

(3i) Buxtoriï , Lexic. Rabbinic.

(32) Par la même raison nous voyons dans le »Canlique des cantiques , ces expressions si connues , l'Épouse du Messie est appelée , Scaturigo clausa , Fons obsignatus , une Source close , une Fontaine scellée.

78 sur l'atlantique des anciens.

Telles sont en peu de mots les recherches que j'ai pu faire sur le Gouvernement , les Mœurs et la Langue des Atlantiques. Si elles ne sont pas abondantes , elles servent du moins à con- firmer les preuves que j'ai déjà citées. Il ne me reste plus que quelques mots à dire sur le sort de ce Peuple , et c'est par que je finirai le parallèle que j'ai fait entre l'Histoire des Atlan- tiques et celle des Enfans d'Israël.

SUR L ATLANTIQUE DES ANCIENS. 79

SECTION V.

Sort des Atlantiques.

i^ET Article n'a pas besoin de discussions ; aussi ne nous y arrêterons-nous pas long-temps. Pla- ton en fait mention à la fin du fragment du Dialogue intitulé Critias. Il est bien fâcheux que nous n'ayons pas ce Dialogue en entier. Le défaut commence précisément à l'endroit Platon parle de la fin des Atlantiques. Peut- être que ce qui en est perdu aurait épargné à beaucoup de personnes la peine de faire de fausses conjectures à ce sujet , puisqu'il est certain que le peu qui nous en reste, dépeint tellement le sort du Peuple Juif , qu'il sem- blerait que Platon l'a copié sur les Ecrits des Prophètes. Voici ce qu'il en dit (i) : « Telle est » la puissance qui était alors en ces lieux , et que » Dieu, dans un certain ordre par lui établi, a » ramenée ici de la manière suivante , à ce que » l'on dit : Pendant beaucoup de générations , et » pendant tout le temps que la Nature Divine » était efficace en eux , ils obéirent aux lois, et » ils s'attachèrent sagement à ce qui leur était » inné de divin. Car ils n'avaient que des pen- » sées vraies et élevées ; et ils se préparaient

(0 Extraits du Critias, 93 et suiv.

80 sur l'atlantique des anciens.

» avec modestie et avec prudence à tous les évé- » nemens de la fortune. En méprisant ainsi tout , » excepté la vertu , ils regardaient les choses » présentes comme frivoles. Loin de s'enfler par » la possession de l'or , de l'argent et des autres » choses précieuses , ils les regardaient plutôt » comme un pesant fardeau. Ils ne s'enivraient » point de l'abondance de ces délices , et ce » breuvage ne les rendit ni furieux ni insolens. » Mais sobres et prudens, ils remarquaient que » toutes ces choses augmentaient chez eux par » leur amitié commune et par leur vertu ; et » qu'au contraire, en les recherchant avec trop » d'empressement et trop de passion , en leur » attribuant un trop grand prix , elles dimi- » nuaient et se flétrissaient d'elles-mêmes ; que » les admirateurs de ces choses périssables » périssaient avec elles ; tandis que par la même » raison ils eurent en abondance tout ce dont » nous venons de parler, tant que la Nature Di- » vine agissait en eux. Mais la partie Divine » ayant été opprimée en eux par les passions , » elle y devint faible et languissante ; l'homme » prévalut , et ne pouvant plus supporter leur » état présent , ils succombèrent honteusement. » Alors Jupiter , le Dieu des dieux , vengeur et r » gardien des lois par lesquelles il règne sur les » hommes , et qui voit tout ce qui se passe , » observa la dépravation de ces hommes autre- » fois si illustres, et voulant faire vengeance,

SECTION CINQUIEME. 8l

» afin de les faire rentrer en eux-mêmes , et » les rendre plus modestes , assembla tous les » Dieux , etc . etc. » Ici le Dialogue de Critias fi- nit : mais ce que nous venons d'en communi- quer au Lecteur suffit pour faire entrevoir l'His- toire d'un Peuple qui , comblé de bénédictions , méconnut l'Auteur de son bonheur , et qui pré- férant l'empire des passions , foula aux pieds les lois que Dieu lui avait données , et subit enfin la juste punition de ses iniquités.

Il n'est pas nécessaire d'avertir ici le Lecteur, que ce récit est l'abrégé de l'Histoire du Peuple Juif, depuis son entrée dans la Palestine jus- qu'à sa Captivité. Nous nous contenterons d'ajouter la Prophétie de Moïse à ce sujet. (Deut. xxix. 19.) : « Qu'aucun de vous ne se flatte, en » disant en soi-même , Je vivrai en paix et je » m'abandonnerai à la dépravation de mon coeur; » de peur que celui qui est comme enivré n'at- » tire la perte de celui qui est dans la soif. Le » Seigneur ne pardonnera point à cet homme , » mais sa fureur s'allumera d'une terrible ma- » nière , et sa colère éclatera contre lui. Il se » trouvera accablé de toutes les malédictions » qui sont écrites dans ce Livre , et le Seigneur » effacera la mémoire de son nom de dessous le

» ciel La postérité et tous les peuples diront,

» en voyant ces choses : Pourquoi le Seigneur » a-t-il ainsi traité ce Pays ? d'où vient qu'il a fait » éclater sa fureur avec tant de violence ? et on

6

8a sur l'atlantique des anciens,

» leur répondra : Parce qu'ils ont abandonné » l'alliance que le Seigneur avait faite avec leurs » pères , lorsqu'il les tira d'Egypte , etc. »

Il suffit d'avoir allégué cette Prophétie , et il serait superflu de dire qu'elle a été accomplie , personne ne l'ignore , et nous voyons ainsi que le parallèle des deux Peuples se soutient exacte- ment jusqu'à la fin. Que le Lecteur en décide maintenant.

Si des Juges éclairés approuvent le sentiment que nous proposons , nous serons au comble de nos vœux d'avoir contribué à l'éclaircissement d'une partie aussi essentielle de l'Histoire an- cienne. Ce sera un surcroît de preuves de la vérité des Saintes Ecritures. Ce sera un nouvel encouragement d'approfondir de plus en plus les Antiquités Egyptiennes et Grecques. Ce sera peut- être une nouvelle clef qui servira à débrouiller plusieurs autres parties de la Mythologie. Si , au contraire , on juge que nous nous sommes trom- pés, nous espérons que nos juges approuveront du moins notre zèle , et qu'ils avoueront que jamais erreur n'a été revêtue d'une plus grande apparence de vérité.

FIN.

EXTRAITS

DE CE QUI RESTE DE PLATON

AU SUJET DE L'ISLE ATLANTIQUE.

TA TOY IIAATQN02 IIEPI TH2 ATAANTIA02 NH20X

AEinOMENA.

Ces Extraits contiennent tout ce que Platon rapporte de plus essentiel au sujet de l'Atlan- tique. Ils ont été pris de ses Dialogues intitulés Timée , et Critias , en conservant Tordre du discours. Nous avons placé la Traduction Fran- çaise en regard du Texte , et pour la commo- dité du Lecteur nous avons divisé ces Extraits en plusieurs Alinéas numérotés , auxquels se rapportent les diverses citations qui en sont faites dans le présent Ouvrage.

EXTRAITS DU TIMÉE.

1. Ecoutez , Socrate , un récit très-peu vraisemblable , et cependant très-vrai , comme Solon , le plus sage des sept Sages , disait autrefois.

2. Celui-ci était parent et intime ami de Dropidas , notre bisaïeul, comme il l' assure lui-même dans plusieurs endroits de son Poème ;

S. Et c'est lui qui dit àCritias , notre grand-père , ainsi que ce vieillard nous l'a rapporté , que les Athéniens avaient fait de grandes et merveilleuses actions, qui, par la longueur du temps et la destruction des hommes sont tombées dans l'oubli

4. Je vous raconterai cette ancienne histoire que j'ai entendue moi-même , et qui ne vient pas d'un jeune homme.

5. Critias , comme il le dit lui-même , était alors déjà âgé de près de quatre-vingt-dix ans, pendant que je n'en avais que dix

6. Il y a dans l'Egypte un Nome , appelle Saïtique , situé dans le Delta , à l'endroit le Nil commence à se diviser.

7. La plus grande ville de ce Nome' était nommée Sais, Le joi Amasis en tirait son origine.

8. La divinité protectrice de cette ville , s'appelle Neïtfi en Egyptien , ce que les Grecs ont rendu par Athené ( Minerve. )

9. Par cette raison les peuples de cette ville aiment encore beaucoup les Athéniens , et se disent même en être parens.

10. Aussi Solon rapporte-t-il que dans son voyage il avait été comblé d'honneurs par ces habitans.

11. 11 s'entretenait quelquefois avec eux sur des événe- mens anciens , et il discourait surtout avec les Prêtres qui étaient les personnes les plus instruites parmi eux.

12. Il s'aperçut pour lors , que ni lui ni aucun autre Grec ne savait , comme on a coutume de dire, rien du tout à cet égard

EK. TOY TIMAIOY.

1. '' Akxi èï)y Z "ZaKpctrts, Xoyx fA.k'K» peu utÔtfh , 7rctv}oi7raffi yt pwv âxtâxçy as ^it lav \7f\0\ roÇav cvÇeLrcfloç 2oA»v %or V'^jy.

2. 7Hv fci)v âv oIkuoç ku) e-Cplfycc ÇtXos ijfuv Açair&is 72 fF^o%k%7F}t , xot$-U7rtp >!tya TroAA^aw y^ etvros h ly 7roti)rtt.

