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_ L'AÉROPHILE

ABONNEMENTS

LA REVUE EST PUBLIÉE EN VOLUME A LA FIN DE CHAQUE ANNÉE

REVUE MENSUELLE ILLUSTREE

L'AÉRONAUTIQUE

et des sciences qui s’y rattachent

Direcreurs : GEORGES BESANÇON et WILFRID DE FONVIELLE js Répacreur EN Cuer : EMMANUEL AIMÉ

Sixième Année 1898 [luséré de 60 figures

PARIS

$ Aux Bureaux de l'AÉROPEHIIIE È 14, RUE DES GRANDES-CARRIÈRES, 14

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L'AEROPHILE

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6e Année. Nos 1-2-3. Janvier-Février-Mars 1898

NOTRE SIXIÈME ANNÉE

En inaugurant la sixième année de notre publication, nous croirions manquer à nos devoirs si nous n’adressions nos remerciements à tous les amis du progrès, qui nous ont soutenus dans notre œuvre.

Nous ne cacherons point que nous n’aurions jamais entrepris une aussi lourde tâche, si nous n'avions comptés à l'avance sur les sympathies que nous avons rencontrées En effet, nous n'avions pas seulement à luttercon- tre la difficulté inhérente à la création de tout organe spécial, qui a la pré-

tention de s’adresser à toutes les classes de la population intelligente, nous devions nous préoccuper, en outre, de la nécessité de nous créer une place à côté d’un journal honorablement connu depuis longtemps, très répandu dans toutes les contrées civilisées, et qui n’avait à nos yeux que le seul tort de trop sacrifier aux considérations théoriques, surtout celles qui sont rela- üves à l’aérostation.

S1 nous sommes parvenus en très peu de temps à nous créer un vérita- ble public, ce n’est pas seulement grâce au bienveillant accueil que nous avons reçu de la part de quelques organes de la Presse politique, tels que le Petit Journal, le Figaro, l'Eclair, la Presse, la Patrie, etc., etc. c’est parce que nous avons été assez heureux pour nous altacher à donner des renseignements sur de grandes expéditions de nature à provoquer l'esprit chevalcresque de nos compatriotes.

Nous avons soutenu de notre mieux celte aventureuse expédition de l’Oernen qui, quoi qu'il arrive, fera époque dans les annales de l'audace humaine, et dont on aurait le plus grand tort de considérer l'échec comme certain.

La découverte de l’or dans le Klondike, habitue forcément les hommes intrépides à se mesurer avec les froids polaires, et l’année 1898 verra s’ac- complir de nouvelles merveilles d’intrépidité et de science qui ne dépasse- ront jamais celles de M. Andrée.

L'entreprise plus modeste des ballons-sondes, dont un des directeurs de l’Aérophile a pris l'initiative, a eu un retentissement et des succès auxquels nous étions loin de nous attendre. Notre but s’est de lui-même agrandi, MM. Besançon et Hermite se sont trouvés en présence des métléorologistes les plus célèbres d'Allemagne et de Russie, soutenus par deux gouverne- ments et disposant du gaz, des ballons et des aéronautes militaires de deux puissants empires.

Les expériences dont nous avons résumé avec soin les principaux résul-

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tats, ont attiré l'attention des physiciens de toute l'Europe centrale, et des académies de Paris, de Berlin et de Saint-Pétersbourg.

Ces précieux résultats ont été acquis grâce à la bienveillance avec laquelle le ministre de l’Instruction publique a introduit un représentant de l’Aérophile dans le Congrès de 4896.

Ils ont élé complétés par les efforts de la Commission internationale présidée par le D' Hergesell, et de la Commission française présidée par M. Bouquet de la Grve. Des physiciens célèbres par leurs découvertes, tels MM. Cailletet et Violle, Muntz, Angot, Teisserenc de Bort, Joseph Jaubert, sont venus mettre à la disposition de l’exploration de la haute atmosphère les ressources de leur génie inventif.

Par un hasard singulier, indépendant de notre volonté, et tenant à un développement nécessaire des expériences entreprises sur la haute atmos- phère, les eftorts faits pour tirer parti d’un arl consacré par le souvenir d’une guerre terrible, ont conduit à des luttes pacifiques soutenues sur de moins sanglants champs de batailles et dans lesquelles chaque nation belligérante développe les qualités particulières à son génie spécial, sans déchaîner sur les adversaires d’épouvantables calamités.

Nous avons été conduit à entretenir nos lecteurs de l’élat de la naviga- tion aérienne en Russie et en Allemagne, et à leur donner des renseigne- ments de nature à aider au développement des recherches M De dans leur sphère la plus élevée, nous dirons même la plus sublime.

Loin de diminuer, l'importance de notre tâche ne fait que de grandir, car le rôle des industries aérostatiques est devenu si grand que le directeur général de l'Exposition de 1900 a formé une classe spéciale de la navigation aérienne dans le comité de laquelle des aéronautes civils et des aéronautes militaires figureront au même titre et sur un pied d'égalité parfaite.

Comme l’a fait remarquer l’illustre Nobel dans un testament aussi remarquable par l'esprit philosophique que par la splendeur des legs, le développement des arts de la guerre ne tend pas, comme on le croit com- munément, à déchaîner plus fréquemment sur des nations civilisées un fléau dont les ravages sont pires que ceux du choléra, de la peste ou d’un trem- blement de terre.

L'invention de la dynamite a plus fait pour le repos du monde que de vagues déclamations dont le seul résultat est trop souvent d’exciter la haine des citoyens les uns contre les autres, et de soulever de ridicules tempêtes.

Il n'existe point de spécialité dans laquelle cette vérité soit plus évidente que dans l’histoire de la navigation aérienne. En tout cas, il n'y a pas de nation dont le territoire soit assez vaste pour qu'il puisse suffire aux expé- riences de navigation aérienne. Quoique l'empire russe ait une superficie quarante fois plus grande que celle du territoire français, les aéronautes de Saint-Pétersbuurg sont quelquefois obligés de descendre en Allemagne. Que de fois les Palo français ne sont-ils point poussés par des courants géné- raux de l’ouest au delà de la frontière de l’est et même de la rive Sanore du Rhin.

L'homme qui, suivant l'expression de Sénèque, voit défiler à ses pieds

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les palais des riches et les chaumières des pauvres, est bien loin de perdre dans le ciel le sentiment de ses devoirs vis à-vis de sa terrestre patrie.

Jamais il ne reculera devant les sinistres opérations militaires dont il sera l’involontaire instrument, si Bellone secoue de nouveau ses torches sur l'Europe.

Mais ces perspectives d'autant moins à redouter qu’elles paraissent plus troublantes, ne sauraient empêcher d'applaudir à tous les efforts savants et courageux qui ont pour but le perfectionnement de la navigation aérienne.

Le véritable aéronaute ne distingue aucune nationalilé particulière dans les chercheurs qui ont pris l'atmosphère pour champ d’études, dont le but final sera utile à la race humaine tout entière. Car il est incontestable que ce n’est pas au détriment de l'esprit de Justice et de Fraternité que la race des fils de Japhet étendra dans les airs la domination qui lui appartient incontestablement sur les mers!

L’atmosphère ne peut faire partie de l'empire d'aucune nation parti- culière au détriment des autres. Quelles que soient les péripéties de l'Histoire, on pourra toujours appliquer aux aéronautes des villes assiégées les admirables vers d'Ovide, que l’on pourrait inscrire sur le beau monument qu'un grand artiste prépare en ce moment en l’honneur des voyageurs aériens du Siège de Paris :

Patet aer ibimus illac Possideat omne, non possidet œthera Minos ! !

La RÉDACTION.

PORTRAITS D’AÉRONAUTES CONTEMPORAINS

Le savant qui a certainement le plus contribué, par son exemple et par ses écrits, à propager l'étude de la navigation aérienne en Allemagne, est un capitaine d’un régiment d'artillerie à pied. D’une famille établie depuis longtemps à Beriin, M. H. Mœdebeck n'était point d'âge à porter les armes lorsqu’éclata la guerre franco-allemande, mais sa jeune imagi- nation avait été frappée du rôle que les ballons du siège de Paris ont joué pendant cette crise . Dès qu'il assista à de grandes manœuvres, il comprit l'importance des services que les ballons captifs sont appelés à rendre dans les combinaisons stratégiques, et il conçut un vif désir de faire partie du détachement aéronautique, dès qu’il ÿy en aurait un d’organisé dans l’armée allemande, à l'instar de celui qui existait déjà dans l’armée française. Pendant le temps qu'il passa dans la garnison de Spandau, ville très forte mais peu récréative, il eut tout le temps de diriger ses études de manière à s'initier aux secrets de l’art qui le séduisait.

En 1882, dès la création de la Société de navigation aérienne de Berlin,

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il fut un des premiers à envoyer son adhésion et sa souscription au comité d'initiative.

En 1883, la présidence de la Société de navigation aérienne de Berlin nomma, pour son président, le capitaine Buckholz, appartenant au corps des chemins de fer. Bientôt après, cet officier fut chargé de donner aux aérostiers militaires une organisation régulière. Quoique le lieutenant Mæœdebeck appartint à une autre arme que la sienne, M. Buckholz accepta immédiatement ses offres et l’inscrivit sur la liste de son personnel.

À celte époque, le gouvernement allemand avait attaché à l’établisse- ment de Tempelhoff un aéronaute civil nommé Oppitz.

C'est ce praticien qui apprit aux officiers du service des ballons, et par

Le Capitaine MŒDEBECK

conséquent à M. Mœdebeck, l’art de construire, de gonfler et de lancer les aérostats.

Mais bientôt l'établissement de Tempelhoff se suffit à lui-même. Tout en réservant à l’industrie privée la fabrication des étoffes caoutchoutées, il fit exécuter toutes les manœuvres par des militaires.

Le lieutenant Mæœdebeck dut donc s’adonner à l’étude detoutes les Inno- vations introduites en Angleterre et surtout en France, car en dehors de leurs tubes de compression pour le transport de l'hydrogène, nos voisins

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n’ont point enrichi l’aéronautique d’un grand nombre d’inventions sé- rieuses.

Le résultat des études du capitaine Mæœdebeck fut consigné dans un ouvrage en deux volumes intitulé Manuel de navigation aérienne et plus particulièrement destiné à l'usage des aéronautes militaires.

On y trouve un grand nombre de détails intéressants sur l’organisation allemande, qui paraît supérieure à la nôtre. En effet, au lieu de se donner le problème d'étendre les connaissances aérostatiques, le gouvernement allemand paraît se préoccuper avant tout de former un nombre restreint, mais suffisant, de bons aéronautes.

On y trouve un sentiment très louable de justice pour les succès obtenus par les ballons du siège, et d'équité pour le rôle joué par les Français dans le développement de la navigation aérienne. Il y règne un esprit d’'émula- tion noble qu'aucun sentiment de jalousie ne vient pervertir.

Nous ne nous attacherons point à énumérer les ascensions exécutées par le lieutenant Mœdebeck, mais nous donnerons la liste de ses ouvrages, dont chacun représente un pas dans l’évolution de sa carrière.

La création de l’arsenal de Tempelhoff avait naturellement diminué l'intérêt des séances de la Société de navigation aérienne. Les nombreux officiers qui en faisaient partie et qui animaient les débats étaient absorbés par leurs expériences personnelles et se considéraient comme trop étroile- ment liés par le secret professionnel.

Pour sauver la société de Berlin d’une décadence presque inévitable, M. Mœdebeck eut l'idée de fusionner la Société de navigation aérienne de Berlin avec celle de Vienne, qui eut plus spécialement la mission de tra- vailler au développement de l'aviation.

La Luftschiffhart servit d’organe spécial aux deux associations. En même temps, M. Mœdebeck introduisit dans la Société de Berlin l’élément météorologique. Ces négociations aboutirent en 1887; elles produisirent une série considérable d’ascensions observées avec soin et dont les résultats sont publiés dans la Luftschiffhart.

Le D' Assmann, de Berlin, fut un des savants qui reproduisirent avec le plus d'entrain cet appel. Les ballons furent conduits par des aéronautes militaires dont les plus célèbres sont le capitaine Gross et M. Berson, qui s’éleva à plus de 9.000 mètres, grâce à l’inhalation de l’oxygène et possède actuellement le record des altitudes.

Ces arrangements coïncidérent avec la fondation de l’Institut météoro- logique de Berlin, dont la direction fut confiée à M. Von Bezold, physicien illustre, qui était depuis longtemps partisan de la grande idée d'employer les ballons à l'étude des phénomènes atmosphériques.

Ces réformes et ces créations avaient été précédées en 1886, par la publication d’une brochure sur l'avenir de la navigation aérienne. Elles furent précisées bien davantage dans un article que M. Mœdebeck écrivit

tot

en-1887 dans le Luftschiffhart sur le rôle que les ballons sont appelés à jouer dans l'étude de l’air, et qu'il signa comme secrétaire de la Société de Navigation aérienne de Berlin.

En 1889, M. Mœdebeck se fit inscrire au nombre des adhérents du Congrés d'aérostation tenu au Trocadéro. Il envoya même sa cotisation mais il eut quelques scrupules et craignant que sa présence ne fut mal interprétée, il préféra s'abstenir.

Mais cette tentative avait été remarquée à Paris et avait produit un effet favorable qui était le complément des idées émises dans l’article de 1887. Elle était inspirée par le même esprit qui a conduit à une convention diplo- matique entre l'Allemagne et la Russie, pour accorder aux aéronautes de chaque nation, le droit d’atterrir sur le territoire de l’autre.

Les expériences de la Commission internationale des ballons-sondes sont tellement dues au développement de la même pensée, qu'il n’est pas éton- nant que M. Mœdebeck m'en ait écrit dès 1887, dans une lettre qu'a publié l'Aérophile et qui a précédé la correspondance entre MM. Assmann et Besançon. C’est donc, en réalité, à M. Mœdebeck que revient l’honneur d'une initiative, qui n'aurait peut-être produit aucun résultat si M. Assmann ne s’en était préoccupé à son tour. Car il ne fallait rien moins que de puis- santes influences pour assurer la coopération de nations, peu habiluées depuis plus d’un quart de siècle, à travailler de concert à une œuvre huma- nitaire et scientifique.

Cette même année, le lieutenant Mœdebeck fut plus heureux que Saint- Simon, qui avait inutilement offert à Mme de Staëi de l’enlever en ballon. Il- fit avec sa jeune épouse une ascension de noces el passa une partie de sa lune de miel dans les airs.

Peu de temps après son retour à terre, il fut promu au grade de capi- taine et envoyé en garnison à Cologne. Son avancement le priva de faire partie de la Conférence météorologique de 1896 fut fondé le Comité international pour l'exploration de la haute atmosphère, mais il contribua indirectement à celte œuvre par la publication de son Vade mecum du navi- gateur aérien, œuvre collective dans laquelle il s’assura le concours de savants célèbres, parmi lesquels figure son ami Lilienthai. La fin tragique de cet intrépide disciple d’Icare, lui occasionna une cruelle douleur, qu'il diminua en consacrant à sa mémoire des pages éloquentes.

Il joua un rôle actif dans la création de la Société aéronautique du Haut- Rhin et des Mittheilungen de cette association, organe qui a su en quelques mois se créer une place distinguée dans la presse aéronautique et provoqua dans celte ville la création d’un organe analogue à celui de la Lufts- chiffhart de Berlin.

Grâce à M. Mœdebeck, l’aérostation possède en Allemagne deux organes spéciaux et quatre sociétés aérostatiques, car à celle de Vienne, de Berlin et de Strasbourg, vient de se joindre celle de Stuttgard.

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C'est en vain que nous chercherons à nous isoler d’un mouvement aussi

actif. Pour conserver notre rang nous devons imiter intelligemment ce zèle.

Tout en gardant les secrets professionnels qui peuvent être utiles à la défense nationale, nous devons livrer à la discussion toutes les idées infi- niment plus nombreuses qui sont susceptibles de se développer par la contreverse, et qui ne peuvent acquérir leur pleine maturité, que sous l’in- fluence d’une discussion et d'expériences publiques. Car la navigation aérienne est un art dont la destination est éminemment pacifique. Heureu- sement ce n’est que par exception qu’on pourra l’employer à la guerre. Les applications dont elle est susceptible, dans ces époques de folie, sont peu de choses auprès des bienfaits que ses progrès assurent à la conquête du globe et de l’atmosphère et par suite à la civilisation et à la science.

WILFRID DE FONVIELLE.

L’EXPÉDITION POLAIRE EN BALLON DE M. S.-A. ANDRÉE PAR NILS EKHOLM, pe STrockHoLM.

On sait que j'avais d’abord l’intention d'accompagner M. Andrée dans cette expédition, dont j'ai guidé l'équipement scientifique. Aussi suis-je parti avec lui en été 1896, pour le Spitzberg, je devais faire l'ascension avec MM. Andrée et Strindberg. Cependant les observations et les études que j'y ai faites m'ont amené peu à peu à la conviction qu'il était nécessaire d'améliorer essentiel- lement plusieurs parties de l’équipement et avant tout d'augmenter considé- rablement Ja force ascensionnelle ou bien l’étanchéité du ballon afin d'assurer le succès de l'expédition. On sait qu’il fallut, à cause des vents défavorables. remettre l'ascension jusqu’à l’année suivante, et nous revinmes en Suède sans avoir pu réaliser notre projet.

En supposant qu'on apporterait remède aux défauts de l'équipement, j'étais prêt à prendre part aussi à l'expédition de l’année suivante. Or, M. Andrée ne partageant point mon opinion sur l'existence de ces défauts, il s'établit entre nous, en automne 1896, un différend, qui m'obligea à me démettre.

Pour amener, si possible, un accord j'ai convenu avec M. Andrée de dis- cuter ce sujet dans la séance du ?6 septembre 189,6 de la Société de physique de Stockholm avec MM. Andrée, Strindberg et les autres membres de cette Société. J'ai ouvert la discussion par une communication sur l'équilibre et le mouvement du ballon polaire d'Andrée, mais ni cette communication ni la dis- cussion qui l’accompagnait n'ont pu aplanir les divergences (1).

(1) Un rapport très incomplet et en partie erroné de cette communication et de la discussion qui la suivait se trouve dans l'Aérophile, 4e année, n°8 11-19, 1896, p. 263 et suivantes. Je ne crois pas nécessaire de corriger ici ces erreurs. Seulement, je veux faire remarquer que je n’ai pas dit que M. Andrée fût l'inventeur du guiderope équilibreur, car j'ai dit expressément que celle invention était due aux Français. Mais J'ai dit que M. Andrée avait inventé l'appareil pour diriger le ballon,

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M. Andrée n'a pas non plus accepté ma proposition de soumettre la ques- tion au tribunal des experts. Il m'a répondu simplement qu'il lui fallait comme chef de l'expédition, se réserver à lui seul le droit de juger sur les moyens pour faire l'expédition et de les arranger.

La confiance parfaite que M. Andrée a eu pour l'équipement actuel du ballon, s'est du reste fait voir lorsqu'il a refusé les offres de deux généreux mécènes, MM. Alfred et Oscar Dickson, de lui fournir tout l'argent nécessaire pour les améliorations pour lesquelles j'insistais. M. Nobel proposa même à M. Andrée de faire construire un nouveau ballon d’un plus grand volume. M. Andrée ne trouva même pas bon le projet d'examiner à Stockholm ou à Paris l'étanchéité et la force ascensionnelle de son ballon en le gonflant dans un hangar ad hoc et en y déterminant la perte d'hydrogène par pesage, pro- position faite non seulement par moi mais aussi par ses autres amis.

Aussitôt que ma démission fut définitive et n'ayant communiqué au public que ce que la curiosité des journalistes m'avait forcé de dire, j'ai cru ne plus devoir rien publier sur ce sujet jusqu’à ce que le sort de l’expédition fût connu.

Mais la direction de la Société d'anthropologie et de géographie de Stoc- kholm m’a demandé, sur la proposition de M. le baron A.-E. Nordenskiold,de faire une communication sur l'expédition d'Andrée, à la séance de 19 norem- bre 1897, et alors j'ai cru ne devoir plus hésiter de dire ce que je savais.

À présent je chercherai à donner aussi aux experts de l'étranger un exposé sur ce sujet, ce qui me semble d'autant plus désirable que la plupart des com- munications faites jusqu'ici sont très défectueuses et même erronées.

I. Le projet primitif de M. Andrée (1)

Après avoir décrit en termes expressifs les grands obstacles que la glace polaire, jointe au froid et aux obscurités de la longue nuit polaire, opposent aux explorateurs des régions arctiques, il parle des moyens jusqu'ici essayés pour les vaincre et il les trouve sans exception insuffisants (2).

Après cela, il propose le ballon comme un nouveau moyen, en établissant les quatre conditions suivantes comme nécessaires etsuffisantes pour employer avec succès ce moyen de transport, et puis il montre que ces conditions sont réalisables.

Le ballon doit avoir une force ascensionnelle assez grande pour porter trois personnes avec tout leur équipement, des instruments, des outils, etc., des vivres pour quatre mois et une provision de lest suffisante, le tout mon- tant à 3.000 kgs.

Le ballon doit être assez étanche pour planer dans l’air pendant 30 jours.

Le ballon doit être gonflé dans les régions polaires.

4o Le ballon doit être dirigeable dans une certaine mesure.

Afin de réaliser la première condition il propose (1. c. p. 62) un ballon de soie double vernie, rempli d'hydrogène pur et d'un volume de 6.000 m. De cette

(1) Ce projet fut communiqué par M. Andrée à l’Académie royale des sciences de Suède à Ja séance du 13 février 1895 et à la Société d'anthropologie et de géographie de Suède à la séance du 15 février de la même année, il a été publié dans le journal de la Société, qui vient d'être nommée, le journal Finer 15° année, Stockholm 1895, p. 55 et suivantes (en suédois).

(2) Alors, dit-il, je fais abstraction du moyen essayé actuellement par M. Nansen, parce qu'on a pas encore le résultat de cette expérience.

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manière il croit aussi pouvoir satisfaire facilement à la deuxième condition, en équilibrant le ballon à l’aide de guide ropes, de sorte qu’il puisse planer à une hauteur moyenne de 250 mètres.

La raison pour laquelle M. Andrée a établi une durée minima de 50 jours pendant laquelle l'aérostat doit planer, est expliquée par lui par les mots sui- vants (1. c. p. 66) : « Si le voyage se continue pendant 30 jours, le chemin par- couru d’après les calculs de la vitesse moyenne du ballon, lesquels viennent d'être faits, sera d'environ 17.400 kilomètres. Or, le voyage à vol d'oiseau du Spitzberg jusqu'au détroit de Behring, soit une distance de 3.700 kilomètres, n’exigera que 6 jours, c’est-à-dire un cinquième de la durée pendant laquelle le ballon peut flotter dans l'air. »

M Andrée a donc établi comme minimum une sûrelé quintuple. C'était en état la condition essentielle, que je n'aurais pas voulu abandonner si j'avais pris part à la seconde expédition.

La vitesse moyenne calculée par M. Andrée avait été trouvée (1. c. p. 65 égale à 7 m. 5 par seconde, c’est-à-dire 27 kilomètres par heure ou 648 kilo- mètres par jour.

La troisième condition n’est pas difficile à réaliser et pour ce qui est de la dernière, M. Andrée rend le ballon dirigeable en y appliquant des voiles et une machine simple pour déplacer le point d'attache du guiderope.

En dernier lieu il propose de gonfler le ballon dans un grand hangar ad hoc afin de le protéger contre la pression du vent pendant le gonflement et après celui-ci jusqu’au départ.

II. Réalisation du projet de M. Andrée.

Le projet qui vient d’être résumé souffre déjà de quelques faiblesses et la sûreté voulue fut en effet encore affaiblie à la réalisation du projet, comme nous le verrons dans ce qui suit.

La première condition établie par M. Andrée n’exige qu'un ballon de 3.000 kgs de force ascensionnelle utilisable ; évidemment cela ne cause pas de difficulté et sera réalisé par un ballon de 6 000 m.° de volume et rempli d'hy- drogène.

Mais la deuxième condition demandant que ce ballon soit tellement étanche pour qu'il puisse flotter dans l’air pendant 30 jours, exigeait unexamen spécial, car une telle étanchéité ne se trouve certainement pas dans les enveloppes des ballons ordinaires.

Pour ce but, M. Andrée a construit un appareil spécial, à l’aide duquel nous avons examiné plusieurs échantillons d’étoffe vernie par rapport à leur imper- méabilité pour le gaz hydrogène. Nous avons trouvé que les étoffes en soie enduites du vernis d'Arnould des fabricants de Paris étaient à peu près absolu- ment imperméables.

C'était pour M. Andrée la solution définitive de cette question. A cause de ce résultat, il décida en novembre 1896 de diminuer le volume de son ballon jusqu à 4.500 m5. Cette décision avait été précédée par une longue discussion entre lui, M. Strindberg et moi, et était prise par M. Andrée malgré beaucoup d’objections faites par nous deux. « L’étanchéité de lenveloppe, répondit-il, s’il n'y avait d’autres pertes de gaz que celle à travers l’étoffe même, serait assez parfaite pour que j'aérostat püt se tenir flottant dans l'air pendant 900 jours, malgré cette diminution du volume. En prenant un volume de 6.000 m.°, il me faudrait emporter une grande quantité de lest dont je n’ai pas

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besoin, et du reste un ballon d’un volume moindre présente trop d'avantages pour la navigation pour qu'on ne doive le préférer. »

Afin de rendre aussi les coutures étanches, M. Andrée voulaitles couvrir par des bandes en soie vernies et collées à l'enveloppe à l’aide de vernis. Alors nous supposions que ce collage devait se faire aussi à l’aide du vernis imperméable d'Arnould. S'ilen avaitété ainsi, l'étanchéité voulue aurait peut-être étéatteinte. Or, M. H. Lachambre, à qui la fabrication était confiée, nous dit qu'il n'était pas possible d'employer ce vernis pour le collage, mais qu'il avaitinventé une méthode de coller les bandes hermétiquement à l'aide d’une espèce de vernis en caoutchouc et cette méthode fut acceptée par M. Andrée sans plus d'examen.

III. Mesure de la force ascensionnelle de l’aérostat et de sa diminution par pénétration pendant l’été 1896.

Aussitôt que le ballon fut achevé au printemps de 1896, les experts à Paris, auxquels M. Andrée avait confié la surveillance du travail, demandèrent avec insistance qu’on gonflât le ballon d'hydrogène d’abord à Paris afin d'en cons- tater l'étanchéité. Or le temps étant déjà très avancé, M. Andrée, après une délibération avec M. Strindberg et moi, décida de ne faire cette constatation qu’au Spitzherg, ce que nous approuvâmes, parce que la qualité excellente des matériaux employés pour la fabrication, ia renommée du fabricant et la rigoureuse surveillance du travail nous faisaient considérer une étanchéité extraordinaire comme étant à peu près certaine. Du reste, on pourrait faire cette constatation au Spitzherge avec la plus grande facilité et précision, puisque le ballon gonflé y devait être placé dans un grand hangar fermé.

Malheureusement M. Andrée n’a pas trouvé utile de faire poser la toiture du hangar, ce qui a rendu très difficile l'examen de l'étanchéité, la partie supérieure du ballon ayant été exposée alternativement au soleil et à l’eau tombée.

Lorsque le ballon fut gonflé, M. Andrée me dit, le 27 juillet 1896, qu'il fau- drait être prêt à partir aussitôt que le vent deviendrait favorable. Maïs je lui rap- pelais ce qui avait été convenu entre nous pour l'examen de l'étanchéité et qu'il faudrait faire cet examen avant de partir. Alors il me confia ce travail, qui cependant devait être fait en peu de jours; du reste, il ne s’en occupa pas lui- même.

Les arrangements étant peu commodes, iln’aurait pas été possible d'obtenir un résultat positif en peu de jours, mais comme le vent favorable ne vint plus cet été, j'eus le temps nécessaire pour ce travail, dans lequel j'étais assisté par M. Strindberg et mon cher ami M. S. Arrhenius, professeur de physique à l'Université de Stockholm, qui nous accompagnait au Spitzberg en qualité d’hydrographe.

Les mesures furent prises depuis le 27 juillet jusqu'au 16 août 1896.

Nous déterminâmes la force ascensionnelle du ballon de la manière sui- vante. Le ballon fut équilibré par des sacs de lest jusqu'à flotter librement, puis on détermina le poids de tous les sacs à l’aide d’une bonne balance à ressort.

Chaque sac pesait 20 à 30 kgs. Il fallut les peser de nouveau chaque fois, parce que leur poids changeait à cause de la pluie ou de la neige et de l’évapo- ration. Une partie des cordes de suspension reposait toujours sur le sol. ce qui causait quelque incertitude, J'ai cherché à diminuer cette cause d'erreur

NT

autant que possible en suspendant toujours les sacs dans les mêmes mailles du filet.

Je donne ei-dessous ces observations. La spécification des remplissages, d'hydrogène faits de temps en temps après le premier gonflement du ballon m'a été fournie, après notre départ du Spitzhberg, par M. Stake, ingénieur civil, qui guidait la fabrication du gaz hydrogène.

Le volume du gaz était calculé par M. Stake d’après la quantité de fer con- sommé, il correspond à 760 millimètres de pression barométrique et à la tem- pérature de zéro. Il est à regretter qu’on n'ait pas apporté un gazomètre, ni cet été, ni le suivant, bien que nous eussions fait cette proposition à M. Andrée.

Le gonflement fut achevé le 27 juillet 1896 dans l’après-midi.

Hydrogène Force en | ascentionnelle mèt. cubes Date et heure totale en introduit Remarques kilogrammes après le gonflement Juillet 27, 11 h. soir 3464 Éclair de soleil, ciel clair, ballon sec.

98, 11 h. soir 3389 Ciel couvert, brouillard.

29/31h a both soir 60

11 k. soir 3214 Ciel couvert, un peu de soleil dans l'après-midi, avant le pesage.

30, 14 h. matin 3301 Éclaircie de soleil, ce jour on a réparé et verni le sommet du ballon.

31, 1 h. matin 3162 Ciel couvert.

Aout 4, 11h. matin à 3 h. soir 120 1, 1 h. soir 3232 Les voiles furent suspendues sur le

ballon et le cercle de suspension fixé à ses cordes.

. 3. 41 h. matin à 4h. soir 240

5, 5 h. à 8 h. soir 120 _

7, 4 h. à 6 h. soir 6u

8, 9 h. à minuit 3236 Ciel couvert, neige et pluie pendant les jours précédents, encore un peu d’eau sur le sommet du ballon.

9, 41 h. soir 3196 Ciel couvert.

10, 10 h. soir 3239 Ciel couvert, un peu de soleil pendant le jour.

19, midi à 3 h. soir 60 En

14, 8 h. à 11h. matin 120 _

16, 41 h. soir 2955 Le ballon dans l'ombre pendant le

jour; au matin neige, au soir soleil ; 30 %? environ du sommet du ballon couvert d’une couche mince de neige pendant le pesage

Il résulte de ce tableau que la perte de force ascensionnelle s’est élevée à 509 kgs pendant 20 jours, bien que 780% d'hydrogène fussent introduits dans le ballon pendant ce temps.

En admettant qu'un mètre cube d'hydrogène correspond à une force ascensionnelle de 1 kg,1 (la valeur théorique étant 1 kg.2?), nous trouvons

0 =

que le volume d'hydrogène introduit correspond à une augmentation de la force ascensionnelle égalant 858 kgs. Par conséquent la perte totale pendant les 20 jours a été de 1.367 kgs ou 68 kgs,3 par jour.

En toute rigueur la perte a été moindre, parce que le vernissage, la sus- pension des voiles, la couche de neige restant sur le ballon le 16 août, et probablement aussi l’état du temps au premier et dernier pesage, ont augmenté la différence de force ascensionnelle. Or pour la moyenne journa- lière ces causes ne peuvent amener qu'une erreur relativement faible. Autant qu'il m'en souvient, le ballon n'était pas moins et peut-être même plus gonflé le 16 août qu'il l'était le 27 juillet, malgré la grande perte de force ascensionnelle. Ce fait ne peut s'expliquer autrement qu’en admettant que non seulement l'hydrogène est sorti du ballon, mais encore que l’air y est entré peu à peu en se mêlant à l'hydrogène.

Il résulte du reste du tableau que la perte de force ascensionnelle pendant les trois premiers jours, c’est-à-dire avant le vernissage nouveau du sommet du ballon, montait jusqu’à 100 kilogs environ par jour (1); pendant ies huit derniers jours (8 au 16 août), par contre, elle ne montait, qu’à 60 kgs.

En cherchant à calculer la perte à l’aide du volume d'hydrogène introduit dans le ballon pendant les 18 jours, depuis le 27 juillet jusqu’au 14 août, on trouve une perte journalière de 43% de gaz, correspondant à une perte de force de 47 kgs, seulement selon la méthode ordinaire de calculer, donc trop peu.

Les résultats donnés ici et que je n'ai calculé définitivement qu'après notre retour, me paraissaient peu satisfaisants. En effet, la provision de lest disponible n'était selon mon calcul que de 1,600 kgs, dont on devait réserver 600 kgs pour le cas il aurait fallut monter, par exemple pour passer une montagne. Dans ce cas le ballon ne pouvait se tenir flottant que pendant 17 jours au lieu des 30 jours promis.

IV. Vitesse moyenne probable du ballon pendant le voyage. Appareil pour le diriger.

Ce n'était pas tout. Il fallait aussi réduire jusqu’à la moitié la vitesse moyenne probable du ballon, admise par M. Andrée dans son premier projet. Par conséquent, afin d'avoir la sûreté quintuple promise, il faudrait avoir un ballon capable de se tenir flottant dans l’air pendant 60 jours (au lieu de 30).

Cette diminution considérable de la vitesse d’abord admise dépendait en premier lieu de ce que le frottement des guide ropes, déterminé par nos expériences pendant l'hiver et l'été 1896, était beaucoup plus grand que celui admis par M. Andrée à son premier calcul, puis aussi de ce que la diminution du volume du ballon de 6.000 jusqu’à 4.500m entrainait une diminution corres- pondante de la hauteur du ballon au-dessus du sol (2).

Or, on sait que la vitesse du vent croit du sol vers le haut, et, par suite, cette diminution de la hauteur du ballon causa une diminution correspondarte de la vitesse moyenne du vent à la hauteur ou devait flotter le ballon, vitesse déjà estimée un peu trop forte par M. Andrée dans le premier projet.

Ajoutons que la température du gaz renfermé dans le ballon sera assujettie

(1) Pendant ces jours on observa assez souvent l'odeur du gaz, et la chemise couvrant le sommet du ballon au-dessus du filet se gonflait d'hydrogène de sorte que le sommet de cette chemise flottait au gré du vent comme un drapeau.

(2) De 250 jusqu’à 180 ou 200 mètres.

à des variations très grandes, même dans les régions polaires. En effet, le gaz sera fortement chauffé par le rayonnement solaire pendant le beau temps, tandis qu'il sera refroidi jusqu'à la température de l'air ambiant et peut-être même un peu au-dessous, pendant le temps couvert, le brouillard et la pluie ou la neige. Cela semble résulter des observations faites par MM. Hermite et Besançon (1), à Paris, car, d’après celles-là, l'excès de la température du gaz sur celle de l'air ambiant montait au soleil jusqu’à plus de 300 c., bien que la hauteur de l’astre n’était pas, à cette époque, plus grande qu'elle l’est pendant les jours de l’été des régions arctiques.

Aussi, afin d’équilibrer les variations de la force ascensionnelle du ballon causées par cette grande variation de température, M. Andrée avait-il appli- qué à l’aérostat un système de trois guide ropes d’un poids total d'environ 1.000 kgs et ayant les longueurs de 370, 320 et 310 mètres, ce qui pourrait équi- librer la variation de force ascensionnelle causée par une variation de 400 c. de la température.

Ce serait trop long de donner ici le calcul de la vitesse moyenne probable de l’aérostat pendant le voyage, fait par moi sur la base des divers faits énu- mérés ci-dessus (2). Ce calcul a donné le résultat, déjà cité, que la vitesse pro- bable ne serait que la moitié de celle trouvée par M. Andrée. D'où je conclus que la durée probable du voyage en ballon depuis le Spitzberg jusqu'à l'atterris- sage dans un pays habité, dans l’Asie ou l'Amérique du Nord, serait d'environ un mois et, en cas de vents défavorables, méme plus encore. En effet, le chemin actuel- lement parcouru par Îe ballon sera au moins deux ou trois fois plus long que le chemin à vol d'oiseau, comme cela résulte d’une étude des cartes synop- tiques du temps.

M. André prétendait, c’est vrai, que ce résultat était trop défavorable et qu’il ne correspondait pas à la réalité, mais je ne puis pas l’admettre, car j'ai fait les calculs d’après des formules généralement admises pour la pression du vent, en employant les coefficients de frottement déterminés par nous- mêmes et en faisant les hypothèses les plus probables sur la vitesse du vent et les variations de la température du gaz du ballon.

Aussi l'expérience a-t-elle déjà confirmé mes calculs, à ce qu’il semble, et comme nous le ferons voir plus loin.

Enfin, l'appareil pour diriger le ballon n’était pas très satisfaisant. En effet, le point d'attache des guide ropes et le centre de la pression résultant du vent sur l’aérostat étaient placés à peu près dans la même verticale, ce qui avait pour effet de rendre l'équilibre indéterminé par rapport à cette verticale. Cela avait été remarqué par M. Strindberg et moi, déjà au printemps de 1896; mais il ne me parut pas que le défaut ait été corrigé peadant l'été de cette année. Il est probable qu'il n'était pas corrigé l’été suivant, car l’aérostat tournait au départ d'un demi-tour, de sorte que le point d'attache des guideropes se pla- çait en avant, ce qui a naturellement dérangé tout l’appareil.

V. Le ballon d’Andrée en été 1897

Pendant l'hiver passé, M. Andrée (3) fit augmenter le volume de son ballon d'environ 300% de la manière suivante. Le ballon fut coupé le long de l’équa-

(1) Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, 10 décembre 1894.

(2) Ce calcul, communiqué à la Société de physique, à Stockholm, le 26 septembre 1896 (voir plus haut), sera publié séparément et 2% exlenso.

(3) Ymer, 1897, p. 168.

MATE

teur et entre les deux demi-sphères ainsi formées fut fixée une zone de soie. ; vernie d’un mètre de largeur. L'augmentation de force ascensionnelle ainsi gagnée est cependant trop petite pour être de valeur pratique.

7 Simultanément, M. Strindberg examina de nouveau l'étanchéité de l’étoffe de l'enveloppe. Il constata que la perméabilité de l’étoffe était tellement petite qu’elle ne pouvait être mesurée. Pour ce qui est de l'étanchéité des coutures, les bandes collées jouent pour elle un rôle important. Si l’on ôtait les bandes, le ballon ne flotterait que peu de jours. Mais même avec les bandes collées, il n'a pas été possible de faire les coutures aussi étanches que l’étoffe elle-même. Afin d'augmenter l’étanchéité des coutures, M. Lachambre a refait le collage de toutes les bandes en les adaptant et les tendant d’après la forme modifiée _du ballon.

M. Andrée chercha, après l’arrivée au Spitzherg, d'augmenter l'étanchéité encore plus de la manière suivante. Le ballon fut gonflé d'air et les bords des bandes couvrant les coutures en dedans furent enduites d'un vernis spécial inventé par M. Lachambre et apporté dans ce but. Cependant ce procédé ne fut employé que pour la partie supérieure du ballon. Cela fut fait au milieu de juin et immédiatement après on gonfla le ballon d'hydrogène.

Dans cet été on n’a fait aucune détermination de la perte de la force ascen- sionnelle par pesage, on n’a cherché à calculer cette perte qu’à l’aide d’éva- luations de la diminution du volume du ballon, et peut-être aussi à l’aide des volumes d'hydrogène introduit après le premier gonflement. Les rapports com- muniqués dans les journaux étaient très variables et indéterminés (entre 40 et 505 par jour). Par conséquent, je me tiens à la spécification suivante que m'a communiqué M. Stake, directeur de la fabrication d'hydrogène, aussi cet été.

Le gonflement était achevé le 22 juin 1897, à 11 heures du soir; mais au 24 juin, M. Andrée fit sortir environ 100% d'hydrogène.

HYDROGÈNE DATE ET HEURE en mètres REMARQUES cubes introduit

Juin 30. midi....... 457 Pendant la nuit du 7 au 8 juillet sévit une JuuleteS HR me 228 tempête violente qui menaça d’arracher le bal- 6, bb umee 187 lon, qui fut lancé plusieurs fois et très violem AR AT Tes 117 ment contre les murs du hangar. 10, 4 h.s... 61

De ces nombres se calculent les valeurs suivantes de la perte journalière d'hydrogène. Perte d'hydrogène

DATES par jour en mètres cubes Duras 0 Une RECENT AT 4 SO0MUITSAU SONNERIE ERREURS 46 0 DAURE JULIE PPT ENEREEER 72 si SAUNA ANRT EUR LES RIRE SU 0 0 JraUuLOMEE ES EC RER RARE PERS MN E 56 9 Ou en résumé .

Du? uin aus iuille RSR 46 8

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En faisant abstraction des variations relativement faibles et de courte durée qui s'expliquent par les variations de la température du gaz, nous voyons que la perte d'hydrogène était beaucoup plus grande (10 m°) pendant les 5 derniers jours que pendant les 12 premiers (47 m°). Il ne semble pas douteux que l’enveloppe a été endommagée par la tempête de la nuit du 7 au 8 juillet.

En comparant le résultat donné ci-dessus avec celui de l’année précédente il paraît incontestable que l’enveloppe du ballon a été détériorée. Pendant l'été 1896, le calcul fait à l’aide des volumes d'hydrogène introduit après le premier gonflement a donné une perte de 43 par jour en moyenne pour 18 jours; pendant l’été 1897 la même méthode de calcul donne une perte de 54 par jour en moyenne pour 17 jours, et en moyenne pour les 5 derniers jours même 70 m°. Selon la méthode de calcul ordinaire la perte de 70 cor- responderait à une perte d'environ 80 kgs de force ascensionnelle. Maïs en ayant égard au fait constaté pendant l'été 1896 qu'une perte de volume de 43 correspondait à une perte de 68 kgs de force ascensionnelle, on trouve qu’à la perte de volume de 70 par jour, correspond une perte de 111 kgs de force ascensionnelle par jour.

Il est probable que la perte pendant le voyage a été encore pius grande, car d’abord le ballon reçut au départ un choc violent contre un poteau, puis la perte sera naturellement augmentée par les ébranlements et la pression du vent.

Pour ce quiest de la force ascensionnelle et de la provision de lest dispo- nible, M. Andrée nous a fourni les indications. suivantes contenues dans une lettre du correspondant de l’Aftonbladet et publiées dans ce journal Île 23 juillet 1897.

« Au juillet on fit un pesage exact du ballon (1). On trouva que l'excès de force ascensionnelle du ballon sur son propre poids, les vivres et le cercle de suspension était de 2583 kgs. Le ballon doit encore élever :

Poids en kilogrammes

ana Cole MERE ne en en noie elite site 259 LE contient de R maealles soc coco oscosmeobecceecee 175 Les trois voyageurs et leurs bagages................. 330 CUITE NO DES PAR NS PE EP EN AR ES TRUE 485 Différentes choses dans le cercle de suspension....... 398

RO TASER Re en 1.647

On peut donc emporter 936 kgs de lest, dont 404 kgs en forme de corde- lest.

Mais on peut aussi au besoin jeter successivement les choses suivantes :

Partie des vivres pour le voyage en ballon ......... 300 kgs RC SAUT TODES ee re men ee 200 des CHÉMMeMCaesLor oc ecoucocdoccoce 200

Vivres et d’autres provisions pour un voyage en traineaux pendant un mois à peu près (2)........ 113

OLA IPN RE ROULE LR ne 813 kgs

(1) Il est beaucoup à regretter qu’on r’eût pas fait un tel pesage au moins deux fois avee un _ intervalle de quelques jours. Dans ce cas nous aurions eu une détermination de la perte de force ascensionnelle faite d’après la même méthode que j'ai employée en été 1896.

(2) IL reste encore des provisions pour un voyage en traîneaux pendant deux mois.

JO

Par conséquent les voyageurs peuvent jeter 1.749 kgs de lest, sans se priver de ce dont ils ont besoin.

Donc s’il n’arrivait pas de perte inattendue, le ballon pourrait porter les voyageurs, une grande partie de leurs vivres et leur autre équipement pen- dant 34 jours environ. Or si l’on réduit ce temps, eu égard aux pertes extra- éventuelles du gaz cause de variations de température, de passages de hauteurs, ete.) à 25 ou 30 jours, la force ascensionnelle actuelle du ballon, autant que les hommes peuvent en juger, doit-être une assez bonne garantie pour la sécurité de nos courageux compatriotes pendant leur voyage aventu- reux.

Dans le calcul qui vient d’être fait, on n’a pas considéré la dernière res- source à laquelle on peut avoir recours en cas d'urgence, à savoir de jeter par-dessus bord les articles de première nécessité jusqu'à la nacelle même. »

Il résulte de ces mots que M. Andrée a compté se tenir flottant pendant 34 jours à l’aide de 1.749 kgs de lest; il a donc calculé une perte de 51 kg 1/2 de force ascensionnelle par jour, ce qui, selon toute probabilité, n’est pas la - perte réelle.

De plus, M. Andrée perdit déjà au départ deux tiers des guideropes, c'est- à-dire 667 kgs, lesquels devaient servir de lest (1). À cause de cela le ballon s'éleva en peu de minutes à une hauteur de 700 ou 800 mètres. Nous pourrons supposer comme le cas le plus favorable pour M. Andrée qu'il ait réussi d’al- longer les guide-ropes tronqués à l’aide des 404 kgs de corde-lest. Dans ce cas la perte se bornerait aux 667 kgs, perdus au départ et il lui resterait encore 1082 kgs, lesquels divisés par 111 kgs donnent à peu près 10 jours pen- dant lesquels le ballon pourrait flotier. En supposant que l’on a eu recours à la dernière ressource, en jetant la nacelle et son contenu, les voiles et presque tout le contenu du cercle de suspension, ce qui pourtant pourrait exposer les voyageurs à de graves dangers, il leur serait peut-être possible de jeter encore 650 kgs et par conséquent faire flotter le ballon encore pendant 6 jours, c’est-à-dire à peu près 16 jours en tout.

Espérons que M. Andrée n’a pas sacrifié les articles de dernière nécessité pour faire flotter le ballon autant qu'il soit possible, car l’aérostat ne parcou- rerait en 16 jours que la moitié du chemin environ à travers la région polaire, et dans ce cas la descente aurait eu lieu à une distance tellement éloignée des endroits l’hivernage était possible, que sans doute, les trois hommes cou- rageux seraient déjà morts de faim, s’ils ont pu supporter le froid de la nuit arctique et la pression des glaces polaires.

Nous ne pouvons espérer le sauvetage d’Andrée et de ses camarades que dans le cas ils soient descendus après quelques jours de voyage (une semaine tout au plus) avant d'avoir consommé ou jeté par-dessus bord la plu- part de leurs provisions et avant d’avoir pénétré trop loin dans le désert arc- tique. L'expédition ne pouvait certainement pas avec ses traîneaux et son bateau traverser plus de deux ou trois degrés de latitude. Par conséquent, s'ils ne sont pas descendus dans une distance plus grande que celle-là de la Terre François-Joseph, nous pouvons espérer qu'ils y hivernent et qu'ils reviendront pendant l’automne prochain.

Mais ce qu'il y a d'inquiétant c’est que le chef de cette expédition n’a

(1) La cause de cette perte était, selon les récits des témoins oculaires, un enroulement vicieux des guideropes, ce qui produisit une forte torsion de ceux-ci aussitôt qu'ils furent

ris Ce fut en vain que les marins lui avaient indiqué la manière correcte d’enrouler les cordes.

17

jamais, semble-t-il, examiné soigneusement la force ascensionnelle et la résistance de son aérostat, et, par conséquent qu'il ne pouvait pas en apprécier le pouvoir. Tous les rapports envoyés par les correspondants du Spitzberg indiquent que MM. Andrée, Strindberg et Frœnkel supposaient tous les trois que le ballon püt flotter environ un mois.

Si cette supposition les à fait tenter de traverser toute la mer glaciale, on doit craindre le pire. Espérons cependant que la perte des guideropes et les autres mésaventures arrivées au départ ont été une exhortation de prudence à ces hommes hardis.

VI. Cause probable de la grande perte de gaz.

Il résulte déjà de ce qui précède que la cause des fuites doit être cherchée dans les coutures. Les expériences faites par M. Strindberg pendant le dernier hiver prouvent pour la seconde fois que l’étoffe vernie était elle-même à peu près absolument imperméable, mais encore que les coutures étaient très

Fig. 1. Partie supérieure du ballon pendant l'examen de l'étanchéité.

étanches tant que les bandes qui les couvraient restaient bien collées. Par contre les coutures sans bandes collées laissaient vite échapper l'hydrogène.

Il n'est pas douteux que cette dernière circonstance a été le point faible de l’aérostat.

Ceci fut démontré jusqu’à l'évidence par une expérience faite par M. Andrée vers la fin de juin 1897 en vue de diminuer les fuites de l'enveloppe. Il avait emporté de grandes toiles blanches qui furent imbibées d'acétate de plomb et étendues sur la partie supérieure du ballon gonflé. il y avait une fuite, la toile fut noircie, parce que l'hydrogène sulfuré mélé à l'hydrogène décomposa l’acétate de plomb en précipitant du plomb sulfuré dans la toile. Alors les places des fuites ainsi découvertes furent enduites de vernis.

2)

Il s'ensuit donc de ce que nous avons dit plus haut que ce procédé n'a apporté aucune utilité sensible Aussi l’a-t-on bientôt interrompu à cause du peu de temps et du peu de vernis dont on disposait. M. Stake qui guidait ce travail m'a dit que la plupart des fuites furent trouvées dans les coutures en 7, c'est-à-dire celles deux coutures se rencontraient perpendiculairement

Il s'ensuit donc que les bandes protectrices se décollèrent facilement à ces endroits. Cela ne doit pas étonner, car la tension superficielle de la partie supérieure du ballon s'élevait à 1 kg,4 par centimètre. une bande aboutissait à une autre il y eut donc facilement un décollage. Et même à d’autres endroits cette forte tension pouvait bien décoller une partie de la bande, car il n’était évidemment pas possible de donner partout exactement la même tension à la bande qu’à l’étoffe à laquelle elle était collée.

Malgré toute sa précision apparente M. Andrée n’a donc rien gagné malgré tous ses efforts, et parce qu’il n’a pas découvert assez à temps les causes du défaut après en avoir trouvé le remède.

_S'il avait fait son expérience avant le départ de la Suède, il en auraïit été autrement; il aurait probablement pu trouver un moyen. Au Spitzberg il ne pouvait même pas dégonfler le ballon pour rendre étanches à l’intérieur les fuites, car il n'avait pas apporté assez de fer et d'acide sulfurique pour gonfler le ballon de nouveau.

Du reste il semble résulter de ce qui précède qu’il eût mieux valut peut- être de ne pas couvrir les coutures de bandes, mais seulement de les enduire soigneusement avec le vernis d’Arnould. A ce que je crois, c’est justement la méthode employée ordinairement par les fabricants de ballons français. De cette manière la perte de force ascensionnelle par jour est réduite, à ce qu’on dit jusqu'à 3/4 pour cent de la force totale. Or pour le ballon d’Andrée au départ cette perte s'élevait à plus de ? pour cent.

VII. Le voyage en ballon pendant les deux premiers jours et les conclusions qu’on en peut tirer (1).

C'était le 11 juillet 1897, à 2 h. 30 m. du soir, que l’Oernen(l’Aigle) partit du port de Virgo (79043’,4 latitude Nord, 10052’,2 à l’est de Greenwich ou 8032/,2 à l’est de Paris). La route était d’abord vers N 140 E, puis à peu près vers N. La vitesse fut évaluée à 44 km par heure. Par conséquent, si le ballon avait continué à se mouvoir de cette manière, il aurait passé le Pôle Nord après 25 heures et le détroit de Behring après 83 heures (3 jours 1/2). Aussi presque tout le monde supposait-il que l'expédition descendrait déjà après quelques jours dans la Sibérie occidentale ou dans l'Alaska.

Ce n’était que le 17 août qu’on recevait la première nouvelle de M. Andrée, mais seulement en forme d'un bruit vague.

À bord du navire de pèche norvégien l’Alken on avait tué un des pigeons voyageurs d'Andrée, lequel emmenait une lettre et un télégramme. Le télé- gramme étail adressé à l’A/ftonbladel et la lettre contenait une demande d'ex- pédier le télégramme, qui po était encore à bord de l’A/ken. Le contenu de ce télégramme était, à ce qu’on disait : « 82 degrès passés. Marche rapide. Rouïe Nord-Est. Andrée ».

Alors on a admis en général que cette lettre n'avait été envoyée que quel- ques heures et tout au plus un demi-jour après le départ de l'Oernen.

(1) Ymer, 17° année 1897, p. 239 et suivantes.

To

Ce fut donc une grande surprise et déception lorsque le télégraphe com- muniqua le vrai contenu de cette dépêche de pigeon le 19 septembre 1897.

Le télésramme expédié parle capitaine du steamer norvégien la Lofoten et imprimé dans l’A/ffonbladet le 16 septembre et y reproduit en fac-similé le 15 octobre avait la teneur suivante : « Le 13 juillet 12 h. 30 m. soir Lat. 8207. Long. 15°5° Est. Marche rapide vers Est 100 Sud. Tout va bien à bord. Ceci est la troisième poste de pigeon. Andrée. » La date était, dit-on, illisible. |

Ce qui fut une surprise, c’est que le ballon ne s'était éloigné du point de départ que de 220 kilomètres pendant presque deux jours et que la route fût E 100 S, quoique le vent au N du Spitzherg ait été sur ouest pendant les jours qui suivirent celui du départ, d’après toutes les nouvelles reçues par les marins naviguant dans ces parages. Tout cela a paru à plusieurs personnes tellement invraisemblable qu’elles ont douté de l'authenticité de la nouvelle. Ce ne fut que le 11 octobre, lorsque l'autographe d’Andrée en original et la capsule avait été renfermée la dépêche avec la circulaire imprimée de l'A ftonbladet furent arrivés à Stockholm et plus encore le 15 octobre lorsque

Fig. 2. Le hangar et le port de la Virgo, vus de PEst.

le pigeon voyageur arriva à Stockholm qu'on ne put plus douter. (Voir les fac-similés de la dépêche d'Andrée et le cliché de la capsule.) (1) La capsule, en parchemin et imbibée de paraffine, était fixée à une des plumes de la queue du pigeon à l’aide des fils liés autour de la capsule. L’extrémité ouverte de la capsule était fermée à l’aide de cire pendant le voyage du pigeon, ce qui rendait l’intérieur de la capsule parfaitement étanche.

