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I 5 1
QONGO
ET
Relgique
(A PROPOS DE L'EXPOSITION D'ANVERS)
PAR LE
Lieutenant LEMAIRE, Ch
DU 2"" Rkgimknx d'artillekie
Ml-MIiRK CORRESPONDANT DE l'InSTITUT COlONIAf. INTERNATIONAL
Cartes lie A.-J. "Wauters
Illusiiaiions du Lieutenant Masui. Th.
riiotogr.iphiLs ili> MM. Grenfell, Lemery. Alexandre
Michel. Shanu. i-.r.
BRUXELLES
IMPRIMERIE SCIENTIFIQUE
CH. BULENS
22, rue de l'Escalier, 22
1894
'^Hl'ir^
Dr
ô octobre il
Au moment précis où j'écris ces
premières lignes, les derniers Congolais de
l'Exposition d'Anvers quittent notre pays. Coïnci-
dence toute fortuite, et dont j'ai plaisir à tirer parti en
disant à nos hôtes non pas « adieu! )),mais « au revoir! »,
« à bientôt! », et ce au nom de la Belgique entière, de
la masse des fervents de la première heure comme
des indifférents de la dernière, tous ne formant plus
aujourd'hui qu'un noyau compact rallié sans retour à
l'idée coloniale.
Un labeur de quinze ans, auquel s'ap-
plique mieux que jamais l'appréciation de
de Brazza : « Travail de Titan accompli avec
des moyens de Pygmées » ; une série ininter-
rompue de succès scientifiques, économiques.
■■f-^lKiUic,,
moraux, militaires ; l'appel à la vie civilisée de tout le
cœur de l'Afrique; l'anéantissement, dans des territoires
cent fois grands comme la mère-patrie, de la race maudite
dont les razzias envoyaient sur les marchés d'Europe
l'ivoire volé et sanglant, dans les harems d'Orient les
orphelines violées; l'ordre, la justice, le travail, la foi,
révélés à des millions d'êtres humains; l'admiration
imposée au monde entier; tout cela affirmait et consoli-
dait l'œuvre du Roi-Souverain, affirmait et consolidait
l'indépendance de la Belgique, affirmait et consolidait
notre volonté de garder parmi les nations civilisées une
place digne d'envie, un rôle d'apôtre et de croisé, la
gloire impérissable d'avoir osé, nous, si petits par nos
limites, prendre à la gorge le mal hideux, l'immense et
fondamentale question de la traite.
Il y a quelques années à peine (i), la gigantesque
masse de l'Afrique n'apparaissait encore à l'imagination
troublée que comme une accumulation de ténèbres; les
bords en étaient connus,
mais il n'y venait que
d'horribles négriers ,
dont les bâtiments de
L^. transport s'appelaient
des (c tombeaux » ; du
côté de l'Asie et de l'Europe, nos civilisations avaient
voulu s'épanouir, mais s'étaient éteintes sans aucun
germe ; nous en voyions arrachées et extraites, depuis des
époques indéterminées, par convois et par cargaisons
incessamment renouvelés, des foules et des multitudes
de familles humaines, dont la provision devait
être intarissable.
(1) D'après VuToK Aknould : I, 'Œuvre africaine.
— 3 —
Et les siècles s'écoulaient ! Et avec eux s'effaçaient
toute sensibilité et toute pitié ! Le nègre n'était vraiment
qu'une béte de somme et la vue de la race noire, mise en
coupe réglée depuis toujours, comme une moisson mûre,
ne troublait plus l'œil même du philosophe ou du reli-
gieux! Et ces torrents de sang jaillissant du sein de
l'Afrique semblaient des fleuves comme les autres, faits
pour couler dans le lit qu'on leur creuserait, sans souci de
leurs sources qui étaient pourtant des artères vivantes.
Puis un jour, des apôtres se levèrent pour l'émanci-
pation et le rachat des nègres dans les contrées ouvertes
à la civilisation.
En 1722, la justice anglaise décida que « tout esclave
» qui mettait le pied sur le sol anglais recouvrait la
» liberté, qui ne pouvait lui être enlevée ». En 1807
seulement, presque un siècle plus tard, les Chambres
anglaises décrétèrent l'abolition complète de la traite
dans toutes les possessions anglaises.