3. nfoç £\ Kçilîotv rov ùpireçov irânTrov %i%iv ( as ci7riftvt}ftôvtvti aZ %p\s hf^S « y'epw ) ort ptiyâXct B-ctupctçu rijs e% un vretXettcc eçyct Iks TfôXtus 5 v7Fo %çôva tyboçcis âvjfa^af yÇcivto'pivci. .....

'Eya tyekra irahcttoi âxtjKoas Xoyov , ov veS àvfyos»

5. yHv fwv yup $t) Tort Kptriets ( as ÏÇ>v ) %t$*6i> tyylç vfo 1m mtvijKo/let trcoV) \ya £i Trtj pk'hiça. èexelys

6. vEf* ris x»T AYyu7rrov9 h 1% Aétflei , vrtfi 0 xcflct xopvÇKv %{ÇtTCtt to t2 Né/a» pivota 5 2#ïr<xW èjnxcfA^MÊVo? vo^og-.

jr. Toutou â\ tS vexées f^iyUi} woXts 'Zciïs ' o$tv £*> *$ '' Af^ctatç

jjv 0 ficteitevs. 8. Oi tZs ttÔMcùs Stos ctp%qyoç eçtv , Aïyv^rrtii pàv rovvofttt

N>?i'3-, 'EXXqvw J^g , as 0 tKilvm Xoyos , 'AS-yva.

g. M«A«6 J*e ÇiXctS-iiVoitot kmI Itvot toottov oîxiïot tmP thaï tycurlv.

10. Oi $j SoXav %q>ij 7roptvB-ùs cr^o^px n yin<&xt wap avroïs tvlipos.

11. Kct) ^ 7# iraXaia knpulm 3 7»? fc&Xtça irtp\ luvrx 1m «péav Ipirupus.

1 2. 2#e J"<?v «ré esyTo» are «AAov c/EAAj;v« »^év« »^éi> ( »* èVoy «Vêî» ) iï^ôrx Trep) 1m lotûlm ùviuptlv

86 EXTRAITS DU TIMÉE.

13. Un jour un des plus anciens Prêtres lui adressa la parole et lui dit : « O Solon , Solon , vous autres » Grecs vous êtes toujours enfans ; il n'y a pas un Grec » vieillard »

14. Car vous êtes tous des novices pour ce qui regarde l'antiquité , et vous ignorez tout ce qui s'est passé an- ciennement , soit ici , soit chez vous

15. Vous ne savez pas quelle était dans votre pays la plus belle et la meilleure génération d'hommes qui ait ja- mais existé, et de laquelle il; n'est échappé qu'une faible semence dont vous êtes les descendans

16. Je veux , ô Solon , sans vous rien dissimuler , vous raconter tous ces événemens, pour l'amour de vous, et surtout pour l'amour de cette Déesse qui eut votre ville/et la nôtre en partage, qui a nourri et instruit l'une et l'autre, et même la vôtre pendant mille ans , en vous formant de la Terre et de Vulcain , ainsi que nous.

17. Tout ce qui s'est passé dans notre Gouvernement, depuis huit mille ans , est écrit dans nos Livres sacrés ; mais je vous exposerai en abrégé ce qui est arrivé à ces Citoyens pendant neuf mille ans , ainsi que leurs lois et leurs actions les plus éclatantes

18. Nos écrits rapportent comment votre République a résisté aux efforts d'une grande puissance , qui, sortie de la mer Atlantique , avait injustement envahi toute l'Europe et l'Asie ; car pour lors cette mer étaitguéable.

19. Sur ses bords était une isle , vis-à-vis de l'embou- chure , que dans votre langue vous nommez Colonnes d'Hercule.

20. Cette isle était plus étendue que la Libye et l'Asie ensemble.

21. De les voyageurs pouvaient passer à d'autres isles, desquelles on pouvait se rendre dans tout le Continent situé à l'opposite et sur les bords de la mer, qui pro- prement est appelée Pontus.

22. Quant au côté qui est au-dedans de l'embouchure dont nous parlons , il y a un port dont l'entrée est fort étroite.

EK TOT TIMAIOT. 87

10. K«/ Itvct £<Vé7v t5v \ipm iv ft»Xet 7rethoitav 3 a> ZoA»y 2cA»*> "EAAgytt cet* 7Fotïhs tçt3 yïpm ^"EA^v ix èf/J»

l4- "iîsre 7T*A/y yeo* è| «p^«ff yin&i , a^y ùMres ovn loti lôh , «Vê 7«Jv TTflîp' v^îy , oow «v h lois 7ret^etto7s fflôvois. ...

15. 'Et* J^e t<> x#AA<r<»y Uptçov yivoç Itt ccvJpaTFtss h ly XVÇO& 1y 7Fecft' vuïv èx \çi ytyovos ' ê£ #y cw re w«o*« *i noXis Ici lavuv vpw , trtptteiÇS-èvloç iro?e o-7rippctlos fy*%îoç....

16. Q>B-ovoç ù^itÇy à SoAay * âXXci c-S ri tvtxa ipa »£7«V vrôteaç vpm ' f-ckhiça, $*i k) Iks 3-eS %hyw , 13 7*jy re vpilipciv 9$ rw

vfttv ïricrt %(Xiot$ , ix Tî}Ç ri *H<p«*Vs , to <r%ipfA& irctpccXd-

17. TijV J^ê hB-â^i iïictKOtrp.ifo-iaiç Trctp q/wv h lois tipoîç ypuft/Lcetiriv oxlaxifttXiav trm ùptS-ftoç yiypct7rloii. îlifi ête lav hvctxi%lhict irq yiyovôrav noXirw <ro\ àyXéva ^ict fipei%iaf vo/lws ri , lav 'igycùv ctùro7$ 0 xâhXt?ov t7rpu%S-fj

18. Aïyu loi yiyoufifAivti, , o<njy >} %oXiç vpZv wctvo-i ttoIi Mvctfctv fiait Tropivofcivqv upot, îiri %k<r#,v EôpaiTrqv 'Aoiuvy i^aB-iv opj&qS-iïo-eiv ix 75 ' ArXoivrtxts TFiXkyas. r'on yc&p Tropivtrt- /uov «y % ixu TTiXctyoç.

ig. N^ç-ûy yap 7rfo çépctlos ii%iv , « xttXiîn {as <j?«rï v/nuç) 'HpetxXiiaç çfaetç.

20. 'H J"è vtjtroç 'âpu, Atfiùt)ç «y ^ 'Anus pil^m-.

21. 'E| i)? bn,G#Tûy l?r< 7«? uXXetç VK<nss roi? %r lyiynrt iropiuopcivots , ix ^e 7Sy vt/învy é5T< 7«y xetravl txpv •xé.vm it7rupov y 7«v îrepi 7ày «A^S-/yoy txeTyoy irôvlov.

22. Tctoe ^ey y«p otrct ivros tS çopctros hiyoftw y (patvtrett ùi/wv nviv rtva uçttXovv i%eov.

88 EXTRAITS DU TIMEE.

23. est la mer qui proprement est appelée Pelagus ; et la terre qui de tous côtés l'environne réellement est justement appelée Continent, {a)

24. Dans cette isle Atlantide , il y avait des Rois dont la puissance était très-grande.

25. Elle s'étendait sur cette isle ainsi que sur beaucoup d'autres isles et parties du Continent.

26. Ils régnaient en outre, d'une part , sur tous les pays du côté de la Libye jusqu'en Egypte , et de l'autre , savoir du côté de l'Europe , jusqu'à Tyrrhénia.

27. Ces forces réunies ont tenté de soumettre votre pays , le nôtre et toutes les Provinces qui se trouvent en-deçà de ladite embouchure.

28. Alors , ô Solon , la puissance de votre République acquit une réputation de force et de vertu supérieure à celle de tous les autres mortels.

29. Car en surpassant toutes les autres en génie et dans l'art militaire , elle commandait à une partie des Grecs, tandis que forcés de se retirer , les autres l'avaient abandonnée.

30. Mais quoique réduite à une pareille extrémité , elle triompha cependant de ses agresseurs , et en érigea des trophées ; elle garantit de la servitude ceux qui en étaient menacés.

SI. Et quant à nous autres qui demeurons au-dedans des frontières d'Hercule (6) , elle nous rendit à tous le salut et la liberté.

32. Mais lorsque dans les derniers temps il arriva des tremblemens de terre et des inondations , tous vos

[a) Que l'on substitue au mot d'Zs/e celui de Province , qui signifie la même chose chez les Orientaux , et que l'on suppose que l'embou- chure dont les Prêtres Egyptiens parlent, soit l'embouchure du Nil, que leg%"ecs avaient coutume de nommer embouchure d'Her- cule ; ce récit , en lui-même si obscur , deviendra très-intelligible. Le voici : A L'embouchure , que vous nommez Colonnes d'Hercule , il y avait une Province plus étendue que la Libye et l'Asie ensemble. La Phénicie touche , pour ainsi dire , la rive droite des embouchures du Nil , et son commerce , ses établissemens , ses colonies s'étendaient bien au-delà de la Libye et de l'Asie. De cette Province les voyageurs pouvaient se rendre dans d'autres qui conduisaient au Continent , situa à l'opposite de cette embouchure , et sur les bords de cette Mer qui pro- prement est appelée Pontus. De la Phénicie on passe aux Provinces de

EK TOY TIMAIOY. gg

23. 'Ekuvo £*t %'iXuyoç Ïvtcûs , îl rt niptiftovo-oi, oivtx yy navriXois ùXtjèais 5 o^ôretr ccv XiyovTO *)7retpoç.

24« *-E" ^e Tj) 'ATXcwrlfo leivTvi vaVa ftiyâxy cuveçfj «j S-ctvficirIt ^uvapiç ficto-tXiav.

25. Kp««r5<r<J6 ^2v cwrurqç l^s vqo~ou , ttcAASv J"é ècXXav vqcrw

*) ftipÔûV Tt]Ç YlXilfOV.