(4) La capsule que nous reproduisons n’est pas celle portée par le pigeon tué à bord de l’Alken, c'est un exemplaire conservé par la rédaction de l’Aftonbladet qui a reçu plus tard de l'Hammerfest la capsule véritable, qui avait été coupée au côté en l’ouvrant par le capitaine.

20 -

Le texte imprimé sur la capsule en norvégien, pour être plus facilement compris par les pêcheurs norvégiens naviguant dansles parages du Spitzberg, avait la teneur suivante :

De l'expédition polaire d'Andrée à l'Aftonbladet, Stockholm.

« Ouvrez la capsule au côté et tirez d’elle deux lettres; l’une de celles-là en caractères ordinaires doit être télégraphiée à l’Aftonbladet et l'autre en sté- nographie doit être envoyée par la première poste à ce journal. »

Mais en même temps l'étonnement croissait de ce que la dépêche était si sommaire et le chemin parcouru si court, notamment chez ceux qui, à cause des récits des témoins oculaires, s'étaient fait des notions exagérées de la vitesse du voyage.

Ce sont les circonstances énumérées ci-dessus qui m'ont inspiré l’idée de chercher une explication probable du voyage de l’expédition pendant les pre- miers jours après le départ. En vertu des rapports des vents et des autres éléments météorologiques et de l’état du ballon que nous avons reçus, nous pouvons tirer plusieurs conséquences qui ont beaucoup de probabilité.

D'abord je rappellerai les détails de ce qui arriva lorsque le pigeon fut tué. Il fut tué le 15 juillet au matin à 80044 de latitude Nord et à 20020’ de longitude Est de Greenwich (par conséquent un peu à l'Ouest de l’île de Phipp, la plus grande des sept îles au Nord de l’île Nord-Est du Spitzberg).

Le pigeon venait du Sud en volant dans la direction $S. q. O. de la terre qui était à une distance de 4 milles marins (1 km 4) ou norvégiens (45 km ?) et des- cendit sur la corne de l’A/ken. Aussitôt il cachait la tête sous l’aile. Le capi- taine tira sur lui, il était assis, à la corne. Il tomba mort dans la mer il restait quelque temps jusqu’à ce qu’on soupçonna qu’il fût un des pigeons d'Andrée.Alors on alla le chercher. On ne trouva pas de dépêche sténographi- que et le capitaine assure qu'elle n’a pas pu être perdue en ouvrant la capsule.

Pour ce qui est du régime des vents, le capitaine fait savoir qu'il faisait une brise fraiche du Sud-Ouest durant les quinze jours après Le 15 juillet, pendant lesquels il faisait des croisières au Nord du Spitzberg pour chercher le steamer Express, et il croit que ce vent a soufflé très loin vers le Nord.

11 semble résulter de la dépêche de M. Andrée qu’à midi, le 13 juillet, le vent était O. q. N. à 82° de latitude et 15° de longitude Est de Greenwich, c’est-à-dire à 220 km au Nord du Spitzberg de l’ouest.

D'après les observations (1) faites à bord de la Svensksund, un vent Nord- Ouest modéré soufflait simultanément à l'ile des Danois Il s'ensuit que le pigeon à volé dans la direction du vent jusqu’au Spitzberg du Nord-Est, mais ne trouvant pas de repos et de nourriture, s’est dirigé de nouveau vers la mer.

Pour expliquer le chemin du ballon, nous devons rappeler les observations des vents faites dans le port de la Virgo (île des Danois) les 11, 12 et 13 juillet.

Le 11 juillet : Brise Sud fraiche jusqu’à forte au matin; Sud ou Sud-Ouest modérée au soir :

Le 12 juillet: Vents faibles et variables ou calmes au matin, Sud-Ouest faibles au soir ;

Le 13 juillet : Vent Nord-Ouest modéré au matin, Sud-Ouest d’abord modéré puis frais au soir.

(1) Ges observations ont été imprimées dans un article de M. Celsing, lieutenant à bord de la Soensksund, sur le voyage d’Andrée; Ymer, 17e année 1897, p. 221 et suivantes.

Fig. 3,4 et 5. La zone protectrice qui se trouve placée un peu au-dessous de l'équateur du ballon était au vent lors du « lâchez tout ! ». Ces photographies montrent que Le ballon a accompli un demi tour, de sorte que cette Zone se trouve sous le vent et l'appareil destiné à diriger le ballon est dérangé. On remar-

uera au fond de la dernière photographie, à gauche, l'ile de Voelene au dessus de laquelle l’Oernen est passé à une hauteur d'environ 700 mètres, l'altitude de l'île étant de 400 mè- tres. Plus à droite (Est) on voit le promontoire Nord-Ouest du Spitzberg,

De plus, nous insérons les indications suivantes du régime des vents au Nord du Spitzberg pen- dant le mois de juillet, lesquelles se trouvent dans un télégramme à l'A ftonbladet de Tromsoë le 28 octobre : « Ici, on n’a pas entendu de bruits nouveaux sur l’expédi- tion d’Andrée. Je viens de conférer avec le ca- pitaine, M. E. Johanne- sen, le dernier des ma- rins qui revient de la mer Glaciale. Pendant le mois de juillet, il fai- sait voile dans les para-

ges au Nord du Spitz-

berg. Son journal indi- que le régime suivant des vents: le 11 juillet (jour du départ d’An- drée), Sud-Ouest ; le 12, calme, puis Ouest frais ; le 13, Ouest-Nord-Ouest, puis Sud; le 14, Sud ; le 15, Sud, brise forte; le 16, Sud, frais ; le 17, Ouest, puis Sud; le 18, Ouest fort ; du 19 au 24, Sud et Sud-Ouest; de- puis le 25, assez long- temps Nord ».

Il résulte de ce régime de vent avec une grande probabilité, qu’un cy- clone (une dépression barométrique) a passé de POuest à l'Est au Nord du Spitzberg pen- dant ces trois jours. Sa forme doit avoir déjà été allongée avec l’axe s’é- tendant dans le Nord- Sud. Sa situation proba-

_ ble le 11 et le 13, à midi,

est indiquée par la carte synoptique ci-jointe. Le vent tourne, comme on

DD

le sait, autour du centre, dans le sens opposé des aiguilles d'une montre, em s’inclinant d’un angle de 200 à 400 vers le centre ; dans le centre même et ses environs règnent des calmes ou des vents faibles et variables. Dans le cas actuel, la région des calmes a probablement, comme la dépression même, eu une forme allongée avec l’axe en Nord-Sud, de sorte que le calme a touché aussi la côte Nord du Spitzberg.

A l'inspection de la description des vents et de la carte synoptique cons- truite d’après celle-là, on trouvera qu’au 11 juillet, le centre était situé au Nord-Ouest du Spitzberg de l'Ouest, passait au Nord de cette île le 12 et se trouvait déjà au Nord-Est d'elle le 43.

Le ballon qui, après la perte des deux tiers des guideropes planaïit libre- ment à une hauteur de 700 à 800 mètres suivait exactement la même route que le vent, c’est-à-dire il s’approchait obliquement du centre, il s’arrêta dans les calmes et les vents faibles et variables qui s'y trouvaient probablement déjà après quelques heures. Le chemin alors parcouru vers le Nord ne peut

pas ètre indiqué exactement parce qu'il dépend des dimensions de la dépres-

Fin Andrées Polarexp til Afonblaau, Stockholm

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Fig. 6. Fig. 7. Capsule. Fac-simile de la dépêche d’Andrée.

sion et des conditions météorologiques qui y règnent. Maïs en supposant que la dépression a eu l'extension que fait voir la carte, le ballon devrait s'être arrêté entre le 720 et le 83° de latitude. En effet, il doit avoir descendu jusqu’à la surface terrestre, et par suite, il doit s'être arrêté déjà avant que le vent ne cesse, parce que, ordinairement, le ciel est couvert et il fait de la pluie ou de la neige à l'Est du centre de dépression.

Après s'être ainsi arrêté, le ballon est resté presque immobile jusqu’à ce que la dépression avançant tant vers l'Est il ait été atteint par les vents d'Ouest

eos de

ou de Nord-Ouest qui soufflent du côté ouest de la dépression. Cela doit avoir eu lieu le 13 juillet (1).

Nous pouvons espérer que M Andrée à réussi, pendant ces deux jours, à réparer ses guideropes et son appareil pour diriger le ballon, ce qui est peut-être indiqué par les mots du télégramme : « Tout va bien à bord. »

Dans ce cas, il a probablement réussi à pénétrer assez loin vers le Nord à l’aide du vent Sud qui, selon le journal de M. Johannesen, soufflait au Nord du Spitzberg le 13 juillet au soir, et qui indique qu'une nouvelle dépression s’ap- prochait de ces parages en suivant la première à une distance de quelques centaines de kilomètres.

Mais après quelques heures. le ballon doit s’être arrêté aussi dans le calme central de cette dépression, l’inclinaison des vents vers le centre étant proba- blement plus grande que la déviation produite par l'appareil pour diriger le ballon. De la sorte, la route du ballon a formé une courbe sinueuse, le long de laquelle le ballon s’est mu et est resté immobile alternativement. Il n’est donc pas probable que la vitesse moyenne du déplacement du ballon en ligne droite soit devenue plus grande qu'elle l'était pendant les deux premiers jours, notamment si l’on observe que le vent au départ était très favorable.

En calculant la durée probable de tout le voyage, à partir du Spitzherg jus- qu’au détroit de Behring, d’après la distance parcourue pendant les deux pre- miers jours, on trouve 33 jours, qui s'accordent parfaitement avec la durée calculée plus haut.

J’ai cru et je crois encore qu'il sera possible de faire le voyage à travers le désert arctique par voie aérienne en employant un aérostat convenablement construit. À cet égard, je partage toujours l’avis de M. Andrée que le ballon actuel peut servir pour porter l'explorateur avec sécurité jusqu’au pôle Nord (2) et pour retourner jusqu'aux pays habités.

Si néanmoins je me suis retiré de cette expédition sur laquelle j'avais mis tant d’espéranees, c’est que j'ai découvert peu à peu des défauts de l’équipe- ment de M. Andrée, qui me paraissent fatals.

C'est toujours pour moi une énigme psychologique qu'un homme de la capacité de M. Anürée ait pu commettre de ces erreurs. Si donc son expédi- tion, à cause de ces défauts, ne réussit pas, cela ne prouvera rien contre la possibilité d'exécuter son idée, qui, avec un arrangement convenable, pourra se réaliser. En effet, c’est pour sauver, quoi qu'il en arrive, l’idée de M. Andrée, que j'ai dit, dans ce qui précède, la vérité sur l'expédition de M. Andrée.

Nizs EKHoLM.

Nos lecteurs liront avec intérêt dans la Revue mensuelle du Touring-Club de France (Mars, 1898) : L’Erreur d'Andrée, par notre Rédacteur en chef, Emmanuel Armé.

(4) Un accident de clichage nous oblige à remettre au prochain numéro la publication de la carte synoptique représentant le temps probable lors du départ d’Andrée.

(2) Ymer, 15° année, 1895, p. 57.

DT

Or

L'ASCENSION DU BALASCHOFF

La Commission scientifique d'aérostation de Paris ayant manifesté le désir de faire exécuter une ascension, M. de Balaschoff a fait l’acquisition d'un superbe aérostat de 1.700 mètres cubes, construit dans nos ateliers pour le mettre à la disposition de ses collègues.

D'un autre côté le prince Roland Bonaparte a consenti à faire les frais d’une expédition aérienne, dirigée par M. Hermite et par moi, et dans laquelle nous ferions l'essai d’un appareil de photographie du sol imaginé par M. Cailletet.

M. Pierre pe BALASCHoOrr.

M. Caucerer, de l’Institut. Prince Rozann BONAPaARTE.

Nous donnons le portrait des trois personnages dont le nom se trouve associé à une expérience qui a produit des résultats remarquables, destinés à ouvrir de nouvelles perfections à l’art aérien.

Afin de reconnaître ce nouveau service rendu par M. de Balaschoff à l’aéros- tation, la Commission scientifique a décidé que son nom serait donné au ballon. Nous avouerons que nous avons été fort heureux de cette cir- constance, qui nous a montré que nous ne sommes pas les seuls à apprécier le mérite d’un homme dont la modestie égale les qualités.

L'appareil Caïilletet que nous emportons a été construit, d'après les indica- tions de l'inventeur, par M. Gaumont dans les ateliers du Comptoir central de photographie. Nous ne reviendrons pas sur la description de l’appareil qui a été donnée par M. Cailletet lui-même dans une des séances de l’Académie, devant laquelle il a rendu justice au talent de M. Gaumont.

Nous ne décrirons point davantage l’actinomètre que M. Violle, professeur de physique au Conservatoire des Arts et Métiers et membre de l’Académie des Sciences, a fait placer à la partie supérieure du ballon. Nous renvoyons pour tous ces détails à notre article de l’an dernier, nos 8, 9 et 10. Nous nous con- tenterons de raconter les épisodes du voyage aérien et de mettre les lecteurs z

Mots

RD, =

au courant des réflexions qui se sont présentées à notre esprit pendant le cours de l'expédition.

En d’autres termes il nous reste à donner des renseignements sur la partie purement aéronautique, que beaucoup de savants dédaignent, parce que n'ayant jamais fait d’ascension en ballon, ils ne se rendent pas compte des difficultés avec lesquelles sont faites certaines observations, lorsqu'on néglige de se conformer aux conditions essentielles de toute opération aéronautique bien conduite. Dans cette occasion importante, nous tenons, M. Hermite et

Fig. 2. MM. Here et Besançon dans la nacelle du Ba/aschoff.

moi, à établir bien nettement ce que nous croyons utile de faire pour les recherches dont on ne saurait en quelque sorte exagérer l’importance.

Comme nous l'avons rapporté, il faisait un vent violent lors du départ, exécuté à midi 41 minutes à l'usine à gaz de La Villette. Pour éviter d'être projeté sur les gazomètres nous avons été obligés de nous lancer dans l'air avec une force ascensionnelle considérable, environ 80 kilogr. Le Balaschoff a ainsi quitté la surface de la terre avec une très grande vitesse dont la moyenne a été de 6160 par seconde.

Nous sommes montés d’un bond, en 4 minutes, à la hauteur del,600 mètres.

nn

C'est seulement à 1.000 mètres que notre ballon s’est trouvé plein, de sorte que nous étions partis avec un vide intérieur de plus de 200 mètres.

A 1.000 mètres le gaz est sorti avec impétuosité, il était d’un blanc laiteux produit par la condensation de la vapeur d’eau dont le gaz est saturé. Cet effet est produit par la rapide dilatation et l'on dit que le ballon fume sa pipe.

À ? ou 300 mètres d'altitude, nous avons très bien senti un violent mouve- ment de balancement de droite à gauche, qui a été aperçu de terre et qui nous obligea à nous retenir aux cordages. Ce mouvement était dû, comme dans les lancements de balions-sondes, à l'effet de la pression de l’air sur la partie supérieure de l’aérostat, effet sur lequel nous avons longuement insisté, car il peut amener la rupture de l’enveloppe.

Dès que le ballon fut rempli par l'effet de la dilatation, l'agitation du ballon cessa naturellement.

Il est bon de remarquer que, malgré notre grande vitesse d’ascension, notre ballon fut peu déformé dans sa partie supérieure. Cela tient à la hauteur de la

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* M. Mascarr, de l’Institut.

colonne de gaz qui était de 14 mètres au lieu de 8 dans le ballon-sonde, et qui produisait une résistance bien plus sérieuse à la pression sur l’air.

À partir de 400 mètres seulement, nous nous sommes dégagés d'une brume qui est une des caractéristiques du climat de Paris. car la grande ville possède des conditions météorologiques particulières, comme l’a bien compris M Joseph Jaubert dans l’intéressant ouvrage qu'il vient de publier sur cette question.

Nous n’apercevions le ciel bleu que par intervalles à travers une flotte de cumulus nageant au-dessus de nos têtes.

Ces masses opaques étaient aussi distinctes de l’air dans lequel elles nageaient que des rochers plongés dans les flots de l'Océan.

Lorsque le ballon s’est équilibré, le gaz a repris sa transparence sous l'in- fluence de l'élévation de température intérieure due à l’action du soleil. Nous avons profité de cette transparence pour examiner avec une forte jumelle la soupape de déchirure et le thermographe, et nous avons constaté avec plaisir que tout était en parfait état.

Sur le clapet de déchirure, nous apercevions l'ombre des instruments de M. Violle placés sur la soupape, nous aurions pu les lire si la soupape eût été transparente.

Notre trajectoire était si rapide que nous avons traversé Paris presque.sans

Mo

nous en apercevoir. À midi 45, nous étions au zénith de l’Arc de Triomphe. Dix minutes après, nous passions déjà sur Versailles, à un kilomètre au nord du château. Pendant ce temps-là, sans perdre une seconde, nous avions travaillé à installer au-dehors, contre une des parois de la nacelle, dans une position aussi verticale que possible, l'appareil baro-photographique de M. Cailletet, nous le mettons en fonction régulière à partir de Saint-Cloud. Puis nous déclan-

Fig. 4. Appareil Caizzeter, pour l'inscription photographique des altitudes.

chons le mouvement d’horlogerie de l'appareil à prise d’air et nous filons, à 20 mètres sous la nacelle, l’actinomètre enregistreur de Violle à 1 h. 15 par 2.109 mètres d’altitude; à 1 h. 29, cet appareil marque 2009 centigrades, tempé- rature au thermomètre-fronde + 305, altitude de 2.250 mètres.

Au dessus de nous, le ciel nous paraît d'une pureté remarquable et d’un bleu assez foncé.

En-dessous, verticalement, sous la nacelle, la terre nous apparaît très net- tement, à peine ternie par un très faible voile de brume, ce qui nous permet déjà d'espérer le succès des opérations photographiques. Mais à 15 kilomètres environ de la verticale de la nacelle, la brume devient graduellement si opaque que l’on ne distinguait plus rien. À 1 kilomètre au-dessous de la nacelle planaient de légers nuages dont nous apercevions l’ombre sur la terre.

Plusieurs de ces nuages se sont intercalés au moment l'appareil photo- graphique Cailletet se déclanchait. Mais comme il était par un mouvement d’'horlogerie indépendant de notre volonté nous ne pouvions activer ou retar- der le moment le déclanchement s’opérait. Nous étions seulement prévenus que l'opération s’exécutait par un bruit sec que nous entendions très bien.

Nous donnons le dessin de cet appareil ingénieux dans lequel on a utilisé les deux côtés de la bande de collodion. Cette disposition est fort ingénieuse, mais elle produit une certaine confusion. On voit que le mécanisme ressemble beaucoup à celui d’un cinématographe dont le mouvement serait interrompu entre la prise de chaque cliché. Il est certain qu'avec un véritable cinémato-

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graphe manié avec intelligence on rapporterait à terre assez de clichés pour donner le spectacle d’une ascension à des spectateurs regardant le rouleau de celluloïde se dérouler devant un appareil de projection.

Nous nous demandons si la photographie des instruments est bien néces- saire et si l’on n'arriverait pas à une précision aussi grande à l’aide d’enregis- treurs spéciaux que l'on ferait agir pendant le jeu du cinématographe? N’aurait- on pas avantage à faciliter les moyens qu’aurait l’aéronaute de le mettre en action quand il verrait quelque chose d’intéressant à noter?

Nous nous posions ces questions et beaucoup d’autres pendant la durée d'une expérience dont nous comprenions toute l'importance et dont nous ne voulions à aucun prix compromettre le succès.

N'ayant aucun moyen de nous rendre compte si l'appareil était bien rigou-

Fig. 5. Détails de l'appareil pour l'enregistrement photographique des altitudes.

B, baromètre anéroïde: O, Z, objectifs; D, K, obturateurs; M, H. mouvement d’horlogerie; C, lame plane; L, levier de declanchement; S, pellicule parfai- tement plane; b, c, barillets commandant les obturateurs; d, barillet comman- dant la bobine U: P, tube protégeant l'objectif Z des rayons du soleil.

reusement vertical, nous n'osions pas bouger afin de ne pas faire osciller le ballon.

D'après la manière de voir à laquelle nous sommes arrivés, nous pensons qu’il serait bon que l'opérateur put apercevoir un niveau placé sur l’appareil afin de se rendre compte qu'il est bien vertical avant de lâcher le déclic.

À 2 h. 25 l’actinomètre à boule noircie, filé à 15 mètres au-dessous de la nacelle, donne une moyenne de + 18° centigrades, tandis que le thermomètre- fronde indique + centigrades.

Profitant de cette période de tranquillité relative, nous prenons quelques

190

températures au thermomètre-fronde et nous constatons que ces mesures sont parfaitement d'accord avec celles données par le triple enregistreur disposé dans le panier parasoleil. Nous avons eu une température oscillant entre + ? et + 30 à 2,600 mètres.

En observant ie thermomètre à boule noircie, nous constatons qu'il ne marque que de + 190 à + 21° ce qui nous surprend car il a fait très chaud.

Grâce à la chûte constante du lest, le ballon s'élève et atteint graduellement 2,600 mètres. Mais l'énorme vitesse du vent n’a pas diminué car même à cette hauteur déjà notable, nous nous apercevons que nous filons rapidement.

Nous constatons de même que la tendance du courant aérien est de tourner au nord, cette remarque nous oblige à rester dans les limites inférieures, car avec cette rapidité, nous serions jetés en quelques instants sur les bords de la Manche, quand nous nous serions aperçus de la proximité de la mer, nous n’aurions plus eu le temps d'opérer l’atterrissage.

En nous servant de la boussole et de points de repère pris sur le sol, nous avons constaté que l’aérostat a marché pendant quelques moments vers le Nord-Est, mais ce mouvement rétrograde n’a pas duré et ila repris sa route vers le Sud-Ouest. Je pense que nous avons être pris dans un mouvement tourbillonnaire faisant partie du grand courant qui nous entrainait vers l’Atlan-

Fig. 6. L’ancre a mordu.

tique et que nous avons décrire à un moment donné une sorte de spirale de faible dimension. L'activité que nous avions mis aux différentes observations et à étudier la marche de l'aérostat, nous fit négliger l'observation de la route sur la carte, de sorte que au-delà de Dreux nous nous trouvàmes en quelque sorte égarés pendant quelques instants. Nous avons observé avec une forte jumelle l'horizon brumeux, vers lequel nous avancions rapidement sans rien découvrir de suspect, mais non plus sans deviner nous étions.

Heureusement à 2 h. 45 del’après-midi, nous reconnaissons sur la carte une localité. C'est Belleyme, département de l'Orne, et nous marchons toujours dans le Sud-Ouest.

A partir de ce moment nous ne quittons plus la carte des yeux et nous pointons les différents lieux de notre passage. Notre direction nous fait pres- sentir que nous allons reconnaître Le Mans à 12 kilomètres dans le sud

0

En effet, presqu'immédiatement nous apercevions cette ville dans la brume, à la distance indiquée.

Reconnaissant, à l’aide de notre carte, tous les pays sur lesquels nous glis- sions à quelques milles mètres de hauteur, nous arrivions à déterminer notre vitesse horizontale, nous nous assurons qu'elle varie entre 80 et 120 kilomètres a l'heure La direction. légèrement sinueuse, s'incline dans le Sud-Est. Si nous

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avions l'appareil photographique à notre disposition, nous opérerions des pointages à des endroits que nous choisirions comme autant de jalons.

Nous reconnaissons bientôt Laval. Nous jugeons que, d’après la vitesse énorme avec laquelle nous sommes emportés vers les côtes de l'Océan, il serait très imprudent de chercher à gagner de plus hautes régions, et même de pro-

Fig. 8

longer le voyage. Nous décidons d'opérer l'atterrissage. Nous remarquons, à deux ou trois cents mètres au-dessus de la surface de la terre, que le guiderope s'incline en arrière de l’aérostat, comme s’il traînait sur le sol. C’est un effet curieux à la diminution de vitesse du courant aérien régnant dans les régions nférieures. Bientôt notre cordage touche réellement le sol et nous guideropons avec la vitesse d’un train rapide. L'endroit de l'atterrissage est choisi, l'ancre à double jas mord instantanément et notre nacelle se pose délicatement entre les

le

bras de quelques habitants du pays sans que nous ayons éprouvé le plus léger choc. Nous avons constaté avec plaisir que les instruments enregistreurs avaient bien fonctionnés et étaient intacts.

L'atterrissage a eu lieu à 4 h. 30, au delà de Cossé-le-Vivien (Mayenne), au lieu dit la Ferme des Ligneux.La température dans l’intérieur de l’aérostat a été de + 32 centig. à 1 h. 15 de l'après-midi, c'est-à-dire au voisinage du point culminant atteint par l’aérostat, température extérieure +2°. Cette différence de température est la plus faible de celles que nous avons constaté dans nos diflé- rentes ascensions. [Il est bon de noter que la couleur de l’aérostat était blanche, tandis que dans nos précédentes ascensions la couleur de l'enveloppe était plus foncée. En disposant un thermomètre dans l’intérieur de l’aérostat. on a un acti- nomètre excellent dont il serait possible de tirer un grand parti, car on peut connaître à chaque instant la masse de gaz que contient le ballon, évaluer la température de l’air extérieur, l'intensité du froid produit par la dilatation s'il monte, et celle de la chaleur résultant de la contraction s’il descend. On pourrait évaluer avec la même précision le gaz que l’on expulse, le lest que l’on sacrifie, l’état hygrométrique et la température de l’air extérieur. Nous nous demandons par suite de quels raisonnements on arrive à croire que l’on peut imaginer un appareil susceptible de produire des résultats plus précis!

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Fig. 9.

C’est, du reste, avec cette intention que nous avons placé dans l’intérieur de nos ballons-scnces un thermomètre dont les indications seront plus tard utili- sées. Si nous n’avons pas cherché déjà à le faire, c’est que nous considérions toutes nos opérations comme préliminaires et que nous ne pensions pas qu'on leur ferait l'honneur de les discuter comme on le fera, sans doute, à la confé- rence de Strasbourg.

Les diagrammes que nous publions sont excellents pour une ascension or- dinaire. Ils n’ont qu’un défaut, c’est que leur échelle est trop petite pour les opérations de haute précision comme celles qui seront nécessaires pour vérifier la loi des hauteurs barométriques de Laplace.

Georges BESANÇON.

Une partie des clichés qui illustrent cet article a été mise à noure disposition par notre excellent confrère la Revue Illustrée.

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00 2e

EXPLORATION DE LA HAUTE ATMOSPHÈRE CONFÉRENCE DE STRASBOURG

A la suite de longues et laborieuses négociations, la Commission interna- tionale aéronautique a choisi Strasbourg pour la réunion d’une conférence sur l'exploration de la haute atmosphère.

Les séances commenceront le jeudi 31 mars, à 10 heures du matin, dans la grande salle du Bezirks Præsidium Kochstaden.

Les différentes Commissions de Strasbourg, de Paris, de Pétersbourg et de Berlin présenteront un rapport spécial sur les opérations qui ont eu lieu dans ces différentes villes. M. Hermite ayant été obligé, par l'état de sa santé, à passer l'hiver à Nice, M. Teisserenc de Bort a été chargé de rendre compte de celles du Comité de Paris. Elles comprendront, en outre, les ascensions du Balaschoff pour la prise de clichés aériens par le procédé Cailletet avecles appa- reils photographiques construits par M. Gaumont, directeur du Comptoir général.

M. Besançon présentera à la Commission un mémoire sur les améliorations qu'il propose d'introduire dans le lancer des aérophiles, l’arrimage des instru- ments. etc.. etc.

M. W. de Fonvielle a rédigé un mémoire sur les progrès de la théorie du mirage dus aux ascensions aérostatiques en général et aux expériences de bal- lons-sondes en particulier.

Cette étude est établie non seulement à l’occasion de la convocation de la conférence de Strasbourg, mais en considération du centenaire de l'expédition d'Égypte Monge a découvert la théorie du mirage dans les circonstances que personne n'a oubliées.

Il est bon de rappeler que cette expédition mémorable fut avant tout une croisade scientifique donl les résultats ont été des plus glorieux. C’est, du reste, ce que M. Berthelot se propose de faire au mois d’août à l’occasion du centenaire de la fondation de l’Institut d'Égypte.

M. Violle a rédigé un mémoire relatif à l’actinométrie et aux expériences faites dans la première ascension du Balaschoff.

M. Rotch, directeur à l'Observatoire de Blue-Hill, a déjà envoyé un long mémoire rédigé à l'Observatoire qu'il dirige et exposant le détail des observa- tions prises à l’aide des cerfs-volants météorologiques dont il fait un usage constant. Il présentera des conclusions sur les avantages inhérents à ce genre d'observations.

Les expériences d’un cerf-volant météorologique construit par M. Reidinger seront dirigées par MM. le capitaine Mœdebeck et le D' Hergesell à l’occasion de cette communication.

On fera également fonctionner le ballon cerf-volant inventé par MM. Von Perseval et Siegfeld, et que nous avons déjà décrit.

Parmi les communications qui seront faites nous signalerons celle de M. Stelling de l'Observatoire central de Pulkowa.

M. Stelling a présenté à l'Académie des sciences de Pétersbourg un travail très intéressant et fort étendu qui peut être considéré comme résumant ses opinions et qui a été écrit à propos de l'expérience du 13 mai 1897. dont nous parlons dans une autre partie de ce numéro.

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La situation atmosphérique était très troublée surtout à Paris elle n’a pas permis à MM. Hermite et Besançon de lancer de ballon-sonde.

L'auteur propose pour le calcul des températures une nouvelle formule dans laquelle entrent deux cœfficients numériques pour déterminer la valeur de la conversion qu'il faut retrancher de la valeur de la température indiquée par le thermomètre enregistreur pour obtenir la température vraie de l’air. Il a effectué ces déterminations d'après les mesures directes prises sur l’instru- ment enregistreur, et dans cette détermination il a employé la méthode des moindres carrés.

Il se range de plus à une opinion émise par M. Mendelesieff, illustre chimiste qui est une des gloires de l’Académie de St-Pétersbourg.

D’après des considérations abstraites exposées déjà en 1889, M. Mendelesieff est arrivée à l’idée que le rapport de la diminution de la température de l’air à la diminution de la pression atmosphérique, doit avoir une valeur constante. Cette loi est remarquable à plusieurs points de vue.

En effet, c’est la première fois qu’un savant arrive à une formule dans laquelle on ne fait point intervenir la distance de la terre, mais seulement la masse de l’air qui sépare le ballon-sonde du milieu céleste qu'on nomme vul- gairement le vide planétaire.

C’est précisément à des mesures de ce genre, c’est-à-dire à des fractions d'atmosphère que nous proposons de ramener les indications recueillies par les ballons-sondes. Le calcul des altitudes, supposant des connaissances phy- siques que nous ne possédons point encore et qui sont probablement super- flues pour arriver à la mesure de la température du vide planétaire, un des chiffres les plus utiles dont il y ait lieu de se préoccuper dans une des recher- ches de haute physique.

Les conclusions du beau travail de M. Stelling sont très remarquables. Il se rattache à l’idée que nous avons encore de lancer simultanément de chaque sta- tion plusieurs ballons-sondes de différents formats, de manière à comparer les températures enregistrées, par les divers appareils, et de les faire accompa- gner par une ascension libre exécutée à grande altitude. C’est uniquement en opérant de la sorte, que l’on découvrit les valeurs, vraie correction à introduire - pour remonter des températures enregistrées, aux températures réelles.

À notre sens, les ascensions internationales n’ont point été assez nombreuses et assez universellement réunies pour que les conclusions que l’on en peut tirer ne soient pas prématurées.

M. le général Rykatcheff fait construire un laboratoire pour la ne on des instruments enregistreurs. c’est une excellente mesure. Il serait à désirer que M. le comte de La Baume Pluvinel, qui a bien voulu vérifier les enregistreurs dont on s'est servi, possède le détail des opérations auxquelles il s’est livré, et des améliorations dont il croit son installation très capable.

M. Stelling propose aussi d'accompagner les ascensions internationales de celle d’un ballon captif ou d’un cerf-volant s’élevant à 1.000 mètres.

Nous croyons cette précaution superflue, les événements météorologiques qui s’accomplirent près de la surface de la terre, étant trop complètement placés sous l'influence des circonstances locales pour être d’un grand service dans l’appréciation de la situation météorologique.

Il est probable que ces différentes propositions seront prises en très sérieuse considération.

A. CLÉRY.

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Séance de la Commission scientifique d'Aérostation de Paris

Lundi 21 septembre, la Commission scientifique d’aérostation de Paris a tenu sous la présidence de M. Bouquet de la Grye une importante séance sur laquelle nous devons nous expliquer.

Elle a appris que la conférence internationale de Strasbourg assistera à la vérification des enregistreurs de la chaleur jusqu’à des températures de deux cents degrés centigrades au-dessous de zéro obtenues à l’aide d’un Jet d’air liquide préparé d’après un nouvel appareil imaginé par M. Linde. Ce système très économique est basé sur l’utilisation du froid que l’air con- densé à 200 atmosphères produit en revenant à une pression moindre. C’est une application du système de production industrielle du froid marqué par Paul Giffard le frère de l’illustre inventeur de l’injecteur.

Elle a assisté à la lecture d’un très remarquable mémoire de M. Teisserenc de Bort, directeur de l'observatoire de Trappes, sur les améliorations dont il croit l'équipement des ballons-sondes susceptibles et sur les expériences photographiques de M. Cailletet pour vérifier la loi des hauteurs baromé- triques dite de Laplace.

S'il avait eu connaissance d’un mémoire présenté à l’Académie des Sciences dans la séance du 14 mars, M. de Fonvielle aurait présenté les considérations suivantes à propos de ce beau travail dont les conséquences seront si importantes.

Le savant physicien ne se propose nullement de contrôler l'application de formules mathématiques aussi inébranlables que les autres établies par l’auteur de la mécanique céleste dans le livre célèbre que l’on a appelé le Code des lois du Ciel, son but est celui que l’illustre Le Verrier a développé dès 1869 lorsqu'il présidait à la Sorbonne le congrès des Sociétés savantes. Il se propose uniquement de déterminer si les hypothèses que l’on fait pour appliquer ces formules sont acceptables sans introduire dans le résul- tat des calculs des erreurs prodigieuses. Ainsi, l’on suppose pour déter- miner les altitudes atteintes par les aéronautes que l’océan atmosphérique est dans un état de repos complet. Cette hypothèse était exacte et admis- sible en 1869 dans l’ascension que MM. de Fonvielle et Tissandier ont éxé- . cutée à l’aide du ballon l’Union dirigé par Gabriel Mangin. Mais elle cessait de l’être au mois de novembre 1897 lorsque MM. Hermite et Besançon ontrecueilli dans leur ascension du Balaschofÿ les clichés photographiques horizontaux recueillis à l’aide de l'appareil Cailletet. En effet dans la première de ces expériences aérostatiques le ballon est resté visible pendant 2 heures sans interruption; l'ascension commencée à l’usine de la Villette s’est terminée dans l’intérieur du cimetière de Clichy. M. Albert Tissandier n’a pas eu de peine à arriver à la descente en marchant très lentement et en l'arrêtant fréquemment. L'hypothèse fondamentale nécessaire par l'application de la formule de Laplace était complètement réalisée.

Lors de l'expérience la plus récente, il en était tout autrement, le ballon

on

filait avec une vitesse qui variait de 60 à 80 kilomètres à l’heure et même au-delà. Il serait intéressant de savoir si un courant de cette importance n'introduit pas une différence notable dans la valeur de la pression baro- mètrique ? Est ce que cette pression baromètrique ressent bien alors tout le poids des molécules d’air qui se superposent jusqu'aux limites de l’atmos- phère ? En sera-t-il de même dans les grandes tempêtes comme celle qui règnait lorsque le Céleste a fait quelques années plus tard, en 35 minutes, le trajet de Paris à Neuilly Saint-Front dont la distance est de plus de 110 kilomètres? Quelle est la part qui revient aux courants aériens dans ces variations baromètriques qui, comme M. Joseph Jaubert nous l’apprend dans l'intéressant volume qu'il vient de publier sur la Climatologie de la région de Paris, variait de 720 millimètres jusqu’à 780? Est il raisonnable de croire que près d'un dixième de la masse de l'air pourra être ainsi supprimée.

L'étude de ces variations constitue pour ainsi dire le secret de la météo- rologie c’est parce que le génie de Le Verrier l'avait deviné qu'il avait pris hautement l'initiative de cet ordre de recherches.

C’est ainsi comprise que la vérification de la loi des hauteurs baromè- triques doit êlre faite en employant le concours de la photographie, mais il est clair, qu’elle doit d’abord être traitée et étudiée dans des ascensions montées avant qu'on ne charge les ballons-sondes des appareils nécessaires pour l’exécuter en hautes régions Les indications que l on recueillera ainsi n'auraient que l’avantage, déjà immense de servir de point de repère pour les autres indications. |

MM. de Fonvielle et Besançon tâcheront de faire prévaloir à Strasbourg, la méthode recommandée par l’illustre chimiste Renée Mendelesieff, qui engage à ne pas s'occuper de l'altitude réelle des observations, mais de ne tenir compte que de la valeur de la pression barométrique répondant aux différentes températures enregistrées. Cette première simplification sera un grand bienfait dans des questions si compliquées.

Toutefois, il restera encore à savoir si la pression donne bien la mesure du poids de la colonne d'air, qui sépare l'enregistreur des limites de l’at- mosphère? Cette hypothèse à laquelle on est obligé de se rattacher n'est- elle pas troublée non seulement par des vents impétueux des hautes régions et par des attractions ou des répulseurs électriques? Ce sont des questions dont nous ne pouvons qu'indiquer l'existence dans l'impossibilité nous trouvons de les résoudre.

Il ne faut pas oublier, que les ballons-sondes apportent les procédés et les instruments de la science dans un milieu parfaitement inconnu.

Nous ne sommes donc pas de l'avis des savants à imagination trop vive, qui, ne craignant pas de compliquer des opérations dont le seul défaut n'est pas d’être trop complexe de leur nature, multiplieraient les instruments, ne reculant pas devant des sacs de délestage, les agitateurs pour remuer l’air, les accumulateurs pour photographier les instruments pendant la nuit, les chaufferettes à acétate de soude pour défendre les mécanismes contre un froid trop rigoureux, et finiraient par constituer des ballons sondes telle-

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ment savants, que l’on aurait avantage à avoir recours à la cage danslaquelle on voulait renfermer les opérateurs dans les premiers projets d'exploration des hautes régions.

Le 31 mars 1898 est à un jour près le centenaire du départ de l'Expé- dition d'Egypte, du port de Toulon, le but de ce grand armement était aussi bien scientifique que militaire pour que Napoléon Bonaparte qui était à la tête signât ses proclamations : le membre de l’Institut, général en chef de l’armée d'Italie. C’est au cours de cette expédition que lillustre Monge a découvert la théorie du mirage. Cette circonstance lui a donnée l’idée d'étudier les développements que la théorie des mirages a reçu par suite des ascensions en ballon et surtout des expériences de ballons- sondes. C’est la matière d’un mémoire qui sera sans doute mis sous les yeux

de la conférence de Strasbourg. W. Monnior.

ASCENSIONS INTERNATIONALES

POUR L'EXPLORATION DE LA HAUTE ATMOSPHÈRE Expériences du 13 mai 1897

Dans le numéro de juin-juillet 1897, nous avons donné le récit général des ascensions exécutées à Pétersbourg, àBerlin, à Strasbourg et à Paris, mais il est intéressant de revenir sur la participation de la France, car on n’a pas lancé moins de 3 Aérophiles, qui tous trois ont été recueillis.

Notre figure I donne la carte des trois ascensions qui montre que les

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Fig. 1. Carte des voyages des 3 Aérophiles, 13 mai 1897.

vents du nord ont soufflé dans toute la région, mais avec une composante ouest d'autant plus marquée que le ballon s'élevait plus haut.

Cette fois encore les longueurs des trajectoires ont varié dans le même sens que les altitudes des hauteurs maxima observées.

Nous appellerons surtout l’attention sur les résultats obtenus par le petit aérophile du cube de 40 mètres qui était lancé pour la première fois. Il parvenait à 6,600 mètres, altitude inespérée et rapportait un diagramme ayant une parfaite netteté.

L'on n’a jamais obtenu rien de plus parfait ni de plus régulier avec les

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enregistreurs des observatoires permanents, Malheureusement le cylindre de l'appareil s’est arrêté au bout d’une heure de voyage, c’est-à-dire peu de temps après que le ballon a atteint son point culminant.

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Fig. 2. Diagrammes du ballon-sonde 4, 40 ®.

La décroissance thermométrique est d'environ 40° centigrades, soit de

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par 140 mètres, ce qui n’a rien d’excessif. La forme de la courbe semble indiquer que la vitesse du refroidissement avec l'altitude allait en dimi- nuant à partir de 5,000 mètres. Cette circonstance peut s'expliquer de diffé- rentes manières, car le ballon de 40 mètres ne s’est point élevé au-dessus de la zone ou des irrégularités très considérables peuvent parfois se faire sentir. Quant à l'hygromètre, sa marche doit donner lieu à quelques obser- vations : au-dessus de 6,000 mètres, par un froid de près de 30" centigrades, il marque environ 30 0/0 le point de saturation étant 100. Mais le point de

à Re saturation indiqué par les tables étant de 10 de millimètres de mercure, la

1 : tension réelle de la vapeur d’eau aurait été de [000 de la pression atmos-

phérique, N’est-il point absurde de supposer que des instruments puissent

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Fig. 3. Courbe thermométrique de l’Aérophile 2, 180".

accuser ces infiniments petits. Il est bon d’en tirer une conclusion non con- tre l’'hygromètre de l’ascension du 13 mai, mais contre l'emploi d'un hygro- - mètre quelconque, quand le thermomètre indique que l’eau est gelée.

La figure 3 indique la courbe des températures pour le thermomètre du ballon en baudruche de 180 mètres cubes, qui était surchargé du poids de l'appareil Cailletet à prise d’air. Il marque une température d'environ 52° au-dessous de zéro. La décroissance est done de 62°. Si on suppose une moyenne de un degré par 140 mètres on arrive à une altitude de 8,400 mètres.

La figure 4 donne les diagrammes de l’Aérophile qui a atlerri en Italie en traversant les Alpes. Le thermomètre a indiqué une température inté- rieure de 30° centigrades au-dessus de zéro pour une altitude de 16,000

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treur n'ayant pas marché.

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TOURISME AÉRIEN

Sous ce titre, la Revue du Touring-Club, dans son numéro de mars, publie la note suivante :

A diverses reprises, des sociétaires nous ont manifesté leur désir de prendre part aux ascensions qu'organisent, à l’'Usine à gaz de la Villlette, notre distingué camarade, M. Besançon, directeur de l Re cent d'Aérostation, et d’autres aéronautes expérimentés.

Pour répondre à ce vœu, nous avons fait appel au concours éclairé de M. Emmanuel Aimé, rédacteur en chef de l'Aér ophile, et qui joint à une longue pratique de l’aérostation une connaissance approfondie de cette science.

Dès à présent, une liste est ouverte dans nos bureaux pour reeevoir les noms des amateurs, et M. Emmanuel Aimé, que nous déléguons pour ce service spécial, leur adressera tous les renseignements désirables.

Comme la prévision du temps est impossible à longue échéance, nous ne saurions fixer dans la Revue la date des ascensions.

Mais dès qu'un ballon sera en partance, les passagers seront avisés par lettre ou par dépêche, et admis à prendre place à bord dans l’ordre de leur inscription. Si, au dernier moment, les conditions atmosphériques sont re- connues défavorables, sur l’avis du Bureau central météorologique, dont le concours nous est assuré, le départ sera remis au prochain beau jour.

Inutile d'ajouter que nous insérerons dans cette rubrique le compte- rendu des ascensions. Heureux si nous pouvons donner à une science si digne d'intérêt l'impulsion définitive qu’elle réclame depuis longtemps.

*# * *

Nous sommes très reconnaissants à M. Ballif d’une note si bienveillante pour nous et du puissant patronage pecoise par le Touring-Club à la loco- motion aérienne.

Après avoir usé de son influence, avec le succès que l’on sait, pour orien- ter le tourisme sur toutes nos routes, nos lacs, nos canaux et nos fleuves, il lui appartenait de lui ouvrir un débouché D I plus vasle dans la mouvante étendue de l'atmosphère.

Hier encore, l’industrie aéronautique était à peu près dans l’état de l’in- dustrie du cycle et de l’automobile avant la fondation du Touring Club; elle manquait d'encouragements pour prospérer et pour trouver sa formule définitive.

Maintenant l'injustice du sort est réparée. Rien ne pouvait lui être plus utile que la clairvoyante initiative prise par M. Ballif. C’est une invitation à laquelle tous les amateurs de la véritable vie en plein air auront, comme nous, à cœur de répondre.

Il suffit parfois d’un mot pour ébranler l’inertie des masses et décider d’un grand mouvement : nous croyons que ce mot vient d’être dit.

L’Aérophile.

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AUTOMOBILES

Pour répondre au désir d’un grand nombre de nos lecteurs, nous ouvri- rons dans l’Aérophile, à dater du prochain numéro, une rubrique spéciale- ment consacrée aux progrès incessants des moteurs légers.

La locomotion aérienne, plus encore que la locomotion terrestre, est intéressée à l’évolution mécanique, naguëre encore inespérée, qui nous fait entrevoir, désormais, la réalisation du grand rêve des aéronautes : un che- val vapeur dans un boîtier de montre.

Comme il nous serait difficile de parler des moteurs légers sans toucher aux merveilleuses applications qu’ils reçoivent dans l’industrie de la trac- tion sur routes, on trouvera dans notre nouvelle rubrique tous les rensei- gnement{s désirables sur les motocycles, les voiturettes et les voitures auto- mobiles les plus en vue. Et puisque les courses de vitesse sont et resteront, quoi qu’on en puisse penser le principal critérium de la valeur des moteurs et le stimulant le plus efficace de l’émulation de nos fabricants, nous en ferons connaître les résultats, afin de comparer les performances des diverses ma- chines et arriver ainsi à reconnaître la plus légère pour une puissance don- née ou la plus puissante sous un poids déterminé.

Emmanuel Aïmé.

L’'EXPLORATION AÉROSTATIQUE DES ALPES

AURPOINIeDEMUE SCIENMIEAIQUE

Celle exploration sans précédent va être entreprise cet élé par M. Spel- terini, l’aéronaute suisse dont nos lecteurs connaissent la carrière, par l’article que nous lui avons consacré dans le numéro de juin 1896.

Les observations scientifiques seront exécutées par le docteur Albert Heim, célèbre géologue, professeur à l'École polytechnique de Zurich. Ce savant a déjà exécuté avec M. Spelterini deux ascensions fort intéressantes racontées avec beaucoup d’esprit dans le Neue Zuricher Zeitung.

° Avant son grand voyage il en exécutera un troisième que nous raconte- rons à nos lecteurs, et nous saisirons cette occasion pour revenir sur ses précédents voyages.

Le ballon Vega partira de Sion dans le Valais au milieu du mois de septembre par un jour clair, choisi autant que possible; le maximum baro- métrique se trouve au-dessus de la Méditerranée, afin de vérifier les pres- sions météorologiques relatives à cette situation générale, une des plus importantes pour la pression rationnelle du temps, car dans ces conditions M. Spelterini annonce qu’il descendra dans la vallée du Rhin. Mais dans

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tous les cas, mettons un voyage de plus de 200 kilomètres et forcément exécuté au-dessus des plus hautes montagnes de l'Europe Celte auda- cieuse expédition est patronée par un comité dont nous allons indiquer la composition, car elle montre que l'aéronautique occupe aujourd’hui l'attention de l’élite des savants européens.

« Les soussignés attachent la plus haute importance à l'expédition préparée par l’aéronaute suisse, le capitaine Spelterini, dont l’expérience et le talent sont prouvés par le succès de 497 ascensions exécutées avec plus

Fabrication du ballon Vega dans les ateliers de l’Etablissement central d’aérostation.

de 800 passagers. En conséquence, les soussignés se constituent en comité scientifique, pour prêter leur assistance au capitaine Spelterini, ils espèrent que l’œuvre à laquelle ils s'associent sera profitable à la science et fera honneur à la nation helvétique.

Ont signé: MM.

Dr. À. Baltzer, Professor der Geologie, Bern. Dr. KR. Billwiller, Direktor der meteorologischen Centralanstalt, Zürich. Dr. Ed. Brückner, Professor der Geographie, Bern. Aug. Dubois, Professeur, Neuchâtel. Dr. H. Dufour, Professeur de physique, Lausanne. Dr. L. Duparc, Professeur de Minéralogie et Géologie, Genève. Dr. Ed. von Fellenberg, Bergingenieur, Bern. Dr. F. À. Forel, Professeur, Morges. Dr. Früh, Dozent für Geographie, Zürich. Dr. KR. Gautier, Professeur, Genève. Dr. Ed. Hagenbach-Bischoff, Pro: Jfessor der Physik, Basel. Dr. Alb. Heim, Professor der Geologie, Zürich. J. Held, /ngenieur am topographischen Bureau, Bern. Dr. Ad. Hirsch, ?Pr0- Jesseur de météorologie, Neuchâtel. Dr. G. W. À. Kahlbaum, Professor der physikalischen Chemie, Basel. Colonel J. J. Lochmann, Chef de l'arme du Génie et du Bureau Topographique, Berne. A. Rilliet, Professeur de phy- sique, Genève. Dr. Ed. Sarasin-Diodati, Genève. Dr. G. Schmidt, Pro- Jfessor der Geologie und Mineralogie, Basel. Dr. Gh. Soret, Professeur de physique, Genève. Emil Suter, Optiker, Basel. Dr. M. de Tribolet, ?ro- Jfesseur de Minéralogie, Neuchâtel. Dr. H. Wild, (ehem. Direktor Obseryat. Petersburg), Zürich.

MM. Heim et Spelterini ont l'intention de se rendre à la conférence de

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Strasbourg pour tirer parti des échanges de vues qui se produiront dans une assemblée, se réuniront des aéronautes et des physiciens venant de toutes les parties de l’Europe et de l'Amérique.

Les ascensions de MM. Heim et Spelterini seront exécutées avec un aérostat construit par M. Besançon, d’une façon toute spéciale, avec des matériaux de qualité extra.

Le diamètre de l'aérostat est de 18m41 ; le tour de l’équateur 57"84 ; le volume, 3,268 mèt. cubes ; la surface, 1,065 mèt. carrés. Le poids du matériel montant, 1,000 kil. La force ascensionnelle en hydrogène à 760%/"— 3760 kil. Le poids des voyageurs, des vivres, des instruments et des bagages, environ 450 kil.

M. Spelterini aura donc en quittant Sion, ville dont l'altitude au-dessus du niveau de la mer est de 521 mètres, un poids disponible d'environ 2,000 kil.

Des mesures seront prises pour que le capitaine aéronaute reçoive du docteur Billwiller, directeur des stations centrales de Zurich, tous les ren- seignements météorologiques de nature à l’éclairer, au moment du lâchez- tout, sur la situation générale du temps. Quant au programme des obser- vations scientifiques et des instruments avec lesquels M. le professeur Heim les accomplira, nous les indiquerons ultérieurement, mais nous pouvons déjà annoncer que M. Spelterini emportera l'appareil photographique Cail- letet et le thermomètre à ventilation du docteur Assmann.

M. le professeur Heim sera assisté dans ses opérations par un Due phy- sicien.

V. CABALZAR.

INFORMATIONS

Progrès de l’aéronautique militaire

Le gouvernement britannique a augmenté dans une proportion considérable les fonds destinés au service des ballons. Pour l’année 1896-1897, les crédits s'élevaient à la somme de 82.500 franes. En 1897-1898, ils ont été augmentés de 50 0/0 et portés à la somme de 123.750 francs. En outre, une somme de -15.000 francs est consacrée à l'agrandissement du dépôt des ballons de l’éta- _ blissement aéronautique central d'Aldershof.

Le gouvernement italien a compris dans les dépenses du budget de la guerre une somme de 600.000 francs, comprenant l'augmentation du service des bal- lons et la création d’un matériel de télégraphie optique pour l’armée. Nous ignorons dans quelle proportion la répartition sera faite.

M. Von Gerlack va comme on le sait diriger une expédition polaire dans le cercle antarctique. Le navire qui va bientôt quitter Anvers, emporte un ballon captif construit d’après le système de la marine française. Il se compose d'un aérostat et d'un réservoir dans lequel est renfermé sous pression la quantité de gaz hydrogène nécessaire au gonflement du ballon. Celui-ci est pourvu d’une soupape automatique située à la partie inférieure de l'aérostal. Le navire possède une pompe à vapeur à l’aide de laquelle le gaz qui a servi à une ascension

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est refoulé dans l’intérieur du réservoir. Ce système a été recommandé en 1889 dans un volume intitulé le Pôle Sud, que M. W. de Fonvielle a fait paraître à la librairie Hachette. Nous croyons devoir signaler cette circonstance, c’est la première application proposée des découvertes de l’aéronautique militaire à des explorations géographiques.

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Le numéro d'avril des Mittheilungen de Strasbourg vient de paraître. Nous y avons lu avec beaucoup de plaisir la première partie d’un très intéressant article sur les aéronautes de la première République française par M. Flu- gerhuth, second lieutenant dans le 10e régiment d'artillerie à pied.

Nous y remarquons le fac-similé d’une estampe du temps représentant l’in- cendie d’une forteresse en bois, par un projectile lancé du haut d’un ballon tenu captif au Champ-de-Mars. Cette opération a été exécutée pendant une fête donnée le 1 vendémiaire de l’an VII (22 octobre 1799)

Un article dans lequel le capitaine Mœdebeck soutient ses droits à l’initia- tive des expériences des ballons-sondes. Nous faisons, dans notre premier article, allusion à cette polémique.

Nous signalerons la description d’une graine dont les fruits ont l'aspect d'un ballon. Cette plante aéronautique se nomme le Cardiospermum hirsutum.

BIBLIOGRAPHIE

M. Joseph Jaubert, chef du service physique et météorologique de l’Obser- vatoire municipal de Montsouris, vient de publier, à la librairie Baudry, un fort intéressant ouvrage sur la Climalologie de Paris. Nous recommanderons vive- ment l'usage de ce volume aux aéronautes exécutant des ascensions tant dans la capitale que dans les communes suburbaines.

En effet, 1ls y trouveront les renseignements que la science possède sur les vilesses moyennes et extrêmes du vent, sur ses directions habituelles el sur les différents phénomènes qu’ils pourraient observer en ballon.

x x +

La photographie el l'étude des nuages, par Jacques Boyer. Un vol. in-12, illustré de 2i planches hors texte, en simili-gravure. Charles Mendel, éditeur.

