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Full text of "De l'origine des Indiens du Nouveau-monde et de leur civilisation [microforme]"

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CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHM/ICMH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadib    Institute  for  Historical  Microreproductions  Institut  canadien  de  microreproductions  historiques 

1980 


Technical  Notes  /  Notes  techniques 


The  Institute  has  attempted  to  obtain  the  best 
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or  the  symbol  V  (meaning  "END"),  whichever 
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fllmed  with,  the  kind  consent  of  the  fotlowing 
institution: 

National  Library  of  Canada 

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in  one  exposure  are  filmed  beginning  in  the 
upper  l«ft  hand  corner,  left  to  right  and  top  to 
bottcm,  as  many  frames  as  required.  The 
following  diagrams  illustrate  the  method: 


Les  images  suivantes  ont  été  reproduites  avec  le 
plus  grand  soin,  compte  tenu  de  la  condition  et 
de  la  netteté  de  l'exemplaire  filmé,  et  en 
conformité  avec  les  conditions  du  contrat  de 
filmage. 

Un  des  symboles  suivants  apparaîtra  sur  la  der- 
nière image  de  chaque  microfiche,  selon  le  cas: 
le  symbole  — ►  signifie  "A  SUIVRE",  le  symbole 
V  signifie  "FIN". 

L'exemplaire  filmé  fut  reproduit  grâce  à  la 
générosité  de  l'établissement  prêteur 
suivant  : 

Bibliothèque  nationale  du  Canada 

Les  cartes  ou  les  planches  trop  grandes  pour  être 
reproduites  en  un  seul  cliché  sont  filmées  à 
partir  de  l'angle  supérieure  gauche,  de  gauche  à 
droite  et  de  haut  en  bas,  en  prenant  le  nombre 
d'images  nécessaire.  Le  diagramme  suivant 
illustre  la  méthode  : 


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DE   L'ORIGINE 


DKS 


INDIENS   DU   NOUVEAU-MONDE 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


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■-K  l'UV.   IMPIUMKRIE  DR  MAPCHRSSOU   FII.S,  nOUI.EVARU   SAINT-LAURENT,   2} 


DE  L'ORIGINE 


DES 


INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 

ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


PAR 


P.  DABRY  DE  THIERSANT 

CONSUL  GKNÉIIAI, 
F,T  CHARGK  d'akKAIRES  DK  LA   HÉl-imUQVE  KRANÇAISK  AU  CKNTRR-AMnRIQUK 


OWV^iO^GE    Oli^É    1>Ë    -VIGNETTES 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,     ÉDITEUR 

28,     RUE    BONAPARTE,     28 

1883 


Droits  de  reproduction  et  de  traduction  réservée 


DE  LORiGINE 


UES 


INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


ORIGINE    DES    INDIENS 


KPUis  plus  de  trois  siècles,  on  cherche  l'origine  des 
«'  P'^'IA  Indiens  du  Nouveau  -  Monde  ,  ainsi  que  de  leur 
^^^^)  civilisation  aujourd'hui  éteinte,  et  ce  problc'me  in- 
téressant n'a  pu  être  résolu  malgré  les  progrès  que  les 
sciences  ont  faits  dans  ces  derniers  temps.  Que  d  hypothèses, 
cependant,  ont  déjà  été  présentées  par  les  auteurs  anciens  et 
modernes!  Et  combien  de  systèmes  plus  ou  moins  vraisembla- 
bles ont  été  exposés  sans  être  acceptés  par  la  critique  histo- 
rique! Lrsuns  ont  prétendu  que  le  nouveau  continent,  imiM-o- 


•J  1)K  I.  ORIGINK  DES  INDIRNS  DT   NOUVEAU-MONDE 

premcnt  nomme,  était  l'Ophicr  de  !a  Bible,  que  le  lils  Je  Jactan 
y  serait  venu  de  la  côte  de  Tlnde  Orientale,  et  que  son  peu- 
plement aurait  commencé  en  l'an  1745  après  le  déluge.  D'au- 
tres se  sont  efforcés  de  démontrer  que  les  premiers  habitants 
de  l'Amérique  sont  issus  des  Chananéens  chassés  par  Josué  de 
la  Palestine,  et  qui  !>eraient  partis  des  côtes  de  l'Afrique.  (Quel- 
ques-uns ont  soutenu  que  sa  population  primitive  était  sortie 
des  tribus  d'Israël.  Puis  est  venue  la  légende  de  la  fameuse  At- 
lantide de  Platon.  Ensuite,  interprétant  cerUiins  passages  de 
l'ausanias,  de  Lucain,  on  s'est  imaginé  que  l'Amérique  avait 
reçu  à  une  certaine  époque  de  nombreuses  colonies  Egyp- 
tiennes. Les  Troyens,  les  Helléniens,  les  Pélasgiens,  les  Phéni- 
ciens, les  Assyriens,  les  l'omains,  les  Grecs,  les  (Carthaginois, 
les  Norvégiens,  lesScandinaxes,  les  Portugais,  les  Japonais,  les 
Français,  les  Espagnols,  les  Coréens,  les  Polynésiens,  les  Malais, 
les  Juifs  ont  été  passés  tour  à  tour  en  revue;  et,  quand  on  a  eu 
épuisé  tous  les  peuples  de  l'ancien  continent,  on  en  est  arrivé 
à  les  déclarer  autochtones.  Une  école  qui  compte  de  nombreux 
adhérents  et  des  chefs  éminents  dans  tous  les  pays,  tels  que  Vol- 
taire, Lord  Kames,  Agassi/,  Muller,  Morton,  etc.,  rejetant 
l'idée  de  l'unité  d'origine  des  races  comme  contraire  à  la  science 
et  à  la  raison,  a  formulé  une  nouvelle  doctrine  d'après  laquelle 
Dieu  aurait  créé,  non  point  un  couple  unique,  mais  plusieurs 
couples  d'êtres  diderant  intérieurement  et  extérieurement , 
qu'il  aurait  placés  dans  des  régions  appropriées  à  leur  organi- 
sation physique. 

Ces  polygénistcs  ajoutent  qu'en  raison  :  i"  de  la  nature  de 
la  faune  et  de  la  flore  du  Nouveau-Monde,  qui  ne  peut  s'expli- 
quer que  par  une  création  spéciale  sur  les  lieux  mêmes;  2°  de 
la  certitude  de  la  présence  de  l'homme  sur  le  sol  américain  dès 
l'âge  quaternaire;  3"  des  différenciations  physiques,  morales  et 
intellectuelles  entre  la  race  américaine  et  les  autres  races,  les 
peuples  du  nouveau  continent  sont  sortis  d'une  souche  qui  a 
pris  naissance  sur  le  sol  lui-même. 

i'  Il  n'est  permis  qu'à  un  aveugle,  a  dit  \'oltaire,  de  douter 


I  ' 


KT  DE   LF.UU  CIVII.ISATJON 


3 


que  les  blancs,  les  nègres,  les  albinos,  les  Hottentots,  les  La- 
pons, les  Chinois  et  les  Américains  soient  des  races  dillerentes. 
Si  l'on  veut  savoir  d'où  sont  venus  les  Américains,  il  taut  de- 
mander alors  d'où  sont  sortis  les  habitants  des  terres  austra- 
les, et  l'on  a  déjà  répondu  que  la  providence,  qui  a  mis  des 
hommes  dans  la  Norwège,  en  a  planté  aussi  en  Amérique, 
comme  elle  y  a  planté  des  arbres,  des  animaux  et  lait  croître 
de  rherbe.  ■> 

L'abbé  Brasseur  de  Hourbourg,  dans  son  Histoire  des  nations 
civilisées  du  Me.  ^iic  et  de  l'Amérique  centrale,  a  dit  à  son  tour  : 
■I  Nul  ne  pourra  Li'oire  que  l'ocelot  et  le  jaguar,  qui  font  enten- 
dre leurs  rugissements  depuis  le  rio  (lila  jusqu'au  delà  de 
l'Amazone,  y  soient  venus  à  la  nage  Je  l'Airique  ou  que  des 
hommes  les  y  aient  transportés  avec  eux  de  nays  où  absolu- 
ment rien  ne  prouve  qu'ils  aient  jamais  e^  "i  donc  nous 
sommes  forcés  d'admettre  une  création  spéck  i  ^  our  les  mam- 
mifères, pourquoi  l'homme  formerait-il  une  exception  à  la  règle 
générale'.'  » 

Saint  Augustin  ne  va  pas  si  loin,  'l'ouîefois,  dans  son  livre  de 
Civitate  Dei  (1  XVI,  ch.  vu),  il  admet  que  Dieu,  après  le  déluge, 
a  pu  créer  de  nouvelles  races  animales  pour  en  peupler  les 
régions  auxquelles  elles  devaient  convenir  par  leur  nature  et 
leur  constitution  physique. 

Les  monogénistes,  c'est-à-dire  les  partisans  de  l'unité  d'ori- 
gine des  races  humaines,  ne  tenant  pas  à  leur  tour  suffisamment 
compte  des  différences  physiques  radicales  des  races,  invo- 
quent en  faveur  de  leur  opinion,  en  dehors  des  traditions  bibli- 
ques, l'affinité  de  ces  races  fécondes  entre  elles  et,  pour  ex- 
pliquer le  peuplement  de  Tunivers,  placent  le  berceau  des 
animaux,  des  végétaux  et  de  Thomme  dans  les  régions  circum- 
polaires, d'où  pa  es  migrations  ils  se  sont  répandus  en  sie, 
en  Europe,  en  Amérique. 

Nous  ne  discuterons  pas  ces  deux  théories,  parce  que  cela 
nous  entraînerait  en  dehors  de  notre  sujet.  Nous  dirons  seule- 
ment que  nous  ne  partageons  pas  l'opinion   des  polygénistes 


4  1)K  LORIGINI'    DKS  INDIENS  DU  NOCVHAU-MONDK 

américains,  parce  que,  même  en  admettant  avec  saint  Augustin 
que  Dieu  ait  pu  créer  après  le  déluge  des  plantes  et  des  ani- 
maux spécialement  pour  le  Nouveau-Monde,  cette  création  ne 
prouve  pas  que  la  race  américain";  soit  dilFérente  des  trois  races 
principales,  que  lanatomie  montre  le  contraire,  et  que  la  certi- 
tude de  l'existence  de  l'homme  à  l'époque  quaternaire  sur  le 
sol  américain  est  loin  d'être  reconnue  par  la  science. 

11  y  a  quarante  ans,  quoiqu'on  eût  découvert  en  Amérique  un 
grand  nombre  ci'animaux  et  de  plantes  fossiles,  on  n'avait 
constaté  encore  aucun  vestige  de  l'homme  à  l'époque  du  mam- 
mouth ou  de  l'âge  du  renne.  Un  célèbre  paléontologiste  Danois, 
le  D'  Lund,  écrivait  même  à  cette  époque  qu'il  ne  croyait  pas 
possible  que  l'homme  ail  pu  vivre  en  même  temps  que  les  for- 
midables bétes  de  proie  qui  caractérisent  cette  faune  éteinte. 
—  En  1844,  ce  même  savant,  ayant  trouvé  dans  la  caverne  de 
Somiduro,  province  de  Minas-Geraez  Brésil  ,  les  ossements 
humains  de  trente  individus  de  ditîérents  âges,  adressait  à  l'A- 
cadémie royale  des  sciences  de  Copenhague  un  mémoire  con- 
tenant le  passage  suivant  :  ^  Ces  individus  portent  les  traits 
"  distinctifs  de  la  race  américaine  ;  ils  ont  la  face  pyramidale  for- 
0  tement  prononcée,  ce  qui  constitue  le  trait  que  la  race  améri- 
"  caine  et  la  mongolienne  ont  de  commun  :  ils  ont  ensuite  le 
«  front  très  bas  et  étroit,  qui  est  le  trait  le  plus  constant  par  lequel 
(.  la  race  américaine  se  distingue  de  la  mongole.  Le  peu  d'élé- 
I.  vation  du  front  diminue  chez  quelques  individus  à  un  degré 
0  très  marqué,  sans  que  la  torme  permette  d'en  attribuer  la  cause 

«  à  un  aplatissement  artificiel Ces  crânes  fossiles  diffèrent  de 

"  toutes  les  races  d'hommes  vivants,  par  un  seul  trait  qui  est  la 
«  forme  des  dents.  Les  dents  incisives  de  tous  ces  individus,  jeu- 
"  nés  comme  vieux,  au  lieu  de  se  terminer  par  un  bord  aigu  et 
'.  tranchant  placé  de  travers,  formaient  une  surface  ovale  dont 
«  l'axe  de  la  longueur  est  parallèle  au  même  axe  de  la  cavité 
..  de  la  bouche.  Quoiqu'il  n'y  ait  pas  de  doute  que  cette  forme 
«  particulière  des  dents  ne  soit  produite  par  le  frottement,  nul 
«  exemple  d'une  pareille  conformité  ne  m'est  connu  dans  aucune 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION  5 

"  des  races  existantes.  Les  tribus  sauvages  du  Brésil  que  j'ai 
"  vues  se  distinguent  toutes  par  des  dents  régulières  et  bien  fai- 
"  tes,  d'une  forme  ordinaire  et  d'une  grandeur  moyenne.  Ces  crà- 
«  nés  étaient  associés,  dans  cette  même  caverne,  à  des  restes 
«  d'espèces  animales,  en  particulier  à  des  ossements  de  mam- 
<■  mifèrcs,  parmi  lesquels  un  cheval,  que  les  géologues  et  les 

«  paléontologistes  rapportent  à  l'époque  quaternaire " 

«  I"  L'habitation  de  l'Amérique  méridionale  par  l'homme 
"  s'étend  très  loin  dans  le  temps  historique,  probablement  au 
"  delà  de  celui-ci  jusqu'au  temps  géologique,  puisque  plusieurs 
'<  espèces  d'animaux  semblent  avoir  disparu  des  rangs  actuels 
"  de  la  création  depuis  l'apparition  de  l'homme  dans  cet  hé- 
"  misphère;  2"  la  race  d'hommes  qui  a  vécu  dans  celte  partie 
«  du  monde,  dans  son  antiquité  la  plus  reculée  était,  quant  à 
"  son  type  général,  la  même  qui  l'habitait  au  temps  de  sa  dé- 
"  couverte  par  les  Européens.  » 

Tel  est  l'argument  principal  sur  lequel  s'appuient  les  poly- 
génistes.  Or,  t-i  nous  comparons  l'homme  fossile  du  D'  Lund 
avec  l'indien  au  temps  de  la  conquête  nous  voyons  que, 
lui  ressemblant  comme  type  général,  il  n'en  diffère  que  par 
la  tête  pyramidale,  le  front  déprimé  en  arrière  et  la  forme  des 
dents.  Une  remarque  importante  du  savant  paléontologiste,  c'est 
que  ces  derniers  caractères  n'existaient  pas  dans  quelques-uns 
des  crânes  trouves.  Ainsi  donc,  ou,  à  cette  époque  quaternaire, 
il  y  avait  deux  races,  l'une  brachycéphale,  l'autre  réunis.sant  la 
dolychocéphalieà  rhypsisténocéphalie,ou  bien  l'une  de  ces  races 
n'obtenait  ces  caractères  extraordinaires  que  par  des  procédés 
artificiels.  D'autre  part,  si  nous  consultons  l'histoire  de  ces  peu- 
ples, nous  trouvons  qu'un  certain  nombre  d'entre  eux  avaient 
l'habitude  de  déformer  le  crâne  de  leurs  nouveaux-nés,  et  c|uc 
cet  usage  leur  avait  été  apporté  de  l'Asie  centrale  où  il  était  très 
répandu.  «  .Fe  suis  convaincu,  a  dit  Don  Francisco  de  Moreno 
dans  son  Esludio  ciel  liombre  Sud  Americano,  que  la  cràniologie, 
aidée  de  l'archéologie,  nous  apprendra  que  la  race  qui  a  apporté 
la  civilisation  dans  toute  l'Amérique  sans  exception,  est  celle 


6  m:  L  OKIGINK  DKS  INDIKNS  DU  NOL'VEAL'-MONDK 

que  nous  connaissons  sous  le  nom  de  Caraïbe  et  qu'à  elle  ap- 
ixirticnncnt  les  crânes  déformés  macrocéphales,  que  Ton  décou- 
vre depuis  l'ile  de  Los  Sacrijicios,  dans  le  golfe  du  Mexique, 
jusqu'en  Palagonie,  de  même  que  ceux  que  l'on  a  retirés  des 
nécropoles  de  iiolivie    » 

Un  vo}vigeur  français,  M.  Charles  Mano,  a  retrouvé  récem- 
ment des  crânes  semblables  dans  un  grand  nombre  de  localités 
de  l'Ameiique  méridionale,  habitées  autrefois  par  les  Cnraïbes 
et  les  Aymaras,  telles  que  Tiaguanaco,  Ayacucho,  Xamapeyta, 
'l'chumbela,  etc.,  et  non  plus  dans  des  cavernes,  mais  dans 
des  tombeaux.  Ce  n'est  pas  tout,   il  a  reconnu  le  même  type 
chez  des  tribus  telles  que  les  Paiguas,   les   Quiniquinoas,  les 
Poloreroset  autres  fragments  de  tribus  qui  vivent  sur  les  bords 
des  lagunes  du  haut  Paraguay  et  qui  ont  conservé  jusqu'à  ce 
jour  l'habitude  de  déformer  le  crâne  des  nouveaux-nés  comme 
certaines  peuplades  de  l'Amérique  septentrionale.  M.   d'Or- 
bigny  a  extrait  lui-même  un  grand  nombre  de  crânes  dépri- 
més de  tombeaux  qu'il  a  fouillés  dans  les  iles  de  'i'iticaca,  dans 
les  provinces  d.'Munécas,  de  Carangas  et  dans  les  vallées  de 
Tacna.  Il  a  remarqué  aussi  que,  dans  ces  mêmes  tombeaux,  à 
côté  de  têtes  déprimées,  d'autres  ne  l'étaient  pas;  d'où  il  infère 
que  cet  aplatissement  n'était  pas  normal,  qu'il  ne  caractérisait 
pas  la  nature,  mais  tenait  évidemment  à  une  opération  méca- 
nique.  «  Cette  première  observation,  dit-il,  que   la  coutume 
n'était  pas  générale,  nous  a  fait  reconnaître  que  les  tètes  chez 
lesquelles  l'aplatissement  était  le  plus  extraordinaire,  apparte- 
naient toutes  à  des  hommes,  tandis  que  les  corps  dont  l'état 
de  conservation  permettait  de  distinguer  des  corps  de  femme, 
avaient  la  tète  dans  l'état  normal  '.  » 


I.  Il  y  a  qucl:)Ui.s  aiinccs,  M,  Santiago  Wilson  a  découvert  sur  pUisicuis  points  de  la 
côte  ctc  l'Equateur,  à  une  certaine  distance  dans  la  mer,  des  objets  antiques  en  terre,  en 
or,  argent  et  cuivre,  tous  parfaitement  traviillés.  Ces  objeu  étaient  enterrés  dans  une 
couche  de  terre  recouverte  d'une  autre  couclic  de  dépots  marins  de  plus  de  6  pieds 
d'épaisseur.  La  composition  géologique  de  la  terre  a  permis  de  reconnaître  qu'elle  était 
aussi  ancienne  que  le  straluin  primitif  de  l'Kurope  et  semblable  à  celui  de  Guya  )uil, 
dans  lequel   on  a   rencontré   des   os  de   mastodonte,   d'où  l'on  a  conclu   que   l'antique 


i:t  dk  i,i:iR  civilisation  7 

Quant  à  la  torme  des  dents  qui  a  tant  Irappé  le  D''  Lund, 
voici  un  passage  d'un  ouvrage  public,  il  y  a  peu  de  temps,  par 
José  Torribio  Médina  et  intitulé  les  Aboriir-ènes  du  Chili,  qui  en 
donne  une  explication  très  vraisemblable  :  «  Nous  avons  trouvé, 
dit-il,  page  21  (3,  dans  les  anciens  cimetières  indigènes  la  preuve 
palpable  et  indiscutable  que,  dans  ie  système  chilien,  l'ali- 
mentation végétale  dominait  entièrement.  Il  suffit,  en  eti'et, 
d'examiner  n'importe  quel  crâne,  pour  remarquer  que  la  con- 
servation générale  des  dents  est  parfaite  et  qu'elles  présentent 
toutes  une  surface  ovale  ;  quelques-unes  se  montrent  usées 
jusqu'à  leur  base  par  suite  de  l'habitude  qu'avaient  ces  peuples 
de  mâcher  le  maïs  pour  labriquer  la  chicha.  ■> 

Dans  l'Amérique  septentrionale,  on  a  cru  également,  en  iS55, 
avoir  trouvé  l'homme  fossile  à  la  Nouvelle-Orléans,  en  faisant 
des  excavations  pour  placer  des  conduits  de  gaz.  Au-dessous 
de  quatre  couches  différentes  couvrant  la  couche  \'égétale, 
gisait,  à  côté  de  restes  de  cyprès  gigantesques  et  de  fragments 
de  charbon  végétal,  un  crâne  humain,  en  parfaite  conser- 
vation, présentant  exactement  le  même  type  que  celui  de 
la  race  indienne  actuelle.  Des  savants  ont  étudié  ces  couches 
de  terrain  et  ont  déclaré  qu'elles  remontaient  à  1 5, 000  ans, 
que,  par  conséquent,  le  type  des  Peau.x-Rouges  existait  déjà 
à  cette  époque.  Malheureusement  pour  l'antiquité  du  crâne, 
tous  les  paléontologistes  n'ont  pas  été  de  ce  même  avis. 
M.  Burmenster,  dont  le  nom  fait  autorité  dans  ces  questions, 
a  affirmé  que  tous  les  ossements  humains  découverts  en 
connexion  avec  des  animaux  fossiles  ou  dans  des  terrains  très 
anciens  qui  lui  ont  été  soumis,  ne  différaient  en  rien  des  restes 
d'ossements  des  indigènes  an  temps  de    la  conquête,   qu'ils 


surface  de  la  terre  sur  laquelle  ont  été  laissés  ces  bijoux,  était  habitée  par  des  êtres 
humains  très  civilisés,  contemporains  de  l'âge  de  pierre  de  l'Europe  occidentale.  On  a 
remarqué  aussi  que  la  plupart  de  ces  objets  ressemblaient  à  d'autres  de  la  même  sorte, 
trouvés  dans  des  tombeaux  de  l'intérieur  du  pays,  et  l'on  a  fini  par  admettre  que  ce 
stratum  primitif  avait  été  submergé  à  une  époque  moins  reculée,  par  suite  d'un  de 
ces  cataclysmes  sous-mmins,  si  fréquents  sur  cette  cote  et  que  la  mur  avait  gagné  peu 
à  peu  en  s'avançant  dans  les  t'jries. 


s 


DF  I,  ORIGINt:  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDt: 


appartenaient  à  Tépoquc  des  alluvions  modernes,  et  qu'il  était 
impossible  d'admettre  la  conservation  du  type  pendant  une 
période  aussi  longue  que  celle  qu'on  lui  prêtait. 

Ainsi  tombe  d'elle-même  la  prétendue  certitude  de  la  pré- 
sence, sur  le  sol  américain,  de  l'homme  fossile,  souche  de  la 
race  américaine.  I, histoire  et  la  statistique  sont,  du  reste,  là 
pour   démontrer  que   cette   -supposition   est  erronée.  Quand 
les  Espagnols  ont  envahi  le  Nouveau-Monde,  la  population  n'y 
dépassait  pas  quinze  à  vingt  millions  d'habitants,  ainsi  que  le 
constatent  les  dénombrements  ol'liciels  ordonnés  après  la  con- 
quête par  les  rois  d'Kspagne.  Or,  ce  chitl're  de  quinze  à  vingt 
millions  qui  doit  se  rapprocher  de  la  vérité  si  l'on  songe  à  la 
laible  résistance  qu'ont  rencontrée  les  conquistadores  et  la  dilVi- 
culté  qu'ils  ont  éprouvée  pour  pourvoir  à  la  subsistance  de  leur 
petite  armée,  n"est-il  pas  de  nature  à  taire  rétléchir  les  parti- 
sans de  la  race  américaine  autochtone  .'  On  aura  bi-au  objecter 
que  le  continent  américain  a  été,  à  diverses  reprises,  bouleversé 
par  des  commotions  naturelles  qui  ont  tait  périr  un   grand 
nombre  d'hommes,  que  les  gut.-rres  continuelles  de  ces  peuples, 
leur  esprit  de  terocité,  leur  impréx'oyance,  les  pestes,  les  épi- 
démies causées  par  le  climat ,  et  une  loule  d'autres  causes , 
ont  contribué  à  arrêter   le  développement  de  la  population. 
Jamais  on  ne  parviendra  à  expliquer  comment,  dans  ce  pays 
si    admirablement    doté   par   la    providence ,    après    200,000 
ans    d'existence ,    ces   peuples    ne    se    soient    pas    multipliés 
davantage ,    surtout    avec    la    demi-civilisation   dont    ils    ont 
joui     pendant    un    certain    temps  ,    lorsque     la    population 
d'une    autre   nation  voisine  à  laquelle  ils  se  relient    par  tant 
de  traits,  a  pu  atteindre  le  chitl're  de  J  à  400,000,000  d'ha- 
bitants. 

Xous  allons  démontrer  maintenant  que  la  race  américaine, 
loin  de  dillérer  des  autres  races  par  les  caractères  physiologi- 
ques, comme  le  prétend  1  école  autochtone,  ne  présente  ana- 
tomiquement  aucuns  caractères  déterminatit's  spéciaux,  tandis 
que  l'on  retrouve  chez  tous  ces  peuples  les  caractères  inhérents 


ET  DK  LEUR  CIVILISATION  9 

à  la  race  jaune,  mélangés  chez  quelques-uns  avec  ceux  de  la 
race  blanche  '. 

Commençons  par  la  couleur  de  la  peau,  que  plusieurs  au- 
teurs ont  décrite  comme  uniformément    uivrée. 

«  Tous  les  Indiens,  a  dit  Ulloa,  sont  d'une  couleur  rougeà- 
trc,  qui,  par  l'action  du  soleil  et  du  vent,  se  modifie  plus  ou 
moins.  Lorsqu'on  a  vu  un  Indien,  on  les  a  tous  vus  et  on  peut 
dire  qu'ils  ont  la  même  teinte  et  la  même  conformation.   ■ 

Cette  opinion,  qui  a  été  partagée  par  Bullbn,  Home,  Robert- 
son,  Pedro-(]ieza  de  Léon  et  un  grand  nombre  d'autres  écrivains, 
est  loin  d'être  fondée.  Dans  l'Amérique  septentrionale,  la  teinte 
de  la  peau  est,  en  général,  cuivrée  et  présente  diverses  nuances, 
mais  on  y  rencontre  également  des  peuples  à  la  peau  plutôt 
jaune  ou  couleur  chocolat,  ou  hron/é  noirâtre,  et  même  d'un 
blanc  laiteux  comme  les  Koloshes.  D  (3rbigny,  d'un  autre  côté., 
dans  "  l'homme  américain  >■,  soutient  que,  dans  toute  l'Améri- 
que méridionale,  il  n'a  jamais  vu  un  seul  Américain  cuivré, 
que  les  deux  teintes  des  peuples  de  cette  partie  du  nouveau 
continent  sont  le  brun  olivâtre  et  le  jaune  avec  toutes  les  nuan- 
ces intermédiaires,  le  jaune  dominant  chez  les  peuples  orien- 
taux, tandis  que  le  brun  prévaut  chez  les  peuples  de  l'Occident 
et  du  Centre.  Les  Péruviens,  les  Pampéens,  les  Araucaniens, 
les  Chiquitéens,  sont  bruns  olivâtres,  tandis  que  les  Brasilio 
Guaraniens  ont  une  peau  de  teinte  jaunâtre  mélangée  de  rouge 
très  pâle  ou  de  brun.  Les  Yuracarès,  les  Mocetenos  et  les  'l'a- 
canos  ont  le  teint  légèrement  basané  et  presque  blanc.  La 
couleur  de  la  peau  des  peuples  du  Nouveau-Monde,  loin 
donc  d'être  uniforme  et  cuivrée,  comme  on  le  prétend,  \arie 
du  cuivré  au  jaunâtre,  avec  toutes  les  i.uances  intermédiaires. 
Reste  à  chercher  d'où  vient  cette  teinte  propre  aux  Américains. 

«  L'homme  noir  en  Afrique,  a   dit  RuH'on,  jaune  en  Asie, 


I.  a  La  crâniologie,  a  dit  Urinlon,  n'a  pas  Iruuvii  linns  le  Nouveau-Monde  de  crânes 
différant  de  ceux  de  l'ancien  continent  et  l'anatoniie  ne  momie  aucun  caracière  physio- 
logique piopre  à  l'Indien,  qui  puisse  taire  croire  ii  son  type  originel.  ■• 


10 


OK  I.  ORiniNr   HKS  INDIENS  l)V  NOUVEAU-MONDF 


blanc  en  Europe,  rouj,'e  en  Amérique,  n'est  toujours  que  le 
même  anim;il  recevant  la  teinte  du  climat  où  il  se  trouve.  »  — 
'  Il  nest  pas  douteux,  a  dit  un  autre  physiologiste,  que  les  diffé- 
rences de  santé,  d'accroissement,  d'exposition  à  l'air,  n'aient 
un  etl'et  cert.iin  sur  !  individu,  et,  pour  peu  que  les  mêmes  cau- 
ses se  répètent  sur  une  série  de  générations,  on  sera  convaincu 
que  les  milieux  transforment  les  races  ;  mais  examine-l-on.  non 
plus  les  individus,  mais  la  race  elle-même,  l'illusion  s'évanouit. 
Aucune  de  ces  modilications  individuelles  sur  la  peau,  sur  les 
cheveux,  sur  le  crâne,  compression  exercée  à  la  surface,  sur 
les  proportions  ne  se  transmet  en  quantité  quelconquxi.  " 

En  etiet,  le  climat  ne  change  pas  la  race,  mais  modifie  la 
teinte  de  sa  peau  qui  varie  suivant  la  race,  l'altitude,  la  lati- 
tude, la  nature  des  lieux  et  de  1  atmosphère.  Ainsi,  les  blancs  ou 
les  nègres  en  Amérique  ne  deviennent  jamais  cuivrés  comme 
les  Indiens,  à  moins  de  se  mélanger  avec  eux  ;  tandis  que  la 
race  jaune  prend  après  peu  de  temps  la  teinte  cuivrée,  bis- 
trée ou  brun  olivâtre.  Ce  lait,  qu'il  est  facile  d'observer,  ré- 
sulte de  ce  que  la  couche  pigmentaire  ou  matière  colorante  ii- 
nement  granulée  qui  donne  naissance  à  ia  couleur  de  la  peau 
est  sinon  différente  chez  les  trois  races  principales,  du  moins 
susceptible  de  s'altérer  diversement  par  suite  des  influences 
climatériques. 

Pourquoi  la  teinte  cuivrée  domine-t-elle  dans  l'Amérique 
septentrionale  et  est-elle  à  peu  près  inconnue  dans  l'Amérique 
méridionale  où  le  jaune  et  le  brun  olivâtre  l'emportent,  le  jaune 
chez  les  peupies  orientaux,  le  brun  olivâtre  chez  les  peuples 
occidentaux  et  du  centre .' 

Pourquoi  les  Quitchuas  et  les  Aymaras  qui  présentent  des 
caractères  physiques  identiques  à  ceux  de  l'Amérique  centrale 
et  du  Mexique,  sont-ils  de  couleur  brun  olivâtre,  pendant  que 
ces  derniers  sont  cuivrés?  Pourquoi,  dans  le  même  lieu  ou  à 
des  distances  peu  éloignées,  les  mêmes  tribus  offrent-elles  des 
nuances  diverses  de  peau  ?  Ainsi,  dans  la  péninsule  yucatèque, 
"  on  trouve  encore,  dit  l'abbé  Brasseur,  des  indigènes  à  peau 


KT  DF  I.rUR  CIVILISATION 


I  I 


rouge,  gens  robustes  et  trapus,  aux  pommettes  lortement  sail- 
lantes, au  ne/  épaté  et,  à  côté  d'eux,  des  types  bronze  noirci 
et  souvent  d'un  blanc  mat,  au  nez  aquilin,  aux  yeux  horizon- 
taux et  avec  les  autres  traits  assez  fins.  ■■  Autant  de  questions 
qui  sont  loin  d'être  résolues. 

Les  uns  sont  d'avis  que  la  latitude,  I  altitude,  lu  chaleur  ont 
une  influence  directe  sur  la  teinte.  D'autres,  comme  d'Orbignv, 
.soutiennent  que  ce  n'est  qu'une  question  d'hygrométrie.  "  Les 
nations  les  plus  foncées,  dit-il,  se  trouvent  dans  la  zone  tropi- 
cale comme  dans  les  régions  plus  méridionales.  D'un  autre 
côté,  les  plus  claires  sont  dans  les  régions  chaudes.  Les  Fué- 
giens,  les  habitants  les  plus  rapprochés  du  pôle  austral,  sont 
moins  foncés  que  les  Péruviens.  La  latitude  n'exerce  donc  au- 
cune influence  sur  la  coloration  pâle  ou  intense  de  la  même 
teinte  chez  les  peuples  américains.  L'altitude  ne  produit  pas 
également  d'effet  sensible  sur  la  teinte,  tandis  que  le  plus  ou 
moins  d'humidité  dune  région  a  une  influence  directe  sur 
l'intensité  de  la  teinte  des  peuples  qui  l'habitent.  La  race 
ando-péruvieniie  en  est  une  preuve  évidente,  de  même  qu.; 
les  Araucaniens,  les  Fuégiens  et  les  Brasilio-(Juaraniens  '.  » 
D'autre  part,  des  physiologistes  croient  que  les  poussières  al- 
calines dont  l'atmosphère  sèche  de  certaines  régions  de  l'Amé- 
rique .serait  imprégnée,  sont  une  des  causes  de  la  teinte  rouge 
ou  cuivrée  des  habita.its. 

Il  y  a  là  un  vaste  champ  d'études,  et,  en  attendant  que  la 
science  se  soit  prononcée,  nous  dirons  que  la  couleur  de  la 
peau  n'est  pas  un  caractère  déterminatif  sutiisant  pour  classi- 
lier  la  race  américaine  et  en  faire  une  race  à  part.  Nous  ajou- 
terons que  les  couleurs  cuivrée,  brun  olivâtre  ou  jaune,  qui  la 
distinguent,  ne  sont  que  des  nuances  de  la  couleur  jaune  ou 
jaune  blanche,  produites  par  les  influences  climatériques. 


I.  Gumilla  assure  que  les  habitants  de  l'ancienne  Guyane  espagnole  qui  habitent 
dans  les  tbréts  sont  presque  blancs,  que  ceux  qui  demeurent  dans  les  champs  sont  ba- 
sanés et  que  ceux  qui  fréquentent  les  plages  des  lleuvcs  et  des  rivières  sont  d'une  cou- 
leur brune  très  toncce,  tirant  sur  le  noir. 


12 


UK  I.OKIGINI-  ni:S  INDIENS  Dl     NOUV!  \l  -MONDI: 


Ce  qui  distingue,  par  exemple,  la  race  américaine,  c  est  la 
contexture  de  la  peau  qui  ne  pré  .enie  jamais  celle  légère  vil- 
losilé  de  celle  des  habilants  de  l'ancien  monde;  elle  est  lisse, 
polie,  brilla  ite  même,  aussi  dotice  que  du  satin.  In  autre  trait 
distinctil.  c'est  son  odeur  ,v///  gciicris,  se  rapprochanl  de  celle 
dv  Chinois  et  du  Tartare. 

Laclassilication  de  la  race  américaine  par  la  cràniologie  nous 
parait  tout  aussi  diflicile  que  par  la  couleur  de  la  peau.  A  tou- 
tes les  époques,  on  a  trouvé,  sur  ce  continent,  des  hommes  au 
crâne  brachycéphale,  Aivantau  milieu  d'hommes  au  crâne  doly- 
chocéphale  ou  mésaticéphale.  "  Nous  ne  doutons  pas,  dit  i'Or- 
bigny.que,  sur  quelques  milliersde  crânes  d'une  race  quelcon- 
que dans  l'ancien  comme  dans  le  nouveau  continent,  l'on  ne 
trouve  des  têtes  que  leurs  caractères  rapportent  à  toutes  les 
autres,  celles  des  nègres  exceptées  :  on  sentira  alors  l'extrême 
dirticulté  de  donner  quelque  chose  de  positil  sur  ce  j^oint.  " 

dépendant  les  plus  célèbres  physiologistes  ',  tels  que  Law- 
rence, lilumenback,  le  D'  Lund,  Broca,  M.  de  Quatret'agcs, 
ont  reconnu  que  le  crâne  américain,  en  général,  se  rapprochait 
beaucoup  du  crâne  mongol  et  du  crâne  usbeck  ancien  Oueï- 
gour  par  la  lorme  pyramidale  lortement  prononcée  de  la  tête 
et  par  Tétroiture  el  la  convexité  du  front.  Cette  lorme  naturelle 
dans  le  principe  a  dû  être  exagérée  par  l'habitude  qu'avaient 
quelques-uns  de  ces  peuples  de  délormer  le  crâne  des  nouveaux- 
nés  par  des  moyens  artificiels.  Parmi  ces  peuples,  nous  cite- 
rons ceux  qui  appartenaient  au  groupe  (Joihuaque  ou  Maya. 
les  (iolhuaques,  \'ucaièques,  (juatémaliens,  Nicaraguayens, 
Hondureniens,  (^ostaricains,  .\}  maras,  Caraïbes  -,  tandis  que 


1.  Suivant  Morton,  il  n'y  a  qu'un  soûl  type  do  crâne  aincricain  à  formo  aiTondlc.  t.a 
portion  occipitale  est  aplatie  dans  la  direction  il'en  liaut  et  le  diamètre  transversal,  me 
sure  entre  les  us  pariétaux,  est  eonsidérableinentlarge,  excédant  souvent  la  ligne  longitu- 
dinale; le  Iront  est  bas,  incliné  vers  l'arriére  et  rarement  arqué,  caractère  considéré  par 
llumbold,  Lund  et  d'autres  naturalistes  comme  spécial  à  la  race  américaine. 

2.  l.es  Natcliez,  d'après  un  grand  nombre  d'historiens,  aplatissaient  la  tête  de  leurs 
enfants.  Certaines  tribus  de  Guaranis  observaient  également  celte  coutume,  ainsi  que 
l'indiquent  les  peintures  mexicaines. 

U.uis   le  Vucalm,  cinq  ou  six    ]ui;is  .iprès  la  naissance  de  l'enfant,  sa  tète     lit  mise 


rn  Dr  ij:uk  nvii.is  .tion 


i3 


les  Mexicains  et  tous  ceux  du  groupe  Nahualt  avaient  le  crâne 
normal.  C'était  une  des  principales  distinctions  entre  les  deux 
groupes. 

«  Pour  ma  part,  a  dit  Hutchinson  '  iwo  years  in  Pcru, 
t.  11,  p.  3()7;,  je  ferai  remarquer  simplement,  en  nie  basant 
sur  mes  propres  observations,  que  le  type  brachyccphale  pré- 
valait chez  les  tribus  indigènes  dans  les  régions  de  la  côte  du 
Noril  et  du  Sud  de  l'Amérique,  depuis  .>.ootka  Sound  jusqu'à  la 
côte  de  la  Patagonie.  Quant  au  type  dolychocéphale,  je  partage 
I  opinion  du  H'  Wilson,  qu  il  a  dû  dominer  le  type  brachycé- 
pliale  dans  la  région  orientale  de  TAmérique,  depuis  le  ('a- 
iiada  jusqu'à  la  Terre  de  Feu.  Blake  et  d  autres  auteurs  qui 
ont  traité  cette  question,  sont  d'avis  qu'on  trouve  non-seule- 
ment deux  lor-ics  de  crânes  dans  les  antiques  cimetières,  l'une 
arrondie,  l'autre  allongée;  mais  qu'aujourd  hui  même  on  ren- 
contre deux  types  distincts  de  crânes  chez  les  populations 
américaines.  » 

Cette  coutume  s'est  conservée,  eneflét,  chez  un  certain  nom- 
bre de  tribus  des  deux  Amériques.  Tes  Chaktaws  sont  désignés, 


entre  deux  plaiKhettes.  Laiula,  ji  xxx.)Les  Indiens  du  Guatemala  aplatissaient  et  allon- 
geaient la  tête  lies  nouveaux-nés  au  moyen  de  planchettes  et  de  bandelettes  (Kuenlès, 
J'alacios,  p.  loO).  Au  Nicaragua,  on  aplatissait  la  tête  des  cnl'ants  pour  leur  donner  plus 
de  noblesse  et    pour  qu'ils  pussent   mieux  porter    les   fardeaux  (Squiers,  Nicariifrii.j, 

p.  ;^45), 

l.cs  l'anchees  lionnaicnt,  au  moyen  de  planchettes,  une  turme  pyramidale  <i  la  lête  de 
leurs  enfants  (J^oaq.  Accosta,  p.  n).  Les  Ayar.ias  et  les  Nataguamas  mettaient  la  tête  du 
nojveau-nc  entre  deux  planchettes  pour  l'allonger.  Cette  habitude  avait  pour  objet 
d'augmenter  la  lérocité  de  la  physionomie  (Piedraliita,  I.  1,  cli.  ii\  Quand  un  Caraque 
venait  au  monde,  on  mettait  sa  lête  entre  deux  planchettes,  île  telle  sorte  qu'à  quatre  ou 
cinq  ans.  \n  tête  était  longue  et  aplatie.  Ils  disaient  que  cette  coutume  donnait  de  la  force, 
de  l'intelliqence  et  facilitait  les  travaux.  (Ciéza,  ch.  l  Les  têtes  de  Collas  étaient  longues 
et  plates  iCaéza,  c\\.  c).  Meyer  cite  un  décret  d'un  synode  de  I.ima  défendant  l'aplatisse- 
ment des  t'  tes, 

Les  Apichèques  (Je  la  côte  déformaient  les  têtes  de  leurs  enfants  en  les  comprimant 
au  moyen  de  planchettes  GarciLTjo,  liv.  IX,  p,  in').  Rochcfurt  {Histoire  des  Antilles, 
p.  3  2(1  raconte  que  les  Caraïbes  des  Antilles  déformaient  la  lête  de  leurs  enfants. 

Les  Indiens  du  .\laranam  aplatissaient  la  lête  de  leurs  enfants  {Cosmografia  lîr^yilea, 
ch.  IV,  p.  32Û).  Les  Indiens  de  la  Colombie  aplatissaient  la  tête  de  leurs  enfants  au 
moyen  de  tablettes  (John  Scanter,  Zool.  Journal,  iSiii,  p.   3o.).;. 

Au  Chili,  cette  coutume  existait  che^  les  Araucaniens,   d'après   .M.   Torribio   .Médina. 


'4 


DK  I.  ORIGINK  DKS  INniRNS  DI'   NOUVKAU-Mt)Nl)l- 


d'après  M.  Hartram  t.  Il,  p.  4i()  ,  par  les  blancs  qui  font  la 
traite,  sous  les  noms  de  tètes  plates  ".  "  Tous  les  hommes  ont, 
dit-il,  les  parties  antérieure  et  postérieure  de  la  tète  comprimées 
de  bonne  heure  par  le  procédé  suivant  :  aussitôt  que  Tentant  est 
né,  il  est  mis  dans  un  berceau  creusé  dans  du  bois;  il  reste 
couché  sur  le  dos,  la  tète  prise  dans  une  cavité  ayant  la  forme 
d'un  moule  à  brique.  Sur  le  Iront  repose  un  petit  sac  de  sable 
de  telle  sorte  que  la  tète  prend  peu  à  peu  la  forme  du  moule.  " 

M.  Charles  Mano,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  a 
trouvé  dans  l'Amérique  méridionale  plusieurs  tribus  chez  les- 
quelles s'est  perpétuée  cette  déformation  qui  consiste,  en  géné- 
ral, à  exercer  une  pression  d'avant  en  arrière  et  circulairement, 
ce  qui  repousse  la  masse  du  cerveau  et  donne  une  grande  largeur 
aux  parties  postérieures,  au  détriment  des  parties  antérieures. 
Les  pariétaux  forment  ainsi  des  mamelons  remarquables,  tandis 
que  le  front  devient  presque  horizontal  au-dessus  des  arcades 
sourcilières.  Les  bas-reliefs  du  grand  monument  de  Palenqué 
représentent  le  profil  du  visage  de  quelques  personnages  à  la 
tète  aplatie.  Chez  quelques-uns,  une  courbe,  décrite  depuis  le 
haut  du  front  jusqu'à  l'extrémité  du  nez,  équivaut  presque  à 
un  quart  de  cercle.  Ce  type  étrange  a  disparu  ou,  du  moins,  est 
devenu  très  rare  au  V'ucatan.  Nous  avons  vu,  toutefois,  quel- 
ques tètes  d'hidiens  très  allongées  avec  le  front  déprimé  au 
Cuatémala  et  au  Nicaragua. 

Si  l'on  recherche  l'origine  de  cette  coutume  bizarre,  on  trouve 
qu'elle  a  pris  naissance  en  Asie.  Hippocrate  rapporte  qu'aucun 
peuple  n'avait  la  tète  de  forme  plus  allongée  qu'une  nation 
établie  près  du  Pont-l-^uxin.  Les  habitants  mettaient  leur  gloire 
à  avoir  la  ligure  la  plus  longue  possible  et,  à  cet  etîet,  ils 
pétrissaient  dans  leurs  mains  le  crâne  de  leurs  enfants  nou- 
veaux-nés, et  le  comprimaient  ensuite  avec  des  liens  et  des  ban- 
delettes, de  manière  à  le  contraindre  et  à  le  développer  dans 
la  forme  qu'ils  désiraient  lui  donner. 

Quelques  tribus  indiennes  près  d'Ava  sont  décrites,  dans  le 
Périple,  comme  ayant  la  tète  allongée  depuis  le  front  jusqu'au 


FT  1)K  I.EUU  CIVn.lSAllON 


l!) 


menton  et  se  projetant  en  avant  comme  celle  des  chevaux.  Ix's 
Cappadocicns  et  les  habitants  de  la  mer  Caspienne,  suivant 
d  autres  auteurs,  étaient  aussi  macrocéphalcs. 

Hiucn-Tsang,  dans  la  relation  de  son  voyage  au  vu'  siècle, 
raconte  qu'à  Kachgar  et  dans  d'autres  lieux  de  l'Asie  centrale, 
quand  un  entant  venait  au  monde,  on  lui  aplatissait  la  tète  en 
la  comprimant  avec  des  planchettes. 

Chez  les  anciens  Turcs,  la  mère,  après  1  accouchement,  indi- 
quait la  torme  qu'elle  voulait  qu'on  donnât  au  crâne  de  l'enfant. 
Le  but  de  cette  déformation  est  ditiicile  à  comprendre.  Les 
uns  croient  '  que  c'était  une  question  d'esthétique,  d'autres 
prétendent  que  ces  peuples  pensaient  augmenter  ainsi  les  fa- 
cultés intellectuelles  '.  Kn(in,  il  y  en  a  qui  y  rattachent  une 
question  religieuse.  Ne  serait-ce  pas  simplement  afin  de  faire 
ressortir  le  ne/  et  de  différer  ainsi  le  plus  possible  des  races 
mongoles  que  les  races  aryennes  devaient  considérer  comme 
inférieurc'S  '.Quoi  qu'il  en  soit,  on  voit,  d'après  ce  que  nous  avons 
dit,  que  la  crâniologie,  pas  plus  que  la  couleur  de  la  peau,  ne 
font  ressortir  des  caractères  sutiisants  pour  classi/ier  la  race 
américaine  en  dehors  des  autres  races 

Passant  de  la  forme  du  crâne  à  la  face  des  peuples  du  Nou- 
veau-Monde, on  constate  que  loin  d'être  uniforme  dans  ses 
contours,  qu  en  général,  elle  est  circulaire  et  même  s'éloignanl 
de  l'ovale  plus  que  chez  toute  autre  race,  excepté  la  race 
ouralo-altaïque.    Cependant,    quelquefois   elle   est    elliptique 


1.  D"aprcs  M.  Gebbs  {Tribcsof  West^im  U'iiç/i/ii^(o)i  and  Sorth-westcin  Oiesjon)  clic/ 
les  tribus  de  rOregon,  l'aplatissement  de  la  tète  distingue  l'homme  libre  de  l'esclave  ;i 
^lui  cette  déformation  est  interdite. 

2.  Nous  avons  lieu  de  croire  que,  dans  ce  cas,  il  n'y  avait  que  de'placemcnt  de  partie,  et 
non  altération,  et  que  les  facultés  intellectuelles  devaient  en  être  peuatl'ectées.  (D'Orbign) .) 

I.a  forme  plus  ou  noins  variable  du  crâne  chez  les  hommes  de  diverses  contrées  ne 
saurait  avoir  une  iniluence  directe  sur  leurs  tacultéi.  Parchasse  (/?cc/uTc/ies  sur  l'encé- 
phale). 

!•■  Les  aryas  désignaient  les  hommes  de  la  race  sombre  comme  les  hommes  au  nu/. 
de  chèvre  ou  les  hommes  sans  ne/,  tandis  que  le  ne/,  est  une  des  beautés  que  les  poètes 
aryens  vantent  chez  leurs  dieux.  (Essais  sur  la  mythologie  campai  ie,  p.  '.^■j^.  Mnx- 
Muller.) 


I() 


1)1      I.  OKIC.INK  DIS  INIMFNS  Otl   NOUVKAl.'-MONDi: 


comme  chez  certaines  tribus  du  IVlcxiquc  et  du  Vucatnn  ou 
chez  les  Araucaniens.  les  Péruviens,  les  Moxéens,  les  Antiviens, 
ou  bien  carrée  telle  que  celle  des  l*anipéens  et  des  Pataf,'ons. 
De  même  certains  peuples  ont  le  visa^e  aplati  et  d'autres  aussi 
saillant  <.\      les  lùiropéens. 

Le  troni  américain  est  presque  toujours  bas,  étroit,  comprimé 
latéralement  et  luyant.  (le  caractère  est  essentiellement  tou- 
ranien.  \ambérv,  dans  <'}s  Skc/c/ivs  nf  (Jcii/ral  Asia,  dit  que 
1  Isbeck  de  Kliiva  a  le  front  bas,  étroit  et  déprimé. 

Le  ne/  américain,  très  variable,  appartient  tantôt  au  type 
mongol,  tantôt  au  type  aryen.  11  est  quelquetois  court,  légère- 
ment épaté,  ou  très  court,  très  épaté;  d'autres  to  droit,  aqui- 
liii,  loni;,  saillant,  recourbé  à  son  extrémité. 

I  .es  peuples  qui  ont  joué  le  plus  grand  rôle,  tels  que  les  Mexi- 
cains, N'ucatèques,  (lentro-Américains,  (juitchuas,  Aymaras, 
(iaraïbes,  sont  remarquables  par  la  (orme  de  leur  ne/aquilin  et 
recourb/  On  sent  le  mélange  de  la  race  caucasienne  avec  la 
race  mongo!  •. 

"  Dans  le  Vucatan,  le  Mexique  et  le  (Centre  Amérique,  dit 
l'abbé  Brasseur  de  Bourbourg,  le  caractère  général  de  la  source 
la  plus  antique  oll're  des  traits  nombreux  de  ressemblance  avec 
les  races  de  la  Palestine  et  de  l'Lgypte ancienne.  On  y  retrouve 
le  profil  juif  et  algérien,  exactement  semblable  aux  types  que 
l'on  voit  sur  les  monuments  de  Palenqué  et  dcTIièbes.  On  re- 
connaît là  évidemment  les  immigrations  qui  sont  \enucs  se 
grellér  sur  le  tronc  primitif.  ■> 

Les  yeux  sont  petits  et  noirs  (hi  gris,  entoncés,  très  per- 
çants, tantôt  horizontaux  comme  parmi  certaines  tribus  de 
l'Amérique  du  Xord  et  la  plupart  des  peuples  du  Mexique 
de  l'Amérique  centrale,  les  Ando-Péruviens,  les  Moxéens,  les 
Patagons  et  les  Puelches.  D'autres  fois,  ils  .sont  obliques  et  bri- 
dés à  l'angle  externe  comme  chez  les  Esquimaux,  quelques  tri- 
bus indiennes  de  l'Amérique  du  Nord,  du  Mexique  el  de  l'A- 
mérique centrale,  les  Chiquetéens,  les  Guaranis  qui  ont  conservé 
davantage  le  type  mongol.  Une  chose  remarquable,  c'est  que 


FT  DE  LEUR  CIVILISATION 


»7 


chez  les  Mexicains,  Centro-AnK'ricains,Quitcluias,  Aymaras,  lu 
corncc  est  presque  toujours  jaunâtre,  caractère  des  peuples 
avoisinant  la  mer  Caspienne. 

1,1  pommettes  des  peuples  de  l'Amérique  sont  presque 
toujc.  saillantes,  plus  ou  moins,  suivant  I  à^e.  (]e  caractère 
a  étO  emp'uiité  à  la  race  mongole. 

La  bou.  1-,  très  grande  chez  les  uns,  avec  des  lèvres  grosses, 
charnues,  s.  illantes,  est  chez  les  autres  assez  développée,  ou 
bien  moyenne  avec  des  lèvres  plus  ou  moins  minces,  comme 
chez  les  Mexicains,  Centro-Américains  et  Péruviens.  Qucl- 
quelbis  la  mâchoire,  est  recouverte  de  i^lis  \erticaux  de  la 
peau  qui  donnent  à  la  lace  un  air  d'astucieuse  sauvagerie,  i-es 
dents  sont  belles,  bien  rangées,  presiue  verticales  et  persis- 
tantes, ('ertains  peuples,  appartenant  au  groupe  Maya,  d'après 
Landa,  j;  xxxi,  avaient  l'habitude  de  scier  leurs  dents. 

Le  menton  est  mongol,  peu  accusé,  court  et  rond.  Le.  oreil- 
les, presque  toujours  grandes,  se  détachent  très  sensiblement 
de  la  tète,  caractère  physique  des  peuples  de  l'Asie  centrale. 
(]!ertains  peuples  du  Pérou  les  allongeaient  le  plus  possible. 

La  race  américaine  se  rattache  à  la  race  jaune  par  le  système 
pileux.  Les  cheveux  noirs,  gros, épais,  lisses,  droits,  blanchissant 
diflicilement,  tombant  rarement,  sont  remarquables  par  leur 
coupe  transversale  qui,  vue  au  microscope,  dessine  une  sec- 
tion ronde,  tandis  que,  chez  l'Luropéen,  cette  section  est  une 
ellipse  et,  chez  le  nègre,  une  ellipse  allongée.  Ce  trait,  presque 
suffisant  pour  relier  la  race  américaine  à  la  race  mongole,  a 
été  mis  au  jour  par  Pruner  bey. 

La  race  américaine,  comme  la  race  mongole,  se  dist.ngue 
également  par  la  rareté  de  la  barbe  et  du  poil  sur  le  corps.  La 
barbe,  quand  elle  existe,  est  constamment  droite  ou  non  irisée, 
noire,  pousse  tard  et  couvre  plus  particulièrement  les  côtés  de 
la  lèvre  supérieure  et  le  milieu  du  menton;  encore  se  réduit- 
elle,  le  plus  souvent,  à  quelques  poils  rares.  Les  tribus  ou  indi- 
vidus ayant  de  la  barbe  sont  des  exceptions  à  la  règle  géné- 
rale. Une  chose  curieuse  au  point  de  vue  du  mélange  des  races. 


i8 


OK  K  OUICiINI'    ni'S  INDiKNS  DU   NOUVRA '--MONnK 


c'est  que  l'on  a  déjà  remarqué  que  le  méiis  du  Russe  et  du 
Bouriate  a  invariablement  les  cheveux  de  ce  dernier. 
Les  sourcils  sont  étroits,  arqués  et  noirs. 
Les  formes  du  corps  se  ressemblent  chez  presque  tous  les 
peuples  du  nouveau  continent  ;  en  général,  la  tête,  comparée 
au  reste  du  corps,  est  plutôt  grosse  que  petite,  caractère  ôcf, 
deux  races  mongole    et  touranienne.  Le  tronc  est  large,  ro- 
buste; la  poitrine  bombée  et  bien  développée;  les  hanches  peu 
saillantes;  les  membres  courts,  mais  replets,  pourvus  de  mus- 
cles saillants;  les  extrémités  supérieures  souvent  trop  fortes; 
les  mains  petites;  les  extrémités  inférieures  bien  proportion- 
nées; les  membres  mal  attachés,  cuisses  et  jambes  replètes; 
pieds  petits,  mais  larges.  Le  dedans  des  mains  et  le  dessous  des 
pieds  blancs.  Les  femmes  sont  robustes,  ont  de  larges  épaules, 
la  poitrine  effacée,  la  gorge  bien  proportionnée  et  le  bassin  large. 
En  résumé,  nous  dirons  avec  le  D'   Topinard  'Authropolo- 
gie,  p.  46),  que  la  race  américaine  se  rapproche,  dans  son  en- 
semble, du  type  des  races  jaunes  par  différents  cr.ractères  de 
premier  ordre,  tels  que  la  face  et  le  nez  souvent  aplati,   la 
couleur  de  la  peau,  la  nature  des  cheveux,  le  peu  de  dévelop- 
pement et  la  rudesse  des  cheveux,  enfin   l'aplatissement  de 
l'occiput  qui  se  rencontre  également  chez  quelques  peuples  de 
l'Afrique.  Mais  elle  présente  en  même  temps  des  dilférences 
notables,  comme  la  prééminence  du  nez  convexe  et  relative- 
ment lin,  l'élévation  de  la  taille,  le  peu  de  développement  de 
sa  cavité  et  la  faiblesse  de  son  prognathisme.  Ces  caractères 
sont  ceux  des  races  croisées.  Un  des  éléments  était  franchement 
asiatique  et  l'autre  tout  à  fait  spécial  et  particulier.  Cette  des- 
cription peut   s'appliquer  aussi   bien  aux   indigènes  de  l'A- 
mérique du  Nord  qu'aux   sous-types    Péruvien,  l'olteque , 
Araucanien. 

La  race  américaine  est  donc  une  race  mixte  que  nous  nom- 
merons mongolo-touranienne;  sur  le  tronc  primitif,  essentielle- 
ment mongol,  est  venue  se  grellér  une  immigration  aryo-tou- 
ranienne. 


^:^  de  lkur  civilisation 


19 


PEUPLEMENT  DU  NOUVEAU-MONDE 


Reste  à  examiner  comment  les  premiers  habitants  de  race 
mongole  ont  pu  penetrerdanslenouv.au  continent. 

Il  est  admis  par  la  science  que  les  deux  continents  étaient 
autrelois  reliés  entre  eux  par  un  isthme  qui  a  été  détruit,  à  la 
hn  au  pliocène,  par  des  bouleversements  de  la  nature  et  Ten- 
vahissement  de  la  mer.  D'après  la  disposition  volcanique  des 
lieux,  on  est  porté  à  croire  que  non-seulement  il  se  fit  une 
séparation  des  continents  au  détroit    de  Behring,  mais  que 
1  espace  entier  depuis  les  îles  en  croissant  jusqu'à  cett.  petite 
ouverture,  a  été  jadis  orcupé  par  la  terre  et  que  la  force  de 
élément  aqueux,  mi^^  en  action  par  celui  du  feu  dans  les  siècles 
les  plus  reculés,  a  bouleversé  et  abîmé  cette  étendue  en  lais- 
sant des  fragments  d'îles  comme  souvenir  de  ce  grand  événe- 
ment. L'aspect  des  côtes  parallèles,  surtout  depuis  la  pointe 
des  Kouriles  jusqu'au  cap  Tchou-katska,  indique  un  récent 
travail  de  la  nature  que  Ion  peut  suivre  encore  aujourd'hui 
On  voit  que,  par  Tertet  des  mare    ,  le  détroit  s'élargit,  quoique 
lentement,  car  la  distance  entre  les  deux  terres  est  réellement 
jusqu'à  présent,  peu  considérable. 

D'après  le  capitaine  Cook  et  Steller,  elle  serait  de  8  lieues 
marmes.  d  autres  disent  cinquante  milles.  La  profondeur  de  la 
mer,  dans  le  détroit,  ne  dépasse  pas  60  mètres,  de  sorte  que  les 
baleiniers  peuvent  y  mouiller  facilement.  En  été,  les  naturels  le 
traversent  en  canots;  en  hiver,  le  passage  est  fermé  par  les 


20 


HE  L  ORIGINi:  DES  INDIENS  DU   NOUVEAU-MONDE 


glaces.  Tout  semble  indiquer  que  les  communications  entre 
les  deux  continents  ont  dû  s'établir  à  une  époque  qu'il  est  dit- 
licile  de  déterminer. 

Premièiement  les  habitants  de  la  partie  de  l'Amérique  qui 
correspond  à  Textrémité  orientale  de  l'Asie  ressemblent  physi- 
quement aux  indigènes  du  Kamtschatka,  des  Kouriles,  aux 
Foriaks  et  aux  Kamtschadales. 

"  Feu  le  D'  Mitchell  pense  que  les  peuples  septentrionaux  de 
lAmérique  ont  la  même  origine  que  ceux  de  la  partie  septentrio- 
nale de  l'Asie  el  que  leur  race  est  celle  des  Tartares.  Il  tonde 
son  opinion  sur  la  ressemblance  de  physionomie  chez  les  Indiens 
et  les  Tartares  de  l'Asie,  la  similitude  du  langage,  l'existence 
de  coutumes  et  d'usages  communs  aux  deux  peuples  '.  >> 

|{n  second  lieu,  on  retrouve  chez  les  peuples  des  deux  con- 
tinents les  mêmes  mœurs  et  les  mémos  usages  privés.  Tous 
se  tatouent  et  ont  l'habitude  pour  orner  leur  visage  de  se  l'aire 
des  trous  dans  les  joues,  d'y  mettre  des  pierres  de  dillérentes 
couleurs  ou  des  morceaux  d'ivoire,  de  s'attacher  aux  narines  ou 
aux  lèvres  des  pendants  assez  longs.  Ils  se  nourrissent,  les  uns 
comme  les  autres,  de  poissons,  de  bétes  marines  et  d'herbes 
qu'ils  apprêtent  de  la  même  manière.  Ils  se  servent  du  même 
instrument  de  bois  pour  allumer  le  teu.  Leurs  haches  ont 
une  forme  pareille;  ils  sont  vêtus  de  même  et  teignent  leurs 
vêtements  et  leurs  corps  avec  de  l'écorce  d'aune;  ils  vont  gé- 
néralement la  tête  découverte,  le  sommet  rasé  et  les  cheveux 
attachés  avec  un  n(L'ud  en  lorme  de  châtaigne,  ils  émigrent 
par  tribus,  enlèvent  le  crâne  de  leurs  ennemis,  ,j  suivent  en 
file,  l'abriquent  des  canots  d'écorce  de  bouleau  et  des  pagaies 
larges  et  à  deux  bouts.  Ils  ensevelissent  avec  leurs  morts  les 
objets  les  plus  précieux  qui  leur  ont  appartenu.  Knlin,  ils  pla- 
cent les  corps  sous  de  grands  tertres  en  terre  ou  sous  des 
amas  de  pierres.  De  plus,  leurs  langues  ont  de  nombreuses 
affinités  et  ils  peuvent  même  se  comprendre  entre  eux. 


1.  Aiituiuiii's  )ue.\ii:aiiic.s. 


II    l)i:  I.KI  K  CIVILISATION  2  1 

Ainsi  tout  permet  de  supposer  que  les  peuples  des  deux 
côtés  du  détroit  de  Behring  ont  une  origine  commune.  Mais 
ce  n'est  pas  tout-,  si  l'on  jette  un  coup  d"(eil  sur  la  carte,  on 
verra  que,  de  File  de  "^ézo,  rien  n'est  plus  facile,  en  profitant 
du  courant  japonais  Kuaro  Suewo  et  en  longeant  les  îles  Kou- 
riles, v|ue  de  gagner  le  Kamtschatka  et  les  îles  Aléouliennes, 
celles  du  Kenard,  enlin  la  pointe  d'Alaska  sans  perdre  la  terre 
de  vue  plus  de  quarante-huit  heures.  In  de  nos  illustres  et 
savants  anlhropologistes.  M.  de  Quatrefages  ',  écrivait,  il  y  a 
quelque  temps  :  "  Depuis  longtemps  et  à  plusieurs  reprises,  dans 
mes  cours  au  Muséum  et  dans  diverses  publications,  j'ai  cherché 
à  montrer  que  les  populations  de  l'extrême  Orient  connaissaient 
et  Iréquentaient,  avant  les  Kuropéens,  certains  points  des  côtes 
occidentales  de  TAmérique  ou  Nord,  et  que  ce  fait  était  en  par- 
ticulier dillicile  à  nier  à  propos  des  contrées  répondant  à  peu 
près  à  la  Nouvelle-Calilornie  et  à  1  Orégon.  Au  nombre  des  ar- 
guments les  plus  sérieux  à  invoquer  à  l'appui  de  cette  opinion, 
j'ai  toujours  placé  quelques-unes  des  particularités  géographi- 
ques et  anthro^"»ologiques  consignées  dans  le  récit  d'un  ^■oyage 
accompli  par  Moncatch  Apé,  Américain  peau-rouge  de  la  tribu 
des  Yasoux-Xax  vivant  sur  la  rive  gauche  du  Mississipi,  récit 
recueilli  de  la  bouche  de  cet  indigène  par  un  colon  français,  le 
Page  du  Prat/,  qui  l'a  publié  dans  un  ou\-rage  intitulé  Histoire 
de  la  Louisiane.  Des  renseignements  fournis  par  le  voyageur 
peau-rouge,  il  résulte  que,  dès  les  premières  années  du  xviii"^  siè- 
cle, «  des  hommes  blancs  barbus  se  servant  d'armes  à  feu,  mais 
«  qui  ne  peuvent  être  des  Kuropéens,  se  rendaient  annuellement 
«  dans  le  voisinage  deTembouchure  de  la  ('olumbia  pour  s'ap- 
«  provisionner  de  bois  de  teinture  et,  par  la  même  occasion,  cn- 
«  lever  quelques  esclaves  ". 

La  description  que  donne  Moncatch  Apé  des  pays  qu  il 
a  traversés  indique  clairement  qu'après  avoir  remonté  le 
Missouri  il  franchit  les  montagnes  Rocheuses,  descendit  jus- 


I    Les  voyages  de  Moitc.iuh  Apc,  annotes  p.ir  M.  \.  Je  Quatrcfages. 


21  1)1     l.OKIGINi:   I)i:S  lN'nii:NS  DU    NOIV|;aI  -MONDl 

qu'à  l'ocOan  Pacifique,  un  grand  fleuve  qu  il  nomme  la  belle 
rivière  et  qui  ne  peut  être  que  la  (]olumbia,  enfin  reconnut  la 
j-iresqu'ile  d'Alaska. 

Rien  de  plus  intéressant  que  son  récit  de  la  rencontre  des 
hommes  blancs  barbus  '  :  "  Mais  si  Ion  vit  bien  dans  ce 
"  pays,  il  faut  toujoursyétresur  ses  gardes  contre  les  hommes 
"  barbus  qui  font  tout  ce  qu'ils  peuvent  pour  enlever  les 
"  jeunes  gens,  sans  doute  pour  les  faire  esclaves.  On  me  dit  que 
"  CCS  hommes  étaient  blancs,  qu'ils  avaient  une  barbe  longue 
"  et  noire  qui  leur  tombait  sur  la  poitrine,  qu  ils  paraissaient  gros 
"  et  courts,  la  léte  grosse  et  couverte  d'étoile,  qu'ils  étaient  tou- 
«'  jours  habillés,  même  dans  les  plus  fortes  chaleurs;  que  leurs 
-'  1-  '  Mts  leur  tombaient  jusqu'au  milieu  des  jambes  qui  étaient 
"  couvertes  ainsi  que  les  pieds  d'étotle  rouge  ou  jaune  ;  qu'au 
<'  reste  on  ne  savait  pas  de  quoi  leur  habillement  était  fait,  parce 
"  que  l'on  n'avait  jamais  pu  en  tuer  aucun,  leurs  armes  faisant 
"  un  grand  bruit  et  un  grand  feu;  qu'ils  se  retiraient  cependant 
"  quand  ils  voyaient  plus  d  hommes  rouges  armés  qu'ils  n'é- 
«  taient,  qu'alors  ils  se  mettaient  à  couvert  dans  leurs  pirogues 
«  (sans  doute  une  barque.  Le  Page  où  ils  étaient  quelquefois 
"  trente  et  jamais  plus.  On  ajoute  que  ces  étrangers  venaient  d'où 
>'  le  soleil  se  couche  pour  chercher  sur  la  côte  un  bois  jaune  et 
"  puant  et  qui  teint  en  beau  jaune,  (lomme  je  dis  que  j'avais  vu 
"  des  armes  à  feu  et  que  je  n'en  avais  point  peur,  ces  peuples 
>■  m'invitèrent  à  aller  avec  eux  en  me  disant  que  ces  deux  nations 
"  étaient  sur  le  chemin  que  je  devais  tenir  pour  aller  au  pays 
■'  d'où  nous  sommes  sortis,  je  leur  répondis  que  mon  cœur 
■  trouvait  bon  que  j  allasse  avec  eux.  J'avais  faim  de  voir  ces 
"  hommes  barbus  qui  ne  devaient  ressembler  ni  aux  Français, 
"  ni  aux  Anglais,  ni  aux  Espagnols  que  j'avais  vus,  qui  tous  se 
"  coupent  la  barbe  et  sont  ditléremment  vêtus.  Lorsque  le 
"  temps  fut  venu,  je  partis  avec  les  guerriers,  et  nous marchà- 
"  mes  cinq  grandes  journées.   Nous  attendîmes   les  hommes 


I.  Ccti  sj  jMSat  au  canmciKciiiciU  Ju  x\iir  aicilc. 


r:r  m-:  i.kck  nvii.iSATiON 


23 


barbus  pendant  dix-sept  jours,  au  bout  desquels  on  les  vit 
paraître  dans  deux  grandes  pirogues,  et  ils  vinrent  se  placer 
I  entre  deux  rochers  où  ils  s'occupèrent  d'abord  à  remplir  des 
vaisseaux  de  bois  pareils  à  ceux  où  les  Français  mettent  l'eau 
I  de  feu   eau-de-vie  .  Ce  ne  lut  que  le  quatrième  jour  qu'ils  al- 
i  lèrent  tous  à  terre  couper  du  bois.  On  lit  contre  eux  ce  que 
j'avais  conseillé.  Cependant  on  n'en  put  tuer  que  onze.  Le 
reste  s'enluit  avec  leurs  pirogues  sur  la  grande  eau.  Nous  al- 
lâmes ensuite  examiner    les    morts  qui  nous  restaient.  Ils 
étaient  plus  petits  que  nous  ne  sommes  et  fort  blancs.   Ils 
avaient  la  tète  grosse  et  le  corps  assez  gros  pour  la  hauteur. 
Leurs  cheveux  n'étaient  longs  que  vers  le  milieu  de  la  tète. 
Us  ne   portaient    point    de    chapeau   comme   nous  autres, 
mais  leur  tète  est  entortillée  de  beaucoup  d'étoiles.  Leurs  ha- 
bits n'étaient  ni  de  laine  ni  d'écorce  Me  soie  ,  mais  de  quel- 
que chose  de  semblable  à  nos  vieilles  chemises  sans  doute  en 
coton;  très  doux  et  de  différentes  couleurs.  Ce  qui  couvrait 
leurs  jambes  et  leurs  pieds  était  d'une  seule  pièce.  Je  voulus 
essayer  une  de  ces  chaussures,  mais  mon  pied  ne  put  jamais 
y  entrer.  Toutes  les  nations  qui  s'étaient  assemblées  en  ce 
lieu  se  partagèrent  leurs  habillements,  leurs  barbes  et  leurs 
chevelures.  De  ces  onze  qui  aval  .-nt  été  tués,  deux  seulement 
avaient  des  armes  à  feUj  de  la  poudre  et  des  balles.  Quoique 
je  ne  connusse  pas  alors  les  fusils  aussi  bien  qu'à  présent,  je 
voulus  éprouver  ceux-ci,  et  je  trouvai  qu'ils  ne  tuaient  point 
aussi  bien  que  les  nôtres.  Us  étaient  beacoup  moins  légers. 
La  poudre  était   mêlée  de  grosse,  de  moyenne  et  de  fine; 
mais  la  grosse  était  en  plus  grande  quantité.  Je  ne  pensai 
plus  ensuite  qu'à  continuer  mon  voyage.  Je  me  joignis  à  ceux 
qui  habitaient  plus  avant  sur  cette  île  vers  le  couchant,  et  nous 
marchâmes  tous  ensemble  en  suivant  à  peu  près  la  côte  de  la 
grande  eau  qui  va  droit  entre  le  froid  et  le  couchant.  Quand 
je  tus  arrivé  dans  cette  nation,  je  remarquai  que  les  jours 
étaient  beaucoup  plus  longs  que  chez  nous  et  les  nuits  très 
courtes.  Les  vieillards  m'apprirent  qu'il  était  inutile  que  j'en- 


24 


i)i:  i.oiuCiiNi:  i)i:s-  indikns  dc  nouvi:ai;-moni)I 


"  treprisse  d'aller  plus  loin.  Us  me  dirent  que  la  côte  s'étendait 
<•  encore  beaucoup  entri-  le  IroiJ  el  le  couchant,  qu'elle  tournait 
«1  ensuite  tout  court  au  couchant,  et  qu'enfin  elle  était  coupée 
"  par  la  grande  eau  directement  du  chaud  au  troid.  1.  un  d'eux 
"  ajouta  qu  étant  jeune  il  avait  connu  un  homme  très  vieux  qui 
"  avait  \u  cette  terre  a\ant  que  la  grande  eau  l'ait  mangée, 
"  qui  allait  bien  loin  et  que,  dans  le  temps  que  la  grande  eau 
"  était  basse  dans  les  basses  marées  ,  il  paraît  dans  l'eau  des 
«  rochers  à  la  place  où  était  cette  terre.  Tous  ensemble  me  dé- 
"  tournèrent  donc  d'entreprendre  ce  voyage,  parce  qu'ils  m'as- 
«  surèrent  que  le  pays  était  rude  et  troid,  sans  gibier  et,  [vu- 
"  conséquent,  sans  habitants,  et  ils  me  conseillèrent  de  repren- 
"  dre  le  chemin  de  mon  pays  '.  " 

(Cherchons  maintenant  quels  pouvaient  être  ces  hommes 
blancs  et  barbus  qui  venaient  sm-  les  côtes  du  nord-ouest  du 
continent  s'approvisionner  de  bois  de  campéche.  I,  endroit  dont 
il  est  question,  où  abordèrent  les  deux  pirogues,  devait  être  à 
5o  ou  Go  lieues  au  nord  de  l'embouchure  de  la  (^olumbia.  Les 
habits  tombant  jusqu  au  milieu  des  jambes, en  coton  et  de  dillé- 
rentes  couleurs,  la  coill'ure  en  torme  de  turban,  les  bottes  d'une 
seule  pièce  en  étoile  ou  en  cuir,  les  armes  à  feu,  lourdes  et  d'une 
laible  portée,  la  poudre  grossière,  la  manière  de  porter  les  che- 
veux en  nicuds  au  sommet  de  la  tète  ou  en  queue,  la  tète  assez 
grosse  et  le  corps  assez  gros  pour  la  hauteur,  tout  indique  un 
peuple  de  race  mongole  de  l'Asie  septentrionale,  ou  chinois, 
ou  japonais,  ou  coréen,  ou  des  îles  de  \'ézo  qui,  tous  habillés, 
coiffés  à  peu  près  de  cette  manière,  avaient  un  type  analogue  et 
des  fusils  de  cette  sorte.  Il  n\\'  a  que  la  barbe  tombant  sur  la 
poitrine  et  le  teint  blanc  qui  peuvent  embarrasser  sur  le  pays 
véritable  d'où  venaient  ces  étrangers,  et  il  faut  trouver  une 
population  réunissant  ce  double  caractère  d'un  teint  blanc,  ou 
tout  au  moins  pouvant  être  regardé  comme  tel  par  un  i'cau- 


I.  Celle  description  convient  à  la  descriptiou  générale  des  côtes  uord-ouest  du  conti- 
nent cl  à  la  presqu'île  d'Alaska. 


i:r  1)1-:  i.v.ih  civii.isaiion 


25 


Kougc,  et  d  une  barbe  bien  lournic.  Or,  parmi  les  |X)pulations 
de  ces  régions,  trois  n'étaient  point  inférieures  aux  Européens, 
au  point  de  vue  du  système  pileux,  les  Ainos,  les  habitants  des 
îles  Lieoukieou  et  les  (>oréens.  Les  Ainos,  refoulés  aujourd'hui 
dans  les  iles  septentrionales  de  l'Archipel  japonais,  dans  les 
Kouriles  et  le  Saghalien,  ont  occupé  jadis  incontestableivienl 
une  aire  beaucoup  plus  étendue  et  en  particulier  peut-être  le 
Japon,  sinon  tout  entier,  du  moins  une  partie,  suivant  les  tra- 
ditions historiques  les  plus  anciennes  de  cet  Arclii[iel  qui  mon- 
trent Zin-Mou,  le  l'ondateur  de  l'empire,  partant  de  Kiou  Siou, 
nie  la  plus  occidentale,  pour  aller  combattre  et  subjuguer  les 
peuples  à  1  orient  de  la  Chine  nommés  Mo/in,  c  est-ù-dire 
hommes  velus. 

Il  n'y  a  pas  plus  de  deu.x  siècles,  d  après  les  récits  des  Espa- 
gnols, vivait  dans  les  contrées  avoisinant  le  lac  Salé  un  peu- 
j-ile  nomme  .Mo/enlec.  barbu,  agriculteur  et  pasteur  de  bisons. 
Les  Jl'a/v'.  réduits  aujourd'hui  à  quelques  milliers  de  pécheurs 
répandus  sur  les  côtes  des  lagunes  voisines  de  la  Aille  de 
'l'ehuantepec,  racontaient  que  leurs  ancêtres  étaient  venus  par 
mer  du  nord-ouest.  Ces  ]Vaù't\\u'\  étaient  barbus  et  dont  la  lan- 
gue ressemblait  à  celle  des  Ainos,  étaient  probablement  des 
descendants  des  Atsoumai  ^■ebi  qui,  sous  le  règne  de  Kakosemo, 
envahirent  le  .lapon  vers  l'an  k^o  ap.  ,1,-C,  Il  a  toujours  existe 
une  tradition  d  après  laquelle  des  nations  venaient  autrefois 
d'une  région  doutre-mer  pour  commercer  aux  ports  de 
Coatlaco  et  de  Pechingue,  non  loin  de 'l'ehuantepec  '. 

Rien  n'était  plus  facile,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
pour  les  Ainos  que  de  gagner  la  presqu'île  d'Alaska  dans  leurs 
barques,  sans  perdre  la  terre  de  vue  plus  de  quarante-huit 
heures. 


1.  Dans  un  ouvra-e  iiilitulO  Aperçu  f;c,ià\il  des  trois  royaumes,  les  habitants  des  ilcs 
de  Yezo,  à  une  ccrlaim;  époque,  entretenaient  un  commerce  suivi  avec  les  îles  Kouriles 
et  le  Kouroumouk  (Kamtscliatkai;  ils  allaient  jusqu'aux  iles  Aléoutiennes  pour  capturer 
des  loutres  de  mer.  On  a  rem.irqué  aussi  que  les  habitants  de  ces  iles  avaient  les 
mêmes  habitudes  que  ceu.\  de  la  presqu  ile  d'Alaska. 


■J() 


1)1     1,  OKIdlM     nl-;S   INDIKNS   t)r    NOIVI  Al-MONDr- 


Nous  rclrouvons  cgalemcnt  aux  ilcs  l.icou  tchou  des  hom- 
mes barbus.  P>asil  Hall  '  qui  visita  cette  terre  eu  i8i(")  dit,  en 
parlant  des  indii;ènes  :  ■  Leur  chevelure  qui  est  d'un  noir  lui- 
sant est  rasée  sur  le  crâne.  Mais  la  place  nue  est  cachée  par 
leur  manière  de  réunir  leurs  cheveux  en  na'ud  au  sommet  de 
la  tète:,  ils  laissent  croître  leur  barbe,  qu'ils  tiennent  très  propre 
et  très  souple.  -  De  leur  côté,  M.M.  Fah  et  (jrecn,  qui  faisaient 
partie  de  Texpédition  américaine  sous  les  ordres  du  C^ommo- 
dorc  Percy,  parlant  du  système  pileux  des  habitants  des 
Lieou-tchou  racontent  que  dès  leur  jeunesse,  ils  ont  une  riche 
barbe  très  noire  qui,  chez  les  vieillards,  devient  aussi  blanche 
que  la  neige.  D'après  Basil  Hall,  leur  habillement  se  rapproche 
beaucoup  de  celui  des  étrangers  qu'a  rencontr<'S  Moncatch  Apé. 
«  Les  classes  inférieures  se  roulent  autour  de  la  tète  une  étotl'e 
de  couleur  qu'ils  appellent  s^ulac;  sur  le  corps,  ils  portent  un 
léger  vêtement  de  coton.  Leur  taille  est  plutôt  basse  qu'éle- 
vée.   » 

()uant  aux  armes  à  ieu,  comme  ces  populations  étaient  en 
rapport,  depuis  des  siècle.:,  avec  la  Chine  et  le  .lapon,  on  ne 
peut  supposer  qu'elles  soient  restées  dans  l'ignorance  à  cet 
égard.  La  qualité  de  la  poudre  et  la  lourdeur  des  fusils  indi- 
quent une  fabrique  japonaise  ou  chinoise. 

(^)uoi  qu'il  en  soit,  ce  lait,  extrêmement  curieux,  prouve  non- 
seulement  qu'antérieurement  à  l'époque  où  les  Européens  ont 
connu  cette  partie  des  côtes  de  l'Amérique  du  Nord,  l'embou- 
chure de  la  Columbia  et  les  plages  voisines  étaient  fréquen- 
tées par  une  population  asiatique  habitant  quelque  point  peu 
éloigné,  mais  montre  également  comment  le  peuplement  du 
Nouveau-Monde  a  pu  s'opérer  par  le  détroit  de  Behring,  ou 
par  mer  le  long  de  la  côte  du  nordoucst  de  TAmérique. 

On  s'est  demandé  si  les  (.;hinois  et  les  .laponais,  ou  du  moins 
leurs  gouvernements,  avaient  connu  le  Nouveau-Monde,  avant 
l'arrivée  des  Espagnols.  Nous  en  doutons,  parce  qu'ils  auraient 


1.  Hibliiilhc.jHc  uiiiversclli.-  l'i's  rawiircs.    t.  l..\l,  y.  70. 


I  r  Dr  IKLK  nVII.ISATION 


27 


Lontinuc  à  eiilrclcnir  Jcs  relations  avec  les  peuples  de  la  C(')te, 
el  qu'en  tout  cas,  leurs  annales  auraient  été  plus  précises  à  ce 
sujet.  Cependant  on  doit  tenir  compte  des  recherches  de  De 
Guignes,  quand  il  prétend  que  les  Chinois  du  v'  siècle  de  notre 
ère  se  rendaient  jusqu'au  l-'ou  sang,  situé  à  20,000  lieues  de 
Tahan  Kanitschatkal.  l^lus  tard,  dans  son  Histoire  des  Iluns,  il 
répète  qu'une  immense  contrée  appelée  Fou  sang,  située  à 
l'orient  de  la  (Miine,  lut  colonisée  par  cinq  prêtres  de  Samar- 
kand. Il  en  est  de  même  d'une  curieuse  notice  qu'on  trou\e 
dans  le  ]Va-KaH-San-'.ai-dliou-ye  (Grande  encyclopédie  japonaisej 
sur  lel'\)usang.  "  Cetterégion.  est  située,  à  l'est  de 'l'ahan  Koue, 
à  une  distance  d'environ  20,000  ly  à  l'est,  suivant  l'autorité 
de  'long  Sicu  II  y  croit  un  grand  nombre  de  iow^an^ (hibiscus 
rasa  Siiieiisisi  dont  les  l'euilles  ressemblent  à  l'arbre  Tong.  Les 
habitants  possèdent  une  écriture,  élèvent  des  cerfs  comme  des 
bœuls,  se  font  une  boisson  avec  du  lait  j  ils  ne  se  servent  pas 
du  fer,  mais  du  cuivre.  > 

Kn  attendant  que  cette  question  soit  résolue,  tout  autorise  à 
supposer  que  le  Xouveau-Monde  a  été  peuplé,  à  une  époque 
qu'il  est  ditticile  de  déterminer,  par  des  colonies  de  race  mon- 
gole venues  soit  par  le  détroit  de  Behring,  soit  par  les  iles 
Aléoutiennes,  et  que  si  ce  peuplement  ne  s'est  pas  etlectué 
plus  tôt,  c'est  que  les  climats  glacés  du  nord  de  l'Amérique 
n'otl'raient  rien  de  bien  attrayant  pour  des  Asiatiques;  c'est  ce 
qui  explique  aussi  pourquoi,  d'après  les  traditions,  au  vu' siè- 
cle de  notre  ère,  il  n'y  avait  encore  en  Amérique  qu'un  petit 
nombre  de  tribus  sauvages,  se  couvrant  de  peaux  de  bctes, 
vivant  de  la  chasse  et  de  la  pèche,  n'ayant  pour  demeures  que 
des  grottes  ou  des  cavernes  souterraines. 


28 


i>i:  r.  uKKiiM-;  i)i:s  im)Ii.ns  dt  noivi;\i -mo.ndi 


OHlGINh  1)1-   I.ACIVILIS.XTION 


DU  NOLVKAl-MONDi; 


'l'cllt-'s  ctaicnt  oos  tribus,  quand  ahordcrcnt  à  la  pointe 
d'Alaska  '  scpi  barques  ou  navires  montes  par  des  étrangers 
que  i^uidait  un  prêtre  porteur  de  leur  Dieu. 

«  Ils  étaient  venus  \  disaient-ils,  à  la  recherche  du  paradis 
terrestre  '  Tamoauchau  .  C'étaient  des  f^ens  de  bonne  apparence, 
bien  vêtus  d'habits  lonj^s  d'étoile  noire,  comme  des  sou- 
tanes, ouverts  par  devant,  mais  sans  capuchon,  au  col  échan- 
cré,  aux  manches  courtes  et  larges  n'arrivant  pas  aux  coudes, 
comme  les  vêtements  dont  les  indigènes  usent  encore  dans  leurs 
ballets,  crétaient  des  gens  parfaitement  entendus,  habiles,  de 
beaucoup  d'ordre  et  d'industrie.  Ils  travaillaient  l'or  et  l'ar- 
gent, étaient  des  artistes,  grands  lapidaires  par  dessus  tout, 
très  experts  autant  pour  les  choses  délicates  que  pour  pro- 
duire ce  qui  était  nécessaire  à  la  sustension  de  Thommo  et 
pour  rompre  et  cultiver  la  terre.  L^n  sorte  que  partout  où 
ils    arrivèrent  on   les   tenait   en   grande   estime,  leur  taisant 


I.  A  l'égard  de  l'oiigine  de  ceux  qui,  les  premiers,  civilisèrent  ces  contrées,  les  rela- 
tions disent  qu'ils  arrivèrent  sur  sept  navires,  ce  qui  a  fait  croire  qu'ils  étaient  sortis 
d'un  endroit  nommé  Chicomoztoc ,  les  "  sept  grottes  ».  Ils  étaient  conduits  par  ur  prêtre 
qui  portait  son  Dieu  et  le  leur,  qu'ils  consultaient  chaque  fois  qu'ils  entreprenaient 
quelque  chose  iSagahun). 

.:.   Torqucmada,  Muiiaïq.  liid.,  liv.  III,  ch.  vit. 


ET  I)F  LEUR  CIVILISATION 


89 


beaucoup  d'honneur.  Quelques-uns  se  peignaient  le  corps 
el  mangeaient  de  la  chair  humaine.  Leur  chef  était  un  per- 
sonnuge  considérable,  du  nom  de  (Jiietc^al-co/iiial/  le  ser- 
pent oiseau  ,  homme  de  bonne  mine,  rond,  de  visage  blanc  et 
barbu,  au.\  cheveux  longs  et  noirs  suivant  les  uns,  blonds  sui- 
vant d  autres,  et  dont  la  robe  était  parsemée  de  petites  croix 
de  couleur  rouge.  » 

(Juels  pouvaient  être  ces  étrangers;  de  quels  pays  venaient- 
ils.'  De  l'autre  côté  de  la  mer,  répondent  le  l'opol  vuh  '  livre 
sacré  des  (^uitchés  ,  ainsi  que  les  manuscrits  Kakchiquel , 
Nahualt,  l'/utohil,  etc.,  du  pays  de  l'ombre  ((lamuhibali,  de  là 
où  le  soleil  se  lève,  de  l'heureuse  région  de  Tulan  Zuiva  ou 
C^lhiwM,  dont  les  tribus,  dans  leurs  migrations,  chantaient  les 
grandeurs  et  les  délices,  enfin  de  Hue  Hue  Tlapalaii  la  terre 
rouge  des  Hue  Hue  anciens,  anciens. 

Ainsi  la  patrie  d'origine  de  ces  étrangers  est  désignée  on  ne 
peut  plus  clairement,  et  nous  nous  demandons  comment  on 
n'a  pas  découvert  plus  tôt  où  elle  était  située.  On  n'avait  ce- 
pendant qu'à  lire  le  Xcud  Avesla  el  on  y  aurait  vu  que,  d'a- 
près la  doctrine  de  Zoroastre,  'l'uran,  le  pays  des  nomades  au 
nord  où  régnait  Atrasiab,  était  1  image  de  l'empire  de  l'ombre, 
gouverné  dans  l'ordre  idéal  par  Ahriman,  tandis  qu'Iran,  l'em- 
pire ae  la  lumière  sous  le  sceptre  de  (uistap,  représentait 
l'empire  d'Ormu/d.   '    (domine  l'uran  est  au   nord,   l'empire 


I.  l.c  Popol  vuh  (livre  national  Jcs  Ouitchcs)  est  l.i  rcpioduction  partielle  Ju  7'to 
amoxtii  livv  sacré  îles  Tohèqnes.  L'original  Jii  Puful  vuh  a  été  brûlé  par  les  moines 
espagnols  et  ret'.iit  de  mémoire  p;ir  un  prinee  de  la  lamillc  régnante  déchue  des 
Ouitchés,  quelque  temps  après  la  conquête.  Lhi  prêtre  espagnol,  Francisco  Ximénès, 
l'ayant  découvert  dans  les  dernières  années  du  xmi"  siècle,  à  quelques  lieues  au  sud  de 
Santa  Cruz  de  Quitché,  essaya  de  le  traduire  en  espagtiol,  mais  ne  parvint  quVi  laire 
un  travail  peu  compréhensible  el  incomplet  que  l'abbé  Hrasscur  de  lîourbourg  a  cor- 
rigé et  qui,  passant  par  ses  mams,  est  devenu  la  traduction  tiJèle  ilu  manuscrit  (juitché. 
Le  Pofol  vuh  contient  un  recueil  d'annales  historiques,  d'autant  plus  intéressantes 
qu'elles  sont  confirmées  par  d'autres  manuscrits  qu'on  possède  en  langues  nahualt,  el 
kakchiquel,  tous  se  complétant  les  uns  par  les  autres  et  remplissent  plus  ou  moins 
les  lacunes  qu'on  y  trouve.  C'est  en  étudiant  le  Popol  vuh  et  .n  l'interprétant  avec 
l'aide  d'Indiens  quilchés  parlant  l'espagnol,  que  nous  sommes  arrivé  à  découvrir  l'ori- 
gine des  Indiens  et  de  leur  civilisation. 


H) 


i)i:  I.  oiUdiNi-:  i)i:s  indii.ns  dc  ndl'VK.mi-mondi: 


dAhriman  est  do  mcmc  placé  vers  le  nord.  De  là  viennent 
les  dvii's  qui  ont  accablé  de  maux  Iran  et  l'en  accablent  en- 
core. Ciomme  les  habitants  de  ces  réf^ions  mènent  u  le  vie 
errante  et  nuisent  à  leurs  voisins  par  des  invasions  continuel- 
les, ainsi  les  cieivs  sortent  du  pays  de  l'ombre,  et  cherchent 
à  taire  du  mal.  Mais  de  même  qu  Ahriman  sera  un  jour 
vaincu  et  son  règne  aboli,  de  même  la  puissance  des  princes 
touraniens  sera  renversée.  " 
l.a  parole  de  Zoroastre  dominera  et  l'on  verra  renaître 
«  l'âge  d'or  de  Djemschid  ".  [Xeiui-Avcsla,  t.  h',  pp.  i26-i(3o. 
Le  pays  de  l'ombre  était  donc  Tiiiwi  ou  Turan-Chiwa.  Vo- 
tan,  dans  un  ouvrage  dont  des  Iragments  ont  été  conservés  par 
Ordone/,  dit  clairement  qu'il  est  de  la  race  des  Serpents  (Cha- 
nes;,  et  que  son  pays  d'origine  ét-nt  le  Chiivim  ou  le  Chiwan, 
le  même  que  'l'uran.  Le  Khanat  deîChiwa  existe  encore  et  fai- 
sait autrefois  partie  du  Choaresm  ou  Kharism,  appelé  par  le 
Popol  vuh  Hue-hue  Tlapalan  :  la  terre  rouge  des  Hue-hue. 

Ce  peuple  a  joué  un  rôle  important  dans  l'histoire  de  cette 
partie  de  l'Asie. 

Le  Tong-Kien-Kang-Mou  (//w/o/Ve^tvaVii/t' Wt'  la  Chine  en 
parle  souvent  et  raconte  ainsi  la  fin  du  royaume  de  Choa- 
resm. 

".  P]n  Tan  1222,  Tamoudgin  '(îengis-Khan)  divisa  sa  grande 
«  armée  en  trois  corps  dont  il  confia  le  commandement  à  ses 
"  trois  fils  :  Giagatai,  Oktay  et  Touly.  Oktay  s'empara  de  la  ville 
-<  dOtrar  après  un  siège  de  cinq  mois.  (îiagatai  pritOrkandjc  et 
M  Hcnaket,  Tamoudgin  se  rendit  maître  de  Balkh  et  mit  le  siège 
"  devant  '1  alkan  qui  résista  sept  grands  mois.  Lnfin  cette  place 
"  étant  tombée  entre  ses  mains,  ainsi  que  Boukhara  et  Samar- 
■<  kand,  la  grande  armée  pénétra  dans  le  royaume  des  Hue  hue 
«  dont  le  roi  s'enfuit  et  alla  mourir  dans  une  île  de  la  mer  Cas- 
<-  pienne.  Le  général  Suputai  Sabutai  Bahadour^  fit  main  basse 
'<  sur  les  trésors,  les  pierres  précieuses,  les  vases  d'argent  et  les 
"  envoya  à  FEmpereur.  »  Le  roi  des  Hue  hue,  d'après  Thistoire, 
«  se  nommait  Mohamed  (JiMhbeJin,  surnomméChoarcsm-Shali, 


I- )•  ni-  i,i:i;i<  civilisation 


:u 


..  (HsdcTagash-Khan,  le  sixième  siillaii  do  la  dynastie  des  Clio- 
'.  riismicns.  H  avait  reçu  de  ses  sujets  le  surnom  d'Iskender 
"  Thani 'Alexandre  II  .  Lorsqu'il  lut  attaqué  par  (Jengis-Klian, 
«  son  royaume  comprenait  le  Choaresm,  la  Iransoxiane,  le 
"  Khoraçan,  l'iraque  i'ersique,  le  royaume  de  (ja/nali  et  la  (,'a- 
I.  ramanie.  Il  lut  le  dernici-  ic>i  du  ('hoaresm  qui  resta  en  la  pos- 
>.  session  des  successeurs  de  Gcngis-Kan  jusqu'à  l'arrivée  de  Ti- 
'.  mour.  »  Les  Hue  hue  étaient  les  méme;>  que  les  (^horasmiens 
dont  le  nom  très  ancien  est  écrit  en  caractères  cunéiformes  sur 
plusieurs  monuments  de  Persépolis.  Dans  l'énumération  des 
contrées  d'Iran  et  de  Turan,  Hérodote  donne  à  leur  pays  les 
noms  de  (^horasmia,  Choaresm,  C^hovaresm.  L'inscription 
que  '  Darius  lit  graver  sur  les  rochers  de  Héhistan,  mentionne 
parmi  les  provinces  soumises  au  sceptre  du  grand  roi,  la 
seizième,  Urarismia,  l'Uvarasmis  de  Nash-i-rusten,  Quairizao  en 
Bactrien.  Suivant  M.  Girard  de  Rialle,  dans  son  Mémoire  sur 
l  Asie  cenfralc,  ce  mol  viendrait  du  néo-perse  hhiiar,  médiocre, 
qu'exprime  aussi  choarem,  autrement  terre  déserte,  que  Bur- 
noul,  d'un  autre  côté,  appelle  terre  à  fourrages. 

Nous  croyons,  à  notre  tour^  que  celte  expression  prononcée 
également  khuaresm  ou  kharism,  provient  de  la  racine  /,/•  qui, 
en  sanscrit,  veut  dire/h/rt-,  ai-iv,  d'où  sont  sortis  les  mots  de 
kara,  acte  de  la  guerre,  hwiu,  guerrier,  soldat,  et  les  noms  de 
peuples  tels  que  les  Carias,  les  Caraïbes,  les  Galihis,  les  Guaranis. 
Les  Cares  de  l'antiquité  s'appelaient  eux-mêmes  les  braves^  les 
hommes  par  excellence.  Gara,  chez  les  Turcomans,  signilie  : 
excellents,  vaillants,  puissants. 

Khare.sm  ou  Khoaresm  était  donc  le  pc?ys  des  Gares,  braves, 
guerriers,  ou  des  Hue  hue  (anciens,  anciens  ,  appartenant  tous  à 
la  famille  touranienne  ou  scythe.  Le  nom  de  Tlapalan  donné  à 
cette  contrée,  convient  au  sol  khivien,  formé  d'une  terre  argi- 
leuse, rougeàtre.   Le   Popol  vuh  ajoute   que  c'était  une  terre 


I.  La  silualion  géographique  des  (lliorasmions  n'a  pas  change  ilcpuis  Darius.  Ils  cul- 
tivaient déjà  les  rivages  plantureux  et  le  riche  delta  de  l'Oxus,  coinme  le  t'ont  encore  les 
ladiiks,  agriculteurs  du   Kliaresm  ou  Ivlianat  de  Khiva. 


32 


l)l';  I.  ORIGINK  DES   INDIKNS  DU   NOUVRAU-MONDP: 


d'abondance  '  où  les  calebasses  sont  énormes  et  qui  est  ar- 
rosée par  un  lleuve  impétueux  (l'Oxusj,  roulant  ses  ondes  au 
milieu  de  rochers  amoncelés,  et  par  plusieurs  rivières  très 
boueuses  'L'  Sir-Daria   '. 

D'après  la  chronologie  mexicaine,  l'origine  des  Hue  hue  re- 
monterait à  plus  de  l^joooans  avant  l'ère  chrétienne.  Des  écri- 
vains, frappés  de  l'analogie  qu'otlrent  au  premier  abord  diver- 
ses peintures  indigènes  avec  l'histoire  mosa'i'que,  prétendent  que 
cet  événement  eut  lieu  5oo  ans  après  le  déluge  universel.  (Jes 
Hue  hue  anciens  anciens  ,  seraient-ils  donc  la  souche  des  Aryas, 
dont  plusieurs  auteurs  ont  1;-.  ;  le  berceau,  soit  dans  la  Bac- 
triane  ',  soit  dans  la  région  qui  s'étend  depuis  le  Turkestan  jus- 
qu'au golfe  Persique  et  de  l'indus  à  la  mer  Caspienne?  Ce  qui  est 
certain,  c'est  que,  d'après  Hérodote,  ils  portaient  dans  l'armée 
de  Xcrxès  l'arc  de  Alédie  et  le  costume  Bactrien.  En  outre,  on 
sait  que  quand  Alexandre  de  Macédoine  poursui^'it  les  débris 
de  l'armée  Perse,  la  Chorasmie  s'était  déclarée  indépendante 
depuis  quelque  temps  déjà  ;  son  prince  national  Pharasmanes  lit 
sa  soumission  au  conquérant  grec.  Le  nom  de  ce  roi, d'une  forme 
absolument  iranienne,  indique  que  1  élément  arven  avait  con- 
ser\'é  sa  prépondérance  sur  le  bas  Oxus,  et  démontre  oue  la 
séparation  de  ce  pays  d'avec  le  grand  empire  de  Suse  et  de 
!-ersépolis,  n'était  autre  chose  que  le  résultat  d'un  énergique 
courant  d'idées  dans  le  sens  de  l'autonomie,  et  non  le  soulève- 
ment d'une  race  étrangère  re|M-enanl  ses  droits  méconnus  par 
ce  conquérant. 

(}uant  à  la  division  des  .Ar\as  en  iraniens  et  touraniens  ou 


1.  Les  melons  Je  Khiva  sont  connus  par  lour  ginsscair. 

.:.  Le  Sir-Dariii,  ancien  laxarte  qni  coule  de  l'est  à  l'ouest  et  se  )eltc  dans  le  lac  Aial. 

>.  l")ans  l'Histoire  de  KhotAm,  il'Ab^l  de  Rémusat,  se  trouve  ce  passade  ;  «  A  partir 
ae  Khaotchan  (Khotani)  en  allant  vers  l'cjuest,  tous  les  t-ens  de  ces  pays  ont  les  \eii\ 
enfoncés  et  le  ne/  proéminent.  11  n'y  a  que  les  habitants  de  ces  pays  Khotam),  dont  l.i 
tigurc  ne  soit  pas  très  étrange  et  ressemble  beaucoup  'i  celles  des  habitants  de  la  Chine.  > 
Cette  observation  positive  est  une  des  plus  importantes,  en  luisant  de  Klioiani  la  limite 
des  races  mongoliques  et  des  races  ;i  tvpe  caucasique.  Shaw,  dais  sa  \'isit  ta  higlt 
T^vtM-y,  est  du  même  avis 


Ci 


Fr  OF  LKVH  CIVILISATION 


33 


Scythes,  les  premières  annales  de  l'Inde,  dépouillées  de  leurs 
tables  et  interprétées  dans  leurs  allégories,  nous  ont  appris  que 
les  noms  d'Iran  et  de  l'uran  comprenaient  l'antique  division 
des  montagnes  et  des  plaines  de  cette  partie  de  l'Asie,  habitée 
par  la  race  aryenne  ou  indo-perse.  On  appelait  iraniens,  tous 
ceux  qui.  dans  cette  région,  avaient  des  demeures  fixes,  par 
rapport  aux  '  louraniens  ou  Scythes,  pasteurs  ou  nomades 
aussi  avancés  que  les  premiers  et  préiérant  la  plaine  à  la  mon- 
tagne. 

Les  Iraniens  ou  Perses,  et  les  louraniens  ou  Scythes,  d'a- 
près Ammien  Marcellin,  étaient  le  même  peuple.  Les  Mèdes, 
souvent  mêlés  dans  les  expéditions  et  l'hi-stoire  des  Scythes 
primitifs,  étaient  Iraniens,  de  plus  {.rande  industrie  et  plus 
amis  de  la  vie  sédentaire.  Mais  les  Iraniens  établis  dans  les 
villes  où  ils  prenaient  le  nom  de  Zendes,  ne  dédaignaient  pas 
celui  de  Scythes  qui  remontait  à  la  plus  haute  antiquité.  Les 
rois  pasteurs  de  l'Egypte  n'étaient  autres  que  des  Scythes  '. 
Champollion  a  lu  mille  l'ois  le  nom  de  Shoto,  donné  comme 
épithète  insultante,  par  les  vaincus  convertis  en  vainqueurs. 
Les  peintures  qui  ornent  les  palais  et  les  tombeaux  des  rois 
de  Thèbes  montrent  des  portraits  très  ressemblants  de  peuples 
Scythes  au  teint  blanc,  avec  des  cheveux  châtains  ou  rouges  . 
Les  grands  bas-reliefs  de  Médine  Abu  représentent  les  Cara- 
maniens  et  les  Gédrosiens,  la  tète  couverte  d'une  peau  de  che- 
val. Djemschid,  nom  royal  et  national,  est  rapporté  par  Eugène 
Burnouf  à  Yama-Shacta,  le  Sc)the  brillant.  Si  Ton  consulte 
le.'^:  ouvrages  chinois,  on  verra,  d'autre  part,  dans  le  I-Lviu;- 
che-saii-/x\:o,  que   le  pays  ancestorial  des  Hue  hue  était  situé 


I.  Le  111,111  de  touranicn  vient  liu  livre  des  Rois  de  l'erdaiiie;  celui  de  Scythe,  SIiuUj, 
Skolotos,  nomades,  pasteur.s,  avait  été  donné  à  ces  peuples  à  cause  de  leurs  habitudes. 

i.  Joseph  donne  aux  rois  pas'.eurs  le  nom  de  UicUsos  qui,  prononcé  i\  l'orientale 
comprend  le  nom  des  Scythes  Shoto. 

3.  L'histoire  nous  apprend  aussi  (Diodore,  liv.  I,  p.  3b  ,  que  les  Perses  sous  Cambj'se, 
après  la  conquête  de  l'J^yptc,  tirent  venir  des  architectes  de  ce  pays  pour  élever  des 
palais  à  Suse,  à  l'kbaiane  et  que  la  domination  perse  en  Egypte  a  duré  t3i  ans. 


34  1)1-:   I-'ORIGINK  in:S  INDlf'NS  I.l'   NOLVKAL'-MONDK 

à  Test  de  l'ancien  royaume  du  '.'.'atsin  et  a  formé  le  royaume 
nommé  Po-cul-sia  ou  l\io-lze  (Perse^. 

Il  A  la  crise  linale  c[ui  renversa  l'empire  romain  d  Occident, 
a  dit  un  de  nos  historiens,  tous  ces  peuples  venus  des  régions 
qui  avoisincnt  la  mer  Caspienne,  formaient  une  chaîne  non  in- 
terrompue de  rindus  et  du  Gange  jusqu'aux  rives  de  la  Ikilti- 
que  et  du  Belour-Tagh  jusqu'à  Tarchipel  Britannique,  présen- 
tant, à  l'exception  de  quelques  Mongols  et  Huns  qui  avaient 
suivi  le  mouvemeut,  les  mêmes  caractères  physiques  généraux 
et  parlant  la  même  langue  avec  des  dialectes  dilférents.  » 
C'est  de  cette  langue  que  sont  sortis,  comme  d'une  souche 
commune,  le  /end,  le  sanscrit,  le  persan,  le  grec,  le  latin,  le 
teutonique,  le  slavon,  le  lithuanien,  le  nahualt,  le  maya,  le 
quitchua  ou  aymara,  etc. 

Ainsi  ce  sont  bien  les  Aryens,  Iraniens,  Perses,  'i'ouraniens, 
Scythes,  qui,  partis  du  même  point  et  poussés  par  une  volonté 
supérieure  à  la  leur,  ont  porté  à  toutes  les  nations  non  éclairées 
le  tîambeau  de  la  vieille  civilisation  asiatique  '.  Qu'y  a-t-il 
d'étonnant  après  cela  qu'une  colonie  de  celte  même  famille  ait 
été  choisie  par  la  providence  pour  remplir  un  rôle  analogue 
auprès  des  tribus  sauvages  du  Nouveau-Monde  7 

Laissant  de  côté  l'histoire  des  Hue  Hue  ou  Chorasmiens,  qui 
nous  entraînerait  trop  loin,  nous  dirons  seulement  que,  vers 
l'an  65o,  la  plupart  d'entre  eux  turent  obligés  de  quitter  leur 
pays  quand  le  calife  Othman,  après  avoir  battu  et  renversé  de 
son  trône  le  malheureux  Ye/degerd,  voulut  imposer  la  loi  de 
l'Islam  à  tous  les  sectateurs  de  Zoroastre. 

I^endant  que  les  Parsis  se  réfugiaient  dans  les  contrées  mon- 
tagneuses de  la  Perse,  dans  le  Kerman,  le  Guzerath,  un  certam 
nombre  de  Hue  hue  profitèrent  des  facilités  de  communica- 


I.  Ce  sont  les  Aiyons  qui  oiM  vaincu  et  civilisé  les  pi;u;i|cs  Je  race  mongole.  Les 
premiers  habitants  île  'liule  de  race  noire  ou  négroiJc  .|ui  se  rapprochaient  du  type 
éthiopien,  avaient  été  obligés  de  se  soumettre.  Plusieurs  siècles  avant  les  Védas,  les 
Aryens  avaient  fondé  des  villes  populeuses  dans  l'Inde.  C'est  ce  qui  explique  les  nom- 
breux rapports  e.\istant  entre  les  races  peisane.  inditauc  et  américaine. 


FT  DP.  LEUR  CIVILISATION 


35 


tion  '  établies  déjà  à  cette  époi^juc  entre  l'Arabie,  la  Perse  et  la 
Chine  pour  se  rendre  à  Canton  où  ils  bâtirent,  vers  le  milieu 
du  XV'  siècle,  les  premiers  temples  de  la  religion  du  génie  du 
teu  Ho-chin-kiao-sze  ou  Po-sze-kiao-sze  (temples  de  la  religion 
persane;. 

Leur  nombre  ne  tarda  pas  à  s'accroître  et,  au  ix'=  siècle,  ils 
étaient  répandus  dans  tout  l'empire,  si  l'on  doit  ajouter  foi  aux 
récits  des  voyageurs  arabes  Wabah  et  Abusaid.  Les  raisons 
qui  les  ont  obligés  à  émigrer  et  à  quitter  la  mère-patrie  sont 
exposées  par  les  manuscrits  qu'on  a  trouvés  depuis  la  con- 
quête '.  -'  Ce  qu'on  distingue  au  milieu  de  leurs  plaintes,  disent 
ces  manuscrits,  ce  sont  des  guerres  terribles  causées  par  l'op- 
pression et  la  tyrannie.  Des  nations  :  j  rassemblent  avec  les 
chefs,  venant  de  l'Occident  et  de  l'Orient.  On  en  voit  d'autres 
qui  descendent  des  régions  plus  lointaines  du  septentrion.  Les 
unes  arrivent  pour  imposer  leur  Dieu,  les  autres  pour  oll'rir 
leurs  bras  et  prendre  part  au  combat.  Plusieurs  peuples  sont 
mis  sous  le  joug.  Quelques-uns  trouvent  le  moyen  de  fuir.  Ils 
s'échappent  avec  les  chefs,  qui,  pour  les  animer,  leur  montrent 
au  d'ilà  des  mers  une  patrie  où  ils  cesseront  d'être  esclaves. 
<'  Partons,  mes  enfants,  disaient  les  chefs,  les  pères  et  les  mères 
aux  treize  divisions  des  sept  villes  et  aux  treize  divisions  des 
guerriers.  Par  delà  les  mers,  nous  trouverons  une  autre  pa- 
trie. Ils  se  mirent  en  route  et  arrivèrent  sur  le  bord  de  la  mer 


r.  Los  relations  commerciales  ciuic  les  peuples  de  l'Asie  et  de  la  (^lii ne  ont  commence 
sous  la  dynastie  des  Tsin.  Les  empereui's  Iliao-yucn-ly  et  lliao-liing-ty  (de  i5l  a  170  ap. 
J.-C.)  reçurent  des  piéseiits  que  le  monarque  de  l'Inde  et  l'empereur  romain  leur  en- 
voyèrent par  la  mer  Orientale;  l'histoire  rapporte  que  sous  Houîn-ty  (iiif)  ap.  J.-C.) 
des  ambassadeurs  de  l'empereur  Antun  arrivèrent  par  mer  dans  le  royaume  du  Milieu; 
ces  relations  ont  continué  sous  les  dynasties  suivantes.  Sous  les  Léang,  de  55i  à  55-,  et 
sous  le  règne  de  Kao-tsin,  les  jonques  chinoises  se  rendaient  en  grand  noinbre  à  l'ile  de 
Ccylan  et  dans  les  ports  de  l'Inde.  Au  commencement  de  la  dynastie  des  Tang,  G18  ap. 
J.C  ,  le  commerce  entre  la  Chine,  l'Arabie  et  la  Perse  prit  une  e.xtension  considérable. 
Pour  aller  de  la  Chine  à  l'entrée  du  gollè  Pcrsique,  on  ne  mettait  pas  plus  d'un  an  et 
((uelques  jours  (aller  et  retour; ,  quelques-unes  des  jonques  qui  taisaient  ce  trajet  por- 
taient jusqu'à  400  tonnes. 

;.   Manuscrit  KaUchiquel  de  l'ccp.in  Atitlan,  etc. 


M') 


1)1.  l.'ORI'-.iNi:  Iii:S  INDIENS  l)i;  NOfVEAU-MONDK 


OÙ  ils  restèrent  quelque  temps  avant  de  s'embarquer,  craignant 
sans  cesse  de  voir  se  lever  sur  leurs  tètes  Tèpèe  sanglante  de 
leurs  tarouches  persécuteurs.   " 

11  est  probable  que  c"est  une  colonie  de  ces  Hue  hue,  ou 
Cares,  établie  dans  le  nord  de  la  Chine  qui,  pour  tuir  quelque 
persécution  locale,  gagna  le  .lapon  d'où  elle  s'embarqua  sur  des 
jonques  et,  guidée  par  des  pécheurs  de  l'ile  de  Yé/o  habitués  à 
naviguer  jusqu'au  Kamstchalka  et  aux  îles  du  Renard,  débar- 
qua à  la  presqu'île  d'Alaska  à  la  lin  de  l'hiver,  après  une  tra- 
versée des  plus  pénibles  que  rappelle  un  manuscrit  Kakchi- 
quel    : 

..  Ils  arrivèrent,  dit  le  mémoire  de  Tecpan-Atitlan,  après  un 
vovage  pénible  au  îiiilieu  .le  rocs  amoncelés  sur  la  mer  des  gla- 
ces;. Quand  ils  turent  débarqués,  ils  n  avaient  pour  toute  nourri- 
ture qu'une  gorgée  d'eau  à  boire  et  un  peu  île  mais  '  à  manger.  » 
Les  traditions  ajoutent  qu'en  touchant  au  rivage,  ils  se  réuni- 
rent sur  une  montagne  voisine  qui  reçut  d'eux  le  nom  de  Chi- 
pi/ab  lieu  du  mandat  ou  du  conseil  .  La  joie  qu'ils  éprouvèrent 
en  revoyant  la  terre  lut  (.ij  courte  durée.  La  misère  et  les  cha- 
grins les  attendaient  sur  c;  sol  nouveau.  Ils  étaient  dans  le 
froid  et  I  obscurité,  dépourvus  d'aliments,  sans  savoir  de  quel 
côté  i's  dirigeraient  leurs  pas.  "  Les  pages  qui  suivent  parlent 
Iréquemment  de  cette  obscurité  et  de  cette  nuit  si  prolongée, 
qu'ils  trouvèrent  non  seulement  pendant  la  traversée,  mais  en- 
core un  certain  temps  après  leur  débarquement.  «  Pendant 
qu'ils  étaient  avec  '  urs  dieux  sur  la  montagne  de  Chipizab,  les 
quatre  sacriiicateurs  jeûnaient  continuellement  durant  les  veil- 
lées de  cette  long-itc  uni/  des  régions  boréales  '.  Ils  étaient  tris- 
tes et  sans  aucune  consolation.  C'est  alors  que  leur  dieu,  par 
la  voix  de  leur  chef,  parla.  -  Partons,  leur  dit-il.  Qu'avons-nous 
besoin  de  rester  davantage  en  ce  lieu?  11  est  temps  de  gagner 


1.  Ce  maisav.Tit  dû  ctro  apporte  avec  eux,  car  le  mais  ne  pousse  pas  par   une  latitude 
aussi  élevée. 

2.  Cette  longue  nuit  permet  de  reconnaître  les  régions  où  Ils  abordèrent,  et  l'époque 
de  l'année  où  lU  tirent  leur  tiaversée  et  débar.|uèrent. 


KT  DE  LF.LR  CIVrLlSATlON  'Sj 

d  autres  régions  meilleures;  car  voici  que  la  lumière  approche 
lia  fin  de  l'hiver).  Malheur  à  nous,  si  Tennemi  nous  voit,  s'il 
nous  t'ait  captits  dans  ces  murs  où  vous  nous  tenez,  vous  autres 
sijcrilicateursl  Ils  partirent  alors  et,  pour  ne  pas  perdre  leurs 
dieux,  ils  les  cachèrent  dans  les  bois  et  les  fondrières.  Quelque 
temps  après  le  soleil  reparut,  les  animaux,  grands  et  petits^ 
furent  remplis  d'allégresse.  Tous  sortirent  des  rivières  et  des 
ravins;  montant  jusqu'à  la  cîme  des  montagnes  et  tournant  la 
tète  du  côté  d'où  venait  le  soleil  ils  firent  entendre  leurs  chants 
et  leurs  cris  de  bonheur.  Le  premier  qui  chanta  lut  l'oiseau 
quetzal.  C  était  une  joie  universelle  dans  la  nature;  tout  ce 
qui  pouvait  voler  déployait  ses  ailes,  l'aigle  et  le  milan 
ainsi  que  tous  les  oiseaux  grands  et  petits.  La  surface  de  la 
terre  commença  à  se  sécher  par  l'action  du  soleil.  Jusqu'alors 
tout  était  humide  et  fangeux.  Mais  sa  chaleur  était  faible  et  il 
ne  fit  que  se  montrer  lorsqu'il  parut ,  comme  une  image 
dans  un  miroir.  Ce  ne  peut  être  le  même  soleil  qui  luit  au- 
jourd'hui. Ainsi  disent  les  traditions.  »  Les  tribus  étaient 
encore  en  petit  nombre,  ajoute  le  manuscrit.  Mais  ce  fut  là 
qu'elles  commencèrent  leur  premier  établissement  et  qu'elles 
se  multiplièrent.  C'est  aussi  là  qu'ils  se  séparèrent  par  groupes 
parlant  des  dialectes  dillérents.  La  division  ayant  eu  lieu,  les  uns 
allèrent  à  l'Orient  ;  un  grand  nombre  vinrent  de  ce  côté.  Or,  en 
ce  temps-là,  ils  ne  portaient  pour  vêtements  que  des  peaux  de 
bètes  fauves;  car  ils  n'avaient  pas  encore  trouvé  le  moyen  de 
fabriquer  de  bonnes  étoffes,  lis  étaient  pauvres,  dépourvus  de 
tout,  mais  ii»  étaient  aussi  sages  que  savants  (Nahiial)  '.  » 

«  A  la  suite  de  ces  événements,  la  tradition  interrompue  a  perdu 
le  souvenir  des  lieux  par  où  passèrent  les  ancêtres  des  Quitchés, 
et  l'on  ignore  où  ils  fixèrent  leurs  demeures  et  prirent  leurs 
femmes.  On  sait  seulement  que  les  tribus  se  réunirent  peu  à 
peu  et  formèrent  des  sociétés  qui  se  répandirent  partout  '.  » 


1.  .Manu5i.iit  liuiMic  ilc  t.liicliibcatcnansu. 
j.  .Mènii;  maiiuaciii. 


38 


DE  I-ORIGINK  ni:S  INDIENS  DL'   NOUVEAI-MONIM-; 


"  Suivant  les  traditions,  les  ancêtres  des  QuitchOs  appar- 
tenaient à  une  nation  puissante,  établie  dans  une  région  lointaine 
au  delà  des  mers.  Ayant  été  persécutés  par  un  peuple  enva- 
hisseur^  ils  se  décidèrent  à  abandonner  leur  patrie  pour  cher- 
cher au-delà  de  l'Océan  un  retuge  où  ils  seraient  à  l'abri  de  la 
vengeance  et  de  la  tyrannie,  (ne  escadre  composée  d'un  grand 
nombre  de  navires  emporta  les  exilés  aNec  leurs  familles.  Après 
un  long  voyage,  ils  débarquèrent  dans  un  lieu  très  Iroid,  où  les 
nuits  étaient  tort  longues,  et  s'établirent  dans  un  pays  nommé 
Vucub-Pecou\'ucub-Cui\an,  les  sept  grottes  ou  les  sept  ra\ins. 
De  là  ils  se  transportèrent  à  Xeni-Main  sous  le  Grand-(]aïman  , 
où  ils  s'arrêtèrent  dans  des  parages  déserts  qui,  pour  cette  rai- 
son, reçurent  le  nom  de  Tulan.  Là  ils  fondèrent  divers  Etats, 
dont  le  plus  (lorissant  tut  celui  de  Tulan.  Ensuite,  ils  furent 
obligés  de  quitter  cette  nouvelle  patrie  et  quelques-uns  arri- 
vèrent,  après  des  fatigues  et  des  dangers  de  toutes  sortes, 
dans  les  montagnes  de  Quitché  '.  » 

Voilà  à  peu  près  tout  ce  qu'on  sait  jusqu'à  présent  sur  l'his- 
toire de  cette  époque.  Tout  le  reste  est  hypothèse.  Les  pre- 
miers indigènes  qu'ont  rencontrés  les  Touraniens  ont  dû  être 
les  Esquimaux,  dont  les  traditions  ont  conservé  encore  le 
nom  de  Caralit  ou  Garlik,  qu'ils  nomment  leur  fondateur.  Ces 
Esquimaux  devaient  occuper  la  même  région  qu'actuellement. 
Cependant,  des  ustensiles  leur  ayant  appartenu,  retrouvés 
dans  le  Massachusets,  donnent  lieu  de  croire  qu'à  une  cer- 
taine époque  ils  se  .sont  étendus  beaucoup  plus  loin.  On  dit 
même  qu'au  xi*^  siècle,  ils  disputaient  encore  ce  territoire  aux 
Algonquins. 

Il  est  difficile  de  savoir  s'ils  avaient  reçu  des  louraniens 
une  certaine  culture  intellectuelle;  cependant  MAL  de  Hum- 
bold  et  Vater  ont  signalé  dans  les  langages  de  quatre  nations 
appelées  "^'ocualt,  Kolushi,  Lgalcamamutsi  et  Kinautsi  qui  ha- 
bitent les  côtes  et  les  îles  de  la  Californie,  depuis  le  43°  de 

I.  Manuscrit  Zutuhil,  dans  la  chronique  de  San  Francisco  de  Guatemala. 


1; 


1  T  nr.  I.KtR  CIVILISATION 


3o 


latituJc  jusqu'au  60"  où  commencent  les  bourgades  des  p]s- 
quimaux,  de  grandes  atfmitésavec  la  langue  mexicaine.  M.  Va- 
ter,  en  comparant  les  vocabulaires  des  langues  des  Kolushi  et 
des  Ugalcamamutsi  avec  celles  des  Mexicains,  a  trouvé  deux 
cents  mots  désignant  les  mêmes  objets,  et  vingt-six  polysyllabes 
de  la  langue  mexicaine,  qui  ont  une  si  grande  aliinité  qu'ils 
paraissent  dérivés  des  mêmes  racines.  On  a  remarqué  aussi 
que  les  naturels  de  la  côte,  au  nord  de  Xoolka,  montrent  une 
certaine  aptitude  pour  la  sculpture  et  qu'ils  font  usage  des  hié- 
roglyphes-, enlin,  M.  de  Humboldt  a  obser\é  que,  comme 
les  Mexicains,  ils  mesuraient  le  temps  par  des  mois  de  vingt 
jours. 

De  la  baie  d'Hudson  aux  grands  lacs  devaient  s'étendre, 
comme  aujourd'hui  encore,  les  Athnpascas  qui,  émigrant  de  leur 
patrie  primitive,  véritable  terre  damnata  ',  se  sont  répandus 
ensuite  le  long  des  versants  des  IVlontagnes  Rocheuses,  de  l'O- 
régon  et  dans  les  plaines  du  Nouveau-Mexique  sous  le  nom 
d'Apaches,  Xavajas  et  Hiparas,  et  sont  arrivésau  delta  duRio- 
Grande  et  au  golfe  de  Californie  (.es  Algonquins  qui  vivaient 
à  l'orient,  sur  les  bords  de  l'Océan,  disséminés  jusqu'au  cap 
Hatteras,  étaient,  au  temps  de  la  découverte,  seuls  possesseurs 
du  pa)s,  qui  comprend  maintenant  le  Canada  et  les  Etats  de 
l'est  des  Etats-Unis,  au  nord  du  33'  parallèle.  Les  récentes  re- 
cherches des  linguistes  ont  démontré  l'existence  d'un  fond  de 
racines  communes  dans  les  langues  des  Apaches  et  des  Algon- 
quins. D'après  Buschman,  les  Athapaskes,  les  Dakotas,  les 
Soshones,  les  Etes,  les  Comanchcs  parlaient  un  langage  ayant 
beaucoup  d'affinités  avec  le  nahual,  et  tous  ces  peuples,  comme 
nous  le  démontrerons  plus  loin,  suivaient  la  même  religion  et 
avaient  les  mêmes  coutumes  que  les  Mexicains,  Centro-Amé- 
ricains,  Péruviens,  etc. 


I.  La  culture  profitable  du  mais  ne  s'cteiui  pas  .Tu-dclà  du  5o'  degré  tl  à  moins  de 
7  degrés  de  latitude.  La  mo)enne  de  la  température  annuelle  est  au-dessus  de  zéro,  l'agri- 
culture est  impossible.  Les  seules  ressources  consistent  dans  lâchasse  cl  dans  quelques 
produits  de  la  liorc  arctique. 


40 


1)1-    1,  ORIGINE  DFS  INDIKNS  Df   NûrVKAl-MONUI 


Au  milieu  du  pays  occupé  par  les  Alf^onquins,  sur  les  bords 
du  Saint-Laurent  et  des  lacs  Ontario  et  Krie,  vi\'aienl  les  Iro- 
quois  formant  la  conlédération  des  cinq  tribus.  Ils  étaient  plus 
avancés  que  les  Algonquins,  leurs  ennemis,  et  plus  agricul- 
teurs. Au  sud,  dans  les  vallées  isolées  du  i'ennessee  oriental, 
habitaient  les  Chéroquees.  fclntre  les  avant-postes  des  Algon- 
quins, au  sud,  et  le  golfe  du  Mexique  étaient  disséminés  de 
nombreux  clans  parlant  les  dialectes  de  la  langue  chakta  iVlus- 
kokee,  tels  que  les  (llioktanes,  les  Chikosa^vs,  les  Kreeks,  les 
Natchex  de  la  Louisiane,  les  Apalaches,  les  Séminales  de  la 
Floride,  les  Uahee,  les  l'oranquos,  dont  les  langages  se  rap- 
prochaient du  maya. 

Au  nord  de  l'Arkansas,  sur  la  rive  droite  du  Mississipi  jus- 
qu'au lac  de  Michigan,  on  trouvait  les  Dakotas  ou  Sioux,  dans 
le  bassin  supérieur  du  Missouri,  au  nord,  les  Soshones  ser- 
pents, avec  les  l'tes,  les  Comanches,  dans  la  contrée  occupée 
aujourd'hui  par  les  Pieds-Noirs.  Enlin,  dans  le  bassin  de  l'Oré- 
gon,  les  'i'éles-Plates,  les  Nez-Percés. 

Ces  peuples  ou  tribus  avaient  été  en  contact  et  en  commu- 
nication a\cc  les  Touraniens.  Il  est  établi  par  Torquémada  et 
par  Bétancourt  que,  dans  une  marche  faite  par  les  Espagnols, 
en  i6o(),  à  ()00  milles  au  nord-ouest  du  Nouveau-Mexique,  ils 
trouvèrent  de  grands  édifices  et  des  Indiens  qui,  parlant  la  lan- 
gue mexicaine,  leur  dirent  qu'à  quelques  jours  de  marche,  au 
nord,  se  trouvaient  autrefois  le  royaume  deTulhan  '  et  d'autres 
provinces  peuplées  d'où  étaient  sortis  les  premiers  habitants  du 
Mexique. 

il  n'y  a  pas  plus  de  deux  siècles,  d'après  les  récits  des  Espa- 
gnols, dans  les  contrées  voisines  du  lac  Salé  vivait  encore  un 
peuple  nommé  Mo/enlec,  qui  était  barbu,  velu,  agriculteur 
et  pasteur  de  bisons,  il  était  .^ous  la  domination  d'une  noblesse 
considérable,  formant  comme  une  nation  à  part,  qui  s'appe- 


I.  Il  est  probable  que  c'est  là  le  Tolan  ou  région  déserte  ilotit  parle  le  niaïuisciil  Zu- 
tuliil  v|ue  uoiib  a\oiib  cite  plus  haut. 


ET  UK  l.Kl'K  CIVILISATION 


4> 


lait  'laguglauk  et  qui  habitait  des  villes  totalement  inconnues 
aujourd'hui.  A  Utah,  près  du  grand  lac  Salé,  on  voit  sur  les 
rochers  qui  bordent  le  lac,  des  figures  de  grandeur  naturelle 
entaillées  dans  un  granit  bleu,  très  dur,  à  plus  de  9  '"  au-dessus 
du  sol.  Ces  travaux  doivent  remonter  à  une  époque  déjà  re- 
culée. 

Entre  le  lac  Salé  au  nord,  la  Sierra  Nevada  à  le  .-t,  les  Mon- 
tagnes Rocheuses  à  l'ouest  et  le  Rio  Gila  au  sud,  se  trouvent  un 
vaste  désert  et  des  plaines  sablonneuses  qui  n'ont  jamais  dû 
être  habités  par  des  populations  civilisées  Mais  entre  les  Mon- 
tagnes Rocheuses  et  un  rameau  qui  court  parallèlement  du 
nord  au  sud,  coule  le  Rio  Grande  del  Norte  sur  les  bords  du- 
quel, à  partir  de  Santa  Fù,  on  rencontre  de  nombreuses  ruines. 
Les  Soshones  ont  conservé  le  souvenir  dune  grande  nation 
policée  dont  les  monuments  existeraient  encore  dans  les  mon- 
tagnes et  que  des  bouleversements  naturels  auraient  obligé  à 
quitter  cette  contrée.  Lorsque  les  Espagnols  pénétrèrent  dans 
les  régions  montagneuses  qui  portent  aujourd'hui  le  nom  de 
Nouveau-Mexique,  ils  rencontrèrent,  sur  les  bords  du  Rio  Ya- 
qui,  une  nation  à  demi-civilisée  qui  bâtissait  de  grandes  villes 
et  récoltait  d'abondantes  moissons.  Cstte  nation  comprenait 
soixante-dix  bourgades  fortifiées  dans  la  vallée  étroite  que  sil- 
lonne ce  fleuve,  et  à  la  force  des  positions  très  bien  choisies  se 
joignaient  la  hauteur  et  la  solidité  des  maisons  dont  chacune 
formait  une  forteresse.  On  appelait  ce  pays  Cibohi  ou  les  Sept 
Provinces  '.  C'est  là  que  plusieurs  auteurs  ont  placé  Chicomos- 
toc,  les  Sept  Grottes  et  Aztatlan.  Torquémada,  Sagahun  et  d'au- 
tres écrivains  prétendent  que,  suivant  les  peintures  mexicaines 
et  les  documents  historiques  qu  on  possède  ',  Aztatlan  était  la 
capitale  du  pajs  des  Mexicos,  Mec  Scythas  ou  MecScythi,  et 


I.  Immola  csl  II'  même  nom  que  Vuculi  IVi;  nu  Sucub-Coswan  ilu  manuscrit  Zu- 
tuhil. 

^.  Des  auteurs  placent  Aztatlan  Chicomostoc  tantôt  aux  environs  de  Teocolhuacan 
de  Sinaloa,  tantôt  dans  la  basse  Californie;  d'autres  sur  les  bords  du  Rio  Gila  ou  bien 
dans  les  réfiions  les  plus  lointaines  de  l'Aniériquc  du  Nord.  Des  histoires  anciennes 


m 


42 


1)1    I,  OUIGINI    l>t:S  INDIENS   IM"   NOL'VKAl'-MONDK 


était  bâtie  sur  les  bords  du  fleuve  N'aqui.  Herrera  soutient  éga- 
lement qu'on  donnait  le  nom  d'A/.tatlan  au  lleuve  Naqui  qui 
portail  encore  ce  nom  lors  du  passage  de  Nune/  de  (iu/man. 
L'aspect  des  bâtiments  vastes  et  réguliers  indiquait  une  race 
déjà  avancée,  (les  peuples,  d'après  Castaneda,  \i\aient  dans  de 
grandes  salles  creusées  dans  la  terre  et  dont  le  toit  venait  au 
niveau  du  sol.  (tétait  probablement  le  genre  de  demeures  adop- 
tées dans  le  principe  par  les  tribus  et  dont  on  a  découvert  der- 
nièrement des  traces  dans  ces  mêmes  régions.  Au  centre  était 
le  teu  entretenu  par  les  lemmes  dont  les  époux  et  les  lils,  réunis 
en  cet  endroit,  filaient  et  tissaient  le  coton  ou  fabriquaient  les 
outils  et  les  armes.  Le  reste  de  la  maison,  01;  plutôt  de  ce  sou- 
terrain, appartenait  à  l'autre  sexe  qui,  seul  maître,  s'>  livrait 
sans  contrôle  à  ses  j-^ropres  travaux.  Ces  peuples  savaient  tan- 
ner les  peaux  des  bétes  fauves  de  manière  à  les  rendre  aussi 
souples  que  le  linge  le  plus  lin  Us  se  servaient  également  d'é- 
toties  de  coton  parfaitement  tissées,  de  draps  de  laine  qu'ils  re- 
cevaient d'une  province  voisine  plus  septentrionale  nommée 
Totoutcac.  Ils  chaussaient  des  brodequins  de  cuir,  avaient  des 
bijoux  d'or  et  d'argent,  des  pierres  précieuses  bien  taillées,  des 
poteries  vernissées  aussi  remarquables  par  la  forme  que  par  le 
dessin  et  les  couleurs.  Ils  connaissaient,  en  outre,  le  chant  et 
la  musique,  (chaque  bourgade  était  gouvernée  par  un  conseil  de 
vieillards,  et,  en  cas  de  guerre,  un  chef  militaire  prenait  le  com- 
mandement. Leur  religion  était  une  sorte  de  sabéisme  sans  sa- 
crifices sanglants.  Us  parlaient  la  même  langue  et  avaient  les 
mêmes  mœurs  que  les  Mexicains. 

Cet  établissement  a  dû  être  le  premier  qui  fut  fondé  par  les 
immigrants  touraniens.  Plus  tard,  il  s'est  étendu  considérable- 
ment, et,  quand  les  traditions  disent  que  tel  peuple  était  sorti  de 
(Jhicomostoc  ou  d'A/tatlan,  il  est  probable  que  l'on  comprenait 


menlionnciil  un  prince  nomme  Montczuma  qui  auiait  rt'gnii  aux  bords  du  Rio  Gila  sur 
Aztatiaii  Chicomostoc  au  xr  siècle. 

Aztailan  veut  dire  prèi  de  l'eau.  D'.iprès  une  autre  version,  A;!latlan  Cliicomosloc  elait 
la  légion  des  Sept  Grottes  entourées  d'eau  Je  tous  coiés. 