26. ITpW tovtoiç, tri rm lyfcs rtjiïi AtÇvqç /ttev vp%ov ct%pt -zrpoç AYyu-zrlov * tkç «Te Eùçaïnis , f*t%pi TvppyvUç.

27. Allrtj £\ Tetra %uvct$-pct<&t7<rœ ùç tv '4 ^vvetptç t'ov veuf

VftlV TOV 7TClf VfUV TOV tVTOS TOV Ç-OftClTOS 7Ï01VTCC TO7T0V

fiicé tvot \%i%dçYt(nv ôpfâjj êouXov&at.

28. Tore ovv vyJoùv , à ZoXm , r^V ttoXios yj iï~ùvcty*tç tU a.Tta,VTaç *vjpa)7nsç foettyaims àpiTy x) p&fty lyiviTO.

2Q. Hcl'jtuv yup •zs-poçacra, iù-^/v^iee. 5 x) re%mts oral kxtu çroXiftov , la [Àiv toùv 'EXXwav yyovyAvvi 3 let Jh* uvrn fcoveo- ^■tio-ec, y 1% âvkyKYjç toùv caXXm ùnoç&VTûùv.

30. 'E%) Toiç \o£Utoiç àtyty.opkv'/} Ktviïuvotç y »p«TJjW<r<j* piv tcûv Îtfiovtm 3 Tf>o7rcitoi âviçsTi , to7s ^e fifao frifovXoptvotç hiKûûXVTi ^aXo^vat.

31. TÛç <^£ ccXXisç 5 ocot KdTOtKouf4.lv Ivtos opuv 'HpuKXueov 9

ùqflôvcos eiieeivlois vXtvB-èpaoïv.

32. 'fçéoa ^e %pova a-îtcrjuav \%ot,ioJa>v £ Kc&TciKXvo'ftaiv yivopkvw , fztccç yjpcipets x) vvktoç %oiXt7rfïç eXS-ovs-qç , t'oti wap' v/aZv

l'Asie mineure qui est située à l'opposite de l'Egypte. L'Asie mineure conduit dans la Phrygie qui est située sur les bords du Pont-Euxin qui est le véritable Pontus des Anciens. Du côté qui est au-dedans de l'embouchure d'Hercule il y a une entrée étroite. C'est l'entrée du port d'Alexandrie. est la mer qui véritablement est appelée Pelagus, et la terre qui de tous côtés l'environne réellement , est justement appelée Continent. Ce Pelagus est la Méditerranée qui de tous côtés est envi- ronnée d'un vrai Continent.

(b) Les Grecs , selon ce récit , étaient au-dcfiors des Colonnes d'Her- cule, les Egyptiens au-dedans. Ce passage seul suffît pour prouver incontestablement qu'il n'est point question ici du Détroit de Gi- braltar, mais d'un endroit situé entre l'Egypte et la Grèce. Voyezla Note (rf).

90 EXTRAITS DU TIMEE.

guerriers ont été engloutis dans la terre , dans le mal- heureux espace d'un seul jour et d'une seule nuit, et l'isle Atlantide disparut ainsi dans la mer. 33. Par cette raison aussi la mer qui se trouve , n'est ni navigable ni reconnue par personne , puisqu'il s'y est formé peu à peu un limon , provenant de cette isle submergée (c).

[c) Si , selon notre sentiment , cette mer innavigable est le Lac Asphaltide , il s'ensuivra que Platon confond ici les temps ; chose très-commune aux Grecs lorsqu'ils parlent des siècles antérieurs. Les Grecs étaient des en fans. Si le Lecteur n'approuve pas cette idée, il pourra substituer au Lac Asphaltide celui de Siràon , situé entre

EK TOT TIMAIOY. g,

/nâ%t/u,dv 7ruv , ù&pôov e<h> Ketru yîtç , *t rt 'ArXotvriç vtj<roç

53. Ato vuv et7ropo)i ctiïitptvvvTov yiyovi toÙku TreXwyoç ,

l'Egypte et la Phénicie , sur les bords de la Méditerranée. La des- cription que les Toyageurs anciens et modernes en donnent , con- vient très-bien à ce que Platon en dit ici , tant par rapport à sa nature , que par rapport à sa situation.

EXTRAITS DU CRITIAS,

Il faut avant tout nous rappeler qu'il y a neuf mille ans depuis le temps qu'il s'est élevé une guerre entre ceux qui demeuraient au-dessus et hors des Colon- nes d'Hercule , et tous ceux qui habitent les pays en- deçà {d),

2. On dit que notre République avait le commandement sur ces derniers, et qu'elle conduisait toute la guerre.

3. Les autres étaient gouvernés par les Rois de i'isle Atlantide, que nous avons déjà dit avoir été plus éten- due ]que la Libye et l'Asie , et que maintenant c'était un limon impraticable , produit par les tremblemens de terre.

h. De manière que ceux qui voudraient le traverser en venant d'ici pour se rendre dans la mer appelée Pela- gus [é) , en seraient empêchés par des obstacles invin- cibles. ....

5. Les Dieux avaient autrefois partagé la terre entr' eux...

6. Vulcain et Minerve étant de même nature , sortant d'un même Père et ayant les mêmes inclinations pour les sciences et pour les arts , ont eu aussi la même portion en partage, savoir cette contrée , qui par sa nature est le siège de la vertu et de la sagesse , et qui est faite pour elles.

7. Ayant donc rendu gens de biens les habitans qui y étaient nés , ils leur ont inspiré la forme de gouverne- ment de cette République.

8. Les noms de ces hommes ont été conservés ; mais la mémoire de leurs actions a péri par la destruction de ceux à qui elle avait été transmise et par la lon- gueur du temps

[d) Dans le Timée , c'était un Egyptien qui parlait ; ici c'est un Grec; par conséquent celui-ci nomme le pays en-deçà , ce que l'au- tre avait appelé le pays en-dehors. Cette observation est nécessaire pour ne point s'égarer ici.

EK TOY KPITIOY.

1. Uuvlm JSj TrpcoTov fivq£-à)uîv , on to tctçâhatov *iv hvetKts èT*l Xl^lei **<?' * ytyovcoç l^vù^ij Troteftos to7s a~' hmp Hpu- xXuus ç^Xus e|« xuTotx^o-t x) rois Ivtos naotv , ov ou vv» è^temepuivuv.

2. T5v fàv èv «^e h "ssrôxis up%ov<ru x) kuvtu rov 7FoM/xov ostot7roXi[AK<rct,o'c& tXiyiTO,

3. Tcov â* ol t%s 'AtXuvJi^os vnrz fiavt'Kus , >jv iïyj AtÇutjs x) 'Artois (til^a vîjo~ov ètrav ttpuptv tivut Tort , vov è^s v%6 owrfcw è\soivu7ropov nqXo'v.

Tots è* hB-ivé^i IxTrxéooffiv Itt) to ttuv KiXuyos , asrt /Ltyx'eTt vropivt&ut xaXvTKV 7rupu%t7v

5. Geo) uzruo-uv ytj» tfotï xutu rus l'osas ^tiXuyxuvov.

6. 'iKpaUos à\ xotvijv xj'Aèqvu tyvo-iv s%ôv]ës3 eifieb fàv àhXQw

tX. luVTif JJUTpOS 5 Uf~U à% <§lX.0Q~0$tU QlXOTlXVtU t tvt TU UVTCC l^B-ÔvltS 3 OUTOÙ fllOiV Ufttyûù tâ%tV , TJjV^Ê TJJV ftâpa*

etXtï%UTov 3 as otxnœv nposÇopov ùpily x^ <PpovK<ni 7ri<pvx,u7uv.

7. ''Avéras o^e ùyuB-ovs \[&7rotiio-uvTis uvtÔ%Sovcis > \%i v%v 'l&eo-uit

T«V T>}S ItoXtTitUS TutlV.

8. ' Slv tu pàv ovéfiUTct citraçui , tu è\ %pyu 3 iïtu tus tZv 7rupuXu/&j2cLvoyTM <p$opus j tu fcvxa tcùv %pôvav 5 iityuvicB-q. . .

[e) Cette situation d'un lac situé entre l'Egypte et la Méditerra- née confient encore très-bien au Lac Sirbon.

94 EXTRAITS DU CRITIA.S.

9. Je vous dis ceci, en observant que Solon a rapporté, que les Prêtres, en lui racontant l'histoire de cette guerre, et en parlant de ceux qui en étaient les chefs , leur donnaient les noms de Cécrops , d'Erechthée , d'Erichthonius , d'Erisichthon , et de la plupart de ceux que l'Histoire rapporte avoir vécu avant Thésée. Les noms des femmes de ce temps étaient également les mêmes [f).

10. Maintenant je vais vous exposer quel a été au com- mencement l'état de ceux contre qui ils ont fait la guerre , si la mémoire ne me trompe pas sur des faits que j'ai entendus dans ma grande jeunesse ; afin que vous , comme mes amis, le sachiez aussi.

11. Mais avant que d'entrer en matière , il faut en peu de mots vous donner un avertissement , afin que quand vous entendrez souvent nommer ces étrangers par des noms Grecs , vous n'en soyez point étonnés ; car vous allez en savoir la raison.

12. Solon ayant voulu employer ce récit dans son Poème , et recherchant le sens littéral des noms , a trouvé que ces premiers Egyptiens qui ont écrit cette histoire , les avaient traduits dans leur langue.

13. Lui donc , en prenant à son tour le sens littéral de chacun d'eux , les a tous traduits dans notre idiome.

14. Ces écrits étaient autrefois chez mon grand-père , maintenant ils sont chez moi , et je les ai lus dans mon enfance.

15. Si donc vous entendez les mêmes noms comme les nôtres , n'en soyez point surpris ; car je viens de vous en dire la raison.