Des négociations, des congrès, des traités, des
lois (i) créèrent des courants de pitié qui, de proche
en proche, gagnèrent tous les peuples, et nulle part où
des hommes de nos souches étaient établis, l'esclavage
ne fut plus souffert. Une guerre terrible et superbe, la
Guerre de Sécession l'avait extirpé de la République du
Xord américain : c'était en i865.
En 1888, le Brésil décrétait l'émancipation de ses noirs.
Il ne restait plus que l'Afrique, sombre entrepôt,
close à tout rayon d'humanité, livrée aux mains rapaces
et sanguinaires qui fouillaient ses entrailles.
Le 2 juillet 1892 est proclamé l'acte de la Conférence
de Bruxelles.
'1; Paris 1814; Vienne 1815; loi de 1818; Vérone 1822; Piiris el Londres 1831 et 1833; etc.
4 —
N.
'^C"^
Et voici, en 1894, la Belgique transportée au retour
des expéditions antiesclavagistes, haletante d'enthou-
siasme à l'approche de Dhanis; saisie d'un engouement
indicible pour l'exposition du Congo, heureux signe
des temps, démonstration évidente de l'intérêt et de
la svmpathie que tous maintenant por-
\_ tcnt aux choses d'Afric^ue; honorée des
éloges sans restriction des étrangers,
tel cet officier russe, le lieutenant-
colonel Léonide d'Art amonoff, de l'état-major (Askabad
Transkaspien) qui, de passage à Anvers, m'exprimait
(en un français un peu tourmenté mais combien tou-
chant) l'admiration que les Russes d'au delà le Caucase
ont pour les Belges au Congo; recevant et acclamant
dans ses vieux hôtels communaux, dans ses salons, au
sein de ses sociétés savantes, des noirs (}ui disent :
« Merci aux Belges, pour la rédemption de notre race! »
Aussi, qu'importent encore les dernières velléités de
résistance?
Quel sentiment vous fait donc parler encore, vous
qui, ignorants ou de mauvaise foi, inconscients ou
timorés, ne trouverez bientôt plus au bout de votre
piteuse résistance que le ridicule, l'indifférence, l'oubli ?
Le moment est venu, dans votre intérêt, de vous
taire. A^ous parliez complaisamment de choses que vous
ne connaissiez pas à des auditoires qui n'en savaient pas
plus que vous; votre tâche, certes, était plus facile que
la nôtre; un bureau de journal, une tribune de cabaret,
voire souvent un salon brillamment éclairé, valaient
mieux pour vos exploits que les immensités farouches
des tropiques africains!
Et, néanmoins, voyez comme notre persévérance est
arrivée aujourd'hui à vous permettre la comparaison entre
5 —
l'Afrique dont vous parliez si aisément, et celle que nous
faisions si difficilement.
Vous voulez bien, n'est-ce pas, faire avec nous un
voyage au Congo? Oh ! ne vous effrayez pas, notre vo3'age
sera fictif, et pourtant combien intéressant, car pour
rendre tangibles et manifestes aux plus incrédules les
résultats déjà obtenus là-bas, nous ferons notre voyage
aller et retour contrairement à ce qui se fait actuellement,
et, au lieu de commencer à remonter le grand fleuve,
nous ferons le voyage aller en le descendant d'abord; à
Banana nous ferons demi-tour pour le voyage de retour.
Entre nos deux voyages, nous laisserons s'écouler
dix-sept ans, parce que, l'aller, nous le ferons avec
Stanley, quand du 5 novembre 1876 au g août 1877, il
viola enfin ces territoires vierges figurant sur les cartes
sous la rubrique « pays inconnus », grandes lettres
noires sur fond blanc.
— 6
Le retour, nous le ferons aujourd'hui,
avec ces noirs, tenez, qui viennent de
quitter Anvers, accompagnés
d'acclamations vibrantes.
Et nous verrons comment
ces pays, forcés par l'auda-
cieux Américain, ont été déve-
loppés par lui et ses successeurs! Comment le ventre de
l'Afrique, que la barbarie stérilisait, est devenu fécond,
et enfantera bientôt d'incalculables richesses.