I-.T  DF  I.KUR  CIVILISATION 


43 


SOUS  ce  nom  tout  le  pays  situé  au  nord-ouesl  du  Mexique. 
Kntre  le  Colorado  Chiquito  el  le  RioGila,  la  région  parcourue 
aujourd'iiui  parles  Apaches  est  couverte  de  ruines  de  villes  et 
d'édilices  antiques.  Dans  les  grottes  de  Cosminos,  on  voit  des 
travaux  denihellissenient,  des  statues,  etc.  I^lus  au  nord,  au 
coniluent  du  Kio  Virgen  et  du  Colorado^  vivent  des  tribus  qui 
seraient,  croit-on,  des  descendants  des  habitants  de  Totonteac 
au  nord-ouest  de  Cihola.  Tout  le  pays  est  parsemé  de  ruines. 
Kn  arrivant  sur  les  bords  du  Uio  Gila,  qui  prend  sa  source  dans 
la  montagne  de  Mongolon  et  qui,  après  avoir  parcouru  la  val- 
lée de  Santa  Lucia,  se  d.rige  à  l'orient,  reçoit  le  San  Francisco 
et  va  se  jeter  dans  le  Colorado,  se  trcuivent  également  u  s  restes 
de  villes  qu'il  sera  pendant  longtemps  ditiicile  de  reconnaître  à 
cause  de  la  nature  du  terrain  et  des  peuplades  féroces  qui  habi- 
tent ces  contrées,  (^est  surtout  près  des  sources  du  fleuve  que 
se  présentent  les  débris  les  plus  considérables,  Ce  sont  des  vil- 
les avec  des  maisons  de  pierre  à  plusieurs  étages  et  entourées 
de  fortifications  indiquant  que  toute  cette  région  fut  le  séjour 
d'une  population  nombreuse  et  civilisée.  (^)uelques-uns  de  ces 
édifices,  de  forme  rectangulaire,  rappellent  le  style  des  Casas 
(Grandes  de  Monle/uma  plutôt  que  les  bourgades  de  la  vallée 
du  Rio  del  Norte.  Les  grandes  pierres  qui  ont  servi  à  les  cons- 
truire ont  dû  être  apportées  de  fort  loin.  A  côté  de  ces  ruines, 
il  y  a  des  restes  de  canaux  et  d'autres  travaux  d'irrigation.  Au 
dire  des  indiens,  ce  sont  des  convulsions  de  la  nature  tremble- 
ments de  terre  sans  doute)  qui  ont  contraint  les  habitants  à  les 


1.  Les  tours  jclccs  sur  les  deux  versants  des  .Montagnes  Rocheuses,  les  demeures  que 
nous  voyons  dans  les  Canons  (c'est  le  nom  que  les  Espagnols  ont  donné  aux  gorges 
étroites  du  Colorado  et  de  l'Arezona)  n'excitent  pas  moins  l'étonnement.  1-es  cavités, 
les  aspérités  du  roc  ont  été  creusées,  les  plales-lormes  nivelées.  Les  habitations  souvent 
à  plusieurs  étages,  élevées  à  l'aide  de  quelques  pierres  cpautécs  à  coups  d'autres  pierres 
et  placées  sans  aucune  espèce  de  ciment.  D'autres  t'ois,  notamment  sur  les  rives  du  San 
■luan,  les  ruines  nous  montrent  des  constructions  en  briques  larges  et  épaisses  avec  des 
joints  régulièrement  cimentés.  .V  Astersprung  Colorado,  elles  couvrent  une  superhcic 
de  4^0,000  pieds  carrés,  et  l'on  n'estime  pas  à  moins  de  i,5oo.ooo  m.  cubes  la  quantité 
de  terre  employée  à  leur  construction.  Tout  récemment  encore  un  journal  de  San  Fran- 
cisco, l'Alta  CtxUfomia,  citait  la  découverte  de  plusieurs  villes  incinnucs  jusque  dans  la 


44 


1)1    I.OKlOINi:  l)i:S  INDII'NS  1)1     NOlîVKAU-MONDK 


abaiulonncr.  Au  suJ,  le  long  du  cours  supérieur  du  Uio  ^aqui, 
deux  amas  de  ruines  lort  anciennes  nous  montrent  les  emiMacc- 
ments  où  turent  la  grande  '^)uivira  et  uneautrecité  qui  n'a  pas 
transmis  son  nom  à  Thistoire.  La  grande  (J|uivira  gil  à  l'ouest, 
non  loin  du  massil  montagneux  de  San  Uernardo  qui  marque 
la  limite  commune  de  la  Sonora,  de  Chihualiua  et  d'Arezona. 
Située  par  l^S'de  latitude,  elle  commandait  les  défiles  du  nord. 
Plus  au  sud  par  .U",  une  ville  détendait  le  passage  de  la  Ca- 
nada de  (juadalupe  dans  la  Sierra  Madré  de  Sonora;  enfin^  par 
1^0"  22'  de  latitude  nord  et  1 10"  de  longitude  ouest  de  Paris  se 
trouvaient  Las  Casas  Grandes  de  Malit/in  ou  Monte/uma,  fer- 
mant un  des  pussages  qui  sépare  l'Anahuac  des  contrées  sep- 
tc'itrionalcs.  C'était  un  immense  établissement  agricole,  com- 
prenant des  maisons  isolées  et  toutes  tortillées  sur  un  espace 
de  60  kilomètres  carrés.  Au  sud,  dans  la  province  de  Sinaloa, 
s'élevait  la  cité  importante  de  Teocolhuacan  '  dont,  jusqu'à  pré- 
sent, on  ne  peut  lixer  le  véritable  emplacement,  quoique,  d'a- 
près Las  Cases,  au  temps  de  la  conquête,  c'était  une  ville  encore 
florissante.  Elle  était  ornée  d'un  grand  nombre  de  temples,  de 
tombeaux  superbes  qui  la  faisaient  considérer  comme  la  ville 
sainte  où  les  populations  voisines  se  rendaient  pour  sacrifier  à 
Tetzauh   Ma  déesse   de   l'épouvante  .    Ses   l'eocallis   étaient 


\allcc  Je  Pueblo  Nczo.  au  sud  ilu  Rio  Cila  Arezona.  Maigre  les  ilillicultes  qu'on  éprouve 
à  faire  des  tou'''cs  dans  cette  région  où  les  Pumas,  les  Apaches  sauvages  causent  de 
véritables  dan  trouve  des  poteries,  des  haches,  des  anneaux,  des  perles,  des 

pierres  pou'  mais.  L'historien  Vaca  dit  que  les  demeures  du  Colorado  étaient 

encore  ;a    hn   du    xvi^'   siècle.    (Lcx  yiemicrs   hommes,    marquis   de    Na- 

dailli 

Fo.  ns  ses  Prchisioric  races  of  thc  united  statcs,  dit,  p.  i52,  que,  sur  les  bords 

du  Colorado,  il  n'existe  pas  un  niélre  carié  qui  ne  fournisse  l'évidence  d'une  occupa- 
tion antérieure  par  une  race  totalement  dillérente  des  hordes  nomades  qui  errent  dans 
cette  région  et  en  tout  supérieure  .i  elles. 

I.  Celte  ville  devait  être  située  par  l'è  degrés  dans  la  prosince  de  Sinaloa,  ainsi  que 
l'indique  le  manuscrit  Zutihil  quand  il  dit  que  le  premier  établissement  fut  fondé  sous 
le  grand  Caïman,  c'est-à-dire  le  tiopique  du  Cancer.  —  Une  autre  conlirmalion  de  cette 
supposition,  c'est  que  les  Mayos,  Vaquis,  Tepehuanes  et  autres  tribus  de  ce  dernier 
groupe  formées  en  confédération  \ivaient  dans  la  région  située  entre  les  i'^  et  27  de- 
grés 


r  r  i)i;  urru  civit.iSATiON 


4!) 


scmblahlcs  à  ceux  du   Rio   (Jila  et    du   Nouveau -Mcxuiuc. 

Dans  la  région  4.-'  forme  aujourd'hui  la  (Californie  propre- 
ment dile,  entre  la  Sierra  Nevada  et  la  mer,  on  n'a  pas  re- 
trouvé jusqu'à  présent  de  traces  de  peuple  civilisé.  Les  restes 
de  quelques  trihus  qui  habitent  la  côte  entre  San  Francisco  et 
la  pointe  (loncepcion  ne  ressemblent  pas  aux  autres  tribus. 
bJUes  ont  la  peau  de  teinte  très  toncée,  tirant  sur  le  noir.  Leui 
type  général  se  rapproche  du  malais.  Kl  les  sont,  en  grande  par- 
tie, anthropophages.  I.es  Indiens  qui  viventàune  petite  distance 
dans  l'intérieur  ont  un  tout  autre  type,  de  même  que  ceux  qui 
sont  établis  depuis  le  cap  de  la  Concepcion  jusqu'à  San  Diego 
et  dont  le  type  est  japonais.  C'est  dans  le  comté  de  Santa  Bar- 
bara que  se  trouve  la  tribu  dont  quelques  individus  purent  se 
faire  comprendre  dans  leur  propre  langage  des  membres  de 
l'ambassade  japonaise  qui  vint  à  San  Francisco  en  i8G5.  Plus 
loin,  dans  le  val  de  Ikuidaras,  sur  les  bords  de  la  mer,  près 
du  village  de  Jalisco,  on  a  découvert  deux  établissements 
nommés  Atatonalco  et  Ameca.  Enlin,  sur  les  bords  du  lac  Cha- 
pala,  se  montrent  les  vestiges  d'un  ancien  centre  de  popula- 
tion. 

Si,  pénétrant  ensuite  plus  au  nord-est,  on  cherche  les  traces 
des  peuples  qui  ont  joui  d'une  certaine  civilisation,  on  peut  dire 
qu'on  en  trouve  disséminées  un  peu  partout  ;  telles  que  des 
collines  arlilicielles  nommée"  par  les  Américains  Moiinds,  d'an- 
ciens canaux,  des  tertres  gigantesques,  des  fortifications  en 
pierres,  qui  sont  autant  de  témoignages  éloquents  de  l'exis- 
tence et  de  la  disparition  de  nations  jadis  fiorissantes  habitant 
cette  partie  de  l'Amérique  et  qui,  aujourd'hui,  sont  oubliées  ou 
sont  redevenues  de  sauvages  Peaux-Rouges.  Les  savants  amé- 
ricains qui  s'occupent  de  ces  recherches  si  intéressantes  pour  la 
science,  découvrent  chaque  jour  de  nouvelles  preuves  cons- 
tatant que  les  Comanches,  les  Iroquois,  les  Soshones,  les  Nat- 
chez,  les  tribus  del'Orégon,  etc.,  etc.,  avaient  la  même  religion, 
les  mêmes  mreurs,  les  mêmes  usages,  la  même  langue  que  les 
Mexicains.  Ce  qui  confirme  ce  que  nous  avons  dit  au  sujet  du 


%' 


46 


DK  L  ORIGINF  DES  INDIKNS  DU  NOUVEAU-MONDE 


séjour  parmi  eux  de  la  colonie  touraniemic  venue  des  régions 
avoisinant  la  mer  Caspienne. 

Le  premier  royaume  fondé  par  les  Hue  hue  et  dont  Teo 
Colhuacan  était  la  capitale,  s'appelait,  suivant  -es  traditions, 
Hue  hue  Tlapalan,  en  souvenir  de  la  patrie  perdue,  et  ses  ha- 
bitants Trhue  les  grands  Hué  ou  Hue  hue.  l'eo  Colhuacan  est 
nommée  aussi  Hue  Colhuacan.  D'après  Ixtli!.\ochitl,  les  tribus 
qui  envahirent  VAiiahiiac,  à  la  fin  du  vu"'  .siècle,  sous  les  ordres 
de  la  Couleuvre  blanche  nébuleuse,  étaient  des  tribus  qui  s'é- 
taient révoltées  contre  le  roi  de  Hue  hue  'llapalan,  dont  la  capi- 
tale était  Hue  hue  Xalac,  La  première  ville  que  bâtit  Mixco- 
hualtfut  Hue-hue  Tocan.  Il  est  probable  que  c'est  à  rettc  époque 
que  se  formèrent  les  deux  groupes  distincts  que  Ton  retrouve 
dans  l'histoire  sous  les  noms  de  .Mc.ùcas,  Mec-Scylhi,  'l'oltè- 
ques,  Nahuas,  Aztèques,  (^uitchuas  d'un  côté  et  Caras,  Caris, 
Caraïbes,  Colhuaques,  Mayas,  Aymaras  de  Tauire. 

.\lexicas  ou  Mec-Scythi  ou  Scythi  est  1  ancien  nom  de  ces 
peuples.  Mec  est  la  marque  du  pluriel  en  nahualt  et  indique  la 
filiation  en  maya.  Torquémada  raconte  qui.  lorsque  les  chefs 
Tépanèques  se  présentèrent  au  roi  de  Teneyocan,  ils  se  firent 
reconnaître  comme  do^  ScyHiis  dont  les  ancêtres  étaient  aussi 
illustres  par  la  noblesse  de  leur  race  que  par  leurs  actions  hé- 
roïques. Ces  Scythis,  ajoute  cet  auteur,  venaient  d  Artatlan 
Chicomostocar.    • 

Dans  l'ouvrage  de  Thévenot,  imprimé  à  Paris  en  1644,  à  l'ar- 
ticle Mexique,  p.  47,  sont  jointes  soixante-trois  planches  d'un 
manuscrit  mexicain  trouvé  cl  ]uiblié  par  .Manuel  Purchas,  sa- 
vant théologien  anglais.  La  première  partie  de  ce  manuscrit  a 
rapport  aux  annales  de  l'empire,  à  la  fondation  du  pays  et  au.\ 
conquêtes  des  Mecili  sic  .  Ce  même  nom,  qui  se  trouve  dans  un 
grand  nombre  de  traditions  orales  ou  écrites  et  qui  a  été  donné 
à  l'empire  du  Mexique,  conviendrait  mieux  à  toute  lAmérique 
septentrionale. 

Le  nom  de  '''  Itèques  a  dû  être  donné  au  groupe  des  Mexi- 
cas  après  la  fondation  de  Tula,  Teca  est  la  marque  du  plu- 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


47 


riel  désignant,  cmi  nahuall,  les  habitants  d'une  ville.  Ainsi,  de 
riascala  (ville i,  on  fait  Tlascaltecalt,  habitant  de  l'iascala  au 
singulier  et  'l'Iascaltecall  au  pluriel. 

Nahuas  était  le  nom  de  tous  ceux  qui  parlaient  l'idiome 
nahualt  dont  l'étymologie  vient  de  na  ou  nao;  savoir,  ;;7.ï  en 
sanscrit.  Les  Yaquis,  qui  appartenait  au  même  groupe,  étaient 
des  nomades  ou  des  sacrificateurs,  suivant  le  sens  qu'on  donne 
à  cette  expression,  d'après  le  sanscrit  :  «  Les  Yaquisqui,  depuis, 
s'établirent  là  où  est  Mexico,  «  dit  le  manuscrit  Quitché  de 
Chichiscatenango.  Les  anciens  auteurs  appelaient  le  royaume  de 
Chiquinuila  Pa  Ycujiii  chez  les  \aqui  .  Dans  le  ballet-drame 
Xahot-tun,  le  héros  de  Rabinal,  parlant  de  ses  armes  venues  de 
Mexico,  dit  ma  hache  et  mon  épee  de  Vaqui. 

■'  Alors  ils  se  souvenaient  de  leurs  Irères  qui  étaient  lestés 
loin  derrière  eux,  de  la  nation  des  Yaqui,  que  leur  aurore 
éclaira  dans  ces  contrées,  nommées  aujourd  hui  Mexico  ><  (Po- 

pol  Vll/l). 

11  existe  encore  des  Indiens  ^"aqui  sur  les  versants  occiden- 
taux de  la  Sierra  Madré. 

Les  Aztèques  étaient  des  tribus  du  même  groupe  sorties  d'A/ 
latlan,  dont  nous  parlerons  plus  loin. 

J)ans  le  deuxième  groupe,  qui  se  distingue  du  premier  par  la 
langue,  le  culte,  la  manière  de  bâtir,  les  uKeurs,  I  habitude  de 
détormer  le  crâne  des  nouveaux-nés,  se  trouvent,  en  première 
ligne,  les  Caras  ou  Caris,  Caraïbes  dont  le  nom  rappelle  celui 
des  vaillants  guerriers  du  Kharism,  leur  patrie;  on  les  appe- 
lait aussi  Walknas   nomades). 

Quant  Colhuacan  lut  tonde,  les  populations  appliquèrent  à 
ses  habitants,  qui  appartenaient  à  ce  groupe,  le  nom  de  Col- 
huaques,  Colliuacan  signilie  ou  adoration  du  serpent,  de  Kulh 
adorer  en  Maya  et  en  assyrien.  Kan  'serpent  ou  serpent  re- 
courbé, suivant  l'abbé  Pirasseur,  ou  bien  encore  le  serpent 
divin  en  tzendal.  (Jette  expression  implique  une  idée  du  serpent 
qui,  comme  nous  le  \  errons  plus  loin,  était  un  des  mythes  de 
la  religion  de  ces  peuples.  Dans  le  Vucatan,  les  Colhuas  étaient 


48 


ni'    I.  ORIGINi:  OKS   INOIFNS  nr   NOrVFVl-MONDi: 


nommés  aussi  Chancs  <-  Serpents  •-  et  Palenqué,  Hochan,  Na 
Chan,  ■  la  ville  des  serpents  ".  Volan,  fondateur  de  Palenqué, 
dans  les  t'ngments  historiques  qu'il  a  laissés  sur  l'origine  des 
Indiens,  dit  qu'il  était  de  la  race  des  Surpeitls.  Les  Aymaras 
étaient  aussi  des  Serpents,  de  même  que  la  tribu  des  Soshones. 

Les  peuples  de  ce  groupe  étaient  appelés  également  Mayas 
ou  Mams,  du  nom  de  Maya,  mère  nourricière,  terre  mère, 
donné  par  les  Colhuaques  au  ^'ucatan.  Maya,  comme  nous  le 
verrons  plus  loin  dans  la  religion  de  ces  peuples,  était  la  grand '- 
mère,  l'aïeule  de  toutes  choses,  et  mam.  l'aïeul,  le  grand- 
père. 

Ces  deux  groupes  ',  nahualt  et  maya,  comprenaient  un  grand 
nombre  i^  tribus,  telles  que  les  Olméques,  j'epanèques,  Xica- 
lancas,  Mixtèques,  Tarasque^  etc.,  etc.,  dont  chaque  nom 
avait  une  signilication  particulière. 

En  dehors  de  ces  deux  groupes,  existait  un  troisième  groupe 
formé  des  tribus  de  race  mongole,  telles  que  les  Othomites,  les 
'l'arhumares,  les  'l'épéhuans,  dont  la  langue  était  tout  à  fait 
dillérenle  du  nahualt  et  du  maya. 

Les  Chichimèques  qui  ont  joué  un  rôle  important  dans  l'his- 
toire de  ces  peuples,  représentaient,  à  l'époque  delà  conquête, 
les  peuples  établis  au-delà  des  frontières  septentrionales  du 
Mexique  et  du  Michoacan,  ce  qui  n'excluait  pas  pour  cela  leur 
distinction  en  plusieurs  nations  dillérentes  d'après  les  histo- 
riens espagnols.  Leur  nom  signiliail  :  forts,  robustes.  Chihaam 
ou  chichi,  en  maya,  veut  dire  :  fort.  (Ihih,  en  quitché,  indique  la 
force,  la  violence,  la  puissance.  C  est  le  mé.  v'  sens  que  caribes 
ou  caraïbes.  Kaam,  en  maya,  et  ka,  en  quitché,  e.xpriment  la 
Ibrcc,  la  violence,  la  pui  ance.  (>hichimèques  et  Caraïbes, 
noms  des  Hue  hue,  étaient  synonymes  ;  seulement  le  mol 
de  chichimèques  s'appliquait  plutôt  aux  peuples  du  groupe 
maya   qui  se  divisa-'.'nt  en  (Chichimèques  proprement  dits  et 


I.  (^os  iieux  groupes  devaient  représenter  les  ileux  élcnients  ir.mien  et  t.mranien 
lies  Hue  hue.  Dans  le  Klian;\t  aeluel  de  Khiwa,  on  trouse  encore  les  l'ailplvS  ou  Sartes, 
les  U-diegs  et  les  1  ur^oniana. 


I:T  de  leur  CIVILrSATION 


49 


en  Téo  ou  Teu  Chichimèques  (  Chichimèqucs  nomades). 
Les  quarante  ou  cinquante  premièi  es  années  après  l'arrivée 
des  Hue  hue  (louraniens  furent  consacrées  par  eux  à  ap- 
prendre aux  tribus  encore  sauvages  de  l'Ame.  ,ue  septentrio- 
nale à  se  vêtir,  à  cuire  leurs  aliments,  à  construire  des  demeu- 
res, à  cultiver  le  sol,  à  fabriquer  des  armes  et  des  ustensiles,  à 
élever  des  temples,  à  faire  des  sacnlices,  à  parler  leur  idiome 
et  à  se  servir  de  l'écriture.  D'après  les  traditions,  ils  restèrent 
concentrés  pendant  ce  temps  dans  I  espace  compris  entre  le 
lac  Salé  au  nord,  le  golfe  de  Californie  ou  le  lac  de  Chapala  au 
sud,  les  iMontagnes  Rocheuses  à  lest  et  la  mer  Pacifique  à 
Touest.  C'est  là  que  les  tribus  se  multiiilièrent  ;  quand  la  ruche 
fut  trop  pleine,  les  essaims  s'en  échippèrent,  se  répandant, 
comme  autrefois  les  Aryas  en  Europe  et  en  Asie,  sur  toute  la 
surlace  du  Nouveau-Monde  où  l'histoire,  ainsi  que  les  ruines 
de  monuments  qu'ils  ont  laissés,  permettent  de  suivre  leurs 
traces  depuis  le  rio  Gila  jusqu'à  la  terre  de  l-'eu. 


DO 


1)K  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU   NOUVEAU-MONDE 


DÉVELOPPEMENT  DE  LA  CIVILISATION 


(>c  lui  \crs  liui  (ijo  ou  700  de  notre  ère  que  commença  ce 
^rand  mou\ement  de  mi  ^ration  ^\i\'\  u"a  fini  que  lorsque  tous 
les  peuples  de  1. Amérique  eurent  reçu  les  hases  de  la  civilisa- 
lion  aryenne. 

I,c  premier  essaim   partit   de  (Ihicomostoc,  atteignit,  après 

i'tat   de 


queldues    lours    de    marche 


site    de 


anuco 


Tanaimo  ;   de  la. 


>e  répandant  dans  les   plames   situées  au 


sud -est  de  Durani^o,  il  ^  arrêta  au  \al  de  Suchil  cjccupé  par 
les  Othomites  et  où  se  trouxent  les  ruines  de  la  (^uémada. 
Les  cités  de  'l'eul  et  de  léocalticlii  turent  (ondées.  (Jiuelques 
années  plus  tard ,  un  autre  essaim  ,  compo..é  de  (iolhua- 
ques,  lotonaques,  Olmèques,  (Ihichimèques,  entraînant  avec 
eux  les  Othomites,  se  mirent  en  route  sous  la  direction  de 
Mixcohualt  Ma/at/in  la  tÀ)uleu\re  hlanche;  et  arri\èrent  sur  le 
plateau  de  l'Analuiac  où  ils  hatirent  Culhuacan  qui  devint  la  ca- 
pitale des  (^olliuaques,  Othompan,  celle  des(  Jthomites  et  'l'éoti- 
luiacan,  leur  ville  sacrée.  Mi.xcohualt  prit  alors  le  titre  de  roi 
riatoi 


mi    auc 


juel  il  ajouta  ceux  de  Topilzin  Nauhiotsin.  Sur 
ces  entrefaites,  sur\inreiU  d'autres  tribus  l\u  groupe  naluialt 
.SOUS  les  ordres  de  leur  grand-prétre  Huémac  qui,  après  être 
restées  quelque  temps  à  Tulan  t/.inco,  gaf^nèrent  le  plateau  de 
Xocotitlan  et  établirent  leur  capitale  à  Tulan,  doù  Huémac 
envoya  une  députation  à  Mixcohualt  alin  de  le  prier  de  don- 
ner un  de  ses  lils  pour  101  aux   l'oltèques.  Mixcohualt  ayanl 


F.T  DE  LEUR  CIVILISATION 


.">  I 


consenti,  Chalchuih-Totonac- Tlanctzin  tut  nommé  roi  des  'lol- 
tèques,  et  une  confédération  se  tornui  entre  les  Culliuaques, 
les  'l'oltèques  et  les  Othomites.  Ainsi  commença  le  premier 
empire  mexicain,  quarante  ou  cinquante  ans  ajM'ès  le  départ 
des  Touraniens  de  leur  pays.  La  coïncidence  de  ces  dates  est 
trop  remarquable  pour  ne  pas  Irapj-'cr  tout  d'abord  l'attention. 
En  S73,  l'otepeuh-Xanaliuall,  roi  des 'loltèques,  ayant  été 
assassiné,  Vocualatonac,  roi  des  (Joliiuaques,  en  prolita  p'  ur 
l'aire  décerner  par  les  anciens,  réunis  en  assemblée  solennelle  à 
Colhuacan,  le  titre  ue  métropole  de  la  contédération  à  cette 
dernière  ville  et  pour  prendre  lui-même  celui  de  llatocala- 
hau,  le  premier  des  trois  rois. 

Pendant  que  Huémac  succédait  la  n.émc  année  à  Totepeuh- 
Nanahualt,  Topilt/.in  Ceacalt-Nauyot/.in  (^uetzalcohualt  rem- 
plaçait sur  le  trône  ^'ocualat()nac.  Nous  touchons  à  un  des 
événements  les  plus  importants  de  l'histoire  du  premier  em- 
pire mexicain. 

Dès  que  Topeltzin  Ceacall,  plus  connu  sous  le  nom  de  (^uet/ 
al  Cohualt,  le  Serpent  oiseau  ,  qui  était  son  titre  de  chef  de  la 
religion,  eut  pris  les  rênes  du  gouvernement  de  la  confédéra- 
tion comme  grand-prêtre  de  la  nation,  il  résolut  de  reformer 
le  culte  et  de  l'entourer  de  plus  d'appareil,  tout  en  le  revêlant 
du  voile  de  la  mysticité.  Lorsqu'il  crut  .sa  puissance  suffisam- 
ment allermie,  une  de  ses  premières  mesures  fut  de  prohiber, 
sous  les  peines  les  plus  rigoureuses,  la  coutume  abominable  de 
verser  le  sang  humain  en  l'honneur  de  l'iùre  suprême.  11  donna 
l'ordre  de  purifier  tous  les  temples  et  spécifia  la   qualité  de 
dons  qu'on  pourrait  offrir  sur  les  autels.  C'étaient  des  parfums, 
des  Heurs,  du  pain  de  mais,  des  papillons,  des  fruits  aux  jours 
ordinaires.  Aux  fêtes  solennelles,  il  accorda  qu'on  immolât  un 
lapin,  un  serpent  ou  un  daim,  suivant  la  circonstance.    Telle 
était  l'horreur  qu'il  avait  pour  1  effusion  du  sang,  qu  il  travail- 
lait constamment,  dit  la  tradition,  à  mettre  un  frein  aux  désor- 
dres et  aux  calxiles  qui  enfantent  la  guerre  ;  il  châtiait  avec  ri- 
gueur les  crimes  et  les  délits  capables  d'allumer  la  haine  entre 


.TJ 


m-:  I.  oiuc.iNc  ijis  indikns  di-  noi:vkai:-m()NI)i: 


les  citoyens  ou  les  peuples.  On  rapporte  et  on  assure,  dit  le 
Codex  Chimalpopoca,  qu  il  adressait  ses  prières  au  Dieu  du  ciel, 
représente  par  le  soleil.  11  poussait  de  grands  cris  quand  cet  as- 
tre se  levait;  il  croyait  dans  l'Omeyocan,  les  neui  degrés  du 
ciel  où,  disait-il,  demeuraient  ceux  qu  il  appelait,  priait,  conju- 
rait avec  terveur  et  humilité. 

Pendant  vingt  ans,  les  trois  royaumes  jouirent  de  la  pai.x  et 
prospérèrent;  lorsque  Huemac,  poussé  par  la  noblesse  et  dési- 
reux de  contrebalancer  et  de  .saper  l'inlhience  du  roi  de  Co- 
ihuacan.  organisa  une  secte  à  laquelle  le  nom  de  Tet/catlipoca 
le  Dieu  des  châtiments,  servit  de  ralliement.  Cette  .secte  de- 
manda le  rétablissement  des  sacrifices  humains    et  un  jour, 
sous  prétexte  de  céleb'vr  la  tète  de   leur  dieu,  son  chci  pria 
Quet/al    (Polluait  de    leur  accorder    l'autorisation    d'immoler 
quelques  victimes  humaines.  Ceacalt  (^)uet/al  (:ohualt,se  bou- 
chant les  oreilles  avec  horreur,  déclara  qu'il  avait  trop  d'amour 
pour  ses  sujets  pour  leur  permettre  de  \erser  le  sang  d'un  seul 
homme,  et  redoubla  de  sévérité  envers  les  sectaires  qu'il  pour- 
suivit impitoyablement.   Ces    rigueurs  ne  servirent  qu'à  en- 
flammer leur  zèle  et  à  augmenter  leur  audace,  l-lnlin,  quand 
Huémac  se  crut  assez  Ion  pour  lever  le  masque,  il  pénétra  jus- 
que dans  le  palais  du  roi  de  Colhuacan,  et,  au  nom  du  peuple 
des  trois  royaumes,  lui  signilia  qu'il  était  nécessaire  de  taire 
des  sacrifices  humains  pour  etlrayer  les  ennemis  de  la  conlé- 
dération,  lavertissani  que  son  refus  pourrait  être  sui\i  desjMus 
gra\es  conséquences,  (^uetzal  (!ohualt  ne  répondit  rien  et  se 
disposait  à  prendre  des  mesures  énergiques,  quand  il  apprit 
que  la  plupart  des  villes  toltèques  et  othomites  s'étaient  révol- 
tées et  que  l'on  avait  commencé  à  faire  des  sacrilices  humains 
dans  '1  ulan.  Alor^.,  profondément  découragé  et  dans  le  but  de 
prévenir  la  guerre  civile,  il  préféra  abandonner  les  rênes  du 
gouvernement  et  se  retira.  Quelques  jours  après,  en  8()1<,  il 
quittait  secrètement  Colhuacan.  Dès  que  son  départ  fut  connu, 
un  grand  nombre  de  ses  lidèles  olmèques,  saisissant  leurs  ar- 
mes, coururent  le  rejoindre.  Huémac  songea  un   instant  à  le 


i;t  i>k  i.t:ri<  civilisation 


53 


poLirsuixTo  et  à  le  taire  arrêter;  mais,  redoutanl  son  iiillueiiee, 
ileiivoya  des  é-niissaires  aLiprès  de  lui  pour  le  supjMier  de  re- 
venir dans  son  palais.  (^)uet/al  (^ohualt  leur  (il  réjiondre  qu'il 
avait  une  mission  à  remplir  dans  d'autres  lieux  et  que  le  maître 
des  terres  lointaines,  le  soleil,  le  f^uiderait  là  où  il  devait  aller, 
(Continuant  sa  roule,  il  s'arrêta  quelque  temps  à  (^uautillan. 
d  où  il  f^aj^na  à  petites  journées,  en  lont^eanl  les  montagnes,  les 
vallées  qui  avoisinent  le  l'opocatapelt.  A  peu  de  distance  des 
lacs,  ses  ennemis  le  dépouillèrent  de  ses  lixres  et  obligèrent  les 
artistes  qui  l'accompagnaient,  ainsi  que  sa  suite^  à  retourner 
sur  leurs  pas.  Il  ne  lut  entièrement  à  l'abri  de  leurs  outrages 
que  lorsqu'il  eut  gravi  les  montagnes  qui  séparent  l'yVnahuac 
des  plaines  de  Huet/ilapan.  Les  populations  des  provinces  ol- 
mèques  du  levant  et  du  midi  s'empressèrent  de  venir  au-de- 
vant de  lui,  et,  déposant  à  ses  pieds  leurs  hommages,  lui  oll'ri- 
rent  l'aide  de  leurs  bras  et  tout  ce  qu'elles  possédaient.  Elles  le 
le  supplièrent  en  même  temps  de  rester  parmi  elles.  Quet/al 
Cohualt,  touché  de  tant  de  dévouement,  consentit  à  séjourner 
quelque  temps  dans  cette  ccMitrée  où  s'élevèrent  alors  les  villes 
de  Huetzilapan,  Huetzot/inco,  Chalchiuhhapan,  et  la  cité  célè- 
bre de  Cliolulan,  qu'il  appela  la  ville  de  l'exilé.  Il  traça  de  ses 
propres  mains  la  ligne  de  ses  rues  et  marqua  l'emplacement  de 
la  fameuse  pyramide  dont  les  proportions  gigantesques  t'ont  en- 
core aujourd'hui  l'admiration  des  voyageurs  et  des  archéolo- 
gues. 

Quetzal  Cohualt  profita  de  son  séjour  pour  doter  ces  peu- 
ples de  son  code  de  lois  civiles  et  religieuses.  Cette  époque  tut 
pour  les  Olmèques  Fàge  d'or,  mais  ne  dura,  malheureusement 
l^our  eux,  que  trop  peu  de  temps.  Non  content  de  répandre  ses 
bienfaits  sur  ces  populations  qui  le  considéraient  comme  un 
dieu,  Quetzal  Cohualt  envoya  quelques-uns  de  ses  disciples 
dans  les  provinces  de  la  xMixtèque  et  du  Zapotécan.  La  Mixtè- 
que  ou  le  Mixtecopan  comprenait  la  région  occidentale  de  l'E- 
tat d'Oajaca  jusqu'à  la  mer.  Elle  comprenait  le  haut  et  le  bas 
Mixtecopan. 


54 


ni-:  I,  ORIGINF  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


I.cs  niontat^ncs  du  Mixtccapau  ou  de  la  haute  Mixtèquc 
étaient  habitées  par  des  tribus  qui  vivaient  de  la  chasse  au 
milieu  des  sombres  forêts.  Plus  tard  on  appela  ces  tribus  Mix- 
tcquipei  ou  Mixlecan  'chats  sauvages^,  faisant  allusion  en  même 
temps  à  leurs  mceurs  féroces  et  à  l'àpreté  naturelle  de  leur  pays 
couvert  de  bois  et  entrecoupé  de  précipices  et  de  cavernes  où 
ils  se  retiraient  comme  des  bétes  lauves.  La  basse  Mixtèque 
occupait  principalement  les  bords  de  la  iner  et  avait  pour  ca- 
pitale la  ville  de  Tululepec  ;  à  l'ouest,  était  la  tribu  marchande 
de  Benixono  et,  à  l'est,  vivaient  les  Mixi  qui  s'étendaient  jusqu'à 
l'est  de  'l'ebuantepec.  Les  /apotèques.  les  Wabi,  les  Chontales 
étaient  répandus  jusqu'à  l'océan  Pacilique.  Les  Wabi  venus  de 
Yé/.o)  avaient  été  possesseurs  de  la  province  de  Tehuantepec 
ainsi  que  du  riche  territoire  de  Soconuseo.  Les  Chontales,  de 
leur  côté,  avaient  occupé  toute  la  contrée  qui  s'étend  entre  la 
mer  et  la  chaîne  de  Quyccolan  où  ils  avaient  bâti  la  ville  de 
Xekapa  et  d'où  ils  furent  chassés  par  les  rois  Zapotèques.  Ces 
derniers,  resserrés  d'abord  entre  les  montagnes  de  Wijazoo, 
s'étendirent  ensuite  et  refoulèrent  les  Chontales,  ainsi  que  les 
Wabi,  dans  les  îles  de  Diiic  qui  aloy  ou  lagunes  de  Monapos- 
tiac. 

Les  disciples  de  Quetzal  Cohualt,  après  avoir  franchi  les 
hautes  montagnes  qui  séparent  le  plateau  sur  lequel  ils  s'étaient 
établis  de  la  vallée  d'Oajaca,  s'arrêtèrent  d'abord  au  milieu 
des  sombres  forets  d'Achuitla  où  ils  bâtirent  le  fameux  temple 
de  ce  nom.  Passant  ensuite  dans  le  Mixtecapan  et  le  Zapoteca- 
pan,  ils  traversèrent  le  la.  de  Uualo  et  fondèrent  un  établisse- 
ment au  pied  des  monts  de  Zaquilia,  dans  un  triste  vallon 
connu  depuis  sous  le  nom  de  Yopaa  et  de  Mictla.  Ils  ados- 
sèrent là  au  filanc  des  montagnes  les  grands  édifices  «  dont 
les  voyageurs  admirent  encore  les  ruines  » .  Le  temple  souter- 
rain de  \'apaa  servait  à  la  sépulture  des  rois  du  Zapotecapan. 
Au-dessus  on  avait  édifié  un  palais  dont  les  restes  existent 
encore  au  bourg  de  IVlictla  et  qui  a  été  souvent  décrit.  De 
grandes  dalles,  de  plus  de  deux  pieds  d'épaisseur,  reposant  sur 


FT  DK  Lr:UR  CIVILISATION 


55 


des  piliers  d'une  hauteur  de  3  mètres,  constituaient  le  plafond. 
Au-dessus  était  une  corniche  saillant.;  ornée  d'arabesques,  de 
grecques  dont  lensemble  formait  comme  une  sorte  de  diadème 
placé  sur  le  sommet  de  l'édilice.  I,a  tradition  (.lit  qu'on  donnait 
le  nom  d'enfants  de  (^)uetzal  (.'ohualt  aux  habitants  de  la  Mix- 
tèque  et  du  /apotecapan  '. 

Pendant  que  les  disciples  de  (Jiuct/al  (^ohualt  répandaient 
au  loin  la  civilisation  ,  le  maitre  vénéré  agrandissait  les 
villes  de  iiuetzotzinco  et  de  Tlascalan  où  il  fit  élever  un  tem- 
ple magnilique  en  l'honneur  de  son  père  Camaxtli.  Il  fil  cons- 
truire également  'l'iamacazcola  'la  cité  des  prêtres  ,  destinée 
à  la  célébration  des  mystères  sacrés  et  à  la  réception  des  che- 
valiers des  divers  ordres,  I.e  nombre  des  associations  secrètes 
était  considérable.  Parmi  elles,  il  y  en  a\ait  une  qui  a\ail  pour 
objet  de  veiller  perpétuellement  à  la  garde  du  tombeau  de 
Mixcohuait,  fondateur  de  la  dynastie  des  Colhuaques  dans 
l'Anahuac. 

Les  Colhuaques,  après  le  départ  de  Quetzal  Cohualt,  déses- 
pérant de  le  voir  revenir  parmi  eux,  avaient  nommé  à  sa  place 
(^uetzalaczoyotl,  qui  fut  obligé,  après  avoir  tenté  de  résister, 
d  accepter  la  suprématie  de  Huémac,  roi  des  'l'oltèques,  de- 
\enu  tout  puissant,  (n  grand  nombre  de  Colhuaques  émi- 
grèrent  alors.  Huémac,  enorgueilli  de  ses  succès,  mais  toujours 
préoccupé  de  la  présence  de  Quetzal  (]ohualt  à  Cholulan,  ré- 
solut de  le  contrainre  à  se  soumettre  et  à  abandonner  complète- 
ment ces  contrées.  A  la  tète  d'une  armée  considérable,  il  marcha 
contre  lui.  Les  Olmèques  essayèrent  de  se  défendre,  mais  fu- 
rent vaincus,  la  plupart  de  leurs  villes  saccagées  et  ceux  de 
leurs  habitants  qui  purent  échapper  à  la  mort,  furent  réduits 
en  esclavage  ou  durent  chercher  une  autre  patrie.  Cholulu- 
lan  tenait  encore.  Quetzal  Cohualt,  pour  leur  épargner  les 
horreurs  d'un  siège,  convoqua  auprès  de  la  grande  pyramide 
les  membres  de  la  noblesse  et  du  clergé  et  leur  annonça  sa 


I.  Sagahuii  (//î'.W.  •^eiiCJ\U  de  Lis  C'o.vtJ.s-  de  /ii  Siitra  l.'isyaiiia 


56 


ni,   I.OKlC.INI     l)i;S   INDll'NS   Dr   NOl  \'lAr-MONI)|- 


résolution  Je  se  retirer  momentanément,  leur  promettant  Je 
revenir  dans  des  temps  meilleurs...  Il  partit  le  lendemain 
Ccn  ()'^S  ,  accompat^né  de  quelques  disciples,  se  dirigea  vers 
Ahuilahapam,  contourna  la  montagne  ardente  du  l'oyautecalt 
et  gagna  Cuetlatitlan  terre  des  loups^  aujourd'hui  Cotaita, 
bourgade  de  la  Vera  Cru/,  d'où,  dit-on,  il  s'emharqua  sur  ini 
navire  orné  à  la  poupe  de  serpents  entrelacés. 

Huéniac,  ayant  appris  la  luite  de  son  rival,  marcha  contre 
(Jiolulan  vju'il  réduisit  en  cendres,  puis,  continuant  ses  victoi- 
res soumit  tout  le  pays  et  se  lit  décerner  les  honneurs  de  l'apo- 
théose sous  le  nom  de  'l'et/catlipoca.  iMais  il  ne  jouit  pas 
longtemps  de  son  triomphe.  Une  laction  qui  s'était  tormée 
en  son  absence  dans  l'ulan^  mit  à  sa  place  Mill  ?<auhwtsin 
qui  s  unit  a^ec  (^uet/alac/oyolt,  roi  de  (!olhuacan,  et  tous 
deux  ayant  réuni  leurs  forces  s'avancèrent  contre  liuémac. 
I.-CS  deux  armées  se  rencontrèrent  entre  Colhuacan  et  'l'ez- 
cuco.  Huémac,  vaincu,  disparut  dans  la  mêlée.  Ses  partisans 
publièrent  qu'il  avait  été  transporté  par  le  soleil  au  séjour 
éthéré,  mais  I  histoire  deTczcuco  rapporic  qu'il  mourut,  quel- 
ques années  après  sa  délaite,  près  de  cette  ville  et  qu  il  fut 
enterré  dans  ce  même  lieu,  où  on  lui  érigea  plus  tard  une 
pyramide  avec  un  temple  magnilique  dans  lequel  sa  statue,  re- 
vêtue des  vêtements  et  ornements  de  Tetzcatlicopa,  l'ut  placée 
pour  recevoir  les  hommages  de  la  vénération  des  peuples. 
La  mort  de  Huémac  ne  /it  que  donner  plus  d'élan  au  culte 
sanguinaire  dont  il  avait  été  le  promoteur.  Le  règne  de  Nau- 
hiotsin  qui  dura  soixante  ans,  jusqu'en  (jcjo,  tut  très  brillant. 
Animé  d'un  grand  esprit  de  tolérance,  il  permit  aux  Colhua- 
ques  de  conserver  le  culte  de  Quelzal  Cohualt  et  lit  réparer 
Cholulan  qui  s'érigea  en  république  avec  un  conseil  de  nobles 
et  de  guerriers  choisis  par  le  peuple  et  approuvés  par  le  roi  de 
Tulan.  l'eotihuacan  resta  la  cité  sacrée,  le  lieu  de  réunion  de 
la  noblesse  appelée  à  convoquer  les  tribunaux  qui  étaient  char- 
gés de  juger  en  matière  criminelle.  C'était  là  aussi  qu'on  nom- 
mait les  rois,  qu'on  les  enterrait    et   où  on  sacrifiait  solen- 


Il    l)i:      ilK   CIVILISAI  ION  37 

iK'lIcmcnt  à  rcl/catlip()ca.  (^liolukm  dcviiu  lu  ville  sainte  des 
(^olluiaques  et  lulhan  la  métropole  des  trois  royaumes  : 
(]olluiacaii  conser\a,  de  son  côté,  le  privilège  de  recevoir  le 
jxirlement  formé  des  j-irinces  et  des  délégués  de  la  noblesse 
qui  se  réunissait  chaque  année  pour  discuter  et  régler  les  al- 
laires  de  la  conlédération. 

On  attribue  à  \auliiolsin  I  érection  d'un  temple  célèbre  dé- 
dié à  Maya  Cu^yé,  la  mère  des  dieux,  laïeuK;  du  soleil  et  de  la 
lune,  la  grandmère  dont  le  culte  se  répandit  luirtout;  l'on  croit 
aussi  que  c'est  lui  qui  a  lait  construire  les  monuments  de  Xa- 
liscotepec,  Quaunacuac  (^uernacava  et  Xochicaiccj.  Après  sa 
mort,  il  lut  enterré  sous  les  Noùtes  du  temple  Je  (^halchiuli- 
lieu. 

l.a  reine  Xiuhiat/in  lui  succéda  et  mourut  quatre  ans  ajirès 
son  avènement  au  trcnie,  en  ()(j.(.  Mlle  tut  remplacée  par  son 
lils  Matlacoalt,  qui  régna  ju>^qu"en  1010.  Le  sceptre  passa  en- 
suite entre  les  mains  de 'l'Hcoatsin  qui,  en  io2(j,  désigna  avant 
de  mourir,  pour  prendre  sa  place,  son  tils  Huémac  Atecpone- 
calt,  surnommé  'l'ecpan  Calt/in  ou  i/.tacquautzin. 

()uet/ala\oyot/.in,  roi  deColhuacan,  était  d'autre  part  mort 
en()5l^,  laissant  la  couronne  à  (^halchiuh  llatonae,  qui,  après 
un  règne  de  trente-deux  ans,  en  «jM?,  nomma  pour  lui  succéder 
l'otepeuh-Nauhyolt. 

Le  règne  de  Huémac  II  lut  très  heureux  pendant  les  premiè- 
res années.  Lnnemi  des  sacrifices  humains,  il  fit  ce  qu'il  put 
pour  les  abolir.  La  confédération  prospérait  quand  les  frontiè- 
res du  Nord  lurent  envahies  tout  à  coup  par  des  hordes  Chi- 
chimèques.  Les  vassaux  les  repoussèrent  énergiquement,  puis, 
se  croyant  menacés  dans  leurs  droits  par  Huémac,  les 
appelèrent  à  eux  et  les  enrôlèrent  sous  leurs  drapeaux  contre 
leur  souverain  légitime,  (^ohuanacox  et  Meyoxotun,  deux  sei- 
gneurs qui  gouvernaient  les  provinces  de  Quiahuit/lan  et  de 
Totonïcapan,  ainsi  que  !e  prince  de  Xalisco,  Huetzin  se  décla- 
rèrent indépendants  et  marchèrent  contre  l'ulan.  Battus  à  Coa- 
tepec,  ils  revinrent  à  Xalisco  et  envoyèrent  des  émissaires  dans 


58 


DK  i/oHiGiNF  ni:s  iNnir:NS  ni:  NouvKAU-MONnK 


le  Noid-Ouest  auprès  d'autres  trilnis  cliichimcqucs  qui  accou- 
rurciil  se  mettre  a  leur  disposition.  Iluémac,  ébloui  parla  tor- 
tune  qui  lavait  protégé  jusqu  à  ce  jour,  au  lieu  de  prendre  des 
mesures  pour  mettre  le  pays  à  lahri  des  en\ahisseurs,  s'a- 
bandonna a  toutes  sortes  de  désordres.  C'est  alors  que  des  e,i- 
lamitéssans  nombre  tondirent  sur  la  contédération.  Des  tremb.e- 
ments  de  terre  épouvantables  commencèrent  à  jeter  la  terreur 
parmi  les  populations.  Les  sectaires  de   l'et/catlipoca,  dans  le 
but  d'apaiser  la  colère  de  ce  dieu  auquel  ils  attribuaient  ces 
malheurs,  demandèrent  à  lluémac  l'autorisation  de  lui  otl'rir 
un    sacrilice  e.\piatoire,   et  un   jeune  homme  ùt   immolé  sin* 
lautel.  l.a  tradition  raconte  que,  lo'-sque  le  grand  prêtre  eut 
plongé  son  couteau  d'obsidienne  dans  la  poitrine  de  la  victime, 
il  s'en  exhala  une  odeur  si  tétide  que  les  sacrificateurs  reculè- 
rent d'horreur,  et  que,  lorsqu'on  voulut  enlever  le  cadavre  pour 
le  jv'ter  en  bas  du  temple,  les  prêtres  qui  le  touchèrent  mou- 
rurent asphyxiés.  I.e  lendemain,  la  peste  était  dans  la  ville  et  se 
répandit  dans  toutes  les  provinces.   L'hiver  suivant,  la  gelée 
détruisit   les  plantes   et   les  semailles.  A  ce  froid  excessit  suc- 
céda  un  été  d'une  aridité   sans  exemple.   (]es  lléaux  se  ré- 
pétèrent   plusieurs   années   consécutives,    de   telle   sorte    que 
la  lamine  étant  survenue,  les  habitants  moururent  de  laim  par 
milliers,  semant  les  chemins  de  leurs  cadavres,  qui,  faute  d'être 
enterrés,  occasionnèrent  une  nouvelle  peste.  Quatre  ans  après, 
la  grêle  ravagea  les  moissons  et  la  température  s'abaissa  telle- 
ment, que  les  magueys  eux-mêmes  gelèrent  tous.  Ce  n'est  pas 
tout  ;  des  bandes  de  brigands,  prolitant  de  la  panique  générale, 
pillèrent  les  campagnes  et  les  petites  villes,  répandant  partout 
le  meurtre  et  l'incendie.  I.e  peuple,  désespéré,  se  révolta  dans 
Tulan,  envahit  le  palais  du  roi,  et  le  somma  de  sacrilier  un  de 
ses  enfants  pour  calmer  le  courrou.x  de  l'ctzcatlipoca.  Huémac 
s'enfuit  avec  sa  famille  à  Xochiquel/ahapan  et  de  là  à  Huitzoc, 
d'où  il  revint  dans  la  capitale  et  s'enferma  dans  la  forteresse  de 
Xilococ  qui  dominait  la  ville.  Il  fut  témoin,  pendant  plusieurs 
jours,  des  excès  commis  par  la  multitude,  sans  pouvoir  lesrépri- 


IT  DK  LKUK  CIVILISAI  ION 


59 


mer.  Les  demeures  des  nobles  turent  hrùlées  et  un  grand  nom- 
bre d  entre  eux  sacrifiés  sur  le  sommet  du  temple  par  le  peuple 
en  délire.  (!cs  désordres  durèrent  jusqu'à  ce  qu'une  récolle  un 
peu  abondante  jtermit  de  croire  qu  on  touchait  à  la  (in  de  tJnl 
de  maux,  l'eu  à  peu  les  passions  s'apaisèrent  et  1  luemac  put  re- 
prendre les  rênes  du  gouvernement.  Mais,  peu  de  temps  après, 
découragé  par  suite  de  nouvelles  révoltes  des  vassaux,  il  voulut 
abdiquer  en  laveur  d'un  de  ses  fils  illégitimes,  nommé  Axcitl, 
qu'il  avait  eu  de  la  belle  Quetzaixochilt. 

Dès  que  cette  nouvelle  lut  connue,  un  soulèvement  se  pro- 
duisit et  les  seigneurs  demandèrent  que  Huémac  tïit  déposé  et 
remplacé  par  un  prince  plus  digne  qu'Axcitl.  Les  lactieux,  sai- 
sissant en  même  temps  dans  le  grand  temple  le  prêtre  (^uautli, 
membre  de  la  iamille  royale,  chargé  dt  'entretien  du  feu  sacré, 
le  portèrent  au  sanctuaire  de  Xicococ  et  l'obligèrent  à  recevoir 
l'investiture  royale  et  sacerdotale.  Huémac  lit  alors  des  ouver- 
tures aux  deux  principaux  chefs  de  la  rébellion  qui  consentirent 
à  appuyer  la  nomination  d'AxcitI,  à  la  condition  qu'ils  seraient 
associés  à  la  royauté  et  prendraient  rang  sur  les  marches  du 
trône,  les  premiers  après  Axcitl,  comme  s'ils  tussent  ses  pro- 
pres frères.  Axcitl  lut  proclamé  roi  io:-î(3^  et  Huémac  se  re- 
tira dans  une  ville  de  Tintérieur. 

Au  début  de  son  règne,  Tolpili/in  xvxcitl  se  montra  un  grand 
jM-ince;  mais,  se  laissant  tout  à  coup  dominer  par  les  passions, 
il  ne  tarda  pas  à  se  plonger  dans  livresse  et  la  débauche. 

Nobles  et  peuples  suivirent  l'exemple  du  souverain.  La  pros- 
titution fut  à  son  comble,  et  le  crime  contre  nature  pratiqué 
de  la  manière  la  plus  éhontée.  Les  allaires  de  l'Ltat.  négligées 
entièrement,  tirent  que  quatre  ans  après,  à  la  place  des  lois,  il 
n  y  eut  plus  que  vols,  brigandages,  assassinats  et  licence  hon- 
teuse. Les  princes  du  Nord  et  du  Nord-Est,  renonçant  ouverte- 
ment à  toute  allégeance,  levèrent  l'étendard  de  la  révolte  et 
'Lulan  se  vit  menacée  par  les  forces  de  Hohuetsin,  prince  de 
Xahsco,  de  Xohuaxanit,  prince  de  Quahuitzian,  et  de  Xaitemal, 
autre  vassal  dont  les  Etats  étaient  baignés  par  l'Atlantique.  Ils 


bo 


i)i;  I.  OKUiiM,  bis  INDIENS  i)V  nouvi:au-.\ioni)i: 


ravagèrent  en  quelques  semaines  toute  la  vallée  de  Xocotillan. 
Topilt/in  Axcilt,  au  lieu  de  marcher  contre  eux  à  la  tète  de  :  on 
armée,  leur  envoNa  une  ambassade  avec  de  riches  présents, 
qu'ils  reçurent  axec  dédain,  ils  étaient  depuis  un  certain  temps 
sous  les  murs  de  la  capitale,  quand  tout  à  coup  ils  levèrent 
leurs  camps,  et  regaf^nèrent  à  marches  forcées  leurs  Ktats  qui 
venaient  d'être  enNahis  par  d'autres  hordes  (Iliichimèques. 
Ces  hordes  ,  d'après  les  traditions,  venaient  des  bords  de  la 
mer  ou  des  territoires  parcourus  aujourd'hui  par  les  (x)man- 
ches  et  par  les  Apaches.  Leur  nom  générique  était  chichimè- 
qucs  ;  mais  ceux  dont  les  historiens  ont  conservé  le  souvenir  le 
plus  complet  s'appelaient  l'eotenancas,  de  la  ville  de  l'eote- 
nanco,  qui  appartenait  à  la  province  de  Matlazma,  aux  fron- 
tières du  Michoacan,  et  qui  se  divisaient  en  l'eotenancas,  Axo- 
tecas  et  'leotetzlepictin.  Ils  dévastèrent  en  passant  les  provinces 
de  Matlazinco,  de  Michoacan  où  ils  fondèrent  divers  établis- 
sements et  de  là  se  répandirent  sur  les  rixes  occidentales  des 
lacs  de  l'Anahuac. 

Les  souverains  des  trois  royaumes  deTulhan,  Colhuacan  et 
(Jtompan,  loin  de  songer  à  former  une  ligue  sérieuse  contre 
l'ennemi  commun  qui  avançait  à  grands  pas,  crurent  le  mu- 
ment  favorable  pour  assouvir  les  haines  qu'ils  nourrissaient 
l'un  contre  l'autre  et  appelèrent  à  leur  aide  les  bandes  de  Chi- 
comostoc.  Nauhyolt  II,  roi  de  Tulhuacan,  déclara  alors  la  guerre 
à  Topiltzin  Axcilt,  tut  délait  et  obligé  de  rentrer  en  toute  hâte 
dans  sa  capitale.  Les  Chichimèques  en  profitèrent  pour  gagner 
du  terrain,  détruisant  les  villes  qui  ne  se  soumettaient  pas 
volontairement.  La  panique  s'empara  des  populations  et  la 
grande  migration  dont  parlent  les  chroniques  commença    1040;. 

LesTeotetzlcpictin,  commandés  par  Toleltecalt,  encouragés 
secrètement  par  le  roi  de  Culhuacan,  parvinrent  à  se  rendre 
maîtres  de  la  vallée  de  1  enanco,  après  avoir  écrase  les  trou- 
pes que  Topiltzin  Axcilt  avait  envoyées  contre  eux.  D'un  autre 
côté,  Xalliteutli,  chef  des  Axcotecas,  avait  pénétré  par  trahison 
dans  Tulan  où  il  introduisit  un  nouveau  culte,  celui  d'Acot- 


r;T  DE  LF.UR  CIVILISATION 


6i 


lacatl-Nahuac-teutli.  Les  vassaux  des  trois  royaumes  se  révol- 
tèrent en  grand  nombre  et  la  famine  lut  suivie  de  la  peste 
('047;. 

Sur  ces  entrefaites^  les  Axcotecas,  ayant  perdu  leur  chef,  se 
retirèrent  à  Hue-ya-cocotlan.  Tulan  pouvait  espérer  un  peu 
de  tranquillité  quand  arrivèrent  à  leur  tour  les  Nonohualcas 
que  les  traditions  et  k  j  manuscrits  de  Chihuahua  font  venir 
de  Calmihuar  et  nomment 'i'epehuans  (i).  D'autres  les  appel- 
lent Teo-chichimèques.  Otompan  et  Tetzuco  tombèrent  en  leur 
pouvoir  et  turent  saccagées.  Colhuacan,  leur  ayant  ouvert  ses 
portes,  fut  épargnée.  Le  vieux  roi  Huémac  qui,  depuis  son 
abdication,  vivait  dans  la  retraite,  proposa  à  Topiltzin  Axcilt 
de  marcher  à  la  tète  d'une  partie  de  l'armée  contre  les  enva- 
hisseurs, pendant  qu'il  garderait  la  capitale.  Il  fut  mis  en  dé- 
route sur  les  bords  de  la  rivière  de  Quautitlan.  Axcilt,  déses- 
péré, se  réfugia  à  l'olucan,  après  avoir  mis  le  feu  a  Tulan. 
Huémac,  malgré  son  grand  âge,  ayant  rassemblé  de  nouvelles 
forces,  tenta  le  sort  des  armes.  Il  lut  encore  battu  sur  les  bords 
d'un  des  grands  lacs,  et,  ayant  pu  s'échapper  avec  la  reine 
Quetzalxochilt,  femme  aussi  remarquable  par  sa  beauté  que 
par  son  courage,  tous  doux  se  réfugièrent  à  Chalpultepec  où 
le  roi  ne  tarda  pas  à  mourir  des  suites  de  tant  d'épreuves. 

'l'opiltzin  vVxcilt  se  cacha  dans  une  grotte  de  l'île  de  Xicco  et, 
après  avoir  recommandé  ses  entants  à  un  de  ses  parents 
nommé  Xuihtemal,  traversa  les  j^rovinces  oiméques  et  s'em- 
barqua à  Queyapan.  L'histoire  ajoute  qu  il  fonda  ensuite  un 
nouvel  empire  et  mourut  à  un  âge  très  avancé. 

y\près  la  dernière  bataille  livrée  par  Huémac,  les  Nonohual- 
cas ou  Teo-chichimèques  entrèrent  dans  l'ulan  dont  une  partie 


I.  I.cs  Tcpchuans  s'clendaiont  au  suJ  île  la  'rarluiinarie,  du  Fa)s  des  Vaquis  et  des 
Mayas,  sur  le  revers  oceidenial  de  la  Sierra  Madré  et  jusqu'aux  contins  du  Zapoteeapan,  Les 
l'epeliuans,  parleur  teint  jaune,  leur  pommettes  proe-minentet,,  l'inHcxion  des  yeux  et  le 
Vvilume  de  leur  crâne,  se  rapprochaient  du  type  mongoliquc.  t^eux  ipii  existent  encore 
dans  le  même  lieu  ont  les  cheveu»  'boudants,  plus  fins  que  les  Indiens  voisin-  et  por- 
tent égali.'ment  les  cheveux  tressé?  -■•  la  tête.  On  retrou\e  dans  leur  langue  un  grand 
nombre  de  mots  et  de  racines  de;         ,ues  aryennes. 


62 


Di:  L  ORlCINr  DFS  INDIENS  DU  NOUVEAL-MONDF 


avait  été  brûlée  lors  de  la  tuitc  d  AxcitI,  et  choisirent  pour  roi 
un  prince  toltèque  qui  était  resté  dans  la  ville.  Son  nom  de 
Matlaxochitl  fut  changé  en  celui  de  Huémac  111.  Les  popula- 
tions lui  prêtèrent  serment  de  (idélité,  mais  les  factieux,  tran- 
quilles pendant  quelque  temps,  ne  tardèrent  pas  à  en  venir 
aux  mains.  Huémac  fut  assassiné  par  Xelhua,  chef  des  Nono- 
hualcas,  qui,  craignant  à  son  tour  les  représailles  des  deux  au- 
tres partiSj  sortit  du  pays  avec  les  siens  et ,  après  avoir  tra- 
versé une  partie  du  Michoacan,  gagna  les  régions  tempérées  où 
il  fonda  plusieurs  établissements. 

Après  son  départ,  Ixcicocualt,  chef  dune  des  deux  autres 
factions,  voulut  s'imposer;  mais,  ayant  perdu  un  grand  nombre 
de  ses  plus  fidèles  serviteurs  dans  une  mêlée  qui  eut  lieu  dans 
la  ville,  il  l'abandonna  égalemenv,  et  il  ne  resta  plus  que  ^'aolt 
qui,  ayant  appris  que  d'autres  bandes  chichimèques  appro- 
chaient, partit  à  son  tour,  laissant  la  ville  à  peu  près  déserte. 
L'année  suivante,  les  derniers  habitants  avaient  émigré,  de  telle 
sorte  que  la  végétation  ne  tarda  pas  à  envahir  les  rues.  Col- 
huacan  et  les  autres  villes  des  trois  royaumes  eurent  le  même 
sort.  Ainsi  linit  le  premier  empire  mexicain  vers  l'an  i  loo  ou 
1 1 08  1 1  . 

Le  pays  resta  dépeuplé  pendant  une  dizaine  d'années  d'a- 
près Torquémada.  C'est  alors  qu'on  voit  apparaître  le  nom 
de  Xolotl  'I  ochinteutli.  Suivant  les  annales  du  roi  d'Acolhua- 
can,  il  descendait  des  rois  septentrionaux  qui,  des  cités  de 
Nequamelt  et  de  Naciutz,  dominaient  au  loin  les  vastes  ré- 
gions comprenant  aujourd'hui  le  nouveau  .Mexique  et  la  Sonora, 
et  dont,  dit-on,  la  ville  sainte  était  Téocolhuacan.  Tout  ce 
qu  on  sait  sur  lui,  c'est  que  son  père  Tlacamatzin  avait  deux 
iils  et,  que  quand  il  mourut,  le  peuple  ayant  choisi  son  frère 
pour  roi,  il  résolut  d'émigrer,  emmenant  avec  lui  un  cer- 
tain nombre   de  tribus  toltèques  qui  voulurent  bien  le  sui- 


I.  Suivant  d'auires  histoiicns,  ces  derniers  événements  auraient  eu  lieu  en  iuf)o  ou 
1032.  Dans  ce  cas,  l'ernpire  d'Analiuac  aurait  commencé  beaucoup  plus  tôt.  Nous 
avouons  qu'il  est  bien  dillicile  de  dire  qui  a  raison. 


KT  DR  LRUR  CIVILISATION 


63 


vrc  '.  Le  Mixtecapan  et  le  Zapotecapan,  policés  par  les  envoyés 
de  Quet/.al  Cohualt,  devenaient  de  jour  en  jour  plus  flo- 
rissants. Le  royaume  ibndé  par  Xelliua  et  les  Nonohualcas  , 
après  leur  départ  de  i  ulan,  s'était  considérablement  déve- 
loppé. De  Xacatula  il  s'étendit  d'abord  à  (^ueîzaltepcc  et  peu  à 
peu,  depuis  le  versant  du  Popocatepelt  jusqu'aux  rives  de 
l'Azamacuta.  Tout  permet  de  croire  que  les  rej^ions  fertiles, 
arrosées  par  le  (]oat/alcuaco  et  les  nombreux  embranche- 
ments du 'l'abasco,  désignés  depuis  cette  époque  dans  les  cartes 
mexicaines  sous  le  nom  de  Nonohualco,  virent  surgir  alors 
leurs  principaux  établissements.  Les  Xicalancas  habitaient  près 
de  la  lai^une  de  Xicalanco,  à  l'embouchure  des  fleuves  de  Ta- 
basco,  (À)at/alluaco  et  l^apa-Coapan.  (.iholulan  commençait  à 
renaître  sous  l'administration  de  deux  seigneurs  élus  par  le 
peuple.  Les  princes  de  Michoacan  avaient  cherché  un  abri 
dans  les  iles  du  lac  de  1  e/.cuco  et  y  conservaient  tous  les  élé- 
ments de  la  civilisation  dont  ils  dotèrent  ensuite  ce  royaume. 
Xiutemal,  un  des  lils  de  Huémac,  régnait  à  Colhuacan,  qu'on 
avait  rebâti  et  où  un  grand  nombre  d'exilés  étaient  rentrés,  mais 
les  campagnes  étaient  encore  laissées  à  elles-mêmes.  'J'ulan 
était  toujours  en  ruines.  Dans  le  pays  toltèque  proprement  dit, 
depuis  Textrémité  orientale  de  la  vallée  de  Xocotitlan,  en  des- 
cendant vers  Tulhantzinco  et  Me/.titlan,  les  'l'éochichimèques 
avaient  londé  quelques  établissements.  Sur  les  débris  de 
(loat'ichan  et  de  (]atlexichco,  s'était  établie  une  tribu  nom- 
mée Chichimèque  .\colhua.  D'autres  familles  de  la  même 
tribu  s'étaient  échelonnées,  au  sortir  de  la  vallée  de  Xoco- 
titlan, dans  les  cantons  voisins  de  Payautlan,  de  Chimal- 
cuacan  et  de  l'otonicuacan.  Ln  certain  nombre  d'exilés  de 
Tulan  s'étaient  cachés  dans  les  lagunes  de  l'Anahuac;  enlin, 
la  plupart  des  villes  voyaient  rentrer  les  habitants  dans  leurs 
murs.   L'émigration  a\ait  été  telle  que  les  classes  supérieures 


I.  S'iivant  Ixllil^oclult,  le  picmicr  des  aïKctres  de  Xoloil  qui   léguait  sur  l'Amaque- 
niccan,  lut  Ignauisin  ;  le  dcuxièiiie,  Mocaoquitchli,  et  le  troisième,  Tlamacatzin. 


(H 


l)i:  I.OKUilNR  l)i:S  INDIENS  DU  NOUVRAU-MONDR 


ne  comptaient  pas,  à  cette  époque,  plus  de  cinq  cents  per- 
sonties  élevées  au-dessus  du  ran^'  de  Macehuaies  ou  pro- 
létaires. l/aj,'riculture ,  dans  ces  conditions,  avait,  pour 
ainsi  dire,  disparu  des  vallées.  A  peine  si  l'on  en  apercevait 
quelques  traces  dans  les  savanes  qui  bordaient  les  lacs  aux 
alentours  de  Colhuacan  eî  de  Chalco.  Aussi  les  émissaires  que 
Xolotl  avait  expédiés  pour  reconnaître  le  pays,  lui  rapportèrent- 
ils  que  les  campagnes  ressemblaient  à  un  désert.  Satisfait  de 
cette  information,  Xolotl  se  mit  en  marche  en  1 1  17  suivant  la 
plupart  des  auteurs  ,  et  employa  trois  ans  pour  atteindre  le 
plateau  de  Xocotitlan.  Après  avoir  pris  possession  du  pays, 
voulant  se  rendre  compte  une  seconde  t'ois  de  la  situation  de  la 
contrée  quil  se  proposait  d'occuper,  il  envoya  son  (ils  To- 
pilt/in  à  la  découverte.  Celui-ci,  à  son  retour  en  1 124,  lui  ren- 
dit compte  qu'il  avait  rencontré  les  'J'oltèques  Nonohualcas,  éta- 
blis à  Oajaca,  à  Téohuacan,  sur  le  Coatzalcualco  et  dans  letat 
de  'l'abasco.  Aussitôt  Xolotl,  après  avoir  laissé  dans  Tulan  le 
noyau  d'une  population  nouvelle,  gagna  'l'upan,  et  de  là  le  lac 
Xaltocan  où  il  s'établit  dans  un  iieu  rempli  de  grottes,  qu'il 
nomma  Xotol.  11  réunit  ensuite  les  principaux  chefs  et  il  fut 
décidé  qu'on  se  fixerait  à  Tenayocan  d'où  il  en^■oya  des  émis- 
saire à  Xiuhtemal  pour  lui  faire  des  avances.  Le  roi  de  Colhua- 
can reçut  froidement  les  envoyés  de  Xolotl  et  mourut  peu  de 
temps  après,  ayant  eu  soin  de  désigner  pour  lui  succéder  son 
lilsNauhyotl,  au  détriment  de  son  neveu  Pochoti,  lils  de  To- 
jMlt/.in  Axcilt. 

Sur  ces  entrefaites,  arrivèrent  six  guerriers  colhuaques  qui, 
d'après  Torquémada,  s'étaient  mis  en  route  en  apprenant  les 
conquêtes  de  Xolotl,  désireux  de  lui  offrir  leur  concours,  ils  ne 
parlaient  pas  la  même  langue,  ajoute  cet  historien,  mais  ils  se 
firent  reconnaître  comme  appartenant  à  la  très  noble  famille 
des  .S'97//;,  Xolotl  leur  fit  le  meilleur  accueil  et  donna  à  l'un 
d'eux,  Amaciu,  sa  fille  en  mariage.  Xolotl  transporta  ensuite 
sa  cour  sur  les  bords  d  une  grande  lagune,  à  'ie/cuco,  qui 
était  une  ancienne  ville  Chichimèque  du  nom  de  'l'etzcolt.  Le 


tn    UK  LIÎUK  CIVILISATION 


65 


.'S 
IL* 

C 


royaume  do  Tezcuco  a,i;ranJi  s'appela  CoUiuacan  et  lut,  pen- 
dant longtemps,  un  des  plus  puissants  de  rAïuiluiac.  Celui  de 
Tlacopan,  ou  Tacuba,  lut  tonde,  quelques  années  après,  parles 
l'épanèques  qui  étaient  des  Chichimèques  Colhuaques.  1mi 
1196,  arrivèrent  à  leur  tour  les  y\/.lèques  d  A/tatlan,  près  de 
Teaui  qui  appartenaient  au  groupe  des  Mexicas  Mee-Scythi 
ou  Nahualt.  Les  A/tèques  ou  Mec-Scvthi,  suivant  Clavigero, 
vécurent  jusqu'en  l'an  1160  en  Aztatlan,  pays  situé  au  nord 
du  golle  de  Calitornie.  Cet  historien  les  suit  dans  son  ouvrage 
depuis  leur  départ  jusqu'en  li^ul^  ou  il^25,  époque  à  laquelle 
ils  fondèrent  la  ville  de  Tenolchitlan  Mexico,.  Kn  \'.^52,  ils 
changèrent  la  lorme  de  leur  gouvernement  et  élurent  pour  roi 
Acamapiat/in,  un  de  leurs  principaux  cluls ,  ils  l'ormèrent  alors, 
avec  le  roi  de  Colhuacan  et  celui  de  Tlacopan,  une  contédéra- 
tion  qui  dura  jusqu'à  l'arrivée  des  Espagnols. 

L'histoire  de  ce  deuxième  empire  mexicain  a  été  laite  par 
plusieurs  auteurs.  Nous  n'en  parlerons  donc  pas  afin  de  pou- 
voir plus  rapidement  jeter  un  coup-d'(eil  sur  les  événements 
qui  se  sont  passés^  durant  cette  période,  dans  les  autres  parties 
de  l'Amérique. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  Ceacalt-Quetzal-Cohualt,  pour 
échapper  à  la  persécution  de  son  terrible  ennemi,  s'était  em- 
barque à  Cuetlacan  avec  un  certain  nombre  d'Amoxoa- 
ques  '. 

Nous  les  retrouvons  un  an  après  à  Xicalanco.  A  l'épo- 
que de  la  conquête,  on  conservait  encore  dans  cette  ville 
le  souvenir  de  l'arrivée  de  vingt  chefs  qui  étaient  venus 
de  l'Est  avec  une  colonie  nombreuse  d'étrangers,  guidés  par 
un  grand  personnage  nommé  (^uetzal-Cohuall,  Cuculcan  ou 


I .  (.'.cUc  Lxpresbioii  tsl  Ovidcmiuciu  li'originc  asialiv^uo  et  r.ippi.lli.'  colle  des  Atnausians, 
prêtics  ou  Jocleurs  établis  en  Perse  par  Fcidouii,  après  qu'il  eut  battu  ZaJic  qui  vou- 
lait le  livrera  ses  serpents  et  qu'il  l'eut  lenlermé  dans  la  caverne  du  mont  Damavcnd. 
Les  Amausians  Iraniens  se  retrouvent  également  au  Pérou  sous  le  nom  d'Ania:itas,  sages 
ou  philosophes,  i]u"il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  membres  du  sacerdoce  proprement 
dit.  On  voit  ainsi  l.i  chaîne  qui  unit  la  Perse,  l'Asie  centrale  et  l'Asie  méridionale. 


t 


66 


1)1-:   I.OKIC.INI     l)i:S  INDIKNS  DT   NOrVIAl-MONDi: 


(iucumat/,  sLii\'anl  riJionic  mexicain,  maya  ou  t/cndai  dans 
ic>.|ucl  ce  nom  était  prononcé  en  sij^nidant  le  Scrpi-iii  cniplinnc. 

Daprès  d  autres  traditions,  Quet/.al-Coluialt  serait  venu  par 
terre  à  Xicalanco  en  cheminant  le  long  du  ri\'af;e  de  la  mer, 
ret^ardant  les  hautes  montagnes  cou\ertes  de  neige  et  les  vol- 
cans. Le  premier  endroit  où  il  s'établit,  est  appelé  aujourd'hui 
Puntade  Xicalanco,  en  l'ace  de  Tîle  de  Carmen,  près  du  détroit 
qui  réunit  la  lagune  de  l'erminos  au  golfe  du  Mexique.  Il 
nomma  ce  lieu  Tamoanchan  Paradis  terrestre  '.  Les  popula- 
tions indigènes,  en  voyant  ces  étrangers,  lurent  d'abord  sur- 
prises, mais  ne  les  accueillirent  pas  moins  avec  de  grands 
égards,  et  se  mirent  promptement  à  l'teuvre  pour  apprendre  ce 
qu'ils  leur  enseignèrent  La  transformation  s'opérait  rapide- 
ment, lorsque  survint  un  ouragan  terrible  dont  le  souvenir  est 
resté  dans  les  annales  des  peuples  de  ces  contrées,  au  com- 
mencement du  x"  siècle.  La  violence  de  ce  typhon  fut  telle 
que,  dans  les  terres  basses,  maisons,  forêts  furent  arrachées 
de  leurs  f-iases  et  détruites.  Les  eaux  de  la  mer  envahirent  les 
plaines  et  un  certain  nonjbredes  compagnons  de  Quetzal-Co- 
hualt  furent  noyés  '.  La  tradition  ajoute  que,  des  vingt  Amoxoa' 
qites,  sept  seulement  purent  échapper  avec  Quetzal-Cohualt  et 
sa  suite  qui  se  rétugièrent  dans  des  grottes  creusées  dans  le 
flanc  des  montagnes. 

Le  découragement  ne  larda  pas  à  s'emparer  de  la  petite 
troupe.  (,)uetzal-Cohualt  partit  alors  seul  à  la  découverte. 
Après  avoir  marché  pendant  deux  jours  et  deux  nuits,  il  ren- 
contra des  indigènes  qui  faisaient  la  récolte  du  maïs  dans  un 
endroit  nommé  Paxil  Cayala  lieu  où  les  eaux  se  divisent  en 
tombant  et  qu'il  appela  'l'onacatepelt,  «  la  Montagne  d'abon- 
dance ».  Le  chef  de  cette  localité  habitée  par  une  population 
pacifique  et  agricole  se  nommait  Utiuh  Chacal,.  Il  fit  le  meil- 
leur accueil  à  Quet/.al-Cohualt  qui  revint  auprès  des  siens  pour 


I.  Ce  tameux  paraJis  terrestre  que  les  Hue  hue  disaient  avoir  perdu  en   quittant  leur 
pays  et  qu'ils  cliercliaieni  ailleurs, 
i.  C.uJc.y  VatuwHus. 


F:r  DR  LEUR  CIVILISATION 


67 


leur  iairc  part  do  son  heureuse  rencontre,  (^euxci  lurent  rem- 
plis de  joie  cl  des  relations  sétabliient  avec  les  indii^ènes. 
(Quelque  tempsaprès,  L'tiuh  était  tué  par  les  nouveaux  arrivants. 
(^uet/al-Cohualt  j  mécontent,  quitta  le  pays  avec  trois  des 
amoxoaques. 

Sagahunij  taisant  allusion  à  cette  séparation,  dit  :  «  Ils  demeu- 
rèrent quelque  temps  en  Tamoanchan  avec  leurs  sages  ou  de- 
vins qu'ils  appelaient  amoxoaques,  c'est-à-dire  hommes  savants 
et  entendus  dans  les  arts;  puis  ils  se  divisèrent;  ceux  qui  s'en 
lurent  avec  (J>uet/.al-Cohualt  dirent  aux  autres:  "  Sache/  que  le 
"  Seigneur  notre  maître  vous  ordonne  de  rester  en  ces  lieux. 
"  Nous  partons  avec  lui;  il  reviendra  plus  tard,  lorsque  son 
"  œuvre  sera  achevée.  Conserve/,  rc.poir  de  le  revoir.  Nous 
"  emportons  notre  Dieu,  recevez  nos  adieux.  ••  Ils  se  mirent 
ensuite  en  route,  ajoutent  les  traditions,  avec  leur  Dieu  qu'ils 
portaient  enroulé  dans  de  l'étoHé  et  qui  leur  enseignait  la  route 
qu'ils  devaient  suivre;  ils  s'en  lurent  vers  l'Orient.  >> 

Quetzal-Cohualt  se  dirigea  vers  le  nord  de  la  péninsule  Yuca- 
tèquc  où  il  fonda  Mayapan  qui  devint  la  capitale  du  royaume 
des  Mayas,  nouvelle  preuve  de  l'identité  d'origine  entre  les 
Colhuaques  et  les  Mayas.  I.e  Franciscain  Landa  '  ne  partage 
pas  cette  opinion.  11  prétend  que  Quetzal-Cohualt  a  séjourné  d'a- 
bord à  Chichen  où  il  a  laissé  de  grands  édilices  qui  rappellent 
sa  mémoire,  que  Chichen  a  vu  apparaître  ensuite  trois  frères, 
dont  un  nommé  Zamna,  qui  prenaient  le  titre  d'ii^^as,  hommes 
divins;  qu'après  la  mort  ou  la  fuite  de  l'un  d'eux,  les  deux  au- 
tres, étant  devenus  des  tyrans,  furent  mis  à  mort,  et  que  Quet- 
zal-Cohualt fut  obligé  de  rétablir  l'ordre.  Les  traditions  ajou- 
tent qu'après  sa  mort  on  construisit  le  môle  d'Itzmatul  sous 
lequel  on  suppose  qu'il  fut  enterré.  On  lui  attribue  également 
la  fondation  de  la  ville  d'I^amal.  A  la  même  époque,  un  au- 
tre compagnon  de  Quetzal-Cohualt,  Votan,  fondait  Palenqué, 
appelée  aussi  Colhuacan ,  iWi-chaii ,   Ilocliaii     la  ville  des  Ser- 


I    Diego  du  Laïuia,  Relation  des  choses  du   Yiicataii. 


68 


\W.  I,  ORIGINE  DES  INDIENS   DU   NOUVEAU-MONDE 


ponts  ,  Cl  qui,  de  iiicmc  que  Tcocolluiucim  et  Teotiliuacan, 
devait  être  une  cité  sainte,  comme  semblent  1  indiquer  ses  mo- 
numents; cette  ville  lut  hàtie  vers  le  milieu  du  x"  siècle.  Votun, 
dans  le  Ira.^ment  d'ouvraj^e  conservé  par  Ordu'ic\  et  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  ditqu  il  tut  le  premier  que  Dieu  en\oya 
dans  cette  réyion  pour  la  peupler  et  la  partager.  Or.  1  histoire 
des  Sok'i/s,  dans  le  Codex  (lliinutlpopaca,  taisant  allusion  à  ce  {vir- 
tage,  le  tait  remonter  a  l'an  (j33,  date  qui  coïncide  avec  celle 
que  nous  avons  trouvée. 

Que  s"est-il  passé  ensuite  dans  le  Yucatan  et  le  Chiapas? 
Nous  l'ignorons,  l'histoire  étant  muette  à  ce  sujet,  (Cependant 
certaines  traditions  rapportent  que  (^)uet/.al-Cohualt  se  Serait  em- 
barqué à  CJhampoton  api  .s  avoir  bâti,  dans  une  ile  voisine  de 
la  terre  terme,  un  temple  dont  on  a  r  'Irou^■é  les  restes.  D'autre 
part,  suivant  le  Codex  Cliintalpopaca,  il  serait  mort  de  latigue  à 
l'embouchure  du  fleuve  Coatzacualco.  "  Son  corps  ayant  été 
consumé  par  le  teu,  son  àme  s'envola  au  milieu  des  flammes 
sous  la  lorme  d  un  quet/al  aux  brillantes  couleurs  qui  prit  sa 
course  vers  1  lùnpyrée,  car  il  savait  où  était  le  ciel,  et  c'est  au 
ciel  qu'il  alla.  »  Cette  légende  rappelle  celle  du  Phénix  ou  \'en- 
non  des  égyptiens  qui  se  rend  d'Arabie  en  Kgypte  tous  les 
cinq  cents  ans  et  renaît  de  ses  cendres. 

Après  sa  mort,  les  seigneurs  nommèrent  pour  roi  le  chel 
de  la  t'amillc  des  Cocoiiis  en  maya,  croyant;. 

I.es  Cocoms  régnaient  sur  la  péninsule  yucatèque,  lorsque, 
\ers  l'an  i25o  ou  i2(So,  arrivèrent  les  'l'utulxius,  conduits  par 
Holonchan  lepeuh.  La  chronologie  maya  raconte  que  la 
contrée  où  ils  pénétrèrent  d'abord  s'appelait  Bakhalar  ou  Zyam 
(]aan  ;  ils  s'emparèrent  ensuite  de  Chichen  et  oll'rirent  au  roi  de 
Mayapan  de  se  reconnaître  ses  vassaux.  Le  roi  de  Mayapan  y 
consentit  à  la  condition  qu'ils  rendraient  Chichen  aux  Itzas 
(branche  des  Cocoms;  qui  dépendaient  de  lui.  Ahautok  —  celui 
du  silex  ou  du  couteau  sacré,  allusion  aux  sacrifices  humains,  — 
devenu  roi  des  Tutulxius,  fonda  successivement  'l'ihon,  Mani 
et  Uxmal,  qu'il  choisit  pour  capitale.  L'ne  confédération  fut  for- 


i:r  w.  I  KIR  rrvir.iSATiON 


60 


mec.  Apres  un  certain  temps,  le  rni  des  Cocoms  ayant  intro- 
duit dans  le  pays  des  troupes  nonohualtesde  Tabasco  et  de  Xi- 
calanco  pour  opprimer  le  peuple,  les  seif,'neurs  se  soulevèrent 
et,  aides  des    Tutulxius,  massacrèrent  par  trahison  les  mem- 
bres de  la  famille  royale  des  Cocoms,  dont  un  seul  put  s'échap- 
per et  se  rèlugia  dans  dans  la  province  de  Zohila  où  il  bâtit  la 
ville  de  'l'ibulon.  l/auteiir  du  document  chronoloi^ique  maya 
ne  parle  pas  de  cet  événement  et  raconte  quAhautoc,  après 
avoir  fixé  sa  résidence  à  Uxiual.  resta  allié  des  rois  de  Mayapan 
et  de  Chichen  et  que  la  paix  régnr  durant  plus  de  deux  cents  ans. 
Ce  tut  sans  doute  pendant  cette  période  de  prospérité  que  fu- 
rent construits  la  plupart  des    magni/iques  édifices  dont  les 
ruines  couvrent  la  presqu'île  et  qui  permettent  de  distinguer 
les  deux  styl'.'S  diflérents  d'architecture  employés  par  les  i'ol- 
tèques  et   les  Mayas.  D'après  ce  mèinc  document .  dans  le 
xin"  siècle,  la  guerre  éclata  entre  les  trois  royaumes,  et  les  'l'u- 
tulxius,  après  avoir  mis  à  mort  leur  souverain,  s'organisèrent 
en  république.  Tout  ce  qu'on  sait  ensuite,  c'est  qu'à  la  fin  du 
xni"  siècle,  Mayapan  tut  envahie  par  un  peuple  montagnard, 
sans  doute  les  Quitchés  venus  du  Midi,  qui  saccagèrent  cette 
cité.  Les  vassaux  en  profitèrent  pour  se  révolter  et  l'anarchie 
devint  générale.  Les  Tutulxius  se  retirèrent  à  Mani,  pendant 
que  les  Itzas,   obligés  d'abandonner  Chichen,    se  réfugièrent 
dans  les  îles  du  lac  Chaltima  au  Péten,  où  ils  maintinrent  leur 
indépendance  jusqu'à  la  \\n  du  xvii^  siècle.  M.  Charnay  a  dé- 
couvert dernièrement  dans  le  Péten  des  monuments  admira- 
bles qui  indiquent  le  séjour  des  Itzas  dans  cette  contrée;  il  est 
convaincu  également  que  les  temples  et  les  palais  d'Izamal,  de 
Chichen  et  de  Mani  étaient  occupés  dans  les  premiers  temps  de 
la  conquête.  Suivant  Landa,  la  péninsule  resta  dès  lors  par- 
tagée en  un  grand  nombre  de  principautés  plus  ou  moins  im- 
portantes, parmi  lesquelles  celles  des  Tutulxius  et  des  Cocoms 
à  Zotula  paraissent  avoir  conservé  la  suprématie.  A  ces  deux 
principautés,  la  chronique  ajoute  celle  des  Chélas,  descendants 
des  premiers  prêtres  de  Mayapan  et  qui  s'étaient  établis  à  lt/,a- 


70 


DE  i.ouiGiNi,  ni:s  indii;n^  nr  NorvKAU-MONni; 


mal  ;  cctlo  principauté  prit  le  nom  d'Alki)!  Clicl  prêtre  du  Chel;. 
Alikin  est  un  mot  ^vr.w;;  qui  veut  dire  prêtre. 

L'abandon  et  la  ruine  délinitive  de  Mayapan  ont  eu  lieu, 
suivant  l.anda,  vers  l'an  1447,  date  qui  concorde  avec  celle  du 
document  chronologique  maya. 

Dans  le  royaume  des  \'otanides  ou  de  Xibalha,  Votan  ayant 
organisé  les  tribus  IV.endales  et  leur  ayant  enseigné  les  arts  et 
les  sciences,  fit  plusieurs  voyages,  probablement  dans  les  con- 
trées voisines  ct_,  au  retour  de  l'un  d'eux,  trouva  un  grand  nom- 
bre de  'l'oltèqucs,  qui  avaient  fui  de  'l'ulan,  établis  dans  son  ro- 
yaume. Il  les  reçut  comme  des  exilés  malheureux  et  les  autorisa 
à  bâtir 'l'ulan,  dont  les  ruines  ont  été  retrouvées  prés  d'Ococingo. 
11  partagea  en  quatre  parties  le  royaume  qui  s'étendait  jusqu'au 
Guatemala,  à  l'ouest  jusqu'à  la  rivière  de  Tabasco,  au  sud  jus- 
qu'à la  mer,  et  au  nord  au  royaume  des  Cocoms.  Le  manuscrit 
kakchiquel  dit  que  c'était  un  royaume  riche,  glorieux  et  puis- 
sant. D'après  le  Popol  vuh,  il  était  gouverné  par  deux  rois  et 
par  sept  juges  suprêmes  ayant  sous  leurs  ordres  dix  autres  chefs, 
nommés  deux  par  deux  et  formant  le  conseil  d'Etat. 

Ordoiîe/  rapporte  que  les  'l'oltèques  établis  à  Tulan  et  les 
\'olanides  à  Palenqué  formaient,  avec  le  roi  de  IMayapan,  une 
vaste  confédération ,  Palenqué  conservant  une  supériorité 
d'honneur  et  de  juridiction.  Des  questions  religieuses  ne  lar- 
dèrent pas  à  rompre  la  bonne  harmonie  entre  les  Toltèques  et 
les  Votanides  Mayas  au  Colhuaques.  La  guerre  éclata  et  ces 
derniers  furent  vaincus  :  leur  capitale  fut  détruite  vers  l'an 
1200  ou  i23o.  Mais  ils  parvinrent  ensuite  à  battre  les  Toltèques 
qui  se  retirèrent  sur  les  frontières  méridionales  de  l'empire  où 
ils  continuèrent  encore,  pendant  sept  ou  huit  ans^  à  soutenir  une 
lutte  inégale.  Knlhi,  obligés  de  céder,  ils  traversèrent  les  mon- 
tagnes et  s'établirent  sur  les  rivages  du  Pacifique  où  ils  bâti- 
rent une  autre  Tulan  Tzinco  et  prirent  le  nom  de  Xucheltépè- 
ques  ou  de  Pipiles  enfants  nobles).  Un  autre  essaim  gagna 
l'océan  Atlantique  sous  le  nom  de  Tutulxius.  Ce  sont  les  mê- 
mes dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 


i;i  i)F  r.KiR  nviMSATiON  71 

Les  Pipiles  prospiircrcnt  pcndanl  quelque  temps  à  'lulan 
Tzinco  jusqu'à  l'arrivée  des  Mixlèques  et  des  Zapotèques, 
leurs  voisins,  qui  les  réduisirent  à  la  servitude  la  plus  dure, 
ils  se  décidèrent  alors  à  émigrer  de  nouveau  sous  la  conduite 
de  leurs  prêtres,  et,  cheminant  le  long  des  rivages  du  l\acirique, 
après  vingt  jours  de  marche,  atteignirent  les  hords  de  la  rivière 
Michatoyalt  où  la  maladie  d'un  de  leurs  chefs  les  ohligca  de 
s'arrêter.  Ils  bâtirent  là  une  ville  à  laquelle  ils  donnèrent  le  nom 
d'1/.cuitla  ;lîscuintla  de  Guatemala  .  Quelques-uns  se  fixèrent 
en  ce  lieu  pendant  que  d'autres  contuiuèrent  leur  route  jusqu'au 
Salvador  et  s'établirent  entre  l'océan  Pacilique  et  les  volcans 
de  Chunco,  Cu/caltan  et  Xilopanco.  Ce  sont  eux  qui  ont  fondé 
la  plupart  des  villes  de  cette  région,  telles  que  '  Sonsonate, 
Izalco,  Cu/.catlan,  Almachapan,  Comapan,  Xutiapan.  ils  cou- 
vrirent de  cités  superbes  les  deux  rives  du  l.ampa,  traversèrent 
le  Paxil  et  portèrent  leur  nom  jusqu'au  pied  des  Cordillères 
où  l'Indien  superstitieux  révérait  les  sanctuaires  d'Esquipula  et 
de  (^hiquimula  '.  \Jnc  partie  d'entre  eux  ne  s'arrêta  définitive- 
ment qu'au  nord  et  à  l'ouest  du  golfe  de  Conchagua,  aux  fron- 
tières du  Honduras  et  du  Nicaragua  où  ils  prirent  le  nom  de 
(>holutecas  exilés  . 

l^endant  que  Xelhua,  chel  des  N'anahualts,  fondait  un  nou- 
veau royaume  qui  s'étendit  jusqu'à  Xilanco,  à  l'embouchure 
du  lleuve  de  l'abasco,  d'autres  tribus  sorties  du  Mexique, 
quand  eut  lieu  la  grande  émigration,  les  Tukulchés,  Kackchia 
quels,  connus  sous  le  nom  de  Zotziles-'l'ukutchés,  les  T/ulo- 


I.  Au  Salviklov,  I06  niincs  les  plus  impoi  laiilcs  soiil  près  de  hi  villo  ilc  San  ViiKcntc, 
occupanl  un  espace  d'environ  1  milles  caires,  prés  du  -.olcan  d'Opieo.  cl  consistant  en 
tetfe  pleins,  ruines  d'cditices,  tours  circulaires  et  carre'es,  galeries  souterrairies  et  au- 
tres ouvrages  en  pierres  travaillées,  resscmbl>uit  à  ceux  du  Mexique.  Dans  la  plaine  de 
Siboa  et  les  environs  de  Souscnate,  on  '  'icontre  beaucoup  de  lumuli.de  même  qu'à  la 
Ironlièrc   nord-ouest   du  Guatemala  ans  les   iles  du  lac  Guijn.  M,   Squier   assure 

qu'il  V  8  dans  cet  litat  d'autres  ruines  1  i\alisant  avec  celles  de  Copan,  mais  il  ne  dit  pa^ 
où  elles  sont. 

1.  Ce  sont  eux  qui  ont  tundc  Copan  C'>panlli,  autrelois  capitale  du  niyaunie  de  (^lii- 
qtuniula  ou  l'ayaqui . 


ri 


l)K  I.'OKKilNK  I)i;S  INDIIvNS  1)1'  NOL'VliAL'-MONm'; 


hilcs,  les  L't/.iquiiiahas,  les  Akalialos  et  les  I.enapis,  se  dirigè- 
rent au  s'id  en  suivant  les  rivages  de  la  nier. 

"  Ainsi  vinrent  également  l'amub  '  et  Elocah  avec  les 
treize  tractions  de  tribus.  Les  trei/e  de  Tecpan,  ayant  à  leur 
tète  Xurcaii  et  lotonian,  puis  ceux  de  Uabinal,  >.|ui  sont  re- 
gardés comme  les  premiers  cliets  de  la  maison  de  Kawec,  les 
Kakchiqueis,  ceu.v  de  Tsiquinalia,  ensuite  ceux  de  Zacatia,  puis 
après  ceux  de  Camak,  de  Canuitz,  etc.  »    Popol  vnh. 

D'après  les  traditions,  on  trouve  toutes  ces  tribus  un  beau 
jour  rassemblées  en  un  lieu  nommé  Déocamanca,  sans  doute 
'l'éot/acualco,  qui  paraît  avoir  été  une  ancienne  localité  de  TKtat 
de  'l'abasco.  Après  quelques  jours  de  repos,  elles  arrivèrent  à 
Oloman,  situé  dans  les  terres  basses  voisines  du  goHe  de  Xila- 
lanco.C'ette  région  était  occupée  par  lesXicalancasNonohualcas. 
Les  deux  premières  \illes  ou  grands  Pueblos  que  rencontrè- 
I  eut  les  tribus,  turent  Nanualcalt  et  Zulpiti  manuscrit  kakchi- 
quel  .  Gayawitz  et  Zactecaib,  chetsdes  Kakchiquels,  lurent  d'a- 
vis dans  im  grand  conseil  qui  tut  tenu,  qu'on  attaquât  de  vise 
force  ces  deux  villes.  Les  Xicalancas  ne  purent  tenir  contre 
l'impétuosité  des  tribus  et  se  réfugièrent  dans  leurs  barques 
amarrées  au  rivage.  Leurs  adversaires  se  précipitèrent  à  1  eau, 
s'emparèrent  des  barques  les  plus  proches  et  parvinrent  à  taire 
iuir  les  autres,  ils  se  portèrent  ensuite  en  toute  hâte  vers  la  \ille 
et  étaient  occupés  à  massacrer  les  tamilles  des  Xicalancas, 
quand  ceux-ci,  pousses  par  le  désespoir,  revinrent  à  la  charge, 
surprirent  les  guerriers  kakchiquels  et  autres,  et  en  tirent  un 
grand  canarge.  Leurs  débris  se  rallièrent  sur  le  mont  Oloman. 
Là  les  chets  se  réunirent  de  nouveau  et  il  fut  décidé  qu'on  se 
séparerait. 

Les  annales  sont  silencieuses  sur   les  premiers  temps  qui 
suivirent  la  séparation.  On  ignore  également  le  chemin  que 


I.  Tamub,  d'après  le  livre  sacre,  serait  venu  il'Aniayt.in,  peiit-circ  la  raiiis  capitale 
des  Miksos,  révéliie  par  Mariette.  (Je  qui  iiulivi'icrait  que  ces  tribus  dépendaient  des 
prtmii.rs  Scythes. 


I  T  HK   I.i:nK  CIVILISATION  jS 

prirent  les  tribus  avant  d'arriver  aux  lieux  où  elles  se  trouvè- 
rent de  nouveau  réunies. 

Suivant  le  livre  sacré  des  Quitchés,  les  tribus,  pendant  plus 
d'un  siècle,  restèrent  disséminées  dans  les  réj,Mons  hmniiles  des 
montagnes  qui  s'échelonnent  sur  la  rive  gauche  du  (Ihixon 
Lacandon  ofi  elles  se  grossirent  peu  à  peu  par  l'incorporalion 
de  tribus  étrangères,  telles  que  les  Manis,  Poko-mans  et  les 
Pokomtchis  qui  occupaient  déjà  le  pays,  relevant  sans  doute 
du  roi  de  Mayapan.  Les  Pokomtchis  et  les  Pokomans  sont 
appelés,  par  le  mémoire  de  'l'ecpan  Aîitlan,  les  hommes  à  la 
poitrine  cuirassée,  ce  qui  rappelle  les  guerriers  revêtus  de  cuir 
des  bords  du  rio  (îila  et  du  Colorado. 

La  maison  de  Kawec  (init  par  être  à  la  leie  d'une  grande 
confédération  comprenant  les  Habinaliens  qui,  avec  les  Poko- 
mans, dominaient  la  grande  courbe  du  Chi.xon  et  les  plaines 
voisines  des  neul  châteaux  de  Zamanab;  les  Kakchiquels,  qui 
avaient  iixé  leurs  demeures  entre  les  monts  Pauxin  et  Para/one  ; 
les  At/it/iquinchas,  mêlés  aux  T/utohiles  qui  s'étaient  établis 
sur  les  bords  du  lac  d'Atitlan  -,  enlin  les  Mams  occupant  le 
pays  où  se  trouvent  actuellement  Hue-huc  tenango,  Quet/alte- 
nango  et  le  Soconusco.  La  capitale  des  Quitchés  était  Utatlan. 

L'histoire  du  Guatemala  a  déjà  été  écrite  et  présente  trop  peu 
d'intérêt  pour  que  nous  résumions  les  événements  qui  se  sont 
écoulés  entre  l'arrivée  des  Quitchés  et  celle  des  Espagnols. 
Nous  dirons  seulement  que  le  pays  est  couvert  de  ruines,  que 
nous  engageons  les  archéologues  à  visiter,  et  qui  prouvent  que 
les  peuples  qui  habitent  cette  région  avaient  reçu  la  même  civi- 
lisation que  ceux  de  TAmérique  septentrionale,  du  Mexique  et 
du  Yucatan. 

Le  Honduras  qui  touche  au  Guatemala,  était  habité  autre- 
fois par  trois  tàmilles  distinctes  :  i"  les  Chortis,  appartenant  au 
groupe  Maya  et  occupant  encore  le  département  de  Gracias; 
2°  les  Lencas,  portant  également  le  nom  de  Chontales,  faisant 
partie  également  du  groupe  Maya  et  dont  les  descendants  sont 
répandus  dans  les  départements  de  San  Miguel,  Comayagua, 


lA 


1)1:;  L  ORIGINK  DES  INDIENS  DU   NOUVEAU-MONDK 


Cholutcca,  l'egucigalpa,  Olancha  cî  Yoro,  dans  les  îles  de 
Roatan  Guanaya  et  leurs  dépendances;  3"  les  Caraïbes,  qui 
s'étendaient  près  de  la  lagune  de  Caratasca  jusqu'au  rio  San 
Juan  et  sur  les  côtes  de  la  Mosquitie.  Tous  ces  peuples  de- 
vaient être  assez  avancés  si  l'on  en  juge  par  les  ruines  de  leurs 
monuments.  C'est  le  même  style  architectural  en  terrasses  ;  les 
tertres  et  tumuli  ont  des  formes  analogues,  les  Téocallis  sont 
construits  dune  manière  semblable,  et  les  sculptures  sont  iden- 
tiques avec  celles  qu'on  retrouve  au  Mexique,  au  Yucatan  et 
au  Guatemala. 

Le  Salvador  a  été  civilisé,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
par  les  Pipiles  du  groupe  Nahualt  ou  'l'ollèque  qui  fondèrent  le 
royaume  de  Huey  Tlato,  que  les  Espagnols  trouvèrent  à  leur 
arrivée. 

Au  Nicaragua  vivaient  les  Cuzcotecas  (habitants  de  Cuzco'j 
du  groupe  Nahualt;  les  Niquerans,  ou  plutôt  Nicarans,  dont  la 
capitale  était  Nicarao  Cari,  d'où  est  venu  le  nom  de  Nicaragua; 
le  pays  des  Nicarans  ou  Carans  Caraïbes  groupe  Caraïbe  ou 
Maya'  ;  les  Orolenanos  ;  les  Cholutecas  ou  Chorotecas,  anciens 
Pipiles,  divisés  en  Derians  et  Niqueras  du  groupe  Nahualt  ;  les 
Chontales  et  les  Caraïbes. 

Les  Chontales,  qui  parlaient  un  dialecte  maya  et  dont  le  nom 
signifiait  étrangers,  occupaient  les  versants  de  la  Cordillère 
centrale  au-delà  des  lacs.  Il  est  ditîicile  de  préciser  l'époque  à 
laquelle  ils  vinrent  s'interposer  entre  les  Cholutecas  et  les  (Ca- 
raïbes de  la  côte  orientale.  Mais,  comme  le  chonlal  est  parlé 
dans  toute  la  Cordillère  américaine  depuis  le  Nicaragua  jus- 
i]u'à  Oajaca,  il  est  probable  que  c'était  une  branche  des  Mayas 
qui,  obligés  par  des  tribus  du  groupe  Nahualt  d'émigrer,  s'éten- 
dirent au  sud  principalement  entre  les  sinuosités  dépeuplées 
de  la  Cordillère,  Ils  n'avaient  pas  de  grande  ville.  Matagalpa, 
leur  principal  centre  de  population,  n'était  qu'un  pueblo. 

Les  Ce  raïbcs  étaient  m  iit;  .s  de  tout  le  versant  oriental  de  la 
(Cordillère  jusqu'à  l'Atlantique.  Ils  étaient  divisés  en  tribus,  les 
unes  nomades   v.  alkenas  ,  les  autres  sédentaires,  vivant  dans 


KT  DE  LEl-R  CIVILISATION  ^5 

les  villes  et  entretenant  un  commerce  considérable  de  cabotage 
avec  les  Mayas  de  la  péninsule  Yucatèque.  Ces  Caraïbes,  de 
même  que  ceux  des  côtes  du  Honduras,  nétaient  autres  qu'un 
essaim  de  ce  groupe  Maya  qui,  en  arrivant  dans  ces  nouvelles 
régions,  a  repris  son  nom  de  famille,  Caras  ou  Caris,  les  forts. 
('  Ils  avaient,  disent  les  historiens,  des  livres  en  papier  fabriqué 
avec  des  fibres  de  végétaux  ou  bien  avec  des  peaux  sur  lesquels 
ils  retraçaient,  au  moyen  de  caractères  hiéroglyphiques  peints, 
leurs  lois,  rites  et  faits  mémorables.  Ces  livres  avaient  quelque- 
fois douze  palmes  de  longueur  sur  une  de  largeur,  étaient  dou- 
blés en  douze  ou  vingt-quatre  pli«^  et  peints  des  deux  côtés.  " 
La  plupart  de  ces  précieux  documents  ont  été  brûlés,  en  i524, 
par  le  Père  Bobadilla.  «  Leurs  connaissances  astronomiques, 
ajoutent  les  historiens,  étaient  aussi  avancées  que  celles  des 
Mexicains.  Ils  divisaient  l'année  en  dix-huit  mois  de  vingt  jours 
et  avaient  un  système  de  numération  très  ingénieux  dont  la  base 
était  le  nombre  20.  Ils  savaient  travailler  les  métaux  et  la  pierre 
et  ne  se  servaient  pas  de  fer;  ils  cultivaient  le  cacao  et  le  maïs, 
et  étaient  enclins  au  vice  contre  nature,  Leur  religion  était  une 
sorte  de  sabéismc  mêlé  d'idolâtrie  et  d'institutions  phalliques. 
Ils  désignaient  l'Etre  suprême  par  les  noms  de  Père  du  ciel  ('Ta- 
moi;,  grand-père,  grand'mère,  deux  fois  grand-père,  deux  fois 
grand'mère  du  soleil  et  de  la  lune.  Ils  sacrifiaient  leurs  prison- 
niers; ils  avaient  un  culte  spécial  pour  Dobayba,  la  mère  des 
dieux,  pour  le  soleil  et  le  serpiint;  ils  reconnaissaient  un  Etre 
suprême  créateur.  »  Toutes  ces  données,  que  nous  avons  em- 
pruntées à  labbé  Brasseur  de  Bourbourg,  indiquent  aussi  clai- 
rement que  possible,  comme  nous  le  démontrerons  plus  loin, 
que  ces  Caraïbe,  .l'étaient  autres  que  des  Touraniens  du  groupe 
Maya.  Nous  allons  les  suivre  jusqu'aux  Antilles  et  à  la  terre 
de  Feu,  où  ils  ont  porté  les  éléments  de  leur  civilisation. 

Du  Nicaragua,  ils  gagnèrent  le  Costarica  et  le  Darien.  Quand 
les  Espagnols  arrivèrent  dans  le  Darien,  on  n'y  voyait  guère 
d'édifices  en  pierres  disent  les  historiens  '.  "  Les  maisc.is  des 


1.  Abbu  Ijrabscui-  do  bouii-iurg,  /lisloirc  Jcs  )Uitiuni  civiliscx;i. 


'■I .' 


yô  m-,  i.'ohicint:  nr:s  indikns  Dr  Nntvr:Ai;-MOM>i' 

chefs  ctaienl  bâties  en  bois  sur  pilotis.  L'intérieur  était  distribué 
a\'ec  beaucoup  de  goût.  Dans  une  des  salles,  le  chef  gardait  les 
corpsdesesancètrcsdesséchésau  feu. Cette  installation  étaitcelle 
de  la  plupart  des  villes  du  Honduras  et  du  Nicaragua  jusqu'aux 
bouches  de  l'Orénoque  sur  l'Atlantique  '.  Ces  tribus  énergiques 
et  guerrières  mangeaient  de  la  chair  humaine.  Mais  cette  cou- 
tume, liée  à  des  rites  mystérieux,  ne  les  a\ait  pas  empêchés  de 
recevoir  les  notions  des  arts.  Aussi,  d'après  Herrera,  ils  fabri- 
quaient des  étotiés  de  la  plus  grande  finesse,  des  bijoux  d'or  et 
d'argent,  et  leurs  institutions  étaient  au  niveau  de  cuUes  du 
Guatemala  et  du  Nicaragua.  Herrera  loue  leurs  peintures  '.  » 
Ce  sont  des  chefs  (Caraïbes  qui  indiquèrent  à  Balboa  l'empla- 
cement du  Pérou  et  qui  lui  remirent  un  dessin  des  côtes  du 
Pacifique.  Le  Darien  a  conservé  également  des  traces  des  Cho- 
lutecas  'PipileS/  du  groupe  Nahualt  qui,  attaqués  traîtreusement 
sur  les  bords  du  lac  Nicaragua  par  des  tribus  .Mayas  venues 
du  Yucatan,  lurent  obligés  de  quitter  leurs  établissements.  Les 
uns  se  dirigèrent  au  nord-ouest  où  ils  fondèrent  Nagarando  sur 
les  bords  du  lac  de  Managua,  tandis  que  d'autres  contournant 
les  rivages  du  golfe  de  Nicoya  encore  aujourd'hui  habités  par 
leurs  descendants,  pénétrèrent  dans  les  provinces  de  Costa- 
rica  et,  au-delà  du  Darien,  dans  l'Amérique  méridionale  où 
nous  les  retrouverons  plus  loin.  Ce  mou\emcnt  simultané  des 
deux  groupes  vers  le  sud  a  été  remarque  par  ()\iédo  qui  dit  en 
parlant  d'eux  :  «  On  dirait  que  les  uns  poussaient  les  autres.  Ils 
avaient  la  même  religion;,  mais  leur  langue,  leurs  mœurs,  leurs 
coutumes  et  leurs  cérémonies  étaient  diltérentes,  et  ils  étaient 
ennemis.  " 

Nous  voilà  arrivés  à  l'Amérique  méridionale. 

Nous  allons  examiner  maintenant  non  point  comment  le  peu- 
plement de  l'Amérique  méridionale  a  pu  s'opérer,  puisqu'au- 
cun  obstacle  n'a  pu  s'opposer  aux  migrations  des  tribus  de  race 


1.  Oii  hc  construisait  sans  doute  pas  en  pierres  à  cause  îles  trembleiiients  de  terre. 

2.  Les  chefs  du  Dauen  et  des  côtes  d'Urraba  portaient  U:  litre  de  snko  ou  loi  ..pu  se 
retrouve  dans  le  Cundenamirca  et  i]ui  et.iil  un  litre  princier  et  sacerdotal  dans  le  Cun- 
denamarca. 


ET  DK   LELR  CIVILISATION 


77 


mongole  venues  de  l'Asie  dans  rAmcrii.]ue  septentrionale,  mais 
nous  allons  chercher  quelle  route  ont  suivie  les  peuples  qui  y 
ont  importé  la  civilisation  et  quels  étaient  ces  peuples.  Pour 
plus  de  clarté,  nous  demanderons  la  permission  de  laire  connaî- 
tre succinctement  la  situation  géographique  et  la  nature  de  ces 
contrées. 

l.e  territoire  occupé  par  les  Incas  à  l'arrivée  des  Espagnols 
s'étendait  du  4  degré  de  latitude  nord  au  34"  sud,  sur  une  lon- 
gueur d'environ  2,5oo  milles.  Sa  largeur,  de  l'ouest  à  l'est,  était 
approximativement  de  400  milles,  ce  qui  donne  une  surface  de 
près  d'un  million  de  milles  carrés,  autrement  dit  égale  à  celle 
de  la  Grande-Bretagne,  de  la  France,  de  l'Allemagne,  de  l'Au- 
triche et  de  l'Kspagne  réunies.  \Jn^  très  grande  partie  de  cette 
surlace  est  inhabitable  pour  des  êtres  humains.  I.a  population 
indienne  qui  est  à  présent  de  cinq  millions  d'habitants,  au  temps 
des  Incas,  ne  devait  pa^  dépasser,  comme  l'a  établi  M.  Squier, 
dix  ou  quinze  millions.  Géographiquemenl,  tout  l'empire  des 
Incas  était  tropical,  mais,  à  cause  de  l'altitude,  une  portion  im- 
portante jouissait  d'un  climat  tempéré,  pendant  qu  une  autre 
assez  considérable  appartenait  à  la  zone  sous-polaire  et  même 
polaire. 

Les  sept  huitièmes  de  l'entière  surface  sont  aujourd'hui, 
comme  anciennement,  occupés  par  les  deux  grandes  chaînes 
des  Cordillères.  La  chaîne  occidentale  court  parallèlement  à 
la  cote  à  une  distance  moyenne  d'environ  qt)  milles;  quelque- 
fois elle  s'en  éloigne  davantage  ou  descend  si  bas  que  les  lon- 
gues vagues  de  l'océan  Pacitique  déferlent  au  pied  de  ses  ro- 
chers. Hn  plusieurs  endroits,  elle  est  coupée  par  d  immenses 
quebradas  ou  ravins  qui  rendent  les  communications,  surtout 
le  long  de  la  côte,  très  difficiles.  La  plaine  étroite  entre  la  Gor- 
dillère  et  le  Pacifique  n'est  qu'un  vaste  désert  de  sable,  au- 
quel l'intérieur  de  l'Australie  peut  seul  disputer  la  prééminence. 
Pratiquement,  c'est  une  région  sans  pluie,  quoique,  à  des  in- 
tervalles de  plusieurs  années,  il  y  tombe  de  fortes  ondées. 
Les  quelques    rivières   qui    sont    alimentées    par  les    neiges 


78 


DF  L  ORIGINi:  DFS  INIMRNS  DU  NOL'VFAU-MONDF 


tondues  sont  absorhccs  par  le  sable  avant  d  atteindre  locéan. 

Les  habitants  supjMéaient  à  ce  manque  d'eau  par  des  systè- 
mes d'irrigation  très  habiles.  Mais  on  comprend  que,  malgré 
cela,  les  centres  de  population  devaient  être  rares  dans  une 
pareille  contrée  si  aride,  si  accidentée,  dont  la  partie  cultiva- 
ble était  peu  étendue,  où  il  n'y  avait  comme  bètes  de  somme 
que  le  taible  lama  '. 

La  chaîne  orientale  ou  les  Andes  proprement  dites  se  diri- 
gent presque  parallèlement  à  l'autre  chaîne  ,  quelquefois  à 
une  distance  de  2C0  milles,  ou  se  rapprochent  si  près  qu'elles 
ne  sont  séparées  entre  elles  que  par  une  étroite  vallée.  Cette 
chaîne  s'ouvre  en  dilTérentes  places  pour  livrer  passage  aux 
rivières  qui  prennent  leur  source  sur  le  versant  oriental  de  la 
chaîne  occidentale  et  sur  le  \ersant  occidental  de  la  chaîne 
orientale.  Quelques-unes  de  ces  rivières  parcourent  plus  de 
1 ,000  milles  au  nord,  parallèlement  à  la  chaîne  occidentale  et 
au  Pacifique,  avant  de  rencontrer  un  passage  à  travers  la  chaîne 
orientale  et,  se  réunissant,  forment  le  grand  fleuve  l'Amazone 
qui  va  se  jeter  dans  lAtlantique,  à  4,000  milles  de  sa  source 
située  à  400  milles  du  Pacifique, 

D'autres  rivières,  telles  que  l'Orénoque  et  ses  confluents,  re- 
lient l'océan  Atlantique  au  plateau,  large  et  ondulé,  qui  se  dé- 
veloppe sur  le  sommet  de  la  Cordillère,  à  14  ou  18,000  pieds 
au  dessus  du  niveau  de  la  mer. 

Ce  plateau,  dominé  par  de  nombreux  pics  très  élevés  et  dont 
la  largeur  varie  de  25  à  100  milles,  s'appelle  le  Despoblado, 
c'est-à-dire  la  région  dépeuplée.  En  fait  d'animaux,  on  n'y 
rencontre  que  la  vigogne  et  le  condor.  Autrefois  il  n'y  avait 
nulle  trace  d'habitation  humaine,  excepté  les  huttes  de  refuge 
construites  par  les  Incas  sur  les  roules  qui  conduisaient  du  nord 
au  sud  de  l'empire. 


t.  Lorsque  les  espagnols  sont  arrivés  au  IVrcju,  le  lama  était  la  soûle  bête  de  somme  de 
ces  peuples.  Mais  il  est  probable  qu'ils  eu  avaient  eu  d'autres  i;ui  ont  disparu.  On  a 
trouvé  des  squelettes  de  cheval,  et  il  est  permis  de  supposer  que  le  boa  americ^viiis 
ibutrie)  y  vivait  également. 


I.T   l)F  LRLR  CIVIMSATION  79 

Ali  sommet  du  Dcspoplado  à  environ  ii  on  12,000  pieds 
nu  dessus  du  niveau  de  la  mer,  au  milieu  de  pics  dont  la  tète 
\a  se  perdre  dans  la  région  des  neiges,  se  trouvent  des  régions 
aussi  désolées  que  sur  le  plateau,  mais  qui  sont  [xirsemées  de 
loin  en  loin  de  profondes  vallées  semi- tropicales  que  les  Espa- 
gnols ont  appelées  boisas,  bourses.  Ainsi  la  bourse  de  Cuzco, 
siège  de  la  résidence  des  Incas,  était  située  entre  les  vallées  de 
V'ilcomayoetde  l'Apurimac,  alflucnts  de  l'Ama/one.  C'était  sans 
doute  la  plus  grande  ville  des  Incas,  quoique  M.  Squier  pré- 
tende que  sa  population  ne  devait  pas  dépasser  5o,ooo  habi- 
tants. La  civilisation  était  limitée  entre  les  plateau.x  de  Bogoia, 
Quito,  Cuzco,  quelques  points  de  la  côte,  Chimu,  Aréquipa, 
Quizca,  et  la  région  du  lac  de  Titicaca.  Le  'l'ucuman  et  le  Bré- 
sil étaient  à  peine  soumis  quand  arrivèrent  les  conquérants. 
Quito  n'a  été  conquis  par  les  Incas  que  dans  les  derniers  temps 
de  la  dynastie.  Les  communications  avaient  lieu  presque  toutes 
par  terre.  Plusieurs  grandes  routes  rayonnaient  de  la  capitale  '. 

La  première  allait  à  la  côte,  ainsi  quïi  Quito  et  à  Pasto. 
Une  deuxième  conduisait  à  Aréquipa  et  à  l'océan  Pacifique. 
Une  tr'nsième  menait  aux  provinces  sur  le  plateau  des  Andes 
et  à  quelques  pueblos  au  pied  des  montagnes.  Enfin  une  der- 
nière aboutissait  au  Chili  '.  Nous  ajouterons  que  de  la  côte^  près 
de  Truxillo,  on  pouvait,  par  une  passe,  se  rendre  à  Quito.  Au 
dessus  du  golfe  de  Quayaquil  et  en  dessous  du  cap  San  Fran- 
cisco, existaient  deux  autres  passes;  il  y  avait  deux  routes  sur 
le  plateau  ;  l'une  par  Popayan,  Cah,  Antioquia,  conduisait  à 
locéan  Atlantique;  l'autre,  par  Bogota,  menait  à  l'Océan,  soit 
en  passant  par  Aranca  et  Augostura,  soit  en  prenant  une  passe 
non  loin  de  Pamplona  qui  aboutit  au  cap  Vêla. 

La  voie  de  mer  présentait  de  très  grandes  difîicultés  pour  les 
navires  de  cette  époque.  Quoique  ces  peuples,  si  bons  architec- 
tes, devaient  savoir  construire  de  grandes  barques,  comme  le 


1.  Cai-cilaxo,  liv.  MX,  ch,  xiii. 
i.  Cic/îa,  cil.  .\i:ii, 


fJJ 


8o 


1)1    1.  ORIGINE  DFS  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


dit  Pierre  Martyr  ',  ei  n'en  étaient  pas  réduits  aux  bateaux  for- 
més de  deux  outres  de  peaux  de  loui"»s-marins,  cousues  et 
réunies  au  moyen  de  cordes,  quils  remplissaient  d'air  avec 
un  tube  placé  à  I  extrémité  de  chaque  outre,  il  n'en  est  pas 
moins  vrai  que  la  navigation  dans  ces  parages  était  loin  d'ê- 
tre l'acile.  Les  cotes  de  la  Nouvelle-Grenade  sont  presque 
inabordables.  Le  lameux  courant  d'eau  chaude  va  du  sud 
au  nord  avec  une  rapidité  de  deux  milles  à  Theure.  Au- 
jourd  hui  encore  les  navires  à  voiles  qui  veulent  se  rendre 
au  Pérou  doivent  remonter  d'abord  à  Touest  jusqu'à  deux 
cents  lieues  en  mer  pour  rencontrer  les  \eiUs  du  quart  de  cer- 
cle occidental,  qui  sont  les  seuls  avec  lesquels  oi-i  puisse  gagner 
le  littoral.  11  n'est  donc  pas  probable  que,  contrairement  aux 
assertions  de  Vélasco  et  de  Montésinos  ,  les  Aymaras  ou  les 
(]aris  soient  venus  par  mer.  Les  traditions  disent  qu'ils  s'éta- 
blirent d  abord  entre  San-Francisco  et  Manta.  Les  populations 
de  Manta  se  vantaient  d'avoir  vu  et  possédé  le  dieu  Cou  ou 
Ciiii  et  lui  avaient  donné  le  nom  de  Huk-Kon  ou  Oua  (^on 
(le  serpent  volant  .  Ils  auraient  l'onde  en  ce  lieu  leur  premier 
établissement,  Carangui,  du  nom  véritable  de  leur  chef.  Cette 
hypothèse  est  admissible.  Seulement,  au  lieu  d'être  venus  par 
mer,  ils  ont  plutôt  pris  la  \oie  de  terre  que  M.  Charles  Mano 
a  reconnue  au  moyen  des  crânes  allongés  des  Aymaras  ou  des 
Caris  qu  il  a  trouvés  dans  les  tombeaux  à  leurs  dillérentes 
stations.  Il  a  publié  à  ce  sujet  un  mémoire  des  plus  intéres- 
sants dont  nous  allons  donner  quelques  extraits  '. 

■    Dans  une  des  dernières  pentes  intérieures  de  celte  même 


I.  l'icnc  .\laityr,  raijoiuaiii  la  coiiicrcnci;,  i|uc  Balboa  eut  ttaiis  les  cites  orientales  de 
rislhnie  avec  le  lils  de  Khuniu  Caii,  met  ces  mots  dans  la  bouche  iki  jeune  chef:  u  Ilos 
montes  (undice  digito  montes  nionstrabat;  tr,i)iciendo  mare  a'iud  e  proniotoriis  despec- 
laïc  licebit,  quod  navigiis  nihilo  veslris  nunioiibus  et  caiavelas  inâumabat  licct  et  illi 
nudi  sint  more  nostio,  velis  lamen  et  ternis  utuntur.  »  DccaJ.,  111,  liv.  III. 

i.  Montcsinos  ajoute  qu'ils  seraient  partis  du  cap  de  Buena  Esperan/a,  près  de  Colima 
(.Mfxique). 

■;'.  l.iLi  lac  dcliticaca  ,i  lîogot.i  /'iinaU's  ,(i' /'/iivïrdcnofi  publique  Ms  Etals  di;  Culoiii- 
iic    par  M.  Mano. 


IT   1)F   I.FUR   CIVILISATION 


8i 


vallée  de  Telumbéla  l^qualeur  ,  près  du  thalweg  de  toute 
cette  région  du  Chimhora/o,  à  dix  minutes  de  distance  de  1  en- 
droit où  sont  les  antiques  sarcophages  naturels  de  Mosusan, 
se  trouve  la  pierre  curieuse  sculptée  dont  on  parla  à  i^odegas 
de  liadahoyo.  Elle  ressemble,  par  sa  lorme  générale  et  ses 
sculptures,  à  la  pierre  dite  des  sacrilices  que  l'on  peut  voir 
dans  le  musée  de  Mexico.  On  y  remarque  huit  trous,  comme 
dans  les  pierres  destinées  au  même  usage.  l\Trmi  les  orne- 
ments grossiers  dont  elle  est  cou\'erte,  on  distingue  des  tétcs 
humaines,  des  serpents  ailés,  des  oiseaux  et  animaux  lan- 
tastiques. 

"  Un  guerrier  avec  un  casque  en  lorme  de  tète  de  condor, 
tient,  dans  une  main,  une  sorte  de  javeline  et,  dans  l'autre, 
un  bouclier.  Ce  personnage  est  surtout  curieux,  à  cause  du 
développement  de  .son  ne/  orné  d'un  anneau  '.  11  foule  à  ses 
pieds,  comme  à  Xamapayta,  à  Cheriguane,  à  Sica-Sica,  à 
Tiaguanaco,  un  autre  guerrier  vaincu  '. 
n  Arrivé  en  ces  lieux,  l'exode  a  été  obligé,  par  suite  de  l'érup- 
tion de  quelques  volcans,  de  dévier  Je  sa  route  à  angle  pres- 
que droit  pour  se  diriger  vers  la  côte  du  Pacilique. 
«  A  Guayaquil  et  au  Venezuela,  j'ai  vu  plusieurs  sièges  en 
pierres  sculptées  de  la  province  d'FJméralda  ;  un  de  ces  sièges 
était  placé  sur  le  dos  d'un  Indien  au  long  nez  aquilin. 
"  Dans  la  province  d' Umtabura,  à  la  hauteur  de  Huaca,  j'ai 
'  trouvé  une  autre  station  avec  une  nécropole  et  quelques  ani- 
1  maux  sculptés  comme  ceux  de  Diezmo  (Pérou  .  Ces  sculp- 


I.  Ce  qui  trappe  dans  les  bas-roliels  Jii  graïul  monument  de  Palenqué,  c'est  la  sin- 
gularité qui  se  rencontre  constamment  dans  le  pvotil  du  \isage  des  personnages,  et  qui 
consiste  en  une  courbe  décrite  depuis  le  haut  du  front  ;usqu".'i  l'extrémité  du  nez  et  qui 
équivaut  presque  à  un  quart  de  cercle.  D'un  autre  côté,  les  nez  aquilins,  d'une  grandeur 
énorme,  caractérisent  essentiellement  les  monuments  de  sculpture  mexicaine.  Dans  les 
t.ibleaux  hiéroglyphiques  conservés  à  X'ienne,  à  Rome,  à  \'illetri,  au  palais  du  vice-roi  à 
Mexico,  toutes  les  ilivinités.  les  héros,  les  prêtres  mêmes  sont  ligures  avec  de  grands  ne/ 
aquilins,  souvent  percés  vers  la  pointe  ou  ornés  de  l'amphisbéne  ou  du  serpent  inysté- 
rieux  à  deux  têtes  (Antiquités  mexicaines). 

■j..  Nous  savoi-i:  par  les  sculptures  de  Ninive  et  par  d'autres  sources,  que  c'était  l'usage 
du  conquérant  de  touler  à  ses  pieds  le  vaincu  et  de  poser  le  pied  siu-  son  cou. 

6 


8'j 


i)i-:  r.  oruGiNE  des  indiens  du  nouveau-monde 


"  tures  se  rencontrent  Jusqu  aux  altos  de  Boliché,  près  de  1  iil- 
"  can.  A  la  irontière,  entre  l'Equateur  et  la  Colombie,  dans  les 
«  environs  de  Carc/ii,  en  remontant  la  rivière,  il  y  a  une  autre 
"  station.   IX\   les   volcans    l'uquères   et    Pasto   ont   empêché 
«  l'exode  de  suivre  la  mer.  Du  Rio-Carchi,  en  allant  au  nord, 
«  je  n'ai  pas  rencontré  une  seule  trace  de  leur  migration  jus- 
<<  qu'à  la  partie  de  la  (Cordillère,  qui  se  trouve  dans  les  environs 
«  de  Cali.  En  entrant  dans  cette  région,  j'ai  trouvé  une  autre 
"  station,  une  autre  nécr.îpole  ou  plutôt  une  succession  de  né- 
«  cropolcs,  qui  s'étendent  plus  ou  moins  entre  les  parallèles  3 
«  et   4.    Des  ligures   caractéristiques   attestent  le    passage   de 
"  l'exode,  qui  s'est  étendu   sur    les  deux   Cordillères,   car  je 
"  sais  qu'il  y  a  égalemei.l  des  tombeaux  dans  le  rameau  central 
"  de  (]aloto.  J'ai  reconnu  encore  là  les  deux  races,  l'une  avec 
"  le  crâne  allongé  et  l'autre  au  crâne  normal,  en  même  temps 
"  que  le  type  au  ne/  proéminent  et  busqué  qui,  à  Palenqué,  a 
"  tant  frappé  1  attention  des  ethnologistes.  l.a  tribu  sauvage  des 
"  Indiens  Cibaris,  les  Sibarios  nomades  du  Uio-Grande,  près 
"  de  la  frontière  de  la  Liolivie  et  du  lîrésil,  et  certaines  frac- 
'<  tions  des  Bogres  de  la  République  Argentine  ont  conservé 
»  ce  type  '. 

«  L'existence  de  nécropoles  analogues  dans  \a  Coniillèrc  ccii- 
<'  traie,  ainsi  que  les  gigantesques  statues  de  San  Augustino 
0  'lolina  mont  convaincu  qu'au  sud  de  Popayciii,  l'exode 
"  s'était  divisé  :  les  uns  se  dirigeant  vers  le  nord  de  la  Colombie 
"  pour  se  rendre  au  \'éné/uela  ,  par  Anlioquia,  1er.  autres 
"  par  le  Chocu  et  l'isthme  de  Panama. 

"  En  entrant  au  passo  de  (^uindio  en  'l'umbuez,  entre  Car- 
"  thago  et  Salento,  il  y  a  une  auti'e  nécropole.  Les  briques  qui 
<'  couvrent  ici  les  cadavres  comme  au  Pérou  et  en  Bolivie, 
<•  n'ont  pas  été  suMlsantes  pour  les  préserver  de  la  décompo- 
"  sition.  Mais  des  statues  en  terre  permettent  de  reconnaître 
'■  les  deux  types  opposés. 


I.  (Jii  rciiiarquciA  que  cls  peuples  apparticniv.iil  au  rameau  i;iiaraiiien,  aulrciii.'iit  dit 
.lesccnJeni  îles  CaraUvs. 


I  T  OK  LKL'U  Civil, ISATION 


8:< 


<'  Ix'  pueblo  de  Salenco  est  bâti  sur  une  de  ces  nécropoles. 

<i  Après  avoir  traversé  le  Quindio  d  j  Carthago  à  Ebagué  d'o- 

'<  rient  à  l'occident,  je  n'ai  pas  trouvé  une   seule  station  de 

"  lexode,  quoique  j'aie  observé  attentivement  le  terrain  entre 

"  le  rio  Maiidalcua  et  Bogota  '. 

0  A  Titnja,  je  n'ai  rien  remarqué  non  plus,  ce  qui  me  tait 
«  croire  que  l'exode  n'est  jamais  arrivé  dans  la  Cordillère  orien- 
"  taie,  dans  la  zone  comprise  entre  la  ligne  équatoriale  et  le  7  ' 
"  degré.  " 

Ainsi,  d'après  ce  savant  voyageur,  l'exode  est  parti  de  Pa- 
nama et  de  lembouchure  du  Rio  Magdalena.  Les  uns  ont  re- 
monté le  Uio  Magdalena  et  le  Rio  Cauca  et,  passant  par  An- 
tioquia-Calli,  sont  arrivés  à  Popayan  où  les  autres  les  ont  re- 
joints en  suivant  la  route  de  Quindio  et  de  Choco. 

Pendant  ce  temps  un  de  ces  essaims  de  Caras  ou  Cara'ibes, 
venus  sans  doute  de  l'Amérique  centrale,  conduit  par  un  prêtre, 
son  guide  Bocica  ou  Pitcika  ,  remontait  le  Rio  Cauca  ;  et  fon- 
dait les  trois  royaumes  de  Zenu,  'i'un/enu  et  Panzenu  de  Cun- 
dinamarca;  situés  entre  la  Magdalena,  les  montagnes  d'Ebibe 
et  le  golt'c  de  Tolio. 

'I  Ces  nations,  dit  l'abbé  Brasseur,  étaient  d'origine  caraïbe. 
"  C'est  là  qu'on  a  découvert  des  tumuli  semblables  à  des  colli- 
"  nés  qui  renfermaient  des  tombeaux  en  pierres  de  taille  et  voû- 
«  tés,  contenant  les  restes  de  leurs  princes  et  des  trésors  consi- 
'i  dérables.  Depuis  Caramara,  la  vallée  du  Zenu  et  du  Rio  Cauca 
'<  était  parsemée  de  ces  tumuli.  On  retrouvait  les  vestiges  d'une 
«  antique  civilisation  dans  les  monumentsen  pierres  abandonnés 
«  dans  l'épaisseur  des  forêts  et  surtout  dans  les  arts  admirables 
I.  que  les  Caras  avaient  conservés.  On  les  reconnaissait  à  la  taille 
'I  des  pierres  précieuses,  au  travail  de  la  bijouterie  d'or  et  d  ar- 


jlll  dit 


I.  Dans  le  ttislrici  de  San  Augustin,  dans  les  parties  élevées  de  Meira,  par  3"  i  3'  de 
latitude  nord,  on  a  rencontré  des  monuments  comme  la  grande  table  de  granit  de  los 
sacriflcios,  supportée  par  des  cariatides,  des  statues  de  grandes  dimensions  et  d'autres 
objets  artistemcnt  travaillés.  Antiquariai  cthnulogic.il  ^nd  ullwr  i-csearclics,  Xi'w-Cua- 
iij./a  l'y  BoHaevt.  ) 


4 


\)\-.  I.  OUICilN'l'  DIS   INDII'SS   l»r    N01'VP:\('-M0V|)| 


gciit,  à  la  liclKSSc  et  à  l  clci^anccdosctotlcs  qu  ilscontiiuiaiciit 
à  tisser  et  même  à  la  structure  si  remarquable  de  leurs  temples 
et  de  leLirs  palais  qui.  quoique  en  bois,  présentaient  un  air  de 


K'" 


and 


eur  dont  s'étonnaient  à  jusie  titre  les  conquérants 


Une  tradition  attribue  à  un  autre  iiocica  la  civilisation  du 
plateau  de  l^ogota.  Ce  Hocica,  appelé  éiçalement  lluc-koi»  ou 
Huc-moxo,  serait  arrivé  de  lest,  c'est-à-dire  des  grandes  plai- 
nes arrosées  par  les  contluents  de  l'Orénoque,  tels  ijuc  le 
Guavara,  le  Meta  et  TArauco,  encore  aujourd'hui  célèbres  par 
les  grandes  ruines  qu"on  y  découvre  à  l'approche  des  (.:ordillè- 
res  et  par  les  rochers  sculptés  disséminés  entre  les  bras  de  l'A- 
ma/onc.  Il  est  représenté  comme  le  Hocica  de  Menta,  avec  une 
grande  barbe,  des  chevei;\  noirs  et  lisses,  vêtu  d'une  tunique 
descendant  à  mi-jambes  et  d'un  manteau  noué  sur  l'épaule.  11 
apprit  aux  Chibchas,  de  même  qu'au.v  populations  de  la  côte,  à 
peindre  des  croix  sur  leurs  manteaux  '.  11  serait  venu  sur  le 
plateau  de  Bogota  par  Pasca,  d'où  il  serait  passé  à  Aloxa  et  à 
Foulivon,  en  traversant  les  montagnes  qui  sont  au  nord.  On 
le  vit  à  Hanza  Tunja  et  à  Sagnmosco  où  il  mourut. 

Enfin^  un  troisième  Piocica  serait  parti  de  Panama  et,  suivant 
la  route  de  (^uindio-Clioco-Popayan,  aurait  gagné  les  bords  de 
la  mer,  entre  le  cap  San-Francisco  et  la  pointe  Santa-tllena,  où 
il  aurait  londé  les  établissements  d'Atacames,  Carangui  nom 
de  la  nation  et  Menta,  dont  les  populations  axaient  conservé 
son  souvenir  sous  le  nom  d'Huc-con  et  Oua-con  ,  comme 
celles  du  plateau  de  Bogota  et  du  Cundinamarca  ^frontières 
extrêmes  de  Con';.  C'est  un  de  ces  trois  groupes  qui  a  pénétré 
dans  le  royaume  de  Quitus  -,  qui  Ta  civilisé  et  où  il  a  pris  le 


I.  Cotte  ri;niaiv]ue  est  on  ne  l'Cut  plus  intéressante.  Q_uani.i  Quet/aleohualt,  grand  prê- 
tre des  Touraiiiens,  débarqua  à  la  presqu'île  d'AlasUa  ,  sa  robe,  disent  les  traditions, 
était  parsemée  de  croix  rouges.  Le  Boeica  ou  le  H  ue-kon  ou  Alion  de  Manta  et  de  Bogota, 
qui  portait  le  même  nom,  était  donc  un  personnage  tout  à  tait  semblable  à  Quet^al- 
cohualt;  et  qui  permet  de  suivre  la  marelie  de  la  civilisation  dans  le  Nouveau-Monde. 

■.;.  \'elasco,  l'historien  Je  Quito,  dit  que  les  anciens  liabitants  de  cette  contrée  se  nom- 
maient (^uitti  et  que  .^ou  aits  a\ant  la  conquête  espagnole,  vers  l'an  looo  de  notre 
ère,   les  C.ira.s,   rcmont.tnt  la  rivière  Ksmer.ilde.  dans  des  bateaux  de  loup-marin,  con- 


I   r   1)1     Ml  U   civil, ISATION 


S  5 


nom  de  Scyri   prnbiiMcmcnl  Scvthi  ;  on  les  retrouve  encore 
sur  les  hords  et  dans  les  environs  de  la  rivière  de  Guavaquil. 
Kn  i32(),  les  1-^spagnols   ont    trouAé   à     Tumbe/  des  vestiges 
de  forteresses  qui  prouvent  qu  il  y  eut  là  un  établissement  im- 
portant, l-'n  a\ançant  vers  le  sud,  on  voit  des  traces  de  leur 
passage  sur  les  bords  du  rio  Vinaque,  où  existent  les  ruines  de 
grands  édifices  dont  l'architecture  dill'ère  de  celle  desincas.  Les 
Indiens  du  voisinage,  consultés  par  les  espagnols  sur  l'an- 
cienneté de  ces  monuments,  répondirent  qu'ils  étaient  l'ouvrage 
d'un  peuple  blanc  et  barbu  comme  les  Européens,  qui  régnait 
sur  ces  contrées  bien  avant  les  Incas.  De  là,  profitant  d'une 
passe  qui  se  trouve  noa  ioin  du  'l'ruxiilo  actuel,  ils  pénétrèrent 
dans  la  région  intérieure  sous  le  nom  de  Chimus,  et  bâtirent 
(]himu  Chancha  '  dont  les  ruines,  ainsi  que  le  cimetière  rempli 
de  crânes  allongés,  attestent  leur  présence.  M.  Manos  a  dé- 
couvert des  crânes  de  cette  même  forme  près  du  Cerro  de 
Pasco,  à  une  petite  distance  de  Canta.  ■■  J'ai  trouvé  là,  dit-il, 
une  tablette  en  granit,  a^•ec  des  sculptures  représentant  des 
grecques  assez  parfaites  et  des  losanges  qui  entouraient  une 
pierre  à  sacrilices.  Deux  félins,  grossièrement  sculptés  en  creux 
dans  le  granit,  semblaient  défendre   l'accès  de  ce  sanctuaire 
en  plein  air,  à  quelques  lieues  plus  loin,  dans  un  lieu  nommé 
Diezmo,  j'ai  \u  des  sépultures  souterraines  semblables  à  celles 
que  je  cherchais.  " 


iiuireiil  t()Ut  le  haut  plateau  Ac  traita  et  guuvcrnèrent  le   pays  sous  le  no!n  de  Garais 
Scyris. 

I.  I^cs  Chimus  liommes  torts),  étaient,  dit  Montésiiios,  des  ge'ants  qui,  comme  au- 
trefois les  peuples  de  Teo  CoUuiacaii,  pratiquaient  la  sodomie  d'une  faifon  si  éhontéc 
que  les  tribus  vaincues  fuyaient  pour  se  soustraire  à  leurs  cmbrassements.  Ce  vice,  sui- 
vant Diaz,  e'tait  commun  à  tous  les  peuples  de  la  côte  du  Pacitique.  Les  Chimus  occu- 
paient les  cinq  vallées  de  Permunca.  llualinii,  Santa,  Huanapes  et  Chimu.  l.'aride  plaine 
de  Chimu,  près  delà  ville  moderne  de  Truxillo,  sur  12  ou  i3  milles  de  longueur  et  sur 
3  ou  6  de  largeur,  est  couverte  de  ruines  Je  l'ancienne,  Scyri  ;  comme  Babylore.  elle  était, 
d'après  M.  Squier,  bâtie  en  terrasses;  les  Chinuis  sont  restés  indépendants  jusqu'à  leui- 
iléfaite  par  l'Inca  ^■upa^qui,  lils  de  l'.ichakutek.  On  trouve  encore,  près  de  Cliinni 
Chanchu,  un  cimetière  dans  lequel  furent  enterrés  les  Chimus  et  les  Quitchuas,  après 
la  dernière  bataille,  dans  laquelle  les  CbimULi  turent  anéai-.tis.  Us  se  reconnaissent  à 
1.1  lurme  de  leva'  ciàne  allonge. 