16. Or , il y aurait à faire un discours bien long , s'il fallait remonter jusqu'à l'origine , pour vous rapporter ce que j'ai déjà dit au sujet du partage que les Dieux ont fait entr'eux delà terre , en donnant aux uns de grands districts, à d'autres de moindres , et en instituant leur culte.

17. L'Isle Atlantide étant donc tombée en partage à Nep-

[f] Quelle présomption en faveur de l'explication que nous pro- posons , que cette conformité de noms ! Thésée vivait environ vers l'an du monde 2700. Les Israélites sortirent d'Egypte vers l'année

EK TOY KPITIOY. g5

g. Aiya S*i aura , TtK/uectpéfctvoç ort yAk^uvoç rt ^ 'Epe;ç9-Ê6>î 'EptfcS-oviii *j 'EçhAxPovoç y rm £t aXXcov ru nXiiçu ocra nfo Qqrias lav uvoù 7rtf>i rm ovô/uâruv ttcâçav Ù7roftv})ftovttJtlut 9

T4UTM iKilvtSS la TTûXXà l^OVOfCU^OvlctÇ TOVÇ UfiCtS ZoAtfV tÇt

Tov rôrt hqyiï&cu iroteftov , x} la. luv yvvutKav tÇluuru..,.

air if i

10. Tâyt £ti lav àvlixoXe/^fjo-âvlcov uvro7ç ota «v , m rt àpxfîç iyévtro ( [avv[*.*jç av pu çi^^wpvt m %ri nt/Aoïç ovltç VKov<rcifc(v ) ùs 7o picov aura vov àTTo^ao-optv , vpclv rois ÇiAots tivut Kotva.

11. Ta el^ \ri fipa%v "zrfo roZ Xoyôv oit àqXaxrœt , pu 7roXXcCKtç ÙKouovTtç 'EAAfjvtKoi fiotpÇupaiv ùvfyav hlpara 3-aupufyre. ro yaa a'tnov aôrav ■zs-iuey&s.

12. EoAâJv IttivoZv tU rnv aùroZ 7rcr^<riv x.u,ra%çtyru<&ui ru> Xoya>9 0Kta7ruv6uvôp,tvoç rtiv rm hoparm o^vvuptv y tùpt , roùs rt Aiyunliovs rovç -zrparovç Ikuvovs aura, ypa^aptvovSy tls tqv

aUTM ÇaivilV /LiiTtJVO^OTUÇ.

13. Auras au ttuXiv iKaç-% r\i> o^iâvoiav ovôparos uvu\up£âvavy tls tjjv qptripuv aym Çmtiv ù%tyya§iro.

l4« K#i laura yt JSj ra yyupparu Traça t&J 7ra7r7ru> r h , tr \<zt 7raf tpo) vïïv 5 o^taptptXtnjrai rt hit tpou nato^os ovlos.

15. *Av oùv aKovijlè rotaura c'ia ryiï't hvôpara 5 ftqiïh vpiv ïça B-aupa. ro yup air lot aùrm tp^ijt.

16. MuKpoîj é^t ^*i Xoyou vj àç%*i rôre , tca^ra'Ki^ h rciç zrpoo9"£)» éAê^Ôjj 5 Ts-tfï r%ç rZv $-tw Afâiooç , on xartviiftuvro yîfv na- o-av 'ivôa [tiv putois Xifétiç , m 6 a ^e ^ £A«4rr«3/? , «pà, Suo-ias rt airùïs x.aruo-x.ivaZfivrtç.

17. Owro» >^ r«v vs>f<rôvIIo<rètê'M rliv ' ArXavrl&^a Xa%&V) ijcyovovs

2A50. Dans l'espace intermédiaire l'histoire des Grecs place tous les Héros dont Platon rapporte ici les noms.

96 EXTRAITS DU CRITIAS.

tune , il y établit les enfans qu'il avait eus d'une femme mortelle, et il les fixa dans un certain canton de l'Isle.

18. Environ vers le milieu de l'Isle du côté de la mer , il y avait une plaine qui , à ce qu'on dit , était le canton le plus beau et le plus fertile.

19. Proche de cette plaine 9 encore vers le milieu , et à la distance d'environ cinquante stades , il y avait une petite montagne.

20. Elle était habitée par un de ces hommes qui dès le commencement avaient été formés de la terre. Evénor était son nom : sa femme s'appelait Leucippe.

21. Et ils avaient une fille unique qui portait le nom de Clito ; celle-ci étant devenue nubile , son père et sa mère moururent.

22. Alors Neptune s' étant senti de l'inclination pour elle , la prit pour femme.

23. 11 entoura la colline qu'elle habitait d'une bonne cir- convallation , en traçant autour d'elle différens fossés et élévations de terre grandes et moindres alternative- ment ; savoir : deux élévations de terre , et trois fossés d'eau.

1h. Lesquels formaient des espèces de cercles dont cet endroit éîaitle centre, afin de le rendre inaccessible aux hommes.

25. Car il n'y avait point encore de navires pour lors , et l'on ignorait l'art de s'en servir.

26. Et comme Dieu , il orna sans peine la place enfermée dans cette enceinte.

27. Il y fit jaillir de dessous terre deux sources d'eau , dont l'une était chaude et l'autre froide.

28. Il y fit aussi produire à la terre des fruits de diffé- rentes espèces et en grande quantité.

29. Et il y éleva cinq couples d' enfans mâles jumeaux qui étaient nés de lui.

30. Alors il divisa toute l'Isle Atlantide en dix parties.

31. Et il donna à l'aîné de ses enfans la demeure mater- nelle avec le canton d'alentour , lequel était le plus grand et le meillenr de tous.

32. Il le nomma Roi des autres , et il appella ceux-ci Ar- chontes.

33. Il donna à chacun d'eux l'empire sur un grand dis- trict et sur un grand nombre d'habitans.

EK TOY KPITIOY. gj

utVTis KUruKtmv tx S-vyrîïç yvvuixos ytmîcruç tv rtvt totts*

18. IIçoç $-ctXuTTVi ftev y xuru pc'etrov vraoyç Trtiïtov w 5 0 £t} ttuvtm 7rtMov xuXXiço , ùptTvj re txuvov ytn&ut XiytTUi.

19. Jlçbç rJ 7Tî£ia) c% ult xurèc pi<rov çuiïlovs coç irtvTKxovra

20. Toureà c% «y tvotxoç rav ixii xuru ccf>%,ctç \x yîfs âvfyav yèyoyôrav y Eù>ïvaç fttvlovvofcci, yvvutx) £\ avvotxav Aivxi7r7rv\.

21. KXura £*e pcovoytvfjî B-uyuripu l^fev^TuS-ijv y vfa J[ tU àvfyos iûf uv yxovcrqç t>)$ xopqç , « fcttrijp nXiuru 0

TTUryp.

22. AùrijÇ ^e tU ïm&ufciuv Tloa-it^m tX&aVy cvppiynuTUt.

23. Ku$ tov yyXoÇov h u xul aixtçut y tfotav tvtpxî) y 7Ttpipp>)yvvo~t xvxXa y BuXurrm yî}$ re huXXu% îXuttovç ftuÇouç re srepi àxXvXwç ffûiav rpo%és ' Mo fàv y y%s 9 S-uXurrqs $\ y rpiîç.

24. Oiov ropvtvm \x fAto-qs rîts v«V» 5r<*yr# Yroy âÇiçarus > usli ecÇurov ùvjpaffois tivut.

25. IlXiuet yup x) rb wXt7v 0V7CCÙ TOT *)V.

26. Aùrôs £e rv» Ti h ft!i<rat v^tov , oïu £% Bios y tvpupas £ïtxo<T/M]Tiv.

27. "fàu-rcf [Àtv ê^trru v7ro y$s uvu wqyeiïet xoc-yvcruç y pàv

Btp/LCOV y "tyv%f0V ^g èK XpWIS OL7roj>pé0y y trtfOV.

28. Tpa^àv $\ vruvlotuv ïxuvqv tx rîjç yîjç ùvuiïic^ês.

2g. HtVTi è\ àppivm îtévtê ytWKo-etç haifins ytvv/jo-ufctvos Ityefym-ù.

30. Keà Ttiv v%<rdv t»v 'AtXmti$cc noio-av , è^ixot, fiift] xu.ruvuy.6ic.

31. TS fjivt Tsrçio£uTUTCjt y tu 'zrporépi» yivcyJivn y tkv ri ftqrpwuit oUqtriv tm xukXû) XÎj^tVy TrXuçqv ^ âplçqv oùcuv â7révst/L&t.

32. BufftXiU, TOÎV OXW XUTtWVt y TÛVÇ $% uXXùVÇy CtpfcOVTUÇ»

33. 'Exuça ^e «p^«y TroXXav âvjpairw 7CoXXt)Ç %upuç tiïtixtv.

7

98 EXTRAITS DU CMTÏA.S.

34. 11 imposa aussi des noms à tous. A l'aîné , c'est-â- dire au chef, il donna un nom , duquel par la suite l'Isle et la mer furent appelées Atlantiques ; car le nom de ce premier Roi était Atlas.

35. A son frère jumeau il donna le nom d'Eumélus , en Grec , mais dans la Langue du pays , Gadirus. Ce frère eut en partage une des extrémités de l'Isle , savoir , celle qui est située vers les Colonnes d'Hercule , et dans la contrée, qui de nos jours est appelée Gadirica d'après le nom de son possesseur.