Les divers Observatoires chargés par le Congrès Météorologique Interna- tional de réunir des clichés de nuages, ont terminé leurs travaux avec l’année 1897. Ce petit ouvrage arrive donc à son heure. Exactement documenté, claire- ment écrit et artistiquement illustré, il s'adresse aux physiciens aussi bien qu'aux photographes. Ceux-ci y verront les précautions à prendre pour obterir de beaux ciels dans leurs paysages et ceux-là y apprendront tout ce que la science peut espérer de telles recherches. ;

Le Directeur-Gérant : Georges BESANCON.

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Imp. Louis Lamserr, 11, rue Molière.

E 2 Dinecreurs : GEORGES BESANCON et WILFRID DE FONVIELLE Répacreur EN Cuer : EMMANUEL AIMÉ

6e Année. Nos 4-5, Avril-Mai 1898

PORTRAITS D’AÉRONAUTES CONTEMPORAINS

Abel BALLIF

Président du Touring-Club de France

Il était écrit que le président du Touring- Club de France après avoir aplani, ici-bas, les voies de la bicyclette et de l'automobile, pour acclimater et retenir dans les délices du macadam notre volage espèce, serait un jour frappé de la grâce d’en haut et repousserait d’un pied dédaigneux, la roule embellie par ses soins.

Je ne prétends point qu’en montant à bord du ballon le Touring Club, le 15 avril 1898, il ait renoncé pour jamais aux séductions du pneumalique roulant et à ses pompes: le tourisme terrestre y perdrait trop el m'en voudrait avec raison de lui avoir ravi son meilleur apôtre. On ne saurait

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d’ailleurs être toujours dans le ciel ; et le sol a aussi ses charmes puisque l'oiseau lui-même y revient.

Ce baptême de l'air du président du Touring-Club n’en est pas moins très significatif. À son occasion le mot de tourisme aérien a été lancé ; or le mot entraîne l'idée et c’est l’idée qui mène le monde.

La date de la première ascension d’Abel Baillif fera époque dans l’his- toire de la conquête de l'air, son nom est inscrit aux fastes de l’aérostation.

Dût ce bel exemple, donné à soixante-cinq mille sociétaires, n’être d’a- bord que lentement suivi, le mouvement n’en est pas moins imprimé aux couches profondes de l’opinion. Si faible que puisse être sa vitesse initiale puisqu'il faut toujours compter avec l’inertie des masses en tourisme comme en mécanique la loi qui en retarde l’effet est aussi la loi qui en prolonge les conséquences. Une fois ce branle imprimé, il sera impossible d'arrêter l'élan.

L'heure est venue le tourisme jusqu’à présent trop enclin, par un effet d’atavisme, à ramper dans la poussière ou dans la boue va s'élever d'un degré au-dessus de la surface du globe.

Avant qu'il soit longtemps les machines volantes, plus lourdes que l’air et mues par la force mécanique vont s'élever avec leur conducteur. On se préoccupe déjà de la question dans le monde automobile et, avec les res- sources que l’industrie moderne met à la disposition des chercheurs, la solution du problème de l'aviation est imminente. Naturellement ces ma- chines ne sont pas destinées à faire concurrence au ballon dans les hautes altitudes : il faudrait un fier courage pour se risquer seulement à quelques centaines de mètres du sol en se fiant à un mécanisme dont la marche régu- lière sera toujours trop incertaine. Les appareils propulsés par des hélices ou par des ailes, seront condarnnés à raser la terre d’un vol nécessairement un peu lourd. Mais ce sera un premier pas, une première incursion dans un domaine qui s'ouvrira tout grand à l’aéronaute fidèle au ballon. Car c'est au ballon qu’en définitive il faudra revenir.

L'aérostation sera la formule dernière du tourisme et la plus haute expression de l'idée sportive. Emmanuel AIMÉ.

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rourisme aérien

L’ASCENSION DU 15 AVRIL

« Le jeudi 14 avril, jour fixé, deux cents membres du Touring Club, attirés plus encore par la sympathie que par la curiosité, ont assisté au gonflement et aux préparatifs de départ du Touring-Club, aérostat de 1,700 mètres cubes, construit selon toutes les règles de l’art par M. G. Besançon et tout a été prévu, jusqu’à certain aménagement qui nous permettrait de lui délivrer le panonceau d’ « Hôtel Recommandé! »

Mais nous avions compté sans notre hôte, Seigneur Eole pour les gens qui n’ont pas fait leurs études : le vent! qui, depuis huit jours, se livrait, en compagnie de son ami Seigneur Baromètre, à une série de cabrioles bien déplacées pour un homme de son âge et éprouva, juste à l'heure du départ, le besoin d'effectuer un tel saut de carpe qu’en moins de temps qu’il n’en faut pour l'écrire, notre aérostat, couché sur le flanc, voyait sauter l’une après l’autre, sous le poids de son énorme masse, trente, cinquante mailles de son filet!

Deux heures de réparations en perspective! un vent grossissant, bref, remise du départ au lendemain.

Les nez s’allongent!...

Le lendemain, dès l’aube, pluie, vent, temps charmant!...

A neuf heures du matin, nous enfourchons notre fidèle bécane et nous nous amenons la pluie en croupe rue d'Aubervilliers, la Compa- gnie du Gaz a établi ses laboratoires de parfumerie.

Les fidèles y sont encore, mais moins nombreux; ceux-là mériteraient une médaille d'honneur!

Plusieurs jeunes et jolies femmes en toilette claire, compliments à nos collègues parmi lesquels nous reconnaissons un de nos plus aimables délégués !

Enfin, bravant les éléments, nous profitons d’une accalmie; scène des adieux... nous nous précipitons tête première dans la nacelle et... lâchez tout! Il est 10 heures 40.

En deux minutes, nous sommes à 500 mètres.

Coups de chapeau, baisers envoyés aux dames... à une fois et demie la tour Eiffel, ça ne tire pas à conséquence! »

C’est par ces lignes pleines d'humour que M. Ballif, président du Tou- ring-Club a débuté dans le charmant récit qu'il a fait de notre ascension.

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Nous avions à bord de la nacelle MM. les docteurs Maurice Guillot, Baudré; M. Charles Bartalot, conseiller municipal de Mont-de-Marsan venu spécialement de cette ville pour exécuter l’ascension, qui comme notre cher Président recevaient le baptême de l’air, baptême qui ne tarda pas comme nous le verrons à être accompagné de la réceplion de quelques dragées blanches.

Nous avions un excellent baromètre Richard qui nous a donné un diagramme permettant de reconstituer tous les incidents du voyage en nous aidant tant des observations visuelles que des renseignements recueillis par les circulaires revenues à la rédaction de l’Aérophile. Nous n’en avons reçu que 31 quoique plus de 8,000 aient été jetées par dessus bord. Si les retours ont été extraordinairement rares, par suite des inci- dents météorologiques qu'il nous reste à décrire, ils ont été très utiles. Les correspondants ont tous fait preuve d’un grand zèle et d'un remarquable esprit d'observation.

Fig. 1. Appareïllage du Touring-Club.

L'heure exacte du passage au-dessus de la gare du Bourget a été indiquée par MM. Sumy et Jean-Baptiste. Il était 10 h. 48 lorsque nous avons coupé le chemin de Grande-Ceinture.

Nous étions partis à 10 h. 40 nous étions à 650 mètres la vitesse et

la direction du vent seront donnés par la carte que nous publierons pro- chainement.

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Nous montons. À 11 heures, M. Henri Lesieur aperçoit le ballon par ciel brumeux. Nous continuons à monter, le ciel pour nous s’éclaircit et à 11 h. 10, par une altitude de 1,200 mêtres, nous voyons le firmament se dégager au-dessus de nos têtes.

A 11h. 30 le ballon est aperçu pÈr M. Stéphen Creton en Seine-et- Marne, au Mesnil-Amelot.

Un rayon de soleil nous a fait monter, nous sommes à 1,700 mètres, incapables de voir la terre; aussi M. Creton signale les brumes à travers lesquelles il nous aperçoit comme une ombre.

M. Ballif décrit admirablement notre situation physique et morale.

« La fraîcheur, la légèreté de l’air nous procurent une sensation de bien être vraiment particulière, il semble qu’on va avoir faim!

Fig. 3. Le lachez-tout.

Voici des prés, des champs à perte de vue, et dans ces immensités pas un être, des déserts cultivés. sont les hommes ?... Ah! quelque chose qui semble remuer, serpenter comme un long ver de terre!! C’est un train! une grosse aiguille à tricoter! Nous ressentons un profond mépris pour les humains, fourmis si petites, si menues, qu’elles n'existent autant dire plus pour nous!

11 h. 50 2, 000 mètres. Brrr!..… La neige !..

C’est un peu fort, avoir passé tout l’hiver sans neige, et venir . cher: cher ici au 15 avril ! Il neige bel et bien, et il neige fort.

Besançon craint que le poids de cette malencontreuse rencontre n’alour- disse le ballon, et il jette du lest.… Nous remontons et laissons le nuage de neige au-dessous de nous.

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Midi 2,100 mètres. Le temps s’est éclairei. Maintenant nous sommes au-déssus d’une région boisée ; d’après notre carte au 1/400,000°, excellente au point de vue aérostatique en raison du grand ensemble qu’elle fournit, nous devons avoir à notre gauche la forêt d'Ermenonville, prolonge de la forêt de Chantilly, puis devant nous le bois du Roï et la forêt de Vil- lers Cotterets. Ces forêts nous font l'effet de vastes champs d’épinards, tout est plan, tout dénivellement, tout vallonnement s’efface à une telle hauteur, on ne reconnait les parties accidentées qu'aux sinuosités rapides des des- centes. »

Pendant cette étape le ballon est aperçu à 11 h. 45 à Montperrier par MM. Mélage fils et Léon Guilbard, à Dammartin par Mlle Delahaye, insti- tutrice, à midi, par M. Sennelier, délégué du Touring-Club dans cette commune.

La feuille recueillie par cet observateur a mis un quart d'heure à tom- ber. Le ciel était alors très couvert, il le serait à moins. La neige n’arrivait point à terre. Le courant inférieur était franchement différent de celui qui poussait le ballon, il venait du sud au lieu de venir du sud-ouest et le ballon était à moitié caché par les nuages, c’est alors que nous nous meltons à table. Cet épisode est décrit comme suit dans le récit de M. Ballif.

« Le temps menace... de gros nuages s’avancent; déjeunons... et vivement!

Un poulet voit en un instant ses os envoyés dans l’immensité... (Le « pôvre » n’eut jamais rêvé de telles funérailles), un délicieux rostbeaf suit.

« Le sel? est le sel? »

Il gît épars au fond d’un panier.

J'en saupoudre consciencieusement les tranches de mes compagnons, qui me font tous la grimace... C’est du sucre!!!

Le rostbeaf au sucre passe quand même, puis des petits gâteaux, un bon vin..., un vrai feslin de Balthazar ou au moins de Cabalzar !

Pendant ce temps, notre capitaine, toujours l’œil et l'oreille aux aguets, surveille les cordes des soupapes, le guide rope, la corde de l’ancre, laquelle s’est entortillée autour du guide-rope, un entortillement de 100 mètres de long, qui va nous gêner diablement pour jeter l'ancre lance des petits papiers de soie, indices plus sensibles que le baromètre, qui montent si le ballon baisse, descendent s’il monte, il a l'œil au baromètre, note la tempéra- ture : 10° dans la nacelle, quelques mètres au-dessous!

Sur son ordre, nous nous atlelons tous au guide-rope et au cordage de l'ancre et les secouons désespérément!... Ah! voici l'extrémité qui se déroule, le mouvement est bon, continuons... Il continue lui aussi et, en quelques minutes, les deux filins -- qui ne pèsent pas moins de 110 kilogs consentent à faire ménage à part... Retournons à nos tartines.

2

Un sourd roulement dans le lointain. c’est l'orage! »

A midi, par une altitude de 2,100 mètres, le ballon est aperçu à Plessis- Belleville par M. Lavaux. Le déjeuner a lieu au dessus de Silly-le-Long. Les voyageurs sortent de « Nanteuil-le-Haudouin » au dessert. Lorsqu'ils arrivèrent à leur point culminant, à 2,250 mètres, une pluie diluvienne tombe à la surface de la terre.

Elle ne précéda que de quelques instants la production du coup de ton- nerre que M. Ballif a noté à la fin du récit du déjeuner, c’est l'orage qui commence et qui s'approche. La vitesse du vent de terre a augmenté ; elle dépasse de beaucoup celle du vent en l’air.

A midi 15, M. Georges Bochet, conducteur des Ponts-et-Chaussées et délégué à Betz du Touring-Club, signale des nuages venant rapidement de l’O.-sud-0. À midi 30 l'orage éclate à Bargny. En ce moment comme il arrive toujours, M. Désiré Frémont signale une saule de vent qui se met à souffler à 2250 mètres du Sud. Le Zouring Club est alors apercu comme un point dans un ciel très chargé d’eau par M. Cantien, maire de d’'Ormay-le-Davien et délégué de l’Association. A la suite d’un coup de

foudre qui a éclaté à 12 h. 50 dans le voisinage du ballon, je l’ai mis en descente.

Fig. 4. Deux minutes après le départ.

M. Ballif décrit les derniers incidents de la route en ces termes :

«a Midi 40 2,250 mètres. Point culminant de notre ascension. Reneige! Malgré les 2 kilomètres 1/4 qui nous séparent du sol, nous perce- vons très netlement le chant du coq et un peu plus bas nous entendons les cris des paysans.

Midi 45 1,700 mètres. Nous baissons rapidement, la neige pèse sur

nos épaules, deux de nos camarades ressentent quelques bourdonnements dans les oreilles

Midi 50. Enfin, le soleil! Mais un énorme nuage nous barre l'horizon : d’un noir bleuâtre et semblant contenir dans ses flancs toutes les bouteilles d'encre de la Petite Vertu, il s’avance, ou plutôt c’est nous qui nous avan- cons vers lui et allons lui crever le flanc.

À ce moment, un éclair flamboyant nous éblouit, c’est la foudre, et un majestueux roulement de tonnerre tels les trois cents canons d'Eylau semble nous crier : « Arrière, téméraires, vous n'irez pas plus loin! » C’est l'avis de Besançon qui commande aussitôt la descente.

D'ailleurs notre ballon, couvert de neige, s'alourdit d’instant en instant, et nous n'avons plus que juste le lest nécessaire pour assurer l'atterrissage.

J'avais comme on dit derrière la tête une idée beaucoup plus sérieuse, dont je n’avais point cru utile de faire part à mes passagers. J'étais bien

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Diagramme du Barographe aise de profiter de cette occasion pour étudier la vitesse et la direction des vents dans les couches qui se meuvent avec des mouvements en appa- rence fébrile et désordonnés lorsqu'éclate un orage sérieux. J'étais bien décidé à braver le seul inconvénient que l’on puisse rencontrer, et qui ne nous a point manqué, une pluie battante lors de l'atterrissage.

Quoiqu'il en soit, l’on peut dire que le Touring-Club a commencé à se trouver en plein dans l’orage, au moment il a plané au dessus du clo- cher du port. M. Gremillon, qui a fait l'observation, ajoute judicieusement « peu après le passage du ballon, et le voyant encore nous entendons deux forts coups de tonnerre.» MM. Loiselleux, hôtelier à Yvos, et Bochet donnent

.le même renseignement. Les deux coups de tonnerre ont été entendus

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à Boursonne par M. Pénot, maire de cette commune, et par M. Seignier.

Il serait très intéressant de savoir quel est le nombre de secondes qui s’est écoulé entre les deux coups de foudre tant pour les observateurs de Boursonne que pour ceux d’Yvors.

Le ballon qui s’est mis à descendre traverse successivement des cou- ches de directions divergentes dont le mélange ou si l'on aime mieux le heurt est nécessaire pour la production d’un véritable orage, bien carac- térisé. La constatation de ce point capital dans la météorologie électrique - est un des résultats les plus importants de l’ascension du 15; nous y revien- drons.

C'est surtout aux variations rapides du gradient vertical que doivent être attribués les soubresauts du ballon que les observateurs de Terre sont à même de décrire.

MM. Henri Tessier et Vandernken indiquent que le ballon remonte rapidement vers le Nord, puis qu'il sort du canton de Betz pour faire un crochet dans celui de Crepy, qu’une nouvelle saute de vent l’amène dans le canton de Villers Cotterêts. M. Henry Masige note son passage au dessus de la forêt au moment ou éclate le coup de tonnerre qui décida la descente.

A midi 50 le ballon est déjà très bas, et disparaît au-dessus du Coroy sous les yeux de MM. Dualle et Dumont. L’orage est dans loute sa fureur au moment M. Léonce Cardon voit tomber un paquet de feuilles de bord, qui vient s’engouffrer dans l’étang de la Ramée. Cetle projection intem- pestive explique en partie le faible nombre de réponses reeueillies.

Cette descente mouvementée suggéra à M. Ballif les lignes suivantes.

« Coups de soupape: Paf-Paf... On descend, on descend vite. Voilà des bois, au loin les ruines d’une abbaye, une ligne de chemin de fer. c’est notre affaire... La terre monte, le guide-rope traîne à travers bois .. Pourvu qu’il n’accroche pas... Quelques petites secousses, le bois est franchi... Voici une vaste et belle prairie, mais un rideau de hauts peupliers en défend l'accès. . Jetons un peu de lest pour franchir les peupliers. ils sont franchis. »

La descente est exécutée près de la célèbre abbaye de Longpont sur la ferme de Beaurepaire appartenant à M. Mauguet qui nous reçut avec une hospitalité plus qu'écossaise. En deux heures 112 nous avons franchi une distance de 80 kilomètres, dans des directions aussi variables que notre vitesse. En publiant notre carte nous complèterons nos observations scien- tüfiques. Il nous reste aujourd'hui à signaler la remarque faite par MM. Octave Willaume et Paul Ruel qui apercoivent le ballon sous la pluie à 1 heure. Nous remercions encore M. Flamant et le baron Remi d’Infre- ville qui accourent pour aider aux manœuvres de l’atterrissage. Nous n'ou- blierons pas non plus M. le baron de l'Isle, maire de Vierzy, et M. le Chef de gare qui se mirent à notre disposition avec la plus grande obligeance.

Georges BESANÇON

5

LA CONFÉRENCE AÉRONAUTIQUE

DE STRASBOURG

Cette conférence, dont nous avons annoncé la convocation. a commencé à tenir ses séances le jeudi 31 mars, et ne s’est terminée que le lundi suivant, 4 avril, après une session très bien remplie, dont le compte rendu officiel sera publié aussitôt que possible. Mais nous pensons utile de ne point attendre une époque qui n'est point encore fixée, el qui peut être encore éloignée, pour tenir les lecteurs de l’Aérophile au courant des résolutions qui ont été prises, des observations qu'elles soulèvent et des propositions qu’elles suggèrent.

Quoique notre opinion n'ait pas toujours prévalu, nous sommes heureux de constater l'importance des résultats acquis et de ceux qu'on peut espérer obtenir.

En tous cas, ce qui distingue cette réunion, c’est l'excellente intelligence qui a régné parmi ses membres, ct le caractère excessivement pratique des délibérations, l'on a dit, en très bons termes, une foule d'excellentes choses, et l’on a émis des vœux dont l'influence se fera sentir dans une sphère plus étendue que le perfectionnement des ballons-sondes.

Composition de la Commission

Comme le travail du secrétariat était très compliqué, trois secrétaires furent adjoints pour la session au secrétaire de la Commission internatio- nale. Le premier, M. Berson, est un des principaux fonctionnaires de l’Institut météorologique de Berlin; il est célèbre par l'ascension qu'il a faite à une altitude de 9,000 mètres, en conservant complètement son sang-froid, grâce à l'inhalation du gaz oxygène qu'il est parvenu à réaliser à l'aide d'un mouve- ment dont la description est assez compliquée Nos deux autres collècucs étaient M. Fievez, secrétaire de la Société d'astronomie de Belgique, qui représentait également la Société d'astronomie de Hollande et le Dr Rubel, sous-directeur du Bureau météorologique d’Alsace-Lorraine.

L'Institut météorologique de Berlin était en outre représenté par le D' Assmann, dont nous avons trop souvent parlé pour qu'il soit nécessaire de le présenter aux lecteurs de l’Aérophile. L'Institut météorologique de Munich par le Dr Evck, l'Institut de Stutgard par le Dr Schmidt. Les aéronautes de Stras- bourg l’étaient par le capitaine Mœdebeck et par le lieutenant Hildebrandt; enfin le ministère de la guerre de l'empire d'Autriche avait délégué le D' Hin- teroizer.

Le service des ballons militaires de la Bavière était représenté par le capi- taine Guttemberg; M. Reddinger, constructeur du ballon cerf-volant qui a été expérimenté, faisait partie de la Commission. Le général comte Zeppelin était venu de Stutgard; l'Aéronautique suisse était représentée par M. Spel- terini, qui prépare une grande ascension à travers les Alpes pour l'été pro- chain, et la Science helvétique par le professeur Heim, de l'Ecole polytechni- que de Zurich. Le gouvernementitalien avait envoyé à Strasbourg l'astronome Tacchini. La France était représentée par M. Cailletet, de l'Académie des sciences; Tesseirenc de Bort, directeur-fondateur de l'observatoire de

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Trappes; M. Rotch, directeur de l'observatoire de Bluehill Massachusets était venu d'Amérique. Enfin, la Russie était représentée par $S. E le général Rykatcheff, directeur de l’observatoire de Pulkowa, et le commandantKovanko, directeur du service aérostatique militaire de Saint-Pétersbourg.

Des lettres d'adhésion furent reçues d’un grand nombre d'établissements météorologiques qui n'avaient point nommé de délégués. La Commission envoya un téléscramme de condoléances à M. Hermite, retenu à Nice par l’état de sa santé.

Une photographie exécutée avant la seconde ascension du ballon-sonde, donne le portrait de ces différents personnages et de quelques savants de Strasbourg.

Les séances furent très longues et très nombreuses. Malgré le zèle du secrétariat, tous les procès-verbaux ne purent être revêtus de l'approbation de l’Assemblée avant la clôture des séances, ce qui apportera quelques délais à leur publication.

Réception de la Commission

Le choix de Strasbourg s’imposait à cause de la situation centrale de cette ville importante qui est également éloignée de Paris et de Berlin et qui n’est pas non plus très éloignée de Vienne, de Saint-Pétersbourg et de Bruxelles. D'autre part, le président de la Commission internationale est M. le D' Herge- sel, directeur du Bureau central d'Alsace-Lorraine établi dans la capitale, d’un des états de la Confédération germanique, dont l'importance est égale à celle du grand-duché de Bade.

Les membres de la Commission ont été reçus de la façon la plus aimable par les Allemands, qui ont soigneusement évité toute allusion aux événements politiques de ces dernières années. Ils n’ont pas oublié que si la science n’a pas de patrie, ceux qui la cultivent en ont une et qu'ils sont en quelque sorte tenus de partager les opinions, et même les préjugés, les regrets, les espé- rances qui font palpiter le cœur de leurs concitoyens.

Les discours officiels ont surtout eu pour but de développer cette idée fort juste que les recherches relatives à la navigation aériennes ont pour résultat de diminuer les haïines et les rivalités qui énervent les différentes nations civilisées de la vieille Europe. Ces assurances pacifiques sont d'autant plus remarquables qu’elles ont été prononcées à la veille du jour le Président des États-Unis a envoyé son ultimatum au cabinet de Madrid.

La première séance a eu lieu dans la grande salle de la Préfecture, qui avait été mise à notre disposition. Son Excellence M. Schraut, ministre de l’in- térieur du Gouvernement d’Alsace-Lorraine, s’est exprimé ainsi :

« HONORÉS MESSIEURS,

« Au nom du Gouvernement, je viens vous offrir un salut cordial. C’est pour nous une grande joie que de recevoir dans cette enceinte des hommes aussi distingués et dont les efforts sont employés à une si belle cause. Par vos travaux, la météorologie, ou pour parler plus exactement la physique de l'atmosphère a étendu son domaine. Jusqu’à nos jours, cette science était enchainée à la surface de la terre; elle pouvait étudier que les parties infé- rieures de l'air. Les résultats que vous avez obtenus sont si nombreux et si importants que vous avez été entrainés à vous préoccuper de l’état de couches de plus en plus élevées, et vous ne pouvez vous éviter de vous intéresser à

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la composition de ces dernières. C'est ainsi que vous travaillez au développe- ment de l'aéronautique scientifique.Très remarquables sont les ascensions des ballons-sondes qui, grâce aux efforts de deux savants français, se sont élevés Jusqu’à une distance de 15 kilomètres du niveau des mers. Non moins dignes d'éloges sont les ascensions de ballons montés que l’on a exécutées avec un entrain si remarquable en Prusse et en Allemagne. Mais on doit surtout remercier votre commission qui a organisé les ascensions internationales exé- cutées à la fois avec des ballons montés et avec des ballons-sondes.

« Les résultats des expériences que vous avez entreprises doivent être discutés devant vous. En profitant des connaissances déjà accumulées vous ferez construire de nouveaux instruments. Vous assignerez à vos travaux des buts nouveaux. Dans ce programme d'avenir figure en première ligne l’éta- blissement d’une station permanente au milieu des airs. C’est pour arriver à ce résultat que les Américains ont exécuté des expériences avec des cerfs- volants. Le directeur, M. Rotch, que j'ai le plaisir de voir parmi vous, a atteint une hauteur de 3,000 mètres, il a maintenu son appareil pendant plusieurs heures. C’est dans le même but que l’on a lancé pour la première fois un ballon cerf-volant météorologique, et cette expérience a été exécutée à Strasbourg. Notre bureau météorologique éprouve une véritable satisfaction en soumettant son appareil à votre appréciation.

« TRÈS HONORÉS CONFRÈRES,

« Le programme que vous avez à traiter est immense. Puissent vos tra- vaux avoir le résultat que vous en attendez. Puissiez-vous trouver dans les heures de repos les délassements que vous méritez si bien sous la forme la plus agréable et jouir de la considération dont vous serez environnés de tous côtés.

« Après avoir formulé ces vœux, je termine en vous souhaitant de nouveau la bienvenue du fond du cœur ! »

Quand Son Excellence s’est assise, M. le président Hergesel a donné la parole à M. Windelband, recteur de l'Université de Strasbourg, qui a prononcé les paroles suivantes :

« Au nom de l’Université Empereur-Guillaume, je dois à mes fonctions de recteur l'honneur de recevoir la Commission aéronautique internationale, et d'exprimer la vive sympathie que nous portons à vos savants travaux et à vos généreux efforts. La Conférence internationale météorologique que vous représentez, Messieurs, marque un nouveau pas dans cet agrandissement gra- duel de l'horizon scientifique que constate l’histoire du Progrès. La pensée humaine s’est éveillée dans l'imagination étroite, isolée et spéciale de chaque nation. En se développant sur les bords de la Méditerranée elle est parve- nue à acquérir des vues générales effaçant ces différences. Mais c’est seule- ment à l’époque de la Renaissance que l’homme a pu s'emparer intellectuelle- ment de toute la planète, et prendre possession de la place qu'il occupe dans l'Univers. Depuis lors, la science est toujours parvenue par des moyens innombrables, à nous guider dans l'agrandissement de notre domaine. Maintenant, Messieurs, vous êtes à l’œuvre pour faire de l’atmosphère qui nous entoure l’apanage et l'atelier de la science. Ses principes, auxquels a conduit l'étude de la nature et toutes les ressources de l’art que possède notre siècle, vous les employez pour arracher au plus mobile des éléments

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les lois immuables de ses mouvements. Mais ce résultat vous ne pouvez l'atteindre que par une action commune, un plan uniforme qui s’étende sur de vastes contrées, qui ne fasse aucune différence entre les nations, et qui ne connaisse point de frontières artificielles. En examinant votre orga- nisation, on est donc conduit à la considérer comme étant un symbole de l'action scientifique qui trouvant dans la nature l'homme glæbæ addictus, l'élève dans une couche plus élevée de communauté.intellectuelle. Nous sommes heureux que Strasbourg soit un membre actif de cette grande asso- ciation Nous vous remercions d’avoir choisi cette ville pour tenir votre ses- sion. Nous espérons que vos travaux ne vous empêcheront pas de faire ample connaissance avec les belles institutions qui ont été données à notre Univer- silé. Nous souhaitons que vos délibérations se poursuivent heureusement et aient une conséquence fructueuse pour le progrès de la science et pour le bien des peuples qui, réunis pacifiquement en son nom, luttent de zèle pour son service.

En qualité de secrétaire de la commission j'ai cru devoir répondre comme il suit au deux discours qui viennent d’être prononcés :

MESSIEURS,

« Je suis véritablement reconnaissant à notre honorable président, le doc- teur Hergesel, d’avoir estimé que la nature de mes fonctions m'appelait au périlleux honneur de répondre au nom de la Commission internationale aux deux excellents discours que d’éminents orateurs viennent de prononcer devant vous.

« Ainsi que M. le ministre Schraut a bien voulu le rappeler, c’est en France, à Paris que, grâce aux travaux de deux infatiguables aéronautes, les ascensions des ballons-sondes ont pris naissance. Mais il serait injuste de ne pas ajouter que la modeste initiative de MM. Hermite et Besançon n'aurait exercé qu'une médiocre influence sur les progrès de la physique aérienne, si les résultats obtenus avec leurs seules ressources n'avaient rencontré à Siras- bourg, à Berlin, à St-Pétersbourg et à Munich des approbateurs éclairés, des collaborateurs dévoués, véritablement dignes de l’admiration de ceux qui les ont précédés dans la carrière. Oui, ces belles entreprises n'auraient atteint que des proportions bien moindres si elles n'avaient suscité en Allemagne et en Russie les plus illustres patronnages !

« Ainsi que le Ministre vient de nous le rappeler, les quatre concours internationaux, dont notre devoir est d'apprécier les résultats scientifiques, en ont déjà obtenu d’heureux au point de vue moral, car ils ont agrandi dans une proportion inespérée la zone explorée par la physique contemporaine. Les cerfs-volants de notre collègue, M. Rotsch, se sont élevés à des hauteurs qu'atteisnent à peine les plus célèbres observatoires de nos montagnes ! Les ballons cerfs-volants de MM. von Siegfeld et Perseval ainsi Que ceux de MM. Hergesel et Moedebeck ont déjà offert le spectacle de bouées aériennes bravant la fureur des vents, aussi victorieusement que les bouées marines se jouent des efforts des vagues. Pendant la dernière tempête qui a bouleversé l'Atlantique, n’a-t-on pas vu le captif de Strasbourg supporter triomphale- ment le poids de neiges formidables.

« Comme M. le Ministre vient de le proclamer le nombre des questions que la Conférence de Strasbourg trouve devant elle est immense. Mais nous confesserons franchement que nous n'avons nullement l'espérance de

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résoudre complètement dans notre session aucun de ces magnifiques problè- mes. Quoique nos travaux commencent sous d’heureux auspices, et que le ciel semble se montrer favorable à nos expériences, nous croirons avoir assez bien mérité de la science et de l'humanité, si nous sommes parvenus à donner quelqu'indication féconde aux esprits d'élite, aux intellectuels véritables, qui prennent part à cette croisade vraiement digne de notre âge.

« Comme dans des termes inspirés par un si profond sentiment philoso- phique vient de le dire le Recteur de cette antique Université, c’est par la conquête de l’Océan aérien, de ses flots mystérieux et diaphanes à travers desquels nous contemplons les astres éternels que la solidarité humaine s'affirme avec un éclat invincible. C'est en parcourant les plaines de l’air que nous sentons le besoin impérieux d'élever notre pensée jusqu’au créateur et de couronner dignement ce siècle remarquable qui, dans ses débuts, a admiré les premières merveilles de la pile de Volta, alors naissante et qui, près d’entrer tout entier dans l'Histoire a salué les miracles des rayons de M. Rœntgen !!

« C’est donc avec la conviction profonde de remplir la mission que m'a confiée notre Président, et d’être l'organe de la Conférence internationale, que je remercie au nom des savants réunis dans cette enceinte. S, E. le ministre Schraut et S. M. le recteur Wildenbrand, des paroles qu’ils ont prononcées au nom du Gouvernement et de l’Université dont ils sont les interprètes. »

Avant d'ouvrir la discussion du programme, le Président nous distribua des cartes d'invitation pour un banquet qui nous fut offert au Palais par Son Altesse le Vice-Roi. Sauf M. Besançon, qui n'était pas arrivé à Cherbourg, non plus que le général Rykatcheff, le commandant Kovanko, M. Cailletet et M. Teisserenc de Bort qui avaient pris des engagements antérieurs, tous les membres y ont pris part. La réception avait un caractère intime, il n’y avait que le chef des domestiques qui eut arboré sa brochette de décorations.

Son Altesse avait placé en face M. le Président Hergesel. J’occupais la place à sa droite, en qualité de secrétaire, et à sa gauche était l’astronome italien Tachini. Au champagne, M. fachini porta un toast à l'union des peuples ; Son Altesse le prince de Hohenlohe-Langenbourg s’expliqua en termes très chaleureux dans le même sens et donna comme preuve de cette union la nationalité des membres de la conférence qui étaient assis à sa table. Je répondis à Son Altesse en faisant des vœux pour que l’union des peuples, contractée dans le Ciel, puisse faciliter quelque peu leur union sur la terre.

La conférence assista le lendemain à un banquet donné par M. Hergesel, son président, puis les jours suivants à un autre offert par le capitaine Mœde- beck et enfin à un troisième donné par la Société aéronautique du Haut-Rhin, dans les salons de l'Hôtel de Ville de Paris.

De nombreux toasts furent encore échangés dans ces différentes circons- tances. Ils exprimèrent sous une forme nouvelle les idées de concorde et de progrès humanitaire qui ont invariablement marqué toutes ces réunions. Le dernier soir, nous fûmes reçus au Casino civil par la Société aéronautique, et la séance se prolongea longuement. La salle avait été décorée avec des ballons lumineux éclairés à l'électricité. A la place d'honneur se trouvait une photographie du ballon de M. Andrée, qui représente la Suède dans le Comité international et dont le retour est, comme chacun le pense, ardemment désiré.

Un orchestre placé dans une salle latérale a fait entendre pendant toute la durée de la soirée son répertoire bien choisi et admirablement exécuté.

Les conversations particnlières ont été très cordiales et très animées. J'ai

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eu à répondre à un grand nombre de questions sur les ascensions du siége, qui frappent vivement la curiosité des Allemands, et qui sont certainement la cause du zèle avec lequel ils étudient actuellement la navigation aérienne.

Etendue des travaux de la Commission

Les travaux de la Commission ont porté sur trois objets principaux : Les ascensions libres d’aérophiles, but principal de la convocation; 90 Les ascensions montées ;

30 Les ascensions captives.

Nous discuterons les résolutions relatives aux ascensions d’aérophiles en reproduisant le résumé du mémoire présenté à la Commission par MM. Iler- mite et Besançon.

Nous nous bornerons donc à nous occuper en ce moment des résolutions relatives aux ballons montés.

Ces résolutions ont principalement pour but d'arriver à la détermination exacte de la température et de la hauteur barométrique à l'aide d'observa- tions visuelles. Les précautions que l'on recommande nous paraissent peu efficaces à cause de la longueur du temps nécessaire pour que les lectures soient faites tant au baromètre qu'au thermomètre. Les observations auto- matiques ont l'avantage inestimable d'être instantanées et de n'être enta- chées que d'erreurs systématiques dont il n’est point impossible de déter- miner l'amplitude en faisant varier d'une façon méthodique les éléments dout chacune d’elle doit déterminer la valeur.

L'emploi des ballons captifs et des cerfs-volants, qui a été chaudement recommandé par la commission et qui permet, paraît-il, d'opérer sur une alti- tude variant de 0 à 3,000 mètres, diminue également l'intérêt qu'offrent les ascensions libres au point de vue des vérifications visuelles.

Est-il donc indispensable de condamner les aéronautes à un travail très pénible, qui les distrairait de leur tâche réelle, celle des observations géné- rales de la manœuvre de l’aérostat, de l'exécution des opérations nécessaires pour la bonne marche des enregistreurs, pour la mise en service d'instruments d'une délicatesse spéciale, etc., etc.

De tous les instruments le plus incommode, le plus incorrect serait le baromètre à mercure sauf dans les conditions -où le ballon n'a point d'oscillations et parcourt tranquillement une trajectoire horizontale.

Excepté dans des cas choisis, il n’y a aucun parti à tirer de l'observation d'un liquide aussi facile à déplacer que le mercure, de sorte que ce n'est pas le baromètre à mercure, qui doit servir à contrôler le baromètre anéroïde, mais c'est le baromètre anéroiïde qui doit servir à contrôler le baromètre à mercure.

Le plus grand progrès dans les observations aéronautiques fut l'invention du baromètre anéroïde, et il n’y a pas lieu d’y renoncer pour les observations de précision.

L'idée de photographier la position de la colonne de mercure, et la posi- tion d'une aiguille indicatrice sur un cadran rendra les plus grands services, mais dans des circonstances spéciales que l'aéronaute devra s'attacher à déterminer d'une façon précise.

Un autre préjugé c’est de croire que le physicien qui prend place dans la nacelle doit rester indifférent à la manœuvre du ballon. Les observations quelqu’elles soient n'auront d'importance que si elles sont faites au moment

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propice et exécutées par quelqu'un pour qui l'art aéronautique n’a point de secrets.

Qu'il nous soit permis de citer un exemple :

Si l'on veut exécuter des calculs de réduction des hauteurs barométriques il est indispensable de partager la colonne en tranches, de calculer indivi- duellement la hauteur de chacune de ces tranches, et de faire la sommation des hauteurs ainsi déterminées. Mais pour que la méthode soit appliquée avec toute l'exactitude désirable, il ne suffit pas que des observations exactes soient faites au commencement ct à la fin de chaque tranche, il faut que l’on fasse autant de tranches qu'il y a de changement brusque dans la loi de variations des températures et de l’état hygrométrique; or ces variations brusques se produisent lorsqu'on passe sous l’ombre d’une couche de nuages, quand on entre ou que l’on sort d’une de ces couches, ou quand la couche dans laquelle on entre change de direction. En un mot, il faut ajouter aux indications des enregistreurs celles qu’ils ne peuvent donner sur les accidents de route. Le problème est donc, non de vérifier ces chiffres que donnent les enregis- treurs par la lecture de chiffres analogues, mais de les compléter, ce qu'un aéronaute peut faire avec quelque chance de succès, mais ce dont un observa- teur habitué seulement aux lectures de terre ne saurait être chargé.

Ce que nous disons pour les mouvements de la colonne de mercure, doitse dire aussi pour les ondulations verticales de l'appareil photographique. Si l’on veut que les vues prises servent à la détermination de l'altitude, il faut déclancher l’obturateur dans un moment la verticalité de la chambre noire est constatée.

Ce point délicat demande une grande habitude des voyages en ballon. N'est-il point également indispensable de s'assurer de la grande transparence de l'air, quand on se trouve à une altitude assez notable? Ne doit-on pas se préoccuper de photographier quelque point remarquable qu'il soit facile de reconnaitre sur les cartes inexactes ou sommaires que l’on peut se procurer de la surface de la Terre?

N'’en est-il pas de même pour déboucher les tubes vides d’air que l'on veut rapporter dans les laboratoires pour l'étude des poussières ef la recherche de l’Argon

Rien de tout cela n’est possible, si l'on ressuscite la méthode de M.Glaisher, célèbre aéronaute anglais, dont l'attention était absorbée, par une foule de lectures, d'instruments de toutes espèces dont aucun ne donnait des indica- tions sérieuses à cause de l'excessive mobilité du ballon.

Ce savant, entrainé par les habitudes qu'il avait contractées à l'observa- toire de Greenwitch, il dirigeait les services météorologiques, s'imaginait qu'il pouvait racheter les imperfections de chaque lecture isolée en augmen- tant leur nombre. Il ne s'apercevait pas qu’il ne faisait souvent que multiplier les causes d'erreur. En effet, si le ballon était en ascension l'altitude des couches allait en augmentant, et il ne diminuait point l'étendue des erreurs systématiques en multipliant le nombre de ses lectures. Il aurait fallu pour se rapprocher de la vérité qu'il ne prit ses mesures que lorsque l'aérostat oscillait autour d’une portion moyenne.

Mais perdu en quelque sorte au sein de l'océan aérien, il n'avait aucune idée de la direction de la trajectoire de l’aérostat. Il ne lui était pas même possible de se rendre compte du moment le ballon pénétrait dans un autre courant aérien; aussi la seule distinction qu'il ait pu faire entre les observa- tions recueillies avec tant d’assiduité et dans des conditions souvent très

ay NES

périlleuses, est de mettre d’un côté celles qui ont été faites par ciel couvert, et de l’autre celles qui l’ont été par un ciel serein.

Cette manière d'opérer était évidemment la seule pratiquée à l’époque Richard, ancien maire du XIX®, n'avait point encore construit les enregis- treurs. Mais elle ne saurait être recommandée de nos jours. Elle a fait grand honneur au savant qui l’a exécutée il y a quarante ans. Elle en ferait bien peu à celui qui la ressusciterait.

Après les travaux de M. Cailletet, c’est la photographie qui doit remplacer l'œil de l’observateur et faire les lectures directes des baromètres et des ther- momètres à mercure. Ce résultat nous paraît résulter de ce qui s’est dit à Strasbourg.

En d’autres termes, la photographie s'impose, non pour toutes les mesures, car l'inscription sur le noir de fumée est excellente, mais pour la lecture directe des instruments à mercure, dans les cas elle peut donner une grande précision.

W. de FONVIELLE.

LES CERFS-VOLANTS ET LES BALLONS

Dans la Météorologie

M. le Directeur de l’Aérophile, -

Dans son examen des conclusions de M. Assmann sur l'exploration de la haute atmosphère (voir l’Aérophile, novembre-décembre 1897, page 217), M. de Fonvielle dit que les ballons sondes sont préférables aux cerfs-volants, même pour les hauteurs moyennes.

Quoique ne voulant rien déroger aux ballons sondes, si bien imaginés et développés par MM. Hermite et Besançon, pour l’exploration de la haute atmosphère (voir ma critique sur la brochure : Zes ballons sondes dans /a Science, 7 janvier 1898), je ferais remarquer que les cerfs-volants que nous employons à Blue Hill sont certainement le meilleur moyen d'étudier l'air libre jusqu’à 3.000 mètres d’altitude, et nous avons deux fois obtenu de belles traces des enregistreurs au-dessus de cette altitude.

Les avantages sur les ballons que présentent les cerfs-volants sont ceux-ci : L'économie, au point de vue d'installation et des expériences. Les mesures exactes d’altitude, qui ne peuvent pas se faire sur un ballon libre. La ventilation complète des instruments et l’absence d’un grand corps chauffé par le soleil qui forcément fausse les indications ther- mométriques. Ainsi, comme dit M. de Fonvielle, les températures accusées pendant l’aseension d’un ballon sont ordinairement trop élevées et pendant la descente elles sont trop basses. Avec les cerfs-volants, au contraire, les températures enregistrées tombent presque sur la même ligne pendant la

Mens

montée et pendant la descente, et, au moins jusqu'aux nuages, elles accusent à peu près la décroissance adiabatique qu’indique la théorie. 4 Avec les cerfs volants on fait monter et descendre les instruments en peu de temps, ce qui permet d'obtenir des coupes presque verticales et successives pour l'étude de la variation diurne dans les diverses couches de l'atmosphère.

Il est vrai qu’un ballon captif partage les avantages signalés sous (22)ret (4°), mais l'altitude qu’il peut atteindre ne dépasse guère 1.000 mètres, même le « ballon-cerf-volant » décrit dans l’Aérophile tout derniérement, et l'erreur dûe au rayonnement de l'enveloppe chauffée par le soleil y existe toujours. Cependant, quand le vent manque complètement, comme il arrive quelquefois dans les airs de haute pression barométrique, le ballon captif peut forcément suppléer les cerfs-volants.

À. LAURENCE RoTc.

Membre de la Commission aéronautique internationale.

A LA RECHERCHE D’ANDRÉE

Ascension libre du duc des Abruzzes

La seconde Exposition Nationale de Turin, consacrée à la commémoration du cinquantenaire de la publication du décret établissant le régime constitu- tionnel en Italie, a un ballon captif construit et dirigé par Louis Godard. Il n’est pas inopportun de rappeler que la première, organisée en 1884, avait eu également son ballon captif construit et dirigé par le regretté Eugène Godard père, oncle du célèbre aéronaute contemporain. Nous trouvons dans l’Aero- nauta de Milan, de mai 1898, une description excellente du ballon de 1898, au- quel nous ferons quelques emprunts. En le supposant rempli de gaz‘hydrogène à 1,100 grammes de force ascensionnelle par mètre cube, on arrive aux chif- fres suivants ; matériel montant 1,300 kg. 15 voyageurs d’un poids moyen de 16 kilogs 1,140, cables et agrès pour ascension libre 110 kilogs, lest 100 ki- logs,force ascensionnelle 650, l’on trouve 3,300 kilogs d'effort ascensionnel, le ballonnet à air possédant 200 répondait à la hauteur à atteindre (l’al- titude de Turin est 238 mêtres.) L’aérostat s'élève à une altitude de 400 à 500 mètres, il est manœuvré avec une machine treuil sur chariot ayant 25 che- vaux de force, ilest en tout semblable à celui de l'Exposition de Leipzig à bord duquel a eu lieu, après les six mois d’exposition sous la direction de Louis Godard le grand voyage de 24 heures 15’ dont nous avons donné le récit :

Pour le gonflement et l'étanchéité les constructeurs ont obtenus les mêmes succès qu’à Leipzig.

OT

Gonflement : l’appareil à gaz a eu une marche effective de 29 heures 15? + 8 heures d’arrêts pour rechargements et divers, la quantité d'acide sulfurique dépensée a été de 18.817 kilos, c’est-à-dire moins de 6 kilos par mètre * produit.

Etanchéité : l'entretien pour les 25 premiers jours a nécessité une dépense de 2.691 kos d’acide cause de la très petite quantité de gaz produite la dépense d’acide pour 1 est 8 kilos) ce qui donne 13 375 pour 24 heures c'est-à-dire moins de 1/2 010.

x X X

Après avoir visité le captif en détail le duc des Abruzzes a exécuté une ascension libre. Le voyage de $. A. R. a été entrepris sous la direction de Louis Godard, le 21 mai dernier, avec un aérostat de 11 m. 50 de diamètre dans lequel on avaitintroduit d’abord 300 de gaz hydrogène pur, et ensuite 500 de gaz d'éclairage. S. A. R. était accompagnée du lieutenant de vaisseau de Coëni, qui l’accompagne dans son voyage au Spitzberg. Le ballon pesait 240 kilogs, les vivresetles voyageurs 250 kilogs et à cause de la pluie de la nuit il ne restait disponible qu’une force de 160 kilogs de sable. Le ballon a été lancé de lenceinte du ballon captif près de la place du Valentino dans l'Exposition. Le départ a eu lieu à 8 heures 20’ du matin, cinq minutes après l’arrivée du Prince, et jusqu’à 9 heures une pluie torrentielle n’a cessé de tomber, triste commencement de voyage, mais le prince désira partir quand même.

Après être resté pendant 40 minutes entre 200 et300 mètres de hauteur direc- tion vers le sud et avoir traversé successivement Stupinigi,— Nichelino— Cori- gnano, Louis Godard ayant relevé sa direction et n'ayant plus celle des Alpes à craindre (là, il faut faire du 4,000 mêtres de hauteur), püt enfin soustraire son illustre voyageur à la pluie; il a gagné 1000 m., 1,200 m. 1,300 m. d’alti- tude le soleil apparut; à ce moment la direction changea et l'on fit volte- face, l’on repassa sur Stupinigi, puis l’aérostat revient droit sur Turin, 2.480 m., c'est-à-dire vers le nord, près de Cosselle. Les voyageurs aériens firent une première descente et, 10 1n. après, reprirent leur vovage. Entre Cosselle et St-Maurizio l'altitude maximum fut atteinte : 2,780 m , nouveau départ, puis 30 minutes après une deuxième descente euùt lieu près de Saint- Francesco alcampo, puis la direction changea encore et le ballon alla vers Cirié-Lanzo.

Lanzo est une petite ville située à 30 kilomètres au N.0. de Turin, célèbre dans les annalés des Progrès de l'électricité. Eneffet c’est à Lanzo, qu'ont eu lieu en 1884 les expériences qui ont établi l'efficacité des transformateurs Gaulard. On voit dans cette gare un monument élevé en l'honneur d’un grand électricien français mort fou dans un hôpital de Paris, et que ses compatriotes ont com- plètement oublié. En ce moment des nuages orageux se montrèrent si menaçants, que l'’aéronaute français crut bien faire de toucher terre une troisième fois, 114 d'heure d'arrêt et continua sa marche au guide rope; la direction changea encore une dernière fois et le ballon marcha à nouveau vers le sud, sa première direction, et nos aéronautes se décidèrent d’aller jusqu'au Château de la Mondria habité par le duc d'Aoste, frère de notre voyageur, mais le lest étant épuisé le lieutenant de vaisseau de Cogni resta à terre près de St-Giaccino, et le voyage avec le duc continua au guide rope env. 20’, force ful à Godard d’arrèter le voyage 500 m avantl’arrivée au Château-Royal, car l'orage vent et eau arrivait alors avec grande brutalité, le dernier atterrissage eut

Re

lieu à Cne del Médico le dégonflement fut fait, il était 1 h. 30, le voyage de $S. À. R. avait duré plus de 5 heures. À 6 h. heures du soir nos voyageurs étaient de retour à l'Exposition le Prince tint à reconduire son aéronaute.

Dans cet intéressant voyage, le Prince eut l’occasion de voir la mer des nuages sur laquellese peignaitl’auréole des aéronautes Ilen sortait tantôt des masses informes de vapeur formantdes cônes à figure géométrique, et tantôt, au contraire, la massive vapeur était interrompue par de vastes déchirures par- faitement limpides, à travers lesquelles on voyait la surface de la terre se dessinant nettement avec la fraîche parure d’un printemps de la Haute-Italie. Nul spectacle n’est plus gracieux et plus instructif pour un voyageur qui va observer les spectacles que les régions arctiques réservent aux explorateurs du Pôle-Nord.

Si au mois de septembre prochain Louis Godard met à exécution son projet de franchir les Alpes en ballon, en partant de Turin, $. A. R. le duc des Abbruzes a manifesté le désir de faire partie du voyage accompagné de M. de Cagni. Ce voyage se ferait avec le ballon captif de l'Exposition.

À l'issue de son ascension le prince s’est embarqué à Gênes sur un yacht à vapeur qui l’a conduit à Tromsoë avec son aide de camp.

De il s’est rendu à l'archipel du Spitzberg pour continuerson exploration arctique, dont un des buts est la recherche d'Andrée,

Il est arrivé vers le 5 juillet, anniversaire du départ du ballon polaire, dans la baie de la Virgo. Rien n'était changé depuis que les marins du Svensksund, qui avaient laneé l’OErnen dans des conditions très précaires, avaient quitté le mouillage. Le prince a continué son voyage vers le nord. Il a se rendre à l’archipel des Sept-Iles, l’on a établi un dépôt de vivres. De il doit gagner la terre François-Joseph, se trouve l'hermitage de M. Jackson, vers lequel Andrée avait l'intention de battre en retraite après s’être approché autant que possible du Pôle-Nord.

Au moment nous écrivons ces lignes, on n’a pas d’autres nouvelles du duc des Abruzzes et du résultat de ses investigations, mais on a reçu de Tromsæ un télégramme qui a mis en rumeur tous les amis d’Andrée.

Un baleinier avait trouvé en mer, près des côtes du Spitzberg, une bou- teille contenant un papier sur lequel étaient écrits ces deux mots : Andrée, 1898.

Quoi qu'ii fut fort improbable que le capitaine de l’OErnen ait été si laco- nique, une foule de gens lui ont attribué cette dépêche et ont continué à espé- rer que la Fortune nous avait rendu cet homme illustre et ses deux compa- gnons.

Mais on n’a point tardé à être cruellement désenchanté.

Cette bouteille avait été jettée à la mer par un homonyme de notre vaillant ami.

Une expédition suédoise a été envoyée sur les bords de la Lena et n'a pas tardé à s'assurer que Andrée n'avait point abordé dans ces parages, ni dans aucune partie de la Sibérie.

L'expédition s'est mise immédiatement en route pour l'archipel de la nou- velle Sibérie, un dépôt de vivres a été établi par un autre voyageur russe.

* LES

Ajoutons que nous sommes arrivés au moment tous les jours le télé- graphe peut nous apporter des nouvelles d'Andrée. Ses chances ne diminuent point encore, mais elles disparaitront dès que les derniers navires seront revenus des régions polaires, au commencement de l’automne.

Si le télégraphe est muet, contrairement à ce que nous espérons en ce moment, on devra considérer Andrée et ses compagnons comme irrévocable- ment perdus. Les recherches que l’on fera ne sauraient avoir d'autre but que de découvrir des traces de leur passage, leurs cadavres ou des épaves de leur

nacelle et des objets qu’lis avaient emportés. W. Monnior.

CARTE SYNOPTIQUE DES VENTS

lors du départ d’Andrée

Un accident de clichage nous a empêché de donner dans notre numéro de mars la carte synoptique dessinée par M. Ekholm lui-même et repré-

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/N Jull{1897,

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sentant, avec une exactitude scrupuleuse, l’état de l'atmosphère lors du départ d’Andrée le 11 juillet 1897.

69)

Lagt 1,indique la position qu'avait le centre de dépression le 11 à midi.

Lagt ?, celle qu’il avait le 13 toujours à midi.

Les flèches en plein montrent la position des vents lors du départ, et les flèches en ponctué leur position 48 heures plus tard, à peu près au moment du lâcher du pigeon qui a apporté les dernières nouvelles de l'Œrnen.

Ce tableau est lugubre, car il montre que le ballon a du rester à peu près immobile, non seulement pendant les premières journées de voyage, mais pendant les jours suivants !!

On ne peut sans frémir songer aux impressions du vaillant capitaine de l'OŒrnen en voyant ses ressources s’épuiser par suite de l'odieuse fuite, qui continuait imperturbablement à lui enlever son gaz, c’est à dire peut-être son sang et sa noble vie.

Détournons notre pensée de cet atroce speclacle et espérons aussi longtemps qu'il sera posssible d'espérer.

W. De F.

NÉCROLOGIE

CHARLES-DENIS LABROUSSE

Charles-Denis Labrousse est à Paris le 17 janvier 1828. Il fut élevé à Sainte -Barbe et fut reçu à l'Ecole navale le 1°" novembre 1843.

Il fit sa première campagne qui ne dura pas moins de quatre années (1845 à 1849), à bord du brick le Génie, commandé par M. de Gueydon, qui devint plus tard amiral et gouverneur général de l'Algérie.