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86 


UK  I,  ORIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAt.-'MONDE 


De  là,  on  les  suit  sous  le  nom  de  Yuncas,  à  Concon,  ancien 
nom  de  leur  chef;  à  Liin'ii,  où  ils  avaient  bâti  un  temple;  à 
Quelca,  d'où,  sous  le  nouveau  nom  d'Aj-inams,  serpents,  ils 
ont  gagné  le  lac  Titicaca,  à  120  ou  i3o  lieues,  en  passant  par 
Arequipa. 

Lorsqu'ils  turent  arrives  dans  cette  magnifique  région,  ils 
s'établirent  à  riaguanaco,  et  nommèrent  roi  Pirrhua  ,  Icurpré- 
tre  Manco,  en  Tan  8(30  ou  900  '.  Cette  expression  de  pirhua 
vient  de  pir,  chaleur  du  soleil,  huî:,  race.  La  racine /j/r  exprime 
aussi  ridée  de  lumière  et  de  feu  dans  toutes  les  langues  aryen- 
nes. C'est  de  là  que  sont  sortis  les  noms  de  Pérou  et  de  Perse 
(pays  de  lumière  ou  terre  du  feu,  de  la  lumière  ,  nom  que  porte 
encore  le  pays  des  Fuégiens.  Bc^er  veut  dire  lumière,  éclat, 
rayon.  Pars,  en  zend,  suivant  Anquetil  Duperron,  signifie  pur, 
brillant,  lumineux,  ce  qui  convient  au  pars  proprement  dit, 
c'est-à-dire  à  la  Perse,  tant  à  cause  de  son  ciel  pur  que  comme 
siège  de  la  religion  de  Zoroastre.  On  sait  aussi  que  chez  un  grand 
nombre  de  tribus  de  la  Turquie,  de  la  Tartarie  et  de  l'Iran,  les 
petits  rois  ou  khans  se  donnaient  et  se  donnent  encore  le  nom 
de  pyr.  Porus,  ce  roi  célèbre  de  l'Inde,  qui  lutta  contre  Alexan- 
dre, n'était  autre  qu'un  pyr  de  l'Iran  oriental,  désigné  par  son 
titre  monarchique  et  non  par  son  propre  nom.  Le  nom  de 
Pirhua,  que  prit  le  souverain  des  Aymaras,  n'a  donc  rien  d'ex- 
traordinaire et  vient  coniirmer  l'origine  de  la  civilisation  aryenne 
de  ces  peuples.  On  remarquera  également  l'analogie  frappante 
qui  existe  entre  les  deux  noms  de  Perse  et  de  Pérou. 

De  Tiaguanaco,  les  Caras  ou  Caris,  pénétrant  à  Test,  fondè- 
rent la  ville  de  Tapaccariz,  dans  le  département  de  Cocha- 
bamba  où  ils  se  maintinrent  indépendants  jusqu'à  ce  que  llnca 


I.  Cette  date  coïncide  avec  l'époque  à  laquelle  dueliaicoliualt  quitta  la  presqu'île  Yiica- 
téque  et  s'e;Tibarqua  à  Cliaitipoton  avec  ses  anioxoaqucs,  à  la  recherche  d'autres  régions 
à  civiliser.  Son  nom  se  retrouve,  peu  de  temps  après  son  départ,  dans  l,i  Nouvelle-Gre- 
nade, transformé  da'  s  la  langue  du  pays  en  celu;  de  Oua  con,  qui  a  la  mêmesigniticaiion. 
Et  le  personnage  qui  le  porte  est  représente  par  les  traditions  avec  les  mêmes  traits,  les 
mêiiics  vêtements  sur  lesquels  étaient  peintes  iies  croix  rouges. 


FT  dp:  i,i;uu  civimsaiion  87 

Capac  Vupanquu  les  soumit  à  son  autorité.  L'établissement 
londé  par  eux  ci  Xamapeyta,  quà  découvert  M.  Mano  et  dont 
nou'^  parlerons  plus  loin,  est  une  preuve  qu'ils  ont  pénétré 
chez  les  Chiriguanes.  On  les  retrouve  jusque  sur  la  Ijrre  du 
Feu,  sous  le  nom  de  Karaiques,  que  portaient,  dans  le  prin- 
cipe, les  t'^uégiens  actuels,  auxquels  ce  dernier  nom  a  été 
donné,  en   1822,  par  le  capitaine  Weddel. 

Cent  cinquante  ans  après  leur  arrivée  dans  l'Amérique  mé- 
ridionale, vers  le  milieu  du  xi"  siècle,  ajoutent  les  Annales,  des 
peuples  nouveaux  envahirent  le  Pérou.  «  Ces  étrangers  venaient 
d'une  contrée  lointaine,  riche  et  puissante,  d'où  ils  avaient  été 
chassés  par  des  hommes  (orts,  robustes,  de  haute  taille.  " 

Leur  chef  s'appelait  Manco  Capak   je  prêtre  souverain  ,  et 
les  peuples  qu'il  guidait  étaient  nommés  Quitchuas,  hommes  qui 
s'expriment  bien.  Même  sens  à  peu  près  que  celui  de  nahuall. 
"  Quant  aux  caractères  physiques,  dit  d'Orbigny,  les  Quitchuas 
"  ne  ditierent  en  rien  des  Aymaras  qui  tous  deux  se  rappro- 
«  chent  des  peuples  mexicains.  Pour  le  caractère,  ajoute  le 
"  savant  voyageur,  pour  les  facultés  intellectuelles,  pour  les 
"  coutumes,  pour  les  usages  privés  et  de  société,  pour  l'indus- 
"  trie  agricole  et  manufacturière,  pour  les  vêtements,  les  Quit- 
«  chuas  ressemblaient  en  tout  aux  Aymaras  ;  seulement  leurs 
"  tombeaux,  leurs  monuments  différaient  pour  quelques  points. 
"  Les  langues  se  ressemblaient  beaucoup  par  les  formes,  la 
'  composition,  par  la  dureté  et  l'étendue   La  langue  aymara 
'■  est  peut-être  une  des  plus  dures  du  monde.  Sa  gutturale, 
"  sortant  de  toutes  les  bornes  connues,  vient  tout  à  fait  du  tond 
"  de  la  gorge  et  ne  cède  en  rien  à  la  langue  quitchua  pour  le 
"  nombre  des  consonnes,  pour  la  redondance  rude  et  saccadée. 
■  On  retrouve  à  peu  près  un  vingtième  des  mots  qui  ont  évi- 
«  demment  la  même  origine,  surtout  ceux  qui  expriment  les 
-'  idées  religieuses;  aussi,  tout  en  y  reconnaissant  une  foule 
'■  d'autres  dont  la  racine  est  différente,  et  qui,  par  conséquent, 
0  dénotent  une  langue  distincte,  nous  sommes  porte  à  croire 
«  que  la  langue  aymara  est  la  source  de  la  langue  quitchua. 


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88 


1)K   1.  ORIGINK  Uh-^  INDIl-iNS  DU   NOUVEAI-MO.SDK 


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«  qui  l'entoure  de  tous  côtés  et  que  le  temps  a  pu  altérer  '.  i> 

Les  Quitchuas  sont  venus  par  mer  jusqu'à  l'embouchure  de 
l'Urénoquej  qu'ils  ont  ensuite  remonté  ainsi  que  ses  contluents, 
ont  gagné  le  plateau  de  la  (Cordillère,  non  loin  de  Bogota,  sans 
doute,  et  ',  de  là,  passant  par  Quito,  sont  arrivés  à  Cu/xo.  Il 
est  fort  possible,  d'un  autre  côté,  qu'ils  aient  suivi  la  même 
route  que  les  Aymaras.  Les  Aymaras  ayant  été  soumis,  leur 
chef,  Manco  Capac,  prit  le  titre  de  souverain  Inca  .  11  com- 
mença, suivant  Montésinos,  vers  l'an  1020  ou  lol^o  \  la  dynas- 
tie des  Incas  qui  dura  jusqu'à  l'arrivée  des  Espagnols, 

L'histoire  de  cette  dynastie  est  restée  jusqu'à  présent  très  obs- 
cure, car  on  ne  peut  ajouter  foi  à  celle  qu'a  écrite  Montésinos. 
Celle  qui  a  été  faite  pa»-  Garcilazo  de  la  V'éga,  de  la  famille  des 
Incas,  est  meilleure,  mais  laisse  encore  beaucoup  à  désirer. 

La  destruction  des  monuments  de  Tiaguanaco  date  proba- 
blement de  l'arrivée  des  Quitchuas.  "  Par  tout  le  voisinage, 
dit  Cieza  de  Léon  en  parlant  de  ces  ruines,  demeurent  couchées 
à  terre  maintes  pierres  très  travaillées,  grandes  et  petites,  en 
nombres  iniinis,  par  quoi  l'on  veoit  que  survinrent  aucunes 
guerres,  lesquelles  suspendirent  l'œuvre  avant  qu'elle  ne  fust 
terminée.  » 

Ce  qui  semblerait  indiquer  que  les  A}  maras  n'étaient  pas, 
depuis  très  longtemps,  dans  le  pays  quand  les  Quitchuas  en 
ont  pris  possession. 

Pendant  que  les  Incas  étendaient  chaque  jour  leur  domina- 
tion, les  Caras,  Caris,  se  répandant  de  leur  côté  jusqu'aux 
rives  de  la  Plata,  portaient  leurs  mœurs,  leur  religion,  leur 
industrie   et   leur    langue   dans  les  (les   des   Antilles  ',    fon- 


1.  Ne  pcut-ou  pas  appliquer  tout  co  qui  prcccdc  au  sujet  ilc  l'ayinara  et  du  quitchua, 
au  nahualt  ut  au  maya  : 

2.  Garcihizo  raconte  qu'il  y  avait  autrefois  une  roule  qui  eonduisait  de  'luico  à  Quuo, 
cl  qui  allait  jusqu'à  l'ogota,  suivant  I-'ergusson. 

3.  Cette  date  coïncide  avec  la  grande  migration  des  peuples  de  TAnatiuac  quand  K: 
premier  empire  mexicain,  livré  aux  horreurs  de  la  guerre  civile,  de  la  peste  lI  de  la  li- 
mine,  lut  envahi  par  des  hordes  de  Chichimèques. 

4.  u  En  résume',  après  a\oir  denionlié  que  le   nom  de  Carioc  (i.aïaibtj  u'esl  qu'une 


ET  DE   LEUR  CIVILISATION  89 

daicnt  un  empire  dont  le  siège  fut  'l'ap-Kari  dans  la  province 
bolivienne  de  Cochabamba  et  pénétraient  jusqu'à  l'extrémité 
du  continent  dans  les  régions  glacées  de  la  terre  du  Feu  où  on 
les  retrouve  sous  le  nom  de  Karaïques.  l.cs  Patagons  appe- 
laient 1  Être  suprême  Kanex,  et  les  Puelches  Kauchi  oi'  Ura- 
kans. 

xMaintcnant  qu^  mus  savons  par  qui  et  comment  le  Nou- 
veau-Monde a  été  peuplé  et  civilisé,  si  nous  conjparons  les 
arts,  la  religion,  les  mœurs  et  les  institutions  des  peuples  des 
deux  continents,  et  que  nous  puissions  prouver  qu'il  existe 
entre  eux  des  assimilations,  des  atïinités,  des  ressemblances, 
telles  qu'il  ne  soit  pas  permis  de  douter  de  leur  identité  d'o- 
rigine; nous  espérons  qu'on  ne  dira  pas  comme  dernière- 
ment un  savant  :  "  Ces  rapprochements  s'expliquent  par 
la  conformité  de  l'esprit  humain  à  la  Ibis  variable  et  possé- 
dant un  fonds  commun  d'idées,  d'instincts  et  de  procédés. 
Ces  similitudes  prouvent,  si  l'on  veut,  l'unité  de  l'homme, 
mais,  parce  que  l'homme  d'Amérique,  en  inventant  des 
méthodes,  en  ciéant  des  arts,  en  supputant  la  durée  chro- 
nologique, aura  rencontré  des  (ormes  équivalentes  ou  même 


corruption  du  mot  Guarani  fiuicnier);  après  avoir  ciigrché  à  prouver,  par  la  comparai- 
son des  langues,  que  les  Guaranis  ont  poussé  leurs  migrations  jusque  sur  les  rives  de 
rOrcnoque  et  dans  toutes  les  Antilles;  après  nvoir  signalé  le  mode  de  leurs  .migrations, 
les  motifs  qui  les  ont  déterminées  et  les  traditions  qui  s'y  rattachent,  nous  avons  constaté 
une  identité  pai  laite  entre  les  Ouar-i;iis,  les  peuples  brésiliens,  les  peuples  des  Antilles, 
sous  le  rapport  de  leurs  caractères  physiques,  de  leur  taille,  de  leurs  formes,  Je  leurs 
traits.  Passant  ensuite  aux  rapports  moraux,  nous  avons  retrouvé  cette  même  identité  des 
Guaranis  et  des  Caribcs,  dans  leurs  coutuines  privées,  leurs  usages,  leurs  mœurs,  leur 
industrie,  leur  costume,  leurs  ornements,  leurs  parures,  leur  gouvernement,  l'hérédité 
de  leur  chef,  leurs  principes  religieux.  >   D'Orbigny,  L'homme  américain,  p.  ixi. 

Sur  ce  territoire  d'Haïti  a  vécu  et  brillé  la  Quizqueya  caraïbe  ;  les  t^èiies,  dieux  tuté- 
laires,  ont  donné  leurs  oracles  ;  Hukcon,  aux  éclairs  éblouissants,  s'est  élancé  de  ses 
cavernes  sacrées  vers  le  ciel.  Espérant  le  lever  de  la  blonde  reine  des  nuits,  les  popula- 
tions sortaient  en  foule  de  leurs  carbets,  s' écriant  selon  le  rite  :  Nonoun-nonoun  !  Là. 
bravait  CouroMmou,  aussi  puissant  que  Michebon,  le  génie  des  eaux,  et  aussi  terrible 
qu'Atamastor  et  C.'racau,  le?  génies  des  tempêtes.  ^\i  cacique  Ouacanagari  voguait  dans 
son  canoa  sur  le  fleuve  Han-bonico.  Les  guari-one^  régnaient  sur  cette  plaine,  et  la 
femme  cacique  Anacoana,  sœur  de  Liocheio  ;13ochica),  dominait  par  son  talent.  [Haïti 
awint  l'olumb,  par  Ldgard  la  Salve.) 


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90 


m:  I.  (iRKjiNr:  dks  in'dikns  nu  nol:veai:-moni)F 


identiques  à  celles  dont  'homme  d'Europe  ou  d'Asie  se  serait 
servi,  il  ne  s'ensuit  pas  que  celui-ci  ait  dû  \e£,  importer.  » 
M.  Charles  Mano  est  convaincu  que  la  civilisation  américaine 
a  pris  naissance  près  du  lac  de  Titicaca  d'où  elle  s'est 
répandue  dans  toute  l'Amérique.  L'abbé  Brasseur  va  plus 
loin;  il  se  demande  si  ce  n'est  pas  au  Nouveau-Monde 
que  nous  devons  nos  lumières.  Toutes  ces  théories  sont 
respectables,  parce  qu'elles  émanent  d'hommes  éminents  et 
convaincus.  Quant  à  nous,  nous  le  répétons,  nous  sommes 
persuadé  que  la  source  à  laquelle  les  peuples  de  FAmérique 
ont  puisé  Fétat  de  culture  intellectuelle  qu'ils  possédaient  à 
l'arrivée  des  Espagnols,  est  essentiellement  aryenne  et  nous 
allons  nous  efforcer  de  dissiper  les  doutes  qui  pourraient  rester 
à  cet  égard. 


trr  DE  LEUR  CIVILISATION 


91 


L'ORIGINE 


DE  LA   CIVILISATION   INDIENNE 


PROUVÉE  PAR  LES  AR  1  S 


La  meilleure  preuve  de  la  civilisation  d'un  peuple  ou  du 
moins  celle  qui  est  aussi  sûre  que  toute  autre,  par  la  déduction 
qu'on  peut  tirer  des  arts  mécaniques,  s'appuie  sur  Tarchitec- 
ture  qui  présente  un  champ  si  vastp  et  si  noble  au  développe- 
ment du  beau  et  du  grand,  en  même  temps  qu'elle  est  intime- 
ment liée  aux  commodités  essentielles  de  la  vie.  Les  monuments 
d'une  nation  portent  en  eux  le  sceau  particulier  de  son  génie. 
Deux  architectures  distinctes  existent  dans  le  monde  :  i"  l'ar- 
chitecture orientale  qui  commence  à  Babylone  et  à  Memphis 
et  s'étend  jusqu'aux  Indes,  en  augmentant  de  solidité  et  de 
grandeur;  2"  l'architecture  occidentale  qui  prit  naissance  dans 
TAsie-Mineure,  régna  dans  l'Asie,  d'où  elle  se  communiqua 
à  la  grande  Grèce,  ensuite  à  Rome  et  de  Rome  aux  colonies 
barbares  de  l'empire.  L  architectonique  mauresque  et  gothi- 
que est  un  art  du  milieu  des  temps  et  des  clim.ats,  tenant 
de  la  grandeur  du  génie  babylonien  et  de  la  légèreté  du  gé- 
nie d'Athènes.  La  première  architecture  se  distingue  par  la 
solidité,  la  déclivité  en  talus,  la  construction  en  terrasses  et 
la  forme  pyramidale,  caractères  que  nous  retrouvons  dans 
l'architecture  américaine.  Quand  on  étudie   les  villes,    tem- 


■» 


02 


ni-.  I.  ôKic.iM   i)!"s  iNmr.NS  nr  noi  vkal'-mondk 


pics,  palais,  ponts,  aqueducs,  tertres  en  terre,  tumuli  en 
pierres,  lortitications,  dont  les  ruines  couvrent  le  sol  depuis  le 
rio  Gila  jusqu'au  Paraguay,  on  reconnaît  de  suite  que  ces  œu- 
vres admirables  comme  simplicité,  symétrie  et  solidité,  sont 
sorties  de  la  même  conception  et  que  les  nuances  qui  les  distin- 
guent proviennent  seulement  d'une  différence  de  mœurs,  de 
temps  et  de  culte.  Même  point  de  départ,  plan  uniforme,  style 
analogue,  ordonnance  pareille,  ornementation  semblable,  but 
égal,  c'est-à-dire  construire  solidement  selon  les  règles  et  les 
proportions  les  plus  parfaites  exigées  par  la  nature  du  terrain 
et  la  destination  des  édifices. 

Ce  qui  caractérise  par  dessus  tout  l'architecture  américaine, 
c'est  la  tendance  dominante  qu'avaient  ces  peuples  de  placer 
leurs  temples  et  leurs  demeures  sur  plusieurs  fortes  assises  en 
terrasses  comme  sur  une  sorte  de  trône,  ce  qui  semblait  les 
grandir  encore  et  leur  donnait  l'avantage  de  la  sûreté  de  la 
position,  ainsi  que  la  perspective  d'une  vue  étendue.  Ils  avaient 
compris,  que  le  sacrifice  religieux  qui  pouvait  être  aperçu  par 
tout  un  peuple  à  la  fois  présentait  un  caractère  plus  imposant, 
et  qu'un  monument  élevé  en  amphithéâtre  acquérait  ainsi  dans 
un  isolement  plein  de  majesté,  les  perspectives  les  plus  flat- 
teuses à  l'œil,  les  proportions  les  plus  grandioses,  la  symétrie 
la  plus  élégante  et  les  lignes  les  plus  harmonieuses  dans  un 
ensemble  saisissant.  Pour  que  leurs  édifices  résistassent  miuux 
aux  bouleversements  naturels  si  fréquents  dans  ces  contrées, 
ils  avaient  adopté  la  forme  en  talus  pour  les  murs  extérieurs, 
en  carres  longs  pour  leur  palais,  et  en  pyramide  pour  les 
monuments  élevés,  dont  le  sommet  était  mis  en  communica- 
tion avec  le  sol  par  des  escaliers  dont  la  largeur  variait  en  pro- 
portion de  la  hauteur,  et  qui  étaient  plus  ou  moins  rapides^ 
pourvus  d'une  rampe  avec  ou  sans  inclinaison,  et  un  palier 
pour  les  grands  édifices  de  cinquante  à  soixante  degrés. 

Ce  mode  de  construction  en  terrasses  se  retrouve  aussi  bien 
au  nord  que  dans  le  sud  de  rAmériquc.  A  Chilocoth,  à  Mar- 
cetta,  dans  l'Ohio,  dans  le  Kcntucky,  l'clat  de  New-Vork,  le 


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IT  DK  I.r  ru  nVII  ISATION  g3 

l'cnnessc'C,  le  Missouri,  etc.,  on  a  découvert  un  grand  nombre 
de  tertres  en  terrasses  superposées  semblables  aux  teocallis  du 
Mexique.  Un  tumulus,  près  de  Saint-Louis,  a  2,400  pieds  de 
circonférence  à  la  base  et  100  pieds  de  hauteur,  dimensions  qui 
ra^jpellent  celles  de  la  pyramide  d'Asychis,  roi  d'Kgypte  '. 

A  Florence  :  Alabama  ,  se  trouvent  les  ruines  d'une  pyramide 
tronquée  rejnarquable  par  sa  régularité  géométrique.  Chacune 
de  ses  faces  est  orientée  comme  celles  des  pyramides  du  Mexi- 
que. 

Au  Mexique,  dans  le  Yucatan,  l'Amérique  centrale  et  PAmé- 
rique  méridionale,  on  trouve  un  grand  nombre  de  ruines  :  i"  de 
tumuli  en  terre,  ou  en  pierres  et  chaux,  ou  en  briques,  les  uns 
sans  issue  apparente,  les  autres  avec  une  galerie  transversale 
ou  avec  deux  galeries  en  croix  revêtues  de  pierres  régulières  et 
taillées;  2"  des  teocallis  de  diverses  formes  en  pierres  taillées 
couvertes  d'un  solide  enduit,  orientés,  à  plate-forme  unie  ou  à 
plate-forme  portant  un  temple,  et  disposés  depuis  quatre  corps 
en  retraite  l'un  au-dessus  de  l'autre  jusqu'à  huit  corps;  3"  des  py- 
ramides quadrangulaires  d'un  seul  corps  ou  de  plusieurs  corps 
en  retraite  avec  des  escaliers  sans  rampe  ou  pourvus  d  une 
rampe  diagonale. 

Parmi  ces  constructions  en  terrasses,  nous  demanderons  la 
permission  de  citer  les  plus  curieuses  et  les  plus  remarquables. 

Le  plus  grand,  le  plus  ancien  et  le  plus  célèbre  de  tous  les 
monuments  pyramidaux  à  terrasser  de  l'Anahui'  '  est  le  teocalli 
de  Cholula  la  ville  de  l'exilée  bâtie  par  Quetzalcohualt  .  On 
l'appelle  aujourd'hui  la  Montagne  faite  à  mains  d'hommes.  Il 
se  trouve  à  Test  de  la  ville  actuelle  de  Cholula^  sur  le  chemin 
aui  mène  à  Puebla.  11  a  quatre  assises  toutes  d'une  hauteur 
égale  en  retraite  et  en  talus.  Il  est  exactement  orienté  d'après 


I.  i^c  prince,  voulant  surpasser  Ls  rois  qui  avaient  gouvermi  i'Egypie  avant  lui,  laissa 
pour  monument  une  pyramide  en  briques  avec  cette  inscription  :  .i  Ne  me  méprise 
pas  en  me  comparant  aux  pyranii-les  en  pierres.  Je  suis  autant  au-dessus  d'elles  que 
Jupiter  est  au-dessus  des  autres  dieux.  J'ai  été  bâti  de  briques  tirées  du  tond  du  lac  >• 
(Fléroddle,  V.\.  il,  c'ii.  i;\x.\vi. 


94 


l)K  1.  DHU.INI-    l)l:S   INDIFNS  l)f   SOI' VF.iT-MONbli 


les  quatre  points  cardinaux.  Sa  base  est  plus  étendue  que  celle 
de  tous  les  éditices  du  même  genre  mesurés  dans  l'ancien  con- 
tinent. Klle  est.,  par  exemple,  deux  lois  plus  grande  que  celle  de 
Chéops.  Chacun  des  côtés  de  la  base  a  .jl^p  n',  de  longueur;  sa 
hauteur  est  de  ()5  m.  suivant  Bétancourt,  70  suivant  Torque- 
mada.  KWc  e.xcède  un  peu  celle  de  Mycériiius  '.  Un  escalier 
servait  pour  monter  diagonalemenl  d'un  corps  à  lautre  ;  il 
avait  cent  vingt  gradins.  A  la  cime  était  un  autel  dédié  à  Quet- 
/alcohuat.  Ce  monument  était  construit  en  briques  non  cuites 
alternant  avec  des  couches  d'argile;  c'est  pourquoi  on  l'appelait 
'l'IalcheliUatepec  la  montagne  de  briques  non  cuites  .  La  plate- 
forme a  4,200  m.  carrés. 

Au  sud-est  de  la  ville  de  Cuernacava,  l'ancien  Quauhnahuac, 
sur  la  pente  occidentale  de  la  Cordillère  d'Anahuac,  s'élève  le 
monument  de  Xochicalco  (la  Maison  des  fleurs  ;  c'est  d'abord 
une  colline  ou  une  masse  de  rocs  à  laquelle  la  main  de  l'homme 
a  donné  une  forme  conique  assez  régulière  et  qui  est  divisée 
en  cinq  assises  ou  terrasses  dont  chacune  est  revêtue  de  maçon- 
nerie ;  les  assises  ont  à  peu  près  20  mètres  d'élévation  perpen- 
diculaire; elles  se  rétrécissent  vers  la  cime.  Toutes  les  terras- 
ses sont  inclinées  vers  le  sud-ouest.  La  colline  est  entourée 
d'un  fossé  assez  profond  et  très  large.  Le  sommet  présente  une 
plate-forme  oblongue  qui,  du  nord  au  sud,  a  72  m.  et,  de  l'est 
à  l'ouest,  86  m.  de  largeur.  Cette  plate-forme  est  entourée  d'un 
mur  de  pierres  de  taille  dont  la  hauteur  excède  2  m.  et  qui  ser- 
vait à  la  défense  des  combattants.  C'est  au  centre  de  cette  place 
d'armes  spacieuse  que  l'on  trouve  les  restes  d  un  monument 
pvramidal  qui  avait  cinq  assises  et  dont  la  forme  ressemblait  à 
celle  des  autres  teocallis.  Tout  l'édifice  avait  environ  20  m.  d'é- 
lévauun.  Les  faces  sont  exactement  orientées  d'après  les  six 
points  cardinaux.  La  base  a  20"' 07  de  long  sur  17'"  04  de  large. 
On  ne  découvre  aucun  vestige  d'escalier  conduisant  à  la  cime 


I.  Dans  les  trois  gfaiultfs  p}iiuni.ies  de  l)|izch.  le»  hauteurs  sont  sux  bases  connut 
I  a  17  10;  dans  celle  de  ClioUilan,  comme   i  à  ■;H  lo. 


;  a 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION  çS 

de  la  pyramide  où  l'on  assure  avoir  trouvé  jadis  un  siège  de 
pierre  orné  d'hiéroglyphes.  Les  voyageurs  ne  peuvent  assez 
admirer  le  poli  et  la  coupe  des  pierres  qui  ont  toutes  la  lorme 
de  parallélipèdes,  le  soin  avec  lequel  elles  ont  été  unies  les  unes 
aux  autres  sans  que  les  joints  aient  été  remplis  de  ciment,  et 
l'exécution  des  reliefs  dont  les  assises  sont  ornées.  Ce  monu- 
ment a  été  londé  par  les  disciples  de  (^uet/.acohualt  presque  en 
même  temps  que  Cholulaa. 

Dans  la  vallée  de  .Mexico,  à  (S  lieues  de  distance  de  la  capi- 
tale, s'élève  le  groupe  des  pyramides  de  l'eotihuacan  dans  une 
plaine  qui  porte  le  nom  de  Micoall  le  chemin  des  morts  .  On 
y  observe  encore  deux  grandes  pyramides  dédiées  au  soleil 
'i'onatiuhi  et  à  la  lune  Meztli  e»  entourées  de  plusieurs  cen- 
taines de  petites  pyramides  qui  forment  des  rues  dirigées  exac- 
tement du  nord  au  sud  et  de  l'est  à  l'ouest.  Des  deux  grands 
teo.rallis,  Tonatiuh  it/.agual  la  maison  du  soleil  a  55  m.  de 
hauteur,  suivant  M.  de  Humhold,  et  208  m.  de  longueur  comme 
base.  Metzlr  itzagual  a  44  m.  d"élé\'aiion  perpendiculaire.  Les 
petites  pyramides  ont  à  peine  cj  à  10  m.  de  hauteur.  Autour  du 
Chéops  et  du  Mycérinus,  en  Egypte,  on  remarque  aussi  huit 
petites  pyramides  placées  avec  beaucoup  de  symétrie.  Les  deux 
grands  teocallis  avaient  quatre  assises  principales.  Chacune 
d'elles  était  divisée  en  petits  gradins  dont  on  distingue  encore 
les  arêtes.  Leur  noyau  est  d'argile  mêlé  de  petites  pierres  ;  il  est 
revi't'.i  d'un  mur  épais  d  amidaloïde  poreuse.  Ciette  construction 
rappelle  celle  des  pyramides  de  Sakharah  qui  a  six  assises  et  qui, 
d'après  le  récit  de  Focok,  est  un  amas  de  cailloux  et  de  mortier 
jaune,  revêtu  en  dehors  de  jiierres  brutes.  Sur  les  grands 
teocallis  mexicains  se  trouvaient  deux  statues  colossales  du 
soleil  et  de  la  lune  en  pierres  et  enduites  de  lames  d'or.  Un  es- 
calier en  grandes  pierres  de  taille  conduisait  à  la  plate-torme. 
La  pyramide  de  Papautla  s'élève  à  l'est  du  groupe  des 
pyramides  de  Teotihuacan  en  descendant  la  Cordillère  vers 
le  golfe  du  jMexique.  Elle  est  composée  de  sept  terrasses  su- 
p;.rposées,  ayant  le  même  angle  d'inclinaison.  La  base  est  un 


96  Dr:  l'oHiCiiNi   i)i:s  indifns  Dr  noivfai-mondi' 

carre  partait,  dont  chaque  côté  a  ii'O  pieds  anglais  Sa  haut  -î»- 
est  de  S 3  pieds. 

Elle  est  construite  en  pierres  très  bien  taillées,  d'une  gran- 
deur extraordinaire,  réunies  par  des  couches  de  mortier  de 
trois  pouces  d'épaisseur.  11  y  a  trois  escaliers.  I.e  grand  es- 
calier est  au  milieu,  à  l'ouest,  et  conduit  seulement  à  la  sep- 
tième terrasse.  Les  laces  sont  orientées.  Le  levétement  est  orné 
de  signes  hiéroglyphiques  et  de  petites  niches  disposées  avec 
beaucoup  de  symétrie.  Le  nombre  de  ces  niches  paraît  taire 
allusion  aux  3Go  degrés,  simples  et  composés,  des  jours  du 
(Calendrier  civil  des  loltèques  '. 

A  Tehuantepec,  au  milieu  de  ruines  considérables,  gisent 
deux  monuments  de  forme  pyramidale.  L'un  d'eux  est  un  mas- 
sif composé  de  quatre  corps  en  retrait  l'un  sur  l'autre,  orien- 
tés, construits  en  chaux  et  pierre  et  couverts  extérieurement 
d'un  enduit  brillant  de  chaux,  de  sable  et  d'oxyde  de  fer. 
L'escalier  principal  esta  l'occident.  Les  deux  escaliers  latéraux 
regardent  le  nord  et  le  midi  ;  ils  conduisent  tous  à  une  plate- 
forme. Le  premier  corps  de  construction  forme  un  carré 
long,  dont  le  plus  grand  côté  oflVe  un  développement  d'en- 
viron 120  pieds  et  le  petit  côté  de  55  pieds;  l'escalier  princi- 
pal a  quarante  degré?  de  9  pouces  de  haut  et  de  9  pouces  de 
large. 

Le  deuxième  monument  n'a  que  deux  corps  de  construction, 
mais  est  bâti  sur  le  même  modèle  que  le  premier. 

A  quelques  milles  de  Tezcuco,  au  pied  de  la  Cordillère,  on 
aperçoit  une  colline  isolée  et  conique,  d'environ  700  pieds  de 
haut,  qui  évidemment  fut  autrefois  formée  par  une  .suite  de  ter- 
rasses superposées  et  qui  devait  avoir  un  temple  à  son  sommet. 
Sur  les  ditiérentes  parties  de  cette  colline  on  retrouve  les  débris 
de  murs  de  terrasse^  ;  ecouverts  d'un  ciment  coloré  ainsi  que 
des  morceaux  d'obsidienne,  des  tètes,  des  flèches,  des  poteries 
de  toutes  sortes. 


I.  Picmicri:  e\pc  liiion  du  capitniiie  Diipai.t. 


I:T  DR  LRUR  CIVII,IS\TI0N 


97 


le 


;1. 


Le  grand  temple  de  Mexico  consistait  en  cinq'  corps  super- 
posés, ayant  chacun  une  hauteur  à  pcLi  près  égale,  mais  dil]'é- 
rant  en  longueur  et  en  largeur;  la  base  avait  plus  de  :^5o  pieds 
en  longueur  de  l'est  à  l'ouest,  sur  '^oi  de  largeur.  Le  deuxième 
avait  7  pieds  de  moins  en  longueur  et  en  largeur;  le  troisième, 
également,  7  pieds  de  moins,  et  ainsi  de  suite.  Les  escaliers 
comprenaient  cent  quatorze  marches  d'un  pied;  au  sommet 
était  une  plate-forme  de  ;<oi  pieds  de  long,  sur  2^8  de  large. 
A  l'extrémité  de  cette  plate-tbrmc  étaient  deux  tours  de  56  pieds 
de  haut;  lans  la  partie  intérieure  de  ces  tours  se  trouvaient  les 
sanctuaire;-  où,  sur  un  autel  de  5  pieds  de  hauteur,  étaient  pla- 
cées les  idoles. 

Nous  arrivons  à  un  des  monuments  i'vramidaux  les  plus  im- 
portants, celui  de  Palenqué.  Qu'on  se  représente  d'abord 
une  masse  de  construction  pyramid  ^sise  sur  une  base 
présentant  un  carré  long  A  consistant  rois  corps  qui  s'éle- 
vaient en  talus  l'un  au  dessus  de  l'autre.  Cette  base  a  1  ,oSo  pieds 
de  tour  et  60  de  haut;  elle  est  construite  en  pierres,  chaux  et 
sable.  Au  milieu  de  la  façade  qui  regarde  l'orient  se  trouve  un 
grand  escalier  en  pierres  taillées  qui  conduit  à  l'entrée  princi- 
pal. Le  soubassement  e.>t  revêtu  de  pierres  de  taille  et  chaque 
division  ofVrc  une  corniche  très  saillante. 

Au  dessus  de  cette  masse  pyramidale  s'élève  avec  majesté 
le  plus  grand  édifice  de  cette  ancienne  ville.  Le  plan  de  cet 
édifice,  qui  représente  comme  un  carré  long,  a  240  pieds 
sur  les  grands  côtés,  144  sur  les  petits  côtés  et  768  pieds  de 
périmètre  ou  de  tour,  sa  hauteur  est  de  36  pieds.  Les  murail- 
les principales  ont   17  pieds  d'épaisseur. 

Dans  le  village  de  San  Cristoval  'l  eapantepec  se  trouvent 
les  ruines  d'une  pyramide  très  intéressante,  construite  dans  le 
goût  égyp  n  avec  17  corps  en  retrait  l'un  au  dessus  de  l'au- 
tre. Elle  avait  72  pieds  de  haut. 

Dans  une  vaste  plaine  près  de  Mitki,  on  découvre  des  ruines 
considérables,  restes  d'immenses  téocallis,  comme  l'indiquent 
les  autels  placés  au  centre;  à  l'inspection  de  ces  tcrre-plein.s. 


98  1)1-:   I.'OKIGINF   nrs  indiens  nu   NOrVKAl-MONDE 

disposes  en  carré,  dont  l'un  plus  élevé  que  l'autre  est  com- 
posé de  plusieurs  corps  en   retrait  comme  les  pyramides,   on 
se    figure    voir   toute;   une    population    rassemblée    sur    ces 
terre-pleins,  les  princes  et  les  prêtres  sur  les  points  les  plus 
élevés  et  le  culte  se  célébrant  à  la  lace  du  ciel  avec  beaucoup 
de  grandeur.    Le  premier  monument  est  quadrangulaire.  La 
principale  construction  ,    composée  de    17    corps  en  retrait  , 
l'un  au  dessus  de    l'autre,  est   très  élevée;    ce    qui   reste   a 
140  pieds  de  longueur.  Les  autres  parties  qui  n'ont  que  deux 
étages,  sont  dans  la  même  proportion.  Le  tout  est  construit  en 
pierres  et  en  briques  ;  au  centre  se  trouve  un  grand  autel  carré, 
construit  en  maçonnerie,   avec  un   escalier  pour    y  .monter. 
C'est   là  probablement    que   se    faisaient    les  sacrilices.    Le 
deu.xième  monument  semblable  au  précédent  forme  aussi  un 
carré  long  comprenant  trois  corps  de  btttiments  en  briques, 
l'un  au-dessus  de  l'autre.  Les  autres  terre-pleins  n'ont  qu'un 
seul  corps  ou  étage.  L'autel  est  également  au  centre. 

Le  grand  tertre  de  CKitchen  It/a  construit,  d'après  les  mêmes 
principes,  mesure  à  la  base,  côtés  sud  et  nord,  196  pieds;  côtés 
est  et  ouest,  202  pieds;  hauteur,  -jb.  Escalier  à  l'ouest,  1^7  pieds 
de  largeur;  escalier  au  nord,  44  pieds;  90  marches  '. 

A  Izamal,  ie  tertre  est  trop  défiguré  pour  permettre  une  me- 
sure exacte.  Il  a  environ  700  pieds  de  longeur,  sur  60  de  hau- 
teur ". 

Le  palais  des  rois  d'Uxmal  était  bâti  sur  trois  rangs  de  ter- 
rasses, formant  ensemble  une  hauteur  de  plus  de  40  pieds. 
L'abbé  Brasseur  de  Bourbourg  en  a  fait  une  description  qui 
indique  que  c'était  un  des  plus  beaux  monuments  de  ces  peuples. 

A  Copan.  au  milieu  des  ruines  de  la  ville,  se  trouve  un  terre- 
plein  disposé  en  carré  et  en  terrasses,  mesurant  1,600  pieds 
de  longueur  sur  900  de  largeur.  En  dessous  sont  les  ruines 
d'un  autre  terre-plein  qu'on  appelle  le  temple  et  qui  est  cons- 


I.  Cathervoo.l,  p.  ;> 
i.  Catlicrvooil,  p   i[ . 


Illiii 

;  ;  - 1 


Il    1)1-:   M'IR   civil. ISATION 


99 


ir- 
Iliu 

L'S. 

•e- 
:ds 

iCS 

ns- 


tiLiit  Je  la  même  manière.  Au  centre,  on  voit  deux  pyramides 
assez  élevées,  de  l'orme  quadrangulairo.  Elles  étaient  bâties  en 
pierres,  d'un  pied  et  demi  d'épaisseur  et  de  6  pieds  de  longueur. 
On  a  calculé  que  les  principales  i\vramides,  le  temple  et  les 
murailles  qui  l'entourent ,  mesuraient  '26,000,000  de  pieds 
cubes  de  construction. 

Dans  la  vallée  de  Comayai,'ua  Honduras;,  on  a  trouvé 
des  ruines  de  p\ramides  et  de  terre- pleins  entourés  de  pier- 
res travaillées,  des  collines  artificielles  de  forme  conique 
et  des  murailles  en  pierres.  Près  de  'l'ambla,  sont  les  ruines 
de  (^alamula,  comprenant  des  tumuli  ou  terre-pleins  de  lorme 
rectani,'ulaire,  dont  un  a  100  pieds  de  longueur,  avec  un  esca- 
lier pour  parvenir  au  sommet,  ('.et  édliice  est  couvert  de  pier- 
res sculptées.  Ce  sont  de  véritables  téocallis  ressemblant  à 
ceux  du  .Mexique,  l.es  indigènes  ont  conservé  par  la  tradition 
le  souvenir  de  constructions  souterraines  servant  de  demeures 
et  de  galeries  pour  les  morts,  A  20  milles  au  sud-est  de  ('o- 
mayagua,  près  de  Florès,  se  trouve  une  colline  en  pierres 
blanches  rayées,  se  terminant  par  un  plateau  sur  lequel  sont 
un  grand  nombre  de  téocallis  et  de  tombeaux.  Quelques-uns 
de  ces  tertres  ont  plus  de  100  pieds  de  longueur,  avec  une 
hauteur  et  une  largeur  proportionnées.  Au  centre  de  la  plaine 
de  Comayagua,  on  aperçoit  également  les  restes  d'un  ancien 
téocalli  en  pierres,  à  trois  assises-,  près  de  la  gît  une  autre 
grande  pyramide,  entourée  d'un  nombre  considéra'^'lc  de  plus 
petites.  Près  d'Amaracana,  on  remarque  un  amphithéâtre  de 
100  pieds  de  longueur  sur  25  de  largeur  et  dont  l'intérieur  est 
revêtu  de  pierres  fines,  couvertes  de  figures  en  haut  relief, 
qui  rappellent  celles  du  Mexique  et  de  l'Amérique  centrale. 
Des  gradins  conduisent  au  sommet.  A  Tenampua,  on  distin- 
gue aussi  les  restes  de  fortifications  très  bien  construites,  avec 
de  tours  de  distance  en  distance. 

Dans  l'île  d'Omotepec,  que  nous  avons  visitée  au  Nicara- 
gua, on  a  trouvé  des  tertres  en  terre  à  étages,  ainsi  que  des 
tombeaux  renfermant  des  objets  en  terre,   en  pierres  ou  en 


100 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


mctal.  Dans  l'île  de  Zapatero,  existent  huit  pyramides  en  pier- 
res, entourées  de  statues,  et  qui,  d'après  M.  Squier,  étaient 
des  téocallis. 

Au  Salvador,  les  ruines  les  plus  importantes  sont  près  de 
San  Xicente  ,  et  du  volcan  d'Opico;  elles  consistent  en  de 
grands  'erre-pleins  en  terrasses,  tours  circulaires  et  carrées, 
galeries  souterraines.  Non  loin  de  San  Sonate  et  de  la  frontière 
nord-ouest  du  Guatemala,  nous  avons  vu  nous-méme  un  grand 
nombre  de  tertres  et  de  tumuli. 

D'après  le  Père  Cicuna,  de  nombreux  tumuli  existent  à  une 
laible  distance  de  Teralba.  Au  Costarica,  dans  les  environs  de 
la  ville  de  David,  dans  la  province  de  Chiriqui,  on  a  trouvé 
également  des  téocallis  cl  des  tertres  semblables  à  ceux  du 
.Mexique  et  de  1  Amérique  centrale. 

Ainsi,  du  nord  de  l'Amérique  septentrionale  jusqu  à  l'isthme 
de  Panama,  on  retrouve  ce  mode  de  construction  en  terrasses, 
que  les  mêmes  architectes  ont  importé  dans  l'Amérique  méri- 
dionale. "  Dans  ces  contrées  dit  .M.  Angrand,  surtout  dans 
les  provinces  de  Huamanga  et  d'Abancai,  situées  au  nord  de 
(Ài/co  et  habitées  autrefois  par  plusieurs  peuplades  dont  la 
principale  était  celle  des  Huclcas,  on  trouve  de  nombreux  mo- 
numents ayant  une  forme  pyramidale,  composés  de  plusieurs 
terrasses  superposées,  construites  avec  plus  ou  moins  de  soin. 
Un  escalier  montant  au  sommet  de  l'édilice  en  occupe  une  des 
faces.  Le  nombre  des  terrasses  est  de  trois  à  cinq  et  leur  hau- 
teur totale  varie  de  5  à  3o  mètres.  Il  ny  a  qu'un  seul  de  ces 
monuments  dans  chaque  localité,  mais  il  est  toujours  environné 
de  constructions  ayant  servi  d'habitations.  Ces  pyramides  sont 
de  \éritables  téocallis,  semblables  à  ceux  du  Mexique.  »  — 
"  Les  jardins  en  terrasses  de  la  vallée  de  \'ucay,  à  20  milles 
de  Cu/co,  ont  été  établis  d'après  les  mêmes  principes  que 
ceux  de  Tet/cot/uco  dans  l'Anahuac  et  d'L'xmal  au  Yuca- 
tari.  Chaque  jardin  avait  son  réservoir  'aiequiai  alimenté  par 
un  aqueduc.  »  Les  édifices  en  terrasses  qu'on  retrouve  à 
Chimu  et  près  de  Chimu,  à  Moché,  sont  bâtis  d'après  le  même 


Kl    DK  U:VH  CIVILISATION 


101 


Style.  La  grande  pyramide  de  Moché,  connue  sous  le  nom 
de  temple  du  soleil,  rappelle  exactement  celles  du  Mexique  et 
du  Yucatan  Hàtie  d'adauhes  à  l'extérieur  et  de  terre  à  l'inté- 
rieur, elle  mesure,  à  la  base,  800  pieds  de  longueur  sur  470  de 
largeur.  La  hauteur  est  de  200  pieds.  Le  revêtement  du  mur 
a  une  épaisseur  de  trente  à  quarante  adaubes.  Elle  est  formée 
de  quatre  rangs  d'assises  et  orientée  comme  celle  de  Cholulan 
au  Mexique 

Le  palais  de  Chimu,  d'après  la  description  qu'en  a  laite 
M.  Squier,  construit  également  en  terrasses  couvertes  de  bâ- 
timents, contenait  un  grand  nombre  de  chambres  souterraines, 
ornées  de  reliefs  ou  de  peintures.  Les  arabesques  en  stuc,  en 
relief  d'environ  un  pouce  et  formées  de  mosaïques,  ressem- 
blaient, dit-on,  entièrement  à  celles  de  Mitla. 

Le  mode  de  bâtir  en  terrasses  ne  s'appliquait  pas  seulement 
aux  grands  édilices.  '■  A  l'uia,  dit  M.  Charnay,  dans  une  com- 
munication adressée  à  la  Société  de  géographie  de  Paris  on 
1S81,  nous  avons  trouvé  dans  les  maisons  un  exemple  entiè- 
rement neuf  et  bien  curieux  de  la  manière  de  bâtir  de  ces  peu- 
ples. La  première  maison  que  nous  avons  découverte  est  pla- 
cée sur  une  hauteur,  et  les  diverses  pièces  qui  composent 
l'habitation  suivent  les  mouvements  du  sol,  s"échelonnanl  à 
des  niveaux  ditlérents  et  communiquant  entre  elles  par  de  petits 
escaliers  et  détroits  corridors.  " 

En  résumé,  dans  toute  l'Amérique,  les  anciens  peuples 
avaient  adopté  la  construction  en  terrasses,  la  déclivité  du  ta- 
lus, la  forme  carrée  dans  la  base  et  pyramidale  dans  l'éléva- 
tion. Ces  caractères,  qui  distinguent  l'architecture  orientale 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  se  retrouvent  tous  dans  les 
monuments  de  Persépolis,  que  Heeren  a  si  bien  décrits  dans 
son  Histoire  de  Az  politique  et  du  commerce  des  peuples  de  l'an- 
tiquité, et  dans  le  temple  Je  Bélus  à  Babylone  qui,  d'après 
Hérodote,  était  un  véritable  téocalli.  «  Sur  un  plateau,  dit 
Heeren,  appelé  actuellement  Merdasht,  à  5o  ou  60  kilomè- 
tres de  Chii'ùz,  on  aperçoit  des  ruines  auxquelles  les  Ara- 


mssr. 


ni 


102 


DE   r,  OUKJINI'.   DKS  INDIKNS  DU   NOl  VEAl  -MONDI", 


bcs  ont  donne  le  nom  de  'Ichil  Minar  les  quarante  colon- 
nes) qui  sont,  à  ce  qu'on  croit,  les  débris  d'un  palais  qu'A- 
lexandre brûla  dans  une  orgie,  à  l'instigation  de  la  courtisane 
'l'haïs.  Ces  ruines  couvrent  inie  partie  de  l'ancienne  Per- 
scpolis,  capitale  de  l'empire  perse.  Leur  ensemble  présente  la 
forme  d'un  amphithéâtre  et  de  plusieurs  terrasses  superposées. 
Le  palais  de  Tchil  Minar  était  un  grand  et  magnifique  édilice, 
admirablement  situé  sur  l'emplacement  où  se  réunissent  la 
Perse  montagneuse  et  la  plaine.  11  semble  sortir  des  monta- 
gnes. Dans  une  ouverture  en  forme  circulaire  de  la  chaîne  éle- 
vée des  rochers  de  marbre  gris  de  la  plus  grande  beauté,  est 
placé  le  fond  de  l'édifice,  tandis  que  la  partie  extérieure  avance 
dans  la  plaine.  Il  a  la  forme  d'un  amphithéâtre  à  trois  terras- 
ses. I.e  tout  est  construit  en  marbre  des  montagnes  voisi- 
nes, dont  les  blocs  énormes,  d'un  fini  et  d'un  poli  admirables, 
sont  joints  sans  chaux  ni  mortier  d'une  manière  étonnante  -,  des 
escaliers  de  marbre,  à  l'ouest,  permettent  de  monter  au  som- 
met, ils  sont  si  larges  et  si  commodes  que  doux  cavaliers  pour- 
raient se  tenir  de  front.  Ils  n'ont  pas  de  rampe.  »  L'édilice 
offre  partout,  comme  en  Amérique,  des  toitures  plates.  In 
immense  espace  est  couvert  de  colonnes,  de  portails,  de 
fragments  de  murs  revêtus  de  bas-reliefs  sculptés  sur  le  mar- 
bre et  dont  les  des^ins  rappellent  ceux  de  Palenqué.  On  a  dé- 
couvert également  des  ton;beaux  taillés  dans  le  roc,  et  dont 
l'entrée  a  été  cachée  avec  soin. 

Ecbatane,  d'après  Hérodote,  était  originairement  une  cita- 
delle en  forme  de  terrasse,  dont  les  ruines  rappellent  le  style 
de  Persépolis.  On  connaît  aussi  la  description  que  cet  histo- 
rien, qui  visita  Babylone  et  qui  \it  le  temple  de  liélus,  lait 
de  ce  monument  pyramidal  qui  avait  huit  assises,  a  Sa  hau- 
teur, dit-il,  était  d'un  stade  'iH3  mètres  .  La  largeur  de  sa 
base  égalait  sa  hauteur;  le  mur  qui  formait  son  enceinte  exté- 
rieure avait  deux  stades  en  carré.  "  Il  est  probable  que  le 
temple  de  Ik'lus  était  orienté  d'après  les  quatre  points  car- 
dinaux, comme  le  sont  les  pyramides  égyptiennes  et  mexicaines. 


KT  nr:  ij:ur  civilisation 


lo;^ 


quoique  ce  fait  ne  soit  pas  mentionné  par  Hérodote,  Strabon, 
Diodore,  Pausanias,  Arrien  ou  ()uinte-Curce.  Knfin,  il  n'est 
personne  qui  n'ait  entendu  parler  des  fameux  jardins  suspen- 
dus de  Babylone  qui  consistaient  en  un  édiiice  carré  de  120 
mètres  de  hauteur  sur  chaque  (ace  avec  douze  terrasses  super- 
posées en  retrait  représentant  une  p)  1  amide  tronquée. 

Les  Scythes  avaient  adopté  le  même  type  architectural.  La 
pyramide  triangulaire  de  leur  reine  Zarina  avait  un  stade  de  hau- 
teur, trois  de  largeur,  et  était  ornée  d'une  figure  colossale.  Nous 
citerons  également  les  quatorze  pyramides  étrusques  que  l'on  dit 
avoir  été  renfermées  dans  le  labyrinthe  du  roi  Porscnna,  à  Clu- 
sium,  et  qui  avaient  été  construites  pour  servir  de  sépulture  à 
des  personnages  illustres  '.  dette  forme  avait  été  choisie  par 
la  plupart  des  peuples  pour  marquer  la  place  où  reposaient  les 
restes  de  ceux  dont  ils  chérissaient  la  mémoire.  C'étaient  d'a- 
bord de  simples  monceaux  de  terre  '  ou  de  pierres  et,  par  la 
suite,  des  tumuli  d'une  hauteur  surprenante.  Ceux  des  Chinois 
et  des'l'hibétains  n'ont  que  quelques  mètres  d'élévation  ;  plus  à 
I  ouest,  les  dimensions  vont  en  augmentant.  Le  tumulus  du  roi 
Alyatte,  père  de  Crésus,  en  Lydie,  avait  six  stades  ou  qcjS  mè- 
tres; celui  de  Ninus,  plus  de  dix  stades,  83()  mètres  en  diamè- 
tre. Le  nord  de  l'Lurope  oll're  les  sépultures  du  roi  Scandinave 
(jormus  et  de  la  reine  Danoboda,  couvertes  de  monceaux  de 
terre  qui  ont  3oo  mètres  de  largeur  et  plus  de  3o  mètres  de  hau- 
teur. 


I.  La  l'oriiic  p)iam'uiak  cuiii  en  gr.ii.iic  ta\cur  .lan»  l'iiiiic.  où  clic  fui  imporlcc  s.ms 
iloiitc  par  les  Aryuns. 

La  pyramivlj  cilu  couronne  l'cnlicc  lic  la  maïuio  pa^oili:.  a  Jagrcnat.  a  ?4o  pieds  de 
liameur. 

Les  téoeallis  de  r.\niefii]iie  eiaieiit  géiiéraleniLiit  enviionnes  de  pyramides  plus  peti- 
tes, comme  les  temples  triangulaires,  à  même  base  et  à  sommet  commun,  appelés  Oho- 
madon  et  Cliodoya,  dans  l'empire  de  Brachman. 

z.  L'origine  des  lumuli  date  d'une  antiquité  très  reculée.  Avant  la  naissance  d'Ho- 
mère, on  les  regardait  déjà  comme  anciens,  lloinère  fait  mention  de  celui  d'iigypl.is 
sur  le  mont  Sopra,  en  Arcadie.  Pausanias  e  parle  également.  La  butte  tumulaire  de 
I  hydée,  prés  de  Tlièbes,  en  liéolie,  était  recouverte  de  trois  pierres  brutes.  On  liouvc 
égaleinent  l'ongîne  des  tumuli  dans  les  tas  de  pierres  que  plusieurs  peuples  de  l'anti- 
.pntc  eLvaient  sui  la  tombe  de  leurs  morts. 


n: 


104 


Dii  L  ORIG.Ni;  DLS  INDllîNS  DU   NOUVKAU-MONUF. 


Beaucoup  de  peuples  avaient  t'ait  de  leurs  temples  ou  pyra- 
mides des  tombeaux. 

I.a  pyramide  de  Bélus  était,  en  même  temps,  le  Icmpie  et  le 
tombeau  de  ce  dieu.  Strabon  l'appelle  ainsi,  lui  Arcadie,  le 
tumulus  qui  renfermait  les  cendres  de  (^alisto  portait  au  sommet 
un  temple  de  Diane.  Pausanias  le  décrit  comme  un  cùne  t'ait 
de  mains  d'hommes  et  couvert  d'une  antique  végétation.  Ce 
monument  remarquable  sert  de  passage  entre  les  pyramides 
de  Sakharah  et  les  téocallis  de  l'Amérique. 

Les  Egyptiens,  comme  on  le  sait,  alléctionnaient  cette  forme. 
Les  Perses  et  les  Scythes  la  tenaient-ils  d'eux,  ou  tous  les  deux 
l'ont- ils  empruntée  aux  premiers  peuples  de  la  Chaldée,  ou 
bien  encore  est-elle  née  simultanément  dans  les  deux  pays?  L'n 
certain  nombre  d'historiens,  entre  autres  Hérodote,  sont  d'avis 
que  les  rois  pasteurs  qui  ont  construit  les  pyramides  d'Egypte, 
étaient  Scythes.  Le  nom  de  Hiksos,  comme  nous  l'avons  déjà 
dit,  donné  par  ce  peuple  aux  rois  pasteurs,  contient,  prononcé 
à  l'oriental,  le  nom  naturel  des  Scythes,  Sliok's,  Skololes,  /\ï,v- 
icnis.  ChampoUion  a  lu  souvent  dans  les  hiéroglyphes  le  nom 
de  Shoto  donné  comme  épithète  insultante  par  les  vaincus  con- 
vertis en  vainqueurs.  En  outre,  Fhistoire  ne  nous  apprend-elle 
pas  Diodore,  1.  I,  p.  53  que  les  Perses  sous  Cambyse,  apré) 
la  conquête  de  l'Egypte,  tirent  venir  des  architectes  de  ce  pays 
pour  bâtir  leur,  principales  cités  et  que  la  domination  j^-rse  en 
Egypte  a  duré  cent  cinquante-un  ans? 

Qu'y  a-t-il  donc  d'extraordinaire  que  nous  retrouvions  dans 
toute  l'Amérique  le  mélange  des  st\les  perse  et  égyptien, 
quand  on  sait  que  la  colonie  qui  a  apporté  la  civilisation  dans 
ces  contrées,  était  d'origine  aryenne'.' 

Les  peuples  de  l'Amérique,  comme  ceux  de  la  Perse,  de  la 
Médic,  avaient  adopté  pour  leurs  monuments  des  murs  très 
épais,  verticaux  à  l'intérieur  avec  la  l'orme  en  talus  à  l'exté- 
rieur. Les  toitures  étaient  le  plus  souvent  plates,  soutenues  par 
des  solives  parallèles  arrondies  ou  carrées.  Les  planchers 
étaient  formés  de  dalles  ou  d'un  assemblage  de  pierres  et  de 


I.T  l)l';  I.r'L'K  civil, ISATION 


lO? 


sable,  revêtu  d'un  enduit  très  dur.  Les  entrées  des  édifices  étaient 
plus  lonj^ues  que  hautes,  tantôt  à  pans  inclinés,  tantôt  à  pans 
droits.  Les  fenêtres,  déforme  et  de  [randeur  ditFérentes,  repré- 
sentaient des  ligures  géométriques  parmi  lesquelles  une  sorte 
de  croix  à  trois  ou  à  quatre  hr  Miches. 

Comme  constructions,  ils  employaient  le  pilastre,  la  colonne 
engagée,  les  cariatides^  les  corniches,  les  fraises,  les  bases,  les 
chapiteau.x,  la  colonne  libre,  la  voûte  ogivale  et  la  voûte  en 
plein  cintre,  mais  plus  rarement'. 

Il  n'est  point  de  motifs  architecturaux  qu'ils  ne  connussent. 

C^omme  matériaux,  ils  faisaient  usage  de  la  pierre  ou  du  bois, 
de  la  brique  séchée  au  soleil  ",  nommée  adaubc,  connue  des 
Perses,  des  Babyloniens  et  des  Egyptiens,  et  de  briques  cuites 
au  feu  dont  quelques-unes  étaient  de  terre  argileuse,  mélan- 
gée avec  des  herbes.  Ils  employaient ,  pour  l'intérieur  des 
murailles,  la  terre  ou  la  pierre  mêlée  de  boue  et  de  mortier. 
Le  ciment  et  la  chaux  servaient  pour  les  revêtements  ex- 
térieurs. Leurs  murs  étaient  soux'ent  couverts  d'un  en  luit  de 
chaux  et  d'oxyde  de  fer  '.  Les  revêtements  intérieurs  étaient  en 
brique  cuite  ou  en  pierre  taillée.  Mais  ce  qui  rapproche  davan- 
tage leurs  constructions  de  celles  de  la  IVtsc,  de  la  Habylonie 
et  de  l'Egypte,  c'était  la  manière  d'assembler  sans  chaux  ni  mor- 
tier, des  blocs  énormes  de  pierre,  de  telle  sorte  qu'on  ne  pou- 
vait en  découvrir  les  joints,  ('es  blocs  étaient  souvent  transpor- 
tés de  distances  considérables.  On  se  demande  comment  'Is 
pouvaient  le  faire,  n'ayant  pas  de  bêtes  de  somme  et  ne  con- 
naissant pas  les  instruments  de  fer-,  il  est  probable  qu'ils  de- 
vaient avoir  d'autres  instruments  métalliques,  par  exemple  en 
cuivre,  auquel  ils  seraient  arrivés  à  donner  une  grande  dureté 


1.  A  Palenquc,  !  Ci^calicr  delà  cour  carrée  ci\  soutenu  par  une  voûte  en  plein  cintre. 

2.  Les  Egyptiens  ont  construit  aussi  certains  éùitices  avec  des  briques  cuites  au 
soleil.  Les  Perses,  les  Chinois,  les  Japonais  et  d'autres  peuples  encore,  ont  eu  des  cons- 
tructions de  ce  même  genre. 

3.  La  grande  pyramide  et  les  deux  autres  qui  l'accompagnent  à  Djezèh,  sont  rccou- 
\enesu'un  stuc  épais  semblable  à  celui  des  monuments  améiicains. 


loh 


l)i:  I    ()I<1(>IN1    m  s  INDIKNS  m    NrjtVi:.\l-MOM.'l' 


par  le  mélange  de  l'étain  et  de  l'arsenic.  Quant  au  transport  et 
à  lérection  des  blocs  de  pitrrc  d'un  volume  aussi  considérable, 
on  doit  supposer  qu'ils  uvaient  des  machines  c7t/  hoc.  Des  maî- 
tres aussi  avancés  en  architecture  ne  pouvaient  ignorer  les 
lois  du  mouvement  et  des  forces  motrices,  la  mécanique  pra- 
tique et  la  coupe  des  pierres  '. 

Leur  ornementation  était  remarquable  par  la  richesse  des 
décors  jointe  à  une  grande  simplicité  de  lignes.  Leurs  bas- 
reliefs,  d'une  assez,  belle  exécution,  étaient  sculptés  ou  sur 
pierre  ou  sur  granit,  ou  bien  faits  en  stuc  ou  en  ciment  mo- 
delé. Ils  connaissaient  les  grecques,  frettes,  labyrinthes,  méan- 
dres, etc.  Ces  arabesques  formaient  quelquefois  une  sorte  de 
mosaïque  composée  de  petites  pierres  carrées,  placées  avec 
beaucoup  d'art  les  unes  à  côté  des  autres  sur  une  masse  d'ar- 
gile; et  qu'on  ne  dise  pas  que  ces  décorations  étaient  propres 
aux  constructions  de  Mitia,  on  les  retrouve  partout  jusqu'au 
Pérou.  "  I,es  peuples  de  l'Amérique  méridionale,  dit  d'Or- 
bigny,  employaient  beaucoup  les  grecques  pour  ornemen- 
ter leurs  temples  ou  leurs  vases.  Us  aimaient  aussi  des  ligu- 
res régulières  composées  de  lignes  diversement  croisées,  mais 
toujours  anguleuses,  qui  décoraient  leurs  vases  et  leurs  vête- 
ments. On  retrouve  ce  genre  de  dessin  chez  les  Américains 
même  les  plussau\ages.  1-es  Patagons,  les  Araucans,  les  Puel- 
ches,  les  reproduisent  en  couleurs  sur  leurs  manteaux  de  tissus, 
sur  leurs  vêtements.  Les  Moxéens  en  ornent  leurs  calebasses. 
Les  Yuracarès  les  modifient  en  lignes  courbes  régulières  qu'ils 
impriment  sur  leurs  chemises  d'écorces  d'arbres  au  moyen  de 
planches  en  bois  sculpté,  et  les  Tacânas  les  imitent  avec  des 
plumes  de  couleurs  variées.   « 

■  Le  style,  ainsi  que  les  nombreux  ornements  qui  couvrent 
le  temple  de  Mitla,  peuvent  être  comparés  à  ceux  de  l'archi- 
tecture indienne  ou  per.sane  \   La  laçade  est  couverte  d'orne- 


I.  Ce  qui  scmbl;:  lin  11  |iicr,  l'csI  Ij  >iih|'osiuon  lic  Icuia   assises:!  pl.il  ou   de  champ, 
selon  le  poiJs  qu'elles  avaient  .1  supporter, 
j.  Expédition  liu  capiumo  l)iipaix.  p.   ?:. 


i;r  1)1".  i.i;t  "  civilisa  mon 


m 


7 


lanip, 


mcnlscxOcutcs  avec  soin  par  une  sorte  de  procédé  mosaïque, 
dont  les  dessins  contrariés  sont  de  véritables  }^recqbes.  On 
retrouve  dans  la  plupart  des  dessins  muraux,  de  grandes  res- 
semMances  avec  ceux  de  la  Perse,  de  llndc  et  de  l'ICf^'vpte.  '■ 
M.  (Iharles  Mano,  qui  a  parcouru  pendant  ilix  ans  1  Améri- 
que méridionale,  raconte,  dans  un  mémoire  intitulé  Du  lac  de 
'l'i/icaca  à  Doi^otci,  publié  dans  iev  Annales  de  l inslruclùm  publi- 
que des  l-'Jats-Unis  de  (Colombie,  à  •>0!;ota,  qu'il  a  trouvé  en  Wo- 
livie,  à  Xamapayta,  entre  le  ry'  degré  de  latitude  nord  et  par 
65"  de  longitude,  les  ruines  d'un  ",rand  établissement  dont  les 
murs  étaient  couverts  de  grecques  d'une  délicatesse  admirable, 
semblables  à  celles  de  Mitla.  Sur  un  autre  contrefort,  à  un 
degré  et  demi  plus  au  sud  ,  en  un  point  où  la  (lordillère, 
moins  ei-\ée,  sépare  le  territoire  de  (]haco  des  anciennes 
maisons  des  Franciscains,  établies  au  xviii'=  siècle  chez  les 
Chiriguanos,  il  a  découvert  plusieurs  tombeaux  dans  des  sou- 
terrains creusés  dans  le  roc  et  dont  les  murs  latéraux  étaient 
ornementés  de  ligures  travaillées  en  creux.  «  Je  n'ai  pas 
\  isité  l'Amérique  centrale,  dit  le  savant  voyageur,  mais  j'ai 
'  étudié  a\ec  soin  les  œuvres  de  Dupaix  et  de  Stephens.  J'ai  vu 
"  la  collection  de  Heideberg,  ainsi  que  l'admirable  série  des  des- 
"  sins  plastiques  de  mon  ami  le  marquis  de  Mantega/./i  et  je 
'  déclare  que,  ainsi  que  je  l'avais  remarqué  à  Xamapayta,  j'ai 
"  reconnu  les  mêmes  personnages,  les  mêmes  dessins  de  pein- 
tures murales  qu'à  l'alenqué,  à  L'xmal  et  dans  toute  la  pé- 

■  ninsule  yucatèque.  L'hercule  indien  saisissant  la  Macana. 
'■  les  rois  porteurs  d'un  sceptre  en  bec  d'oiseau,  la  tête  du 
"  'apin  que  l'on  a  pris  pour  un  éléphant,  les  divinités  avec  des 
<.  ceinturons  de  tètes  coupées,  les  coiU'ures  pareilles  à  celles  de 
■'  lantique  Egypte,  des  casques  en  forme  de  tète  de  condor,  hié- 
•  roglyphcs  extravagants,  tout  s'y  trouve,  mais  grossier  et  d'un 
"  dessin  rudimcntaire.  11  y  a  entre  les  beaux  stucs  monumen- 
<■■  taux  de  l*alenqué  et  ces  derniers  la  même  dill'érence  qu'entre 

une  médaille  de  l'époque  barbare  et  un  bel  exemplaire  des 

■  meilleures  époques  de  l'art.  " 


lOS 


i)i;  I.  OKioiM';  i)i:s  indikns  m    noivi^ai  -mondi 


"  M.  Ik'rthc,  un  IVançais,  a  pu  se  procurer  une  magniliquc 
pierre  noire,  travaillée  assez  grossièrement  et  représentant  un 
roi  ou  chef  revêtu  d'une  espèce  de  dalmatique,  tenant  en  main 
un  sceptre  terminé  par  une  tète  de  condor  et  ayant  à  ses  pieds 
des  vaincus  qui  semblent  lui  demander  grâce.  Dans  Tune  des 
belles  fresques  de  Palenqué,  reproduite  par  lahbé  Brasseur 
de  liourhourg,  on  retrouve  exactement  la  même  scène  '. 
<T  A  la  jnisse  de  Xayacucho,  j'ai  trouvé  des  sépultures  mieux 
conservées  qu'à  Xamapaytaet.  dans  quelques  tombeaux  des 
pierres  sculptées  représentant  des  ligures  de  lama  et  de  con- 
dor, des  serpents  ailes  et  des  tapirs  dont  l'appendice  du  mu- 
seau était  très  développe. 

"  A  'l'elumbela,  Equateur,  près  du  thalweg  de  toute  celle 
région  du  C>himbora/o,  à  dix  minutes  de  distance  du  lieu  ou 
gisent  les  très  anciens  sarcophages  de  Mosusan,  on  voit  la 
lameuse  pierre  sculptée  dont  on  parla  à  lîadegas  de  Badahoya . 
Klle  ressemble,  par  la  torme  générale  et  les  sculptures,  à  la 
pierre  dite  du  sacrilice  qui  se  trouve  au  musée  de  Mexico. 
Parmi  les  ornements  grossièrement  laits,  on  remarque  des  tè- 
tes humaines,  i.\c>  serpenfs  ailés,  des  oiseaux  et  des  animaux 
fantastiques.  La  partie  latérale  contient  des  reliets  semblables 
à  ceux  de  Mexico.  L'n  guerrier  est  représenté  avec  un  casque 
en  forme  de  condor  ;  il  tient,  dans  une  main,  une  sorte  de  jave- 
line et,  dans  l'autre,  un  écu.  Il  se  distingue  surtout  par  son  ne/ 
crès  long,  comme  celui  des  figures  de  Palenqué,  et  orné 
d'un  anneau.  Il  foule  à  ses  pieds,  ainsi  qu'à  Xamapayta,  à 
Cheriguancs,  à  Sica  Sica  et  à  Tiaguanaco,  un  guerrier 
vaincu. 

"  A  Tiaguanaco,  j'ai  retrouvé  les  mêmes  animaux,  les  mêmes 
dessins  qu'à  Xamapayta  et  à  Cheriguancs,  plus  le  caïman  et 
une  figure  formée  par  des  pierres  qui  ont  dû  servir  de  claire- 


i.  Ces  remarques,  on  ne  peut  plus  intéressâmes,  indiquent  une  fois  de  plus  que  les 
Cu'ibes,  Garas  appirticnnent  au  même  groupe  que  les  CoUuiaques  et  les  Aymaras.  i)'a- 
près  ci'Oibigny,  les  C-liouguanasou  Ciieriguinas  étaient  Jes  Guaranis  qui  déjà,  en  l-i-Jo, 
SL  li  le  règne  de  Vupan.iui,  étaient  retombés  dans  la  barbarie. 


rr  ni:  i.rau  civilisation 


I0() 


ta,  Il 


"  voie  ou  de  fenêtre  sous  la  lornie  de  croix,  ou  du  '1  au  égyptien, 
«  telle  quon  la  rencontre  dans  l'Amérique  centrale,  j'ai  re- 
"  marqué  également  une  autre  croix  obtenue  par  un  jeu  de 
"  grecque  qu'aimaient  les  peuples  primitifs  de  l'Amérique  et 
'<  qui  a  été  signalé  à  «  Palenqué  ». 

(I  Dans  rile  de  Cloali,  il  y  a  des  ruines  remarquables,  entre 
"  autres  celles  d'un  édilice  ou  temple  ayant  beaucoup  de  rcs- 
"  scmblance  avec  ceux  du  Centre-Amérique,  peu  élevé,  mais 
«  très  étendu  '.  " 

Les  Péruviens  se  servaient,  comme  les  Mexicains  et  les  Vu- 
catèques,  de  briques  non  cuites ,  adaiihs.  Klles  acquéraient 
une  grande  dureté  avec  les  années  (.'t  résistaient  au  soleil  ainsi 
qu'à  toutes  les  intempéries.  Ils  connaissaient  la  xoùte  en  plein 
cintre  et  la  voûte  en  encorbellement   boveda, . 

On  retrouve  au  Mexique  et  au  (lentre-Amérique  les  mêmes 
genres  de  tombeaux  qu'au  l\'iou,  tantôt  souterrains,  tantôt 
élevés  au-dessus  du  sol.  Les  galeries  souterraines  étaient  les 
unes,  sans  issue  apparente,  les  autres  avec  une  galerie  trans- 
versale, ou  avec  des  galeries  en  croix,  revêtues  ou  non  de 
pierres  régulièrement  taillées  et  de  dalles  sculptées. 

Avant  de  terminer  ce  qui  a  rapport  à  l'architecture,  nous 
dirons  quelques  mots  de  leurs  villes  et  de  leurs  maisons  par- 
ticulières. Leurs  habitations  étaient  très  imparfaites,  en  dehors 
des  palais  des  souverains  et  de  la  noblesse.  Selon  la  descrip- 
tion des  Espagnols,  1  lascala,  à  leur  arrivée,  ressemblait  à  uu 
\illage  d'Indiens;  c'était  un  ramassis  de  cabanes  et  de  maisons 


juc  k'S 

i.  D'a- 

l.|.3o, 


1.  <•  Les  moiuii'.n;iU>  de  'l'iagiiana»;')  aiinijiiccnt  une  civilisntion  plus  avancée  peut-être 
i|ue  celle  lie  i'.ilcnqué.  Us  se  composent  ù'un  tunnilus,  i.le\é  de  près  de  cent  pieds,  en- 
toure- de  pilastres  de  temples,  de  loo  i\  200  mètres  de  longueur,  bien  oriente'S  à  l'est,  or- 
nés de  tuiles,  de  '.-olinnes  triangulaires  colossales,  dj  portiques,  nujnolithes  que  recou- 
vrent des  grecques  élégantes,  des  reli-fs  plat:,  d'une  exactitude  régulière,  quoique  d'un 
dessin  grossier,  représentant  des  allégories  religieuses  du  soleil  et  du  condor,  son  mes- 
sager, des  stitues  colossales  de  basilie,  chargées  île  reliefs  plats,  dont  le  dessus  à  tête 
carrée  est  demi-égyptien,  et  entin  d'un  intérieur  de  palais  t'ormé  d'énormes  blocs  de 
rochers  partaitement  taillés.  Tous  les  monuments  de  Tiaguanaco  sont  ornes  de  sculptures 
et  de  reliels  plats,  tandis  qu'on  n'en  trouve  aucun  dans  les  monuments  des  (^uitcliuas 
ù  Cu/co.  «  D'Orbigny. 


I  lo 


lil     I  OKKilNI'   l)IS   IM)I|-NS   Dr   NOrVIAf-MONId 


il" 


reparties  sans  orJrc,  construites  avec  Jes  pierres  et  de  la  boue, 
couvertes  de  jonc  et  qui  recevaient,  la  plupart,  la  lumière  par 
une  porte  si  basse  qu On  devait  se  baisser  pour  la  franchir. 
A  '  xico.  les  maisons  du  jieuple  n'étaient  également  que  des 
cabanes  d'adaubes  ou  de  branches  d'arbres,  très  basses  cl 
étroites,  sans  meubles,  pour  ainsi  dire-,  on  n'y  voyait  que  les 
ustensiles  et  les  vases  les  plus  nécessaires.  Beaucoup  de  familles 
vivaient  sous  le  même  toit,  d'après  Bunlop,  p.  c>',)(j,  S;  les 
maisons  actuelles  des  personnes  riches  des  vilL-s  et  des  In- 
diens des  villages,  au  Mexique  et  au  ("entre-Amérique,  ressem- 
blent à  celles  qui  existaient  au  temps  de  I  conquête.  On  peut 
dire,  en  général,  que  tout  était  sacrifié  pour  le  bien  être  et  le 
confort  des  grands,  et  que  le  peuple  était  très  mal  logé.  »  Le 
te'ine  de  cité,  a  dit  Brun,  p.  M')5,  appliqué  à  Palenqué ,  à 
rxmal.  à  Chichen  it/a,  etc.,  est  une  erreur  sérieuse  de  nom. 
!  es  ruines  trouvées  dans  ces  lieux  sont  exclusivement  des 
constructions  élevées  pour  des  objets  religieux,  et  leur  exis- 
tence, sous  des  formes  si  colossales,  prouve  combien  était  grand 
le  pouvoir  des  prêtres  et  des  chefs,  et  combien  était  supersti- 
tieuse et  servile  la  masse  du  peuple.  Dans  la  plupart  des  lieux 
où  1  on  a  rencontré  des  ruines  de  monuments  ou  d'édifices,  on 
n'a  découvert  aucunes  traces  d'habitations  ordinaires,  ce  qui 
semble  indiquer  qu'au  lieu  de  ces  édifices  le  peuple  vivait  dans 
des  cabanes  ou  huttes  en  bois  ou  en  chaume.  " 

D'Orbigny  dit  que  les  Quitchuas  avaient  des  monuments 
spacieux  pour  leurs  souverains,  des  temples  superbes  pour  les 
divinités,  mais  qu'eux-mêmes  se  contentaient  de  petites  huttes 
arrondies  en  forme  de  dôme,  couvertes  de  branchage  et  de  terre, 
habitations  dont  les  formes  sont  encore  identiques  aujourd'hui. 

Les  peuples  du  Nouveau-iMonde  étaient  aussi  très  habiles 
pour  construire  des  ouvrages  souterrains,  ainsi  qu'on  peut  en 
juger  par  leurs  plans  et  leurs  voûtes  conçus  avec  tant  d'art  et 
d'intelligence  '.  Ces  souterrains,  qui  étaient  consacrés  à  des  sé- 


1.  Parmi  ces  \oûles,  nous  citerons  celle  ilu  souterrain  ilë.    uvlM'I  par  le  capitaine  l)u- 


I  1  ui:  i.i:rii  CIVILISAI  ion 


I  1  1 


pulturcSj  rappellent  ceux  de  l'K^ypte,  de  riiuie,  de  la  l»erse^ 
riiypogéc  de  l'hèbcs,  celui  de  Karnak,  etc. 

Leurs  routes  et  esplanades  n'étaient   pas  moins  typiques. 
'■Iles  du  Pérou  surtout  étaient  des  (ouvres  remarquables. 

Ils  e.vcellaient  également  dans  les  travaux  hydrauliques.  Les 
cite  U's  du  ^'acatan  sont  des  travaux  qui  méritent  d'être  cités, 
de  ,  'me  que  les  digues  et  murailles  qu'ils  avaient  construites 
dans  le  lac,  près  de  Mexico,  pour  protéger  la  population.  Les 
aqueducs  qui  amenaient  l'eau  de  Chapoltepec  à  Mexico  étaient 
aussi  élégants  qu'ingénieux.  Les  conduits  de  ces  aqueducs,  en 
terre  cuite,  étaient  doubles  et  assez  grands  pour  qu'un  homme 
put  pénétrer  dans  l'intérieur;  de  telle  sorte  que  quand  l'eau 
coulait  par  l'un  de  ces  conduits,  l'autre  pouvait  être  réparé. 
Les  aqueducs  de 'l'etcut/inco  et  de  ('empoalan  étaient  de  véri- 
tables (euvres  d'art.  Leurs  ponts  étaient  très  hardis,  quelques- 
uns  cyclopéens. 

Us  connaissaient  aussi  l'art  de  fortifier  les  villes  ou  les  lieux 
qu'ils  croyaient  nécessaire  de  défendre  au  moyen  de  travaux 
en  terre  ou  en  maçonnerie;  ils  avaient  des  forts  avec  parapets 
et  fossés,  et  savaient  combiner  les  obstacles  artiliciels  aux  obs- 
tacles naturels. 

On  a  trouvé  dans  l'Amérique  septentrionale  un  grand  nom- 
bre d'enceintes  en  terre,  en  pierres  ou  en  briques,  élevées  dans 
un  but  défensif.  Un  fossé  extérieur  longe  un  rempart  qui  sert  à 
la  fois  d'abri  à  l'assiégé  et  d'obstacle  à  l'ennemi.  Les  points 
choisis  sont  presque  toujours  les  sommets  des  coteaux  domi- 
nant les  rivières.  Le  travail  considérable  nécessité  pc.r  Térection 
de  ces  ouvrages  permet  d'afîirmer  qu'ils  étaient  permanents. 
On  a  cru  même  reconnaître  un  système  continu  de  défen''! 
combiné  avec  une  grande  intelligence.  Les  fortifications  d'Atit- 


i;  Du- 


paix,  près  d'Antcqucira.  »  Celte  voûte,  dit-il,  est  tonnée  p.ir  île  grandes  dalles  posées 
angulairenicnt  comme  le  faîte  d'un  toit;  la  liautour  de  la  voiJte  depuis  le  sol  jusqu'au 
sommet  de  l'angle  est  de  12  pieds,  et  sa  largeur  de  plus  de  3  pieds.  L'entrée  du  sou- 
terrain, en  forme  d'ogive,  possède  celle  perfection  que  l'on  remarque  clicz  les  peuples 
les  plus  civilisés.  » 


i: 


^ 


11' 


I  12 


ni:  L  ORIGINE  DlïS  INDIENS  DU   ..OUVEAU-MONDE 


lan  au  Guatemala,  décrites  par  Juarros,  montrent  qu'ils  com- 
prenaient parfaitement  ce  moyen  de  défense.  Les  historiens 
de  la  conquête  ont  donné  la  description  de  plusieurs  de  ces 
ouvrages,  parmi  lesquels  on  peut  citer  la  fameuse  muraille 
d'adaube,  élevée  par  les  'l'iascalans  à  l'extrémité  de  leur  terri- 
toire. On  peut  voir  encore  les  ruines  des  forteresses  élevées 
autrefois  au  Mexique  et  dans  l'Amérique  centrale. 

Nous  n'a\-ons  pas  cherché  quelle  analogie  tous  ces  travaux 
pouvaient  avoir  avec  ceux  de  l'ancien  continent,  mais  il  est 
probable  que  leur  conception  provenait  de  la  même  source 
que  le  style  architectural,  d'origine  perse,  médique  ou  scythi- 
que,  c'est-à-dire  aryenne. 

Plusieurs  archéologues  très  distingués  ont  trouvé  une  cer- 
taine différence  de  style  entre  les  monuments,  par  exemple,  du 
Mexique  et  ceux  de  Palenqué,  de  même  qu'entre  ceux  des 
Aymaras  et  des  (^uitchuas.  On  a  remarqué,  en  outre,  que  ceux 
des  Aztèques  et  des  Quitchuas  étaient  inférieurs  à  ceux  des 
ColhuaqueSj  Mayas,  Caribes  ou  Aymaras. 

Les  monuments  découverts  dans  la  contrée  comprise  entre 
le  Yucatan,  les  Chiapas  et  l'Amérique  centrale,  diffèrent  des 
temples  et  des  palais  aztèques  trouvés  par  les  Espagnols  ou 
de  ceux  de  la  Quemada  et  des  Casas  Grandes.  La  grandeur 
de  ces  monuments,  la  beauté  et  la  régularité  de  leur  ornemen- 
tation, le  goût  déployé  dans  la  décoration,  les  dessins  graeieux 
et  corrects  des  figures,  les  caractères  hiéroglyphiques,  révèlent 
une  civilisation  distincte  de  celle  des  Aztèques;  de  même  que 
la  ph}sionomie  des  personnages  '  représentés  par  les  sculptu- 
res montre  un  tout  autre  peuple.  L'attitude  des  hommes,  la 
forme   de   quelques  ustensiles  indiquent  qu'aucune   coutume 


I.  Les  pcrsonuagos  reprcsciUcs  par  les  sculptures  de  Palenqué  sont  presque  tous  re- 
marquables par  rextrêmc  longeur  de  leur  nez.  Les  Aryens  désignaient  tous  ceux  qui 
n  étaient  pas  de  race  blanche,  les  hommes  au  nez  de  chèvre  ou  les  hommes  sans  nez, 
tandis  que  le  nez  est  une  des  beautés  que  leurs  poètes  vantaient  chez  leurs  dieux.  (Max. 
MuHer,  Essais  sur  la  mytholos^ic  comparée,  p.  Scji.)  Ceci  explique  la  déformation  des 
crânes  des  nouveaux-nés  et  constitue  une  nouvelle  preuve  en  faveur  de  notre  thèse. 


!    liîl 

!  M 


KT  DF  I.FUU  CIVILISATION 


IlJ 


aztèque  n'est  représentée  par  ces  sculptures  '.  (Orozco  y  Berra.) 

Cette  dilFérence  entre  les  deux  grouj^es,  Toltèque  et  Colhua- 
que  ou  Maya,  se  remarque  principalement  dans  le  Vucatan 
où  ils  ont  tonde  deux  villes  Tune  à  côté  de  l'autre.  "  Il  y  a  de 
Jurandes  diU'érenccs,  dit  M.  Viollet  le  Duc,  p.  97,  entre  les  mo- 
numents de  Palenqué  et  ceux  d'IJxmal.  La  manière  de  bâtir 
adoptée  à  Uxmal  se  reconnaît  aux  masses  de  pierres  brutes 
couvertes  de  couches  de  pierres  travaillées.  A  Palenqué,  au  con- 
traire, ce  sont  des  ornements  en  stucs,  et  de  larges  dalles 
couvrant  les  couches  de  pierres  brutes.  Le  caractère  de  la 
sculpture  de  Palenqué  n'a  pas  le  même  caractère  d'énergie 
qui  est  observé  dans  les  édifices  du  \'ucatan.  Les  types  des 
personnages  représentés  sont  encore  plus  dillércnts...  Seule- 
ment, dans  les  '""lonuments  de  Vucatr.  i,  on  voit  des  traditions 
sensibles  de  structure  en  bois.  ■> 

«  La  taille  des  pierres  solides,  a  dit  à  son  tour  Brive,  p.  368, 
qui  couvrent  la  face  de  tous  les  bâtiments  à  Lxmal,  et  des  autres 
temples  de  Yucatan,  représentait  le  plus  haut  point  de  l'habileté 
de  ces  peuples.  Les  constructions  elles-mêmes  sont  (  es  preuves 
d'un  goût  et  d'une  habileté  architecturale  très  remarquables.   » 

Que  conclure  de  tout  cela'.'  Que  les  deux  groupes  unis  en- 
semble par  certains  points  en  ditleraient  par  d'autres,  et  que  ces 
rapports  et  ces  diversités  s'observent  jusque  dans  leur  mode 
de  construire.  Cette  ditl'érence  est,  comme  chez  les  autres  peu- 
ples, une  question  de  temps,  de  décadence,  de  coutumes  et 
de  mœurs. 

Le  sculpteur,  comme  le  pein<re,  a  pour  but  d'imiter  la  nature. 
La  forme,  l'attitude,  l'expression  même  qu'il  donne  aux  statues 
de  ses  dieux  ou  de  ses  héros,  chez  les  nations  civilisées,  comme 


Ix  qu 


fMax. 
des 


I.  A  Palcnquc,  on  ne  trouvo  point  de  voûtos  circulaires  comme  dans  les  construciioiis 
du  Mexique,  notamment  dans  qucKiues  tuniuli  et  dans  certaines  parties  des  soti- 
tenainsde  Xocliicalco.  Il  n'existe  pas  i.^n  plus  de  pyramides,  proprement  dites,  ou  de 
grands  autels  à  découvert  pour  la  célébration  du  culte.  Là,  tout  les  temples  sont  cou- 
verts et  c'est  une  notable  dilVércnce.  On  ne  voit  dans  ces  solides  constructions  aucune 
trace  de  bois.  Les  marches  des  escaliers,  sans  palier  ni  repos,  soi.t  plus  hautes. 


114 


DE  L  OBKHNF  DKS  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


chez  celles  qui  ne  le  sont  pas,  reçoivent  un  caractère  qui  dé- 
cèle le  peuple  auquel  elles  appartiennent  et  aussi  l'époque  re- 
lative où  elles  ont  été  laites.  Les  oeuvres  des  sculpteurs,  surtout 
celles  qui  sont  livrées  aux  grands  édifices,  ont  même  l'avantage 
sur  'es  écrits  ou  les  livres  de  pouvoir  résister  plus  longtemps 
aux  ravages  du  temps.  Les  statues  et  les  bas-reliets  qu'on  a 
trouvés  au  milieu  des  ruines  de  monuments  américains  peu- 
vent être  de  la  plus  grande  utilité  pour  refaire  l'histoire  de 
ces  peuples,  surtout  en  ce  qui  concerne  leur  culte.  Or,  la  plu- 
part des  dieux,  héros,  êtres  animés  ou  inanimés  représentés  par 
les  sculpteurs  et  les  peintres  américains  se  retrouvent  sur  Tan- 
cien  continent,  même  certains  animaux  ou  personnages  qui 
n'ont  jamais  existé  dans  le  Nouveau-Monde  '. 

Près  d'Orizaba,  le  capitaine  Dupaix  a  découvert  une  statue  en 
pierre  ayant  une  analogie  frappante  avec  les  sculptures  égyp- 
tiennes. C'est  un  buste  de  femme  montée  sur  deux  espèces  de 
colonnes  massives  figurant  un  ternie  ou  Hermès  dont  la  coil- 
fure  ressemble  beaucoup  à  celle  nommée  calasiris  en  Egvpte 
et  que  portent  les  temme^  et  les  prêtres  attachés  aa  service  des 
aut'.ls.  On  les  retrouve  également  à  Persépolis.  Chez  ces  peu- 
l^les.  cette  coitl'ure  faite  en  toile  d'écorce  d'arbre  et  brodée  en 
plumes  s'élevait  assez  haut  et  figuroit  une  sorte  de  pyramide 
divisée  par  étages  et  ornée  de  bandes  de  diverses  couleurs. 

L'étoffe  rayée  d'une  ou  plusieurs  couleurs,  que  les  Mexicains 
enroulent  autour  de  leur  corps  en  se  serrant  à  la  ceinture 
comme  un  jupon  qui  descend  plus  ou  moins  bas  au-dessous  des 
genoux,  se  trouve  être  exactement  la  même  que  celle  qu'on  voit 


1.  Dans  lus  iiinnus^rits  Uc  Kiiigsboiough  on  tiouvc  la  constellation  Ju  taureau,  re- 
mai\|uons-lc,  monté  par  Mitlua,  comme  le  représentent  les  Perses  à  Téquinoxe  du  prin- 
temps. Dans  le  Codex  de  Dres.ie,  première  feuille,  seconde  division,  se  trouve  le  taureau 
Mithriaque  monté  par  le  dieu  qui  montre  dans  ses  deux  mains  des  feuilles  et  des  Heurs 
(planche  xviii,  lettre  K.  .\u  même  Codex,  teuille '.<,  série  V,  dernière  division  de  la 
Ii<»ure  du  centre,  existe  l'imaiie  du  chevreau  ou  capricorne  portant  dans  sa  main  le  signe 
du  mois  niaya-men.—  Planche  xviii,  lettre  S.  On  reinarquera  que  le  taureau  et  la  chèvre 
n'existaient  pas  en  Amérique  nvant  l'arrivée  des  Espagnols,  et  cependant  on  les  voit 
représentés  ici  lidèlemenl,  ce  ii\.l  est  encore  une  preuve  bien  forte  en  faveur  de  l'impor- 
tation en  Aniéiiquc  de  la  ci\  ilisatin  i  par  les  Aryens. 


ET  DF  LEUR  CIVILISATION 


ll5 


lidc 


u,  rc- 
prin- 

luioau 

tlcurs 

de    la 

signe 

.licvre 

U  voit 


aux  images  disis  et  aux  lemmcs  égyptiennes  de  l'époque  pha- 
raonne.  En  1S62,  on  a  découvert  dans  des  fouilles  auprès  de 
'l'uxtla  V'cra  Cru/  une  ligure  sculptée  en  granit  de  près  de  2  m. 
de  hauteur,  dont  il  était  impossible  de  méconnaître  le  style 
éthiopien.  Lîle  de  Zapatero  a  fourni  des  idoles,  grossières  re- 
présentations des  colosses  égyptiens. 

Les  Américains  avaient  atteint  un  certain  degré  de  perfection 
dans  l'art  statuaire.  Mais,  à  la  manière  des  anciens  Egyptiens, 
ils  modelaient  peu  les  contours  de  la  ligure  humaine.  On  remar- 
que parfois  plus  d'exactitude  dans  l'ensemble  et  dans  la  disposi- 
tion des  membres  de  leurs  statues  et  de  leurs  bas-reliefs  que 
dans  les  ouvrages  des  Indiens  et  même  des  Egyptiens.  Mais  ils 
n'ont  pas  atteint  la  pci.wCtion  que  ces  derniers  ont  donnée  à 
leurs  tètes,  surtout  celles  de  profil,  ioutcfois,  quoiqu'ils  n'aient 
pas  connu  plus  qu'eux  Tétude  de  l'anatomie,  ils  sont  parvenus, 
par  une  imitation  scrupuleuse  de  la  nature,  à  produire  des  ii- 
gures  passables  d'hommes  et  de  femmes.  Ce  qu'on  peut  repro- 
cher à  leL  rs  statues,  c'est  qu'elles  sont  comme  d'une  seule 
pièce,  sans  articulât  on  de  membres.  Les  membres  des  statues 
des  Incas,  dit  d'Orbigny,  à  la  manière  des  anciens  Egyptiens, 
adhéraient  au  corps. 

On  a  remarqué  qu'un  grand  nombre  de  leurs  statues  conser- 
vaientj  dans  leur  attitude,  leur  forme  et  leur  aspect,  le  style 
persan,  égyptien  ou  indien.  Des  détails  caractéristiques  dans  la 
pose  ou  la  coillure  des  statues  révèlent  l'Egypte.  La  décence  la 
plus  scrupuleuse  est  observée  dans  l'invention  et  l'exécution 
des  sujets,  ainsi  que  dans  le  jet  des  draperies.  Cette  observation 
rigoureuse  leur  donne  encore  de  la  ressemblance  avec  les  pein- 
tures des  dieux  et  déesses  de  la  l'erse,  de  l'Inde  et  de  l'Egypte 
qui  portent,  à  peu  de  choses  près,  les  mêmes  couleurs  et  les 
mêmes  coiffures. 

Us  avaient  connaissance  de  l'art  plastique  et  probablement 
ils  modelaient  leurs  statues  et  leurs  bas-reliefs  avant  de  les  tail- 
ler dans  la  pierre  ou  de  les  exécuter  en  stuc,  marbre  factice  dont 
ils  revêtaient  les  murs  des  temples. 


ii6 


hi-:  i.'oHiGiNK  i)r:s  indiicns  du  noivi:ai:-mom)K 


Ils  savaient  aussi  pousser  dans  des  moules  faits  sur  des  cho- 
ses modelées  à  lavance,  des  statuettes,  des  vases  ou  tout  autre 
objet  ', 

A  rimitation  des  Kgyptiens,  les  artistes  américains  aimaient 
à  peindre  l'intérieur  et  l'extérieur  de  leurs  édilices.  Mais  on 
voit,  par  les  fragments  qu'ils  ont  laissés,  qu'ils  n'étaient  j^as 
experts  dans  ce  genre  de  peinture  agglutinati\'e  pour  laquelle 
ils  employaient  des  couleurs  minérales  naturelles. 

L'art  de  la  céramique  était  assez  avancé  chez  les  peuples 
américains,  et  l'on  retrouve  dans  la  forme  et  les  dessins  de  leurs 
vases  de  nombreux  rapports  avec  l'Inde  et  l'Egypte.  11  n'y  a 
qu'à  comparer  les  spécimens  de  la  céramique  péruvienne  dépo- 
sés au  musée  du  Lou\r-'  et  ceux  de  la  belle  collection  égyp- 
tienne pour  reconnaître  des  ressemblances  surprenantes. 

Le  comte  de  Sartiges  '  raconte  que  dans  le  musée  national 
de  la  Paz  il  a  vu  des  vases,  vestiges  de  l'ancienne  civilisation 
aymara.  Sur  chacun  de  ces  vases  était  peint  en  noir  un  éléphant 
supportant  soit  une  tour,  soit  un  palanquin.  Or,  comme  on 
le  sait,  les  éléphants  ont  disparu  depuis  longtemps  du  sol  amé- 
ricain. 

Les  Aymaras  excellaient  surtout  dans  la  manière  de  fabriquer 
des  vases  qui,  sous  les  formes  les  j'élus  xariées,  représentent 
souvent  nos  formes  étrusques,  comme  on  peut  en  juger  par  les 
collections  que  possèdent  nos  musées,  quelquefois  aussi  des 
Iruits,  des  jeux  hydrauliques  ingénieux.  Ces  vases,  élégants  de 
lorme,  sont  d'une  belle  exécution  et  d'une  régularité  parfaite, 
quoique  modelés  seulement  avec  la  main  sans  le  secours  du 
tour  à  poterie,  Les(juaranis,  encore  aujourd  hui,  en  labriquenl 
de  remarquables  par  leur  dimension  et  par  leur  régularité.  La 


I  Au  iiiuscc  ilo  .\lc\i>;i),  ii;i  vuit  do  petits  mo.lcics  en  tcriL'  cuilc  do  Icocallis  qm  ont 
de  l'analogie  avec  Ijs  temples  iiuliens.  Les  Et;ypliens  Taisaient  aussi  des  re-dnctions  ou 
ili;  peli:s  modèles  en  terre  ou  en  pierre  de  leurs  temples.  Notre  musée  en  renternu"  de 
1res  remir-iuables.  Ces  imjdeles  s'expusaient  probablement  sur  l'autel,  dans  l'intérieur 
du  temple  même,  le  |ourde  la  déJiea,;e  et  certains  autres  jours.  Ils  pouvaicnl  être  des- 
tinés aussi  aux  personnes  qui,  par  ilnutiuii,  tenaient  a  posséder  ces  petites  i:iiagi.i. 

j.  lieviii'Ji:s  DiUix-MonJcs,  i^ri . 


Il  i)i:  m:uk  civil. iSATiON 


117 


cuisson  avait  lieu,  chcv,  tous  ces  peuples,  à  lair  libre  ou  dans 
une  fosse  {■•eu  jM'otonde  creusée  dans  le  sol. 

Pendant  notre  scjour  au  (X'ntre-Amérkiuc,  nous  avons  vu 
des  vases  très  remarquables  venant  du  Nicaragua,  du  Salvador 
et  du  Guatemala. 

"  Chaque  race  américaine,  dit  M.  Lucien  de  Kosny  ',se  dis- 

•  (inguait ,  pour  la  céramique,  par  un  caractère  particulier. 

•  Ainsi  la  dillérence  est  très  sensible  c-ntre  les  produits  cérami- 

•  qucs  des  A/tèques  et  des  Péruviens.  On  distingue  non  moins 

•  facilement  celles  provenant  du  Canada  ,  de  ia  Floride ,  de 
•'  la  Nouvelle-Cirenade,  des  bords  de  l'CJhio  et  d'autres  par- 
■■  lies  des  Htats-L'nis. 

•  Kn  thèse  générale,  les  indigènes  de  l'Amérique,  après  avoir 

•  lait  une  pâte  plus  ou  moins  soignée,  la  façonnaient  avec  les 
■  mains,  y  ajoutaient  quelques  ornements,  soit  par  incision, 

•  soit  en  relief,  en  trochisque  ou  en  pastillage,  comme  le  pra- 
«  tiquaient  les  Romains,  au  moyen  dune  barboîine  épaisse  dis- 
"  lH:)sée  sur  la  surface  de  leurs  poteries.  S'ils  voulaient  former 
"  des  ligures  très  saillantes  ou  à  haut  relief,  par  exemple,  à 
"  l'orifice,  ils  les  modelaient  encore  à  la  main.  Le  tout  était  en- 
"  suite  recouvert  d'une  peinture  et  soumis  à  l'action  du  feu.  La 
"  cuisson  s'opérait  souvent  à  l'aide  d'un  four,  sans  aucune  au 
"  tre  enveloppe  que  le  bois  enflammé  qui  environnait  le  travail . 

«  Les  pièces  rondes  consistaient  en  petits  bâtons  ou  colom- 
•<  bins  de  pâte  qu'ils  assemblaient  et  faisaient  adhérer  à  l'aide 
"  d'un  instrument  en  bois  ou  en  pierre,  répondant  à  lestèque 
"  de  nos  tourneurs.  Ils  se  servaient  aussi  d'un  espèce  de  spa- 
"  tule  dans  les  endroits  où  ils  ne  pouvaient  introduire  les  doigts. 
"  On  admirera  leur  habileté  dans  la  confection  et  l'assemblage 
"  des  parties  creuses ,  surtout  dans  les  vases  doubles  ou 
"  quadruples  qui  communiquaient  intérieurement. 

"  Les  poteries  antiques  de  l'Amérique  septentrionale  ne  sont 
"  pas  baroques  ni  excentriques  comme  celles  du  Chili,  du  Brésil, 


I .  Hislnire  Je  l.i  cerjmii]ue  i  /'/l'f  U's  In.iiena  Jn  Souiwtii-MonJt: 


II. s 


1)1.  1.  ORIGINi:   DES  INDIKNS  \)V   NOUVEAU-MONDE 


du  Mcxiiiue  et  du  l'crou.  L-curs  formes,  leurs  ornemenls,  la 
couleur  noire  ou  f^'risàtre  de  la  pàtc,  sa  grossièreté,  son  hé- 
térogé'néité,  son  façonnage,  son  ornementation  linéaire,  ponc- 
tuaire  en  chevrons,  se  rapprochent,  dit  Brongniarl ,  quel- 
quefois, à  s'y  méprendre,  des  poteries  celtiques,  gauloises, 
scandina\es  et  germaniques. 

"  On  trouvera  dans  mes  vases  péruviens  l'emploi  fréquent  des 
méandres,  qu'on  appelle  vulgairement  grecques,  sorte  d'orne- 
ment connu  des  barbares  de  la  CJermanie.  Je  reproduirai  un 
vase  à  forme  de  corne  dont  une  des  deux  extrémités  se  termine 
par  une  tète  d'animal,  comme  les  vases  grecs  nommés  rhybm, 
et  qui  servaient  à  boire.  (Jn  verra  aussi  dans  mes  vases  ju- 
meaux des  types  qui  rappellent  les  vases  grecs  nommés  uoUm, 
dont  l'on  se  servait  pour  séparer  l'eau  puisée  en  voyant  les 
impuretés  qu'elle  pouvait  contenir-,  l'on  verra  dans  mes  types 
des  vases  phalliques  pour  boire,  comme  les  Romains  en  pos- 
sédaient ;  on  y  verra  le  phallus  porté  religieusement  comme 
un  insigne  connu  chez  les  llomains.  D'autres  faits  tendent  à 
prouver  qu'il  est  vraisemblable  que  par  le  trajet  si  court  du 
détroit  de  lichring,  il  se  soit  établi  des  communications  acci- 
dentelles entre  les  Chinois  navigateurs  et  les  indigènes  de  l'A- 
mérique, bien  avant  les  expéditions  des  Espagnols.  Un  vase 
ancien  trouvé  dans  le  sol  de  la  Nouvelle-(jrenade  est  décoré 
à  Torilice  d'une  ligure  en  haut-relief  représentant  un  vieillard 
dont  le  type  physiologique  rappelle  singulièrement  celui  des 
magots  du  Céleste-Kmpire.  Des  motifs  d'ornementation  des 
A/tèqucs  ou  anciens  Mexicains  et  des  anciens  Péruviens  se 
retrouvent  souvent  avec  une  identité  fort  remarquable  sur  les 
vases  de  bronze  que  les  Chinois  fabriquaient  à  une  époque 
voisine  de  l'ère  chrétienne.  Des  rapprochements  de  tout 
genre  abondent  :  la  trimurti  péruvienne  correspondait  à  la 
«  trinité  des  catholiques,  (ÀMi  à  .1..,  Pachacama  à  Vishnou 
"  et  Huira-Cocha  à  Siva,  ains»   ,  '   marque  ilivcro, 

"  Brongniart  assure  que  le  peuple  qui  habitait  Mitla  et  Palen- 
«  que  possédait  le  secret  d'une  glaçure  vitrifiée,  peut-être  pro- 


r.T  OK  I.KL'R  CIVILISATION 


"9 


«  duitc  par  un  silico  alcalin,  rcnlcrmant  du  ter.  du  manganèse, 
'<  et  un  vernis  plumbitère. 

"  Je  ne  vois,  ajoutc-l-il,  que  les  Chinois,  les  Egyptiens  et 
«  peut-être  les  Mores  qui  puissent  être  associés,  ou  du  moins 
"  comparés,  pour  cette  immense  perlection  des  arts  céramiques, 
"  à  l'ancien  peuple  qui  vivait  autrefois  sur  ce  territoire.  N'est- 
"  ce  pas  une  présomption  importante  des  relations  de  l'Amé- 
'■  riquc  ancienne  avec  les  Chinois?  Ce  n'est  qu'au  xin=  siècle 
"  seulement  qu'un  potier  de  Schelestadl  trouva  la  glaçure  à 
<'  base  de  plomb  ou  vernis,  dont  les  Arabes  faisaient  usage  de- 
'  puis  plus  de  trois  siècles. 

'<  Tout  archéologue  qui  feuillettera  l'atlas  publié  à  Vienne  par 
•'  MM.  l<.ivero  et  Tschudi,  en  i85i,  et  comparera  les  poteries 
'■  figurées  dans  cet  ouvrage  à  celles  que  M.  Birch  a  reproduites, 
'  remarque  sur-le-champ  la  coexistence  au  l^érou  de  trois  styles 
«  que  l'on  pourrait  appeler  le  premier,  égyptien,  le  second  étrus- 
"  que,  et  le  troisième  pélasgique.  Figures  grotesques  et  obscè- 
"  nés  ;  rondes  d'animaux  taillés  ou  peints  sur  les  parois  du  vase  ; 
"  vases  doubles  unis  par  le  ventre,  au  col  surmonté  d  une  sorte 
"  de  lézard  ou  de  gorgone  qui  sifile  et  hurle  lorsqu'on  agite  le 
■■  liquide  renfermé  dans  la  panse  ou  qu'on  le  boit;  tiges  de  maïs 
'^  terminées  |->ar  un  profil  de  tète  humumi:  parfciilciiicnt  aircii  ; 
'■  matière  réduite  à  une  apparence  de  1er;  manque  de  peintures 
"  humaines  ou  de  scènes  plastiques;  dessins  formés  de  lignes 
«  droites  ou  courbes;  méandres  comme  sur  les  vases  grecs  et 
'  chinois,  figures  de  cigognes  et  de  renards,  emblème  des  races 
«  pélasgiques,  selon  vSirabon,  tels  sont  les  principaux  caractères 
"  de  la  céramique  péruvienne.  Comparons  les  traits  exposés 
"  dans  ces  lignes  avec  ceux  que  M.  iJirch  attribue  à  chaque  épo- 
«  que  de  la  céramique  antique  ;  nous  rencontrerons  à  chaque  pas 
<!  une  identité  parfaite  entre* l'art  péruvien  et  lart  hellénique. 
«  M.  Birch,  complètement  étranger  aux  études  péruviennes. 
1  ne  peut  s'empêcher  de  remarquer  combien  certains  vases  pc- 
«  lasgiques  ressemblent  à  ceux  que  l'on  a  trouves  dans  lessépul- 
1  cres  des  anciens  Péruviens.  Si  on  compare  les  canopcsétrus- 


i:20 


l)i;  I.OHKJINi;  1)1  s  INDIKNS  DU  NOU VEAU-MONDK 


«  qucs  en  terre  cuite  avec  les  canopes  péruviens  de  la  même 
•<  matière,  on  verra  qu'il  y  a  entre  les  deux  séries  identité  com- 
■I  plète  de  lorme  et  de  conception  sacerdotale.  Dans  les  uns  et 
"  les  autres,  les  bras  et  les  mains  sont  placés  à  an^-le  droit  sur 
"  la  poitrine.  Il  y  a,  entre  la  tête  et  le  corps  la  même  propor- 
■•  tion.  Dans  les  deux  cas,  enfin,  le  vase  servait  à  conserxer  les 
"  entrailles  des  momies.  ■> 

A  toutes  ces  circonstances  on  peut  ajouter  l'identité  des 
noms.  Les  I^TUxiens  mettaient  la  chicha  dans  des  vases  appe- 
lés aç-kahi:a  ayCii/iii-i^cas  .  (Hie/  les  Pélasges,  on  trouve  le  \ase 
ascos.  Les  Péruviens  connaissaient  aussi  l'amphore  >i  célèbre 
dans  les  fastes  de  la  littérature  grecque  et  latine  sous  le  nom  de 
luiampciro  ou  huampluvii,  mot  qui  a  passé  dans  Tespai^nol  sud- 
américain  avec  une  légère  modification  de  sens.  Kn  grec,  est 
un  vase  dont  le  nom  est  caniharos.  Nous  le  retrou\:)ns  en 
quitchua,  sous  le  nom  de  luvikkara.  Les  deux  mots  ont  .{tour 
racine  le  thème  primitil  lum.  vase  ou  calebasse  '.  » 

Nous  terminerons  cet  aperçu  sur  l'art  céramique  d.ms  le 
Nouveau-Monde  en  reproduisant  une  notice  de  I).  W'ilson, 
11,  p.  ()(),  qui  a  étudié  avec  beaucoup  de  soin  cette  intéressante 
question.  "  Il  existe,  dit-il,  une  variété  de  Crette  particulière  h 
l'art  céramique  du  Pérou  et  aux  sculinures  du  \'ucatan.  dette 
correspondance  est  digne  de  remarque;  elle  est  visible  sur  un 
spécimen  de  poterie  noire  du  l^érou,  apportée  de  Ik'rne,  fig.  35. 
C'est  exactement  le  même  genre  de  Irelte  que  l'on  remarque 
dans  les  ruines  de  Mitla-(Jajaca,  et  dans  le  dessin  de  la  porte 
de  Chimhuhu  Vucatan  ,  donné  par  M.  Catherwood.  » 

Les  peuples  d'Amérique  avaient  adopté,  à  l'instar  des  égyp- 
tiens et  des  autres  peuples,  l'année  civile  de  trois  cent  soixante- 
cinq  jours  '.  Un  grand  problème  à  résoudre  serait  celui  de  sa- 
voir qui  amena  à  cette  unanimité  les  peuples  les  plus  divers 
répandus  sur  la  surtace  du  globe.  L'année  lunaire  avait  pré- 


1.  Vicente  Lopez,  Les  races  aryennes,  p.  2(jt. 

2.  Astronomie,  dv  onologic  et  rites  des  Mextcains,  par  l'abbc  Pépjrt. 


KT  UE  1  TLK  CIVILISAI  ION 


12  1 


tc- 
ia- 


cédc  I  année  solaire,  et  le  nombre  latidique  de  trei/e  îienible 
avoir  eu  pour  cause  la  révolution  périodique  de  l'autre  de  la 
nuit  qui,  pendant  trei/e  jours,  va  en  croissant  pour  ensuite,  au 
départ  de  son  plein,  arriver  de  sa  décroissance  pro.qressive  à 
une  disi^arition  momentanée.  Mais  ces  deux  périodes  de  trei/e 
jours,  ou  somme  de  vingt-six,  ne  mesuraient  pas  une  néomé- 
nie  comi^lèle  ni  ne  coïncidaient  ordinairement  pas  avec  les  évo- 
lutions solaires.  11  lai  lut  combler  celte  lacune  ou  changer  de 
système,  (^est  ce  qui,  après  plusieurs  essais,  eut  lieu  dans  la 
suite.  Or,  si  le  chillre  trei/e  était  en  honneur  au  Mexique,  le 
chiffre  quatre  ne  l'était  pas  moins.  11  servait  à  diviser  le  jour,  à 
former  le  cycle.  Il  comptait  quatre  indictions  ou  semaines  d'an- 
née de  trei/e  chacun.  I^)ur  les  exprimer,  il  y  avait  des  séries 
périodiques  de  signes.  Dès  lors,  le  système  lunaire  ne  servit 
plus  à  mesurer  les  années,  et  on  l'accommoda,  au  contraire,  au 
cours  du  soleil  comme  simple  division  chronologique.  (Cepen- 
dant le  mot  met/li,  bien  qu'il  veuille  dire  lune,  continua  néan- 
moins à  désigner  les  mois  du  système  solaire.  Pour  changer  le 
système,  il  fallut  que  les  nouveaux  venus  eussent  acquis  déjà 
un  haut  degré  d'influence.  Ixtiiixochilt  fait  mention  d'une  as- 
semblée de  sagos  et  d'astrologues  qui  tut  convoquée  dans  la  cité 
de  Hue  Hue  'l'iapalan  afin  de  travailler  à  la  correction  du  ca- 
lendrier et  à  la  réforme  du  coniput  annuel  reconnu  erroné  et 
que  les  Othoniis  conservèrent  quand  inéme,  malgré  la  décision 
du  législateur.  I,e  cycle  se  divisait  en  quatre  indictions  de  treize 
semaines  chacune  et  avait  deux  périodes  :  la  première  consis- 
tait en  signes  numériques  jusqu'à  trei/e;  la  seconde  en  quatre 
des  symboles  du  calendrier  mensuel  espacés  de  cinq  en  cinq, 
revenant  tous  les  cinq  ans  comme  tous  les  cinq  jours.  iVoir  le 
Codex  Chimalpopoca  pour  la  description  du  zodiaque  de  Tulanl- 
zinco  placé  dans  l'observatoire  de  cette  ville  par  Ceacatt  Quet- 
/al  (Cohuall  et  le  mémoire  de  Gama  sur  le  /odiaque  de  pierre 
trouvé  à  Mexico  en  1790.  Ce  dernier  monument  mesure  14  pieds 
en  carre  et  présente  à  sa  surface  plusieurs  séries  de  figures 
gravées  en  relief  et  quatre  cercles  ayant  au  centre  une  image 


122 


1)1   I  oinCiiNK  i)i;s  INDIENS  ne  noivl.m-mondl: 


nionslriiL'iisc  du  soleil.  0\\  y  trouve  indiques  les  lastcs  religieux 
des  Mexicains  et  leurs  léics  principales.  Les  équinoxes  et  les 
solstices  y  sont  également  marqués,  (tétait  un  cadran  solaire 
marquant  non-seulement  llieine  diurne  et  nocturne,  mais  en- 
core les  rites  et  sacridces  journaliers  prescrits  pour  chacune 
Ce  monument  est  le  plus  précieux  que  nous  ayons  de  l'antique 
science  astronomique,  chronologique  et  gnomonique  des  l'ol- 
tèques. 

Le  système  du  calendrier  mexicain  se  nommait  xiohtlapo- 
hualli  ou  comput  de  l'année.  (Recycle  était  également  employé 
pour  représenter  le  xuhmolpilh  qui,  deux  lois  répété,  compo- 
sait le  cycle  majeur.  Le  mois  n'était  pas,  comme  chez  nous, 
une  réunion  de  jours  groupés  par  sept,  mais  bien  la  série  des 
treize  nombres  appliqués  indistinctement  aux  vingt  jours  dont 
se  composait  le  mois.  Celte  semaine  était  de  treize  jours  occu- 
pant donc  un  mois  moins  sept  jours  que  l'on  était  censé  em- 
prunter à  la  semaine  du  mois  suivant.  11  y  avait  dix-huit  mois, 
ce  qui  taisait  vingt-huit  semaines  ou  trois  cent  soixante-cinq  jours 
auxquels  les  Mexicains  ajoutaient  les  momentanés,  cinq  dans 
les  années  ordinaires  et  six  tous  les  quatre  ans  pour  réparer  la 
perte  du  quart  de  jour,  c'est-à-dire  les  six  heures  de  reste  cha- 
que année,  ce  qui  correspond  admirablement  à  Tannée  grégo- 
rienne aussi  bien  qu'aux  années  bissextiles.  En  raison  du  jour 
excédant,  on  arrivait  très  tacilement,  en  suivant  la  progression 
arithmétique  des  treize  nombres  de  la  semaine,  à  désigner  cha- 
que indiction  par  les  nombres  i ,  2,  3,  et  chaque  année  put  donc 
également  avoir  un  nom,  un  symbole  spécial  qui  la  lit  recon- 
naître dans  tout  le  cours  du  cycle. 

Le  jour  se  disait  soleil  et  se  divisait  en  quatre  parties  :  r  du 
lever  à  midi;  2''  le  centre;  3''  l'entrée  de  la  nuit;  4''  le  minuit. 
Chacune  de  ces  parties  se  divisait  en  deux  tractions  égales,  les- 
quelles correspondaient  à  neuf  heures  du  matin,  à  trois  heures 
de  l'après-midi,  à  neuf  heures  du  soir,  à  trois  heures  du  matin. 
Le  jour  civil  conmiençait  également  au  lever  du  soleil,  était 
plus  particulier  à  l'usage  de  la  caste  sacerdotale  et  se  divisait 


Il    I)i;  I  II  R  civil. ISATION 


133 


en  sci/.c  parties  doiil  huit  pour  le  jour  et  luiil  pour  la  nuit.  Les 
quatre  premières  ou  matinales  étaient  signalées  par  un  gnomon 
sur  le  cadran  solaire  et  les  quatre  vespérales  par  un  autre  cor- 


resi^ 


)nJant. 


(iliaque  jour  Je  grand  matin  on  oll'rail  au  soleil  du  sang  ac- 
compagne d'encens,  on  se  scarifiait  les  oreilles,  on  immolait 
des  cailles  et  on  l'adorait  en  lui  disant  :  "  Seigneur,  voici  que 


commence  \()tre  course,  continue/-la  heureuse. 


!:> 


es  cerem  I- 


nics  religieuses  avaient  lieu  aux  quatre  parties  du  jour  et  de  la 


nuit 


I.e  rituel  s'inaugurait  a\ec  le  mois  atlacualco  commentjant 
avant  le  2  lévrier;  il  était  consacré  à  llalocàqui  on  sacrifiait 


liants.  Le  di 


Mlle 


•tait 


:\u 


it  hu- 


mois  euiii  ceuii  ue  1  ecorcnemei 
main.  Le  troisième  était  appelé  petite  \eille.  Le  quatrième,  huey 
loxolle,  commençait  au  3  avril.  Le  mois  suiNant,  to.xcalt,  était 
consacré  à  1  la/catlcpoca.  Le  sixième,  etzalqualit/a,  était  con- 
sacré aux  'l'ialoques.  Le  mois  suivant  était  la  petite  léte  des 
princes.  Le  huitième  mois  était  la  grande  tête  des  princes.  Le 
neuvième  mois,  mois  des  bouquets  de  fleurs.  Le  dixième  mois, 
la  chute  des  fruits.  Le  onzième  était  appelé  le  mois  du  balda- 
quin. Le  douzième,  arrivée  des  dieux.  Le  treizième,  la  guerre 
des  montagnes.  Le  quatorzième,  on  célébrait  la  léte  du  gé- 
nie des  chasseurs.  Le  quinzième  mois  était  nommé  panquel- 
zalitza.  Le  seizième,  la  chute  d'eau.  Le  dix-septième  le  mois  du 
glanage.  Le  dix-huitième  était  consacré  au  dieu  du  teu. 

Les  cinq  jours  supplémentaires  étaient  considérés  comme 
des  jours  néiastes. 

A  cet  exposé  on  ne  peut  plus  clair,  donné  par  l'abbé  Pepart, 
de  la  manière  de  mesurer  le  temps  des  anciens  peuples  du 
Nouveau-Monde,  nous  croyons  devoir  joindre  une  notice  sur 
le  même  sujet  de  notre  célèbre  astronome  Laplace  '. 

"  L'histoire  de  l'Amérique,  avant  sa  conquête  par  les  Espa- 
K  gnols,  nous  ollVe  quelques  vestiges  d'astronomie.  Les  Mexi- 

1.  Exposition  du  système  du  munde,  par  LapUce,  p.  344. 


IJ.I 


1)1   i.okkhm;  1)1  s  i.ndikns  di;  soi  vi.ai -moM'I 


.   cains,  au  lieu  de  la  semaine,  avaient  une  période  de  cinq 

•  jours.  Les  mois  étaiL-nt  chacun  de  viiif^t  jours ,  et  dix-huit 

■  de  ces  mois  lormaient  une  année  qui  commeni.ait  au  sols- 

•  tice  d'hiver  et  à  laquelle  ils  ajoutaient  ciui]  jours  (;omplé- 
"  incntaires.  Ils  composaient  de  la  réunion  de  cent  quatre  ans 

■  un  grand  cycle  dans  lequel  ils  intercalaient  \inf;t -cinq-jours. 

■  Cela  suppose  une  durée  de  I  année  tropi.jue  plus  exacte  que 

■  celle  d'Hipparquc,  et  ce  qui  est  remarquable,  c'est  qu'elle  est 

■  la  même,  à  très  peu  près,  que  Tannée  des  astronomes  d'AI- 
mamou    lils  d'-Xarounel-Rashiil  qui  ré^Miait  en  Si.|  . 

"  Les  l*éru\"iens  et  les  Mexicains  observaient  avec  soin  les 

■  Cercles  ou  gnomons,  les  solstices  et  les  équinoxes.  Ils  avaient 
■'  même  élevé  pour  cet  objet  des  colonnes  et  des  pyramides.  (]e- 
"  pendant,  quand  on  considère  les  ditïicultéspour  ime  délermi- 
"  nation  si  exacte  de  la  longueur  de  Tannée,  on  est  porté  à  croire 

•  qu'elle  n'esl pas  leur  ()iir)-ai^c  et  qu'elle  leur  est  venue  de  Tan- 
-  cien  continent.  Mais  de  quel  peuple  et  par  quels  moyens  l'ont- 

■  ils  reçue'.'  Pourquoi,  si  elle  leur  a  été  transmise  par  le  nord 
"  de  l'Asie,  ont-ils  une  division  du  temps  si  ditlérente  de  celle 
'  qui  était  en  usage  dans  cette  partie  du  monde  '?  Ce  sont  des 
'■  questions  qu'il  paraît  impossible  de  résoudre',*  " 

A  ces  questions  on  peut  répondre  aujourd'hui  en  disant  que 
ces  connaissances  astronomiques  leur  ont  été  enseignées  par  les 
Aryens  dont  le  pays  n'était  pas  éloigné  de  la  Chaldéc.  Les  peu- 
ples de  cette  contrée,  d'après  Joseph,  flis/oirc  dus  Juifs,  à  une 
époque  très  reculée,  avaient  découvert  que  la  révolution  com- 
plète du  soleil  et  de  la  lune  ne  s'opérait  qu'après  six  cents  ans 
révolus;  calcul  dont  l'exactitude  vérifiée  par  Cassini  enlève 
quelque  gloire  à  ceux  qui  prétendent  lavoir  trouvé  les  pre- 
miers. 

Les  Indiens  du  Nouveau-Monde  savaient  déterminer  la  li- 
gne méridienne  et  la  ligne  équatoriale  qui  leur  servaient  à 
orienter  les  taçadcs  et  les  portes  principales  de  leurs  édifices. 

Les  Péruviens  rectifiaient  leur  calendrier  au  moyen  d'obser- 
\ationssolairesaveCi  lidedecolonnescylindriquesqu'ilsavaient 


rr  i)i;  t.i.uu  ciVfLiSAiiON 


I-»D 


élevées  sur  les  terrains  les  plus  hauts  autour  Je  (Ài/co  et  qui 
leur  servaient  pour  prendre  l'a/inuitii.  lui  mesurant  son  ombre, 
ils  trouvaient  la  période  exacte  à  leur  solution.  Ils  déterminaient 
la  période  des  équinoxes  avec  l'aide  d'une  seule  colonne  ou 
gnomon,  placée  dans  le  centre  d'im  cercle  dans  l'axe  du  grand 
temple  et  traversée  ,  'ir  un  diamètre  de  l'est  à  l'ouest,  (juand  les 
ombres  étaient  à  peine  visibles  à  midi  sous  les  rayons  du  so- 
leil, ils  disaient  que  l'être  suprême  s'appuyait  avec  toute  sa  lu- 
mière sur  la  colonne. 

(^uito,  placé  exactement  sous  Téquateur  où  les  rayons  du  so- 
leil ne  produisaient  pas  d'ombre  à  midi,  était  un  objet  spécial 
de  vénération  comme  la  demeure  lavoritc  des  représentants  de 
la  grande  divinité.  Par  ces  périodes,  les  l'éruviens  réglaient 
leurs  rites  religieux  et  leur  cérémonial,  et  indiquaient  la  classe 
des  travaux  dont  devaient  s'occuper  les  agriculteurs  à  chaque 
époque  de  l'année. 

Ces  peuples,  surtout  les  Péruviens,  étaient  assez  avancés  en 
agriculture,  qui  recevait  une  protection  toute  spéciale  du  gouver- 
nement. Partout  où  le  sol  cultivable  avait  besoin  d'eau  pour 
être  lécondé,  on  la  taisait  venir  au  moyen  de  canaux  ou  d'aque- 
ducs disposés  de  manière  à  laisser  s'écouler  la  quantité  d'eau 
nécessaire  pour  les  irrigations  et  qui  était  (ixée  par  la  loi  poui' 
chaque  champ.  Us  étaient  très  hal^'iles  pour  cultiver  les  terrains 
des  montagnes,  en  les  divisant,  comnwcn  Chine,  en  terrasses  re- 
vêtues de  pierres  et  admirablement  disposées  pour  l'arrosage 
et  l'écoulement  des  eaux.  iJaus  les  vallées  arides,  ils  creusaient 
le  sol  jusqu'à  ce  qu'ils  eiissent  rencontré  une  couche  de  terre 
avec  un  peu  d'humidité  naturelle.  Ces  excavations,  protondes 
de  1 5  à  20  pieds,  embrassaient  une  vaste  surface  qu'ils  pré- 
paraient avec  du  fumier  et  dans  laquelle  ils  faisaient  leurs  se- 
mis. 

Ils  connaissaient  les  dillérentes  espèces  d'engrais,  entre  autres 
le  guano  dont  les  propriétés  stimulantes  et  nutritives  étaient  très 
appréciées  des  populations  des  campagnes.  Au  lieu  de  la  char- 
rue, ils  se  servaient,  pour  rompre  le  terrain  d'un  pieu  très  tort 


126 


DK  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU   NOUVEAU-MONDE 


et  pointu,  traversé  par  un  morceau  de  bois  à  lo  ou  12  pouces  de 
rextrémité,  et  sur  lequel  le  travailleur  appuyait  son  pied  for- 
çant ainsi  le  pieu  à  pénétrer  dans  le  sol.  Six  ou  huit  hommes 
robustes  s'attelaient  à  cet  instrument  et  le  tra-:".aient  en  chan- 
tant. Ils  pouvaient  briser  ainsi  le  terrain  à  la  profondeur  dé 
sirée. 

Grâce  à  leur  patience  et  à  leur  savoir,  on  peut  dire  qu'il  n'y 
avait  pas  un  pouce  de  terrain  auquel  ils  n'aient  fait  rendre  le 
plus  possible.  Leur  principale  culture  était  celle  du  maïs,  de  la 
tige  duquel  ils  extrayaient  uac  espèce  de  matière  saccharine  : 
avec  le  t.rain  fermenté,  ils  fabriquaient  une  liqueur  très  forte 
dont  ils  abusaient  extraordinairemcnt. 

r.e  souverain,  comme  l'empereur  en  Chine,  labourait  une 
fois  par  an  en  présence  du  peuple  comme  preuve  du  respect 
et  de  la  protection  qu'il  accordait  à  l'agriculture. 

On  s'est  demandé  souvent  si  ces  peuples  connaissaient  le 
fer.  Ce  n'est  pas  douteux  ',  attendu  que  le  mot  fer  se  retrouve 
dans  toutes  leurs  langues.  Les  Péruviens  l'appelaient  quillay, 
les  Chiliens  Panlih.  Dans  le  Mcratrio,  t.  I,  p.  201,  il  est  dit 
qu  au  commencement  les  souverains  péruviens  exploitaient 
de  magnifiques  mines  de  fer  ù  A.  :oriam,  sur  la  rive  occiden- 
tale du  lac  de  Titicaca. 

Us  connaissaient  également  l'or,  le  cuivre.  Tétai n  et  le  mer- 
cure, l'argent  natif  et  ses  combinaisons  chimiques,  avec  le  sou- 
fre et  l'antimoine.  Ils  savaient  extraire  le  métal  pur  de  ses  com- 
posés. 

Ils  possédaient  le  secret  d'allier  le  cuivre  à  l'étain,  de  manière 
à  en  faire  un  métal  dur  et  ductile.  Le  D'  Wilson,  I,  p.  3o5, 
"  prétend  que  l'alliage  du  cuivre  et  de  l'étain,  quand  il  est  destiné 

i.Moiitcsinos,  parlant  dcsChimus  ou  Rcants  quand  ils  annèrciit  au  Pérou,  dit,  p.  73, 
qu'ils  travaillaient  les  pierres  avec  îles  instruments  en  fer.  A  la  page  suivante,  il  répète 
que  la  vue  de  leurs  armes  en  fer  jeta  l'i'pouvante  parmi  les  populations.  Ce  qui  indique 
que  les  Caraïbes  ou  les  peuples  de  l'.Vniériqiie  septenlrionali-  connaissaient  l'usage  du 
ter.  Dans  la  langue  chilienne,  les  instruments  c.i  ter  s'appelaiei-t  chi-quU  pour  les  dis- 
tinguer de  ceu.x  en  pierre  mulni.  Or,  dans  la  langue  maya,  M  veut  dire  lance,  tlèclit; 
l'iulni,  pierre. 


*'  k 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


127 


à  faire  des  instruments,  possède  les  meilleures  qualités,  lors- 
qu'il comprend  environ  90  pour  cent  de  cuivre  et  10  d'étain, 
et  que  les  reliques  en  bron/e  de  l'ancienne  Europe,  analysées, 
donnent  cette  composition,  tandis  que  le  résultat  général  de 
l'analyse,  des  objets  péruviens,  chiliens,  mexicains,  indique 
un  mélange  d'étain  variant  de  2,r:^  à  7,61 5  pour  cent.  » 

Au  moyen  de  cet  alliage  ils  obtenaient  un  métal  très  dur  et 
très  tranchant,  qu'ils  préféraient  sans  doute  au  fer.  La  plupart 
de  leurs  instruments  coupants  étaient  en  cuivre,  mêlé  détain. 
C'est  avec  ces  instruments  qu'ils  faisaient  ces  travaux  cyclo- 
péens  en  pierres  que  l'on  admire  à  Cuzco,  à  Palenqué,  à  Ux- 
mal  et  dont  il  est  ditficile  de  se  rendre  compte  si  l'on  suppose 
qu'ils  ne  connaissaient  pas  le  fer. 

I,a  plupart  de  ces  instruments  avaient  des  formes  semblables 
à  celles  de  l'ancien  continent,  à  une  époque  reculée. 

Ils  avaient  pour  armes  oll'ensives  des  lances,  des  épécs,  des 
sabres,  des  javelots,  des  haches,  des  frondes,  des  arcs  et  des 
llèches  dont  la  forme  était  la  même  que  sur  l'ancien  continent. 
Comme  armes  défensi^■es,  ils  se  serNaient  de  petits  boucliers 
et  de  cottes  d'armes  en  coton  rembourré.  Sur  la  tète  ils  por- 
taient comme  coitfure  une  sorte  de  casque  en  bois  ou  en  cuir 
représentant  des  tètes  de  tigres,  serpents,  etc.,  garni  de  colon 
et  surmonté  de  plumes.  Lx*s  seigneurs  avaient  des  cuirasses 
d'or  ou  d'argent. 

Les  Indiens  du  Nouveau-Monde  savaient  fondre  le  métal,  le 
purilier  par  le  feu,  en  le  mettant  dans  de  petits  fourneaux 
construits  tout  exprès.  Ils  jetaient  ensuite  le  métal  dans  des 
moules  en  terre  ou  en  plâtre,  polissaient  a\ec  beaucoup  d  a- 
dresse  les  objets  ainsi  obtenus,  les  travaillaient  et  les  soudaient 
d'une  manière  admirable.  Ces  fourneaux  étaient,  notamment 
chez  les  Péruviens,  si  arlistement  disposés,  que  le  courant  d'air 
remplaçait  le  soufïlct  qui  leur  était  inconnu.  Par  ce  procédé  si 
simple,  le  métal  était  fondu  avec  tant  de  facilité  que  l'argente- 
rie était  devenue  assez  commune  dans  leur  pays  pour  servir 
sous  forme  d'ustensiles  de  ménage  et  de  vases  destinés  aux 


n 


m 


V 


12S 


l)i:  I.  ORICINE  DFS  l>'Uir:NS   DC   NOlVFAU-MONDi: 


usiiges  les  plus  ordinaires.  ..es  plantes,  les  Heurs  et  les  fruits 
d'or  qui,  suivant  les  historiens,  ornaient  les  jardins  de  l'inca^ 
prouvent  que  ce  peuple  avait  poussé  assez  loin  l'art  de  ciseler 
les  métaux  précieux  et  de  leur  donner  toutes  les  formes  possi- 
bles. Aussi  les  jardins  qui  entouraient  les  autels  sacrés,  étaient 
remplis  d  arbres  et  de  plantes  i.  i  feuillage  d'or  et  d'argent, 
chel's-d'(eu\re  des  orfèvres  de  Gu/co  (jarcilazo  de  la  Vcga). 
(]ette  capitale  que  bâtit  Manco-Capac,  selon  la  tradition,  possé- 
dait un  templ:  consacré  au  soleil.  Les  dimensions  en  étaient  im- 
menses. Les  murs,  en  terre  cuite,  étaient  de  haut  en  bas  cou- 
verts d'épaisses  plaques  d'or.  Le  bâtiment  était  couronné  d  une 
guirlande  du  même  métal.  Les  nombreuses  portes  qui  don- 
naient accès  dans  linléricur,  étaient  également  revêtues  de 
lames  d'or.  Au-dessus  du  grand  autel,  s'élevait  l'image  du 
soleil  en  or.  Cette  iigure  était  rayonnante  de  llammes,  et  sa 
grandeur  était  telle,  qu'elle  occupait  tout  l'espace  compris 
entre  les  deux  murs  parallèles  du  temple.  C'est  autour  de  ce 
soleil  que  les  i^éruviens  plaçaient  leurs  rois  délunts  sur  s 
chaises  d'or. 

Les  incas  avaient,  dit  Sarmicnt(j,  des  jardins  artiliciels  dont 
le  sol  était  composé  de  mottes  d'or,  façonnées  à  l'imitation  des 
mottes  de  terre;  ce  terrain  était  ]")lanté  de  maïs  dont  la  tige, 
les  teuilles  et  l'épi  étaient  admirablement  travaillés.  Des  brebis 
et  des  lamas  de  grandeur  et  de  forme  naturelles,  avec  des  ber- 
gers armés  de  leur  houlette,  étaient  en  or  fin,  sans  compter 
une  multitude  d'objets  plus  grands  sculi^ités  et  peints.  Les  ser- 
vices de  table,  de  cuisine,  les  fontaines  des  nombreux  palais 
de  rinca,  ajoute  (Jomara,  étaient  en  or  et  argent  incrustés 
d'émeraudes,  les  salles  de  leurs  palais  étaient  remplies  de  sta- 
tues en  or  de  taille  gigantes  jue,  et  contenaient  les  ligures  de 
tous  les  animaux,  arbres,  plantes,  oiseaux  et  poissons ^  il  y 
avait  aussi  des  troncs  d'arbre  coupés  comme  bois  à  brûler 
le  tout  en  o*',  des  vergers  où  toutes  les  plantes  étaient  d'or; 
la  porte  de  leur  palais  était  aussi  d'or,  d'argent  et  de  bron/.e 
admirablement  ciselés,  comme  l'assure  Cie/a  de  Léon. 


i:t  i)F.  mxr  civilisation 


I2() 


Dans  les  temples  de  la  lune,  les  ornement  ■  étaient  en  ar}j;ent. 
1).  nia/,  ch.  \ci,  raconte  qu'un  écran  d'or  était  placé  entre 
Montezuma  el  le  teu,  admirablement  fait  et  orné  de  tous  C()tés 
des  ligures  de  leurs  dieux.  La  chaise  était  sculptée  d'une  ma- 
nière remarquable. 

Les  travaux  que  les  Mexicains  exécutaient  en  fondant  des 
métaux  étaient  plus  estimés  par  eux  que  les  travaux  de  sculp- 
ture, à  cause  de  la  plus  grande  valeur  des  matériaux  el  de  la 
supériorité  de  l'art,  ''(^lavigero,  I.  VII,  ch.  xci. 