56. Des seconds jumeaux qui naquirent , il appela le pre- mier Amphérès , et l'autre Eudaemon.

37. Des troisièmes , l'aîné fut appelé JMnéseus , et l'autre eut le nom d'Autochthon.

38. Le premier des quatrièmes eut le nom d'Elasippus , et le second celui de Mestor.

39. Des cinquièmes le premier fut nommé Azaès , et le second Diaprepès.

40. Or, tous ces fils ainsi que leurs descendans ont de- meuré pendant un grand nombre de générations dans ce pays , et ont régné sur beaucoup d'autres isles si- tuées le long de la mer, comme il a déjà été dit , de manière que leur puissance s'étendait sur tous les pays situés entre l'Egypte et la Tyrrhénia.

41. La famille d'Atlas s'acquit pendant long-temps une grande gloire.

42. Le plus ancien régnait et transmettait toujours le royaume à l'aîné de la famille ; et de cette manière ils ont conservé la royauté pendant beaucoup de généra- tions. Ils ont aussi amassé des richesses si grandes , que pas un Prince n'en eut de semblables avant eux, et que probablement aucun n'en aura de pareilles par la suite.

43. Ils avaient à leur disposition toutes les choses néces- saires, qu'on a coutume de fabriquer dans les villes, ou que l'on fait venir des autres pays.

44. Plusieurs choses leur arrivaient au [commencement du dehors ; mais quant à celles qui sont nécessaires à la vie , l'Isle leur en offrait la plupart.

45. D'abord ils avaient en plusieurs endroits de l'Isle toutes les productions des mines , soit solides , soit

EK TOY KPITIOY. qq

34* 'OvôftotTct £\ 7rccrtv éS-éto, fàv rrptoÇvrûrcd kui fiaoia.it lou]® , £% nuira y vîjo-os rort 7rtXuyos \%tv t7F m vf^lav , ' ArXavriKov Xt^jttv y ort rovvojt iv zrpcolca fiucrttevo-uvTt rôrt ArXas.

35. TJ c^\ foiï'uptàl , ju.tr ikÎÎvov rôrt ytvoptiva , tâliv <Te ax.pas rîfs vqirou -zs-pos 'UpanXtlav ryXcûv tiXtj^orty \%t % %s Tuait ptxSis vvv %apus y xur ikuvov rov rortov èvo/xu^opitvvis y 'EXXfjvtçt [&tv Evftqhov , ro c% t7Ti%a>ptov y Tuchtpov. o7rtp uv rw \7rUxww luvrqv ovofca -zrupa%ot.

36. To7v à^t a^tvripotv ytvofcivoiv rov pàv , 'ApQiïpti y rov $\ , Evaui/^ovu ikuXisi.

3j7. Tptrrols 0% , Mvjjc-êes ftkt y rd irporipa ytvofctva y tJ* J"«

^ét ùvrov y Avrofcêovu. 58. TSv à^t rtruprm y ' EXuTtzrzrov fàv y rov vrpolepovy Mtîçopa

à^t , rov vçtpov. 3g. *E7ni r?? 7ri{t7flvis y rd pcsv ip.7ïpo<&iv* AZjtyS ovopct trtêij 9

rcS rf vçipa y Atu7cpt%ns.

40. Oùrot è% %uv\ts y uvrol ri ï>cyovot rovrm y \ni ytvtus 7ru/u7roÀXus ukovv y up%ov]is fàv ttoXXZv uXXùùv navet ro 7ftXuyos vva-œv y tri 0^1 y usietp ^ Trpôrtpov ippfài] 9 pi%pt re Aiyvnlov Tvppyvius rav tvros o~tvpo t7rup%ovlis.

41. "ArXuvlos ^*) 7FoXv fàv uXho ri^ttov ylvtrat yivos,

42. BuriXtvs ai 0 rrptT-Qvruros un tu %ptT%vrurca rav tKyôvav

TTUpU&tfroVS \"7Ct ytViUS 7foXXuS T«V (Za<riXllUV O^lKTOùLoV y TCXovrOV

ftiv KiKTqpiVùi TïX.fyti rorourov 'otos obre 7ra ^pôS-tv èv ^uvetçtiettç li<rt fiao-iXiCûv yïyoni y zn ttoté vçtpov ytvècQ-at pxhoç.

43. KetrtirKtueta-fciva £\ "arâvr» w uvrolç oo-a Iv 7r0h.ii y oaxe kc6tc& rî}V aXXijv %a>pav rcôv -zs-pos xpîjfo'iv Çqrovfiivav tçl*

44* K«< 7Coh.Xct pàv foet Ttiv ètp%*iv etùro7ç "zrpoçyu t%ct)Qtv y tfXuça $\ tj v%<ros etùrols 7rctpu%tT0 ils rus rov /3<» KUruo~Kivuç.

45. Tlçarov fttv 5 orot ino ptruXteUs bpurrô/xtvot çiptu ociu rtjKru ytyovt ro vvv bvopatyfctvov y rort «Te nxiov bvofturov

7-

100 EXTRAITS DU CRÎTIAS.

fusibles , et surtout Forichalque , métal que l'on ne connaît plus aujourd'hui que par le nom, mais qui chez eux était très-connu , très-abondant , et ce qu'il y avait de plus précieux après l'or.

46. Les forêts produisaient abondamment toutes 'sortes de bois de construction.

47. La terre nourrissait une très-grande quantité d'ani- maux tant domestiques que sauvages. Il y avait même un grand nombre d'éléphans.

48. Car tous les animaux , tant ceux qui vivent dans les marais , les lacs et les rivières , que ceux qui habitent les montagnes et les plaines , y trouvaient une ample nourriture, même l'animal le plus grand et le plus vorace.

49. Elle rapportait en outre et nourrissait très-bien tout ce que la terre partout ailleurs produit aujourd'hui d'odoriférant , soit racines , herbes , bois , liqueurs , sucs , fleurs ourfruits.

53. Il y avait également ce fruit doux qu'on fait sécher et qui nous sert d'aliment, de même que ceux que nous mangeons avec le pain et que nous comprenons sous le nom général de légumes , ainsi que ceux que les arbres nous offrent pour nourriture , pour breuvage ou pour oindre; les noix de toute espèce qui , pour être bonnes et agréables , sont difficiles à garder ; les fruits qui servent à exciter l'appétit ou à récréer agréable- ment les malades.

51. Toutes ces choses se trouvaient alors dans cette Isle sainte , belle , merveilleuse et extrêmement abondante.

52. Or, les habitans de cet endroit se servaient de ces productions pour construire des Temples , des Maisons Royales , des Ports, des Chantiers et d'autres établis- semens dans l'ordre suivant. »

53. Ils avaient d'abord un Pont sur les canaux , remplis d'eau de la mer, qui environnaient l'ancienne Capi- tale , pour pouvoir se rendre de dans les bâtimens Royaux.

5£i. Dès le commencement ils avaient construit la rési- dence Royale dans cette ancienne demeure de la Divi- nité et de leurs Ancêtres.

55. Mais dans la suite se succédant les uns aux autres ,

EK TOY KPITIOY. J0I

«V TO ytVOS , tX yî)Ç opVTTOfCiVOV OftÛxuXfCOV X0&TC& T07T0VÇ 7TOXXolf T>)S VKPX > îTAljV #p0<70y Il/MUTCITQV h TOIÇ TOTt OV.

46. K») ov-œ vXf) "zrços rcc Ttxrovuv ^«.leoy^Ara, 7rotpi%tTon ,

7FUVTCt (pèpoVFX Utp&OVOi.

47. Ta re iFiçiTToi ^aici ixctvaç tj/mpcc ^ ccypict TptÇxrct } «Te jc} iXtÇxvTM «v iv ctôry yivos 7rte7<rov.

48. Noftïi yup to7ç re èiXXois Çaots orct xotè' 'tÀt) Xi'fcvctç 7roTctftovç ? <5<r# r ejy x#r opq x^ c<rct iv roiç %%o ioiç vsftercu , Iv^Trtftr* Trctptïv. #AA' «v «as/ touto x#r# t#vt<* rsJ £## ^yV«>

IFttyvXOTt KCil 7ÏQ}wQoû0ûTCt,TCt>.

49* Hpo? lovroiSy eret ivâot) rptÇei 7rov yîj Tctvvv , f5<£5v , « ^Ao^j-, à %vXav y « %vXm y h çotxroùv , em àvêàv y ùrt X0tp7Tûi)V , É^epg laZrcc xot) tytpÇtv tu,

50. Er< J^e r<sv ijfttpov xap7rov 5 rov re %qfbv , c? ^tûv ec« rpoÇ^ç héxct , Kûf< «roi? #«p/v rou crtroy •zrfoç%pa>/MQoi ( xctXovftiv 3% ctvrov tu p&tçq %upt7ruvTU , otztoiu ) «es* rov o^as- %vXtvoç , nopuTU xut fi pu par a, xut ùtel/œftUTU Çepav ttui^ius os hixu xut qoàvîjiç ytyovî ovsfrqo-uvpifoç âxpoopvav Truoïïoç ' cTot, re Trupu/avôiu %M<?poÛç fAtru£o(>7rtu ùyuTrqru xuy*vovTi Itêéfcevu.

51. Tluvru luuru q Tort nori ova-cc Lq>' yjXico vîjroç lipcc. xaXct.

Ti KCtl èuvpctÇU, KO.I TïXvièiTW U7fil^ 'tÇtpe.

52. ToiUros. oùv XctttÇâvovTts Trâyra 'Ttu.^k t%s yfcy xoiTtoTctvctCoi/To rcc re hfa, km) tuç fiam'hixkç oiKqriiç , km t%ç Xiftevctç kui rot viaçtc&y Koi) %vp,7Ttt<roiv t«v «AAjjv ^pesv 5 Totxiït Iv rk%n

OlOt,X.0<jft001)llÇ.