Les commandants sous lesquels il servit successivement : MM. de La Roncière le Noury Hamelin, et Lafond de Ladebat, qui apprécièrent également ses hautes qualilés, comptent lous trois au nombre des amiraux les plus célèbres de la marine française.

ÎL était enseigne de vaisseau en 1358, lorsqu'il a pris part à la guerre de Crimée. En 1854 et 1855 il faisait partie de l’escadre qui assiégea Sébas- topol.

Il s’est particulièrement distingué à la bataille d'Inkermann, à Kilburn,

et dans les travaux d'investissement il servait avec les compagnies de débarquement du Montebello.

70

En 1855 il recut la médaille militaire de la reine d'Angleterre et l’ordre du Medjidié de Turquie.

Le 26 novembre 1856 il était nommé lieutenanl de vaisseau. Le 21 fé- vrier 1857 on lui accordait la croix de la Légion d'honneur, et sa carrière maritime qui semblait devoir être brillante, fut interrompue par une maladie. Obligé de rentrer en France, il donna sa démission, et se con- sacra à la science de la navigation.

Il fut un des plus zélés propagateurs de la nouvelle industrie du Touage, et écrivit un traité complet sur cette importante matière.

En 1870 il reprit du service et contribua à la défense de Paris comme aide de camp de M. Fleuriot de l'Angle, commandant le VI° secteur, celui Passy-Auteuil.

Au mois de décembre il fut détaché à la gare d'Orléans pour diriger les expériences du ballon dirigeable le Duquesne que son oncle l'amiral Labrousse avait imaginé.

A la paix il reprit ses travaux scientifiques. C’est alors, qu'ayant appré- cié l'importance des ballons, 1l comprit l’aérostation dans la sphère de ses études. Il suivit les séances des sociétés aérostatiques, s'y fit une répu- tation méritée, et s’acquit la sympathie des aéronautes par une foule de suggestions intéressantes, dont quelques-unes sont passées dans la pra- tique courante.

Il a obtenu de nombreuses médailles aux expositions industrielles de sauvetage et d'hygiène.

Quelques jours avant sa mort il recevait une prime de 1,000 francs comme lauréat d'un concours de sauvetage, organisé à l'Exposition de Bruxelles. Ce procédé appréciable jusqu'à un certain point à la navigation aérienne, consiste dans l’exécution de parois démontables pour former un radeau insubmersible

Labrousse était d’un caractère doux et aimable, toujours disposé à rendre service mais en même temps cet excellent ami, et ce bon camarade était un doux entêté, qui ne déviait jamais des idées auxquelles il s'était attaché.

Le but principal des efforts de sa vie entière a été d’assurer l’insubmer- sibilité des navires modernes, que la pesanteur spécifique de leurs mem- brures condamne à couler comme un plomb de sonde. Il croyait y être par- venu en introduisant dans la construction, des matelas remplis de varech.

[1 poussait si bien sa confiance dans cette méthode qu'il avait voulu l'appliquer aux nacelles des aérostats.

Ces innovations ont provoqué une opposition furibonde de la part d’un grand nombre d'officiers de vaisseaux.

ii

À peine Labrousse avait il rendu le dernier soupir que la catastrophe de la Bourgogne est venue donner une leçon terrifiante aux optimistes croyant que tout est pour le mieux dans la meilleure des marines possibles.

Les efforts de Labrousse ont fait introduire quelques modifications dans la construction absurde des navires en fer. On suivra peut être moins timi- dement les conseils qu’il a donnés, nous l’avouerons avec quelqu’exagéra- tion. Mais n'aurait il fait que d'attirer l’attention sur le mal, que tant de personnages célèbres refusaient de voir, qu'il aurait droit à une place parmi les hommes utiles à l'humanité dont le nom doit être honoré.

Féix GRATIEN

Il n’était pas d’aéronaute qui ne connût Félix Gratien, l’homme des mont- golfières, le praticien de Crespin aîné, de Vidouville.

Deux choses surtout ont donné une certaine célébrité à Félix Gratien. La première, c’est une invention très ingénieuse, celle des manèges à ballon. Il a constitué un jouet charmant qui aurait pu faire sa fortune, mais Gratien avait le cœur léger et ne prenait que médiocrement souci de l’avenir.

Au moment la Parque a donné le signal du Zächez tout! il travaillait à la construction d’un grand manège à ballon pour remplacer les Petits Chevaux qu'on fait courir dans tous les Casinos. Il n’a pu mettre la main à son chef-d'œuvre, qui sera sans doute vendu à vil prix et peut-être ne sera jamais terminé. Tous, grands et petits, sages ou fous, nous jouons dans la vie aux propos interrompus.

L'événement qui mit Gratien en relief est un des plus curieux que rappor- tent les annales, si bizarres pourtant, de l’aérostation. Il dirigeait le gonflement de la Vidouvillaise, sa montgolfière de prédilection, lorsqu'une corde qui vint à fouctter s’enroula autour de son pouce, y fit une double clef et l'enleva pendant toute la durée de l’ascension.

Ce que souffrit Gratien. partagé entre la douleur et la crainte de voir la corde le lâcher, ne se peut exprimer. Comment peindre les angoisses de l’aéronaute féminine qui opérait sans s’en apercevoir ce rapt étrange. Qui donnera une idée des tortures du pauvre diable ayant de plus à subir mille meurtrissures en trainant sur un terrain parsemé d'échalas. Gratien, qui avait la vie dure, ne périt pas, il guérit et continua à exploiter sa Vidouvillaise, mais en prenant des précautions pour ne pas être enlevé de nouveau.

Gratien était marié; il laisse une femme et une fille, qui occupe avec dis- tinction une place dans le service télégraphique, elle a conquis une situation honorable à la suite de brillants examens.

A. C LÉRY.

ÉANTD ©

LES INVENTIONS UTILES ET AMUSANTES

L'AÉROPHILE

Les expériences du célèbre Franklin ont acquis au cerf-volant une place dans le domaine scientifique.

De nos jours, encore, d’'éminents météorologistes américains emploient cet appareil pour recueillir des observations dans les couches élevées de l'at- mosphère il peut se maintenir pendant plusieurs heures.

Mais sans vouloir marcher sur les traces de savants. le plaisir seul de lancer et de conduire un cerf-volant est suffisant pour justifier la faveur dont cet objet jouit auprès de la jeunesse.

En plaine, au bord de la mer, rien de plus joli, de plus gracieux que le vol de cet étrange oiseau. Malheureusement. si les grands espaces se prêtent à merveille à ses ébats, son transport difficile enrestreint forcément l'usage. En effet, lorsque cet appareil atteint des dimensions un peu grandes, il devient encombrant. Impossible del’emporter avec soi en voyage,

Pour remédier à ce grave inconvénient, la Compagnie Franco-Améri- caine a construit un type de cerf-volant pliant, tenant fort peu de place et pouvant, si on ne veut le porter à la main, se loger facilement dans une malle ou une valise auquel on a donné le nom « aérophile ».

279

L'aérophile présente des garanties de solidité bien supérieures à celles du cerf-volaot ordinaire.

Avec sa voilure en étoffe, plus de déchirures à craindre, au moindre choc.

Son ossature métallique (d'un acier tout spécial et peu cassant), établie géométriquement, offre une grande résistance et lui assure une grande stabilité. -

une rafale mettrait hors de service le cerf-volant commun, l’aéro- phile sort victorieux.

Aérophiles montés en tandem (Fig. 1.) (Fig. 2.) (Fig. 3.)

Sa mise en marcheest des plus rapides. Il suffit. l'appareil ouvert, de fixer la ligne volante à l’anneau central, soit par un nœud. soit à l’aide d’un petit crochet métallique (une simple épingle à cheveux suffit). La queue ayant été lestée convenablement, suivant la ferce du vent, l’aérophile s’avance majes- tueusement, sans soubresauts. On peut, à volonté, faire varier l'angle d’incli- naison de l’appareil, en donnant plus ou moins de longueur à la cordelette longitudinale qui passe dans l'anneau central.

La queue de l’aérophile peut être façonnée suivant le gout de chacun, la

MA

Compagnie Franco-Américaine donne cependant, la préférence à de longs rubans de 3 à 4 mètres, munis, à leur extrémité inférieure, de pochettes desti- nées à recevoir du lest.

Suivant la puissance du vent, on remplit plus ou moins ces pochettes de petits cailloux, en ayant soin, pour éviter leur chute, de fermer les pochettes avec une ficelle ou une bague de caoutchouc. |

l’aérophile soulève un poids relativement assez lourd. Il peut, par consé- quent, servir à des expériences nécessitant l'enlèvement de certains appareils, de construction légère : à la photographie à vol d’oiseau, par exemple.

A l’aide de ce dispositif (fig. 1), M. William Eddy, de l'Observatoire de Blue-Hill (Etats-Unis), obtint des résultats des plus encourageants. Il put atteindre une altitude évaluée à 1,274 mètres au dessus du niveau de la mer, avec un attelage de 7 cerfs-volants. Entre le et le 4e cerf-volant étaient sus- pendus des appareils enregistreurs.

FA LE RS se US ET 2 7 S Vis Z <. AR + :

Aérophile muni de 2 lignes (Fig. 4.)

Au lieu de relier chaque aérophile par une attache individuelle à un fil unique, en peut les disposer comme dans la figure 2.

Le fil du cerf-volant passe dans la voilure du 4 et vient se fixer à l’an- neau servant d'attache au fil de celui-ci et ainsi de suite.

Notre figure 3 représente un autre dispositif :

L'attache de chaque aérophile est fixée au milieu d’un long bambou et les bambous sont réunis entre eux par la ligne.

Suivant des expériences faites par M. J. Woodbrige Davis, les deux lignes retenant captif le cerf-volant permettent de faire décrire à celui-ci, selon que l’on tire à soi, l’une ou l’autre, une courbe, soit à droite, soit à gauche de la verticale (fig. 4.).

Le cerf-volant monte donc ou descend à volonté sans qu’il soit besoin d'’en- rouler la ligne.

On pourrait également, à l’aide de deux lignes fixées longitudinalement, l’une au-dessus, l'autre au-dessous du centre de gravité, faire monter ou des-

UT

cendre l’'aérophile, planer ou décrire des courbes gr acieuses perpendiculaire- ment à son point d'attache.

Dans certaines circonstances, l’aérophile est susceptible d’être employé pour l'échange de signaux. Plusieurs appareils de différentes couleurs ou de différentes formes, enlevés ensemble ou séparément, reproduiraient facile- ment un alphabet de convention.

Il serait même possible de lire, à de grandes distances, à l’aide d'une lunette terrestre, de gros caractères écrits sur la voilure d’un aérophile.

La nuit, on suspendrait à l'appareil de petits ballons lumineux ou des fusées susceptibles de s’enflammer à un moment donné, ou même une lan- terne légère.

Aérophile muni de 2? lignes (Fig. 4.)

Comme expériences simplement amusantes :

Lorsque le soleil brille, suspendre à l’aérophile ou à sa ligne de ces petites boules en verre étamé dites «panorama; » elles formeront dans l’es- pace, autant de petits soleils.

Des clochettes légères, en aluminium, par exemple, de différents tons, suspendues à l’appareil, donneront un petit concert aérien.

PO

LISTE

DES BREVETS RELATIFS À L'AÉRONAUTIQUE

ET

SCIENCES S'Y RATTACHANT, DEMANDÉS EN FRANCE (1)

274.058. 274.316. 274.674.

274.981.

3 Janvier 1898. Von Zeppelin, système de ballon dirigeable à plusieurs moteurs de disposition indépendante.

1 Janvier 1898. —Lisonÿ. Ballon de forme spéciale dirigeable, dit Canot aérien.

14 Janvier 1898. de Wolff. Appareil élévateur et moteur pour véhicules aériens.

14 Janvier 1898. Adams. Nouveau système d'aviation.

2? Janvier 1898. Pajer. Ballon dirigeable.

3 Février 1898. Hermite. Baromètre agrandisseur portatif.

12 Février 1898. Léopold. Perfectionnements apportés aux ap- pareils pour la transmission électrique de signaux.

28 Févri2r 1898. Alaux. Appareil ayant pour but la navigation aérienne.

9 Mars 1898. Dussequé. Ballon dirigeable, système Jean Dussequé.

2? Mars 1898. Cotessat. Nouveau propulseur dit propulseur

pneumatique pour la navigation aérienne et maritime. 17 Mars 1898. Mettrier. Propulseur aérien.

5 Avril 1898. Hein. Dispositif d'arrêt pour instruments de mesure ou d'astronomie à réglage automatique.

19 Avril 1898. Molnar et Horbiger. Machine pour voler dans l'air.

(1) Communication de MM. Marillier et Robelet, Office international pour l'obtention des brevets d'invention en France et à l'étranger, 42, boulev. Bonne-Nouvelle, Paris.

Le Directeur-Gérant : Georges BESANCON.

Imp. Louis Lamserr, 11, rue Molière,

L'AÉROPHILE

Directeurs : GEORGES BESANCON et WILFRID DE FONVIELLE Répacreur EN Cuer : EMMANUEL AIMÉ

6e Année. Nos 6-7-8. Juin-Juillet-Août 1898

PORTRAITS D’AÉRONAUTES CONTEMPORAINS

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UP) rt 0:14

Le Docreur HUREAU pe ViLLENEUVE

Dans la soirée de jeudi ? juin, le Docteur Hureau a succombé à une con- gestion cérébrale, produite par la rigueur inusitée de la température. Il a été saisi au moment il se rendait à la séance de la Société française de navi- gation aérienne, dont il était le secrétaire général et la cheville ouvrière depuis sa fondation, qui remonte à 1874. C’est cette Société, dont le Ministre de l’Instruction publique est le président d'honneur, qui a organisé la célèbre ascension du Zénith, dans laquelle Crocé-Spinelli et Sivel ont perdu la vie. A la suite de cette catastrophe, Hureau organisa une souscription publique en faveur des familles des victimes, il réunit ainsi environ 160 mille francs.

Lors des ascensions du Géant, Nadar avait créé un organe intitulé

pes

L'Aéronaute, qui paraissait à temps irréguliers. Hureau a repris cette feuille il y a trente ans et lui a donné une existence stable. Les trois cent soixante numéros mensuels ont paru avec une irréprochable précision et forment la meilleure Encyclopédie de ce qui s’est fait depuis 1868 jusqu'à nos jours, tant en aérostation qu’en aviation. C’est à cette dernière branche de la science de l'air que Hureau avait consacré ses travaux. Il avait collaboré, avec Sivel à la rédaction d'un mémoire qui obtint un des prix de l’Académie des Sciences. Au moment un trépas si soudain l’enlevait à ses travaux et à l'affection de ses amis il venait d’être nommé secrétaire de la classe 34 de l'Exposition univer- selle consacrée à l’aérostation. Une circulaire signée de lui a été distribuée le jour même de sa mort, pour convoquer la commission le mercredi 8 juin, au secrétariat général de l'Exposition.

Ses obsèques ont été célébrées le 5 juin, à Saint-Quentin, se trouve une de ses propriétés.

Son corps a été conduit à la gare du Nord par plus de cinq cents personnes, comprenant toutes les notabilités aéronautiques de Paris, des médecins, des membres de la Société des Ingénieurs civils et du Cercle de la Rue Royale dont Hureau faisait partie.

Après que le cercueil, qui disparaissait sous les fleurs, eut été installé dans le wagon destiné à le transporter, plusieurs discours ont été prononcés. Le premier par M. l’astronome Radau, membre de l’Académie des Sciences, président de la Société française de navigation aérienne; le second par M. Surcouf, directeur de l'École d’aérostation, que Hureau a fondée, et le troi- gième par M. le sénateur Decauville, vice-président de la Commission de la classe 34 de l'Exposition. Le Docteur Hureau qui paraissait beaucoup plus jeune était âgé de 65 ans. Il laisse une veuve et une fille adoptive, Mille Caron, orpheline, dont le père, décédé depuis longtemps, avait été un des secrétaires de la Société française lors de sa fondation. Le Docteur Hureau, qui possédait une jolie fortune, était très obligeant et il donnait ses soins désintéressés à tous les aéronautes qui avaient recours à sa science médicale, laquelle était fort étendue.

Sachant qu'il était menaçé de mort soudaine, il avait au janvier 1898, mis la Société de Navigation aérienne en possession du journal L’Aéronaute, dont il consentit à conserver la direction, et qui devra, par conséquent, être complètement réorganisé pour mériter la réputation dont il jouit dans le public spécial.

Dans ses travaux personnels, qui lui ont coùté beaucoup d'argent, le Doc- teur Hureau ne s’est jamais occupé que d'aviation. Il s’est attaché à cette branche assez stérile de l'aéronautique avec une véritable passion trop exclu- sive pour ne pas porter préjudice à ses succès. Il est mort en attendant la machine légère qui devait lui permettre de parcourir à son gré l'océan aérien.

Quoi qu'il ait salué avec enthousiasme la construction de l'hélicoptère, Penaud mettait en mouvement des hélices motrices à l'aide de ressorts en caoutchouc, il cherchait à imiter l’aile de l’oiseau. Dans ce but, il avait ima- giné un volaïeur ressemblant beaucoup à une chauve-souris, et à celui dont M. Ader poursuit en ce moment la construction. Mais cet oiseau monstre refusa obstinément de quitter la terre-patrie, et il repose en paix dans le Musée que le Docteur Hureau à établi dans les greniers de son Hôtel. Il fera partie de la collection fort curieuse dont la Société française sera prochaine- ment mise en possession.

Le docteur Hureau appartenait à la Société française d'escrime, dont il

roi

était un des fervents depuis de nombreuses années. Ce n’est pas qu'il fut d’hu- meur querelleuse mais il appréciait cet art au point de vue du dévelop: pement des forces physiques, problème dont il se prévecupait beaucoup.

Dans son régime ordinaire, il ne buvait que de l’eau, il ne vivait que de légumes ce qui n'empêchait pas que sa table hospitalière fut bien garnie de vins et de viandes de choix dont il s’abstenait par hygiène et par goût. Ce n'était du tout un ascète, mais un homme du monde, prenant grand soin de sa personne et recherchant les meilleures sociétés.

En tout il était original, et avait pour faire chaque chose une manière qui n'appartenait qu'à lui. Souvent il laissait sa voiture sous la remise et son cheval à l'écurie pour faire ses courses à pied afin de se donner de l'exercice, ce dont il prétendait avoir besoin. C’est sans doute dans ce but qu'il s'était rendu pédestrement à l'Hôtel des sociétés savantes le premier jeudi de juin, pour assister à la séance il ne devait point arriver.

Cette manière étrange de disparaître, couronne une vie utile et labo- rieuse, d’un homme dont la mémoire ne périra pas de sitôt, et qui n’a pas obtenu les honneurs auquel ii avait droit, mais qu'il n'avait pas assez de phi- losophie pour apprécier à leur juste insignifiance.

Il aurait aussi désiré que, la Société Française fut reconnue d'utilité publi- que mais cette satisfaction lui a été refusée.

Quoique la mort soudaine ait brisé quelques cœurs qui l'’aimait on doit la considèrer comme heureuse quand on la compare à l'existence que trai- nent quelques débris humains dont la raison s'éteint parfois avant que l’Eter- nel ait promené son souffle sur l’étincelle de vie, qu’il leur a donnée.

La fin si rapide de Hureau a jeté une désorganisation profonde dans la Société Française qui, nous le craignons bien, ne se relèvera point de la perte qu'elle a éprouvée d’une façon si soudaine. Il est, en effet, à redouter que les éléments divers qui la compose ne puissent demeurer unis, maintenant que le lien qui les rattachait a été dissous. Il faudrait, pour qu’elle prospérât, qu’un autre Hureau la prit sous sa tutelle, mais les Hureau sont malheureu- sement bien rares, par le temps d’égoisme qui court.

Dans leur numéro de juillet 1898, les Mitheilongen de Strasbourg ont rendu, en termes énergiques, hommage à Hureau de Villeneuve.

« Son nom, dit la rédaction en terminant cet éloge funèbre, sera commé- moré et honoré partout il y a des hommes qui, comme le défunt, aiment la navigation aérienne. »

Ce témoignage d'estime est d'autant plus honorable que Hureau n'a jamais rien fait pour gagner la sympathie des Allemands. En effet, son journal ne recevait pas d'abonnés de l’autre côté du Rhin, et il reprochaïit à nos vain- queurs toujours avec la même énergie qu’en 1871, la conquête des deux belles provinces qui sont la partie la plus brillante de l’Empire qu’ils ont fondé. Il leur appliquait en toute occasion la loi des XII Tables.

Adversus hostem œterna aucloritas esto.

Wicrrip de FONVIELLE.

ol SÉJOURS PROLONGÉS DANS L’ATMOSPHÈRE

Voyages aériens au long cours (1)

Ballons thermiques

Nous terminerons cette étude par l’examen des ballons thermiques et des ressources qu'ils présentent pour la durée des voyages aériens.

Jusqu'ici nous avons constalé que le seul adversaire, le seul agent qui s’op- posait à la durée des ascensions, qui coupait l'équilibre des aérostats, était : la chaleur, et tout particulièrement la chaleur solaire. Il semble évident, a priori, que pour combattre ou neutraliser des effets calorifiques, il faut utiliser d’autres identiques; opposer la chaleur à la chaleur.

Ballons à air chaud Montgolfières.

L'aérostat le plus simple et tout à la fois le plus complet est le ballon à air chaud, dit : Montgolfière, du nom de son inventeur qui, du premier coup, a trouvé une solution parfaite, moins élégante que l'emploi de l'hydrogène, mais assurément plus pratique sous tous les rapports, parce qu’elle ne nécessite pas, pour des ascensions, la proximité d’une usine à gaz, ni les appareils encombrants de la production de l'hydrogène dit : «pur», ni le prix de revient coûteux de ce gaz. De plus, les montgolfières ne présentent aucun danger d’ex- plosion. Pour être mieux apprécié, il n'a manqué à ce genre d’aérostats que d’être un peu plus pratiqué et surtout étudié. Malheureusement l’étude et le calcul semblent tout à fait bannis de l'aérostation, ce qui explique le peu de progrès de cet art qui en est encore à la barbarie des premiers jours.

Eugène Godard père est l’aéronaute qui a le plus pratiqué la Montgolfière, il est arrivé à enlever huit à dix personnes dans sa Montgolfière l’Aigle, plus heureuse que l'OËErnen; sans aucun accident malgré la rusticité de son installa- tion primitive, il est parvenu à prouver qu'on pouvait pratiquer sans danger, ce genre d’aérostat, enlever et soutenir en l’air des poids assez considérables, rien qu'avec l’air chaud seul. Il est bien regrettable que ces expériences n'aient pas été plus suivies et répétées, car elles auraient amené certainement des progrès dans l’art aérostatique et dans la pratique des voyages aériens.

Avec les Montgolfières on ne peut pas ‘s'élever à d'aussi grandes hauteurs qu'avec les ballons gonflés au gaz. Est-il donc nécessaire, pour naviguer dans l'air, de parvenir à des hauteurs considérables ou la raréfaction et la basse température de l’air sont des dangers pour la vie des aéronautes ? N’est-il pas préférable, dans la pratique, de se tenir à des hauteurs plus modérées, des- quelles on puisse toujours reconnaître le chemin parcouru et suffisantes pour éviter la rencontre des édifices élevés et des accidents de terrain ?

Le principe physique sur lequel reposent les ballons à air chaud est la dila- tation de l'air sous l'influence de la chaleur. Sous cette action, le volume d’un

(1) Voir l’Aérophile, années 1893, 1895, 1896 et 1897.

ER QUE-

poids d’air déterminé s'accroit de TE par chaque degré de température au-

dessus de 0 degré Sa densité diminue donc avec l'élévation de la température et le ballon contenant de l’air chaud plus léger que l'air intérieur qui l'entoure, obéissant aux lois des corps plongés et du principe d’Archimède, s'élève dans le milieu plus dense il est immergé.

A l'époque de l'invention de Montgolfier, on pensait que c'était la « fumée » qui était plus légère que l’air et que sa production en était nécessaire pour gonfler le ballon et pour qu'il s'élève. Pour la produire on faisait usage de paille mouillée. C'était une erreur naïve, comme on en rencontre au début de toute invention; car la « fumée » n’est pas un corps, elle est le résultat de la condensation de la vapeur d’eau, ou de particules de carbone échappées à la combustion, entraînées dans le courant ascensionnel d'air chaud produit par le foyer. La fumée est donc plus lourde que Pair.

Depuis cette époque, la paille a toujours paru l’aliment obligé de la Mont- golfière. E. Godard lui-même l’employait pour le gonflement etle chauffage de route de ses Montgolfières.

La rapidité d’inflammation de cette matière donne l'illusion d’un grand dégagement de chaleur. Mais ce n’est que « feu de paille », car la matière étant très légère, ne possède qu'une très faible puissance calorifique sous un très grand volume et, par conséquent, peu de force ascensionnelle. Or, la durée du voyage étant limitée par la quantité de combustible qu’on peut em- porter, il importe que ce combustible possède la plus haute puissante calori- fique sous le plus faible poids et le plus petit volume. Nous examinerons plus loin ces éléments ainsi que leur mode d'emploi, mais, auparavant, nous allons étudier les effets statiques de l’air chaud et les quantités de chaleur qu'il faut produire pour la réalisation d’équilibres déterminés.

D'une manière générale, la Montgolfière sera en équilibre quand le poids de l'air chaud qu’elle contient, G’,\plus le poids mort M, de l’aérostat, de ses agrès et de tout ce qu'il porte, égale le poids du volume d’air intérieur déplacé (G), ce qui peut s'exprimer par :

GC+HM=G Le volume de G et de G& étant le même, il résulte que M égale la différence des densités entre l’air chaud et l’air froid multipliée par le volume.

Le poids que peut porter une Montgolfière sera :

M=G—G Connaissant la densité D de l’air extérieur, on connaîtra la valeur de G par la formule DV=G V représentant le volume du ballon. Si l’on connaît M le poids à enlever on obtiendra G’ par la formule G—G—M Connaissant G& on trouvera la température qu'il doit avoir par les formules techniques données dans les études précédentes IVÈR Or dans laquelle : T' = la température cherchée en degrés absolus, V = le volume du ballon en mètres cubes, P la pression en millimètres de mercure, 13.60

——— ou la densité du 425 (G c)

K=— 0.465 coefficient calorifique

2

mercure 13.00 divisée par le produit de l'équivalent mécanique de la chaleur, 425, par la différence (G—c) des chaleurs spécifiques de l'air sous pression constante (G) et sous volume constant (c). La formule générale de l’équilibre de l'air étant : MERCI elle permettra de trouver toutes les quantités des équations précédentes de l'équilibre des Montgolfières.

Ces équations posées, il est possible de calculer des Montgolfières DOUTE des conditions d'équilibre déterminées.

Soit proposé par exemple, de calculer les conditions d'établissement et d'équilibre d’une Montgolfière de 6.000 mètres cubes, le gaz ne coûtant rien, le volume importe peu, pouvant s'élever jusqu’à la pression 650mm, soit environ 1.300 à 1.500 mètres de hauteur, ce qui est suffisant.

Nous allons calculer M.

Le poids de l’enveloppe étant de 0 k. 600 gr., la surface sera 0: = es D, le dia- mètre d’une sphère de 6.000 est de 22m.60 D°= 511", la surface de la sphère 511 551 1610n°.

Le poids de l'enveloppe sera : 1610 X 0.600 966 kilos HainaceleleLSeS AOL CSPMPPERERC PS ECC TAC PET 250 Betfourneautet le réservoir re eRe RE 200 IRROISAÉTONAULES RTE ATEN PAPIERS 22 ÉUMONTS CCIMERS obo0 eco oceoscoodovooue 29

Le poids mort total sera..... 1.670 kilos Combustible ....... A A AR ee TE Re 600

Poids de M— 2.270 kilos

A la hauteur de la zone de 650% de pression la Montgolfière doit parve- nir, l’air supposé à 8 degrès de température les 6.000 mètres déplaceront un poids d’air G égal à

VPK 6.000 X 650 X 0.465 G= Di neo En 6.440 k.

8 + 273 = 2810 absolus.

Le poids G de l'air chaud devra être :

G—=G—M Or G étant 6.440 kilos et M 2270 x = G— M égalera 6.440 2270 ou 4.170 La température de l’air dont 6,000 mètres cubes pèsent 1.170 sera : gr VPK 6.000 X 650 x 0.465

Ho 3.170 Ou 434 273 1610 centigrades.

La dépense en combustible sera celle qui résulte de la perte de chaleur par le rayonnement de l'enveloppe. Les diagrammes des ballons-sondes de MM. Hermite et Besançon, peuvent permettre d'évaluer cette perte à 0.450 ca- lorie par degré et par mètre carré de surface d’aérostat et par heure. La Mont- golfière de 6.000 mètres cubes ayant une surface de 1.610 mètres, l'écart des températures entre l'air du ballon et l'air extérieur étant 161 —8 ou 153 la perte horaire de chaleur sera : 1.610 X 153 X 0.450 111.000 calories. Si on emploie un puissant combustible : essence de térébenthine, huiles minérales

4349 absolus

So

111.000 12.000 ou 9 k. 250. La prévision étant de 600 kilos, le ballon pourra donc se maintenir

dégageant 12.000 calories par kilo, la consommation horaire sera de

en l'air pendant ou 65 heures. Or, pendant ce temps, il serait facile à la

Montgolfière qui peut descendre à volonté, de renouveler sa provision de com- bustible, si elle voyage sur le continent.

Les chiffres ci-dessus peuvent être déterminés d’une façon précise et rigou- reuse en gonflant à terre une Montgolfière captive retenue par un câble atta- ché à une bascule à un dynamomètre et en tenant compte du poids de com- bustible brûlé par heure. Après cela, on pourrait s'élever avec toute certitude et surtout, toute sécurité.

Pas d’explosion à redouter et très grande stabilité, car la Montgolfière est fixe à son point statique pour une température donnée, elle ne peut monter que si la température augmente et ne peut descendre qu’à la condition de se refroidir pendant tout le temps de la descente. C'est ce qui rend si rapides les descentes des Montgolfières sans foyer permanent, aussitôt que l’air qui les a élevées se refroidit il va sans cesse se refroidissant, la descente est « accélé- rée » et dangereuse. Mais si la température était maintenue,ellene descendrait pas, ayant une stabilité plus grande que les ballons à gaz dont l’équilibre est le même à toutes les altitudes si l'enveloppe est assez grande pour permettre les dilatations. Un ballon à gaz qui s'élève avec 50 kilos de force ascension- nelle conserve cette même force pendant {out le temps qu'il ne perd pas de gaz, car si les pressions vont en diminuant avec l'élévation, les volumes crois- sent dans la même proportion.

Avec les Montgolfières l'équilibre est différent, la force ascensionnelle est plus forte, à température égale, dans les hautes pressions. Ainsi, la Montgol- fière de notre exemple qui, à la zone de pression de 650mm porte un poids de 2.270 kilos porterait au niveau du sol, à la pression de 760 et à la température de 150 G G?.

__VPK 6.000 X 760 x 0,465

; 6.000 x 760 x 0,465 > y6pk. GE 288 G— G'=— 2,890 k. Fe OOmeO Re T 434

La force ascensionnelle au niveau du sol serait de 2.590 kilos, tandis qu’à la pression 650vn elle n’est plus que de 2.270, soit 320 kilos d'écart. Le ballon ne peut donc descendre au sol qu’à la condition de prendre un lest de 320 kilos ou de perdre de la température.

Il est donc indispensable que l’aéronaute puisse régler la température de l’aérostat d'une manière précise et soit toujours maître de l'intensité de son foyer. Ce résultat peut être obtenu d'une façon précise par l'emploi des chalu- meaux pulvérisateurs dans lesquels le liquide combustible n’arrive que goutte par goutte et dont le débit peut être réglé par un petit robinet semblable à celui d'un bec de gaz, dont la manœuvre peut même être opérée automatique- ment, pour une pression déterminée de l'atmosphère à laquelle on désire se maintenir.

Nous voilà loin de la paille originelle. Ainsi comprise, la Montgolfière devient un aérostat possible et pratique d’un prix peu élevé, d'un gonflement peu onéreux, qui ne redoute pas les explosions et qui peut permettre des voyages d'une certaine étendue sans avoir à redouter les congestions du froid

ete

ou de la raréfaction de l'air, on peut faire sa cuisine et fumer son cigare ou sa pipe sans avoir rien à redouter. Ce n’est pas encore la solution dela navigation aérienne complète rêvée par les impatients, c'est encore de la navigation à l'aventure sans savoir l’on ira, mais permettant de savoir l’on va, de descendre et de remonter à volonté. Tout cela est bien quelque chose et quelque chose de plus que ce qui s’est vu jusqu'à ce jour en aérostation; mais comme c’est simple, pratique et sérieux, on ne s’en occupera pas.

Le charlatanisme seul a le don d’'émouvoir la foule, malgré les déceptions et les mystifications avec lesquelles le public paie son enthousiasme.

Thermosphère

Une solution élégante, comme on dit en mathématiques, de la question aéronautique, est celle proposée par mon savant ami, M. E. Aimé, avec le, ou la thermosphère. Ce genre d’aérostat mixte est tout à la fois à feu et à gaz, tenant de la Montgolfière et du ballon. C’est un ballon ordinaire incomplète- ment et insuffisamment gonflé, incapable, à la température ordinaire, d'enlever son poids mort. Par des injections de vapeur d’eau dans l’intérieur du ballon, il échauffe le gaz qui se dilate, prend un plus grand volume et, augmentant ainsi le poids de son déplacement, arrive à devenir plus léger et à s'élever. En réglant ses injections de vapeur, il peut s'élever ou s’abaisser à volonté, sans perdre de gaz ni employer de lest, pourvu que la contenance du ballon per- mette de faire face aux accroissements de volume du gaz.

Ce système ingénieux mérite, sous tous les rapports, un examen attentif.

Pour plus de simplicité dans les calculs, nous supposerons que la thermo- sphère, d'une capacité de 2,000 mètres cubes, soit gonflée seulement avec 1,000 mètres de gaz au départ, tenant une réserve égale pour faire face à la dilatation.

Le gaz est de l'hydrogène pur des aéronautes, au poids de 0 k. 150 le mètre cube à 0°, et à la pression de 760mm,

Pour examiner et évaluer son équilibre, nous allons la suivre dans une ascension. Nous commençons à noter l’état de l’air au départ :

Pression, 760m®; température, 15° cent. La densité de l’air dans ces condi-

| Pk£ 760 X 0.465 tions est G= = ————— 1 k. 225.

1,000 mètres cubes d’air pèsent donc 1,225 kilos.

Ce poids représente le déplacement ou la force ascensionnelle totale du ballon gonflé à 1,000 mètres cubes.

Les 1,000 mètres cubes de gaz pèseront, à cette pression de 760 et à la tem- pérature de 150 :

VPEk Cu POU l'hydrogène la valeur du coefficient thermique # est 0.054. On

aura donc : 1,000 x 760 x 0.054 s G a = 142 kil. 500. Le poids total à enlever est supposé 5 Enveloppeletnle Eee 242 kil. » NACOATSORARRS, 6000000008: roue 1950 » DEN CÉOMENNES, cosocodesceonc ne 190 » Foyer etichaudene SPP 100 » Poids du/2azdu ballon e ere tee 142 900

Combustible de route................ 450 500 Total. en A2 dKil Ee

mena,

Le poids mort M du ballon est donc. gaz compris, de 1,235 kilos. Or, nous avons vu que le poids de son déplacement n’était que de 1,2% kilos.

Le poids du ballon étant plus fort que le poids d’air qu'il déplace, il ne s’enlèvera pas; pour qu'il s'élève, il faut chauffer le gaz pour lui faire occuper un plus grand volume. ,

On lance dans le ballon un premier jet de vapeur qui porte la température du gaz à 50° cent. A cette température, le gaz prend un volume de :

GT 142,500 X 323 CE 001

Le poids du déplacement d’air, ou force ascensionnelle totale, devient alors 0225 ou 107108

Le poids mort M n'étant que de 1,235, le ballon possède une force ascensive de 1,370 1,235 135 kilos.

Cette force ascensive, il la conservera tant que la contenance du ballon pourra permettre l'expansion du gaz et que les températures de l’air extérieur et du gaz resteront les mêmes. L'équilibre n’est donc pas le même avec la ther- mosphère qu'avec la Montgolfière, dont la force ascensionnelle décroît en s'élevant. Il est même tout à fait inverse car, en raison de la décroissance de la température de l’air en s’élevant, la force ascensionnelle de la thermosphère va sans cesse en augmentant, son élévation est donc accélérée, elle fait une chüte en l'air. Mais si cette accélération est sans inconvénient trop grave pour la période ascendante, il présente plus d’inconvénient pour la période descen- dante pendant laquelle l'effet inverse se produit, la force ascensionnelle va sans cesse en diminuant, la descente est donc doublement accélérée : par la gravitation et par l’excès croissant du poids relatif du déplacement. Constatons ces effets par le calcul. Supposons le ballon parvenu à la hauteur de la zone de 500nn de pression avec sa température de gaz de 50° cent. ou 3230 absolus, si la température extérieure de l'air est restée de 15° pendant toute la hauteur de l'ascension à la pression de 500nm, la densité de l’air sera :

G Pk 500 X 0.465 RAT PÈTS 288 Le volume nouveau qu'aura pris le gaz dans le ballon sera : GT 142,500 X 323 DE ESC Le poids du déplacement à cette altitude sera : V'G 1,700 x 0.807 = 1,370 kilos, qui est actuellement le poids du déplacement que nous avons constaté au départ, ce qui prouve que la force ascensionnelle est restée la même pendant toute l'ascension. Mais supposons, ce qui est conforme à l’observation, que la température de l’air, au lieu de rester la même dans toute la hauteur de la colonne parcourue, ait été sans cesse en s’abaissant et finalement à la pression de 500 de l’arrivée, elle ne soit plus qu’à 0°. Alors, la densité de l'air sera : IAE 000 X 0.465 (Cr = Tia 273 (0.850.

Le poids du déplacement serait alors de 1,700 X 0.850 = 1,445 kilos, au lieu de 1,370 qu'il était au départ.

C’est donc la preuve que la force ascensionnelle a été sans cesse en augmen- tant. On comprendra parfaitement que les choses se passent en ordre inverse pendant la descente. Sous ce rapport, la stabilité de la thermosphère n’est pas aussi parfaite que celle de la Montgolfière, dont la résistance à la descente va

0.807.

AGE SES

Sans cesse en augmentant. Nous ne parlons pas des Montgolfières foraines, qui ont aussi des descentes accélérées, mais des Montgolfières avec foyer perma- nent, comme est celle d'Eugène Godard.

Ce qui précède enseigne que : aussitôt que la thermosphère s'élève, il faut cesser l'injection de vapeur, pour éviter, d’une part, l'accélération et, d’autre part, pour amortlir progressivement la force ascensionnelle, qui ferait monter le ballon indéfiniment jusqu’à rupture d’enveloppe. Après avoir perdu par dilatation et par rayonnement, il arrive à s’équilibrer à une certaine zone. Admettons la zone de 500mm, l’air est à Oo et à la densité de 0.850, que nous venons d'observer. Comme la thermosphère pèse 1,235 kilos, son volume devra être tel que, multiplié par la densité de l’air, le produit soit égal à 1,235, ou :

5, = DES 9 1,235 V' x 0.850 = 1,235, d'où V'= D

Quelle température doit avoir le gaz pour qu'il prenne ce volume ?

je VP£ se 1,455 X 500 X 0 465 G 142,500

Pour être en équilibre à cette zone, il faut donc que la température du gaz, qui était au départ de 50° cent., soit descendue à 4e seulement.

L'équilibre existe donc dans ces conditions, mais précaire, car nous avons yu que si la température s'élève l'ascension s'opère accélérée, de même, inver- sement, si une cause quelconque met le ballon en descente; il est alors aspiré vers le bas. Si l’on veut le soustraire à sa double accélération, il faut qu’on ait pu donner au gaz avant son arrivée au sol la température qu'il possédait au moment de l’ascension.

Lorsque la résistance de l’air à la descente du ballon sera égale à l’accéléra- tion, la vitesse de descente sera uniforme, on peut l’évaluer à 15 mètres par seconde, c'est avec cette vitesse qu’il arriverait au sol, si pendant le temps de cette chute, le gaz n'avait pas repris ses 50 degrés du départ, ou simplement la température correspondante à l'équilibre de son poids de 1 235 kilos, qui ne serait que de 18 degrés, en faisant le calcul. Comme la thermosphère à son état d'équilibre à 500m/m possède déjà 4°, c’est donc seulement de 1% qu'il faudra que son gaz s'élève pendant la descente .

Quel serait le temps de cette descente à la vitesse de 15 mètres par seconde? La hauteur D est égale à

2—P H D 18393 1 log 34 É 93 X ( + 1000 ) og r 3450 mètres

1,455 mètres cubes.

T°?

À 3450 . le temps passé à la parcourir serait de: Fe en 4 minutes environ.il

faut donc pour enrayer cette chute que, en moins de 4 minutes, la vapeur ait élevé la température du gaz de 140 centigrades.

La quantité de chaleur que devra fournir la vapeur pour obtenir ce résullat sera : :

QO=GXCX (IF) le poids du gaz X par sa chaleur spécifique et par le nombre de degrés. Q = 142.500 X 3.405 X 11°—6770 calories

et comme la vapeur d’eau cède par sa condensation 500 calories environ par

170 : —=13k0,500 de

kilogramme, il faudra envoyer pendant ces 4 minutes

vapeur. La vaporisation de 13 kilos 500 de vapeur en 4 minutes augmente la

_— 87

puissance d’une chaudière de 20 chevaux dont les dimensions et le poids seraient considérables.

Heureusement pour l'emploi de la thermosphère qu'un semblable matériel peut lui être épargné ou être très sensiblement réduit, la nature travaillant seule pour fournir la température nécessaire dans le temps voulu. Voici com- ment :

Pendant la descente, le gaz de la thermosphère va sans cesse en se compri- mant en passant par des zones de pressions croissantes ; et en se comprimant s'échauffe par le fait même de cette compression. La chaleur résultante de la compression a pour équivalent mécanique, le travail représenté par la chute qui se trouve transformée en chaleur qui l'équilibre. L'augmentation de tempé- rature qu’elle tenterait de produire serait :

H Log T'= Log T + 0.29 Log = 2.496 qui est le logarithme de 313. Or, 313 la Ce q 8

température absolue de l’arrivée, moins la température absolue du départ, 277 donne 360, La compression élèverait donc de 36° la température du gaz, si une partie ne se trouvait dépensée par le rayonnement extérieur et comme il n’est nécessaire que d’une élévation de 140 pour obtenir l'équilibre et que la diffé- rence des températures intérieure et extérieure est très faible, la perte par le rayonnement doit être insensible et la quantité de chaleur d'équilibre doit être certainement réalisée naturellement.

L'étude de l'équilibre de la thermosphère n’est pas aussi simple qu’elle apparaît au premier abord et nécessite une investigation assez étendue. La conduite de cet appareil exige une scrupuleuse attention et la connaissance par- faite des lois qui régissent son équilibre, il n'est pas à la portée des aéronautes forains et il faut un vrai « capitaine » pour la conduire. Avec cela, nous croyons que cet appareil aérostatique serait capable de réaliser de grands progrès dans l’aérostation et de permettre des voyages d’une assez longue durée. En suppo- sant que la perte de chaleur par rayonnement exige comme dans la Montgol- fière d'environ 9 kilos de combustible par heure ; nous avons vu qu’elle pouvait enlever 450 kilos 500 de combustible, qui représenteraient une durée d’ascen- 450 + 500

9

Avec un ballon d’un plus grand cubage, la provision de combustible pour- rait être plus considérable et un voyage d’une semaine de durée pourrait être facilement réalisé. La thermosphère possède l’avantage sur la Montgolfière de s'élever à de plus grandes hauteurs et par conséquent de pouvoirrechercher des courants aériens favorables à la direction qu'on se propose de suivre. Quelques réflexions sur la thermosphère pour finir. Nous avons vu que son équilibre était indifférent, ce qui correspond, en aérostation, à instable.

Le générateur Serpollet qu'indique M. Aimé, comme producteur de vapeur, nous paraît être le plus impropre à cet usage. Ce générateur ingénieux est des= tiné à donner rapidement de la vapeur en tension en raison du peu d’eau qu'il renferme ; mais pour la thermosphère la fension n’a aucune valeur,ne devant pas employer de pression, c’est la quantité qu’il faut et la quantité ne peut être obtenue que par des récipients à parois extra minces, laissant passer la chaleur rapidement et à grande surface, conditions qui sont absolument opposées au générateur Serpollet. Enfin, le défaut capital de l’idée du savant M. Aimé est d’avoir vu le jour dans un pays et à une époque les choses de la science sont peu en faveur, principalement les choses de l’aérostation, qui ont été déja exploi- tées par tant de charlatans sous des étiquettes plus ou moins scientifiques, car

sion de 50 heures.

Roue

aujourd'hui toutes les ascensions sont scientifiques. Les idées sérieuses qui n'empruntent pas le concours du trombone et de la grosse caisse, passent inaperçues et la foule imbécile continue toujours à crier qu'elle ne voit rien, alors qu'on lui jette des vérités à lui crever les yeux, ce qui est peut-être la raison de son aveuglement; car rien n’est plus difficile à voir, ou à vouloir être aperçu, qu’une vérité. Il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

Sur cette péroraison, il ne me reste plus qu'à féliciter M. Aimé de son ingé- nieuse idée et de lui offrir tous mes remerciements pour avoir ainsi appelé mon attention, ce qui m'a entrainé à chercher l'équation de la vapeur d’eau, problème vainement étudié jusqu'à ce jour et dont j'ai été heureux de trou- ver la solution, utile non seulement à l'aéronautique, mais à la mécanique en général, et, comme toutes les idées s’enchaînent, J'ai été amené à la concep- tion d’un aérostat exclusivement gonflé à la vapeur d’eau. Voilà un ballon anti-explosible et ininflammable. Comment se comporterait-il en l'air, c’est ce que nous allons examiner.

Aérostat hydrothermique à vapeur

Dans ce genre d’aérostat, c'est la vapeur d'eau seule qui est l'agent élé- vateur.

La densité de la vapeur d’eau 0.588 à la pression ordinaire, est à peu près celle du gaz d'éclairage (0.533), mais elle a sur lui l'avantage de pouvoir être produite partout, sans usine spéciale et à un prix minime. Elle n’est niinflam- mable ni délétère, son emploi ne présente aucun danger. Comme elle est pro- duite à chaudière ouverte, il n’existe aucun danger d’explosion sous ce rapport. Elle semble avoir été prédestinée à l’aérostation par toutes ces qualités prin- cipales. Mais elle en possède encore une autre, peut-être la principale, c’est d'assurer une stabilité absolue à l’aérostat, stabilité qu'aucun autre élèment de sustension ne peut lui donner, le ballon hydrothermique est plus stable, que la Montgolfière. Une fois équilibré, sa chute est impossible. il est intom- bable, toute chute est impossible. Il résume l'idéal de l'équilibre stable impos- sible à obtenir avec les ballons à gaz, qui sont toujours chancelants et qui ne s'arrêtent plus une fois leur descente commencée. Le ballon à vapeur ne peut descendre que lentement, tout mouvement de descente est rapidement et naturellement enrayé.

Son équilibre est inverse de celui de la thermosphère.

Dans celle-ci nous avons vu que la force ascensionnelle allait sans cesse en progressant avec l'élévation.

Avec le ballon hydrothermique, au contraire, la force ascensionnelle va sans cesse en diminuant avec l'altitude. La conséquence de cet état spécial gst : que lorsque le ballon est équilibré, il faut jeter du lest pour qu'il s'élève. En sorte qu'il ne peut descendre qu’à la condition de lui restituer son lest, et que pendant tout le temps de la descente, sa force ascensionnelle va sans cesse en augmentant. Il est donc inversable.

Analysons-le et établissons-en la preuve.

Le ballon est gonflé. L'air à 150, la pression à 760 millim. L'air a donc pour densité 1 k. 225. Si nous supposons sa capacité de 1,000 mètres cubes, son déplacement sera de 1,225 kilos. la vapeur d’eau à la pression de 760 millim. a pour température, 100 degrés c. ou 373° absolus, 1,000 mètres cubes de vapeur _ pêseront : d’après notre équation statique de la vapeur d’eau :

SON

VPK 1.000 760 x 0.29 | G— T —= G SE TETE —088 kilos. La force ascensionnelle sera donc de 1225—588 kilos 637 kilos. SUppo-

sons le ballon à la zone de 600 millim. de pression et l’air à la température de + 90 ou 278 0 abs.

1,000 mètres cubes d’air dans ces conditions pèseront ;

VPK 1.000 x 60) x 0.465 NAT 278

La vapeur à cette pression aura pour température 930.50 ou 376.50 abso- lus. Elle pèsera pour 1.000 mètres cubes :

VPK 1 000 x 600 x 0.29 TA 376.5

L'air pesant 1.004, la force ascensionnelle sera donc :

1,004—480 ou 524 kilos.

Nous avons vu qu'elle était au départ de 588 kilos. Puisque à la pression de 600 millim. le ballon ne peut déplacer que 524 kilos, il aura donc fallu qu’au départ ou pendant l'ascension, on ait jeté 588-524 ou 64 kilos de lest. L'effet de celest aura été complètement amorti quand le ballon aura atteint la zone de pression de 600 millim.

Dans ce système, on ne peut pas graduer la orce ascensionnelle avec la température, parce que, à une pression donnée, la température de la vapeur est fixe ou si on la dépasse, la vapeur entre en excès de pression, ce qui ne peut exister à cause dela fragilité de l'enveloppe. Ilen résulte que, au fur et à mesure que l'on s'élève dans l’air, les pressions diminuent et la température de satu- ration de la vapeur diminue également. Il arrive le contraire de ce qui se passe dans la Montgolfière la température de l'air chaud augmente dans le bal- lon, au fur et à mesure qu'il s'élève.

C’est cette différence dans la progression des volumes avecles températures, qui existe entre l'air et la vapeur d’éau, qui est la cause de cet état d’équi- libre stable particulier que nous constatons.

Ainsi : pour doubler la force élastique de l’air à il faut augmenter sa tem:- pérature de 273 degrés cent., tandis que pour doubler la force élastique de la vapeur d’eau il ne faut que 200.

Puisque les températures dela vapeur saturée sont plus élevées dans les hautes pressions et que la force ascensionnelle y est plus considérable, com- ment peut-il se faire que le ballon descende. Le ballon descend par la diminu- tion de volume qui résulte de la condensation de la vapeur contre ses parois, etil est nécessaire que cette condensation s'opère pendant tout le temps de la descente pour qu'il puisse descendre complètement.

Sous un autre point de vue, l'Aérostat hydrothermique présente un avan- tage particulier. Comme pour sa sustension, il n'emploie que de la vapeur à la pression ambiante, cette vapeur peut provenir de l’échappement d’une machine dans laquelle elle aurait pu travailler: soit, pour la direction de l’aérostat ; soit, pour produire de l'éclairage de signaux ; soit pour tout autre usage. Il y a dans cet appareil un embryon de la direction des aérostats. La vapeur travaille et soutient.

Avec un aérostat de cette nature, on peut aller loin, car partout on trouve de l’eau et des combustibles ; la consommation d’eau est faible, car le ballon sert de condenseur et de distillateur ; la même eau circule constamment, tan- tôt à l’état liquide, tantôt à l'état de vapeur.

1.004 kilos.

G —= 480 kilos.

OUR

La durée d’un voyage d'uue seule traite dépend de la quantité de combus- tible qu’on peut emporter ; et naturellement du volume à donner à l’aérostat. Cette quantité doit être sensiblement la même que celle que nous avons cal- culée pour la Thermosphère.

Nous terminerons ici cette étude dans laquelle nous avons essayé de démon- trer que l’aérostation pouvait être plus qu'un art d'amateur et de forains, et que l'aéronautique était une science dont nous avons essayé de poser les bases, en déterminant ses rapports avec les grandes unités fondamentales, et ses modes d'évaluation et de mesure. Nous avons démontré que dans toutes les circonstances il est possible de calculer et de déterminer les efforts auxquels sont soumis les aérostats et de les établir avec pleine connaissance de cause pour des usages et des services déterminés, tout comme on calcule les loco- motives et les bateaux à vapeur. Nous espérons avoir établi aussi qu'on peut perfectionner l'outillage aéronautique et lui faire rendre d’autres services que cette navigation barbare, à l'aventure, qu'on a toujours pratiquée jusqu'ici. L'aérostation n’a pas avancé d’un pas depuis l’apparition des premiers ballons, alors que les progrès les plus remarquables se sont accomplis dans toutes les branches de l’activité humaine.

L’aérostation n’a pas profité des merveilleuses découvertes de ces derniers temps, qui ont modifié l'outillage industriel moderne. Elle est restée réfractaire à tout. Et cependant nous avons montré qu'il pouvait en être autrement. Mais, pour cela, il faut vouloir et tenter quelque chose de nouveau, et surtout de perfectionné. Va-t-on encore montrer, à l'Exposition de 1900, le spectacle si démodé et si vulgaire des ascensions courantes et peu courues, ou les courses de ballons dont la vogue a été épuisée dès leur apparition? A faire courir et à entraîner des tortues, on ne les fera jamais devenir lièvres. Si l’on veut un sport et des records, qu’on fasse des concours de systèmes d’aérostats. Con- cours de durée de séjour, de procédés, alors l’aérostation gagnera quelque chose. Concours de moyens aéronautiques de long séjour, de longs parcours, de direction. Si les Sociétés aéronautiques n’ont pas autre chose à montrer que des courses de ballons à cette époque de découvertes, il vaut mieux s'abstenir. Nous avons indiqué des voies à suivre, les expériences n’en sont pas coûteuses et nous sommes assuré que les résultats sont au bout. Si on ne fait rien en France, on peut être assuré qu'à l'étranger on est plus hardi et plus entrepre- nant et qu'il existe certains pays il n’est pas nécessaire de démontrer trop longtemps les vérités pour qu'on les mette à profit.

Alexandre SALLÉ.

=

L'EXPLORATION DE LA HAUTE ATMOSPHÈRE

à l’Acadèmie des Sciences

A scensions tnlernationales du 8 juin 1898

Note sur l'ensemble des opérations rédigée par M. W. de FonvIELLE, secrétaire général de la Commission internationale, présentée par M. Bouquetde la Grye

Séance du 13 juin

A Paris trois ascensions ont été faites : l'Aérophile no 4, parti à2 h. 30 m. du matin de l'usine à gaz de la Villette, a été trouvé le matin à Verpillières (S.-et-O.)

Les instruments étaient intacts, mais les paysans ont, pour nettoyer le cylindre de l’un des enregistreurs, enlevé le noir de fumée sur lequel s'ins- crivaient les courbes. Un second cylindre est intact.