Parmi  les  présents  que  Cortès  reçut  de  Monte/.ama  et  qu  il 
en\'03a  à  son  souverain,  était  un  poisson  que  (Charles  V  ollrit 
au  pape.  l>eii\eiuito  ("ellini  le  vil  et  le  désigna  sous  le  nom  de 
chet-d'œuvre.  Le  corps  en  argent  et  l''s  écailles  en  or  étaient 
tels  qu'il  ne  luit  s'expliquer  comment  on  les  avait  obtenus, 
1.  amalgame  n  était  pas  encore  connu  en  Kurope  et  il  semble 
Liue  les  A/léques  en  taisaient  usage.   .Sartorius,  p.  2?2.j 

"  J'ai  \Li,  dit  Tvlor  Earlv  /lis/t»-}-,  p.  l'o?  ,  dans  le  .Muséum 
de  r>erlin,  une  paire  d'aigles  en  (jr  pour  ornements  provenant 
du  Mexique,  qui  peu\enl  être  comparé,  aux  tra\aux  étrusques 
pour  le  dessin  et  la  délicatesse  du  lini.  Mais  ce  qui  est  plus 
important,  c'esl  i^juils  connaissaient  le  bron/e,  composé  de 
proportions  excellentes  de  cuivre  et  d  étain.  ■■ 

Les  objets  d"or  manulacturés  dans  la  Nouvelle-tîrenade 
avaient  un  caractère  particulier.  (>eux  des  Péruviens  étaient  en 
général  ronds,  plus  légers,  plus  clairs  et  plus  minces,  tandis 
que  ceux  de  la  Nouvelle-(ïrenade  sont  plus  massits,  rappelant 
l'égyptien.   L'ricoechea,  pp.  42-4!'!.; 

Ils  taisaient  des  miroirs  en  taillant  el  polissant  des  morceaux 
de  pyrite  de  fer.  Personne  ne  pensait  encore  à  réduire  le 
métal. 

Us  étaient  Irèshabilesjiour  travailler  la  plume.  Tout  le  monde 
connaît  le  superbe  ouvrage  de  plumes  américaines  de  IWmbraser 
Sammlung  de  Vienne.  Les  plumes  du  quel/.al  qui  y  ligurenl 
devaient  en  faire  un  costume  d'apparat  royal  ou  religieux.  Les 
plumes  bleu  de  ciel  du  Cotinga  Magnana  qui  forment  la  bor- 

y 


\3q 


1)1.  I.  oinciNir  i)i:s  indmcns  du  nouvi  ai -mondi: 


dure  supùricure,  sont  rehaussées  par  des  ornements  d'écatllc 
en  or  et  des  croissants  du  mè'me  métal  de  2  centimètres  de 
diamètre.  La  seconde  hande  est  en  plumes  couleur  de  teu  de 
l'Ara  Canga,  la  troisième  de  \ert-émeraude,  est  composée  des 
ailes  du  quet/al.  Suit  une  bande  couleur  catè,  à  pointe  blanche, 
ornée  de  trois  rangées  de  boutons  d  or.  Les  longues  plumes  du 
quet/al  mâle  forment  la  partie  inlérieure  de  cette  parure  dont 
on  ne  peut  se  rendre  compte  si  on  ne  l'a  pas  vue  Cette  in- 
dustrie employait,  avant  l'arrivée  des  {espagnols,  de  nombreuses 
ouvrières.  P)eniard  Dia/  raconte  que,  dans  le  palais  même  de 
Monte/uma,  toutes  les  concubines  du  roi  s'occupaient  à  tisser 
des  ouvrages  en  plumes. 

Ces  peuples  étaient  parvenus,  malgré  leur  outillage  grossier, 
à  tisser  des  étoiles  élégantes  et  à  laire  des  tissus  de  laine  d'une 
finesse  extraordinaire.  "  Nous  avons  trouvé  dans  des  tom- 
bcau.x,  dit  d  (Jrbigny,  des  tissus  magnifiques.  L  homme  améri- 
cain, t.  L  P-  28(3., 

"  Les  dessins  qui  les  décorent  sont  d'un  goût  original  et  leurs 
nuances  éclatantes  d'un.'  telle  li.xité,  qu'elles  sont  parvenues 
jusqu'à  nous  à  peine  altérées.  Les  tapisseries  péruviennes  du 
musée  Saint-(]ermain  peuvent  donner  une  idée  de  cette  indus- 
trie. 1-^lles  proviennent  des  sé[iullures  d'Ancon,  à  quelques 
kilomètres  au  nord  de  Lima.  Toutes  ces  broderies  sont  exécu- 
tées à  l'aiguille  sans  envers.  Les  animaux  qui  les  décorent  sont 
ceux  qui  repré.sentent  leurs  mythes  religieux,  entre  autres  le 
tameux  serpeii*  oiseau,  symbole  de  l'être  suprême.  Les  vête- 
ments des  Incas  tissés  par  les  vierges  du  soleil,  étaient  dune 
finesse  admirable. 

"  Les  (^uitchuas  étaient  également  tort  adroits  pour  faire 
des  toiles.  Ils  les  ornaient  ,  les  brodaient  ,  les  teignaient 
ci'une  façon  admirable.  Leurs  tissus  de  coton  (in,  brodés  en 
bleu,  pouvaient  rivaliser  avec  les  meilleurs  produits  des  manu- 
factures européennes,  (^uant  aux  tissus  de  laine,  ajoute  .VL  Vi- 
ccnti  Loj'^e/,  nous  dirons  seulement  que  les  fabriques  euro- 
péennes elles-mêmes  ne  produisent  rien  qui  soit  supérieur  aux 


Il    ni-,   IJ'.VH  CIVILISATION 


i3i 


cclù'brcs  tissus  indigènes  en  laine  de  X'igo^ne.  C'était  avec  ces 
etotles  que  s'habillaient  la  tamille  im]-'ériaie  et  les  nobles  aux- 
quels on  permettait  d'en  laire  usai;e,  par  grâce  spéciale,  et  e:i 
récompense  de  quelque  grand  service,  (ielles  que  portait  l'Inca 
étaient  dune  teinte  rouge  ou  couleur  de  calé  brûlé.  Le  centre 
et  les  bords  en  étaient  toujours  ornés  de  grecques,  trait  singu- 
lier de  ressemblance  avec  le  manteau  des  archontes  helléni- 
ques et  des  (.onsuls  romains  qui,  au  dire  de  Varron,  avaient 
emprunté  aux  pontiles  étrusques  cette  partie  de  leur  cos- 
tume. >' 

L  an  de  la  teinture  avait  aussi  été  poussé  très  loin.  Ils  pos- 
sédaient le  secret  de  lixer  les  teintures  de  toutes  couleurs,  le 
rouge  et  le  jaune  surtout  ;  jamais  ces  teintures  ne  perdaient 
leur  éclat  soit  à  lair,  soit  même  dans  la  terre.  Le  coton  seul, 
teint,  perdait  un  peu  de  sa  couleur,  tandis  que  celles  de  laine 
se  conservaient  parlaitement  et  acquéraient  du  lustre  a\  c  le 
temps.  Ils  n'emplovaient,  pour  leurs  teintures,  que  des  couleurs 
végétales. 

Les  peuples  du  Nouveau-.Monde  c  iiinaissaient  la  musique. 
L'abbé  r^irasseur,  dans  son  Rabimil  achi,  p  3,  a  publié  un  tra- 
vail lort  intéressant  sur  la  jtoésie,  la  musique,  la  danse  et  les 
jeux  des  Mexicains  et  des  (Juatémaliens.  11  mentionne,  parmi 
les  instruments  de  musique,  des  trompettes,  des  llageolets,  des 
tlùtes,  des  tambours  et  des  instruments  à  cordes,  il  décrit  la 
marimba  nationale,  le  tun  des  (^)uitchés,  tunkul  des  \'ucatè- 
ques  et  te  H)nat/li  des  Mexicains.  La  plupart  de  ces  instruments 
que  nous  avons  vus  ressemblent  beaucoup  à  ceux  de  l'ancien 
continent. 

"  S'il  nous  était  permisdentrer  dans  l'analyse  minutieuse  de 
la  musique  des  (^uitchuas,  nous  pourrions  montrer  en  détail 
quelle  analogie  elle  présente  avec  la  musique  et  les  instruments 
des  Arcadiens,  ces  descendants  des  Pélasges  antiques.  L'ins- 
trument po|uilaire  des  Péruviens  était  la  llùte.  Us  en  avaient 
deux  espèces  :  1  une  composée  d'un  seul  tube  en  os,  en  roseau 
ou  en  bois,  qu'un  noinniait  chagna  au  nord  et  kena  au  sud; 


nnv 


l32 


DF  I,  ORIGINF  ni:S  INDIFNS   DC   NOIVF  A  IJ-M0NI)F 


l'autre  composée  de  divers  tubes  de  dimensions  graduées,  qu'on 
appelait  antara  et  qui  était  identique  à  la  llùte  de  Pan.  On  voit 
l'identité  de  nom  entre  la  canna  ou  llùte  en  roseau  des  Latins 
et  le  chaîna  ou  la  kena  des  Quitcluias. 

"  11  y  avait  également  une  sorte  de  luth  auquel  ses  accents 
plaintilsonl  lait  donner  le  nom  de  huayllaca  de  la  racine  clakc, 
plaindre.  La  trompette  se  nommait  khapa,  le  tambour  luian- 
kar. 

"  La  musique  clégiaque  des  \'ara\is  a  toujours  été  louée  par 
ceux  qui  l'ont  entendue.  Les  danses  chantées  sont  un  modèle 
de  j^ràce  et  de  douceur  erotique.  Des  virtuoses  célèbres,  comme 
Si\ori  ou  Thalberi,',  se  sont  laissé  enchanter  par  l'admirable 
correction  de  leurs  thèm.'S  et  les  ont  développés,  comme  si. 
dans  les  airs  des  \'aravis  et  de  la  Sambaclueca,  ils  eussent  re- 
connu un  écho  lointain  des  chants  classiques  '.  " 

(>es  j-'euples  culti\aient  la  poésie,  cette  s<eur  de  la  musique. 
Tous  les  genres  leur  etiiient  connus,  depuis  la  romance  jus- 
qu  au  drame  l1  au  poème  épique  à  vastes  proportions. 

Ils  aimaient  la  dansée',  avaient  des  b.illets  imitatils  et  histo- 
riques. Les  sexes,  habituellement,  dansaient  séparément. 

Ils  avaient,  comme  en  (Ihine,  \.m  syslèmu  j^o.stal  organisé  au 
moyen  de  coureurs  charges  de  la  transmission  des  ordres  et 
des  dépèches.  .\  chaque  demi-lieue  au  Pérou,  et  à  G  milles  au 
Mexique,  six  Indiens,  hiibiles  coureurs,  étaient  stationnes  et  se 
mettaient  en  route  aussitôt  qu'un  autre  arrivait.  Ils  communi- 
quaient aussi  entre  eux  au  moven  de  tumée  pendant  le  jour  et 
de  leu  pendant  la  nuit.  La  poste  mettait  huit  jours  pour  se  ren- 
dre de  (Ài/co  à  (^uito,  parcourant  ainsi  plus  de  looo  milles. 
Monte/uma  avait  tous  les  jours  du  poisson  Irais,  apporté  du 
golle  du  .Mexique,  à  200  milles  du  distance  de  la  capitale. 

Le  commerce  se  faisait  non-seulement  au  moyen  d'échange, 
mais  par  le  moyen  d  achats  réels  i-t  de  vente.  En  dehors  du 
cacao,  des  leuilles  de  coca,  ils  se  servaient  de  morceaux  d  or  et 


I.  \'ict;iito  l.opoz,  Les  >,xci:s  aryenne:,  du  Péitiii, 


'M- 


r:r  dh  i.i;ru  civilisa ikin 


i;^:'i 


d'arpent.  Dans  I*.'  I^ara^uay,  des  dés  en  1er  remiMaçaienl  la 
monnaie  qui  n'existait  dans  aucune  partie  de  l'Amérique. 

Ils  étaient  très  versés  dans  les  poids  et  mesures. 

Ils  avaient  des  instruments  en  ariient  et  en  bois  pour  peser 
leurs  substances  alimentaires.  Leurs  balances,  qu'on  a  trouvées 
dans  des  tombeaux,  étaient  de  plusieurs  sortes,  ressemblant  à 
celles  de  l'ancien  continent. 

Dans  chaque  \ille,  il  y  avait  un  marché  général  ouvert  jour- 
nelKment  et  un  plus  considérable  tous  les  cinq  jours,  (diaque 
classe  lie  marchands  a\ail  sa  place  marquée.  L'ordre  le  plus 
|.;rand  remuait.  I!n  dehors  de  ce  marché,  à  Mexico,  rien  ne 
pouvait  être  \endu,  Ninon  l'eau  et  les  objets  d'alimentation. 

Ils  a\  aient  des  loires  ;  on  y  apportait  les  produits  de  tout  le 
pays.  Llles  se  tenaient  près  des  temples.  L'n  ju.^e  lixaii  les  prix 
des  marchandises. 

Le  commerce  entre  les  provinces  et  les  villes  se  taisait,  soit 
par  eau,  soit  par  terre.  Les  marchandises  étaient  transportées 
jiar  des  bateaux  ou  à  dos  d'homme.  Au  l\'rou,  ils  se  servaient 
lM)ur  les  petits  fardeaux  du  lama.  Tous  les  auteurs  qui  ont 
écrit  sur  l'Amérique,  sont  unanimes  pour  déclarer  que  les  Ls- 
l\îi;nols,  à  leur  arrivée,  ne  trouvèrent  ni  cheval,  ni  bète  de 
somme,  à  l'exception  du  lama.  (]ela  ne  \eut  pas  dire  qu'à  une 
époque  antérieure,  le  cheval,  le  butlle,  la  chèvre^  l'éléphant 
ne  vivaient  pas  dans  ces  contrées  et  n'avaient  pas  été  domesti- 
qués par  l'homme.  Dans  l'état  de  Xew-.lersey,  dans  la  vallée 
de  roliio,  dans  le  district  de  Columbia  Faiina  Amevicana^ 
p.  224  ,  on  a  trouvé  des  dents  et  des  vertèbres  d  un  cheval  sem- 
blable au  nôtre.  Le  D'  Hund  a  découvert  également,  dans  une 
caverne  du  Brésil,  les  ossements  d'un  cheval  assez  voisin  de 
notre  espèce  domestique.  Des  dents  fossiles  de  l'éléphant 
de  Sibérie  ont  été  ramassées  dans  plusieurs  endroits  des 
Llals-Lnis.  D'après  le  D'  Wecay  Annales  d'hisloire  naturelle 
de  New- York ^,  quatre  ou  cinq  espèces  de  genre  ^05,  dont 
une  seule  a  survécu,  ont  existé  dans  l'Amérique  septentrio- 
nale.  Dans  les  manuscrits  de  Kingsborough,  on  voit  la  cous- 


1^4  '*'•■   I.<ll<l<ilM-   >>l''^   INDIKNS  \)V  NOIVl:Ar-MONl)l 

tcllation  du  taureau  moulé  par  Mithra.  Dans  le  codex  do 
Dresde  se  trouve  le  taureau  Mitrliiaque,  monté  par  le  Dieu. 
Dans  le  même  codex,  existe  rimaf.;e  du  chevreau  ou  capri- 
corne, portant  dans  la  main  le  sii^ne  du  Mois-.Mcn.  K\\  \i^j4,  'o 
D'  Behrendt  écrivait  à  M.  Duchàteau  :  "  Dernièrement  on  a 
découvert  dans  des  souterrains,  à  Mayapan,  des  ossements 
d'animaux.  J'ai  vu  la  tête  d'ime  chèvre  avec  des  cornes  parfai- 
tement conservées.  '> 

Dans  les  vastes  plaines  de  FAri/ona,  n'a-t-on  pas  reconnu 
éi^aiemcnt  des  vestit^es  de  butlle  et  d'alpaga?  Les  historiens 
espaf,'nols  racontent  que  lorsqu'ils  ont  pénétré  dans  le  Nou- 
Neau-.Mexique,  vivait  dans  cette  contrée  un  peuple  nomme 
Mo/lec,  qui  était  pasteur  de  bisons.  Kntin,  si  le  bos  américain 
a  toujours  existé  dans  le  nord  de  l'Amérique,  ce  que  personne 
ne  peut  nier,  comment  peut-on  admettre  que  les  Arvo-l'ou- 
ranicns  ne  l'aient  pas  utilisé  et  introduit  dans  les  autres  con' 
trées  en  supposant  qu'il  n'y  fût  pas'?  Ce  qui  paraît  plus  difficile 
à  expliquer,  c'est  non  point  .sa  disparition  de  ces  contrées,  mais 
son  reloulemcnt  dans  le  nord-ouest  de  l'Amérique. 

11  est  vrai  qu'un  lait  analo,gue  s'est  passé  dans  un  grand 
nombre  de  pays  de  l'ancien  continent,  pour  certains  animaux. 
Comme  conclusion^  Dieu,  en  créant  cet  immense  pavs,  a  dû  y 
mettre  quelques  animaux  domestiques  pour  l'usage  de  l'homme, 
et  le  b(L'ut'  américain,  peut-être  le  cheval,  ont  existé  proba- 
blement sur  toute  la  surface  de  l'.Amériquc  à  une  certaine  épo- 
que 


i:t  de  leuk  civilisation 


\35 


L  ORIGINE 


DE   LA   CIVILISATION    INDIENNE 


PROUVÉE  PAR  LA  RELIGION 


La  relif^ion,  les  nuLairs,  k-s  usaj^cs,  sont  chez  tous  les  peu- 
ples la  cause  première  des  monuments  et  i.Ie  leurs  formes  di- 
verses. J)e  là  vient  qu'en  étudiant  les  ruines  laissées  par  un 
peuple  qui  n'est  plus,  l'homme  éclairé  peut,  jusqu'à  un  certain 
point,  reconnaître  ou  deviner  le  culte  de  ceux  dont  les  osse- 
ments sont  aujourd'hui  dispersés,  confondus  avec  la  pierre  ou 
la  brique  des  édilices  que  le  temps  a  détruits.  Le  voyageur  qui 
possède  quelques  notions  des  arts,  arrivant  dans  la  haute  Egypte, 
en  parcourant  les  immenses  ruines  de  'l'hèbes,  de  Karnak  ou 
du   Mnemoniimi,  aura   sur-le-champ  une  idée  de  la  sagesse, 
de  la  religieuse  piété,  de  l'antique  splendeur  des  Egyptiens. 
(^)uil  visite  la  Perse,  l'Inde,  le  Japon,  la  Chine,   la  Grèce  ou 
l'ancienne  Rome,   partout  des  observations  du  même  genre 
frapperont  son  esprit.  Si  maintenant,  franchissant  les  mers,  il 
pénètre  en  Amérique,   il  lui  sera  impossible  de  ne  pas  remar- 
quer dans  le  culte  des  Indiens  de  nombreux  rapports  avec  les 
cultes  des  anciens  peuples  de  l'Orient.  Moïse  ne  s'est  donc  pas 
trompé  quand  il  a  dit  que  tous  les  peuples  ont  dû,  à  une  époque 
reculée,  être  rassemblés  dans  le  même   lieu,  et  que  là  ils  ont 


i3r. 


I)l:   I,  OKKilNK   V\:S  INDIF.NS  M     NOIVrAr-MONDi: 


aJoptc  k-  mcmc  syslùmi.'  religieux  qui  a  ctc  ensuite  propiigc 
dans  le  monde  entier  par  les  traLlilions  oraics  ou  éerites. 

Les  Indiens  du  Nouveau-Monde,  eoinnie  .a  plupart  des  peu- 
ples de  l'antiquité,  reconnaissaient  un  être  suprême  incréé  et 
créateur  de  toutes  choses,  incorporel,  principe  suhtil,  vivifiant, 
nomme  le  Dieu  un  ou  sans  é^al,  Ilunablui  eu  maya-,  TcniT ,  le 
souverain;  Tloquc  u.iliitall,  celui  qui  est  tout,  en  mexicain-,  /'/- 
yclao  ('.o-ai.vi(>.  lincreé  créateur  en  mixtèque,  etc.  »  Tel  il  était 
dans  l'obscurité  et  la  nuit  au  milieu  du  chaos  dans  lequel  il  y 
avait  des  êtres,  mais  des  êtres  en  i^erme,  des  êtres  impercepti- 
bles, indéfinis. »  (]e  princ'pe  subtil,  i-iui  est  la  \apeur  incessante, 
le  souille  de  la  \'ie.  fàme  universelle,  lorsqu'il  \  eut  créer, 
prend,  au  milieu  de  la  matière  fluide  du  chaos,  la  lorme  d'un 
crocodile  ou  caïman,  (lipactli,  (jpactonal,  imox-,  ensuite,  quand 
il  crée,  il  adopte  celle  du  serpent-oiseau  indiquant  la  nnite- 
puissance  du  temps,  le  dévorateur  insatiable  de  ses  (eu\res, 
qui  détruit  à  mesure  qu  il  crée  et  qui,  chaque  jour,  luit  et  s'en- 
vole. .Saturne,  (ihronos,  Ouranos,  le  premier  des  dieux  de  la 
mythologie  grecque  ou  latine,  était  représente  sous  la  forme 
d'un  vieillard  tenant  une  faux  à  la  main,  avec  des  ailes  aux 
épaules  et  aux  pieds,  touchant  un  serpent  qui  se  mord  la  queue. 
Kn  Kf^ypte,  en  Perse,  dans  l'Assyrie,  la  Pheiiicie,  etc.,  nous 
retrouvons  la  même  idée  sous  la  même  forme  .  (^ette  première 
manifestation  de  l'être  suprême  représente  la  i',rande  cause 
première  intellectuelle,  le  dominateur-créateur,  qui,  pour  créer, 
a  besoin  d'une  autre  manijestation,  le  principe  matériel,  primor- 
dial, source  de  tout,  de  la  vie,  de  la  mort,  de  l'homme  et  de  la 
femme,  du  feu,  de  feau,  du  soleil,  de  la  lune,  du  bien  et  du 
mal,  et  qui  est  nommé  le  Dieu  du  feu.  I.a  forme  est  ensuite 


1.  Tcotl  lappcllw  le  l)icos  lies  Grecs;  Dcus  tics  L.Tiius,  cl  le  Ty  ilcs  Chinois. 

2.  Il  clan  appclc.  en  maya.  Ik  ;  en  mexicain,  Ehccatt,  le  snullle  qni  anime  l'uni\crs, 
Idaliqtie  Ava,  le  Kncpli  des  Egyptiens,  Ik-Ncb  (pour  dire  le  soutHe)  et  avec  le  V.vzw^ 
des  Grecs  que  Jambliquc  traduit  par  Spirilus  iinifcr.si. 

i.  t^cci  ne  Liit-il  pas  songei  a  l'Aucicn  des  joui»,  connne  ail  la  ISiblc  :  Wnuna  ()u- 
raiios;  dans  le  Rig-\'eda,  vin,  xi,  ii.  .},  est  le  créateur  de  rancii.ii  séi')ui. 


i:r  i)K  i.iau  civu-ISation  1:^7 

JoiiiiOc  par  k'  i:(L'Ur  du  ciel  ut  de  la  terre  fl-cait,  le  serpent 
opérateur ,  appelé  é^alenle^t  Ka/'-itl,  la  main  opératriee. 

Dans  cette  trinite,  c'est  le  symhole  *.lu  Temps  tleNoraiil  qui 
domine  et  dont  le  nom  lwi.  dans  les  langues  arvennes  ',  si^nilie 
pouvoir,  puissance,  sai^esse,  palernile,  rovauté. 

lui  Amérique,  le  nom  de  serpent,  {-«our  les  peuples,  était 
sacre.  On  le  retrouve  partout  ainsi  que  son  imatie.  \on-seuIe- 
nienl  on  le  domiait  aux  dieux,  mais  aux  rois,  aux  chels,  aux 
peujMes,  aux  tribus,  aux  villes.  Les  temples  étaient  ornes  de 
serpents,  et  des  idoles,  représentant  le  serpent  empkniie,  étaient 
adorées  dans  tous  les  centres  de  population.  I,e  cliel  lu  la  co- 
ït,nie  aryo-touranienne  qui  leur  apporta  la  ci\ilisaiion  s'ap- 
pelait (Juet/al  liohuall  le  serpeiU  oiseau,  en  mexicain  .  On  le 
rencontre  iMus  tard  sous  ini  nom  semhlable  (iukulcan  dans 
le  Vucatan ,  et  sous  celui  de  (ian-ou-llla-tiksi-huira-cocha 
dans  l'Amérique  méridionale.  La  première  \ille  qui  tut  fon- 
dée tut  leo-dolhuacan  ,  dOi'i  est  \enu  le  nom  (.les  (loliiua- 
i|ues  adorateurs  du  ser|''ent  Les  rois  et  les  chets  ajoutaient 
à  leurs  titres  celui  de  serj^ent  -  di\  in.  (Constant  d'Orville , 
tome  y,  paf^e  i()0,  parlant  du  temple  de  lluit/.ilipotchi,  à 
Mexico,  dit  qu'on  y  entrait  par  une  place  carrée  entourée  d'une 
muraille  de  pierre,  où  des  serpents  entrelacés  de  diverses  ma- 
nières étaient  sculptés  en  dehors  du  mur.  et  imprimaient  l'hor- 
reur. Sir  .lohn  l^yerley,  dans  son  voyage  au  Mexique,  rapporte 
qu'il  a  vu  à  Mexico  la  tête  d'un  serpent  sculpté  d'une  i^randeur 
démesurée,  de  70  pieds  de  !  n^.  Dans  les  cloîtres,  derrière  le 
couvent  des  dominicains,  ajoute  le  même  voyat^eur,  on  voit 
un  bel  exemple  du  serpent  idole,  presque  entier  et  d'un  bon 
travail.  Cette  divinité  monstrueuse  est  représentée  dévorant 
une  victime  humaine,  qu'on  voit  se  débattre  dans  ses  horribles 
mâchoires. 


I.  (iiiioii,  cil  grec;  (.Miio,  en  laliii  ;  en  ani;lai.s,  caii,  ui  Ihiil;  ;  dans  le  vieux  geiniaiii 
eluiiiiiii;;  en  saiiscnt  i:;jii,  eiigeiulier;  on  le  ti'<juve  dans  le  veJa  coninie  nn  nom  de 
loi  ;  mère,  en  sanscrit,  csl  ^'.iiii  «ni  i;.iin  :  on  le  l'ctnnive  dans  !.■  grec  ^iiiw,  le  goiliu]iic 
.jiiiiw,  le  slave  \ciia  et  l'anglais  i]tn en. 


i;<s 


1)1     I.OKK.INi    DIS  INDIINS   DU   NOrVI'AL'-MONDi: 


Dans  un  griuul  nonihrc  do  villes  du  Mcxic]uc,  du  Yucatnn  et 
du  (iiintcniala,  du  Nicaragua,  du  Daricn,  des  pierres  sculp- 
tées représentent  le  serpent  hlotti  eireuiaireinent  dans  l'atti- 
ti'dc  que  prend  le  serpent  à  sonnettes  quand  il  se  repose  au 
soleil.  Les  six  écailles  dont  sa  queue  est  pourvue  lui  donnent 
de  la  ressemblance  avec  ce  reptile.  Il  ouvre  presque  toujours 
la  gueule  qui  est  garnie  de  délenses-,  la  langue  lourcluie  qu'il 
montre  annonce  la  colère.  I.e  corps  est  couvert  de  grandes 
écailles  qui  ont  la  lorme  de  plumes. 

Si,  du  Mexique,  nous  passons  au  N'ucatan,  nous  voyons  que 
celui  qui  civilisa  cette  contrée  tut  encore  im  Dieu  serpent,  Ku- 
culcan  le  serpent  emplumé  ou  le  serpent  divin  .  Palenqué 
portait  aussi  le  nom  de  (iolhuacon  et  ses  habitants,  Cvlui  de 
(Ihanes  serpents'.  Dans  l'Amérique  méridionale,  le  nom  de  can 
ou  coll.  serpent,  était  connu  de  tous  les  peuples,  comme  celui 
du  Dieu  créateur  et  en  même  temps  do  celui  qui,  selon  les  tradi- 
tions, apprit  aux  hi.bitants  de  ces  contrées  ce  dont  ils  avaient 
besoin  pour  vivre  en  paix  et  en  prospérité  des  produits  de  la 
terre  X'elasco,  1.  Il,  v.  ■_>,  c"  3  .  Les  (Ihibchas  lui  avaient  donné 
le  nom  de  Huc-con  ou  (hia-can  ;  les  Patagons  celui  de  i\aiic{  ; 
les  Puelclies  le  nommaient  hanchi  ou  aracan,  d'où  est  venu 
peut-être  le  mot  araucans. 

Les  murs  des  temples  des  Aymaras  et  des  Quitchuas  étaient 

également  ornés  de  serpents,  et  Levinus  Apollonius   t.  iq;  dit 

que  nds  serper.ts  sculptes  en  pierre,  ayant  les  mêmes 

|o'-  .  au  Mexique,  étaient  adorés  dans  un  grand  nombre 

.lits.  Les  Incas  eux-mêmes  ajoutaient  à  leurs  titres  celui 

..erpent  amaru  ,  d'où  est  venu  le  nom  des  Avmaras. 

Ainsi,  dans  toute  l'Amérique,  le  serpent,  emblème  de  la  divi- 
nité suprême,  jouait  un  grand  rôle,  et  on  peut  dire  v[ue  le  vrai 
culte  de  ces  peuples  était  celui  du  serpent,  que  les  Aryo-Tou- 
raniens  leur  avaient  en'^eigné,  et  qui  était  celui  de  la  plupart  des 
peuples  de  l'antiquité  et  en  particulier  de  nos  ancêtres  '. 


I.  Tlic  UritoDi  h.iJ  a  s.traiii;<;  aial  uniblc  idiniuii,  k:,\lk'i.l  llic  iv;lii;i'>n  ol'ihc  Uruiils. 


i;r  i»i   i.i;ri<  civii  isaiion 


i:^ 


(Juant  au  systcmc  rcli^icll.v  dos  peuples  du  Nouvcau-Moiulc, 
si  l'on  veut  le  connaître,  on  n'a  quà  lire  les  premières  pa^^es 
du  /^'/''^/  vitli  qui,  c(Mniiie  la  Bible  des  Hébreux,  commence 
par  la  (îenèsc  : 

M  Tout  était  en  suspens,  tout  était  calme  et  silencieux,  tout 
«  était  immobile,  tout  était  paisible,  et  \ide  était  l'innnensité 
"  des  cieiix  '.  Il  n'y  avait  pas  encore  un  seul  homme,  jvTs  un 
.11  animal,  pas  d  oiseau,  de  po'sson,  décrevisse,  de  bois,  de 
Il  pierre,  de  fondrière,  de  ravin,  d'herbe  ou  de  bocage.  Le  ciel 
"  seul  existait.  La  lace  de  la  terre  ne  se  manifestait  pas  encor'.', 
"  seule  l'eau  paisible  était  et  tout  l'espace  des  cieux. 

Il  II  n'y  avait  encore  rien  qui  lût  corps,  rien  qui  se  cramponnât 
'I  à  autre  chose,  rien  qui  se  balançât,  qui  lit  le  moindre  Irole- 
«  ment,  qui  produisit  un  son  dans  le  ciel. 

Il  Kieii  n'était  debout  ;  il  n'y  avait  que  l'eau  paisible  et  calme 
Il  dans  ses  bornes. 

Il  Seuls  aussi  le  serpent  emplumé.  le  dominateur,  le  créateur, 
I'  le  lormateur,  le  resplendissant,  ceux  qui  enf,'endrent,  ceu.x 
Il  qui  donnent  l'être,  sont  sur  l'eau,  comme  im^  lumière  j^ran- 
«  dissante;  des  plus  grands  sages  est  leur  être.  \'oilà  comment 
<i  le  ciel  existe  et  comment  existe  égale' Ment  le  cieur  du  ciel, 
«  Kab-iil,  la  main  opératrice  '.  " 


ire 
ui 


les 


Il  sccnis  tn  li.TVJ  L'ccn  biuiif^lit  (ivi;i,  in  \ciy  caily  ti'iics  iiulccil.  fVoin  llic  opposite 
couiilry  ot  l''raiK'c  aiiciciitlv  callc  1  (j.ml,  arui  lu  liavc  iiiixi.vl  up  llic  worship  ol  llic  sli  - 
yviil,  ai'.d  ol' ihc  suii  and  nioon,  wiMi  ihc  wurship  (;t' s'iuic  1,1  licatlicn  gods  and  god- 
dcsscs  (///.s/iicy  0/  h'.ngUvui.  liy  (^hailcs  l)ii;kcns  . 

I.  Au  coiiimcjicjnicnl,  hicu  c\<:a  le  ciel  el  la  leiie,  el  la  leiie  elail  alurs  vide  et  nue, 
et  les  liînèbres  étaient  alors  sur  la  surlaee  de  l'abinie  et  l'esprit  de  Dieu  était  porté  sur 
la  surface  des  eaux  Genèse,  eh.  i,  par,  i-j  .  Saint-.\ugustin  est  d'avis  qu'il  faut  voir 
dans  cet  esprit  île  l'ieu,  planant  sur  la  matière  lluide,  un  aident  créé,  un  élément  vivi- 
fiant auquel  I>ieu  aurait  donné  la  puissance  nécessaire  pour  servir  ses  desseins. 

i.  La  partie  cosmogoiiique,  dit  l'abbé  ISrasseur,  par  laquelle  commence  le  l'oyol  vii'i. 
est  d'autant  plus  curieuse  qu'elle  s'éloitjne  davantage  des  idées  reçues.  Sans  compter  les 
étranges  détails  de  celte  genèse  américaine  qu'on  voit  figurer  dans  la  plupart  des  docu- 
ments leproduits  par  ordre  de  lord  Kinsborougli,  et  qu'on  rencontre  également  dans  la 
collection  de  M.  Aubin  ;  -elui-ci  porte  en  lui  les  preuves  d'une  authenticité  d'autant  plus 
remarquable  que  les  mêmes  détadss';  retrouvent  dans  les  personnages  désignés  sous  les 
niOmcb  dénominations   dans  plusieurs  manuscrits   lojt  à   fait  '.listinclfi.  .Nous  citerons, 


mmmm 


140 


lîK   I.OKuihNK  l)t:S  INDIKNS  DU  NOlîVi:  Vl'-MONDK 


«  C'est  alors  que  la  parole  vint  avec  (lucumalz  et  le  resplen- 
'<  dissant  dans  les  ténèbres  et  dans  la  niiit.  Ils  se  parlèrent-,  ils 
V  se  consultèrent  et  méditèrent;  ils  se  comprirent,  ils  joignirent 
«  leurs  paroles  et  leurs  avis. 

«  Alors,  il  lit  jour  pendant  qu'ils  se  consultèrent  et,  au  mo- 
<■  nient  de  laurore,  l'homme  se  manilesta  par  la  puissance  de 
•'  celui  qui  est  le  C(eur  du  ciel,  dont  le  nom  est  Huracan  Ul- 
«  Can,  le  serpent  opérateur  . 

"  1,  éclair  est  le  premier  sit^ne  de  Huracan;  le  second  est  le 
.  sillonnement  de  1  éclair-,  le  troisième  est  la  tondre  qui  Irappe, 
«  et  ces  trois  sont  le  C(eur  du  ciel. 

«  H  l'ut  ensuite  ordonné  aux  eaux  de  se  retirer.  «  'l'erre,  » 
u  dirent-ils,  et  à  linstant  elle  l'ut  formée  '.  Les  grandes  mon- 
■'  tai^nes  vinrent  alors,  puis  les  monts  et  les  vallées;  le  cours 
«  des  eaux  lut  divisé  et  les  ruisseaux  s'en  allèrent,  serpentant 
«  entre  les  montagnes. 

«  La  création  de  la  terre  tut  suivie  de  celle  des  animaux  des 
i'  montagnes,  des  jMaines  et  des  airs,  auxquels  des  demeures 
"  turent  assignées.  La  loi  de  la  multiiMiciaion  l'ut  promulguée, 
"  et  ils  lurent  dotés  de  la  laculté  de  produire  certains  sons.  On 
'<  leur  ordonna  de  glorifier  le  créateur  et  d'invoquer  son  nom. 
u  Mais  il  leur  lut  impossible  de  parler  et  ils  lurent  condamnés 
«  à  être  mangés  et  tués  '.  ■> 

Ces  quelques  lignes  renferment  toute  la  théogonie  indienne. 
On  reconnaît  avant  tout  une  trinité  divine,  dans  laquelle  se 
montre  en  première  ligne  le  serpent-ois  .'au  ou  serpent  emplumé 


ciUè'c  ailircs,  lo  vroJcx  cliim.ilp'ipoca  ccrit  iljiis  Ui  l,iiii;tic  naluiall,  .linsi  qiii;  sept  auli-ts 
ilocunnjiits  ilonl  muis  possOiions  des  copies  ou  des  orii;iiiaux  en  quitehe,  en  kakchiquel, 
en  l/iiUihil,  en  espagnol,  iniis  se  complétant  les  uns  pai-  les  aulnes,  et  remplaçant,  d'une 
manière  plus  ou   moins  complète,  les  lacunes  qu'on  y  trouve.  (Brasseur  de  Lioi'rbour;;.; 

I.  Dieu  dit  :  u  (jue  les  eaux  qui  sont  sous  le  cie!  se  retirent  et  que  l'aride  apparaisse  » 
et  il  en  lut  t'ait  ainsi.  Dieu  donna  à  l'aride  le  nom  de  terre  (Genèse,  ch.  i",  p.  (j). 

.i.  Avant  lu'il  n')-  eût  ni  jour  ni  année,  dit  la  cosmogonie  Mixlèque,  dans  le  chaos 
au  niilie  la  surface  liquide,  était  celui  qui,  par  les  ellorts  de  deux  souilles  ou  vents 

persorinmés,  l'un  comnie  un  oiseau,  l'autre  comme  le  serpent,  créa  le  monde.  Garcia, 
Oi  igo  Je  las  IiiJins,  liv.  \  ,  cli.  iv. 


i:t  de  leur  civilisation 


141 


nommé,  par  les  Mexicains,  Quct/al  (]ohualt  ;  par  les  Mayas  et 
les  (^)uitchés,  Ivuculcan-(jLicLimat/;  par  les  Qiiitcliuas  ',  Pacha- 
camac,  le  temps  créateur-,  Paclia-Atiksi  ',  lu  temps  Jomiiiateur 
ou  souverain;  enlin,  par  les  Aymaras,  (^an-tiksi  1-luayra-Cocha, 
le  temps  créateur,  principe  subtil. 

Il  était  représenté  sous  la  lorme  d'un  serpent  avec  le  corps 
d'un  oiseau  ',  ou  d  un  serpent  blotti  circulairement,  à  l'aspect 
menaçant,  dont  les  écailles  axaient  la  l'orme  de  plumes  ',  sym- 
bole du  temps  qui  dévore  et  s'envole  sans  cesse. 

C'est  lui ,  la  f,'rande  cause  intellectuelle  ,  première  mani- 
festation de  l'être  suprême;  dont  il  exprime  la  pensée  ciéa- 
trice. 

H  est  le  même  que  Saturne,  C;hrt)nos,  Ouranos,  Zer\ane- 
Akéréné,  Odin,  Baal,  Brahma  .  etc. 

il  crée  d'abord  les  merxeilles  sans  lorme  et  sans  couleur  bu 
ciel  iVitéricitr  et  c'est  le  principe  matériel  primordial,  deuxième 
émanation  de  l'être  suprême,  qui  a  ser\  i  à  tormer  tout  ce  qui  a 
une  l'orme  et  un  corps.  «  l,a  parole  vint  avec  (Jucumat/  et  le 
resplendissant  dans  les  ténèbres  et  la  nuit;  ils  se  consultèrent 
et,  pendant  ce  temps,  il  lit  joiu-  et,  au  moment  de  l'au"  -e, 
l'homme  se  manifesta  par  la  puissance  de  celui  qui  est  lecceur 
du  ciel,  le  lormateur,  l'opérateur.  ■■ 

l,e  principe  matériel  primordial,  deuxième  émanation  de 
l'être  suprême,  com(M-enant  en  lui  la  source  de  tout,  de  l'homme 
et  de  la  lemme  ou  plut(')t  du  principe  masculin  et  du  principe 
léminin,  du  jour  et  de  la  nuit,  de  la  \ie  et  de  la  mort,  du  bien 
et  du  mal,  était  nonnné  le  lormateur,  le  resjMendissant  Tiipal; 
eri  quitchua,  'repcii/i  en  quitché    .  le  dieu  du  teu  destructeur 


r.  De /ùj)»i7,  vouloir,  siinsUril;  /,-.j,ii)!,  en  iiuwa,  est  le  lort,  le  puissant;  de  même 
qu'on  giee,  caiiialcids . 

1.  Du  sansent,  ait,  si'i'passor;  en  nia)a,  ahti'yiil  signilie  majesté  supie-nie. 

'i.  \'oir  flanelle  XX\II,  tioisiéme  expé\lition  du  capitaine  Dupais.  Anli.jiiius  ir.cxi- 
caiiu  s. 

■|.  \ Dii'  planehe  1,XI,  ileuxiéme  expédition  du  eipilaine  Dupai\. 

3.  iJette  idée  se  reliouvc  dans  I'  YliiUi,',  le  'J'jolciiiiig,  le  Kiiiij;-  IV.^i,  ete, 

l'i.  De  lâp,  bnllei-,  en  sansent 


l.)J 


l)i;   I.ORIGINF  DF.S  INDIKNS  \)V   NOUVFAU-MONDr-: 


et  reproàiictcLir  ;  Xiiili-tcutli.  [lla-liksi.  la  lu.niicrc  primitive 
créatrice;  ou pirhua,  la  lumière. 

Le  mythe  du  leu  se  retrouve,  chez  jiresque  tous  les  peuples 
de  lantiquité,  lié  à  celui  du  serpent  et  du  temps.  I^vr  ou  -j,:. 
leu,  est  d'origine  asiatique'.  La  l*erse  était, comme  nous  l  avons 
dit,  le  pays  du  leu  et  de  la  religion  du  leu,  de  même  «.pie  le 
Pérou,  dont  le  nom  exprime  la  même  idée.  Pirhuas  et  Perses 
sont  synonymes. 

Partout  le  cours  périodique  du  soleil  était  représenté  par 
un  cercle  entouré  d  un  serpent.  Le  cycle  mexicain  de  cinquante- 
deu.v  ans  était  ligure  par  le  soleil  entouré  du  serpent  i-pii  tonne 
quatre  nteuds  et  embrasse  les  quatre  périodes  de  treize  ans. 
CcWij  idée  est  très  ancienne,  l-^n  astronomie,  les  points  dans  les- 
quels se  succèdent  les  éclipses,  d'après  le  l'ère  PvOmanoli,  s'ap- 
pellent tète  et  queue  du  dragon.  Les  (Chinois  croyaient  que, 
dans  les  éclipses,  un  dragon  essayait  d'avaler  le  soleil.  Les 
Lgyptiens,  pour  symboliser  le  soleil,  se  servaient  d'un  cercle 
avec  un  serpent.  Le  Père  Montlaucon  cite,  dans  ses  Aiili\jiti- 
Ics,  un  monument  dans  lequel  on  \oit  un  serpent  qui,  avec 
ses  tours  autour  du  zodiaque,  le  coupe  en  plusieurs  points  '. 
Les  sacrilicateurs  au  Mexique,  dans  les  grandes  cérémonies, 
j-^eignaient  sur  leur  Iront  des  cercles  entourés  de  serpents. 

Un  des  ba.s-reliets  de  K'on-yun-jik  représente  deux  personna- 
ges taisant  un  .sacrifice  devant  un  autel  sur  lequel  brûle  le  feu 
sacré.  Kn  lace  de  l  autel  sont  des  serpents  auxquels  est  adressé 
le  sacrifice. 

Tous  ces  peuples,  en  laisanl  du  I  .  le  Dieu  source  de  toutes 
choses,  avaient  en  \ue  non-seulement  l'éclat  de  la  lumière 
qui  convient  à  la  w  ^esté  divine,  mais  encore  son  double  pou- 


I.  I.c  IlU  'ibiiiit,  tics  le  commcncemciil  du  culU',  une  place  ilisliiiRuée  parmi  les  ob- 
jets du  culte  de  rindoustaii.  Le  dieu  présidaitt  .i  cet  éleMieiil  se  iiuiniiiait  Agiii.  Ce 
culte  aiuiiiue  a  e'té  absorbe  dans  celui  île  Siva  au.|uel  on  l'a  réuni. 

.:.  l-'.n  l'i^ypte.  Knepli.  le  dieu  du  bien,  e'tuit  sjnibolisé  par  le  soleil  et  le  dieu  puis- 
ban;  Meclivlel,  par  une  vipère.  Les  prêtres  d'I^ijvpte  oi  naient  leurs  bonnets  de  guirlandes 
en  lornie  de  serpents,  avec  l'iniage  du  soleil.  Le  diadème  des  l'Iiaraons  e-tail  aussi  orne 
du  serpent,  ainsi  i|Ue  de  l'image  du  Soled. 


FT  DR   l.ia.'R   Civil, ISAI'ION 


I.|.< 


voir,  hicnlaisant  quand  il  éclaire  et  léconJc,  et  nialtaisani  quand 
il  détruit.  (Jcst  pourquoi  ils  le  considéraient  comme  l'origine 
des  deux  princi['»es  opposes,  bien  et  mal,  mort  et  vie,  jour  et 
nuit,  et  lui  prêtaient  deux  natures,  I  une  me,  l'autre  mau- 
vaise '.  (Jomme  Dieu  créateur  et  f^énérateur,  les  Américains 
lui  donnaient  la  torme  dun  vieillard  et  d'une  vieille  lemme 
'monade  hermaplirt)dite',  avec  les  noms  de  ^'rand-père,  aïeul, 
deux  lois  {^rand-père;  grand'mère,  aïeule,  deux  lois  grand- 
mère;  /Jiic-'J'cii/li,  lancien  Dieu;  Mam-Tamoy,  Xmyacoc,  le 
grand-père;  Maya,  Alit,  lo-^i-Dobaylhi,  Xmiic,  Xiniicaiic,  la 
grand-mère;  Ometeill,  deux  lois  grand-père;  Omccicuall  deux 
fois  grand" mère. 

Le  prêtre,  dit  Sagahun,  liv.  IV,  ch.  xn,  in\'oqua  le  leu.  "  \'ous, 
Seigneur,  qui  êtes  le  père  et  la  mère  des  dieux  et  le  plus  ancien 
des  dieux.  »  «  1/ancien  Dieu,  le  père  et  la  mère  des  dieux,  dit 
une  prière  a/tèque,  est  le  l^ieu  du  feu  (^amargo  . 

(les  titres  de  grand-père  et  de  grand'mère  se  retrouvent 
chez  presque  tous  les  peuples  de  l'antiquité.  Considérés 
comme  les  générateurs  de  l'univers  qui  tirait  son  origine  de 
leur  union  mystique,  le  grand-père  et  la  grand  mère  étaient 
représentés  par  des  symboles  suffisamment  expressils  par  leur 
attributs,  mais  qui  ne  pou\aient  être  vus  sans  blesser  la  pu- 
deur. Ces  symboles,  communs  à  I  Inde,  à  la  (îrèce,à  la  Chine, 
au  .lapon,  etc.,  où  ils  étaient  connus  sous  les  noms  de  )'<>iiis, 
/.■'"itaiiis,  Phallus,  Priapc,  etc.,  étaient  très  répandus  dans  toute 
1  Amérique,  où  on  les  retrouve  représentés  en  pierre,  en  terre, 
en  bois,  en  or,  ou  tout  autre  métal. 

Le  dieu  du  feu  était  tout  à  la  lois  le  dieu  de  la  vie  et  de  la 
mort,  le  dieu  bt)n  comme  le  dieu  terrible,  le  dieu  fort.  Dans 


I.  Dans  la  inytlioloi»ic  liind(juo  nous  retrouvons  la  piêinc  trinilc  qu'on  Anicriquo.  I^a 
vulontc  ilo  Uralima  so  manifeste  par  trois  allrilnits  sensibles  dans  les  dieux  de  la  tri- 
nuirli.  ISralima  est  la  puissan..e  créatrice  ;  Siva,  le  leu  destructeur  et  reproducteur,  est 
.1  la  lois  la  vie  et  la  mon,  la  lumière  et  les  ténèbres,  le  bien  et  le  mal  ;  \  isclmou  est  le 
dieu  qui  lerlilise  et  técnnde,  le  principe  générateur  s  incarnant  dans  la  suite  des  âjjes 
pour  le  salut  du  nioiule. 


144 


1)1    1.  OlUr.INK  DIS   INOIKNS  lii:   NOIVF.Vi;-MONr)i: 


le  manuscrit  Iroano,  le  dieu  de  la  \  ie  a  la  lii^urc  d'un  homme 
dont  la  coillure  est  ornée  du  bandeau  royal.  Son  aspect  est 
doux  ;  il  est  assis  près  d"un  loNer,  entouré  des  eniblè'mes  de  la 
vie.  Le  dieu  de  la  mort  est  noir  ou  pointillé  de  noir.  Il  paraît 
féroce,  devant  lui  sont  des  ossements  humains  en  croix. 

l.e  soleil,  représentant  naturel  du  dieu  du  léu,  était  adoré 
comme  l'astre  bienlaisani  par  excellence.  Les  Incas  avaient 
établi  i\nc  loi  ^jui  prescrivait  de  l'adorer  comme  leur  grand 
bienfaiteur  par  qui  ils  a\aient  été  envoyés,  eux  ses  enfants, 
pour  les  ci\  iliser  . 

(Test  à  lui  qu'étaient  élevés  les  plus  beaux  temples  dans 
l'enceinte  desquels  brûlait  constamment  sur  l'autel,  le  leu  sacré 
entretenu,  avec  beaucoup  de  soin,  par  de  jeunes  vierges,  comme 
à  Rome,  en(irèce,  en  l'erse  et  dans  l'Inde,  et,  comme  si  l'on 
avait  craint  que  le  feu  \  int  à  disparaître,  on  regardait  son  ex- 
tinction comme  un  grand  malheur.  (Iliaque  année,  à  la  léte 
du  Soleil,  nommée  au  Pérou  rmu-ra\mi,  le  leu  sacré  était  ral- 
lumé par  le  sou\er;'.in  pontife  qui  recueillait  ses  ravons  dans 
un  miroir  et  alkmiail  au  foyer  mi  morceau  de  coton  con- 
sacré. (>e  feu  di\  in  était  aussitôt  distribue  aux  temples  des  ves- 
tales répandus  dans  tout  l'empire.  Le  roi  seul,  dans  les  fêtes 
solennelles,  présentait  au  soleil  les  \(L'Ux  et  les  oll'randes  du 
peuple.  Tout  ce  qui  était  a  son  usage  était  regarde  connue  sa- 
cré :  chaque  matin,  les  prêtres  saluaient  son  le\er  par  des 
chants  d'allégresse;  et  c'est  à  kii  qu'était  olleri  le  C(eur  des 
victimes  dans  les  sacrilices  humains. 

(]omme  dieu  méchant,  le  dieu  du  feu  était  rej^résenté  le 
corps  tout  noir,  avec  une  tête  humaine,  la  bouche  ou\'erte,  de 
larges  dents  apparentes  et  une  langue  de  feu  pendante;  trois 
rayons  l'entouraient;  quelquefois  il  était  figuré  sans  corps. 

On  l'appelait  Ical-a/iaii,  le  roi  noir.  Son  teil  ressemblait  à 
une  marmite  ouverte,  d'où  son  nom  de  Kin-ich-kak-mo  en 
maya  ,  le  soleil  à  Iceil  de  leu,   K.}/,ii-fa/,\jl  en   t/endal  ;  de  sa 

I.  Gar,;ilazo,  I.  I\',  ch.  i. 


t.,1 


irx  I)K  I.FUR  nVII.ISATION 


145 


ics 
du 
•;a- 

es 
es 

le 

de 

■ois 

l  à 
en 
sa 


bouche  ouverte  el  armée  de  grandes  dénis  sortait  une  lani^'ue 
rouge;  la  tète  était  surmontée  de  l'aiije  qui  lui  était  consacré. 
C^anope,  le  dieu  des  eaux  chez  les  l'"g)ptiens,  était  représenté 
sous  la  lornie  d'une  urne  à  large  ventre  ;  assez  souvent  ce 
vase  est  surmonté  de  têtes  d'hommes  ou  d'oiseaux.  Quelque- 
lois  on  lui  donnait  la  lorme  d'une  marmite  au  ventre  énorme 
et  rond.  La  tête,  j-ietite  par  rapport  au  corps,  était  iKMichée 
légèrement  en  arrière;  par  le  rictus  de  la  bouche,  on  ii...odui- 
sait  le  sann  des  ^-ctimes. 


Il 


pré 


sidait  à  la  guerre  et  aux  combats.   Les  Mavas 


por- 


taient dans  les  batailles  une  idole  nommée  Achuy-kak,  celui 
qui  dispose  du  (eu.  Au  Mexique,  il  était  appelé  Huitzilipotchi. 

Duran,  t.  L',  p.  nj3,  rapporte  qu'un  roi  du  Mexique  lit  gra- 
ver siu'  ime  pierre  l'image  du  soleil  sous  la  forme  d'un  cercle 
au  centre  duquel  était  un  i>etit  bassin  où  aboutissaient  les  rayons 
partant  de  la  circonférence;  ces  rayons  avaient  été  disposés 
ainsi  alin  de  j^ouvoir  se  repaître  du  sang  des  victimes  versé 
dans  le  bassin;  autour  étaient  les  noms  de  toutes  les  batailles 
gagnées. 

A  un  certain  jour,  l'aconte  le  même  auteur,  t.  L',  p.  199,  au 
Mexique,  les  chevaliers  du  Soleil  nommés  Cuacuautin,  c'est-à- 
dire  les  Aigles,  célébraient  la  fête  du  Soleil  Xauholin  ,  dans 
laquelle  on  sacritiait  un  Indien  dont  le  corps  était  peint  entiè- 
rement en  rouge  ;  il  devait  ix)rter  un  message  au  Soleil  et  lui 
dire  que  les  chevaliers  restaient  à  son  service,  et  le  remer- 
ciaient de  les  avoir  protégés  dans  la  guerre.  L'hidien  gravissait 
à  pas  lents  l'escalier  du  temple,  allant  tantôt  à  droite,  tantôt  à 
gauche,  j^iour  figurer  le  cours  du  soleil  de  Test  à  l'ouest,  et, 
i[uand  il  était  parvcMiu  au  sommet  du  temple,  il  mettait  son 
l>ied  au  milieu  de  la  pierre  du  soleil,  représentant  mUi;  le  grand 
sacrilicateur  prenait  alors  son  couteau  d'obsidienne  et  le  lui 
plongeait  dans  la  poitrine.  Arrachant  ensuite  le  cœur,  il  l'otlrait 
au  Soleil  en  jetant  un  peu  de  sang  dans  cette  direction  et  lan- 
çait le  corps  au  bas  du  temple  pour  représenter  la  descente 
du  soleil  vers  louest. 


«•l<' 


i)i:  I.  (iKiiriNi:  i)i;s  indikns  i>i;  noi'viiai'-mondk 


Lls  prcircs  cliihclias,  après  avoir  immolé  leurs  prisonniers 
de  guerrcsur  le  sommet  des  monlaf^iies,  teignaient,  avec  le  san^ 
des  s'ictimes,  les  roches  exposées  au  soleil  levant  auquel  ils 
aixindonnaient  ensuite  le  cadavre. 

Les  Incas  avaient  aussi  l'habitude,  après  avoir  suhjui^uè  un 
peuple,  de  choisir  un  certain  nombre  de  |-«risonniers  parmi  les 
plus  beaux  hommes  et  de  les  envoyer  à  Cu/co  où  ils  étaient 
sacrifiés  au  soleil  qui  leur  avait  procuré  la  \ictoire  Molina, 
p    3(j  . 

Le  dieu  du  teu  présidait  également  aux  châtiments.  Au  Mexi- 
que il  portait  le  nom  de  l\i-^aliipoca).  Suivant  Herrera  '.  il  était 
représenté  avec  un  corps  noir-,  les  yeux  saillants  et  ornés  de 
lunettes,  et  tenant  dans  sa  main  droite  quatre  dards.  11  était 
assis  sur  un  trône  entouré  de  crânes  et  d'ossements  humains. 
Sagahun  dit  que  son  symbole  était  une  tète  de  dragon  \omis- 
sant  du  teu  ''. 

On  l'implorait  dans  les  temps  de  peste,  d'épidémie  et  aussi 
pour  obtenir  le  pardon  des  péchés. 

Au  N'ucatan,  d'après  llogolludo,  le  soleil  était  invoqué  dans 
les  temps  de  grande  nK^rtalité. 

La  troisième  personne  de  la  trinité  américaine  était  le  cceur 
du  ciel  et  de  la  terre,  Huracau,  ou  plutôt  Ulcaii,  le  serpent  opé- 
rateur, le  l'ormateur;  de  même  que  Jupiter  et  Zens,  nommé 
Wyyr.ir,:  \  il  était  regardé  comme  le  lils  du  temps  créateur,  le 
serpent  oiseau.  «  Les  hidiens  du  'S'ucatan,  dit  (^ogolludo, 
1.  IV,  ch.  VI,  croyaient  qu'il  n'y  a\ait  qu'un  seul  dieu,  Unnab- 
cab,  qui  avait  un  tils,  Ilnn-il^amua.  » 

(>'est  ce  dieu  qui  a  donné  la  l'orme  à  toutes  les  choses  con- 
tenues dans  le  principe  matériel  primordial  et  par  la  i^uissance 
de  qui  tout  a  été  t'ait  et  se  lait.  (Test  le  dieu  qui  agit,  opère  et 


1.  I^.  m,  p.  3ij5,  il'apix'S  Stcpliciis. 

2.  Siva-lloudra  ctait  ivpi'cscnlc  li;  Ic'u  S'jrtaiu  Ac  la  boiulic  ;  des  crâiiL's  iiumains  cou- 
ronnant sa  chevelure  hérissée  de  (Liiiimes,  et  d'autre.-;  Lr-'ines  lui  loiniant  encore  un  col- 
lier; SCS  mains  étaient  armées  de  daids. 

3.  Fils  du  Temps. 


Kl    1)K  I.IX'U   Civil. ISAIION 


'47 


o,ui  en  môme  temps  préside  au  tonnerre,  aux  orales,  aux  eaux 
et  à  la  léconJité,  à  la  médecine,  à  l'a^tricullure,  etc.;  on  1  invo- 
quait aussi  lorsqu'on  voulait  connaître  1  avenir. 

Le  ceiba  lui  était  consacré,  comme  le  chêne  à  Jupiter'. 

(le  dieu  est  nommé,  comme  nous  lavon.s  dit,  /Iui\u\vi,  dans 
le  /'upol  vitli,  ou  plutôt  Ul-Ciiii,  le  serjtent  opérateur  fcn  maya  . 
Ses  autres  titres  étaient  Kab-itl,  la  main  opératrice.  (Test  cette 
main  qu'on  voit  si  souvent  dans  les  liiéro^'lyplies.  11  était  ap- 
pelé aussi  //yi'ihil-iil  ',  celui  qui  donne  la  vie,  l'opérateur;  //^cv/- 
CiUiii-ftyCii-miiral,  celui  qui  donne  la  vie  au  ciel  et  aux  luuii^'es; 
Akchim-CiUvi,  le  cœur  lIu  ciel  ;  lHhuu-a-litm,  le  dieu  du  tonnerre 
et  de  la  pluie  qui  coupe  il  était  leprésenté  un  couteau  à  la 
main  ;  cilcIhK-coh,  le  tapir  présidant  aux  orales  le  tapir  lui 
était  consacré  ;  ah-bitluc-baUiii,  le  tii^re  ».iui  iM"ésKle  à  1  eau-,  cl;~ 
l\xlam-c}hK\  le  léopard  qui  préside  à  la  pluie  ;  Yaca-tciitli,  le  dieu 
au  loni?  ne/  ;  Quialcoh,  le  dieu  de  la  pluie  ;  llaluc,  ou  Tla- 
iciilli,  le  dieu  fécondateur  de  la  terre;  l'otau,  le  cœur  du  ciel  ; 
A/uiii-chcii-caii,  le  maître  principal  du  ciel. 


Sa  II 


h 


Ni 


,'mme  qui  avec  lui  ne  taisait  qu  un,  se  nommait 
huait,  (Jtakliiiihlliycuc.  la  pierre  précieuse  verte,  ou  Centeolt, 
la  déesse  de  la  mer  ou  du  mais;  elle  présidait  à  lalécondité,  à 
la  pluie. 

i\c  dieu  hermaphrodite  était  représenté  le  plus  souvent  a\ec 
un  lon^  ne/,  et  une  mâchoire  énorme  armée  de  dénis  de  caï- 


con- 

mce 

ère  et 


|ns  cou- 
1  col- 


I.  Presque  tous  les  peuples  ont  dans  leur  mythologie  un  arbre  sacré  :  chez  les  Hin- 
dous, c'est  le  figuier  Aswatha;  chez  les  habitants  du  Thibet,  c'est  l'arbre  merveilleux 
/ampuch;  pour  les  Scandinaves,  le  ygdrasil  ou  Irène  sacré  ;  pour  les  Gaulois,  le  chêne, 

etc. 

.'.  Cogolludu  raconte  iiu'à  llzanibo,  sur   une  colline,  se  trouvait  un   temple  élevé  à 

llzenat-ul,  que  l'on  invoquait  pour  connaître  l'avenir.  Les  indigèneo  croyaient  qu'il 
avait  le  pouvoir  de  ressusciter  les  morts  et  de  guérir  les  malades.  Sur  une  autre  col- 
line, en  lace,  était  un  temple  élevé  au  même  dieu  dont  1  idole  représentait  une  main. 
On  portait  à  ce  temple  les  morts  et  les  malades.  (Cogolludo,  liv.  I\',  ch.  vni)  kab,  en 
maya,  main,  vient  du  sanskrit  kayiati,  ï.npata';  en  quitcluia,  kapac,  puissant;  kayam, 
prendre,  tenir,  contenir;  en  latin,  cjpcrc  ;  en  anglais,  kevp  ;  en  grec,  cupi: 

i.  Nom  identique  avec  celui  du  dieu  au  be.ui  nc/:,  sous  Icvniel  les  \  édas  connaissaient 
le  dieu  Indra. 


148  Dl"   l.'ORIGINr:  DIS  INDIKNS   DU   NOIVF: AIJ-MONDP: 

nian  avec  le  crochet  du  serpent  à  sonnettes,  ressortant  au  coin  ; 
son  (L'il  caractéristique  ressemblait  à  cekii  du  tit^re.  Sur  la  tète, 
il  portait  une  coill'ure  de  feuilles  et  de  lleurs  au  milieu  desquelles 
on  distinf^ue  wn  av^\c.  Dans  une  main,  il  tenait  un  couteau  ou 
une  hache  et,  dans  l'autre,  une  torche.  Il  était  couvert  d'une 
peau  de  léopard  et  avait  quatre  mains;  entre  ses  jambes  se 
montre  un  serperit,  qui  quelquefois  est  placé  en  travers  de  son 
ventre.  Souvent  il  a  l'attitude  d'un  homme  qui  souffle  dans 
un  tube.  (\'oir  les  dessins  du  temple  de  la  (^roix  à  Palenqué, 
planche  LXl  de  Stéphens,  et  le  manuscrit  troano  dont  nous  re- 
produisons la  planche.) 


Auracan  ou  Ul-".can,  d'où  est  venu  le  mot  ouragan,  comme 
dieu  du  tonnerre  et  des  orages,  était  représenté  quelquefois 
sous  la  forme  d'un  guerrier  dans  l'attitude  du  combat,  la  lance 
dans  une  main  et,  dans  l'autre,  tenant  le  couteau  avec  lequel 
il  coupe  les  nuages  d'où  l'on  voit  tomber  l'eau.  Au-dessus  de 
sa  tête,  se  déroule  le  serpent  imitant  l'éclair  qui  sillonne  les 
nues'.  '^V^oir  planche  ci-après.) 


I.  l.c  pi'cmiui' du  L(i.-ui'  du  ciel    HLiracan,  est  L'   toiiiicrre;    lo   deuxième,  l'éclair  qui 
billuiinc  laïuic;  le  troisicinc,  la  tuiidre  qui  frappe,  J'opol  vuh. 


ET  DE  LLUr<  CIVILISATION 


«49 


Comme  dieu  de  la  pluie,  il  agit  tantôt  avec  la  déesse  des 
eaux,  ou  hien  il  la  laisse  seule  remplir  ses  fonctions.  Dans  le 
premier  cas  ,  il  était  représenté  ,  comme  dans  le  manuscrit 
'Iroano,  debout  sur  la  tête  horizontale  du  serpent  dont  le  corps 
est  relevé  et  versant  de  l'eau  avec  un  vase.  Sa  lemme,  debout 
également  sur  la  queue  du  serpent,  tait  la  même  opération. 
(\'oir  planche  ci-jointe., 


La  déesse  deseaux,  présidantseuleà  la  distribution  de  la  pluie 


I.IO 


U\:  I OHKilM     niS  INMIKNS  1)1'   NOI' VKAt'-MONDT 


Jiins  le  niùmc  nianusciit,  est  debout,  les  jambes  écartées,  les 
hrns  éteiulus,  tenant  dans  clia^iue  main  un  petit  ti^ie  et  un  pe- 
tit léopard  dont  la  {gueule  vomit  de  l'eau  qui  coule  également  à 
Ilots  des  seins  de  la  déesse.  Sur  sa  télé  est  le  serpent  et,  à  ses 
pieds,  le  dieu  des  eaux  se  repose.  I,es  deir.v  hras  de  la  déesse 
avec  son  corps  forment  la  croi.x. 

Dans  le  temple  de  la  (Iroix  à  l^ilenqué,  son  image  en  bas- 
reliet  est  celle  d  une  lemme  coitlée  d'un  casque  couvert  de 
leuilles  de  lotus  '  et  île  poissons.  Mlle  tient  à  la  main  ini  épi 
de  tromeiit,  et,  attaché  derrière  son  dos  par  une  chaîne,  un 
enlaiit  nouveau-né. 

Quelquelois  le  dieu  et  la  déesse  de  la  pluie  étaient  re|>résentes 
ensemble  figurant  une  croix  surmontée  d'un  oiseau  lantasti- 
que  qui  est  perché  sur  la  tête  du  dieu  au-dessous  île  laquelle 
est  LUI  médaillon  de  lemme   .  'Voir  planche,  p.  i3i.j 


I.  I.c  lotus  cl.iil  rciiiblàiic  sacre  ^lii  cullc  cg)  pticM  ;  Osiiis  cl  Isis  OlaKiil  nés  J.iiis  lu' 
sijiii  il  un  Intus.  I.orsiiuo  ()siris  clail  npicscntc  avec  un  \i»apc  irinininic,  sa  tLtc  clalt 
iiiuri>nni.'c  lie  lolus.  l.c  sccrtic  li'lsis  clan  termine  par  une  (leur  île  lutus  nui  était  .i  la 
lois  le  symbole  ilc  l'eau  et  Je  riinniortalilé,  et  prcsaft'-''"*  l'inopilalion.  les  momies 
avaient  souvent  des  colliers  île  cette  Heur  que  l"on  retrouve  mêlée  à  toutes  les  scènes  Je 
relii;ion.  Le  lotus  joue  aussi  un  grand  rôle  il.ins  la  mythologie  hindoue  :  les  vich- 
noui>tes  représentent  \  iclinou,  .'i  sa  naissance,  nageant  à  la  surface  des  cAUX  une  (leur 
de  lotus  à  la  main  ;  sur  celte  lleur  est  assis  Urahina.  I.ea  dieux  des  J'ariares.  des  lapo- 
nais,  s<int  souvent  représentés  assis  sur  le  lotus. 

j.  On  peut  voir  dans  iiofe  musée  du  'l'rocadéro  ce  bas  relief  récemment  découvert  à 
Palen^iué  par  M.  Maler. 

S.  D'après  Sléphens,  ce  même  dieu  était  souvent  représenté  sous  la  ligure  d'un 
homme  ayant  sur  la  tète  un  oiseau  fantastique,  fait  avec  des  plumes  travaillées.  Il  a  la 
main  droite  appuyée  sur  uu  serpent  recourbé  tl  lient  dans  la  main  gauche  un  bouclier 
sur  lequel  cinq  plumes  lorment  la  croi.x. 


vr  DK  Li:un  f;ivii.iSAiiON 


i5i 


r-^'d^-"^ 


^.^ 


Stlmïïi 


s^Y" 


U^M 


-.ZTUJ 


Dans  la  planche  LlWle  l'allas  de  M.  Stépliens,  on  retrouve 
la  même  croix  supportée  par  le  dieu  des  oraj^es  et  la  déesse  de 
la  pluie.  Au-dessus  de  la  croix  est  le  masque  du  dieu. 

I^ans  le  Codex  Wilkouus,  le  dieu  lormateur  est  représenté 
les  deux  bras  étendus  sur  les  bras  d'une  croix  '.  (Voir  plan- 
che, p.  102., 

I.e  capitaine  Oupaix,  dans  la  relation  de  sa  première  expédi- 
tion, rapp(;rte  qu  il  a  lrou\é,  près  d'Ori/.aba,  un  bloc  de  pierre 
de  99  pieds  de  tour,  sur  lequel  était  gravée  l'image  d'un  homme 
debout,  les  bras  étendus,  les  mains  ouvertes  et  les  jambes 
écartées,  formant  une  croix  semblable  à  celles  de  l^alenqué. 


I.  Si  la  croix,  symbole  du  l'Klic  supiOmc  dans  l'aiitiquiti.'',  est  ilcvcnuc  un  instiumciil 
lie  supplice,  c'tsi.  sans  itoule,  p.ircc  que  les  peuples  crurent  être  plus  agréables  à  la  ili- 
vinité  lorsqu'ils  lui  ollraient  des  saciilices  humains  en  immolant  les  victimes  dans  l'at- 
titude qu'ils  piêiaienl  à  celte  divinité  dans  sa  représentation.  Les  TIascales  attachaient 
leurs  prisonniers  à  des  croix  et  les  tuaient  à  coups  de  llè^hco  ou  a  coups  Jj  bUoii. 


i5i 


DE  I.  OUIGINK  DFS  INDIENS  Di:  NOUVEAU-MONDr: 


Il  L'st  (joillc  du  banJoau  royal.  A  sa  droite,  on  apori^oit  un 
poisson  et.  à  sa  gauche,  un  lapin,  emblème  de  la  lécondilé.  Sur 
le  bandeau  supérieur,  on  remarque  une  main  qui  indique  le 
nom  du  dieu  opérateur  Ainsi  il  n'y  a  plus  de  doute  à  avoir  sur 
la  signilication  de  la  croix  en  Amérique.  IClle  était  le  symbole 
du  serpent  ou  du  dieu  formateur  et  operateur.  C'est  ce  qui  ex- 
plique pourquoi  (^uet/al  (Itjhualt  et  Oua-can  ou  Bochica,  à  leur 
arrivée  dans  l'Amérique  septentrionale  et  dans  la  Nouvelle- 
CJrenade,  portaient  des  croix  roug's  peintes  sur  leurs  vêtements. 

Elle  a  été  retrouvée  dans  toutes  les  parties  du  Nouveau-Con- 
tinent, depuis  le  Mexique  jusqu'au  Pérou. 

(jarcila/o,  liv.  11,  ch.  m,  raconte  qu'à  (ùu/co  les  Incas  avaient 
l'ait  construire  une  magnifique  croix  en  jaspe  à  laquelle  les  fidè- 
les venaient  laire  des  otl'randes. 

iM.  de  Castelnau  dit,  part.  111,  p.  '.Uj.[,  qu'à  Tiaguanaco  on  a 
trouvé  plusieurs  pierres  sur  lesquelles  des  croix  étaient  sculp- 
tées. 

P.  Simon,  p.  244,  rapporte  qu'il  a  vu  près  des  villages  de 
Boza  et  de  Suasha,  dans  la  Nouvelle-Grenade,  des  croix  gra- 
vées sur  des  rochers.  M.  Charles  Alano  parle  également  de  plu- 


1 


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KT  nr.  i.riJR  ciyiusATiON  i53 

sieurs  croix  qu'il  a  trouvées  dans  ses  voya[;essur  des  ruines  de 
monuments. 

P.  Simon,  p.  244,  raconte  que  lesKspaf^nols,  en  arrivant  au 
Pérou,  ont  reconnu,  sur  des  rochers,  la  (if^ure  de  la  croix  si 
bien  peinte  en  ocre  rouf,'e  que  ni  le  temps  ni  l'eau  n'ont  pu 
l'etlacer. 

Ainsi,  du  nord  au  sud,  1»  croix  était  1  emblème  du  dieu  for- 
mateur, dieu  des  orages,  des  eaux  et  de  la  fécondité,  en  un  mot, 
de  la  divinité  suprême  et  non  pas  seulement  de  la  pluie,  comme 
quelques  savants  l'ont  prétendu. 

La  croix,  dans  l'antiquité,  représentait,  chez  les  peuples  de 
l'ancien  continent,  le  même  symbole.  On  .  trouve  sur  les  mo- 
numents de  Babylone,  de  Persépolis,  de  l'I'^gypte  et  de  l'Inde. 
IClle  était  appelée  'i'au,  dru/  ansitu  ou  Croix  ansée.  I  -es  mytho- 
logistes  disaient  qu'elle  était  formée  par  l'union  de  l'écliplique  et 
de  l'équateur  qui  fixe  deux  points  importants  de  l'année,  savoir  : 
le  printemps,  par  la  présence  du  soleil  dans  le  /'J/ùr  qui  est  cou- 
ché sur  cette  jonction  cruciale,  et  l'aïUomne  par  la  station  que 
l'ait  le  soleil  dans  le  signe  de  la  Vierge  qui  est  placé  sur  le 
deuxième  point  crucial.  Klle  annonçait  le  retour  du  printemps 
et  de  l'automne  et  le  renouvellement  des  choses.  Mis  dans  la 
main  d'Osiris,  ce  symbole  indiquait  le  printemps  et  l'automne 
et,  dans  celle  d  Isis,  l'abondance  des  pluies,  l'inondation.  On 
n'a  qu't\  voir,  sur  les  bas-reliefs  égyptiens,  Isis,  Osiris  et  Anubis 
tenant  le  tau.  Le  printemps  était  représenté  par  le  bélier  cou- 
ché ayant  la  croix  ansée  attachée  au  cou,  cl  l'automne  par  une 
belle  femme,  Isis,  debout  ou  assise,  ayant  cette  même  croix 
dans  la  main  droite  et,  dans  l'autre,  un  sceptre  terminé  par  une 
fleur  de  lotus  en  sa  qualité  de  reine  du  ciel.  Enfin,  pour  figurer 
la  pluie,  on  la  donnait  indistinctement  à  Osiris,  à  Isis  et  à  So- 
this-Anubis  qui,  comme  eux,  présidait  à  la  pluie  et  aux  inonda- 
tions. Cette  même  croix  indiquait  le  temps  des  pluies  dans 
l'Abyssinie.  A  Gartasse  en  Nubie,  dans  le  principal  temple,  on 
remarque  un  bas-relief  sur  lequel  une  croix  est  sculptée  au 
dessus  de  l'emblème  qui  figure  l'union  des  saisons  entre  elles 


:i 


134 


ni;  LOKir.iNi!:  dks  indiens  nu  noi'vkaî'-monpk 


par  le  nœud  que  forment  les  grandes  divinités  de  l'Egypte,  Isis 
et  Sate,  mère  de  la  nature  ',  Dans  l'Inde,  la  croix  état  Tem- 
blème  du  dieu  Djagarnatha,  c'est-à-dire  du  lingam  ou  de  la  fé- 
condité. Elle  représentait  donc  aux  yeux  de  ces  peuples  la 
même  idée  qu'en  Amérique  :  celle  de  l'Eltre  suprême. 

En  résumé,  les  peuples  du  Nouveau-Monde  croyaient  en  un 
être  suprême  comprenant  trois  personnes  '  ou  attributs,  à  sa- 
voir :  la  puissance  créatrice,  la  main  opératrice  et  le  (eu  des- 
tructeur et  reproducteur.  C'est  cette  trinité  qu'ils  invoquaient 
dans  toutes  leurs  prières  : 

"  Salut,  créateur,  toi  qui  nous  vois  et  nous  entends.  Ne  nous 
abandonne  pas,  ne  nous  délaisse  pas.  loi  qui  es  au  ciel  et  sur 
la  terre,  cœur  du  ciel,  cœur  de  la  terre,  Huracan,  donne-nous 
notre  descendance  et  notre  postérité.  Puisse  le  soleil  durer  tou- 
jours et  ses  actes  s'accomplir.  P^ais  que  nous  marchions  dans 
des  sentiers  ouverts.  Puissions-nous  être  tranquilles  et  avoir 
une  vie  heureuse!  Huracan,  Gucumat/,  Tepeuh  M 

'<  Dieu  du  ciel  et  de  la  terre,  toi  qui  donnes  la  gloire  et  la 
félicité,  toi  qui  nous  donnes  des  lils  et  des  tilles,  tourne  tes  re- 
gards vers  nous,  llépands  sur  nous  la  prospérité.  Donne  la  vie 
et  l'être  à  mes  sujets.  Qu'ils  croissent  et  se  multiplient,  eux  les 
soutiens  de  tes  autels  !  Devant  ta  bouche,  devant  ta  lace,  je  t'en 
supplie,  cœur  du  ciel,  cœur  de  la  terre,  resplendissant,  ma- 
jesté, enveloppé  de  lumière, Tohil,  Avilix,  Hacavitz,  Gucumat/. 
Tant  que  le  monde  existera,  puisse-t-on  t 'adorer  '! 

"  O  Huanacari,  créateur,  soleil,  dieu  d?.:  tonnerre  puissie/- 
vous  rester  toujours  jeunes  et  jamais  vieux!  Puisse  ton  lils  l'Inca 


1.  Des  Inbus  sauvages  ilc  l'iliiiialaya  se  ]n;ignL-iU  encore  des  croix  roui^ts  sur  le 
corps. 

2.  Celte  iile'c  de  la  iiiniié  élait  telleiiienl  répandue  en  Amérique  qu'ils^la  représen- 
taient quelquefois  avec  irois  léles  tur  un  cjrps.  I,es  Pynos  indiens  et  les  indigènes  du 
district  d'irnga,  dit  P.  Simon,  p.  24),  avaient  dans  leurs  sanctuaires  des  idoles  a\ec 
trois  têtes  humaines  sur  un  corps.  Ils  disaient  que  c'étaient  trois  personnes  avec  un 
cœur. 

'i.  Pvf'ol  vuh. 
4.  Popol  vu/i. 


ET  DF  LEUR  CIVILISATION 


i5; 


garder  sa  jeunesse  et  réussir  dans  tout  ce  qu'il  entreprend  ! 
Quant  à  nous  tes  fils,  qui  célébrons  aujourd'hui  cette  tète, 
puissions-nous  être  toujours  dans  les  mains  du  créatcar,  du 
soleil,  du  tonnerre  et  dans  tes  mains  '  !  « 

Si  nous  cherchons  l'origine  de  cette  théogonie,  nous  voyons 
qu'elle  était  commune  à  tous  les  peuples  de  l'antiquité.  Elle 
se  retrouve  dans  I  s  mythologies  grecque,  romaine,  égyptienne, 
hindoue,  assyro-babylonienne,  Scandinave,  perse,  médique. 

Elle  provenait  donc,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  du  pre- 
mier système  religieux  établi  avant  la  dispersion  des  peuples  et 
dont  il  est  difficile  de  connaître  fauteur. 

Ce  système  est  exposé  assez  clairement  dans  l' Y-kiiii^-  et 
le  Tao-toking  ;  on  y  retrouve  Fétre  suprême  nommé  ('hang-ty 
ou  'l'ay-y,  comprenant  la  substance  ty\  l'activité,  la  volition. 
Au  milieu  du  chaos,  il  est  le  principe  subtil,  vivifiant  A';- ,  ou  la 
raison  Tao;  il  crée  d'abord  le  ciel  antérieur  et  se  manifeste  en- 
suite. Alors  le  grand-père  et  la  grand'mère  de  toutes  choses  sont 
désignés  respectivement  par  les  mots  de  kicn  et  de  /iouau,  ou  le 
ciel  et  la  terre  ;  le  premier  étant  regardé  comme  yang-,  ou  lu- 
mière; le  second  comme  ,r«,  obscurité. 

Kicn  est  le  principe  masculin  de  l'univers  et  le  soleil  dans  le- 
quel son  âme  réside.  H  est  considéré  comme  le  grand-père  ou 
l'aïeul  de  l'humanité  et  de  toutes  choses.  Kouaii,  le  principe  lé- 
minin  de  l'univers,  est  la  grand'mère  de  l'humanité,  astronomie 
quemenl,  la  lune.  C'est  le  grand  réceptacle  dans  lequel  tout 
l'univers  est  assemblé  à  la  iin  de  chaque  kalpa  et  d'où  sortent 
les  dieux,  les  démons,  les  hommes  et  les  animaux,  etc.,  après 
les  cataclysmes  qui  détruisent  chaque  monde. 

Kouan  est  l'immense  réceptacle  de  toutes  choses.  Ainsi  le 
grand-père  de  la  race  humaine,  d'après  f  Y-king,  est  le  ciel 
animé,  et  Kouan,  la  grand'mère  de  f  humanité,  est  la  terre  ani- 
mée. 

Kien  et  Kouan  forment  une  grande  monade  hermaphrodite. 


1 .  .\luliiia,  p.  jS. 


i56 


de;  l  origink  dks  indiens  du  nouveau-mondk 


le  'I"ai-y,  le  grand  L'n  de  Conlucius,  le  même  que  Chang-ty,  le 
souverain  au-dessus  de  tout. 

La  principale  divinité  de  Habylone  était  Belus  ou  Baal,  qui 
veut  dire  seigneur,  et  qui,  dans  l 'Ecriture-Sainte,  est  désignée 
tantôt  comme  liomme,  tantôt  comme  lemme. 

Ainsi  Bélus  est  mentionné  avec  l'article  léminin  dans  Hosea, 
1  iS,  tom.  XI,  4.  Son  nom  comme  tel  est  Omoroca.  Le  Baal 
masculin  est  reconnu  par  Nonnus.  iV^oir  l'Iw  Moabilc  Shmc; 
LitteFs  Living  âge,  n"  K^t)i>,) 

Bélus  était  le  même  dieu  que  Moloch,  qui  signiliail  roi  ci  qui 
également  comprenait  les  deux  principes  masculin  et  léminin. 

'■  Dans  l'Inde,  Brahma,  d  après  lesVédas,  l'être  par  excellence, 
existence  première  qui  contient  tout  en  soi,  Fàme  du  monde 
dont  la  volonté  éternelle  innée  en  toutes  choses  se  révèle  dans 
la  création,  dans  la  conservation  et  dans  la  destruction,  ab- 
sorbé dans  sa  propre  essence,  resta  longtemps  jMongé  dans  la 
méditation  avant  d'avoir  la  volonté  de  créer  le  monde.  (Cepen- 
dant il  se  maniiesla  dans  Maya.  La  première  apparition  de 
l'être,  la  mère  de  tous  les  êtres  créés  et  l'ceut'du  monde,  sym- 
bole enveloppé  d'un  serpent,  naquit  de  l'union  de  Brahm  à 
Maya.  Dans  le  second  état.  Maya  s'appelle  Parasach,  la  grand- 
mère,  la  mère  universelle  ou  la  grande  Balivan,  nom  qui  si- 
gnifie la  mère  des  dieux  et  des  hommes.  ■■ 

Dans  la  mythologie  grecque  ou  latine,  Cybèle,  l\/u\i,  épouse 
de  Saturne,  était  appelée  également  l'aïeule  des  dieux  et  des 
hommes. 

l'tah,  le  Saturne  égyptien,  était  nomme  I  aïeul  et  le  père  des 
dieux,  et  Isis,  la  grand'mère,  l'aïeule  '. 

Dans  l'Lcriture-Sainte,  nous  trouvons  laautés  et  Astarté,  et 
chez  les  Goths,  W'ooden  et  Préa. 

Sapandomad,  chez  les  Perses,  était  la  grand'mère  de  l'hu- 
manité. 

(lonniie  on  le  voit,  l'idée  du  grand-père  et  de  la  grand'mère 


I.  Jiibl'iiski,  2\tiit/iciiii  .F.i^yytiovum,  l'\i.  I.  cliap.  11. 


i:T  1)K  l.ICLU  CIVILISATION 


ID7 


des  peuples  du  Nouveau-Monde  était  orif,'inaire  de  lancien 
continent.  (]e  n'est  pas  tout,  le  Ivan  ou   Kouan  des  (Chinois, 
d'après  rV-king,  était  représenté  par  le  dragon.  Dans  le  dia- 
gramme kien  de  I  ^'-king,  le  dragon  est  lair  subtil^  le  même 
que  Cliang-ty. 

Les  expressions  de  deux  lois  grand-j-'ère,  deux  fois  grand- 
mère,  se  retrouvent  également  ehe/  presque  tous  les  peuples 
païens  qui  ont  conservé  le  souvenir  du  déluge  par  lequel  le 
genre  humain  a  été  renouvelé.  La  terre  est  la  grand' mère  anti- 
diluvienne qui,  pendant  que  les  eaux  du  chaos  couvraient  tout, 
renfermait  en  elle  toutes  les  choses  auxquelles  elle  donna  nais- 
sance après  que  les  eaux  se  turent  retirées.  Le  monde  ainsi  créé 
ayant  été  détruit  plus  tard  par  Teau,  c'est  alors  qu'agit  de  nou- 
veau la  grand' mère  post-diluvienne,  l'arche  ou  réceptacle , 
dans  lequel  était  réuni  égal(;ment  tout  ce  qui  devait  remplacer 
ce  que  les  eaux  avaient  détruit.  Adam  a  été  le  premier  homme 
du  premier  monde,  et  Noé  le  premier  homme  du  deuxième 
monde. 

Ces  expressions  de  deux  fois  grand-père  et  deux  fois  grand'- 
mère,  employée.-,  par  les  peuples  d'Amérique,  semblent  in- 
diquer d  après  cela  qu'ils  ont  eu  connaissance  du  déluge  '. 


I.  Il  est  ilillicilc  lie  savoir  si  lo  dcluge  Ac  la  Uibic  a  liic  cominim  au  nouveau  continent  ; 
ce  qui  est  certain,  c'est  ijuc  tous  ses  peuples  savaient  que  ce  gran,!  cataclysme  avait 
existé.  Dans  l'ouvrage  publié  par  loril  Kinsboroug,  qui  contient  une  collection  vraiment 
admirable  îles  monuments  américains,  Te/pi  où  Cozco,  comme  on  appelle  le  Noé  ainé- 
ricain,  est  représenté,  parités  peintures,  dans  une  arche  Itottante  sur  les  eau.>c,  et  avec 
lui  sa  lomnie,  ses  enlants,  plusieurs  animaux  et  itilVérentes  espèces  de  graines.  Quand 
les  eaux  se  retirèrent,  l'iiespi  envoya  un  vautour  qui,  trouvant  à  se  nourrir  sur  le  corps 
des  aniiTiaux  noyés,  ne  revint  pas;  après  que  l'expérience,  répétée  avec  plusieurs  autres 
oiseaux,  eut  manqué,  l'oiseau-mouche  revint  à  la  lin,  portant  une  branche  verte  à  son 
petit  bec.  Dans  les  mêmes  peintures  hiéroglyphiques,  la  dispersion  de  l'espèce  humaine 
est  ainsi  représentée.  Les  premiers  lionimes  après  le  déluge  étaient  muets,  et  on  voit  une 
colombe  perchée  sur  un  arbre  donnant  à  chacun  une  langue.  La  conséquence  de  cela  tut 
que  les  familles,  au  nombre  de  quin.!e,  se  disper.;èrent  en  dillérentes  directions. 

Les  Indiens  du  Nicaragua,  d'après  le  récit  du  l'ère  Francisco  de  liobaJella,  connais- 
saient le  déluge,  et,  quand  il  interrogea  à  ce  sujet,  en  ib'iS,  le  Cacique  Chicossotonal,ce- 
luici  lui  répondit  qu'avant  l'existence  de  la  généraiion  présente  le  monde  avait  été  dé- 
truit par  l'eau  et  était  devenu  mer;  qu'un  homme  cl  une  femme  purent  s'échapper. 


i5H 


I)i:   I.ORIGINK  l)i:S  INDJKNS  DU   NOUVF.AU-MONDI-: 


En  dehors  de  la  trinitc  divine,  les  peuples  du  Nouveau- 
Monde  rendaient  des  honneurs  à  la  lune,  aux  étoiles,  à  la  terre, 
à  la  mer,  à  la  pierre  ',  aux  niontaf^nes,  aux  animaux  téroces, 
en  un  mot,  à  tout  à  ce  qui,  par  sa  provenance,  marquant 
quelque  atïinité  avec  les  éléments  et  les  forces  vitales  de  la 
matière  terrestre  et  atmosphérique,  pouvait  leur  nuire  ou  les 
lavoriser.  l-]n  résumé,  comme  disait  d'Acosta,  ils  invoquaient 
tout  ce  qu  ils  pouvaient  supposer  leur  être  nuisible  ou  utile-, 
ils  avaient  aussi,  comme  dan?  lancien  continent,  leurs  dieux 
domestiques  et  un  dieu  des  enters,  qui  étaient  gardés  par  un 
chien  à  trois  têtes. 

Ils  divisaient  le  gouvernement  de  1  univers  entre  deux  prin- 
cipes, représentant  les  deux  natures  de  la  divinité  suprême, 
l'une  bonne  et  bienlaisante,  l'autre  mauvaise  et  maltaisante. 
Cette  idée  de  deux  principes  se  retrouve  aussi  bien  dans  1  Amé- 
rique septentrionale  que  dans  I  Amérique  centrale  et  l'Améri- 
que méridionale. 

ils  croyaient  à  limmortalité  de  l'âme,  à  la  (in  du  monde,  à 
la  résurrection,  au  jugement  dernier  '  et  à  la  récompense  ou  à 


iiiunti.ri;nt  :ui  ciel  et  redcscendircnl  sur  la  tcriL-,  où  ils  crcL-rt-iit  tout  Je  nouveau.  Cette 
incMie  iJiie  était  rJpaii^lue  vlans  rAméri>^)ue  mérivlionale.  D'après  Lcviiius  Apullonnius, 
toi.  i^.  les  Péruviens  ei(>yaicnt  que  le  inonde  aurait  été  déduit  une  première  lois  par 
un  déluge,  et  iju'il  le  serait  plus  tard  par  l'anéantissement  du  soleil  et  de  la  lune. 

1.  Le  culte  de  la  pierre  est  commun  au\  races  les  plus  ancie-.nes.  Moïse  eu  parle, 
d.ins  la  Genèse,  comme  de  la  première  idolâtrie. 

2.  Le  manuscrit  1  roano.  planche  X.\.\',  à  la  paf;e  C14,  ilonne  une  idée  aussi  claire  cjue 
possible  des  croyances,  à  ce  sujet,  des  peuples  du  Vucatan.  On  voit  d'abord  un  person- 
nage tout  noir,  à  l'aspect  ttliayanl,  tenant  a  sa  main  une  sorte  de  tamtani  ipi'il  remue. 
Alors  les  animaux,  l'homme,  tous  les  êtres  se  réveillent.  On  leur  pri;sente  ensuite  une 
tablette  ou  un  miroir.  Le  lUL'e.ient  est  prononcé.  Les  uns  sont  torturés  et  renler- 
nv's  ilans  un  lieu  ténébro'.ix,  les  autres  jouissent  il'une  vie  de  délices.  Les  émana- 
tions de  !a  trinitc  divine  meurent  à  leur  tour,  et,  dans  l'avant-dernitr  tableau,  il  ne 
reste  plus  que  le  dieu  suprême  avec  ses  deux  natures,  debout,  tenant  dans  ses  deux 
mains,  d'un  côté,  la  terre,  de  l'autre,  la  mort  et  son  messager  ailé.  Le  voc,  médiquc,  le 
saint  Ksprit  du  christianisme,  est  assis  enchaîné  à  ses  pieds.   Dans  le  dernier  tableau, 

dieu  bon  tient  dans  une  main  le  ciel,  et  dans  l'autre  la  vie.  Son  messager  ailé  est  en- 
chaîne à  sts  pieds;  à  côté  se  trouve  une  légende  signiliant  que  tout  est  rentré  dans  le 
néant. 


KT  DK  I.KUK  ClVIt.ISAlKlN 


iSg 


la  punition   des  hons  et  des  mauvais,  qui   variaient  suivant 
chaque  peuple. 

Les  Mexicains  admettaient  que  le  soutlle  impérissable  sorti 
de  la  bouche  au  moment  de  la  mort,  c'est-à-dire  l'àmc  des  sol- 
dats tués  à  la  guerre  ou  décédés  comme  prisonniers,  et  celle  des 
lenmies  ayant  succombé  à  la  suite  de  couches,  allaient  dans  la 
demein-edu  soleil,  le  seigneur  de  la  gloire,  conduites  par  Teoya- 
inique,  femme  du  dieu  de  la  i^uerre,  et  que  la  elles  jouissaient 
de  l'existence  la  plus  heureuse,  (chaque  matin,  ces  âmes  lètenl 
le  lever  du  soleil  au  moyen  d  hymnes,  de  danses  et  dédiants, 
et  l'accompaj^nent  jusqu'au  zénith,  où  les  âmes  des  temmes 
viennent  à  sa  rencontre  avec  les  mêmes  démonstrations,  restant 
a\ec  lui  jusqu'à  son  coucher.  Après  quatre  années  de  cette 
.glorieuse  existence,  les  âmes  passent  dans  les  nuages  pour  les 
animer,  et  dans  le  corps  des  oiseaux  au  plus  beau  plumage  et 
au  plus  doux  chant  1-llles  ont  aussi  la  liberté  de  monter  au 
ciel  ou  de  descendre  sur  la  terre,  pour  chanter  et  se  délecter  du 
suc  des  fleurs.  Les  âmes  des  personnes  frappées  par  le  tonnerre 
ou  [tar  quelque  accident,  telles  que  maladie,  blessure,  etc.,  de 
même  que  celles  des  enfants  et  des  sacrifiés,  sont  transportées 
dans  un  lieu  frais  et  agréable,  où  on  tient  à  leur  disposition 
toutes  les  jouissances  possibles. 

Les  âmes  des  mauvais  sont  condamnées  à  rester  dans  un 
lieu  obscur,  où  règne  un  dieu  terrible  qui  leur  inflige  toutes 
sortes  de  tourments,  tandis  que  les  âmes  des  justes  montent 
au  ciel,  sorte  d  empyrée  divisé  en  neuf  degrés. 

Les  Nicaraguaiens  croyaient  que  fàme  de  soufifle  qui  sort 
par  la  bouche,  r"/'^  ')  des  bons  allait  auprès  de  dieu,  et  celle  des 
mauvais  dans  un  lieu  sous  terre  nommé  Mieqtanteot,  où  elle 
était  tourmentée. 

Les  Yucatèques  croyaient  qu  aprè.s  la  mort  chacun  serait 
puni   ou   récompensé,   selon  le  bien  ou   le   mal   fait  ici-bas. 


I.  Lorsqu'un  p.us!S  ci.iit  piL-s  .l'cxpnci',  les  parciils  pUuaiciit  sur  la  bouche  lUi  iiiori- 
boiul  Un  chien,  pour  (.(u'il  reçût  sou  unie.  CxUc  eoutunie  existait  au  Nie-iragu.i;  le  ehien 
était  remplacé  par  le  coyote,  et  ilans  les  autres  cnJroils  par  une  pierre  précieuse. 


IWi 


i6o 


i),i:  I,  oiuc.iNK  i)i:s  induns  du  nouvF'AL-mondk 


I/àmc  des  bons  va  dans  un  lieu  délicieux  où  elle  a  à  sa 
volonté,  exempte  de  peines  et  de  soucis,  les  mets  les  plus  agréa- 
bles. Dans  ce  lieu,  il  y  a  un  arbre  nommé  N'a/che,  toujours  vert, 
et  sous  l'ombre  duquel  on  reste  étendu,  jouissant  d'un  re- 
pos éternel.  Les  méchants  sont  transportés  dans  un  lieu  obs- 
cur, plus  ba^  que  la  terre,  nommé  Mitnal,  où  ils  soullrironl  de 
la  soit,  de  la  t.iim,  de  la  latigue,  etc.  Le  chef  de  ce  lieu  se  nomme 
Hunhan.  Ces  deu.x  existences  seront  sans  tin  '. 

Les  (îualemaliens  avaient  les  mêmes  croyances,  à  ce  sujet, 
que  les  Vucatèquos. 

Les  habitants  du  Miclioacan  croyaient  au  jugement  dernier, 
à  la  lin  du  monde,  à  la  punition  des  méchants  par  l'enfer,  et  à 
la  récompense  des  bons  par  1  empyrée  '. 

Les  C]hibchas  croyaient  que  les  âmes  des  bons  jouiiaient 
d'un  repos  éternel,  et  que  celles  des  méchants  seraient  tor- 
turées. 

Les  'llascalèques  prétendaient  que  les  âmes  des  hauts  per- 
sonnages passeraient,  après  la  mort,  dans  le  corps  des  plus 
beaux  oiseaux,  et  celles  des  personnages  ordinaires  dans  le 
corps  des  scarabées  et  des  animaux  les  plus  vils. 

Les  Araucans  étaient  convaincus  que  les  âmes  des  guerriers 
morts  sur  le  champ  de  bataille  montaient  dans  les  nues,  où  elles 
étaient  converties  en  f/Z/a»  dieu  ;  quant  aux  autres  âmes,  celles 
des  bons,  elles  allaient  dans  un  lieu  où  elles  jouissaient  de  toutes 
les  délices  imaginables  et  d'un  repos  sans  tin  ;  on  doit  retrouver 
là  les  mêmes  temmes  qu'on  a  eues  ici-bas,  mais  plus  jeunes  et 
ne  taisant  jamais  d'entants;  de  plus,  on  se  reposera  sans  cesse. 
Quant  aux  âmes  des  mauvais,  elles  étaient  précipitées  dans  un 
lieu  ténébreux. 

Les  Péruviens  disaient  que  Thomme  était  composé  d'un 
corps  et  d'une  àme,  que  l'âme  était  immortelle  et  (.jne  le  corps, 
l'ait  de  terre,    retournait  en  terre;  c  est  poiu'quoi  ils  le  nom- 


I.  I.anJa,  ^  xxxiii. 

.;.  Uenera,  III,  p.  25,). 


Kl  HK  ij:l'r  civilisation 


ir.i 


niaient  terre  animée,  ail  pa  ccimasca.  Mais,  }X)urle  distinj^Micr  de 
celui  des  brutes,  ils  ajoutaient  lexpres- ion  riitui  <\\.\\  sii^nilie  un 
être  raisonnable  et  intellif^ent,  tandis  que  les  brutes  étaient  ap- 
pelées/<tj;;/i7.  ils  prêtaient  aux  brutes  un  esprit  véf,'étatit' et  sen- 
sitit  parée  qu'ils  les  voyaient  pousser  et >.|u  elles  pouvaient  sen- 
tir, mais  ils  ne  supposaient  pas  qu'elles  avaient  la  raison. 

Ils  croyaient  c[U  ajirês  la  mort  il  y  aurait  une  aiitre  vie  dans 
laquelle  les  bons  seraient  récompensés  par  un  repos  éternel,  et 
les  mauvais  punis  par  des  tourments  infinis.  Us  divisaient 
l'univers  en  trois  mondes  :  le  ciel,  hanan pacha,  le  monde  éle\é, 
où  ils  disaient  que  les  bons  allaient  pour  y  recevoir  la  récom- 
pense de  leurs  vertus;  le  monde  d  ici-bas, /////•/;/ /.njcV/a,  monde 
inférieur  où  l'on  naît  et  où  l'on  meurt-,  enfin  le  monde  inté- 
rieur,  l'eu  pacha,  où  sont  envoyés  les  mau\ais  après  leur 
mort;  ils  nommaient  ce  dernier  sapaya  iniasin,  la  maison  du  dia- 
ble. I.a  \  ie  dans  l'autre  monde  n'est  pas  spirituelle,  mais  cor- 
porelle, comme  celle  de  ce  monde.  Le  plus  ^rand  bonheur 
sera  de  jouir  du  repos,  sans  souci,  sans  maladie,  sans  travail, 
ni  douleur,  ni  préoccupation.  Les  méchants  iront  dans  l'enter, 
qui  est  un  lieu  ténébreu.x,  rempli  d'infirmités,  de  tortures  de 
toutes  sortes,  où  les  âmes  souffrent  sans  cesse  et  sans  lin. 

Les  corps  doivent  ressusciter  un  jour,  c'est  pourquoi  ils  pre- 
naient tant  de  soin  pour  les  conserver  après  la  mort.  Ils  met- 
taient un  soin  extrême  à  !.;arder  les  rofçnures  de  leurs  oni^les 
et  les  cheveux  qui  tombaient  en  se  peignant  et  les  cachaient 
dans  des  trous  ou  niches  des  murs;  et,  si  on  leur  demandait 
pourquoi  ils  le  faisaient,  ils  l'épondaient  :  <■  'l'ous  les  êtres 
qui  sont  nés,  doivent  renaître  après  la  mort,  et  les  âmes  de- 
vront retrouver  tout  ce  qui  appartenait  à  leur  corps;  nous 
mettons  nos  cheveux  et  tout  en  ordre,  afin  qu'au  moment  de 
la  résurrection,  où  régnera  tant  lie  confusion,  nous  les  trouvions 
plus  facilement.    Garcila/o,  liv.  II,  ch.  ii.) 

Les  Yuracarès,  d'après  M.  d'Orbigny,  croient  à  une  autre 
vie  dans  laquelle  ils  auront  abondance  de  chair  et  où  tous,  sans 
exception,  doivent  se  retrouver.  Les  Ancas,  les  l^ampéens,  les 


■HP 


i()i 


m   louuiiNi:  1)1  s  indu  ns  di;  Noivr.xi -monde 


Pataj^'oiis,  croient  à  l  imiiiortalitc  de  I  âme  et  à  une  autre  vie 
dans  laquelle  ils  jouiront  d'une  lelicité  parlaite,  tandis  que  les 
méchants  seront  punis. 

Les  /apotèques  et  les  Mixtèques  croyaient  que  les  âmes 
voyageaient  pendant  lui  certain  nonihre  d'années  avant  d'être 
jugées  et  qu'elles  revenaient  une  lois  chaque  année  visiter  les 
laniiUes.  Aussi,  ce  jour-là,  le  douzième  mois  de  l'année,  prépa- 
rait-on un  local  pour  les  rece\oir  :  la  veille,  chaque  famille  dis- 
posait des  mets  sur  inie  table  dans  la  pièce  principale  de  la 
maison.  On  invitait  ensuite  les  esprits  à  entrer-,  puis  on  s'a- 
f^enouiilait  et  on  leur  ollrait  les  mets;  au  lever  du  soleil,  on 
distribuait  les  restes  aux  pauvres.  On  allait  ensuite  oflrir  des 
sacrifices  dans  les  temples  et  sur  les  tombes.  La  même  coutume 
règne  en  (Ihine. 

Tous  ces  peuples  étaient  convaincus,  comme  les  Chinois,  les 
Egyptiens,  les  Assyriens,  ks  Perses,  que  la  mort  ne  mettait  pas 
lin  à  Texistence  de  l'homme,  que  son  àme  ou  son  ombre  conti- 
nuait à  vivre  et  à  s'intéresser  aux  vivants  et  que,  pour  ainsi  dire, 
double,  l'une  habitait  le  tombeau  et  le  gîte  du  délunt,  pendant 
que  l'autre  allait  dans  un  autre  monde  pour  être  jugée,  (^est 
pourquoi  ils  taisaient  des  oH'randesaux  morts  dans  la  croyance 
qu'ils  pouvaient  en  jouir  et  pouvaient  rendre  des  services  aux 
vivants  ou  les  tourmenter  dans  le  cas  où  ils  ne  seraient  pas 
satisfaits.  Ils  étaient  persuadés  en  même  temps  que  les  âmes 
des  morts,  privés  de  sépulture,  c'est-à-dire  de  gîte  et  de  liba- 
tions funéraires,  menaient  une  existence  malheureuse  et  er- 
rante. 

Au  Mexique  et  dans  l'Amérique  centrale,  les  olhandes  au 
mort  étaient  laites  périodiquement  jusqu'à  la  lin  de  la  quatrième 
année;  pendant  ce  temps,  ils  croyaient  se  trouver  en  présence 
du  mort  '.  Après  cette  période,  ils  supposaient  que  rame  était 
jugée  et  passait  ou  dans  l'enfer  aux  neuf  degrés,  ou  dans  la 
maison  du  soleil. 


I.  Sagahun,  I.  III,  ch    i,  i. 


i:t  dk  i,i:i;i<  civilisation 


!(■..•! 


au 

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Incc 
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la 


Vin^t  jours  après  rcnterivmeni,  ils  retournaient  à  la  tombe 
et  mettaient  dessus  des  aliments  et  di-s  roses.  Ils  recommen- 
çaieiu  cinquante  jours  après  et  ainsi  de  suite  '.  A  la  (in  de  la 
première  année,  ils  célébraient  l'anniversaire  du  jour  du  mort 
par  des  otlrandes  et  continuaient  ainsi  jusqu'à  la  fin  de  la  qua- 
trième année. 

Ces  croyances  et  ces  coutumes  se  retrouvent  chez  les  Assy- 
riens, chez  les  anciens  '.iraélites,  chez  les  Hébreux,  les  Phé- 
niciens, les  Chinois,  les  égyptiens,  les(îrecset  les  Homains. 
"  D'après  les  croyances  des  Assyriens,  le  principe  vital  in- 
«  destructible,  l'esprit  substance  incorporelle  appelé  K^mmon, 
<>  se  dégageait  de  la  dépouille  charnelle  du  mort.  Il  habita  le 
«  tombeau,  repose  sur  le  ^ite  du  mort;  s'il  est  bien  traité  par 
«  les  entants  du  défunt,  il  les  protège,  sinon  il  devient  mau- 
..  vais  et  les  accable  de  maux.  (,)uand  le  mort  est  privé  de  sé- 
«  pulture,  c'est-à-dire  de,nile  et  de  libations  l'unéraires,  il  mène 
«  une  vie  errante  et  malheureuse  et  se  trouve  exposé  à  toutes 
«'  les  avanies  de  la  part  de  ses  semblables,  qui  le  repoussent 
«  sans  pitié.  (]'est  pourquoi  la  privation  de    sépulture  devait 
"  paraître  aux  anciens  Sémites  comme  aux  Grecs  le  dernier 
-.  des  maux.  Les  guerriers  morts  sur  le  champ  de  bataille  ont 
«  une  place  dans  l'Hadèsa-ssyrien,  après  avoir  retrouvé  toutes 
<i  leurs  forces,  se  délectent  d'une  nourriture  exquise  servie  dans 
'-  des  disques  de  métal  pur. 

11  I^'existence  du  culte  des  morts  chez  les  anciens  Israélites 
«  et  l'habitude  qu'ils  avaient  de  leur  taire  des  otlrandes  sont 
"  attestées  par  la  formule  que  le  législateur  jéhoviste  prescrit  à 
"  ses  adeptes  quand  ils  apportent  des  offrandes  à  leur  Dieu. 
•'  Je  n'ai  pas  mangé  de  ce  produit  pendant  que  j'étais  en  deuil. 
«  .le  n'en  ai  rien  enlevé  pendant  que  j'étais  impur  et  je  n'ai 
«  rien  offert  aux  morts.  »  (Deutéronome,  xxvi,  14'. 

«  Faire  des  oll'randes  aux  morts  implique  la  croyance  qu'ils 
«■  peuvent  en  jouir  et  qu'ils  sont  capables  de  rendre  serxice  à 


I.  Mololiiua,  j>.  il. 


i()4 


1)1     I.  DKICINl.   OIS  INI)II;nS   I)|i   N()IVfAi;-M()NI)i; 


'<  ceux  qui  ont  pu  gagner  leur  laveur.  On  croyait  donc  que  la 
■'  mort  ne  mettait  pas  lin  à  l'existence  de  Ihomme,  mais  que 
«  son  ombre,  Skia  chez  les  (Jrecs,  /mit/iial  chez,  les  ICtrusques, 
■'  c'ciitt  chez  les  Assyriens,  continuait  à  vivre  et  à  s'intéresser 
"  aux  \ivants. 

«  Les  Héhreux  nomment  sc/mol  le  lieu  de  la  ré-union  de 
"  tous  les  morts.  Les  Phéniciens  avaient,  à  ce  sujet,  les  mêmes 
■I  croyances  que  les  Assyro- Babyloniens,  ainsi  que  l'indique 
"  l'inscription  Kslii-nonhucan  ;  on  y  voit,  d'une  part,  que  celle 
"  dont  le  corps  reste  sans  sépulture  n'a  pas  de  gîte  auprès  des 
"  mânes  ;  d'autre  part,  ciue  le  juste  est  reçu  dans  des  cieux 
'  magniliques,  auprès  d'Astarté. 

n  Les  Egyptiens  et  les  l"*!iénicicns  avaient  les  mêmes  croyan- 
«  ces,  ainsi  que  l'indique  l'inscription  d'ithmouna/ar  ;  on  y  voit 
'  que  celui  dont  le  corps  reste  sans  sépulture  n'a  pas  de  gîte 
■  auprès  des  mânes  iRefaini);  d'autre  part,  que  le  juste  est  reçu 
"  dans  les  cieux  magnifiques  auprès  d'Astarté.  Le  texte  phé- 
"  nicien  nous  fournit  même  le  texte  qui  signifie  immorta- 
"  lité. 

«  11  est  indispensable  de  rapprocher  ces  croyances  de  celles 

"  des  Egyptiens.  Dans  un  travail  de  M.  Maspéro,  on  voit  que, 

«  suivant  les  traditions  de  la  vallée  du  Nil,  la  momie  avait  une 

"  double  sorte  d'être  intermédiaire  entre  la  matière  absolue  et 

«  le  pur  esprit.  Le  double  habitant  le  tombeau  et  le  gîte  du  dé- 

«  funt,  avait  besoin  des  otl'randes,  s'en  réjouissait,  en  tenait 

'<  compte  aux  vivants  qu'ils  pouvaient  tourmenter  ou  protéger. 

"  Cependant,  l'âme  véritablement  incorporelle^  le  lumineux, 

"  comme  disaient  les  hiéroglyphes,    sortait  de  notre   univers. 

"  Les  Egyptiens,  ajoute  IVL  Maspéro,  connaissaient,  comme  la 

"  plupart  des  peuples,  le  passage  de  cette  terre-ci  à  l'autre  ;  le 

•■  j->oint  exact  où  les  âmes  adranchies  parlaient  pour  entrer  dans 

"  le  nouveau  monde,  était  à  l'ouest  d'Abydos.  C'était  une  fente 

'<  pratiquée  dans  la  montagne.  Au-delà  d'Abydos,  on  rencon- 

"  trait  le  monde  inférieur  et  le  tribunal  d'Osiris. 

'I  11  semble  que  les  Assyriens,  les  (jrecs  et  les  Latins^  dans 


Il  i)i;  i.ii'K  (:ivii.i'<AiioN 


Mb 


'■  leur  conception  Je   l'unie,  nom  jamais   dépassé  la  notion 
"  du  double  des  hl^yptiens. 

i>  Si  on  lit  la  très  curieuse  notice  i|ue  M.  111.  Saint-Martin  a 
"  écrite  sous  ce  titre:  ■'  'Iradilioushumà-iqucsct  licsiodiqucs  sur  le 
"  scjour  iics  morts,  on  y  relèvera  beaucoup  de  traits  communs 
<■  entre  la  conception  assyrienne  et  la  coiicej>tion  j^recque  '.  ■■ 
Les  mêmes  croyances  sur  le  double  de  lame  existent  chez 
les  Chinois. 

l'ne  autre  croyance  commune  a  tous  les  peuples  de  l'Améri- 
que, était  qu'aj-irès  la  mort  les  àines  allaient  dans  un  pays 
silencieux,  l'pa  tiiiirca  en  quitcliua  ,  et  qu'avant  d'y  arri- 
ver, elles  devaient  traverser  une  lar^e  rivière,  sur  un  pont 
aussi  étroit  qu'un  cheveu,  gardé  par  un  .serpent.  Elles  ne  pou- 
vaient passer  de  l'autre  côté  qu'avec  l'aide  de  chiens  noirs 
qu'on  nourrissait  à  cet  ellét  et  qu'on  enterrait  ou  brûlait  avec  le 
corps. 

Cette  idée  était  répandue  dans  toutes  les  parties  de  l'Améri- 
que. Les  (^hippewas,  rapporte  Keatung,  Longs  expcd.,  1S24, 
vol.  Il,  p.  i5H,  croient  qu'il  y  a  dans  l'homme  une  essence  en- 
tièrement distincte  du  corps;  ils  la  nomment  (khacluii^-,  et,  d'a- 
près ce  qu'ils  en  disent,  c'est  tout  à  lait  l'âme.  Elle  quitte  le 
corps  au  moment  de  la  mort  et  va  dans  un  endroit  nommé 
Chckek  chekchekawe.  (x'tte  région  est  supposée  être  située 
au  sud  et  sur  les  rivages  du  grand  Océan.  Avant  d'y  arriver, 
on  rencontre  une  rivière  qu'on  est  obligé  de  traverser  sur  un 
pont  très  étroit,  gardé  par  un  énorme  serpent.  Les  âmes  de 
ceux  qui  sont  morts  noyés,  ne  parviennent  jamais  à  traverser 
la  rivière.  Elles  sont  jetées  dans  Ja  rivière  où  elles  restent  éter- 
nellement. 

Les  Mexicains  appelaient  cette  rivière  que  les  âmes  devaient 
traverser  Chenhnahuap  pour  obtenir  le  passage  du  lameux 
pont  gardé  par  le  serpent,  on  mettait  avec  le  cadavre  une  pièce 


I.  La  croyance  à  la  lic  future  tt  à  l'immorlalilc  .ie  l'aine  iiaiia  la  liaute  ar.tiquitè, 
citej  les  yeufles  sémitiques,  par  KtiJiuand  Dclauna) . 


i6r> 


ni;  i.'oiuCiiNi';  dis  inditns  nr  noi'Vi:au-moni)1'; 


de  papi<'«"  cl  un  chien  ou  animnl  ressemhlanl  au  chien  nommé 
Techichi. 

Ils  croviiicnt  aussi  qu'on  Jc\  ait  traverser  une  place  ^anlée 
par  le  crocodile  et  l'ochitonal,  deux  montagnes  se  battant  entre 
elles,  huit  déserts,  huit  collines,  ensuite  un  endroit  où  le  vent 
soufflait,  'avec  tant  de  force  qu'il  taisait  voler  les  rochers  et 
coupait  comme  un  couteau. 

Les  oll'randes  aux  dieux  consistaient  en  animaux,  Heurs, 
plantes,  joyaux,  résines  et  autres  sultstances.  l'ous  les  jours  ils 
brûlaient  de  l'encens  i  copal  )  devant  les  idoles  et  dans  leur 
propre  maison.  Les  prêtres  dans  leurs  temples,  les  j^ères  de 
famille,  les  ju^es  dans  leurs  tribunaux  quand  ils  prononçaient 
une  sentence  importante,  oUraient  de  l'encens  au  dieu  torma- 
teur  et  opérateur.  (Miez  les  Mexicains  et  les  autres  nations  de 
l'Anahuac,  c'était  tout  à  la  fois  un  acte  religieux  et  une  démons- 
tration de  courtoisie  envers  les  rois,  les  seigneurs  et  les  am- 
bassadeurs '. 

Au  dieu  du  feu,  on  sacrifiait  des  cailles  et  des  hérons.  Cha- 
que jour,  au  lever  du  soleil,  les  prêtres  étaient  debout,  le  vi- 
sage tourné  à  l'Orient,  tenant  chacun  une  caille  dans  la  main 
et,  dès  qu'on  apercevait  ie  disque  de  l'astre,  ils  le  saluaient  avec 
de  la  musique  et  des  chants,  coupaient  la  tête  aux  cailles  et 
les  lui  otlraient;  ensuite  ils  chantaient  des  hymnes  au  so- 
leil. 

Au  dieu  des  orages,  des  eaux,  ainsi  qu'à  la  déesse  de  la 
pluie  et  de  la  fécondité,  on  offrait  des  lapins,  des  fleurs,  des 
daims. 

Au  Pérou,  les  oflrandes  à  la  divinité  consistaient  en  ananas, 
maïs,  plumes,  coquilles,  vêtements  de  laine^  bois  odoriférant^ 
chicha,  argent,  or,  fruits,  pain,  etc. 

En  dehors  de  ces  offrandes,  tous  ces  peuples  sacriliaient  à 
leurs  dieux  des  victimes  humaines. 
La  religion  indienne,  fondée  sur  la  reconnaissance  d'un  être 


Clavigero,  I.  VI,  ch.  xx. 


!•  r    l)K   I.IJIK   CIVIIISMION 


1(17 


suprême,  dont  la  crcmiùrc  maiiilcstatinn  est  le  serpent  ou  le 
temps  qui  dévore,  et  la  deuxième  TLinion  do  deux  natures  ou 
de  deux  principes,  l'un  hientaisant,  l'autre  mallaisant,  autre- 
ment dit,  dont  le  do^me  admettait  que  l'être  suprême  j^roduit 
pour  détruire  et  détruit  pour  reproduire,  cette  religion  devait, 
sous  l'impulsion  de  l'esprit  du  prosélytisme,  aboutir  nécessai- 
rement au  fanatisme  et  à  ces  horrihies  mystères  cjui  se  célé- 
braient par  des  sacrifices  humains.  I''emmes,  entants  et  vieil- 
lards, rois,  prêtres  et  sujets  devaient  laire  couler  sur  les  autels 
le  sang  propitiatoire  pour  apaiser  la  soit  de  ce  Dieu  implacable, 
le  dévorateur  insatiable  de  ses  (cuvrcs  qui,  après  avoir  créé 
1  homme,  l'a  condamné  sans  raison,  en  naissant,  à  soullrir  et 
à  mourir  '. 

I.a  coutume  de  sacrifier  des  victimes  humaines  à  l'être  su- 
tre  suprême  ou  au  temps  Saturne,  (]hronos,  Ouranos  remonte 
à  la  plus  haute  antiquité.  Klle  tut  apportée  en  Amérique  par  la 
colonie  aryo-touranienne.  A  peine 'i'eocolhuacan,  leur  première 
ville,  tut-elle  (ondée,  qu'on  sacrifia  à  'let/.auhj  le  dieu  delà  ter- 
reur. Elle  se  répandit  ensuite  partout,  jusque  dans  l'Amérique 
méridionale.  Dans  le  principe,  ces  sanglants  holocaustes  durent 
être  plus  rares,  parce  que  ces  peuples  n'avaient  pas  de  prison- 
niers, que  l'esclavage  n'existait  pas  et  que,  malgré  tout,  il  leur 
répugnait  d'oll'rir  leurs  entants.  Mais,  dès  que  les  deux  groupes 
Nahualt  et  Colhuaque  étendirent  leur  domination,  ces  sacriii- 


I.  Cctle  croyance  litaii  commune  à  tous  les  peuples  d'Amciique.  l.es  Vuracarcs,  ilit 
d'Oibigny,  ne  révèrent  aucun  des  êtres  qu'ils  placent  dans  leur  mythologie.  Leur  Jc- 
mande-t«on  quelle  est  leur  divine  bienfaisance,  ils  montrent  leurs  ores  et  leurs  llèches, 
aruies  auxquelles  ils  doivent  leur  nourriture. 

Les  Ancas  ne  croient  pas  que  leurs  crimes  puissent  iniluer  sur  le  mal  que  leur  lait 
l'esprit  malin. 

Les  Pampeens  redoutent  un  génie  maltaisant,  cause  de  leurs  maux. 

Les  Patagons  craignent  plutôt  qu  ils  ne  révèrent  leur  Achekenat-Canel,  génie  du  mal 
et  du  bien. 

Les  Puelchcs  croient  à  un  génie  du  mal  nommé  Canchi-Oraken,  qui  devient  quel- 
quefois bienfaisant  sans  qu'on  ait  besoin  de  \i  prier. 

Les  Onamas  n'adoraient  aucun  dieu  bienfaisant,  mais  craignaient  beaucoup  lo  malin 
esprit  Chekewa. 


iGS 


1)1-:   I,  OKIGlNl;  1)1  s  ÎNDII'NS  ni!   NOUVKAU-MONDK 


CCS  devinrent  plus  IVéqucnts.  Ils  variaient  comme  nombre  , 
lieu  et  mode,  suivant  les  circonstances.  En  général,  les  prê- 
tres ouvraient  la  poitrine  des  victimes  avec  un  couteau  d'obsi- 
dienne. D'autres  lois  on  les  noyait  ou  bien  elles  mouraient  de 
faim,  rentermécs  dans  les  cavernes  où  Ton  enterrait  les  morts. 
D'autres,  enfin,  périssaient  par  le  sacrifice  gladiatorial.  Les  sa- 
crifices avaient  lieu  le  plus  souvent  au  temple,  sur  la  partie  su- 
périeure où  se  trouvait  un  autel  destiné  ad  hoc.  Les  ministres 
ordinaires  des  sacrifices  à  Mexico  étaient  six  prêtres,  dont  le 
chef  était  le  topilt/in,  dignité  héréditaire  et  prééminente.  Il 
portail,  pour  cette  cérémonie,  un  vêtement  rou^e  de  la  forme 
d'un  scapulaire,  orné  de  croix  rouges.  Sa  tête  était  surmontée 
d'une  couronne  de  plumes.  Des  pendants  d'or  el  des  pierres 
précieuses  étaient  attachés  à  ses  oreilles  et  à  ses  lèvres.  Sur  son 
front  étaient  peints  des  cercles  entourés  de  serpents.  Les  autres 
ministres  étaient  vêtus  de  blanc,  le  corps  peint  en  noir,  les  che- 
veux tombant  sur  les  épaules.  A  un  mot  d'ordre  donné,  ils  sai- 
sissaient la  victime,  la  portaient  jusqu'à  l'autel  et,  après  avoir 
informé  le  peuple  que  le  sacrifice  allait  commencer,  ils  reten- 
daient sur  une  table  de  pierre.  L'autel  était  convexe  dans  le 
sens  de  sa  longueur  fen  dos  d'une  i,  de  telle  sorte  que  la  tête  et 
les  pieds  étaient  plus  bas  que  la  poitrine  qui  faisait  saillie  '.  Un 
joug  en  pierre,  qui  lui  entrait  jusqu'au  cou,  achevait  d'im- 
mobiliser le  patient,  dont  les  pieds  et  les  mains  étaient  tenus 
par  les  ministres.  Alors  le  grand-prêtre  enfonçait  d'un  seul 
coup  son  couteau  dans  la  poitrine  et  en  arrachait  le  cœur  tout 
palpitant  qu'il  offrait  au  soleil  et  jetait  ensuite  au  pied  de  l'i- 
dole; puis  on  le  brûlait  et  on  conservait  ses  cendres.  On  hu- 
mectait les  lèvres  de  l'idole  avec  un  peu  de  sang  qui  servait 
aussi  à  teindre  les  corniches  du  temple.  Si  la  victùne  était  un 
prisonnier  de  guerre,  on  coupait  la  tête  pour  l'exposer  et  le 
corps,  lancé  par  les  escaliers,  était  reçu  par  celui  qui  l'avait 
fait  prisonnier  e*  qui  L  mangeait  avec  ses  amis.  Si  c'était  un 


I.  On  peut  voir  un  du  ces  jougs  à  notre  iiiuscc  du  'lroi;adti'o. 


KT  dp:  i.kur  civilisation  i6g 

esclave,  son  maître  l'emportait  pour  faire  les  honneurs  d'un 
banquet.  On  ne  faisait  cuire  que  les  jambes,  les  cuisses,  les 
bras  et  les  mains.  Le  restant  était  distribué  aux  animaux  de  la 
ménagerie  du  roi.  Les  Otomites  coupaient  la  victime  par  mor- 
ceau.x  qui  étaient  vendus  sur  le  marché. 

Dans  la  fête  en  l'honneu  de  Tetcoman,  la  femme  qui  re- 
présentait cette  déesse  était  décapitée.  Lors  de  la  fête  de  l'arri- 
vée des  dieux,  les  victimes  étaient  brûlées.  On  sacrifiait  quel- 
quefois à  Tlaloc  des  entants  des  deux  sexes,  qu'on  noyait  ou 
qu'on  enterrait  vivants  dans  ure  caverne. 

A  Quautitlan,  tous  les  quatre  ans  on  sacrifiait  deux  esclaves 
qu'on  écorchait  et  dont  on  retirait  les  os  des  cuisses.  Le  lende- 
main, les  prêtres  revêtus  de  ces  sanglantes  dépouilles  et,  les 
os  dans  les  mains,  descendaient  lentement  l'escalier  du  temple 
en  poussant  des  cris  aigus.  Dès  qu'ils  étaient  arrivés  au  bas  du 
temple,  commençait  un  grand  bal  qui  durait  toute  la  nuit  et 
qui  se  terminait  par  un  souper  dans  lequel  on  mangeait  les  res- 
tes de  six  prisonniers  immolés  dans  la  journée. 

Dans  le  moisdeTlacaxi  pehualitzli  lécorchementdes  hommesi, 
on  sacrifiait  à  Mexico  un  grand  nombre  de  prisonniers,  et  les 
p.  êtres,  après  avoir  écorché  les  victimes,  se  revêtaient  de  leur 
peau  qu'ils  ne  quittaient  que  quand  elle  commençait  à  se  cor- 
rompre. Ils  couraient  ainsi  dans  les  rues,  demandant  raumône. 

Les  prêtres,  blasés  sur  ces  sacrifices,  cherchaient  à  rajeunir 
la  cérémonie  par  des  variantes.  «  On  liait  les  pieds  et  les  mains 
des  victimes;  ainsi  attachées,  les  assistants  et  les  prêtres  les 
chargeaient  sur  leurs  épaules  et  se  livraient  sous  ce  poids  à  des 
danses  variée  autour  d'un  grand  loyer  allumé.  Tout  d'un 
cou{>,  on  lançait  la  victime  sur  la  partie  la  plus  ardente  du 
foyer;  on  la  laissait  se  griller  un  ii.stant,  et,  vivante  encore, 
on  la  saisissait  avec  un  crochet,  et,  la  traînant  violemment  sur 
le  sol,  on  la  plaçait  sur  la  pierre  du  sacrifice,  où  on  lui  arrachait 
le  cœur  '.  » 


I.  Sagahun,  Hist.  "t'ii.  .1  '  las  cosasJc  la  Xiii:va  Hispania. 


lyo 


m;  I,  ORitiiNfc;  di:s  iNniFNS  du  Nouvi:Ai>MONnK 


Il  y  avait  des  lanatiquos  qui  demandaient  à  être  étendus  dos 
à  dos  sous  la  victime  pour  la  maintenir  à  l'instant  du  sacrifice 
et  sentir  ainsi  ses  derniers  frissons. 

Le  sacrifice  gladiatorial  était  réservé  aux  prisonniers  d'un 
certain  rang.  Sur  un  terre-plein  de  forme  ronde,  haut  de  8  pieds, 
était  une  grande  pierre  de  3  pieds  de  haut,  ornée  de  figures  de 
serpents.  Le  prisonnier  montait  sur  cette  pierre,  armé  d'un 
bouclier  et  d Une  épée  courte.  11  était  fixé  à  la  pierre  par  un 
pied.  Alors  un  ofhcier  ou  soldat,  armé  à  sa  volonté,  mon- 
tait pour  le  combattre.  Si  le  prisonnier  était  vaincu,  un  prêtre 
le  portait,  mort  ou  blessé,  à  l'autel;  on  lui  ouvrait  la  poitrine. 
Le  vainqueur  recevait  une  récompense.  Si  le  prisonnier  était 
vainqueur  six  fois  de  suite,  on  lui  rendait  la  liberté. 

D'après  Landa,  '^,  ,\viii,  p.  104;  Licana,  fol.  8;  Herrera,  IV, 
p.  176,  les  peuples  du  Yucatan  avaient  les  mêmes  sacritices 
humains  qu'au  Mexique.  Ces  mêmes  coutumes  régnaiert 
au  Guatemala,  suivant  Ximénes,  Juarros,  et  au  Salvador, 
au  Honduras,  au  Nicaragua,  au  Costarica  et  dans  le  Da- 
rien. 

Nous  les  retrouvons  également  chez  les  peuples  de  TAmêri- 
que  méridionale. 

M.  Mano  a  trouvé,  dans  de  nombreux  temples  construits 
par  les  Aymaras,  des  pierres  de  sacrifices  semblables  à  celles 
du  Mexique, 

Chez  les  Chibchas,  les  sacrifices  importants  étaient  offerts  par 
les  prêtres  au  soleil  sur  les  sommets  des  hautes  montagnes  ex- 
posées à  l'ouest.  Là,  les  chèques  (prêtres  prenaient  un  jeune 
prisonnier  de  guerre,  qu'on  avait  conservé  jiour  ces  occasions, 
et  le  conduisaient  ù  la  place  du  sacrifice  où  on  i'étendait  sur  un 
riche  manteau,  et  on  le  tuait  avec  un  couteau  rouge.  On  rece- 
vait le  sang  dans  une  écuelle  et  on  en  teignait  quelques  roches 
exposées  aux  rayons  du  soleil  levant,  moment  auquel  la  céré- 
monie avait  lieu.  Le  corps  de  la  victime  était  laissé  sur  place 
jusqu'à  ce  que  le  soleil  s'en  lût  repu.  Les  sacritices  privés  étaient 
diliérents.  L'enlant  qui  devait  être  sacrifié  était  attaché  à  une 


i:t  i)i;  i,i;i  k  civilisation 


171 


corniche  de  la  maison;  on  le  tuait  à  coups  de  flèches.  I.cs  chè- 
ques teignaient  de  son  sang  les  rochers  exposés  au  soleil  levant 
et  enterraient  le  cadavre  '. 

Les  sacrifices  qu'ils  croyaient  les  mieux  accueillis  par  les  dieux 
étaient  ceux  du  sang  humain  '. 

(^ieza,  ch,  r.vi,  rapporte  que  les  Indiens  de  Quayaquil,  quand 
ils  semaient  leurs  champs,  faisaient  des  sacrifices  humains  et 
agissaient  de  même  quand  un  de  leurs  chefs  était  malade. 

Les  peuples  de  la  côte  de  l'océan  Pacifique^  suivant  F.  de 
Xérès,  sacrifiaient  quelques  enfants  et,  avec  le  sang,  barbouil- 
laient la  face  des  idoles  et  les  portes  des  temples.  —  D'après 
Cieza,  les  insulaires  de  Puma  tuaient  les  esclaves  ou  prisonniers 
de  guerre. 

Au  dire  de  Zaratc  ',  les  Pirhuas  de  Tiaguanaco  tuaient  tous 
les  prisonniers  de  guerre  devant  l'idole  nommée  Ka  Ata  Killa 
(la  lune  décroissante i  et  lui  oH'raient  tout  le  butin. 

Passons  maintenant  aux  Quitchuas. 

Un  certain  nombre  de  femmes  étaient  choisies  pour  les  sacri- 
fices qui  étaient  offerts  assez  souvent  dans  le  courant  de  l'an- 
née. Dans  ces  occasions,  on  tuait  de  jeunes  vierges  qu'on  im- 
molait, également,  dans  des  circonstances  spéciales,  telles  que 
lorsqu'un  inca  était  malade,  qu'on  entreprenait  une  guerre, 
pour  une  éclipse  totale  de  lune,  pour  des  tremblements  de  terre 
et  autres  cas  suggérés  par  le  diable  '. 

On  dit  qu'au  temps  de  l'inca  Capac  Yupanqui  furent  in- 
ventés les  sacrifices  du  Capaucha  Cocoy  ou  l'inhumation  de 
jeunes  filles  vivantes  avec  de  l'argent  et  de  l'or  et  celui  des  Ar- 
pay,  sacrifices  humains  '. 

"  Les  provinces  de  Colla  Suya  envoyaient  à  Cuzco  un  ou 
deux  enfants,  garçon  et  fille,  âgés  de  dix  ans  environ  et  appar- 


1.  l*.  Simon,  p.  ^48. 

2.  PicLlrahita,  1.  1,  ch,  iv. 

3.  Hisl.  du  Peiou.  I.  \l,  ch.  r 
.(-■  Oiuicf^arJo,  litctis,  p.  i6(i. 
5.  Saiila  Cruz,  Rccits,  p.  .S3. 


m 


172  hl.  I.  ORIGlNi:   1)1  s  INDIKNS   DT   NOUVKAlî-MONDK 

tenant  à  chaque  trilni.  1/inca  une  lois  assis  au  milieu  de  la 
l^rande  place,  les  entants  et  autres  otlrandes  étaient  jM-omenés 
deux  l'ois  autour  des  statues  du  créateur,  du  soleil,  du  ton- 
nerre serpent  aérien  et  de  la  lune.  1/inca  appelait  alors  les 
prêtres  de  chaque  province,  leur  ordonnait  de  diviser  les  ot- 
lrandes en  six  parts  et  de  les  présenter  à  leurs  huacas.  Les  en- 
fants étaient  alors  étrangles  et  enterrés  avec  de  l'or  et  de  l'ar- 
gent et  de  petites  idoles  représentant  des  hommes  et  des 
moutons.  Cet  inca  lit  ces  sacrilices  au  commencement  de  son 
règne,  alin  d'obtenir  la  santé  pour  lui  et  la  paix  pour  son 
royaume.  Ensuite  des  sacrilices  sanglants  étaient  oUerts  aux 
principales  idoles  dans  les  provinces'.  (Chaque  place  sacrée  re- 
ce\ait  la  part  qui  lui  avait  été  assignée  par  l'inca  à  Cu/co.  On 
étranglait  les  enfants  après  leur  avoir  donné  à  boire  et  à  man- 
ger, alin  qu'ils  ne  se  présentassent  pas  devant  le  créateur  ayant 
soif  ou  faim.  On  retirait  le  cceur  des  autres  victimes  dont  on 
ouvrait  la  poitrine  avec  un  couteau  d'obsidienne,  on  l'otlrait 
tout  palpitant  aux  idoles  que  l'on  barbouillait  de  sang  d'o- 
reille à  oreille.  (Quelquefois  on  ollrail  le  corps  avec  le  sang^  et 
linalement  on  l'enterrait  '.  » 

Les  Quitchuas  sacrifiaient  des  hommes  et  des  enlants,  mais 
ne  mangeaient  pas  leur  chair.  Seulement^  avec  le  sang  de  la  vic- 
time, ils  barbouillaient  la  face  de  l'idole  et  la  porte  du  tem- 
ple \ 

A  Hunoyan,  il  y  avait  deux  idoles  iuixquellcs  on  sacrifiait  des 
enfants,  parce  qu'on  disait  qu'elles  vivaient  de  chair  humaine  '. 

Ils  dépouillaient  les  victimes  de  leur  peau  et,  comme  au  Mexi- 
que, la  portaient  encore  toute  sanglante   . 


1.  M.  Kip.cst  Dcsiaitliiib,  dans  suii  ouM'ogi;  Le  l'cion  awiiil  la  cunqucte  espagnole, 
p.  l'ii,  raconte  qu'il  a  trouve  en  plubicurs  endroits,  cntie  autres  sur  la  route  Je  Lima 
à  Cuzco,  dans  un  endroit  nommé  Conlacha,  des  pierres  de  saerilices  qui  atlestciU  évi- 
dcninijiil  ce  euUe  sanguinaiie. 

2.  Molina.  HecUs,  pp.  .V)-.S("). 
j.  Benxone,  p.  2.i<S. 

4.  E.  Hernandez,  I'ii)uife  i}i  ai  >iaf;iS,]i.  tô. 
b.  Monte'sinos,  eh.  xxii. 


ET  I)K  I.EIR  Civil  ISATION         .  l'yS 

Joseph  d'Acosta  (.lit  qu'on  otlVait  souvent  des  victimes  hu- 
maines au  soleil  ou  à  Huiracocha   liv.  V,  ch.  xixi. 

Près  de  Cuzco,  il  y  avait  une  place  sacrée  nommée  Huana- 
caure,  et  sur  une  colline  était  un  téocalli  sur  lequel  on  sacrifiait 
des  victimes  humaines  '. 

Enlin  Balboa,  ch.  xvii,  raconte  que  des  Espagnols  laissés  à 
la  côte  de  Tumbez  par  Pizarro  turent  sacriliés  à  Tiksi  Huiraco- 
cha Pachacamac  dans  un  temple  de  la  vallée  de  Potnas,  près 
Quito. 

M.  de  Gasteinau,  1,  111,  p.  5,  pi.  LII^  décrit  un  vaisseau 
d'argile  d'une  collection  de  Cuzco  sur  lequel  est  représentée 
une  idole  tenant  des  tètes  humaines  par  les  cheveux.  Herrera, 
Balboa  conlirment,  par  leurs  récits,  l'existence  de  cette  horrible 
coutume.  C'était  surtout  à  la  léted'l'ma  Ka}mi  qu'on  Sacrifiait 
des  êtres  humains  à  Cuzco. 

Dans  ÏHistoria  cclesiaslica  de  iiiiestros  tempos  dcl  Domimcano 
fra  Alotr^o  Fenhwde\,  cet  auteur  affirme  que  les  hidiens  chi- 
liens sacrifiaient  des  hommes  à  leurs  divinités;  cette  opinion  a 
été  confirmée  par  (^ordova  y  Salinas.  Dans  le  pueblo  de 
Curacan  et  dans  beaucoup  d'autres  endroits,  on  a  retrouvé 
des  pierres  de  sacrifices.  "  Ces  sacrifices  injustes  et  barbares, 
[El  Cronicou,  liv.  1 ',  ch.  m  étaient  appelés  pruloncion  ou  chant 
de  la  victoire  et  bal  de  la  tète.  Ils  étaient  horribles,  suivant  la 
description  qu'en  a  donnée  Nunez  de  Pineda.  » 

Quand  ils  voulaient  tuer  un  prisonnier  de  guerre,  ils  le 
conduisaient  sur  la  place  d'armes  nommée  Lepan,  les  mains 
liées  derrière  le  dos,  la  corde  au  cou  et  là  toute  la  foule, 
surtout  les  vieilles  femmes  venaient  l'insulter,  on  dansait  autour 
de  lui  en  hurlant  :  (^u'il  meure,  qu'il  meure!  Ensuite  on  l'o- 
bligeait à  s'agenouiller,  on  lui  mettait  dans  la  main  un  certain 
nombre  de  petits  bàton^;  avec  l'un  d'eux  il  faisait  un  trou  dans 
lequel  il  jetait  tous  les  autres  en  nomn:iaat  à  haute  voix  quel- 
qu'un de  son  pays.    1mi  jetant  le  dernier,  il  se  nommait  lui- 


I .  C\c/..\,  cil.  xcxm . 