53. Tohç t%s SaXaTrqç rpo^oW 5 ot -zrtçi r»v âp%aîoiv v,<rcM ptilTpÔTroXtv , ^p^rây fàv fyiQvpcûo-M y ciïov \%a xeù \%i tu fiotrttetoi 7rotovf&tvoi.

54. Tcî o^h fioHriXuct tv tuvtvi tu rS &tov xctt rav vrpoyévm

XCtTQlX^TÎt XOtT Ùû^OiS iTÏOlWOtVTQ IvSvÇ.

55. ' EltpOÇ £\ TTC&f ITtÇOV ^iftÔfAiVOÇ , XtXÔFft}] fiiV A XOCT^O^ y

101 EXTRAITS DU CRITIAS.

chacun ajoutait un nouvel embellissement à ceux qu'il avait trouvés , de manière que ce bâtiment devint un prodige de grandeur et de beauté.

56. Car ils avaient creusé un fossé depuis la mer jusqu'à l'enceinte extérieure de la Ville, lequel avait trois plèthres en largeur , cent pieds de profondeur , et cin- quante stades de longueur

57. Au milieu du Château était un Temple consacré à Clito et à Neptune , inaccessible au vulgaire , revêtu d'une couverture d'or , et situé au même endroit , ac- cessible autrefois , les dix Chefs de la famille Royale avaient reçu le jour.

58. ils s'assemblaient aussi tous les ans pour offrir chacun des sacrifices.

59. Ce Temple de Neptune avait un stade en longueur et trois plèthres en largeur ; son élévation était propor- tionnée à cette étendue ; mais sa figure était d'un goût étranger.

60. Toutes les parties extérieures du Temple étaient ar- gentées , excepté les sommets ; ceux-ci étaient cou- verts d'or.

61. Pour ce qui regarde l'intérieur, les voûtes en étaient d'ivoire ciselé, et couvertes d'or, d'argent et d'orichal- que ; le reste , savoir les parois , les colonnes et le pavé étaient revêtus d'orichalque.

62. Us y avaient aussi placé des Statues d'or.

63. Ils y avaient représenté la Divinité , se tenant debout sur un char , attelé de six chevaux ailés , et d'une hau- teur si grande, que la figure louchait à la voûte de l'édifice.

6ft. Al'entour du Dieu il y avait cent Néréides , assises sur des Dauphins. Car alors en croyait que c'était leur nombre.

65. Il y avait en outre plusieurs autres images consacrées par des particuliers.

66. A l'entour de l'édifice au-dehors on avait placé les images des femmes et de tous les Rois descendus des dix Chefs , toutes [fabriquées d'or , ainsi que beaucoup d'autres présens considérables tant des Rois que des particuliers , soit de la Ville même , soit d'ailleurs.

EK TOT KPITIOÏ. iq3

lirtpiÇhx\iTû ùs Mvctfttv àù rov "kp.'xyo&iv , eW iU 'U^Xri%tv fayiS-to-i KctXXîtA t% epyav ïo^uv t\v o'ikvjo-iv Ù7ritpyarxvTo.

56. Aiû>fiv%ct, fttv yup ix. rîfç B-uXârrrjS âp%ô{*tvoç Tpi7rXtèpov

TO 7ïXcCT0Ç , tKOtTOV <J"ê TTO^ûJV fict.§0Ç y [MKOÇ $\ 7TîVTi)X0VTCi ÇOi^liOV , €7?) TOV \%0)T(lTCù TpOfcOV CUVéTOfJO'XV

5^. 'Ev fci<rM pcev hfbv étytov auront rqs re KXutxç km Hoo'Uoûùvoç uÇaTOV âçitro 3 •zrtptooXco %pvo~a> 'zriûiZiÇxqpîvov y tout iv à kcct àpftus eÇuèTov tytvvq<râvTO rav iï'iKot ficto-iXi^aiv ytvoç.

58. "EvB-u. ku) kut Iviuvtov ex %ct,râv tcov a^éxct x4%iaov açoiïot

âvTOO-i CC7T£TiX0VV Uf)C& iXllvUV txkçM,

59. T5 û^î Ho<rii£ûùvoç ctvTii vicùç iv y çafriov f/Àv [Mjxoç , tùpoç J"e,rp«r;7rA£.9-pi5;? iï-fyoç J[ IxiToùroiç vùf&ftèlfM ï^elv' eî^oç èi

71 fiolpÇclptZOV 'iftOVTOÇ.

60. TlâvTct è^e "î%û)S-£v 'Ki^tixn-^'CM tov vtav ùpyùpa , ttXviv tm âxpoTViyiav ' tcc et âxpcoTiiptoi Xfv<rf'

61. Toc $\ hrog ? t\v ptv opotptiv iXityavTivqv làiïv nao-cw %pv<rf fccii âpyvpct) xoti hùU%aXx® 7T£7rotxtX^sv^v * tos os uXXca ttccvtc*

TCOV TOtfcM Ti XO,i XlOVOùV XXI tOXÇoUÇ j hpitftC&Xlt'jp 7TtpleX</.oOV.

62. Xpuc-5 è^e âyâXfictTci eviç^trav,

63. Tov pzv S-ebv t(p' cïpf&ctToç tçaTot ê| v7T07r}iÇûùv 'Imtav r,vio%ov , âvTov b%o piiyîtiùvs Tij xopvtyvi Tiïs ôpoQîjjç ltyct.7rluy.tv09.

64* Nqpijtàcis £z t7ri cïiXtyivw 'éxxtov xùxXa. totxvtus ykp

hôpifyv CCÙTCiÇ 01 TOTi ûvc&i.

65. ïloXXcc d[ hrôs ècXXa âyoiXfMT» ïharm âvu^fAuroi

tvyy.

66. Tlifi o^é rov vtav ï%oôîv iIkÔvîç U7s:kvTUv Ïçutxv îz %pvrùiï y tuv yvvaiKaiv ? zut uÙtm 'ûtoi tcov oacoi tysyôvto'civ ficto-iXîav* x-cct yroXXcc tTipa. âvotSvpoLToi fityaXei tm ti (SatiXîoûv xai iatarm \% xutkç ti tîjs nôxias , xoii tûov \%ahv crav ifftïpxov.

Io4 EXTRAITS DU CRITIAS.

67. Il y avait aussi un Autel (Tune grandeur et d'une structure proportionnées au reste.

68. Les bâtimens Royaux étaient également conformes à la grandeur de l'Empire , et répondaient à la magnifi- cence du Temple.

69. Ils avaient aussi des sources abondantes d'eau chaude et d'eau froide qui ne tarissaient jamais , et qui ser- vaient également à l'agrément et à la santé. Aux envi- rons de ces sources on avait construit des bâtimens et des allées d'arbres pour l'ornement des bains , et on y avait établi des réservoirs pour des bains en plein air, et d'autres sous des toits pour l'hiver.

70. Les bains des Rois étaient séparés de ceux des parti- culiers ; les femmes en avaient aussi de particuliers pour elles , de même que les chevaux et d'autres ani- maux, chacun comme l'ordre l'exigeait.

71. Pour l'écoulement des eaux on avait pratiqué un Canal qui conduisait dans le bois consacré à Neptune. Ce bois était rempli d'arbres de toute espèce , et l'excel- lence du terrain les avait rendus si beaux et si grands, qu'ils offraient quelque chose de divin.

72. De cette eau passait au moyen des aqueducs et des ponts dans les enceintes extérieures, il y avait beau- coup de gymnases pour les hommes et pour les che- vaux , alternativement dans les isles formées par les fossés.

73. Au reste et dans le centre de la plus grande de ces Isles ils avaient construit un Hippodrome de la largeur d'un stade et de la longueur de tout le cercle pour des combats de Cavalerie ; et des deux côtés ils avaient bâti des logemens pour les Gardes du Roi. Mais les plus affîdés de ceux-ci étaient logés dans la plus petite enceinte , et proche du Château , dont la garde leur était confiée

Ih. Nous venons de rapporter de mémoire à peu près tout ce qui avait été dit anciennement concernant la Ville et l'ancienne demeure

75. Maintenant nous allons tâcher de donner également une idée du reste du pays et de son arrangement.

EK TOY KPITIOT. io5

67. Bûùfcoç rt ê^ît %vvi7rôftivoç %v ro ftiytQos xoti ro rns tpyotariets

IctVTV) TJJ KCtTCiTKtUtj.

68. Kcti rot fiatntetoi y xotrct rot etvrot y VFpiffoyrot f&ty tJ* rîjs

"PMS fttytfct y 7rp67T0VTK $% TfiT -STÉff T# «/>* X00JKAT.

69. T#7î ^g JSj xpwotis 9 Tjj row •vf/y^pou x#f t»ï tS Qtpftov vctpotros y tcX^qs fàv ciçfavoy 6%ov<rctts , jj^byjj ^"e x#* ««perjj tSj» v^otray 7rpos txotrtpou r»v %fî<riv èetu^açùv TTiÇuxoros , t^pmro-zs-tpt^o-otyrts olxo$opv<rits xoti Mvfym tyvrivo~its 7rpv7roû<rots v^etrt $il,otf&ivots ri B-tpfteis fttv v7rat6piovç y lois ^t %uptptvcts rois Stppols ùovrpols vTrof'tyovs mpir&ivrts.

70. Xaffs fàvy fictanXtxks , %jajig fày Ihoonxots ' tri è\ yvvctfyv ctXXots y xoti tripots 'iwcts xoti rois kXXois VTrofyyiots 9 ro 'zrpôsÇopov r%s xoo-p{o~ias txctfois etvrovifMvres.