L'Aérophile no 3, parti à 10h. 5 m., est arrivé à Vernum,en Westphalie, à 4 heures du soir.

Les instruments qu'il portait sont intacts. La hauteur à laquelle il est parvenu est de 15.000 à 16.000 m. et la température de 64 C.

Le ballon monté Balaschoff est parti à 11 h. 5 m. et est descendu vers 2h. à Magny-en-Vexin. Il est parvenu à la hauteur de 2.300 m.

A Bruxelles le ballon l’Aurore, parti le matin du pare Léopold, est des- cendu près d'Ostende, après avoir atteint une altitude de 3.950 m.

A Strasbourg, le ballon-sonde est parti à 8 h. 30 m., de l’esplanade de Steinthor, et s’est éloigné dans la direction du nord. Il a été retrouvé près de Saint-Martin, dans la Haute-Autriche, cercle de l’Inn, après s’être élevé à une hauteur de 11 km , ou il a constaté une température de 50°.

Le ballon monté est parti à9 h. et est descendu à 12 h. 35 à Mittersheim, en Lorraine après s'être élevé à 1.600 m. il a trouvé une température de + 12.

A Vienne le ballon-sonde Falke, lancé de l'arsenal, a crevé au départ; le même accident est arrivé à un ballon monté par deux officiers qui n'ont pas êté blessés.

Deux autres ballons montés se sont élevés à 2,000 et à 2.500 m.

Une cinquième ascension d'un ballon monté a eu lieu à l'Exposition. Cet aérostat s’est élevé à 4.500 m.. obtenant une température minimum de 8.

Les trois ballons partis de Vienne ont commencé par se diriger vers l’ouest, puis ils ont changé de direction et se sont tous dirigés vers l'est s’est terminé leur voyage.

A Berlin un ballon-sonde a été lancé, ainsi que quatre ballons montés, qui se sont élevés respectivement à 5.500 m., 5.200 m., 4.200 m. et 2.800 m.

À 5.500 m. on a observé une température de 14°. À 5.200 m. elle était un peu plus basse, 15°. Les deux autres minima ont été respectivement de et de 0”. On n'a pas encore de nouvelles du ballon sonde.

À Saint-Pélersbourg, suivant les avis de Berlin, un ballon-sonde se serait élevé à 9.000 m. et un ballon monté à 4.500 m. Ce dernier est descendu à 30 km. de son point de départ après être resté plusieurs heures en l’air.

ET O0RE

A Munich, on a lancé deux balions montés. L'Académie, parti à 9 h. 16m... s'est élevé à 4.700 m. L’Zbis, parti à 10 h. 6 m., est parvenu à 3.750 m. Comme ceux de Vienne, ces deux ballons ont commencé à se diriger vers l’ouest, puis ils ont changé brusquement de direction et ont voyagé vers l’est jusqu’à l’at- terrissage. Quoique partis à une heure d’intervalle, les deux ballons ne se sont presque jamais perdus de vue jusqu’à l'atterrissage qui a eu lieu à 1 h. 3 m., pour le premier et ? h. 43 m. pour le second.

On n'attend plus de nouvelles que du ballon monté de Varsovie et du ballon-sonde de Berlin. On ne sait pas encore si Rome a pris part aux opéra- tions aérostatiques de la journée du 8 juin, comme il en avait été question.

Résultats sommäires des ascensions de trois ballons-sondes exéculées à Trappes.

Séance du 13 juin

Note de M. L. TEISSERENC DE BoRT, présentée par M. Bouquet de la Grye. dans la séance du 20 juin

Trois ballons-sondes, réglés de façon à explorer des régions différentes de l'atmosphère, ont été lancés par nos soins à l'observatoire de Météorologie dynamique, le 8 juin.

Le premier est parti de Trappes à 3 h.3 m. du matin et s’est élevé à _une altitude d'environ 12.500 m., il a trouvé une température de 69°; emporté par le courant supérieur des cirrus qui venaient du sud-35°-ouest, il est tombé à 160 km., près de Saint-Quentin, à 6 h. 43.

Le deuxième a été lancé à 4 h, 55 m., s’est élevé à 9.000 m., la tempé- rature était de 420, pour tomber au nord, dans l'Oise, à 90 km. de Trappes.

Le troisième, parti à 7 h. 55 m., est monté à 6.800 m., la température était de 21°, et descendu à Omenville, à 50 km. au nord-nord-ouest de Trappes, suivant ainsi une trajectoire intermédiaire entre celle du vent inférieur qui _soufflait de l’est-sud-est et celle du courant supérieur venant du sud-ouest.

Les instruments, revenus en parfait état, sont l’objet de nouvelles com- paraisons pour contrôler celles qui ont été faites la veille du départ, et les courbes tracées permettront d'établir la marche des températures à diverses hauteurs à trois périodes différentes du jour.

La présen d’une couche de nuages, à 5 h.et à 8 h., n’a pas permis de poursuivre la détermination de la hauteur des ballons par des visées directes simultanées faites de deux stations au delà de 3.500 m. d'altitude.

Actinométrie en ballon-sonde. Note de M. J. VioLLE. Séance du 20 juin

Le grand ballon-sonde de 465", lancé, le 8 juin dernier, par la Commis- sion aérostatique française, grâce à la générosité de S. A. $. le Prince de Monaco, emportait, outre les appareils de M. Cailletet et de M. Hermite, l’actinomètre enregistreur que j'ai décrit dans ma Communication du ? no- vembre 1897.

Cet actinomètre a parfaitement fonctionné; il a fourni un tracé continu très net, sur lequel se voient tous les événements de l'ascension : départ par temps sombre, traversée de nuages, arrivée en mains de trois quarts d'heure

re

au niveau le plus élevé le ballon plane horizontalement pendant près d'une heure, abaissement très lent durant plusieurs heures, suivi d’une des- cente rapide qui ramène le ballon au sol après un séjour de huit heures dans l'atmosphère.

Pendant tout le planement, la boule noire de l’actinomètre s’est main- tenue à la température constante de 1%, supérieure d'environ 50° à celle de Pair ambiant.

Quand l’état stationnaire de la boule est atteint, la quantité de chaleur perdue par refroidissement est égale à la quantité de chaieur reçue du Soleil. On a donc, en appelant

M la masse en eau de la boule noire,

v la vitesse du refroidissement,

q la quantité de chaleur absorbée pendant l'unité de temps par l’unité de surface,

s la section droite du faisceau des rayons incidents, l'équation

Mo = qs. d’où l’on tirera q, si l’on connaît M, s et v.

Met s sont des constantes instrumentales que le physicien peut esurer exactement au laboratoire et dont il peut modifier la grandeur de façon à satisfaire à toutes les exigences du problème; v est la vitesse de refroi- dissement dans les conditions actuelles, mesurable pendant l'ascension même.

L'ascension du 8 juin à fourni des résultats intéressants, qui ne s’accor- dent pas entièrement avec les idées en cours. Elle prouve que l’actinométrie tirera des sondages de l’atmosphère les avantages que nous en avions espérés pour une connaissance meilleure du rayonnement solaire et de l'absorption atmosphérique.

Sur l'étude de la haute atmosphère, par M. L. CAILLETET

Séance du 20 juin

Le 8 juin dernier la Commission d’Aérostation de Paris, conformément à la décision prise par le Congrès international réuni récemment à Stras- bourg a procédé à l’ascension du ballon monté Le Balascho/f et, en outre, au lancement de deux ballons-sondes.

S. À. S. le prince de Monaco avait bien voulu prendre à sa charge tous les frais relatifs à l’ascension de ces deux aérophiles, confiés aux soins de MM. Hermite et Besançon. L'un de ces aérophiles, d’un volume de 465 mètres cubes, parti des usines à gaz de la Villette à 10 h. 05, est tombé vers 4 heures du soir en Allemagne dans le voisinage de la frontière hollandaise, après un parcours d'environ 420 kilomètres ; tous les appareils scientifiques emportés par ce ballon sont revenus en bon état,

L'appareil photographique automatique, que j'ai eu l'honneur de pré- senter déjà à l’Académie, était fixé au-dessous du ballon et son mouvement d'horlogerie réglé de façon à obtenir des épreuves de quatre minutes et demie en quatre minutes et demie.

L’aérophile s’est élevé avec une grande vitesse et a disparu, après quelques instants, dans l'épaisse couche de nuages qui cachaient le ciel, et peu de temps après son départ la pluie est tombée. Dans de telles condi- tions, il était impossible d'obtenir des épreuves du sol au-dessus duquel passait le ballon. La partie supérieure des nuages, vivement éclairée par le

ARE

Soleil, a fortement impressionné la pellicule du celluloid sensible, qui, malgré un temps de pose très court, paraît presque uniformément noire, de telle sorte que l’image du baromètre, qui doit se reproduire sur la face opposée de la pellicule photographique, a été ainsi très affaiblie. Il est facile de lire cependant les indications fournies par l'excellent baromètre holostérique construit spécialement pour ces recherches par MM. Perthuis et fils.

Après développement, la bande de celluloïd a fourni 23 épreuves de 13 X 18.

Numéros Temps Pressions des écoulé depuis en millimètres épreuves le départ de mercure m mim NO AE Re o. » » D TL NT ER DORE 4,5 615 D Ce SD Ne Re NC 9 479 Al Rte ART SR 13,9 368 D se Rare LH 316 GERS ARR M RENTE MAN RE) 218 (Te RS SR OL ALORS IE 168 Ds ee et OM APE 10 148 DS re EE EPA 36 LOS RER Eee 40,5 ARR AR RER 45 ARR ER A e 49,5 LR D ce MR ces 54 ail AA En Le 98,5 lo ra 5020 63 TOR NE RENTE 67,5 LT RATE PRE FRONT 72 ASSET Serres Rte à 76,5 120 LORS RO EN PAR 81 » DORE TeS Ft RNA 85,5 » DA ASE NAN ER ER ET 90 » A Re LT ARR 94,5 » 2 UT Re RAR EURE 99 128

Les épreuves ayant été prises de quatre minutes et demie en quatre minutes et demie, on voit qu'après trente-six minutes l’aérophile a atteint la pression de 118 millimètres, qui correspond à la hauteur de 13.700 mètres, la température ambiante étant de 65° ; on voit en outre, et cette remarque est importante, que l’aérophile, arrivé à son élévation maxima, s’est déplacé horizontalement, pendant plus de quarante minutes, dans un milieu la pression était de 118 millimètres.

L'appareil destiné à recueillir l’air à grande hauteur, et que j'ai eu également l'honneur de faire connaître à l’Académie, n'avait pu, à raison de son poids (environ 10 kilog), être emporté par l’aérophile. On s’est contenté de le fixer à la nacelle du Balaschoff. Mais la hauteur de 2,300 mètres, qui n’a pu être dépassée, a permis seulement de constater que cet appareil a bien fonctionné. Une modification, que j'ai apportée à son dispositif, empêche tout contact entre le gaz recueilli et les matières grasses employées pour lubrifier les pièces du mécanisme.

RC

Un tube, destiné à fixer les microorganismes de la haute atmosphère, avait été préparé à l’Institut Pasteur, sous la direction de notre éminent confrère M. Duclaux; ce tube qui est joint à l’appareil de prise d’air, a également bien fonctionné à la hauteur insuffisante atteinte par le Balaschoff.

J'ai donc tout lieu d'espérer que, dans une prochaine ascension d’un ballon-sonde, l’ensemble de ce dispositif pourra donner d'’intéressants résul- tats.

Résultats des ascensions des trois ballons-sondes lancés à Trappes le 8 juin Note de M. L. TEISSERENC DE PORT, présentée par M. Mascart

Séance du 11 juillet

Pour faire suite à ma communication du 13 juin, j'ai l'honneur de présenter à l'Académie le résultat de l’étude des courbes rapportées par les trois ballons- sondes lancés à l'Observatoire de Météorologie dynamique. La comparaison des instruments a été faite à Trappes, le 7 juin, avant le départ et au retour des ballons au laboratoire de l'École normale, grâce à l’obligeance de M. Violle. J'ai pu ainsi suivre la marche des thermomètres jusqu’à 75° et étudier l’in- fluence de la température sur les baromètres anéroïdes.

Ces comparaisons ont donné des résultats satisfaisants pour les thermo- mètres à réservoir métallique employés à l'enregistrement; pour les baro- mètres la vérification par la machine pneumatique donne des résultats moins précis ; l'élasticité des boîtes n'étant pas complète, il en résulte une certitude d'environ 0 m. 01 de mercure sur les pressions, ce défaut n’affecte d’une façon sensible que la partie la plus haute de la trajectoire du ballon-sonde no1.

Dans tous nos calculs, nous avons adopté les coefficients qui donnent les plus faibles différences de pression : nos hauteurs extrêmes sont donc des hauteurs minima. :

Le premier ballon a suivi, en s’élevant du sol, une trajectoire curviligne se dirigeant vers l’ouest. Sous la poussée du vent inférieur, il a peu à peu rallié le nord pour prendre définitivement la direction du nord-est qui est celle de la ligne qui joint Trappes à Origny-Sainte-Benoite, il est tombé, franchissant ainsi 160 kilomètres en trois heures vingt-cinq minutes. Sa trajectoire est un peu à droite de la direction des cirrus qu'on a pu mesurer à 3 h. 12 m. et qui venaient du sud 350-ouest, marchant ainsi à peu près en sens contraire du vent inférieur. Le second ballon, parti deux heures plus tard vers l'ouest, s’est dirigé peu à peu vers le nord-30v est, le troisième est tombé au nord-nord- ouest suivant le vent inférieur.

Voici le résumé des résultats fournis par les enregistreurs :

TEMPÉRATURE DE L'AIR

1” ballon parti à 3 h. am. A 2e ballon 3e ballon Altitude Montée Descente partià5h.am. partià8h.am. km Degrés Degrés Degrés Degrés Dares 13.3 16.6(6h.m.) 14.0 18.3 OS 14.4 14.2 15.4 16.0

Re Te 11.6 12.1 14.0 13.4

96 450 ere 9.1 8.0 10.8 10.2 D. RME . b.8 4.4 6.8 7.4 Drsebiie 4e 0.3 1.0 0 1.4 AA CR RAR 6,2 7.3 4,8 (1) 3.4 (2) Dire CRE —13.6 —]5.2 —11.4 7.0 Den TurE . —19.0 —22,5 Le —11.0 HR ne —?4.9 —21.1 -—23,2 —117.4 SR AR ee —32.1 33.2 —31.4 » DR le 49.6 49 ,1 —39.0 » OR ReSRRrr —48.4 —52.0 47% » A se —-571.0 —08.4 » » 12e ee —(D. » » D LR CES —71. » » »

Les hauteurs ont été calculées en double et avec beaucoup de soin par MM. Christen et Maurice, météorologistes à Trappes, par la méthode dite des tranches, qui présente cet avantage que, dans l'emploi de la formule de Laplace, on ne fait aucune hypothèse sur la loi de variation de la température qui est connue pour chaque couche parles courbes de l’enregistreur. Les incertitudes sur les hauteurs sont ainsi réduites à des quantités tout à fait négligeables, tant que n’interviennent pas les phénomènes dynamiques, par suite desquels les différences de pression dans la verticale ne sont plus exactement propor- tionnelles aux densités, phénomènes dont j'ai fait une étude spéciale sous le nom de gradient vertical (voir Comptes rendus, 6 avril 1895 (3).

La décroissance de température, positive d’abord en quittant le sol, comme cela arrive par les nuits calmeset claires, a été d'environ pour 160 m. entre 3000 m. et 71000 m. région occupée par des brumes et des nuages en for- mation, plus haut elle se maintient aux environs de pour 130 m ; les mêmes variations s’observent dans les courbes du second ballon. Quant au troisième ballon, monté au moment le ciel était tout à fait couvert et la pluie commençait, il indique du sol aux nuages (3400 m.) une décroissance de lo pour 484 mètres pour passer ensuite à une décroissance de 1o pour 230 m dans les nuages pluvieux; au-dessus de 6 km la décroissance redevient de pour 170 m. Tous ces résultats s'expliquent bien par la décrois- sance adiabatique de la température de l’air.

La température minima a été de de 590 à la pression 15 cm, correspon-

dant à l'altitude de 41800 m, l’aérostat continuant à s'élever très lentement jusqu’à 13000 m.; pendant cette période le courant d'air vertical était devenu très faible en sorte que le thermomètre est resté stationnaire sous l'influence du rayonnement du sol, des nuages, du ballon, etc., ainsi que eela arrive dans toutes les ascensions de ballons-sondes.

La courbe de la variation de température en fonction de la pression, qui est très régulière, indique qu’au point le plus haut la température devait être de 710 pour le ballon no 1 et de 47° pour le ballon 2. Ces chiffres, qui ne sont pas observés directement, sont marqués (*) sur le Tableau.

Il est utile de remarquer que l’aérophile de MM. Hermite et Besançon,

(4) Dans les nuages peu denses. (2) Dans les nuages pluvieux.

DS aussi Swr le gradient barométrique vertical (Annales du Bur. centr. mét., tale 2

D pire

dans l'ascension du 14 novembre 1896 qui a été particulièrement intéressante comme faite de nuit, a trouvé à la hauteur de 11,000 m. une température de 60°, assez voisine de celle qui a été observée le 8 juin.

Les résultats de nos ascensions du 8 juin peuvent être tenus pour plus sûrs que la plupart de ceux qui ont été rapportés antérieurement par les bal- lons-sondes. En effet, c’est la première fois que deux ballons, partis à moins de deux heures d'intervalle, fournissent pendant la plus grande partie de leur course des chiffres qui se contrôlent mutuellement. En second lieu, le retard du thermomètre sur la température de l’air, qui est une cause d'erreur grave (1) (puisqu'on a observé antérieurement à la montée et à la descente du ballon des températures qui peuvent différer de 14° à la même hauteur), a été beau- coup réduit cette fois, comme on le voit par l’examen des courbes.

Ce progrès a été obtenu : en diminuant la vitesse d’ascension du ballon à l’aide de délesteurs à sable, de façon à ralentir les variations thermiques qui doivent être suivies par le thermomètre ; en protégeant l'organe sensible du thermomètre contre le rayonnement de la masse, quatre-vingts fois supé- rieure, de l’enregistreur proprement dit. Pour cela, l’inscripteur est placé dans une boîte à parois de liège qui forme isolant.

Il restera encore, à l'avenir, à soumettre les instruments à une ventilation artificielle suffisante (alors que la ventilation naturelle, due au déplacement vertical du ballon, a cessé) pour mettre sûrement le thermomètre en équilibre avec l'air, malgré le rayonnement des corps qui entourent le thermomètre. On pourra ainsi utiliser les indications recueillies pendant la phase la plus haute du voyage, qu’on doit éliminer jusqu’à présent comme entachée d'erreur

Malgré cette réserve, l'examen des chiffres recueillis conduit à des consi- dérations générales sur lesquelles nous reviendrons plus tard, lorsqu'elles seront appuyées sur d’autres documents que nous discutons en ce moment.

Situation atmosphérique au moment de l'ascension des ballons sondes. Transition entre la période des cyclones (hiver) el celle des orages (été).

Note de M. H. TARRY. Séance du 13 juin

Des ascensions internationales de ballons-sondes ayant eu lieu en diverses villes d'Europe le 8 juin au matin, il était intéressant d'étudier la situation de l’atmosphère à cette date, en traçant 4 la surface de notre con- tinent des courbes isobares assez précises et assez rapprochées pour qu'on pût se rendre compte de la disposition et du mouvement des couches que ces ballons devaient rencontrer.

Les diagrammes ci-dessous donnent le tracé des isobares, de 2 mm.,5 en 2mm., 5 le 8 au matin, et de douze en douze heures depuis le 6 juin. Bien que ces Cartes aient été établies avec les seules observations publiées dans le Bulletin international du Bureau central météorotique, il est facile de voir que l’atmosphère était dans un état de calme inusité.

Il est même à remarquer que le 7 juin, veille de la date choisie pour les ascensions, marque précisément le point de démarcation entre la saison des cyclones, qui a lieu de novembre à mai, et la saison des orages et des trombes, qui caractérise la périade d'été, de mai à octobre.

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Dans nos climats tempérés, de même que dans les climats tropicaux ou équatoriaux. on peut distinguer dans l’année deux périodes ayant des caractêres absolument tranchés : les cyclones, qui caractérisent la période d'hiver, étant d'immenses dépressions barométriques de plusieurs milliers de kilomètres de diamètre, parcourant l'Europe d’une extrémité à l'autre, tandis que les orages ne balayent que des surfaces de quelques dizaines de kilomètres de large, s'étendant sur quelques départements seulement, et leg trombes n'ont qu’un diamètre de quelques dizaines ou centaines de mètres.

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Isobares des 4, 5 et 6 juin

Selon moi, la période des cyclones est caractérisée par les dépressions barométriques faisant descendre le baromètre au-dessous de 750 mill, et la première et la dernière de ces dépressions marquent le commencement et la fin de cette période,

En 1898, la période des cyclones s'est prolongée beaucoup plus tard

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que d'habitude; le mois de mai a été continuellement bouleversé par les cyclones, et c'est la cause exclusive et incontestable des mauvais temps qui ont caractérisé ce mois et de la quantité exceptionnelle de pluie qui est tombée sur nos contrées.

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Commencement de la péricde des orages, trombes et tornades, le 7 juin 1898

Le dernier cyclone de la période d'hiver, faisant suite immédiatement au précédent, a attaqué l'Europe en venant de l’océan Atlantique, le 3 juin, le baromètre descendant à 749 mill., 8 le 3 au soir au nord-ouest de l’Ecosse, avec une baisse de 5 mill. 8 en vingt-quatre heures. Le centre de ce cyclone se trouve le 4 à Stornoway; le 5, il descend sur l'Irlande le baromètre marque 748 mill. 5 le soir: le 6 au matin, son centre remonte à Belmullet, (750 mill, 8) au nord-ouest de l'Irlande; notre Carte le montre revenu le 6 au soir à Stornoway; enfin la dépression rétrograde sur l'Océan Atlantique le 7, et ne reparaît plus. La Carte du 7 juin, avec les courbes isobares ci-dessus, a été remise à M. Hermite, à la Villette, avant l'ascension du 8.

Depuis le 7 juin, le régime des hautes pressions s’est définitivemen,

100

installé sur l'Europe, l'on ne voit plus que de petites dépressions secori- daires, éparpillées en plusieurs points et produisant de tous côtés les vio- lents orages, accompagnés de crues subites de rivières, qu'on a observées à l’ouest de notre continent et notamment en France. C’est un de ces orages qui a empêché le Balaschoff de s'élever dans les hautes régions ; il accompa- gnait la petite dépression barométrique qui avait précisément son centre à Paris au moment mêrie de l'ascension. Ce sont des particularités de détail dans l'étude des grands mouvements de l’atmosphère, qu’il est impossible de saisir lorsqu'on se borne à tracer de 5 mill. en 5 mill les courbes d'égale pression barométrique ; du reste les Cartes météorologiques du Meteorolo- gical Office de Londres donnent ces courbes de dixième de pouce en dixième de pouce, ce qui correspond à ? mill. 54.

EXPERIENCES INTERNATIONALES DU 8 JUIN

Les ascensions montées de Berlin

Nous avons reçu, le 23 Juin dernier, une lettre dans laquelle M. Berson a bien voulu prendre la peine de résumer lui-même les principaux résultats obtenus par les quatre ascensions montées de Berlin. C’est la première fois qu'un nombre aussi considérable de voyages aériens sont exécutés dans des conditions comparables, par d’habiles aéronautes et des physiciens expé- rimentés.

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« Je regrette infiniment que des travaux importants et très urgents ne me permettent pas de vous adresser un résumé spécial des résultats de nos ascensions du 8 juin.

Des tableaux, contenant toutes les observations faites pendant cette journée dans les nacelles de quatre ballons berlinois, avec toutes les réduc- tions, etc., sont en cours d'impression ; nous espérons pouvoir en envoyer une copie à M. Besançon ainsi qu'aux autres membres de la Commission interna: tionale dans le courant de la semaine prochaine.

Pour le moment je suis obligé de me borner à répéter les informations générales, envoyées peu de jours après l'ascension, au président de la Com- mission, M. Hergesell, à Strasbourg.

Sont montés:

(1) à 2? h. 39 du matin, ballon de notre Société avec Berson (seul).

(2) à 6h, » militaire avec le capitaine Gross et deux officiers.

(3) à 8 h. 53 de la Sociétéavecle Dr Suring (seul).

(4) à 11 h. 55 Militaire avec le lieutenant de Pregsfeild et

deux officiers. Tableau résumé des résultats:

101

Durée Hauteur Température minima Atterrissage Direction de Berlin maxima et distance SD ASS 08m RE EN 14.0 Hagenau (Meckl m WNW 18%*) km. Sa bourg) DO SP 0270 mie 7.8 5 WNW 113*) km. 228 Wailsnack :. .. LS à STD DOTE SES 14.7 ze Wdirecte, 49*) km. SES Brandenburg..} 32 67*) km. DR D 9 05 Dm ES - 0.1 & & (le long de la courbe) SE Rathenon .... | © WSW 70*) km. TD

haut. réduites 4 Voici quelques explications supplémentaires : (*) Les ballons 1,2 et 3 ont traversé deux couches de nuages (l'inférieure épaisse de 400 m. environ et quelque peu pluvieuse) et, trouvent dans les cou- ches supérieures, à 3,000 mètres un courant contraire qui leur fait faire une traversée en spirale.

L'insolation était énorme au-dessus de 4,000 m. et réellement presque

insupportable ; le thermomètre à boule noircie marquait jusqu’à 60° de plus, _que le thermomètre à aspiration donnant la température de l’air ambiant.

La vitesse moyenne était, même en tenant compte de la courbe du trajet, très faible et ne dépassait pas dans sa valeur maxima 1 m. par seconde; entre 3 et 4,000 mètres régnait un calme presque absolu.

L’atterrissage fut facile, mais toute l'ascension fut, du moins pour moi très fatiguante : 14 heures, seul dans une nacelle très petite et bondée d'instruments et de lest, un travail continu sans aide, soit aéronautique, soit scientifique ; en outre une pression barométrique qui ne dépassait pas 380 mm, je n'avais pas pris d’oxyæène, un froid vif, de l’air et une chaleur affreuse du soleil, je venais de passer une nuit blanche et pour comble de malheur j'étais nu-tèête (ayant perdu mon chapeau au commencement de l'ascension à quelque 700 m.de haut), comme on le voit, la situation n’était pas à la longue des plus

amusantes. » A. BERSON.

L'AÉRONAUTIQUE A L'EXPOSITION UNIVERSELLE

Le comité de la classe 34 (aérostation) s’est réuni le mercredi 8 juin, sous la présidence de M. Sarrau, membre de l’Institut, qui a prononcé une allocution exprimant les regrets de l'assemblée pour la perte imprévue de M. Hureau de Villeneuve. |

L'assemblée a désigné, à la presque unanimité des suffrages, M. Eugène Godard pour remplir les fonctions de secrétaire laissées vacantes par ce décès regrettable. Cette nomination sera universellement approuvée dans le monde aéronautique, le nom célèbre du nouveau secrétaire sera toujours consi- déré comme un symbole de l’habileté professionnelle, de l'amour de l'art aéronautique et du dévouement à la patrie.

L'assemblée a ensuite procédé à l’organisation des sous-commissions, qui n’ont aucune existence légale, mais sont destinées à faciliter le travail inté- rieur.

Le texte de la circulaire rédigé par Hureau de Villeneuve, et dont il donnait - lecture, la veille même de sa mort, au sénateur Decauville, a été adopté à l'unanimité.

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M. de Fonvielle a remis, au nom des aéronautes du Siège, une pétition dont M. Sarrau a donné lecture et sur laquelle nous reviendrons. La Société demande que les documents, objets, reliques, etc., etc., appartenant à la Poste aérienne, ne soient pas disséminés dans des collections particulières, mais groupés de manière à former un tout systématique rappelant avec éclat ce glorieux èpisode de l'histoire de l’aérostation, qui a été le point de départ de la renaissance de l’art aérien. Elle demande de plus que le centre de cette exposition spéciale soit la maquette du monument dédié aux victimes civiles du Siège, que le célèbre sculpteur Bartholdi met à leur disposition.

Cette proposition, qui fait honneur à la Société fraternelle des Aéronautes du Siège, a été acceptée avec empressement et M. Eugène Godard a heureu- sement inauguré son secrétariat, en notifiant cette bonne nouvelle à l’Asso- ciation fraternelle.

Nous avons le plaisir d'annoncer, que par décision en date du 1? juin, M. Henry Boucher, ministre du Commerce et de l'Industrie, a nommé M. G. Besançon, membre du Comité d'admission, dont le nombre est actuelle- ment le même qu'avant le décès de Hureau de Villeneuve.

Nous donnons le tableau complet du Comité et des quatre sous-commis- sionsdans lesquelles il a été partagé :

Exposition retrospective, c'est-à-dire, réunion de tous les documents relatifs à l'histoire de l’aérostation;

20 Aérostation proprement dite ;

Aviation;

40 Météorologie et applications scientifiques.

Toutes les communications doivent être adressées au commissaire général qui les fera parvenir au Comité.

Tableau des Membres du Comité avec l'indication de leurs

fonctions. FONCTIONS Dans Dans les sous-Commissions NOMS le Comité re me jme me MMPICONB ESA CON ARE A M. » M. » M. BOUTUAUXS RER PS RRUR M. » M. » » DeCAUuvrl eee RIRES Ne, M. M. P. M. ES pi ta Ne RRRET EEE TRE MEMMMRENME M. » D De FonvieNe Rene M. » M. » PE ECO dar der NEA S. S. M. S. M. FLE PES RES RUURC MR MERE RAlE M. » M. » » JAUDENE ES NEE TP ACTE ANNRRE, M. M. » » De EGP DS ASE PNA CRE F M. » » M. » achamhre Eee M. M. M. » » LAUTIOIE ES REPARER ARERR M. » » M. » R'ENALA PR EREES Re R. M. BE M. M. SATRAU ES 61 8 LAN SRI Ron PE M. M. M. M. SOMOLÉs onu eb bio uténood M. » » » M SURCOUÉ ES Et UNS ES AARONE M. » S. » M. isSandiers OUTRE M. P: M. » »

Dans ce tableau nous avons employé les abréviations suivantes : P., prési- dent ; V.P., vice-président; S., secrétaire, M,, membre.

103

Le Comité a rédigé une circulaire qui a été adressée à toutes les personnes susceptibles de se faire inscrire comme exposant. Nous pensons inutile de reproduire cette feuille dont nous adresserons un exemplaire à tous nos abonnés qui nous en feront la demande.

Il sera choisi ultérieurement un Comité d'installation pris dans le sein du Comité d'admission.

Quant aux jurés, dont la désignation sera faite ultérieurement, ils seront nommés, moitié par l'Administration, moitié par les exposants.

Nous rappelerons que l'Exposition comprendra tout ce qui regarde la construction des ballons, les voyages aériens, l’aérostation militaire et la navigation aérienne en général, ballons dirigeables et appareils d'aviation; appareils de vol mécanique, hélicoptères, aéroplanes, et parachutes.

Il y aura un Congrès d’aéronautique que la Commission général des Con- grès s'occupera d'organiser.

MM. de Fonvielle, Renard et Serpette ont été nommés membres de ce comité, qui a constitué son bureau de groupe et commencera ses délibérations à la rentrée.

L'Association fraternelle des aéronautes du Siège, a tenu une séance extraordinaire pour arrêter le programme des principaux objets que com- prendra son exposition. En voici la nomenclature sommaire:

Le ballon le Volta plié, sa nacelle grée comme pendant le siège, les appa: reils de photographie microscopique, les procédés de lecture au Ministère de l'Intérieur, les modèles des inventions diverses ayant pour but de faciliter la rentrée à Paris, un colombier du siège, photographie des monuments commé- moratifs, portrait des aéronautes du siège, photographies des gares affectées au service des ballons, etc., etc. V. CABALZAR.

UNE ASCENSION AU JARDIN D'ACCLIMATATION

L'après-midi du 4 juillet dernier, de nombreux spectateurs pouvaient voir sur la pelouse du Jardin d’Acclimatation, à côté du grand ballon captif de M. H. Lachambre apparaître un aérostat de minuseules dimensions.

Ce petit canot aérien, construit dans les ateliers de M. H. Lachambre à Vaugirard, ne mesure que 6 m. 10 de diamètre, son volume est de 118 m. cubes seulement, environ trois fois moindre que les plus petits ballons ordinaires enlevant une personne.

Il est construit d’une soie extra-légère ne pesant que 120 grammes au mètre carré, tout verni et manufacturé ; mais la résistance atteind cepen- dant 500 kg. par mètre, ce qui donne un coefficient de sécurité appréciable.

Le poids total de ce matériel aérostatique : l'enveloppe avec ses soupape et appendice, filet en coton, cercle et nacelle est de 27 kg. 500. Les engins d'arrêt comprennent un guide-rope de 100 mètres de long et une petite ancre en fer forgé système H. Lachambre.

L'opération du gonflement dirigée par M. Alexis Machuron ne demande pas une heure; l’aérostat se dresse de toute sa petite taille; il est d’un aspect diaphane superbe ; on peut voir à travers le tissu la corde de sou- pape se balancer à l'intérieur.

104

À 5 heures je prends place dans la nacelle entourée par un grand nom- bre de curieux. MM. H. Lachambre et Lair font le pesage. Je possède 15 kg, d'engins d'arrêt et 35 kg. de lest. Le pesage terminé, Mme H..., qui veut bien me faire l'honneur d’être marraine, s'approche de l’esquif aérien et dit : « Brazil » tu t’appelleras, sois heureux envole-toi dans les airs et que Dieu te protège ». « Lâchez tout. »

Le « Brazil » s'élève lentement semblant ralentir pour saluer les nom- breux spectateurs qui l’admirent, puis gagnant la zone du vent au-dessus des arbres, il s'éloigne assez rapidement dans la direction sud sud ouest. Au-dessus du bois de Boulogne, il atteint 300 mètres quand un gros nuage interceptant les rayons solaires, lui fait subir une brusque condensation qui le force à descendre.

Avare de mon lest j'hésite à m'en séparer, mais la descente continuant, je me résigne et suis obligé de projeter 4 kg. de lest pour ne pas venir effleurer les arbres du bois. Le « Brazil » remonte aussitôt jusqu’à 1100 m. il s’équilibre.

Le ciel est splendide, l'atmosphère limpide permet de découvrir un large horizon ; toute la grande ville s'étend sous mes pieds et ses milliers de bruits forment un brouhaha assourdissant.

Je traverse la Seine à Auteuil à 5 h. 20; et j'arrive au-dessus de Sceaux à l'altitude de 500 mètres. Le ballon baisse lentement, subissant l'influence de la température ; il arrive près de terre à Antony et le guide-rope com- mence à traîner. Je voyage ainsi entre 60 et 80 mètres de hauteur, jusqu à Longjumeau les habitants malgré moi, s'emparent du guide-rope et me forcent à descendre jusqu’à eux sur une petite place, après m'avoir fait effleurer les toitures, ce qui m’obligea à perdre quelques kilogr. de lest. Je réussis à faire allonger mon guide-rope et commandais de lâcher tout. Le « Brazil » délesté de plus de 5 kg. s'élève rapidement et atteind lalti- tude de 2100 mètres il reste en équilibre. Les diverses péripéties du voyage m'ayant ouvert l'appétit, je profite de ce moment de répit pour diner,

ne craignant pas que de mauvais farceurs viennent me tirer par la corde à cette altitude.

L’aérostat stationne pendant près d’une heure 1j? entre 1800 et 2000 mètres sans le moindre jet de lest, prouvant ainsi sa parfaite étanchéité,

A huit heures il commence à descendre. J’assiste à un ravissant coucher de soleil tandis que d’un autre côté se lève la lune qui apparaît à l'horizon en une boule de feu du plus beau rouge. Elle pâlit doucement, le crépus- cule arrive et bientôt sa face blafarde reste seule éclairant la terre.

Maintenant je voyage au guide-rope, entre Etampes et Milly à 9 heures; je traverse le village de Prunay, il fait tout à fait nuit; les habitants pour-

suivent le ballon et veulent l’arrêter je réussis à les en empêcher et continue ma route.

105

À 9 h. 40 je découvre les lumières d’une ville sur laquelle le vent me conduit. Consultant la carte, je devine Pithiviers.

J1 me reste encore plus de 15 kg. de lestet je pourrais passer la nuit en voyageant au guide-rope, mais il faut que je sois rentré le lendemain matin à Paris, Aussi, arrivant au point le plus près de Pithiviers, j'ouvre la sou- pape à 10 h. du soir; le gaz s'échappe rapidement Le temps de lancer l’an- cre el la nacelle touche le sol dans un coin de prairie. Pas le moindre lraïnage, l’ancre a parfaitemement mordu et l’aérostat est dégonflé en quelques minutes. Personne ne m'a vu descendre ; seul dans la nuit je plie et emballe le ballon dans sa nacelle ce qui me demande une demi-heure à peine. Je me disposais à quitter la place de l'atterrissage pour gagner la ville qui est tout proche quand j'entends sur une roule voisine le bruit des pas de deux voyageurs. Je hèle ces promeneurs qui me répondent et sem- blent surpris d'apprendre que je suis arrivé en ces lieux à l’aide d’un bal- lon, aussi s’approchent ils lentement et avec méfiance. Mais reconnaissant la vérité de mes allégations en apercevant la nacelle, ils avancent plus franchement ; et mettant leurs forces musculaires à mon profit ils empor- tent le matériel jusqu’à Pithiviers nousarrivons à 11 heures du soir.

SaAnTOos Dumonr.

Le grand ballon capuf de lexposiuon de Turm

À la date du 1°" juillet, le grand ballon captif de l'Exposition de Turin élait dressé depuis 62 jours et avait exécuté 532 ascensions. M. Louis Godard a offert gratuitement une place dans la nacelle à tous les cyclistes français qui se sont présentés. Il en était déjà venu quatre au nombre des- quels le célèbre Jacquelin. Le roi d'Italie a visité l'établissement le 16 juillet, Il s’est entretenu longuement avec les aéronautes MM. Taupin et Gourier, cet a recueilli des détails sur l'ascension libre de son neveu, le duc des Abruzzes, aujourd’hui à la recherche d’Andrée.

Le ballon captif de 1898 a failli être foudroyé comme celui de 1884 l’a été. L’orage qui a failli avoir cette issue funeste a éclaté le 27 juin à Milan. Il a duré 1 h. 40 et a été accompagné d’une chute de grêlons d’une grosseur si prodigieuse que tout le personnel a été obligé de se réfugier dans les bâtiments et les hangars pour ne pas être assommé. Le sol a été couvert d’une couche épaisse de 11 centimètres. Les grêlons avaient la forme d'œufs de pigeons. M. Godard en a fait ramasser plusieurs qui avaient jus- qu’à 36, 38 et 39 millimètres de longueur. Le chapeau de la soupape était percé de trous. Le ballon en avait quelques-uns, mais sans gravité, el qui ont été réparés.

106

Le ballon du cube de 3,200 mètres a été gonflé en 29 h. 15 de travail effectif, ce qui donne un débit de 109 m5. 77 par heure. D’après les comptes du marchand d’acide la perte quotidienne a été de 13 m°. 375 par jour, moins de 1/2 0/0 du volume par 24 heures.

Parmi les innovations introduites par M.Godard au cours de son exploi- tation, nous citerons l’emploi d’échelles de pompiers qui permettent au personnel de procéder plus commodément à l'inspection de l'aérostat.

L'administration a trouvé- un annoncier, le propriétaire d’un savon nommé SAPOL, qui a payé 10.000 francs pour avoir le droit d’accrocher une bande de toile le long de l’équateur.

C'est l'inauguration d'un affichage céleste qui se voit de très loin, et qui

obtient un assez grand succès pour être imité. AAC:

SUR DES APPAREILS D’AVIATION

Nous reproduisons à titre de document le mémoire présenté par M. Ader à l‘Académie des sciences. Nous attendrons que la Commission nommée par l’Académie des sciences ait fait son rap- port, pour donner notre opinion sur les procédés proposés par le célèbre électricien.

Les appareils d'aviation auxquels je travaille depuis de longues années et que j'appelle avions n'appartiennent pas à la famille des aéroplanes; iis reproduisent comme forme générale l’aile de la chauve-souris.

Depuis longtemps j'ai observé que les ailes des oiseaux forment, de l’a- vant à l’arrière, dans le sens de la translation, une spirale caractérisée par l’angle invariable du rayon avec les tangentes menées aux points de la courbe. Cette spirale présente une courbure plus ou moins accentuée, selon la charge des ailes, mais on la retrouve toujours et partout. J’ai donc appliqué à mes appareils ce principe dont ne se départit pas la nature et qui semble être la base fondamentale de l'aviation. :

Les formes que je donne aux charpentes des ailes se rapprochent de celles des chauves-souris. Leurs incurvations d'apparence bizarre sont la conséquence des efforts de directions multiples qu’elles doivent supporter. Ces charpentes sont creuses et faites par un procédé spécial qui me permet d'obtenir d'elles une très grande rigidité, tout en leur maintenant une légèreté extrême. Elles sont maintenues en position par des tirants en fil d'acier. Les voiles ou membranes qui servent de point d'appui dans l’air sont en étoffe de soie ; quelques-unes sont élastiques, d’autres sont sillonnées par de petits tirants logés sur l’étoffe et qui suivent les lignes de force. Les ailes sont arti- oulées en toutes leurs parties et se plient complètement. Pendant l’action du vol, ces ailes ne sont pas battantes, elles restent étendues dans une position de planement ; leur translation est obtenue par de puissants et très légers propulseurs ; elles sont mobiles à l'épaule et se manœuvrent sans effort de l’intérieur de l’avion.

La force motrice est fournie par la vapeur. Les machines, taillées dans l'acier, sont à quatre cylindres et à double expansion, avec une admission au cinquième de la course ; elles commandent directement un propulseur de quatre branches, rationnellement établi. Le générateur esttubulaire ; la vapo-

= 107

risation s’y fait, on peut dire, instantanément; car, toutes issues fermées à la vapeur, la pression accusée par le manomètre monte d’une atmosphère par seconde. Le combustible est approvisionné à l’état liquide ou envoyé vaporisé dans le foyer. Les vapeurs d'échappement se liquétient dans un condensateur spécial qui ne laisse rien perdre. Le poids total des générateur, machines, condenseur, est d'environ 3 kg par force de cheval nominal; la machine seule, à son maximum de vitesse et à sa plus grande pression, n’arrive qu'au poids de 3 kg par cheval. Pratiquement, dans l’air, on peut disposer et compter sur une force de traction effective, au bout des propulseurs, variant entre la moi- tié et le tiers du poids total de la force motrice, combustibles et lhquides exceptés.

Ainsi qu’on le voit, en dehors de l'aviation, cette force motrice est sus- ceptible d'être appliquée aux aérostats dirigeables. Il serait possible, en effet, avec un appareil moteur de 1000 kg, d'obtenir une traction permanente de 300 kg à 500 kg,

Le dernier appareil que j'ai construit et avec lequel j'ai exécuté quel- ques expériences, a environ 15 m, d'envergure; les ailes sont chargées, selon les poids du conducteur, du combustible et des accessoires, de 10 kg. à 20 kg par mètre carré. Le poids total, sans conducteur ni combustible, est de 208 kg ; à charge complète, il atteint 500 kg.

Les roues d'atterrissage qui supportent l'avion sont folles et peuvent prendre toutes les obliquités pendant les manœuvres sur le sol. Il existe, en outre, un gouvernail à l'arrière qui agit isolément.

L'appareil est à double traction ; chaque machine commande directement son propulseur; elles tournent en sens inverse l’une de l’autre et sont complè- tement indépendantes; il en résulte que les propulseurs servent aussi à la direction de l'appareil. Dans ce but, une barre de gouvernail commande un régulateur de prise de vapeur appartenant à la machine de gauche et une autre à la machine de droite, de telle sorte que, quand l’un s'ouvre, l’autre se ferme de la même quantité, comme c'est le même générateur qui fournit la pression, la somme d'énergie totale reste constante; la répartition seule de cette énergie est modifiée et l’évolution de l'appareil est obtenue.

Tel est, dans ses grandes lignes, le dispositif que j'ai l'honneur de sou- mettre à l'Académie, et sur lequel je vais entreprendre des expériences, dès que les circonstances me les rendront possibles.

ADER.

L’ESCAPADE DU BREITENSEE

M. Le Cadet n’est pas seul en ce moment à se préoccuper de la détermina: tion de la loi qui lie avec l’altitude, la tension électrique de l'air. M. Tuma continue à faire des expériences analogues avec l'appareil primitivement ima- giné par M. F. Exner de Vienne, c'est-à-dire un électromètre à écoulement d'eau. Le 18 juillet dernier, il a exécuté une septième ascension en partant de l'arsenal militaire de Vienne avec le ballon Breilensee, qui a figuré dans les ascensions internationales du 8 juin.

L'aéronaute était un lieutenant d'artillerie qui sortait de l'hôpital militaire ou il était en traitement à la suite d’une ascension, exécutée à l'Exposition oinquantenaire, dans laquelle il s’était cassé la jambe.

108

Cette ascension a été très mouvementée.

Les appareils a écoulement d’eau sont très lourds et très encombrants. Ayant exécuté avec succès ses observations jusqu’à 3.160 mètres, M. Tuma a prié le lieutenant de mettre fin au voyage aérien.

Tout s’est bien passé jusqu'au moment de l'atterrissage. Les appareils Exner avaient été renfermés dans de lourdes caisses de plomb qui traïnaient au dehors, de manière que la nacelle ne porte pas à terre et que le ballon file rapidement. Comme la soupape ne débitait point assez, le lieutenant voulut faire jouer la corde de déchirure, mais on avait oublié de la dégager d'une boucle de sûreté qui l'empêche de jouer automatiquement. Il fallut renoncer à l'emploi de cet agrès.

Le ballon fut pris par un vent violent et lancé à travers un bois de sapin, il se produisit fort heureusement un accident presque sans exemple dans l’aérostation.

Le filet ayant frotté contre un bois dur et même épineux, les cordes du filet se scièrent et le Breitensee se détachant du cercle prit son vol dans la forêt.

Heureusement la nacelle était engagée dans des branches d’arbre de manière qu’elle ne tomba à terre que lentement.

En s’aidant d'une carte, les aéronautes parvinrent à se diriger dans leur retour pédestre au travers des bois. Quant au ballon on le retrouva dégonflé 25 kilomètres plus loin.

Les résultats de M Tuma seront, comme ceux des six premières ascen- sions, publiés dans les Sifzung Berichte de l'académie des sciences de Vienne. Nous les comparerons à ceux de M. Le Cadet.

Nous devons ajouter que M. Bœrnstein, qui a également exécuté des ascen- sions dans le même but que MM. Tuma et Le Cadet, vient de publier un fort intéressant mémoire dans les Annales de Wiedemann, ce savant ne partage pas du tout les opinions de ses deux confrères, il ne croit pas que l'électricité mesurée par les instruments emportés dans la nacelle soit celle de l’air, mais il paraît disposé à admettre qu’elle est produite par l'induction de l'électricité négative dont la sphère terrestre est chargée.

Nous n'avons pas l’intention d'entrer en ce moment dans la discussion des causes de ces manifestations électriques Notre but est seulement de montrer combien la question est importante et compliquée.

Mais quelle que soit l'opinion que l'on professe sur l'interprétation des mesures, il est évident que le dispositif imaginé par M. Le Cadet est infini- ment préférable à celui de M. Tuma. Nous pensons que l’escapade du ballon Breitensee décidera cet habile et intrépide expérimentateur à se débarrasser de l'appareil encombrant qui a failli lui couter la vie et que mettant à part tout amour-propre d'auteur il adoptera un procédé analogue à celui que M. Le Cadet a imaginé. W. Monniot.

: ENREGISTREMENT DES DÉCHARGES ÉLECTRIQUES ATMOSPHÉRIQUES

Je viens d’avoir l’occasion d'enregistrer des décharges atmosphériques au récepteur d'un poste de télégraphie hertzienne sans fil installé chez moi. Le mât s'élève au-dessus du sol à une hauteur de 26 m. (l’altitude du solest d’en- viron 55 m.)., Ce mât domine les maisons voisines et se voit de très loin. Le fil conducteur, isolé, fixé à l'extrémité de ce mât, a 32 m.de longueur; ce col- lecteur des ondes électriques pénètre dans mon laboratoire et il est relié à une des électrodes du radioconducteur Branly du poste récepteur, l’autre élec- trode est mise à la terre.

109

Samedi, 40 juin, de ? h. 30 m. à 3 h. 40 m. de l'après-midi, au moment de l'orage, mon récepleur automatique a inscrit 311 décharges almosphé- riques intermittentes au fur et à mesure de leur présence sur le mât collecteur. Ces décharges étaient enregistrées avant l'apparition de l'éclair et le bruit du

tonnerre ». DuCRETET:

La Traversée de l’Afrique en Ballon

Nous apprenons avec plaisir que MM. Dibos, Léo Dex et Hourst se pré- parent à tenter une traversée de l'Afrique en ballon. Nous sommes d'autant plus heureux de donner cette nouvelle à nos lecteurs que nos trois intrépides compatriotes se proposent de débuter par un voyage d'essai pendantlequelils expérimenteront leurs méthodes dans un pays civilisé, ils trouveront un concours empressé. Ils seront à même de rechercher ce que leur plan primitif aurait d'impraticable et de s'exercer à la manœuvre d’un grand aérostat. C’est ainsi que M. Andrée aurait débuté s’il avait suivi nos conseils. Malheureuse- ment il s’est embarqué dans un navire aérien dont il ignorait les défauts et les qualités. Il n’avait point la pratique spéciale indispensable à l'exécution normale d’une entreprise difficile. Nous espérons encore que malgré le défaut d'informations et d'expériences préliminaires, il aura échappé au triste destin que nous redoutons malgré nous. Mais combien nous serions plus rassurés sur son sort s’il n'avait pas négligé une instruction que nous ne sommes point seuls, cette fois, à considérer indispensable!

La plupart des journaux qui reproduisent aveuglément des faits divers relatifs aux préparatifs des intrépides voyageurs s’extasient en songeant que dans son roman de cinq semaines en ballon, M. Jules Verne, a fourni le plan de la nouvelle expédition. Nous engageons MM. Dibos, Léo Dexet Hourst à se préoccuper médiocrement de ce qu'a écrit le célèbre romancier et de ce qu’ils ont pu écrire eux mêmes, mais à s'attacher à l'interprétation des résultats que l'expérience à laquelle ils vont se livrer leur apprendra.

La Revue Scientifique du 20 août donne de plus des détails précis sur ce plan original autant que patriotique. Le ballon aura un cube de 11,500 mètres. Le guide-rope sera composé de plusieurs câbles, en fil d'acier, d’une lon- gueur de 1,200 mètres et d’un poids total de 1,300 kilogs.

Les voyageurs auront à leur disposition deux nacelles superposées.

Le matériel montant pèsera 5,000 kilogs. Le poids de6 voyageurs, des vivres, instruments et bagages ne dépassera pas 1.000 kilogs. La perte quotidienne due à la fuite de gaz est évaluée à 9 kilogs, chiffre qui résulte des expériences faites par le colonel Renard à Meudon. Les dépenses sont évaluées à 3 ou 400,000 francs, non compris celles des expériencs préliminaires. Celles-ci mon- teraient à 15,000 francs et une demande de subvention que nous appuyons énergiquement a été adressée au Conseil municipal.

Nous sommes certain que la Ville de Paris tiendra à s'associer à une œuvre dont l'issue heureuse exercerait une influence incontestable sur les popula- tions indigènes de notre empire du Soudan. 11 importe de donner à ces sau- vages une haute idée des merveilles que les Français peuvent accomplir à l’aide d’une science, non moins merveilleuse, mais plus réelle que celle de

leurs magiciens. G. B,

110 L'HYDROGÈNE LIQUIDE

Quoiqu'il soit superflu d'entrer dans le détail des manipulations néces- saires pour la production de ce corps, il est indispensable d'indiquer ses propriétés extraordinaires. En effet, il n’est point impossible de l'employer à la graduation des thermomètres métalliques emportés dans les ballons sondes, surtout si l’on emploie ceux qu’a imaginés M. Teisserenc de Bort.

La densité de ce liquide singulier n’est que le 1/4 de la densité de l’eau ct est beaucoup moindre que celle de l'hydrogène carbone liquéfié, le liquide le plus léger que l’on connut avant le succès des manipulations exécutées par M. Dewar.

Ce qu'il y a de curieux, c’est que l’on a calculé quelle doit être la den- sité de l'hydrogène inclus dans les pores du palladium, et qu'on l'a trou- vée 8 fois plus grande on doit donc admettre que ce liquide ne serait point incompréhensible à moins de supposer que le volume des pores du palladium est beaucoup plus grand qu'on ne le suppose.

Le professeur Dewar a déterminé avec un thermomètre électrique en platine, la temprature d’ébullition de ce liquide. Il l’a trouvée de 238° à la pression atmosphérique, ce n’est donc que 35° au-dessus de la température de 273° qui suivant la théorie de l'équivalent mécanique de la chaleur serait celle de zéro absolu et celle du milieu planétaire.

La faiblesse de l'écart de ces deux nombres semble indiquer que la con- ception sur laquelle est basée la théorie précédente est radicalement fausse. Les constatations chimiques conduisent donc au même résultat que les diagrammes obtenus dans les ascensions d’aérophiles. Seulement cette fois l'écart est trop faible, landis qu'il est trop grand dans les expériences de la haute atmophère. Un gradient thermique de 209° entre la pression 1/10 et la pression zéro n’est pas plus probable qu'une différence de 35° degrés entre l'évaporation sous la pression 760m" et l’évaporation sous la pres- sion Zéro.

S'il est surprenant de voir que l'hydrogène liquide bout à une tempé- rature aussi basse il ne l’est pas moins de constater que sa vapeur a un poids spécifique qui atteint jusqu’à un pour cent de la sienne, tandis que la densité de la vapeur d'oxygène n’est que de 1/225 de celle de l’oxygène liquide en {rain de s'évaporer.

M. Dewar admet de plus que la température de l'hydrogène liquide en train de s’évaporer, est tellement basse que le fil de platine qui sert à déterminer le degré thermométrique se réduirait en poussière, par suite de l’affaiblissement des attractions moléculaires.

Cette expérience extraordinaire pourrait être faite si l’on parvenait à produire l’évaporation dans un vide partiel. Elle serait bien intéressante. Elle montrerait que le froid des hautes régions peut être à lui seul un obs- tacle à l'élévation des ballons-sondes, car la destruction des enveloppes doit se produire à une température bien supérieure à celle qui y règne proba- blement, 4

111

L'étude de l'influence de ces températures prodigieuses, offrirait un intérêt capital à d’autres points de vue comme nous le démontrerons dans un prochain numéro.