«74 


i)i:  i.  OKUiiNi';  i)r:s  iNUiiiNS  du  nolvi-au-mondk 


mC'me  en  disant  :  Je  suis  un  tel  (.'t  ici  je  m'enterre,  mon  dernier 
jour  est  arrivé;  "  et,  au  moment  on  il  couvrait  ce  hàton  de 
terre,  il  recevait  un  coup  derrière  la  tète  qui  lui  taisait  per- 
dre connaissance.  On  lui  ouvrait  alors  la  j^oitrine  avec  un 
couteau  d'obsidienne  ;  on  en  tirait  le  cœur  palpitant  ;  un  autre 
lui  coupait  la  tète  et  deux  autres  les  jambes  pour  faire  des  flûtes 
de  SCS  os.  Un  autre,  saisissant  le  cadavre,  le  portait  en  dehors 
de  la  place  pour  que  les  chiens  et  les  oiseaux  le  mangeassent. 
Le  cœur  au  bout  d'un  couteau  était  passé  au  tOL|ui  j^énéral  et 
à  tous  les  chefs  qui  en  mangeaient  un  morceau.  11  revenait  en- 
suite à  celui  qi'i  avait  ouvert  la  poitrine  et  qui,  avec  le  sang,  en 
teignait  les  flèches.  C^eux  à  qui  revenaient  les  jambes  et  les  bras 
en  enlevaient  les  chairs  et,  avec  les  os,  faisaient  des  flûtes 
avec  lesquelles  ils  faisaient  semblant  de  donner  l'alarme, 
en  faisant  trembler  la  terre  avec  leurs  pieds,  en  agitant  leur 
lance  et  en  vociférant.  Ils  taisaient  ensuite  avec  leurs  pieds 
rouler  la  tète  du  côté  de  l'ennemi  et  tout  en  lançant  des  bouf- 
fées  de  tabac  dans  cette  direction,  criaient  qu'ils  agiraient  de 
même  avec  tous  ceux  qu'ils  prendraient.  La  tète  était  clouée 
sur  un  pieu  et  exposée.  Ils  se  livraient,  après  cela,  à  de  nom- 
breuses libations  et  laissaient  le  corps  sans  sépulture.  Ils 
désossaient  la  tète,  mangeaient  la  cervelle  et  les  Caciques  bu- 
vaient dans  le  crâne,  comme  autrefois  les  .Scythes  (Rosale/, 
t.  1,  p.    12:^;. 

La  coutume  de  sacrifier  des  victimes  humaines  régnait, 
comme  nous  venons  de  le  voir,  dans  toute  lAmérique  et 
partout  on  cherchait  à  taire  le  plus  de  prisonniers  pour  les 
sacrifier.  Quelquefois  le  clergé  avertissait  le  chef  de  la  nation 
que  le  soleil  et  le  dieu  de  la  guerre  avaient  soif  de  sang  et  qu'il 
fallait  à  tout  prix  les  satisfaire. 

Ce  système  de  terreur  unie  à  la  férocité  apparaît  jusque 
dans  leurs  institutions  civiles.  Ainsi,  au  Mexique,  les  pre- 
miers conseillers  de  l'empire  étaient  le  prince  de  la  lance 
'mortelle,  le  déiruiseur  d'hommes,  le  répandeur  de  sang,  le 
seigneur  de   la    maison    noire.   Une   raison  que  ces  peuples 


i:r  UE  i,i;uK  civimsaiion 


'75 


barbares  invoquaient  pour  se  justilier,  était  qu'en  tuant  les 
prisonniers,  en  les  otirant  aux  dieux  et  en  mangeant  leurs 
chairs,  non-seulement  ils  taisaient  un  sacrilice  propitia- 
toire, mais  ell'rayaient  les  ennemis  de  TKtat  et  ne  taisaient 
qu'user  de  représailles.  Nous  avons  trouvé  dans  le  l'opol  vuh  un 
passage  tort  curieux  à  ce  sujet  :  .1  Chaque  jour,  dit  le  livre 
sacré  des  Quitchés,  les  guerriers  se  plaignaient  plus  amèrement 
des  insultes  dont  ils  étaient  l'objet,  lorsqu'ils  sortaient  dans  les 
chemins  pour  chercher  leur  subsistance  ;  alors  ils  s'appro- 
chaient de  i'ohil,  leur  dieu,  et  déposant  leurs  offrandes  à 
ses  pieds;  ils  lui  disaient  tristement  :  Hélas,  nous  ne  donnons  à 
I'ohil,  à  Avilix  et  à  (iagavit/  que  le  sang  des  bêtes  fauves  et 
des  oiseaux  et  nous  nous  contentons  de  nous  tirer  du  sang  des 
oreilles  et  des  coudes.  Prions-les  de  nous  donner  des  forces  et 
du  courage.  ()  I'ohil,  Avilix,  Gagavit/,  continuèrent-ils  avec 
plus  de  vivacité,  que  veut  dire  ceci  qu'on  tue  ainsi  les  hommes 
de  notre  peuple,  les  uns  après  les  autres;  et,  se  perçant  de  nou- 
veau les  coudes  devant  le  dieu,  ils  barbouillèrent  la  pierre  de 
leur  sang  et  en  arrosèrent  le  trou  de  la  pierre.  Mais  déjà  ils  ne 
voyaient  plus  la  pierre  ;  c'étaient  trois  jeunes  prisonniers  qui 
étaient  devant  eux.  Les  sacrificateurs  se  réjouirent  en  voyant 
le  sang.  Les  dieux  donnèrent  alors  des  signes  de  leur  puissance. 
Soyez  hommes,  dirent-ils  aux  guerriers.  » 

Cette  explication  semblerait  indiquer  que  quand  la  colonie 
aryo-touranienne  est  arrivée  en  Amérique,  les  tribus  sauvages 
ne  faisaient  aucun  quartier  à  leurs  ennemis  et  même  les  dévo- 
raient, ce  qui  aurait  amené  l'horrible  coutume  qui  existait  au 
Mexique  et  dans  TAmérique  centrale,  de  manger  les  chairs 
des  prisonniers  après  les  sacrifices  et  quelquefois  en  dehors 
des  sacrifices. 

"  Au  Mexique,  les  Indiens,  dit  Diaz,  p.  208,  mangeaient  de 
la  chair  humaine  comme  nous  du  bieul,  et  on  engraissait,  dans 
chaque  ville,  dcj  hommes,  des  femmes  et  des  enfants  que  l'on 
conservait  dans  des  cages  de  bois  pour  les  sacrifices  et  les  fêtes. 
De  la  même  manière  ils  tuaient  et  dévoraient  tous  les  prison- 


lyG  1)K   l.'OKKilNi:   DFS  INDIKNS  UV   NOrVKAOMON'ni: 

nicrs  '.  "  Suivaiii  (^o^olluJo,  liv.  IX,  ch.  xiv  :  "  Les  Itzae/,  et 
les  Cliinaiiiilcs,  au  N'ucatan,  mangeaient  leurs  prisonniers.  Au 
Honduras,  la  généralité  des  indigènes  ne  mangeait  pas  de 
chair  liumaine."  Herrera,  l\^  p.  i>'().)  .(  Les  Nicaraguaiens,  les 
(Ihorotegans,  les  Chontales  mangeaient  de  la  chair  humaine.  » 
lOvicdo,  1.  XLU,  ch.  m  «  Ils  ne  mangeaient  jamais  ceux  de  leur 
propre  tribu.  »  (Oviedo,  I.  XLll,  ch.  iii.i  't  Les  l'anches  étaient 
mangeurs  d'hommes,  mais  les  Indiens  du  royaume  de  la  Nou- 
velle-Grenade ne  Té  aient  pas.  »  Herrera,  V,  p.  (jo.i  »  Les 
Musos  et  les  Colvmas  augmentèrent  considérablement  après 
qu'ils  eurent  cessé  de  manger  de  la  chair  humaine.  "  iLact., 
liv.  IX,  ch.  IV.)  »  Les  habitants  de  (^)uunba}a  ne  mangeaient 
l^ias  de  chair  humaine,  exce}->té  dans  les  grands  lestins.  Les 
habitants  de  beaucoup  des  pays  bordant  le  i^érou  conservè- 
rent la  coutume  de  manger  de  la  chair  humaine  de  la  manière 
la  plus  bestiale  jusqu'à  ce  qu'ils  lussent  sous  la  domination  des 
hîcaSj  ou  sous  celle  des  Espagnols.  »  ililas  Valcra  in  (iar- 
cilaiu,  liv.  II.  ch.  vu.  "  Chez  les  Caribes,  il  était  détendu  de 
manger  les  femmes.  Ceux  qui  étaient  pris  jeunes  étaient 
engraissés  comme  des  poules,  pour  les  sacrifices.  »  i Martyr, 
p.  G., 

«  La  vengeance  portait  les  Guaranis,  par  représailles,  à  tour- 
menter les  vaincus,  et  même,  dans  beaucoup  de  tribus,  à  les 
manger  après  les  avoir  d'abord  bien  traités.  C'est  plus  particu- 
lièrement chez  les  Guaranis  qu'existait  cette  coutume  barbare. 
L'anthropophagie  n'avait  lieu  que  pour  les  prisonniers  de  guerre  ; 
elle  n'était  pas  commune  à  toutes  les  tribus  et  a  ce.ssé  dès  l'ins- 
tant de  la  conquête.  »  D'Orbigny,  p.  304.)  «  Les  hommes  Ca- 
raïbes des  îles  mangeaient  les  prisonniers  mâles.  "  Hisi.vciwt. 
(i55i),  p.  83.)  —  Pigatesta,  V\)yagi;de  Magellan  eu  i5nj,  p.  17, 
«  dit  que  les  Brésiliens  ne  mangeaient  que  leurs  ennemis.  C'é- 
tait aussi  la  coutume  primitive  des  Guaranis  du  Paraguay.   » 


I.  Il  y  e;i  a\ait  qucl.iiici'ois  qui  se  laissaient  t;agiici-  par  la  tristcs.sc,  au  tlctrinient  ilu 
but  l'cclicrchc,  il  n'était  pas  alors  Je  moyen  inyénieux  auxijuels  le  propriétairi;  n'eût 
recours  pour  Jisbiper  cet  abattement  sinj^ulier. 


Il    I)K  LliUK  CIVILISATION 


77 


:u- 


is- 


iConu'Utiirio  (.ic  Alvar  i\'u>U"{  Cabf^a  ih'  J'ijaj,  i54i,  p.  i5,  et  à 
la  côte  terme.  (Oviedo,  De  la  isla  cspai^uola'.  Barcia,  IJis/.  prini. 
de  las  biiiias,  cap.  x,  p.  i  5,  "  dit  que  les  (Jarihes  de  Cartliagène 
et  de  la  plus  grande  partie  de  la  cote  agissaient  de  mè-nie'  i-. 
Vm  résumé,  cette  coutume  ne  s'appliquait  qu'aux  prison- 
niers et  avait  un  double  but:  ell'rayer  l'ennemi  et  être  agréa-, 
blc  à  leurs  divinités.  Les  indiens  du  Chili  mangeaient  les  ca- 
davres après  les  sacrifices  '. 

Les  sacrifices  humains  et  l'horrible  coutume  de  manger  les 
chairs  des  victimes  sont  d'origine  asiatique.  On  les  retrouve 
chez  les  Scythes  et  les  l*erses,  jusqu'à  celle  de  se  revêtir  de 
la  peau  d(;  la  victime  après  l'avoir  écorchée  et  de  conserver 
cette  peau  sur  le  corps  jusqu'à  ce  qu'elle  tombât  en  lambeaux 
par  la  putrétàction. 

L'exposition  des  crânes  sur  des  autels  où  ils  étaient  lixéspar 
des  clous  à  crochet,  existait  également  chez  eux  :  "  Après  la 
victoire,  dit  Anquetil,  ils  se  désaltéraient  dans  le  crâne  de  leurs 
ennemis  et  se  faisaient  des  tapis,  des  housses  et  des  brides  avec 
leur  peau.  Ils  s'en  revêtaient  et  en  cou\  raient  leurs  carquois.  Ils 
regardaient  comme  un  honneur  de  montrer  attachée  à  la  porte 
de  leur  maison  la  tète  sanglante  d'un  ennemi^  et  les  ièmmes 
considéraient  avec  plaisir  ce  trophée  de  valeur  laisaiU,  pour  ainsi 
dire,  sucer  la  cruauté  à  leurs  enfants  avec  le  lait.  Ils  sacriliaienl 
des  victimes  humaines  au  dieu  de  la  guerre  et  consultaient  les 
entrailles  palpitantes.  Ils  tiraient  des  augures  de  la  manière 
dont  tombait  la  victime  ou  comment  coulait  le  sang,  a\ec  lequel 


hct. 
>7. 


Il  au 

eût 


1.  Mandicta,  pp.  loS-joy. 

•2.  '<  l'"ii  ihcsc  gciicialc,  on  ne  peut  pas  soulcnii-  >]uc  les  Indiens  du  Chili  aient  été  ja- 
mais cannibales.  Ce  qui  a  été  leeonnii  par  les  chroniqueurs,  c'est  que  dans  leurs  lêles, 
que  précédaient  oi\l  mai  renie  ni  leurs  expéditions  de  guerre,  ils  tuaient  un  priso.mier  qu'ils 
avaient  conservé,  et  que,  quand  le  cadavre  était  encore  palpitant,  ils  en  arrachaient  le 
cœur  pour  teindre,  avec  son  sang,  leurs  rièchcs,  et  le  répartir  par  morceaux  entre  les 
assistants,  comme  signe  d'une  haine  commune  et  ie  vengeance. 

Les  cas  où  la  faim  les  poussait  à  cette  horrible  extrémité  étaient  rares,  de  même 
qu'aujourd'hui  les  Fuégiens,  pour  le  même  motif,  sacriticnt  les  vieilles  lémnies,»  Torri- 
bio,  Los  aboi  tf^ciica  Jcl  Cliili,  p.  il 7. 


i7« 


l)i:   I.OKUilNI"  DIS   INDU  Nïi  |)i;   NOIiVKAM-MONDL 


ils  marquaient  les  arbres  les   plus  grands  de  leurs  hois;  ils 
laisaient  aussi  cuire  des  victimes  dans  des  marabouts.  » 

Les  Perses  sacriliaient  des  victimes  humaines  à  Miilira. 
I.ors  des  mystères  du  dieu  soleil,  leurs  prêtres  pratiquaient 
une  cérémonie  tout  à  tait  semblable  à  celle  qui  avait  lieu  au 
Mexique,  quand  on  célébrait  la  lète  du  dieu  des  châtiments. 
Des  Vestales  pétrissaient  avec  un  peu  de  tarine  et  du  miel  une 
statue  représentant  le  dieu  en  question. 

Mais  ce  n'étaient  pas  seulement  les  l^erses  et  les  Scythes  qui 
immolaient  des  victimes  humaines,  L'histoire  nous  apprend 
que  les  Ammonites  brûlaient  leurs  entants  en  l'honneur  de 
Moloch,  et  que  d  autres  peuples  de  la  terre  de  (^hanaan  étaient 
aussi  cruels.  Les  Israélites  imitèrent  cet  exemple  Nous  savons, 
par  le  témoit^nage  de  Manethon,  prètie  égyptien,  cité  par  Lu- 
sèbe  et  Césarée,  qu'à  Héliopolis  on  sacriliait  journellement 
trois  victimes  à  .lunon.  Les  Phéniciens  et  les  Carthaginois  sa- 
criliaient à  Ikial  et  à  Saturne,  les  Cretois  à  Jupiter^  les  Lacédé- 
moniens  à  Mars,  ies'lhessaliens  au  centaure  Chiron,  à  Pelée, 
Les  Druides  gaulois  ollraient  à  l'eutatès  le  corps  des  captifs, 
après  les  avoir  cruellement  massacrés  '.  On  les  brûlait  vivants 
en  présence  du  peuple  et  des  poètes,  qui  chantaient  des  hymnes 
belliqueux  en  s'accompagnant  sur  leur  harpe  d'or.  L,es  liardes 
de  la  (jcrmanie  sacriliaient  à  Tuixton,  les  Scandinaves  à  Odin. 

Les  Romains,  eux-mêmes,  ollraient  des  victimes  à  leurs 
dieux, 

A  la  même  époque,  l'Inquisition,  comme  le  fait  remarquer 
Prescott,  sacrifiait  en  Europe,  au  sein  des  nations  les  plus  avan- 
cées, plusieurs  milliers  d'hommes  que  l'on  torturait  en  vue  d'être 
agréable  à  l'Lternel. 

Les  sacrifices  chez  les  peuples  de  l'Amérique  étaient  sou- 
vent accompagnés  de  la  confession  auriculaire  et  de  la  com- 
munion.   Chez    les    Mexicains,    cette    confession    avait    lieu 


I.  Taciic,  Laciancc  et  Lucain  nous  attestent  cette  cvutlle  dégradation.  D'après  Tacite  et 
Dion  Cassius,  ce  turent  ks  Oauloib  qui  introJuisMeiit  en  Angletern;  les  sacrifices  liu- 
maiiis. 


KT  i)i:  i,i:ur<  civilisation 


17') 


an- 
l'trc 


licu 


lito  et 
hu- 


trc\]UL'!nmcnt,  quoiqu'elle  ne  tût  pas  obligatoire,  (leiix  qui  Je- 
inaïuiaiont  à  se  coiilesser  au  prêtre  étaient  ordinairenienl 
clés  vieillards  et  des  moribonds,  dont  la  conscience  était  très 
charf^éc.  Le  prêtre,  avant  d'entendre  le  pénitent,  lui  faisait,  sous 
tonne  de  serment,  toucher  la  terre  de  ses  mains,  et  lécher  la 
poussière.  1/aveu  de  ses  fautes  achevé,  il  lui  imposait  une  pé- 
nitence et  lui  donnait  l'absolution,  qui  avait  jtour  ell'et  de  re- 
mettre spirituellement  ses  péchés  et  de  l'acquitter  des  délits 
civils  qu'il  avait  commis. 

Au  Nicaragua,  le  prêtre  confesseur  jiortait,  comme  signe  dis- 
tinctif,  une  calebasse  pendue  au  cou. 

L,es  A/tèquesaviiient  une  sorte  d'eucharistie  et  faisaient  de  pe- 
tites idoles  avec  de  la  farine  et  i.\ii  sang  humain,  et  les  man- 
geaient comme  représentant  le  corps  de  leur  Dieu,  lorsqu'ils 
sacriliaient  à  une  de  leurs  divinités.  Les  'l'otonaques  commu- 
niaient de  la  même  manière.  Tous  les  trois  ans,  on  tuait  trois 
entants,  on  leur  arrachait  le  C(eur,  et  avec  leur  sang,  une  cer- 
taine gomme  et  de  la  farine  provenant  des  premières  graines 
des  jardins  de  leur  temple,  on  faisait  une  pâte  qui,  considérée 
comme  sacrée,  était  partagée  tous  les  six  mois  par  des  hommes 
au-dessus  de  vingt-cinq  ans  et  des  femmes  au-dessus  de  seize. 
Elle  était  donnée  généralement  après  la  confession.  On  appelait 
cette  pâle  la  nourriture  de  notre  âme.  Lors  de  la  fête  de  l'et- 
zaltipoca,  des  vestales  pétrissaient  avec  de  la  farine  de  maïs,  du 
miel  et  un  peu  de  sang  humain,  une  statue  qui  représentait  le 
dieu  en  question,  (^uand  la  statue  avait  été  transportée  sm"  la 
plate-forme  du  temple,  les  vestales  venaient  présenter  aux  iM-ê- 
tres  de  petits  morceaux  de  la  pâte  qui  avait  servi  à  former  l'idole, 
et  qui  avait  la  forme  d'os  humains  disposés  en  croix.  Les  prêtres 
bénissaient  et  consacraient  les  restes  précieux  de  cette  pâte, 
puis  ils  faisaient  approcher  les  victimes  et  consommaient  leur 
barbare  sacrifice.  Chaque  assistant  recevait  ensuite  un  morceau 
de  la  pâte  bénie  et  le  mangeait  avec  dévotion,  croyant  manger 
la  chair  de  son  dieu,  dont  Fattouchement  donnait  le  pardon 
de  tous  les  crimes  et  péchés  commis. 


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DF  I,  ORIGINr;  DES  INDIFNS  DU  NOUVEAU-MONDE 


Les  Perses  avaient,  dit-on,  une  cérémonie  entièrement  ana- 
logue lorsqu'ils  sacriliaient  à  Mitlira. 

On  retrouve  également  en  Amérique  le  jeûne,  les  vœux,  les 
mortitications,  l'ascétisme.  Le  jeûne  consistait  dans  l'abstention 
de  viande,  de  vin  ou  de  cliicha,  de  plaisir  charnel  ;  un  seul  re- 
pas par  jour  était  toléré,  il  précédait  toutes  les  létes  et  était 
prescrit  souvent  pour  tout  le  peuple.  Pendant  ce  temps,  aucun 
leu  n'était  allumé  dans  les  villes. 

Ils  ne  s'approchaient  jamais  des  autels  sans  les  teindre  de 
leur  sang,  tiré  de  leurs  oreilles,  de  leurs  bras,  de  leur  nez,  de 
leurs  parties  génitales.  Les  prêtres  et  les  nobles,  d'après  Her- 
rera,  au  Mexique,  tiraient  du  sang  dé"  leurs  cuisses  et  en  tei- 
gnaient leurs  temples  ainsi  que  les  lancettes  qu'ils  mettaient 
dans  des  torchons  de  pailie,  sur  les  créneaux  du  temple,  afin  que 
le  peuple  pût  les  voir.  Le  bassin  dans  lequel  ils  se  lavaient  après 
ces  mutilations  était  appelé  czapan,  c'est-à-dire  le  bassin  du  sang. 
Quelques-uns  d'entre  eux,  par  pénitence,  se  coupaient  les  parties 
génitales  ou  se  rendaient  impuissants  par  un  autre  moyen. 

Ils  avaient  des  couveiils  d'hommes  et  de  femmes  dans  les- 
quels vivaient  les  membres  des  diverses  congrégations.  Quel- 
ques-uns taisaient  vœu  de  chasteté  pour  toute  leur  vie  ;  d'autres 
pour  un  temps  limité.  Leurs  v(x;ux  quelquctois  concernaient 
leurs  entants  qu'ils  consacraient  au  service  des  dieux. 

Ils  avaient  aussi  des  ermites  ou  fakirs,  qui  passaient  leur  vie 
entière  en  extase  et  en  méditation  dans  une  caverne,  avec  un 
ara,  symbole  du  soleil,  lis  priaient,  dit  Clavigero,  toujours 
agenouillés,  la  face  tournée  vers  l'Orient.  L'ouverture  des 
portes  de  leurs  sanctuaires  était  à  l'est.  Ils  faisaient  souvent 
usage  du  nom  de  Dieu  pour  affirmer  la  vérité,  et  leur  serment 
habituel  était  le  suivant  :  <■  En  présence  de  l'Etre  suprême  qui 
me  voit,  je  jure,  etc.  "  En  même  temps  ils  touchaient  la  terre 
avec  leurs  mains  et  les  embrassaient  ensuite.  Ce  mode  de 
serment  était  commun  à  plusieurs  peuples  de  l'Asie. 

Les  Péruviens  avaient  également  la  confession  auriculaire 
en  secret,  suivie  de  la  communion  du  pain  et  de  chicha  consa-, 


ET  DE  I.KUR  CIVILISATION 


i8i 


cré  par  le  grand-prètrc.  Le  pain  était  pétri  avec  du  sang  hu- 
main et,  oien  que  Garcilazo  assure  que  le  sang  était  unique- 
ment celui  que  les  prêtres  se  tiraient  volontairement  du  corps, 
il  n'en  présente  pas  moins  un  rite  semblable  à  celui  des  Quit- 
chés  dont  il  est  si  souvent  question  dans  le  Popnl  viih.  \Ln 
voyant  cette  confession  auriculaire  et  cette  communion^  n'est-ce 
pas  le  cas  de  s'écrier  :  A7/  novi  snb  sole  ? 

Un  autre  rapport  qui  relie  les  peuples  d'Amérique  auv  Ma/- 
déites,  aux  IVrses  ou  aux  Scythes  et  aux  autres  peuples  de  l'an- 
tiquité, c'est  que  leurs  prêtres  exerçaient  l'art  de  la  magie  avec 
une  habileté  extraordinaire.  Le  Pnpol  vuli  cite  de  nombreux 
exemples  qui  marquent  l'influence  de  ces  magiciens.  Ainsi  les 
deux  héros  Hunapu  et  Lxbalanqué  ensorcellent  les  rois  et  les 
princes  Xibalba,  sous  la  ligure  de  deux  saltimbanques,  par  les 
prodiges  qu'ils  opèrent  en  spectacle  ^uiblic,  se  tuant,  se  ressus- 
citant tour  à  tour,  et  se  servant  de  tous  les  secrets  de  la  ma- 
gie pou"  surprendre  la  confiance.  Un  curieux  passage  de  Saga- 
hun  confirme  le  texte  du  livre  sacré  des  Quitchés  en  lui  servant 
en  quelque  sorte  de  paraphrase.  Les  prêtres  Mixtèques  ou 
Huastecans,  dit-il,  en  parlant  de  la  population  voisine  des  côtes 
de  Pamenco,  faisaient  des  tours  d'adresse  donnant  pour  vrai  ce 
qui  était  faux;  par  exemple,  ils  faisaient  semblant  de  brûler  des 
maisons,  de  faire  apparaître  des  poissons  dans  l'eaM,  de  se  cou- 
per par  morceaux  et  autres  tours  semblables.  » 

La  sorcellerie  et  les  modes  d'incantation  magique  étaient  les 
mêmes  chez  les  Mayas  que  chez  les  Toltèques  (Hist.  dit  Yn- 
catau,  liv.  I,  ch.  iv);  les  prêtres  magiciens  se  servaient  de  ser- 
pents, qu'ils  charmaient;  et,  à  l'aide  de  graines  de  maïs,  avec  les- 
quelles ils  composaient  toutes  sortes  de  cercles  et  de  figures  en 
prononçant  certaines  formules  mystérieuses  et  en  invoquant  le 
soleil,  la  lune  et  d'autres  astres,  ils  obtenaient  des  résultats 
très  curieux  .  » 


I.  Les  Mayus  obscivaiciit  allciilivcmcnt  le  clianl  des  oiseaux,  le  cri  des  animaux,  leur 
passage,  leur  vol  et  avaient  une  conliance  extrême  dans  les  songes- 


■r' 


182 


DE  L  ORIGINE  m  '^  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


11 


L'art  de  la  magie,  comme  on  le  sait,  a  pris  naissance  dans 
la  Médie  d'où  il  s'est  répandu  peu  à  peu  en  Chaldée,  en  Perse 
et  ailleurs.  Les  magiciens  de  la  Médie  et  de  la  Perse  passèrent 
toujours  pour  les  plus  habiles  '. 

Les  Mixtèques  et  les  Zapotèquos  avaient  dos  prêtres  chargés 
d'interpréter  les  songes  et  de  connaître  l'avenir  par  l'observation 
des  astres,  de  la  terre,  du  vent,  du  feu,  de  l'eau,  du  vol  df,'s 
oiseaux,  des  entrailles  des  victimes,  par  les  signes  de  la  figure 
ou  par  les  cercles  de  la  magie. 

Il  y  avait  également  en  Amérique  des  tireurs'd'horoscopes,  as- 
trologues en  même  temps  médecins  qui  abusaient  de  la  crédulité 
publique.  On  les  appelait  nagualistes  et  on  les  trouve  au  Cen- 
tre-Amérique et  au  Pérou.  «  Les  nagualistes,  d'après  M*^"^  Fran- 
cisco Nunez  de  la  Véga,  premier  évèque  de  Chiapaz,  se  piquaient 
de  savoir  régler  la  destinée  des  hommes  par  le  cours  et  le 
mouvement  des  astres,  en  observant  les  temps,  moments  du  jour 
et  les  mois  où  naissaient  les  enfants.  Us  prétendaient  deviner, 
pronostiquer  l'état,  la  condition,  les  événements  heureux  ou 
malheureux  de  la  vie  de  chacun  et  la  manière  de  gouverner  et 
de  diriger  les  actions  humaines.  Us  avaient  des  calendriers  qui 
leur  permettaient  de  savoir  à  quoi  correspondait  le  jour  de  la 
naissance  de  l'enfant  et  de  conclure,  avec  le  consentement  des 
parents,  un   pacte   qui  liait  lenfant  aux   naguals  jusqu'à   la 
mort^  de  telle  sorte  que  tous  deux  éprouvaient  les  mêmes  im- 
pressions et  les  mêmes  souffrances  '.  Les  nagualistes  préten- 
daient aussi  guérir  les  maladies  au  moyen  de  simples  et  de 
paroles  cabalistiques  et  jeter  des  sorts.  Ils  se  servaient,  pour 
faire  leurs  conjurations  de  neuf  signes,  comme  les  anciens  Scy- 
thes, les  Gètes,  les  Lamas,  les  Mongols,  les  Kalmouks  et  plu- 

1.  I.c  mot  maya  vient  pcut-ctrcde  là.  Les  magiciens  du  groupi.  maya  ont  été  cités  pat- 
tous  les  auteurs,  tandis  qu'on  ne  dit  rien  de  ceux  du  groupe  totlèquc. 

2.  l'orquémada,  Aloiurq.  ind.,  I.  III.  cli.  xlt,  rapporte  que  les  habitants  de  la  Nouvelle- 
(îrenade  croyaient  que  chaque  individu  contractait  une  alliance  avec  un  animal  ou  un 
oiseau  qui  s'appelait  nagual  et,  quand  l'un  mourait,  l'autre  ne  lui  survivait  pas.  Voilà 
encore  une  autre  preuve  frappante  de  la  civilisation  de  la  Nouvelle-Grenade  par  les 
Mayas. 


ET  DK  LEUU  CIVIL  ISA!  ION 


l83 


sieurs  peuplades  de  la  Sibérie.  Ces  sortes  de  sorciers  se  retrou- 
vent en  Asie  sous  le  nom  de  Chamans,  que  Strabon  nomme 
Cermanes,  prophètes,  ou  religieux,  ou  médecins,  dont  les  gri- 
maces, les  contorsions,  les  tours  de  Ibrcc  avaient  pour  objet 
de  faire  descendre  l'Esprit  saint  sur  les  hommes.  Chez  les  tri- 
bus sauvages  de  l'Amérique,  ces  chamans  étaient  en  grande 
faveur.  Ceux  du  Brésil  exigeaient  qu'on  dansât  autour  d'eux. 
Alors,  se  démenant  de  cent  manières  bizarres  et  lançant  la  fu- 
mée de  tabac  à  la  face  des  danseurs,  ils  leur  insufflaient  ainsi 
l'esprit  de  sagesse. 

En  Chine  et  en  Tartarie,  ces  mêmes  sorciers  portent  le 
nom  de  fong-choui  sien-seng,  maîtres  du  vent  et  de  l'eau.  On  les 
appelle  également  à  la  naissance  de  l'enfant,  on  ne  fait  rien 
sans  les  consulter,  et  ce  vSont  eux  qui  désignent  l'endroit  où 
doit  reposer  le  cadavre  en  même  temps  qu'ils  indiquent  à  la 
famille  ce  qu'elle  doit  faire  pour  que  l'âme  du  défunt  qui  ha- 
bite le  tombeau  et  le  gîte  de  la  famille  soit  heureuse.  Cette 
question  a  été  développée  dans  notre  Pieté  filiale  en  Chine. 

Les  Hue  hue,  dans  leur  payj  d'origine,  avaient  des  Noumi 
qui,  d'après  le  Tarik-djehan-Kroucha,  étaient  des  magiciens, 
se  disant  possédés  du  démon  avec  lequel  ils  entretenaient 
des  communications  :  ils  étaient  aussi  guérisseurs.  Le  Khan 
des  Oueigours  les  consultait  souvent. 

Tous  ces  peuples  étaient  très  superstitieux;  ils  croyaient  aux 
rêves,  et  avaient  des  devins  pour  les  interpréter.  «  Les  Péru- 
viens disaient  que  l'âme  laissait  le  corps  pendant  le  sommeil, 
qu'elle  ne  pouvait  pas  dormir  et  que  les  rêves  étaient  ce  que 
l'âme  voit  pendant  que  le  corps  repose.  Par  suite  de  cette 
vaine  croyance,  ils  prêtaient  beaucoup  d'attention  aux  rêves  et 
à  leur  interprétation,  en  disant  que  c'étaient  des  signf  ^  et  des 
présages  de  bien  ou  de  mal.  » 

Ils  avaient  des  diseurs  de  bonne  aventure. 

Quand  des  jumeaux  naissaient,  ils  étaient  convaincus  que 
c'était  en  dehors  de  la  nature  humaine  et  que  cela  annonçait 
une  calamité  pour  la  famille.  C'est  pourquoi  ils  tuaient  un  des  en- 


18.^ 


I)K,  I,  OHIGINK  DIS  INDIKNS  1)1)   NOUVF.Al'-MON'Dl 


tants  '  ;  ils  tuaient  cgr'.ment  la  l'cmmc  qui  avortait.  Ils  ne  fai- 
saient aucune  entreprise,  quand  ils  entendaient  le  cri  de  cer- 
tains oiseaux.  Jamais  ils  n'entraient  dans  une  maison  nouvelle- 
ment bâtie  avant  qu'un  devin  ou  sorcier  n'en  eut  chassé  le 
mauvais  esprit  \  Au.\  éclipses  du  soleil  ou  de  lune,  ils  faisaient 
un  grand  bruit  en  poussant  des  cris  et  en  faisant  aboyer  les 
chiens  pour  ellrayer  l'animal  qui  avalait  l'astre  '.  Ils  considé- 
raient ceux  qui  se  pendaient  comme  des  êtres  surhumains  et 
les  invoquaient.  Quand  ils  étaient  malades,  les  sorciers  leur 
prescrivaient  de  jeter  du  mais  blanc  sur  la  route  ou  de  mettre 
un  petit  chien  en  pâte  de  mais  sur  une  feuille  de  maguey 
alin  que  le  premier  passant  marchant  dessus  prit  lui-même 
la  maladie  ".  l'our  protéger  les  propriétés  contre  les  voleurs, 
ils  jetaient  à  l'entrée  des  écailles  de  tortue  qui  pouvaient,  si  on 
les  touchait,  donner  instantanément  la  lèpre.  Ils  avaient  des 
philtres  d'amour  en  forme  de  pilules.  Ils  étaient  convaincus 
qu'au  moyen  de  certaines  paroles  et  en  enfonçant  une  aiguille 
dans  le  ccuur  dune  personne,  ils  pouvaient  la  tuer   . 

Le  tremblement  des  paupières  était  considéré  comme  un 
mauvais  signe. 

Quand  ils  étaient  près  du  feu  et  que  des  étincelles  étaient 
produites,  ils  craignaient  qu'on  ne  vînt  les  ennuyer.  Quand  ils 
coupaient  les  cheveux  de  leurs  enfants,  ils  laissaient  une  toulfe 
derrière  l'occiput,  autrement  l'enfant  serait  tombé  malade  ". 
Si  la  terre  tremblait  dans  un  endroit  où  se  trouvait  une  femme 
enceinte,  ils  couvraient  les  pots  ou  les  brisaient,  afin  qu'ils  ne 
pussent  pas  être  remués,  et  disaient  que  ce  tremblement  de 
terre  était  un  signe  que  le  ma'is  conservé  pourrirait. 

Quand  un  voyageur  rencontrait  de  larges  pierres  jetées  sur 


1.  Motolinij,  p.  i  iu. 

2.  Cogolludo,  liv.  IV. 

3.  La  mcmc  idée  cl  le  môme  fait  se  retrouvent  chez  les  Chinois  et  les  Hindous  pour 
l'éclipsc. 

4.  Motolinia,  p.  1  3o. 

5.  Cogolludo,  liv.  D. 

6.  Mendieta,  p.    1  10. 


:-ll 


R. 


ET  DE  I,EUH   CIVILISATION 


i85 


la  route  pour  faciliter  le  passage,  il  les  invoquait  en  mettant 
une  branche  sur  elles  et  se  frappait  les  genoux  avec  une  autre  : 
par  ce  moyen  il  évitait  toute  fatigue.  C'était  une  tradition  de 
leurs  ancêtres.  Quand  ils  se  mettaient  en  route,  au  lever  du 
soleil,  et  qu'ils  craignaient  de  ne  pouvoir  arriver  au  village 
avant  la  nuit,  ils  déposaient  une  pierre  sur  le  premier  arbre 
qu'ils  rencontraient,  en  priant  le  soleil  de  leur  permettre  d'ar- 
river; ou  bien  ils  s'arrachaient  quelques  Si\s  cl  les  soufflaient 
dans  la  direction  du  soleil  '. 

Ils  ne  permettaient  pas  qu'on  prit,  avant  un  certain  temps, 
du  feu  d'une  maison  dans  laquelle  se  trouvait  un  nouveau-né, 
disant  que  lorsque  l'enfant  serait  grand,  il  détruirait  les  mai- 
sons par  le  feu  '. 

Quand  ils  bâtissaient  une  maison,  ils  mettaient  un  cadavre 
au  milieu  des  fondations  pour  qu'il  protégeât  la  maison  '. 

Ils  croyaient  que  le  bruit  qu'on  entendait  soit  d'un  côté,  soit 
de  l'autre,  ou  le  bourdonnement  d'oreille,  indiquait  un  bon  ou 
un  mauvais  présage  '. 

Les  femmes  nttachaient  <^e.  petites  pierres  à  de  plus  grosses, 
avec  des  cordons  de  laine,  pour  avoir  des  enfants  . 

Il  ne  fallait  pas  enfoncer  une  alêne  ou  une  aiguille  dans  un 
tison  brûlant  sur  le  feu.  Il  n'était  pas  permis  non  plus  de 
prendre  un  charbon  allumé  avec  un  couteau  ou  instrument 
tranchant,  ni  de  toucher  le  feu  avec  un  couteau,  ni  même  de 
tirer  de  la  viande  hors  d'une  marmite  avec  un  couteau,  ni  rien 
couper  près  du  feu  avec  une  hache.  Ils  croyaient  que  de  cette 
manière  ils  nuiraient  au  feu.—  Au  Kamtsohaka,  c'était  un  pé- 
ché de  prendre  un  charbon  ardent  avec  la  pointe  d'un  couteau 
pour  allumer  la  pipe  :  il  (allait  s'en  saisir  avec  les  mains  nues. 
Joanès  de  Piano  Garpin  décrivant,  en  1646,  les  mœurs  et  les 


I.  Cogolludo,  liv.  IV,  ch.  viii. 
:i.  Xinunoz,  p.    liS. 

3.  Xiiiunic.j,  p.  166. 

4.  Garcilazo. 

3.  Ari'iaga,  p.  34. 


Pi 


i86 


ni'.  I.dHUilNI':  HKS  INDIENS  DU   NOlVIiAU-MONDK 


coutumes  dcsTartarcs,  dit  qu'ils  avaient  exactement  les  mêmes 
superstitions. 

En  Amérique,  si  un  coq  chantait  entre  dix  ou  onze  heures 
du  soir,  on  le  tuait  et  on  regardait  son  chant  comme  un  mau- 
vais présage.  La  même  superstition  se  retrouve  en  Chine  et 
en  Perse. 

Nous  n'en  finirions  pas  avec  ces  croyances  superstitieuses 
qui  se  retrouvent  presque  toutes  dans  l'ancien  continent  et 
surtout  en  Chine. 


FT  DE  LliL'R  CIVILISATION 


187 


L'ORIGINE 


DE   LA   CIVILISATION   INDIENNE 


PROUVÉE  PAR  LA  PHILOLOGIE  COMPARÉE 


Nous  avons  dit  plus  haut  que,  rassemblés  dans  le  même 
lieu,  à  une  certaine  époque,  tous  les  peuples  adoptèrent  le 
même  système  religieux  et  que  leurs  groupes  ne  se  séparèrent 
pas  avant  que  l'on  eût  trouvé  des  termes  pour  rendre  des  con- 
ceptions aussi  susceptibles  de  développement  ultérieur  que  les 
idées  de  Dieu,  de  mauvais  esprit,  de  ciel,  de  choses  sacrées, 
de  l'adoration  et  de  la  croyance. 

Les  différentes  formes  de  la  religion  et  de  la  mythologie 
aryenne  dans  Tlnde,  la  Perse,  l'Italie,  la  Germanie  et  l'Amé- 
rique, sont  par  ce  grand  fait  liées  à  la  philologie  comparée  que 
l'on  pourrait  appeler  la  physiologie  du  langage.  Cette  science, 
par  une  simple  classification  des  langues,  par  une  analyse  ri- 
goureuse des  mots,  a  répandu  une  lumière  éblouissante  sur 
les  époques  les  plus  obscures  de  l'histoire  de  l'homme.  Elle 
est  le  meilleur  moyen  pour  expliquer  l'origine  des  peuples  sans 
annales,  faire  connaître  leurs  migrations,  et  en  suivre  les  tra- 
ces; car,  s'il  est  de  ces  mots  que  le  hasard  seul  fait  retrouver 
chez  des  nations  éloignées,  il  en  e:t  d'autres  qui  tiennent  aux 
usages  privés,  aux  mœurs,  aux  coutumes  intimes,  aux  croyan- 
ces religieuses  et  qui  ne  peuvent  se  transmettre  que  par  un 


i88 


i)i:  I,  OHKiiNh:  ni;s  indikns  du  noiivk.ai'-mondi: 


contact  bien  prouve;  ci,  quand  ce  contact  peut  être  démontré 
historiquement  et  f^éof^raphiquement,  l'incertitude  sur  leur  ori- 
gine commune  doit  cesser  à  mesure  que  les  preuves  s'accu- 
mulent. 

Quoi  que  lassent  les  années,  les  événements,  le  changement 
de  pays,  le  contact  d'autrui  ou  le  mélange  des  races,  l'homme, 
de  même  que  la  langue,  demeure  pour  le  fond,  à  toute  époque 
de  son  existence,  ce  qu'il  était  au  point  de  départ.  Bien  que 
divisées  par  la  grammaire  et  le  vocabulaire,  les  langues  sont 
soumises  à  certaines  intlucnces  supérieures  qui  déterminent 
parmi  elles  des  tamilles,  des  groupes  distincts.  Des  idiomes, 
quoique  très  inégalement  avancés,  peuvent  avoir  des  liens  de 
parenté  visibles.  .lamais  une  langue  ne  se  soustrait  complète- 
ment, sous  le  rapport  grammatical,  comme  sous  le  rapport 
phonétique,  aux  habitudesqu'ellea  reçues  en  quelque  sorte  avec 
le  sang.  Les  modilications  qui  s'opèrent  dans  sa  vie  ne  la  font 
point  sortir  de  la  condition  mémo  de  son  être.  Elle  ne  peut  bri- 
ser son  organisme  ni  etiaccr  complètement  sa  marche  origi- 
nelle; jusque  dans  l'euphonie,  la  prononciation,  1  analyse  des 
sons,  on  peut  reconnaître  sa  source  primitive. 

Aussi  nous  croyons  que  les  trois  langues  mères  de  Sem,  de 
Cham  et  de  .laphet  ',  ou  des  trois  races  premières,  sont  parlées 
encore  aujourd'hui  et  que  les  langues  des  nations  sémitiques 
ou  aryennes  ne  sont  que  des  variétés  de  la  langue  primitive  de 
leurs  premiers  ancèties. 

Nous  croyons  également  que  les  langues  parlées  par  les  na- 
tions de  race  mongole  ne  sont  que  des  variétés  de  la  langue 
primitive  et  que,  comme  les  peuples  d'Amérique  tiraient  leur 
origine  de  la  race  mongole  et  leur  civilisation  de  la  race 
aryenne,  tous  les  idiomes  employés  pour  communiquer  leurs 


I.  M.  Williams  Jones,  président  de  la  Société  de  Calcutta,  dans  un  discours  remar- 
quable prononce  en  1792,  le  l'i  janvier,  dit  :  »  Dans  mon  opinion  on  peut  prouver  d'une 
manière  incontestable  ijue  la  première  race  des  Perses  et  des  Indier.s  auxquels  nous 
pouvons  ajouter  les  Romains,  les  Grecs,  les  Goths,  les  Scythes  et  les  ligyptiens,  ont 
originairement  parlé  la  mèine  langue  et  professé  la  même  religion.  » 


:i!:;!; 


1:11; 


ET  1)F'  LEUR   CIVIMSATION  I  89 

idées,  maigre  leur  iiomhre  considérable,  n'étaient  ciiie  des  Lv  an- 
ches ou  rameaux  des  deux  grandes  familles  ai/ennc  ■*  ougro- 
tartarc. 

«  Si  nous  sommes  ce  que  nous  sommes,  a  dit  Max-Muller, 
non  seulement  parla  chair  et  le  sang,  mais  par  la  ;  ensée  et 
la  langue,  c'est  parmi  les  nations  de  la  (jrèce  et  de  l'Italie,  de 
rhide  et  de  la  Perse,  que  nous  devons  '.louver  nos  vrais  pa- 
rents, nos  vrais  proches  ;  nos  véritables  ancêtres  reposent  en- 
sevelis dans  cette  patrie  centrale  de  la  race  aryenne  d'où  émi- 
grèrent,  à  une  époque  bien  antérieure  au  xv*^^  siècle  avant  Jésus- 
(^hrist,  ceux  qui  apportèrent  à  l'Inde  la  langue  des  Védas  et 
aux  ri\ages  de  la  mer  Kgée  la  langue  des  poèmes  homériques. 
La  science  du  langage  a  prouvé,  ajoute-t-il,  de  la  manière  la 
plus  claire,  l'identité  primitive  de  la  structure  grammaticale  du 
sanscrit,  du  perse,  du  grec,  du  latin  et  des  dialectes  teutoni- 
ques,  slaves  et  celtiques.  « 

(le  que  l'on  ignore  jusqu'à  présent,  c'est  le  nom  de  l'ancêtre 
commun  de  toutes  ces  langues  '.  Ktait-ce  le  sanscrit  ou  le  perse  ? 
Les  t)pinioiis  des  savants  sont  très  divisées  à  ce  sujet. 

Aux  époques  les  plus  anciennes  apparaissent  le  perse  et  le 
/end.  Suivant  Hérodote,  les  Scythes  parlaient  le  zend,  la  plus 
vieille  langue,  dit-il,  de  ces  contrées,  et  des  dialectes  médo-scy- 
thes.  Le  zend  était  la  langue  de  la  lîactriane  et  des  pays  en- 
vironnants. Schlezer,  dans  son  iXesior,  prétend  que  la  langue 
scythe  était  semblable  à  l'idiome  perse.  Heeren  va  plus  loin  ; 
il  dit  que,  comme  il  résulte  des  langues  de  la  famille  perse, 
ainsi  que  des  témoignages  exprès  de  l'antiquité,  que  les  dif- 
férents dialectes  de  celte  langue-mère  étaient  réellement  des 
branches  du  même  tronc,  les  peuples  qui  les  parlaient  devaient 
appartenir  à  la  même  famille. 


I.  L'on  doit  admettre  que  longtemps  avant  les  plus  anciens  documents  littéraires  du 
sanscrit,  qui  remontent  jus.yi'à  mille  cinq  cents  ans  avant  notre  ère,  longtemps  avant 
Homère,  longtemps  avant  la  première  apparilio.i  des  langues  latines,  celtiques,  germa- 
niques et  slaves,  il  a  dû  exister  une  première  langue,  langue  pure,  primitive,  qui  a  été  la 
source  de  tomes  celles  que  nous  venons  de  nommer.  Essais  sur  la  mythologie  compa- 
rée, Max-Muller,  p,  ïih  ) 


I  ()() 


m:  I.  ouu'.im:  I)I:s  indiins  du  nol;vi;au-m  )Nni' 


Ainsi,  le  sanscrit  ne  serait  qu'un  rameau  Je  ce  niemc  fronc. 
Si  Ion  veuf  savoir  pourquoi,  dit  Tyksen,  le  sanscrit,  cette 
source  commune  des  dialectes  indiens,  présente  pour  le  lond 
et  la  forme  la  plus  exacte  analogie  avec  le  perse,  ce  que 
Paulinius  a  reconnu  de  son  côté ,  on  n'a  qu'à  consulter 
les  traditions  et  l'histoire  qui  nous  apprennent  que  les 
plus  anciens  liabitnnts  de  l'Inde  de  race  noire  ou  négroïde 
se  rapprochant  de  la  race  éthiopique,  turent  envahis  par 
des  peuples  très  voisins  de  la  race  tartare  alliée  à  la  race 
finnoise,  et  que  ces  tribus  désignées  sous  le  nom  de  Dravi- 
diennes  ou  Draviriennes  furent  à  leur  tour  soumises  par  les 
Aryas  qui  leur  imposèrent,  avec  leur  civilisation,  leur  propre 
langue. 

Ainsi  le  zend  et  le  perse  seraient  les  langues  les  plus  ancien- 
nes; c'est  en  zend  que  les  deux  tiers  du  /end-avesta  sont  écrits. 
Le  zend  a  fait  place  au  pehivi  sous  les  Sassanides;  est  venu 
ensuite  le  perse,  dialecte  de  Farsistan^  d'oi!i  est  dérivé  le  per- 
san moderne. 

La  famille  ougro-tartare  comprend  cinq  branches  :  Tougrienne 
avec  l'ostiak,  le  samoyède,  le  vogoul  et  différents  autres  dia- 
lectes de  la  Sibérie;  la  tartare,  à  laquelle  se  rattachent  le  mon- 
gol, l'ouïgour,  le  mandchou  et  le  turc;  la  japonaise  avec  le 
coréen  ;  la  finno-ougrienne  ou  tchoude,  embrassant  le  soumi 
ou  finlandais^  l'esthonien,  le  lapon  et  le  magyar;  enfin  les 
langues  monosyllabiques  telles  que  le  chinois,  le  thibétain,  le 
siamois,  etc. 

Toutes  les  langues  américaines  dérivent  de  ces  deux  sou- 
ches. Quelques  peuples,  comme,  par  exemple,  les  Otomites, 
ont  conservé  leur  langue  primitive  qu'ils  avaient  en  venant 
dans  le  nouveau  continent.  D'autres  ont  laissé  de  côté  leur 
idiome  national  pour  prendre  ceux  de  la  colonie  touranienne. 
Mais  il  a  dû  arriver  que  les  deux  familles  de  langue  se  sont 
mélangées  plus  ou  moins,  suivant*les  tribus,  tant  au  point  de 
vue  de  la  grammaire  que  du  vocabulaire,  de  manière  à  for- 
mer de  nouveaux  idiomes^  différant  sans  doute  par  certains 


hr  DR  I.K.ur*  CIVIIISMION 


loi 


caractères,  mais  ayant  la  même  pliysionomic  grammaticale  '• 

«  l"^n  Amérique,  depuis  le  pays  des  Ksquimaux,  dit  Vater, 
jusqu'aux  rives  de  l'Orénoque,  et  depuis  les  réj^ions  tropicales 
jusqu'au  détroit  de  Magellan,  les  langues  ont,  pour  ainsi  dire, 
une  même  physionomie.  On  reconnaît  des  analogies  frappantes 
de  structure  grammaticale,  non-seulement  dans  les  langues 
perfectionnées  comme  le  quitchua,  l'aymara,  le  guarani,  le 
mcxicaip.  et  le  maya,  mais  aussi  dans  les  langues  les  plus 
I  ossières.  » 

«  Nous  avons  comparé,  dit  à  son  tour  d'Orbigny,  les  nom- 
breux vocabulaires  des  langues  américaines,  recueillis  dans  le 
cours  de  notre  voyage,  et  dont  presque  tous  sont  inconnus  aux 
philologues.  Cette  comparaison  nous  a  convaincu  de  la  vérité 
du  principe  d'uniformité  entre  los  idiomes  du  Nouveau-Monde. 
Tous  ont  un  mécanisme  intt  u  .  nalogue,  les  règles  gramma- 
ticales sont  presque  toujours  ,tiisines  pour  toutes.  Seulement, 
il  faudra  chercher  si  la  comparaison  des  racines  composantes  et 
c'es  mots  donnera  le  même  résultat.  » 

Ce  qui  caractérise  par-dessus  tout  les  langues  américaines, 
c'est  une  tendance  marquée  à  l'agglutination.  Les  mots  s'agglo- 
mèrent par  contraction  en  supprimant  une  ou  plusieurs  sylla- 
bes des  radicaux  combinés,  et  les  mots  ainsi  formés  sont  trai- 
tés comme  des  mots  simples,  susceptibles  d'être  employés  et 
modifiés  comme  eux.  Cependant  ces  langues  ne  repoussent  pas 
les  flexions  proprement  dites.  «  Cette  propriété  de  créer  une 
quantité  inépuisable  et  très  variée  de  nouveaux  composéSj  en 
même  temps  que  pouvoir  de  former  des  mots  par  suffixes  et 
par  addition  de  particules  modifiantes,  les  fait  ressembler  beau- 
coup au  sanscrit,  au  grec,  au  teutonique  et  au  slave  ".  » 

Parmi  les  langues  de  souche  aryenne,  une  des  principales  est 
le  iahualt  ou  mexicain,  qui  a  couvert  de  ses  ramifications  une 
grande  partie  du  Nouveau-Monde.  On  en  trouve  des  traces 


1.  MithriJah;  t.  lU,  p.  38.S. 

2.  Uuchman,  i  9. 


192 


DE    L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


dans  rAmérique  du  NorJ,  chez  les  Esquimaux,  les  Athapaskias, 
les  Kolushi,  les  Ugalçamaniutsi  ',  sur  les  bords  du  rio  Gila,  du 
Mississipi,  dans  les  vallées  du  Nouveau-Mexique,  au  Texas, 
dans  les  provinces  de  Sonora,  de  Sinaloa,  de  Chihuahua,  et 
de  Durango.  Dans  l  Anahualt  proprement  dit,  sur  une  grande 
partie  du  plateau  a/tèque,  c'était  la  langue  dominante,  en  même 
temps  que  la  langue  des  cours,  otîicielle  et  diplomatique.  On 
la  retrouve  dans  tous  les  lieux  où  les  Toltèques  avaient  pénétré, 
au  Yucatan,  au  Chiapas,  au  (îuatémala,  au  Salvador,  Hondu- 
ras, Nicaragua,  Costarica,  Darien,  enlin  dans  l'empire  des  Incas. 

Le  maya,  la  langue  du  groupe  Colhuaque,  était  parlé  dans 
une  partie  du  Mexique,  le  V'ucatan,  le  Chiapas,  le  Guatemala 
et  l'Amérique  du  Sud. 

«  M.  l'abbé  Brasseur  de  Bourbourg  est  d'avis  que  le  nahualt 
et  le  maya  sont  sortis  du  même  tronc,  et  a  trouvé  que  tous  les 
vocables  du  groupe  qu'il  nomme  mexico-guatémalien  sont  com- 
posés de  racines  communes.  Les  mots  sont  formés  de  racines 
monosyllabiques  au  nombre  de  treize  à  quatorze  cents  environ, 
à  l'aide  desquels  se  déploie  tout  le  mécanisme  de  ces  langues. 
La  syllabe  radicale  se  découvre  facilement  dans  les  mots.  Ces 
monosyllabes  sont  à  la  iin  des  racines  substantives  et  verbales. 
Les  mots  composés  abondent  dans  les  différentes  langues  du 
groupe;  à  l'exception  du  nahualt,  ils  sont  généralement  formés 
par  juxtaposition.  L'élision  y  existe  autant  que  dans  les  langues 
européennes.  La  source  la  plus  riche  de  la  formation  des  mots 
est  la  dérivation.  Les  dérivés,  pour  la  plupart,  sont  formés  par 
des  afïixes,  mais  cette  règle  n'est  pas  exclusive,  et  le  nahualt, 
en  particulier,  offre  fréquemment  des  mots  commençant  par  un 
préfixe  '.  >' 

«  En  outre,  ajoute-t-il,  les  sources  d'un  grand  nombre  de 
mots  appartenant  aux  langues  indo-européennes,  sources  sou- 


1.  Voir  plus  haut,  pp.  SS-':iij. 

2.  La  langue  maya,  comnio  nous  l'avons  Jci.'i  ilit,  est  une  des  langues  les  plus  Jures 
qui  existent  comme  prononciation;  les  gutturales  prédominent,  et  il  y  a  prédominance 
des  aspirées  et  des  patales. 


ET  OK  LFUR  CIVILISATION 


193 


U 

}s 


te 


vent  difficiles  à  découvrir  nettement  dans  les  idiomes  de  l'Inde 
et  de  la  Germanie,  se  montrent  de  la  façon  la  plus  claire  et  la 
plus  distincte  dans  les  monosyllabes  radicaux  du  groupe  mexico- 
guatémalien.  11  existe  un  rapport  très  étroit  entre  les  gram- 
maires maya  et  nahualt  et  les  grammaires  grecque  et  latine, 
de  même  que  Bopp  l'avait  remarqué  entre  ces  dernières  et  le 
sanscrit.  L'examen  des  langues  grecque  et  latine  nous  a 
convaincu  que  ceux  qui  en  portèrent  les  formes  en  Europe,  ou 
vice  l'crsa,  avaient  dû  se  trouver  en  relations  avec  le  quitché  et 
le  mexicain  avant  de  se  séparer  définitivement  du  pays  de  leur 
berceau.  En  effet,  la  plupart  des  formes  grammaticales  et  des 
vocables  grecs  et  latins,  que  le  maya  ne  présente  pas  à  première 
vue,  se  retrouvent  dans  le  nahualt  et  le  quitché.  Quand  on 
compare  les  temps,  les  modes,  les  différentes  classes  de  verbe, 
les  conjonctions,  les  prépositions,  dont  un  grand  nombre  sont 
identiques  dans  le  maya,  le  grec  et  le  latin,  on  est  convaincu 
qu'il  existe  entre  ces  trois  langues  de  grandes  aflinités.  Nous 
soutenons  également  que  ces  langues,  quoique  agglutinantes, 
ne  repoussent  pas  les  flexions,  et  qu'après  tout  elles  ne  sont  pas 
plus  agglutinantes  que  le  grec  et  le  latin.  » 

Pour  prouver  son  assertion,  dans  son  dictionnaire  de  la  lan- 
gue maya,  le  savant  philologue  a  fait  un  travail  comparatif  des 
racines  mayas,  grecques  et  latines,  et,  dans  son  vocabulaire 
de  la  langue  quitché,  il  montre  les  analogies  qui  existent  entre 
un  grand  nombre  de  mots  quitchés  et  germains.  11  a  reconnu 
aussi  des  similitudes  frappantes,  non-seulement  dans  les  radi- 
caux et  les  mots  qui  en  sont  dérivés,  mais  aussi  dans  les  formes 
grammaticales  dont  les  plus  essentielles  sont  communes  au  teu- 
ton et  au  groupe  mexico-guatemalien  (Nahualt- Maya  '). 

Il  a  trouve;  également  une  grande  ressemblance  entre  des  ra- 
cines du  groupe  maya- guatémalien  et  des  radicaux  de  l'ancien 
égyptien. 


les 

ICC 


I.  MM.Tsclludi  et  Rucro  ont  rccon;m  de  grandes  analogioà  entre  le  groupe  mexico- 
maya  et  les  doux  langues  aymara-quitclma. 


194 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU   NOUVEAL'-MONDE 


M.  Lopez  (Vicentc),  dans  un  livre  intitule  «  Les  races  aryen- 
nes du  Pérou,  leur  langue,  leur  religion,  leur  histoire  »,  a  cher- 
ché, de  son  côté,  à  démontrer  que  le  quitchua  est  une  langue 
aryenne  agglutinante,  et  arrive  à  la  même  conclusion  que  l'abbé 
Brasseur  : 

<(  Quand  je  dis  du  quitchua  que  c'est  une  langue  aryenne, 
»  je  ne  voudrais  pas  que  l'on  exagérât  par  trop  la  portée  et  le 
«  sens  de  mes  paroles.  Je  n'ai  nullement  la  prétention  de  sou- 
«  tenir  que  l'on  doive  retrouver  dans  les  formes  secondaires 
«  toutes  les  formes  correspondantes  du  sanscrit,  du  zend  et  des 
"  idiomes  congénères.  Le  système  grammatical  dill'ère  un  peu, 
"  quoique  la  déclinaison  contienne  de  véritables  llexions  qui 
"  présentent  une  analogie  frappante  avec  les  llexions  aryennes. 
«  Mais,  si  l'on  passe  à  l'élude  des  racines  qui  ont  constitué  et 
n  les  mots  et  les  formes  elles-mêmes,  on  est  bientôt  forcé  de 
«  reconnaître  que  toutes  ces  racines  se  retrouvent  avec  le  même 
«  sens,  les  mêmes  fonctions  et  les  mêmes  dérivations  que  dans 
«  les  langues  aryennes,  et  principalement  dans  le  rameau  pélas- 
<i  gique.  Le  quitchua  appartient  donc  primitivement  à  la  même 
"  famille  que  les  langues  aryennes.  Mais,  en  même  temps,  pour 
"  expliquer  les  divergences  capitales  que  présente  sa  constitu- 
■1  tion  grammaticale,  il  faut  ajouter  qu'il  a  dû  se  séparer  de  la 
'I  langue-rnère  à  une  époque  où  cette  langue  ne  se  servait  pas 
"  encore  du  système  accompli  des  flexions,  et   cherchait  sa 
Il  forme  définitive.  Pour  tout  dire  en  deux  mots,  le  quitchua 
Il  est  une  langue  aryenne  agglutinante,  et  je  puis  citer  à  l'appui 
Il  de  ma  délinition  le  nom  et  l'autorité  des  savants  les  plus 
Il  éminents  de  notre  époque,  MM.  Bunsen,  Pott,  Max  MuUer 
Il  qui,  les  premiers,  ont  avancé  la  théorie  sur  laquelle  je  m'ap- 
"  puie.  Je  me  contenterai  d'établir  comme  un  tait,  avec  M.  Pott, 
«  que  la  formation  du  sanscrit,  tel  qu'il  nous  est  parvenu,  a 
Il  été  précédée  d'une  période  d'extrême  simplicité  et  d'extrême 
"  absence  de  flexions,  laquelle  nous  est  encore  représentée  par 
Il  le  chinois  et  les  langues  monosyllabiques.  J'ajouterai  même^ 
«  avec  M.  Max  Muller,  qu'il  est  impossible  absolument  qu'il 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


I9D 


H 


"  en  ait  ctc  autrement.  N'est-il  pas  simple  et  naturel  d'admettre 
"  qu'une  langue  dont  toutes  les  racines  indiquent  l'origine 
«  aryenne  séparée  par  le  hasard  des  migrations  de  ses  sœurs 
"  asiatique  et  européenne,  et  continée,  pendant  des  siècles,  au 
<(  cœur  de  l'Amérique  méridionale,  se  soit  vue  arrêtée  dans  sa 
"  période  transitive  par  un  commencement  de  concentration 
Il  politique  et  sociale,  et  se  trouve  ainsi  avoir,  avec  un  fonds 
«  tout  aryen,  des  accidents  grammaticaux  que  l'on  est  accou- 
"  tumé  à  ne  rencontrer  que  dans  d'autres  lamiiles  ?  C'est  là, 
"  précisément,  le  cas  du  quitchua,  si  je  parviens  à  démontrer 
"  d'une  façon  satisfaisante  qu'il  a  toutes  ses  racines  aryennes  et 
"  présente  avec  le  sanscrit  une  origine  commune.  » 

Cette  hypothèse  est  d'autant  plus  admissible  que  cette  trans- 
formation graduelle  dont  parle  M.  Lope/  se  remarque  surtout 
dans  le  sanscrit.  Au  début,  dans  le  Rig-\'éda,  la  langue  appa- 
raît avec  le  caractère  synthétique,  les  inversions  constantes, 
et  les  expressions  complexes,  conditions  indispensables  de 
l'exercice  primordial  de  la  pensée.  \'ient  ensuite  le  sanscrit  des 
grandes  épopées  de  l'Inde.  La  langue  alors  a  gagné  plus  de 
souplesse,  tout  en  conservant  cependant  la  raideur  de  ses  pre- 
miers procédés.  Bientôt  l'édifice  grammatical  se  décompose. 
Le  pâli  qui  correspond  à  son  premier  âge  d'altération  est  em- 
preint d'un  remarquable  esprit  d'analogie.  Ces  loi-;  sont  celles 
qui  ont  présidé  à  la  formation  d'autres  idiomes  dans  d'autres 
contrées,  à  des  époques  dillérentes.  Que  Ion  compare,  en  ellet 
au  latin,  les  langues  qui  en  sont  dérivées;  aux  anciens  dia- 
lectes teutoniques,  les  langues  de  la  même  origine;  au  grec 
ancien  le  grec  moderne;  au  sanscrit  les  nombreux  dialectes 
de  l'Inde,  on  verra  se  développer  les  mêmes  principes,  s'ap- 
pliquer les  mêmes  lois. 

On  peut  donc  admettre  que  les  peuples  qui  habitaient  le  Kha- 
rism,  au  vu''  siècle  de  notre  ère,  avaient  conservé  dans  leur 
idiome  le  caractère  agglutinatif  ou  synthétique,  et  que  de  même 
que  les  Turcs,  les  Tartares  et  les  Mongols,  ce  moyen  d  ex- 
pression leur  a  semblé  assez  parfait  pour  n'avoir  pas  éproi  vé 


I 


ig6  Dt:  l'origine  des  indiens  du  nouveau-monde 

le  besoin  de  l'abandonner^  ou  bien  que  le  degré  de  puissance 
intellectuelle  ne  leur  a  pas  permis  un  développement  plus  com- 
plet. Ce  qui  n'est  pas  supposable,  attendu  que  M.  Markham 
0  trouve  que  tel  qu'il  est,  le  quitchua  est  une  langue  admirable 
par  la  force  d'expression  et  la  richesse  des  mots,  aussi  bien  que 
par  la  régularité  dans  ses  formes  et  la  douceur  dans  ses  sons. 
Ses  terminances  produisent  une  très  énergique  concision,  expri- 
mant des  idées  complexes  et  toutes  les  conceptions  avec  un 
nom  ou  verbe  qui,  dans  d'autres  langues,  exigeraient  une  mul- 
titude de  mots.  La  syntaxe  est  très  simple.  »  Le  quitchua, 
l'aymara,  le  nahualt  et  le  maya,  transportés  en  Amérique, 
ont  fort  bien  pu  éprouver  par  le  contact  avec  les  populations 
de  race  mongole,  des  altérations  secondaires  et  un  certain  nom- 
bre de  mots  nouveaux  ont  pu  s'introduire  dans  le  vocabulaire, 
mais  ces  langues  n'ent  ont  pas  moins  gardé  leur  cachet  origi- 
nel qui  se  retrouve  dans  les  principales  racines. 

De  nouvelles  études  dirigées  d'après  cet  ordre  d'idées  vien- 
dront peut-être  conlirmer  cette  hypothèse  qui  est  conforme  aux 
lois  de  la  philologie.  Déjà  nous  avons  trouvé  que  la  plupart  des 
noms  se  rapportant  à  la  religion  sont  de  source  aryenne. 

En  attendant,  \o\ci  un  tableau  dans  lequel  nous  avons  réuni 
un  certain  nombre  de  mots  quitchuas,  mayas  et  sanscrits,  qui 
montreront  les  afiinités  entre  ces  trois  langues,  aflinités  qui 
prouvent  leur  unité  d'origine. 


(JUITCHI'A 


MAYA 


SANSCRIT 


atilisi,  i-uissatu;  ^itti,    p. ni-    ahlil-ahtepel,  nnjcstc.  l!/^  surpasser. 

\oir,  (jiic  giniui. 
kaya-hjp.ic,  hciucux.  puis-    K-at-iiiaiii,  coutciiii-,   i^arJcr.    hj/raiii.    contenu  ;    h\TyaLi, 

main  tuivcne. 


sant;  kaL\liit,  contenir. 
CMiiac,  créateur,  qui  anime.    f.J.ti'i,  le  t'ort,  le  puissant 


/.Me'/;j,  l'eu. 
suIIj,  rose'c, 
siiinjlc,  beau,  bon. 
,l')ic..7,  nez. 


I;al,\  l'eu. 
ciil,  tremper. 
^iic,  beau,  doux. 
ÎHii,  iici!,  se  mouclier. 


/iMiiiJ,  vouloir. 

kac,  briller. 

^MH,  vase  rempli  il'eiu, 

su,  bien. 

sing,  sentir. 


ET  DE  LKUK  CIVILISATION 


197 


QUITGIIUA 


MAYA 


SANSCRIT 


sepyuni,  cioindre. 
pachak,  rouleau  it'JtoiVi;. 
panku,  viande  cuite. 
pantiVli,  se  multiplier. 
pai\i,  pluie,  eau. 
muka,  rongeur,  rat. 

picliii,  oiseau. 

pillakd,    manteau,    couver- 
ture. 
pi)iclii,  vision. 
pakti,  pre'caution,  examen. 
maki,  main. 
ma'ita,  jeune,  robuste. 
machii,  vieux,  a;\cien. 
tn.ilki,  momie. 
ina»ia,  mère. 

michum,     | 

...  mêler. 

nurk/uDii,  \ 

mici,  chat. 

mucu,  nœud,  lilet. 

mosko»!,  dormir. 

miikim,  tromperie. 

KiioMiii,  aimer. 
miillii,  coquille. 
nakani,  tuer,  égorger. 
ilJii,  chemin,  sentier. 
naiw»,  chanter. 
)iaiii-ihihiii,  œil. 
lakka,  maigre,  élancé. 
lachan,  couper. 
laclniam,  goûter. 
lamya,  bêche. 
ILipini,  presser,  serrer. 
lluUiir,  mensonge. 
Iiiiin\iiii,  ôter,  nettoyer. 
liitjiii,  couvrir. 
XacliJin,  savoir. 
yahu,  eau. 
yanti,  le  sceptre. 
yaptoi,  broyer. 
takjiii,  marteler. 


^cp,  L;iniire. 
pak,  rouleau  d'étoile. 
p.jcai-li,  taire  cuire. 
pjiiali.il,  se  multiplier. 
pa,  eau,  éiaiig. 
>nti^,  ronger. 


picli,  sorte  de  grive. 
piil,  chose  qui  en  recouvre    i';7,  couvrir, 
une  autre. 


f.',  éteindre. 

pjc,  lier. 

;m.  CHiro. 

/M/,  aller. 

/M,  boire. 

tiuisliDS,  r',ngcur  (.^rec  mus; 

latin,  )>ui.s). 
/\t/,'.v/ii,  oiseau, 


pacal,  vue,  vision. 

ma,  main. 

makaii,  surabonder. 
macliat,  s'allaililir. 
mal,  maciilature. 
mam,  mère. 

mec,  mêler. 

mic^,  chat. 

mincit,  groupe. 

miik,  enterrer. 

mucttl,  taire  quelque  chose 
secrètenieni. 

miinil,  tendresse. 

mol,  réunir. 

uakal,  linir  entièrement. 

Ho}nay,  passager. 

niib,  chanter, 

)iaiia!ivl,  voir. 

lacac,  léger,  amolli. 

lac,  décoller. 

lac,  goûter. 

lam,  enfoncer,  briser. 

lob,  saisir. 

liiksah,  calomnie. 

lu^,  ôter. 

Iii^akiit,  parasol. 

yahtal,  entendre. 

il,  eau, 

yam,  'j  premier. 

yap,  oroycr. 

tac,  travailler  avec  un  ins- 
trument. 


f'.i/,  voir. 

S  ma.  mesurer. 

'  mati,  main. 

m.ilial,  grand,  fort. 

iiia.l,  vieillir,  s'aiVaiblir. 

wa!a,  s.de,  souillé. 

malc,  mère. 

micr,  mêler. 

mit.  s'irriter. 
mil,  attacher,  lier. 
mis,  fermer  les  yeu.x. 
vtits,  tromper. 

miiiiia,  aimé. 
tniir,  envelopper. 
)iac.  disparaître. 
nii,  aller. 
nu,  chanter, 
jna,  connaître. 
laga,  mince,  léger. 
!a,  couper. 
lac.  goûter. 
liiy,  briser. 
lai\  acquérir. 
liip,  tromper. 
lup,  retrancher. 
liiJ,  couvrir. 
j'ak,  voir,  connaître. 
ffa,  courant. 
_)M)i,  diriger. 
rai),  prendre  en  main. 
Iaki,  tailler. 


r 


UjH 


.>i:  LOUIGINK  DES  INDIFNS  DU   NOUVEAU-MONDK 


QUITCIIUA 


MANA 


SANSCRir 


takiini,  mclL'r,  )oiiuirc. 
tupak,  rcsplenUissant. 
utku    ruisseau. 
tiinkini,  Jouter. 
mauka,  vicillai\l. 


tak,  attacher,  eollcr. 
IkXp,  faire  du  Icu. 
nie,  a  no  sur. 

tiikiniiiii,  de  toutes  p.irts. 
>niic,  pourri,  Je'taillaiit. 


/.l/i'f,  mêler,  unir. 
M/',  brûler. 
(;/(/,  eouler. 
ttiii,  être  sijuieux. 
iMÔ/i.i,  de'taillaiKe. 


En  dehors  de  Taymara  et  du  quitchua,  une  autre  langue 
parlée  dans  une  grande  partie  de  l'Amérique  méridionale  était 
le  toupi-guarani  ou  langue  caribe.  M.  dOrbigny  a  démontré 
dans  VHoinnie  américain,  page  24!^  et  suivantes,  que  les  Gua- 
ranis du  Paraguay,  les  Guarayas  de  la  Bolivie,  les  Caribes,  les 
Omaguos,  les  Tamanaquis  de  l'v.irénoque  et  de  ses  attlucnts, 
les  Chaunas  de  Cumana,  les  Oyampis  de  Cayenne,  les  Galibis 
de  la  Guyane,  les  Caribes  des  Antilles  parlaient  des  dialectes 
de  la  langue  caribe.  M.  de  Margalhaés,  comme  M.  de  Varna- 
ghen,  ne  reconnaît  dans  le  lirésil  qu'une  seule  langue,  le  tupi 
et  ses  dialectes.  C'est  celle  des  langues  primitives,  dit-il,  qui 
occupe  le  plus  grand  espace  géographique  :  de  l'Amapa  au  Rio 
de  la  Plata  et  du  cap  Saint-Eveh  au  Javary,  sur  upj  étendue 
de  mille  lieues  sur  huit  cents,  elle  a  laissé  son  empuinte  dans 
les  ncms  des  lieux,  des  plantes  et  des  tribus, 

'■  Cette  langue  que  l'on  entend  sur  un  si  grand  espace  géo- 
graphique est,  ajoute  M.  de  Margalhaés,  admirable  de  jierléc- 
tion.  Ses  formes  grammaticales,  quoique  embryonnaires  sur 
plus  d'un  point,  sont  si  ingénieuses  qu'elle  pourrait  être  com- 
parée aux  langues  les  plus  célèbres-  beaucoup  de  questions 
philologiques  et  linguistiques,  encore  obscures,  trouveront  en 
elle  leur  explication.  » 

Parlant  des  1  oupis  et  de  la  Lengoa gérai  ',  il  y  a  plus  de  deux 

I.  Les  Brésiliens,  appellent  la  langue  guaranio  la  langue  générale,  Ictii^oa  f;ei\il,  et 
les  indigènes  eux-mêmes  attestent  par  leur  légende  cette  communauté  d"origine.  Deux 
frères,  racontent-ils.  Toupi  et  Guarani,  débarquèrent  un  jour  sur  la  côte  du  Mrésil  qu'ils 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION  igg 

cents  ans,  le  P.  Simon  de  Vasconccllos  s'éciiait  :  c  A  quelle 
époque  ont- ils  donc  appris,  au  sein  du  désert,  des  règles  gram- 
maticales si  certaines  qu'ils  ne  manquent  pas  à  la  perfection 
de  la  syntaxe?  En  cela,  ilr  ne  le  cèdent  d'aucune  manière  aux 
meilleurs  humanistes  grecs  et  latins.  Voyons,  par  exemple,  la 
grammaire  de  la  langue  la  plus  répandue  au  Brésil,  qui  nous  a 
été  donnée  par  le  vénérable  Joseph  de  Anchieta  et  les  louan- 
ges que  l'apôtre  accorde  à  cet  idiome.  Grâce  à  ces  réflexions, 
beaucoup  de  personnes  pensent  que  l'idiome  dont  nous  par- 
lons a  les  perfections  de  la  langue  grecque,  et,  par  le  fait,  j'ai 
moi-même  admiré  en  elle  la  délicatesse,  l'abondance  et  la  fa- 
cilité. » 

Cette  langue,  d'après  M.  de  Varnaghcn,  est  d'origine 
aryenne,  ainsi  qu'il  le  prouve  dans  un  ouvrage  publié  en  1876, 
sous  le  titre  :  VOrigine  touraniennc  des  Tiipis-Guaranis,  prouvée 
par  la  philologie  comparée,  «  La  race  tupique,  dit-il,  qu'on  a 
découverte  à  la  côte  septentrionale  et  dans  les  parties  orien- 
tales de  ces  contrées,  n'était  pas  une  race  autochtone,  mais 
une  race  conquérante,  et  sa  langue  était  un  rameau  de  la  fa- 
iTiille  aryenne.  » 

Les  Caraïbes  eu  Caribes,  comme  nous  l'avons  dit,  étaient  les 
mêmes  que  les  Mayas.  Leur  langue  devait  donc  appartenir  à 
la  même  famille.  Il  en  est  de  même  de  la  langue  de  la  Nouvelle- 
Grenade,  le  mosca  ou  muysca  qui  devait  être  un  dialecte  maya. 
Quant  à  l'idiome  araucan,  nous  n'avons  rien  pu  trouver  au 
sujet  de  son  origine.  Cependant  déjà  Molina  et  Vater  ont  .e- 
connu  de  grandes  analogies  entre  cette  langue  et  le  grec  et  le 
latin.  M.  'l'orribio  Médina  dit  que  c'était  une  langue  aggluti- 
nante dont  la  syntaxe  se  rapprochait  de  celle  des  langues  eu- 
ropéennes. 

Comme  les  Incas,  à  chaque  conquête  qu'ils  faisaient,  impo- 
saient aux  peuples  vaincus  leurs  lois,  leurs  coutumes  et  leur  ian- 


trouvcrcnt  inhabitcc  et  s'y  établirent.  Mais  leurs  femmes  étant  venues  à  se  quereller,  ils 
se  séparèrent  ■  Guarani  s'en  alla  habiter  les  côtes  de  la  Plata,  tandis  que  Toupi  resta  au 
pays. 


200 


l>I'    I.  ORIGINK  UFS  INDIENS  DU  NOUVFAU-MONDi 


gLic,  les  Arnucanr,  n'ont  pas  <\ù  échapper  à  c^  système  général, 
(^l'st  pourquoi  on  retrouve  di'ns  leur  langue  un  grand  nom- 
bre de  mots  quitchuds.  D"un  autre  roté,  Ihistoire  nous  appre- 
nant que  les  Caribes  ont  pénétré  jusqu'au  détroit  de  Magellan, 
nécessairement  l'idiome  araucan  doit  contenir  des  expressions 
caribes.  Maintenant  il  est  fort  possible  que  cette  même  langue 
appartienne,  quant  au  l'ond.  à  la  lamille  ougro-tartare.  Aux 
philologues  à  étudier  et  à  résoudre  cette  intéressante  question. 

Les  autres  idiomes  parlés  dans  le  Xouveau-Monde,  en  dehors 
de  ceux  dont  nous  venons  de  parler,  se  rattachent  à  la  famille 
ougro-tartare. 

Les  langues  otomitc  et  totonaque  ont  de  grandes  aflinités 
avec  le  chinois.  La  langue  tépéhuane  renferme  un  assez  grand 
nombre  de  mots  d'origine  tartare  et  mongole. 

lui  iSGq,  lorsque  la  première  ambassade  japonaisi;  visita 
San  Francisco  (Californie  ,  on  fit  venir  de  Santa  Harbara  les 
chefs  d'une  tribu  dont  le  type  semblait  japonais.  Quel  ne  fut 
pas  l'étonnement  général,  lorsque  les  chefs  et  les  membres  de 
l'ambassade  s'adressant  la  parole,  chacun  dans  leur  langue, 
purent  se  comiirendre  avec  facilité.  Les  Indiens  du  village  d"E- 
ten,  sur  la  côte  nord  du  Pérou,  purent  ?ntrcr  de  suite  en  com- 
munication avec  les  colons  chinois  qui  arrivèrent  les  premiers 
dans  le  pays. 

Dans  un  voyage  que  nous  avons  fait  en  1879,  de  Guatemala 
au  Salvador,  nous  avons  nous-mêmc  rencontré,  dans  un  pue- 
blo  situé  à  la  frontière  des  deux  républiques,  des  Indiens  dont 
les  mots  les  plus  usuels  étaient  d'origine  chinoise. 

Notre  collègue  et  ami,  M.  le  général  Loaeza,  ministre  plé- 
nipotentiaire du  Mexique  au  Centre-Amérique,  nous  a  raconté 
également  que,  durant  la  dernière  guerre  du  Mexique,  un  dé- 
tachement autrichien  s'étant  égaré  sur  les  hauts  plateaux,  l'ot- 
ficier  qui  le  commandait  put  se  faire  comprendre  dune  tribu 
d'Indiens  en  s'exprimant  en  allemand. 

Kntin,  le  révérend  Morgan  rapporte,  dans  une  lettre  écrite 
en  1686,  qu'étant  chapelain  du  général      ennett,  et  ayant  été 


I 


i;t  :jE  i.i:im<  civilisai  ion 


20I 


lait  prisonnier  dans  la  pro^  incc  ck-  Ncw-^  ork  par  les  Indiens 
Tuscarolas,  il  allait  être  mis  à  mort  lorsqu  une  exclamation  en 
{gallois  lui  sauva  la  vie.  Il  ajoute  qu'il  put  p'écher  ensuite  dans 
cette  lanf^'ue  que  les  Indiens  comprenaient.  11  existe  dautres 
anccdoctcs  rapportées  par  divers  auteurs  sur  des  individus  de 
plusieurs  expéditions  qui,  laits  pris /nniers  en  Virginie,  ne  du- 
rent la  vie  qu'à  plusieurs  phrases  galloises  qui  lurent  entendues 
et  comprises  par  les  naturels  '. 

L'histoire  des  arts  graphiques  dans  le  Nouveau -Monde 
comprend  deux  périodes  distinctes,  celle  qui  précède  le  vu'^  siè- 
cle alors  que  les  tribus  d'origine  mongole  étaient  encore  sau- 
vages et  celle  qui  est  postérieure  à  cette  époque,  après  que  les 
Touranien ,  leur  eurent  apporté  la  civilisation.  11  n'est  pas  pro- 
bable qu'avant  cette  époque,  les  tribus  qui  ne  savaient  même 
pas,  disent  les  traditions,  cuire  leurs  aliments,  connaissaient 
l'écriture;  et  les  figures  grossières  que  l'on  a  trouvées  gravées 
ou  peintes  sur  des  rochers  ou  dans  des  grottes  des  deux  Amé- 
riques, ne  peuvent  leur  être  attribuées. 

«  Des  rochers  granitiques,  dit  de  Humboldt,  Vues  des  Cor- 
dillères, t.  1,  p.  2  12,  qui  s'élèvent  dans  les  savanes  de  la 
Guyane  entre  le  Cassiquiare  et  le  Conoritché,  sont  couverts 
de  figures  de  tigres,  de  crocodiles  et  dautres  caractères  q'ie 
l'on  pourrait  croire  symboliques.  Des  dessins  analogues  se 
trouvent  tracés  cinq  cents  lieues  au  nord  et  à  l'ouest  sur  les 
rives  de  l'Orénoque,  j^rès  de  l'Encaramada  et  de  Caicara,  sur 
les  bords  du  rio  Cauca  près  de  l'imba,  entre  Cali  et  Jeluna, 
enfin  sur  le  plateau  même  des  Cordillères  dans  le  paramo  des 
Guanacas.  Les  peuples  indigènes  de  ces  régions  ne  connais- 
saient pas  l'usage  des  outils  métalliques  :  tous  conviennent  que 
ces  caractères  existaient  déjà  quand  leurs  ancêtres  arrivèrent 
dans  ces  contrées.  Est-ce  à  une  seule  nation  industrieuse, 
adonnée  à  la  sculpture,  comme  l'étaient  les  Toltèques,    les 


r.  /Î.T',7,  pain;  uiam.  nùre;    talc,  pcre  ;    1^(^11')-,  eau  ;  f;moyii  donr,  eau  blanche,  se 
retrouvent  dans  le  iriL-xicain  et  le  gallois. 


•J0'_'  DIC  l.  OUIGINK  I)i;S  INDIKNS  DU   NOl.  VlAl.-MONUK 

A/tèqucs  et  tout  le  groupe  Jcs  peuples  sortis  J'Aztlan,  que  sont 
dues  ces  traces  d'une  ancienne  civilisation?  Kn  quelle  rét;ion 
doit-on  placer  le  loyer  de  cette  culture?  l']st-ce  au  nord  du  rio 
Gila,  sur  le  plateau  du  Mexique  (ju  hien  dans  l'hémisphère  du 
Sud,  dans  CCS  plaines  élevées  de  'l'iai^uanaco  que  les  Incas 
mêmes  trouvèrent  couvertes  de  ruines  d'une  imposante  gran- 
deur et  que  l'on  peut  considérer  comme  l'Himalaya  et  le  Thi- 
bet  de  TAmérique  méridionale?  Ces  problèmes  ne  peuvent 
être  résolus  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances.  " 

Parlant  du  Venezuela,  don  Aristides  Uojasdit  :  "  Kn  quittant 
San  l:lsleban  et  en  se  dirigeant  vers  les  sommets  élevés  de  l  li- 
laria,  laissant  à  gauche  une  muraille  de  roches,  on  atteint, 
près  des  hauteurs  de  Campanero,  un  plateau  sur  lequel  on 
distingue  une  surface  plane,  couverte  de  ligures  sculptées,  re- 
présentant des  insectes,  des  étoiles,  des  animaux  et  autres 
objets.  La  disj-iosition  de  ces  ligures,  et  leur  alignement  géo- 
métrique indiquent  de  véritables  hiéroglyphes.  " 

M.  Auguste  Saint-Hilaire  mentionne  des  inscriptions  sem- 
blables qu'il  a  vues  en  traversant  la  vallée  de  'l'epico.  Franz 
Relier  raconte  que,  près  d'une  cataracte  de  Madeira,  il  a  re- 
marqué des  dessins  en  spirales  et  demi-cercle  g.avés  sur 
pierres.  Plus  loin,  il  a  trouvé  une  pierre  noire  couverte  de  li- 
gnes en  spirales  et  d'anneaux  concentriques. 

D'après  le  récit  du  D'  Mariani  R.  de  Kivcro,  il  existe,  à 
8  lieues  au  nord  d'Arequipa,  une  foule  de  dessins  sur  granit  re- 
présentant des  animaux,  des  fleurs,  etc.  11  cite  également  d'au- 
tres inscriptions  qu'il  a  rencontrées  dans  plusieurs  endroits. 

Tschudi,  t.  11,  p.  3S(),  parle  d'une  inscription  qu'il  a  aper- 
çue sur  une  pierre,  dans  un  \-illage  près  de  Huain.  Il  déclare 
qu'elle  était  semblable  aux  hiéroglyphes  du  Mexique. 

Nous-mimes,  au  Nicaragua,  nous  en  avons  vu  un  certain 
nombre  que  nous  avons  relevées  et  qui  sont  des  caractères 
hiéroglyphiques  accompagnés  de  peintures. 

"  Les  recherches  patientes  nous  montreront,  a  dit  Morcno, 
que  les  dessins  gravés  sur  les  rochers  ou  sur  les  pierres  se 


I.T   l)K  !,i:i.'l:   CIVILISA  IION 


303 


rencontrent  dans  toute  l'Amérique,  depuis  les  Iles  Vancouver 
près  du  cercle  boréal,  jusqu'au  lac  Ar.^entin  en  Pataf^'oni';  ul 
que  les  fij^ures  peintes  sur  les  murs  ohruptes  et  iverticaux  de  la 
pointe  Walicha  sont  presque  les  mêmes  que  celles  qu'on  a  dé- 
couvertes dans  TArizona,  le  Mexique,  le  Ck'ntrc-Amérique,  la 
Guyane,  le  lîrésil,  le  Pérou,  la  P>oIivie,  le  Chili  et  la  republi- 
que Argentine.  Toutes  sont  le  [M'oduit  de  la  même  race  et  j'ai 
la  conviction  que  l'archéoloi^ie,  aidée  de  la  cianiologie,  nous 
enseignera  que  cette  race  a  été  celle  que  nous  connaissons  sous 
le  nom  de  Caraïbe,  et  qu'à  elle  appartiennent  lescrànesmac  ro- 
céphales  qu'on  rencontre  depuis  bile  des  Sacrificios  jusqu'en 
l'atagonie,  ainsi  que  ceux  attribués  faute  d'études  sullisantes 
aux  constructeurs  de  'liaguanaco.  baptisés  du  nom  d'Aymara 
[El  csiiidio  iicl  hovibrc  sud  Aiiieriaiuo  . 

Comme  on  le  voit,  nous  ne  sommes  pas  seul  à  croire  que 
CCS  inscriptions  sont  dues  à  un  pcuiMe  plus  a\  ancé  que  les  tri- 
bus moUf^oles  qui  habitaient  l'Amérique  avant  larrivée  des 
Touraniens.  Ce  qu'on  peut  admettre  plutôt,  c'est  que  ces  tribus 
connaissaient  les  quipos  ou  quipus  d'origine  chinoise  qui  se 
sont  étendus  jusque  chez  les  Araucans,  les  Puelches  et  les 
Patagons. 

Ce  mot  signifie  nouer  et,  par  extension,  figurément  compter, 
calculer;  car  les  nombres  et  les  quantités  étaient  ajoutés  ou 
soustraits  au  moyen  de  marques  qu'on  faisait  avec  ces  nœuds. 
A  l'aide  de  certaines  conventions,  les  quipos  servaient  aussi 
à  conserver  le  souvenir  des  événements.  Un  écheveau  ou  une 
poignée  de  quipos  était  composé  de  cordes  pendantes.  Chaque 
corde,  formée  de  trois  ou  quatre  fils  mariés  cnsem.ble  et  tordus 
serréj  comme  de  la  ficelle  à  fouet,  avait  environ  25  pouces  de 
long.  Aux  cordes  principales  étaient  suspendus  comme  annexes 
des  fils  supplémentaires  plus  courts  servant  à  noter  les  excep- 
tions aux  règles  générales  et  à  faire  toutes  les  remarques  et  ob- 
servations que  pouvaient  nécessiter  les  circonstances.  Ainsi  les 
nœuds  étaient  le  pivot  de  ce  langage,  leur  distance  marquait 
la  durée,  le  temps,  et  le  nombre  des  cordes  qui  se  réunissaient 


204 


DE  I,  OUIGINK  DES  INBIKNS  DU  NOUVEAU-MONDR 


dans  chaque  iKL'ud  représentait  le  nombre  des  éléments  qui 
figuraient  la  scène  qu'on  voulait  rendre.  Mais,  de  plus,  ce  lan- 
t;age  était  parlant.  Ditlcrentes  couleurs  propres  ou  symboliques 
jtaient  all'ectées  à  certains  êtres,  à  certaines  choses.  I-e  compte 
des  revenus  publics  et  le  mouvement  de  la  population  étaient 
tenus  par  le  moyen  des  quipos,  dont  on  taisait  la  clôture  à  la 
lin  de  chaque  lunaison. 

Sa  plus  f^'rande  diliiculté,  comme  on  le  conçoit,  gisait  dans 
la  représentation  des  idées  abstraites.  Des  historiens  ont  ra- 
conté qu'avec  ces  quipos  les  peuples  trouvaient  le  moyen  de 
conserver  les  faits  de  leur  histoire,  airs  lois  et  cérémonies, 
ainsi  que  les  comptes  de  leurs  alTaires,  avec  une  grande 
exactitude.  Nous  croyons  plutcV  que  ces  quipos,  dont  l'origine 
était  mongole  ',  servaient  pour  les  comptes  de  toutes  sortes 
qu'ils  permettaient  à  l'administration  de  contrôler  plus  lacilc- 
ment. 

Les  quipos  devaii-it,  pour  ces  peuples,  remplacer  le  Souan- 
pan  des  Chinois  dont  Tusage  est  connu  de  tout  le  monde,  même 
de  ceux  qui  ignorent  leurs  caractères.  Le  souanpan,  en  somme, 
n'est  qu'un  quipo  perfectionné  ".  (Quelquefois,  à  la  place  des 
quipos,  ils  se  servaient  de  petits  aiilloiix  de  compte.  Quelques 
tribus  ont  conservé  encore  l'usage  des  Wampum,  ou  colliers 
de  porcelaine  dont  parlent  Lalitau  et  Charlevoix  '. 


1.  Les  quipos,  en  Chine,  lu  eni  remplaces  par  les  liouas  et  ceux-ci  par  les  carac- 
tères. 

2.  Nous  partageons  l'avis  de  Garcila/.o  et  des  autres  historiens  qui  disent  que  ces 
quipo  servaient  comme  moyens  de  numération  ;  mais  que  ni  les  mots,  ni  les  raisonne- 
ments, ni  aucun  événement  historique  ne  pouvaient  être  représentés  par  ce  moyen.  Tout 
au  plus  pouvaient-ils,  seivir  comme  des  sortes  d'aide-mémoirc. 

3.  On  sait  d'ailleurs  que  ces  tribus  dont  le  nombre  diminue  chaque  jour  conservaient 
des  annales  peintes  avec  des  hiéroglyphes  sur  des  planches,  sur  des  toiles  de  coton,  sur 
des  papiers  d'écorce  d'arbres  et  sur  des  peaux  préparées  ad  hoc.  I.e  D''  Ward  de  l'Etat 
d'indiana  mentionne  les  W'alam-olum  ou  Annales  peintes  de  la  tribu  des  Lénapi  de  \Va- 
paham.  I.es  Jésuites,  dnns  leurs  relations  parlent  des  symboles  peints  sur  bois  des  Mu- 
rons. Ilenwelder  a  vu  également  entre  les  mains  des  Lénapi  les  bâtons  peints  qui  rap- 
pellent celui  sur  lequel  Iluayna-Capac  lit  son  testament.  Sidérer  a  trouve,  au  xvi"  siècle, 
chez  les  indigènes  de  la  Caroline,  des  tableaux  peints  représentant  différents  sujets  avec 
des  hiéroglyphes  en  forme  de  roues  semblables  à  ..  ;ux  des  Mexicains. 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


205 


Quand  les  Touranicns  arrivèrent,  ils  conservèrent  cette  ma- 
nière de  compter  qui  leur  parut  aussi  ingénieuse  qu'utile  et 
enseii^'nèrent  en  même  temps  aux  tribus  l'écriture  et  la  fabri- 
cation du  papier. 

Pierre  Martyr  d'Anghiera  parle  avec  un  grand  discernement, 
dans  plusieurs  de  ses  ouvrages,  des  livres  mexicains  qu'il 
avait  vus  et  touchés  à  la  cour  de  l'Kmpereur  où  il  brillait 
par  son  savoir.  Dans  une  lettre  adressée  au  pape  Léon  X,  il 
en  tait  une  longue  description  qu'il  répéta  depuis  avec  quelques 
légères  variantes  dans  sa  quatrième  Décad.'  (de  Insii/is  niipcr 
iuvaitis)  : 

"  Ad  muncra  crgo  régi  allata,  >>  dit-il,  «  deveniamus  et  à- 
libns  ordiamur.  Diximus  libros  liabere  gentes  bas  :  libros  at- 
tulerunt  una  cum  cœteris  muneribus  hi  Çolluiacanii^  novi  co- 
loni,  procuratores,  nuncii,  multos.  Scrii  .ibilia  sunt  eorum  t'olia 
ex  anteriore  arborum  tenui  cortice,  sub  libro  superiorc  creato. 
Erarum  aiunt  esse  :  uti  videmus  non  in  saliceo  aut  ulmeo,  sed 
uti  cernere  tas  est  in  palmuiarum  csui  aptarum,  tela  dura  l'o- 
lia  intersecante  :  velut'i  rotia  foraminibus  et  maculis  angusus 
contexta,  bitumine  tenaci  retiacula  compingunt.  Ad  aptatam 
hinc  t'ormam  mollet'acta  convertunt,  et  extendunt  ad  libitum, 
dureque  facta  liniunt  gypso.  Putandum  est  autem,  eos  aliqua 
gypso  consanguinca  materia  tabellas  \ldisse.  Credendum  est, 
gypso  in  larinanî  cribrato  superl'uitas,  in  quibus  quidquid  ve- 
nit  in  mentem  scribi  potest,  dehinc  spongia  vel  pannulo  de- 
leri,  ut  denuo  reiteretur.  Ex  ficuum  tabeliis  fiunt  libelli,  quos 
magnarum  domorum  dispensatores  ptr  fora  secum  ferunt, 
styloque  metallico  merccs  emptas  coaptant,  delendas  quando 
jam  in  computatorios  codices  traduxerint.  Non  toiiatim  libros 
concinnant,  sed  in  longum  distendunt,  ad  plures  cubitos  :  ma- 
terias  in  quadratas  reducunt  partes,  non  solutas,  sed  tenaci  bi- 
tumine Hexibili  adeo  conjunctas  ut  ligneis  compacta;  tabeliis,  ar- 
guti  librarii  videantur  manus  subiisse.  Quacumque  pateat  liber 
apertus,  duse  sese  faciès  inscriptœ  otFerunt,  duœ  paginae  apparent, 
totidem  sub  illis  latent,  nisi  protendatur  in  longum.  Sub  uno 


206 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU   NOUVEAU-MONDE 


namquc  folio  multo  conjuncta  folia  consistunt.  Sinii  characle- 
vcs  a  uosivis  valcie  dissimilcs,  taxillis,  hainis,  laqiieis,  /unis,  siel- 
lisque  ac  fovmis  ejiisniodi,  lincatim  cxarati  nostro  more.  ^Egyphas 
/ère  formas  a'mulantiir.  Iiitcrlincatim  hominum,  animaliumque 
species,  regumque  pnccipuc  ac  procorum  depingunt  :  quaré 
crcdendum  est,  gesta  esse  ibi  majorum  cujusque  régis  cons- 
cripta,  quemadmodùm  nostra  fit  tempestate.  Videmus  Scupe 
numéro  eos  generalibus  hisloriis,  fabufoqs  etiam  codicibus, 
ipsius  rei,  quœ  narratur,  ad  alliciendos  emere  cupientium  ani- 
mos,  authorum  figuras  interserere.  Arte  quoquc  grata  supe- 
riores  tabulas  compingunt  :  nil  dill'errc  a  nostris  clausi  viden- 
tur.  Lcgum  quoque  et  sacriliciorum.  ca-remoniaruinque  ritus, 
astronomicasque  annotationes  et  computatlones  quasdam, 
scminandique  rationes  ettempora,  libris  commendant.  Annum 
ab  occasu  heliaco  Vcrgiliarum  incipiunt;  et  mensibus  claudunt 
iunaribus.  >• 

Ces  lignes  si  concises  sont  remplies  de  faits  intéressants.  Le 
savant  conseiller  de  l'empereur  Charles-Quint  ne  raconte  pas 
seulement  par  ouï-dire.  Il  parle  des  manuscrits  nombreux  qu'il 
a  vus  de  ses  yeux  et  touchés  de  ses  mains.  11  en  donne  la  des- 
cription matérielle.  Il  dit  quels  étaient  les  stylets  de  métal  à 
l'aide  desquels  les  Américains  écrivaient  sur  ces  feuilles  gom- 
mées et  préparées  à  Tinstar  de  nos  cartes  de  visite.  Livres  de 
politique  ou  dhistoire,  livres  d'art  et  de  science,  traités  reli- 
gieux et  rituels,  codicilles  à  l'usage  des  astronomes,  des  méde- 
cins ou  des  cultivateurs,  rien  n'y  manque,  pas  même  les  li- 
vres pour  amuser  le  public  que  les  auteurs  illustraient  d'ima- 
ges, de  même  que  les  rituels. 

Ces  détails  suffisent  pour  prouver  que  les  peuples  de  l'A- 
mérique connaissaient  l'écriture  et  possédaient  des  livres  que 
le  gouvernement  espagnol  par  politique  et  les  moines  par  fa- 
natisme ont  détruits  presque  tous. 

«  Le  gouvernement  espagnol  crut  que,  pour  assurer  sa  con- 
quête le  meilleur  moyen  était  d'éteindre  la  civilisation  indigène 
et  de  rendre  ces  peuples  à  la  plus  barbare  ignorance.  Pour  cela, 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


207 


il  fit  disparaître  les  nobles  et  les  prêtres  '  qui  concentraient  en 
eux  toutes  les  lumières  et,  suivant  tous  les  témoignages  des  écri- 
vains de  cette  époque,  des  ordres  sévères  furent  donnés,  fort 
peu  de  temps  après  la  conquête  du  Mexique,  aux  é\-êqLies  et 
aux  chefs  des  divers  ordres  religieux  de  la  Nou\-ellc-l{spagne, 
de  livrer  aux  flammes  les  manuscrits  ou  livres  des  indigènes^ 
à  quelque  catégorie  qu'ils  pussent  appartenir.  On  ne  sait  que 
trop  avec  quelle  déplorable  rigueur  ces  ordres  furent  mis  à 
exécution;  car  c'est  à  peine  si,  quelques  années  après,  on  trou- 
vait encore  quelques  rares  exemplaires  de  ces  documents  dans  la 
possession  des  vaincus.  » 

Ces  livres  servaient,  dans  les  collèges,  pour  instruire  les  en- 
fants de  la  noblesse  et  ceux  qu'on  <.lestinait  à  l'état  sacerdotal, 
auxquels  on  apprenait  Téloqucnce,  les  '■ciences,  l'histoire  des 
dieux,  des  rois,  la  poésie,  en  un  mot  tout  ce  qui,  à  cette  épo- 
que, constituait  les  bases  de  l'instruction. 

"  Ces  gens,  dit  l'évêque  don  Diego  de  Landa,  se  servaient  de 
certains  caractères  ou  lettres  qui  leur  permettaient  d'écrire  dans 
leurs  livres  leurs  choses  antiques,  ainsi  qr^e  leurs  sciences,  et 
par  leur  moyen  et  quelques  signes  particuliers  dans  ces  figu- 
res, ils  entendaient  toutes  choses  et  ies  donnaient  à  entendre 
en  les  cw^eignant.  Nous  avons  trouvé  un  grand  nombre  de  li\res 
composés  avec  ces  caractères,  et,  Lomme  il  n'y  avail  rien  en 
eux  gui  n'eût  rapport  à  la  superstition  et  aux  faussetés  du  dénum, 
nous  les  avons  tous  brûlés,  ce  qu'ils  regrettaient  vivement  et  leur 
causa  beaucoup  d'alflictiou.   '> 

La  responsabilité  de  ces  actes  de  vandalisme  doit  in- 
comber au  gouvewiement  qui  fit  tout  j^our  anéantir  ces 
trésors  accumulés  par  tant  de  siècles,  et  dont  ces  peu- 
ples   avaient    le    droit   d'être    fiers   ".    Le   conseil    des  Indes 


1.  Les  sciences  que  les  prêtres  enseignaient  aux  nobles  et  à  ceux  qui  se  liesti  .-nt 
à  la  prêtrise  étaient  la  computation  en  années,  mois  et  jours,  les  fêtes  et  les  cérémoniiis, 
l'art  lie  la  divination,  lest  énements  passés,  avec  l'art  de  lire  (;t  d'écrire  selon  les  lettres 
et  les  caractères  à  l'aide  desquels  ils  écrivaient  comme  aussi  avec  des  figures  qui  signi- 
fiaient les  écritures  (Relation  des  clioses  en  Yiicatan,  par  don  Diego  de  Landa). 

2.  On  se  souvient  de  la  lettre  où  Cortès,  écrivant  do  Mexico  à  son  souverain,  décrit  les 


208 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DL'   NOUVEAU-MONDE 


ne  se  borna  pas  à  la  destruction  des  monuments  indiens  ; 
dans  la  crainte  que  des  autres  l'^tats  espagnols  de  l'Europe 
quelque  esprit  éclairé  ne  vînt  leur  tendre  une  main  sccourable 
et  rallumer  chez  eux  le  llambeau  prêt  à  s'éteindre^  il  alla  jus- 
qu'à interdire  par  des  lois  spéciales  l'Amérique  entière  aux 
avocats,  aux  chirurgiens,  aux  hommes  de  lettres,  sans  compter 
les  Maures,  les  Juits  ou  les  suspects  d'hérésie,  eux  et  leurs 
descendants  jusqu'à  la  troisième  génération.  Aucun  étranger, 
quel  qu'il  tût,  ne  pouvmt  passer  aux  colonies  sans  une  licence 
obtenue  à  Séville.  Mais  ce  n'est  pas  tout  :  aucun  religieux  ne 
pouvait  écrire  au  pape  ni  recevoir  de  lettres  ou  autres  papiers 
cfe  Home  sans  qu'au  préalable,  ils  n'eussent  passé  par  les  bu- 
reaux du  gouvernement. 

Ces  prohibitions  et  ces  mesures  dignes  de  l'époque  ont  at- 
teint le  but  que  poursuivaient  les  conquérants.  Les  Indiens  de 
toute  l'Amérique  sont  redevenus  ce  qu'ils  étaient  avant  l'arrivée 
des  Touraniens,  de  véritables  sauvages;  mais  leurs  oppres- 
seurs ont  été  punis  eux-mêmes.  Ils  ont  perdu  peu  à  peu  toutes 
ces  magniliques  possessions,  et  les  descendante  des  Conquista- 
dores qui  sont  restés  dans  le  pays,  à  moitié  Indiens  aujour- 
d'hui, semblent  expier  encore  les  fautes  de  leurs  ancêtres.  Le 
nom  le  plus  célèbre  après  celui  de  Pierre  Martyr,  pour  la  mo- 
nographie des  livres  américains,  est  le  nom  de  Las  Casas,  le 
bienfaiteur  des  Indiens.  S'il  fut  obligé  de  sacrilier  à  la  politique 
inexorable  de  son  pays,  il  n'en  rendit  pas  moins  une  justice  en- 
tière au  mérite  des  livres  indiens.  »  Quoiqu'ils  n'ei'^sentpas  une 
écriture  comme  nous,  dit-il,  ils  avaient  toutefois  leurs  figures  et 
leurs  caractères,  à  l'aide  desquels  ils  entendaient  tout  ce  qu'ils 
voulaient,  et,  de  cette  manière,  ils  avaient  leurs  grands  livres, 
composés  avec  un  artihce  si  ingénieux  et  si  habile  que  nous 
pourrions  dire  que  nos  lettres  ne  leur  furent  pas  d'une  grande 
utilité  '.  » 

archives  et  les  bibliotlu-s'ies  de  ces  contrées,  en  p.inioiilier  celle  de  Montezuina  dont  ce 
malheureux  prince  se  plaisait  à  étaler  les  trésors  aux  yeux  des  conquérants. 
I.  llisiovi.x  apologdtca  de  las  [n.iias  occidentales. 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


2O0 


«  Ce  qui  indique  qu'ils  avaient  une  écriture  courante,  c'est 
qu'ils  avaient  des  historiens,  des  chroniqueurs,  des  httérateurs, 
des  poètes.  Ces  chroniqueurs,  ces  historiens  possédaient  a'.i 
Mexique  la  connaissance  des  temps  les  plus  reculés  et  étaient 
capables  de  rendre  compte  de  tous  les  événements  passés.  Ils 
pouvaient  calculer  les  jours,  les  mois  et  les  années  et,  au 
moyen  de  leur  écriture,  enret^istraient  chaque  chose.  C'était 
une  profession  héréditaire.  On  les  consultait  pour  tout  ce  qui 
avait  rapport  à  la  religion,  aux  têtes  et  à  des  faits  historiques.  » 

Il  y  avait  des  écrivains  pour  chaque  espèce  de  travail.  Les  uns 
composaient  des  annales,  mettaient  en  ordre  les  laits  de  chaque 
année  avec  la  date  du  mois,  du  jour  et  de  l'heure.  D'autres 
étaient  chargés  de  la  généalogie  des  rois,  des  chefs,  des  nobles, 
marquant  avcw  soin  leurs  naissances  et  leurs  morts.  D'autres 
s'occupaient  des  peintures  représentant  les  plans  et  limites  des 
provinces,  villes,  villages  et  propriétés.  Des  otHciers  spéciaux 
étaient  chargés  des  livres  de  lois,  rites  et  cérémonies.  Les  prê- 
tres des  temples  avaient  des  livres  contenant  toute  leur  doc- 
trine ainsi  que  des  calendriers  dans  les  quels  étaient  marquées 
leurs  fêtes.  Finalement,  les  philosophes  et  les  savants  devaient 
peindre  toute  ce  qu'ils  possédaient  en  fait  de  science  et  ensei- 
gner leur  corps  de  doctrine  et  leurs  histoires  Ixtlil.xochitl, 
///«/.,  1,  p.  i5). 

Les  peuples  du  Guatemala  fabriquaient  une  sorte  de  papier 
avec  l'écorce  d  un  arbre  nomm'-  amatl  et  cette  industrie  était 
principalement  celle  des  habitants  d'Amatitlan.  L'art  de  la 
peinture  sur  papier  et  sur  des  tissus  de  coton  ne  leur  était  pas 
in«^onnu  ;  ils  employaient  à  cet  ellét  les  couleurs  que  produisaient 
les  terres  métalliques  et  les  plantes  tinctoriales  dont  ils  étaient 
parvenus  à  saisir  les  propriétés.  (]es  peintures  pouvaient  durer 
plusieurs  siècles.  Elles  servaient  à  appuyer  leurs  traditions. 
Ils  peignaient  sur  des  étoffes,  les  villes,  villages,  rivières,  lacs 
et  chemins,  formant  ainsi  de  véritables  cartes  avec  les  degrés 
et  les  distances.  Les  Espagnols  s'en  sont  servis  dans  plusieurs 
circonstances  pour  se  rendre  d'un  point  à  un  autre.  Ils  avaient 

«4 


2IO 


DK  I,  ORir.IN'K   DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


des  livres  en  parchemin  liiils  avec  Ju  cuir  de  chevreuil.  Au 
moyen  de  certains  signes,  ou  caractères  (iguratils,  ils  expri- 
maient tout  ce  qu'ils  voulaient  et  ces  manuscrits  étaient  lus 
couramment  par  les  lettrés.  Ils  avaient  même  des  livres  de  chro- 
nique et  d'histoire.  11  existait  des  collèges  et  des  écoles  pour 
les  enfants  nobles.  Ils  s'y  instruisaient  de  toutes  les  choses  qu'il 
leur  importait  de  savoir,  l'éloquence  et  les  traditions  nationa- 
les, et  apprenaient  de  mémoire  les  harangues  et  les  chants  an- 
tiques, les  sciences  de  la  religion  et  de  l'astronomie,  l'histoire 
des  dieux,  des  rois,  des  héros  qui  se  trouvait  consignée  dans 
ces  livres,  composés  et  écrits  par  les  prêtres.  Ces  livres  étaient 
écrits  soit  sur  des  peaux  préparées,  soit  sur  des  sortes  de  papy- 
rus fabriqués  d'écorce  de  certains  arbres  et  dont  les  feuilles 
étaient  recouvertes  d'un  vernis  glacé  (Juarros,  Ximenés). 

Dans  le  royaume  de  Te/cuco,  un  tribunal  extraordinaire, 
nommé  le  conseil  de  musique,  avait  pour  objet  l'encourage- 
ment des  sciences  et  des  arts.  Les  travaux  sur  la  chronologie, 
l'astronomie,  l'histoire  ou  toute  autre  science,  devaient  être 
soumis  à  son  jugement  avant  d'être  publiés.  Ce  conseil,  composé 
des  personnes  instruites  du  royaume,  était  chargé  de  la  sur- 
veillance de  tous  les  travaux  d'art  et  de  l'éducation  de  tout 
le  pays.  A  des  jours  fixés,  des  compositions  historiques  et  des 
poèmes  traitant  les  questions  de  morale  ou  relatives  aux  tradi- 
tions étaient  récités  devant  le  conseil  par  leurs  auteurs.  Les 
trois  rois  alliés  y  assistaient  et  délibéraient  avec  les  autres 
membres  du  conseil  sur  le  mérite  des  pièces  et  sur  les  prix  à 
distribuer  aux  compositeurs.    Prescott,  Mexico,  i.) 

Au  Mexique,  un  noble  du  plus  haut  rang  était  chargé  de  la 
surveillance  des  peintures  historiques.  'Torquémada,  liv.  XIV, 
ch.  vni). 

Ainsi,  plus  de  doute.  Les  peuples  de  l'Amérique  centrale  et 
du  Mexique  avaient  une  écriture  et  des  livres  écrits  sur  une 
grande  feuille  doublée  en  plis  qu'on  enfermait  ensuite  entre 
deux  planches  qui  étaient  ornées  avec  soin.  Ils  écrivaient  de 
l'un  et  de  l'autre  côté,  en  colonnes,  suivant  l'arrangement  des 


KT  l)K  I.KUU  CIVIMSATION 


21  I 


et 
Ine 
Ire 

le 
les 


plis;  quant  au  papier,  ils  le  labriquaieiit  avec  des  racines  d'un 
arbre  et  lui  donnaient  un  vernis  blanc  sur  lequel  on  écrivait  très 
bien.  «  lis  avaient,  ajoute  Landa,  un  f^rand  soin  de  leurs  livres, 
il  y  avait  une  tète  dans  laquelle  on  les  nettoyait  avec  un  peu 
de  vert-de-i^ris  que  Ton  mettait  dans  de  l'eau  vieri^e  qu'ils  di- 
sait avoir  été  apportée  des  bois  où  jamais  femme  n'avait  péné- 
tré. On  donnait  à  cette  tête  le  nom  de  i^ocan  '.  » 

Les    Caraïbes    possédaient   éi^alem.nt    Part   d'écrire.  «    Ils 
avaient,  disent   les  historiens,  des  livres   en  papier  labriqué 
avec    des   libres  de   véi,'étaux   ou  bien    avec   des  peau.x  sur 
lesquelles   ils   retraçaient,  au   moven  de  caractères  hiéroi,'ly- 
pliiques  peints,  leurs  lois,  rites  et  taits  mémorables.  (]es  livres 
avaient  quelquefois  douze  palmes  de  longueur  sur  une  de  lar- 
geur, étaient  doublés  en  douze  ou  vingt-quatre  plis   et  peints 
des  deux  côtés.  La  plupart  de  ces  précieux  documents  ont  été 
brûlés  par  le  Père  Hobadilla.  »  Herrera  loue  les  peintures  avec 
caractères  hiéroglyphiques  des  Caraïbes  ou  (]aramans  du  Da- 
rien  et  d'Uraba.  Dans  l'Amérique  méridionale  ',  d'après  Mon- 
tesinos,  p.    i\3,  les  Aymaras  et  les  (^uitchuas  connaissaient 
Tusage  des  lettres  et  des  chitl'res,  ei  écrivaient  sur  des  feuilles 
de  bananier.  Kst  survenu  ensuite  un  bouleversement  pendant 
lequel  se  perdit  cet  usage.  On  conserva  simplement  les  qui- 
pos,  dont  les  Amautas  seuls  avaient  la  clef.  La  caste  sacerdo- 
tale lit  tout  son  possible  \>(>Ar  entretenir  cette  ignorance.  On 
connaît  la  réponse  que  les  prêtres  d  Ula    l'iksi  Huira  Cocha 
tirent  à  Topa  Kauri  Pachakuta  quand  ils  dirent  que  l'usage 
des  lettres  avait  été  cause  de  la  peste  et  que  leur  rétablisse- 
ment occasionnerait  beaucoup  de  malheurs.  Le  roi  défendit 
ensuite,  sous  les  peines  les  plus  sévères,  de  se  servir  de  quilcas 
(parchemin  préparé  pour  écrire  ,  des  feuilles  de  bananier,   et 
de    tracer    aucun  caractère   hiéroglyphique.    Cette   tradition 
prouve  que  ces  peuples  connaissaient  l'écriture  à  une  époque 

1.  Don  Dicgi)  tic  I.aiula. 

2.  On  ne  possifJc,  jusqu'à  iircscnt,  aucun  manusciil  ou  livre  de  l'Amciiqnc  mcridio- 
nalc  i)ui:  nous  connaissions,  l'ous  ont  tilé  dùtruils  après  la  conqutlc. 


212 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


assez  reculée.  Quant  à  la  prétendue  disparition  de  l'écriture, 
elle  est  contredite  par  cet  autre  passade  des  historiens,  quand 
ils  disent  de  l'inca  Roka  qu'il  acheva  de  rétablir  les  lois  de 
l'ancien  empire,  et.  pour  qu'elles  fussent  désormais  à  l'abri  de 
l'oubli,  il  les  lit  écrire  toutes  sur  un  ji?i7rc//t';«»;.  HuaynaCapae 
écrivit  son  testament  sur  un  bâton  rayé. 

Le  poète  espagnol  Lr/illa,  dans  son  introduction  à  lArau- 
cana,  parle  des  livres  qu'il  trouva  entre  les  mains  des  Arau- 
cans.  Humboldt  donne  é.^alement  la  description  de  livres  que 
le  Père  Narcisse  (Jilbar  découvrit  chez  les  Judiens  Panos  sur 
les  bords  de  l'Ucayale.  (tétaient,  dit  le  savant  voyageur,  des 
cahiers  de  peinture  qui,  par  leur  forme  extérieure,  ressem- 
blaient parfaitement  à  nos  volumes  in-quarto.  Chaque  feuillet 
avait  trois  décimètres  de  long  '  sur  deux  de  large;  la  couver- 
ture de  ces  cahiers  était  formée  de  plusieurs  feuilles  de  papier 
collées  ensemble  et  d'un  parenchyme  très  épais;  des  morceaux 
de  toile  de  coton  d'un  tissu  assez  lin  représentaient  autant  de 
feuillets  qui  étaient  réunis  par  des  fils  de  pita.  Lorsque  le  Père 
Gilbar  arriva  parmi  les  Panos,  il  trouva  un  vieillard  assis  au 
pied  d'un  palmier  et  entouré  de  plusieurs  jeunes  gens  auxquels 
il  expliquait  le  caractère  de  ces  livres.  Les  indigènes  voulurent 
s'opposer  d'abord  à  ce  que  I  homme  blanc  s'approchât  du 
vieillard  ;  ils  firent  savoir  au  missionnaire,  par  l'intermédiaire 
des  Indiens  de  Mansa,  les  seuls  qui  entendissent  la  langue  des 
Panos,  que  ces  peintures  contenaient  des  choses  cachées  qu'au- 
cun étranger  ne  devait  apprendre.  "  Ce  ne  fut  donc  qu'avec 
beaucoup  de  peine  que  le  Père  (jilbar  parvint  à  se  procurer  un 
de  ces  cahiers  qu  il  envoya  à  Lima  pour  le  faire  voir  au  Père 
Cissieras.  Plusieurs  personnes  de  la  connais.sance  d'Alexandre 
de  Humboldt  avaient  eu  en  main  ce  livre  de  l'Ucayale  dont 
toutes  les  pages,  disent-elles,  étaient  couvertes  de  peintures. 
On  y  voyait  des  ligures  d'hommes  et  d'animaux  accompagnés 
d'un  grand  nombre  de  caractères  isolés.  Ils  étaient  rangés  par 


Vues  des  Cordillères  et  moiwmeiils  des  peuples  de  l'Amérique,  i.  I,  p.  211), 


ET  nn:  leur  civilisation 


2l3 


lignes  avec  un  ordre,  une  symétrie  admirables.  Malheureuse- 
ment, ce  livre  précieux  a  disparu  et  n'a  pas  été  copié. 

Au  Mexique,  dans  l'Amérique  centrale  et  l'Amérique  mé- 
ridionale, existent  de  véritables  livres  avec  des  peintures  et 
des  caractères  d'écriture.  Dans  toutes  les  parties  de  l'Améri- 
que, l'art  d'écrire  était  donc  connu.  Keste  à  chercher  quelle 
était  cette  écriture. 

Nous  croyons  ne  pas  nous  tromper  en  disant  qu'elle  était  fi- 
gurative et  idéographique,  analogue  à  celle  des  Chinois,  et  était 
formée  d'un  certain  nombre  de  radicaux  se  combinant  entre 
eux.  Nous  espérons  avoir  trouvé  la  plupart  de  ces  radicaux  que 
nous  ferons  connaître  prochainement  dans  un  travail  spécial 
qui  est  sur  le  point  d'être  terminé.  En  attendant,  avec  la  con- 
naissance des  vingt  radicaux  suivants,  on  peut  déjà  lire  une 
partie  des  manuscrits  que  l'on  possède  sous  le  nom  de  rituels  '. 


Caan  ou  Can    @  ©g) 


S 


Cet  hiéroglyphe,  premier  signe  dans  l'ordre  du  calendrier 
maya,  signifie  :  serpent  ou  ciel  antérieur  .  Dans  le  calendrier 
tzendal.  il  porte  le  même  nom,  tandis  que,  dans  le  calendrier 
mexicain,  il  représente  le  caïman  sur  la  surface  liquide  du 
chaos,  comme  l'esprit  sur  les  eaux  de  la  genèse  mosaïque.  Dans 


I.  Ces  vingt  radicaux  sont  les  signes  des  jours  du  calendrier  maya.  L'année  maya, 
ainsi  que  l'année  mexicaine,  se  composait  de  dix-huit  mois,  chacun  de  vingt  jours  aux- 
quels on  ajoutait  un  mois  de  cinq  jours  cpagomènes.  Dans  l'ordre  du  calendrier,  les 
vingt  jours  avaient  chacun  un  nom  di.'lérent  qui  se  répétait  de  vingt  en  vingt.  L'abbé 
Brasseur  a  donné  la  traduction  des  vocables  qu'expriment  ces  caractères,  mais  nous 
croyons  qu'il  s'est  trompé  quand  il  dit  que  ces  vngt  signes  sont  les  symboles  des  phé- 
nomènes géologiques  dont  Thistoire  est  renfermée  dans  le  manuscrit  Troano.  Nous 
croyons  également  qu'il  a  appliqué  à  quelques-uns  de  ces  signes  des  vocables  qui  ap- 
partenaient à  d'autres.  Ces  signes  comme  des  radicaux  chinois,  sont  les  bases  de  l'écri- 
ture indienne. 


2  14 


DF;  I.  OKKIINK  DIS  INniKNS  DU   NOlJVKAU-MONDi: 


le  niaïuiscril  Troano,  il  est  (igurc  pur  le  chaos  au  milieu  duquel 
repose  le  pur  esprit  avec  les  êtres  en  germe. 


(^/lic-chan 


Cet  hiéroglyphe,  signe  Ju  deuxième  jour  du  caleiidrii.T  maya, 
sigiiilic  :  petit,  mince.  Dans  le  calendrier  tzendal,  il  porli.'  le 
iiTMiic  nom  et  a  la  mè-me  signilication;  il  est  représenté  par  des 
carreaux  très  petits. 


i'.imi 


(]et  hiéroglyphe,  signe  du  troisième  jour  du  calendrier  maya, 
signilie  :  la  mort,  détruire.  Les  signes  caractéristiques  sont  fa- 
ciles à  reconnaître  :  la  paupière  baissée,  indice  de  la  mort;  les 
dents  en  saillie;  Tescalier  renversé  ainsi  que  la  croix  grecque; 
la  base  de  la  croix  est  en  haut.  Dans  le  manuscrit  Iroano,  il 
est  figuré  par  un  dieu  pointillé  de  noir,  avec  de  grandes  dents 
et  des  ossements  humains  devant  lui.  La  mâchoire  a  '  l'orme 
de  la  croix  renversée.  Cimi  vient  de  cim,  éprouver,  sentir.  //■•, 
la  mort,  ou  de  cimi,  sans  activité.  Dans  le  calendrier  tzendal, 
il  correspond  à  abas^iaii,  qui  veut  dire  :  rompre,  briser,  tuer. 
C'est  le  même  sens. 


Manil; 


^ 


Cet  hiéroglyphe,  signe  du  quatrième  jour  du  calendrier  maya, 
signifie  :  la  vie,  créer.  Les  signes  caractéristiques  sont  :  Itcil  ou- 
vert; l'escalier  dans  sa  position  naturelle;  la  croix  également 
Ijxéc  sur  sa  base,  et  une  main,  la  main  qui  opère.  Ma,  en  maya, 


1  ; 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


21  5 


veut  dire  :  main  ;  inh,  force.  Dans  le  manuscrit  Troano,  il  est 
figuré  par  un  dieu  debout  devant  le  leu,  avec  la  main  levée,  et 
montrant  un  pouce  dentelé.  Dans  le  calendrier  me.\icain,  il  cor- 
respond au  caractère  signiliant  :  une  maison  debout,  et  dans  le 
calendrier  tzendal,  à  noh,  4ui  veut  dire  :  temple. 


Lamal 


Cet  hiéroglyphe,  signe  du  cinquième  jour  du  calendrier  maya, 
signifie  :  atteindre,  obtenir,  venir.  Quand  il  est  incliné,  il 
veut  dire  retourner  ou  tourner,  et  horizontal,  s'arrêter.  Dans 
le  manuscrit  Troano,  il  est  figuré  par  -luatrc  dieux  séparés,  une 
torche  à  la  main.  En  t/cndal,  il  correspond  à  lambot,  qui  a  le 
même  sens. 


Mtiliic 


(x't  hiéroglyphe,  signe  du  sixième  jour  du  calendrier  maya, 
signilie  :  nuages,  eau,  couler  de  mur  humide,  ////,-,  couler.  Dans 
le  manuscrit  l'roano,  il  est  figuré  par  le  dieu  des  orages  et  des 
eaux.  Dans  le  calendrier  mexicain,  il  correspond  à  l'eau,  et,  dans 
le  calendrier  t/endal,  à  molo,  qui  a  le  même  sens  que  miiliic. 


Oc 


Cet  hiéroglyphe,  signe  du  septième  jour  du  calendrier  maya, 
signifie  :  partager,  diviser,  changer,  comme  l'indique  le  carac- 
tère. Dans  le  calendrier  izendai,  il  correspond  à  t^iquine,  qui  a 
le  même  sens. 


2lG 


ni£  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


«  ©    © 


(x't  liicrof-lN  plie,  signe  du  huitième  jour  du  calendrier  maya, 
signifie  :  couper,  aiguiser-,  ce  qui  est  pointu,  acéré.  Les  signes 
caractéristiques  sont  des  dents.  Dans  le  manuscrit  Troano,  il 
est  figuré  par  le  dieu  opérateur,  le  couteau  ou  la  vrille  à  la 
main.  Dans  le  calendrier  mexicain,  son  image  est  une  scie,  et, 
dans  le  calendrier  tzendal,  il  correspond  à  e/al^,  qui  a  le  même 
sens. 


C/icn   Çoii 


m 


(]et  hiéroglyphe,  signe  du  neuvième  jour  du  calendrier  maya, 
signifie  :  source,  principe,  origine.  Les  signes  caractéristiques 
sont  deux  crochets  opposés,  un  rond  et  diverses  lignes  dans 
des  positions  inverses.  Dans  le  calendrier  mexicain,  il  est  li- 
gure par  une  fontaine,  et,  dans  le  calendrier  t/endal,  il  corres- 
pond à  chimin,  qui  a  le  même  sens. 


Ik'cn 


Cet  hiéroglyphe,  signe  du  dixième  jour  du  calendrier  maya, 
signifie  :  clair,  voir.  Dans  le  manuscrit  Troano,  il  est  figuré 
par  un  dieu  qui  regarde  avec  attention  des  objets  entassés 
devant  lui.  Sur  sa  tète  est  l'aigle  consacré  au  soleil.  Dans 
le  calendrier  t/endal,  il  porte  le  même  nom.  Dans  le  calendrier 
mexicain,  il  est  figuré  par  le  soleil. 


ix  m 


Cet  hiéroglyphe,  signe  du  onzième  jour  du  calendrier  maya. 


ET  DE  LKUR  CIVILISATION 


217 


signifie  :  obscur,  caciié.  Diins  le  manuscrit  Troano,  i!  est  (igurc 
par  le  dieu  de  la  nuit.  Dans  le  calendrier  t/endal,  il  correspond 


à  ///,v,  même  sens. 


Mai 


0 


(S) 


Cet  hiéroglyphe,  signe  du  douzième  jour  du  calendrier  maya, 
signifie  :  fonder,  hàtir,  supporter  Dans  le  manuscrit  Troano,  il 
est  ligure  par  un  dieu  supportant  des  objets.  Dans  le  calendrier 
t/cndal,  il  correspond  à  Voiaii.  londatcur  du  Palenqué  et  du 
Xibalba. 


C't  ©  m    ®   CE 


Cet  hiéroglyphe,  signe  du  trei/iènie  jour  du  calendrier  maya, 
signifie  :  détaché,  séparé,  isolé.  Dans  le  calendrier  tzcndal,  il 
correspond  à  moxib,  qui  a  un  sens  analogue.  Dans  le  manuscrit 
'1  roano,  il  est  figuré  par  un  dieu  tenant  un  ciseau  à  la  main,  de- 
vant lui  sont  des  ossements  et  des  parties  séparées  du  corps. 


Caban    ^) 


Cet  hiéroglyphe,  signe  du  quatorzième  jour  du  calendrier 
maya,  signifie  :  bas,  descente.  Dans  le  manuscrit  Troano,  il  est 
figuré  par  un  dieu  qui  tient  des  objets  dans  sa  main  abaissée. 
Il  correspond,  dans  le  calendrier  tzendal,  à  c/iaùin.  qui  a  un  sens 
analogue. 

E^anab 


Cet  hiéroglyphe,  signe  du  quinzième  jour  du  calendrier  maya, 
signifie  :  déformé,  faux,  froid,  mauvais.  11  correspond,  dans  le 
calendrier  tzcndal,  à  bat^,  grand  singe. 


2lS 


I)K  I.  OUKIINI':  DKS  INDII;NS  du  NOUVEAU-MONDr: 


(^ai(ac 


©    0 


C:ct  hicroglyphc,  si^ne  du  sci/iC-mc  jour  du  calendrier  maya, 
signifie  •  la  terre.  Il  correspond,  dans  le  calendrier  t/endal,  à 
ff'-ao/î,  qui  a  le  même  sens.  En  grec,  v;. 


A/iau 


0    11 

I7i 


Cet  hiéroglyphe,  signe  du  dix-septième  jour  du  calendrier 
maya,  signifie  :  le  maître,  le  chef,  l'homme.  11  correspond,  dans 
le  calendrier  t/endal^  à  ahoc,  qui  a  un  sens  analogue. 

>•'"-  Q       Q    ® 

Cet  hiéroglyphe,  signe  du  di.\-huitième  jour  du  calendrier 
maya,  signifie  :  loyer,  Icu.  11  correspond,  dans  le  calendrier 
tzcndal,  à  yvxix,  qui  a  le  même  sens.  Dans  le  calendrier  mexi- 
cain, il  est  iiguré  par  un  foyer. 

"■•  @      ®  @  (i)  (D 

Cet  hiéroglyphe,  signe  du  dix-neuvième  jour  du  calendrier 
maya,  signifie  :  souffle,  vent.  Dans  le  manuscrit 'Iroano,  il  est 
représenté  par  un  dieu  qui  soutîle.  Dans  le  calendrier  mexicain, 
c'est  un  animal  qui  court  comme  le  vent.  Enfin ,  dans  le  ma- 
nuscrit Tzcndal,  il  correspond  à  igh. 


AUbal 


Cet  hiéroglyphe,  signe  du  vingtième  jour  du  calendrier  maya, 


V.T  DE  l.F.VM  CIVILISATION 


219 


signifie  :  ce  qui  est  au-dessus.  Il  correspond,  dans  le  calendrier 
t/endal,  à  loh,  la  pluie  '. 

lels  sont  les  vingt  radicaux  principaux,  (.'hacun  d'eux  a  un 
grand  nombre  de  variantes  dont  la  signification  est  dillérente. 
Kn  outre,  de  même  que  les  caractères  chinois^  ils  se  combinent 
entre  eux  pour  lormer  les  mots  dont  on  peut  avoir  bcroin.  Les 
caractères  hiéroglyphiques  ;;ravés  sur  les  monuments  sont  plus 
compliqués  ou  ont  une  écriture  plus  élaborée.  Mais  on  recon- 
naît la  plupart  des  rad.caux  qui  forment  la  base  de  l'écriture 
des  livres  que  nous  possédons. 

Ces  documents  publiés  par  les  soins  de  lord  Kingsborough 
à  ses  Irais,  forment  encore  aujourd'hui  le  plus  beau  monument 
de  l'épigraphie  américaine  existant  en  Europe.  Parmi  les  plus 
importants  sont  ceux  qui  sont  classés  généralement  sous  le 
titre  de  rituels,  et  dont  les  plus  remarquables  sont  le  manuscrit 
du  Vatican,  dillèrent  de  celui  qui  futannoté  par  le  dominicain 
Rios;  le  manuscrit  mexicain  de  l'Université  d'Oxi'ord,  celui 
de  Fegervary,  en  Hongrie,  celui  de  l'Insitut  de  li  'ogne, 
le   codex    mexicain  de    Dresde,    le   manuscrit    Horgia   de   la 


I.  Les  boules  roiulcs  qu'on  remarque  ^lans  le  inaniiscril  Troaiio  n;;  .ont  autres  que 
les  signes  numéraux  des  Mayas.  l'nc,  ileux,  trois,  quatre  boules  rei  "esenicnt  les 
nombres  i.  2,  3  4;  5  est  (iguré  par  une  barre;  (i,  7,  H,  9  par  luie  barre  avjc  une,  •  x, 
trois,  quatre  boules  au-dessus  ;  10  était  (iguré  par  deux  barres.  Les  quinze  premiers 
nombres  avaient  des  noms  spéciaux  :  |0,  17,  i^i,  iq  portaient  les  noms  de  dix  et  six.  dix 
et  sept,  dix  et  huit,  dix  et  neuf;  10,  3o,  40,  100  avaient  des  noms  spéciaux.  Les  nom- 
bres interniéJiairea  ét.iient  formés  \\\r  l'iuldilion  des  neuf  premiers.  Arrivé  à  400,  on 
continuait  à  multiplier  de  400  en  400,  disant  deux  qu.ilre  cents,  trois  quatre  cents. 
Mais,  si  après  400  vient  un  nombre  moindre,  on  compte  selon  ce  qui  a  été  dit  plus 
haut.  Che,!  les  .Mexicains,  les  dix-neiif  premiers  nombres  se  figuraient  par  un  certain 
nombre  de  points  ronds  et  des  b;iies;  l:i  cinq  premiers  avaient  des  noms  spéciaux; 
les  quatre  suivants  étaient  représentés  par  un  mot  auquel  on  aflixait  les  premiers;  lo 
avait  un  nom  particulier  et  comme  li,  qui  lui-même  avait  une  dénomination  distincte, 
se  combinait  encore  avec  les  quatre  premiers;  c'est  ainsi  qu'on  arrivait  à  io  qui,  figuré 
par  un  petit  drapeau,  se  disait  utt  compte.  En  y  ajoutant  les  dix-neuf  premiers  nom- 
bres jusqu'à  40,  on  avait  deux  comptes.  Ainsi  de  suite  de  io  en  20  jusqu'à  400.  Ce 
dernier  avait  pour  symbole  une  plume.  Le  cube  de  10  ou  H,ooo  était  Hguré  par  u;  c 
bourse.  Pour  abréi^er,  on  disait  la  moitié  d  une  bourse,  d'une  plume. 

Chez  les  Péruviens,  d'après  Uarcilazo,  le  système  numéral,  au  lieu  d'être  vigiiitésimat, 
était  décimal. 


i 


220 


iv:  I.  ORiCiiNi':  ni-:s  indiens  du  nouveau-mondk 


propagande  à  Rome,  le  manuscrit  Troano  '  et  le  codex 
Chipolpopoca.  L'histoire  de  ces  manuscrits  est  connue.  Nous 
ne  parlerons  que  du  manuscrit  Troano,  rendu  célèbre  par  Tabbe 
Brasseur  de  Bourbourg.  Ce  manuscrit  se  compose  d'une  bande 
de  papier  antique,  fait  d'une  écorce  d'arbre  battue,  analogue 
aux  étoiles  du  même  genre,  que  fabriquent  encore  aujour- 
d'hui un  grand  nombre  de  nations  américaines.  Cette  bande^ 
de  3  m.  70  c.  de  longueur,  est  haute  de  22  centimètres  et 
demi.  Elle  est  recouverte  en  entier  d'un  enduit  blanchâtre  et 
pliée  de  manière  à  tormer  vingt-cinq  folios  de  12  centimètres  et 
iemi  de  large  chacun,  présentant  absolument  l'aspect  d'un  li- 
vre ordinaire.  Chaque  folio  est  peint,  des  deux  côtés,  d'images 
en  couleur,  entourées  ou  entremêlées  de  caractères  en  noie, 
que  les  mayas,  dans  leur  langue,  nommaient  uoli,  par  opposi- 
tion aux  images  qu'on  désignaient  par  le  vocable  .y/7'.  Le  docu- 
ment est  complet.  Aussi,  sous  ce  rapport,  peut-il  être  regardé 
jusqu'à  présent  comme  un  monument  unique. 