71. To Fe ci7roppiov iyov tiri ro tS TloffU^mos uXtos y oivopet ^s ircUTofebiret xétXXos v^os n hdpAUV» V7rb âptrtïs rZs yïs ï%oyret,

J2. Ka) \m rovs %%cù xvxXovs JV l%irav xetrot *]us yityvpcts tTCOûXfirivov ' ou ^k voXXot pàv Upot xoti ttoAAûjv &tm , tcoXXo) è\ xîj^oi xoti TrohXct yvpyknot txt^upovpysjro y rot fÀv , oivfyw 3 rot è\ y 'iirsrtùv y %apis h txotripot rîj rm rpo^m vjjVw.

J73. Tôt rt etXXet xoti xotrct pttrqv tjjv fcti^eo rm vq<rm itypvjfttvos 'wzr<>fyo[tùç m àtvrols y fot^lov ro irXotros 't%m , ro £\ pîïxos •znpi rov xvxXov oXov âÇtlro ils ctpiXXotv rois 'm'srois. iïopvÇopix») £*t 7ïtp) etôrov tvB-iy rt xoti tv&tv otxq<rus iiroty rJ° TrXtîêtt rm iïopvtyôpm' rois o~t 7riç-or£pots h ru a-^ixporipca rpo^a'xotï is-po THS ctxport'oXias [AotXhov ovri ^itrirotxro y Qpovpu. rois <^« nhvrm iïiotÇepovrt nrpos Triftv y tvros r*is uxpoTFÔMoos nrtpi rovs fistTiXiots àvrovs ito-av olxvats ^tâo/zivctl

^4« *ï*a ptv oùv ctço xoti ro nrtpi rw àp^otloty o'/xyTty y %t^ov as ror ixi%&)) y vvv ^isftvypto'ytvrctt

^5. Tqs c% *tà'4S X,<t>pa>$ as g Çutrts t7%s3 ^st) ro r^s ê'iotxorpwiùiS tiiïbs âftopvtif.toyiuQ-oii nupariov .

lOÔ EXTRAITS DU CR1TIA.S.

76. On rapporte qu'au commencement tout le pays avait été très-élevé et escarpé du côté de la mer. Mais qu'au- tour de la Ville il y avait eu une petite plaine , laquelle était environnée de montagnes qui formaient une pente douce et aisée jusques à la mer.

77. Toute la longueur , d'une extrémité à l'autre, était de trois mille stades ; mais en mesurant du milieu de- puis la mer jusqu'en haut, il y avait deux mille stades.

78. Tout le territoire de l'Isle s'étendait vers le Sud , et du côté du Nord il était bordé par des montagnes. On ajoute que ces montagnes surpassaient toutes celles d'aujourd'hui en quantité , en grandeur et en beauté.

79. Elles étaient couvertes de nombre de villages et d'ha- bitations très-riches. Elles abondaient en rivières , en lacs , en prairies , qui fournissaient une ample nour- riture aux animaux domestiques et sauvages. Il y avait des forêts qui produisaient abondamment toutes les es- pèces de bois propres pour toutes sortes d'ouvrages. De cette manière la surface du pays avait été formée par la nature et disposée par beaucoup de Rois pendant une longue suite de temps.

80. La figure était un quarré assez régulier, mais oblong. Ce qui y manquait était causé parles détours du canal qui y avait étc construit s et dont la profondeur , la lar- geur et la longueur étaient telles qu'on ne pouvait croire qu'il eût été fait de mains d'hommes

81. Pour ce qui regarde les dignités principales , voici l'ordre qui y avait été établi au commencement.

82. Tous les dix Chefs régnaient chacun dans son district et dans sa ville sur ses sujets et selon ses lois , punis- sant même de mort celui qu'il voulait.

83. Celte communauté d'empire entre eux était établie en conséquence d'un ordre précis de Neptune , que la Loi leur imposait. Cette Loi avait été gravée par les premiers sur une colonne d'airain , placée dans le Tem- ple de Neptune , qui était au centre de l'Isle.

8Zu ils s'assemblaient alternativement tous les cinq et les six ans , ayant les mêmes égards pour le nombre pair et impair.

EK TOY KFITIOY. IO7

J76. Uparov fitv oùv à t'otcos unus txiytlo o~Çoûpu rt v-^/yXoç ku)

ùrtôropos \k SuXÛrlvis ' ro £\ %tpi %v 7roXtv ttuv irtfriov 3

Îku'v>]v f&tv zrtpii%ov , uùro è^t iv kvkXco %tpit%optvov optai fti%pt

7rpoç r\v SuXurluv KuS-qpivois , AeTov km opuXts.

J J. nûOfttJKÎç J"S£ %UV , 17FI fa* &u]tpU , Tpt^XloùV ÇU^ldV KUTU

è\ p.io~ov , ùno S-uXarjys uva o^i^iXiav.

78. 'O è^t loftoç oZ%s oXtjs lîfs vjo-ov rrpos vorov \rtrpW7f\o y ù%o Icùv ukûùûv KujuQoppos. ru rrtpi uvrov opq rort vftvtt ro 7rX^êos km (tty&os km kuXXos nupu 7ruvru tu yvv ovru ytyovtvut.

79. IIoXXus (Àtv xttfuts km irXove-Uç niptoUav iv tuvloïs t%ovluy TColupovs a^t y km Xipcvus , km Xttftcovus y IpoÇw lots nuo-lv vjp'ipois km âyptots tKMtjv B-peftfMttv 5 vXyv km ttAj/S-é/ km y'tvtct irotKiXqv , %vft7rein 1t lots tpyots km ttços \kuçu uÇS-ovov. ac^t olv ro vtiïtov Qvo-ii ku) vtfo %u<nXtm noXXûv iv çroXXa Xpôvu £it7rt7rà'v)iT0.

80. Ttrpuyavov piv ùv% wf%p%£y ru TrXtïè opSrbv km zrpo fiqKtf on cfi' htXa7nro kut tvBvs rZ luÇpov kvkXco irtptopv%S-uoys. ro è^t fiufros km %Xuros y y rt [mjkos avrils , uttiç-ov ftiv Xt%$\v ? as %upo7roisiToi tpyov , icpos rois uXXois fociTrovtifActgi rocourov tivui

81. Tu et %v ùp%Zv TtfAM àè* zi%evy i% ùpxfîs è^tUKoerftqS-'evru.

82. Tav o'tKU fiuo~iXtuv lis tKUços h pàv rat ku&' uvroy ptptt Kuru rîiv uôrii 7roX.1v rav ùvfyav km tm nXiiçav viu&iv kpx^y koXû^oùv U7T0K.rivvvç ovliv \S-tXvo~iity.

83. 'H è*i h àXXvXois *fffl km koivuvÎu ku}u lus tiriçoXu? W lus 75 JJotruêayoSy as 0 yopos uhrôis 7rupiè\iKt y km yçu/ttf/.uju v7ro IZv rtçajav iv çqXy yiypuppivu cgu^uXKiy^ , « kuIu fAto-qv Vkv vîjrov tKttro h Upat Uoonia^avosi

84. 0< J"g h' hietvfê veifAttlov y ro ^t \vuXXu\ £k]ou , ovviXiyovIo y ru rt ùpria km tu mpir\u fjJtpos 'îo-ov Ù7rovtftoylts»

I08 EXTRAITS DU CRITIAS.

85. Assemblés , ils délibéraient des affaires publiques , ils s'informaient si quelqu'un avait transgressé la Loi , et ils jugeaient en conséquence.

86. Avant de prononcer , ils se donnaient mutuellement la foi de la manière suivante.

87. Ils lâchaient d'abord des taureaux en liberté dans le Temple de Neptune , et n'y restant qu'eux dix , ils priaient le Dieu d'agréer la victime qu'ils allaient pren- dre sans employer le fer; et alors ils s'emparaient de la victime avec des bâtons et des cordeaux.

88. Quand ils avaient pris un taureau , ils le conduisaient à la pointe de la Colonne , et ils l'immolaient selon qu'il était 'écrit.

89. Or , il y avait sur cette Colonne , outre la Loi susdite, un serment -avec des imprécations contre ceux qui désobéiraient.

90. Après donc avoir immolé , selon leur Loi , et sanc- tifié les membres du taureau , ils remplissaient un vase du sang du taureau, en vers aient une goutte sur chacun d'eux, et après avoir jeté tout le reste au feu , ils net- toyaient la Colonne partout.

91. Ensuite ils puisaient du sang du vase avec des phioles d'or , le jetaient dans le feu , et juraient qu'ils juge- raient selon la Loi écrite sur la Colonne ; qu'ils puni- raient celui qui le premier la transgresserait ; qu'eux- mêmes n'enfreindraient volontairement taucune des lois écrites ; qu'ils n'ordonneraient rien qui fût con- traire à la Loi de leur père , ni n'obéiraient à celui qui leur commanderait de les transgresser.

92. Chacun ayant ainsi fait des imprécations sur soi- même et sur sa famille', buvait de la phiole ; et l'ayant déposée dans le Temple du Dieu , il s'en' allaifensuite pour prendre le repas et vaquer à ses affaires

93. Telle est la puissance qui était alors en ces lieux, et que Dieu , dans un certain ordre par lui établi , a ra- menée] ici de la manière suivante , à ce que l'on dit.

94. Pendant beaucoup de générations , et pendant tout le temps que la nature divine était efficace en eux , ils obéirent aux lois , et ils s'attachèrent sagement à ce qui leur était inné de divin : car ils n'avaient que des pensées vraies et élevées ; et ils se préparaient avec

EK TOY KPITIOY. IO9

85. EvXXtyôpivot «Te, Ts-ifl rt lav xotvav iÇovteuovTO 3 xcti ê§jjt«Çov uns n 'zrtt.çc&Za.lvai , xct) to^ixu^ov.

86. "On è^e hxôt^uv /LiiXXôttv , %Uus àXXqXots rotaçh i£i%<rctv.