LE TOUR DU MONDE AÉRIEN

Le Conservatoire et les Ballons. Nous avons beaucoup admiré le Cen- naire des arts et métiers auquel l'honorable colonel Laussdat nous a fait l’hon-- neur de nous inviter. La fête était splendide. Les photographies prises en ballon occupaient une place d'honneur dans la bibliothèque transformée en splendide musée. Nous ne le cacherons pas, nous avons regretté que les ballons eux-mêmes ne figurent pas dans la fête de l'établissement qu'ils ont contribué d‘rendre populaire et que même dans son excellent discours le colonel Laussdat ait omis d'en faire mention.

En effet, le premier directeur du Conservatoire a été Conté, un fervent du corps des aéronautes de la première République. Les célèbres ascensions scientifiques de Biot et Gay-Lussac ont été exécutées au Conservatoire.

Depuis lors il y en a eu quelques autres qui n'étaient pas dépourvus d'in- térêt, telles que celles de M. Flammarion et d'Eugène Godard, de MM, W. de Fonvielle, Gaston Tissandier et Duruof. Elles occupent deux des plus inté- ressants chapitres des Voyages aériens.

Hervé Mangon, le sympathique prédécesseur du colonel Laussdat, a fait des expériences scientifiques du plus haut intérêt, pendant que le canon allemand tonnait autour de Paris. Enfin, le non moins sympathique colonel Laussdat est le fondateur de l'établissement aérostatique de Chalais-Meudon. C’est du reste au Conservatoire que l’on a confié les restes du Zenith, le ballon tragique dans lequel Crocé-Spinelli et Sivel ont perdu la vie, et Gaston Tissandier a con- tracté les germes de la cruelle maladie, qui, dès avant sa mort, l’a rayé en quel- que sorte du nombre des vivants.

Nous apprenons avec peine que par suite de nécessités de service, M. le capitaine Mœdeback et son coadjuteur le lieutenant Hildebrand, sont obligés de renoncer à la direction du Müitheilungen, journal auquel ils ont en quelques numéros assuré une place exceptionnelle dans la presse aéronautique. Mais nous sommes persuadés que ces deux éminents savants ne se désintéresseront pas de la feuille à laquelle ils ont donné une si brillante impulsion.

Du reste, ils ont confié la direction à M. le D' Mœnichs, de Strasbourg, dont nous avons pu apprécier pendant notre séjour à Strasbourg la science, l'esprit et l’amabilité. Nous sommes donc certains que notre vaillant confrère conti- nuera à prospérer.

Le yacht Windward est parti de New-York le 2 juillet pour le cap Bæson, s'embarquera le lieutenant Peary, pour sa quatrième exploration vers le Nord. Le steamer Stope, chargé de vivres et de charbon, était parti quelque temps auparavant pour le Nord de la baie de Baffin, il sera rejoint par le Windward.

112

On annonce également le départ du capitaine Svendrup à bord du Fram. Avant de quitter Chrisliania il a assisté à un banquet donné par la Société de Géographie de Norvège. Plusieurs membres du ministère norvégien étaient présents, ainsi que les présidents des deux chambres. Un toast a été porté par le professeur Mohn et par M. Nansen, qui a insisté sur les perfectionnements dont l'équipement du Fram a été l'objet depuis son glorieux voyage.

Comme nous l’avions rapporté, ces deux expéditions ont non seulement pour but la conquête du Pôle-Nord, mais la recherche d'Andrée dont on n’a reçu aucune nouvelle à la date du 27 août. Il peut encore arriver, mais le retour des vaillants explorateurs ne peut tarder bien longtemps sans que l’on soit obligé de s'arrêter aux suppositions les plus sinistres.

G. B.

INFORMATIONS

Morr D&6 M. DuvEeRGER. Nous avons le regret d'apprendre la mort de M. Emmanuel Théophile Duverger, artiste peintre, auteur d'un propulseur aérien qu’il a fait fonctionner à Ecouen, il y a une vingtaine d’années et à l’aide duquel il remorquait un petit ballon allongé. M. Duverger a présenté son appareil au Congrès de la navigation aérienne en 1889. Les expériences sont décrites à la page 172 du ?e volume de la collection de l’Aérophile (1894). Une des toiles de cet artiste : Le laboureur ef ses enfants, occupe une place d’hon- neur au Musée du Luxembourg, et passera au Louvre à la suite de son décès. Il s'est éteint dans sa propriété d'Ecouen, le 25 août 1898, à l’âge de 77 ans, laissant une veuve et une fille. M. de Perrodil, le célèbre ingénieur publicite, était un de ses neveux.

LES ASCENSIONS A Municx. M. Louis Godard a profité de l'exposition de machines motrices de Munich pour exécuter sept ascensions libres intéres- santes, que nous ne pouvons toutes citer. Nous nous contenterons d'’indi- quer quelques circonstances curieuses de ces différents voyages aériens accomplis du 15 au 31 août.

Le 15 août, la température était de 40°. Malgré cela la descente n'a été exécutée qu’à Bruck-Ederstendfeld, à 60 kilomètres de Munich. Un des voya- geurs s'est trouvé tellement incommodé par le soleil, qu’il a fallu faire une escale à 30 kilomètres pour le débarquer. Un rideau attaché au ballon comme parasoleil ne suffit pas dans de semblables circonstances pour procurer un abri.

La ascension a eu lieu le mardi 23 août, par un violent orage. La descente a eu lieu sans accident quoique M. Godard n'ait emporté que 35 kilogrammes de lest, et que le vent ait été terrible à la descente, les 9 derniers kilomètres ont été fait en 6 minutes.

Au cours de la ascension l’habile aéronaute a fait escale à 14 kilomèt. de Munich, en un point désigné d'avance. Le voyage a eu lieu le 28 août par un temps épouvantable.

le

La ascension a été exécutée de nuit ; la descente a eu lieu en forêt dans une belle clairière. M. Godard emportait un feu d'artifice qui a brûlé admira- blement. Cette opération n'offre aucun danger lorsque l’on attache les cadres soutenant les artifices à une corde métallique assez longue M. Godard les a fait allumer par un homme d'équipe qui se tenait près des artifices. Il a combiné un système pour les allumer lui-même électriquement.

Il n’est pas superflu de rappeler que M. Erk, directeur du Bureau central météorologique de Munich est un des membres les plus zélés de la Commission internationale aéronautique, et qu’il a exécuté, lui-même, plusieurs ascensions intéressantes à l’occasion des divers lancers internationaux.

L'armée bavaroise qui n’est pas confondue avec l’armée prussienne, mais qui posséda une existence indépendante, a un parc aérostatique et un corps d'officiers parmi lesquels nous citerons le capitaine Guttenberg, qui a suivi les débats de la conférence de Strasbourg, et s’est distingué par une série de voyages aériens des plus curieux et des mieux observés.

C'est également a Munich qu'habite le docteur Linde, inventeur de l’'appa- reil à fabriquer l’air liquide dans lequel il a si heureusement mis en pratique ces principes découverts par M. Cailletet.

L'AÉROSTATION ET LES SOCIÉTÉS SAVANTES. L'Association américaine pour le progrès des Sciences a tenu sa session à Boston dans la troisième semaine d'août. Nous avons en main le programme des séances mais 1l n’y est pas une seule fois question d’aérostation. Cependant nous voyons dans le vrogramme un mémoire du professeur F. H. Bigalon de Washington qui traite du gradient de la température et de la vapeur d’eau dans l’atmosphère. Il est difficile de supposer que ce savant se passe de ballons, à moins qu’il ne se contente d’ob- servations faites avec les cerfs-volants. Il est probable que les membres visi- teront l'observatoire de Blue-Hill qui est dans le voisinage, et M. Rotch Jeur expliquera son système qui serait parfait si les ballons n’étaient point inventés.

A l'Association française dans les réunions de Nantes, l’aérostation est représentée par MM. Dibos et Dex exposant le plan que connaissent nos lecteurs. Nous pensons que les troubles provoqués par la présence de M. Grimaud président élu, n'auront point porté préjudice à une commu- nication très intéressante, pour tous ceux qui ont à cœur la gloire du dra- peau national, et dont le patriotisme ne se borne point à des manifestations plus ou moins bruyantes.

A l'Association Britannique il sera question des expériences faites par M. Spencer sur la propagation des sons dans l'atmosphère à différentes hau- teurs et dans différentes conditions, on s’occupera également de la télégra- phie sans fils, qui doit une partie de ses progrès à l’aérostation comme on le verra ci-après.

Les expériences de télégraphie sans fil ont été exécutées en Allemagne sous la direction de M. Salby, professeur de physique au collège technique de Charlottenbourg. La transmission a été exécutée à 15 kilomètres de dis- tance à l’aide de deux aérostats captifs de l’armée dont chacun enlevant un filisolé de 300 mètres de longueur. L'empereur Guillaume, qui avait mis à la disposition du Savant physicien les aérostats dont il a fait usage, vient de récompenser le succès obtenu.

Le 16 juin dernier M. Salby avait entrepris de faire son cours, lorsqu'il

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reçut de l'empereur Guillaume un télégramme lui annonçant, que le collège de Charlottenbourg aurait dorénavant un siège dans la Chambre-Haute de la Diète Prussienne, et qu’il était désigné pour l’occuper pour la première fois. Sans avoir eu besoin de quitter le sol, M. Salby doit donc aux ballons une fameuse ascension !

Nous avons dans nos précédentes livraisons indiqué des applications pos- sibles de la télégraphie sans fils à la navigation aérienne. Mais les expériences relatives à ce genre d'applications sont plus compliquées que celles qui ont lieu sur terre, à la mer. Leur exécutionse trouve donc forcément ajournée après la réussite de celles-ci.

Toutefois nous dirons, que l’on a échangé avec beaucoup de succès delongs télégrammes de 100 à 150 mots entre le palais d’Osborne, dans l'ile de Wight, et le yacht Osborne à bord duquel se trouvait le prince de Galles. Les télé- grammes ont été envoyés à des distances de plus de dix kilomètres sans que le yacht ait eu besoin de stopper ; ces expériences permettent d'espérer un plein succès pour celles dans lesquelles interviendront les ballons libres, mais il reste encore à élucider un grand nombre de questions préjudicielles sur lesquelles nous nous expliquerons lorsqu'il sera temps.

LES GAZ LIQUIDES ET LES BALLONS. Dans les journaux politiques, scien- tifiques, des deux hémisphères, et même quelques journaux aéronautiques ont reproduit un absurde article, qui s’est glissé dans Ciel et Terre, excellente publication, et dans lequel on s'étonne que l'hydrogène liquide n’ait point encore été employé dans l’aérostation. Les auteurs et les propagateurs de cette étrange communication ne savent pas que l’on n’a pas renfermé l'air liquide, ni à plus forte raison l'hydrogène dans des vases clos, comme l'acide carbonique liquide l’a été depuis longtemps. Ces corps extraordinaires sont toujours en train des’évaporer, et restent par conséquent en communication libre avec l'atmosphère. C’est le froid produit par leur évaporation qui para- lyse l'effort de la température extérieure et les empêche de faire explosion avec une force prodigieuse. Grace à cette circonstance on les conserve dans des vases de verre à double paroi argentée, qui diminue l’afflux de la température extérieure. Demander leur emploi dans la navigation aérienne est commettre une révoltante absurdité. Il est à regretter que des preuves d’une telle ignorance soit donnée par des physiciens et des aéro- nautes.

C’est un signe des temps!!!

LES BALLONS GAPTIFS A LA GUERRE D'AMÉRIQUE, Plus haut nous émettions l'espérance, que le Signal Corps profiterait de la guerre pour organiser un service d’aérostation militaire. Mais il paraît que les influences hostiles aux ballons dominent à Washington et qu’il n’en sera rien. Un des deux aérostats achetés en France, aété crevé par des obus espagnols, très probablement par ce que l’aéronaute américain connaissait trop mal son métier pour se tenir à une altitude assez grande pour échapper aux projectiles. De plus, il paraît que l’on avait commis la faute de faire ascensionner l’aérostat dans le voisi- nage d’un corps d'armé groupé dont les Espagnols ignoraient la présence. Profilant de cette maladroite révélation, ils ont tiré à mitraille dans la direc- tion du ballon, et tué ou blessé un grand nombre d'américains.

Comme les signaux s’envoient par téléphone de la nacelle même dans les armées d'Europe, on peut placer le ballon à une distance quelconque du quartier général, c’est ce qu’on ne manque jamais de faire.

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Au lieu de s’en prendre à eux-mèmes de leur ignorance, les Américains s’ert sont pris aux ballons. Tant pis non pour les ballons, mais pour les amé- ricains.

Il est bon d'ajouter que pris par un sentiment d'économie peu explicable, de la part d’une nation dont îles dollars constituent la principale force, les Américains ont refusé de payer à l'aéronaute français la somme qu’il deman- dait pour dégrossir leurs praticiens. On a répondu America fara cla se.

LES PETITS BALLONS ET LES ABORDAGES EN MER. Dans son numéro du 26. dont la Gazette de Cologne renferme un fort intéressant article sur les services que des groupes de petits ballons-réclames remplis d’air peuvent rendre pour faire flotter les voyageurs dans le cas leur navire serait englouti comme il est arrivé à la Bourgogne.

Il paraît certain qu’au moyen de quelques précautions des plus simples leur emploi serait plus sûr et plus commode que ceiui des ceintures de sauvetage dont on se sert exclusivement. À ce propos nous dirons qu'il est fort curieux que l’on n'ait pas songé à employer des allèges en toile remplies d’air au moyen de pompes, pour releverle Maine et les vaisseaux espagnols échoués sur les rochers de Cuba. Maïs les américains ne songent qu’à leurs cerfs- volants !

UNE ASCENSION DU BALLON-SONDE APRÈS L'ORAGE DU ?3. Le lendemain de cet orage, MM. Hermite et Besançon se sont empressés de lancer le petit bal- lon-sonde de 40 mètres cubes, gonflé d'hydrogène, à l'usine du Champ de Mars. Ce gaz a été fourni par une expérience faite sur le rendement de l'appareil construit pour M. Spelterini, à l’occasion de l’ascension dont il sera question ci-après. Il a été mis gracieusement à la disposition de MM. Hermite et Besançon, par l’habile aéronaute Suisse. Le départ a eu lieu à midi. L’air était tellement calme, que tant qu’on a aperçu le ballon-sonde on l’a vu s'élever verticalement, sans aucune déviation, pendant plus de 3,000 mètres. Il est parvenu jusqu’à une hauteur de 10,000 mètres et a donné des résultats très curieux que le Temps a commenté très sagement.

Au sommet de sa trajectoire, il à été immergé dans le courant ouest très rapide qui a persisté depuis lors, et il a été recueilli dans les environs de Cou- lommiers, après avoir fait au moins 80 kilomètres vers l’est en 90 minutes. Quoique le soleil fût ardent et bien qu’il n’y eût que peu de nuages, la tempé- rature constatée à 10,000 mètres a été remarquablement basse pour l'heure et pour la saison. Elle a été de 500 de froid. Comme à terre il faisait 300 de cha- leur à l’ombre, la décroissance a été de 80° centigrades, soit par 125 mètres, tandis que la moyenne est de par 180.

Ce fait explique bien le remarquable rafraîchissement de l'atmosphère qui s’est produit après l'orage du ?3, sur une couche d’une si grande épaisseur qu’il n’est pas surprenant que nous en jouissions encore au moment nous écrivons ces lignes. Il est à regretter que semblable lancer n'ait pas précédé l'orage qui s’annonçait très bien, et n’est point du tout arrivé à l’improviste comme les Bulletins météorologiques l’annonçaient par erreur.

PLANANT SUR LES GRANDES ALPES. M. Spelterini s'apprête en ce moment à entreprendre une grande ascension qui marquera dans les annales de la navigation aérienne. Il partira de Sion, capitale du Valais, au milieu de sep- tembre, par un ciel clair, à bord du ballon Vega, construit exprès par M. Besançon. Il prend ses mesures pour descendre dans la vallée du Rhin, de l’autre côté du massif montagneux le plus élevé de l'Europe. Sa trajectoire

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dont le point eulminan! atteindra 5,000 mètres, aura un développement de 200 kilomètres.

Les observations statigraphiques sur les glaciers seront exécutées par M. Heim, professeur à l'Ecole polytechnique de Zurich, un des plus habiles géologues d'Europe. M. Spelterini exécutera les prises de clichés photo- graphiques avec l'appareil Cailletet, donnant à la chambre une station verti- cale.

Le ballon, de 3,268 mètres cubes, sera gonflé avec du gaz hydrogène pur, dégagé avec des appareils spécialement construits par MM. Godard et Surcouf, comme on l’a vu plus haut. On estime qu’il aura une force ascensionnelle d’au moins 3,600 kilogrammes.

Des stations téléphoniques seront établies au Garner-Gratt et aux princi- paux sommets voisins pour donner les renseignements météorologiques nécessaires à la détermination scientique du moment favorable pour lancer le ballon avec la certitude d'atteindre les sources du Rhin. Si M. Andrée avait débuté par quelque expérience de ce genre, n’aurait-il point accru dans des proportions remarquables ses chances de succès? Cette ascension produit une grande émotion dans tout le monde aéronautique et aussi dans tout le monde savant. Un grand nombre de physiciens et d’aéronautes distingués de Suisse, d'Allemagne et de France y assisteront. Nous lui consacrerons un article étendu.

Expo-ition universelle. Production d'hydrogène en grand. La Société Oxydrique » vient d'installer, à Bruxelles, une usine pour la production par heure de 4 mètres cubes d'oxygène et de 8 mètres cubes d'hydrogène pouvant être recueillis soit ensemble, soit isolément. Le prix de revient de l'hydrogène est de 37 centimes par mètre cnbe. ë

L’Usine comprend 60 électrolyseurs, occupant une surface de 70 mètres carrés, un dynamo de 350 Ampère et de 150 volts, une machine à vapeur de 90 chevaux et deux gazomètres, un de 400 mètres cubes pour l'oxygène et un de 200 pour l'hydrogène.

Le liquide décomposé par l'électricité est une solution de soude caustique portée à la température de 400.

Le courant le plus avantageux a une tension de ? volts 1/2. Les électroly- seurs, de forme particulière, sont en tôle d’acier perforée. Une description complète de l'appareil se trouve dans l'excellente revue mensuelle l’Electro- chimie (juillet 1898), rédigée par M. Adolphe Minet.

Dans l’intérieur d’une exposition, il suffirait d'établir les électrolyseurs, car les ballons serviraient de gazomètre et de demander du courant à l'usine d'électricité, à raison de 6 kilowatts-heure par chaque mètre cube d'hydro- gène que l’on produirait. L’oxygène engendré par surcroît serait à la disposi- tion de l'administration pour des expériences instructives. L’hydrogène aurait presque la densité théorique. Les expériences de la Société Belge prou- vent qu'il n’est mélangé que de 1/100 de gaz étrangers. Telle est l’économie d'un projet que nous avons soumis au commissaire général il y a plus de deux ans, avant de connaître l'existence de la société belge et auqueliln’a point encore été répondu. Nous allons prendre des mesures pour faire cesser ce silence, qui est incompatible avec le progrès de l’aérostation.

Le Directeur-Gérant : Georges BESANCON.

Imp. Louis Lamserr, 11, rue Molière,

L'AEROPHILE

Directeurs : GEORGES BESANCON et WILFRID DE FONVIELLE Répacreur EN CHer : EMMANUEL AIMÉ

6e Année. Nos 9-10. Septembre-Octobre 1898

HISTOIRE DE L’AÉROSTATION SCIENTIFIQUE

M. CAILLETET

Ce célèbre physicien est dans le courant de l’année 1832, à Chà- tillon, sur les bords de la Seine et dans un des plus patriotiques de tous les départements.

Après avoir suivi avec distinction les cours de l'Ecole des Mines, ou Henry-Sainte-Claire-Deville fut son professeur de chimie, le jeune Cailletet revint dans sa ville natale, pour diriger l'exploitation de hauts fourneaux. Mais l’enseignement de l’inventeur du traitement industriel de l'aluminium, lui avait donné le goût de ces recherches grandioses, qui sont l'éternel honneur de la chimie nationale, Ayant à sa disposition des forces motrices

EN NRA IS

immenses, il résolut de voir jusqu’à quel point il pourrait comprimer les gaz rebelles à la liquéfaction, sans les faire changer d'état. Il poussa jüsqu'à mille atmosphères, soit dix tonnes par centimètre carré, sans pouvoir triompher de la répulsion des molécules. Dans des conditions si extraor- dinaires, elle s'exerçait avec la même énergie sauvage, qu’au commence- ment de l’expérience.

C’est après avoir constaté ce fait, que M. Cailletet eut l’heureuse ins- : piration d’appeler à son aide le refroidissement, c’est-à-dire de soustraire le calorique, ce principe subtil impalpable, qui se comportait comme un fluide incompressible si l’on peut s'exprimer de la sorte.

Mais il fallait imaginer un moyen énergique pour opérer ce refroidisse- ment. M. Cailletet imagina le plus puissant et le plus simple de tous. Il comprima de l'hydrogène à 300 atmosphères, le soumit à un froid de 30°, que l'on peut facilement obtenir dans un laboratoire, puis il laissa le gaz refroidi reprendre dans l’atmosphère la pression ordinaire Presque instanta. nément les molécules prenaient un volume 300 fois plus grand (au moins) M. Cailletet caleula le froid auquel elles étaient soumises et il trouva que la température était tombée à 200° au-dessous de zéro. De plus en coiffant l'orifice d’un tube de verre, il constata que ce tube était rempli d’un brouil- lard. Ce brouillard ne pouvait être produit que par des gouttes d'oxygène liquide, troublant la transparence de l’air comme des gouttes d’eau auraient fait à la température de centigrade.

C’est vers cette époque que M. Cailletet commenca à se préoccuper du concours que les ballons peuvent donner à la physique. Il commença quel- ques essais qui ne le menèrent à aucune découverte, à cause de la difficulté de procéder aux ascensions, sans le concours de quelque praticien habile.

M. Cailletet recommença ses expériences de liquéfaction avec de l'oxy- gène qui était à la température ambiante. Elles donnèrent comme il l'avait annoncé des résultats parfaitement identiques à ceux qu’on avait obtenu à l’aide des méthodes connues pour la production du froid.

Les mêmes phénomènes s'étant reproduits avec le protoxyde et l'oxyde d’azote, ainsi qu'avec l'acide carbonique, M. Cailletet fut nommé correspondant de la section de physique à une grande majorité.

L'honneur d'être attaché à l’Académie des sciences faillit coûter à M. Cailletet celui beaucoup plus réel d’être considéré comme l’auteur unique d’un principe dont la fécondité est si grande qu'on ne peut en in- diquer toutes les conséquences inévitables.

Ces faits avaient été constatés dans la journée du dimanche 16 décem- bre 1877, au laboratoire de l’École normale, devant un grand nombre de savants et de membres de l’Académie. L'élection devait avoir lieu le lende- main. M. Cailletet, qui était candidat, ne voulut pas avoir l'air de peser sur les votes, et remit au 24 le dépôt de son mémoire. Mais, lorsque le

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nouveau correspondant de la section de physique donna lecture de ce travail, le président lui apprit qu'il venait d'arrivér de Genève un télé- gramme annonçant la réussite d’un nouveau procédé pour préparer les gaz liquides. Heureusement, Sainte-Claire-Deville, qui s’intéressait vivement au succès de M. Cailletet, était un vieux routier de l’Institut, connaissant tous les dessous de la vie académique. Professeur plein de sollicitude pour un ancien élève qu'il aimait, il avait pris la précaution de déposer, en son nom personnel, dès la séance du 17, un pli cacheté décrivant tous les détails de l’expérience et assurant à l’auteur, d’une façon inébranlable, la priorité indépendamment de toutes les manœuvres.

Les beaux résultats obtenus par M. Cailletet excitèrent l’imagination de deux savants professeurs, attachés tous deux à l’Université de Cracovie, et qui sans se communiquer leurs travaux, les varièrent de toutes les manières possibles. Ils obtinrent l’un et l’autre tant de succès, qu’en 1890, l’Académie des sciences de cette ville comprit la nécessité de publier leurs mémoires dans une langue plus connue que le polonais. Elle créa donc, en 1890, un Pullelin international l’on peut suivre en langue française l'histoire des progrès de la branche de la physique fondée par M. Cailletet. L'un d’eux, M. Wroblewsky, est mort il y a quelques années, mais l’autre, M. Olzewski, continue la série des mémoires qui l’ont rendu rapidement célèbre.

De son côté, M. Cailletet ne cessait de se préoccuper de pousser sa méthode jusqu’à la liquéfaction du plus subtil de tous les gaz. Il parvint à recueillir un brouillard de gouttelettes d'hydrogène obtenu dans des con- ditions comparables aux expériences précédentes.

Mais ce n'était pas tout d’avoir montré à travers les parois d’un tube un brouillard produit en un instant, et se dissipant avec autant de facilité qu'il se déposait. M. Cailletet fit construire un appareil destiné à produire l'air et même l'hydrogène liquide dans des conditions tellement simples que l’on puisse en recueillir des quantités notables, étudier les propriétés de ces corps, apprendre à les manier, et les introduire dans l’arsenal de la science.

La mise au point d'organes tous si nouveaux demandait un nombre tel de tâtonnements et de rectifications successives que M. Cailletet n'eut point à sa disposition des ressources assez grandes. C’est à Londres, dans le laboratoire de Royal Institution, Faraday avait liquéfié le chlore, que les recherches nécessaires purent être exécutées par M. Dewar, qui réalisa l’appareil indiqué par M. Cailletet. En 1895, le 3 août, il put faire, dans l’amphithéâtre de l’Institution, une conférence dont tous les journaux scientifiques du monde ont parlé, et dans laquelle M. Dewar, le célèbre continuateur de notre illustre compatriote montra un litre d’air liquide ressemblant à un grand lac d’eau légèrement teintée.

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Mais cette belle application du système Cailletet, est loin de diminuer la gloire de notre compatriote, elle ne fait que de la rendre plus complète et plus brillante. Elle augmente le regret que nous éprouvons en voyant que nos ressources sont employées en de hideux préparatifs de guerre indiquant l’état révoltant de sauvagerie dans lequel vivent les nations modernes indignes du nom de civilisées qu’elles s’arrogent.

L'appareil construit par M. Dewar, fut modifié à son tour par M. Linde, de Munich, qui devait le faire figurer au Congrès aréonautique de Stras-

‘bourg, M. Cailletet s'était rendu à ce propos.

_ Cette grande expérience était attendue avec impatience par tous les membres de la conférence. En effet, on avait annoncé que l’oxygène liquide est teint en bleu d’azur, en sorte que l'on peut supposer que l'atmosphère de la terre au delà de la zone ou s'élèvent les bal- lons-sondes, doit se terminer par des flots d’un océan d’un nouveau genre, à travers lesquels nous apercevons tous les corps célestes, et qui peut planer à une soixantaine de kilomètres au-dessus de nos têtes; c'est à peu près à cette altitude que les météores brûülent avec le plus d'éclat.

Mais l’expérience; qui avait déjà été faite devant la Société des arts de Londres, n’a pu être exécutée en Alsace. Elle l’a été à Paris dans le labora- toire de M. Muntz, rue Claude-Bernard, sous la direction de M. d’Ar- sonval, qui a complété l'installation en inventant un vase pour recevoir l'air liquide. En même temps, M. Dewar parvenait à réaliser à Londres la liquéfaction de l'hydrogène.

La route ouverte par M. Cailletet a été parcourue de la façon la plus glo- rieuse en suivant la méthode qu'il a indiquée avec une précision sin- gulière.

Sans retirer à MM. Wroblewski, Obrewski, Dewar, Linde et d’Arsonval la gloire qui leur revient dans ce magnifique ensemble de travaux, il nous a paru nécessaire d'établir d’une façon authentique les titres d’un savant qui, seul dans cette série d'hommes célèbres, ne doit rien au hasard. Car toutes les découvertes qu’il a faites dans cet ordre d'idées étaient la con-

séquence de théories personnelles, basées sur l’équivalent mécanique de la chaleur,

Dans notre dernier numéro nous avons dit ce qu'il faut penser de la folie ou de l'ignorance des prétendus savants qui conseillent d'employer l'air liquide à la direction des ballons. Mais le savant qui a tant fait pour : l'étude de la propriété la plus curieuse des gaz ne pouvait rester indifférent au progrès des questions aéronautiques, auxquelles les théories nouvelles sur la nalure de l’air donnent une portée immense.

-* ÆEtant venu se fixer à Paris, M. Cailletet donna sa démission de corres- pondant de l’Académie des Sciences et se fit nommer dans la section

= 1921

des membres qui ont le privilège de n'être attachés à aucune spécialité,

Peu de temps après il prit sous sa protection les expériences de ballons sondes. C’est grâce à sa haute intervention que le baron Edmond de Rothschild, son collègue au Conseil d'administration du Chemin de fer de l'Est, mit, il y a deux ans, MM. Hermite et Besançon à même de répondre à l’heureux défi lancé par M. Assmann, que le Comité international put se constituer et que les expériences eurent le succès que l’on connaît.

La part que M. Cailletet a prise dans ces recherches est trop brillante pour qu'il y ait lieu de la retracer de nouveau dans ces colonnes, elles ont été exposées déjà avec tous les détails nécessaires. Nous ne croirions même pas utile de rappeler l’invention de l’appareil à prise d’air et de la chambre noire automatique pour photographie aérienne, si ce n’était pour exprimer la reconnaissance dont sont animés les aéronautes et tous les amis de la navigation aérienne, pour une intervention d'autant plus méritoire que M. Cailletet n'hésite jamais à donner l'exemple des sacrifices et que la plu- part des appareils qu'il présente à ses collègues ont été construits à ses frais.

Le jour la Commission française d’aéronautique ordonnera la publi- cation de ses procès verbaux, l’on sera frappé du nombre et de la valeur des suggestives expériences de M Cailletet, qui a représenté l’Académie des Sciences dans la Conférence de Strasbourg. On trouvera dans le vo- lume officiel qui va bientôt paraître la part prise par M. Cailletet aux déli- bérations qui ont eu lieu à la fin du mois de mars 1898, dans des conditions particulièrement intéressantes.

Dans l’organisation des Comités de l'Exposition de 1900, M. Cailletet avait sa place marquée dans la section des moteurs à gaz, c’est ce qui fait que la classe 34 (les ballons) a été privée de son concours officiel, mais nous sommes persuadés qu'il n’en sera que plus disposé à prêter son con- cours officieux aux intérêts aéronautiques.

Originaire d’une des provinces les plus patriotiques de l'Est de la France, M. Cailletet s’adonna avec un élan communicatif aux expériences de nature à perfectionner un art éminemment français et à faire trêve aux préoccupations patriotiques engendrées par les tristes spectacles que nous offre en ce moment la surface de la terre! Son esprit éclairé voit dans l'étude de ces admirables questions un moyen de détacher l'esprit pu- blic de ces agitations stériles, inutiles, sans portée, ou des artisans de guerre civile cherchent un prétexte d’affollement, espérant profiter de la sottise humaine pour armer les uns contre les autres les enfants d’une

même patrie. WILFRID DE FONVIELLE.

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EXPÉRIENCES DU BALLON DIRIGEABLE

de M. de SANTOS-DUMONT

M. de Santos-Dumont est un Brésilien en 1873 et n'ayant pas par conséquent plus de 25 ans. Il est de taille au-dessus de la moyenne mais très vif, et très bien proportionné. Son poids de 55 kilogs est ce qu'il faut

M. de Sanros-Dumonr :

pour un aéronaute, qui se propose de faire des ascensions avec des ballons minuscules. Il est depuis assez longtemps propriétaire d’un petit ballon rond de 113 mètres eubes dans lequel il parvient à emporter 30 kilogs

ne

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de lest et à exécuter des excursions intéressantes. On cite notamment un voyage de neuf heures accompli pendant la nuit. M. de Santos s'occupe également de cycles et d'automobiles, il est une des notabilités du monde sportif il est très aimé et très estimé. On vient de lui donner une preuve d'affection en réservant à son ballon une place d'honneur bien méritée dans le Salon du Cycle.

La première expérience de son ballon dirigeable a été fort intéressante et peut être la plus instructive qui ait eu lieu depuis l'expérience capitale de Henry Giffard, en Septembre 1852. Comme il n'y avait qu'un vent très faible, qu'on évalue à 1 mètre par seconde, le public qui assistait à l'ascen- sion dans l'intérieur du jardin d’acclimatation a pu en saisir tous les détails.

Le ballon du 15 septembre est exactement d'un cube de 186 mètres. Comme l'hydrogène avait été préparé avec soin, il avait 200 kilos de force ascensionnelle. La forme générale est à peu près celle d’un cylindre ayant à chaque bout une partie conique. La longueur de l’axe est de 25 mètres, et le diamètre maximum 3 m 60, ce qui constitue un allongement de près de 7 fois le diamètre. Le ballon de Giffard était beaucoup plus gros, car il ne cubait pas moins de 2500 mètres, ce qui tenait non seule- ment à ce qu'il était rempliavec le gaz ordinaire de la Compagnie parisienne mais à ce que le matériel qu'il avait à emporter était beaucoup plus lourd. Giffard, en effet, avait pris une machine à vapeur pesant vide 150 kilogs, à laquelle il fallait ajouter 60 kilogs pour l’eau et le charbon contenus dans la machine au moment du départ, et 420 kilogs pour la machine, le bran- card, les bâches à eau et à charbon, etc , etc., ce qui fait un lotal de 630 kilogs pour une force de 3 à 4 chevaux. De ce côté, M. de Santos avait un avantage énorme provenant des progrès faits dans l’art de la loco- motion depuis l'invention des machines Deimler auxquelles il ne fallait pas songer du temps de Henry Giffard. Le moteur de M. de Santos est du type de ceux qui actionnent les tricycles, mais à deux cylindres super- posés, 1l est attaché très solidement d’une façon très simple à la nacelle.

L’hélice motrice qu'il met en mouvement est fixé un peu plus bas à la même paroi de la nacelle. Elle a 80 centimètres de diamètre et tourne 2vec une vitesse de 1000 à 1200 tours, ce qui donne une vitesse linéaire de 30 à 45 mètres par seconde.

Le réservoir à pétrole et le carburateur sont montés sur la paroi de la nacelle parallèle à cette première, et sont très habilement disposés. Le poids du moteur et de son hélice étant de 58 kilogs, et celui de la quantité de pétrole suffisant pour 3 heures de marche étant de 6 kilogs, on arrivait à un total de 64 kilogs contre 630, environ dix fois moins que Giffard.

Mais Giffard avait borné son allongement à une valeur raisonnable 12 mètre de diamètre et 44 de longueur, c’est-à-dire à peu près moitié de M. de Santos, ce qui lui donnait l’avantage immense d’une stabilité supérieure. En outre, d’autres précautions indispensables avaient été

prises.

124

Pour maintenir la forme de son ballon M. de Santos avait compté exclu- sivement sur une petite pompe destinée à maintenir la tension du gaz, lors

L’Aérostat au départ (l’hélice en mouvement). de la descente, en insuflant de l’air par un tube long de 10 mètres et ayant

un diamètre de 7 centimètres.

195

Il faudrait connaître les éléments de la pompe de M. de Santos pour savoir si elle était en état de fournir assez d'air pour le cas d’une descente accélérée.

Il est permis d'en douter, car le volume du ballon se contracte d’une façon très rapide à mesure que l’on se rapproche de terre, et l’on n’est Jamais sûr que le tuyau d’alimentation du ballonnet n’est pas obstrué par quelque circonstance fortuite. Le froid produit par un nuage peut, en outre, amener soudainement une condensation formidable, dans un moment l’alimentation d’air est à peine suffisante.

Pour n’avoir rien à redouter d’une flexion suivant l'axe, il est indispen- sable d’attacher le ballon à une vergue horizontale comme l’a fait Giffard, à moins de s’en tenir à des allongements insignifiants comme Dupuy de Lôme.

La prise du cliché, obtenu au moment du départ, a duré assez de temps pour que l’hélice ait fait un tour entier pendant la pose, de sorte qu'on la voit dans les posilions successives qu’elle a occupée dans moins d’un dixième de seconde! On constate ainsi que le ballon obéit à la . traction, les cordes de l’avant sont à l’état de tension et celles de l’arrière

à l’état de flexion. On voit de plus un cordage qui fait guide-rope et qui est entraîné dans le même sens.

Le gouvernail, par sa position et ses petites dimensions, étanthors d'état de faire sentir son action, les mouvements qui se sont produits doivent être considérés comme étant purement accidentels ; ils proviennent de la combinaison de l'impulsion de l’hélice avec la résistance de l’air s’exerçant sur le ballon d’une façon quelconque. Le gouvernail de Giffard avait 14 mètres au lieu d’une fraction de mètre. En outre il était attaché d’une façon plus sérieuse.

Dans la lettre qu'il nous fait l'honneur de nous écrire, M. de Santos dit que son ballon s'est replié latéralement.

Malgré le grand sang-froid dont nous le félicitons, nous croyons qu’il n’était pas bien en position pour juger des déformations de son aérostat. Nous avons plus de confiance dans le dessin du Petit Bleu et dans le té- moignage des personnes que nous avons consultées. Une des pointes s’est relevée par la pression de l’air et le ballon a fini par se refermer comme un portefeuille.

Ce que nous raconte M. de Santos sur son arrivée à terre est très inté- ressant ; nous lui laissons sur ce point la parole :

« La vitesse de la descente a été de quatre à cinq mètres à la seconde, et elle m'aurait été fatale si je n'avais eu la présence d’esprit de crier aux personnes qui ont attrappé mon guide-rope de le tirer dans la direc- tion contraire à celle du vent.Par cette manœuvre, j'ai beaucoup diminué la vitesse verticale. »

En effet, l’intrépide inventeur est descendu en cerf-volant!

L'expérience a duré en tout un quart d'heure. M. de Santos pense s être élevé à 600 mètres en décrivant des cercles dont il serait intéressant de

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connaître le rayon, et qui, en réalité, devaient être des hélices allongées dans la direction du vent.

Ces cercles étaient produits évidemment par la giration naturelle du ballon sur la direction duquel ni l’hélice ni le gouvernail n’agissaient. Car le système de suspension, à l’aide de cordes de 10 mètres de longueur est tout à fait irrationnelle,.

Il est vrai que, à cette distance, on n’a point à redouter l’inflammation du gaz. Mais on n’a pas entre le ballon et la nacelle la solidarité que Gif- fard considérait comme absolument nécessaire.

Peut-être avait-il tort sur ce point, et le ballon allongé s’effacerait:1l de lui-même, dans le sens du mouvement de l’hélice, si l’on parvenait à empêcher cette dernière de changer de direction, en fixant son azimut avec un gouvernail solidaire de la nacelle. Dans ce cas, il est possible que le ballon s'oriente de lui-même à cause de la torsion des cordes. C’est une expérience à faire.

N

TEA À NV OU RAS

Nacelle gréée et moteurs

Mais il ne paraît pas prudent de laisser au ballon sa forme flasque. Le filet est remplacé par un système de bâtonnets auxquels sont attachées les cordes de suspension, mais qui sont comme dans l’étoffe, indépendant les uns des autres.

Pourquoi ne chercherait-on pas à les solidariser à l’aide de deux bam- bous ou deux tubes, soit en acier, soit en bois et en aluminium ?

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M. de Santos va recommencer ses expériences à Nice; nous l’engage- rons à monter son ballon sans moteur, puis à ne lui mettre la machine que lorsqu'il en sera maître. Il pourrait faire avec avantage ses essais au- dessus de la mer avec un cône-ancre ou un guiderope marin, une cein- ture de sauvetage, et l’assistance d'un bateau à vapeur.

Ses travaux méritent d'être encouragés de toute manière et il peut

compter sur notre sympathique concours. G. BESANÇON.

PROGRÉS DE LA NAVIGATION AÉRIENNE À L'ÉTRANGER

Le comte Zeppelin, général de l’armée allemande, continue à s'occuper activement à Stuttgard de la construction d'un ballon dirigeable auquel s’in- téresse le roi de Wurtemberg. Le Miltheillungen de Strasbourg publie dans son numéro d'octobre un extrait fort curieux du brevet qu'il a pris en 1895. Nous aimons à croire que ce persévérant chercheur a introduit de grandes modifications dans le plan que nous voyons exposé. En effet l’ensemble se compose d'une série de véritables cubes en étoffe, remplis de gaz et assemblés les uns au bout des autres à peu près comme les divers wagons faisant partie d’un même train. Nous ne conseillerions à personne de prendre place dans aucune des nacelles qu'il a installées dans les différentes parties de son appareil. Mais nous concevons difficilement que cet ensemble, étudié cependant avec un soin remarquable, puisse être jamais gonflé. En consé- quence, l'expérience n’en saurait être réellement dangereuse.

* x x

Nous avons déjà signalé la formation à Chemnitz, une des villes les plus industrieuses de Saxe, la formation d’une Société aéronautique. Nous appre- nons avec la plus vive satisfaction que cette soeiété, à la suite d'un discours du docteur Heph, sur « les buts de l’aéronautique moderne », a pris la réso- lution de faire construire un ballon-sonde et des enregistreurs pour prendre part aux futurs lancés internationaux.

x” x Dans la séance du 23 mai, la Société de Berlin à reçu la communication d'un mémoire fort intéressant du professeur Eschenhogen sur un nouvel emploi de l'aiguille aimantée en ballon. Ce savant a remarqué que de Paris à Berlin, la déclinaison magnétique varie de 20° à 10° et que de Berlin à Pé- tersbourg elle varie encore de 10° toujours dans le même sens tandis que la longitude varie de 20c et puis de 160 constamment vers l’Est. D’un autre côté

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l'inclinaison qui est à Paris de 65° va en se rapprochant de la verticale à. mesure que l'on marche vers le Nord; il en résulte que, par l’observation des éléments magnétiques en ballon, on peut déterminer à la fois la longitude et la latitude. Le docteur Eschenhogen estime que l’on peut arriver à une approxi- mation de 415 kilomètres, en prenant les précautions qu’il indique pour que les observations soient faites avec toute la précision désirable. Bien entendu, il faut écarter l’ancre et tous les objets en fer pendant que l'on mesure les angles.

Dans la séance du 8 mars de la Société Bavaroise L. L. À. R. R. B., les princes Louis et Léopold ont été présents aux délibérations. S. A. R. le prince Ruppercht assistait à la séance suivante le docteur Erck a rendu _compte des délibérations de la conférence de Strasbourg. Décidément les sou- verains allemands prennent à la navigation aérienne un intérêt beaucoup plus vif que nos autorités démocratiques.

Nous avons le plaisir d'annoncer à nos lecteurs que la Zuflschiffahrt de Berlin est maintenant sous la direction de M. Berson, un des plus intrépides aéronautes d'Allemagne dont nous racontons aujourd'hui même une nouvelle ascension. 2 Ce journal publie la liste complète des ascensions scientifiques exécu: tées au Parc des Sports de Friedenau avec les ballons qui portent le nom de l'établissement les aéronautes allemands ont trouvé le gaz gratis cette année. La première a été exécutée le 18 juin avec le Sport-Park Friedenau I, à 4h. 37 du soir par le premier lieutenant Neumann; il y avait à bord trois voya- geurs, M. Berson et deux officiers. La descente a eu lieu à 7 h. 24 du soir à Alexanderof, près de Prenzlau.

Depuis lors, jusqu’au 25 septembre de cette année, il a été exécutét en tout 44 autres ascensions scientifiques, dans cet établissement les ballons ont contribué à attirer la foule. Les ascensions ont été généralement heureuses. Un seul départ a été manqué; il a fallu dégonfler en faisant jouer la corde de déchirure à cause d’une tempête survenue pendant les préparatifs.

La moyenne du nombre des voyageurs est de un peu plus de 2. Environ 180 voyageurs ou aéronautes ont participé à ces expériences dont les résultats ont été discutés devant la Société de navigation aérienne de Berlin ; deux sont remarquables par la grande altitude atteinte.

Une de ces ascensions a été exécutée par le docteur Berson, et l’autre par

un de ses confrères, qui sont partis seuls, le premier à 2 h. 53 du matin et le second six heures plus tard, et qui se sont élevés respectivement à 5,840 mètres et à 5,275 mètres.

La Société de navigation aérienne a de plus entendu et discuté le rapport de M. Berson, sur la grande ascension exécutée au-dessus de 8.000 mètres au Palais de Cristal de Londres, en compagnie de M. Spencer et avec un ballon appartenant à cet aéronaute, comme nous le racontons plus loin.

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Huit de ces ascensions out été exécutées pendant la nuit et ont duré. en général, une douzaine d'heures.

La plus intéressante a été une ascension diurne dirigée par le lieutenant Siegfeld qui avait à son bord $. Exec. le comte Zeppelin, l'ingénieur Vianello et l'étudiant Bergner.

Le ballon a quitté le parc des Sports le 13 mars, à 10 h. 10 du matin ; une première descente a été exécutée à 5 heures du soir, dans le bourg de Birk, près de Pernau. Après avoir diné, l'étudiant Bergner est reparti tout seul. Il avait repris 10 sacs de lest dans la nacelle pour représenter le poids des trois voyageurs qu'il laissait à terre. Le lendemain matin, à 9 heures, il a atterri à Meseritz il a dégonflé. Il avait encore 4 sacs de lest. Comme il n'avait pas de lampe pour lire son baromètre, il évaluait la hauteur en comptant le temps que le son mettait à revenir. Le graphique des altitudes montre que, orâce à ce {ruc intelligent, il est parvenu à se maintenir entre 800 et 1,500 mètres.

La Société a nommé un caissier des ascensions entre les mains duquel les passagers versent les fonds nécessaires pour acquitter les frais que l’adminis- tration du Parc des Sports ne prend point à sa charge.

C'est un système imité de celui qui a été pratiqué dans les premiers temps de l'existence de l'Académie d’aérostation météorologique.

*

+ x

M. Hargraves a décrit dans les mémoires de la Société royale de la Nou- velle-Galles du Sud une nouvelle forme de cerf-volant beaucoup plus simple que les autres. L'appareil consiste dans deux petits anneaux plats en aluminium, fixés tout simplement au bout d’un bâton à l’extrémité duquel on a attaché un fil de retenue. Les deux anneaux se présentant au vent de façon oblique, il y a toujours assez de parties concaves qui reçoivent une impulsion pour que le nouveau cerf-volant se soutienne en l'air.

On constate, non seulement en France, mais encore dans différents pays, une recrudescence d’expériences dedirection aérienne à l’aide de ballons. Le Miliheilungen publiait dans son numéro d’octobre un article dans lequel le capitaine Mœdebeck décrit une expérience exécutée, à Alexandra-Palace, en présence d’une immense multitude attirée par les annonces de l'inventeur. Ce personnage, qui répond au nom de Gaudron, est monté avec une machine à pétrole dans une nacelle d'un ballon de 700 mètres qui avait la forme d’une grande baleine à tête monstrueuse à l’avant et relativement effilée à l’arrière.

On a vu l’hélice tourner, mais on a vu aussi le ballon filer dans le lit du vent: au bout de dix minutes. la baleine avait disparu. L’aéronaute s'est tenu, comme il convient à un directeur de ballon qui connaît son métier, à une distance de 300 mètres du sol. La baleine a exécuté sa descente dans un endroit nommé Chizwell. Tout est bien qui finit bien; l’aéronaute ne s’est point blessé et la recette a été excellente. :

Le célèbre Arnaud, le directeur de l'Hippodrome des Champs-Elysées avait trouvé, sous l'Empire, un truc merveilleux qui, peut-être, lui avait été soufflé

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par Henri Giffard, c'était celui de la fausse direction; à l’aide de laquelle il exploitait dans la perfection le goùt des badauds pour la conquête de l'air.

Un aéronaute, dont l'invention avait été annoncée à grand fracas partait de l’hippodrome avec un ballon poisson auquel on avait mis un énorme gou- vernail. Dans la nacelle il y avait une chaudière sans foyer qui faisait tour- ner avec un grand bruit et des jets de vapeur une gigantesque hélice, prenant une vitesse vertigineuse.

Il n’y avait qu'un défaut c’est que le pas de l'hélice était presque nul, si petit qu’elle n’exerçait aucune action sur l'air. Le directeur du ballon suivait majestueusement la ligne du vent, et il se trouvait toujours des spectateurs pour déclarer qu'on l'avait vu dévier à droite ou à gauche.

Il y a eu une ascension scientifique à l’aerostation britannique dans la section de Bristol, et une à Kieff par le commandant Kowanko devant le dernier Congrès des naturalistes, mais on n’a pas songé à en exécuter à Bordeaux. Il est vrai qu’en revanche on s’est beaucoup occupé de l'affaire Dreyfus.

x NX

Le journal rédigé en russe par M.Pomorzeff sur l'aéronautique et les études atmosphériques contient une description avec figure de deux instruments remarquables imaginés par ce savant ; le premier pour déterminer la vitesse du vent et la direction tant des nuages que des ballons, le second pour mesu- rer la hauteur du ballon et son éloignement d’un point remarquable de la surface de la Terre. Ces deux articles seront examinés prochaine- ment par l’Aérophile.M. Pomorzeff a publié dans ce même numéro un mémoire fort intéressant discutant, à l’aide de l'analyse mathématique, les résultats obtenus avec des ballons-sondes dans les observations internationales. Ce savant commence par discuter des ascensions qu’il a faites avec le commandant Kowanko, puis il compare aux résultats obtenus un grand nombre d’ascensions scientifiques exécutées durant ces dernières années dans différents pays, et enfin les chiffres recueillis dans les différents lancers de ballons-sondes. Il établit une formule avec un grand nombre de coefficients par suite de consi- dérations analytiques, Enfin il arrive à la conclusion que la température a une distance infinie de la terre, autrement dit dans le vide planétaire, doit être de 119° au dessous de zero centigrade ce qui dépasserait de plus de 100e le chiffre généralement admis.

L'importance de ces conclusions n’échappera à personne.

Il est à désirer qu’une version française de ce remarquable mémoire soit publiée dans un recueil scientifique. Il ne peut trouver sa place dans un jour- nal de vulgarisation comme le nôtre. Nous ne pouvons que faire connaître les conclusions générales auxquelles est arrivé l’auteur, qui se révèle à nous comme un des plus savants analystes de l’époque contemporaine.

x *k *

‘Suivant une note du capitaine Mœdebeck, les Américains n'ont pas renoncé

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à l'établissement d’un service aéronautique. Nous savons qu'ils font construire presque en secret à Paris leur matériel. Leur orgueil bien connu les empêche d’avouer qu'ils ont besoin de l’aide d'étrangers pour se tirer d’affaires.

Le capitaine Mæœdebeck nous conne dans le même article le secret de la catastrophe du ballon devant Saint-Jean de Cuba. Dans leur ignorance, les Yankees avaient mis dans la nacelle d’un ballon de 600 mètres trois obser- vateurs. Ainsi chargé d'un poids hors de proportion avec sa puissance ascen- sionnelle l’aérostat a rester dans le voisinage immédiat de la terre, c'est ce qui fait qu'il a été percé par la mitraille espagnole. Les observateurs sont tombés rapidement, mais pas assez pour se tuer. Un seul a été légèrement blessé. D’après un récit que nous avons trouvé dans le New York Herald, le ballon avait révélé la présence des troupes américaines, qui ont été également mitraillées et ont perdu beaucoup de monde. C’est une des rares occasions dans lesquelles les Espagnols ont obtenu quelques avantages.

Avec leurs fausses idées sur la navigation aérienne, les Américains auront beaucoup de mal à se mettre au niveau des nations européennes. On ne dirait pas qu'ils ont été les premiers à imiter les Français de la première Répu- blique française.

Si l’on en peut juger par l’anecdote suivante que nous a racontée M. Ulrich de Fonvielle, les ballons du Nord étaient envoyés en l’air pendant la guerre de sécession, dans des conditions les observations devaient être singu- lièrement difficiles, sinon impossibles.

Officier topographe au service de l’Union, il était à cheval et suivi d’une or- donnance nègre, par un temps de brouillard. Le ballon militaire était en l’air, et n’était pas visible de terre. On n’apercevait qu'un cable dont le bout était perdu dans la nuée. Le nègre, épouvanté et croyant à quelque sortilège, était sur le point de s'enfuir. M. de Fonvielle eut quelque peine à le retenir.

X à *

Nous trouvons dans le New-York Herald du 25 novembre un paragraphe qui nous montre jusqu à quel point les autorités américaines poussent la con- fiance. Le Bureau de l'artillerie de Washington a accordé un crédit de 125.000 francs sur la recommandation de M. Langley, secrétaire du Smithso niam Institulion pour la construction d’un aéroplane à vapeur destiné à por- ter un voyageur. La construction sera confiée aux officiers qui ont obtenu de si brillants succès aérostatiques dans la guerre Espagnole.

M. Langley nous avait accoutumé à plus de réserve. Les rapports faits sur son oiseau à vapeur indiquaient qu’il se croyait bien loin d’avoir résolu le problème de Dédale. Mais nous n'avons point à être inquiet sur le sort du nouvel Icare, son chariot volant ne lui fera pas quitter le sol du district de Washington, et il n’a point à craindre d'aller mouiller ses ailes dans les eaux du Potomac.

* x *

On nous signale un sermon prononcé par un prédicant de Philadelphie, qui a stigmatisé les vices de l’époque de corruption dans laquelle nous vivons, et a mis en tête l'habitude d’aller en ballon monté.

Sans doute cet illustre interprète des écritures considère qu'il y a quelque témérité à s'approcher du ciel par un moyen mécanique et sans attendre qu'après sa mort on y soit, si onl’a mérité, apporté par les Anges méthodistes !

À. CLÉRY:

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ASCENSIONS INTERNATIONALES DU 8 JUIN EXPÉRIENCES DU S JUIN 1898

ASCENSIONS FRANÇAISES

Comme nous l'avons déjà indiqué, (1) la Commission Française a décidé de faire partir pendant la nuit le petit aérophile de 40 ® ; après le lever du soleil, de lancer le grand aérophile, et enfin de faire exécuter une ascension montée du Balaschoff. Ces trois opérations ont pleinement réussi et donné des résul- tats des plus intéressants.

Les frais de ces ascensions ont été couverts par $. À. S. M. le prince de Monaco, auquel nous adressons publiquement ici l'expression de notre pro- fonde reconnaissance.

Le petit aérophile a été lancé à ? heures du matin par un temps très calme, il s’est enlevé rapidement dans la direction du N.-E., il a été récupéré. La descente a eu lieu près de Verpillières à 95 kilomètres de Paris.

Malheureusement, il est tombé entre les mains de paysans ignorants qui, ayant pris le ballon pour une montgolfière, le cylindre de l’enregistreur pour son fourneau, et le noir de fumée pour le produit de la combustion, ont eu la fatale idée de remettre les choses dans leur état normal et de nettoyer le récipient métallique. Quand nous sommes arrivés ils avaient ainsi enlevé tou- tes les traces des courbes, et il nous a été impossible de déterminer ni l’alti- tude, ni la température.