Je voudrais résumer
ici le grand, le périlleux
voyage de Stanley, celui
qu'il intitula lui - même
A travers le continent mys-
térieux. Je voudrais le
citer longuement, car on
ne saurait trop redire à
des Belges cette mémo-
rable épopée, cause pre-
mière de leur éveil à la
vie coloniale! Mais je
veux croire qu'actuelle-
ment ce grand fait histo-
ri(|ue est suffisamment
présent à l'esprit de ceux
pour qui j'écris, et qu'il
m'a suffi d'avoir suscité
l'idée de notre voyage
aller pour que chacun
revoie cette aventure
extraordinaire de la des-
cente du Lixingstonc, de
Cinivurc txt.;iitc de S'l.VNt.i:v, /.<■ Cuii/iiioit »iy.\
H.KlicItL-:,
— 7 —
Xyangoué à Banane, les trente-deux combats livrés le
long du fleuve inconnu, les cataractes de Stanley, les
trente-deux chutes des Monts de Cristal, les privations
effrovables, les morts, les massacres
Le g août 1877, ggg jours après avoir quitté
Zanzibar, Stanley retrouvait la civilisation à Boma.
L'Europe émue le traite presque d'imposteur, et se
défie de lui comme certains de nos dirigeants ont essayé
de faire pour nous. Mais il a inspiré confiance au roi des
Belges, et, en 187g, Stanle}^ l'Africain reparaît à l'embou-
chure du Congo, afin d'atteindre à nouveau ce qu'il
appelle le véritable cœur de l'Afrique, dont l'incompa-
rable richesse compensera tous les efforts, tous les
sacrifices qu'on voudra s'imposer pour la mettre à la
portée de l'Europe.
« L'intérieur de l'Afrique, dit l'illustre vo3-ageur
» dans une image des plus saisissantes, peut être
» comparé à une immense noisette dont les 16 millions
» de kilomètres carrés (i) de terres presque planes, désor-
» mais conquises, forment l'amande. On ne tarderait
■') pas à en connaître la valeur si on se donnait la peine
'> de briser, pour l'atteindre, son épaisse enveloppe —
■'> ces 3So kilomètres de rudes montagnes qui la dérobent
» actuellement au monde civilisé. )>
Fiévreusement, Stanley se met à la besogne, recon-
naissant à nouveau, en détail cette fois, le grand fleuve
et ses affluents; passant des traités; échelonnant partout
ses adjoints qu'il enflamme de son entreprenante ardeur.
Et sur les traces de ces audacieux s'élancent
missionnaires, savants, commerçants, et, détail piquant,
on voit arriver des touristes et parfois des voyageurs que
(1) Dont presque le quurt pour le bussin Ju Congo.
9 —
l'enthousiasme saisit au point de les faire combattre à
côté des Belges : tel cet officier américain, le lieutenant
Mohun, agent consulaire chargé de mission au Congo
par son gouvernement, et qui demanda, et obtint, de
pouvoir faire toute la campagne arabe aux côtés de
Chaltin d'abord, de Dhanis ensuite.
Xotre voyage de retour va nous dire maintenant ce
qui s'est fait là-bas, et pour cela nous n'aurons qu'à
rappeler ce qui, à Anvers, a formé incontestablement
le côté attractif et nouveau de l'Exposition,
je veux dire le « Palais Congolais » et
son pittoresque village. En v
entrant le visiteur entrait dans
un monde nouveau et
s'il a pu consacrer à sa
visite le temps néces-
^ ^^^' j ^^^ ^^SP saire et la science
I B^ w^-^' ^L ^^ d'obsen'ation, on peut
V "Wy s* penser qu'il connaît
notre empire colonial
autant qu'il est possible
de le connaître sans avoir
franchi les océans. Et c'est
pour conserver cette impres-
sion, pour affirmer cette
révélation, pour continuer en un mot par le livre le grand
enseignement qu'a été l'Exposition congolaise, que j'écris
cette notice, dans laquelle je ne veux mettre aucun
ordonnancement chapitrai, dans laquelle je ne veux
qu'effleurer quelques-uns des points dont un seul, déve-
loppé en sa complète expression, ferait la matière d'un
gros volume. Je serai le guide accompagnant ses compa-
triotes à travers le compartiment du Congo et fixant, en
quelques mots seulement, les idées et les appréciations.