87. nponpov ù<p'îrav ovlav Ictùpav ev ra toZ Homo avec iepa> , fcovoi ytyvopîvoi è^ixa ovres y t7rèv%ufitvot tu $ta> xt%ctpio-ptvov àtflcô SùfAx eteîv ètvw <r/<5Yp<jy, %ÙXois xct) fipo%ots tbvpiuov*

88. *Ov a^\ eXottv rav lotvpm y npos rh çfaw "zs-posayuyôvltSy xetrec xopuÇtiv etùrîïs ïa-ty cat] 01/ Kccrci rav ypappctlm.

89. *Ev 0% 7*j «"«jAtj TFfbs lois vopotç opxos t)V , piykxus ctpus WivXop.vios tois Ù7rii3-ovo-tv.

90. c/Or èv xetTct tovs avrm voyous S-uo-œvrtç xc&B-uyi'^ottv ttuvtci T%1oiupou 7<as p.i'kvi y xpoiTÎipos, xtpâ<ravTts , hnip èxâça S-popÇov hî'oaÀXov uiftctjos ' la 6% #AA* ils to Wvp ÏÇtçov y 7rtpixoi6>îpuvTts

TtjV ÇTjAJfV.

91. Mtrcc o^e Titra y ^curais ÇtâXats \x rS xçctTyços ccpvofttvoty

XC&TCC tS TTOpOS O~Sr'lV§0)>TiS iTCQfMVQ-CV) y O^tKUFUV TS XOtTCt TUS

Iv tÎ) f^Aj! vopouç y xet) xoXucruv n uns t\ 'srpolipov Trupct- Çtfôiixas un y to y ctù pctTct txto ftq^h Taov ypupphra» Ixôvles 7eu,ùct,Çii<n<8-(/A ' piquet <x,p%uv y ^0% c£p%ov7t vetot<B-ctt , çtAjjv xetTct tous rS vrctlpos \%ito.t\ovti VOfCOVS.

92. TetuTct 0% l7rtv%oi/&tvos exc&ços ctùrm totorw xect tu oiqf etùrov y'&vît y Trtav y xet) âvctôeis tkv <ptkXi)v ils to Upov rS Seau , irep) to JefWvov xeà Totvctyxcttot o^iirpti^/ev

g3. Trtwrj) o^ïi totcwtw xot) lotctuTyv iïvvctpuv h îxuvois totî ovo~ctv

TOtS T07C0tS 0 B-iOS 17FI TOUS O^è UÙtûVS tÔtTOVS %WTtt%ttS y iXOptO*»

ex Ttvos roicis^i ( as Xoyos ) "zs-çoÇote-ias. 94. 'Eîh 7roXXots piv ytvtctSy pt%pt Tnf h lou B-îou Cutis uvto7s Vzvpxity xetTiixool qcciv rSv vopcûv y xeti 7rfbs to %vyftns $t7ov cv (ptXoQpovas ti%ov. Ict ycep Çpovn'/xctTct ctXqS-tvu xetî

ÏIO EXTRAITS DU CRITIAS.

modestie et avec prudence à tous les événemens de la fortune.

95. En méprisant ainsi tout, excepté la vertu , ils regar- daient les choses présentes comme frivoles. Loin de s'enfler par la possession de l'or, de l'argent et des autres choses précieuses, ils les regardaient plutôt comme un pesant fardeau.

96. ils ne s'enivraient point de l'abondance de ces déli- ces, et ce breuvage ne les rendit ni furieux ni insolens.

97. Mais sobres et prudens , ils remarquaient que toutes ces choses augmentaient chez eux par leur amitié com- mune et leur vertu ; et qu'au contraire , en les recher- chant avec trop d'empressement et trop de passion , et en leur attribuant un trop grand prix, elles dimi- nuaient et se flétrissaient d'elles-mêmes ; que les ad- mirateurs de ces choses périssables périssaient avec elles ; tandis que par la même raison ils eurent en abondance tout ce dont nous venons de parler , tant que la nature divine agissait en eux.

98. Mais la partie divine ayant été opprimée en eux par les passions , elle y devint faible et languissante, l'homme prévalut, et ne pouvant plus supporter leur état présent, ils succombèrent honteusement. Ceux qui voyaient juste observaient alors qu'ils avaient perdu le plus précieux de leurs avantages ; tandis que ceux qui ne connaissaient pas la vie qui conduit à la véri- table félicité, les estimaient plus parfaits et plus heu- reux à mesure qu'ils accumulaient des richesses in- justes et qu'ils augmentaient en pouvoir.

99. Mais Jupiter, le Dieu des dieux, vengeur et gardien des lois par lesquelles il règne sur les hommes , et qui voit tout ce qui se passe , observa la dépravation de ces hommes autrefois si illustres , et voulant leur en faire subir le châtiment , afin de les faire rentrer en eux-mêmes , et les rendre plus modestes , convoqua tous les Dieux dans leur plus magnifique demeure , de laquelle , comme établie dans le milieu de l'univers , il contemple toutes les générations, et les ayant assem- blés

La fin manque.

EK TOY KHTIOY. j \ f

7r*vr>] f&iyxXcc ÎkUt>)vto , -zrpccoT>)Tt fttrcc Çpoviïcrtas -zrpos 7e lus ûet %ufiÇottVi$<rKÇ 7v%uç x.x) zrfoç âXXqXovç %pa>/utvot. C)5. Ato , 7r\yiv âperîïs 7tkv\ot, v7npopmlîç , r/Mx.pct qyouvro tu, 7roi^ôvlei y k»i potà'ias tÇtpov , oiov c&fcêoSy tov tx %pvovv rt

XXI Tù)V OiXXm XTt]/XCtTCt)V oyxov.

q6. *AAA' [A&vovlis l%o TpvtpZs 5 oôe% ùno tS àxpkrov àyJeXvérlovliÇ t<r<ÇiciXXoflo.

97. NvÇovIiç à^s , ô|y xotôtapav oit xott lavlcc, %kv\<*> \x tÎîs ÇiAttis t%$ Kûtvfjiç petiot âptrijS uù^civercit y tjj lovlcov FTFOUOYÎ riï Ttpv\ (pêivet letUTU uÙToty xxxtivq %vvct7rôxXu]</A rouroiç, tx ê^tj Xoyto-fcov Tt rotoùrov xcà tyû<rws S"£<W 'sru.pa^tvo'Jtnjs irecvr àulîjs jjy|j/^ e* ?rp<v ê^oiX&Ofttv.

98. 'Etté; 0^* sj tùu S-tnv pàv {AOipet i%itijXo$ tytyvtro tv uvroiSy •KqXXm ru 3-vqra xai TroXXaxis ccvaxtpeivvufitvij , ra et àvôpa)7rivov qêos t7Ttxpalu y rore hd'ij rct 7rctpôvrct Çtpttv cicïiïvoifiouvTts h%*i- fcovouv y xcà tZ à~uvctfciva êpâsv fàv etîfçpoï xoiTtÇeitvovlo , tcc xkxXtçat, àfto tcûv ' rifAiurct.rm ci7roXXuvlts. tois d^t âdvvc&Touim àXtjSivov irpos tùooiif&ovtoiv fiiov opô&v y rort on paXiçot 7râyx<&- Xot f&xxâpiol tfo%â£ofl$ tivaiy nXtoviïUs àêixov xcti fotwpiaï ifC7ri7rXxfitvot.

9g. Qtos dt 0 &iû)i> Ztvs 5 hvôpotç fia,<riXivuv y ccTt iïvvhptvoç KctQopa&vloiloiciiïToiy ivvovo-oiç yivos \%iux\s oïôXias à'toiTifrt/Lttvov y dixtjv ctvToïç É7ri3-i7vcct (ZûvXvjSiïs y llvet yévotvjo If&ft&xWeàot o-aÇpoviS-évTèÇy ^uvriyitpt S-eoî»? ^âvluç ih tjjv Tifueûrâr^v otùrav o'ifctjo-iv y >} d'il KctTot uirov iretvroç rS xôo-poo /ii^xv7ciy xuôopôé, ■x-oivjet oTct yinTiCùç fAirtiXii^i x») %wuyttpets ûnvi ,

Asiiçet xb tïXoç»

TABLE.

Préface. Page 1

Remarques préliminaires. 9

Section Pre Origine et Chef du Peuple Atlantique. 17 Section II. Expédition des Atlantiques. 31

§. i. Époque du commencement de l'Expédition

des Atlantiques. 32

§. 2. Pays d'où les Atlantiques sont venus. 35

§. 3. Pays occupé par les Atlantiques. 38

§. 4* Colonnes d'Hercule. Ul

Section III. Description du Pays Atlantique. û5

§. l. Étendue de l'Atlantique. û6

§. 2. Frontières de l'Atlantique. U9

§. 3. Villes de l'Atlantique. 56

§. Intérieur du Pays Atlantique , et sa fertilité. 61

Section IV. Religion et Mœurs des Atlantiques. 65

§. i. Temple des Atlantiques. 66

§. 2. Culte des Atlantiques. 70

§. 3. Gouvernement et Mœurs des Atlantiques. 73

Section V. Sort des Atlantiques. 79

Extraits de ce qui reste de Platon au sujet de l'Isle Atlantique , en Grec , avec la Traduction Française , et des Notes. 83

FIN DE LA TABLE.

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Ferra 1. vi

AïLATsTic.i Tabula

LIBRARY OF CONGRESS

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