LE GRAND ARROPHILE No 3

Le grand aérophile de 433% a été lancé à 9 h. 5 du matin. Il s’est élevé très rapidement dans la direction du N. Est, et a disparu dans les nuages trois minutes après le départ. Les oscillations du panier parasoleil n'étaient pas plus intenses que d'ordinaire. La descente a eu lieu à Vernum, en Allemagne près de la frontière de Hollande à 430 kilomètres de Paris, à 5 h. 5 m. du soir.

Le trajet s’est donc exécuté avec une vitesse moyenne de 15 mètres par seconde. Nous félicitons ici la population du bon accueil qu’elle nous a fait. Un agent de police avait pris le ballon sous sa protection et exécuté religieu- sement toutes lesinstructions. Nous lui avons remis la prime qu’il a partagée lui- même entre plusieurs personnes qui avaient rendu des services lors de l’atterris- sage. Le ballon et les diagrammes étaient dans un parfait état d'entretien, et nous en publions le fac-simile. Le ballon sonde avait emporté, outre l’'équi- page ordinaire, un actinomètre enregistreur de M. Violle et l'appareil de photographie automatique de M. Cailletet. Cet ingénieux instrument portait pour la première fois une adjonction importante relative à la photographie instantanée d’un baromètre à mercure. Ces deux instruments ont fait l’objet de deux communications faites par les inventeurs devant leurs confrères de l'Académie des Sciences, et que nous avons publié in extenso dans notre

(4) L'Aérophile, n°5 6-7-8, 1898.

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numéro du mois de juin, juillet, août, (pages 91 à 100). Aux renseignements contenus dans ces notes, si intéressantes, nous croyons devoir ajouter que nous avons constaté une parfaite coïncidence entre les indications du Baro- mètre à mercure photographié par M. Cailletet, et du Barographe de M. Ri- chard, emportés à bord du même ballon Sonde. On nous dispensera d'’insister sur l’importance de cette vérification, et sur les conséquences qui en résul- tent. Quant aux nombres indiqués par l’actinomètre de M. Violle, ce savant a bien voulu nous faire remarquer lui-même que les nombres qu'il a trouvés avec son thermomètre à boule noircie exposé à la radiation directe sont à peu près conformes à ceux que le thermographe de M. Richard a noté pour la tem- pérature intérieure de l’aérophile, dans les ascensions précédentes. Il est à regretter que la crainte de surcharger d'un trop grand nombre d'instruments notre ballon-sonde nous ait privé d'une vérification encore plus directe et qui certainement ne nous aurait pas fait faute.

Nous profiterons de cette circonstance pour faire une remarque générale c'est qu'il y a lieu de multiplier plutôt les ascensions des ballons sondes que de multiplier indéfiniment le nombre que chacun d’eux emporte daus la haute atmosphère. Pour que l'expérience eùt été complète. il aurait fallu faire partir à la fois deux ballons-sonde de haute région, c'est-à-dire de 400 m , de charger chacun d’eux des instruments réglementaires, c’est-à-dire de baro thermogra- phes enregistreurs tant dans l’intérieur du ballon qu’à l’intérieur, et d’affecter l’un d’eux au service de la photographie tandis que l’autre serait consacré exclusivement au service de l’actinométrie.

Les deux courbes barométriques et thermométriques du grand ballon-sonde offrent cette fois une régularité remarquable que nous attribuons aux perfec- tionnements dont le baro-thermographe enregistreur à été l’objet.

L’échelle de l'inscription est suffisante pour l’on puisse suivre les moindres oscillations tant du thermomètre que du baromètre, et nous allons essayer d'en indiquer les causes. Le premier minimum thermométrique de 64% centisgrades à été enregistré à 9 h. 33", c’est-à-dire ?8" après le départ. Ce moment correspond à 135 m/m de mercure, et le minimum de pression observé à 9 heures 52 a été 111 n/", Par conséquent, l'ascension, pendant cette période, a duré 19 minutes et a donné naissance à une dépression de 24 m/m, soit une différence d'altitude d'environ 1400 mètres, ce qui constitue un dépla- cement d’un peu plus d’un mètre par seconde, représentant une vitesse d'aération insuffisante pour donner la véritable température de l'air. Par conséquent, notre enregistreur donne des températures plus élevées que celles qui règnent dans les hautes altitudes. Cependant il convient de remar- quer que le soleil ayant une hauteur considérable au-dessus de l'horizon, son action calorique doit la faire sentir sur la température propre de l'air. C’est donc en s’aidant des recherches actinométriques de M. Violle qu’on pourra se faire une idée de l’erreur finale commise à cet égard.

En tout cas, il est certain que si l’on arrivait à produire en ce moment un delestage énergique du ballon, on obtiendrait la ventilation nécessaire pour déterminer la température à ces hautes altitudes. Bien entendu, on ne ferait que reculer la difficulté, car chaque delestage produirait une réascencion importante suivie d’une culmination dans laquelle la ventilation serait insuffi- sante. Mais la comparaison des deux nombres obtenus avec ou sans délestage, permettra de se faire une idée de la vaieur de l'erreur commise à observa- tion supérieure, lorsque la ventilation serait trop faible.

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135

Le constructeur Richard prétend avoir résolu complètement la difficulté par une ventilation mécanique. Quoique ec problème nous semble fort difficile, nous croyons à la possibilité de sa solution. Nous mêmes nous terminons en ce moment.un système de ventilation basé sur le tirage produit par la cha- leur du soleil lui-même, et qui nous semble donner de bons résultats.

Il est à remarquer que la courbe thermométrique offre un point de rebrous- sement à une altitude d'environ 7.000, ce qui semblerait indiquer que les nuages s'étendaient à peu près jusqu'à cette hauteur.

Un peu après 10 k., le réchauffement du thermomètre s’est arrêté et la cour- be thermométrique est devenue à peu près horizontale comme celle du baro- mètre. Cependant, elle a offert, depuis 10 h. 6 mivutes jusqu’à 11 h. 55, une série de 18 oscillations ayant duré de ? à 10 minutes, et dont l’amplitude moyenne correspond à environ 2 degrés. Ces oscillations semblent s'expliquer d’une façon très simple en les attribuant à la rotation du ballon. En effet, le tube thermométrique n'étant pas au centre du panier, parasoleil, l'influence du rayonnement se fait sentir d’une facon plus énergique malgré le papier argenté, lorsqu'il se tient du côté de l’astre que du côté opposé.

La décroissance des altitudes commence à se faire sentir d’une façon très régulière et progressivement accentuée à partir de 1 heure jusqu’à 4 heures 4 minutes, moment la pression est de 160 m/", Par conséquent, la perte d'altitude a été de 45 "/m en plus de 4 heures, et à partir de ce moment, com- mence la véritable descente qui dure à peine une heure,

L’allure de la courbe thermométrique et barométrique, pendant la des- cente, offre des particularités que nous examinerons dans une étude ulté- rieure. Nous dirons seulement que les principales particularités semblent parfaitement s'expliquer par la diminution de la hauteur verticale du soleil et la présence soit de vapeur d’eau ou de pluie ayant alourdi l'aérostat.

Nous ferons remarquer que les conjectures que nous formons auraient une base sérieuse si l’aérostat avait été observé d’une façon constante de la der- nière plateforme de la Tour Eïffel, ce qui serait possible évidemment si l’as- cension avait eu lieu un jour l'atmosphère eut été d’une limpidité remar- quable. Dans ce cas,on aurait pu se rendre compte de toutes les circonstances de l’ascension en supposant que la cote barométrique permette à chaque ins- tant de déterminer la hauteur en dessus du sol, en tenant compte des correc- tions en usage. En effet, en visant de cette seule station avec un théodolite, on connaîtrait à chaque instant l’azimut du ballon et les éléments du trian- gle rectangle formé par le rayon visuel dont la hauteur est mesurée et quien forme l’hypothénuse. Comme dans ce cas les distances deviendraient très grandes, on pourrait, par un calcul moins élémentaire, mais connu, tenir compte de la courbure de la terre et de la réfraction atmosphérique.

Il n’est peut-être pas inutile d'ajouter que si l’on fixait à l'équateur du ballon, un point de repère d’une dimension suffisante, on pourrait observer les rotations du ballon de la façon la plus simple.

Ascension montée du Balaschofïf (1)

L'ascension du Balaschoff a eu lieu à l’usine à gaz de la Villette, à 11 h. 05 du matin. Nous devons à M. Jaubert, directeur du service météorologique de la Ville

(4) Nous devons cette ascensien à la générosité de M. de Balaschof.

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de Paris, de très intéressantes observations de nuages faites à Montsouris pendant la matinée, et que nous croyons utile de reproduire intégralement.

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cumulus d’une altitude moindre.

Ces nuages ont été observés dans le voisinage du Zénith, au moyen de la chambre noire néphoscopique.

La direction est indiquée en degrés, de 0o à 3600, à partir du Nord en sens inverse des aiguilles d’une montre.

H ÿ représente le rapport entre la hauteur en mètres et la vitesse en mètres

par seconde.

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Couche assez dense........... 2000 416 d’autres a-cu plus épais ....... 419

À 8 h. 30, la couche d’a-cu tend à se transformer en alto-stratus. SANS PA CURE QUELS RARE ee 1880 AGX 460

L’'a s. s'étend de plus en plus. À 9 h. 45 il couvre toute la partie Sud du ciel et gagne peu à peu le côté Nord.

En résumé,

Toutes les directions sont comprises entre 1880 et 2420, c’est-à-dire entre S. 80 E. et E. 288.

Les vitesses relatives sont très variées. Les différences ne paraissent pas pouvoir s'expliquer uniquement par des différences de hauteur. Les vitesses elles-mêmes devaient être variées.

La moyenne des valeurs trouvées pour + est 393, ce qui donnerait 10 par

seconde pour une hauteur de 3,930.

Outre ces observations, M. Jaubert a bien voulu faire viser le PBalaschoff de la tour Saint-Jacques et de l'Observatoire de Montsouris, mais le ballon n'ayant pu être suivi à partir du moment il est entré dans les nuages dont l'altitude était très basse, la hauteur au-dessus de l'horizon de Montsouris n’a pas été suffisante. Nous n’avons eu que les observations de la tour Saint- Jacques qui ont réussi de la façon la plus heureuse et qui nous ont permis d'établir le tableau suivant :

Tableau des observations faites à la tour Saint Jacques sous la direction de M. Joseph Jaubert, directeur du service météorologique de la Ville de Paris

Le 8 juin, ascension, observations de la tour Saint-Jacques. Départ à 11 h.5 environ.

Temps après Altitudes Az. h. s/l'horizon le départ mètres 2585 213 132040 273040 0 321 138 40 271 45 4 48 365 437 50 271 25 6 40 409 499 30 azimut Dufayel* 271 15 JS 431 119 45 271 15 11 28 481 115 05 971125 19, 8 532 410 05 271 25 45 41 656 102 20 270 50 16 26 760 101 10 270 45

+ Azimut du N. sur le cercle horizontal 1031 à droite de l'azimut Dufayel par rapport à la tour Saint-Jacques. Position de l'horizon sur le cercle vertical 276°54'5.

Grâce à ces indications à l’aide du rapporteur et de la carte au COTE 1

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Fig. 3. Projection de la trajectoire de l’aérostat déterminée par le baromètre enregistreur du bord et des visées géodésiques de la Tour Saint-Jacques

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——— Vitesse horizontale moyenne

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et des hauteurs barométriques observées à bord du Balaschoff aux époques correspondantes, nous sommes parvenus à tracer la trajectoire qui est figurée dans la planche III. Ainsi qu'on le remarquera le ballon le Balaschoff a exécuté une révolution complète pendant son ascension. La projection de la courbe sur le plan horizontal est une ellipse dont le grand axe est à peu près parallèle à la direction moyenne du vent et possède une longueur d'en- viron 800 mètres. Nous nous sommes donc élevés en spirale. Le pas de la spire que nous avons décrit n'avait pas deux cents mètres. Il est probable que dans le reste de notre ascension ce mouvement spiroidal s’est manifesté plus d’une fois, car nous avons cru nous apercevoir d’un mouvement analogue lorsque nous sommes passés au dessus de Pontoise, au moment nous étions perdus dans les nuages. Mais une éclaircie nous a permis d'apercevoir pen- dant quelque temps la surface de la terre.

Avant d'aller plus loin, nous devons attirer l’attention sur l'utilité de réu- nir les stations d'observations avec le lieu de l’ascension par un téléphone.

En effet, M.Jaubert a essayé à plusieurs reprises de viser les ballons-sonde, mais il n’a pu y parvenir à cause de la rapidité avec laquelle l’aérostat se détache de la surface de la terre.L'’astronome, qui est arrivé à mettre le ballon dans le champ de sa lunette, peut arriver à le suivre en quelque sorte indéfiniment, mais il n’en est pas de même lorsqu'il est obligé de le chercher dans le ciel parce qu'il a manqué le point de départ. Un autre inconvénient résulte de l’irrégularité presque inséparable des opérations aérostatiques. S'il arrive un incident quelconque qui retarde le départ, l'observateur abandonne naturellement son poste une demi-heure, ou un quart d'heure après l’époque convenue. M, Secrétan, qui avait bien voulu se transporter avec un théodolite au sommet de la tour Eiffel a été victime d'un accident de ce genre. La tour, si elle était pourvue d’un téléphone réservée au service du ballon, ou même d’un appareil de télégraphie sans fil, serait le meilleur de tous les centres d'observations surtout par un jour clair. Comme le dit M. de Fonvielle dans la 2% édition des Ballons-sonde, en acceptant comme bonnes les hauteurs barométriques données par la formule de Laplace, on pourrait, par cette seule station, écrire l’histoire détaillée d’une ascension complète. En effet, il est parvenu il y a une dizaine d'années, avec le concours de M. Triboulet, de suivre un ballon monté par l’'aéronaute Jovis au delà de Château-Thierry jus- qu’au voisinage de la frontière allemande.

Nous avions à bord, dans le panier parasoleil l'appareil, triple dont nous donnonsle diagramme dans la Figure IV. Ces courbes sont parfaitement régu- lières sauf pendant le temps nous avons marché au guide rope, il s’est alors produit des sauts qui ont remplacé la courbe par une série de ponctuations reproduisant d’une façon très infidèle les inflexions de la température et de l'humidité de l’air. Depuis quelque temps, M. Richard a imaginé un perfection- nement de son hygromètre qui le rend bien moins sensible aux trépidations, et qui pe peut-être de l'appliquer pendant le trainage. Quant au ther- momètre, rien n’a été fait à cet égard. Pendant tout notre voyage, qui a duré depuis 1 h. 5 jusqu’à 1 h. 55, nous avons été dans une atmosphère extraor- dinairement humide. L'hygromètre a dépassé 900, s’est toujours maintenu en dessus de 70, et pendant 1/6 du trajet a dépassé 800.

Dans de pareilles conditions atmosphériques, il ne ne nous a pas été pos- sible de remplir rigoureusement les conditions du programme. Cependant, nous avons fait quelques lectures avec l'appareil double d’Assmann, que

140

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Fig. 4. Diagrammes fournis par le triple enregistreur dans l'ascension du Balaschof] (8 juin 1898).

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M. Teisserenc de Borta bien voulu mettre à notre disposition. Mais nous croyons devoir remettre à plus tard cette partie de notre travail. Nous avions en outre emporté un grand appareil actinométrique de M. Violle, dont le but était d'étudier l'influence du rayonnement solaire par un procédé que nous allons décrire. Outre les deux thermomètres enregistreurs à boule noircie, nous avions deux grandes eloches destinéesà les couvrir à volonté, à l’aide d’un dispositif fort ingénieux. Nous nous étions réservés de mettre l'appareil en marche dès que nous serions parvenus dans une région insolée. L'extraor- dinaire épaisseur des nuages que nous n'avons pas vu s'éclaircir vers le zénith, même au sommet de notre excursion dans laquelle nous avons atleint 2,400 m., ne nous à pas permis de mettre l'appareil en observation, et nous l'avons rapporté à terre dans la position qu'il avait au départ. Nous nous considérons comme heureux de ne pas avoir endommagé cet instrument dans toutes nos

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Fig. 54 Tiajectcires suivies jar les ballor s partis de Paris le 8 juin 1898.

manœuvres. Nous devons même ajouter que par un effet inexplicable au premier abord, la masse de nuages semblait augmenter au-dessus de nos têtes à mesure que nous nous élevions davantage.Cet effet a cependant une explication des plus simples et que nous n’avons pas trouvé au premier moment. À mesure que

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nous nous élevions dans la couche inférieure, nous nous écartions de la terre qui nous envoyait à travers la couche nuageuse une partie de sa lumière. Cette lumière ne s’étendait pas seulement jusqu’à nous, elle dépassait le niveau de notre œil et éclairait une partie voisine de lanuée. À mesure que cette lumière du bas diminuait, la nuée s’obscurcissait. Nous avons senti, au moment de prendre terre les effets de cette étonnante humidité de l'atmosphère, car en prenant terre, nous avons été arrosés par une pluie diluvienne qui a été pré- cédée de violents coups de tonnerre qui, malgré leur intensité, n’ont point ébranlé la nacelle. Nous devons noter que nous n’avons point aperçu d'éclairs. À ce moment, nous étions absolument privés de lumière comme en pleine nuit, le ballon avait des mouvements giratoires saccadés, nous n'avons pas eu d’étincelles sur les cordages ni sur l’ancre et nous n'avons pas senti de secousses, même en touchant terre. Après avoir voyagé quelques minutes au guide-rope, nous avons atterri sans avoir besoin de jeter l’ancre, car l'air était d'un calme absolu, le frottement du guide rope qui pesait une vingtaine de kilogrammes suffisait pour arrèter le ballon. Nous nous sommes ainsi trouvés captifs au dessus de marécages aux environs de Magny en Vexiu. Les paysans venus à notre aide avec un dévouement digne des plus grands éloges s'enfoncèrent dans la boue pour nous tirer de ce mauvais pas.

EXPLORATION DE LA HAUTE ATMOSPHÈRE

Ascension de l’Aérophile #, le 25 août 1698.

Le programme des explorations de la haute atmosphère, qui a reçu en ces dernières années une si grande extension, grâce aux efforts de la Commission scientifique d’aérostation, et qui consiste à lancer, à des jours et des heures longtemps déterminées à l'avance, par une entente internationale des ballons- sondes et des ballons montés, devait être complété par des ascensions parti- culières exécutées dans des conditions météorologiques spéciales qu'on ne peut prévoir à l’avance. On pourrait ainsi, en immergeant les instruments dans tel ou tel phénomène qui se présente avec une grande intensité, amplifier des résultats restés inaperçus par leur petitesse et trouver les écarts extrêmes auxquels sont limitées les lois de l'atmosphère.

C’est ainsi que le 23 août dernier, au milieu de la période caniculaire, par un jour serein placé entre deux orages intenses, nous avons lancé un baro- thermographe à 7,100 mètres d’altitude par le moyen de notre petit aérophile de 40 mètres cubes gonflé à l'hydrogène (1).

Les résultats de cette modeste expérience ont dépassé de beaucoup notre attente. Notre thermographe (Voyez fig. 6), a enregistré pour cette altitude de 7,400m une température de 60° centigr., tandis qu’à terre, à midi 25, au départ, il y avait + 25° centigr.! Ainsi, sans nous en douter, nous avons battu un record. En effet, cette température à 7,400 m , altitude atteinte plusieurs

(1) Nous devons cet hydrogène à la gracieuseté de M, Spelterini qui expérimentait l'appareil avec 2 LE fût gonflé son ballon « Méga : » à Sion.

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143

fois en ballon monté, est de beaucoup la‘plus basse qui ait été enregistrée, dans nos précédents sondages, nous rencontrions la zône de 60° qu’à une altitude double. La température observée par les savants français Biot et Gay-Lussac, Barral et Bixio, par Glaisher, et dans les ascensions allemandes à cette altitude de 7,400 m., n'avait jamais dépassé 40°.

Notre expérience du 23 août donne une éclatante démonstration des résul- tats que l’on peut obtenir dans les ascensions exécutées dans des circons- tances atmosphériques spéciales.

Le baro-thermographie dont nous nous sommes servi le 23 août, avait été soigneusement vérifié avant et après la descente.

Ce n’est qu'après ces vérifications que nous avons fait faire chez M. Jules Richard, sous nos yeux, que nous nous sommes décidés d’en publier les résul- tats qui ont paru in extenso dans les comptes rendus de l’Académie des sciences (17 oct. 1898).

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Fig. 6. Diagrammes fournis par le Baro-thermogranhe de l’Aérophile 4 lancé le 23 août 1898. (Par une erreur de reproduction, la température au départ doit être lue à + 250 au lieu de + 200.)

Le ballon parti à midi 25, était recueilli à 2 h. 34 du soir, à Orly-sur-Morin, par le garde-champèêtre de cette localité, entre les mains duquel le ballon des- cendit. Tout fut transporté à la mairie d'Orly-sur-Morin en parfait état. et en arrivant le lendemain, nous y trouvâmes les magnifiques diagrammes dont nous donnons le fac-simile. (fig. 6)

Ajoutons que nous avions eu le soin de protéger les diagrammes sur le cylindre par une espèce de cuirasse con nous avons déjà donné la description.

GUSTAYE HERMITE.

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IMPRESSIONS DE VOYAGES AÉRIENS

ASCENSION DU BALLON L’AURORE

Le 14 juillet est pour une municipalité une journée d'inquiétude, car elle doit se préoccuper des fêtes et réjouissances à donner à ce bon peuple qui, ce jour-là. est le maître.

Chaque contrée a ses habitudes, ses plaisirs ; le Nord, les combats de coqs et de chiens ; le Midi, et particulièrement le Sud-Ouest, le tir au pigeon et les combats de taureaux.

Dans presque toutes les villes du Sud-Ouest la fête du 11 juillet se compose d’une corrida spéciale.

Quelques municipalités ont voulu réagir contre cette tendance à ces uni- ques divertissements et essayer une fête nouvelle.

La ville de Mont-de-Marsan, entr'autres, renommée pour ses superbes courses à l’Espagnole a pris les devants ; et, de concert avec l'ingénieur aéro- naute bien connu, M. Georges Besançon, a organisé une fête aérostatique aux arènes même se donnait annuellement à pareille époque la course locale.

Disons tout de suite que la tentative progressive a pleinement réussi.

Un attrait nouveau s’ajoutait encore à cette fête L'aéronaute devait être accompagné par un amateur de la ville, il n’en fallait pas plus pour assurer le succès; aussi pendant les deux jours que dura le gonflement, la foule ne cessa pas un seul instant de remplir les arènes.

Le 14 juillet arriva, et quoique le départ ne fut annoncé que pour 3 heures dès une heure, une masse compacte commençait à se presser aux portes de l’enceinte, d’où le ballon devait partir.

Le temps était très beau. Pas un nuage, et, par conséquent, un soleil qui dardait des rayons de feu. L

J'avoue que je ne comprends pas la patience de cette foule, que pas un souffle d’air ne venait rafraîchir, et qui restait plantée en plein soleil dans l'attente de voir un concitoyen prendre le chemin des nuages. On attendit ainsi jusqu à trois heures, comme l’indiquait l'affiche à l'heure convenue.

L'exactitude étant la politesse des rois, doit être celle des aéronautes de la nouvelle école, qui ont la prétention d’être des rois de l’air.

Dès qu'on vit le ballon s'élever, on le salua de mille acclamations frénéti- ques; mais le bonheur d’être dehors de la plaie d’une attente en plein soleil, entrait bien pour quelque chose dans cet enthousiasme.

Les vivats nous atteignirent jusqu’à 500 mètres. Il était grand temps que cette marque d'intérêt vint nous réconforter, car nous allions revenir en amont. .

Bientôt nous trouvâmes un courant qui nous porta assez rapidement dans le nord, en passant sur le bourg de Saint-Médard, le vent tomba, et nous nous dirigeâmes lentement vers le nord-esten faisant un mouvement tournant autour de la vile.

À 3 h. 55 nous étions à 1,200 mètres, et nous n'avions encore fait, à vol- d'oiseau, que 10 kilomètres.

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Nous passons successivement sur les bourgs de Laglorieuse, et de Pujo- le-plan. Il était à ce moment 4 h. 35. La chaleur était s’il est possible plus accablante qu’à 3 h.50 ; nous descendons à 400 mètres nous entrons en conver-

_Sation avec des habitants qui sont trop petits pour que nous puissions les voir distinctement. Nous remontons insensiblement, nous mettons une heure pour atteindre l'altitude de 1,700 mètres ; nous planons successivement sur les communes de Artassea, Maurrin, Castandet, Grenade,etc.

Verso h. 45 M. Besançon juge le moment conv«:nable pour commencer ‘atterrissage. Nous faisons choix d’un champ de maïs se trouvait réuni une vingtaine de personnes nous approchons lentement de la terre. Après un court moment d'hésitation... 10 personnes se saisissent du guide-rope et maintiennent le ballon à une quinzaine de mètres du sol. Apercevant non loin de une prairie nous nous y faisons transporter. À 6 heures précises la nacelle touchait le sol, sur le domaine de Saint-Jean, commune de Duhort- Bachen, canton de Cazères, à 25 kilomètres de Mont-de-Marsan.

Notre excursion avait donc duré exactement 3 heures.

La partie très délicate du dégonflement du ballon, le pliage de l'enveloppe, le rangement des engins dans la nacelle, tout cela fut rapidement exécuté grâce à l'habitude et à la sûreté d'œil de M. Besançon qui n’oubliait aucun détail, et procédait méthodiquement à toutes les parties de l'opération.

Deux heures après l'atterrissage, grâce à la bonne volonté d’un voiturier indigène. le ballon etses accessoires entraient en gare de Cazères sur l’Adour.

Nous-mêmes nous arrivâmes quelques minutes plus tard; nous profitâmes, de quelques instants que nous avions avant notre départ, pour prendre une légère collation. Un quart d'heure après, le train était aunoncé par la son- nerie électrique, nous prenions congé des braves gens qui nous avaient aidé. Emporté vers Mont-de-Marsan par l’express, nous étions rendu chez nous, à 11 h. 1/2 du soir, heureux de notre charmante excursion qui nous a naturalisé citoyen du pays des nuages nous espérons bien revenir.

L. BARTALOT.

PROMENADE AÉRIENNE À BORD DU SIRIUS

Le 31 août, le Sirius est étalé en épervier sur la pelouse de l'usine à gaz de la Villette. Un nombreux personnel appareille avec activité, sous les ordres de M. Cabalzar, malgré les nombreuses averses qui se succèdent sans inter- ruption depuis le lever du soleil; neuf heures viennent de sonner. Tout est prêt maintenant, il ne reste plus qu’à laisser arriver le gaz nécessaire au gon- flement du ballon; mais le temps est épouvantable, la pluie redouble de minute en minute, le vent souffle par rafales; aussi, d'accord avec M. Besançon, venu pour assister à notre départ, prenons-nous la décision de remettre l'ascension au lendemain’

Le 1°r septembre je me trouvai donc rue d’Aubervilliers vers huit heures du matin. Un tiers de l’aérostat s'élevait déjà majestueusement vers le ciel.

De nombreux et épais nuages voilaient la voûte céleste, mais, visiblement, le temps avait tendance à s’éclaircir.

A 9 h. 1/2, le ballon est prêt à s’enlever. Je prends place dans la nacelle

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aux côtés de M. Cabalzar, mon capitaine, puis M. Besançon fait procéder au « pesage » et c’est à 9 h. 40, exactement, qu'est prononcé le solennel « lâchez tout ».

Le vent est très faible et semble tout d’abord souffler du nord-est pour nous diriger en plein sud-ouest, mais, à mesure que nous montons, de multiples courants aériens nous dévient de la direction primitive, de sorte qu'après avoir franchi la ligne du chemin de fer de l'Est, nous sommes repoussés au- dessus des abattoirs généraux, passons sur les Buttes Chaumont, longeons un moment le canal Saint-Martin, traversons la place de la Nation et sortons de Paris en suivant le chemin de fer de Lyon. Ensuite, nous remontons un instant le cours de la Marne après l'avoir traversée un peu au-delà de l'ile Saint- Maurice et reconnaissons Creteil, au-dessus duquel nous cheminons, puis Choisy-le-Roi que nous laissons à l’ouest, Valenton et Villeneuve Saint- Georges, entre lesquels nous passons; nous coupons alors un bout du bois du Mont Griffon pour venir tomber ensuite à Villemoisson, près d’Epinay, à 11 h. 1/2 précises.

Comme on peut s’en rendre compte par le tracé que je viens de faire de notre itinéraire, les courants aériens étaient de faible intensité, d’ailleurs, à 9 h. 50 nous apercevions encore l'usine de la Villette d’une hauteur de 900 mètres, à travers une brume peu épaisse, mais froide et humide; néan- moins, par moment quelques bienfaisants rayons perçaient la couche épaisse d’abondants nuages.

A 10 heures, le baromètre indiquait 1.100 mètres, et l’aérostat, d’après les « ascensionnels », continuait à monter lentement. À 10 heures 5, nous étions à 1.200 mètres; c'est à ce moment que nous commençâmes à percer la zône nua- geuse. Nous sommes entourés de toute part par un brouillard impénétrable et d’une si grande humidité qu’en moins de temps qu'il n’en faut pour l’exprimer le ballon est terni par suite de la condensation de la vapeur sur ses parois: c'est en somme une véritable nappe d’eau aérienne que nous traversons ; malheureusement cet état atmosphérique nous coûte beaucoup de lest. A 10 heures 10, le baromètre marque 1.500 mètres et nous sommes toujours dans les nuages. Un instant nous craignons de ne pouvoir passer à travers ; mais à 10 heures 14 un rayon de soleil parvient jusqu’à nous et, un moment après, nous pouvons admirer à loisir la féerique nappe de cumulus sur laquelle se projette « l’auréole des aéronautes ». Il est 10 heures 15, le baromètre indique 1.800 mètres et le psycromètre 20°. À 10 heures 25, nous sommes à 1.900 mètres avec 9 ; puis le ballon redescend relativement vite à 1.800 mètres; nousjetons alors des paquets entiers de cartes questionnaires, nous vidons encore un demi sac de sable et remontons à 2.000 mètres, il est alors 10 heures 112 et sommes au point maximum de notre ascension.

Nous descendons maintenant d’une façon définitive ; à 10 heures 55 nous ne sommes plus qu'à 1.800 mètres avec 8 ; à 11 heures, le baromètre marque 1.700 mètres, le psycromètre 11°. Le surcroit de poids que nous avons acquis en nous immergeant dans la couche de nues pour regagner la terre est telle- ment considérable qu'il faut attérir. Nous n’avons pas de temps à perdre, car le lest qui nous reste sera à peine suffisant pour atténuer la chüte. M. Cabal- zar prépare rapidement les engins d'arrêt et, pour modérer le choc final, nous sommes réduits à vider nos bouteilles et à utiliser nos victuailles. Enfin. un endroit nous semble propice, un coup de soupape nous amène rapidement à proximité du sol, le capitaine jette l'ancre; à cet instant un petit coup de

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vent arrive, juste à temps pour nous précipiter contre les troncs d'énormes peupliers ; nous sacrifions aussitôt le dernier sac de lest gardé en réserve comme ressource suprême Allégé,le ballon fait un dernier bond, l'ancre est projetée sur le sommet d’un des peupliers, elle s’accroche dans les branches. Nous sommes suspendus juste au dessus d’un petit ruisseau nommé ia Yerres.

Nous laissons tomber l'extrémité d’un guide-rope et crions à des paysans de s’en emparer.

Une fois captifs, nous abandonnons l’ancre et nous faisons tirer sur le champ voisin. Quelques branches cèdent sous la pression de l’aérostat, puis la nacelle vient buter contre le sol. À ce moment, pour éviter le choc, nous nous suspendons aux cordages ; le baromètre enregistreur tombe assez vio- lemment sur la terre ; le ballon veut remonter, mais de multiples bras s’en emparent et nous pouvons dès lors fouler le sol qui supporte le commun des mortels.

Le dégonflement s'opère d'autant plus rapidement que l'aérostat a perdu déjà une grande partie de son gaz, M.Cabalzar ayant eu la précaution quel- ques instants avantla descente dans le champ, de donner un grand coup de soupape pour éviter autant que possible la déchirure de l'enveloppe quand le ballon passera entre les branches des arbres. C’est avec un sentiment de réelle tristesse qu’on voit anéantir cette sphère gracieuse qui, il y à à peine un ins- tant, planait majestueusement au-dessus de cette terre prosaique l'on se préoccupe naivement de questions frivoles ou niaises.

L’aérostat est à terre, mais bien des mètres cubes de gaz restent dans l’en- veloppe soyeuse ; un enfant de 8 ou 10 ans, voulant faire comme ses parents qui nous aident à chasser le gaz en pressant sur l’étoffe, se saisit du ballon; mais un léger coup de vent survient, l’aérostat tourne sur lui même, et le pauvre petit, enlevé comme une plume, est soulevé. Il s’agite fébrilement sur le front de ce monstre qui se tortille et se débat comme s’il luttait contre l’'agonie suprême. L'émotion est grande, un accident ne peut manquer d’at- trister notre descente ; heureusement nous arrivons à nous saisir du petit imprudent. Bientôt l’étoffe qui se cabrait n’est plus sur le sol qu'une loque

inerte à nos pieds. Léon FLAMENG.

BIBLIOGRAPHIE

La maison Gauthier-Villars (55, quai des Grands-Augustins) vient de publier, comme chaque année, l'Annuaire du Bureau des Zongitudes pour 1899. Ce petit volume compact contient comme toujours une foule de renseignements indispensables à l'ingénieur et à l’homme de Science. Parmi les Notices de cette année, signalons tout spécialement un très remarquable article à M. Bouquet de la Gryÿe, président du Comité français pour l'exploration de la haute atmosphère. Le savant académicien examine la question d’une façon magistrale. Il rend trop

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complètement justice à nos efforts et les traite avec trop d’indulgence pour que nous cherchions à rendre compte d’un travail que tout le monde peut lire dans un des recueils populaires qui font le plus d'honneur à la litté- rature française. Notre rôle se borne à exprimer notre reconnaissance et à

le signaler.

ÉISIRE

DES BREVETS RELATIFS A L'AÉRONAUTIQUE ET AUX SCIENCES QUI SY RATTACHENT, DEMANDÉS EN FRANCE

DU 19 AvRIL AU 25 AOUT 1898 (1)

277.456. 27 Avril 1898. Kourtcheninof. Appareil aérostatique.

217.728. 1 Mai 1898. Don Simoni. Aéroplane.

278.138. 21 Mai 1898. Ader. Perfectionnements aux moteurs légers pour l'usage de l’aviation, l’aérostation dirigeable, la navigation et l’automobilisme.

278.192. 93 Mai 1898. Zarski. Nouveau dispositif pour la propulsion des aérostats.

278.452. 17 Juin 1898. Regnard. Propulseur ascensionnel dénommé l’Aérien destiné à la navigation aérienne par le plus lourd que l’air.

218.54. 7 Juin 1898. Chevrey. L'aviateur parachute La Torpille, à roues ascensionnelles à palettes et hélices propulsives.

278.552. 3 Juin 1898. -—- Boes. Système de propulsion des navires et des ballons.

219.514. 6 Juillet 1898, Pieri. Ballon dirigeable.

279.712. 12 Juillet 1898. Hite. Perfectionnements dans les ballons.

280.021. 25 Juillet 1898. Lochner. Perfectionnements aux véhicules aériens.

280.484. 10 Février 1898. Boussole auto-enregistrice.

280.582. 16 Août 1898. M. Laughlin. Perfectionnements aux appareils élévatoires et propulseurs pour aérostats, etc.

280.593. 16 Août 1898. Lange. Bateau aérien dirigeable,

280.698. 19 Août 1898. Kobylanski. Navire aérien dirigeable, dit : Yacht volant.

280.741. 25 Août 1898. Souchier. Boussole nivelatrice.

(1) Communication de MM. Marillier et Robelet, Office international pour l'obtention des brevets d'invention en France et à l'étranger, 42, bouley. Bonne-Nouvelle, Paris.

Le Directeur-Gérant : Georges BESANCON.

Imp. Louis LamBerT, 11, rue Molière,

L'AEROPHILE

Directeurs : GEORGES BESANCON et WILFRID DE FONVIELLE Réoacreur EN Cuer : EMMANUEL AIMÉ

Année. Nos 11-12. Novembre-Décembre 1898

HISTOIRE DE L’AÉROSTATION SCIENTIFIQUE

LE GÉNÉRAL MAJOR MICHEL ALEXANDROWITCH RYKATCHEW

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Le savant directeur de l'Observatoire météorologique central de Russie est fils de grands propriétaires de Nicolaeveskoe, ville agricole, siluée dans le district de Romanoff, lequel fait partie du gouvernement de Jaroslaw. le 25 décembre 1840, il a fait pour ainsi dire son éducation dans le corps de la marine, il fut admis en qualité de cadet à sa quinzième année. Après avoir suivi les cours préparatoires, il embarqua à l’âge de 18 ans à bord du Relvisan, qui croisait dans la Méditerranée. En 1859, il revint en Russie, et l’année suivante retourna dans les mêmes parages, avec le grade d’enseigne à bord de l’Oleque. L'Oleque ayant désarmé en 1869, l’enseigne Rykatchew entra à l’Académre de marine, il suivit les cours de hautes études théoriques jusqu’en 1864. S’étant distingué par‘son savoir et son assiduité, 1l fut choisi, en 1865, pour voyager à l'étranger. Il passa la plus grande partie de la mission à l'Observatoire de Greenwich, il apprit l'astronomie et la physique.

À cette époque, les services météorologiques étaient dirigés par M.James Glaisher, qui commençait la célèbre série d’ascensions scientifiques. M. Rykatchew a donc assisté en spectateur passionné aux grandes expé- riences que ce savant a décrites dans les Voyages aériens.

Un des résultats immédiats des différentes missions de M. Rykatchew, fut la comparaison des baromètres et des thermomètres normaux des grands établissements méléorologiques ou astronomiques d'Europe avec ceux de l'Observatoire central de Pétersbourg et de Pulkowa. C'est ce travail fon- damental qui, ayant eu les honneurs d’une insertion dans les Mémoires de la Société météorologique de Londres, consacra la compétence de M. Ry- katchew et commenca sa réputation.

L'Observatoire central de Pétersbourg était alors dirigé par l’illustre physicien Kœmtz, un des fondateurs de la météorologie moderne, et l’au- teur d’un traité modèle que le temps n’a pas mis hors d'usage. Cet homme célèbre apprécia rapidement le mérite du jeune officier, et l’invita à entrer à l'Observatoire pour lui prêter une assistance, que son grand âge rendait chaque jour plus nécessaire.

Justement flatté d’être distingué par un tel juge, M. Rykatchew se mul- tiplia. En dépit du petit nombre d'employés que possédait l’Observa- . toire, il parvint non seulement à organiser complètement le service météorologique proprement dit, mais à reprendre celui du magnétisme terrestre que Kœmtz avait suspendre depuis plusieurs années.

En Russie, les grands établissements scientifiques ne sont pas, comme ailleurs, sous la coupe d’une bureaucratie souvent peu compétente. Ils sont placés sous la surveillance directe de l’Académie des sciences, qui exerce ces fonctions avec un zèle remarquable. Lorsque Wild fut nommé directeur de l'Observatoire central auquel il donna un si admirable développement, l’Académie des sciences n'oublia pas les services rendus par M. Rykatchew. On créa, pour lui, la place de directeur adjoint. Le 29 octobre dernier, il y eu juste 30 ans, que M. Rykatchew a été attaché officiellement au grand établissement qu’il dirige aujourd’hui.

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L'exemple de M. Glaisher avait porté ses fruits. À peine le célèbre: astronome anglais avait-il fini ses belles expériences que M. Rykatchew inaugurait les siennes.

Dès 1868, il commençait une série d'ascensions scientifiques dont les résultats n'ont pas été tous encore publiés, et sur lesquels nous revien- drons ultérieurement, mais nous dirons déjà que les nombres recueillis dans le courant de 1873 l’ont été d'une façon très complète dans les mémoires de la Société Impériale russe de géographie pour 1883, ouvrage que les aéronautes peuvent facilement consulter, car il fait partie de toutes nos grandes bibliothèques publiques.

M. Rykatchew a en outre exécuté des expériences importantes sur l’a- viation à l’aide d’un manège tournant. Il a mesuré la force motrice néces- saire pour obtenir avec des ailes, une vitesse de rotation déterminée. Il a aussi cherché à se rendre compte des conditions nécessaires pour qu’un appareil auto-volateur soit réalisé. Nous nous ferons un devoir de publier ces nombres aussitôt qu'ils nous seront communiqués, car ils sont aussi importants que ceux que M. Langley a déterminés pour l'établissement de la théorie des aéroplanes. Peut-être ces appareils ferontils partie de la contribution de la Russie à l'Exposition de 1900.

M. Rykatchew se trouve mêlé directement ou indirectement aux remar- quables efforts faits par le gouvernement russe, pour développer dans l’empire la navigation aérienne, que, depuis Catherine la Grande, tous les souverains out pris successivement sous leur protection.

En 1882, la Société impériale de technologie, eut l’heureuse inspiration de créer une section d'aéronautique dont on lui confia la direction, et M. Rykatchew, depuis seize ans, y exerce ces hautes fonctions avec la plus grande activité. La section d’aéronautique a même pris sous sa direction une importance telle, qu’elle possède un organe spécial rédigé par M. Pomarzew, l’on trouve constamment un grand nombre d'articles du plus haut intérêt.

Quatre ans après avoir été appelé à la direction de la société tech- nique, M. Rykatchewv fut nommé membre correspondant de l’Académie des Sciences de St-Pétersbourg, et en 1896, membre titulaire de la section de physique. Occupant le fauteuil de M. Wild, il le remplaça naturellement comme directeur de l'observatoire météorologique central. Les heureux résultats de la nomination ne tardèrent pas à se faire sentir.

C’est à son initiative, que l’on doit la part prise par la Russie aux lancers internationaux qui ont eu lieu à l’occasion des expériences de MM. Hermite et Besançon.

Quoiqu'il ait à diriger des milliers d’observatoires répandus sur toute la surface du plus vaste empire du monde, il s’est rendu à Paris lors de la Commission internationale, et à Strasbourg, lors de la convocation de la Contérence du mois de mars dernier.

C’est grâce à son initiative que la Conférence a ce qu'elle tiendrait sa prochaine réunion à Paris, à l’occasion de l'Exposition de 1900, J’ai eu

= 15 la bonne fortune de le remercier publiquement au nom des aéronautes français, comme je le fais de nouveau aujourd’hui.

Nous ne pouvons terminer cette trop courte notice sans rappeler quel- ques-uns des longs et quelquefois pénibles voyages que M. Rykatchew a entrepris pour représenter la Russie dans les congrès scientifiques, ou pour travailler au développement du réseau météorologique national.

Nous citerons donc d’une façon toute spéciale la part prise par M. Ry- katchew aux délibérations du Congrès de météorologie maritime tenu à Londres en 1872, et à la suite duquel une section maritime a été créée à l'Observatoire central, comme en Allemagne à l'Observatoire de Ham- bourg. En 1872, il a visité l’Oural pour choisir les emplacements des di- vers observatoires météorologiques de cette région. En 1881, il a recom- mencé ses excursions dans le même but, sur le littoral de la mer Caspienne, où, grâce à lui, la météorologie est aujourd'hui fondée.

Parmi les hautes récompenses obtenues par le général Rykatchew, nous citerons le Prix académique (1879) Lomonosoff, pour son travail sur la Marche diurne du baromètre en Russie. En 1874, il obtint la médaille Lutke, de la Société de géographie pour son mémoire : Distribution de la pression barométrique en Russie ; enfin, en 1895, la médaille Constantin, pour l’ensemble de ses travaux de magnétisme terrestre et de météorologie en Russie.

Nous ne pouvons mieux terminer cette notice qu’en exprimant l'espoir fondé que le général major Rykatchew emploiera sa haute influence pour que la Russie entre en ligne dans les ascensions astronomiques de novem- bre 1899, dont M. Janssen, l’illustre directeur de l'Observatoire de Meudon, a proclamé lui-même la nécessité, après les succès obtenus par M. Hansky.

Marin et aéronaute, M. le général major Rykatchew est certainement, le type du savant apte à deviner les lois du temps et à arracher enfin à la nature le secret de l’art de faire des prévisions réellement scientifiques.

WILFRID de FONVIELLE. N7 É GA

L'histoire de l’aérostation est pleine de surprises; chaque jour le ballon, qui, lors de sa naissance, semblait devoir rester un intéressant instrument d'expériences plutôt agréables qu'utiles, s’est révélé puissant auxiliaire des sciences ou des armées. Monté, il fut le véhicule permettant à la météorolo- gie l'étude des régions respirables. Abandonné à lui-même, il permit de sonder l'Océan aérien jusque dans des limites déjà très reculées et ne tar-

* Nous tenons à remercier notre excellent confrère, Za Semaine Littéræire, de Genève, qui a éu l’obligeance de mettre à notre disposition les clichés du Véga et du Zangenburg.

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dera sans doute pas à atteindre dans l’atmosphère la limite extrême, à laquelle son poids spécifique permet de rêver.

De hardis pionniers de la science viennent de démontrer qu'infinis sont les services qu'il est possible de lui demander, en l’utilisant au service de recherches et d'études qui semblaient jusqu'alors n’avoir aucun rapport avec l’aérostation. Qui aurait jamais pensé que le ballon put devenir l’'auxiliaire utile d’un géologue? Et si l’on veut bien y réfléchir quelque peu, on trouve toute simple l’idée qu'a eu le célèbre et sympathique professeur Heim, de Zurich, de l'utiliser pour documenter d’une façon précise, au moyen de la photographie, les recherches qui ont été l’œuvre de toute sa vie scientifique, si féconde déjà en travaux remarquables.

Quel instrument, en effet, aussi bien que le ballon, pourrait permettre d’assigner, sur le relief d’un groupe de montagnes, la place exacte de chaque dent, de chaque pointe, à peu près inaccessible, sur lesquelles le géologue le plus alpiniste ne peut arriver qu’en risquant sa vie à chaque pas, et le mouvement du « piolet » ou du « pie » interrompt à chaque seconde le travail scientifique.

C’est ce qu'a admirablement compris le professeur Heim, qui a rêvé de condenser en un seul voyage les résultats d'observations géologiques et météorologiques d’un des groupes les plus importants de la chaîne des Alpes. Je dois dire de suite que si les résultats n’ont pas été absolument tels que les voyageurs les auraient désirés le compte rendu scientifique du voyage que nous ne tarderons pas à connaître en détail montrera que le voyage du Véga aura apporté aux sciences qu'il entendait servir des docu- ments du plus scientifique intérêt Il ne pouvait, du reste, en être autrement, et ce résullat était attendu avec confiance par tous ceux qui, coinme moi, ont pu constater que le voyage du Vega a été l'expédition aérostatique la plus scientifiquement organisée. Elle ne peut sembler avoir échoué que pour ceux qui n'avaient vu en cette expédition, qu'une simple tentative de traversée des Alpes.

Pour n’y plus revenir, je vais dire sommairement la tâche qui incombait à chacun : le capitaine Spelterini, qu'il serait superflu de présenter aux lecteurs de l’Aérophile, avait organisé la partie aérostatique avec un soin que d'innombrables difficultés n’ont pas réussi à mettre en défaut; pourtant, que de détails insignifiants en apparence, et desquels, néanmoins, pouvait dépendre le succès définitif. Combien grave eut été le moindre oubli, dans un pays comme Sion, au sein du site le plus admirable du Valais, mais aussi le plus privé de ressources industrielles!

Malgré cela, aussi bien dans l’arrimage de sa nacelle, arrimage pouvant ser vir de modèle, que dans le choix du point de départ et la concentration sur une petite ligne secondaire de plus de 60 tonnes de matériel, Spelterini s’est révélé organisateur de tout premier ordre.

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Et si le gonflement n’a pu commencer qu'après quelques jours d’un re- tard très préjudiciable, au point de vue météorologique, on n’en peut accu- ser que la Compagnie des Chemins de fer du Jura-Simplon, qui transporte les colis, expédiés grande vitesse, avec une fantaisie quelque peu stupé- fiante.

Il m'est doux, au contraire, de reconnaître avec quelle amabilité le per- sonnel de la petite gare de Sion s’est mis à notre disposition, encouragé en cela par l'exemple que lui donnait la municipalité de la ville et la population toute entière.

Le professeur Heim, de l'Ecole polytechnique de Zurich, devait, aidé par un de ses anciens élèves, le docteur Biderman, de Lods (Pologne), or- ganiser la partie géologique du voyage, s’occupant de prévoir le nécessaire dans le cas d’une descente dans les glaciers, cas dans lequel il serait rede- venu le guide expérimenté et sûr dont la réputation n’est plus à faire, chargé aussi du fonctionnement des six appareils photographiques comportant plus de cent plaques sensibles.

Le docteur Maurer, sous-directeur du Bureau central météorologique de Zurich, avait assumé la lourde responsabilité de l’organisation météorolo- gique du voyage, choix des appareils et leur arrimage dans la nacelle pour

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les uns, et dans une nacelle secondaire pour les autres, nacelle qui avait été suspendue en dehors de la grande, pour que les instruments qu’elle renfermait donnent des résultats qu'aucune influence rayonnante ne puisse fausser; c'est aussi le docteur Maurer qui fut chargé, en cours de route, de l’utilisation de l'oxygène que renfermait les tubes, tant pour les appa- reils Assmann que dans les cas les voyageurs se verraient obligés de s'élever à des altitudes ce gaz essentiel viendrait à faire défaut.

Fig. ?. Le « Véga » quittant Sion. (Cliché Ad. Mercier, de Lausanne.)

Le docteur Maurer avait aussi organisé le service des renseignements météorologiques, service dont le fonctionnement parfait permit aux voya- geurs de connaître, presque heure par heure, la situation générale et les prévisions de l’Europe entière pendant les jours d'attente du vent et de la situation favorable.

La présentation que je viens de faire de l’équipage du ballon Véga aura, je pense, clairement démontré combien se complétaient admirablement ces quatre hommes de science, et que les vents pouvaient se jouer en vain de

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la direction espérée, le soleil rendre inutile, par son absence, l’emploi de la

_ photographie, la météorologie, ne pouvaient manquer d'enregistrer, en tous cas, des indications précieuses dans un pays le régime des vents et de leurs températures jouent un rôle immense.

Un tel voyage ne pouvait qu'être fécond, et il le fut envers et contre tout.

J'ajouterai enfin que, préoccupé des nombreux détails d’une telle orga- nisation, le capitaine Spelterini avait eu l’heureuse idée de prier M. Be- sançon, le constructeur du ballon, et l’un de ses seconds, M. Cabalzar, de venir à Sion, pour s'occuper du matériel aérostalique; malheureusement une grave indisposition de Mme Besançon mère, a obligé notre directeur à regagner Paris sans aucun relard. J'étais, de mon côté, chargé du fonc- tionnement du générateur à hydrogène pur, construit dans nos ateliers du Champ-de-Mars.

Le gonflement commença le lundi à 5 heures du soir, mais dût bientôt être arrêté pour procéder à l'installation d’une nouvelle conduite d’eau. Une fausse manœuvre des robinets d'eau de la ville nécessita encore un ou deux arrêts dont l’un fut de plus de six heures.

Le vendredi matin, le ballon était prêt à partir ; mais les dépêches qui parvinrent des stations météorologiques ne permirent le départ nile samedi, ni le dimanche.

Le docteur Forel, de Morges, qui était venu prêter son concours aux explorateurs, voulut bien faire à l'Hôtel de Ville, une conférence sur l'aé- rostation en général, et sur le but du voyage du Véga en particulier. Cette conférence eut tout le succès qu’elle méritait, mais lorsqu'il parla des bal- lons-sondes, le conférencier omit de dire que MM. Besançon et Hermite furent les premiers promoteurs de ces intéressantes expériences. Qu'il me permette de l’ajouter ici !

Je manquerais au plus élémentaire de mes devoirs, si je ne signalais le banquet que la municipalité de la ville de Sion, voulut bien nous offrir et au cours duquel furent prononcés de très nombreux toasts par les repré- sentants de la Suisse, de l'Allemagne et de la France, donnant une nou- velle preuve d'Union cordiale devant une intéressante manifestation scien- üfique |

-Le lundi matin, les dépêches indiquaient une amélioration de la situa- tion générale: les quatre voyageurs se consultèrent et décidèrent le départ.

.: Aussitôt, au moyen d’une échelle spéciale, il fut procédé au démontage des équateurs, qui avaient été fixés pour maintenir le ballon en cas de grand vent, et qu'il était inutile de conserver. Le ballon était prêt à partir à 10 h. 15. Les provisions, les manteaux, appareils, etc., sont alors embar-

-_qués et à 10 h. 45, je laissai monter le Véga avec une force ascensionnelle

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moyenne qui devait permettre au capitaine Spelterini de « tâter » les cou- rants et de trouver si possible, celui désiré.

Le ballon disparût à nos yeux à 11 h. 35, sans s’être sensiblement éloigné de son point de départ et après avoir été délesté de 24 sacs pesant chacun 25 kilos. Le compte-rendu du voyage nous apprendra sans doute, que cette énorme perte de lest, a été produite, par l’existence dans les hautes altitudes, de courants à températures excessivement basses.

Fig. 3. Gonflement du Langenburg. (Cliché Ad. Mercier, de Lausanne )

Le soir, à 10 h. 40, le service lélégraphique me transmettait une dépé- che de France ainsi conçue :

« Descente difficile à Prauthoy entre Langres et Dijon. Altitude : 6,300, température moins 22°, Remerciments et amitiés. »

Ces remerciments joints à ceux que le professeur Heim et le capitaine Spelterini m'ont adressé au moment du départ m'ont profondément tou- ché, mais que ces amis sachent bien, que si mon faible concours, en la circonstance, a pu être pour quelque chose dans le succès final: Je suis bien largement, trop largement payé!

ss

je n'ai pas besoin d’attendre le compte rendu du voyage, pour dire uné de fois de plus mon admiralion pour une entreprise, que son organisation a placé absolument hors de pair.