«  D'après  l'abbé  Brasseur  de  Bourbourg,  ce  manuscrit  con- 
"  tient  le  récit  di  l'histoire  d'un  cataclysme  géologique  sur  le- 
"  quel  était  fondé  le  système  religieux  des  populations  du  Mexi- 
"  que  et  de  l'Amérique  centrale.  «  Sans  chï,rcher  à  expliquer 
«  entièrement  ce  document  intéressant,  dit-il,  page  140,  études 
"  sur  le  manuscrit  Troano,  dont  la  traduction  intégrale  deman- 
"  derait  un  temps  considérable,  je  crois  devoir  affirmer  ici  ma 
«  proposition  d'une  manière  absolue.  Le  cataclysme,  dans  ce 
"  document,  y  est  sous  toutes  les  formes;  les  volcans  sont  des- 
"  sinés  à  chaque  page,  et  toutes  les  forces  de  la  nature  ordi- 
"  nairement  réduites  à  trois,  l'eau,  l'air  et  le  feu,  s'y  signalent 


I.  Le  maïuisciit  Troano  est  un  document  oiiginaj  de  ceux  auxquels,  dans  le  dialecte 
du  P'jrou,  on  donnait,  au  rapport  de  F-'uensalida,  cité  par  Cogolludo,  le  nom  d'O- 
nialté.  L'historien  Villaguittière  ajoute  qu'on  appelait  ainsi  des  livres  faits  de  piipier 
d'écorce  d'arbre,  où  se  trouvaient  écrites  les  histoires  de  cette  contrée  en  figures  et 
caractères. 

Les  premiers  documents  de  cette  sorte  furent  apportés  en  Espagne  avec  les  autres  pré- 
sents enviiyés  par  les  conquérants  et  offerts  à  l'empereur  Charles-Quint. 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


221 


'  de  la  manière  la  plus  évidente  et  la  plus  claire;  les  images  en 
"  sont  les  mêmes  que  celles  que  nous  dessinons  souvent  au- 
"  jourd'hui,  et  ce  sont  ces  images  qui  dessinent  le  sens  des 
"  vocables  que  je  lis  couramment  partout. 

"  Ce  cataclysme  n'a  rien  en  lui-même  qui  ait  lieu  d'étonner 
"  les  lecteurs.  On  sait  que  le  récit  s'en  trouve,  même  avec  des 
"  détails  fort  circonstanciés,  dans  tous  les  documents  prove- 
"  nant  du  Mexique  et  de  l'Amérique  centrale,  absolument 
•'  comme  l'histoire  du  déluge  dans  les  traditions  de  l'ancien 
"  monde.  Qu'on  li.se  les  annotations  du  manuscrii  Letellier,  de 
"  la  Bibliothèque  impériale,  ainsi  que  celles  de  la  copie  vati- 
"  cane;  qu'on  interroge  un  à  un  tous  les  documents  contenus 
"  dans  la  collection  de  Kingshorough,  qu'on  les  compare  à  ce 
"  que  disaient  Gomara,  Motalinia,  Sagahun,  Landa,  Cogolludo, 
«  partout  on  aura  les  mêmes  témoignages  au  sujet  de  ce  cata- 
"  clysme.  » 

Hélas!  nous  nous  demandons  comment  un  savant  comme 
l'abbé  Brasseur  de  Bourbourg  a  pu  commettre  une  pareille 
erreur  et  comment  il  a  osé  publier  ce  qui  suit  : 


Exposition  et  analyse  de  la  pai^e  J'onnanl  le  tilrc 
du  nianuscril   Troano. 

«  Traduction  libre  :  «  Le  maître...  C'est  celui  de  la  terre  sou- 
"  levée,  le  maître  de  la  calebasse,  terre  soulevée  de  la  bête  lauvc, 
■  au.\  lieux  abîmés  sous  les  flots-,  c'est  lui  le  maître  de  la  terre 
"  soulevée,  de  la  terre  gonflée,  de  la  mesure,  lui  le  maître  du 
"  bassin  de  l'eau.  "Voie  descendue;  abîmée;  sans  soutîle;  voie 
"  descendue,  abîmée  de  toutes  parts,  les  hiontagnes  s'y  sont 
"  soulevées  en  dix-neuf  endroits,  etc.,  etc.  » 

«  Première  inscription  du  tableau  inférieur  n"  i,  de  la  plan- 
"  chc  première  : 

La  terre  du  croissant,  pays  aquatique,  a  été  abîmée  sous  les 
«  eaux,  gonflée  qu'elle  était  comme  une  grenouille.  Voilà  que 


1  [ 


222 


nrc  I.'ORIGUIK  DES  INDIENS  DU   NOUVEAU-MONDE 


'.  le  sourtle  voloani(.iUC  va  le  saisir.  11  se  lèvera,  celui  qui  a  là 
"  son  j^îte.  Sa  voie,  c'est  ce  qu'il  a  amoncelé  sous  la  surface  ri- 
dée  de  ia  terre  soulevée;  sa  marche,  c'est  la  lave  en  avant, 
<■  c'est  la  surface  glacée  des  terres  soulevées  ;  sa  voie,  c'est 
'  la  lave  poussant  le  bassin  de  la  surface  des  terres  sou- 
"  levées.  » 

Voici  un  dernier  passage  :  "  co  co  co  u  co  ca  co  co  co  co  bchic  ; 
«  co  co  co  co  hiic-hihum  ;  co  co  co  co  fa«,  co  co  c<>  co  lahca  ;  co  co 

"  co  ca,  p.  14S.  Ce  qui  veut  dire  :  lieux  soulevés soulevés; 

"  croissant'.' deux  lieux  soulevés  sont  noyés  1  bouleversés  ,  lieux 
"  soulevés  en  di.v-scpt  endroits;  lieux  soulevés  quatre  en  chai- 
"  ses  dej  ;  lieux  soulevés,  douze  :,  lieux  soulevés,  deux.  » 

Il  continue  ainsi  jusqu'au  folio  v  :  «  Nous  n'irons  pas 
"  plus  loin  actuellement  dans  l'interprétation  du  manus- 
M  crit  troano,  dit-il  en  terminant.  Ces  pages,  nous  aimons  à 
"  l'espérer,  suffiront  pour  donner  de  ce  document  un»,  idée 
"  complète  au  lecteur.  Que  de  choses  il  nous  reste  '»  étudier  et 
I'  à  apprendre  dans  les  documents  mexicains,  si  lo.  ^^emps  re- 
"  poussés  avec  dédain  par  les  philologues  et  les  orientalistes!...  » 

On  est  vraiment  peiné  de  voir  un  érudit  aussi  distingué  que 
l'abbé  Brasseur  s'égarer  à  un  tel  point.  Il  a  pris  pour  un 
alphabet  une  sorte  d'aide-mémoire  des  chrétiens  du  Yucatan 
que  Landa  avait  conservé  et  dont  l'explication  est  donnée  par 
Las  Casas,  quand  il  dit  :  «  11  arrivait  parfois  que  quelques-uns 
d'entre  ces  Indiens,  oubliant  certaines  paroles  ou  particulari- 
tés de  la  doctrine  chrétienne  qu'on  leur  enseignait  et  n'étant  pas 
en  état  de  lire  notre  écriture,  se  mettaient  ù  écrire  en  entier  ces 
paroles  avec  leurs  propres  ligures  et  caractères,  d'une  manière 
fort  ingénieuse,  mettant  lajigure  qui  correspondait  chc\  eux  à  la 
parole  et  au  son  de  notre  vocable  ;  ainsi,  pour  dire  :  amen,  ils  pei- 
gnaient quelque  chose  comme  de  l'eau  a,  racine  d'à//),  puis 
un  maguey  (une  racine  de  mo'J  aloes),  ce  qui,  dans  leur  langue, 
correspond  à  amen,  et  ainsi  du  reste.  Quant  à  moi,  j'ai  vu  une 
grande  partie  de  la  doctrine  chrétienne  ainsi  écrite  en  figures 
et  en  images  qu'ils  lisaient  comme  je  lis  mes  caractères  dans 


KT  DE  LEUR  CIVILISATION 


123 


mes  lettres,  et  c'est  là  une  production  peu  connue  de  leur  génie.  " 
Nous  avons  nous-mème  vu  pareille  chose  en  Chine.  Ainsi, 
pour  écrire  le  mot  l'Vance,  on  se  sert  des  caractères  ta-lan-si. 
'i'elle  a  été  la  cause  de  Tincroyable  erreur  commise  par  l'abbé 
Brasseur.  Mais  ce  qui  nous  surprend  le  plus,  c'est  que  les  pein- 
tures du  manuscrit  troano  ne  lui  aient  pas  ouvert  les  yeux.  Car 
il  suffit  de  jeter  un  coup  d'teil  sur  les  premières  pages  pour  re- 
connaître que  c'est  une  sorte  de  bible  illustrée,  de  même  que  le 
(]odex  mexicain  de  Dresde,  le  Codex  vaticanus  et  tous  ceux 
auxquels  on  a  donné  le  nom  de  rituels  '  qui  contiennent  sur  la 
religion  de  ces  peuples  et  sur  leur  astronomie  les  renseigne- 
ments les  plus  intéressants, 

La  première  planche  sans  image  du  manuscrit  Troano  est 
une  sorte  de  table  donnant  les  noms  de  tout  ce  qui  était  en 
germe  dans  le  chaos  et  ceux  de  l'être  suprême  en  repos.  La 
deuxième  planche,  tableau  premier,  en  commençant  par  le 
bas  à  droite,  et  en  allant  de  droite  à  gauche,  est  la  créa- 
tion du  ciel  et  du  scarabée,  emblème,  comme  en  Egypte, 
du  Devenir  et  des  transformations.  La  légende  explicative  est 
elFacée.  La  deuxième  légende  est  composée  des  caractères  mu- 
luk-ik-manik-been  avec  l'œil  fermé;.  Le  cinquième,  qui  est 
cllacé,  était  sans  doute  le  caractère  de  la  clarté,  ce  qui  veut  dire 
l'esprit  du  chaos  liquide',  crée  l'obscurité  et  le  jour,  le  ta- 
bleau à  côté,  représente  en  ell'et  le  dieu  de  l'obscurité  et  le 
dieu  du  feu  ou  de  la  clarté.  {Voir  le  tableau,  p.  ■224.) 


ï.  Ainsi,  dans  le  tome  111  J;.'  la  collcvlion  Kiiigsborough,  au  premier  manuscrit  qui 
existe  dans  le  musée  Borgia.  au  collège  de  la  Propagande  de  Uome,  les  quatre  saisons  de 
l'année  sont  indiquées  avec  les  mêmes  personnages  que  dans  le  manuscrit  troano. 
Dans  le  Codex  vaticanus,  le  feuillet  73  représente  l'être  suprême  étendant  les  bras,  et  les 
pieds  écartés,  entouré  des  vingt  signes  des  jours  du  mois.  La  page  linal>'  du  C^odcx  de 
Dresde  représente  le  dieu  des  orages  tel  qu'il  est  liguié  par  le  manuscrit  troano. 


224  ^^^'  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


Kj(.<V  ' 


Si  nous  prenons  maintenant  la  dernière  planche  trente-qua- 
trième du  même  manuscrit,  le  dernier  tableau  à  gauche  repré- 
sente le  dieu  bon  qui  est  sur  le  point  de  retourner  dans  le 
chaos.  Il  tient  dans  une  main  le  ciel  et,  dans  l'autre,  la  vie;  il 
porte  devant  lui  la  tète  du  dieu  du  feu  et  derrière  lui  enchaîné 
le  dieu  opérateur.  Les  dix  caractères  de  la  légende  veulent 
dire:  le  maître  de  la  vie,  de  toute  source,  de  tout  ce  qui  est 
droitj  de  tout  ce  qui  est  grand  comme  le  ciel,  de  tout  ce  qui 


i:i    1)1-;  Ll-.LK   CIVILISATION 


223 


est,  de  tous  les  esprits,  retourne  dans  l'obscurité  ou  le  chaos. 

Le  tableau  précédent  représente  le  dieu  mauvais,  tenant  dans 
ses  mains  la  mort  et  la  vie;  la  légende  est  composée  de  carac- 
tères presque  semblables  en  apparence  à  ceux  de  la  légende 
que  nous  venons  d'expliquer,  avec  cette  ditlérence  que  chacun 
d'eux  est  modilié  de  manière  à  dire  le  contraire,  à  l'exception 
des  deux  derniers. 

Nous  nous  en  tiendrons  à  l'interprétation  de  ces  deux  ta- 
bleaux du  manuscrit  troano  dont  nous  proposons  de  publier 
plus  tard  la  traduction  entière. 

Aurions-nous  donc  trouvé  la  clef  de  cette  écriture  mysté- 
rieuse? Nous  n'osons  le  prétendre.  Cependant  nous  croyons 
pouvoir  dire  que  nous  sommes  sur  la  voie  et  espérons  qu'a- 
vec l'aide  de  savants,  nous  parviendrons  à  déchiU'rer  sinon  les 
mscriptions  des  monuments  de  Palenqué,  Copan,  etc.,  du 
moms  les  quelques  livres  que  l'on  a  pu  sauver  du  .aufragc  de 
la  civilisation  indienne. 


22(i 


hl     l.(J|(|(ilM.   iJl  .S    |M)II,N^.   \n     N(Jl   \'l  /il-MOM)! 


L'ORIGINE 
DL:   LA  CIVILISATION    INDILTnN'L 

l'KOlJVI.I'.  l'AK   l    \  (;o\ll'Alv'A!>ON    Dl..^  Md'JIKS 
Il    (.fJl.inMI.^ 


l.'clLidc  L()iii|virati\c  lies  iii'riii^  Ll  ujutuiiiusj  mi  pcujilc  csl 
un  LXCL'Ikiit  iiuncii  i^oLii  rceoimaitre  son  orij^inc.  I,()rsi|uc 
clcux  |H.n|ilcs  possc'.'dcnl  en  c(;iniiiuii  la  ineinc  coLiluinc,  il 
huit  aJinclIrc;  >ju  un  ctal  de  lIioscs  analo.^ucs  a  pu  doiincr  nais- 
saïuc  plus  dune  lois  a  un  niLinc  usa,^c,  ou  bien  <\n  il  est  in- 
vraisemblable, impossible,  i)u  un  tel  usa^e  ail  pu  se  |iroduiie 
d  une  manière  indepeikhinte  dans  plusieurs  eiidroils  a  la  lois. 
Dans  le  jiremier  cas,  la  ressemblance  observée  est  sans  valeur, 
mais,  dans  le  dernier  cas,  elle  tend  a  proiivei  d  Une  manière 
plus  cm  moins  concluante  que  les  peuples  ijui  |M>sséden(  en 
commun  cette  coutume  sont  alliés  par  le  san^,  ou  i|u  ils  ont 
été  influences  directement  l'un  j'ar  l'autre  ou  qu  ils  ont  puisé 
a  i|iieK|Ue  source  commune,  ou  bien,  eiilin,  i|Lfe  quelque  com- 
biiKiisoii  de  ce  j^enre  a  du  se  ]iroduire;  en  un  mot,  qu  il  y  a  eu 
un  rappoil  historique  entre  eux.  (iesl  ainsi  >|u  une  croyance  à 
limmortalile,  i|ui  se  rencontre  i^laiis  beaucouj"»  de  |virlies  du 
monde,  ne  prouve  en  aucune  manière  un  contact  liistoriL|ue 
entre  les  nation  .  Ljui  la  pr(jlessenl.  Mais  on   ne   p-eut   en  dire 


'    '     "I     II  I    l<    filVIl  ISA  MON 


■-'■.>7 


niit.'.nt  s.  une  conceplion  ctrango,  duuv  lomic  peu  commune 
se  run.uvc  ;.  la  |„is  dans  plusieurs  lieux.  -  Il  y  .-,  ,hns  les  ira- 
"  diliousde  rAu.Ori.iue  centrale,  dil  .Max  Mcllcr  ',  lliisloire  de 
"  deu.v    Ireres  .|ui,    au  mon.enl  de  parlir  pour  un   dangereux 
"  voyage  au  pays  de  Xihalh;,,  („,  leur  père  avail  pen,  planleul 
"  chacun  un  r(,seau  au  nnlieii  de  la  maison  de  la  ^rand'mere 
'■  -'l"i  <\u  elle  puisse  savoir,  en  vovanl  les  roseaux  fleurir  ou  se- 
"  dessécher,  si  ses  pelits-hls  soiil  ^ivanls  ou  morts.  |,i  même 
"  t'.nceplion,    exactement,    se    retrou\e    dans    les    contes    de 
"  f.nn.m.  (finaud  les  deux  enlanls  .U)r  veulent  aller   voir  le 
■'  n.onde  et  .juitter  leur  père,  celiii-ci.  loul  insic,  leur  demande 
"  conmient  il  pourra  avoir  de  leurs  nouvelles,  el  ils  lui  repo,.- 
"  Jent    :    .    Nous  vous  laissons  les  deux   lis  d  or;  «face  a  eux 
"   vous   poiirre/   voir  comment    nous  iK,ns  portons.  S'ils  .sont 
"  ''■■•lis,  c  est  >|uc  nous  sommes  bien  portants;  sils  se  laneiit 
"  c'est  .jue  non-  sommes  malades,  s'ils  lonihent  a  terre    c'esî 
"  M'ie  nous  sommes  morts.  .,  (jriinin  signale  la  même  idée  dans 
"  les  c(mtes  indiens.  >  )r,  cette  idée  es!  assez  ctran^'e,  et  ce  uni 
"  est  encore  plus  Crante,   c  es)  de  la  retrouver  a  la  lois  dans 
"  I  liKlc,  la  (jermanie  et   rAmérii|ne  centrale. 

■  Si  elle  .c  rencontrait  seulement  dans  ks  contes  indiens 
'■  cl  Hcrmani.pies,  nous  pourrions  la  considérer  comme  une 
■'  propriété  aryenne,  mais,  .piand  nous  la  trouvons  aussi  dans 
"  I  Aiiieri>|ue  centrale,  ,1  ne  nous  reste  ..jue  .luux  manières  de 
"  sortir  u  cmharras  :  .,  (>„  ,[  un,,,  jluu  .nh„cllvc  .j„,l  y  a  c,  à 
"  nnc  cp,n,„c  rrcu,/c.  cc/,a„^r  J  ,J^,s  cuire  les  a>ln„,  eurnpécs  cl 
"  lcscoulc,„-s  ,„J„;v„csJc  IA,ucr,.]„c.  s„prns,nn„  .j,,,,  ,nahn' /es 
■'  di//,a,//cs  .jucllc  prcsculc.  ncst  ccpciJanl  pas  ,„aJ,mss,Nc  ■  nu 
"  bien  m>us  devons  nous  demander  s  il  n  v  a  p;,s  ,,ueK,ue  ele- 
"  M,ent  intelligible  et  vraiment  humain  dans  celte  sympathie 
"  supposée  entre  la  vie  des  Heurs  et  celle  des  hommes  ' 
I.  étude  comparative  des  coutumes  peut  donc  être  1res  utile 


I.  A 


m:,,;;""' "  """"'"'"■' '■-"■'■'■■'-  "■'■"" '  ''- i.. ...  p:„  M., 


228 


m-:  I.  oRiciNi:  ni:s  ini)Ii:n.s  ni;  nol'vf.au-mondf; 


pour  retrouver  les  lions  qui  unissent  les  peuples.  Nous  allons 
examiner  celles  qui  nous  ont  le  plus  frappé  dans  le  Nouveau- 
Monde,  et  que  l'on  retrouve  dans  I  ancien  continent. 

En  Amérique,  comme  en  (]liine,  en  lartarie  et  dans  toute 
l'Asie,  le  plus  i;rand  désir  de  ces  peuples  était  d'avoir  une 
nombreuse  pro.^éniture  et  d'abondants  fruits  de  la  terre,  lisse 
conformaieni  en  cela  au\  recommandations  de  .''or(.)astre.  (té- 
tait ce  qu'ils  demandaient  le  plus  souvent  dans  leurs  prières. 
«  Salut,  disaient-lis,  ô  créateur,  ô  formateur,  toi  qui  nous  \()is 
et  nous  entends,  ne  nous  abandonne  pas;  ne  nous  délaisse  pas. 
Dieu  du  ciel  et  de  la  terre,  donne-nous  notre  descendance  et 
notre  postérité;  tant  i.\uc  marcheront  le  soleil  et  l'aurore.  Que 
les  semailles  se  fassent  ainsi  que  la  lumière!  »  •  Popol  viili, 
III"  partie,  ch.  ni;. 

"  Salut,  beauté  du  jour,  Huracan,  toi  qui  donnes  la  gloire  et 
la  félicité,  donne  des  lils.  des  lilles,  la  vie  et  l'être  à  mes  sujets. 
Qu'ils  croissent,  eux,  les  soutiens  et  les  nourriciers  de  tes  au- 
tels. Hn  yràce,  donne-leur  des  lils  et  des  lilles.  "  Popol  viili, 
ch.  xu  . 

Au  Mexique  et  dans  l'Amérique  centrale,  quand  un  enfant 
venait  de  naître,  de  même  qu'en  Chine  et  en  'l'artarie,  on  tuait 
une  dinde  ou  un  canard,  et  on  l'envoyait  au  prêtre.  On  allait 
ensuite  au  temple  où  l'on  brûlait  de  l'encens  et  priait. 

«  Le  cordon  ombilical  était  coupé  avec  un  couteau  neuf  sur 
un  épi  de  maïs,  dont  les  i^rains  étaient  conservés  comme  sa- 
crés. Au  jour  (ixe  par  les  devins,  on  procédait  au  baptême. 
On  se  rendait  sur  le  bord  d'une  rivière  ou  près  d'une  ton- 
laine,  on  la\ait  le  corps  de  l'enfant  et  on  olfrait  de  l'encens 
et  des  papillons  aux  dieux.  Avant  de  laver  le  corps,  le  prêtre 
prononçait  ces  paroles  :  «  (]ette  eau  te  purifiera  des  taches  et 
des  souillures  que  lU  as  contractées  dans  le  ventre  de  ta  mère, 
et,  ainsi  purifiée,  ton  existence  sera  heureuse.  »  Prenant  alors 
de  l'eau  dans  la  main  droite,  après  avoir  souillé  dessus,  le 
prêtre  en  humectait  la  bouche  et  la  poitrine  de  l'enfant.  A  la 
lin  de  la  cérémonie,  après  avoir  fait  plonger  lenfanl  dans  l'eau,. 


i:t  I)K  lkuk  civilisaiion 


22f) 


il  disait  :  "  Dieu  invisible,  liesceiuls  sur  celle  eiui.  Délivre  cet 
enlaiil  de  ses  péchés  et  iM-otè,i,'e-le  contre  la  mauvaise  fortune.  ■> 
Se  tournant  vers  l'enlant,  il  ajoutait  :  «  Mon  enti;nt,  puisse 
Dieu  te  protéi^'cr  et  détourner  le  malheur  de  ta  tète  !  » 

Quand  le  baptême  était  terminé,  les  devins  tiraient  l'horoscope 
du  nouveau  né,  et,  ^juelques  jours  après,  on  invoquait  les 
dieux  tutélaires  en  mcttanl  dans  la  main  de  l'enlant  de  petits 
instruments  en  miniature,  rcprcscniant  ceux  dont  il  serait  ap- 
pelé  à  se  servir  plus  tard.  Dans  certains  pays,  après  le  baptême, 
on  passait  six  fois  le  corps  de  l'enfant  sur  les  llammes  et  on 
lui  donnait  un  premier  nom.  Trois  mois  après,  les  parents 
présentaient  l'enfant  au  temple,  et  il  recevait  le  nom  de  la  di- 
vinité qui  avait  présidé  à  sa  naissance.  Les  Jils  des  nobles 
avaient  un  troisième  nom  qui  était  celui  de  leur  père  Moto- 
iinia,  p.  3ij). 

Au  Yucatan,  aussitôt  que  l'enfant  était  né,  il  était  porté  au 
prêtre  qui,  après  avoir  examiné  son  horoscope  et  désigné  le 
métier  ou  la  profession  qu'il  devait  embrasser  ou  suivre,  faisait 
connaître  le  nom  qu'il  devait  avoir  pendant  son  enlancc.  Plus 
tard,  l'enfant  prenait  le  nom  de  ses  parents   Landa,  ,ii  xxxii  . 

Au  Pérou,  le  nom  était  uonné  à  Fenfanl  quinze  ou  vingt  jours 
après  sa  naissance.  A  dix  ans,  il  en  recevait  un  autre.  Quelques- 
uns  gardaient  celui  de  leurs  parents.  Les  cheis  et  seigneurs 
prenaient  le  nom  qui  leur  plaisait  Cieza  .  Le  jour  de  la  nais- 
sance était  toujours  célébré  par  des  fêles. 

Les  enfants  étaient  sevrés  en  général  à  deux  ans,  et,  à  quinze 
ans,  on  leur  perçait  les  oreilles.  AuCuiatémala,  les  mères  don- 
naient le  sein  à  leurs  eniants  jusqu'à  l'âge  de  trois  ans  sans 
jamais  les  confier  à  personne  autre,  les  portant  dans  un  lilet 
attaché  à  leurs  épaules  et  faisant  tous  leurs  travaux  domesti- 
ques sans  s'en  occuper.  Elles  ne  les  mettaient  pas  à  l'abri  des 
intempéries  et  les  faisaient  coucher  sur  le  sol  ou  dans  un  petit 
hamac.  Dès  que  les  enfants  commençaient  à  marcher,  on  les 
habituait  à  porter  de  petits  fardeaux.  A  cinq  ou  six  ans,  ils 
allaient  déjà  aux  champs  pour  couper  Iherbe  ou  en  rapporter 


i.U) 


\)\     I    OKKilNI     l)r:s  INDIIvNS  Dli   NOI'Vi;AlI-MONI)K 


du  bois.  A  mesure  qu'ils  croissaient,  on  leur  enseignait  ou  un 
métier  quand  c'était  le  lils  dun  artisan  (ju  la  chasse,  la  pèche, 
le  tir  de  lare,  la  danse,  etc.  l-es  mères  apprenaient  à  leur 
lilles  à  moudre,  à  dénouer  le  coton,  à  tisser. 

La  plupart  de  ces  i^eii|">les  pratiquaient  la  circoncision.  Cette 
assertion  est  corroborée  par  celles  de  (^o^olludo,  liv.  l\\ch.  vi; 
de  l\  Martyr,  pjv  .<l'i  cl  :■>;•>('),  et  de  (îomara,  p.  \'M').  M.  l'abbé 
lirasseiir  ( licnic  or.  cl  am.)  dit  t|ue  la  coutume  de  la  circon- 
cision se  retrouxe  encore  chez  les  Mi.xi,  dans  le  centre  de 
l'Isthme  de  'l'ehuantepec.  Suivant  Mendieta,  les  Tolonaqucs 
pratiquaient  la  circoncision. 

Il  est  une  coutume  bien  curieuse,  que  nous  avons  re- 
trouvée au  Yucatan,  et  qui  prouve  combien  les  peuples 
comprenaient  l'esthétique  ditléremment  de  ceux  de  l'ancien 
continent.  Pendant  que  nous  considérons  le  strabisme  comme 
une  imperfection  de  la  nature,  les  habitants  du  Yucatan,  d'après 
Landa,  i^  x.\,  regardaient  comme  une  beauté  de  loucher,  et  les 
mères,  pour  obtenir  le  strabisme  artificiellement  de  leurs  entants, 
attachaient  à  leurs  cheveux,  dans  leur  basàf,'e,  un  petit  morceau 
de  plâtre  qui  arrivait  au  milieu  des  sourcils,  et  faisait  que,  les 
yeux  se  portant  sur  lui,  le  .strabisme  ne  tardait  pas  à  se  produire. 

Les  i^euples  d'Amérique  étaient  très  superstitieux  en  ce  qui 
concernait  les  jumeaux,  Lorsque  deux  enfants  naissaient  en- 
semble, i^resque  toujours  ils  en  immolaient  un.  Suivant  Moto- 
linia,  les  Mexicains,  en  pratiquant  cette  horrible  coutume, 
croyaient  éviter  un  malheur  pour  les  parents  qui,  .sans  ce  sacri- 
fice, auraient  été  menacés  d'une  mort  prochaine.  Les  .\loxos, 
d'après  d'Orbif^ny,  étaient  convaincus  que,  chez  la  f(;mme,  la 
naissance  de  jumeaux  était  en  dehors  des  lois  de  la  nature,  que 
les  animaux  seuls  pouvaient  avoir  plusieurs  petits,  qu'un 
homme  ne  pouvait  procréer  qu'un  seul  enfant,  et  qu'un  tel  cas 
pouvait  être  considéré  comme  une  preuve  de  finfidélité  de  la 
femme.  Les  indigènes  ((Caraïbes  ,  dit  Laptan  l't.  I,  p.  5(j2),  tuent 
un  de  leurs  enfants  jumeaux  avec  l'idée  qu'un  enfant  robuste 
vaut  mieux  que  deux  laibks  que  la    emme  serait  obligée  de 


Il   1)1    i,n  i(  CIVILISA  rioN  'ii^  I 

nourrir.  (^Iicv  les  Arniicnns,  In  naissance  de  deux  jumeaux  était 
considérée  comme  sacrilùj^e,  et,  ijuniquils  rei^ardasseiil  un  des 
enfants  comme  (ils  du  tonnerre,  les  parents  laisaient  pénitence 
comme  s'ils  avaient  commis  un  ^rand  |Kclié;  très  souvent  ils 
en  mettaient  iiii  a  mort  et  conservaient  le  corps  dans  un  vase 
comme  un  objet  sacré. 

Cctf.c  coutume  se  retrouve  chez  les  Casias  de  IHindoustan. 
Quand  ils  ont  deux  jumeaux,  ils  en  tuent  un  en  disant  que  c'est 
une  déf^radation  et  que  les  animaux  seuls  peuvent  avoir  plu- 
sieurs petits  '.  Les  Ainos  se  débarrassaient  toujours  d'un  de 
leurs  jumeaux  ^liekmore,  Pr<>c.  liosl.  Soc  ofnai.  Iiisi.  .  Kn  Ara- 
bie et  dans  la  Guinée,  dajirès  Smith  et  l'.oniian.  quand  une 
temme  a  deux  jumeaux,  on  la  tue  ainsi  que  ses  entants.  Dans 
la  province  de  N^'uru.déi-iendante  de  l'empire  d'I 'nyam/yembu, 
la  loi  ordonne  de  tuer  les  jumeaux,  en  les  jetant  à  l'eau  aus- 
sitôt qu'ils  naissent  /Speke,  Discovcry  af/lic  source  of  ihc  Nilc  . 

Dans  l'antique  poème  dcl  CabalUro  del  Cisiic.  on  lit  ce  pas- 
saf,'e  :  ..  Le  roi  montra  à  la  reine  une  lemrne  assise  à  la  porte 
du  palais  avec  deux  entants  jumeaux  dans  les  bras.  Le  roi  dé- 
tourna la  tète  en  pleurant  -  Ce  spectacle  me  (ait  mal,  dit-il  à 
la  reine.  ,Fe  vais  secourir  cette  malheureuse.  —  Non,  répondit 
la  reine,  ne  le  lais  pas,  'parce  qu'il  tant  un  homme  pour  procréer 
un  entant  et  deux  lemmes  pour  en  laire  deux.  Autrement, 
c'est  contre  nature.  Chaque  (ils  ne  peut  avoir  qu'un  père.  Com- 
bien alors  ceux-là  en  ont-ils?  « 

I-:n  Amérique  ',  les  Barents  ne  se  contentaient  pas  de  tuer  par 
superstition  leurs  enfants  jumeaux  à  leur  naissance-,  ils  ôtaient 
également  la  vie  à  leurs  autres  enfants  dans  le  but  de  s'afiran- 
chir  de  l'embarras  de  les  élever,  ou  quand  ils  étaient  trop  nom- 
breux, ou  entin  lorsqu'ils  avaient  trop  de  (illes.  Les  Chichimè- 
qucs,  dit  Camargo,  méprisaient,  haïssaient  et  souvent  tuaient 
leurs  (illes.  Suivant  Oviédo,  les  habitants  du  Nicaragua  ven- 


i.SiucI,  Ti\iiisAcli()ns,cil!iu)liii^ical  Sdciely,  vol.  VII,  p.  JoS. 

2.  -Souvent,  comiii-;  nous  l'avons  .lcj;i  .lit,  les   parents  sacriliaicnt    leurs   propres  en- 
fants aux  idoles  pour  obtenir  qnelipie  laveur  Je  la  ilivinité. 


•j:^-' 


l)K  I.  OKlt'ilNI'  DfS  INIMKNS  DU   NOL  VKAU-MONDi: 


daicnt  et  tuaient  leurs  enlants.  Les  temmes  des  ^'uracares,  ra- 
conte d'Orhiuiiv,  iiiimolciit  de  sanf;-troid  leurs  entants  à  leur 
naissance.  On  ne  trouve  pas  chez  elles  le  sentiment  maternel  et 
elles  tuent  lre«.iuemment  la  moitié  de  leurs  entants,  tout  en  res- 
tant esclaves  de  ceux  qu'elles  élèvent. 

Les  Panclies,  quand  leur  premier  entant  était  une  tille,  la 
tuaient  et  continuaient  ainsi  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  un  garçon, 
(liiez  les  Moxos,  souvent  la  mère  enterrait  ses  entants  vivants, 
simpIeniLiit  pour  se  débarrasser  d'eu.x;  d'autres  lois,  à  !a  mort 
de  leur  mère,  on  en  inliumait  un  certain  nombre  avec  elle,  s'ils 
étaient  trop  jeunes  pour  avoir  besoin  de  soins  étranj^'ers. 

Cette  horrible  coutume  a  toujours  existé,  comme  on  le  sait, 
en  Chine,  Les  mères  tuent  leurs  filles  à  la  naissunce,  sans  que 
le  sentiment  maternel  que  l'on  retrouve  chez  les  animaux  les 
empêche  de  commettre  ce  crime  épouvantable. 

N'oici  un  tait  qui  nous  a  été  raconté  par  le  révérend  père  Anot 
pro-vicaire  apostolique  du  Kiangsi.  Un  jour,  cet  excellent  pré 
tre  ayant  appris  qu'une  chrétienne    nouvellement   convertie 
avait  noyé  une  de  ses  tilles,  aussitôt  après  sa  naissance,  lu 
reprocha    sévèrement  sa  conduite.  Cette  mère  dénaturée  lui 
objecta  qu'elle  était  trop  pauvre  pour  nourrir  quatre  ulles,  et  ce 
ne  fut  que  lorsque  le  père  Anol  lui  eut  expliqué  que  c'était 
un  péché  capital  dont  elle  s'était  rendue  coupable  que  le  re- 
mords commença  à  se  faire  sentit ,  elle  se  mit  à  pleurer  et  pro- 

■'  de  ne  plus  recommencer.  Du  reste,  en  Chine,  on  doit  le  dire, 

.  ne  tue  jamais  les  garçons,  et  plus  leur  nombre  est  considé- 
lable,  plus  les  parents  sont  contents,  dans  l'espérance  qu'après 
leur  mort  leur  tablette  (la  tablette  des  ancêtres)  sera  mieux  soi- 
gnée. 

Les  peuples  d'Amérique  prêteraient  aussi  avoir  un  plus 
grand  nombre  de  tils  que  de  tilles  '.  (cependant,  quand  ils  n'a- 
vaient que  des  garçons,  ils  adoptaient  une  tille  ou  bien  élevaient 


I.   Les   Indiens  do   Guatemala,  dit  Xinicncs,  jcûnaiLMit  et   priaient  pour   obtenir   un 
tils. 


r:T  DK  i.r:uH  civif.iSATioN 


■23} 


un  de  leurs  enfants  mâles  comme  une  (ille.  Piedrahita  (Tiv.  1'', 
ch.  Ml  K;.:onte  que  les  Lâches  avaient  une  loi  d'après  laquelle, 
quand  une  temme  avait  donné  successivement  le  jour  à  cinq 
garçons,  les  parents  pouvaient,  à  ià^e  de  douze  ans,  trans- 
lormer  l'un  d'eux  en  lille,  c'est-à-dire  l'habiller  avec  des 
vêtements  de  femme  et  l'élever  comme  telle.  Il  en  résultait 
que,  peu  à  peu,  la  ressemblance  devenait  si  parfaite,  comm^ 
forme  et  maintien,  qu'on  ne  pouvait  le  distinguer  des  femmes. 
On  les  nommait  Aismos.  Us  exerçaient  les  obligations  des 
femmes  avec  la  force  des  hommes.  (^)uand  ils  étaient  parve- 
nus à  ràf,'e  viril,  ils  étaient  mariés  comme  des  fcnmies,  et  les 
Lâches  les  préféraient  à  des  femmes  réelles. 

Une  très  curieuse  coutume  était  celle  qui  exigeait  qu'à  la 
naissance  d'un  enfant  le  père  se  mit  au  lit.  A  la  naissance  d'un 
enfant,  dit  d'Orbigny,  dans  Y  Homme  amcricain,  chez  les  Chiri- 
guanos,  c'est  le  père  qu'on  soigne.  La  nouvelle  accouchée  ne 
suspend  pas  ses  travaux.  Chez  les  (îuaranis  du  Paraguay,  le 
mari  jeûnait  rigoureusement  pendant  quinze  jours  sans  sortir. 
On  le  cousait  dans  un  hamac,  laissant  une  petite  ouverture  vis- 
à-vis  de  la  bouche  pour  respirer,  et  dans  cette  position  on  le 
tenait  deux  ou  trois  jours  enve'oppé,  en  l'obligeant  au  jeûne  le 
plus  rigoureux  (Padre  (luevarrai. 

«  Chez  les  Caraïbes  de  l'Inde  occidentale,  dit  Du  Tertre, 
quand  un  enfiin"  est  né,  la  mère  retourne  de  suite  à  son  ou- 
vrage, mais  le  père  s'étend  dans  son  hamac.  Là  il  est  soumis 
à  une  diète  sévère;  après  quarante  jours  on  invite  les  pa- 
rents qui,  à  peine  arrivés,  avant  de  se  mettre  à  manger,  font 
de  larges  entailles  dans  la  peau  du  malheureux  et  lui  tirent  du 
sang  de  toutes  les  parties  du  corps.  Ils  prennent  ensuite  soixante 
ou  quatre-vingts  gros  grains  de  piment  et,  après  les  avoir  bien 
fait  tremper  dans  l'eau,  ils  lavent  avec  celte  infusion  les  écor- 
chures  du  pauvre  malheureux  qui  ne  doit  pas  pousser  un  seul 
gémissement.  » 

La  grossesse  d'une  femme,  chez  les  Guaranis,  amène  tou- 
jours beaucoup  de  pusillanimité  chez  le  mari  dont  les  actions 


2^4 


OF   I.  ORIGINK  OKS  INIMKNS  niJ   NOUVFAU-MONDr; 


peuvent  influer  sur  l'état  de  l'enfnnt  et  sur  l'accouchement  qui, 
traité  inditléremment  pour  la  lemme  ,  oblige  quelquelois  le 
mari  à  prendre  des  mesures  hygiéniques  (d'Orbigny,  p.  '277). 
Chez  les  Guaqucs  Indiens  vivant  sur  les  bords  du  Caqueta  et 
du  Patumaya),  quand  une  femme  est  sur  le  point  d'accoucher, 
le  mari  j^répare  un  rancho,  où  la  femme  est  reléguée  et  .qu'elle 
ne  quitte  plus  pendant  trois  mois.  Pendant  ce  temps,  le  mari, 
étendu  dans  son  hamac,  ne  commet  aucun  acte  de  violence  et 
ne  mange  aucun  aliment  nuisible  à  l'enfant.  Le  tigre  peut  alors 
s'approcher  sans  craindre  la  flèche  empoisonnée.  L'Indien  pré- 
férerait être  dévoré  plutôt  que  de  tuer  l'animal,  parce  que  cela 
causerait  la  mort  de  l'enfant.  Les  trois  mois  écoulés,  le  père,  la 
mère  et  l'enfant  se  frottent  le  corps  avec  des  cendres  et  vont  à 
leurs  travaux  ordinaires  Albis,  p.  10. 

Au  Kamtchatka,  le  mari,  au  moment  où  Ton  attend  la  nais- 
sance de  l'enfant,  ne  doit  pas  faire  le  moindre  travail,  comme 
celui  de  plier  sur  son  genou  des  douves  de  traîneau. 

Cette  coutume  si  bi/arre  se  retrouve  dans  l'ancien  continent, 
où  son  existence  est  attestée,  p;;ndant  près  de  deux  mille  ans, 
par  des  témoignages  historiques. 

Marco  Polo,  voyageant  en  Chine  au  xnr"  siècle,  l  observa  dans 
la  province  chinoise  du  Yunnan  occidental.  Mais  elle  remonte 
plus  loin.  Elle  régnait  chez  les  Scythes  vers  le  commencement 
de  l'ère  chrétienne.  Strabon  dit  que,  chez  les  Ibériens  du  nord 
de  l'Espagne,  les  femmes,  après  la  naissance  d'un  enfant,  soi- 
gnaient leurs  maris,  les  faisant  mettre  au  lit  au  lieu  de  s'y 
mettre  elles-mêmes.  Dans  le  même  pays  et  chez  les  Pjasques 
modernes,  qui  sont  les  descendants  des  Ibériens,  M.  E.  Michel 
a  retrouvé  la  même  coutume  en  vigueur,  il  n'y  a  que  peu  d'an- 
nées encore.  Du  pays  basque,  dans  les  Pyrénées  espagnoles, 
cette  coutume  semble  s'être  propagée  jusqu'en  Erance,  où  x.'lle 
a  reçu  le  nom  de  faire  la  couvadc.  Ce  n'est  pas  tout.  Diodore  de 
Sicile  alîirme  que,  chez  les  indigènes  de  la  Corse,  on  ne  s'in- 
r  était  pas  de  la  femme,  mais  que  le  mari  était  traité  et  mis 
au  lit  comme  le  vrai  malade.  On  retrouve  cet  usage,  d'après 


ET   DE  EKUK  CIVILISATION 


235 


Apollonius  de  Rhodes,  au  sud  de  la  mer  Noire,  chez  un  peu- 
ple nommé  Tibaréni.  l<:niin,  chez  les  Dayaks  qui  habitent  la 
terre  de  Bornéo,  le  mari,  avant  la  naissance  de  son  entant,  ne 
doit  pas  travailler  avec  un  instrument  tranchant,  si  ce  n'est 
quand  les  soins  de  la  culture  l'exigent  absolument.  Il  ne  doit 
pas  tirer  de  coup  de  fusil,  ni  tuer  des  animaux,  ni  faire  aucun 
ouvrage  violent.  Après  la  naissance,  le  père  est  retenu  prison- 
nier dans  la  maison  pendant  quelques  jours;  il  est  mis  à  !a 
diète,  on  ne  lui  donne  que  du  riz  et  du  sel. 

Les  historiens  qui  ont  parle  de  cette  coutume  des  peuples 
du  Nouveau-Monde,  ont  oublié  de  dire  qu'en  même  temps 
qu'un  jeûne  rigoureux  était  imposé  au  mari  dans  son  lit  ou  son 
haiTiac,  après  la  naissance  de  l'enfant,  il  devait  demander  à  la  di- 
vinité de  protéger  le  nouveau-né,  et  que  le  jeune  et  le  repos  forcé 
n'avaient  pas  d'autre  but  que  d'implorer  la  bonté  de  la  divinité 
en  faveur  de  l'enfant.  "  Pour  rendre  les  dieux  favorables  à  leurs 
prières,  dit  Piédrahita,  les  Chibchas  jeûnaient  toujours  pendant 
quelques  jours;  cette  abstinence  était  accompagnée  d'une  ré- 
clusion volontaire,  durant  laquelle  ils  ne  se  lavaient  pas  et  n'a- 
vaient aucun  rapport  avec  leurs  femmes.  Ce  ''-iî  avait  lieu 
dans  toutes  les  circonstances  importantes  de  la  vie.  " 

Le  mariage,  en  Amérique,  était  un  contrat  unissant  d'une  ma- 
nière indissoluble  l'homme  à  la  femme  et  ne  pouvait  être 
rompu  que  dans  certains  cas  par  l'autorité  civile.  Ce  contrat 
était  passé,  soit  devant  un  prêtre,  soit  devant  un  représentant 
de  l'autorité  civile.  11  était  sujet  à  certaines  règles  exigées  par 
la  loi.  Ainsi  il  ne  pouvait  avoir  lieu  sans  le  consentement 
des  parents  des  deux  parties.  En  outre ,  certains  empêche- 
ments de  consanguinité  étaient  prévus  depuis  le  premier  jus- 
qu'au 4^  degré  suivant  les  pays.  Aux  parents,  comme  en  Chine, 
incombait  le  devoir  de  m.irier  leurs  enfants  et  ils  se  servaient 
pour  cela  d'entremetteurs  ou  entremetteuses,  chargés  de  né- 
gocier l'affaire.  Comme  la  société  était  divisée  en  castes,  on 
ne  pouvait  se  marier  que  dans  sa  caste  et,  dans  certains  pays, 
un  noble  qui  se  serait  mésallié  en  se  mariant  avec  une  fille  du 


23() 


1)K  1,'omCilNi:  Dt.S   INDIENS  DU   NOUVKAU-MONDR 


pcLuMc,  s'exposait  à  perdre  son  raiii;  et  ses  hiens.  (jénéralc- 
ment  la  dot  était  donnée  par  l'homme  et  lui  était  rendue  en 
cr.s  de  divorce  ou  de  séparation.  D'autres  t'ois,  l'homme  et  la 
femme  apportaient  à  la  communauté  chacun  leurs  parts  de 
hiens.  Au  jour  fixé  par  les  devins,  le  mariage  était  conclu  par 
un  chef  civil  ou  un  prêtre,  en  présence  des  deux  familles  et  des 
amis  invités  pour  la  cérémonie  qui  avait  lieu,  le  plus  souvent, 
dans  le  domicile  du  père  de  la  jeune  lille.  Le  chef  civil  ou  le 
prêtre,  après  avoir  demandé  aux  jeunes  f^'ens  leur  consentement 
mutuel,  unissait  leurs  mains,  attachait  leurs  vêtements  et  décla- 
rait qu'ils  étaient  niariés.  Dans  certains  pays,  comme  au  (Jluaté- 
mala,  le  futur  et  la  future  devaient,  avant  le  mariage,  faire  au 
prêtre  une  confession  générale  de  tous  leurs  péchés.  L'acte  de 
mariage  devait  ensuite  être  enregistré  devant  témoins  alin  de 
servir  de  preuve  en  cas  de  besoin.  Les  mariages  étaient  ac- 
compagnes de  têtes  plus  ou  moins  solennelles,  suivant  le  rang, 
la  lortune  des  conjoints. 

La  polygamie  était  permise,  mais  la  cérémonie  du  mariage 
n'avait  lieu  que  pour  la  première  femme  tant  qu'elle  vivait.  Les 
autres  femmes  étaient  des  concubines  qui  devaient  obéissance 
et  respect  à  la  femme  légitime. 

Les  seigneurs  avaient  un  nombre  de  femmes  proportionné  à 
leur  fortune.  Le  peuple  se  contentait  d'une  seule. 

Le  divorce  était  accordé  au  mari  dans  les  cas  d'adultère,  de 
stérilité,  de  mauvais  caractère  ou  de  malpropreté  habituelle 
de  la  femme.  La  femme  pouvai*  également  demander  le  di- 
vorce en  certains  cas.  Ln  cas  d^  divorce,  de  séparation  légale 
ou  de  répudiati(v-,  les  biens  étaient  divisés  entre  les  conjoints 
d'après  leur  a,  port.  Ils  pouvaient  se  remarier.  La  femme 
emmenait  avec  elle  les  filles  et  le  mari  les  garçons;  ils  ne 
pouvaient  plus  vivre  de  nouveau  ensemble  sous  peine  de 
mort. 

L'adultère  était  puni  partout  très  sévèrement.  Dans  plusieurs 
contrées,  la  jeune  lille  était  libre  de  ses  actes-,  on  faisait  peu  de 
cas  de  sa  cha^^teté.  Mais,  une  fois  mariée,  elle  était  tenue  à  la 


" 


I-.T  1)1-:  l.liUK  CIVILISATION  237 

plus  grande  fidclitc  conjugale.  La  femme,  en  général,  était  plu- 
tôt une  esclave  qu'une  compagne. 

Les  lois  concernant  les  successions  étaient  dillérentes  suivant 
les  pays.  Au  Mexique,  dans  certa  endroits,  le  lils  aîné  héri- 
tait de  tous  les  biens  et  devait  soutenir  toute  la  lamille;  dans 
d'autres  lieux,  les  biens  étaient  partagés  entre  tous  lesiils;  les 
filles  n'héritaient  pas,  et,  dans  le  cas  où  il  n'y  avait  pas  d'enfant 
mâle,  la  succession  revenait  aux  frères  ou  aux  neveux.  Au  Pé- 
rou, l'héritier  utait  le  (ils  de  la  i->reniiére  femme,  ensuite  le  frère 
ou  le  lils  de  la  sieur. 

On  voit,  par  cet  exposé,  que  les  coutumes  relatives  au  ma- 
riage, les  lois  domestiques,  maritales  et  tiliales  présentent  de 
glandes  analogies  avec  celles  de  l'ancien  continent,  surtout  de 
la  Chine  et  de  la  l'artarie.  Afin  qu'on  puisse  mieux  en  juger, 
nous  allons  reproduire  quelques  extraits  des  meilleurs  auteurs 
qui  ont  traité  ce  sujet  intéressant. 

Au  Mexique,  tout  mariage  entre  personnes  apparentées  au 
premier  degré  de  consanguinité  ou  d'allinité  était  strictement 
défendu  par  les  lois  du  Mexique  et  du  Michoacan,  à  moins  que 
ce  ne  fût  entre  cousins  et  cousines  '.  Aucun  mariage  ne  pouvait 
avoir  lieu  .sans  le  consentement  des  parents.  (^)uand  un  fils  était 
arrivéàràgeoùil  pouvait  diriger  ses  alliaires,  c'est-à-dire  à  vingt 
ou  vingt -deux  ans  et  la  femme  à  seize  ou  dix-huit,  on  cherchait  à 
les  marier  con\enablement  iClavigéro,  liv.VI,ch.  xxxviii).  Les 
mariages  entre  frères  et  belles-sœurs  n'étaient  pas  prohibés. 

La  polygamie  était  permise  dans  tout  l'empire  mexicain. 
Les  rois  et  les  seigneurs  avaient  plusieurs  femmes  iClavigéro, 
liv.  VI,  ch.  xxxviii;. 

Les  anciens  Chichimèques  n'avaient  qu'une  femme  (Ca- 
margo,  Xoup.  am.,  11,  p.  147  . 

Le  peuple  se  contentait  d'une  seule  femme,  tandis  que  les 
seigneurs  en  avaient  un  grand  nombre,  quelquefois  plus  de 
huit  cents  1  Lettre  de  Francisco  de  Bologna). 


!.  I.ii  mciiiv:  toulunv.'  cxisto  cii  Lliiiic. 


23S 


Di:  I OKic.iNK  i)i;s  i.v  ,ii:ns  du  nouvi-.au-mondi: 


Un  homme  qui  voulait  avoir  une  concubine  la  demandait  à 
ses  parents  d  une  manière  dillérente  que  lorsqu'il  s'agissait  du 
mariage.  11  disait  aux  parents  qu'il  désirait  leur  tille  pour  avoir 
des  enlanis  d'elle.  Quand  un  entant  était  né,  les  parents  som- 
maient alors  le  jeune  homme  de  se  marier  avec  elle  ou  de  la 
laisser  partir,  et  il  était  oblige  d'y  consentir   Zurita,  p.  ii5). 

L'adultère  était  puni  de  mort  (Clavigéro,  liv.  \'1I,  ch.  wn;. 

ils  ne  considéraient  pas  comme  adultère  la  cohabitation  du 
mari  avec  une  lemme  non  mariée  {Clavigéro,  liv.  \'1I,  ch.  xvn). 

Les  Mexicains  étaient  très  jaloux  de  la  virginité  de  la  temme 
qu'ils  avaient  épousée,  et,  quand  ils  l'avaient  constatée,  ils  lui 
taisaient  des  présents  ainsi  qu'à  ses  parents  Herrera,  111,  p.  2 1 71. 

Le  divorce,  comme  en  Chine,  était  accordé  pour  mauvais 
caractère,  malpropreté  habituelle  et  stérilité  chez  la  iemme 
(Gomara,  p.  440). 

Chez  les  Mexicains,  le  rite  essentiel  était  d  attacher  ensem- 
ble les  vêtements  du  futur  et  de  la  luture.  Chez  les  Mixtèqucs, 
après  que  les  vêtements  avaient  été  attachés,  ils  coupaient  une 
mèche  de  leurs  che\'eux  qu'ils  se  donnaient  mutuellement  et 
qu'ils  devaient  garder  avec  soin  (Clavigéro  . 

Chez  les  (Jtomites,  quand  un  jeune  homme  voulait  se  marier, 
si  la  première  nuit  il  trouvait  quelque  chose  dans  sa  temme  qui 
ne  lui  plût  pas,  il  pouvait  la  renvoyer  le  lendemain.  Mais,  s'il 
ne  le  taisait  pas,  il  ne  pouvait  plus  labandonner.  Le  contrat 
était  ratilié,  et  les  mariés  taisaient  pénitence  pendant  vingt  ou 
trente  jours. 

Au  Yucatan,  on  ne  pouvait  épouser  sa  belle-sœur  après  la 
mort  de  son  mari.  Le  mariage  avec  sa  bellc-mèrej  sa  belle-scL'ur 
ou  sa  tante  était  détendu.  (Jn  ne  tenait  aucun  compte  des  de- 
grés de  parenté  du  côte  de  la  mère,  même  comme  cousins  ger- 
mains i'Landa,  ?J  xxv). 

Quelquefois  les  pères  négociaient  et  concluaient  les  mariages 
pour  leurs  iils  quand  ils  étaient  encore  petits  (Landa,  fi  xxv). 

Les  pères  devaient  chercher  pour  leurs  lils  des  filles  de  leur 
rang  et  tortune  et.  autant  que  possible,  de  la  même  localité. 


1;T  ni".  LKUK  CIVILISA  liON  23q 

Pour  cela,  ils  s'adressaient  à  des  entremetteuses,  l'ne  lois  d'ac- 
cord, la  dot  était  lixée.  Le  père  du  liitur  l'envoyait  au  père  de  la 
luiure;  en  outre,  la  mère  taisait  des  vètemenis  pour  son  /ils  et 
sa  belle-lille.  Au  jour  lixé,  on  se  réunissait  dans  la  maison  du 
père  de  la  fiancée.  Là  avait  lieu  un  banquet,  et,  quand  les  invités 
et  les  parents  étaient  assemblés,  le  prêtre  disait  que,  puisqu'ils 
se  convenaient  et  que  tout  était  suivant  les  rèf,'les,  ils  étaient  ma- 
riés. Alors  on  donnait  latemme  à  l'homme,  et  le  banquet  com- 
mençait. A  partir  de  ce  jour,  le  i;endre  restau  dans  la  mai.son 
de  son  oeau-père,  travaillant  pour  lui  pendant  cinq  ou  six  ans, 
et,  s'il  reiusait  de  travailler,  il  était  renvoyé  de  la  maison,  et  les 
mères  s'arrangeaient  de  manière  que  la  temme  pût  iournir  le 
nécessaire  à  son  mari,  pour  indiquer  que  le  mariage  n'était 
pas  rompu   Landa,  ?;  xxv 

Au  (iuatemala,  les  empêchements  de  consanguinité  et  d  affi- 
nité ne  concernaient  que  la  ligne  masculine.  C'étaient  les  pa- 
rents qui  contractaient  le  mariage  pour  leurs  entants,  et  ceux-ci 
ne  pouvaient  se  marier  sans  leur  consentement.  Quand  ils 
étaient  parvenus  à  l'âge  voulu,  et  que  tout  avait  été  préparé 
par  les  parents,  ces  derniers  consultaient  les  devins.  Si,  par  la. 
combinaison  des  signes  des  deux  jeunes  gens,  ils  reconnais- 
saient que  1  alliance  serait  malheureuse,  on  s'inclinait  devant 
leur  décision.  Dans  le  cas  contraire,  on  taisait  demander  la 
jeune  lille  à  ses  parents,  par  des  entremetteuses  de  la  tamille 
du  tutur,  Ces  temmes  portaient  un  présent  à  la  tamille  de  la 
jeune  lille,  et  taisaient  la  demande  de  sa  main.  H  était  admis 
que  la  première  fois  cette  demande  devait  être  refusée,  et 
qu'une  nouvelle  démarche  devait  être  faite  avec  de  nouveaux 
présents.  Alors  on  répondait  qu'on  allait  consulter  la  jeune 
iille  et  les  devins.  Puis,  quelques  jours  après,  on  faisait  savoir 
que  l'on  gardait  les  présents,  ce  qui  indiquait  que  la  demande 
était  acceptée.  Les  deux  tamilles  se  considéraient,  à  partir  de 
ce  moment,  comme  engagées.  Au  jour  de  la  noce,  fixé  par  les 
devins,  le  père  du  iiancé  envoyait  plusieurs  femmes  respecta- 
bles de  la  tamille,  pour  aller  chercher  la  jeune  fille.  Chez  cer- 


240  i)i;  I.  ouiuiNL  i)i;s  i.ndiins  dl  nouveau-monde 

taines  tribus,  le  liancé  lui-mcmc  se  rendait  à  la  maison  de  sa 
future  pour  laccompa.^ner.  Avant  le  départ,  on  laisail  une 
grande  tète  dans  la  lamilie  de  la  liancee,  et,  quand  on  se  n.et- 
tait  en  route,  toutes  les  personnes  in\itées  taisaient  partie  du 
cortège.  Si  la  jeune  lille  était  nohle,  elle  était  portée  en  litière. 
Lorsqu'elle  arrivait  à  la  maison  de  son  lutur,  le  liancé  et  ses 
parents  la  recevaient  à  la  jiorte,  précédés  de  quatre  lemmes 
portant  des  llambeaux  '.  Le  liancé,  prenant  sa  luture  par  la 
main,  la  conduisait  à  la  salle  destinée  à  la  célébration  du  ma- 
riage. Pendant  ce  tem.ps,  on  sacriliait  des  cailles  et  on  ollrait 
de  l'encens  aux  dieux.  Les  deux  jeunes  gens  s'asseyaient  sur 
une  natte  neuve  disposée  au  centre  de  la  pièce,  et  près  d  un 
leu  allumé  à  cet  ellet,  La  principale  autorité  civile  ou  religieuse 
attachait  avec  une  épingle  le  vêtement  extérieur  de  la  jeune 
lille  à  celui  du  jeune  homme.  Le  mariage  était  alors  conclu. 
On  faisait  ensuite  sept  lois  le  tour  du  leu,  on  ollrait  de  Tencens 
aux  dieux,  et  on  échangeait  des  présents.  La  dot  était  constituée 
au  moyen  dune  collecte  laite  entre  tous  les  parents  et  vassaux 
du  mari.  La  cérémonie  se  terminait  par  des  danses  et  un  ban- 
quet. Les  deux  époux  ne  devaient  pas  sortir  durant  quatre 
jours. 

Leurs  lits  étaient  des  nattes  de  roseaux  couvertes  de  petits 
draps,  avec  certaines  plumes  et  une  pierre  précieuse,  chalchiuh 
(sorte  de  jade  vert  ou  émeraude  '). 

Aux  quatre  coins  du  lit  il  y  avait  des  cannes  vertes  et  des 
épines  daloès  qui  leur  servaient  à  tirer  du  sang  de  leur  langue 
et  de  leurs  oreilles,  en  l'honneur  de  leur  dieu. 

Le  cinquième  jour,  au  matin,  les  deux  époux  se  baignaient, 
mettaient  des  vêtements  neufs,  et  ceux  qui  avaient  été  invités 
ornaient  leurs  tètes  avec  des  plumes  blanches  et  leurs  pieds 
et  leurs  mains  avec  des  plumes  rouges.  La  cérémonie  Unissait 
par  loliVande  de  présents  aux  invités,  et  le  même  jour  on  por- 


1.  KxactciDcnt  les  niCnics  coutumes  qu'en  Chine. 

2.  Leur  iJolàtrie  con.sistait  toujnurs   ;i  adorer  des  puries   j-récKuscs  nommées  chal- 
ciiiuli,  et  des  plumes  qu'on  appelait  ihc  sh.iJuir  <>f  tl>c  ^<id.  (I)uran,  I.  p.  220.) 


KT  DK  M'IK  CIVILISATION 


241 


tait  au  temple  les  nattes,  les  draps,  les  cannes  et  les  mets  qui 
avaient  été  présentés  aux  hôtes.  (C]lavii,'ero,  1.  VI,  ch.  xxxviii.) 

Les  Vucatèques  achetaient  leurs  lemmes.  Si  celle-ci  n'avait 
pas  d'entant,  son  mari  pouvait  la  vendre,  à  moins  que  son  père 
ne  consentît  à  rendre  la  somme  déboursée  ;  l'ernaux-Compans, 
VI.  p.  46;. 

Au  (juatémala,  on  ne  pouvait  être  nommé  à  une  fonction 
publique  si  Ton  n'appartenait  pas  à  la  noblesse.  Aussi  y  avait- 
il  une  loi  pour  conserver  la  pureté  du  sanj;,  laquelle  prescrivait 
que  tout  noble  qui  se  mésallierait  en  se  mariant  avec  une  fille  du 
peuple  serait  dégradé,  deviendrait  un  ma/egual,  prendrait  le 
nom  de  sa  temme,  serait  sujet  à  toutes  les  charges  du  peuple, 
et  que  ses  biens  seraient  conlisqués,  à  l'exception  de  ce  qui  lui 
serait  nécessaire  pour  vivre  comme  Ma/egual  Juarros,  p.  njo). 

Au  Salvador,  la  polygamie  était  permise,  mais  le  peuple,  en 
général,  n'avait  qu'une  femme. 

Au  Nicaragua,  le  futur  et  la  future  se  présentaient  devant  le 
Cacique,  qui  leur  faisait  mettre  les  petits  doigts  de  la  main 
gauche  dans  une  petite  niche  construite  à  cet  ellet,  et  leur  di- 
sait :  "  Ayez  soin  que,  pendant  tout  le  temps  que  vous  serez 
mariés,  votre  vie  soit  honorable;  veillez  sur  votre  maison  et 
vos  enlants.  »  Il  les  laissait  ensuite  dans  une  chambre  avec  une 
petite  chandelle  allumée,  et  ils  demeuraient  ensemble  regardant 
la  petite  chandelle  jusqu'à  ce  qu'elle  fût  consumée.  Aussitôt 
qu'elle  était  éteinte,  le  mariage  était  conclu. 

Ils  n'avaient  qu'une  femme  légitime,  mais  pouvaient  pren- 
dre comme  concubines  leurs  esclaves  (Cieza  . 

Chez  les  Chibchas,  le  mariage  était  défendu  pour  le  premier 
degré  de  consanguinité,  et,  dans  quelques  lieux,  pour  le  second 
(Herrcra,  \',  p.  88;. 

Ils  avaient  autant  de  femmes  qu'ils  pouvaient  entretenir.  Le 
nombre  des  femmes  du  roi  allait  jusqu'à  quatre  cents.  Mais 
une  seule  d'entre  elles  était  légitime  et  l'union  de  cette  dernière 
devait  être  consacrée  par  un  prêtre. 

Quand  les  Mozcas  voulaient  se  marier,  ils  allaient  devant 


U) 


242 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU   NOUVEAU-MONDE 


les  prêtres,  le  bras  du  jeune  homme  posé  sur  lépaule  de  la 
jeune  lille  et  vice  versa.  Le  prêtre  alors  demandait  à  la  femme 
si. elle  aurait  plus  soin  de  Bochica  que  de  son  mari.  Elle  répon- 
dait oui.  11  lui  demandait  ensuite  si  elle  aurait  plus  soin  de  son 
mari  que  des  entants  qu  elle  aurait  de  lui,  si  elle  aimerait  mieux 
ses  enfants  qu'elle-même?  Après  qu'elle  avait  répondu  allir- 
mativement,  il  ajoutait  :  "  Si  votre  mari  mourrait  de  faim  et 
que  vous  eussiez  quelque  chose  à  manger,  le  manderiez  vous?  » 
Elle  devait  dire  non.  "  Promettez-vous  qu'à  moins  d  être  ap- 
pelée par  votre  mari  dans  son  lit  vous  n'irez  pas.  <■  Après 
qu  elle  avait  promis,  le  prêtre  se  tournait  vers  le  mari,  lui  de- 
mandait s  il  acceptait  comme  lemme  celle  qu'il  tenait  eml">rassée. 
Le  mari  répondait  à  haute  voi.\  trois  ou  quatre  fois  :  .l'accepte. 
Vous  êtes  mariés,  disait  le  prêtre  en  terminant  la  cérémonie 
Piedrahita,  1.  I,  ch.  iv). 

Dans  certaines  tribus,  les  Indiens,  en  se  mariant,  ne  se  i">ré- 
occupaient  pas  si  leur  femme  était  vierge.  Au  contraire,  une 
bonne  conduite  passait  pour  une  incapacité  de  se  taire  aimer 
et  écartait  les  prétendants.  Malgré  cela,  une  fois  mariés,  ils 
étaient  très  sensibles  à  leur  infidélité.  Si  une  temme  était  soup- 
çonnée d'adultère,  son  mari  lui  faisait  boire  une  grande  quan- 
tité d'aji  qui  lui  brûlait  les  entrailles,  croyant  qu'ainsi  elle  con- 
fesserait sa  faute.  Dans  ce  cas,  elle  était,  d  après  la  loi, 
condamnée  à  mourir  avec  le  coupable,  qui  pouvait  se  racheter 
par  des  présr-nts  (Simon,  p.  255).  Celui  qui  perdait  sa  femme 
en  couches  était  accusé  d  être  le  complice  de  sa  mort  et  devait 
donner  aux  parents  la  moitié  de  sa  fortune  en  dédommage- 
ment. 

Chez  les  Péruviens,  chaque  année,  ou  tous  les  deux  ans,  le 
roi  ordonnait  à  tous  les  jeunes  gens  arrivés  à  un  certain 
âge  de  se  marier,  c'est-à-dire  aux  hommes  de  vingt-quatre  ans 
et  au-dessus,  et  aux  filles  de  dix-huit  à  vingt  ans,  et  unissant 
les  mains  des  futurs,  déclarait  qu'ils  étaient  mariés  (Garcilazo, 
i.  IV,  ch  vui).  Mais  aucun  mariage  n'était  valable  sans  le  con- 
sentement des  parents  et  la  libre  volonté  des  conjoints. 


irr  dp:  leiu  civilisation 


24.< 


Tous  ceux  de  sanj^  noble  pouvaient  se  marier  avec  leurs 
parents  jusqu'au  quatrième  dej^ré. 

Toute  lemme  surprise  en  lla^Tant  délit  d  adultère  pouvait 
être  tuée  sur  le  coup  par  le  mari,  ainsi  que  son  amant,  l.cs 
vierges  du  soleil  qui  commettaient  un  adultère  étaient  enter- 
rées vivantes  et  leur  amant  pendu.  Cependant,  si,  étant  en- 
ceinte, elle  disait  qu'elle  l'était  du  soleil,  elle  était  crue  jusqu'à 
preuve  du  contraire  (Gieza). 

Chez  certaines  tribus,  quand  le  mar.hf^'e  était  convenu  entre 
des  tamilles,  les  jeun.'S  fj;ens  se  réunis.saient.  Le  jeune  homme 
servait  pendant  quelques  jours  sa  luture,  puis,  au  jour  lixé, 
après  un  ieùne  de  quarante-huit  heures,  en  présence  du  prêtre, 
tous  deux  buvaient  dans  le  même  verre  un  [leu  de  chicha.  Le 
futur  mettait  au  pied  de  sa  luture  un  soulier  d'une  lorme  sini^u- 
lière  et  le  mariage  était  conclu. 

Les  Curacas  avaient  plusieurs  temmes  (Cie/a,  p.  44J.  Chez 
les  Canaris,  les  chets  pouvaient  prendre  le  nombre  de  temmes 
qu'ils  voulaient ,  mais  il  n'y  avait  qu'une  témme  léi^Mtime. 
Avant  leur  mariage,  les  tilles  du  j-^euple  étaient  libres  de  leurs 
actes;  mais,  une  lois  mariées,  elles  devaient  rester  (idèles 
à  leur  mari  Pi/arro,  p.  ^yi.  Arriaga,  p.  35,  raconte  que  les 
mariages  non  précédés  de  cohabitation  étaient  rares  et  mal  vus. 

Chez,  les  (^ioUas,  les  lemmes  taisaient  ce  qu'elles  vou  'ent; 
mais,  lorsqu'elles  étaient  mariées,  elles  étaient  punies  de  ort 
eu  cas  d'infidélité. 

Les  veuves  conservaient  la  chasteté  la  première  année  de 
leur  veuvage  et  un  très  petit  nombre  se  remariaient,  si  elles 
n'avaient  pas  d'entants.  Les  Indiens  n  approuvaient  pas  le  ma- 
riage avec  une  veuve,  spécialement  si  l'homme  n'était  pas  un 
veuf. 

Les  Guaranis  se  mariaient  jeunes.  Tous  prenaient  une  autre 
femme  quand  la  première  était  un  peu  âgée.  .Mais  la  première 
avait  toujours  droit  au  respect. 

Nous  aurions  pu  citer  un  plus  grand  nombre  de  cérémonies 
du  mariage  et  des  lois  ou  coutumes  s'y  rattachant-,  mais  cela 


244 


l)i:   I.  OHKilN'K  DF.S   INDIl-NS  DU   NOL'VKAl!-MONI)K 


nous  aurait  entraîné  trop  loin.  Nous  espérons,  en  outre,  que 
celles  que  nous  avons  mentionnées  sulliront  pour  faire  re- 
marquer les  curieuses  coïncidences  qui  existent  entre  elles  et 
celles  des  (Chinois  principalement,  des  .Japonais,  des  Hindous, 
des  Perses,  des  (jrecs.  des  Romains  et  des  anciens  (jermains. 
Les  enfants  au  Mexique,  dans  tout  l'empire,  héritaient 
de  leurs  pères,  excepté  dans  la  famille  royale;  et,  en  l'ab- 
sence d'enfants  mâles,  les  droits  passaient  aux  frères,  ensuite 
aux  neveux  Clavij^éro,  liv.  \'ll,  ch.  xiii  .  I")an^  le  peuple, 
c'était  le  lils  aîné  qui  héritait  de  tous  les  biens  et  qui  de- 
vait entretenir  toute  la  lamille,  frères  et  cousins  au  besoin. 
Quand  il  n'y  a\ait  ni  frère  ni  cousin,  les  biens  revenaient  au 
chef  de  la  communauté  ou  a  la  communauté  qui  en  disposait 
à  sa  volonté.  Dans  d'autres  endroits,  les  biens  étaient  parta- 
gés entre  les  lils.  Les  liiles  n  héritaient  pas   (jomara,  p.  334'. 

Les  enfants  étaient  éle\és  dans  l'obéissance  et  le  respect  de 
leurs  parents  qui,  comme  en  t>hine,  avaient  sur  eux  les  droits 
les  plus  étendus.  \'oici  quelques-unes  des  exhortations  que  les 
parents  faisaient  à  leurs  eniants  d  après /uriia,  pp.»i36-i3(),  et 
qui  sont  empreintes  des  principes  de  la  morale  la  plus  pure  : 
0  Ne  tue/  pas,  ni  n'empoisonne/  votre  prochain,  parce  que  vous 
ollénserie/  Dieu  dans  la   personne  de  sa  créature,  que  votre 
crime  serait  découvert  et  puni.  N'injuriez  jiersonne.  Lvite/  l'a- 
dultère et  la  luxure,  \\cc  capital  qui  est  très  désagréable  à  Dieu 
et  amène  peu  à  peu  la  perte  de  celui  qui   s'y  adonne.  Soyez 
modeste,  l'huniililé  attire  sur  soi  les  laveurs  de  Dieu  et  des 
puissants.  N'oUensez  pas  votre  prochain  et  n'attaquez  pas  son 
honneur.    Rendez-vous  digne  des  récompenses  que  Dieu  ac- 
corde selon  son  bon  plaisir.  Acceptez  ce  qu'il  vous  donne,  re- 
merciez-le; et  si  ce  qu'il  vous  a  accordé  est  abondant,  ne  vous 
en  enorgueillissez  pas.    Soyez  humble,  votre  mérite  n'en  sera 
que  plus  grand  et  les  autres  ne  médiront  pas  de  vous.  Si  vous 
êtes  vain  de  biens  périssables  et  qui  ne  vous  appartiennent  pas 
en  propre,  \()us  vous  ferez  moquer  de  vous,  tout  en  olïénsant 
Dieu.  Ne  méprisez  pas  les  autres,  vous  olfénseriez  le  Seigneur 


ET  l)K  U:V\<  CIVILISATION  245 

qui  vous  a  place  dans  une  position  lioiiorahL'.  Aime/  votre 
semblable.  Soyez  charitable,  bon,  modeste,  poli,  calme  et  vous 
serez  aimé  et  estimé.  I'"aites  votre  devoir  sans  ostentation,  parce 
que  l'or^^ueil  est  ce  qui  déplaît  le  plus  à  Dieu.  l-^Uorcez-vous  de 
servir  votre  mari  et  de  lui  être  a^Téable  ;  vous  mériterez  ainsi 
la  laveur  du  ciel  et  il  vous  donnera  des  lils.  Kemplissez  vos 
devoirs  en  obéissant  à  Dieu  et  a  vos  parents;  ne  mentez  pas-, 
ne  trahissez  pas,  ne  volez  pas  ;  Dieu  vous  voit  et  sait  tout  ce 
que  vous  dites  et  pensez.  <> 

Les  paren>s  recommandaient  à  leurs  filles  de  pratiquer  la 
décence,  l'obéissance  et  l'amour  conjut^al.  Ces  préceptes  res- 
semblent à  ceu.\  que  les  parents  de  Tobie  donnèrent  à 
Sara h. 

Au  Yucatan,  les  filles  n'héritaient  pas.  Les  biens  étaient 
partai^és  entre  les  frères,  à  moins  que  l'un  d'eux  ne  prouvât 
que  la  plus  grande  partie  de  ces  biens  venait  de  lui.  Dans  ce 
cas,  la  loi  lui  accordait  une  part  plus  considérable.  A  détaul  de 
fils,  les  cousins  et  les  plus  proches  parents  héritaient.  Quand 
les  héritiers  étaient  trop  jeunes  pour  administrer  leurs  biens, 
on  leur  donnait  un  curateur  qui  fournissait  à  la  mère  les 
moyens  de  les  élever,  la  mère,  habituellement,  n'ayant  rien  en 
son  pouvoir.  Quelquefois,  si  le  curateur  était  frère  du  défunt, 
il  prenait  ses  enfants  avec  lui.  Quand  l'enfant  était  majeur,  le 
curateur  lui  rendait  compte  de  ses  biens   Landa,  ?;  xxiv  . 

La  soumission  et  le  respect  des  enfants  pour  leurs  parents 
étaient  absolus.  Chez  les  Chibchas,  les  fils  n'héritaient  pas, 
mais  les  frères,  et,  s'il  n'y  en  a\ait  pas  de. vivant,  les  lils  de 
ceux  qui  étaient  morts  (Herrera,  \,  p.  SS;. 

Chez  les  Péruviens,  dans  certaines  provinces  le  lils  aîné  hé- 
ritait, la  succession  passant  régulièrement  du  père  au  fils.  Dans 
d'autres  provinces,  le  lils  le  plus  populaire  parmi  les  vassaux 
héritait.  Dans  d'autres  enfin,  les  fils  héritaient  suivant  leur  âge 
respectif.  Les  Curacas  observaient  ces  lois  asani  les  Incas 
(Garcilazo,  liv.  IV,  ch.  x). 

Chez  les  Canaris,  les  Huancavilas,  le  lils  de  la  femme  légi- 


246 


nr  LORiCiiNi:  nr.s  indii:ns  nu  nouvkau-mondk 


timc  hcritait  de  la  charge  du  pcrc,  et,  à  défaut  de  lils,  le  Irère 
aîné  et  les  (ils  des  S(eurs  f(]ie/a,  ch.   xlix;. 

Chez  les  indiens  de  Kiobamha,  le  lils  de  la  S(eur  héritait  et 
non  le  (ils  du  Irère  ((.'.ie/a.  ch.  xi.iii  . 

l'ne   loi    j-iéruvienne   prescrivait    que   les  en(ants  devaient 
obéiràleurspnrentset  les  servir  jusqu'à  l'à^'e  de  vinj^'l-cinq  ans. 

i. es  coutumes  mortuaires  des  peuples  du  Nouveau-iMonde 
se  reliaient  toutes  au  système  relij^ieux  dont  les  bases,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit.  étaient  les  mêmes  dans  l'ancien  conti- 
nent. D'après  leurs  croyances,  le  p.incipe  \ital  indestructible, 
I  esprit,  substance  incorporelle,  se  dégageait  de  la  dépouille 
charnelle  du  mort,  habitait  le  tombeau,  reposait  sui  le  f^îte  du 
mort  pendant  un  certain  temps  et  s  intéressait  aux  vivants,  les 
tourmentant  ou  les  protégeant,  suivant  les  soins  et  les  ollrandes 
qu'il  recevait  des  enlànts  du  détunt.  La  privation  de  sépulture, 
c'est-à-dire  de  gîte  l(  de  libations  Cunéraires,  était  regardée 
comme  une  source  de  maux.  C'est  pourquoi  ils  avaient  tant 
soin  de  leurs  morts  et  tenaient  à  les  avoir  auprès  d'eux.  Mais 
en  même  temps,  avec  leur  sens  pratique,  ils  avaient  compris 
que,  tout  en  conservant  ce  qui  peut  être  gardé  du  corps,  il  (al- 
lait, dans  1  intérêt  des  vivants,  se  débarrasser  au  plus  vite  des 
chairs  putréliables  ou  en  prévenir  la  corruption  par  des  procé- 
dés artificiels.  Aussi  s'empressaient-ils  ou  de  brûler  les  cada- 
vres ou  de  les  (aire  dessécher,  soit  à  lair,  soit  par  l'action  du 
(eu,  ou  de  les  momiiier,  ou  d'en  enlever  les  chairs  elles-mê- 
mes, ou  de  les  faire  dévorer  par  des  animaux  ;  très  rarement, 
ils  les  inhumaient  entiers,  c'est-à-dire  avec  les  chairs  naturelles. 
Quant  aux  modes  de  sépulture,  ils  variaient  suivant  les  peu- 
ples et  les  pays.  Ainsi,  pendant  que  les  uns  inhumaient  les  res- 
tes dans  des  fosses  ou  trous  dans  la  terre,  dans  dos  tombeaux 
en  pierres  ou  en  briques,  dans  des  tertres,  en  dedans,  dessus  ou 
en  dehors  de  leurs  demeures,  dans  des  grottes  ou  des  caver- 
nes, d'autres  les  conservaient  dans  des  vases,  sur  des  écha- 
fauds,  des  arbres,  dans  des  ossuaires,  sur  la  terre,  dans  des 
canots  ou  les  jetaient  dans  l'eau. 


i:t  di;  Lra'u  civilisation 


247 


Ces  diUcrcnts  modes  de  sépulture  et  d'inhumation  se  retrou- 
vent dans  l'antiquité,  l/emkiumement  était  pratiqi  é  par  un 
grand  nombre  de  peuples,  par  les  Perses,  les  Scythes,  les 
égyptiens,  .lusqu'à  présent,  on  a  émis  diverses  théories  sur  les 
raisons  déterminantes  de  cette  coutume.  Suivant  (]assien,  les 
Egyptiens  embaumaient  parce  que,  durant  le  temps  de  l'inonda- 
tion périodique  du  Nil,  aucun  enterrement  ne  pouvait  avoir  lieu. 
I)  autres  auteurs  ont  prétendu  que  c  était  parce  qu'ils  croytient 
qu'aussi  longten-.ps  que  le  corps  était  préserve  de  la  corruption, 
l'âme  existait  en  lui. 

Suivant  Hérodote,  l'embaumement  avait  pour  objet  d'em- 
pêcher le  corps  de  devenir  la  prc  des  animaux.  Les  Egyp- 
tiens, dit  cet  historien,  n'  Miterraient  pas  les  corps  pour  qu'ils 
ne  lussent  pas  mangés  \\  les  vers;  ils  ne  les  brûlaient  pas, 
parce  qu'ils  considéraient  le  l'eu  comme  une  béte  térocc  dévo- 
rant tout  ce  qu'il  touchait.  Diodore  de  Sicile  lait  venir  cette 
coutume  du  respect  et  de  la  piété  filiale.  MM.  'Volney  et  Pariset 
croient  que  c'était  pour  obvier  aux  dangers  de  la  peste  qu'on 
employait  ce  procédé  aussi  simple  que  peu  coûteux.  Nous 
croyons  à  notre  tour,  du  moins  en  ce  qui  concerne  les  peuples 
d'Amérique,  que  cette  coutume,  qui  ne  s'appliquait  qu'aux  rois 
et  aux  grands  chefs,  avait  pour  but,  tout  en  témoignant  les 
sentiments  d'aiTection  pour  les  souverains  décédés,  de  mainte- 
tenir  le  respect  dû  à  l'autorité.  Ce  qui  semble  l'indiquer,  c'est 
que  les  mêmes  peuples  brûlaient  leurs  morts.  Donc  ce  n'était 
pas  une  question  de  religion.  En  outre,  comme  la  crémation 
complète  était  réservée  aux  rois,  aux  guerriers,  nobles,  prêtres  et 
gens  d'un  certain  rang,  on  peut  supposer  que  c'était  un  moyen 
de  distinguer  les  castes  après  leur  mort  de  même  que  les  tu- 
muli  ou  tertres  dont  la  forme  et  les  dimensions  marquaient 
également  les  rangs. 

La  crémation,  comme  on  le  sait,  existait  sur  l'ancien  conti- 
nent dans  les  temps  les  plus  reculés,  l'egg,  The  last  act  18-6. 
raconte  que  cet  usage  était  connu  lors  de  la  guerre  de  Thèbes. 
Il  est  fait  mention  de  l'incinération  des  corps  de  Menœacus 


,MMÎ 


248  DH  l'oKIGINE  D1:S  INniKNS  DU   NOUVEAU-MONDK 

et  d'Archcmonius  qui  iraient  contemporains  de  Sayr,  troisième 
ju,t;e  d'Israël.  Les  anciens  (jrecs^  les  llomains,  ks  Hindous  et 
un  grand  nombre  de  peuples  antiques^  brûlaient  leurs  morts. 
Tous  disaient  avec  raison  e]uc  c'était  le  meilleur  moyen,  à  tous 
les  points  de  vue,  pour  conserver  les  restes  de  ceux  que  l'on  a 
aimés.  L'inhumation  du  corps  entier  est  dangereuse  au  point 
de  vue  de  la  santé  publique,  occupe  une  plus  grande  surface  de 
terre  utilisable,  et  est  plus  e.vposée  à  quelque  bouleversement. 
L'embaumement  est  coûteux  et  ne  peut  être  général.  La  dessic- 
cation par  le  feu  est  aussi  un  très  bon  procédé,  mais  ne  vaut 
pas  la  crémation  qui,  sous  un  moindre  volume,  permet,  si  l'on 
veut,  de  conserver  chez  soi  les  cendres  de  ses  morts,  tandis 
que  la  momie,  quelle  qu'elle  |^soit,  otîre,  sous  ces  rapports,  de 
graves  inconvénients. 

La  sépulture  aérienne  se  retrouve  chez  plusieurs  peuples  de 
l'ancien  continent.  Les  Colchiens  enveloppaient  leurs  morts 
dans  des  sacs  et  les  suspendaient  à  des  arbres.  Les  anciens 
Tartares,  les  Hiong-nou,  les  Hoei-he,  les  Scythes  avaient  la 
même  coutume. 

La  sépulture  aquatique  a  été  pratiquée  par  plusieurs  peuples 
de  l'ancien  continent,  tels  que  les  Ichthyophages  mentionnés 
par  Ptolémée  et  vivant  dans  une  région  située  près  du  golfe 
Persique  qui  jetaient  leurs  morts  dans  l'eau.  Les  Lotophages, 
les  Cavaques  avaient  le  même  usage  qui  se  retrouve  dans 
l'Inde. 

La  coutume  de  faire  dévorer,  avr.."it  de  lesinnumer,  les  corps 
des  morts  par  des  animaux  sauvages  ou  par  des  oiseaux  ou  par 
des  poissons  était  commune  à  plusieurs  peuples  dans  l'antiquité. 
Suivant  Procope  et  Agathias,  les  anciens  Perses  jetaient  les 
corps  de  leurs  morts  sur  les  chemins,  et,  s'ils  étaient  prompte- 
ment  dévorés,  le  considéraient  comme  un  honneur,  tandis  que 
si  les  chairs  n'étaient  pas  mangées,  ils  disaient  que  c'était  parce 
que  le  corps  était  mauvais,  que  l'âme  reviendrait  pour  les  tour- 
menter. Les  Parthes,  les  Mèdes,  les  Ibériens  et  les  Caspiens 
avaient  la  plus  grande  horreur  pour  la  décomposition  des  corps. 


'' 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION  249 

Pour  qu'ils  ne  fussent  pas  mangés  par  les  vers,  ils  les  laissaient 
exposés  dans  les  champs  alin  qu'ils  lussent  dJvorés  par  les 
oiseaux  de  proie.  Les  Bactriens  et  les  Hircaniens  élevaient 
pour  cela  des  chiens  dont  ils  avaient  le  plus  grand  soin. 

Les  Bouddhistes  du  Bhoutan  exposaient  les  corps  de  leurs 
morts  sur  des  rochers.  Les  Parsis  avaient  et  ont  encore  des 
tours  du  Si'jnce  (Dakhmas;  sur  lesquelles  ils  déposent  leurs 
morts  que  les  oiseaux  de  proie  viennent  dévorer.  Ils  disent,  à  ce. 
sujet,  que  Zoroastre  ayant  enseigné  que  les  éléments  sont  les 
symboles  de  la  divinité,  la  terre,  le  feu  et  l'eau  ne  doivent 
jamais  être  souillés  par  le  contact  de  la  chair  putréfiée.  Ces 
parties  périssables  de  notre  être,  ajoutent-ils,  doivent  être 
anéanties  aussi  vite  que  possible,  de  manière  que  la  terre,  notre 
mère,  et  les  êtres  qu'elle  supporte  n'en  soient  pas  souillés.  Notre 
procédé  est  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  parfait  au  point  de  vue 
sanitaire  '  et,  pour  plus  de  précaution,  nous  avons  soin  que 
î'cau  qui  lave  les  os,  aille  dans  un  réservoir  où  elle  est  purifiée 
par  du  charbon.  Cela  ne  nous  empêche  pas  ensuite  d'avoir 
soin  des  restes  de  ceux  que  itous  avons  aimés.  » 

La  coutume  de  déposer  les  corps  ou  les  ossements  ou  les 
cendres  des  morts  dans  des  vases,  a  existé  chez  un  grand  nom- 
bre de  peuples  de  l'ancien  continent.  Les  Chaldéens,  comme 
les  Indiens  du  Centre-Amérique  et  du  Pérou,  moulaient  quel- 
quefois le  vase  sur  la  tête  du  mort  et  le  faisait  cuire  ensuite,  de 
sorte  que  la  tête  ne  pouvait  plus  en  être  extraite  sans  briser 
!e  vase. 

Nous  avons  déjà  dit  que  l'origine  des  tumuli,  tertres,  monu- 
ments, que  les  peuples  d'Amérique  élevaient  sur  leurs  morts, 
était  asiatique  et  que  cet  usage  était  commun  à  plusieurs  na- 
tions de  l'antiquité. 

Si  nous  passons  ensuite  aux  coutumes  précédant  ou  suivant 


I.  Ce  proccJc  n'i.st  pas  aussi  parfait  qu'on  le  prétendait.  11  lis,  en  tout  eus,  il  est 
préici-abic,  au  pcail  lI.;  vue  sanitaire,  à  eelui  que  nous  employons  en  enlerraiu  les  corps 
en  entier,  et  qui,  contredit,  sous  ce  rapport,  est  le  pire  de      us. 


2D0 


DK  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


les  tuncrailles,  nous  allons  retrouver  l'.'s  mêmes  analogies  avec 
celles  de  l'ancien  continent. 

Chez  certains  peuples  du  Mexique,  Le  moribond,  dont  la 
conscience  était  très  chargée,  se  confessait  au  prêtre  en  taisant 
le  serment  de  dire  toute  la  vérité,  et,  comme  serment,  il  touchait 
la  terre  de  ses  mains  et  lembrassait.  Le  prêtre  lui  donnait 
ensuite  l'absolution  qui  avait  pour  ell'et,  non-seulement  la  ré- 
mission spirituelle,  mais  le  pardon  temporel  de  ses  fautes  ou 
délits  civils  dan<?  le  cas  où  il  échappait  a  la  mort.  Une  autre 
coutume  tort  curieuse,  qui  existait  au  Mexique  et  au  Centre- 
Amérique,  était  une  sorte  d'extrême-onction  avec  de  1  eau.  Le 
prêtre,  prenant  un  peu  d'eau  dans  sa  main,  en  humectait  la 
bouche  et  le  front  du  moribond,  après  s'être  fait  rendre  compte 
de  toute  sa  vie,  et  disait  :  "  Puisse  cette  can  qui  t'a  purifié  de 
tes  fautes  lorsque  tu  es  venu  au  monde,  te  sauver  et  te  proté- 
ger dans  l'autre  '.  » 

Lorsque  la  mort  avait  été  constatée  par  un  médecin,  les  maî- 
tres des  cérémonies  funèbres  étaient  appelés  et  fai.saient  la  toi- 
lette du  mort  suivant  son  rang,  sa  position  de  fortune  et  les 
circonstances  de  sa  mort.  Mais  toujours  le  mort  était  revêtu  de 
ses  plus  beaux  vêtements  et  on  le  pourvoyait  d'un  certain 
nombre  de  petits  papiers  sans  lesquels  il  n'aurait  pu  faire  le 
long  voyage  pendant  lequel  il  devait  rencontrer  un  grand 
nombre  d'obstacles  avant  d'arriver  au  pays  du  repos  où  l'àmc 
attend  le  jour  du  jugement. 

Ce  voyage  avec  ses  obstacles,  le  pont  étroit,  les  rivières,  les 
montagnes  qui  se  battent,  les  déserts  glacés  qu'on  doit  tra- 
verser, que  l'on  retrouve  sous  les  mêmes  formes  dans  toute 
l'Amérique,  font  partie  des  croyances  de  presque  tous  les 
peuples  de  l'ancien  continent  dans  l'antiquité.  La  toilette  du 
mort  terminée,  on  le  gardait  ainsi  un  certain  temps  et  on  pro- 
cédait û  ses  funérailles  qui,  lorsque  c'était  un  roi  ou  un  grand 
chef,   étaient  toujours  accompagnées  des  sacrifices  d'un  cer- 

I ,  Herrcra,  III,  p.  ïîo. 


1.1. 


KT  DE   LEUR  CIVILISATION 


25l 


tain  nombre  de  victimes  destinées  à  accompagner  le  défunt. 

Cette  coutume  barbare  se  retrouve  chez  les  Scythes,  qui  l'ont 
introduite  dans  toutes  les  contrées  où  ils  ont  fondé  des  établis- 
sements. Hérodote  raconte  qu'à  la  mort  d  un  roi  scythe,  on 
enterrait  avec  lui  une  de  ses  femmes,  un  échanson,  un  écuyer, 
un  secrétaire,  un  huissier,  ses  chevaux  et  ses  ejfets  les  plus 
précieux.  D'après  Strabon,  lorsque  Alexandre  le  Grand  péné- 
tra dans  la  Bactriane  et  l'Hircanie,  il  abolit  cet  usai,'e  inhumain 
qui  a  existé  éi^alement  chez  les  anciens  Grecs,  les  Gaulois,  les 
Danois,  les  Hoei-he,  dans  l'Inde  et  jusqu'en  Afrique,  dans  les 
pays  de  Whidah  et  de  l>oniri. 

M.  Ferrand  parle  de  la  découverte,  sous  un  dolmen 
de  l'Algérie,  d'un  squelette  replié  sur  lui-même  avec 
deux  crânes  à  ses  pieds,  appartenant  sans  doute  à  des 
malheureux  immolés  en  son  honneur.  César  dit,  en  par- 
lant des  funérailles  des  Gaulois  :  "  Ces  funérailles,  eu 
égard  à  la  civilisation  de  ce  peuple,sont  magniliques.  Tout 
ce  qu'on  croit  avoir  été  cher  au  défunt  pendant  la  vie, 
on  le  jette  dans  le  bûcher,  même  les  animaux,et,  il  y  a 
peu  de  temps  encore,  on  brûlait  les  esclaves  et  les  personnes 
que  l'on  savait  qu'il  avait  aimés.  » 

Une  autre  coutume  commune  à  tous  ces  peuples,  aussi  bien 
dans  l'ancitui  que  dans  le  nouveau  continent,  était  d'inhumer 
avec  le  corps  des  vases  remplis  de  mets  et  de  boissons. 

Cet  usage  a  existé  chez  les  Egyptiens,  les  Grecs,  les  Romains, 
les  Gaulois,  les  Perses,  et  c'est  ell'ectivement  de  leurs  tombeaux 
respectifs  qu'on  a  tiré  les  objets  qui  ornent  nos  musées.  Cet 
usage  n'était  pas  limité  aux  aliments,  mais  aux  épices,  parfums, 
huiles,  qui  étaient  jetés  sur  le  bûcher  enllammé.  Les  Juifs  l'a- 
vaient adopté,  ainsi  que  les  Chinois  et  les  Tartares. 

Les  peuples  d'Amérique  inhumaient  toujours  les  corps  dans 
la  position  d'un  homme  assis,  le  corps  recourbé. 

Cette  coutume,  qui  existait  chez  les  Egyptiens,  les  Perses, 
les  Mongols,  les  Chinois,  les  Mahométans,  avait  sans  doute 
pour  objet  de  rappeler  l'attitude  de  l'homme  avant  de  naître. 


232  ni-  I.'ORKilNK  l'ES  INDIKNS  DL'   NOU\'EAU-MONUK 

Les  tunOraillc'S  étaient  toujours  accompagnées  de  festins,  de 
repas,  de  danse  et  de  musique. 

Cette  coutume  se  retrouve  sur  l'ancien  continent.  Un  édit  de 
(^harlemagne  défend  de  boire  et  de  manger  sur  les  tombeaux 
des  morts,  et  saint  Bonit'ace,  l'apùlre  de  lAllemagne,  se  plaint 
vivement  que  les  prêtres  encourageaient,  par  leur  e.vemple,  les 
festins  de  la  mort.  L'usage  de  semblables  festins  remonte  aux 
temps   les  plus   reculés.    Il  existait  chez   les  Grecs  {Odyssée, 

ch.  X  et  XI  . 

Durant  quatre  jours  et  quatre  nuits,  les  peuples  d'Amérique 
allumaient  des  feux  sur  la  fosse. 

Dans  le  vieux  Testament  il  est  dit  :  «  Durant  quatre  jours  et 
quatre  nuits  des  feux  seront  allumés  sur  la  fosse.  »  L'objet  de 
cette  coutume,  chez  les  Indiens,  était  de  procurer  aux  morts  le 
feu  nécessaire  pour  leur  long  voyage. 

Plusieurs  peuples  d'Amérique  inhumaient  les  corps  dans  leur 
propre  demeure,  qu'ils  abandonnaient  ensuite. 

Ln  Asie,  les  Mongols,  les'lélégoulhs,  les  habitants  d'iarkoutz, 
les  Lapons,  n'agissaient  pas  autrement. 

Une  autre  coutume  des  Indiens  en  Amérique  était,  au  mo- 
ment de  la  mort  ou  après  la  mort,  d  appeler  le  mort  par  son 
nom. 

Quand  quelqu'un  mourait  chez  les  Romains,  les  plus  pro- 
ches parents  embrassaient  le  corps,  lui  fermaient  les  yeux  et 
la  bouche,  appelaient  à  haute  voix  le  nom  du  mort  en  lui  di- 
sant un  dernier  adieu.  Cette  cérémonie  était  connue  sous  le 
nom  de  conclamation,  et  était  antérieure  à  la  fondation  de 
Rome, 

En  Amériqu'j,  des  pleureurs  ou  pleureuses  loués  suivaient 
le  corps. 

Cet  usage  était  très  répandu  sur  Tancien  continent. 

Un  signe  de  deuil,  en  Amérique,  était  de  se  couper  les  che- 
veux. 

Cette  coutume  est  de  la  plus  haute  antiquité.  Tegg  rapporte 
que  dans  les  temps  anciens,  quand  un  grand  homme  mou- 


|:T  Dis  I.I-XK  CIVILISATION 


2  53 


mit,  toutes  les  femmes  devaient  couper  leur  chevelure.  Les 
Perses  étendaient  cet  usage  à  leurs  animaux.  Alexandre,  à  la 
mort  d'EplKiJStin,  lit  couper  la  crinière  de  ses  chevaux  et  de 
ses  mules. 

Certaines  tribus  indiennes  brûlaient  les  veuves  qui^  souvent, 
s'immolaient  volontairement  sur  le  bikhcr. 

Cette  coutume  n'était  pas  particulière  à  TAmérique  ni  à 
rinde.  Klle  existait,  à  une  époque  reculée,  chez  les  Thraces, 
les  Gètes  et  les  Scythes. 

La  veuve,  chez  certaines  tribus  du  nord  et  du  sud  de  l'Amé- 
rique, devait  porter,  pendant  un  certain  temps,  sur  son  dos, 
les  os  de  son  mari  ou  un  rouleau  d'étoile  représentant  son 
mari. 

Nous  retrouvons  la  même  coutume  chez  plusieurs  peuples 
de  TAsie  centrale. 

La  plupart  des  coutumes  mortuaires  des  peuples  du  Nouveau- 
Monde  existaient  donc  sur  l'ancien  continent.  Nous  allons  prou- 
ver maintenant  qu'elles  se  ressemblaient  presque  toutes  chez 
les  dillérenls  peuples  de  l'Amérique. 

Au  Mexique,  aussitôt  que  la  mort  était  constatée,  certains 
maîtres  de  cérémonie  étaient  appelés.  Us  taisaient  la  toilette 
du  mort  suivant  son  rang,  sa  position  de  fortune  et  les  circons- 
tances de  sa  mort.  Si  c'était  un  guerrier,  ils  lui  mettaient  des 
vêtements  semblables  à  ceux  du  dieu  de  la  guerre,  —  et, 
comme  a  dit  Gomara,  ils  étaient  mieux  vêtus  après  leur  mort 
que  durant  leur  vie.  Quand  la  toilette  du  mort  était  terminée, 
et  qu'on  lui  avait  mis  dafis  la  bouche  une  pierre  verte  pour 
remplacer  son  àme,  on  le  plaçait  dans  l'attitude  d'un  homme 
assis,  et  ses  amis  venaient  le  saluer.  Si  c'était  un  roi  ou  un 
seigneur,  les  personnes  qui  devaient  l'accompagner  dans  l'au- 
tre monde  venaient  également  lui  offrir  leurs  témoignages  de 
bonne  volonté.  On  mettait  ensuite,  près  du  mort,  une  cruche 
d'eau  pour  lui  servir  dans  son  grand  voyage,  et  successivement 
différents  morceaux  de  papiers  sur  lesquels  était  mentionné 
leur  emploi  respectif.  En  déposant  le  premier,  ils  disaient  :  «  Ce 


254 


UV   I.  OKICilNK   l)i:S   INIMINS   DU   NOUVKAl'-MONDI': 


papier  te  permettra  de  passer  sans  danç^er  entre  les  deux  mon- 
tagnes qui  se  battent  entre  elles.  »  \]n  remettant  le  second  pa- 
pier, ils  disaient  :  ■■  Par  ce  nioycn,  tu  traverseras  le  pont  étroit 
qui  est  gardé  par  un  serjient.  ■  l*our  le  troisième  j^ipier,  ils  tli- 
saient  :  »  Tu  pourras,  avec  lui,  traverser  tranquillement  la  place 
où  se  trouvent  le  crocodile  et  l'ochitonal.  "  Le  quatrième  pa- 
pier était  un  passeixirl  pour  franchir  les  huit  déserts;  le  cin- 
quième pour  escalader  les  huit  montajrnes ,  le  sixième  avait 
pour  objet  de  permettre  i.k'  passer  dans  le  lieu  où  le  vent  soui- 
lle avec  tant  de  violence  qu'il  coupe  comme  un  couteau  et  tait. 
voler  les  rochers  comme  des  plumes.  y\  cet  ellèt,  on  brûlait  tous 
les  habits  du  mort,  ses  armes  et  quelques  objets  privés,  alin  que 
la  chalem-  du  teu  put  le  protéi,^er  contre  le  troid  de  ce  terrible 
vent.  On  tuait  ensuite  un /cv/;r7//,  quadrupède  domestique  res- 
semblant à  un  petit  chien,  pour  accomj^a^ner  le  deluni  dans 
l'autre  monde  et  l'aider  à  traverser  la  lameuse  rivière  du  chin- 
huahuapan,  ou  des  nouvelles  eaux.  Le  pauvre  animal,  une  corde 
au  cou,  était  brûlé  ou  enterré,  suivant  le  genre  de  sépulture. 

Ceux  qui  mouraient  a  la  guerre  ou  en  captivité  étaient  sup- 
posés aller  dans  la  maison  du  soleil,  et  leurs  corps  étaient  brû- 
lés. On  brûlait  aussi  les  elligies  de  ceux  qui  étaient  décédés 
en  captivité,  ou  dont  les  corps  n  avaient  pas  été  retrouvés. 

La  crémation  était  également  employée  pour  les  prêtres  et 
nobles  qui  mouraient  naturellement.  Quant  au  peuple  et  à  ceux 
qui  succombaient  des  suite  dune  mort  violente,  ou  d'une 
maladie  honteuse,  telle  que  la  lèpre,  l'ivrognerie,  noyés  ou 
frappés  par  la  foudre,  ils  n'étaient  l'oint  brûlés,  mais  inhumés. 
Leur  ame,  avant  de  se  rendre  dans  la  maison  du  soleil,  allait 
dans  le  paradis  terrestre  'l'Iolocan.  Avant  de  les  inhumer,  on 
avait  l'habitude  de  leur  mettre  des  grains  de  mais  dans  la  bou- 
che, de  peindre  leur  front  en  bleu  et  de  laisser  dans  leurs 
mains  de  petits  morceaux  de  papier  nécessaires  pour  leur 
voyage,  et  une  baguette. 

La  créination  avait  lieu  sur  un  bûcher.  Pendant  que  les 
maîtres  des  cérémonies  mettaient  le  leu ,  le^  autres  prêtres 


ET  DI-;  Lr:uu  civilisai  ion 


L'35 


chantaient  en  chœur  des  airs  adaptés  à  la  cérémonie.  Après 
que  le  corps  était  consumé,  les  cendres  étaient  recueillies  dans 
un  vase  en  terre,  dans  lequel  on  mettait  une  pierre  précieuse 
de  plus  ou  moins  de  valeur,  suivant  la  position  de  lortune  du 
mort.  Ce  vase  était  ensuite  enterré  dans  une  fosse  profonde 
sur  laquelle,  pendant  quatre-vinj^ts  jours,  on  taisait  des  ollran- 
des  (.le  pain  et  de  vin.  Les  parents  devaient  jeûner  pendant  ce 
temps. 

A  chaque  lunéraille,  on  manf;cait  et  buvait  beaucoup, 
et,  si  le  mort  était  riche,  sa  lamille  donnait  des  vêtements 
à  tous  les  invités.  Si  c  était  un  roi  ou  un  1,'rand  seii^meur, 
un  certain  nombre  d'esclaves  devaient  I  accompai^ner  dans 
l'autre  inonde,  amsi  que  son  chai^clain,  son  intendant,  son 
échanson,  son  nain,  les  gens  dillormes  de  sa  maison,  .ses  frè- 
res qui  l'avaient  servi  et  devaient  le  .servir  dans  l'autre  monde; 
tous  étaient  tués  et  enterrés  avec  lui  cl  avec  une  grande  partie 
de  ce  qu'il  po.ssédait.  Les  ob.sèques  d'un  roi  duraient  deux 
jours.  Les  grands  chets  avaient  des  insignes  et  des  trophées 
que  Ion  portait  devant  le  corps,  en  procession,  jusqu  à  len- 
droit  où  il  devait  être  brûlé  ou  enterré.  Un  grand  nombre  de 
prêtres  accompagnaient  le  mort  ',  les  uns  avec  un  encen- 
soir, les  autres  iisalmodiant,  d'autres  jouant  sur  des  instru- 
ments des  airs  tristes  ou  trappant  de  temps  en  temps  .sur  un 
tambour;  pendant  ce  temps,  les  parents  et  les  invités  l'aisaient 
entendre  leurs  lamentations.  Ils  avaient  également  des  pleu- 
reuses. Le  prêtre  qui  dirigeait  la  cérémonie  portait  le  vêtement 
de  l'idole  que  le  décédé  avait  représenté  'tous  les  hommes  d'un 
rang  élevé  représentaient  des  idoles  et  pour  cela  recevaient  des 
honneurs).  Aussitôt  que  le  corps  était  brûlé,  le  prêtre  s'avan- 
çait vêtu  en  diable,  et,  avec  un  grand  bâton,  remuait  les  cen- 
dres d'une  manière  si  extravagante  qu'il  ellrayait  tous  les  spec- 
tateurs (H errera,  111,  p.  220;. 

Quand  c'était  un  roi,  d'après  Clavigéro,  les  tunérailles  avaient 


1.  MciiiL  C'iulumt  cil  Chmc. 


2  56 


Dr:  LORiGiNt:  ors  indiens  du  nouveau-monde 


lieu  quatre  jours  après  la  mort.  Le  corps  était  couvert  d'au 
moins  quinze  de  ses  plus  beaux  vêtements.  On  coupait  une 
mèche  de  ses  cheveux  que  l'on  conservait  précieusement.  On 
introduisait  une  émeraude  dans  sa  bouche.  In  masque, 
commeen  Egypte,  était  mis  sur  son  visage,  et  sur  ses  vête- 
ments les  insignes  du  dieu  dans  le  temple  du  quelles  cendres  de 
vaient  être  enterrées.  On  brûlait  le  corps  avec  tout  ce  qu'on 
supposait  lui  êu'e  utile  dans  l'autre  monde,  sans  oublier 
le  techili.  Pendant  que  le  corps,  les  vêtements,  les  armes 
et  insignes  de  la  royauté  brûlaient,  on  sacriliait,  dans  le  temple, 
un  grand  nombre  d'esclaves  appartenant  au  défunt  ou  otlêrts 
par  les  seigneurs  auxquels  on  ajoutait  des  hommes  dill'ormes 
que  le  souverain  entretenais  pour  son  plaisir  et  quelques-unes 
de  ses  femmes.  Le  nombre  des  victimes  était  proportionné  à  la 
grandeur  des  funérailles  et  montait  quelquefois  à  deux  cents. 
Le  jour  suivant,  les  cendres,  les  dents  restées  intactes  et  l'éme- 
raude  qui  avait  été  mise  dans  sa  bouche  étaient  recueillies  et 
mises  dans  un  cercueil  avec  les  cheveux  coupés  après  la  mort 
et  ceux  recueillis  lorsqu'il  était  enfant.  Le  cercueil,  orné  à  Tinté- 
rieur  de  l'image  des  idoles  que  préférait  le  défunt,  était  ensuite 
déposé  dans  le  lieu  destiné  à  sa  sépulture.  Sur  le  cercueil,  on 
peignait  ou  on  sculptait  le  portrait  du  mort.  Les  quatre  jours 
suivants,  on  faisait  des  ollrandes  de  mets  sur  le  lieu  de  la  sé- 
pulture. On  sacrifiait  des  esclaves  que  Ton  inhumait  avec  leurs 
instruments  de  travail,  le  cinquième  jour,  le  vingtième,  le  qua- 
rantième, le  soixantième  et  le  quatre-vingtième.  A  partir  de  ce 
moment,  on  ne  sacriliait  plus  de  victimes  humaines;  mais  cha- 
que année,  au  jour  anniversaire  des  tunérailles,  on  sacriliait 
des  lapins,  et  cet  anniversaire  était  célébré  quatre  années  con- 
sécutives. 

Si  un  chef  était  sur  le  point  de  mourir,  il  choisissait  parmi 
SCS  concubines  les  deux  qu'il  aimait  le  plus  et  leur  annon- 
çait qu'il  désirait  qu'elles  l'accompagnassent  pour  jouir  avec 
lui  d'une  vie  meilleure.  11  disait  la  même  chose  à  un  en- 
fant d'une  de  ses  concubines.  Les  femmes  et  l'enfant,  croyant 


i:r  Di:  i.i:;Lr<  civimsaiion  -^^n 

que  le  chct  les  prêterait  aux  autres,  lui  promettaient  Je  le  sui- 
vre. 

Il  n  y  avait  pas  de  lieu  li.xe  pour  y  déposer  les  corps.  Ix-s  uns 
ordonnaient  que  leurs  cendres  lussent  enterrées  près  de  quelque 
temple  ou  autel,  d'autres  dans  leur  propriété  ou  dans  des  en- 
droits consacrés  des  montagnes  où  Ton  avait  l'habitude  de  faire 
des  sacrifices.  Les  cendres  des  rois  étaient  déposées  dans  les 
tours  des  tempL-s.  Les  tombeaux  de  ceux  qui  avaient  été  inhu- 
més sans  être  brûlés  consistaient  en  tosses  prolondes  revêtues 
de  pierres  et  de  chaux  dans  lesquelles  on  mettait  le  corps  dans 
1  altitude  d'une  personne  assise  avec  les  instruments  de 
leur  métier  ou  protéssion.  On  y  ajoutait  des  urnes  et  des  vases 
remplis  de  mets  et  de  chicha  pour  le  long  voyage  qu'ils  devaient 
faire  (Clavigéro,  liv.  VI,  ch.  xxxix  . 

Quand  un  marchand  mourait  dans  un  voyage,  avis  de  sa 
mort  était  envoyé  immédiatement  au  plus  vieux  marchand  de 
son  pays  natal  qui  le  communiquait  à  ses  parents  et  amis. 
Immédiatement  une  statue  en  bois  représentait  le  décédé 
et  on  lui  rendait  les  honneurs  funèbres  dont  aurait  joui  le  corps 
réel  du  défunt  Clavigéro,  liv.  \'I1,  ch.  xxxvnf:. 

Le  mort  recevait  des  otlrandes  périodiques  jusqu'à  la  fin  de 
la  quatrième  année.  Durant  toute  cette  période,  on  croyait  que 
rame  du  mort  était  encore  présente.  Ce  temps  écoulé,  les  âmes 
résidant  dans  la  maison  des  morts  étaient  supposées  être  pas- 
sées dans  les  neuf  enfers,  et  celles  qui  étaient  dans  la  maison 
du  soleil  transformées  en  oiseaux  (Sagahun,  liv.  III,  ap.,  ch.  i"';. 
Même  coutume  en  Chine  et  dans  la  Tartarie. 

Après  les  funérailles,  les  parents  retournaient  au  lieu  de  la 
sépulture  pendant  vingt  jours  et  y  déposaient  des  Heurs.  Ils  re- 
commençaient le  quatre-vingtième  jour  et  ainsi  de  suite  de  qua- 
tre-vingts en  quatre-vingts  jours.  Après  la  première  année,  ils 
célébraient  le  jour  anniversaire  de  la  mort  par  des  otfrandes  et 
continuaient  ainsi  jusqu'à  la  quatrième  année.  Us  ne  laisaient 
plus  rien  ensuite  pour  le  mort   Motolinia,  p.  3 il. 

Les  peuples  de  Gua/acualco  et  d'\'[uta  croyaient  que  le  mort 


25S 


Dl:   I,  OKIClNi:  DKS  INDIF.NS  Df   NOLVKAl.-MONni': 


ressusciterait,  et,  quand  les  os  étaient  secs,  il  les  mettaient  dans 
un  panier  et  les  suspendaient  à  un  arbre,  afin  que  le  mort  à  la 
résurrection  pût  les  voir   Herrera,  IV,  p.  97;. 

Dans  1  île  de  Ala'.hado,  tous  les  morts  étaient  enterrés,  ex- 
cepté les  médecins  dont  les  corps  étaient  hrùlés.  La  couleur  du 
deuil  chez  eux  était  le  noir   Herrera,  IV,  p.  38  . 

Au  Yucatan,  les  modes  de  sépulture  étaient  les  mêmes  qu'au 
Mexique,  et  les  coutumes  mortuaires  se  ressemblaient  beau- 
coup. 

Us  remplissaient  la  bouche  du  mort  de  grains  de  maïs  et  de 
petites  pierres  qui  leur  servaient  de  monnaie,  afin  qu'il  ne  man- 
quai de  rien  dans  l'autre  vie.  Us  l'enterraient  dans  sa  maison 
ou  derrière  sa  demeure,  mettant  dans  la  losse  quelques-unes  de 
ses  petites  idole;  et  ses  instruments  de  travail.  Généralement 
on  abandonnai!  la  maison  du  mort  et  on  la  laissait  inhabitée 
après  les  tunérailles,  à  moins  que  le  nombre'  de  personnes  vi- 
vant ensemble  ne  lût  cru  sutîisant  pour  ne  pas  craindre  le  mort. 

Les  Mayas  embaumaient  les  corps  de  leurs  rois.  Pour  cela, 
le  corps  était  enduit  de  cire  londue.  On  retirait  les  entrailles, 
on  le  lavait  et  on  l'emplissait  de  poudre  d'osier  pilé  mélangée 
avec  des  aromates,  de  la  graine  de  persil  et  de  l'anis.  D  après 
Hérodote,  liv.  IV,  ch.  lxxi,  ce  mode  d'embaumement  était  ce- 
lui employé  par  les  Scythes.  Les  corps  des  princes,  seigneurs  et 
prêtres  étaient  brûlés.  Ceux  des  autres  personnes  étaient  inhu- 
més, après  avoir  été  desséchés  au  l'eu,  dans  des  fosses  et  tou- 
jours dans  la  position  d'une  personne  assise  et  repliée  sur  elle- 
même. 

Les  Toitèques  qui  habitaient  le  Yucatan  brûlaient  ou  inhu- 
maient leurs  morts  comme  au  Mexique. 

A  la  Vera  Pa/,  quand  un  seigneur  mourait,  la  première  chose 
que  Ton  faisait  était  de  lui  mettre  une  pierre  précieuse  verte 
dans  la  bouche.  L'objet  de  cet  acte  était,  dit  Ximènes,  que  la 
pierre  reçût  son  âme.  Au  moment  de  la  mort,  on  frottait  légè- 
rement la  figure  du  moribond  avec  cette  pierre.  L'introduction 
de  la  pierre  dans  la  bouche  et  la  réception  du  dernier  soupir 


Il  i)i:  i.i:ru  CIVILISAI  ion 


■20i) 


étaient  conliccs  au  plus  noble,  el,  dans  la  laniille  du  roi,  a 
son  plus  .qrand  lavori  La  pierre  était  conservée  avec  soin 
par  cette  personne  qui,  à  cause  de  cela,  était  très  considé- 
rée Le  corps  était  maintenu  dans  la  .position  de  I  lionmie 
assis,  et  on  rhabillait  de  ses  plus  beaux  vêtements.  Pendant  ce 
temps,  des  messagers  étaient  envoyés  dans  tous  les  villages 
sous  sa  juridiction,  et  à  tous  ses  amis.  An  jour  lixé  pour  les 
tunérailles,  tous  les  seigneurs  invites  apportaient  des  joyaux  et 
d  autres  présents  ou  au  moins  un  esckne  ou  deux  pour  les 
sacrifier.  Les  joyaux  étaient  déposés  sur  le  corps  qu'on  re- 
couvrait de  beaucoui">de  manteaux.  Ceci  lait,  le  corps  était  mis 
dans  une  bière  en  pierre.  On  laisait  un  lart^e  trou  dans  la  terre 
et  on  y  déposait  la  bière.  Lorsque  le  seii^neur  était  à  I  ai^onie, 
on  tuait  tous  ses  esclaves,  a(in  qu'ils  eussent  le  temps  de  le  pré- 
céder et  de  préparer  la  maison  jH)ur  leur  maître.  (Juand  on  les 
enterrait,  on  mettait  avec  eux  leurs  ustensiles  de  travail,  on 
élevait  ensuite  un  autel  sur  la  losse  d'une  coudcJ  de  hauteur, 
en  chau.x  et  en  pierres,  sur  lequel  généralement  on  brûlait  beau- 
coup d'encens  en  otlrant  des  sacrilices.  Les  gens  du  peuple, 
qui  n  étaient  pas  assez  riches  pour  avoir  de  telles  bières,  tai- 
saient une  longue  et  large  pierre  tombale  destinée  à  recouvrir 
une  tosse  dans  laquelle  on  maintenait  le  corps  assis.  Les  au- 
tres cérémonies  étaient  semblables  à  celles  qui  avaient  lieu 
pour  les  autres  personnes  Ximènes,  p.  2 1 1  ;. 

Au  Guatemala,  ils  enterraient  leurs  morts  dans  leurs  proprié- 
tés et  élevaient  des  tertres  ou  tumuli  en  terre,  correspondant 
en  hauteur  avec  la  position  sociale  du  décédé.  Dans  quelques 
endroits,  comme  a  Kabinal,  ils  élevaient  des  monticules  de  pe- 
tites pierres  plates;  ce  qui  laisait  que  leurs  propriétés  étaient 
remplies  de  ces  P'ierres  que  leurs  descendants  avaient  beau- 
coup de  peine  ..        irer  (Ximenès,  p.  2i3j. 

(,)uand  un  roi  mourait,  on  tuait  quelques-uns  de  ses  servi- 
teurs et  un  certain  nombre  de  ses  femmes  pour  l'accompagner, 
souvent  même  ces  malheureux  se  suicidaient  eux-mêmes  en 
s'empoisonnant  ave:  des  poisons  végétaux. 


.•)0 


DK  LOUKilNi:  l)i:S  INUIIÎNS  Dl'  NOL'VKAU-MONDi: 


Dans  les  niciiics  (.montrées,  on  momiliait  les  corps  on  les  fai- 
sant dcsscchcr  à  petit  Icli,  lue  antre  coutume  sinj^ulière,  qui 
existe  encore  en  CJhine,  étailj  lors  des  lunérailles,  tle  laire  pré- 
céder le  Corps  d  un  coq  \i\ani. 

Mil  (]iiine,  le  coq  accompagne  également  le  cercueil  sur  le- 
quel il  est  perché,  veillant  à  ce  que  lïime  du  déluut  ne  sorte 
pas  du  corps,  ce  qui  serait  un  i^rand  malheur  pour  la  famille, 
atti'udu  que  cette  àme  pourrait  revenir  chercher  querelle  à 
l'auire  àme  qui  est  dans  la  tablette  des  ancêtres  pendant  que 
son  double  attemi  son  juf^ement.  Les  Hschort/  d'inf,'ria  i'in- 
lande  brûlent  un  coq  blanc  le  jour  de  la  Saint-Jean  quand  ils 
visitent  les  tombes.  Le  coq  joue  éi^alemcnt  un  rolc  dans  les  su- 
perstitions scandina\.'ennes  et  gauloises.  Kn  Chine,  quand  deux 
jeunes  gens  se  marieni,  aN'ant  la  cérémonie,  ils  doivent  adorer 
le  ciel  et  la  terre.  On  me^  ensuite  sur  une  table  des  chandelles 
allumées  et  deux  petits  coqs  blancs  en  sucre  qu'ils  se  parta- 


gent et  mangent. 


Lu  couleur  du  deuil  était  le  jaune.  Ils  se  peignaient  en  jaune 
tout  le  temps  qu'il  durait  (Ximenès,  p.  214). 

Les  peuples  du  Salvador  enterraient  leurs  morts  dans  leur 
propre  maison,  assis  et  revêtus  de  leurs  plus  beaux  vête- 
ments. Pendant  quatre  jours  et  quatre  nuits  on  pleurait  le  mort  ; 
le  cinquième  jour,  le  grand  prêtre  annonçait  que  I  ame  était 
avec  les  dieux  et  qu'il  était  inutile  de  pleurer  plus  longtemps. 
Pendant  ces  quatre  jours,  ils  chantaient  les  louanges  du  mort 
et  SCS  hauts  laits.  Si  un  hom.me  du  peuple  mourait,  ses  enfants 
et  ses  parents  se  lamentaient.  Si  une  femme  perdait  un  cnlant, 
elle  gardait  son  lait  pendant  quatre  jours  sans  le  donner  à  un 
autre,  afin  que  l'enfant  mort  ne  lit  pas  de  mal  au  survivant 


a>. 


PalancOj  p.  (Si). 

Ils  construisaient  sur  la  tombe  des  personnages  distingués 
des  tertres  ou  tumuli  en  pierres  ou  en  terre  (Arriaga). 

Au  Honduras,  on  a  trouvé  plusieurs  grandes  cabanes  cou- 
vertes en  chaume.  Dans  l'une  d'elles,  était  un  corps  embaumé. 
Dans  une  autre,  les  corps,  tous  sans  odeur,  étaient  enveloppés 


i;t  ï)E  i.m;i<  cinii.isaiion 


Uf)! 


clans  du  coton  et  des  nattes  Sur  ces  corps  étaient  des  tahlettes 
de  hois,  sculptées,  représentant  différcnles  li,i^ures  d'animaux 
et,  SLir  quelques-unes,  le  portrait  du  mort  Squier,  Amâ-ii.]ue 
centrale,  p.  :j5i). 

Les  corps  des  prêtres  et  des  personnes  d'un  certain  ran^ 
étaient  hrùlés.  A  (]arcay,  avant  d'enterrer  les  corps,  ils  les  fai- 
saient dessécher. 

Chez  les  Indiens  de  la  cote  de  Mosquito,  d'après  Hancrolt, 
le  corps  était  déposé  dans  la  moitié  d'un  canot  enveloppé  d'é- 
totle.  I,,es  parents  et  amis  maniteslaicnt  leur  chai^rin  par  des 
libations  et  les  tommes  s'inlligeaient  toutes  sortes  de  mortifi- 
tions.  Ensuite  quatre  hommes  nus  et  peints  pour  ne  pas  être 
reconnus  et  punis  par  Vulascha  Huracan  ,  saisissant  une  corde 
attachée  au  canot,  le  traînaient  dans  les  bois  avec  accompagne- 
ment de  musique.  Là  on  inhumait  le  canot  a\ec  le  corps  dans 
une  fosse,  ainsi  que  son  arc,  ses  llèchcs  et  tout  ce  qui  pou\ait 
lui  servir  dans  l'autre  monde.  L'autre  moitié  du  canot  était 
placée  sur  le  corps.  Sur  la  fosse  on  construisait  une  hutte  dans 
laquelle  les  parents  venaient  déposer  de  temps  en  temps  des 
mets  et  des  boissons. 

Au  Nicaragua,  on  brûlait  le  corps  des  seigneurs  et  des  caci- 
ques avec  leurs  vêtements,  leurs  plumes,  leurs  éventails  et  leur 
or;  les  cendres  étaient  recueillies  dans  un  vase  et  enterrées  de- 
vant sa  maison.  On  brûlait  également  avec  le  corps  des  mets. 
Les  corps  des  gens  du  peuple  étaient  brûlés,  ou  leurs  ossements 
étaient  conservés  dans  des  vases  qui  étaient  enterrés  dans  un 
cimetière  commun. 

Chez  les  Caraïbes  de  la  côte  de  Mosquito,  la  veuve  devait, 
pendant  un  an,  avoir  soin  de  la  tombe  du  défunt  et  lui  fournir 
tout  ce  dont  le  mort  avait  besoin,  ensuite  elle  prenait  ses  os  et 
les  portait  pendant  un  an,  puis  les  déposait  sur  le  toit  de  sa 
maison.  Elle  pouvait  alors  se  remarier,  (Nat.  Races  of  Paci/ic 
slales,  vol.  I,  p.  7ji.  Bancroft.) 

Dans  les  fosses,  on  mettait  de  petites  idoles  d'or,  bien  tra- 
vaillées, des  objets  en  cuivre,  des  figurines  en  terre  cuite.  Les 


m 


:i(y2 


ni-  I.  OKKiiM    his  ini)1i;ns  dt  noi  viiai-mondk 


vases  conlenant  les  ossements  ou  les  cendres  avaii.'nl  In  lorme 
d'un  ciàne  humain   Squier.  NicaraiiiM,  II,  (Si^;. 

Dans  le  Darien  et  l'ir^thme  de  l'anama,  quand  un  chef  mou- 
rait, on  le  couvrait  d  or  après  l'avoir  revêtu  ue  ses  plus  beaux 
vélem-cnts.  On  le  sus]X'ndait  ensuite  par  ties  cordes  au-dessus 
de  brasiers  de  charbon,  deux  vases  étant  placés  en  d.'ssous 
pour  recevoir  la  ,i:raisse.  Le  corps,  par  la  chaleur  élu  leu,  était 
desséché  et  j^ardé  dans  le  palais  lie  la  famille  du  chel.  (Cha- 
que année,  le  jour  anniversaire  de  la  mort,  une  léte  était  cé- 
lébrée en  1  honneur  du  mort. 

Chez  les  (.ihihchas,  le  corps  îles  i^rands  criminels  était  aban- 
donné dans  les  champs  ]X)ur  être  dévoré  par  les  animaux  ''Si- 
mon, p.  2.5.5  . 

Leurs  modes  lIc  sépulture  étaient  \ariés.  Ils  embamnaient 
les  corps  de  leurs  rois  et  caciques  avec  une  sorte  de  résine 
nommée  mncoha  et  d  autres  inj^MX-dienls.  Après  que  le  mort 
avait  été  pleinx'  dans  sa  maison  pendant  six  jours,  ils  le  déj'io- 
saient  dans  une  sorte  decav'erne  bnhcda  construite  exprès.  Ils 
rhabillaient  de  ses  jMus  idéaux  vêtements,  plaçaient  autour  des 
pains  de  maïs  et  des  vases  de  chicha,  ses  armes,  et  dans  sa 
main  u\m^  (lèche  en  or,  en  souvenir  de  celle  que  I)Ochica 
lança  de  I  arc-en-ciei  quand  il  ouvrit  le  passade  aux  eaux  de 
cette  vallée.  Dans  les  yeux,  les  oreilles,  le  ne/,  la  bouciie 
et  au  nombril,  ils  mettaient  des  émeraudes  et  de  jietites  pla- 
ques d'or  eî  autour  du  cou  des  colliers  '(^hai^italas  é,t;ale- 
nient  en  or.  Dans  la  même  bobeda  on  enterrait  les  esclaves 
et  les  leninies  qu'il  avait  le  plus  r.in.és.  .Mais,  avant,  on  leur 
taisait  prendre  le  suc  d  une  plante  qui  les  privait  de  toute  sen- 
sation. 

Les  corj-is  des  rois  de  L)Of,'ota  étaient  mis  dans  des  troncs  de 
palmiers  creux  (Quelquefois  on  faisait  dessécher  les  corps  des 
rno.'ts  dans  d-  >  barbacoas  au  moyen  d'un  feu  lent.  Dans 
d'autres  endroits,  ils  les  mettaient  dans  des  bahios,  .sortes  de 
sépulcres.  D'autres  étaient  enterrés  dan.s  les  champs,  envelop- 
pés dans  leur  manteau.  Sur  la  tcsse,  on  plantait  un  arbre  pour 


i:r  i)[:  i.kvh  civri.iSAi  ion 


203 


cacher  la  place  afin  qu'on  ne  vînt  pas  déterrer  le  mort  pour 
enlever  les  objets  précieux  qui  l'entOLiraient.  Sur  la  tomix;  de 
ceux  qui  mouraient  de  certaines  maladies,  on  mettait  des  croix. 
Les  (ils  et  lemmes  du  mort  ne  conservaient  que  ses  terres,  at- 
tendu que  tout  ce  quil  avait  en  dehors  était  mis  dans  la  fosse. 
Le  mort  était  pleuré  pendant  six  jours,  et  a  chaque  anniver- 
saire du  jour  de  son  décès  durant   un   certain  temps    Simon, 

p.  2  5(J  . 

A  la  mort  d'un  zippa,  tous  ses  sujets  portaient  le  deuil  en  se 
peif;nant   avec  de  l'ocre  rouge. 

Quelquefois,  les  corps,  après  avoir  été  embaumés  et  leurs  en- 
trailles remplacées  par  des  joyaux  et  de  lor,  étaient  couverts 
de  leurs  plus  beaux  vêtements  et  portés  dans  une  chapelle 
construite  ad  hoc  et  où  on  les  laissait  pour  toujours. 

D'autres  étaient  jetés  dans  des  lacs  profonds  avec  leur  cer- 
cueil et  les  joyaux  quOn  y  ajoutait  ^Herrera,  V,  p.  90  . 

Les  Xèques  cachaient  le  plus  possible  le  lieu  où  était  enterré 
leur  chef  ou  caciciue.  Quelquefois  ils  détournaient  le  cours 
d'une  rivière  et  y  mettaient  le  corps  dans  son  lit,  laissant  la 
rivière  reprendre  son  cours  naturel  'Simon,  }■».  291;. 

Ces  peuples  élevaient  éf,'a!cment  un  grand  nombre  de  tumuli 
dans  lesquels  ils  déposaient  leurs  morts. 

Chez  les  Cara'ibes,  un  an  après  la  mort,  les  ossements 
étaient  lavés,  peints,  couverts  de  baume  odoriférant,  mis  dans 
un  panier  et  pendus  à  la  porte  de  l'habitation.  La  femme 
du  mort  devait  porter  ce  panier  pendant  un  certain  temps  sur 
son  dos,  toutes  les  fois  qu'elle  sortait  'Gumella,  IlisL  A  rOr- 
mocn,  l,  p.  202 !.  I^our  dépouiller  le  cadavre  de  sa  chair^  ils 
rattachaient  à  une  corde  et  le  descendaient  dans  la  rivière  où 
les  poissons,  en  quelques  jours,  avaient  mis  les  (js.sements  à 

sec. 

La  coutume,  chez  les  Caraïbes,  avant  d'inhumer  le  mort,  était 
de  pousser  des  lamentations,  et  de  demander  en  même  temps 
au  mort  pourquoi  i'.  avait  prétéré  quitter  ce  monde  où  il  avait 
tout  pour  rendre  sa  vie  agréable. 


■HPiPPi 


264 


D!     I.OIUC.IM:   1)!:S   IN'DIKNS   1)1     NOl'VKAU-MONDI' 


Les  Caraïbes  inhumaient  quelquefois  le  cadavre  dans  leur 
demeure  qu'ils  abandonnaient  ensuite. 

Les  PéruNieiis  considéraient  comme  un  malheur  pour  la  fa- 
mille que  les  restes  d'un  de  ses  membres  ne  fussent  pas  inhumés 
ou  inhumés  loin  d'eux  '  (Cieza,  ch.  liv). 

Les  corps  des  rois,  tels  que  les  ïncas  et  autres  chefs  de  tri- 
bus, étaient  embaumés.  Les  viscères  étaient  extraits,  déposés 
dans  un  vase  d"or  et  conservés  dans  le  temple  de  Tambo,  à  qua- 
tre lieues  de  Cuzco.  L'ne  quantité  considérable  de  leurs  joyaux, 
trésors,  argent,  or,  pierres  précieuses  était  enterrée  avec  eux, 
en  même  temps  que  des  serviteurs  et  quelques-unes  de  leurs 
femmes,   dont  le   nombre  s'est  élevé  quelquefois  à  mille.  Le 
peuple  disait  qu'ils  devaient  s"estimer  heureux  d'être  ainsi  sa- 
crifiés pour  servir  leur  seigneur  dans  l'autre  vie.  «  Il  est  certain, 
dit  Garcilazo,  liv.  V,  ch.  v,  qu'ils  demandaient  volontairement 
la  mort  et  que  les  officiers  étaient  souvent  obligés  d'in'ervenir 
pour  empêcher  que  leur  nombre  ne  fût  pas  trop  considérable. 
Le  corps  était  embaumé  avec  beaucoup  d'art.  Jusqu'à  présent 
on  ignore  le  procédé  dont  ils  se  servaient.  "  D'après  Hivero  et 
"  'Lschudi  {Anliijit'dii.dcs  pcnianas,  p.   204),  les   cadavres   des 
"  hicas  devaient  être  incomparablement  mieux  conservés  que 
(I  les  autres  par  un  procédé  qui  devait  être  un  secret  de  la  fa- 
■<  mille,  attendu  qu'on  n'a  pas  trouvé  d'autres  momies  que 
"  celles  des  rois  et  dos  reines.  Nous  ignorons  de  quel  procédé 
«  se  servaient  ces  maîtres  dans  l'art  d'embaumer,  ni  quelle 
"  substance  ils  employaient  pour  éviter  la  putréfaction  et  don- 
«  ner  à  la  peau  une  certaine  flexibilité.  Pour  arriver  à  le  sa- 
'■  voir,  il  serait  nécessaire  de  soumettre  une  de  ces  momies 
"  à  l'analyse  chimique.  Lxiste-t-il,  toutefois,  une  seule  de  ces 
"  momies'?  Garcilazo  de  la  'Vega  dit  qu'il  en  a  'S'u  cinq,  parmi 
■'  lesquelles  l'une,  lui  avaient  assuré  les  indiens,  était  l'Inca 
«  Viracocha,  l'autre  le  grand  tupac  Inca  Yupanqui,  la  troisième 
«  Huayna-Capac.   Or,  suivant  d'autres,   Gonzalo  Pizarro  fit 


i.  r.n  même  suDcrstition  ii-L;iie  en  Chine. 


FT  1)1-:  l.KLK  CIVILISATION 


205 


"  déterrer  et  brûler  le  corps  de  l'Inca  Viracocha  à  Haquija- 
'■  huana,  celui  de  Huayna-Capac  lut  transporté  de  Pattalaeta  à 
"  Totocacha.  Garcila/o  de  la  Vega  n'a  donc  pu  les  voir.  On  dit 
«  que  la  momie  de  Huayna-Capac  était  si  bien  conservée  qu'elle 
"  paraissait  vivante.  Les  yeux  étaient  imités  de  telle  sorte  qu'ils 
"  paraissaient  naturels.  Tout  le  corps  était  enduit  d'une  sorte 
"  de  bitume.  Sur  la  tète,  on  distinguait  une  cicatrice  prove- 
"  liant  d'un  coup  de  pierre.  La  chevelure  était  blanche  et  en- 
"  tière;  il  était  mort  quatre-vingts  ans  auparavant.  Le  licencié 
"  Polo  Ondegardo,  lorsque  Don  Andrès  Hurtado  de  Mendoza 
"  était  vice-roi,  transporta  cette  momie,  ainsi  que  plusieurs 
«  autres  des  Incas,  de  Cuzco  à  Lima.  Finalement,  les  restes 
'-  mortels  de  ces  puissants  et  sages  monarques  furent  enterrés 
"  dans  un  coin  de  l'hôpital  de  San  Andrès,  à  Lima.  »  Les  mo- 
mies que  l'on  a  trouvées  à  la  côte  ou  sur  la  Sierra,  d'après 
les  mêmes  auteurs,  p.  207,  ne  rentérmaient  aucun  préservatif. 
A  la  côte,  le  sol  chaud  et  le  sable  calciné  desséchaient  les  corps, 
et,  dans  l'intérieur,  l'air  pur  et  le  vent  sec  produisaient  le 
même  effet.  H.  Aleyen  dit,  de  son  côté,  que  pour  conserver 
les  corps  à  la  côte,  on  les  couvrait  de  sable  sec  et,  sur  la 
Sierra,  qu'on  les  exposait  à  l'air  sec  avant  de  les  enterrer  Les 
corps  des  rois  seuls  étaient  embaumés  avec  soin  (Cieza, 
ch.  xxxiii). 

Le  corps  des  Incas,  une  fois  embaumé,  était  transporté  dans 
le  grand  temple  du  soleil  à  Cuzco.  Les  hommes  étaient  placés 
à  droite,  les  reines  à  gauche  du  grand  luminaire.  Les  corps,  re- 
vêtus de  leurs  plus  beaux  vêtements,  étaient  maintenus  assis 
sur  des  chaises  d'or,  la  tête  inclinée  vers  le  sol,  les  mains  po- 
sées sur  la  poitrine. 

La  mort  de  l'hica  était  suivie  d'un  deuil  général  dans  tout 
l'empire.  A  des  intervalles  déterminés,  durant  toute  une  année, 
le  peuple  assemblé  renouvelait  les  expressions  de  son  cha- 
grin. On  faisait  des  processions  dans  lesquelles  on  déployait  la 
bannière  du  détunt.  Des  bardes  et  des  ménestrels  étaient  nom- 
més pour  chanter  ses  hauts  faits  et  les  chants  étaient  répétés 


■2C>i') 


i)i:  I.  oKir.iNi   I)f;s  indiins  di    noivcad-mondI': 


dans  les  (èle-i  en   jirOscnce  Jii  inonarc|ue  rcf^mant    'Prcscott, 
/'cm,  \\v.  1,  cil.  I  'i. 

Il  y  avait  dillércnts  modes  d'inhumer  les  morts.  Les  uns  les 
mettaient  dansdes  trous  creusés  dans  le  sol,  les  autres  au-dessus 
de  la  terre,  d'autres  sur  la  terre,  et  chaque  nation  avait  une  ma- 
nière dill'érente  pour  cf)nslruire  les  tombeaux  :(]ieza,  ch.  i.xiiij. 

Les  anciens  l'éru viens  enterraient  Iréquenurient  leurs  morts 
dans  leur  iiroi')re  maison,  qu  ils  abandonnaient  ensuite.  Une 
grande  jiarlie  des  U'-lensiles  de  ménage  était  inhumée  avec  le 
mort.  Sous  une  |iremière  couche  de  terre,  à  2  pieds  de  prolcjn- 
deur,  on  trouvait  le  corps  bien  conservé  dans  la  posture  d  un 
homme  assis.  A  deux  jMeds  au-dessous,  les  ustensiles,  vases 
déterre,  jarres,  armes,  instruments.  Knfin,  sous  une  troisième 
couche  étaient  placées  les  vaisselles  d  or  et  d'arf^^ent  et  les  idoles 
de  la  maison  'l'schudi,  /hrii,  ji.  ^•'(j3;. 

Les  Huacas,  losses  ou  sépulcres,  étaient  de  dillérentes  tor- 
mes  et  grandeurs,  sui\'ant  qu'ils  étaient  destinés  pour  un  indi- 
dividu  ou  des  familles.  A  la  côte  généralement,  mais  pas  tou- 
jours, une  élévation  marque  I  endroit  où  les  corjis  ont  été 
inhumés  et  ils  sont  trouvés  à  côté  lun  de  I  autre  dans  les  gran- 
des plaines.  Dans  l'intérieur,  quoicjue  encore  a  la  côte,  les 
huacas  sont  généralement  voûtés  et  construits  en  briiiucs  non 
cuites.  Sur  la  Sierra,  d'autre  part,  les  tombes  sont  en  maçon- 
nerie, carrées,  ovales  ou  comme  des  obélisques.  l\,es  corps 
étaient  mis  au  milieu  des  huacas,  isolés  ou  en  groupe,  et  sup- 
portés par  des  pierres  ou  des  roseaux  j-iour  les  maintenir  dans 
Tattitude  d  un  lu^mme  assis.  La  lace  était  tournée  vers  l'est. 
A  la  tète  des  corj^s,  étaient  des  rangées  de  )X)ts  remplis  de 
gmana,  ma'is,  patates,  chair  de  lama  desséchée;  ces  pots 
étaient  couverts  d'autres  plus  petits.  J)es  deux  côtés  dans 
un  demi-cercle  il  y  avait  des  instruments  de  cuisine ,  des 
jiots  remplis  d  eau  et  de  diiclia.  Souvent  des  sacs  de  ma'is 
étaient  placés  entre  les  jiots  et  le  corps ,  recouverts  de 
sable  (in  sur  lequel  étaient  mis  différents  objets,  tels  que 
vêtements,    etc.   Venait    enfin    une  autre    couche  de  sable  et 


I:T   \)K   l.KtH   CIVILISAI  ION  267 

1,-1  tombe  était  Icrmce  p;ir  une  maçonnerie.  Les  corps  étaient 
enveloppés  dans  diliérentes  couvertLires,  et,  L|uand  on  les 
retirait,  ils  ressemlilaient  à  des  statues  ,  à  tel  point  qu'on 
pouvait  reconnaître  les  diliormités  de  la  tète,  des  ;^enoux  et 
des  pieds.  I>e  corps  était  enveloppé  dans  une  natte  liée  par 
une  espèce  de  filet  en  lorles  cordes.  Ces  couvertures  enlevées, 
on  trouvait  une  lar^e  bande  eje  coton  entourant  le  corps  de 
la  tète  aux  pieds,  et  reli;nil  entre  eux  des  supfiorts  en  hiois  pour 
soutenir  la  tête.  Sous  ce  bandage  était  une  épaisse  cr)uverture 
rouge  ou  de  (ilusi*eurs  Cfjuieurs,  et,  sous  celle-ci  encore,  un  ou 
deu,\  vêlements.  Au  cou  étaient  attachés  de  petits  prjts,  des 
ornements,  un  petit  sac  de  coca  et  généralement  une  petite 
idole  en  or  ou  en  argent.  Le  dernier  vêtement  et;iil  d'une  étoile 
fine.  Le  corps  nu  était  enveloppé  dans  deux  ou  trois  bandes 
d'étofle.  Dans  la  bf)uche  on  remar>.|uait  une  petite  pièce  d'or, 
i-l'argent  ou  de  cuivre  flschudi,  /'on.  il,  |i.  '.^i)-j  . 

Les  tombes  des  Canclios  étaient  construites  en  pierres  sur 
les  hauteurs.  Ils  enterraient ,  avec  les  corps  de  leurs  chefs, 
quelques-uns  de  leurs  serviteurs  et  de  leurs  chefs  'Gie/a, 
ch.  xf;vii;. 

Les  Indiens  de  Lo/a  cachaient  les  corps  de  leurs  chefs  f(]\c/.a, 

ch.    MX;. 

Dans  la  province  de  (Jauca,  les  corps  desséchés  des  morts 
étaient  mis  dans  des  peaux,  la  face  seule  restant  découverte 
exposée,  et  conservés  dans  la  maison  de  la  famille  du  défunt 
fCicza,  ch.  1,1  V;. 

A  Quito,  les  corps  étaient  déposés  sur  le  sol  et,  avec  des  bri- 
ques ou  des  pierres,  ils  élevaient  j^ar  dessus  une  tombe,  [en- 
suite tous  les  serviteurs,  parents  et  amis  jetaient  de  la  terre  pour 
formel  un  tumulus  qu'ils  nommaient  huaca.  La  hauteur  et  la 
largeur  de  ces  tumuli  étaient  proportionnées  au  rang,  à  la  di- 
gnité ou  à  la  richesse  du  défunt  iL'Iloa,  I,  461 1. 

Les  Collas  ',  lorsqu  un  chef  mourait,  tuaient  une   partie  de 


I.  '!<jnirnt  Ils  Xij(.|ui:s  de  l'ogola 


268 


m:  I.  ouiGiNF  i)i:s  indifns  ne  NorvrAr-MONDi- 


ses  femmes,  de  ses  enfants  et  de  ses  domestiques  pour  l'accom- 
pa^Mier.  On  enterrait  ei^alement  dans  le  luiaca  des  personnes 
vivantes.  Pendant  les  jours  de  deuil,  on  revenait  danser  de 
temps  en  temps  à  la  place  où  le  corps  avait  été  inhumé.  Les 
femmes  qui  restaient  et  les  parents,  en  signe  de  deuil,  mettaient 
des  cordes  de  serine  autour  de  leurs  cheveux  Cie/a,  ch.  c  . 

Quand  un  Indien  de  Puerto  Viejo  mourait,  on  l'inhumait 
dans  une  sorte  de  puits,  et,  pendant  plusieurs  jours,  les  parents 
invités  et  les  amis  dansaient,  chantaient  et  pleuraient  (Cieza). 

Chez  les  Indiens  des  vallées  de  !a  côte,  quand  un  chef  mou- 
rait, un  i;rand  nombre  de  femmes  coupaient  leurs  cheveux. 
On  inhumait  dans  le  huaca  quelques-unes  de  ses  femmes,  des 
mets,  des  bijoux. 

Chez  les  Vuncas,  le  chef  était  inhumé  avec  ses  trésors,  ses 
serviteurs,  ses  femmes  et  ceux  qu'il  avait  le  plus  aimés. 
Quand  le  huaca  était  plein,  on  enterrait  ces  malheureux  dans 
les  endroits  où  ils  avaient  coutume  de  se  rendre  le  plus  sou- 
vent, dans  la  persuasion  que  l'àme,  passant  par  ces  lieux, 
les  prendrait  avec  elle  pour  la  servir.  Souvent  ses  femmes, 
pour  que  dans  l'autre  monde  le  maître  bien  aimé  les  tînt 
en  plus  grande  estime,  n'attendaient  pas  qu'on  les  tuât  et  se 
pendaient  elles-mêmes  en  faisant  une  corde  de  leurs  cheveux. 

Chez  les  Indiens  de  Ldiacta-cunya,  les  temmes,  en  signe  de 
deuil,  coupaient  leurs  cheveux  et  devaient  pleurer  pendant 
un  an. 

Les  Indiens  de  Tarina,  en  signe  de  deuil,  portaient  des  vête- 
ments noirs  et  se  peignaient  le  corps  en  noir.  fCieza,  ch.  lxxxui.) 

Après  la  mort  d'un  chef,  ses  femmes  et  ses  serviteurs  de- 
vaient continuer  h;  mérne  genre  de  vie  que  s'il  n'était  pas 
mort.  On  faisait  une  statue  d'or  qui  le  représentait  et  qui  était 
servie  comme  lui-même.  Certains  villages  étaient  désignés 
pour  lui  fournir  tout  ce  qui  lui  était  nécessaire.  Le  successeur 
faisait  construire  une  nouvelle  maison,  et  tous  les  oL-ijcts  do- 
mestiques étaient  remplacés,  parce  que  le  ills  ne  devait  pas  se 
servir  de  ce  qui  avait  appartenu  à  son  père  .Andagoya,  p.  5<.j). 


ET  Di:  i.l:ur  civilisation  26g 

Quand  un  souverain  mourait^  on  lermait  la  chambre  dans 
laqueilc  il  avait  riiabitudc  de  dormir  et  personne  ne  pouvait 
y  entrer.  lout  ce  qu  il  possédait  :  joyaux,  vêtements,  était 
inhumé  avec  lui,  afin  qu'il  pût  s'en  servir  dans  l'autre  monde 
(Garcilazo,  1.  VI,  ch.  iv^, 

Un  i^rand  nombre  de  serviteurs  étaient  désignés  pour  avoir 
soin  du  corps  des  chefs  après  leur  mort.  Ceux-ci  souvent 
abusaient  de  leurs  fonctions  en  disant  que  le  mort  demandait 
telle  ou  telle  chose  qu'on  s'empressait  de  leur  donner. 

Une  coutume,  très  fréquente  chez  certaines  tribus  de  l'Amé- 
rique, était  d'exposer  leurs  morts  sur  des  arbres  ou  par  terre, 
pour  que  les  oiseaux  de  proie  dévorassent  les  chairs.  Ils  re- 
cueillaient ensuite  les  os  et  les  enterraient.  Les  Caddoes  Ascena, 
quand  un  de  leurs  chefs  était  tué  dans  une  bataille,  lais- 
saient son  corps  exposé  aiin  que  les  animaux  ou  oiseaux  de 
proie  dévorassent  ses  chairs. 

Les  Coroados  du  Brésil  avaient  coutume  d'inhumer  leurs 
chefs  dans  de  i^rands  vases  de  terre.  Us  les  enfouissaient  assez 
profondément  au  pied  d'un  grand  arbre.  Les  momies,  que  l'on 
a  retrouvées  revêtues  de  leurs  insignes,  sont  parfaitement  in- 
tactes et  placées  dans  l'attitude  d'un  homme  assis  sur  ses  talons. 

Les  Changos,  d'après  une  découverte  faite  à  Cobya,  ran- 
geaient leurs  morts  sous  une  énorme  couche  de  terre,  séparé- 
ment par  sexe  et  par  âge,  enveloppés  dans  leurs  vêtements  tissés 
de  laine  assez  line.  Ils  avaient  encore  leurs  cheveux  et  étaient 
couchés  en  long,  coutume  assez  rare  chez  les  nations  améri- 
caines, qui  reploient  ordinairement  les  corps  de  manière  à  les 
remettre  dans  la  position  naturelle  de  l'homme  au  moment  de 
naître 'd'Orbigny,  l'Homme  américain,  p.  33j). 

Les  Araucans  se  limitaient  à  couvrir  le  cadavre  avec  des 
pierres  et  de  la  terre  sans  l'enterrer.  Au  moyen  de  pierres  et  de 
terre,  on  formait  une  espèce  de  monticule  artificiel.  On  mettait 
à  côté  du  mort  ses  meilleurs  vêtements,  ses  joyaux,  ses  armes, 
du  fou  et  des  mets.  On  faisait  du  feu  sur  la  sépulture  pendant 
un  an. 


270 


l)K  l.  oalCilNK  DI.S  INDIICNS   DU   NOU VKAU-MONDK 


Chez  les  Yuracarès,  à  lu  mort  de  1  un  d  eux.  tout  ce  qui  ap- 
partenait au  déluat  était  anéanti.  On  abandonnait  .sa  cabane  et 
son  champ,  puis  on  Tenterrait.  Les  Patayons  et  les  Puelches 
enterraient  ou  brûlaient  avec  le  défunt,  ses  armes,  ses  bijoux 
et  tous  .ses  animaux. 

Les  indigènes  du  Chaco,  à  la  mort  de  l'un  d'eux,  se  mutilaient 
de  la  manière  la  plus  barbare  en  signe  de  deuil,  se  coupaient 
une  articulation  des  doigts  et  se  couvraient  de  blessures.  Les 
Charmas  brûlaient  tout  ce  qui  avait  appartenu  au  détunt  et 
tuaient  sur  sa  tombe  tous  les  animaux  qui  lui  avaient  servi. 
Pour  exprimer  leur  douleur,  les  parents  se  couvraient  les  bras, 
les  ilancs,  la  poitrine  de  blessures  prolondes.  Les  temmes  se 
coupaient  larticulalion  d'un  doigt  au  décès  de  chacun  des 
leurs,  commençant  par  le  petit  doigt  ;  de  plus,  elles  s'enfon- 
çaient le  couteau  du  mort  dans  les  chairs  des  bras,  des  seins, 
des  lianes.  Tous  jeûnaient  ensuite  rigoureusement. 

Les  'lobas  et  les  Mataguayas  enterraient  avec  leurs  morts 
tout  ce  qui  leur  avait  appartenu.  Ces  derniers  abandonnaient 
ceux  qui  étaient  atteints  d'une  maladie  incurable.  Les  morts 
étaient  enterrés  assis,  les  membres  ployés. 

Les  Abipones,  les  Samucas,  les  Chiquitos,  les  Monos  inhu- 
maient avec  le  défunt  ses  armes  et  des  vivres  et  on  tuait  ses 
chevaux  sur  la  tombe. 

Les  Guaranisj  les  Cheriguancs,  les  Coroados  du  Brésil  et  les 
Indiens  du  Paraguay  mettaient  le  corps  du  mort  dans  un  vase 
de  terre  ou  dans  une  fosse  garnie  de  clayonnage  au  milieu  même 
de  la  maison,  la  face  tournée  vers  l'orient. 

Les  Guarayas  enterraient  leurs  morts  dans  leur  maison,  la 
tête  tournée  vers  l'Orient  '.  Les  corps  étaient  placés  dans  une 
fosse  profonde.  Leurs  armes  étaient  brûlées.  Tous  les  Guara- 
nis, et  notamment  les  Cayas,  Manhès,  Monduracas,  Gentios, 
Bravos,  confectionnent  avec  les  tètes  de  leurs  ennemis  tués  de 
hideux  trophées  ornementés  de  plumes  iHamyj.  (]ette  coutume 


I    CcUc  coutume  ciaii  su'vie  par  presque  tous  les  peuples  de  l'Orient 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


271 


qui  rappelle  les  scalps  des  Peaux-Kouj^es  du  iNord  iilteint  sa 
perfection  dans  la  tribu  des  Jivaros  du  haut  Ama/onc.  (Is 
sauvages  parviennent  à  enlever  d'une  seule  pièce  et  sans  inci- 
sion toute  la  peau  du  crâne  et  de  la  lace  ;  puis,  par  un  procédé 
imparfaitement  connu,  ils  la  (ont  sécher  et  rétracter  d'une  façon 
si  uniforme  qu'elle  se  réduit  au  volume  de  la  tète  d'un  nou- 
vcau-né,  tout  en  conservant  les  formes  du  visaye.  La  cheve- 
lure très  longue  est  précieusement  respectée.  Manuel  Sobre- 
viela  avait  déjà,  au  siècle  dernier,  attiré  l'attention  sur  des 
sauvages  du  Pérou  oriental  qui  faisaient  bouillir  la  tète  de  leurs 
ennemis.  «  Ils  en  détachent  ensuite  la  peau  qu'ils  empaillent  et 
font  sécher  à  la  fumée  pour  en  lormer  un  masque.  Les  dents 
leurs  servent  à  faire  des  colliers  et  ils  susjiendent  les  crânes  au 
loit  de  leurs  habitations  "  (Les  races  saiwai^vs,  par  Alphonse 
Bertillon,  p.  182). 

Plusieurs  tribus  du  Brésil  et  de  la  Guyane,  de  même  que 
quelques-unes  de  l'isthme  de  Panama,  laissaient  mourir  les 
vieillards  qui  leur  étaient  à  charge  ou  les  malades  incurables 
dans  une  cabane  abandonnée.  On  a  dit  même  que  quelques- 
unes  mangeaient  leurs  morts.  Lalilau  raconte  {Mœurs  des 
sauvages,  1724,  II,  p.  40G;  que  quelques  peuplades  de  TAmé-^ 
rique  méridionale  mangeaient  les  corps  morts  de  leurs  guer- 
riers. «  S'il  est  vrai,  ajoute-t-il,  qu'il  y  en  a  qui  font  festin  des 
cadavres  de  leurs  parents,  il  est  faux  qu'elles  les  mettent  à 
mort  dans  leur  vieillesse  pour  avoir  le  plaisir  de  se  nourrir  de 
leur  chair  et  d'en  faire  un  repas.  Les  nations  qui  ont  encore 
cette  coutume  de  manger  les  corps  morts  de  leurs  parents 
croient  leur  donner  une  sépulture  plus  honorable  '.  " 


I.  Comme  I.afitau  ne  cite  pas  les  noms  des  peuples  qui  mangeaient  les  corps  morts 
de  leurs  parents,  on  peut  douter  de  la  véraeitc  de  son  récit.  Cependant,  si  l'on  con- 
sulte riiistoire  ancienne,  on  trouvera  que,  d'après  Anquetil,  chez  les  Scythes,  quand 
un  père  ou  une  mère  était  atteint  d'un  mal  incurable,  on  le  tuait  et  on  le  mangeait. 
La  victime  était  heureuse  parce  que,  dans  son  idée,  la  sépulture  qu'elle  attendait  était 
plus  honorable  que  celle  d'être  mangée  par  les  vers.  Les  Tari;ires,  les  Massagètcs,  les 
Padéens,  les  Derbices  et  les  Elledens  étranglaient  les  vieillards,  mêlaient  leur  chair 
avec  du    mouton  et  la  mangeaient.   Horace  et  Tertullien  aBirment  que  les  Irlandais  et 


r 


1 


2^2 


Dr:  L  ORIGINE  DES  INDIENS  Dl'  NOIVEAU-MONDE 


D  après  Garcilazo,  liv.  I,  ch.  xii,  les  Cucamas  qui  vivaient 
sur  les  bords  des  rivières  Marànon  et  lluallaga,  lorsqu'un  pa- 
rent mourait,  se  réunissaient  et  le  numj^eaient,  rôti  ou  bouilli, 
selon  qu'il  était  gras  ou  maigre;  ensuite  ils  recueillaient  ses  os 
et  taisaient  ses  obsèques  avec  de  grandes  cérémonies. 

Nous  avons  retrouvé  dans  l'Amérique  septentrionale,  au 
nord  et  nord-ouest  du  Mexique,  les  mêmes  coutumes  mortuai- 
res que  dans  les  autres  contrées  du  nouveau  continent.  Ainsi, 
les  tribus  du  Nord-Ouest,  d'après  M.  Dali,  Cotit.  la  N.  A.  Eth- 
nui,  t.  I,  p.  N9,  tantôt  enterraient  leurs  morts  dans  la  partie  ré- 
servée à  chaque  tamille  dans  la  maison  commune  ou  bien  les 
plaçaient  sur  une  plate-lorme  en  bois  ou  en  pierre  dans  quelque 
abri  de  rocher.  Ceux-ci  reposaient  sur  de  la  paille  ou  de  la 
mousse,  et  étaient  recouverts  de  nattes.  Un  troisième  mode  de 
sépulture  consistait  à  retirer  les  viscères  des  corps,  ainsi  que 
les  matières  grasses,  à  les  taire  dessécher  et  à  les  mettre  dans 
des  caisses  enveloppées  de  fourrures  et  des  plus  belles  nattes. 
Le  corps  était  courbé  le  plus  possible,  maintenu  assis,  et  la 
boîte  était  généralement  suspendue  dans  quelque  abri.  Quel- 
quefois le  chasseur  était  revêtu  de  son  armure  de  bois  et  on 
lui  mettait  un  énorme  masque  '  ornementé  de  plumes,  avec  une 
certaine  quantité  de  pendants  en  bois.  Avec  le  corps,  on  met- 
tait ou  des  efiigies  de  ses  ustensiles  les  plus  utiles  ou  ses  usten- 
siles. Ainsi,  depuis  la  presqu'île  d'Alaska  jusqu'à  la  Terre  de 
Feu,  ces  peuples  conservaient  les  corps  de  leurs  morts  em- 
baumés ou  desséchés  '. 


les  anciciis  Bi'eloiis  dJvoraient  leurs  iiioiis.  C\vi/.  les  .Tiieions  SeanJinavcs,  dcsccnJants 
des  Scythes,  les  vieillai\ls  se  précipitaient  du  haut  des  rochers  à  la  mer  pour  ne  pas 
être  à  charge  à  leur  tamille.  Les  Ksquimau.\  et  les  Groënlendais  les  étranglaient  quelque- 
ois.  Les  Kamlchadaies,  les  habitants  de  Varkoutz  les  laissaient  mourir  souvent  dans  une 
cabane  abandonnée. 

1.  Ce  masque  se  retrouve  au  Pérou,  au  Mexi'.iue  et  dans  l'Amérique  centrale. 

2.  Cette  coutume  existe  également  chez  les  insuliires  aléoutiens.  Martin  Sautr-Bel- 
lings.  Expédition,  i8ci,  p.  lôi,  dit  que  ces  insulaires  embaumaient  les  corps  des  hom- 
mes avec  de  la  mo'.isse  sèche  cl  de  l'heibe  et  les  mettaient  ensuite,  vêtus  de  leurs  plus 
beaux  habits,  dans  une  sorte  de  cercueil,  le  corps  maintenu  assis,  et  l'enlerraienl  avec 


i:t  dk  lI'L'r  civilisation 


.73 


Certaines  ifibus  du  nord  de  l'Amérique  conservaient  les 
corps  de  leurs  chets  de  la  mè-me  manière  que  celles  du  Darien 
et  de  l'isthme  de  Panama.  On  enlevait  d'abord  la  peau, 
en  faisant  une  incision  dans  le  dos.  On  retirait  toutes  les  chairs, 
laissant  les  nerfs  attachés  aux  os  qu'on  faisait  dessécher  au 
soleil  et  qu'on  remettait  dans  la  peau,  qui  était  gardée  avec 
beaucoup  de  soin,  afin  qu'elle  ne  se  rétrécit  point.  Cette  opé- 
ration finie,  on  remplissait  les  vides  avec  du  sable  blanc.  I^our 
empêcher  la  peau  de  se  rétrécir,  on  l'imprégnait  d'huile  et 
de  graisse  qui  la  préservait  de  la  corruption.  On  la  recousait 
de  nou\  .'au  et  on  étendait  la  momie  recouverte  d'une  natte 
sur  une  planche  au-dessus  du  sol,  dans  une  pièce  préparée 
ad  hoc.  Les  chairs  séchées  étaient  déposées  dans  un  panier  au 
pied  du  corps,  avec  une  idole  pour  le  garder.  Nuit  et  jour, 
quelque  prêtre  devait  veiller  '.  Les  Indiens  de  la  Virginie  et  les 
Natche/  embaumaient  le  corps  de  leur  roi  Beverly,  Ilist.  of 
Virginia,  p.  iS5j. 

La  crémation  était  pratiquée  également  par  un  grand  nom- 
bre de  tribus  du  nord  de  TAmérique,  surtout  par  celles  qui  vi- 
vaient sur  les  versants  occidentaux  des  Montagnes  Rocheuses. 
Tous  ces  Indiens  jetaient  dans  le  feu  du  bûcher  tout  ce  qu'ils 
supposaient  être  utile  au  mort.  Quelquefois,  chez  les  L'tahs  du 
sud,  ils  brûlaient  tout  ce  qu'ils  possédaient,  ou  bien  couvraient 
déterre  ce  qui  restait,  et  en  tormaient  un  tumulus.  Nous  trou- 
vons la  même  coutume  dans  l'Amérique  centrale  et  l'Amérique 
méridionale. 

Des  tribus  enduisaient  le  corps  du  mort  d'une  couche  de 
terre,  d'un  pouce  d'épaisseur  et  le  mettaient  sur  un  petit  feu. 


ses  llùches  ci  ses  instruiiiems  de  pècht'.  La  tombe  éiait  décorée  avec  des  nattes  et  Jea 
peintures. 

Les  habitants  de  la  presqu'île  d'Alaska  embauitiaient  les  corps  de  leurs  rois  ou  chefs 
(Lettres  de  Francis  de  Bolof^itaJ. 

I.  Des  momies  ont  été  découvertes  dans  les  cavernes  calcaires  du  Kentucky,  à  diilé- 
rentes  profondeurs  du  sol.  Une  de  ces  momies  se  tient  accroupie,  les  genoux  replies 
sur  la  poitrine,  les  bras  croisés  et  les  mains  posées  l'une  sur  l'autre.  On  n'y  distingue 
ni  suture  ni  incision  indiquant  que  les  viscères  en  aient  été  retirés. 


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274 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


Lorsque  la  terre  et  le  corps  étaient  cuits,  on  les  recouvrait  d'une 
autre  large  couche  de  terre.  Les  Ethiopien»  avaient  une  cou- 
tume analogue.  Seulement  au  lieu  de  terre  ils  se  servaient  de 
plâtre. 

Les  autres  modes  de  sépulture,  dans  le  nord  de  l'Amérique, 
étaient  les  mêmes  que  dans  le  centre  et  le  sud. 

Les  Soshones  brûlaient  ou  enterraient  ou  cachaient  les 
corps  de  leurs  morts  sous  des  rochers. 

Après  que  le  corps  avait  été  brûlé,  la  veuve  recueillait  les  os 
que  le  feu  avait  épargnés  dans  de  l'écorce  de  bouleau,  et  les 
portail  sur  son  dos  pendant  plusieurs  années.  Cette  coutume, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  existait  chez  les  Caraïbes 
de  l'Amérique  centrale  et  du  Darien. 

Souvent  la  veuve,  au  lieu  des  os,  portait,  pendant  un  an,  un 
rouleau  d'étoffe  qu'elle  appelait  son  mari. 

Les  Cherokées,  les  hidiens  de  Nootka-Sound,  etc.,  jetaient 
les  corps  de  leurs  morts  dans  les  rivières  ou  dans  la  mer; 
d'autres  regardaient  l'inhumation  dans  Teau  comme  déshono- 
rante. C'était  la  peine  infligée  aux  suicidés  chez  les  Ahba- 
mans. 

Quand  on  inhumait  dans  la  maison,  elle  était  abandonnée. 

La  tête  du  mort  était  tournée  vers  l'Orient. 

Avant  de  brûler  ou  d'inhumer  le  cadavre,  un  brave  faisait  le 
récit  de  la  vie  du  mort  et  l'appelait  par  son  nom.  Souvent  il  lui 
donnait  des  conseils  pour  traverser  la  grande  rivière,  le  pont 
étroit  gardé  par  un  serpent,  le  désert,  la  vallée  obscure,  etc. 

Toutes  ces  tribus  avaient  à  ce  sujet  les  mêmes  croyances  que 
les  peuples  du  Mexique,  de  l'Amérique  centrale  et  de  l'Améri- 
que méridionale,  ce  qui  est  encore  une  preuve  assez  forte  de 
l'origine  commune  de  leur  civilisation.  Ce  qui  frappe  égale- 
ment, c'est  de  retrouver  partout,  aussi  bien  au  nord  qu'au  sud, 
un  grand  nombre  d'autres  coutumes  mortuaires  entièrement 
analogues. 

Ainsi,  en  dehors  de  celles  que  nous  avons  déjà  mentionnées, 
toutes  ces  tribus  inhumaient  les  morts  dans  la  position  d'un 


'un 


ET  DK  LEUR  CIVILISATION  2']5 

homme  assis.  Certaines  tribus  brûlaient  les  veuves,  qui  sou- 
vent s'immolaient  volontairement.  Pendant  six  jours  et  six  nuits, 
des  feux  étaient  allumés  sur  la  fosse,  après  quoi  l'âme  était 
supposée  partie  au  galop  pour  l'heureux  pays  de  chasse. 

Ils  mettaient  auprès  de  leurs  morts  des  vases  remplis  de  mets 
et  de  boissons.  Ils  tuaient  un  cheval  ou  plusieurs  chevaux,  un 
chien,  et  quelquefois  des  esclaves  et  des  femmes  pour  accom- 
pagner le  mort. 

Toutes  les  cérémonies  mortuaires  étaient  accompagnées  de 
danses,  de  musique  et  de  libations.  Le  mort  était  pleuré  du- 
rant six  jours. 

On  conservait  une  partie  des  cheveux  du  mort  qu'on  gardait 
comme  la  représentation  de  son  esprit.  On  laissait  toujours 
une  mèche  au  sommet  de  la  tète. 

Ils  avaient  également  des  vases  dans  lesquels  ils  mettent, 
les  cendres  et  les  ossements  de  leurs  morts.  Quelquefois 
comme  dans  le  Centre-Amérique  et  au  Pérou,  les  vases  étaient 
moulés  sur  la  tête  du  mort,  de  sorte  que  la  tète  ne  pouvait  plus 
en  être  extraite.  Ce  vase  était  cuit  ensuite  ou  bien  un  cou 
lui  était  ajouté  postérieurement. 

Us  inhumaient  souvent  avec  le  mort  tout  ce  qui  lui  apparte- 
nait ou  le  détruisaient,  ce  qui  était  cause  que  souvent  les  fem- 
mes tuaient  leurs  enfants  pour  n'avoir  pas  à  les  entretenir 
après  la  mort  de  leur  mari. 

Quand  une  mère  allaitant  son  enfant  mourait,  on  enterrait 
l'enfant  avec  elle.  La  couleur  du  deuil  était  le  noir  ou  le  jaune, 
suivant  les  tribus.  Ils  se  scarifiaient  en  signe  de  deuil  et  se  cou- 
paient des  articulations  des  doigts.  D'autres,  pendant  un  certain 
temps,  ne  devaient  ni  se  peigner,  ni  se  laver,  ni  porter  la  moin- 
dre parure.  Ln  certain  nombre  de  tribus  du  nouveau  Mexique 
et  de  l'Arizona  laissaient  les  corps  des  morts  exposés  aux  oiseaux 
de  proie  et  aux  animaux  sauvages,  et  recueillaient  ensuite  les 
ossements  qu'ils  enterraient,  ou  mettaient  dans  des  boîtes  sur 
des  arbres,  ou  bien  conservaient  dans  des  ossuaires.  Enfin,  nous 
dirons  en  terminant  que  dans  le  nord  de  l'Amérique  les  tertres 


i. 


276 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


et  iLimuli  nommes  Moiinds  sont  tout  à  fait  semblables  à  ceux  du 
Mexique  et  du  Pérou. 

En  résumé,  en  lisant  l'excellent  travail  du  docteur  H.  Yarrow 
intitulé  A  fiirthcr  contribution  to  l/ie  stiidy  of  Ihe  viortuary  cos- 
tiims  of  the  Novth  Americans  Indiens,  on  retrouve  dans  le  nord 
les  mêmes  coutumes  mortuaires  que  dans  les  autres  parties  de 
l'Amérique,  ce  qui  prouve,  une  fois  de  plus,  que  la  civilisation 
aryenne  s'est  répandue  dans  tout  le  Nouveau-Monde. 

Ces  peuples  avaient,  en  fait  d'esthétique,  des  idées  assez 
bizarres.  Ainsi  quelques-uns,  comme  ceux  de  Guancavalcas 
et  de  Guayaquil,  se  faisaient  arracher  cinq  ou  six  dents  supé- 
rieures, et,  quand  on  leur  en  demandait  la  raison,  ils  répon- 
daient que  c'était  une  question  de  beauté  (Benzoni,  p.  244). 
Ils  déformaient,  dans  le  même  but,  les  crânes  de  leurs  nou- 
veaux-nés, de  manière  à  allonger  leur  nez  et  à  aplatir  leur 
front.  Cette  coutume,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
était  aryenne.  Les  Aryas  avaient  voulu  se  distinguer  ainsi  des 
peuples  à  couleur  sombre  qu'ils  nommaient  «  peuples  au 
nez  de  chèvre  ou  sans  nez  »  et  représentaient  toujours  leurs 
dieux  avec  de  longs  nez. 

Gomara,  ch.  m,  raconte  que  le  gouverneur  de  I  île  de  Puna 
non-seulement  faisait  couper  le  membre  viril  aux  gardiens  de 
ses  femmes,  mais  le  nez,  afin  de  les  rendre  plus  laids. 

Une  autre  coutume  que  les  peuples  d'Amérique  avaient  em- 
pruntée à  l'ancien  continent  était  le  tatouage  qui  était  pratiqué 
dans  tout  le  Nouveau-Monde.  Nous  avons  dit  plus  haut  que 
les  peuples  du  nord-ouest  de  l'Amérique  septentrionale  se  ta- 
touaient et  se  mutilaient  la  figure  pour  y  placer  des  os  ou  des 
pierres,  les  uns  aux  "ités  de  la  bouche,  les  autres  au  nez,  in- 
dépendamment des  oreilles.  Les  Mexicains  se  tatouaient^ 
se  perçaient  les  lèvres  et  y  portaient  suspendus  des  crois- 
sants en  or.  Les  seigneurs  se  perçaient  aussi  le  nez  et  y  atta- 
chaient des  pierres  précieuses.  Landa,  f^  xxi,  raconte  que  les 
habitants  du  Yucatan  se  tatouaient  et  que  ceux  qui  ne  le  fai- 
saient pas  étaient  un  objet  de  moquerie.  CogoUudo,  liv.  IV, 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION  277 

ch.  v^  dit  quCj  par  ostentation  iis  se  faisaient  des  incisions  avec 
des  lancettes  de  pierre  à  la  poitrine,  aux  bras  et  aux  cuisses  jus- 
qu'à ce  que  le  sang  coulât,  et  qu'ils  mettaient  de  la  terre  noire  ou 
du  charbon  sur  les  blessures.  Quand  celles-ci  étaient  cicatrisées, 
apparaissaient  des  figures  d'aigles,  de  serpents,  d'oiseaux  et  d'a- 
nimaux qu'ils  avaient  tracées  avec  leurs  lancettes.  Ils  se  per- 
çaient également  le  nez.  Les  femmes  du  Yucatan,  d'après  Landa 
(^  xxxi),  avaient  l'habitude  de  scier  leurs  dents,  de  manière  à 
ressembler  à  une  scie,  et  considéraient  cela  comme  très  beau. 
Cette  opération  était  faite  par  les  vieilles  femmes  au  moyen 
de  certaines  pierres.  Les  femmes  se  suspendaient  également 
aux  narines  un  morceau  d'ambre,  ce  dont  elles  étaient  très  fiè- 
res.  Elles  perçaient  leurs  oreilles  pour  y  mettre  des  pendants 
comme  leurs  maris.  Elles  se  tatouaient  à  partir  de  la  ceinture 
jusqu'au  cou;  à  l'exception  des  seins,  leur  corps  était  couvert 
de  figures  plus  fines  et  plus  délicates  que  celles  des  hommes. 

Les  Indiens  du  Honduras,  suivant  Squier  {Central  Avien'ca, 
p.  25o),  se  tatouaient  de  diverses  manières  et  avaient  de  grands 
trous  dans  les  lobes  de  leurs  oreilles,  à  travers  lesquels  un  œut 
pouvait  passer,  ce  qui  fit  que  Colomb  appela  cette  côte  «  la 
côte  de  l'oreille  » . 

Au  Nicaragua,  la  coutume  de  se  tatouer,  pratiquée  sur  une 
grande  échelle,  servait  à  désigner,  par  des  figures  diftérentes, 
les  tribus.  Les  deux  sexes,  dit  Oviédo,  se  perçaient  les  oreilles 
et  se  faisaient  des  dessins  sur  le  corps  avec  des  couteaux  en 
pierre  et  une  espèce  de  charbon  nommé  Tilé  (Squier,  Nica- 
ragua, III,  p.  341). 

Les  Chibchas  se  traversaient  le  nez,  les  lèvres  et  les  oreilles 
avec  des  anneaux  d'or  dont  le  nombre,  chez  les  guechas 
(gardes),  indiquait  les  ennemis  tués  dans  les  batailles.  Ils  se  ta- 
touaient (Acosta,  p.  219). 

Les  Quitchuas  se  tatouaient  et  se  perçaient  les  oreilles.  Ils 
croyaient  que  si  l'orifice  était  brisé  par  quelque  accident, 
c'était  un  mauvais  présage.  Ils  mettaient  des  morceaux  de  coton 
d^s  Torifice  et  chaque  jour  en  augmentaient  le  nombre,  afin 


278  l)K  LOUIGINE  DI£S  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 

d'élargir  l'oreille  et  de  l'allonger.  Pizarro,  p.  277,  raconte  que 
quelquefois  les  oreilles  touchaient  aux  épaules,  et  que  plus  elles 
étaient  longues,  plus  elles  étaient  considérées  comme  belles. 

Les  Péruviens,  de  même  que  les  botocudos  et  les  Lenguas 
d'aujourd'hui,  regardaient  comme  une  beauté  de  se  les  faire 
allonger  jusqu'à  tomber  sur  les  épaules  et,  pour  cela,  les  sur- 
chargeaient de  poids  et  de  morceaux  de  bois  volumineux. 
C'était  l'inca  en  personne  qui  perçait  les  oreilles  aux  enfants 
nobles  lorsqu'ils  avaient  atteint  l'âge  de  seize  ans.  Ceux-ci 
tenaient  à  avoir  les  oreilles  les  plus  longues  possible.  C'est 
pourquoi  les  Espagnols,  les  appelèrent  orejoues,  le.,  longues 
oreilles. 

Les  Guancavillas  se  perçaient  le  cartilage  qui  sépare  les  na- 
rines et  y  suspendaient  un  joyau  d'or  ou  d'argent. 

La  nubilité  des  femmes  était  généralement  signalée  et  solen- 
nisée.  Chez  les  Guaranis,  des  jeûnes  rigoureux,  des  stigmates 
sur  la  poitrine,  le  tatouage  d'une  petite  partie  du  bras  et  de  la 
figure  étaient  ordonnés  aux  jeunes  filles.  Chez  les  Pampéens, 
chez  les  Araucans  et  les  Yuracarès,  on  commençait  par  jeûner 
et  se  tatouer  certaines  parties  du  corps.  La  jeune  fille  et  les 
parents  se  couvraient  ensuite  de  blessures  les  bras  et  les  jambes 
(d'Orbigny,  V homme  américain).  Les  Chiriguanes  se  mettaient 
des  ornements  dans  la  cloison  du  nez.  A  l'homme  (p.  237)  était 
réservé  l'honneur  de  se  faire  une  ouverture  à  la  lèvre  inférieure 
et  d'y  placer  un  bouton  de  plomb  et  d'étain  comme  une  pièce 
de  2  francs. 

Les  Guaranis,  comme  les  populations  du  nord-ouest  de  l'A- 
mérique septentrionale,  se  trouaient  la  lèvre  inférieure  pour  y 
placer  une  pierre  ou  un  os.  D'autres  se  mutilaient  toute  la 
figure  pour  y  mettre  trois  ou  cinq  ornements  de  ce  genre. 

Toutes  ces  coutumes  se  retrouvent  chez  les  Egyptiens,  les 
Huns,  les  Perses,  les  Pietés,  les  Gelons,  les  Scandinaves,  les 
Japonais,  ainsi  que  chez  les  habitants  des  îles  de  Yézo  et  des 
îles  Aléoutiennes. 

La  plupart  des  peuples  de  l'Amérique  s'épilaient.  Ils  avaient 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


279 


rhabitude,  dit  Mendieta  (p.  96)  en  parlant  des  Indiens  du 
Mexique,  de  s'épiler.  Les  Indiens  du  Yucatan,  dit  Landa,  §  xx, 
n'avaient  pas  de  barbe,  et  on  dit  que  les  mères,  dans  le  bas- 
âge,  brûlaient  la  face  de  l'enfant  avec  des  étoffes,  afin  que  le 
poil  ne  pût  pousser.  Maintenant,  ajoute-t-il,  ils  ont  delà  barbe 
très  rude  comme  des  poils  de  renard. 

Cassani,  p.  86,  raconte  que  pour  empêcher  la  barbe  de  pous- 
ser, chez  les  enfants  des  Chibchas,  on  leur  mettait  sur  la  figure 
un  emplâtre  de  bitume. 

Les  Péruviens,  suivant  Cieza,  ch.  lviii,  s'épilaient.  Ils  por- 
taient toujours,  à  cet  eftct,  pendue  au  cou  une  petite  pince  en 
argent  nommée  ntov.  Les  Araucans  avaient  la  même  cou- 
tume. 

Un  grand  nombre  de  peuples  se  peignaient  le  corps,  soit 
pour  effrayer  leurs  ennemis  dans  les  combats,  soit  pour  se  pré- 
server des  insectes.  Les  Indiens  du  nord-ouest  de  l'Amérique 
septentrionale  se  peignaient  en  rouge. 

Les  peuples  du  Mexique  se  peignaient  le  corps  avant  d'as- 
sister aux  danses^  aux  combats,  et  comme  marque  de  deuil.  Le 
matin  d'un  bal,  des  peintres  des  deux  sexes  se  rendaient  au 
marché  avec  des  brosses  et  plusieurs  couleurs,  et  peignaient  la 
figure,  les  bras  et  les  cuisses  des  danseurs  (Motolinia,  p.  53). 
Herrera,  liv.  IV,  p.  16,  parle  des  dessins  que  les  Indiens  du 
Yucatan  se  faisaient  sur  la  figure  et  les  bras.  Les  femmes  du 
Yucatan  avaient  la  figure  peinte  en  noir  jusqu'à  ce  qu'elles 
fussent  mariées  (Landa,  ^  xxx).  Les  Indiens  Itzaex  se  pei- 
gnaient d'une  manière  horrible  lorsqu'ils  faisaient  leurs  danses 
religieuses  et  qu'ils  devaient  combattre  (Fancourt,  p.  3i3).  Cer- 
tains Indiens  du  Guatemala  se  peignaient  en  noir  plutôt  pour  se 
préserver  des  moustiques  que  comme   ornement   (Juarros, 

p.  194). 

Ils  avaient  l'habitude  de  peindre  leur  visage  et  leur  corps 
en  rouge  et,  quoique  ce  fût  bien  bizarre,  ils  le  considéraient 
comme  une  beauté  (Landa,  g  xx).  Les  Indiens  aiment  plus  les 
choses  laides  que  les  belles.  Ainsi  ils  se  défigurent  en  portant 


i 


280 


DE  l'origine  des  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


de  longs  cheveux,  en  ne  coupant  pas  leurs  ongles  et  en  enlai- 
dissant L'ur  corps  par  tous  les  moyens.  Quand  ils  dansent,  ils 
portent  toujours  des  masques  hideux,  noircissent  leur  corps 
et  se  couvrent  de  peaux  de  tigre  et  de  queues  de  singes  (Licana, 
fol.  27). 

Les  hidiens  du  Nicaragua  se  peignaient  le  corps.  Ceux  de 
Nicoya  et  surtout  les  chefs  ainsi  que  les  femmes  se  peignaient 
les  bras  en  noir  avec  leur  propre  sang  mélangé  avec  du  char- 
bon. 

Les  femmes  des  seigneurs  Quitchuas,  quand  elles  étaient  jeu- 
nes, se  mettaient  du  vermillon  sur  les  joues.  Les  jeunes  filles, 
pour  conserver  leur  teint,  faisaient  usage  également  d'une  com- 
position laiteuse  qu'elles  laissaient  neuf  jours  sur  leurs  joues 
iGarcila/o,  liv.  VIII,  ch.  xxv).  Les  Indiens  du  cap  de  Passaos 
et  do  Santiago  jusqu'à  la  ville  de  Solango  avaient  la  figure 
peinte  plus  ou  moins  (Cieza,  ch.  xlvi).  Les  Guaranis  se 
couvraient  le  corps  de  peintures  noires,  rouges  et  jaunes  re- 
présentant toujours  des  lignes  droites,  jamais  des  dessins  d'oi- 
seaux ou  d'animaux.  Les  Brésiliens  se  peignaient  également  le 
corps  (d'Orbigny). 

Les  Indiens  du  Brésil  se  peignaient  le  corps,  et  les  Araucans 
la  figure.  Us  considèrent  comme  ornement,  dit  Carvalho,  aussi 
bien  les  hommes  que  les  femmes,  des  peintures  de  figures  trian- 
gulaires dont  ils  se  couvrent  le  visage.  Cette  peinture  s'appelait 
colii.  Les  Pehvenches  faisaient  leurs  peintures  avec  des  subs- 
tances colorantes  et  du  sang  d'animaux.  Les  Changos  se  pei- 
gnaient la  figure  avec  de  l'ocre. 

Cette  coutume  de  se  peindre  le  corps  se  retrouve  dans  l'an- 
cien continent.  D'après  Hérodote  et  Strabon,  les  Indiens,  les 
Gelons,  les  Scythes  de  la  mer  Caspienne  se  peignaient  en  rouge 
et  en  blanc. 

Au  Japon,  les  femmes  mariées  se  noircissent  les  dents  ;  et  là, 
comme  en  Chine,  dès  que  la  jeune  fille  est  nubile,  elle  se  ma- 
quille la  figure  avec  des  couleurs  blanches  ou  roses. 

Se  baisser  était,  chez  les  Mexicains,  l'attitude  du  respect, 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


381 


comme  chez  nous  la  génuflexion  fUamirczi.  11  en  était  de  même 
dans  la  Vcrapaz  iTorquemada,  liv.  IX,  ch.  xix). 

Dans  les  assemblées,  les  Mexicains  restaient  accroupis  sans 
oser  s'asseoir,  ou  cracher,  ou  regarder  leur  chef.  Quand  ils  se 
retiraient,  ils  baissaient  la  tète,  les  yeux  fixés  à  terre  (Camargo. 
l^ouv.  ami.,  II,  p.  200). 

La  manière  de  parler  aux  supérieurs  et  aux  inférieurs  évait 
déterminée  par  des  règlements.  Quand  ils  parlaient  à  leur  supé- 
rieur, leur  voix  devait  être  basse  et  douce  (  Torqucmada,  liv. 
XIV,  ch.  xv).  Le  salut  consistait  à  incliner  la  tète  (Ixtlilxo- 
chilt,  p.  i58). 

Les  seigneurs  et  les  nobles  enseignaient  à  leurs  enfants  à  sa- 
luer chaque  personne  de  rang  qu'ils  rencontraient,  aussi  que  les 
personnes  du  peuple,  si  elles  étaient  vieilles;  et  quand  quelqu'un, 
même  d'un  rang  inférieur,  les  saluait,  ils  lui  rendaient  le  salut 
en  disant  •  «  Que  Dieu  vous  bénisse,  bonne  chance,  grand- 
père.  "  L'autre  répondait  :  «  Mon  pctit-lils,  bonne  chance, 
ioyez  heureux  dans  votre  route.  »  fSagahun,  liv.  VIII,  ch.x.xxvn). 

Ne  se  croirait-on  pas  en  pleine  Asie  ou  en  Arabie? 

Dans  la  langue  mexicaine  se  trouvait  un  manuel  de  respect 
que  chacun  devait  connaître  et  observer  en  parlant.  L'inférieur 
ne  pouvait  se  servir  que  de  certaines  expressions  en  s'adres- 
sant  à  un  supérieur.  Ce  qui  indique,  dit  Gallatin,  I,  p.  28,  le 
misérable  état  de  la  société  mexicaine  et  la  complète  dégrada- 
tion de  la  masse  de  la  nation. 

Dans  leurs  visites^  les  habitants  du  Yucatan  se  faisaient  tou- 
jours des  présents  (Landa).  Le  dais  ou  baldaquin  était  un  insi- 
gne de  la  dignité  royale. 

Cracher  devant  quelqu'un  était  une  marque  de  mépris  et 
d'horreur  (Garcilazo,  liv.  V,  ch.  ix). 

Chez  les  Chibchas,  le  respect  pour  leur  cacique  était  tel  qu'ils 
se  croyaient  perdus  s'ils  voyaient  son  visage.  Aussi  ne  lui  par- 
laient-ils que  le  dos  tourné.  Quand  ils  avaient  affaire  à  un  ca- 
cique, ils  courbaient  le  corps  en  inclinant  la  tète,  et,  après  lui 
avoir  offert  un  présent,  tournaient  le  dos  de  son  côté  et  s'as- 


282 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIKNS  DU   NOUVEAU-MONDF 


seyaient  (Simon,  p.  251:.  Devant  le  cacique  Goranchacha,  le 
peuple  se  prosternait,  la  l'ace  touchant  le  sol.  On  ne  pouvait 
lui  parler  autrement  (Simon,  p.  264). 

Dans  les  festins  et  autres  réunions,  ils  s'asseyaient  par 
terre  et  chacun,  suivant  son  rang,  avait  sa  place  marquée;  si 
quelqu'un  usurpait  la  place  d'un  autre,  ce  dernier  le  prenait 
par  les  oreilles  et  lui  reprochait  son  inconvenance  (Simon, 
p.  258). 

Quand  ils  entraient  dans  un  temple  pour  faire  une  offrande, 
ils  s'avançaient  à  petits  pas,  les  yeux  baissés  et  en  faisant  de 
fréquentes  et  profondes  génuflexions.  Us  se  retiraient  de  même 
(Simon,  p.  249^. 

Personne  ne  pouvait  entrer  dans  le  palais,  quel  que  fût  son 
rang,  sans  porter  un  petit  fardeau  sur  ses  épaules,  comme  mar- 
que d'humilité.  Aucun  seigneur  ne  pouvait  se  présenter  devant 
rinca  qu'avec  des  vêtements  très  simples  et  nu-pieds,  por- 
tant un  présent  sur  les  épaules.  Personne  ne  pouvait  re- 
garder rinca  en  face.  Le  vêtement  qu'avait  porté  une  fois 
rinca,  ou  la  coupe,  ou  le  plat  dont  il  avait  fait  usage  une  fois 
également,  ne  servait  plus  (Andagoya,  p.  58).  Une  marque 
d'humilité  était  d'avoir  les  mains  attachées  et  des  cordes  au- 
tour du  cou.  «  Tous  avaient  le  dos  courbé,  s'appuyant  sur 
leur  coude,  et  les  mains  levées.  Alors  ils  adoraient  et  em- 
brassaient l'air  »  l'Garcilazo,  liv.  IV,  ch.  xxi).  Baisser  la  tête 
où  la  remuer  étaient  des  signes  pour  dire  oui  et  non  (Markham, 
Reports,  p.  io3). 

Lorsqu'on  entrait  dans  un  temple,  on  ôtait  ses  souliers. 
«  Tous  ôtèrent  leurs  souliers,  excepté  le  roi,  à  deux  cents  pas 
des  portes  du  temple  du  Soleil;  le  roi  se  déchaussa  lorsqu'il 
fut  près  de  la  porte  (Garcilazo,  liv.  IV,  ch.  xxi). 

Parmi  les  autres  coutumes  empruntées  à  l'ancien  continent, 
nous  citerons  la  torture,  employée  comme  moyen  de  preuve 
en  justice,  et  infligée  avec  des  cordes,  des  verges,  des  bâtons 
et  autres  instruments  ad  hoc,  que  l'on  retrouve  chez  les  Chinois, 
les  Tartares,  les  Scythes,  les  Japonais,  etc. 


F.T   I)K  LELR  CIVILISATION 


283 


L'iiprcuvc  du  fer  chaud  et  de  l'eau  bouillante,  mentionnée 
par  plusieurs  historiens  chez  les  Scythes,  ks  Scandinaves,  les 
Francs  de  Charlemagne  et  chez  un  grand  nombre  de  peuples 
de  l'Asie,  existait  également  en  Amérique. 

Quelquefois,  pour  célébrer  un  pacte  ou  un  traité,  les  deux 
contractants,  après  avoir  accomnli  des  cérémonies  religieuses, 
prenaient  une  coupe,  y  versaient  un  peu  de  chicha,  mélaieii 
quelques  gouttes  de  leur  sang  avec  la  chicha,  et  vidaient  la 
coupe;  ce  même  usage  était  répandu  chez  les  Scythes.  Une 
autre  coutume,  celle  de  marcher  toujours  l'un  derrière  l'autre, 
se  retrouve  aussi  bien  chez  les  Esquimaux  que  chez  les  peu- 
ples de  r Amérique  méridionale.  «  (Jet  ordre  de  marche  leur 
est  si  naturel,  dit  le  D'  Crevaux,  qu'ils  le  conservent  en  allant 
d'une  habitation  à  une  autre  à  travers  la  place  du  village  qui 
est  toujours  vaste  et  bien  dégagée.  » 

Leurj  amusements  venaient  aussi  de  l'Asie.  Ainsi  leur  Jeu 
favori  était  le  jeu  de  paume,  en  gomme  élastique  de  3  ou 
4  pouces  de  diamètre,  que  Ton  lançait  contre  des  murs  blan- 
chis à  la  chaux,  et  qui  devait  être  reçue  avec  le  genou,  le  coude 
ou  la  jointure  du  poignet.  Au  milieu  de  la  galerie  se  trouvaient 
deux  grandes  pierres  avec  un  trou  au  milieu  par  lequel  on 
pouvait  faire  passer  la  balle,  ce  qui  était  une  preuve  de  très 
grande  adresse.  Ce  jeu  était  l'amusement  favori  des  Hoey-he  et 
des  Hiong-nou  au  moyen  âge. 

Les  vêtements  des  peuples  du  Nouveau-Monde  rappelaient, 
par  leur  forme  et  leur  simplicité,  ceux  des  peuples  de  l'Asie  cen- 
trale au  moyen  âge. 

Chez  les  Mexicains,  ils  consistaient  dans  le  maxtlatl  et  le 
tilmatli  pour  les  hommes,  et  le  cueitl  ainsi  que  le  huipil  pour 
les  femmes.  Le  maxtlatl  était  une  large  ceinture  couvrant 
les  parties  honteuses.  Le  tilmatli  était  un  manteau  carré  de 
quatre  pieds  de  long  environ  dont  les  deux  extrémités  ve- 
naient se  réunir  par  un  nœud  sur  la  poitrine  ou  sur  l'épaule. 
Le  cueitl,  ou  robe  mexicaine,  était  une  pièce  carrée  dans  laquelle 
la  femme  s'enveloppait  depuis  le  milieu   du  corps  jusqu'au 


284  nt;  l'origine  des  indiens  du  no    '< au-monde 

milieu  de  la  jamhe.  Le  huipil  était  un  petit  veston  ou  camisole 
sans  manches.  Les  vêtements  du  peuple  étaient  laits  en  fils  de 
magucy  ou  de  palmier  de  montagne.  Les  gens  riches  portaient 
des  étoffes  fines  jn  coton  de  difFérentes  couleurs  ornées  de 
figures  d'onimaux  ou  de  Heurs;  ou  tissées  avec  des  plumes  ou 
du  poil  fin  de  lapin,  avec  de  petites  figures  d'or  et  des  fran- 
ges en  coton  pendant  autour  de  la  ceinture.  Les  hommes 
avaient  habituellement  deux  ou  trois  manteaux  et  les  fem- 
mes trois  ou  quatre  huipils  et  plusieurs  robes,  disposées 
de  telle  sorte  que  chaque  vêtement  pût  être  vu.  Les  seigneurs 
faisaient  usage  en  hiver,  de  vestes  de  coton  avec  des  plumes 
entrelacées.  Les  femmes  d'un  certain  rang  portaient  en  dessus 
des  huipils  une  sorte  de  surplis  ou  robe  de  prêtres,  mais  plus 
large,  avec  de  longues  manches.  Les  souliers  n'étaient  que  des 
semelles  de  cuir,  ou  en  étoffe  grossière  de  maguey,  attachée 
avec  des  cordons  et  couvrant  seulement  le  dessous  du  pied. 
Les  seigneurs  ornaient  ces  cordons  de  riches  rubans  d'or  et  de 
joyaux  fClavigéro,  liv.  Vil,  ch.  lxvi).  Les  manteaux  des  habi- 
tants de  Cholula  avaient  des  poches.  Dans  les  pays  chauds, 
près  de  la  mer,  les  femmes  se  garantissaient  le  visage  avec  une 
sorte  de  voile  ci  fils  jaunes  {The  Anouymons    Writcr,  ch.  vi). 

Ils  ne  se  servaient  de  coiffure  qu'à  la  guerre,  dans  les  fes- 
tins et  les  danses.  Cette  coiffure  était  un  casque  en  bois.  Les 
enfants,  au  Yucatan,  allaient  nus  jusqu'à  l'dge  de  quatre  ou 
cinq  ans;  leurs  parties  honteuses  étant  seules  couvertes (Landa, 
§  xxx). 

Malgré  la  simplicité  de  leurs  vêtements,  les  Mexicains  met- 
taient beaucoup  de  luxe  et  de  vanité  dans  les  autres  ornements 
de  leurs  personnes.  Outre  des  plumes  et  des  joyaux,  ils  por- 
taient des  boucles  d'oreille,  des  pendants  aux  lèvres  et  au  nez; 
des  colliers,  des  bracelets  aux  bras,  aux  mains,  et  des  anneaux 
aux  jambes.  Les  boucles  d'oreille,  pour  les  pauvres,  étaient  en 
écaille,  en  ambre,  en  cristal  ou  autres  petites  pierres  brillantes. 
Les  riches  avaient  des  perles,  des  émeraudes,  des  améthystes 
ou  d'autres  pierres  précieuses  montées  avec  de  l'or.  Tous  les 


ET  de:  Lt;UR  CIVILISATION 


385 


Mexicains  conservaient  les  cheveux  longs^  et  se  croyaient  dés- 
honorés si  on  les  leur  coupait.  Excepté  les  vierges  consacrées 
au  service  des  temples,  les  femmes  les  portaient  déliés,  les 
hommes  les  attachaient  de  didérentes  manières  et  ornaient  leur 
tète  avec  des  plumes  pour  la  danse  ou  la  guerre. 

Le  vêtement  principal  des  habitants  du  Yucatan  était  cons- 
titué par  une  ceinture  de  la  largeur  de  la  main  s'enroulant 
plusieurs  lois  autour  du  corps  et  dont  une  extrémité  aboutissait 
au  front,  l'autre  au  dos.  Ces  deux  bouts  étaient  travaillés  avec 
beaucoup  d'art.  Ils  portaient  en  même  temps  un  large  manteau 
attaché  à  l'épaule,  et  avaient  des  sandales  en  chanvre  ou  en 
cuir  de  daim.  Ils  n'avaient  pas  d'autres  vêtements  (Landa,  xx). 
Les  femmes  indiennes  de  la  côte  et  des  provinces  de  Bacalar  et 
de  Campèche,  er  ^  .s  de  la  ceinture,  mettaient  sur  leur  poi- 
trine une  pièce  d  _  jiic  fixée  sous  les  aisselles.  D'autres  por- 
taient un  seul  vêtement,  ayant  la  forme  d'un  large  SiT^  ouvert 
des  deux  côtés  et  descendant  jusqu'aux  hanches  Elles  n'a- 
vaient pas  d'autre  vêtement  que  ce  manteau  avec  lequel  elles 
dormaient  (Landa,  xxxi). 

Les  habitants  du  Yucatan  portaient  des  pendants  aux  oreil- 
les, au  nez  et  aux  lèvres. 

Au  Guatemala,  les  vêtements  des  nobles  en  coton  blanc, 
de  ditKrentes  couleurs,  ce  qui  était  interdit  aux  personnes 
d'un  autre  rang,  atteignaient  les  genoux  et  étaient  ornés 
d'une  espèce  de  broderie;  les  jambes  étaient  nues.  Comme 
chaussures,  ils  avaient  des  sandales  attachées  sur  le  cou-de- 
pied.  Sur  les  épaules  était  jeté  un  manteau  blanc  (Juarros, 
p.  193). 

Les  Chibchas  avaient  une  sorte  de  tunique  descendant  au- 
dessous  du  genou,  et  généralement  en  coton.  La  couleur 
en  était  le  plus  souvent  blanche.  Les  nobles  et  ceux  qui  en 
avaient  la  permission  pouvaient  les  avoir  noires  ou  de  couleur. 
Les  manteaux  carrés,  dont  ils  se  servaient  également,  étaient 
aussi  en  coton.  Leur  coiffure  était  un  casque  confectionné  avec 
la  peau  de  quelque  animal  féroce  et  orné  de  plumes  de  toutes 


iMr 


286 


m:  I.  ouiCiiNM  1)1  s  indidns  du  nouveat'-.mondk 


couleurs.  Les  lemmes  mettaient  sur  leurs  épaules,  premièrement 
un  manteau  carré  nommé  chircate,  qui  était  attaché  à  la  cein- 
ture par  une  large  bande  appelée  chumbe  ou  maure.  Deuxiè- 
mement u-  autre  petit  manteau  nommé  liquira,  et  fixé  sur 
la  poitrine  par  une  grosse  épingle  d'or  ou  d'argent  .'lopoi,  dont 
la  tête  avait  la  lorme  d'un  bec  de  faucon.  Les  seins  n'étaient 
pas  couverts  (Uricoechea,  p.  241. 

Leurs  chaussures  étaient  des  sandales. 

Les  hommes  et  les  femmes  portaient  les  cheveux  déliés  sur 
les  épaules,  comme  le  Nazaréen.  Les  femmes  mettaient  beau- 
coup de  vanité  à  les  avoir  longs  et  noirs;  et,  pour  cela,  elles 
se  servaient  de  certaines  plantes  pour  les  faire  pousser  et  les 
teindre.  Le  plus  grand  allront  qu'un  cacique  pouvait  faire  à  un 
homme  ou  à  une  femme,  était  de  lui  faire  couper  les  cheveux 
et  de  lacérer  son  manteau  fPiedrahita;.  Les  femmes  ornaient 
leur  tète  de  guirlandes  de  fleurs  en  coton  de  dilférentes  cou- 
leurs. Quelquefois  elles  se  servaient  de  lilets  pour  leurs 
cheveux,  lous  ces  peuples  connaissaient  les  joyaux  d'or. 
Le  front  était  ceint  d'une  demi-lune  en  or  ou  en  argent,  la 
pointe  en  avant.  Ils  avaient  des  bracelets  et  des  pendants  au 
nez  et  aux  oreilles.  Dans  les  grandes  cérémonies,  ils  se  peignaient 
la  figure  et  le  corps  en  noir,  avec  le  suc  d'un  fruit  nomme  vija. 

Les  peuples  de  Quito  portaient  des  chemises  sans  manches, 
ouvertes  des  deux  côtés  pour  les  bras,  et  au-dessus  pour  la 
tète.  Ils  avaient  aussi  de  longs  manteaux  de  laine  ou  de 
coton.  Les  manteaux  des  chel's  étaient  très  fins,  et  de  cou- 
leurs variées  et  brillantes.  Comme  chaussures,  ils  avaient  des 
sandales  faites  avec  les  libres  d'une  plante  nommée  cabuya, 
sorte  d'aloès,  qui  leur  servaient  également  pour  couvrir  leur 
tète. 

L'habillement  des  femmes  consistait  en  un  long  manteau, 
avec  des  trous  pour  les  bras,  serré  autour  de  la  poitrine  par 
une  large  et  gracieuse  ceinture  nommée  chumpi;  elles  mettaient 
sur  ce  premier  vêtement  un  autre  manteau  élégant,  parlant 
des  épaules  et  couvrant  le  pied  ;  ce  manteau  s'appelait  lopu. 


f 


ET  I)F,  LKUU  CIVILISATION  287 

Comme  coiflurcj  elles  se  servaient  d'une  bandelette  très  gra- 
cieuse, nommée  unchas;  les  ménagères  portaient  un  tablier 
blanc  qu'elles  avaient  soin  de  placer  sur  le  côté  et  non  sur 
le  devant  de  leur  personne  ;  les  usutas  ou  sandales  complé- 
taient leur  toilette  (Cie/a,  ch.  xli). 

Les  Yuncas  portaient  tous  des  chemises  en  coton  et  de  longs 
manteaux.  Les  hommes  et  les  femmes  avaient  le  même  cos- 
tume, avec  cette  dillerence,  que  celui  des  femmes  était  long  et 
large,  comme  une  robe  de  chambre,  avec  des  ouvertures  des 
deux  côtés  pour  les  bras  (Cieza,  ch.  li). 

Les  vêtements  des  Indiens,  dans  toutes  les  parties  de  la 
Sierra,  étaient  en  laine  ;  et  dans  les  plaines,  sur  la  côte,  où  le 
climat  est  chaud,  en  coton  (Garcilazo,  liv.  V,  ch.  vi).  Les  vête- 
ments en  laine  étaient  confectionnés  avec  la  laine  du  llama  ou 
de  la  vigogne. 

Le  costume  des  Indiens  du  Chili,  d'après  le  jésuite  Diego  de 
Rosalès,  variait  suivant  la  contrée.  Ainsi,  les  uns  se  servaient 
de  laine,  d'autres  de  peaux,  d'autres  de  plumes  ou  d'écorces 
d'arbres.  Quelques-uns  allaient  nus,  le  corps  peint  et  une  cein- 
ture faite  avec  les  fibres  d'une  plante  nommée  nocha  couvrait 
les  parties  honteuses  Les  Puelches  ne  portaient  qu  une  peau 
de  guanaco,  attachée  à  la  ceinture  ;  les  enfants  et  les  jeunes 
filles  des  plumes  ou  de  petites  cordes  tressées.  Pour  se  dé- 
fendre des  moustiques  et  du  soleil,  dans  beaucoup  de  par- 
ties des  Pampas,  les  Indiens  se  peignaient  le  corps  avec  une 
espèce  de  vernis. 

D  autres  avaient  des  vêtements  de  laine  comme  au  Pérou,  et, 
comme  coilfure,  des  bonnets  de  prêtres,  semblables  à  des  pains 
de  sucre,  dit  Nunez  de  Pineda.  Quelquefois  ils  mettaient  sur  la 
tête,  en  forme  de  coiffure,  la  peau  du  prisonnier  qu'ils  avaient 
capturé  (Rosalès,  t.  I,  p.  126). 

Les  différents  vêtements  des  peuples  du  Choa  étaient  \c  pon- 
cho, grand  morceau  d'étoffe  carré,  percé  d'un  trou  au  milieu 
pour  passer  la  tête;  une  chemisette  (tdcu);  deux  autres  nom- 
mées llochoiv-macim  :  un  manteau,  rucu;  un  autre  avec  lequel 


Jl 


288 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


ils  se  couvraient  tout  le  corps,  le  chamal;  un  pardessus,  mien- 
tecitl;  etj  enfin,  les  manteaux  de  femme,  ecla  et  chone.  Ils  atta- 
chaient leurs  vêtements  avec  une  ceinture  nommée  machim. 
Sur  la  tète,  ils  avaient  des  rubans,  taritonco-hiiyncha ,  etc. 
Leurs  vêtements  ressemblaient,  comme  forme,  à  ceux  du  Mexi- 
que et  du  Pérou. 

Les  Indiens  de  Cuzco  étaient  les  mieux  vêtus.  Leurs  vête- 
ments étaient  constitués  par  une  sorte  de  chemise  sans  manches, 
avec  un  long  manteau  attaché  sur  une  épaule.  Ils  avaient  des 
manteaux  confectionnés  en  Lagidium  Peruviantim,  qui  étaient 
aussi  souples  que  de  la  soie  tCieza,  ch.  cxiiij.  Leurs  chaussures 
étaient  faites  avec  les  fibres  d'une  plante  blanche,  ressemblant 
à  du  chanvre.  Les  femmes  portaient  des  manteaux  les  couvrant 
des  épaules  jusqu'aux  pieds.  Autour  du  corps  elles  avaient  une 
ceinture  large  de  quatre  doigts,  nommée  chiumbi.  Leur  cou  était 
orné  d'un  collier  fabriqué  avec  de  longues  aiguilles  d'or  et  d'ar- 
gent nommées  topi.  Telle  était  la  mode  à  Cuzco  (Benzoni,  p.  249). 

La  litière  d'Atahuallpa  était  portée  par  quatre-vingts  chefs 
habillés  en  bleu. 

L'inca  était  vêtu  habituellement  d'une  tunique  descendant 
aux  genoux,  nommée  nnca,  et  d'un  manteau  carré  appelé 
yacolla.  Sous  un  bras  étaient  des  espèces  de  bourses  atta- 
chées par  une  bande  brodée  allant  de  Tépaule  au  côté  droit. 
Ces  bourses  ou  sacs,  nommés  chuspas,  servaient  à  porter  la 
coca  (Garcilazo,  liv.  IV,  ch.  ii).  Atahuallpa  se  servait,  comme 
coiffure,  du  llautu,  turban  de  lain<j  o  i  chàle  de  la  plus  grande 
finesse.  Il  avait  des  robes  en  peau  de  chauve-souris.  Comme 
chaussures,  les  Indiens  de  Cuzco  portaient  des  sandales  en 
peau  de  daim,  et  dont  la  semelle  était  en  cordes,  comme  en 
Chine. 

Au  temps  des  Incas,  chaque  Indien  était  distingué  par  sa 
coiffure  particulière  qui,  pour  les  Couchucos,  était  faite  avec 
des  cordes  ou  des  franges;  les  Cavinas  se  servaient  d'un 
filet  noir,  et  les  Collas,  de  bonnets  en  laine  ou  de  capuchons 
comme  les  moines  (Cieza). 


ET  DE  LELR  CIVILISATION  28g 

Les  Péruviennes  portaient,  toutes,  les  cheveux  longs  et  dé- 
liés, sans  coiffure.  Cependant,  quelquefois,  elles  avaient  sur 
le  front  une  bandelette  dun  pouce  de  large  qui  se  croisait  le 
plus  souvent  sur  la  nuque  et  dont  les  deux  chefs  venaient  en- 
suite se  nouer  sur  la  gorge  comme  une  cravate.  Les  Collas  se 
couvraient  la  tète  à  cause  de  la  température  froide  de  leur  pays. 
Les  jeunes  filles  aimaient  beaucoup  avoir  une  longue  chevelure 
noire,  et,  quand  elle  était  châtain,  ou  que  les  cheveux  se  fendil- 
laient ou  tombaient  sous  le  peigne,  elles  les  mettaient  dans 
un  vase  d'eau  bouillante  rempli  de  certaines  herbes,  dont 
l'une  était  la  racine  de  la  chuchau  (agave  americana)  (Garcilazo, 
liv.  VIII,  ch.  xiiii. 

M.  Casteinau  part.  III,  pi.  34;  donne  la  description  d'un 
vase  en  terre,  ayant  la  forme  d'une  tète  humaine  dont  les  che- 
veux sont  disposés  en  de  petites  et  nombreuses  tresses,  comme 
ceux  que  l'on  trouve  sur  certains  monuments  de  Ninive.  «  J'ai 
souvent  vu,  dit  le  savant  voyageur,  des  nègres  du  Sénégal  et 
de  la  côte  de  Guinée  avec  cette  coiffure.  »  «  Tous  ces  Indiens 
portaient  beaucoup  de  joyaux  en  or,  en  argent  ou  en  pierres  pré- 
cieuses, à  leurs  oreilles,  à  leurs  lèvres  et  à  leur  nez.  Quelque- 
fois même,  comme  à  Guayaquil,  ils  mettaient  de  l'or  jusque 
sur  leurs  dents  "  (Cieza,  ch.  i.vi).  Ils  avaient  des  ornements  en 
plumes  admirables.  Les  vêtements,  souvent,  étaient  enri- 
chis de  figures  d'or  très  bien  brodés,  et  dans  les  grandes  cé- 
rémonies de  plaques  d'or  et  d'argent.  Les  tuniques  avaient  dans 
ce  cas,  comme  bordures,  de  petits  morceaux  d'or,  très  fins  avec 
un  trou  percé  à  chaque  coin,  et  qui  étaient  cousus  tout  autour 
du  vêtement. 

En  résumé,  on  peut  dire  qu  a  quelques  exceptions  près,  tous 
les  peuples  civilisés  d'Amérique  avaient  un  costume  qu'on 
pourrait  appeler  national,  il  en  était  de  même  de  la  coitrure. 
Maintenant,  si  l'on  compare  leurs  façons  de  se  vêtir  et  de  se 
coiffer,  avec  celles  des  nations  de  l'ancien  continent  au  moyen 
âge  dans  l'Asie  centrale,  on  retrouve  encore  là  des  analogies 
frappantes.  Ainsi,  autrefois,  les  esclaves  étaient  distingués  des 

'9 


♦i 


290 


DE  L  OKIGINE  OKS  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


• 


I 


hommes  libres  par  leur  chevelure  qui  était  très  courte.  En 
Amérique,  les  bas-reliets  et  les  peintures  qu'on  a  pu  conser- 
ver représentent  le  prisonnier  ou  l'esclave  au  pied  de  son  vain- 
queur ou  maitre,  avec  les  cheveux  coupés.  Monca.ch  Apé, 
dans  son  voyage  de  dévouvertes,  raconte  que  certaines  tribus 
du  nord-ouest  de  l'Amérique  septentrionale  distinguaient,  par 
la  chevelure,  i'esclave  de  Ihomme  libre. 

Les  peuples  du  Nouveau-Monde,  d'après  tous  les  historiens, 
avaient  une  nourriture  peu  substantielle  et  mangeaient  peu, 
mais  aimaient  beaucoup  les  boissons  fortes  et  enivrantes.  (3n  a 
dit  qu'en  fait  d'animaux  dont  ils  faisaient  usage  pour  leur  ali- 
mentation, les  principaux  étaient  le  cerf,  le  lapin,  le  llama,  le 
guanaco.  Tours  mexicain,  le  techichi,  les  cochons  d'Inde,  les 
cailles,  les  perdrix,  les  faisans,  les  dindes,  acclimatées  depuis 
dans  nos  pays,  les  tourterelles,  les  iguanes,  les  canards  et  dif- 
lérentes  sortes  de  gibier,  très  abondant  partout  à  la  côte.  Nous 
croyons  ne  pas  nous  tromper,  en  ajoutant  à  ces  espèces  le  bos 
amcricamis,  quoiqu'il  eût  disparu  lorsque  les  Espagnols  sont  ar- 
rivés. 

La  base  de  l'alimentation  était  le  ma'is  avec  lequel  ils  fai- 
saient une  espèce  de  crêpe,  nommée  tortilla.  Ils  avaient  dillè- 
rentes  espèces  de  végétaux,  parmi  lesquels  les  frijoles  (espèce 
de  haricot)  étaient  les  plus  appréciés,  des  pommes  de  terre  dont 
la  découverte  a  rendu  déjà  tant  de  services  à  l'ancien  conti- 
nent, des  patates  [batalasedulisj,  des  ignames,  et,  comme  fruits, 
les  bananes,  les  oranges,  etc. 

Les  habitants  des  côtes  vivaient,  en  grande  partie,  de  pois- 
son ;  comme  assaisonnements,  ils  se  servaient  du  piment  et  de 
la  canelle.  Leurs  boissons  étaient  tirées  des  grains  de  maïs 
avec  lesquels  ils  fabriquaient  la  chicha,  delà  yuca,  du  maguey 
ou  aloès  '  dont  ils  obtenaient  le  pulqué.  d'une  cerise  sauvage  et 


I.  L'aloc»  ou  maguey  leur  procurait  presque  chaque  chose  nécessaire  à  la  vie.  Outre 
qu'ils  en  taisaient  d'excellentes  haies  pour  leur  champ,  son  tronc  donnait  du  bois 
de  charpente  pour  la  maison  et  ses  feuilles  pouvaient  être  utilisées  pour  la  couvrir.  De 
ces  mêmes  feuilles,  ils   obtenaient  du  papier,  du  til,   des  aiguilles,  des  étofles,  des  sou- 


i:r  DK  LIXK   CIVILISAI  K)N 


agi 


ic  et 


de  certains  palmiers.  Le  cacao  leur  donnait  le  chocolat.  Avec 
le  miel  et  l'eau,  ils  composaient  une  boisson  très  agréable. 

Le  peuple  mangeait  peu  de  viande  et  la  préférait  sechée 
au  soleil.  La  table  des  seigneurs  était  assez  bien  approvisionnée. 

Mâcher  des  feuilles  d'érythroxylon  coca  a  été  de  tout  temps 
la  plus  grande  jouissance  des  Péruviens.  A  dose  élevée,  la  ccca 
enivre  comme  le  hachich  et  Topium;  à  dose  modérée,  c'est 
un  puissant  stimulant.  Un  de  nos  amis,  M.  Heginald  Graham, 
nous  a  raconté  que  dans  une  mission  diplomatique  qu'il  rem- 
plit en  Bolivie  pour  le  gouvernement  anglais,  les  Indiens  qui 
l'accompagnaient  parcouraient  des  distances  extraordinaires 
sans  prendre  aucun  aliment,  ne  mâchant  que  des  feuilles  de 
coca.  Au  Nicaragua,  la  plante  nommée  yaat,  et  au  Venezuela, 
celle  nommée  hado  jouissent  des  mêmes  propriétés  que  la  coca. 

Toute  cérémonie  était  accompagnée  d'un  festin  dans  lequel 
la  plupart  des  convives  s'abandonnaient  \olontiers  à  leur  pen- 
chant pour  les  liqueurs  fortes. 

Après  leurs  repas,  ils  fumaient  du  tabac  que  Nicot,  ambas- 
sadeur de  France  à  la  cour  de  Portugal,  lit  connaître  dans  no- 
tre pays  en  1559.  Clavigéro  raconte  que  les  Mexicains  ne  se 
contentaient  pas  de  le  fumer,  mais  l'introduisaient  en  poudre 
très  fine  dans  leurs  narines.  Les  hommes  se  servaient 
d'une  petite  pipe.  Les  femmes  fumaient  plutôt  la  cigarette. 
Benzoni ,  p.  80,  raconte  que  dans  l'Amérique  centrale, 
les  indigènes  récoltaient  les  feuilles  d'une  plante  très  com- 
mune dans  tout  le  pays,  et  que  lorsqu'elles  étaient  sèchées, 
ils  les  enveloppaient  d'une  feuille  de  maïs,  mettaient  le  feu  à  une 
extrémité  et  l'introduisaient  dans  leur  bouche  d'où  sortait  en- 
suite une  fumée  qu'ils  avaient  gardée  le  plus  longtemps  pos- 
sible. Quelques-uns  en  abusaient  tellement  qu'ils  en  perdaient 
la  raison  et  restaient  la  plus  grande  partie  du  jour  et  de  la  nuit 


Outre 

bois 

ir.  De 

s  sou- 


liers, des  bas,  des  cordes,  et  de  son  jus  abondant  du  vin,  du  sucre  et  du  vinaigie.  Le  tronc 
et  les  feuilles  cuites  lournissaient  un  alimentassez  ai;réable.  Entin  on  en  obtenait  un  excel- 
lent remède  dans  certains  désordres  organiv]ues  surtout  de  la  vessie.  Nous  nous  deman- 
dons comment  nous  n'avons  pas  tiré  jusqu'à  présent  meilleur  parti  d'une  plante  fi  utile 


292 


DE  l'ORIGINL  des  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


comme  hcbétcs.  D'autres  se  contentaient  seulement  de  s'étour- 
dir. \'oyez,  ajoute-t-il,  quel  poison  pestit'crc  et  diabolique  cela 
doit  être.  Celte  herbe  s'appelle  tabaco.  » 

!  Au  Pérou,  dit  Garcila/o,  liv.  II,  ch.  xxv,  les  indigènes  font 
un  grand  usage  de  l'herbe  ou  plante  qu'ils  nomment  sayri  et 
les  Espagnols  tabaco.  Avec  les  feuilles,  ils  en  tirent  de  la  fumée 
qu  ils  introduisent  dans  leur  bouche  et  leurs  poumons,  et  la 
poudre  est  employée  pour  éclaircir  ou  débarrasser  la  tète.  Les 
vertus  de  cette  plante  ont  été  si  appréciées  en  Espagne  qu'on 
l'a  appelée  l'herbe  sacrée.» 

Après  leurs  repas,  ils  se  lavaient  la  bouche  et  les  mains  et  se 
servaient  de  serviettes  dont  on  ne  faisait  jamais  usage  plus 
d'une  lois.  En  général,  tous  ces  peuples  étaient  très  propres  et 
se  baignaient  souvent  (Cortès,  lettre,  p.  124^ 

Ils  mangeaient  peu  et  leur  alimentation  n'était  pas  de  na- 
ture à  leur  donner  beaucoup  de  force;  «  six  Indiens,  a  dit  Zu- 
rita,  p.  26G,  ne  font  pas  autant  de  travail  qu'un  Espagnol, 
parce  que  leur  nourriture  n'est  pas  suffisante.  » 

Leur  force,  en  effet,  du  moins  de  ceux  que  nous  avons  vus 
dans  l'Amérique  centrale,  est  plus  apparente  qu'elFective.  C'est 
une  force  de  résistance.  Leur  aptitude  à  supporter  les  privations 
est  très  remarquable  et,  par  l'habitude,  ils  sont  parvenus  à  por- 
ter d'énormes  fardeaux  durant  un  temps  assez  long;  cependant, 
il  suffit  de  changer  le  mode  de  les  porter  pour  prouver  la  fai- 
blesse relative  de  l'Indien.  Il  en  est  de  même  de  sa  corpulence  qui 
n'est  qu'une  apparence  de  vigueur.  On  voit  souvent  des  indi- 
vidus dont  le  tempérament  semblait  des  plus  forts,  réduits  en 
quelques  heures  à  un  épuisement  extraordinaire  par  de  petites 
fièvres  bénignes.  11  en  est  de  même  de  tous  les  Indiens  des 
pays  tropicaux,  tandis  que  ceux  qui  vivent  dans  les  régions 
froides  sont  aussi  forts  que  robustes. 

Nous  avons  dit,  page  no,  quelques  mots  de  leurs  villes  et 
de  leurs  maisons  particulières.  Tout,  en  général,  était  sacrifié 
pour  le  bien-être  et  le  confort  des  grands  qui  étaient  assez  bien 
logés,  tandis  que  les  maisons  du  peuple  n'étaient  que  des  ca- 


KT  DE  LEUR  CIVIt.ISATION  293 

banes  basses,  étroites,  sans  autres  meubles  qu'un  ou  deux  bancs 
et  une  table.  Dans  un  coin,  les  vases  et  ustensiles  de  ménage  les 
plus  nécessaires.  La  plupart  le  ces  cabanes  étaient  construites 
en  adaubcs,  énormes  briques  composées  de  terre  glaise  et  de 
paille  qu'on  faisait  sécher  au  soleil.  Leurs  habitations  étaient 
très  dispersées.  Un  grand  village  occupait  souvent  plusieurs 
lieues.  Il  était  défendu  au  peuple  de  construire  des  maisons  à 

étages. 

Telles  sont,  en  général,  les  principales  mœurs  et  coutumes 
des  anciens  Indiens  de  l'Amérique. 


Î94 


r)i:  LOUIGlNi;  DFS  INDIENf.  DU  NOL'VFAU-MONDE 


:h 


LORIGIN  E 

DE    LA    CIVILISATION    INDIENNE 

PROUVItlK  PAU  KES  INSTITIJ  PIONS 
ET  LES  LOIS 


Les  institutions  et  les  lois  d'un  peuple  permettent,  par  leur 
comparaison  avec  celles  des  autres  nations,  de  retrouver  l'ori- 
gine et  de  déterminer  le  dej^ré  de  sa  civilisation.  —  Au  moyen 
âge,  le  système  politique  et  social  adopté  en  Egypte,  dans 
l'Inde,  la  Perse  et  un  grand  nombre  de  pays  de  l'ancien  conti- 
nent, était  le  régime  féodal  tel  qu'il  a  régné  chez  nous  durant 
de  longs  siècles  et  dont  les  bases  étaient  une  monarchie  avec 
un  souverain  dont  les  pouvoirs  étaient  plus  ou  moins  limités, 
un  clergé  jouissant  d'une  influence  sans  égale,  une  noblesse 
en  possession  d'une  autorité  presque  indépendante  et,  au-des- 
sous de  ces  classes  privilégiées,  les  masses  privées  de  toute-li- 
berté, travaillant  beaucoup  sans  profiter  de  rien  et  maintenues 
dans  une  sorte  d'esclavage  par  des  lois  draconiennes  et  la 
terreur  d'un  Dieu  méchant.  Sur  le  nouveau  continent  le  peuple 
était  moins  opprimé  par  les  autres  castes,  l'Etat  veillait  da- 
vantage à  ses  besoins;  mais,  d'un  autre  côté,  les  représentants 
de  la  religion  étaient  plus  fa:^" tiques  et  plus  despotes. 

On  sait  peu  de  choses  de  la  constitution  politique  des  pre- 


l- r  DK  LliUR  CIVILISATION  295 

mièrcs  tribus  qui  peuplèrent  rAmériquc.  Aussi  loin  que  les 
traditions  et  l'histoire  permettent  de  remonter,  on  retrouve  le 
système  féodal  et  tèdéral.  Ainsi  Cbola,  ou  le  pays  des  sept 
Etats,  comprenait  sept  monarchies  unies  entre  elles.  Le  pouvoir 
sacerdotal  apparaît  à  Teocolhuacan  et  la  noblesse  militaire  se 
manifeste  dès  que  les  tribus  policées  commencent  leurs  migra- 
tions. 

Quand  le  premier  empire  de  TAnahuac  fut  établi,  les  Otho- 
mites,  Colhuas  et  1  oltèques  s'empressèrent  d'adopter  le  même 
système  qui,  se  répandant  peu  à  peu  dans  toute  l'Amérique,  a 
prévalu  jusqu'à  l'arrivée  des  Espagnols. 

Cortès  trouva  les  trois  royaumes  du  Mexique,  de  Tezcuco 
..[  de  Tla'-opan  organisés  de  cette  manière  :  celui  du  Mexique 
avait  la  priorité  sur  les  deux  autres  pour  toutes  les  all'aires 
concernant  les  intérêts  généraux  de  la  confédération.  Pour 
toutes  les  autres  questions,  chaque  gouvernement  était  indépen- 
dant l'un  de  l'autre.  Tlascala,  à  vingt  et  une  lieues  de  Mexico,  et 
Tcpeaca,  à  trente  lieues,  se  gouvernaient  par  leurs  propres  lois. 
Michoacan  était  un  royaume  célèbre  par  son  implacable  ini- 
mitié contre  les  Mexicains. 

Les  Tlascalans  '  formaient  quatre  Etats,  à  la  tête  de  chacun 
desquels  se  trouvait  un  roi  ou  chef  suprême,  indépendant  sur 
son  territoire.  Toutes  les  affaires  du  gouvernement,  principa- 
lement celles  relatives  à  la  paix  et  à  la  guerre,  étaient  discu- 
tées et  réglées  dans  une  assemblée  composée  des  quatre  rois 
et  des  principaux  membres  de  la  noblesse  des  quatre  Etats. 
Le  système  gouvernemental  de  ces  quatre  Etats  était  la  féoda- 
lité. La  noblesse,  militaire  et  jouissant  de  grandes  prérogatives 
et  immunités,  tenait  ses  terres  du  roi  et  devait  lui  fournir  tout  ce 
dont  il  avait  besoin  en  même  temps  que  le  service  en  temps 
de  guerre.  En  retour,  le  suzerain  lui  devait  aide  et  protection. 
Les  mêmes  obligations  mutuelles  liaient  les  nobles  à  leurs  vas- 


I.  Des  historiens  ont  dit  que  les  Tlascalans  étaient  organisés  en  république.  Nous 
croyons  plutôt  que  c'était  une  monarchie  t'cdérative. 


20<> 


l)i:  l.'oUKilNi:  DF.S  INDIKNS  l)t'   NOUVEAL'-MONDK 


saux,  chargés  do  la  culture  de  leurs  terres  et  obligés  de  payer  à 
leur  su/.erain  des  redevances  en  nature  et  en  argent.  Le  peu- 
ple, organisé  en  communautés  ou  municipes,  ne  pouvait  pos- 
séder, et  toutes  les  charges  et  contributions  lui  incombaient.  Ils 
avaient  établi  un  ordre  de  distinction  pour  récompenser  tous 
les  services  civils  et  militaires,  tels  que  la  bravoure,  la  sagesse 
dans  le  conseil,  la  sagacité  et  la  réussite  dans  le  commerce  qui 
était  très  estimé    Prescott,  Mexico,  liv.  III,  ch.  n}. 

Le  royaume  deCholula,  également  indépendant,  était  orga- 
nisé de  la  même  manière  que  celui  de  l'Iascala. 

Au  Michoacan,  d'après  Torquémada,  le  système  gouverne- 
mental était  aussi  le  régime  féodal,  avec  un  roi  à  la  tète  du 
pays  et  une  noblesse  jouissant  de  privilèges  très  étendus.  Le 
peuple  était  plus  esclave  que  partout  ailleurs;  le  roi  pouvait  dis- 
poser, à  son  gré,  des  biens,  des  iémmes  et  des  entants  de  ses 
sujets.  Arrivé  à  un  certain  âge,  il  partageait  l'autorité  avec  ses 
lils,  afin  qu'ils  pussent  apprendre  à  gouverner. 

Dans  le  royaume  de  Met/titlan,  au  nord  de  celui  de 
'l'et/cucOj  le  gouvernement  était  monarchique.  Deux  vieil- 
lards choisis  dans  la  noblesse  administraient  la  justice  et 
percevaient  les  impôts.  Ils  restaient  continuellement  dans  le 
palais  du  roi.  Quand  le  roi  avait  approuvé  leur  décision,  ils 
prononçaient  leur  jugement.  (G.  de  (Jhaves,  1929.)  Chez  les 
Mixtèques,  le  roi,  avant  de  prendre  possession  du  trône,  de- 
vait faire  une  retraite  religieuse  d'une  année.  A  défaut  d'en- 
fant mâle,  les  femmes  succédaient.  Il  était  aidé  d'un  conseil 
d'hommes  expérimentés,  qui  avaient  été  prêtres.  Les  grands- 
prétrcs  étaient  très  respectés  et  le  roi  ne  faisait  rien  sans  les 
consulter,  surtout  dans  les  atlaires  militaires.  Quand  on  ne 
les  écoutait  )>as,  ils  menaçaient  de  la  famine,  de  la  peste  et  de 
la  colère  des  dieux. 

D'après  le  Popol-vuli,  le  royaume  de  Xibalba  ou  de  Palen- 
qué,  était  gouverné  par  deux  rois,  aidés  de  sept  chefs  ayant  sous 
leurs  ordres  dix  autres  chefs  nommés  deux  par  deux  et  for- 
mant le  conseil  d'Etat.  H  est  possible  que  l'un  de  ces  deux  rois 


RT  DE  LEUR  CIVIMSATION 


297 


fût  le  grand-prctrc  ou  bien  un  coadjutcur,  comme  cela  n  existé 
longtemps  au  Mexique. 

Chez-  tous  ces  peuples,  le  pouvoir  qni  dominait  tous  les  au- 
tres était  celui  du  clergé.  La  première  pensée  de  l'homme,  en 
voyant  les  merveilles  de  la  nature  et  l'ordre  qui  règne  dans 
l'univers,  a  été,  remontant  de  l'eUetà  la  cause,  de  reconnaître 
un  être  suprême,  créateur,  ordonnateur,  digne  de  son  adoration. 

l'ous  les  peuples,  depuis  que  le  monde  existe,  ont  eu  la  même 
conception  et  ont  considéré  l'athée  comme  digne  de  pitié.  De 
la  contemplation  on  est  passé  à  l'observation,  à  la  rélkxionct, 
en  présence  des  biens  qui  nous  sont  accordés  chaque  jour, 
ainsi  que  des  maux  qui  accablent  l'humanité,  on  a  cherché  le 
moyen  de  se  relier  au  souverain  maître,  dispensateur  de  toutes 
choses,  on  lui  a  adressé  des  prières,  des  sacrifices  et  la  religion 
avec  le  culte  ont  été  créés. 

L'adoration  de  l'Etre  suprême  étant  regardée  comme  la  plus 
importante  et  la  plus  essentielle,  une  classe  spéciale  composée 
des  plus  sages  et  des  plus  instruits  a  été  chargée  de  servir  de 
trait-d'union  entre  les  croyants  et  la  divinité,  et  de  célébrer 
toutes  les  cérémonies  du  culte.  L'institution  du  clergé  est 
devenue  ainsi  la  première  de  toutes.  Le  chef  de  la  colonie  tou- 
ranienne  qui  apporta  la  civilisation  aux  tribus  sauvages  de  l'A- 
mérique était  un  prêtre  d'après  les  traditions.  Dès  que  l'orga- 
nisation politique  et  sociale  de  ces  tribus  fut  assurée,  le  clsrgé, 
jaloux,  de  son  pouvoir,  établit  comme  loi  fondamentale  que 
personne  ne  devrait  s'approcher  des  dieux  sans  son  intercession 
et  qu'aucun  sacrifice  ne  serait  offert  sans  son  avis.  En  même 
temps,  il  régla  ces  sacrifices,  en  faisant  croire  que  le  plus  agréable 
à  la  divinité  était  celui  des  victimes  humaines  :  on  voit  de  suite 
l'influence  que  le  clergé  acquit  aux  dépens  de  la  moralité  et  de 
la  paix  des  consciences.  Non  content  de  cela,  afin  que  le  souve- 
rain ne  touchât  pas  à  l'ordre  de  choses  établi  lors  de  son  couron- 
nement, le  grand-prêtre,  en  lui  donnant  l'onction  sacrée,  lui 
faisait  prêter  le  serment  qu'il  respecterait  les  formes  de  la  religion 
et  qu'il  suivrait  en  tout  les  conseils  du  chef  de  cetic  religion. 


2o8 


Di:  LOKiGiNr;  nts  ini)Ii;ns  dl'  nouvkai-mondk 


Aussi  ctait-il  consulte  dans  toutes  les  questions  importantes, 
marchant  dans  les  expéditions  à  la  tète  de  l'armée  et,  quand 
il  lui  plaisait  de  faire  déclarer  la  guerre,  il  lui  suffisait  de  dire 
que  les  idoles  demandaient  du  sang.  11  s'arrogea  ensuite  le  mo- 
nopole de  l'instruction  publique.  Sacrificateur,  prédicatc  >•, 
contciseur,  devin,  médecin,  conseiller  du  roi,  on  peut  dire  que 
le  prêtre  devint  la  clé  de  la  voûte  sociale  de  ces  peuples. 

Son  autorité  s'étendait  même  après  la  mort.  A  lui  apparte- 
naient le  soin  de  l'àme  pendant  un  certain  temps  et  la  direction 
des  rites  superstitieu.v  et  !.v>jvent  inhumains  qui  précédaient 
ou  suivaient  les  funérailles. 

Le  clergé  a  été,  en  Amérique,  la  cause  première  de  la  sta- 
gnation du  progrès  et  de  la  décadence  de  ces  peuples.  Main- 
tenant, d'un  autre  côté,  il  faut  dire  que  c'est  à  lui  qu'on  doit 
les  arts,  les  sciences  et  les  lettres  qui  ont  régné  chez  quelques- 
uns  d'entre  eux,  ainsi  que  les  monuments  dont  les  ruines  font 
l'admiration  des  archéologues. 

Au  Mexique,  après  l'établissement  de  la  monarchie,  le  gou- 
vernement politique  resta  uni  au  clergé  qui  continua  ù  jouir 
d'une  véritable  influence.  Après  le  baptême,  c'est  lui  qui  don- 
nait l'éducation  à  l'enfant  qu'il  suivait  jusqu'au  tombeau. 

Il  y  avait  deux  sortes  de  collèges,  les  uns  pour  les  enfants 
nobles  et  les  autres  pour  les  enfants  des  marchands  ou  arti- 
sans, etc.  Dans  les  premiers,  on  leur  enseignait  les  sciences, 
les  arts,  l'histoire,  etc.  Dans  les  autres,  on  leur  apprenait  tout 
ce  qui  était  nécessaire  à  leur  profession.  A  quinze  ans,  ils 
sortaient  du  collège,  Garcilazo  dit  qu'ils  ne  restaient  pas  plus 
de  trois  ans  dans  ces  collèges. 

Le  clergé  au  Mexique  se  divisait  en  clergé  supérieur  et  clergé 
inférieur.  Les  prêtres  appartenant  au  premier  provenaient  de 
familles  nobles  désignées  à  cet  effet,  qui  donnaient  leur  plus 
jeune  fils.  Leur  charge  restait  dans  la  famille  et  était  confirmée 
par  le  grand  prêtre.  Les  aut^-es  étaient  nommés  à  l'élection  et  pris 
dans  toutes  les  classes  ou  offerts  par  les  parents.  Il  y  avait  diffé- 
rents ordres  ou  degrés  parmi  les  prêtres.  Les  chefs  de  tous 


i;i  ni:  i.i:(  k  civilisation 


290 


étaient  les  deux  grands  prêtres  nommés  Tcolculli,  le  seigneur 
divin,  et  Huei  teopkqiti,  le  grand  prêtre.  Ces  deux  dignités  n'é- 
taient conférées  qu'à  ceux  qui,  d'une  extraction  royale  ',  s'é- 
taient distingués  par  leur  conduite  et  leur  connaissance  appro- 
fondie de  toutes  les  cérémonies  religieuses.  Ils  étaient  consultés 
par  le  roi,  dans  toutes  les  all'aires  importantes  de  l'Etat.  C'est 
à  eux  que  revenait  le  droit  d'oindre  le  roi  après  son  élection, 
d'ouvrir  la  poitrine  des  victimes  humaines  et  d'en  arracher  le 
cœur,  dans  les  sacrifices  solennels.  Us  étaient  nommés  à  l'élec- 
tion par  le  roi  et  la  noblesse.  Suivant  l'orquémada,  il  n'y  avait 
qu'un  grand  prêtre,  le  'l'eoteutli.  Les  prêtres  étaient  chargés 
de  tous  les  services  religieux.  Les  uns  étaient  sacrilicateurs, 
d'autres  devins,  d'autres  compositeurs  d'hymnes  ou  chantres, 
.lour  et  nuit,  quelques-uns  étaient  chargés  de  la  propreté  du 
temple  ou  de  l'ornementatior  des  autels.  D'autres  instruisaient 
la  jeunesse,  corrigeaient  le  calendrier,  ordonnaient  les  fêtes, 
gardaient  les  livres  sacrés,  ou  faisaient  de  la  médecine. 

Au  Mexique,  certains  prêtres  consacraient  toute  leur  vie  ai 
service  des  autels,  d'autres  ne    s'engageaient    qi'c   pour  un 
temps  limité.  Les  temples  jouissaient  d'amples  revenus  qui 
leur  étaient  assignés  par  la  loi. 

Le  costume  des  prêtres  mexicains  ne  différait  de  celui  du  peu- 
ple que  par  un  manteau  noir  de  coton,  qu'ils  portaient  comme  un 
voile  sur  leur  tête.  Ceux  qui  vivaient  dans  les  monastères  étaient 
toujours  vêtus  de  noir.  .lamais  ils  ne  se  coupaient  les  cheveux 
qui  étaient  liés  avec  d'épaisse?  cordes  de  coton  et  teints  avec 
de  l'encre.  Quand  ils  allaient  sacrifier  sur  le  sommet  des  mon- 
tagnes ou  dans  des  grottes,  ils  se  frottaient  le  corps  avec  une 
composition  d'insectes  venimeux,  de  tauac  et  d'une  herbe  olo- 
lintique,  le  tout  pilé  dans  un  mortier.  Tout  personnage  d'un 
certain  rang  avait  un  prêtre  ou  un  chapelain  pour  faire  les  cé- 
rémonies du  culte  dans  sa  maison  et,  quand  il  mourait,  sou- 


I.  I,c  grand  prclri;,  tlaiis  les  royaumes  d'Acolhuacan  et  de  Tlacopan,  était  toujours 
le  deuxième  Hls  du  roi,  d'après  Clavigero. 


;^oo 


\)V.  I.  ouiciNr:  ni:;  indu  ns  di    noiviiac-mondI': 


vent   le  chapelain  étail  tué   pour   l'accompaf^iKT  dans  l'autre 
monde  (H errera,  III,  p.  i-'o;. 

C^JKUiue  Indien,  homme  ou  teninie,  avait  deux  autels  :  l'un 
près  de  l'endroit  où  i!  dormait,  l'autre  prés  de  la  porte  de  la 
maison.  Sur  ces  autels  étaient  placées  plusieurs  caisses  en  bois 
rem|">lies  d'idoles,  de  couteaux  pour  les  sacrifices  et  de  livres 
faisant  connaître  les  saisons,  les  létes  ou  l'avenir  Dia/,  p.  2oSj. 
Il  y  avait  deux  espèces  de  temples.  Les  mis  bas  et  circulaires, 
dans  lesquels  un  teu  periK-tuel  était  entretenu,  et  les  autres 
hauts  et  d'une  forme  pyramidale,  sur  la  plale-lorme  desquels 
les  sacrifices  avaient  lieu    Motolinia,  )■>.  3oj. 

Le  nombre  des  temples  au  Mexique  dépassait,  dit-on,  qua- 
rante mille. 

Ils  avaient  des  idoles  en  bois,  en  or,  argent,  pierre  et 
même  en  pierres  précieuses  et  leur  nombre  dans  les  tem- 
ples, les  maisons,  les  rues,  les  bois,  sur  les  montagnes,  était 
infini. 

Le  devoir  constant  des  prêtres  était  de  brûler  des  j-ùiiums 
devant  les  idoles  des  temples  i|uatre  fois  par  jour  :  au  lever  du 
soleil,  à  midi,  au  coucher  du  soleil,  à  minuit,  (x-ux  (.jui  étaient 
alors  de  service  faisaient  retentir  les  cornes  ou  autres  instru- 
ments de  sons  lugubres.  Après  quoi,  le  prêtre,  revêtu  d'une 
dalmatique  blanche,  l'encensoir  dans  une  main  rempli  du  feu 
tiré  du  brasier  où  il  brûlait  sans  cesse  et  tenant  dans  l'autre 
main  une  bourse  pleine  d'encens,  avec  un  profond  respect,  en- 
censait l'autel.  Ensuite  il  prenait  une  couverture,  qu'il  mettait 
sur  l'autel  et  se  retirait  dans  une  petite  chambre  où  il  se  sca- 
rifiait et  s'imposait  diverses  mortifications.  Ils  prêchaient  au 
peuple  dans  certaines  fêtes,  et  jouissaient  de  revenus  qui  leur 
étaient  assignés  en  dehors  des  ollrandes  des  tidèles  fHerrera, 

III j  p.  20(JJ. 

Le  plus  important  devoir  du  clergé  et  la  principale  cérémo- 
nie religieuse  des  Mexicains  consistaient  dans  les  sacrifices 
qu'ils  faisaient  pour  obtenir  quelques  faveurs  du  ciel  ou  en 
reconnaissance  de  celles  qu'ils  avaient  reçues  ^Clavigero,  1.  'VI, 


ET  l)i:  I.F'UU  CIVILISATION 


3oi 


chap.  xvm).   Kux  seuls  avaient  le  droit  de  sacrifier  dans  les 
temples. 

Nous  avons  décrit  plus  haut  les  sacrilices  humains  et  la  part 
du  clergé  dans  ces  horribles  cérémonies. 

I.es  prêtres,  au  Mexique,  devaient  (>hserver  la  chasteté  et 
vivaient  en  communauté.  D'après  (Portés  (V.  Lettres,  p.  426), 
tout  manquement  à  la  chasteté  était  puni  de  mort.  (]he/  les 
Zapoléques,  le  j^rand  prêtre  qui  cohabitait  avec  une  Ijmme 
était  mis  en  pièces,  et  sa  chair  manyee  devant  son  successeur 
pour  servir  d'exemiile. 

Ils  avaient  dillérenls  ordres  ou  congrégations  d'hommes  et 
de  femmes.  I.a  coutume  était  de  dédier  des  jeun'-s  lilles  au 
service  des  temiiles  pour  un  certain  temps,  juseju  à  leur  ma- 
riage ou  pour  un  tem|'>s  plus  court.  Là,  sous  la  «lirection  de 
matrones,  elles  apprenaient  à  laire  toutes  sortes  de  travaux 
domestiques,  des  vêtements,  etc.,  en  même  temps  qu'on  leur 
enseignait  leurs  devoirs  religieux. 

Des  vestales  étaient  chargées  d'entretenir  le  leu  sacré  dans 
les  temples  et  étaient  jumies  sévèrement  si  le  leu  venait  à  s'é- 
teindre ou  si  elles  venaient  .i  rompre  leur  voju  de  chasteté. 

Au  V'ucatan,  quelques-unes  des  lilles  entrées  au  couvent  ne 
le  quittaient  jamais  et  restaient  vierges.  (^)uand  elles  mouraient, 
on  les  vénérait  commodes  déesses  (Cogolludo,  liv.  IV,  ch.  ix). 

Au  Yucatan,  les  prêtres,  comme  au  Mexique,  jouissaient 
d'une  grande  iniluence;  leur  autorité  rivalisait  avec  celle  du 
roi.  Ils  étaient  organisés  à  peu  près  de  la  même  manière  qu'au 
Mexique.  Le  grand  prêtre  était  très  respecté  et  consulté  en  tout 
par  ..  roi.  Sa  charge  était  héréditaire,  ce  qui  indique  qu'il 
pouvait  se  marier.  Son  lils  ou  un  de  ses  plus  proches  parents 
lui  succédait. 

Il  était  le  gardien  des  sciences,  le  conseiller  du  roi.  Il  nom- 
mait les  autres  prêtres  après  les  avoir  exai... nés  sur  les  .scien- 
ce^ et  les  rites.  Il  n'avait  pas  de  biens  personnels,  mais  recevait 
des  présents  du  roi  et  des  nobles  et  des  contributions  des  prê- 
tres. Les  preties,  nommés  comme  en  Perse  aliliin,  enseignaient 


il 


302 


UK  L  OKIGINi;  DKS  INDIFNS  DU   NOUVrAU-MONDK 


les  sciences,  élevaient  les  entants  des  nobles,  prêchaient,  an- 
nonçaient les  tètes,  ollraient  des  sacrifices,  confessaient  et  ac- 
compagnaient les  armées.  Les  Chilanes  en  particulier  commu- 
niquaient les  réponses  du  démon  au  peuple. 

Nous  avons  retrouvé  au  Yucatan  une  cérémonie  du  baptême 
diirércnte  de  celle  que  nous  avons  décrite  plus  haut  pour  le 
Guatemala.  D'après  Herrera,  IV,  p,  172,  tous  les  enfants  étaient 
baptisés.  Personne  ne  pouvait  se  marier  .sans  avoir  reçu  le 
baptême.  Lorsque  le  jour  pour  la  cérémonie  avait  été  choisi, 
le  prêtre  jeûnait  pendant  trois  jours,  s'abstenant  de  tout  plaisir 
charnel.  11  purifiait  la  maison  et  en  chassait  le  diable.  Ceci 
fait,  il  mettait  dans  les  mains  de  Tenfaut  un  peu  de  maïs  et 
d'encens  en  poudre  qu'il  jetait  sur  le  feu.  Kn  même  temps,  un 
Indien  était  chargé  de  porter  un  peu  de  vin  en  dehors  (  i, 
ville  sans  le  boire  et  sans  regarder  derrière  lui.  Le  prêtre,  y  é 
de  ses  plus  beaux  vêtements,  venait  ensuite  avec  un  arro- 
soir, récitait  certaines  prières,  versait  de  l'eau  sur  la  tète  de 
l'enfant  et  lui  mouillait  le  front,  plu^•leurs  parties  de  la  figure, 
les  doigts  et  les  orteils,  avec  une  eau'  qu'il  tirait  d'une  corne. 
La  cérémonie  finissait  par  un  festin.  Pendant  les  neuf  jours 
qui  suivaient  le  baptême,  les  parents  devaient  faire  pénitence. 

Les  femmes  ne  pouvaient  entrer  dans  les  temples,  excepté 
les  vieilles,  ù  certaines  fêtes. 

Ils  avaient  des  centres  religieu.x  avec  des  autels  élevés  pour 
plusieurs  tribus,  des  couvents  de  vierges.  Quelquefois,  pour  que 
leurs  paroles  eussent  plus  de  poids,  ils  se  mettaient  dans  une 
idole  creuse  d'où  ils  prêchaient.  Ils  avaient  les  mêmes  céré- 
monies qu'au  Mexique,  la  coutume  de  brûler  de  l'encens,  les 
sacrifices  humains,  le  baptême,  la  confession. 

Au  Guatemala,  l'autorité  des  prêtres  était  grande  et  décisive 
dans  les  affaires  de  guerre  et  les  autres  questions  d'Etat  (  l'or- 
quémada,  liv.  IX,  ch.  vii;  l'organisation  du  clergé  était  la  même 
qu'au  M  :xique.  Au  Guatemala,  au  Honduras  et  au  Nicaragua, 
des  jeunes  filles  se  consacraient  au  service  des  temples  comme 
au  Mexique.  Dans  quelques  Etats,  le  grand-prêtre  était  le  roi. 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


3o3 


En  cas  de  calamité,  le  grand-pretre  vivait,  pendant  plusieurs 
mois,  dans  une  retraite,  priant  Dieu  d'épargner  son  pays. 

Au  Salvador,  nous  retrouvons  la  même  organisation  du 
clergé,  les  mêmes  cérémonies  religieuses  et  les  mêmes  sacri- 
fices. 

Au  Honduras,  le  grand-prêtre,  choisi  dans  la  noblesse,  \ivait 
dans  le  temple  principal  ;  il  ne  pouvait  se  marier  et  était  chargé 
de  l'éducation  des  enfants  nobles.  11  était  consulté  dans  toutes 
les  affaires  importantes. 

Au  Nicaragua,  les  prêtres  ne  pouvaient  se  marier,  excepté 
ceux  qui  confessaient  et  imposaient  des  pénitences.  Ces  prêtres 
étaient  punis  sévèrement  dans  le  cas  de  révélation  de  la  confes- 
sion iHerrera,  III,  p.  3oo).  Les  femmes  n'étaient  pas  admises 
dans  les  temples  (Oviédo,  liv.  XII,  ch.  iij. 

Chez  les  Chibchas,  le  cacique  était,  en  même  temps,  le  chef 
de  la  religion.  Quand  une  guerre  devait  être  entreprise,  on  de- 
mandait l'avis  du  grand-prêtre  Sogomoso.  Les  prêtres  étaient 
très  respectés  et  consultés.  Leur  charge  était  héréditaire  et 
transmissible  au  fils  de  la  sœur.  Ils  étaient  nommés  par 
le  roi.  Us  ne  se  mariaient  pas  et  menaient  une  vie  solitaire  et 
dure  dans  une  maison  près  du  temple.  Ils  avaient  des  sanc- 
tuaires. Le  soleil  n'était  pas  adoré  dans  les  temples.  Les  oll'ran- 
des  étaient  faites  aux  idoles  par  les  prêtres.  Ils  avaient  des  pro- 
cessions solennelles.  Les  prêtres  devaient  jeûner  en  cas  de 
famine.  Ils  avaien.  diflérentes  sortes  de  jeûnes  et  sacrifiaient  des 
victimes  humaines. 

Au  Pérou,  le  gouvernement  ecclésiastique  n'était  pas  séparé 
du  gouvernement  politique.  L'inca,  comme  iils  du  soleil,  offi- 
cjait  dans  les  grandes  fêtes  du  soleil.  Les  prêtres  étaient  consul- 
tés dans  toutes  les  aliaires  importantes.  Le  grand-prêtre  était 
oncle  ou  frère  du  roi  ou  au  moins  un  membre  légitime  de  la 
famille  royale.  Il  était  choisi  par  le  roi  et  nommait  tous  les  prê- 
tres sous  ses  ordres.  Sa  position  était  très  indépendante.  Ses 
vêtements  étaient  faits  de  la  laine  la  plus  fine  de  la  vigogne, 
teints  avec  des  couleurs  brillantes  et  ornés  d'or  et  de  pierres 


il 


;io4 


D1-:  I,  ORIGIUE  DKS  INDin;NS  DU   NOUVEAU-MONDE 


prC'cicuscs.  Sa  tcte  était  ceinte  d'un  turban  de  plusieurs  cou- 
leurs nommé  hantii.  Il  portait  aussi  un  diadème  avec  des  houp- 
pes rouges  et  des  plumes  de  l'oiseau  coragaanga.  l'ous  les  prê- 
tres du  temple  du  soleil  à  Cuzco  étaient  des  incas  de  sang 
royal.  11  en  était  de  même  des  principaux  membres  du  clergé 
dans  les  provinces.  Les  autres  devaient  appartenir  à  la  no- 
blesse des  Curacas. 

Les  prêtres  étaient  chargés  de  tout  ce  qui  avait  rapport  à  la 
religion;  leurs  fonctions  principales  étaient  de  rendre  le  culte 
voulu  aux  hnacas  tombeaux  ,  aux  Canopas,  idoles  conservées 
dans  la  maison,  et  aux  malquis  momies  des  ancêtres).  Leur 
nombre  était,  en  raison  de  cela,  très  considérable.  Us  pouvaient 
se  marier,  et  le  fils  héritait  de  son  père,  ils  ne  s'occupaient  pas 
de  l'instruction  de  la  jeunesse  qui  incombait  aux  amautas  dé- 
chus du  rang  d'interprètes  des  dieux  qu'ils  avaient  occupé  dans 
le  principe.  Ceux-ci  formaient  une  sorte  d'académie  des  scien- 
ces chargée  de  la  culture  des  lettres  et  de  l'entretien  des  tradi- 
tions officielles.  Ils  tenaient  des  écoles  où  la  jeunesse  noble 
s'instruisait  et  prenait  ses  degrés  d  instruction  à  la  suite  d'exa- 
mens et  d'épreu\es. 

La  manière  d'officier  des  prêtres  consistait  à  ouvrir  les  mains, 
à  faire  beaucoup  de  bruit  avec  les  lèvres  et  à  adresser  leurs 
demandes  à  l'Etre  suprême,  en  ollrant  en  même  temps  le  sa- 
crifice iJos.  d'Acosta,  liv.  V,  ch.  iv;. 

Quand  ils  sacrifiaient  devant  le  peuple,  leur  lace  était  tour- 
née vers  les  portes  du  temple  et  leur  dos  à  l'idole;  leurs  yeux 
étaient  baissés,  et  ils  devaient  trembler  Cieza,  ch.  lxxii). 

Leur  principale  ollrande  était  la  chicha. 

A  leurs  repas  ordinaires,  avant  de  boire,  ils  trempaient  le  pe- 
tit doigt  dans  le  bol;  ils  donnaient  une  chiquenaude  en  regar- 
dant le  ciel  et  otîraient  ainsi  au  soleil  la  liqueur  en  le  remerciant 
de  la  leur  avoir  donnée.  Ln  même  temps,  ils  embrassaient  l'air 
deux  ou  trois  fois,  ce  qui  était  un  signe  d'adoration;  ils  sacri- 
fiaient des  victimes  humaines. 

Dans  chaque  pro\  ince,  il  y  avait  au  moins  un  monastère  dans 


Iil 


KT  DE  LEUR  CIVILISATION 


3o5 


lequel  deu\  classes  de  femmes  étaient  entretenues  rux  frais  de 
l'Etat.  La  première  classe  était  composée  de  personnes  âgées 
nommées  viamacinias,  sorte  d'institutrices.  L'autre  classe  com- 
prenait les  jeunes  filles  qui  devaient  rester  pendant  un  certain 
temps  jusqu'à  ce  qu'elles  fussent  prises  pour  le  service  des  dieux 
ou  celui  de  linca.  Chaque  monastère  avait  son  gouverneur  armé 
du  pouvoir  de  choisir  dans  la  population  les  jeunes  filles  qui  lui 
plaisaient,  au-dessous  même  de  huit  ans,  si  ces  enfants  leur 
paraissaient  jolies  et  douées  de  bonnes  dispositions.  Une  fois 
dans  le  monastère,  les  mamacunas  leur  apprenaient  ce  qui  leur 
était  le  plus  utile  à  savoir,  autant  pour  leurs  besoins  journaliers 
que  pour  les  cérémonies  du  culte.  A  quatorze  ans,  elles  étaient 
envoyées  à  la  cour.  Quelques-unes,  vouées  au  .service  des 
huacas  et  des  temples,  devaient  conserver  leur  chasteté.  D'au- 
tres étaient  gardées  pour  les  sacrifices.  Un  certain  nombre  de- 
venaient les  femmes  ou  les  concubines  de  l'inca,  de  ses  parents 
ou  capitaines  auxquels  il  les  donnait,  ce  qui  était  un  grand  hon- 
neur. Cette  distribution  était  faite  chaque  année.  Aucun  père  ne 
pouvait  refuser  sa  fille  au  gouverneur.  Plusieurs  les  offraient 
volontairement,  regardant  comme  un  grand  honneur  de  donner 
leur  fille  à  l'inca  (Jos.  d'Acosta,  liv.  'V,  ch.  xv). 

Les  Péruviens,  pour  garder  le  feu  sacré,  avaient  les  mêmes 
vierges  que  les  iMexicains;  elles  étaient  enterrées  vivantes  si 
elles  manquaient  à  leur  vœu  de  chasteté. 

Les  vierges  du  soleil,  d'après  Cieza,  avaient  les  mêmes  règle- 
ments que  les  vestales  à  Rome. 

Au  Pérou,  le  clergé  était  entretenu  au  moyen  des  revenus 
des  temples. 

La  confession  était  pratiquée  au  Pérou  comme  dans  toute 
l'Amérique.  Le  prêtre  entendait  la  confession  de  tous  les  habi- 
tants de  son  ayllo,  même  de  sa  femme  et  de  son  fils  lArriaga, 
p.  i8).  Les  hidicns  brûlaient  le  vêtement  dans  lequel  ils  avaient 
commis  un  péché. 

Ils  croyaient  que  toutes  les  afflictions  et  maladies  étaient  la 
conséquence  des  péchés  commis.  C'est  pourquoi  ils  faisaient 

•20 


3o6 


m:  I,  OKiGiNi:  i)i:s  iNnn:NS  nu  nouvivai-mondi: 


des  sacrifices  et  se  confessaient  souvent  au  prêtre  qui  leur 
inllit^eait  des  pénitences  sévères.  Ils  croyaient  que  garder 
un  péché  dans  une  contession  était  une  grave  ollense  à  la  divi- 
nité. Les  conlesseurs  étaient  obligés  de  conserver  les  secrets 
qui  leur  avaient  étéconliés.  Les  péchés  dont  ils  se  confessaient 
le  plus  souvent  étaient  les  suivants  :  avoir  tué  quelqu'un  en 
temps  de  paix,  avoir  commis  un  vol,  avoir  pris  la  temme  d'un 
autre,  avoir  donné  des  herbes  ou  jeté  des  sorts  pour  nuire  à  son 
prochain.  Le  plus  grand  péché  était  la  négligence  dans  le  ser- 
vice des  liuacas,  la  désobéissance  à  linca.  Ils  ne  s'accusaient  pas 
de  péchés  de  pensée.  Linca  se  conlessait  au  soleil;  après  la 
confession,  il  prenait  un  bain  et  se  tenant  debout  dans  la .  ivière, 
disait  :  "  Je  me  suis  conlessé  au  soleil.  Toi,  rivière,  conduis  mes 
péchés  à  la  mer  pour  qu  ils  ne  reparaissent  pas.  »  Les  autres 
personnes,  après  la  conlession,  prenaient  un  bain,  (^uand  un 
père  voyait  ses  enfants  mourir  avant  lui,  il  était  considéré 
comme  un  grand  pécheur  ^los.  d'Acosta,  liv.  V,  ch.  xxv) 

Le  jeûne  consistait  dans  l'abstinence  de  lemme,  poivre,  sel  et 
chicha,  pendant  trois  ou  neuf  jours.  Quelquefois  on  priait  les 
personnes  les  plus  pieuses  de  jeûner  pour  le  bénéfice  des  autres. 
Ils  axaient  des  pèlerinages.  Des  fêtes  solennelles  étaient  célé- 
brées chaque  année.  Les  princijviles  étaient  la  léte  du  soleil, 
Umi  Haymi,  en  juin.  Aucun  feu  n'était  allumé  et  le  feu  sacré 
était  rallumé  au  moyen  d'une  lentille;  —  la  fêle  de  Cuski  Kay- 
my,  quand  le  mais  commençait  à  pousser;  —  la  tète  de  Situa,  en 
septembre,  pour  l 'expiation. 

A  la  fête  di^  soleil,  on  sacrifiait  des  êtres  humains.  Ils  réser- 
vaient ordinairement  ces  sacrifices  pour  solenniser  quelque 
grand  événement,  comme  une  victoire,  un  couronnement,  la 
naissance  d'un  héritier  du  trône. 

Comme  politique  extérieure,  les  incas  se  servaient  du  pré- 
texte religieux  pour  faire  des  agressions  constantes  et,  comme 
les  disciples  de  iMahomet  qui  portaient  l'épée  dans  une  main  cl 
l'alcpran  de  l'autre,  de  même  que  les  Mexicains,  ils  n'offraient 
d'autres  alternatives  que  leur  propre  culte  ou  la  guerre.  Gepen- 


i:t  I)i;  lkur  civilisai  ion 


307 


la 


dant,  à  la  fin,  par  une  politique  habile,  ils  tolérèrent  les  autres 
cultes  qui,  du  reste,  étaient  très  peu  dillérents  du  leur. 

Dans  le  princii''e,  les  peuples  turent  i^ouvernés  par  un  prê- 
tre réunissant  les  deux  pouvoirs  spirituel  et  temporel.  La 
tâche  devenant  de  plus  en  plus  dillicile,  le  clergé  laissa  à  la  caste 
militaire  les  insi,mies  de  la  royauté,  se  contentant  de  son  in- 
fluence spirituelle  qui  lui  permettait  de  tout  diriger  sans  en 
avoir  la  responsabilité  m  les  charges.  «  Un  Brahmine,  disaient- 
ils,  nest  pas  lait  pour  la  royauté  ;  rien  n'est  plus  grand  que  le 
guerrier.  "  Le  plus  vaillant  lut  alors  élevé  sur  le  pavois,  sacré  roi 
par  le  prêtre  et  charge  du  pouvoir  exécutil.  Ln  retour,  le  sou- 
verain accorda  des  prixilèges  et  des  inniuinités  aux  guerriers 
qui  lormérent  la  caste  militaire  ou  la  noblesse. 

Ce  système  monarchique  militaire,  qui  régnait  sur  l'ancien 
continent  au  moyen  âge,  lut  introduit  en  Amérique  par  les 
'i'ouraniens.  Ln  etlet,  peu  de  temps  après  leur  arrivée,  l'his- 
toire et  les  traditions  parlent  des  rois  et  delà  noblesse. 

Au  Mexique  et  dans  l'Amérique  centrale,  le  pouvoir  du  sou- 
verain était,  quand  la  monarchie  lut  établie,  limité  par  les  pri- 
vilèges de  la  noblesse  et  du  clergé.  Ainsi,  suivant  Herrera,  "  il 
ne  pouvait  décider  aucune  atl'aire  importante  sans  l'approba- 
tion du  conseil  des  ncjbles  fermant  une  sorte  de  sénat;  il  n'a- 
vait pas  le  droit  également  de  déclarer  la  guerre  sans  avoir 
consulté  cette  assemblée,  ni  de  disposer  arbitrairement  des  re- 
venus de  riùat  dont  l'emploi  et  la  destination  étaient  réglés 
par  la  loi.  Plus  tard,  d'après  Clavigéro,  à  mesure  que  le  terri- 
toire s'agrandit,  les  rois  augmentèrent  leur  magnilicence,  leur 
pompe,  et  les  charges  de  leurs  sujets  se  multi|Mièrent'jn  raison 
de  leur  richesse.  Ils  ne  tinrent  plus  aucun  compte  des  limites 
que  le  peuple  avait  mises  à  leur  autorité  et  parvinrent  peu  à 
peu  au  degré  de  ce  despotisme  odieux  qui  semble  avoir  mar- 
qué le  règne  de  Montézuma  IL 

Les  historiens  ne  sont  pas  d'accord  sur  le  mode  de  succes- 
sion au  trône  du  Mexique  :  suivant  Gomara,  les  frères  étaient 
les  plus  proches  héritiers  et  après  eux,  les  fils  du  frère  aîné  et 


lit 


3o8 


i)i;  l'origine  des  indiens  du  nouveau-monde 


îf 


les  fils  du  premier  héritier.  A  défaut  de  (ils  ou  de  neveu,  les 
plus  proches  parents  succédaient  Gouiara,  p.  41^4".  D'après 
Clavij;éro.  après  qu'Acamapit/in  lut  mis  à  la  telc  de  ia  nation, 
la  couronne  devint  élective.  Pour  cela  on  créa  quatre  élec- 
teurs qui  étaient  censés  réunir  tous  les  suiiVa^'es  de  la  nation. 
C'étaient  quatre  seigneurs  du  premier  ranj^  de  la  noblesse  et 
généralement  de  sang  royal.  Leur  pouvoir  électoral  finissait 
avec  la  première  élection  et  de  nouveau.x  électeurs  étaient  im- 
médiatement nommés;  les  premiers  pouvaient  être  réélus  par 
la  noblesse.  Au  temps  du  roi  Itzcoaltj  deu.x  autres  électeurs 
leur  lurent  adjoints,  c'étaient  les  rois  des  deu.x  lîtats  confé- 
dérés d'Acolhuacan  et  de  Tacuba.  Leur  rôle  consistait  à  ra- 
tifier le  choi.v  fait  par  les  grands  électeuis.  Us  fixèrent  la  cou- 
ronne dans  la  famille  d"Acamapit/in;  msuite,  en  i40(),  une  loi 
fut  promulguée,  iMX'scrivant  que  quand  le  roi  mourrait,  il  aurait 
pour  successeur  un  de  ses  frères  ou,  à  son  défaut,  un  de  se.-;  ne- 
veux, ou,  s'il  n'y  en  avait  pas,  un  de  ses  cousins,  laissant  les 
électeurs  libres  de  choisir  le  plus  vaillant,  en  un  mot,  celui  qui 
leu;- paraîtrait  le  plus  apte  à  gouverner.  Dans  l'élection  du  roi, 
on  ne  tenait  pas  compte  du  droit  de  primog'''niture  (Clavigéro, 
liv.  \'1I,  ch.  vij. 

Durai!.,  I.  p,  102,  ajoute  qu'après  l'élection  d'un  roi  les  qua- 
tre électeurs  choisissaient  quatre  seigneurs  parmi  les  frères  ou 
les  plus  proches  parents  du  roi.  C>es  quatre  seigneurs  qu'on 
nommait  le  prince  de  la  maison  des  dards,  le  coupeur  d'hom- 
mes, le  répandeur  de  sang,  le  prince  de  la  maison  noire,  étaient 
présidents  du  conseil  royal  et  aucune  décision  ne  pouvait  être 
prise  sans  leur  sanction.  Le  fils  aîné  du  roi  régnant,  pouvait 
faire  partie  de  ce  conseil.  Lorsqu'à  la  mort  du  roi  un  de  ces 
princes  était  appelé  à  le  remplacer,  un  autre  était  nommé 
à  sa  place. 

Sagahun,  de  son  côté,  prétend  liv.  VII,  ch.  v)  que  l'élection 
du  roi  était  laite  par  les  membres  du  grand  conseil,  les  géné- 
raux, les  prêtres  et  les  plus  anciens  nobles. 

Cette  opinion  est  plus  probable.  Nous  croyons,  en  outre,  que 


I:T   1)K  LIl  li  CIVILISAI  ION 


^OQ 


le  successeur  du  roi  pouvait  être  choisi  parmi  quatre  fils  ou 
frères  du  roi  ou,  à  leur  défaut,  parmi  ses  plus  proches  parents, 
suivant  leurs  capacités,  (xux-ci,  jusqu'à  l'élection  de  l'un  d'eux, 
étaient  pourvus  des  plus  hautes  charges.  Le  souverain  ne  pou- 
vait être  élu  avant  l'âge  de  trente  ans. 

Dans  le  cas  où  le  souverain  élu  était  trop  jeune,  on  lui 
donnait  un  tuteur  choisi  parmi  les  plus  proches  et  plus  vieux 
parents  qui  gouvernaient  le  pays  jusqu'à  ce  que  le  roi  eût  at- 
teint l'âge  voulu  par  la  loi. 

Lorsque  le  nouveau  roi  était  élu,  le  grand  prêtre  lui  faisait 
prêter  le  serment  de  maintenir  la  religion,  d'observer  les  lois 
de  ses  ancêtres,  d'aider  le  soleil  à  ixircourir  son  cours,  de 
faire  en  sorte  que  les  nuages  donnent  de  la  pluie,  que  les  riviè- 
res fournissent  de  l'eau  et  que  les  fruits  de  la  terre  mûris- 
sent. 

L'onction  du  souverain  élu  était  faite  par  le  grand-prêtre 
avec  la  même  huile  qui  servait  a  oindre  la  statue  de  Huitzi- 
lipotchi. 

Au  souverain  appartenait  la  juridiction  civile  et  criminelle. 
Quand  il  s'agissait  de  décider  une  question  de  guerre,  les  prin- 
cipaux chefs  militaires  et  les  plus  anciens  nobles  formant  le  sé- 
nat étaient  convoqués.  Le  roi  leur  communiquait  son  intention. 
Si  l'assemblée  croyait  que  les  raisons  présentées  par  le  souve- 
rain n'étaient  pas  sulîisantes,  les  membres  de  l'assemblée  di- 
saient deux  ou  trois  fois  respectueusement  qu'il  ne  devrait  pas 
déclarer  la  guerre.  Quelquefois  le  souverain  cédait,  mais,  s'il 
persévérait  dans  son  projet,  ils  ajoutaient  qu'il  pouvait  agir 
comme  bon  lui  semblerait,  qu'ils  leur  avaient  donné  leur  avis 
et  ne  feraient  rien  de  plus. 

#Le  souverain  ne  pouvait  disposer  des  revenus  publics  sans 
avoir  consulté  son  conseil  privé. 

Dans  les  royaumes  de  Tezcuco  et  de  Tlacopan,  la  couronne 
revenait  de  droit  aux  fils,  par  ordre  de  primogénitme;  en  cas 
d'incapacité,  au  suivant;  à  défaut  de  fils,  au  petit-fils,  ensuite, 
par  élection,  aux  frères  ou  autres  parents.  Le  père  désignait  son 


il 


I 


3io 


1)1   i.ouicim:  nrs  iNmi:NS  ni'  NOUVKAi'-MONnK 


successeur.  Dans  quelques  pays,  les  trères  succédaient  avant 
les  fils. 

Au  Yucatan,  le  fils  aine  du  roi  succédait  à  son  père, 

Au  Cîuatémaia,  d'après  'lorquémada,  le  roi  désignait,  avant 
sa  mort,  son  successeur  qu'il  choisissait  selon  son  expérience 
et  sa  capacité  j-iarmi  ses  enfants,  ou  ses  plus  jiroches  parents, 
l'ainé  étant  toujours  préféré  au  plus  jeune.  A  délaul  de  parents, 
le  peuple,  dans  ce  cas,  élisait  celui  des  nobles  qui  lui  paraissait 
le  plus  apte  à  ^'(uncriier.  I ,e  )x)Uvoir  du  roi  était  absolu. 

Le  roi  était  a;;siste  d'un  conseil  de  vini^t-quatre  nobles  avec 
lesquels  il  délibérait  sur  toutes  les  all'aires  politiques  et  mi- 
litaires. (]es  conseillers  jouissaient  de  beaucoup  d'immunités 
et  de  pri\ilè,^'cs.  Ils  portaient  le  roi  sur  leurs  épaules  dans  sa 
chaise  royale  quand  il  quittait  le  palais,  et  ils  étaient  chargés 
de  ^admini^tration  de  la  justice  et  de  la  perception  des  re- 
venus du  roi. 

Au  Nicarai;ua  et  au  Honduras,  d'après  Torquémada,  certains 
Etats  étaient  t^ouvernés  par  une  assemblée  ou  par  un  roi. 

Les  chefs  ou  rois,  au  Nicarat^ua,  n'entreprenaient  rien  sans 
consulter  un  conseil  nommé  Mancxt'ca.  Ces  conseillers,  pris  parmi 
les  vieillards,  pouvaient,  en  certains  cas,  se  prononcer  contre  le 
cacique  et  leur  jugement  était  exécuté.  Mais  il  avait  le  droit  de 
les  dissoudre  quand  cela  lui  convenait. 

Des  districts  étaient  gouvernés  par  des  conseils  de  vieillards 
nommés  i^iu\ii-itc  les  mêmes  que  les  Hue  hue  duMcxiquei  qui 
étaient  investis  de  l'administration  suprême  et  du  pouvoir  exé- 
cutif. Ils  étaient  nommés  à  l'élection  et  désignaient,  en  cas  de 
guerre,  le  chef  militaire.  Ces  ffiu^nic  étaient  également  les  chro- 
niqueurs de  leurs  tribus  et  faisaient  des  livres  dans  lesquels  on 
marquait  les  limites  de  la  tribu  et  des  propriétés  privées  iSquirt-, 
Nicaragua,  11,  p.  Sqo;. 

Chez  les  Chèques,  le  cacique  était  élu  par  les  quatre  chefs 
de  Gameza,  Dusbanca,  Pezca  et  Toca  et  choisi  alternativement 
dans  les  tribus  de  'l'obaza  et  de  Pirabitiba  (Piedrahita,  liv.  11^ 
ch.  ix). 


ET  DE  l.KLK  CIVILISATION 


3ll 


A  Iîoj,'ota,  le  /.cpa  était  un  souverain  absolu.  Cependant  il  y 
avait  un  conseil  qu'il  consultait  pour  les  allaires  de  guerre. 
La  couronne  se  transmettait  de  père  en  lils.  I  /héritier  présomptif 
était  élevé  dans  un  monastère.  Il  ne  lui  était  pas  permis  de 
regarder  le  soleil,  de  manger  du  sel  et  d'avoir  des  rapports  avec 
des  femmes,  autrement  il  était  chassé  ignominieusement.  Quand 
il  quittait  le  monastère,  il  prétait  serment  qu'il  n'avait  pas  viole 
les  commandements.  Il  devenait  alors  cacique  de  (]hia,  et  at- 
tendait qu'il  pût  succéder.  11  taisait  un  nouveau  serment  et  on 
posait  sur  sa  tète  une  couronne  dor,  en  forme  de  bonnet.  I.es 
principaux  chefs  lui  juraient  obéissance  et  lidélité  et,  comme 
preuve  de  leur  loyauté,  lui  donnaient  un  joyau  et  des  lapins,  etc. 

«  Au  Pérou,  dit  Prescott,  liv.  1",  ch.  r',  le  gouvernement  était 
le  despotisme  doux  dans  son  caractère,  mais  dans  la  forme  un 
despotisme  jun-  et  non  mitigé.  Le  souverain  était  placé  à  une 
distance  incommensurable  au-dessus  de  ses  sujets.  Les  mem- 
bres les  plus  iniluents  de  la  noblesse  incasique,  ceux  qui  étaient 
les  plus  liers  de  leur  extraction  divine  ne  pouvaient  se  présenter 
devant  l'inca  sans  être  déchaussés  et  sans  avoir  sur  le  dos  un 
fardeau  en  signe  de  soumission  et  d'hommage.  Comme  re- 
présentant du  soleil,  le  souverain  présidait  à  toutes  les  fêtes  re- 
ligieuses importantes;  il  levait  les  armées  et  les  commandait 
en  personne.  11  réglait  et  distribuait  les  impots,  taisait  lui- 
même  les  lois  et  veillait  à  leur  exécution.  11  était  la  source  dont 
tout  découlait,  dignité,  pouvoir,  argent,  faveur,  etc.  Il  était,  en 
un  mot,  l'Ltatou  bien,  comme  on  l'a  caractérisé  en  Europe,  un 
ciespote.» 

L'inca  ne  pouvait  régner  avant  que  le  borla  ne  lui  ait 
été  accordé  à  un  certain  âge.  Jusqu'alors  il  était  élevé  dans  un 
couvent  avec  les  enfants  nobles.  Il  avait  un  conseil  de  guerre 
pour  chacun  des  quatre  districts  dans  lesquels  l'empire  était 
divisé,  aussi  bien  qu'un  conseil  de  justice  et  de  finances.  Les 
présidents  de  ces  conseils,  tous  de  sang  royal;  formaient  le 
conseil  d'Etat  et  recevaient  des  ordres  directs  de  l'inca. 

La  magnificence  de  la  cour  des  rois,  tant  au  Mexique  qu'au 


3l2 


m:  L  OKIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


l'crou,  ctïiit  telle  qu'elle  ressemi  'ait  à  celle  des  anciens  monar- 
ques de  l'Asie. 

l,e  roi  seul,  au  Mexique,  avait  le  droit  de  porter,  en  temps  de 
paix,  une  couronne  sur  sa  tète;  le  roi  seul  et  le  L,'rand  prêtre 
avaient  le  droit  de  porter  des  souliers  dans  un  palais  royal  ;  le 
roi  seul  avait  le  droit  de  porter  les  manteaux  qui  lui  plaisaient, 
en  coton  de  couleur,  ornés  de  plumes,  brodés,  etc  , 

Monte/uma  ne  communiq.iait  avec  personne,  excepté  par 
l'intermédiaire  d'un  interprète,  et,  lorsqu'il  se  mettait  à  table,  un 
paravent  en  bois,  artistement  sculpté,  le  mettait  à  Tabri  de  tout 
rc'f^ard. 