LES BALLONS-SONDES

L'ascension du Véga qui ne pouvait manquer de s'élever dans les hautes sphères, était une trop belle occas'on de contrôler les ‘indications des ballons sondes dans une limite déjà très considérable, pour qu’elle ne fut pas saisie avec empressement par ceux qui ont fait de ces belles expé- riences, le but de leurs tra- vaux. Toutes les stations de NES ne la commission internationale : | . . . d’aéronautique se tinrent prê- He tes et les ballons montés ou non de Berlin, Munich, Paris, Vienne, Saint Péters- bourg n’attendaient pour parlir que le signal du Pré- sident de la Commission, le professeur Hergesell, direc- | . teur de l’Institut météoro- É. logique de Strasbourg, qui, devait lui même, procéder à Sion, au lancement d'un . ie ballon-sonde de 300 mètres a no + \ cubes, es Le

Le professeur Hergesell,

: + UE Re NE

qui occupe une situation très enviée, est doué d’une sûreté

EC

de HSOTnen En qui dénote Fig. 4. Le « Langenbung » sous la rafale au le mathématicien de tout pre- moment du lâchez tout. (Cliché Ad. Mercier, de Lausanne )

mier ordre. Savant accompli, et parfait homme du monde, sa fréquentation est par suite, à la fois agréable et intéressante. L'aérostation a beaucoup à gagner à ce que de tels hommes demeurent ses fervents adeptes.

Malheureusement, le ballon-sonde qu'il avait apporté est construit, suivant la méthode allemande, en soie caoutchoutée, et nous savons ce que l’on peut attendre de ce système de construction, abandonné en France depuis longtemps! Ce que j'ai vu, cette fois encore, n’est pas fait pour réha- biliter le caoutchouc dans mon esprit; le vendredi, nous mettions 100 à

159 120 mètres d'hydrogène dans le susdit ballon, qui n’en conservait plus un litre le dimanche malin!

Mais comme l’imperméabilité n’est pas indispensable pour un ballon- sonde, on décida néanmoins de le gonfler le lundi, après le départ du Véga ; mais au milieu du gonflement, un accident arrivé au siphon d'acide, qui fonctionnait sur les wagons en gare de Sion, nous empêcha de remplir le ballon complètement; néanmoins, comme il contenait plus de cent cin- quante mètres de gaz, et que le matériel ne pesait pas plus de soixante ki- los en tout, les résultats auraient pu être excellents si le temps était resté calme ; mais un vent de tempête s’éleva soudain, et le professeur Hergesell fit preuve d’une réelle décision en ordonnant néanmoins le départ. Toutes les malchances nous altendaient pour cette intéressante expérience ; car la corde qui retenait le ballon se rompit au moment précis le vent cou- chait l’aérostat sous un angle de plus de 50° de la verticale. Le sac déles- teur, que je vais décrire plus loin, fut arraché dans les arbres et nous pûmes craindre un instant que les instruments qu’emportait le ballon- sonde ne fussent avariés |

Ce ballon eut la bonne pensée d’aller descendre à Apples, à quelques kilomètres de la propriété du docteur Forel, qui habite Morges, et chez lequel le professeur Hergesell allait précisément passer quelques jours. Voilà certes une attention bien faite pour racheter quelques défauts !

L’altitude atteinte fut loin de celle que le calcul avait déterminée. La raison ne peut en être cherchée que dans la perméabilité de l’étoffe qui, avant le départ, a permis d'importantes rentrées d'air qui ont alourdi le mélange gazeux.

Avant d’en terminer avec ce trop long récit, je crois d’un réel intérêt la description que je vais faire d’un appareil fort ingénieux, imaginé par le professeur Hergesell.

Pour éviter à ses intruments une secousse trop forte, au moment du départ du ballon-sonde, qui a lieu en vertu d’un effort ascensionnel de 290 kilos, le professeur Hergesell a muni son ballon d’un délesteur auto- matique (fig. 1), dont le fonctionnement est des plus sûrs et des plus simples.

L'appareil est fixé au ballon par l’anneau K. Au cabillot G est fixé un sac en toile caoutchoutée contenant 200 litres d’eau; le cabillot et le sac sont attachés à l’appareil automatique au moyen de la corde fixée à la plaque h, mobile sur la tige L, et des crochets F et qui, introduits dans les alvéoles coulissent les tiges b attelées sur le ressort, refoulent celles ci, en vertu de la pression qu'exercent les 200 kilos du sac, au mo- ment du départ, on ouvre un robinet qui permet à l’eau de s’écouler en quelques minutes, avant que le ballon n'ait atteint le point de congélation de l’eau. Quand le poids du sac délesteur devient inférieur à la poussée du

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ressort, celui ci refoule les tiges bb, qui chassent les crochets F, F'; par suite, l'ensemble des crochets F, de la corde, de la plaque h et du cabil- lot Gavec son sac tombe dans le vide; mais le sac est amarré à un fil d'acier de 1,000 mètres de longueur qui est lui-même enroulé sur un tambour à engrenages, actionnant un ventilateur chargé d'éviter la radiation sur les instruments ; en tombant, le sac déroule le fil et met en mouvement le ven- tilateur, pendant trois heures, temps plus que nécessaire pour assurer la ventilation pendant la course horizontale du ballon, cette même ventilation étant assurée, pen- dant la montée et la descente, par la mar- che ascensionnelle ou descensionnelle de l'ensemble.

Dans la figure, le crochet F’ est repré- senté dans la situation qu'il occupe quand le sac cst plein, et le crochet F au moment ilest rejeté par la tige b, quand le sac est vide.

De tout ce qui précède, il résulte que l'expédition de Sion fut une manifestation scientifique internationale du plus haut in- térêt. Remercions-en sincèrement ses orga- nisateurs et leurs collaborateurs !

Fig. 4. Crochet du Edouard Surcour. délesteur automatique.

En même temps que M. Hergesell procédait au lancer d’un ballon-sonde à Sion, M.Teisserenc de Bort exécutait une semblable opération à l’obser- vatoire de Trappes dont ce savant est, comme on le sait, directeur de cet établissement qu'il a établi à ses frais.

Nous empruntons à notre excellent. confrère la Vie au grand air un cliché représentant ce ballon, qui est de forme allongée et en pointe.

MM. Hermite et Besançon ont, depuis longtemps, songé à cette forme qui se présente en effet très naturellement à l'esprit des chercheurs ; mais ils y ont renoncé parce qu'ils se sont aperçus que ces ballons exécutaient de violentes oscillations autour de l’axe vertical, de sorte qu'ils étaient loin de présenter à l'air la pointe dont ils sont armés. En outre, le poids de

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l'enveloppe est plus grand à volume égal ; or, il est reconnu que le prin- cipal facteur pour parvenir à une allitude élevée est la faiblesse du poids d’étoffe nécessité par la conservation dans le ballon d’un mètre cube de gaz. [Il en résulte que la forme sphérique s'impose d'une façon absolue dans des expériences de celte nature.

. On aurait le plus grand tort de se laisserinfluencer par des considérations sé- duisantes ou non, quelque puissantes qu’elles parais- sent au premier abord, elles ne résistent ni à une étude approfondie, ni si on le voit à l’expérience.

Le progrès vrai, le pro-

grès réel consiste ex- clusivement dans le choix d’une enveloppe pluslégère et dans des dispositions que MM. Hermile et Besançon n'ont point encore pu- bliées et sur lesquelles nous nous explique- rons amplement en temps utile.

M. Teisserenc de Bort lance son aéros- tat d’un point placé à proximité de la base mesurée dont il se Le ballon -sonde de M. Teisserenc de Bort. sertpour mesurer avec deux théodolites la hauteur des nuages. Les deux extrémités de cette base sont réunies par un téléphone. La hauteur a été assez considérable, mais moindre cependant que celle obtenue par le ballon de M. Hergesell : malgré les incidents que décrit M. Surcouf, c’est la première fois que

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le record de l'altitude est enlevé à la France au cours d’un lancer inter- national.

M. Teisserenc de Bort fait gonfler son ballon dans un endroit l’on peut l'apercevoir facilement de ses deux stations d'observation. Dans ce but, il emploie un ballon réservoir en forte toile, que son personnel trans-

porte à l'endroit du gonflement. VEAC

L'AÉRONAUTIQUE A L'EXPOSITION UNIVERSELLE

Classe S4

La Commission d’aérostation a déjà tenu, dans une des salles du bâti- ment de l’avenue Rapp, quatre séances plénières.

Deux ont eulieu sous la présidence de M. le sénateur Decauville, la troisième sous celle de M. le membre de l’Institut Sarrau, et la quatrième sous la présidence de M. le commandant Paul Renard.

Un appel a été rédigé et envoyé à toutes les personnes susceptibles de prendre part à l'exposition de la Classe. Un certain nombre de deman- des ont été enregistrées et distribuées entre les quatre sous-commissions compétentes qui rédigeront leurs rapports, lesquels seront soumis à la prochaine séance plénière.

Cette réalisation a reçu une première application dans la séance du 8 décembre, dont voici un compte-rendu.

Le Comité s’est prononcé pour l’acceptation des propositions faites par M. Van Rosbecke, secrétaire général de l’association des aéronautes du siège de Paris, d’une exposition collective comprenant les objets rela- tifs à cette période terrible de notre histoire, etappartenant aux annales de la Poste aérienne. Les objets seront groupés autour de la maquette du monument que M. Bartholdi se propose d'élever à la gloire des victimes civiles du siège de Paris. Ce monument est de vastes dimensions, et la maquette a été exécutée à une échelle suffisante pour former un objet d’un effet à la fois sévère et gracieux. Un ballon et des pigeons figurent dans la composition ainsi que des aéronautes, des matelots, des gardes-nalionaux et des femmes, que la faim et la famine ont très largement moissonnés.

L'Exposition des aéronautes comprendra la suivante communication créée par la Ville de Paris, le registre matricule sur lequel Gambetta et Spüller ont signé lorsqu'ils ont retiré leurs médailles, les portraits des aéro- nautes du siège, les détails de la fabrication des missives microscopiques et de la lecture des dépêches à leur arrivée à Paris, les divers systèmes

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employés pour rétablir les communications, les monuments commémoratifs de la Poste aérienne, les édilions aérostatiques des journaux de Paris, un pigeon du siège, avec son tube en plume, le fac-simile d’un pigeonnier, la photographie des gares de Paris transformées en gaies aérostatiques. La Société des aéronautes du siège fera un appel publie aux personnes qui voudront lui confier des objets de nature à figurer dans son exposition.

Le Comité d'Administration s’est prononcé également sur quelques demandes parmi lesquelles figure celle du successeur de M. Dagron, le créateur de la photographie microscopique.

Les Mittheilungen de Strasbourg ont demandé quel rôle les journaux aéronautiques peuvent jouer à l'Exposition. Il a été répondu qu'ils doivent être inscrits et figurer dans l'Exposition de leur nation, et qu: les rédacteurs en chef doivent s’adresser au commissaire général nommé par leur pays. Il ne peut être fait de distinction entre eux et les autres exposants. Mais le Comité de la Classe 34, a le pouvoir de constituer un cabinet de lecture dans la salle qui lui sera affectée, et de mettre sous les yeux des visiteurs toutes les publications qui lui seront adressées. C’est ce qui sera fait sans distinction de nationalité.

Le Comité a résolu de tenir sa première réunion le vendredi 13 janvier. Une invitation sera adressée par les divers membres aux personnes qui sont susceptibles d'exposer soit dans la rétrospective, soit dans l’active.

Il est bon que les exposants se pressent, car le Comité ne peut se pro- noncer que sur les demandes transmises par voie hiérarchique, c'est-à- dire adressées au Directeur général, qui les enregistre el les transmet au Comité.

Les décisions du Comité d'admission sont sans appels. Les refus sont immédiatement transmis aux intéressés. L’admission est définitive après le vote, mais la notification officielle ne sera faite qu'après la clôture des opérations du Comité.

Alors sera constitué un Comité d'installation composé de 12 membres à savoir, les quatre membres du bureau: MM. Sarrau, le sénateur Decau- ville, le commandant Paul Renard, et M. Eugène Godard, qui conserveront leurs fonctions, quatre membres choisis par arrêté ministériel parmi ceux qui font partie du Comilé d'admission, et quatie membres par un collège électoral formé de tous les exposants. Ces dispositions sont communes à toutes les classes.

Il reste une question importante à résoudre, et qui est spéciale à un certain nombre de classes. Le Ministre de la guerre a renoncé à exposer par le motif, que les derniers progrès de l'armement étaient trop récents pour qu'ils puissent être mis sans inconvénient sous les yeux du public, les objections ne paraissent pas de nature à être formulées par

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l’exposant au rétrospectif, Il paraît donc naturel que les objets relatifs aux travaux de l'Etablissement central d’aérostation militaire antérieurs à 1889, puissent figurer à ce titre dans les galeries.

Règle générale, on n’admet comme rétrospectif que ce qui est antérieur à 1889.

Enfin, la Commission a appris avec plaisir que M. Albert Tissandier a reçu du directeur des Archives l’autorisation de faire photographier toutes les pièces relatives à l’organisation des aéronautes de la première Républi- que. Elles feront partie de sa collection.

Un certain nombre de notabilités scientifiques et industrielles ont été convoquées par la quatrième sous-commission (application de l’aéronauti- que) dans la salle de conférences de l'Observatoire de la Tour Saint-Jac- ques, mise à leur disposition par M. le Préfet de la Seine à la demande de M. Joseph Jaubert, directeur. La séance a eu lieu sous la présidence de M. W. de Fonvielle, président de la sous-commission. Le discours de M. de Fonvielle a été publié dans la Science Illustrée.

Dans sa séance du 1°" décembre, la Société française de navigation aérienne a nommé une commission chargée de lui présenter dans sa pro- chaine réunion un rapport sur l’organisation de son exposition collective.

A la suite de ce rapport il a été décidé, dans la séance du 5 janvier, - que la Société ferait de grands efforts pour rappeler la part qu’elle a déjà prise au progrès aérien, et celle qu elle compte prendre dans la fondation de l'aérostation astronomique, création qui s'impose après le succès de l’expédition du 13 novembre 1898.

Nous ne saurions trop répéter que les demandes d'emplacement adressées au Comité d'admission n'engagent en aucune façon ceux qui les revêtent de leur signature. Elles ne deviennent définitives qu'après les négociations qui auront lieu avec les Comités d'installation, dont la nomination n’a point encore été faite.

Les demandes peuvent être adressées au titre actif ou rétrospectif.

Dans la section rétrospective on recevra les exposants de foule natio- nalité qui apporterent des objets rappelant des événements historiques relatifs à la navigation aérienne. Il serait à désirer que chacun de nos lecteurs, qui possèdent des objets de cette catégorie, à quelque nation qu'ils appartiennent, les groupent ensemble. Il serait notamment très utile que l’on pût former une collection des documents relatifs aux pre- mières ascensions exécutées dans un pays quelconque. On obtiendrait ainsi un tableau des plus instructifs de la propagation de l'invention de Charles de Montgolfier dans tout l’univers.

Contrairement à ce qui s’est passé dans les expositions antéricures, l'administration ne cherche pas à spéculer sur la coopération individuelle

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des exposants. Elle s'efforce de perfectionner l'installation officielle de manière que la part contributive de chacun soit réduite au minimum. Pour les objets appartenant à la section historique, l’emplacement sera gratuit, et les objets admis transportés aux frais de l'Exposition seront restitués à leurs propriétaires. A. CLÉRY.

L’ASCENSION DE “: L'ALLIANCE

Le ballon l'Alliance a été lancé de Paris, le 14 novembre à deux heures du matin, de l’usine à gaz de la Villette. L'opération a été dirigée par M. Be- sançon. Il y avait à bord trois personnes : M. Hansky, astronome de l’obser- vatoire d’Odessa, détaché à celui de Meudon, M. Dumoutet, artiste peintre, et M. Cabalzar, capitaine aéronaute. M. Hansky était chargé des observa- tions en ballon. Les résultats obtenus par ce savant ont été présentés par M. Janssen à l’Académie des Sciences, à la Société astronomique de France et à la Société française de navigation aérienne. Nous ferons connaître ultérieurement le détail des observations de M Hansky. Elles feront l’objet d’un rapport détaillé à l'Association française pour l'avancement des sciences qui, grâce à M. Gariel, a fourni les fonds nécessaires pour l’exécution de cet intéressant voyage aérien.

La descente a été exécutée à 9 heures du matin dans la forêt de Per- seigne, département de la Sarthe, sur la seule route traversant toute l’éten- due de la forêt qui a une superficie très considérable, et est presqu'inextri- cable. C’est cette circonstance qui a empêché de continuer le voyage comme on avait l'intention de le faire, pour reprendre les observations dans la nuit du 14 au 15 Les arbres qui barraient la route ne pouvaient être franchi que si l’on avait été à même de laisser monter le ballon en le retenant par un câble ; mais il soufflait un vent violent, qui aurait rabattu le ballon l’A/liance sur la tête des arbres el aurait fait de nombreuses déchi- rures.

Cette ascension n’a offert aucun incident intéressant au point de vue aérostatique : mais elle possède une très grande importance au point de vue de l’avenir de la navigation aérienne. En effet, la seule observa- tion faite sur le passage des étoiles filantes, dans la matinée du 14, pa- raît avoir été celle de M. Hansky. Grâce à la libéralité de l'Association fran- çaise pour l'avancement des sciences, on sait que le phénomène a commencé à se produire vers 3 heures du matin. Quand des observations ont eu lieu à Lyon, il y avait déjà 24 heures que la terre était immergée dans le cou- rant des Léonides. On est donc obligé d'admettre que le courant avait au

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moins une largeur de trois diamètres du soleil, c'est-à-dire 2 millions de kilomètres; s’il est à peu près circulaire, sa section droite est d'environ 100,000 fois celle d'un grand cercle de la sphère terrestre. Ce sont des nombres qui jettent l'imagination dans une perplexité profonde.

Le passage de 1898 a été l’occasion d'un grand progrès en Amérique, accompli dans la matinée du 15. M. Pickring est parvenu à obtenir plu- sieurs photographies du radiant, en opérant à une distance de 60 kilomé- tres. On aura donc sa parallaxe exacte; mais, quelque important que soit ce progrès, il n’est pas supérieur à celui qui résulte de l’emploi des aéros- tats. Il est donc à espérer que leur usage se généralisera par l'apparition de 1899 qui, malheureusement, se produira un peu avant la pleine lune.

D’après ce que pense M. Janssen, il faudrait au moins trois stations, une première en Europe, une seconde en Sibérie, une troisième en Amérique. Dans chaque station, il faudrait deux ballons, partant l’un le 14 el l’autre le 15 au matin. Les aéronautes auraient l'instruction de recommencer la nuit suivante, si les circonstances atmosphériques s’y prêtent, et de s’éle- ver à une grande hauteur. La question se trouve posée par l’illustre direc- teur de l'Observatoire de Meudon; il faut espérer qu'elle sera résolue d’une façon satisfaisante. Bien entendu, tous les sièges de la nacelle doi-

vent être occupés par des astronomes. G. HERMITE.

SOCIÉTÉ ASTRONOMIQUE DE FRANCE Séance du 7 décembre 1898

Présidence de M. JANSSEN

Cette séance a eu lieu dans la grande salle de l'Hôtel des Sociétés savantes.

L'assemblée a entendu un très remarquable discours de M. Bouquet de la Grye, membre du Congrès international de géodésie, tenu à Stutgard. L'éminent orateur a résumé toute l'importance des travaux réalisés par les savants allemands, qui s'intéressent avec un entrain remarquable, aux progrès d’une science créée par la France, à l’époque révolutionnaire. Ila rendu hommage à la façon affectueuse dont les représentants de la Science française, ont été reçus par ce roi, les autorités, la population et leurs confrères.

M. Janssen a énuméré, dans une improvisation brillante, les avantages que présentent les sommets des montagnes pour un grand nombre d'obser-

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vations astronomiques. Puis il fait remarquer, que les ballons possèdent une parlie de ces avantages, et qu’ils y joignent celui de pouvoir chercher le ciel pur. Ils peuvent être utilement employés pour la photographie des éclipses totales, pour la recherche des étoiles filantes, pour l'observation: des aurores boréales, pour les recherches des raies du spectre solaire, etc.

Leur emploi offre done à l’astronome un champ immense!

L’orateur cite ensuite les principales tentatives d'observation de phéno- mènes célestes, exécutées depuis 1867, époque de l'apparition de la Science en ballon, pelit ouvrage publié en 1867 par M. W. de Fonvielle. Il raconte ensuite l’expédition de l’A/liance, et énumère les observations faites par M. l’astronome russe Hansky, pendant que tous ses confrères de France, d'Angleterre et d'Amérique étaient enveloppés dans un brouillard d’une épaisseur et d’une étendue extraordinaires!

Il a ensuite rendu hommage, en termes trop bienveillants peut-être, aux

eftoris que M. W. de Fonvielle a fait pendant trente ans pour engager les astronomes à se servir des aérostats pour l'étude des merveilles du firma- ment. M. Camille Flammarion, secrétaire général de la Société d'astronomie, qui a exécuté lui même en ballon, un nombre considérable d’ascensions remarquables, était à même mieux que personne de reconnaître la justesse des remarques failes par M. Janssen.

Ce savant, dont les ouvrages sont universellement approuvés, a pris la parole pour proposer à la Société d’astronomie de joindre ses efforts à ceux de la Société des aéronautes français, pour organiser des observations dignes d’attirer l’attenlion générale, et de nature à contribuer d’une façon eflicace au développement d’une science éminemment française.

La Société astronomique, qui était fort nombreuse, a témoigné par des chaleureux applaudissements sa patriotique approbation des paroles pro- noncées par son secrétaire général.

M. W.de Fonvielle, président à la Société française de navigation aérienne, a remercié au nom de ses confrères, son illustre ami, de la généreuse pro- position qu'il venait de faire. Il a ajouté que M Janssen avait dans la Journée du mardi 6 décembre appelé son attention sur les inconvénients que présente le ballon qui couvre une partie du ciel, notamment le zénith. M. de Fonvielle a fait remarquer à M. Janssen que l'on peut atténuer cet inconvénient en allongeant les cordes de suspension. C’est ce que M. Be sançon ävait pris la précaution de faire en préparant l’ascension de l’A/- liance. La nacelle se trouvait déjà à 6 m. 50 environ au-dessous de l’ap- pendice et a 22 mètres au-dessous de la soupape, on peut aller plus loin saus danger. En effet, dans l’ascension du Pôle Nord, exécutée en 1865, la nacelle se trouvait à 37 mètres au-dessous de la soupape, mais il y a lieu de se préoccuper de faire disparaître les inconvénients signalés par

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M. Janssen, Dans ce but, l’orateur s’est adressé à MM. Hermite et Besançon qui ont proposé la construction d’un ballon creux constitué à l’aide d’un lore.

C’est un système déjà essayé par le prince Apraxin dans un but chimé- rique, mais avec lequel on a déjà exécuté, à Nice, une expérience heureuse. Dans le ballon dont MM. Hermite et Besançon proposent la construction, il y aurait deux nacelles, une grande et une petite, réunies par une échelle de cordes. La petite, dans laquelle se tiendrait l’astronome, pourrait être assez rapprochée du plant horizontal tangent au haut du tore, pour que la vue du ciel soit dégagée sur une grande partie de la voûte céleste. Un bal- lon ordinaire, portant un autre astronome, serait consacré à l'inspection du reste de la voûte céleste.

M. Janssen a répliqué en proposant un projet fort ingénieux dont il est l'inven eur. Sa nacelle serait allongée d’un côté et soutenue par des pattes d'oie descendant de l'équateur, de sorte qu’en se plaçant à l'extrémité de la nacelle on verrait le zénith. Le poids de l’astronome serait équilibré par l’ancre et des sacs de lest.

Ce système conviendrait bien à un ballon allongé dans un plan perpen- diculaire à celui de la passerelle. Bes ailes ou des hélices, mues par un mécanisme facile à imaginer, maintiendraient le ballon dans un azimut invariable. |

M. de Fonvielle a remercié M. Janssen de son intéressante communica- tion, et déclare que le projet que l’illustre astronome vient de concevoir sera étudié de la façon la plus sérieuse par d’habiles ingénieurs aéronautes.

M. Flammarion a terminé la séance en émettant le vœu qu une cireu- laire soit, avant le mois de mars, adressée par la Société astronomique aux sociétés similaires de l'étranger, afin d'organiser les ascensions nocturnes dans tous les pays civilisés de l'hémisphère boréal, à l'occasion de la pluie d'étoiles filantes que l'on attend au mois de novembre 1899, époque le phénomène atteindra probablement l'éclat des averses historiques de 1759, 1833 et 1866.

W. Monnivr.

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MA PREMIÈRE ASCENSION

Paris, Novembre 1898.

J'ai toujours eu une envie folle de monter en ballon libre : quelques ascen- sions captives avaient même transformé cette envie en véritable obsession. Malheureusement, comme cette fantaisie n’est pas à la portée de toutes les bourses, j'avais bien des chances pour ne jamais réaliser ce désir. quand un heureux hasard fit que, l’année dernière, le Journal gratifia un de ses abonnés d’une ascension. Cet abonné, l’aimable M. Séguin, de Maubeuge, généreuse- ment, m'en rendit titulaire. ;

Cette ascension, d’abord ajournée, fut définitivement fixée au 27 octobre. Grande était mon émotion durant les quelques jours qui la précédèrent, car j'avais une peur atroce... qu'elle n’eût pas lieu.

Enfin le moment solennel arrive. Un léger retard dans les préparatifs accroît mon impatience. Je voudrais voir entrer le gaz à toute pression. Pour nous distraire, M. Hermite nous parle de l'absence de vertige en ballon. Il nous fait bien rire, lui qui monte en ballon comme nous en omnibus, en nous racon- tant sa récente visite à la Tour Eiffel et la sensation désagréable qu il a éprou- vée de se sentir si haut sur un édifice d'apparence aussi fragile.

Mme Besançon, qui, très gracieusement, a voulu assister à notre départ, nous annonce que le ballon est gonflé. Enfin! Les sacs de lest arrivent à l’ex- trémité du filet, on arrime la nacelle, les instruments, les pigeons ; on attache le drapeau qui déploie au soleil ses chères couleurs, si jolies ; cela nous donne- rait confiance si nous en manquions.

M. Cabalzar, qui commande la manœuvre, demande qu’un voyageur entre dans la nacelle pour suppléer au lest, en attendant le moment du départs Inutile de vous dire que je suis le premier à prendre possession du fameux panier.

À deux heures, après avoir équilibré le ballon avec des sacs de sable, a lieu le « Lâchez tout » impressionnant : nous voilà donc partis.

Nous montons très rapidement ou plutôt il nous semble que nous restons immobiles et que c’est la terre qui s'enfonce. Comme locomotion c’est d'une douceur incomparable,

Les maisons, les voitures deviennent bientôt semblables à des jouets d'enfants. Paris ressemble aux petits plans en relief que nous admirons dans les Musées : soudain, tout disparait, nous avons traversé les nuages. Le spectacle qui s'offre alors à nos yeux est indescriptible. Nous dominons des vallées et des montagnes dont les Alpes, si blanches cependant en certains points, sont loin d’égaler la blancheur :

Sur les nuages, apparait l’image réfléchie de notre ballon avec tous ses agrès, elle est décorée de l’auréole des aéronautes, jolie couronne aux cou- leurs de l’arc-en-ciel.

Au-dessus de nos têtes, le Ciel est d’une pureté absolue. Tableau mer-

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veilleux qu'on ne peut se lasser de regarder. Les chauds rayons du soleil dilatent notre gaz, mais hélas ! avec perte de celui-ci; néanmoins, nous montons toujours.

N'ayant pas encore déjeuné, nous proposons à M. Hermite de mettre la table : tout à sa manœuvre, il nous conseille de commencer sans lui; sur notre refus, il déroule son guide rope, sa corde d’ancre, s'assure que nous sommes en équilibre, son grand souci. Seulement alors, il nous invite à déballer nos provisions en nous recommandant de ne rien jeter par dessus bord sans son ordre, pas même un morceau de papier, toujours à cause du fameux équilibre.

Déjeüner à mille mètres avec un pareil spectacle n'est pas banal, aussi malgré notre faim sommes-nous plus occupés à regarder qu'à manger, égayés par le récit de M. Hermite d'une ascension faite par M. Besançon pour ob- server une éclipse.

M. Besançon avait été obligé, pour se maintenir en l’air assez longtemps, de jeter, après le lest, tous les accessoires inutiles. Il arrachaïit des mains de ses compagnons désolés, la carcasse d’un poulet qui constituait le repas. « Encore une bouchée », gémissaient-ils.

Nous planons maintenant au-dessus du lac d'Enghien: les nuages se sont dispersés et nous jouissons d’un panorama splendide, avec cette particularité que les reliefs ne sont plus apparents, bien que nous distinguions très nette- ment tous les détails du sol, forêts, routes, maisons, chemin de fer, etc.

Trois heures ! déjà ! Nous lâchons nos pigeons. Le soleil nous a fait monter mais au détriment de notre gaz Il va falloir songer à la descente. M. Hermite jette continuellement des petits papiers qui ressemblent à des papillons. Quand nous sommes stationnaires ils restent avec nous ; quand nous montons ils descendent ; quand nous descendons ils montent. C’est très amusant.

Doucement, nous arrivons sur la butte de Sannois. Notre guide rope est saisi par les mains des curieux qui guettent notre descente; ils sont très nom- breux, surtout les enfants : tout ce monde fait un vacarme qui contraste avec le silence qui régnait là-haut ; très gentiment nous atterrissons.

Sur l'affirmation de M. Hermite que la force ascensionnelle est encore capable de nous enlever à deux, le plus jeune voyageur est sacrifié, nous le déposons et repartons.

Le guiderope qui traîne nous maintient à une très faible hauteur. C’est charmant de naviguer si près de terre, au-dessus des piaines et des forêts dont nous troublons la solitude et d’où s’échappent avec bruit des geais effa- rouchés.

Peu à peu, le ballon monte, le guide-rope quitte terre; le soleil chauffant, nous atteignons 1400 mètres. Spectacle toujours grandiose. Les champs sont devenus des petits carrés verts, jaunes ou bruns, les forêts, des petites masses noires, les routes, des petits rubans blancs, et la Seine,un microscopiqueruis- seau très brillant. :

Notre aérostat, si flasque et plein de plis à sa partie inférieure il ya un moment, est maintenant aussi tendu qu'au départ de l’usine, conséquence de la dilatation du gaz.

Nous planons assez longtemps à 1400 mètres pour y assister au coucher du soleil. Féerique tableau! Sa disparition amène la condensation du gaz. Il faut malgré l’enchantement d’un pareil voyage, songer à la descente finale. Nous sommes en vue de Pontoise, Un endroit très propice se présente ; nous en pro-

Ie

fitons avec d'autant plus de célérité que la nuit arrive rapidement, surtout sur la terre qui a perdu le soleil avant nous.

Nous tombons heureusement à 5 heures 1/4 près d’un groupe de terrassiers qui viennent complaisamment nous aider à atterrir, à vider, à démonter notre ballon. Cette opération nous demande une heure. Le filet et les agrès sont mis dans la nacelle, le ballon dans une bâche, le tout est chargé sur un tom- bereau, et en route pourla gare de Pierrelaye dont nous sommes peu éloignés.

Je suis ravi d’un voyage dont la durée s’est trop vite écoulée, car c’est vrai- ment grand plaisir de voyager dans les airs avec M Hermite dont la compé- tence aérostatique et l’amabilité sont bien connues.

Pour conclure, Touristes,mes frères, visitez l'établissement central d’aéros- tation, 14, rue des Grandes-Carrières ; c’est très intéressant, et, surtout, ne perdez jamais l’occasion de faire une ascension ; vous en rapporterez des

sensations exquises et des impressions inoubliables. CH. Ducos

La Traversée du Détroit par le Ballon « L'Evening Nes »

L'Evening News est un journal à un sou, de Londres, dont la spécialité est de s'occuper de la prévision du temps, et qui possède un rédacteur spécial chargé de tirer des renseignements utiles de l’algèbre météorologique publiée quo- tidiennement par le Bureau central de Londres. C’est une tâche utile. dont aucun organe de la presse parisienne ne se préoccupe. et dont l’Evening News se tire à merveille.

Afin de vérifier les conclusions de son météorologiste, l'Evening News à accepté la proposition de M. Daly de se rendre à Paris en ballon, un jour désigné, en faisant l’ascension à Stamford Bridge dans les environs de Lon- dres. M. Daly s’adressa à M. Williams, aéronaute de Batersea, dont l’habileté professionnelle laisse beaucoup à désirer.

Le départ devait avoir lieu le 22 novembre à midi. Mais par suite d’une maladresse, le ballon se creva pendant le gonflement, il fallut perdre plus de deux heures à réparer l'accident. Ces deux heures étaient précieuses, parce que le vent tournait rapidement et elles sont sans doute la seule cause de l’in- succès de l’expérience, qui est très intéressante, et sur laquelle nous aurons occasion de revenir.

Très judicieusement, le météorologiste du journal avait choisi un point de repère sur la route aérienne de Paris. C'était la ville de Worthing. Siles aéro- nautes passaient au-dessus de cette ville, ils avaient des chances d'arriver à Paris, et devaient en conséquence continuer leur voyage. S'ils laissaient Wor- thing à main droite, ils auraient abordé trop au Nord,et trop au Sud, au con- traire, s'ils le laissaient à main gauche.

Malgré le retard occasionné par l’accroc du ballon, les voyageurs passèrent assez près de Worthing pour qu’on les ait vus en l'air de cette station. Quel- ques heures plus tôt, le courant les poussait peut-être sur Paris, et nous assis-

172

tions à une expérience très remarquable, mais l'exécution a été au-dessous du médiocre, malgré l'exemple remarquable de courage donné par M. Daly.

Lorsqu'ils furent prêts, les aéronautes partirent avec tant de précipitation qu'ils laissèrent à terre leur thermomètre. Mais leurs impressions physiques leur apprirent qu'il faisait excessivement froid au-dessus des nuages. En se rapprochant de terre, ils s’aperçurent qu'ils ne voyageaient pas du tout dans la direction de Paris. Ils allaient plus au Sud,le vent ayant quelque peu remonté vers le Nord. Comprenant que l'opération était manquée, ils se déci- dèrent à s'arrêter, mais le vent était violent et l’on approchait du bord de la mer.

Dans ces circonstances, il faut croire que l’aéronaute perdit la tête, car il eut la fatale idée d'exécuter une manœuvre tout à fait inusitée et dont l'issue ne pouvait être que funeste. Il descendit le long du guide rope qui était très long et traînait à la surface du sol. Dès qu'il eut atteint le sol, le ballon délesté tira avec tant de force, qu'il fut obligé de lâcher prise et d'abandonner son passager cramponné au bout d’un câble il ne pouvait longtemps se maintenir Le malheureux voyageur, qui avait imité son capitaine, était perdu, car il n'aurait jamais pu remonter dans la nacelle.

Il eut le mérite de le comprendre, il se précipita à tout hasard. Cette réso- lution intrépide, qui lui fit beaucoup d'honneur, le sauva, mais elle aurait le perdre sans une circonstance véritablement providentielle. Daly avait sur le dos un paletot pneumatique qu'on lui avait donné pour le cas il tombe- rait à la mer. Il arriva sur le sol les quatre fers en l'air, et reçut un choc si violent qu'il s'évanouit.

Comme il faisait déjà sombre et qu'il y avait beaucoup de brouillard, son capitaine eut beaucoup de peine à le retrouver. Il y parvint à l'aide d'un cycliste qui passait par là. Les deux hommes mirent le blessé sur une brouette, et le portèrent chez un médecin, qui le soigna de son mieux.

Le ballon disparut, mais le lendemain matin, les habitants d'un petit vil- lage de la commune de Thubœuf, dans la Mayenne, trouvèrent à leur grande stupéfaction un grand ballon dans un champ appartenant à l’adjoint. Ce ballon n'avait plus de nacelle et avait perdu toute une partie du filet. Il est probable que, délesté du poids des deux voyageurs, l'Evening News est parvenu à une hauteur immense, puis il est redescendu aussi rapidement qu'il était monté. Il est tombé dans la mer qui était furieuse. C’est sans doute par les vagues que la nacelle aura été arrachée.

De nouveau allégé, le ballon a repris son vol, et, après une troisième ascen- sion, a exécuté une troisième dégringolade qui s'est terminée à Thubœuf.

Ayant été prévenu par le marquis J. de Malterre, l'honorable maire de cette commune, je me suis empressé de télégraphier à l’'Evening News cette bonne nouvelle.

A. CLÉRY.

173

LA TRAVERSÉE DE LA MANCHE EN BALLON

La traversée de la Manche en ballon vient d’être exécutée une nouvelle fois par M. Spencer, avec l’Excelsior qui lui a servi pour son ascension à grande hauteur avec M. Swinburne. M. Spencer était accompagné de M. Swinburne, rédacteur du Daily Chronicle. Ce journaliste a été plus heureux que son confrère M. Daly. Le passage s’est effectué en 5 heures. Le départ ayant eu lieu à 11 h. 1/2 du matin au Palais de Cristal, et l'atterrissage à 4 h. 1/2 dans la commune de la Remuée, près de Saint-Romain de Colbose, en la propriété de M. Paul Levasseur. L’Excelsior avait parcouru pendant ces cinq heures une distance de près de 250 kilomètres.

Pendant la partie maritime de la traversée les aéronautes ont tenté, à trois reprises différentes, de dévier de la ligne du vent à l’aide d’un guiderope et d’une voile. Ils ont repris les expériences exécutées en 1886, d’une façon plus rationnelle, par Lhoste et Mangot dans leur ascension du Torpilleur. Les aéronautes au lieu d’emporter un guiderope d’une longueur exagérée en avaient pris un d’un développement beaucoup moindre qui se terminait par un tube en ferblanc servant de flotteur et maintenant le ballon à distance constante de la mer.

Le vent était violent et sans doute le guiderope s'étant accroché à quelque roche la nacelle a failli une première fois toucher l’eau, une seconde fois elle est entrée dans la vague. À la suite de ce dernier incident les Anglais ont renoncé à leur expérience.

Les Anglais ont chaque fois obtenu une déviation notable à l’aide de leur voile, mais en prouvant la bonté théorique du système, leur voyage aérien prouve qu'on ne peut l'employer sans discernement, Comme nous l'avons toujours pensè, il faut que l’aéronaute ait dans la nacelle assez de lest pour se dégager aussitôt que sa position devient dangereuse.

V. CABALZAR.

La Société française de navigation aérienne a ouvert une souscription, sur la proposition de notre collaborateur M. Edouard Surcouf, vice-prési- dent, pour un médaillon commémoratif à la mémoire du docteur Abel Hureau de Villeneuve, son ancien secrétaire général.

Nous nous empressons de faire savoir aux lecteurs de. l’Aérophile, qui désireraient se joindre à cette manifestation, d'adresser directement leur offrande à notre collègue M. Triboulet, secrétaire général de la S. F.N. A., 10, rue de la Pépinière.

174

TABLE DES MATIÈRES

DU SIXIÈME VOLUME DE L’AÉROPHILE

NUMÉROS 1-2-3

Pages

La Rédaction. . . . . . Notre sixième année. . . , ne 1 Wilfrid de Fo ice . Portraits d’aéronautes Pr e : Le Capitaine

Madebeck.. . . Are

Nils Ekholm.. . . . . . L’Expédition polaire en lo de M. S. À Ho ; 7

Gcorges Besancon, . . [L’Ascension du Balaschoff. . . . . . . . . 24

ANCIÉR TS UC MConférence de S1RaSDOUTE NE EN RP 2

VV. Monniot,, . . . . . La Commission scientifique d’aérostation de Paris. . . 3%

Georges Besancon. . . L’Exploration de la haute atmosphère: expériences du 13 Ma ASTUCE MEET RMS RE ES 0

«WL/Aérophile ».. 2-2 UToUrISMeElACrIENeE se Ne D NSP 1) Emmanuel Aimé. . . . Automobiles. LA. CNNRINRIRES

V. Cnbalzar. . . . . . . L’Exploration aér ne des Ares : VAN CR PRET ANÉOFOATIOME 22 NUE LE ON S EE GNT ONE ER SEE RS 43 Bibliographie. 52 ui D Etre ce NN ARRET

NUMÉROS 4-5

Emmauuel Aimé. . . . Portraits d’aéronautes contemporains : M. 40e Ballif. A5 Georges Besancon. . . Tourisme aérien; l'ascension du 15 avril. . . . . 47 Wilfrid de Fonvielle, . La Conférence aéronautique de Strasbourg. . . 22750

A. Laurence=RBotch.. . Les Cerfs volants et les Ballons dans la nn. é 64 NV. Monnmiot.. . . .. .. . À la recherche d’Andrée : ascension libre du duc des

Abruzzes. . . 000 NV de RC Carte Synoptiqueides out ne. du Senre d’ ne 68 A. AT PT SO Nécrologie : Charles Labrousse, Félix Gratien. . . . 69 Inventions utiles, L'Aérophile SR PR AUS it (0

Liste des Brevets relatifs à l’aéronautique. , . . . . . . . . 16

Numéros 6 -7-8

Wilfrid de Fonvielle, . Portraits d’aéronautes contemporains : M. le Docteur

Hureuu de Villeneuve. . . SIRET EE TT

Alexaudre Sallé. . . . Les Séjours prolongés dans Pimniène. ntle 80 Wilfrid de KFonvielle, L’Exploration de la haute atmosphère à l'Acadenie des

Violle, Cailletet, Teis- Sciences ; ascensions internationales du 8 juin 1898.. 91

serenc de Bort,Tarry. A. Berson.. . . . . . . Les Ascensions montées de Berlin du 8 juin, . . . 100 VW. Cabalzar.. . . . . . L’Aéronautique à l'Exposition universelle. . . . . 101 Santos=Dumont . . . . Une Ascension au Jardin d’Acclimatation, . . . . 103 A. C.. . . . . . . . . . Le Grand ballon captif de l'Exposition de Turin. ,. . 105 Aer ru DO OM Surides appareils d'AMAtION EU NN RS ECC

175

NV. Monniot,. . . . . . L’Escapade du « Breintensée ». . Pet ea Ducretet. ., . . . .. Enregistrement des décharges électriques one GR er . . La Traversée de l’Afrique en ballon.

Wilfrid de Fonvielle. . L’Hydrogène liquide. . G.B........... Le Tour du monde aérien. Informations . . .

NUMÉROS 9-10

Wilfrid de Fonvielle. . Histoire de l’aérostation scientifique : M. Catlletet.

G Besancon, . . . .. Expériences du ballon dirigeable de M.de Santos-Dumont. A. Cléry.. . . . . . . . Progrès de la navigation aérienne à l'étranger. G.H,G@. BB. . . . . . . Ascensions internationales du 8 juin.

Gustave Hermite. . . . Ascension de l’Aérophile No 4, 95 août.

L. Bartalot, ... . . .. Ascension du ballon l’Aurore. :

L. Flameng. . . .. . . Promenade aérienne à bord du Sirius. . Bibliographie,

Liste des Brevets relatifs à dr uc. Î

NUMÉROS 11-12

Wilfrid de Fonvielle, . Histoire de l’aérostation scientifique . Le général-major

Michel-Alezandrowitch Rykatchew. Edouard Surcouf, . . . Ascension du Véga, 3 octobre 1898 .

ACIER YE ONE L’Aéronautique à l'Exposition universelle.

G. Hermite, , . . . . . L’Ascension de l’A//iance. \

NV. Monniot., . . . . , L’Aérostation à la Société astronomique a RRcen Ch. HBucos.,. . . . . . . Ma première ascension, À à GiGarcia Un . La Traversée du Détroit par le Pa l nn News. V. Cabalzar. . . . . .. La Traversée de la Manche par l’Zxcelsior.

TABLE DES GRAVURES

Le Capitaine Mœdebeck .

1 : 2 Partie supérieure du ballon /’Œrnen en det éme de Métancheire. ; 3

Le hangar et le port de la Virgo, vus de l'Est. .

4-5-6 L'Œrnen à différentes altitudes .

7 Fac simile de la dépêche d’Andrie.

8 Capsule contenant la dépêche d’Andrée . :

9-10-11 MM. Cailletet, Pierre de Balaschoff et Prince Roland Bon arte 12 MM. Hermite et Besançon dans la nacelle du Balaschof . . . 13 M. Mascart. . . / 14 Appareil en line Cailletet Fe au de altitudes : 15 Détails de l'appareil photographique Cailletet . .

Pages

107 108 109 110 111 112

117 122 124 132 142 144 145 147 148

149 152 162 165 166 169 171 12

Pages

17 419 21 22 22 24 25 26 27 28 .

176

16 L’ancre ‘aéronautique système G. B. TAN Ne

15 Diagramme barométrique de la première ascension du Balaschof.

18 Diagrammes thermométriques et hygrométriques de la l'e ascension du Balischoff 19 © Diagramme du thermomètre intérieur de la 1'e ascension du ha

20 Carte des voyages des trois aérophiles, 13 mai 1897

21 : Diagrammes baro-thermo-hygrométrique du ballon sonde 4, 13 mai 1897 .

22 Courbe thermométrique de l'Aércphile n°2, 13 mai 1897.

23 Diagrammes barométrique et thermométri ne de l’Aérophile no 3, 13 mai 1897 24 Fabrication du ballon « Véga » dans les ateliers de l’Établissement central

d'aérostation. . Sen Re 25 Portrait de M. Abel Ballif LES 26 Appareillage du Touring Club. 27 Le Touring Club en gonflement . 28 Le lâchez tout. : 2) Deux minutes après le Fran.

30 Diagramme du barographe, ascension du Touring C . 15 avril .

31 Les Membres du Congrès aéronautique de Strasbourg .

32 Carte synoptique des vents lors du départ d’Andrée.

3 L’Aérophile. 34 35-36 Aérophiles montés en ndèr 37 Aérophile muni de deux lignes

38 Aérophile muni de deux lignes, autre Re

39 Portrait du docteur Hureau de Villeneuve.

40 Isobares des 4, 5 et G juin 1898.

41 Een de la période des orages. done. et à dames

A9 Portrait de M. Cailletet. « : 43 Portrait de M. de Santos - Fumont.

44 L’aérostat au départ (l’hélice en mouvement). : 45 Nacelle gréée et moteurs.

46 Diagramme du baro-thermograjhe ä V Aérontier 5 8; De 1898 | ne 47 Courbe du baromètre enregistreur emporté à bord du Balaschof, 8 juin 1898

48 Projection de la trajectoire du Balascho/jf déterminée par le baromètre enregistreur

, le T juin 1898.

du bord et des visées géodesiques de la Tour Saint-Jacques. 49 Diagrammes du triple enregistreur ascension du Palaschof}, 8 juin 1898. o0 Trajectoires suivies par les ballons partis de Paris le 8 juin 1898. 51 Diagrammes du baro-thermographe de l’Aérophile no 4, 23 août 1898 .

52 Portrait du général Rykatchen. 53 Appareillage du Véga.

D4 Le Véga quittant Sion .

95 Le Zlangenburg en aient.

56 Ze Langenburg sous la rafale au Pont

57 Crochet - délesteur automatique . 59- 60 Le ballon-sonde de M. Teisserenc de Do

e

30

31

DO

138 140 4141 143 149 154 155 157 158 160 161

191

TABLE ALPHABÉTIQUE

Actinométrie en ballon-sonde. Aéronautique à l'Exposition universelle(L,) Aérophile (L”). : Aérostat hydrothermique à vapeur . Aérostation à l’Académie des sciences (L?) Appareil d'aviation. Appareil pour diriger NOBraers Ascensions à Munich (Les) . Ascension au Jardin d’acclimatation (Une) Ascension de ballon-sonde après l'orage du 13 août 1898 (Une). Ascension de /’ Alliance . Ascension du ballon l’Aurore. Ascension du Touring-Club (1). Ascensions du Baluschof (Les). 24, et Ascensions internationales pour l’explora- tion de la haute atmosphère 36,91, 100 et Ascension libre du duc des Abruzzes, Ascensions montées de Berlin (Les) . Automobiles . +. . ; Ballons à air chaud Mon le (es ; Ballons captifs à la guerre d'Amérique (Les) Ballon captif de l'Exposition de Turia (Le) Ballon d’Andrée, en été 1897.

Ballons-sondes . 36, 91, et

Ballons thermiques (Les) .

Bibliographie k

Carte synoptique des vents se du trs d'Andrée tn :

Cause probable de la PL monte de gaz CO POBEGR MEN : Cerfs-volants et ballons dans É météoro- logie (Les) . È ee Conférences de Strasbourg . . Conservatoire et les ballons (Le) . Enregistrement des décharges électri- QUES) RC

32, et

92 101 12 88 91 106 12 112 103

115 165 144

AT 135

132 65 100 41 80 114 105

157

17 64 Do 111

108

Escapade du Preilensée (). ; Expédition polaire Andrée en ballon (L’ : Expériences du 8 Juin 1898 . Expérience du ballon dirigeable de M Santos-Dumont . . : Exploration aérostatique des Alpes (L? } 41,115 et Ep Le El haute ee (L?). 36,91, 100 et

. de

D universelle (L”), Gaz liquides et les ballons (Les) .

Grand aéroplile no 3 (Le). : Histoire de l’aérostation scientifique M,

Cailletet et Rykatchen 117, et Impressions de voyages aériens : Informations . 43, et

Inventions utiles et amusantes (Les) .

Listes des brevets relatifs à l’aéronau- tique 76, et

Mesures de la fe JL pen- dant l'été 1896.

Nécrologie : Labrousse, Ch. .

Gratien (Félix) .

Duverger. :

Note sur l’ensemble des SCD :

Notre sixième année .

Petits ballons et les D en mer (L :)

Photographie de l'étude des nuages .

Portraits d'aéronautes contemporains : Capitaine Mæœdebeck, 3, M. Ballif, 43 e Le Docteur Hureau de Villeneuve, 77; M. Cailletet, 117; M. de Santos-Du- mont, :

Général Rykatchen.

Première ascension (Ma) .

Production d'hydrogène en grand,

Projet primitif de M. Andrée (Le)

132 116 114 132

149 1i4 112

148

10 69 71 112 91

= RO & ©

122

149 169

116

8

Progrès de l’aéronautique militaire (Les) Progrès de la navigation aérienne à l’é- CHANCES SE : : Promenade aérienne à La du . îus Réalisation du projet de M. Andrée . Recherche d’Andrée (A la) Résultats des ascensions des 3 Fees sondes lancés à Trappes le 8 Juin, 92, et Séance de la commission scientifique d’aé- rostation de Paris . .

Séjours prolongés dans M .

Situation atmosphérique au moment de l’ascension des ballons-sondes,.

Sur des appareils d’aviation . :

Sur l’étude de la haute atmosphère .

Société astronomique de France .

Tableau des membres du Comité aéronau- tique de l’Exposition de 1900 avec l’in- dication de leurs fonct'ons.

Lo

43

127 145

34 80

97 106 93 166

102

Télégraphie sans fils (La). Thermosphère . . . NC Mers Tour du monde aérien (Le) LR TE N IEANSS Tourisme aérien . : 40, et Transition entre la période des. cyclones (hiver) et celle des orages (été). . . Traversée de l’Afrique en ballon (La). . Traversée de la Manche par l’£Zxcelsior Traversée des Alpes en ballon, 41, 115 et Traversée du détroit par le ballon L’E- vening-News . . . . CT 7e ASSET Vitesse moyenne TE de l'OErnen pendant le voyage . . . . Voyages aériens au long cours Voyage de POErnen pendant les Fe premiers jours et les conclusions qu’on peut en tirer (Le) .

113 81 111 47

on 109 173 152

171 152

12 80

18

1179)

TABLE DES AUTEURS

Added den

Aérophile (L°).. . . . .

Aimé (Emmanuel),

Bartalot (IL). . . . . .

Berson (A.). . . . . . Besaucon (Georges).

Cabalzar (Victor). .

Cailletet (L.). . . . . Cléry (A). . . . . . .

Ducos (Ch.). . . . . . .

Ducretet . . . . . . . Ekholm (Nils). . . .. Flameng (L.). . . . Fonvielle (Wilfrid 2.

Garcia (Georges). .

ET DES NOMS CITÉS

Sur des appareils d'aviation. . Notresiième Anne Tourisme aérien, .

Automobiles. RAR PRES Re

Portraits d’aéronautes En M. Abel Ballif.

Ascension du ballon l’ Aurore. :

Les Ascensions montées de Berlin, 8 ; es RP

L’Ascension du Balaschoff. :

Ascensions internationales SOU Mo de ne atmosphère, 13 mai 1897. JE

L’Ascension du Touring Club. . . . .

La Traversée de l'Afrique en ballon. ,

Tour du monde aérien, . . AVE

Expériences du ballon ne de M. de Santos- DUMONT .

L’Exploration ce ds Alpe.

L’Aéronautique à l'Exposition universelle.

La Traversée de la Manche par P Excelsior.

Sur l’étude de la haute atmosphère. ,

La Conférence aéronautique de Strasbourg.

Nécrologie : Labrousse, Gratien. . . .

Le Grand ballon captif de Turin. . :

Progrès de la navigation aérienne à rener. see

L’Aéronautique à l'Exposition universelle.

Ma première ascension.

Enregistrement des décharges Rue nn ie.

L’Expédition polaire, en ballon, d’Andrée,

Promenade aérienne à bord du Sirius. . VE

Portraits d’aéronautes contemporains : Le Capitaine METEbECERR ME AN EaPe

Le Docteur Hureau de Mir TORRENT

MAC TIELEt ER SE nr,

Le Général Rykatchew. .

La Conférence aéronautique de Sr

Carte synoptique des vents lors du départ d’Andrée.

No'e sur l’ensemble des ascensions internationales du SAUNA Es DE ft. Rene |

LiHydrogénequi le PSE ES SE TN

Histoire de l’aérostation scientifique. . . . 117,

La Traversée du Détroit par le ballon l’Zvening-News.

Pages 106

30 47 109 111

122 41 101 172 93 32 69 105 127 162 169 108

145

Co

71 117 149

DD

68

91

ATTE

149 171

Hermite (Gustave).

Mouniot (NWWilfrid) .

Rotch (A. Laurence). . Salle (Alexandre) . . . Santos=-Dumont (De). .

Surcouf (Edouard). . TMarry (H.)..

T'eisserenc de Bort (L.'.

Violle (3).

180

Ascensions internationales du 8 juin. . .

Ascension de l’Aérophile 4, 23 août 1898.

L’Ascension de l’A/liance. :

Séance de la Commission scientifique Men d Be à A to ro

À la recherche andre

Ascension libre du duc des Abruzzes . . .

Escapade duRPretlEnSCE EEE NC

Société Astronomique de France, . . . . .

Les Cerfs-volants et les ballons dans la météorologie. : .

Séjours prolongés dans l'atmosphère. . . .

Une Ascension au Jardin d’Acclimatation. A PÉTER : NE Situation ne au moment FE l'ascension des

ballons-sondes, 8 juin 1898. . . . 0

Résultats sommaires des ascensions de 3 Dalles sondes exécutées à Trappes. . - Résultats des ascensions des 3 Alone de biees à

Rrappes le SRI ET Actinométrie en ballon-sonde.

Imp. Louis LamBErr, 11. rue Molière.

Le Directeur-Gérant :

Pages

132 142 165

34

65 107 166

64

80 103 152

ou

Georges BESANCON.

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