Pendant  son  dîner,  il  avait  des  nains  et  des  gens  ditVormcs 
qui  cherchaient  à  l'amuser  par  leurs  boutlbnneries  et  leurs 
saillies.  D'autres  dansaient  et  chantaient  deva..'  Uii. 

Quand  le  roi  allait  à  la  guerre,  il  portait,  outre  si.  ■>  armure, 
des  insiyncs  particuliers,  par  exemple  aux  pieds  des  deUil  bot- 
tes en  plaques  d'or  très  minces;  sur  le  bras,  des  plaques  ac 
même  métal  et  des  bracelets  de  pierres  précieuses;  à  ses  lèvres 
pendait  une  émeraude  enchâssée  dans  de  l'or;  à  ses  oreilles, 
des  boucles  de  la  même  pierre;  à  son  cou,  un  collier  ou  des 
chaînes  d'or  et  de  pierres  précieuses;  sa  tète  était  ornée  d'un 
plumet  en  mat^miliques  plumes.  Mais  l'insigne  le  plus  marquant 
de  la  majesté  royale  était  un  travail  remarquable  en  plumes  qui 
allait  de  la  tète  jusqu'au  dessous  du  dos.  I.e  vêtement  que  le 
roi  portait  habituellement  dans  le  palais  était  un  manteau 
bleu  mélangé  de  blanc  ;  quand  il  se  rendait  au  temple  ,  il 
avait  un  vêtement  blanc  ;  il  avait  des  costumes  ditlérents 
suivant  qu'il  assistait  au  conseil  ou  remplissait  d'autres  lonc- 
tions  publiques  ;  dans  toutes  les  occasions,  il  ceignait  la  cou- 
ronne. 

Personne  ne  pouvait  regarder  le  souverain  en  face,  sous 
peine  de  mort,  et,  lorsqu'un  noble  était  appelé  en  sa  présence, 
il  devait  se  prosterner  trois  fois  en  disant  :  «  Seigneur,  mon 
seigneur,  sublime  seigneur.  »  Chaque  chose  qui  était  commu- 
niquée au  souverain  devait  être  dite  en  peu  de  mots,  la  per- 


KT  Di;  LIIUR  CIVILISATION 


3l3 


sonne  qui  parlait  ayant  les  yeux  constamment  baissés.   Pour 
sortir,  elle  se  retirait  à  reculons. 

Quand  le  roi  sortait  de  son  palais  au  Mexique,  accompagné 
de  sa  f^arde  noble  et  précédé  d'un  licteiu'  portant  trois  petites 
baguettes  d'un  bois  doré  et  odorilérant,  tous  les  ^ens  du  peuple 
qui  le  rencontraient  devaient  s'etlaccr  contre  les  murs,  baisser 
les  yeux  et  se  prosterner  jusqu'à  ce  qu'il  tût  passé. 

Au  Pérou,  l'inca  remplaçait  quelquefois  la  couronne  par  un 
gland  rouge  cramoisi  en  laine.  «  Ce  gland  nommé  borla,  dit 
Oviedo,  était  large  comme  la  main  au  plus  et  d'une  palme  de 
longueur.  Au  sommet,  il  avait  le  forme  de  la  brosse  plate  qui 
est  employée  pour  les  vêlements.  Au-dessous,  une  large  frange 
pendait  de  la  tète  aux  yeux,  sur  le  front.  Cette  frange  mainte- 
nait le  borla  en  place,  couvrant  les  sourcils  et  une  partif^;  des 
paupières,  de  telle  sorte  que  quand  Tinca  voulait  voir  à  son 
aise,  il  fallait  la  lever  et  retirer  le  borla.  l.as  Cases  dit  que  le 
borla  descendait  encore  plus  bas '/A-//;*,  111,  p.  523j.  Les  sei- 
gneurs pouvaient  porter  le  borla  de  :ôté,  mais  jamais  sur  le  frou' . 

L'inca,  Manco  Capae  et,  après  lui,  ses  descendants  portaient 
les  cheveux  courts  et  seulement  une  tresse  de  la  largeur  d'un 
doigt. 

En  résumé,  au  Mexique  comme  au  Pérou  et  do-'s  lAmérique 
centrale  et  comme  autrefois  en  Asie,  le  monarque,  roi  ou  inca 
jouissait  dune  autorité  on  peut  dire  sans  contrôle,  disposant  à 
son  gré  de  la  vie,  de  la  personne  ou  des  biens  de  ses  sujets, 
placés  à  une  distance  incommensurable  au-dessous  de  lui.  Il 
levait  les  armées  et  les  commandait  en  personne,  réglait  et 
distribuait  les  impôts,  dictait  les  'ois  et  les  faisait  exécuter 
par  des  agents  qu'il  nommait,  changeait  et  révoquait  à  son  gré. 
Il  était  la  source  d'où  tout  découlait,  dignités,  pouvoir,  argent, 
faveur.  Ce  n'était  pas  tout  à  fait  un  dieu,  mais  le  fils  du  soleil. 
Ce  pouvoir  devait  être,  il  est  vrai,  confié  au  plus  brave,  au 
plus  actif,  au  plus  intelligent  de  la  famille  royale.  Mais  ce  po- 
tentat n'était-il  pas  homme  avant  tout,  obligé  de  lutter  sans 
cesse  contre  ses  passions  et  n'arrivait-il  pas  un  jour  où  l'âge 


3i4 


DE   I.  ORIGINR  DKS  INDIFNS  DU    NOIIVEAU-MON'DK 


exerçait  sur  son  corps  aussi  bien  que  sur  son  esprit  une  in- 
fluence funeste  à  la  saine  et  sage  direction  des  atlaires?  Les 
despotes  sont  ceux  qui  ont  tait  le  plus  de  grandes  choses.  Mais 
combien  de  peuples  en  ont  cié  victimes  et  malheur  à  ceux  qui 
sont  assez  insensés  pour  confier  ainsi  leurs  destinées  aux  capri- 
ces absolus  d'un  homme  sans  que  ses  actes  soient  soumis  au 
contrôle  des  plus  sages,  des  plus  instruits  et  des  plus  expéri- 
mentés de  la  nation,  choisis  de  manière  à  donner  le  plus  de  ga- 
ranties possible,  tout  en  représentant  les  intérêts  généraux. 

Dan,  l'état  primitif  de  toute  société,  après  Fadorction  des 
dieux,  l'occupation  considérée  comme  la  plus  importante  et 
en  même  temps  la  plus  noble  a  été  la  guerre.  Aussi  le  métier 
des  armes  passait-il  avant  tous  les  autres,  comme  autrefois 
chez  les  Aryas  et  dans  l'Inde.  «  Personne  n'est  plus  grand  que 
le  guerrier,  disait  le  brahmine.  C'est  pourquoi  le  brahmine 
olfre  son  adoration  sous  la  protection  du  guerrier  dans  le  sa- 
crifice royal.»  Ceux  qui  combattaient  pour  la  patrie,  qui,  pour 
défendre  le  territoire,  s'exposaient  volontairement  à  tous  les 
dangers,  entre  autres  à  celui  d'être  dévorés  par  l'ennemi,  ceux 
qui,  à  chaque  instant,  étaient  obli";és  de  s'imposer  les  plus  dures 
privations  dans  l'intérêt  commun,  jouissaient,  avec  juste  raison, 
chez  les  peuples  du  Nouveau-Monde,  de  la  plus  grande  consi- 
dération. Les  prêtres  leur  avaient  imaginé  une  place  spéciale 
dans  l'empyrée  pour  leurs  âmes,  et  la  nr.tion  avait  admis  qu'ils 
fussent  entretenus  dignement  à  ses  frais,  qu'ils  fussent  exempts 
d'impôts  et  de  corvées,  et  que  des  privilèges  leur  fussent  accor- 
dés afin  d'encourager  leur  dévouement.  On  leur  donna  alors 
des  terres,  et  des  gens  pour  les  cultiver,  les  servir  et  les  ac- 
compagner dans  leurs  expéditions.  Ainsi  fut  créée  la  caste  de 
la  noblesse  militaire  à  laquelle  il  fut  défendu  de  se  mêler  avec 
celle  des  plébéiens.  Et,  pour  la  distinguer,  on  l'autorisa  à  por- 
ter des  insignes,  certains  vêtements  et  ornements  interdits  au 
peuple,  à  habiter  dans  des  demeures  plus  somptueuses  et  bâties 
dilïéremment.  Un  langage  spécial  fut,  pour  ainsi  dire,  inventé 
pour  elle,  tandis  que  des  règlements  fixaient  les  marques  de 


FT   DE  LEUR  CIVILISATION 


3l5 


respect  auxquelles  elle  avait  droit.  En  même  temps,  on  imposa 
aux  nobles  l'obligation  d'envoyer  leurs  enfants  dans  des  établis- 
sements dirigés  par  des  prêtres  où,  jusqu'à  vingt  ans,  on  leur 
apprenait  les  sciences,  les  lettres  et  l'art  de  la  guerre.  Ils  faisaient 
ensuite  leur  apprentissage  militaire  sous  les  yeux  de  leurs  pa- 
rents. C'est  dans  cette  classe,  la  seule  qui  avec  le  clergé 
possédait  une  certaine  instruction,  qu'étaient  choisis  tous  les  of- 
liciers  de  la  couronne.  Mais  tout  homme  du  peuple,  même 
entant,  pouvait  être  créé  noble  pour  action  d'éclat  ou  pour  ser- 
vices extraordinaires  rendus  par  les  ch'^fs  des  communautés. 
En  outre,  les  nobles  étaient,  comme  tous  les  autres,  soumis  à 
la  loi  et  justiciables  des  tribunaux. 

Les  obligations  des  serfs  étaient  parfaitement  déterminées  et 
le  seigneur  qui  se  serait  permis  de  dépasser  ses  droits,  très  li- 
mités, s'exposait  à  être  puni  sévèrement. 

Au  Mexique,  la  noblesse  comprenait  deux  classes,  la  noblesse 
héréditaire  et  la  noblesse  à  vie.  Les  premiers  portaient  le  nom  de 
pipiltzin  (nobles  distingués).  C'était  une  noblesse  militaire.  Dans 
son  sein  étaient  pris  les  principaux  fonctionnaires  civils  et  mi- 
litaires qui  jouissaient  de  très  grands  privilèges.  Le  plus  haut 
rang  de  cette  noblesse  était  celui  de  teutli.  Pour  l'obtenir,  il 
fallait  avoir  donné  dans  plusieurs  batailles  des  preuves  d'un 
courage  extraordinaire,  et  posséder  une  fortune  suffisante  pour 
maintenir  son  rang.  Les  teutli  qui  ajoutaient  ce  titre  à  leur 
nom  passaient  avant  les  autres  nobles  dans  les  assemblées.  Ils 
avaient  le  privilège  d'avoir  un  esclave  avec  un  siège  derrière 
eux.  La  deuxième  classe  de  la  noblesse  comprenait  ceux  qui 
étaient  nommés  à  vie  pour  des  services  rendus  et  dont  les  titres 
étaient  attachés  à  certaines  fonctions.  Leur  noblesse  pouvait  être 
rendue  héréditaire. 

En  dehors  de  ces  deux  ordres,  le  chinancallec  ou  calpule, 
chef  des  calpullis  ou  communautés,  était  nommé  à  vie  par  la 
communauté  et  choisi  dans  la  communauté.  Ils  représen- 
taient l'aristocratie  des  vieilles  couches  de  la  population  et 
pouvaient  être  créés  nobles  avec  transmission  de  leurs  titres. 


3i6 


r,E  I,  ORIGINI-:  ni:s  indiens  nu  nouvi-ali-mondk 


Au  (iiuitcmala,  cluv  les  (^)uitchiJs,  la  noblesse  se  com- 
posait des  descendants  des  vini^'t- quatre  grandes  familles 
entre  lesquelles  le  pays  lut  divisé  par  Cotuha-/tayub,  le 
quatrième  roi  des  Quitchés.  Les  chefs  de  ces  familles,  Ahaos, 
formaient  îe  i^rand  conseil.  l"*ersonne  ne  pouvait  être  nommé 
à  une  chari;e  quelconque  s'il  n'était  de  sani;    noble  f.liiarez, 

p.   KJO  . 

Les  titres  de  noblesse  étaient  héréditaires. 

Des  caipules,  ou  chefs  des  communautés  ap;ricoles.  formaient, 
comme  au  Mexique,  une  sorte  d'aristocratie  jouissant  de  pri\'i- 
lèges  qui  n'étaient  pas  transmissibles  et  étaient  considérés 
comme  nobles. 

Au  Pérou,  la  noblesse  comprenait  deu.x  ordres.  Le  premier, 
celui  des  incas  de  sang  royal,  qui  étaient  très  'nombreux.  Le 
souverain  laissait  quelquefois  après  lui  cent  ou  deux  cents  en- 
fants qui  étaient  nobles  de  droit,  quoique  la  noblesse  ne  se  trans- 
mit que  dans  la  ligne  masculine.  Le^-  obles  de  san,^  royal 
occupaient  les  plus  hauts  postes  de  l'Etat  et  servaient  près  de 
la  personne  du  souverain. 

L'autre  ordre  de  la  noblesse  comprenait  les  Curacas,  les 
Caciques  des  nations  conquises,  ou  leurs  descendants,  chargés 
de  toutes  les  fonctions  publiques  sous  les  ordres  des  gouver- 
neurs des  provinces  ou  autres  grands  chefs,  qui  étaient  tous 
choisis  dans  la  noblesse  de  sang  royal. 

l'artout  la  noblesse  jouissait  de  grands  privilèges  et 
était  astreinte  à  certaines  obligations.  Les  enfants  nobles 
étaient  élevés  dans  des  collèges  spéciaux  ,  où  ils  restaient 
jusqu'à  un  certain  âge;  là  on  leur  apprenait  l'éloquence  et 
les  traditions  nationales,  les  sciences  de  la  religion,  de 
l'astronomie,  l'histoire  des  dieux,  des  rois,  la  musique, 
l'écriture ,  etc.  A  quinze  ans ,  on  leur  enseignait  l'art  de  la 
guerre  et,  à  vuigt  ans,  le  père  les  emmenait  dans  les  expé- 
ditions. 

Presque  partout,  les  bienfaits  de  l'instruction  étaient  réser- 
vés aux  enfants  nobles.  Prescott  iPeru,  liv.  I,  ch.  iv)  ajoute 


mmmmm 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION  3lJ 

que  les  nombreuses  tami'les  de  sang  royal  seules  jouissaient  de 
ce  privilèL;e  '. 

Les  nobles  et  les  prêtres  concentraient  ainsi  toutes  les  lu- 
mières intellectuelles  et  le  gouvernement  empêchait  que  l'ins- 
truction ne  se  répandit  dans  les  masses,  alin  de  pouvoir  les 
maintenir  plus  asservies. 

Les  iilles  nobles  qu'aucun  vieu  n'appelait  à  être  élevées  dans 
les  monastères,  restaient  dans  leurs  familles  où  on  leur  appre- 
nait à  tiler,  à  tisser  des  étoiles,  à  coudre  et  à  taire  tous  les  ou- 
vrages de  leur  sexe. 

Les  nobles,  au  Mexique,  avaient  des  costumes  ditlérents  de 
ceux  des  autres  classes;  douze  seulement  pouvaient  porter  des 
vêtements  d'une  certaine  étoile  et  d'une  forme  particulière.  Ceux 
d'un  rang  intérieur  qui  s'étaient  t'ait  remarquer  dans  la  guerre 
en  avaient  d  une  autre  sorte. 

Les  grands  seigneurs  seuls  pouvaient  porter  aux  lèvres, 
aux  oreilles  et  au  ne/  des  ornements  d'or  et  des  pierres 
précieuses.  Ceux  d'un  rang  intérieur  pouvaient  faire  usage 
de  ces  ornements  en  bois,  en  os  ou  en  toute  autre  ma- 
tière. 

Les  grands  seigneurs  et  ceux  qui  s'étaient  distingués  à  la 
guerre,  pouvaient  avoir  des  insignes  particuliers  et  porter  des 
bracelets  d'or  et  d'argent  au  bras  et  au  cou  de  pied,  des  clo- 
chettes d"or  au  pied  dans  les  danses,  des  cercles  d'or  avec  des 
plumes  autour  de  la  tête,  des  chaînes  d'or  au  cou,  des  joyaux, 
des  pierres  travaillées,  des  cmeraudes. 

Les  autres  nobles  pouvaient  orner  leurs  vêtements  d'or  et 
d'argent  et  faire  usage  de  guirlandes,  porter  l'aigle  sur  leur  coif- 
fure et  des  colliers  d'or. 

Les  vêtements  de  coton  et  en  plumes  étaient  réservés  aux 
nobles. 

Personne,  excepté  les  nobles,  ne  pouvait  changer  de  souliers. 


I.  «  'l'hc  miiiiciMUs  l'amiliLS,  et'  tlic  blooil  royal  ,ulonc;  cnjoycd  thc  bcnclit  ot' ail  tlio 
iglu  ol  cdiuaiioii  which  ihc  civilisation  ot  thc  Louiitry  could  allord.» 


3i8 


l)i:  L  OHIGINK  DKS  IN1)1I:NS  DU   NOUVEAU-MONDR 


Le  peuple  n'avait  que  des  sandales.  Ils  avaient  seuls  le  droit  de 
bâtir  des  maisons  à  étaf,'es. 

Les  nobles  étaient  exempts  d'impôts. 

11  leur  était  défendu  de  se  marier  avec  la  lille  d'un  plébéien 
sous  peine  de  perdre  leur  noblesse  et  leurs  biens. 

Chaque  famille  devait  avoir  ciiez  elle  son  arbre  généalogique 
en  ordre. 

La  noblesse  tenait,  comme  ehe/  nous  anciennement,  ses  pro- 
priétés en  fiels,  majorais,  alleu.v  et  bénéllces.  (^es  domaines 
héréditaires  pouvaient  être  vendus  et  aliénés  par  leurs  posses- 
seurs, à  la  condition  qu'ils  ne  sortissent  pas  de  loidre  de  la  no- 
blesse. 

La  noblesse,  en  Amérique,  était  avant  tout  militaire,  ce 
qui  faisait  qu'aucune  profession  n'était  plus  estimée  que  celle 
des  armes.  Au  Mexique,  le  dieu  de  la  guerre  était  regardé 
comme  le  chtt  protecteur  de  la  nation.  Aucun  roi  n'était  élu, 
s'il  n'avait  donné  des  preuves  de  son  courage  et  de  son  habi- 
leté militaire,  et  commandé  une  armée.  Les  enfants  nobles,  à 
par'ir  de  l'âge  de  quinze  ans,  étaient  instruits  dans  l'art  de  la 
guerre.  On  croyait  que  les  âmes  de  ceux  qui  mouraient  les  ar- 
mes à  la  main,  jouissaient  d'un  bonheur  parfait  dans  l'autre  vie. 

Les  nobles  étaient  les  premiers  soldats,  tous  les  grades  leur 
appartenaient  de  droit;  mais  un  esclave  même  pouvait  obtenir 
la  noblesse  par  une  action  d'éclat  et  être  nommé  capitaine.  Les 
nobles  qui  se  vouaient  à  la  carrière  militaire,  étaient  élevés 
dans  des  collèges  jusqu'à  l'âge  de  vingt  ans. 

Afin  d'encourager  les  militaires,  des  ordres  distincts  avaient 
été  créés  au  Mexique;  ces  ordres,  nommés  ordres  de  l'Aigle, 
du  l'igre  et  du  Lion,  étaient  conférés  a  ceux  qui  s'étaient  signa- 
lés dans  la  guerre  (Herrera,  lU,  p.  '223). 

Les  membres  de  ces  ordres  militaires,  porteurs  de  marques 
extérieures  de  distinction,  servaient  de  gardes  du  corps.  Ils 
avaient  le  privilège  d'avoir  dans  leur  maison  des  meubles  d'or 
ou  ornés  d'or,  de  porter  les  plus  lins  vêtements  de  coton  et  les 
plus  jolis  souliers. 


mmmmmm' 


ET  DE  I.KUK   Civil. ISAIION 


3 19 


Tous  les  citoyens  étaient  appelés  en  temps  de  guerre,  et 
recevaient  une  solde  tout  le  temps  qu'elle  durait. 

Au  Pérou,  tout  Indien  payant  Timput  était  oblii;é  de  serN  ir 
pendant  un  certain  temps,  et,  quand  son  temps  de  service  était 
expiré,  il  retournait  chez  lui  et  prenait  part  aux  exercices  mili- 
taires qui  avaient  lieu  une  ou  deux  fols  par  mois  sous  le  com- 
mandement du  centurion.  Chaque  soldat  était  pourvu  par  lEtat 
de  son  uniforme  et  de  ses  armes  et  recevait  une  solde  journa- 
lière. Ils  avaient  des  dépôts  d'armes,  de  vêtements  et  dappro- 
visionnements  pour  la  guerre. 

Les  femmes  pouvaient  suivre  leurs  maris  et  portaient  leurs 
armes  et  leurs  aliments. 

Les  lois  militaires  étaient  très  sévères. 

Le  traître  était  coupé  en  morccau.x,  ses  biens  coniisqués  et 
ses  parents  mis  en  esclavage. 

La  désobéissance  était  punie  de  mort.  Celui  qui  attaquait  sans 
ordre,  qui  abandonnait  son  poste,  qia  faisait  grâce  à  un  pri- 
sonnier, était  tué. 

Toute  insulte  à  un  ambassadeur  était  considérée  comme 
une  cause  légitime  de  guerre. 

Les  ambassadeurs,  pour  être  mieux  reconnus,  portaient  les 
insignes  du  roi  qui  les  envoyait  et  par  dessus  un  vêtement 
vert  d  où  pendaient  des  touliês  de  coton.  Leur  tête  était  ornée 
de  plumes  avec  des  touliês  de  dilférentes  couleurs.  Dans  la  main 
droite,  ils  tenaient  une  flèche,  la  pointe  baissée;  dans  la  main 
gauche,  un  bouclier,  et  pendu  au  même  bras,  un  filet  contenant 
leurs  provisions.  Ces  ambassadeurs  étaient  toujours  choisis 
dans  la  plus   haute  noblesse. 

Le  meurtre  d'un  marchand,  d'un  ambassadeur  était  suivi  de 
la  guerre.  Pour  déclarer  la  guerre,  ils  envoyaient  des  boucliers 
et  des  manteaux  à  ceux  qu'ils  se  proposaient  d'aUaquer  en 
leur   signifiant  leurs  intentions. 

Le  prisonnier  de  guerre  qui  s'échappait  et  revenait  chez  lui 
était  condamné  à  mort.  Us  disaient  que  celui  qui  n'avait  pas  su 
se  défendre  ou  mourir  dans  une  bataille,  devait  mourir   en 


ti. 


320 


nr.  L  ORiGiNt:  des  indiens  du  nol'Veau-monde 


prison,  que  c'était  moins  dOslionorant  que  de  s'échapper 
^Bastanicnte,  p.  200 1. 

11  était  détendu  de  porter  des  armes  dans  les  villes,  et  dans 
d'autres  circonstances  que  la  guerre  et  la  chasse,  ou  étant  de 
f^arde. 

1-eurs  étendards  qui  ressemblaient  plutôt  au  sii^iiinn  des  Ro- 
mains qu'à  nos  étendards,  étaient  des  bâtons  de  M  à  10  pieds 
de  loni^ueur,  avec  les  armes  ou  iiisii,'nes  de  l'Ktat  en  or  ou 
en  plumes.  Les  armes  du  Mexique  étaicuit  un  aigle  s'élançant 
contre  un  tigre;  outre  l'étendard  général,  chaque  compagnie 
avait  le  sien  propre,  distingue  par  la  couleur  des  plumes  que 
les  otliciers  et  les  nobles  portaient  sur  leurs  armures.  L'étendard 
de  l'armée  était  conlié  à  un  général  qui  se  tenait  au  centre. 
Chez  les  1  lascalans,  en  temps  de  paix,  l'étendard  avec  lavant- 
garde  et,  en  campagne,  restait  derrière  rarméi;. 

Les  militaires  en  activité  de  service  étaient  exempts  d  im- 
pôts et  de  la  corvée  personnelle. 

Les  Péruviens  avaient  des  colonies  militaires  nommées 
Mitimaes.  Catamarga  et  Santiago  del  Kstero,  encore  aujour- 
d'hui peuplées  par  de  Quitchuas,  en  sont  des  exemples. 

Après  le  clergé  et  la  noblesse  venaient  les  classes  moyennes 
comprenant  les  artisans  et  les  commerçants.  Les  professions  et 
les  métiers  étaient  héréditaires. 

Ce  système,  contraire  aux  principes  de  la  liberté  indi\i- 
duelle,  était  une  des  conséquences  naturelles  de  la  di\er- 
sité  des  castes.  Dans  un  pay>^  ou  l'éducation  publique  était  si 
mal  organisée  que  les  classes  moyennes  ne  pouvaient  partici- 
per à  ses  bientaits  que  dans  des  proportions  très  limitées,  le  (ils 
ne  pouvait  avoir  de  meilleurs  protesseurs  que  son  père.  D'un 
autre  côté,  c'était  perpétuer  les  arts  dans  la  famille  à  l'avantage 
dcTLlat.  Mais,  en  même  temps,  parquer  les  hommes  dans  leur 
profession  héréditaire,  n'était-ce  pas  vouloir  que  leur  intelli- 
gence s'atrophiât  en  méconnaissant  le  principe  des  aptitudes 
spéciales  de  chaque  individu'? 

Les  classes  moyennes  payaient  l'impôt,  étaient  exemptes  de 


KT  i)i;  lei:r  civilisation 


32  1 


travail  personnel,  mais  devaient  servir  an  certain  temps  dans 
les  armées  royales. 

Le  commerce  était  très  estimé,  mais  ne  pouvait  être  consi- 
dérable dans  un  pays  où,  à  part  les  nobles,  personne  ne  pou- 
vait posséder  de  biens  territoriaux,  où  il  n'y  avait  pas  de 
monnaie,  où  les  communications  étaient  si  difliciles  et  les 
moyens  de  transport  si  imparfaits. 

Dans  toute  l'Amérique,  les  marchands  l'ormaient  une  classe 
à  part,  les  artisans  une  autre,  et  les  gens  exerçant  une  protés- 
sion  une  troisième.  Ces  trois  classes  qui  constituaient  une  sorte 
de  bourgeoisie,  payaient  leur  quote-part  dimp(jt  en  marchan- 
dises ou  en  articles  manulacturés,  mais  étaient  exemptes  du 
service  personnel.  Personne  ne  pouvait  se  livrer  à  un  com- 
merce quelconque  sans  la  permission  de  l'autorité.  Les  lils  con- 
tinuaient la  profession  ou  le  métier  de  leur  père. 

Les  artisans  apprenaient  à  leurs  (ils  leur  métier,  Chaque 
corps  formait  une  corporation  habitant  un  quartier  ou  une  rue 
appropriée  à  son  industrie,  avec  son  chef,  sa  divinité  tutélaire, 
etc.  I  e  chef  de  chaque  corporation  la  représentait  dans  les 
all'aires  importantes. 

Dans  le  royaume  de  Te/cuco,  un  conseil,  nommé  conseil  de 
musique,  était  chargé  de  la  surintendance  des  arts  et  des  fa- 
briques. 

Les  principaux  artisans  étaient  les  taillein-s  de  pierre,  char- 
pentiers, orfèvres,  peintres  sur  étoiles  et  de  bàtiment.s,  sculp- 
teurs, tourneurs,  tisseurs,  fabricants  de  nattes,  tanneurs,  cor- 
donniers pour  les  nobles  et  l'armée,  couteliers,  maçons, 
barbiers,  potiers,  artificiers,  jardiniers,  cuisiniers  pour  les  ri- 
ches. 

Ils  avaient  des  manufactures  de  drap,  etc. 

Les  objets  manufacturés  étaient  vendus  sur  des  marchés  qui 
se  tenaient  régulièrement  dans  les  centres  de  population  et  les 
citoyens  satisfaisaient  leurs  besoins  avec  la  facilité  et  dans  la 
proportion  qui  s'observent  seulement  dans  les  sociétés  civilisées. 

Les  musiciens  et  les  chanteurs  étaient  très  estimés  parmi  les 


ai 


n 


322 


Di:  L  OUIGINK  ors  INDIENS  DU  NOLVEAL-MONDK 


Indiens,  depuis  qu'ils  conservaient  dans  leurs  chants  le  souve- 
nir du  passé.  Ils  les  considéraient  comme  des  sages  et  des 
lettrés  (Lettre  de  U.  de  l-'uenléalj  i532;  lernaux-Compans^  II, 
p.  119;. 

Ils  avaient  des  orateurs  qui  étaient  instruits  depuis  leur  en- 
lance  dans  l'art  de  bien  parler.  On  leur  apprenait  à  répéter  les 
discours  mémorables  de  leurs  ancêtres,  qui  étaient  conservés 
avec  soin   Clavi^^ero,  liv.  \II,  ch.  xlii;. 

Ceux  qui  suivaient  la  profession  de  la  médecine  enseignaient 
à  leurs  entants  la  nature  et  la  diliérence  des  maladies  et  des 
herbes   Clavigero,  liv.  VII,  ch.  ux). 

Dans  beaucoup  d'endroits,  les  prêtres  étaient  en  même  temps 
médecins. 
Chez  les  Chibchas,  les  prêtres  chèques'  étaient  médecins. 
Au  Pérou,  les  prêtres  nommés  kollas  étaient  aussi  fameux 
par  leur  science  médicale,  que  les  Coiès  ou  Coes  à  Samothrace 
et  les  prêtres  égyptiens.  Ces  prêtres  cueillaient,  aux  saisons  con- 
venables et  d'après  un  rite  déterminé,  certaines  herbes  aux- 
quelles les  conjonctions  des  astres  prêtaient  des  vertus  mer- 
veilleuses '.  «  Ils  connaissaient,  dit  M.  Vicente  Lopez,  les 
propriétés  du  quina,  de  l'ipécacuana,  du  copa'iba,  du  soufre, 
des  toniques  amers  et  aromatiques  et  la  plupart  des  agents  thé- 
rapeutiques connus  aujourd'hui.  Si  Ton  compare,  ajoute-t-il, 
l'état  de  la  médecine  péruvienne  au  xvi"  siècle  avec  l'état  ac- 
tuel de  la  médecine  européenne,  on  pourra,  il  est  vrai,  être 
frappé  de  l'infériorité  de  la  première.  Mais,  prenez  la  même 
science  au  Pérou  et  en  Europe,  au  moyen  âge,  et  cherchez  de 
quel  côté  aurait  été  l'avantage.  Les  Collas,  qui  savaient  prépa- 
rer une  momie,  devaient  avoir  une  connaissance  relative  de 
l'anatomie  et  de  la  chirurgie.  Us  pouvaient  vider  les  trois  cavi- 
tés sympathiques  du  corps  humain,  extraire  du  cadavre  le  sang 
et  les  autres  liquides  corruptibles  ou  corrompus.  Ils  connais- 
saient un  à  un  les  viscères,  les  classiiiaicnt  pour  les  conserver 


I.  Les  nicis  aiycHiws  du  Pàoii,  p.  3ii. 


ET  de:  LliUR  CIVILISATION 


323 


dans  des  vases  distincts  et  appropriés.  Il  faudrait  comparer 
celte  médecine  avec  celle  des  Grecs,  des  Etrusques  et  des 
Brahmanes.  Malheureusement  la  société  et  le  culte  sur  lesquels 
repose  au  Pérou  l'art  de  la  guérison  ont  disparu  à  jamais 
ainsi  que  la  caste  initiée  aux  secrets  de  la  machine  humaine.  » 

Ils  avaient  des  acteurs  qui  jouaient  la  comédie,  le  drame, 
etc.  Le  chef  d'orchestre  et  le  directeur  du  théâtre,  au  Yuca- 
tan,  avait  le  titre  de  holpop,  c'est-à-dire  seigneur  de  la  natte  et 
comme  tel,  il  avait  le  droit  de  s'asseoir  sur  une  natte  comme 
les  princes.  11  était  traité  avec  respect  (Brasseur,  Rabiiial  aclii, 
pp.  14- 1 5;. 

Le  système  féodal  implique  des  serfs  ou  des  esclaves.  C'est 
ainsi  qu'on  pouvait  appeler,  en  Amérique,  les  laboureurs  et  les 
manouvriers  qui  tous  avaient  un  seigneur  ou  maître,  roi,  no- 
ble on  prêtre,  et  qui  n'avaient  pas  le  droit  de  posséder  les  terres 
qu'ils  cultivaient  à  la  sueur  de  leur  front.  Ceux  qui  étaient  at- 
tachés aux  terres  des  nobles  leur  payaient  une  certaine  rede- 
vance, et  étaient  astreints  à  tous  les  travaux  que  nécessitaient  la 
construction  et  l'entretien  de  leur  demeure  ainsi  que  leur  service 
personnel.  Ceux-là  ne  payaient  pas  d'impôt  au  souverain,  excepté 
en  temps  de  guerre  ou  de  circonstance  extraordinaire.  Leur  sei- 
gneur devait  veiller  à  ce  qu'ils  ne  manquassent  de  rien.  Quant  à 
ceux  qui  étaient  organisés  en  communauté,  ils  cultivaient  d'abord 
en  commun  certaines  terres  dont  le  produit  ét,ait  réservé  pour 
le  roi,  le  clergé  ou  l'entretien  des  temples  et  les  frais  de  guerre. 
Ces  produits,  après  que  les  parts  du  souverain  et  du  clergé 
avaient  été  prélevées,  étaient  conservés  dans  des  dépots  pu- 
blics pour  être  utilisés  le  cas  échéant.  Quant  aux  produits 
des  terres  réparties  entre  les  membres  de  la  communauté  pour 
l'entretien  de  leurs  familles,  ils  leur  appartenaient  en  entier, 
mais  étaient  calculés  de  manière  à  suffire  à  leurs  besoins.  D'un 
autre  côté,  comme  aucune  terre  n'était  à  vendre,  ils  ne  pouvaient 
songer  à  augmenter  leur  patrimoine;  du  reste  à  quoi  cela  leur 
aurait-il  servi  du  moment  où  il  n'y  avait  pas  de  monnaie  et 
que  tout  ce  qui  était  superlîu  dans  la  nourriture,  ou  considéré 


îl 


324 


UK  K  ORlGINi;  DES  INDIENS  DU   NOUVEALi-.MONDI'; 


n^ 


comme  luxe  était  dôt'oiiJu?  Le  système  d'espionnante  était  orga- 
nisé de  telle  sorte  que  nul  ne  iiouvail  échapper  à  l'œii  inqui- 
siteur de  la  police  qui,  nuit  et  jour,  à  toute  heure,  avait  le  droit 
de  pénétrer  dans  votre  demeure  et  de  voir  si  votre  alimenta- 
tion était  trop  ou  pas  assez  abondante,  si  vous  aviez  de  Tordre, 
de  la  propreté,  si  vous  possédiez  des  objets  inutiles,  si  la  paix 
régnait  dans  votre  intérieur  et  si  vous  aviez  soin  de  vos  enfants. 
Des  inspecteurs  veillaient  à  ce  que  les  corvées  fussent  juste- 
ment réparties,  que  chacun  cultivât  son  champ,  que  la  justice 
tût  rendue,  que  les  vieillards  lussent  traités  avec  les  égards 
voulus,  que  les  seigneurs  n'abusassent  pas  de  leurs  privilèges. 
Mais  à  côté  de  ces  sages  dispositions,  sous  prétexte  que  la 
parusse  était  un  lléau,  on  écrasait  le  peuple  de  corvées  de  toutes 
sortes.  On  lui  faisait  élever  des  monuments  gigantesques  pour 
les  dieux,  les  souverains,  les  nobles  et  les  prêtres,  pendant  qu'il 
vivait  dans  une  misérable  cabane;  on  abrutissait  ainsi  le  corps, 
tout  en  refusant  à  son  esprit  la  nourriture  la  plus  nécessaire. 
Pour  lui,  pas  d'école,  pas  d'instruction,  qui  lui  eût  permis  de 
se  rendre  compte  de  sa  fâcheuse  condition. 

L'Etat  avait  soin  de  la  bête,  on  ne  peut  le  nier,  mais  faisait 
tous  ses  efforts  pour  tuer  le  reste. 

Une  caste  spéciale  était  celle  des  laboureurs  comprenant,  au 
Mexique,  lesteccalecs  qui  devaient  leurs  services  aux  nobles  ou 
seigneurs  auxquels  ils  avaient  été  attachés  par  le  roi,  les  tlal- 
maites  ou  magueys,  serfs  appartenant  aux  propriétaires  qu'ils 
ne  pouvaient  quitter,  enfui  les  membres  des  calpullis  ou  com- 
munautés agricoles  qui  étaient  serfs  du  roi. 

Les  premiers  devaient  cultiver  les  propriétés  de  leurs  maî- 
tres, élever  leurs  maisons  et  leur  donner  une  part  du  produit 
de  leur  chasse,  pèche,  etc.  Leurs  obligations  ou  redevances 
étaient  déterminées. 

Les  membres  des  calpullis  recevaient  une  certaine  quantité 
de  terres  qu'ils  devaient  cultiver  pour  entretenir  leur  famille. 
Ils  ne  pouvaient  travailler  sur  les  propriétés  d'un  autre  calpulli 
ni  quitter  la  communauté  sans  permissioi*.. 


r.T  i)i:  i.ruR  civilisation 


325 


I.a  distiiKiioii  t-lcs  proprictcs  territoriales,  dos  biens  meubles 
et  immeuhies  était  établie.  Ces  diverses  espèe-es  de  propriétés 
pouvaient  et  rc  échangées,  vendues  ou  transmises  par  succession. 
Tout  homme  libre  ou  noble  pouvait  posséder  des  terres  et  avait 
le  ilroit  de  les  transmettre.  D'autres  étaient  attachées  à  la  po- 
sition et  se  perdaient  avec  elle.  Ces  deux  moyens  de  possession 
étaient  le  privilège  des  hautes  classes.  L»'  commun  de  la  na- 
tion possédait  les  terres  d'une  manière  très  distincte.  A  chaque 
district,  on  adjugeait  une  certaine  quantité  de  terres  propor- 
tionnée au  nombre  de  lamilles  de  la  communauté.  Ces  terres 
appartenant  au  roi  ou  à  l'Iùat  étaient  travaillées  en  commun. 
Le  produit  d'une  partie  de  ces  terres  était  déposé  dans  des  ma- 
gasins pour  les  besoins  généraux.  Les  autres  terres  étaient  cul' 
tivées  par  chaque  famille  qui  pouvait  disposer  de  leurs  produits. 

Au  Mexique,  originellement  toutes  les  propriétés  territoria- 
les appartenaient  aux  communautés.  Mais  peu  à  peu  les  chefs 
s'emparèrent  d'une  partie  des  terres  et  se  les  approprièrent. 
Le  pays  fut  alors  divisé;  i"  en  propriétés  royales^  pour  le 
maintien  des  temples,  des  dépenses  de  guerre  et  de  la  maison 
royale;  2"  en  propriétés  de  la  noblesse,  comprenant  les  proprié- 
tés privées  des  nobles,  transférables  seulement  à  des  nobles  et 
réversibles  au  roi^  à  défaut  d'héritier;  3"  en  propriétés  des  com- 
munautés (calpullis  dont  une  partie  était  donnée  à  cultiver  à 
chaque  famille,  et  réversible,  en  cas  de  départ  ou  d'extinction, 
à  la  c  mmunauté.  Les  membres  de  ces  oommunautés  devaient 
donner,  a  titre  de  contribution,  certaines  espèces  de  produits  et 
fournir  des  corvées  personnelles,  déterminées  par  des  lois. On  te- 
nait un  cadastre  sur  lequel  les  terres  des  calpullis  étaient  pein- 
tes en  jaune,  celles  des  nobles  en  couleur  de  chair,  celles  du  roi 
en  couleur  rougeâtre.  Les  revenus  d'une  certaine  quantité  d'ex- 
cellentes terres  étaient  assignés  au  maintien  du  culte  public. 

Le  roi  pouvait  donner  ou  louer  les  propriétés  de  la  cou- 
ronne. Quant  aux  nobles^  ils  pouvaient  disposer  à  leur  gré  de 
leurs  terres,  pourvu  que  ce  ne  fût  pas  en  faveur  du  peuple, 
qui  n'avait  pas  le  droit  de  posséder  de  propriété  territoriale. 


326 


nr  I.  ORIGINK  DES  INDIENS  DU  NOL'VEAU-MONDE 


Les  tci  rcs,  que  chaque  Indien  recevait  du  chef  de  la  commu- 
nauté pour  entretenir  avec  leur  culture  sa  famille,  continuaient 
à  appartenir  à  la  coniniunauté.  (^uand  une  famille  s'éteii;nait, 
sa  part  faisait  retour  à  la  communauté,  et  le  chef  la  distribuait 
à  ceux  qui  en  avaient  le  plus  besoin.  SI  un  membre  d'un  cal- 
pulli  quittait  la  communauté,  ses  terres  étaient  rendues,  avant 
son  départ,  à  la  communauté.  Toutefois,  ces  terres  pouvaient 
être  transmises  comme  héritage.  Si  le  possesseur  n'en  était 
pas  satisfait,  il  pouvait  les  rendre  et  en  demander  de  meil- 
leures au  chef  qui  les  lui  donnait  s'il  y  en  avait  d'inoccu- 
pées. Celui  qui  laissait  ses  terres  incultes  par  sa  faute  ou  sa  né- 
gligence pendant  deux  ans,  était  requis  de  'es  cultiver;  et,  s'il  ne 
le  faisait  pas,  on  les  donnait  à  un  autre  membre  de  la  com- 
munauté. 

En  résumé,  la  terre  appartenant  à  la  communauté  était  la 
propriété  perpétuelle  et  inaliénable,  non  de  chacun  en  particulier, 
mais  de  la  communauté  entière.  (Jelui  de  ses  habitants  qui  en 
cultivait  une  portion  y  avait  droit  aussi  longtemps  qu'il  conti- 
nuait à  la  travailler.  Autrement  on  en  disposait  en  faveur 
d'un  autre.  Personne  n'avait  le  droit  d'aliéner  les  terres  de 
la  communauté.  Les  anciens  composaient  le  conseil  qui 
élisait  un  chef  chargé  de  surveiller  les  intérêts  généraux. 

Au  Pérou,  tout  le  territoire  de  l'empire  était  divisé  en  trois 
parts  :  une  pour  le  soleil,  l'autre  pour  linca,  la  troisième  pour 
le  peuple. 

Dans  chaque  localité  où  une  communauté  se  formait,  le  sol 
était  divisé  de  la  manière  suivante  :  une  portion  du  tiers  ou 
du  quart  des  produits  était  ruise  à  part  pour  l'entretien  de  la 
religion  et  de  l'armée.  Une  autre  part  des  produits  était  réser- 
vée pour  rinça,  conservée  dans  des  magasins,  ou  envoyée  à 
C]uzco;  en  temps  de  guerre,  les  approvisionnements  étaient  ex- 
pédiés de  toutes  les  parties  de  l'empire,  en  supplément  à  la 
consommation  ordinaire,  avec  le  plus  grand  ordre.  Quelque- 
fois les  magasins  renfermaient  des  approvisionnements  suffi- 
sants pour  dix  ans.   Cet  impôt  était  dû  à  l'inca  comme  roi  et 


ICT  DE  I-KUR  CIVIMSATION  327 

non  comme  porsoiino  privée.  Son  proJuil  servait  pour  en- 
tretenir sa  cour,  ses  serviteurs,  ses  parents,  et,  en  temps  de 
guerre,  pour  les  besoins  de  l'armée.  La  dernière  part  du  produit 
des  terres  cultivées  en  commun  était  réservée  au  peuple. 

Le  peuple,  comme  au  Mexique,  ne  pouvait  avoir  de  pro- 
priété privée,  ni  la  donner,  ni  la  transmettre  à  ses  héritiers. 
Toutes  les  propriétés  appartenant  à  la  communauté,  étaient 
divisées  chaque  année.  On  désignait  à  chacun  la  pièce  de  terre 
qu'il  devait  cultiver  pour  l'entretien  de  sa  famille.  Chacun  avait 
ainsi  plus  ou  moins  chaque  année,  suivant  la  famille  M'Acosta, 
liv.  VI,  ch.  XV). 

Les  troupeaux  étaient  répartis  de  la  même  manière  que  les 
propriétés;  les  pâturages,  les  terrains  de  chasse,  les  forets  ser- 
vaient en  commun  sous  des  règlements  déterminés. 

Toutes  les  mines  appartenaiert  à  l'inca,  ainsi  que  les  plan- 
tations de  coca. 

Chaque  hidien  recevait  un  tupu,  un  acre  de  terre  pour  plan- 
ter son  maïs;  un  autre  pour  chaque  enfant  mâle,  une  moitié 
pour  chaque  (ille.  Quand  un  fils  se  mariait,  on  lui  donnait  un 
tupu  et  de  quoi  so  loger. 

Cette  distribution  des  terres  intéressait  chaque  citoyen  au 
bien  général  et  liait  son  bonheur  à  la  tranquillité  publique.  MaiSj 
en  même  temps,  cela  a  dû  être  une  des  causes  qui  ont  entravé 
la  marche  de  la  civilisation  et  Pont  rendue  plus  stationnaire, 
car,  en  paralysant  l'ambition  des  individus,  on  tarit  infaillible- 
ment toute  source  de  progrès  pour  la  nation. 

L'esclavage  existait  dans  toute  l'Amérique  ,  comprenant , 
trois  catégories  :  les  prisonniers  de  guerre  qui  n'étaient 
pas  sacrifiés,  une  classe  particulière  de  malfaiteurs  et  ceux 
qu'on  achetait.  Dans  le  premier  cas,  il  était  rare  qu'ils  échap- 
passent au  sort  commun  réservé  aux  captifs.  Dans  le  second 
cas,  c'étaient  des  voleurs,  des  traîtres,  des  femmes  incorrigi- 
bles qui  étaient  condamnés  par  la  justice.  Les  derniers  étaient 
des  malheureux  achetés  chez  les  nations  étrangères  ou  des 
enfants  vendus  par  leurs  parents  à  cause  de  la  misère.   Un 


328 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DD  NOUVEAU-MONDE 


■a? 


père  pouvait  vendre  ses  enfants  comme  esclaves^  et  le  mari 
ainsi  que  la  femme  pouvaient  se  vendre  eux-mêmes  (Gomara, 
p.  441).  Les  paresseux,  les  joueurs  et  les  débiteurs  pouvaient 
se  vendre  comme  esclaves. 

Les  esclaves  pouvaient  se  marier,  posséder  des  biens  par  le 
moyen  desquels  ils  se  rachetaient  '. 

Dans  certains  pays,  les  enfants  d'esclaves  restaient  esclaves 
jusqu'à  ce  qu'ils  se  fussent  rachetés.  Celui  ou  celle  qui  se  mariait 
à  une  ou  à  un  esclave,  ou  avait  un  enfant  d'esclave  devenait  es- 
clave 'CogoUudo  .  Dans  d'autres  pays,  les  fils  d'esclaves  étaient 
libres.  Les  services  qu'on  pouvait  exiger  d'un  esclave  étaient 
stipulés  avec  une  scrupuleuse  précision  par  la  loi.  Les  mau- 
vais esclaves  recevaient  des  avertissements  dans  le  principe, 
étaient  punis  ensuite  par  un  collier  de  bois  qu'on  leur  mettait 
au  cou,  vendus  ou  finalement  sacrifiés. 

Au  Mexique,  quelquefois  les  familles  pauvres  s'engageaient 
vis-à-vis  d'un  seigneur  à  lui  fournir  perp'étuellement  un  es- 
clave. Ils  lui  donnaient,  à  cet  etlet,  un  de  leurs  enfants,  et, 
quand  il  était  en  âge  de  se  marier  ou  pour  un  autre  motif,  ils  lui 
2n  substituaient  un  autre. 

Les  vassaux  formaient  une  classe  à  part.  On  comprenait  sous 
ce  nom  tous  les  habitants  des  provinces  conquises  payant  un 
tribut  et  soumis  à  certaines  charges.  Les  chefs,  au  Mexique, 
étaient  obligés,  durant  un  certain  temps  de  l'année,  de  résider 
dans  la  capitale  à  la  cour  du  souverain.  Ils  ne  pouvaient  pas 
retourner  dans  leurs  Etats  sans  la  permission  du  roi  et  sans 
laisser  comme  otage  un  fils  ou  un  frère  Gomara,  p.  345j. 

Les  provinces  vassales  devaient  fournir  un  tribut  plus  ou 
moins  fort  et  le  service  militaire.  Quelquefois  le  tribut  était 
simplement  une  marque  de  reconnaissance  de  la  suzeraineté. 

Le  traitement  des  provinces  conquises  différait  suivant  les 
souverains.  Ainsi,  d'après  Vr.  Domingo  de  la  Annunciacion 
(1554),  Montezuma  F'  ayant  conquis  Chalco  n'exigea  pas  de 


I,  l'our  la  position  îles  esclaves  au  Mexique,  voir  Torquémada,  liv.  XIV,  ch.  xvii. 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION  329 

tribut,  consiucrant  les  habitants  comme  ses  alliés.  Son  succes- 
seur envoya  un  officier  qui  les  obligea  à  cultiver  pour  le  roi 
des  terres  d'une  certaine  étendue.  Les  deux  rois  suivants  firent 
de  même,  mais  donnèrent  des  présents  aux  chefs.  Montczuma  11 
exigea,  en  outre,  qu'ils  vinssent  deux  fois  par  an  à  Mexico,  en 
les  obligeant  de  prendre  part  aux  fêtes,  et  d'envoyer  des  soldats 
pour  les  expéditions,  ainsi  que  du  bois,  des  pierres  et  du  sable 
pour  la  construction  de  ses  palais. 

Les  tribus  qui  s'étaient  soumises  sans  résistance  payaient  le 
tribut  comme  alliées,  mais  devaient  fournir  les  troupes  auxi- 
liaires qui  leur  étaient  demandées.  Les  Etats  soumis  par  les  ar- 
mes payaient  un  tribut  plus  lourd  Zarita,  p.  120). 

Chaque  province  soumise  était  obligée  d'envoyer  des  hom- 
mes pour  travailler  dans  la  capitale  et  dans  le  palais  du  souve- 
rain n'ernaux  Compans,  1,  p.  23i). 

Au  Pérou,  les  incas,  considérant  que  Cuzco  était  !e  centre  de 
l'empire  qui  s'étendait  jusqu'à  Quito,  a  plus  de  ()00  lieues,  jus- 
qu'au Chili,  encore  plus  éloigné,  et  que  cette  immense  étendue  de 
pays  était  habitée  par  des  barbares  parmi  lesquels  se  trouvaient 
des  peuples  très  guerriers,  avaient  ad'  nté  le  système  suivant 
pour  maintenir  la  sécurité  dans  leurs  doi.. aines.  Aussitôt  qu'une 
province  était  conquise,  dix  ou  douze  mille  hommes  recevaient 
l'ordre  de  s'y  rendre  a^•ec  leur  famille,  On  les  envoyait  géné- 
ralement dans  les  endroits  dont  le  climat  ressemblait  le  plus 
au  leur.  Ces  mitimaes  ou  colons  recevaient  des  terres  et  les  ma- 
tériaux nécessaires  pour  construire  leurs  maisons;  ils  devaient 
toujours  obéir  aux  ordres  des  gouverneurs  et  capitaines  placés 
à  leur  tète;  de  sorte  que,  si  les  indigènes  se  révoltaient,  les 
mitimaes  les  punissaient  et  les  forçaient  à  la  soumission.  D'un 
autre  côté,  si  les  mitim.aes  cherchaient  à  se  soulever,  ils  étaient 
attaqués  par  la  indigènes.  Ce  système  avait  ainsi  le  double 
avantage  de  maintenir  la  tranquillité  et  d'alimenter  toutes  les 
provinces  de  toutes  sortes  de  productions  (Cieza,  ch.  xli). 

Dans  toutes  les  parties  du  Pérou  où,  par  suite  de  la  rigueur 
du  climat  froid,  le  pays  n'était  pas  aussi  fertile  ni  aussi  produc- 


33o 


DF;  L  ORIGINF  DES  INDIENS  DU  NO.JVEAU-MONDR 


l! 


tit,  ils  ordonnaient,  comme  les  t^ranJes  forêts  des  Indes  bor- 
daient ces  parties  stériles,  qu'un  certain  nombre  d'indiens  avec 
leurs  familles  fussent  pris  dans  chaque  village  et  envoyés  dans 
ces  endroits  pour  cultiver  les  terres  et  faire  parvenir  les  fruits 
de  leur  travail  à  leurs  chefs.  Ils  étaient  appelés  aussi  mitimacs 
(Cieza^  ch.  xcix;. 

Quand  le  peuple  devait  travailler  des  terres  en  dehors  de  leur 
district  pour  l'inca  ou  pour  les  temples,  ces  terres  se  nommaient 
suyu.  Des  Indiens  laissés  dans  le  pays  restaient  soumis  à  leurs 
propres  chefs  et  non  à  ceux  du  pays  où  ils  résidaient.  Ils  étaient 
dillérents  des  mitimaes. 

Au  Mexique,  l'administration  du  royaume  était  confiée  au 
souverain  qui  était  aidé  d'un  coadjuteur,  nommé  l'ecuxcalcal- 
tecli.  Un  général  nommé  lacatecol  présidait  à  toutes  les  affai- 
res militaires.  11  avait  sous  sa  direction  les  chels  de  districts 
auxquels  les  habitants  devaient  s'adresser.  Un  ministre  était 
chargé  des  travaux  publics.  La  perception  générale  des  impôts 
et  leur  distribution  incombaient  au  hueycalpix,  ayant  sous  ses 
ordres  des  employés,  qui,  après  avoir  perçu  l'impôt  dans  leurs 
districts,  le  lui  faisaient  parvenir. 

Les  provinces  étaient  gouvernées  par  des  olllciers  nommés 
par  le  roi.  Des  préfets  administraient  les  principales  villes.  Des 
macuilte  paupixques,  sorte  de  centurions,  avaient  charge  décent 
familles.  Au-dessous  des  centurions  venaient  cinq  centes  pau- 
pixques commandart  chacun  à  vingt  familles.  Tous  ces  em- 
ployés étaient  chois., s  par  le  gouverneur  et  nommés  par  le  roi. 
Ils  liaient  pris  parmi  les  nobles.  La  police  était  confiée  à  des 
ajjents  portant  comme  insigne  une  baguette. 

Les  officiers  attachés  à  la  cour  étaient  nobles  du  premier 
rang. 

Au  Pérou,  une  loi  établie  par  les  incas  prescrivait  que,  dans 
toutes  les  villes,  les  habitants  fussent  enregistrés  par  décades 
de  dix  et  qu'un  d'eux  lût  choisi  comme  décurion.  avec  autorité 
sur  les  neuf  autres.  Cinq  décurions  avaient  à  leur  tète  un 
chef  commandant  ainsi  à  cinquante  familles.  Deux  de  ces  chefs 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


33l 


de  cinquante  familles  avaient  un  supérieur  commandant  à  cent 
hommes.  Cinq  centurions  étaient  soumis  à  un  autre  chef,  hu- 
nanj^o,  qui  commandait  à  cinq  cents  hommes,  et  deux  de 
ceux-ci  obéissaient  à  un  1  inos,  commandant  à  mille  hommes. 
Pour  dix  mille  hommes,  il  y  avait  un  gouverneur  ou  vice-roi, 
crocricroc,  proche  parent  du  roi. 

Les  devoirs  du  décurion  étaient  de  servir  aux  habitants  de 
pourvoyeurs  et  de  les  assister  avec  soin  dans  toutes  les  occa- 
sions ,  rendant  compte  de  leurs  besoins  au  gouverneur  ou  aux 
autres  oflicicrs.  Il  devait  agir  en  même  temps  comme  otlicier 
de  la  couronne  et  faire  un  rapport  à  son  supérieur  pour  cha- 
que oflense  commise  par  ses  subordonnés.  11  lallait  avoir  au 
moins  vingt-.six  ans  pour  exercer  les  charges  inférieures.  Les 
hunnos  et  les  crocricrocs  devaient  avoir  au  minimum  cinquante 
ans. 

lous  les  emplois,  un  peu  élevés,  étaient  confiés  aux  nobles. 

Curaca  était  le  titre  des  caciques  des  provinces  conqui- 
ses ou  de  leurs  descendants.  Us  étaient  toujours  subordonnés 
aux  gouverneurs  pris  parmi  les  membres  de  la  famille  royale. 

Le  décurion  devait  faire  connaître,  chaque  mois,  ù  ses  su- 
périeurs, les  naissances  et  décès  des  deux  sexes.  A  la  fin  de 
l'année,  un  rapport  était  adressé  au  roi  à  ce  sujet,  dans  lequel 
on  portait  le  nombre  de  personnes  qui  étaient  parties  pour  la 
guerre  et  qui  avaient  été  tuées.  La  même  règle  était  observée 
en  temps  de  guerre  par  les  ofticiers. 

Au  Mexique,  le  nombre  d'habitantsde  chaque  village  ou  quar- 
tier dans  les  villes  était  exactement  connu  Torquemada,  liv.  IV, 
ch.  vu).  Des  groupes  de  la  population  étaient  formés,  ayant  cha- 
cun un  chef,  aussi  bien  pour  faciliter  la  perception  des  impôts 
que  pour  d'autres  objets  Zurita,  p.  134;;  des  recensements  gé- 
néraux de  toute  la  population  avaient  lieu  à  des  époques  fixées. 
Personne  ne  pouvait  quitter  son  groupe  ni  son  village  ni  son 
quartier. 

La  population  du  Mexique  et  de  l'Amérique  centrale  ne 
devait  pas  dépasser  5  ou  G  millions  d'habitants.  En  1741,  Phi- 


332 


DE  L  ORU'INE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


lippe  V  envoya  aux  vice-rois  et  gouverneurs  des  provinces  de  la 
Nouvelle-Espagne  Tordre  d'opérer  le  recensement  de  la  popu- 
lation. Dans  le  recensement  fait  au  Mexique  par  Don  Antonio 
de  Villasena  y  Sanchez  on  compta  294,391  familles  qui,  à  cinq 
par  famille,  représentent  1,471,955  habitants,  auxquels  si  on 
ajoute  ceux  du  Guatemala,  Honduras,  etc.,  d'après  le  recense- 
ment de  1778,  c'est-à-dire  8o5,339,  donnèrent  2,276,294,  ou 
2,5oo,ooo  en  faisant  la  part  des  omis. 

Au  Pérou,  un  registre  était  tenu  de  toutes  les  naissances  et 
décès,  et  un  recensement  exact  de  la  population  était  fait  par 
le  gouvernement  chaque  année  au  moyen  des  quipos  (Prcs- 
cott,  Peni,  1,  ch.  11  . 

Ce  vaste  empire  ne  contenait  pas  plus  de  10  à  11  millions 
d'habitants,  nombre  qui  diminua  rapidement  après  la  conquête. 
Le  recensement  général  fait  en  i58o  n'a  pas  donné  plus  de 
8,280,000  habitants  (Rivéro  et  Tchudi,  p.  69). 

Les  droits  et  les  contributions,  parfaitement  réglés,  se  rédui- 
saient aux  impôts  sur  les  terres,  sur  les  richesses  de  l'industrie 
et  sur  les  marchandises  de  toutes  classes  vendues  sur  les  mar- 
chés publics.  Comme  l'usage  de  la  monnaie  n'était  pas  répandu, 
tous  les  impôts  se  payaient  en  espèces.  En  dehors  de  ces  im- 
pôts, le  peuple  devait  fournir  le  service  personnel. 

Les  impôts  n'étaient  pas  payés  par  chaque  habitant,  mais, 
par  les  villes  ou  districts  sous  la  forme  de  subside,  tels  que 
vêtements  d'hommes  et  de  femmes^  poisson,  coton,  or,  ma'is, 
axi  fpoivrej,  haricots.  Chaque  ville  ou  village  avait  des  terres 
appropriées  à  la  culture  des  fruits  destinés  au  payement  des 
impôts. 

Les  provinces  contribuaient  dans  des  proportions  différentes, 
suivant  qu'elles  avaient  été  conquises  par  force,  qu'elles  s'é- 
taient soumises  volontairement  ou  qu'elles  étaient  sujettes  no- 
minalement. 

Les  impôts  étaient  payés  les  uns  annuellement,  les  autres 
tous  les  six  mois,  les  autres  tous  les  quatre-vingts  jours. 

Les  localités  éprouvées  par  la  famine  étaient  exemptes  d'im- 


^ 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


[lys 


pôt,  ainsi  que  les  nobles^  les  mineurs,  lus  veuves,  Ls  impo- 
tents temporaires  ou  permanents,  les  pauvres  et  les  serviteurs 
des  temples. 

Les  marchands  payaient  leurs  contributions  en  marchandises 
manulacturées  et  les  artisans  en  produits  de  leur  indi-strie.  Ces 
deux  classes  étaient  exemptes  de  travaux  personnels. 

Ceux  qui  ne  payaient  pas  leurs  impôts  aux  termes  lixés,  étaien 
punis  sévèrement.  Il  y  avait  des  rôles  de  contribution  établis 
au  moyen  de  peintures. 

Les  juges  étaient  en  même  temps   receveurs  des    impôts. 

Des  octrois  étaient  établis  à  l'entrée  des  villes  et  dans  tous 
les  ports  de  débarquement  où  une  certaine  quantité  de  provi- 
sions était  apportée ,  des  employés  vériliaient  tout  ce  qui  en- 
trait, prélevant  un  certain  droit  sur  chaque  marchandise. 

Ce  droit,  dans  la  capitale,  était  pour  le  roi  et,  dans  la  pro- 
vince, pour  le  gouverneur.  (Cortez  II,  p.  119.J 

Toutes  les  marchandises  sur  les  marchés  publics  payaient 
un  droit  pour  le  roi. 

Au  Pérou,  les  impôts  étaient  assez  lourds  et  tous  à  la  charge 
du  peuple.  Les  nobles,  prêtres,  capitaines  et  otïiciers  jusqu'au 
centurion,  les  gouverneurs,  juges  et  otïiciers  du  roi  en  fonc- 
tions, tous  les  soldats  en  activité  de  service,  et  les  jeunes  gens 
jusqu'à  l'âge  de  vingt-cinq  ans,  parce  qu'avant  cet  âge  ils  ne 
pouvaient  se  marier  et  devaient  aider  leurs  parents,  étaient 
exempts  d'impôts.  Après  leur  mariage,  pendant  un  an,  ils  ne 
payaient  pas  d'impôt.  Les  vieillards  au-dessus  de  cinquante 
ans  étaient  aussi  exempts,  ainsi  que  les  tenimes,  les  malades, 
les  aveugles,  les  boiteux,  les  estropiés.  Les  sourds  et  les  muets 
n'étaient  pas  exempts. 

Il  y  avait  deux  sortes  d'impôts  :  l'impôt  foncier  et  le  service 
personnel  ;  l'impôt  foncier  était  payé  en  commun  par  la  com- 
munauté, comme  au  Mexique,  et  chacun  était  obligé  de  tra- 
vailler pour  produire  ce  qui  était  exigé  de  la  communauté.  Mais 
on  ne  prélevait  rien  des  revenus  des  terres  assignées  à  chacun. 

Les  marchands  et  les  artisans  devaient  fournir  leur   part 


3:h 


DE  L  OUIGINE  DES  INDIENS  DU   NOUVEAU-MONDE 


i 


d'impôt  en  marchandises  et  produits  manufacturés  qui  étaient 
déposés  dans  des  magasins  de  l'Etat.  En  outre,  celait  le  peu- 
ple qui  faisait  les  vêtements,  les  souliers  et  les  armes  pour  les 
soldats  et  les  pauvres  ne  pouvant  travailler  eux-mêmes. 

Tout  homme  du  peuple,  à  l'exception  des  marchands  et  des 
artisans,  devait  contribuer  aux  travaux  publics.  La  répartition 
en  était  faite  chaque  année.  On  indiquait  les  travaux  à  exé- 
cuter et  le  nombre  d'hommes  à  employer. 

La  réparation  des  chaussées  incombait  ù  chaque  district. 
Le  même  système  était  établi  pour  les  autres  travaux  qui 
étaient  répartis  entre  les  familles,  si  les  travaux  étaient  peu 
importants;  entre  les  districts,  s'ils  l'étaient  davantage;  enlin, 
entre  les  provinces,  s'ils  étaient  considérables  comme  les 
constructions  des  ponts,  des  palais  ou  autres  semblables. 

Les  immenses  travaux  exécutés  par  le  peuple  dans  toute 
l'Amérique  et  dont  on  admire  encore  les  ruines,  rappellent  ce 
qui  s'est  fait  en  Egypte,  quand  on  a  construit  les  pyramides. 
C'est  la  même  tyrannie,  le  même  abus  des  bras  du  peuple 

Au  Mexique,  l'administration  de  la  justice,  confiée  à  des  tri- 
bunaux et  à  des  juges,  était  parfaitement  organisée.  Dans  la  ca- 
pitale, il  y  avait  un  magistrat  suprême^  ministre  de  la  justice, 
qui  nommait  les  juges  et  les  collecteurs  des  taxes,  et  dont  la 
décision  était  sans  appel  dans  les  atlaires  criminelles.  Une 
haute  cour  prononçait  dans  toutes  les  causes  civiles  et  crimi- 
nelles. Ses  décisions  étaient  sans  appel  pour  les  aflaires  civiles. 
Dans  chaque  quartier  d'une  ville  ou  dans  chaque  village,  il  y 
avait  un  juge  élu  pour  un  an  par  les  habitants  et  ayant  sous 
ses  ordres  des  commissaires  chargés  de  la  police,  et  des  mes- 
sagers. Dans  le  chef-lieu  de  chaque  province  se  trouvait  un  tri- 
bunal composé  de  trois  juges  nommés  par  le  ministre  de  la 
justice  et  auquel  on  pouvait  appeler  des  sentences  des  juges 
locaux.  De  ce  tribunal  on  pouvait  appeler  à  la  cour  suprême. 

Dans  le  royaume  de  Te/cuco,  l'organisation  judiciaire  était 
dillerente.  Il  y  avait  dans  le.5  six  principales  villes  un  tribunal 
de  deux  juges,  chargés  en  même  temps  de  la  perception  des 


ET  DK  I.EUR  CIVILISATION 


335 


impôts.  A  Te/cuco,  il  y  avait  doux  hautes  cours,  de  deux  juges 
chacune^  l'une  pour  les  causes  civiles,  l'autre  pour  les  causes 
criminelles.  Dans  chaque  quartier  des  villes  ou  chaque  villaj^e, 
un  juge  nommé  par  les  habitants  jugeait  les  causes  peu  impor- 
tantes, 'l'ous  les  dix  ou  douze  jours,  les  juges  des  tribunaux  des 
chefs-lieux  de  province  et  de  la  métropole  se  réunissaient  sous 
la  présidence  du  roi  pour  juger  les  atl'aires  graves  appelées 
devant  cette  cour,  'l'ous  les  quatre-vingts  jours,  les  causes  ex- 
trêmement graves  étaient  jugées  par  une  haute  cour  composée 
de  treize  juges  et  présidée  par  le  souverain. 

Le  roi  jouissait  du  droit  de  grâce. 

Le  traitement  des  juges  consistait  dans  l'usufruit  de  certaines 
propriétés.  Quiconque  acceptait  des  cadeaux  ou  se  laissait  cor- 
rompre risquait  sa  vie. 

Au  Yucatan,  l'administration  suprême  de  la  justice  et  la 
perception  des  impôts  étaient  confiées  à  un  conseil  de  vingt- 
quatre  nobles. 

Dans  chaque  village,  il  y  avait  un  juge  pour  recevoir  les 
plaintes  qui  lui  étaient  adressées,  rendre  la  justice  dans  les 
cinq  jours  si  le  cas  était  de  peu  d'importance,  ou  transmettre 
la  cause  à  un  juge  supérieur  dans  le  chef-lieu  de  la  province. 
Aucun  plaignant  ne  pouvait  sortir  de  son  village  ou  de  la  pro- 
vince sans  obtenir  justice  (Garcilazo,  liv.  H,  ch.  xni.^^ 

La  justice  était  organisée  de  la  même  manière  au  Pérou 
qu'au  Mexique.  Les  attaires  graves  étaient  portées  devant  un 
tribunal  siégeant  dans  la  principale  ville  de  la  province.  On 
pouvait  appeler  de  ses  sentences  à  une  cour  suprême  établie 
dans  la  capitale  et  présidée  par  un  délégué  du  souverain,  de 
sang  royal. 

Les  litiges  entre  provinces  étaient  jugés  par  un  juge  de 
sang  royal  noinmé  par  l'inca 

Les  nobles  étaient  justiciables  des  tribunaux  dans  toute  l'A- 
mérique. 

Dans  toute  cause  criminelle  ou  civile,  des  témoins  étaient 
entendus.  L'accusé  pouvait  se  défendre  lui-même  ou  se  servir 


336 


DE  L  OKIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


d'un  dOtcnseur.  En  matière  criminelle,  on  employait  souvent 
la  torture  pour  obtenir  Taveu  du  crime.  Dans  certains  cas,  on 
faisait  usage  de  l'épreuve  par  le  l'eu  ou  par  l'eau  pour  découvrir 
les  coupables  :  on  oblij^eait,  comme  chez  nous  au  moyen  âge, 
l'accusateur  et  laccusé  à  marcher  pieds  nus  sur  du  l'er  brû- 
lant, de  prendre  avec  la  main  nue  un  1er  roui;i  au  l'eu,  de  plon- 
ger le  bras  dans  une  chaudière  d'eau  bouillante,  de  traverser 
les  flammes  d'un  bûcher.  Les  peines,  comme  les  lois,  étaient 
e.xtrémement  sévères  et  le  plus  souvent  barbares.  La  peine  de 
mort  était  iniligée  pour  un  grand  nombrede  délits  et  était  exécu- 
tée avec  tous  les  ralllnements  que  la  cruauté  peut  imaginer. 
Les  uns  étaient  décapités,  d'autres  pendus,  empalés,  coupés 
par  morceau.x,  lapidés,  brûlés  vivants  et  noyés;  quelquelois  on 
arrachait  au  malheureux  condamné  les  intestins  ou  bien  on 
lui  écrasait  la  tète  avec  des  pierres;  ou  bien  encore  on  le  jetait 
du  haut  d  un  rocher  ou  on  le  mettait  dans  un  puits  avec  des 
insectes  venimeux  et  on  le  laissait  périr  de  faim.  Enlin,  on 
sacrifiait  les  prisonniers  en  leur  plonger...  un  couteau  dans  le 
ccjeur.  Dans  d'autres  cas,  on  se  contentait  de  couper  les  oreil- 
les, les  lèvres  ou  les  mains.  Les  biens,  la  femme  et  les  escla- 
ves d'un  condamné  à  mort  étaient  confisqués. 

On  exposait  et  marquait.  Pour  les  délits  moins  graves,  on 
inlligeait  le  bannissement,  la  prison,  la  bastonnade,  la  Hagella- 
tion,  la  cangue.  On  coupait  les  cheveux  et  on  déchirait  ou  re- 
tournait les  vêtements. 

11  y  avait  deux  sortes  de  prison.  L'une,  semblable  à  nos 
prisons  modernes  dans  laquelle  on  renfermait  les  débiteurs 
insolvables,  les  voleurs  et  les  individus  condamnés  pour  des 
délits  ou  crimes  n'entraînant  pas  la  peine  capitale.  L'autre 
prison  était  une  cage  en  bois  dans  laquelle  on  mettait  les  con- 
damnés à  mort  et  les  prisonniers  destinés  aux  sacrifices.  Ces 
derniers  étaient  très  bien  nourris;  on  tenait  à  ce  que  ceux  qui 
devaient  être  sacrifiés  parussent  en  bon  état  devant  l'autel. 
Quant  aux  autres,  on  les  laissait  presque  mourir  de  faim. 

Au  Mexique,  aussi  bien  qu  au  Pérou  et  dans  toute  l'Améri- 


ET  DE  I.EUU  CIVILISATION  337 

i-iue,  les  lois  étaient  peu  nombreuses  et  très  sévères,  et  cela  se 
comprend  avec  des  peuples  qui  avaient  peu  de  commerce,  pas 
d'argent  monnayé  et  où  la  masse  de  la  nation  ne  possédait  rien 
qui  pût  s'appeler  propriété. 

Quelques-unes  de  ces  lois  annonçaient  un  véritable  degré 
de  civilisation,  elles  protégeaient  le  peuple  en  assurant  son  bien- 
être.  Ainsi  elles  ne  permettaient  pas  de  l'occuper  ù  des  travaux 
nuisibles  à  sa  santé.  Les  basses  classes  n'étaient  jamais  victi- 
mes impunément  du  vol  public  ou  particulier,  et  des  prévisions 
bienveillantes  veillaient  avec  soin  à  leurs  premiers  besoins. 

Au  Pérou,  une  loi  nommée  Caseras  prescrivait  qu'il  n'y  eût 
pas  de  paresseux  et  même  que  les  enfants  de  cinq  ans  fussent 
employés  à  de  petits  travaux  en  rapport  avec  leur  âge.  Les 
aveugles  et  les  muets  n'étaient  pas  exemptés  du  travail.  Le 
reste  du  peuple  devait  faire  chacun  ses  propres  travaux  tant 
qu'il  était  en  bonne  santé,  et  l'on  regardait  comme  infâme  et  dé- 
gradant d'être  puni  en  public  pour  paresse.  La  même  loi  or- 
donnait que  les  Indiens  prissent  leurs  repas  laissant  les  portes 
ouvertes,  afin  que  les  inspecteurs  pussent  entrer  librement 
dans  leurs  maisons  et  se  rendre  compte  de  la  manière  dont 
ils  se  nourrissaient.  D'autres  agents  inspectaient  les  temples  et 
les  établissements  publics,  aussi  bien  que  les  maisons  des  par- 
ticuliers. Ces  inspecteurs  veillaient  à  ce  cv  l'homme  aussi 
bien  que  la  femme  maintinssent  tout  en  ord  .  ^ans  la  maison, 
et  que  la  discipline  régnât  parmi  leurs  enfants.  Ceux  qui  avaient 
de  l'ordre  étaient  récompensés  par  des  félicitations  publiques, 
tandis  que  les  désordonnés  recevaient  des  coups  de  baguette 
sur  les  épaules  et  les  cuisses  ou  subissaient  un  autre  châtiment 
prévu  par  la  loi  (Garcilazo,  liv.  V,  ch.  n). 

Il  était  défendu  de  boire  du  vin  sans  la  permission  de  l'au- 
torité, à  moins  de  circonstances  prévues.  Cette  loi  avait  pour 
objet  de  combattre  la  passion  de  Tlndien  pour  la  boisson. 

Des  lois  obligeaient  tous  les  individus  arrivés  à  un  certain  âge 
à  se  marier.  Au  Pérou,  cet  âge  était  fixé  à  vingt-six  ans  pour  les 
garçons  et  à  quinze  pour  les  filles.  Celles  qui  ne  s'y  confor- 


^k 


]t 


I  : 


338 


DK  L  OriGINK  DKS  INDIENS  DU   NOUVEAU-MONDE 


maient  pas  ctaiciit  destinOcs  à  devenir  prêtresses  du  soleil  ou 
à  servir  les  prêtresses. 

Des  lois  fixaient  la  part  de  chacun  dans  les  travaux  publics. 
D'autres  lois,  nommées  lois  fraternelles,  obligeaient  les  habi- 
tants de  chaque  village  à  s'entr'aider  dans  les  moissons,  la 
construction  des  maisons  et  autres  ouvrages  sans  recevoir  do 
paiement.  Les  champs  des  veuves,  des  orphelins,  des  vieillards, 
dos  soldats  appelés  sous  les  drapeaux  étaient  cultivés  par  des 
gens  de  corvée  choisis  par  l'autorité  qui  devait  empêcher  que 
personne  travaillât  au-delà  de  ses  iorces. 

Des  lois  ordonnaient  aux  habitants  de  chaque  village  de  lêter 
ensemble  certains  )Ours  de  l'année  et  de  prendre  part  à  des 
jeux,  aiin  que  les  familles  restassent  unies  entre  elles  et  que 
le  peuple  pût  se  reposer  de  ses  travaux. 

Les  étrangers  et  les  voyageurs  de  aient  être  traités  comme 
des  hôtes,  et  des  maisons  publiques  étaient  disposées  pour  eux. 

Des  inspecteurs,  chaque  année,  visitaient  les  villes  et  les  cam- 
pagnes et  veillaient  à  ce  que  les  lois  fussent  observées,  que  la 
justice  fût  rendue,  que  les  terres  fussent  bien  cultivées,  que  les 
magasins  de  l'Etat  fussent  bien  approvisionnés,  que  les  travaux 
publics  fussent  exécutés  et  que  les  charges  fussent  réparties 
équitablement.  En  outre,  des  censeurs  traversaient  souvent  les 
districts,  s'enquéraient  de  la  conduite  et  du  zèle  des  officiers  et 
en  rendaient  compte  au  souverain. 

Comme  on  le  voit,  le  peuple  était  entièrement  en  tutelle  et 
aussi  heureux  que  pouvait  Tètre  un  esclave. 

Les  lois  criminelles  ou  civiles  au  Mexique  étaient  très  sévè- 
res et  différaient  peu  dans  les  trois  Etats  confédérés. 

Les  ofîiciers  déloyaux  risquaient  leur  tête.  Les  collecteurs  de 
taxes  qui  trompaient  le  souverain  étaient  mis  à  mort,  et  leurs 
parents  punis  comme  traîtres  (Torquémada,  liv.  XIV,  ch.  viii). 

Ceux  qui  se  rendaient  coupables  d'adultère  dans  le  principe 
étaient  lapidés,  plus  tard  pendus  ou  décapités  fZurita,  p.  109). 
Les  nobles  ou  guerriers  convaincus  du  même  crime  étaient 
mis  à  mort.  Quelquefois  la  femme  adultère  était  empalée. 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION  339 

Celui  qui  tuait  sa  femme,  même  lorsqu'il  la  surprenait  en 
llaf^rant  délit  d  adultère,  était  condamné  à  mort,  parce  que, 
suivant  la  loi,  il  ne  devait  pas  se  rendre  justice  lui-même. 

'l'out  homme  qui  s'habillait  en  lemme,  ou  toute  lemme  qui 
s'habillait  en  homme,  était  puni  de  mort  ou  pendu  (Clavigéro, 
liv.  VII,  ch.  xvii). 

Toute  personne  coupable  d  un  crime  contre  nature  était 
pendue  et,  si  c'était  un  prêtre,  brûlé  vivant  Clavigéro,  liv.  \11, 
ch.  xvii). 

Le  meurtre  était  puni  de  mort. 

Quiconque  chani^'cait  de  place  les  bornes  placées  dans  les 
champs  par  l'autorité  était  puni  de  mort. 

Quiconque  était  convaincu  de  trahison  ou  d'un  crime  contre 
la  personne  du  roi  était  mis  à  mort  avec  tous  ses  parents  ]i\<,- 
qu'au  quatrième  degré  rr/if  t7;;o;/r'«^>«5  JVritcr,  ch.  ii  . 

Les  conspirateurs  et  ceux  qui  commettaient  un  adultère 
avec  la  lemme  du  prince  étaient  coupés  par  morceaux  (Urdcr 
of  succession,  Ternaux  Compans,  I,  p.  226;. 

(Quiconque  maltraitait  un  ambassadeur,  ministre  ou  cour- 
rier du  roi,  était  mis  à  mort.  Mais  les  ambassadeurs  et  cour- 
riers ne  devaient  pas  quitter  la  grande  route  sous  peine  de 
perdre  leurs  privilèges. 

Les  voleurs  de  matières  d'or  et  d'argent  étaient  punis  de 
mort  (Clavigéro,  liv.  VI,  ch.  xxxi.  Le  voleur  d  objets  de  peu  de 
valeur  n'était  pas  puni^  mais  devait  restituer  les  objets.  Si  l'ob- 
jet volé  était  de  grande  valeur,  il  devenait  l'esclaN  e  de  la  per- 
sonne qu'il  avait  volée.  Si  le  voleur  ne  pouvait  rendre  l'objet 
voléj  ni  payer  son  équivalent,  il  était  lapidé.  Celui  qui 
volait  une  certaine  quantité  de  maïs,  ou  détruisait  des  arbres 
utiles,  devenait  l'esclave  du  propriétaire  du  champ.  Mais 
tout  voyageur  pauvre  avait  le  droit  de  prendre  le  ma'ïs 
ou  les  fruits  des  arbres  plantés  sur  un  côté  du  chemin  en  assez 
grande  quantité  pour  satisfaire  sa  faim  ou  sa  soif  (Clavigéro, 
liv.  VII,  ch.  xvii).  Quiconque,  trouvant  un  enfant  abandonné, 
en  foisait  son  esclave  ou  le  vendait,  perdait  pour  ce  crime  sa 


:Uo 


m:  I.  ORiCiiNi:  dks  indifvNS  du  nouveau-monde 


liberté  et  SOS  Mens.  La  même  peine  était  inlli^ée  à  celui  qui 
disposait  de  la  propriété  d'un  autre  qu'il  avait  aliérmée. 

Celui  qui  disait  un  mensonge  préjudiciable  à  un  autre  avait 
les  lèvres  coupées  et  quelquefois  les  oreilles  i(]lavigéro, 
liv.  VII,  ch.  XVII  . 

Il  était  détendu  de  boire  du  vin  sans  la  permission  des  chcfsou 
des  juges,  permission  qui  était  accordée  seulement  au  malade  et 
à  celui  qui  avait  dépasse!  la  cinquantaine  ;  encore  ceux-ci  ne  pou- 
vaient boire  plus  de  trois  .oupes  à  chaque  repas.  Dans  les  tètes, 
banquets,  les  hommes  au-dessus  de  trente  ans  pouvaient  boire 
deux  coupes  de  vin;  il  en  était  de  même  quand  ils  portaient 
du  bois  ou  coupaient  des  pierres.  La  même  autorisation  était 
donnée  aux  femmes  en  couches  dans  les  premiers  jours  de  Tac- 
couchemcnt.  L'ivrognerie  était  très  méprisée.  On  considérait 
comme  infâmes  ceux  qui  s'y  livraient  souvent.  Pour  punition, 
on  leur  coupait  les  cheveux  en  public  et  on  détruisait  leurs 
maisons.  Les  fonctionnaires  étaient  privés  de  leur  charge  et 
déclares  incapables  de  les  remplir  de  nouveau  Zurita,  p.  i  lo). 

La  loi  n'empêchait  pas  de  boire  dans  certaines  fêtes.  Dans 
ces  occasions,  il  était  permis  de  boire  chez  soi  plus  que  d'ha- 
bitude. Kn  out.e,  la  loi  ne  s'appliquait  pas  aux  septuagénaires 
qui,  en  raison  de  leur  grand  âge,  pouvaient  boire  suivant  leur 
convenance  (Glavigéro,  liv.  Vil,  ch.  xvii). 

Les  débiteurs  étaient  emprisonnés. 

Celui  qui,  dans  un  marché,  altérait  les  poids  et  les  mesures 
établis  par  les  magistrats,  était  déclaré  coupable  de  félonie  et 
mis  à  mort  sur  le  lieu  même.  Le  voleur,  surpris  //t7^i,'rrt«/f  de- 
liclo^  dans  un  marché,  était  mis  à  mort  immédiatement  (Cla- 
vigéro,  liv.  Vil,  ch.  wii'. 

Dans  les  marchés  publics,  des  mesures  étaient  prises  pour 
découvrir  les  vendeurs  d'objets  volés. 

A  Alcztitlan,  l'homme  adultère  était  tué  en  présence  du  mari 
et,  si  c'était  un  guerrier  ou  un  noble,  placé  dans  le  plus  dange- 
reux poste  au  premier  combat  qui  avait  lieu.  Ln  cas  de  meur- 
tre, le  coupable  était  coupé  en  quatre  morceaux  et  les  parties 


lui 
luit 


i:t  ni-;  i.rtiK  civilisation  341 

de  son  corps  divisées  entre  ceux  qui  ra\aicnl  arrclé.  Le  vo- 
leur devenait  esclave  du  roi,  s'il  ne  pouvait  se  racheter;  la 
même  peine  était  inllif^ée  pour  corruption  de  témoins  et  de  ju- 
ges f  Ternaux  Compans,  1,  p.  '.U  v. 

Clie/  les  Mixtèques,  en  cas  d'adultère,  la  Icninie  adultère 
et  son  complice  étaient  mis  à  mort  par  le  mari  qui  pouvait  se 
contenter  de  couper  les  oreilles,  le  nez  ou  les  lèvres  du  com- 
plice  Herrera,  III,  p.  ■j()2  . 

Chez  les  Zapotèques,  une  femme  convaincue  d'adultère  était 
mise  à  mort  et  sa  chair  mangée  par  tous  ceux  qui  avaient  été 
témoins  de  son  crime. 

Dans  le  Mi  hoacan,  celui  qui  se  rendait  coupable  d'un  rapt 
avait  la  bouch».  fendue  jusqu'aux  oreilles  et  était  empalé.  Le 
voleur  était  pardonné  la  première  fois  et  réprimandé  ;  la  deu- 
xième fois,  il  était  jeté  dans  un  pivcipice  et  son  corps  aban- 
donné aux  oiseaux. 

Dans  l'empire  mexicain,  les  gens  du  peuple  condamnés  à 
mort  étaient  pendus  le  plus  souvent,  après  avoir  été  exposés  à 
un  pilori.  Les  nobles  étaient  généralement  exécutés  dans  leurs 
propres  maisons;  certains  criminels  étaient  déca[Mtés,  d'autres 
battus  jusqu'à  ce  que  mort  s'en  suivit,  d'autres  empalés  ou 
lapidés. 

Au  Yucatan,  les  crimes  étaient  punis  avec  une  grande  sé- 
vérité et  il  n'y  avait  pas  d'appel  une  fois  que  la  sentence  était 
prononcée.  L'homicide  était  puni  de  la  peine  capitale  qui  était 
infligée  par  les  parents  de  la  victime,  si  le  coupable  ne  pouvait 
donner  une  compensation.  Les  voleurs  devenaient  esclaves, 
s'il  ne  pouvaient  restituer  l'objet  volé  ou  donner  une  indemnité 
équivalente.  Si  c'étaient  des  gens  de  distinction,  on  les  mar- 
quait au  front,  punition  considérée  comme  très  dure  (Landa, 
g  XXX). 

Les  condamnés  à  mort,  les  esclaves  fugitifs  et  les  prison- 
niers de  guerre  étaient  renfermés,  les  mains  liées  et  un  collier 
de  bois  au  cou,  dans  une  cage  de  bois  qui  servait  de  prison 
(CogoUudo,  liv.  IV,  ch  iv\ 


342  DE  l'origine  des  INDIENS  ù''^  NOUVEAU-MONDE 

Les  Mayas  étaient  très  sévères  poir  le  crime  d'adultère;  le 
complice  de  la  femme  était  livré  au  mari  qui  pouvait  lui  écra- 
ser la  tète  avec  une  pierre  ou  lui  pardcnner.  La  femme  coupa- 
ble était  déclarée  infâme  et  mise  à  l'index.  La  lapidation  était 
la  peine  infligée  pour  le  rapt.  Avant  la  fondation  de  Mayapan, 
les  intestins dun  adultère  lui  étaient  arrachés   Landa^  v<  vm). 

Celui  qui  séduisait  une  vierge  ou  ravissait  une  femme  mariée 
était  mis  à  mort,  de  même  que  celui  qui  se  livrait  à  des  vio- 
lences envers  une  femme  ou  une  jeune  fille  mineure.  La  même 
punition  était  infligée  pour  meurtre.  Si  l'homicide  était  involon- 
taire, un  esclave  était  donné  en  indemnité.  Le  traître  envers 
son  souverain  et  l'incendiaire  étaient  punis  de  mort.  Le  voleur 
restait  esclave  jusqu'à  ce  qu'il  pût  se  racheter  fCogoUudo, 
liv.  IV,  ch.  IV). 

Lorsqu'une  femme  était  accusée  d'adultère,  elle  était  jugée, 
ainsi  que  son  complice,  par  le  prêtre  qui  prononçait  sa  sentence. 
La  femme  était  conduite  dans  un  endroit  rempli  de  pierres,  à 
une  certaine  distance  du  village  et  attachée  à  un  poteau.  Tout 
le  peuple  se  rendait  en  ce  lieu.  Alors  le  prêtre,  prenant  une 
grosse  pierre,  la  jetait  sur  elle;  son  Liari  en  faisait  autant, 
ainsi  que  tous  les  hommes  et  femmes  du  village  jusqu'à  ce 
qu'elle  fût  couverte  de  pierres.  Le  complice  était  mené  dans 
un  autre  endroit  et  attaché  à  un  poteau  où  le  prêtre  lui  tirait 
une  flèche  dans  la  direction  du  cœur;  le  mari  et  tout  le  peuple 
agissaient  de  même.  Alors  le  mari,  retirant  le  corps  de  sa 
femme  de  dessous  les  pierres,  lui  attachait  une  corde  au  cou 
et  le  traînait  en  quelque  endroit  où  il  l'abandonnait  aux  bêtes 
sauvages.  11  pouvait  ensuite  prendre  la  femme  du  complice 
(Cogolludo,  liv.  VII,  ch.  VII). 

Au  Guatemala,  tout  seigneur  ou  noble  qui  excitait  à  déso- 
béir au  roi  était  mis  à  mort  et  ses  biens  confisqués. 

Le  meurtrier  était  mis  à  mort. 

Celui  qui  commettait  un  adultère  avec  la  femme  d'un  sei- 
gneur était  mis  à  mort  si  c'était  un  noble,  et  jeté  du  haut  d'un 
rocher  si  c'était  un  homme  du  peuple. 


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J.ii). 
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ET  DE  LEUR  CIVILISATION  343 

Celui  qui  avait  des  rapports  charnels  avec  l'esclave  d'un 
autre  devait  payer  une  amende  du  montant  de  la  valeur  de 
l'esclave.  Si  cette  esclave  était  la  concubine  du  seigneur^  le 
coupable  subissait  une  peine  plus  sévère. 

Les  voleurs  étaient  condamnés  à  pa}erunc  amende  au  tré- 
sor et  à  restituer  l'objet  volé;  les  voleurs  incorrigibles  étaient 
pendus.  Avis  était  donné  de  la  sentence  à  leurs  parents,  et,  si 
ceux-ci  refusaient  de  leur  servir  de  caution,  elle  était  exécutée. 

Les  biens,  la  lemme  et  les  esclaves  d'un  homme  condamné 
à  mort  étaient  confisqués. 

Les  sorciers  étaient  brûlés. 

Tout  célibataire  qui  cohabitait  avec  une  jeune  fille  était  puni 
d'une  forte  amende  et,  si  les  parents  de  la  jeune  fille  regardaient 
cela  comme  un  all'ront,  l'ollenseur  était  mis  à  mort. 

Quiconque  volait  un  objet  d'un  temple  était  jeté  du  haut  d'un 
rocher,  si  l'objet  était  d'une  certaine  valeur;  et,  dans  le  cas  où 
l'objet  était  de  peu  de  valeur,  condamné  à  l'esclavage. 

Celui  qui  prenait  les  armes  contre  son  seigneur  ou  contre 
l'état,  ou  divuijmoit  les  secrets  de  l'état,  ou  passait  à  l'ennemi, 
était  mis  à  mort  et  ses  biens  confisqués  ;  sa  femme  et  ses  en- 
fants devenaient  esclaves. 

L'esclave  qui  se  sauvait  de  chez  son  maître  était  mis  à 
mort. 

Le  serviteur  d'un  seigneur  devait  rembourser  tous  les  dom- 
mages qu'il  causait.  Celui  qui,  après  avoir  emprunté  ou  reçu 
quelque  chose  en  dépôt,  le  perdait  ou  le  détériorait,  devait 
payer  le  montant  de  la  valeur.  (Ximénès,  p.  177.) 

Roman  afîirme  qu'il  existait  une  loi  au  Guatemala  autori- 
sant le  peuple  à  se  soulever  contre  un  tyran  et  à  le  renverser 
avec  l'aide  de  l'étranger.  (Ximénès,  p.  177.; 

Au  Salvador,  quiconque  méprisait  ou  ridiculisait  les  sacri- 
fices aux  idoles  était  condamné  à  mort;  quiconque  avait  des 
rapports  charnels  avec  des  parents  au  degré   prohibé  était 
mis  à  mort,  ainsi  que  la  femrre.  Celui  qui  adressait  des  paroles 
nconvenantes  ou  faisait  des  nropositions  déshonnètes  à  une 


.  l'-'l. 


344  DE  l'origine  DKS  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 

femme  mariée,  était  banni  et  ses  biens  confisqués.  Le  meur- 
tre était  puni  de  mort.  Quiconque  violait  une  vierge  était  sa- 
crifié. Les  menteurs  étaient  fouettés  et,  si  c'était  dans  une 
attaire  de  guerre,  condamnés  à  Tesclavagc  (Palacios,  p.  8?). 

Au  Honduras,  les  voleurs  étaient  condamnés  à  avoir  ics 
oreilles  et  les  mains  coupées,  si  le  vol  était  important.  En  cas 
d'adultère,  la  personne  olTensée  arrachait  les  oreilles  du  coupa- 
ble et  ses  pendants,  le  fouettait  et  lui  prenait  ses  biens.  Mais 
la  femme  adultère  n'était  pas  punie,  si  elle  prouvait  qu'elle 
avait  été  séduite. 

Au  Nicaragua,  un  père  pouvait  se  vendre  ou  vendre  ses  en- 
fants comme  esclaves,  dans  des  cas  de  grande  nécessité,  avec 
privilège  de  rachat. 

Le  paiement  des  dettes  était  rigidement  requis.  Si  un 
homme  avait  emprunté  du  maïs  ou  des  fruits,  le  créancier  pou- 
vait exiger,  comme  payement,  les  champs  du  débiteur.  Tout 
homme  pouvait  s'expatrier,  avec  la  permission  de  son  chef,  sans 
rien  emporter  avec  lui,  pour  ne  pas  nuire  à  la  communauté. 
Mais  il  était  libre  de  donner  à  ses  parents  ce  qui  lui  appar- 
tenait. ( Squ'icr,  Nicarag-iia,  II,  p.  345). 

Un  esclave  qui  cohabitait  avec  la  fille  de  son  maître  était 
brûlé  vivant.  Là  où  des  prostituées  pouvaient  exercer  leur  mé- 
tier, les  sodomistes  étaient  lapidés.  Le  voleur  avait  les  cheveux 
coupés  et  devenait  esclave  jusqu'à  ce  qu'il  eût  rendu  l'objet 
volé;  et,  si  cela  durait  trop  longtemps,  il  pouvait  être  sacrifié. 
Il  n  y  avait  pas  de  peine  prévue  pour  le  meurtre  d'un  Cacique 
parce  que,  disaient-ils,  cela  n'arriverait  jamais.  11  n'y  en  avait 
pas  non  plus  en  cas  de  meurtre  d'un  esclave.  Celui  qui  tuait 
un  homme  libre  était  mis  à  la  disposition  des  enfants  et  des 
parents  du  décédé  (Herrera,  III,  p.  270;. 

Dans  le  royaume  de  Bogota,  le  meurtrier  était  puni  de 
mort,  même  si  les  parents  du  mort  pardonnaient  au  meur- 
trier, parce  qu'ils  disaient  que  la  vie  avait  été  donnée 
par  Dieu  seul,  et  que  la  justice  devait  suivre  son  cours. 
Quand   un   célibataire    violait    une    femme   mariée ,    il    était 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION  345 

puni  de  mort.  Si  un  homme  marié  se  rendait  coupable  de  ce 
crimCj  deux  hommes  non  mariés  devaient  coucher  avec  sa 
femme.  Celui  qui  commettait  un  inceste  avec  sa  mère,  sa  fille, 
sa  sœur,  ou  sa  nièce,  degrés  de  parenté  prohibés  dans  le  ma- 
riage, était  jeté  dans  un  puits  rempli  d'insectes  venimeux  et 
couvert  d'une  large  pierre  ;  on  le  laissait  périr  ainsi.  La 
même  punition  était  infligée  à  la  femme,  sa  complice.  Ceux  qui 
commettaient  l'abominable  péché  contre  nature  étaient  torturés 
avant  d'être  mis  à  mort.  Généralement  ils  étaient  empalés. 
(P.  Simon,  p.  252.) 

En  cas  d'adultère,  la  peine  était  l'empalement. 

Pour  s'assurer  de  la  culpabilité  d'une  femme  suspecte,  ils  se 
servaient  du  jugement  par  épreuve  (P.  Simon,  p.  255). 

D'après  la  loi,  les  biens  de  quiconque  mourait  sans  héritier 
revenaient  au  l'résor  P.  Simon,  253). 

11  y  avait  d'autres  peines  plus  douces  pour  des  délits  plus  lé- 
gers, tels  que  fouetter,  déchirer  le  manteau  et  couper  les  che- 
veux (P.  Simon,  p.  253). 

Les  Mozcas  disaient  que  leurs  caciques  étaient  des  hommes 
comme  eux-mêmes  et  exposés  à  faillir;  que,  comme  sujets,  ils 
pouvaient  les  punir,  mais  que  ce  droit  appartenait  à  leurs 
femmes.  Ainsi,  dans  certains  cas,  les  femmes  jugeaient  leurs 
maris.  Cependant  la  peine  ne  dépassait  pas  celle  du  fouet,  quoi- 
que le  crime  pût  mériter  la  mort  (Picdrahita,  liv.  I,  ch.  iv). 

Au  Pérou,  les  lois  étaient  peu  nombreuses  et  extrêmement 
sévères.  Elles  étaient  presque  toutes  criminelles. 

La  peirje  la  plus  commune  était  la  mort  ;  les  autres  peines 
étaient  le  bannissement,  la  noyade,  le  supplice  par  le  feu,  le 
fouet  ou  la  peine  du  talion.  Les  enfants  étaient  châtiés  pour 
n'importe  quelle  faute,  et  les  parents  étaient  responsables  de 
leurs  enfants  (Garcilazo,  liv.  11,  ch.  xii). 

La  rébellion  était  un  crime  capital  ainsi  que  ceux  de  blasphé- 
mer contre  le  soleil  et  de  maudire  l'inca.  Changer  les  bornes 
d'une  propriété,  détourner  l'eau  de  chez  son  voisin,  brûler  une 
maison  étaient  des  crimes  sévèrement  punis.  Brûler  un  pont 


346 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


entraînait  la  peine  de  mort.  Une  ville  qui  se  mettait  en  rébel- 
lion était  dévastée  et  ses  habitants  exterminés  (Prescott^  Peru, 
t.  I,  ch.  ix). 

Le  vol  était  puni  moins  sévèrement  si  celui  qui  Tavait  com- 
mis prouvait  qu'il  y  avait  été  poussé  par  la  nécessité. 

Un  mari  surprenant  sa  femme  en  flagrant  délit  d'adultère 
pouvait  la  tuer  ainsi  que  son  complice  (Andagoya,  p.  57). 

Les  employés  du  gouvernement  qui,  envoyés  en  mission  se 
détournaient  de  leur  route  pour  entrer  dans  les  champs  des 
Indiens,  quoique  le  dommage  fût  petit ,  étaient  mis  à  mort 
(Cieza,  ch.  lx). 

Quiconque  donnait  refuge  aux  vierges  du  soleil  était  brûlé 
vivant.  Les  vierges  du  soleil  qui  commettaient  un  adultère 
étaient  brûlées  vivantes  et  leur  complice  mis  à  mort.  Celles 
quij  étant  enceintes,  alléguaient  qu'elles  l'étaient  du  soleil 
étaient  crues  jusqu'à  preuve  du  contraire  (Andagoya,  p.  Sy). 

Celui  qui  négligeait  de  cultiver  ou  d'arroser  sa  portion  de 
terre  dans  le  temps  voulu  était  sévèrement  puni.  11  était  frappé 
sur  les  épaules  trois  ou  quatre  fois  avec  une  pierre  ou  était  fus- 
tigé avec  une  baguette  d'osier  pour  sa  paresse  qui  était  regar- 
dée comme  un  vice  méprisable  (Garcilazo,  1.  V,  ch.  iv). 

Il  était  défendu  de  pénétrer  dans  une  île  où  il  y  avait  des  dé- 
pôts de  guano  pendant  la  saison  de  l'accouplement  des  oiseaux, 
ou  de  tuer  les  oiseaux  en  tout  temps  sous  peine  de  mort. 

Il  était  prohibé  d'emporter  de  l'or  et  de  l'argent  du  royaume 
sous  peine  de  mort 

Tout  Indien  portant  de  l'or  ou  de  l'argent  ou  de  beaux  vête- 
ments sans  la  permission  de  l'Inca  était  tué  (Pizarro). 

Us  avaient  des  lois  somptuaires  défendant  toute  extrava- 
gance dans  les  vêtements,  dans  l'usage  des  choses  précieuses 
et  toute  superfluité  dans  l'alimentation. 

Une  autre  loi  prescrivait  de  traiter  les  étrangers  et  les  voya- 
geurs comme  des  hôtes,  et  des  maisons  publiques  étaient  dispo- 
sées pour  eux  (Blaz  Valera  et  Garcilazo,  liv.  V,  ch.  11). 

lout  jugt  ou  gouverneur  qui  se  rendait  coupable  d'injustice 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


347 


était  puni  plus  sévèrement  qu'une  autre  personne  ayant  com- 
mis la  même  offense. 

Les  juges  qui  recevaient  des  présents  des  plaideurs  étaient 
considérés  comme  des  voleurs  et  traités  comme  tels. 

La  chasse  était  interdite  aux  gens  du  peuple.  La  loi  disait 
que  c'était  une  distraction  nuisible,  de  nature  à  engendrer  la 
paresse  et  à  détourner  les  travailleurs  de  leurs  devoirs.  On 
pouvait  cependant  chasser  les  chevreuils  et  les  cerfs  de  sa  pro- 
priété au  moment  de  la  récolte.  De  grandes  chasses  avaient 
lieu  dans  chaque  district  tous  les  trois  ans  (Garcilazo,  liv.  VI, 
ch.  vi).  Après  que  Ton  avait  prélevé  les  parts  de  Thica  et  des 
temples,  on  distribuait  une  partie  du  gibier  au  peuple. 

La  dégradation  des  objets  d'art  entraînait  la  peine  de  mort. 

Telles  étaient  les  principales  institutions  et  lois  des  Indiens 
du  Nouveau-Monde  dont  il  est  impossible,  à  moins  de  parti 
pris,  de  méconnaître  l'origine  aryenne. 


348 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


EXTINCTION 


DE   LA   CIVILISATION    INDIENNE 


Nous  avons  dit  que  le  Nou  'cau-Monde  a  été  peuplé,  à  une 
époque  dont  il  est  ditîîcile  de  préciser  la  date,  par  des  colonies 
de  race  mongole  venues  de  l'Asie  septentrionale,  soit  par  le 
détroit  de  Behring,  soit  par  la  route  des  îles  Aléoutiennes. 
Ces  populations  primitives  vivaient  encore  à  l'état  sauvage 
lorsque,  au  vii°  siècle  de  notre  ère,  quelques  Aryo-Touraniens, 
chassés  de  leur  pays  par  les  sectateurs  de  Mahomet,  débarquè- 
rent à  la  côte  nord- ouest  et  leur  apportèrent  la  civilisation  qui 
s'est  répandue  peu  à  peu  sur  toute  la  surface  de  ce  vaste  con- 
tinent. Nous  avons  exposé  la  marche  qu'a  suivie  cette  civilisation, 
ainsi  que  son  développement  matériel,  moral  et  intellectuel]  il 
ne  nous  reste  plus  qu'à  expliquer  comment,  après  avoir  atteint 
son  apogée,  elle  a  décliné  et  s'est  éteinte,  ne  laissant  après  elle 
que  ruines  et  barbarie. 

Son  histoire,  malheureusement  trop  obscure,  renferme  de 
profonds  enseignements  pour  tous  ceux  qui  étudient  les  causes 
de  la  grandeur  et  de  la  décadence  des  nations.  On  y  trouve  un 
gouvernement  fort,  puissant,  tout  à  la  fois  despotique  et  patriar- 
cal, garanti  des  révolutions  par  une  organisation  solide  et  qui, 
tout  en  opprimant  les  masses,  veillait  avec  soin  à  ce  qu'elles  ne 


FT  ni'.  LI.IU  CIVILISATION 


'M9 


manquassent  jamais  du  nécessaire.  De  sages  mesures  de  pré- 
voyance avaient  pour  objet  de  parer  à  tous  les  besoins,  de  pré- 
venir et  de  combattre  la  misère  publique.  Les  terres  étaient 
cultivées  en  commun,  à  l'exception  de  celles  appartenant  au 
roi  ou  à  la  noblesse.  La  justice  était  é^'ale  pour  tous.  L'agricul- 
ture était  honorée.  Le  souverain,  comme  en  Chine,  pour  l'en- 
courager, défonçait  quelques  pouces  de  terrain  avec  un  instru- 
ment aratoire. 

Des  règlements  prescrivaient  de  laisser  reposer  les  terres 
pendant  que  des  inspecteurs  parcouraient  le  pays  pour  s'assu- 
rer que  partout  le  sol  était  cultivé  convenablement.  La  chasse 
et  la  pèche  étaient  interdites  pendant  la  période  d'accouplement 
des  espèces.  Il  était  détendu  de  tuer  les  femelles  des  animaux 
utiles  à  l'homme.  Les  troupeaux  n'étaient  pas,  comme  ceux  des 
patriarches  ou  des  Arabes  du  désert,  groupés  autour  de  la  tente 
des  tribus  nomades;  ils  étaient  la  propriété  des  cultivateurs 
voisins  de  la  ville  ou  des  villages  qui  formaient  de  véritables 
municipes.  Des  travaux  d'irrigation  merveilleusement  entendus 
régularisaient  le  cours  des  eaux  et  entretenaient  partout  la  fer- 
tilité. Des  ponts  franchissaient  les  plus  grands  fleuves.  Des  rou- 
tes larges  et  commodes,  surtout  au  Pérou,  vraies  voies  romai- 
nes semées  d'hôtelleries  où  le.  voyageur  trouvait  gratuitement 
un  abri  assuré,  et  parcourues  par  des  courriers  qui  faisaient  le 
service  des  postes,  conduisaient  de  l'extrémité  d'un  royaume 
à  l'autre,  à  travers  plaines  et  montagnes. 

La  société  était  divisée  par  castes. 

La  première  des  classes,  en  dehors  du  clergé  qui  dominait 
toutes  les  autres  par  son  influence,  était  la  noblesse,  essentiel- 
lement militaire,  intrépide  et  instruite.  Ses  rangs  étaient  ouverts 
à  tous  ceux  qui  se  distinguaient  par  une  action  d'éclat.  Le  mé- 
tier des  armes  était  considéré  comme  supérieur  à  tous  les  autres 
et  était  encouragé  de  toutes  les  manières.  Mais  en  même  temps 
des  dispositions  paternelles  protégeaient  les  classes  inférieures 
contre  les  exactions  de  la  noblesse  et  les  mettaient  à  l'abri  de 
la  brutalité  des  soldats  dont  la  discipline  était  ext-èmement  se- 


35 


o 


DE  L  ORIGINE  DES  INDIENS  DU   NOUVEAU-MONDE 


vère,  Les  troupes,  dans  les  expéditions,  ne  logeaient  jamais  dans 
les  villages;  mais  elles  bivouaquaient  ou  vivaient  sous  la  tente. 

La  noblesse  avait  ses  obligations  parfaitement  tracées  et  ses 
droits  limités.  Un  système  de  colonisation  militaire  admirable- 
ment compris  servait  à  maintenir  dans  l'obéissance  les  peu- 
ples conquis. 

Afin  de  perpétuer  les  arts  dans  les  familles  à  l'avantage  de 
l'Etat,  les  métiers  et  les  professions  étaient  héréditaires. 

Les  artisans  étaient  groupés  par  corporations  confinées  dans 
des  quartiers  sous  la  direction  de  chefs  nommés  par  la  corpo- 
ration et  chargés  de  la  défense  de  ses  intérêts.  Chaque  corpora- 
tion jouissait  de  privilèges  spéciaux.  Les  artisans  payaient  l'im- 
pôt, mais  ils  étaient  exempts  de  corvées  personnelles.  Des  caisses 
de  secours,  entretenues  par  l'Etat  au  moyen  des  impôts,  étaient 
établies  dans  chaque  centre  de  population  et  permettaient,  par 
lintermédiaire  des  chefs  qui  connaissaient  les  besoins  de  toutes 
les  familles,  de  venir  en  aide  aux  malades,  aux  estropiés,  aux 
orphelins  et  aux  veuves.  Chaque  corporation  avait  ses  méde- 
cins, et  des  asiles  publics  recevaient  les  fous,  les  lépreux,  etc. 
D'un  autre  côté,  la  paresse  et  la  mauvaise  conduite  étaient  châ- 
tiées rigoureusement  ;  comme  le  luxe  et  la  prodigalité  étaient 
prohibés  par  des  lois  somptuaires,  chacun  travaillait  et  était 
obligé  de  mettre  de  côté  le  superflu.  Ce  n'est  pas  tout  :  afin 
que  le  désir  de  ramasser  des  richesses  et  de  jouir  des  douceurs 
qu'elles  procurent  ne  les  dégoûtât  pas  de  cettç  vie  simple  et  tru- 
gaie,  les  législateurs,  plus  sages  encore  que  Lycurgue,  avaient 
proscrit  l'usage  des  monnaies  d'or  et  d'argent,  métaux  dont  le 
pays  cependant  abondait. 

Sous  un  tel  régime,  la  misère,  cette  plaie  sociale  qui  nous 
ronge  et  qui  est  devenue  la  question  capitale  de  notre  siècle,  ne 
pouvait  exister.  Il  n'y  avait  pas  de  riches,  excepté  les  nobles; 
mais  les  masses,  assurées  du  lendemain  en  travaillant,  n'avaient 
pas  la  crainte  de  voir  à  leur  porte  ce  hideux  fantôme  qu'on 
nomme  la  faim  et  qui,  en  troublant  les  cerveaux,  pousse  les  in- 
dividus à  la  folie. 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


35 1 


de 


Les  laboureurs,  qui  n'étaient  pas  attaches  comme  serfs  aux 
terres  des  seigneurs,  étaient  organisés  en  communautés,  d'après 
un  système  analogue  à  celui  des  artisans.  Chaque  famille  avait 
à  sa  disposition  la  quantité  de  terres  appartenant  à  la  commu- 
nauté suflisantes  pour  son  entretien,  et  dans  le  cas  où,  pour 
une  cause  indépendante  de  sa  volonté,  le  chef  de  la  famille 
était  darîs  l'impossibilité  de  cultiver  son  lot,  le  chef  de  la  com- 
munauté,  nommé  par  ses  pairs,  y  pourvoyait. 

Le  commerce  était  estimé,  mais  peu  développé  par  suite 
du  manque  de  communication  et  du  défaut  de  monnaie. 

Toutefois  des  marchés  publics  et  des  foires  étaient  tenus  dans 
tous  les  centres  de  population,  dans  lesquels  chacun  pouvait 
se  procurer,  à  des  prix  équitables,  lixés  par  des  juges,  les  ob- 
jets de  première  nécessité  dont  il  avait  besoin. 

La  police  veillait  à  la  tranquillité  publique  et  à  la  propreté 
des  rues,  qui,  la  nuit,  étaient  éclairées  et  interdites  à  une  cer- 
taine heure. 

Des  dispositions  s'étendaient  à  la  propreté,  à  l'ordre,  à  lé- 
conomie  des  familles,  aux  soins  des  parents  pour  leurs  en- 
fants, au  respect  de  ceux-ci  pour  les  auteurs  de  leurs  jours.  La 
piété  filiale,  comme  en  Chine,  était  une  des  principales  bases 
de  la  société,  et  les  préceptes  de  morale  enseignés  aux  enfants 
étaient  très  élevés, 

Des  marques  extérieures  fixaient  minutieusement  la  distinc- 
tion entre  les  classes.  Le  respect  dû  par  l'inférieur  au  supé- 
rieur était  réglé  avec  un  cérémonial  si  exact  qu'il  avait  influé 
jusque  sur  le  génie  de  la  langue  et  s'était,  pour  ainsi  dire,  incor- 
poré en  elle. 

La  justice  était  administrée  régulièrement  et  équitablement. 
Les  tribunaux  étaient  ouverts  à  tous,  et  des  peines  rigoureu- 
ses étaient  réservées  aux  mauvais  magistrats,  l'ous  les  agents 
étaient  soumis  à  la  surveillance  des  envoyés  royaux  qui  par- 
couraient le  pays  pour  écouter  les  plaintes  des  populations, 
s'informer  de  leurs  besoins  et  réprimer  les  abus. 

Les  registres  del'Ltat  et  les  rôles  des  finances  étaient  tenus 


:^52 


DE  L  OKIGINE  DES  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


avec  ordre,  et  la  perception  des  impôts  ainsi  que  des  tributs 
s'opérait  rapidement  et  simplement. 

Ils  brûlaient  leurs  morts  ou  les  enterraient,  une  fois  dépouil- 
lés de  leurs  chairs  ou  momifiés,  afin  que  leur  putréfaction 
n'engendrât  pas  de  maladie  épidémique. 

Les  sciences,  les  lettres,  les  arts,  l'astronomie,  les  mathéma- 
tiques, la  théologie,  l'art  de  la  guerre,  la  peinture,  la  sculp- 
ture, Tarchitecture  étaient  en  honneur.  Les  jeunes  nobles  ne 
pouvaient  prendre  le  vêtement  viril  qu'après  avoir  subi  des 
examens  littéraires  et  religieux  présidés  souvent  par  le  souve- 
rain lui-même. 

Ils  croyaient  en  un  être  suprême,  à  l'immortalité  de  l'ûme, 
à  imc  seconde  vie,  copie  de  la  première  où  les  guerriers  trou- 
vaient toutes  les  jouissances  rêvées  ici-bas.  Ils  pratiquaient  le 
baptême,  la  circoncision,  la  confession  auriculaire,  la  com- 
munion, l'extrême-onction  et  le  mariage  religieux  ;  en  un  mot, 
ils  possédaient  les  éléments  d'une  civilisation  avancée;  seule- 
ment, il  leur  manquait  trois  choses  principales  sans  lesquelles 
une  nation,  grande  ou  petite,  ne  peut  progresser  ni  durer 
longtemps,  à  savoir  :  une  religion  de  paix  élevant  le  cœur  à 
l'espérance  au  lieu  de  l'abaisser  et  de  le  terrifier  par  la  crainte 
de  la  divinité,  un  gouvernement  libéral  et  des  institutions 
égalitaires  basées  sur  la  justice. 

Une  religion  qui,  dominant  les  misérables  passions  humai- 
nes, s'impose  par  elle-même,  fait  entrevoir  au  malheureux  un 
monde  meilleur,  le  console  dans  ses  afflictions  et  ses  souf- 
frances, qui  prêche  l'égalité,  pratique  la  charité  et  respecte 
le  gouvernement  du  pays  ainsi  que  les  institutions  établies, 
peut  rendre  les  plus  grands  services  aussi  bien  à  ceux  qui  diri- 
gent les  destinées  d'une  nation  qu'à  la  nation  tout  entière. 
D'un  autre  côlé,  toute  religion  reposant  sur  l'ignorance,  la  su- 
perstition, le  fanatisme,  qui  cherche  par  la  terreur  ou  par 
tout  autre  moyen  à  imposer  son  dogme  et  son  culte,  est  le  plus 
grand  fléau  d'un  peuple  :  les  Egyptiens,  les  Assyriens,  les 
Perses,  les  Hindous,  sont  tombés  en  grande  partie  pour  cette 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


353 


raison  et,  si  les  Musulmans,  après  avoir  détruit  le  berceau  de 
la  civilisation  des  Aryas  de  manière  à  en  taire  un  désert,  après 
avoir  subjuf^ué  toutes  les  nations  et  trihus  des  vieux  empires 
romain  et  persan  et  de  la  plus  grande  partie  du  monde  connu, 
se  sont  trouvés  tout  d'un  coup  épuisés,  et  sont  aujourd  liui 
menacés  par  les  autres  peuples,  il  ne  faut  pas  l'attribuer  à 
d'autre  cause  qu'à  la  doctrine  anti-progressiste  de  l'Islam. 

La  Chine,  seule  de  ces  vieilles  nations,  a  su  échapper  au 
naufrage  grâce  à  la  sagesse  et  à  l'habile  prévoyance  de  ses  lé- 
gislateurs qui  ont,  dès  le  principe,  réglé  le  culte  et  mis  un  Irein 
à  riniluence  du  clergé,  ont  honoré  plus  les  lettres  et  l'agricul- 
ture que  les  armes,  ont  divisé  la  société  en  deux  seules  classes' 
les  supérieurs  et  les  intérieurs,  ont  re;idu  la  première  accessi- 
ble à  toutes  les  capacités  sans  distinction  de  naissance,  enfin 
qui  ont  tait  tous  leurs  ellbrts  pour  encourager  la  piété  filiale. 
Ce  système  leur  a  permis  de  résister  aux  ravages  du  temps, 
aux  révolutions  intérieures  et  aux  attaques  extérieures.  On 
comprend  donc  que  leurs  hommes  d'I'ltaten  soient  tiers,  qu'ils 
y  tiennent  par  dessus  tout,  et  qu'il  leur  coûte  inliniment  de 
se  trouver  dans  la  nécessité  de  le  modifier. 

Cependant  les  temps  semblent  venus  où  les  barrières  qu'ils 
ont  établies  pour  se  protéger  contre  l'invasion  de  nos  iJéeset 
de  nos  institutions  modernes  seront  torcément  abaissées.  De- 
puis quelques  années,  les  événements  marchent  à  pas  de 
géants,  et  leur  volonté  est  entraînée  malgré  eux.  Avant  peu 
ils  seront  ce  que  nous  sommes,  et,  comme  nous,  ces  quatre  cent 
millions  d'habitants  qui  ont  prouvé,  en  somme,  une  certaine 
valeur,  pour  leur  défense  personnelle,  seront  armés  jusqu'aux 
dents.  C'est  la  première  condition  dans  ce  siècle  de  fer  pour 
1  euple  qui  veut  conserver  son  autonomie.  Maintenant  sera- 
ce  un  bien  pour  eux  et  pour  l'fclurope?  L'avenir  le  dira. 

En  attendant,  c'est  la  religion  du  serpent,  de  l'esprit  malin 
qui  a  été  la  principale  cause  de  la  décadence  des  Indiens  d'A- 
mérique issus  de  la  même  race  que  les  Chinois;  religion  qui 
interprétant  à  son  profit  le  précepte  imliamsapicntùv,  timov  Do- 

2  3 


:^5.| 


oi;  I.  oKir.iNK  i)i;s  indii:ns  du  nouvkaiî-mondk 


;;;/;//,  eiiseignail  aux  lidcics  que  I  l-^trc  suprcmc,  crcntcur  et 
tleslrucleur,  se  plaisait  à  tourmenter  1  luiuianité  et  à  se  repaî- 
tre de  son  sang;  religion  de  lanatisnie  qui,  au  lieu  de  prê- 
cher le  pardon  des  injures,  apprenait  à  insulter  son  ennemi 
vaincu  avant  de  I  immoler  et  qui  n'avait  en  vue  que  des  biens 
matériels. 

1-e  culte,  digne  des  croyances,  se  manifestait  sous  un  aspcc. 
sombre  et  lérocC;  ne  tendant  qu'à  inspirer  la  terreur,  à  dégra- 
der, à  avilir  le  cœur,  l-es  jeilnes,  les  mortifications,  ainsi  que 
les  mutilations  corporelles  portées  à  l'extrême  le  pliis  cruel, 
étaient  considérés  comme  des  moyens  pratiques  poiu'  apaiser 
le  courroux  de  la  divinité  implacable  à  laquelle  on  sacrifiait 
des  femmes,  des  enfants,  et  tous  les  captifs  qu  on  égorgeait 
froidement  sur  la  -pierre  du  temple.  De  là  encore,  l'éclat  qu'ils 
donnaient  à  leurs  funérailles  et  le  sang  qu'ils  y  versaient.  Ainsi 
ils  brûlaient  et  ensevelissaient  avec  les  morts  ce  qui  leur 
avait  servi  pendant  la  vie,  leurs  armes,  leurs  bijoux,  des  mets, 
des  vêtements  et  ce  qui  pouvait  faciliter  le  grand  vo}aget 
I.es  cérémonies  rt>;/ft'/ /'o.s7  »/or/c';«  étaient  ensanglantées  par  le 
meurtre  de  pauvres  serviteurs  qui,  malgré  eux,  devaient  ac- 
compagner leur  maître  dans  l'autre  monde  en  emportant  la 
chaîne  de  leur  esclavage. 

Comme  représentant  de  cette  religion  et  de  ce  culte  barbare, 
le  clergé  tout  puissant,  parlant  et  agissant  au  nom  de  la  divi- 
nité suprême,  ne  songeait  qu'à  régner  par  la  terreur  sur  ces 
peuples  ignorants,  et,  loin  de  chercher  à  adoucir  les  mœurs  et  à 
exciter  le  courage,  donnait  l'exemple  de  la  lâcheté  et  de  la  le- 
rocitéj  en  dévorant  les  chairs  palpitantes  des  victimes  humai- 
nes. Son  grand  chef,  conseiller  du  roi  à  qui  il  faisait  prêter  ser- 
ment, en  lui  donnant  Ponction  sacrée,  de  respecter  les  privilèges 
sacerdotaux,  marchait  à  la  tête  des  armées  et  était  consulté 
dans  toutes  les  aflaircs  importantes,  pendant  que  les  prêtres, 
tout  à  la  fois  devins,  prédicateurs,  magiciens,  astronomes,  mé- 
decins, confesseurs,  étaient  en  même  temps  chargés  de  l'ins- 
truction de  la  jeunesse,  Knlhi  peu  à  peu  1  influence  du  clergé 


i:r  \)l-.  I.KDK  CIVILISATION 


355 


et 

HC  ■ 
Mlli 

en  S 


devint  tellement  prépondérante  ijiie  le  souvernin,  comme  au 
Pérou,  se  déclarant  (ils  du  soleil,  prit  lui-même  en  main  la  di- 
rection des  allaires  relif^ieuses. 

'l'elle  a  été  la  itremière  cause  de  la  (.lécadencc  des  Indiens, 
à  laquelle  il  laut  joindre  le  despotisme  du  chef  de  l'I'^tat,  monar- 
que absolu,  levant  les  armées,  les  commandant  en  personne, 
dictant  les  impôts,  faisant  les  lois,  veillant  à  leur  exécution  par 
des  agents  qu'il  nommait  et  brisait  à  sa  volonté,  placé  à  une  dis- 
tance incommensurahle  au-dessus  de  ses  sujets,  disposant  à 
son  gré  de  leurs  hiens,  de  leur  personne  et  de  leur  existence; 
en  un  mot  constituant  à  lui  seul  l'I'^tat.  «  Dans  le  principe,  a 
dit  (^lavigéro,  le  pouvoir  des  rois  du  Mexique  était  limité,  leur 
autorité  vraiment  paternelle,  leur  conduite  plus  humaine,  et 
leurs  exigences  plus  modérées.  Mais  leur  richesse,  leur  ma- 
gnificence, leur  pompe  ayant  augmenté  avec  l'extension  du 
territoire,  les  charges  du  peuple  devinrent  de  plus  en  plus 
lourdes.  Leur  orgueil  n'eut  plus  de  bornes  et  ils  arrivèrent  à 
ce  degré  d'arbitraire  ou  de  despotisme  qui  semble  avoir  mar- 
qué le  règne  de  Monté/uma  II.» 

Après  le  souverain  venait  la  caste  de  la  noblesse  formant 
l'aristocratie  militaire  et  intellectuelle,  possédant  avec  le  clergé 
le  monopole  des  lumières  de  la  nation,  investie  de  toutes  les 
charges  et  fonctions  importantes,  exempte  d'impôts,  vivant 
du  produit  de  ses  terres  cultivées  par  des  familles  attachées  à 
la  propriété,  jouissant  du  privilège  de  porter  les  vêtements 
les  plus  beaux  et  les  plus  ornés,  de  donner  des  Icstins,  d'ha- 
biter des  palais  somptueux,  en  un  mot  de  profiter  de  tous  les 
agréments  que  procurent  la  puissance  et  la  fortune.  Mais  le 
plus  grand  vice  de  cette  institution  était  que  les  nobles,  pour 
augmenter  leurs  biens  et  le  prestige  de  leur  nom  qu'ils  ne  pou- 
vaient souiller  par  des  mésalliances,  n'aspiraient  qu'à  guer- 
royer; pendant  ce  temps,  l'agriculture  était  négligée,  la  popu- 
lation diminuait,  les  impôts  augmentaient  et  les  classes  in- 
férieures étaient  de  plus  en  plus  malheureuses.  EMes  n'étaient 
pas  exposées,  il  est  vrai,  grâce  à  leur  organisation,  à  mourir 


:f       î      V 


356 


DI-;  L  ORiOINE  DFS  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDE 


I 


de  faim  -,  mais  en  même  temps  tout  était  calcuic  pour  énerver 
leur  corps  et  atrophier  leur  intelligence. 

Elles  ne  pouvaient  posséder  ni  terres,  ni  rien  qui  pût  être 
considéré  comme  objet  de  luxe;  elles  n'avaient  pas  la  liberté 
de  s'habiller,  de  se  chausser,  de  boire,  de  manger  suivant  leurs 
goûts  ni  d'habiter  une  demeure  de  leur  choi  :.  Des  lois  draco- 
niennes punissaient  toute  intraction  à  cet  égard,  et  nul  ne  pou- 
vait échapper  à  l'œil  inquisiteur  de  la  police  qui  devait  pénétrer 
dans  les  moindres  détails  de  la  vie  privée.  Sous  prétexte  que  la 
paresse  est  une  mauvaise  conseillère,  on  les  écrasait  de  corvées 
publiques  et,  pendant  qu'on  les  obligeait  à  vivre  dans  des  ma- 
sures, on  leur  taisait  bâtir  des  palais  et  des  temples  aussi  gi- 
gantesques que  les  monuments  des  Pharaons  et,  au  besoin,  on 
les  taisait  servir  de  bétes  de  somme.  Mais  ce  qui  était  plus  dur 
pour  ces  pauvres  déshérités,  c'est  qu'ils  ne  pouvaient  même  pas 
nourrir  l'espoir  d'améliorer  un  jour  leur  position.  Tous  étaient 
parqués  dans  leur  métier  ou  profession  héréditaire.  En  outre, 
pour  étoutlcr  "â  eux  tout  désir,  toute  ambition,  les  lettres  et  les 
sciences  leur  étaient  feimées,  pendant  que  le  clergé,  par  la  su- 
perstition, terrifiait  leur  pensée. 

Qu'en  est-il  résulté  ?  Qu'ils  devinrent  indifférents  à  tout,  même 
aux  plaisirs  de  l'amour,  et  que  l'intelligence  de  leur  race  s'af- 
faiblit tellement  que  les  premiers  qui  portèrent  la  parole  du 
Christ  dans  ces  contrées  déclarèrent  que  les  Indiens  étaient  une 
race  d'hommes  trop  stupides  pour  saisir  les  principes  de  la  re- 
ligion, l'n  concile  tenu  à  Eima  décida  que,  en  raison  de  cette 
incapacité,  ils  devaient  i.'  u  c  exclus  du  sacrement  de  l'Eucharistie. 

On  comprend,  après  cela,  [  mrquoi  la  population  ne  s'est  pas 
développée  chez  ces  pcples  qui,  à  l'époque  de  la  conquête, 
n'otlraient  déjà  plus  que  le  reflets  d'une  civilisation  éteinte  chez 
I?  plupart. 

"oiS  ils  étaient  quand,  un  beau  jOur,  une  poignée  de  vaillants 
aventuriers,  venus  do  l'Europe,  débarqua  sur  leurs  côtes  orien- 
tales comme,  huit  siècles  avant,  les  Aryo-Touraniens.  Seule- 
ment cette  fois  ces  étrangers,  dont  des  prophéties  avaient  un- 


it 


iàp.'Âm.- 


ET  DE  LEUR  CIVILISATION 


357 


nonce  l'arrivée,  n'apportaient  pas  avec  eux  dit  nouvelles 
lumières  et  la  régénération  de  la  race,  mais  le  châtiment  et  la 
mort.  Ils  étaient  peu  nombreux,  mais  résolus  et  armés  de  tout 
ce  qui  était  de  nature  à  semer  Telïtoi  parmi  ces  populations  ti- 
mides et  craintives  chez  lesquelles  l'amour  de  la  patrie  et  de 
l'indépenc'ance  était  mort  depuis  longtemps.  Aussi  se  délendi- 
rent-elles  comme  des  esclaves  qui  croient  n'avoir  rien  à  perdre 
en  changeant  de  maître.  Cependant  elles  eussent  mieux  (ait  de 
suivre  Te-xemple  de  la  noblesse  et  de  se  faire  tuer  bravement; 
elles  eussent  ainsi  racheté  leurs  fautes,  et  leur  sort  eût  été  préf  '- 
rable  à  celui  qui  les  attendait. 

Jamais  vaincus  n'ont  été  traités  plus  durement  par  le  vain- 
queur, jamais  la  force  n'a  plus  primé  le  droit.  Le  premier  acte 
des  conqiiisladorcs  et  de  leur  gouvernement  fut  d'étouli'cr  com- 
plètement la  civilisation  indigène  et  de  réduire  les  populations 
à  la  plus  barbare  ignorance.  Tout  ce  qui  restait  de  nobles  et  de 
prêtres,  c'est-à-dire  tous  les  éléments  intellectuels,  furent  ex- 
terminés sans  pitié.  En  même  temps,  des  ordres  sévères  furent 
donnés  aux  évèques  et  aux  chefs  des  divers  ordres  religieux  de 
la  Nouvelle-Espagne  de  livrer  aux  llammes  les  manuscrits  ou 
livres  des  indigènes  à  quelque  catégorie  qu  ils  pussent  apparte- 
nir. On  ne  sait  que  trop  avec  quelle  dé[ilorable  rigueur  ces  me- 
sures déplorables  furent  exécutées.  Le  conseil  des  Indes  ne  se 
borna  pas  à  la  destruction  des  monuments  de  toutes  classes  ; 
dans  la  crainte  que,  des  autres  Etats  espagnols  de  l'Europe,  quel- 
que esprit  éclairé  ne  vînt  leur  tendre  une  main  secourable  et 
rallumer  le  Hambeau  prêt  à  s'éteindre,  il  alla  jusqu'à  interdire, 
par  des  lois  spéciales,  l'Amérique  entière  aux«vocats,  aux  chi- 
rurgiens, aux  hommes  de  lettres,  sans  compter  les  Maures,  les 
Juifs  ou  les  suspects  d'hérésie  jusqu'à  la  troisième  génération. 
Aucun  étranger,  quel  que  lût  son  rang,  ne  pouvait  passer  aux 
colonies  sans  une  licence  obtenue  à  Séville.  Pendant  ce  temps, 
les  conquérants  mettaient  tout  en  œuvre  pour  dépeupler  ces 
contrées  :  travaux  mortifères  duijs  les  mines,  corvées  excessi- 
ves, charges  insupportables,  impôts  écrasants,  ci  sautés  .sans 


358 


ni'.  LORIGINK  DKS  INDIENS  DU  NOUVEAU-MONDli 


nombre  envers  les  prisonniers  qui  étaient,  d'apiès  Las  Casas, 
les  uns  jetés  comme  pâture  aux  chiens,  d'autres  brûlés  vivants 
ou  empalés,  ventes  d'esclaves  en  dehors  et  au  dedans,  rien  ne 
fut  épargné  à  ces  malheureuses  victimes  dont  le  nombre,  par 
suite  de  ces  mauvais  traitements,  de  la  misère,  des  épidémies  et 
de  la  lamine,  diminua  au  point  qu'en  1741  et  1778,  daprèsles 
recensements  officiels,  il  atteignait  à  peine,  dans  toute  l'Amé- 
rique, 1 3,000,000  d'habitants. 

Le  gouvernement  espagnol,  disons-le  à  son  honneur,  mieux 
éclairé,  n'épargna  rien  pour  adoucir  le  sort  des  populations  et 
les  mettre  à  Tabri  des  injustices  de  ses  soldats.  Mais  les  distan- 
ces étaient  longues,  et  la  destruction,  excitée  par  la  soit' de  l'or, 
lait  de  rapides  progrés. 

Depuis  cette  époque  terrible,  le  peuple  indien  ne  s'est  plus  re- 
levé. Parmi  ceux  qui  ont  survécu,  au  nombre  d'environ  cinq 
ou  six  millions,  les  uns  sont  retournés  à  l'i  tat  sauvage,  tandis 
que  les  autres  n'ont  cessé  de  traîner  une  existence  misérable,  et 
le  châtiment  continuera  jusqu'au  jour  où  ils  disparaîtront  tous, 
emportés  par  le  flot  envahissant  de  la  forte  race,  mélange  de 
toutes  les  autres,  qui  semble  appelée,  à  son  tour,  à  peupler  et 
à  dominer  une  grande  partie  de  ces  immenses  contrées. 

Puissions-nous  profiter  de  l'exemple  de  ces  pauvres  Indiens, 
et  ne  pas  oublier  que  les  plus  grands  malheurs  sont  réservés 
aux  peup'cs  dont  la  religion  est  un  outrage  à  l'Etre  suprême, 
qui  ne  songent  qu'à  détruire  leurs  semblables,  et  dont  les  ins- 
titutions, quelle  que  soit  la  Ibrme  de  leur  gouvernement,  ne 
sont  pas  établies  sur  les  principes  immortels  de  la  justice  uni- 
verselle, de  la  liberté  individuelle  et  de  l'égalité  sociale. 


FIN 


'^^ 
l 


TABLE  DES  MATIERES 


mil  m    I  ■uyi.'  « 


Dr  l'originiî  des  Indirns  du  Noijvf.au-Monde  et  de  leur  civilisation  : 

Origine  des  Indiens i 

Peuplement  du  Nouveau-Monde 19 

Origine  de  la  civilisation  du  Nouveau-Monde 28 

Développement  de  la  civilisation 5o 

L.'originc  de  la  civilisation  indienne  prouvée  par  les  arts   ...  91 

L'origine  de  la  civilisation  indienne  prouvée  par  la  religion.  .  i35 
L'origine  de  la  civilisation  indienne  prouvée  par  la  philologie 

comparée 7 

L'origine  de  la  civilisation  indienne  prouvée  par  la  comparai- 
son des  mœurs  et  coutumes ^^0 

L'origine  de  la  civilisation  indienne    prouvée    par    les    institu- 
tions et  les  lois ^94 

Extinction  de  la  civilisation  indienne H^ 


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Le  P'y.  —  Imprimerie  Je  Marchessou  lils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


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275 i5 mettent  mettaient 

317 32   .....  changer  de  chausser  des 


Ernest   LEROUX,    éditeur 

28,    RUE    BONAPARTE,    PARIS 


OUVRAGES   ;:^ 
PUBLIÉS    PAR    P.    DARRY    DE   THIERSANT 


,-n  V 


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Organisation  militaire  des  Chinois  ou  la  Chine  et  ses  armées. 
I   vol.  (i859'. 

Guide  des  armées  en  Chine  ou  Dialogues  sur  les  reconnaissances 
militaires,  en  t^oi,^  hin-i;ues  :  {"ranimais,  anglais,  chii.ois.   1  vol.  (i85f)). 

Doctrine  de  la  sainte    religion.   Ouvrage  traduit  du  chinois,    i    vol. 

(1859). 

La  Médecine  chez  les  Chinois,  i  vol.  Ii863). 

Le  Massacre  de  Tientsin  et  nos  intérêts  dans  l'empire  chinois 
(1872), 

De  rémigration  cmnoise  (1872). 

La  Pisciculture  et  la  Pèche  en  Chine.  Ouvrage  accompagné  de  5o 
planc;ies,  précédé  dune  introduction  sur  la  pisciculture  chez.les  divers 
peuples,  par  le  docteur  .T.-L.  Soubciran.  i  vol.  (1872). 

La  Matière  médicale  chez  les  Chinois,  par  MM.  le  docteur  Léon 
Soubeiran  et  Dabry  de  Thiersant,  précédé  d  un  rapport  à  l'Académie  de 
médecine,  par  le  docteur  Gubler.  1  vol.  (£874). 

Le  Catholicisme  en  Chine  au  VHP  siècle  de  notre  ère,  avec  une 
nouvelle  traduction  de  l'inscription  de  Sy-ngan-t"ou  (1877). 

La  Piété  filiale  en  Chine.  Historiettes  traduites  au  chinois,  avec  intro- 
duction, par  P.  Dabry  de  Thiersant.  i  vol.  (1877). 

Le  Mahométisme  en  Chine  et  dans  le  Turkestan  oriental.  2  vol. 

(1878). 

La  Production  et  la  Consommation  du  café.  (1882). 

Le  Caféier  de  Libéria  (1882). 

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Le  Pu5 .  —  Imprimerie  Je  Marchessou  fils,  biulevard  Saint-Laurent,  43. 

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I    vol. 


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