Peu nous importe les numéros des classes et des sections,
non plus que la distribution des salles ou l'agencement
des collections et des produits : ce que nous faisons n'est
pas un catalogue plus ou moins détaillé, mais une
causerie écrite.
Le grand étonne-
ment allait surtout aux
produits d'exploita-
tion de ce Congo
encore si mys-
térieux que
pres(]uc tous les visiteurs
de l'Exposition d'Anvers,
nationaux et étrangers, se rendaient tout d'abord à ce
compartiment, au-dessus du(]iicl lloUaient des drapeaux
bleus, que semblaient garder et protéger les
grandes divinités de bronze, accroupies en
des poses hiératiques, durant que le service
d'honneur était fait par d'étonnants soldats
noirs, venus de tous les points de l'Etat
Libre, et dont les yeux, très doux et
très expressifs sous les reliefs de
bizarres tatouages, gagnaient les
sympathies de chacun.
Ah! on les regardait bien, ces Bangalas,
ces Basokos, ces Sappo-Zap qui, chez eux,
à notre vue, n'ouvraient pas de plus grands 3'eux !
Puis on entrait et tant de choses s'offraient aux
regards interrogateurs que vraiment on ne savait par où
commencer; et pour cela je n'ai pas craint de m'offrir
comme sruide.
A tout seigneur, tout honneur!
La meilleure place était réservée aux œuvres de la
statuaire chryséléphantine.
Ce joli vocable s'applique à un art négligé jusqu'ici
en Belgique, et qui a fait à Dieppe une telle renommée
que les historiens géographes de la côte occidentale
d'Afrique en tirent argument pour affirmer que ce furent
les Dieppois qui arrivèrent les premiers sur la côte de
Guinée, en i33g, pour y rester jusque vers I4i3, époque
à laquelle la querelle des Armagnacs et des Bourgui-
gnons d'abord, puis la guerre contre les Anglais, firent
— 1.3 —
abandonner par les Dieppois leur colonie de la
Mine où faisaient escale Notre- Damc-dc -Bon-
Voyage, la Vierge^ l' Espérance, le Saint-Nicolas, etc. . .
Ce n'est que plusieurs années après, le passage des
Français étant à peine resté à l'état de souvenir,
que les Portugais firent leur première apparition dans
le pays qu'ils appelèrent El Mina, nom qui subsiste
encore aujourd'hui. Or, disent les géographes français,
dès les premières années du xv<^ siècle, les habitants de
Dieppe étaient déjà renommés pour leur habileté à
travailler l'ivoire; et cet ivoire, qui arrivait en quantité
suffisante pour alimenter une industrie d'une telle impor-
tance, ne pouvait provenir du Portugal, dont les navires
n'allèrent pour la première fois sur la côte d'Afrique
qu'un certain nombre d'années plus tard.
Quoi qu'il en soit des prétentions françaises et
portugaises quant à la priorité de la découverte des pays
situés sur la côte occidentale d'Afrique, remarquons que
l'art de tailler l'ivoire s'est conservé à Dieppe d'où pas un
voyageur ne revient sans avoir emporté comme souvenir
soit quelque pièce artistique de grande valeur, soit
quelque menu bibelot signé « Dieppe ».
Ce travail de l'ivoire se fait aussi en Belgique mais
de façon bien restreinte, car je ne puis vous montrer ici
qu'un exposant industriel, M. Albert Leroy, dont les sta-
tuettes, les christs, les beaux supports de lampe faits
d'un olifant d'ivoire, mille fantaisies délicates, ont
consacré la réputation. Mais, je viens de le dire, son
travail de l'ivoire est industriel.
Et l'idée est venue (i), à l'occasion de l'Exposition
d'Anvers, d'attirer l'attention de nos artistes sur l'emploi
(Ij ^'oir y Art mocleync, \\' aii^ée, ii'is 22 et 25 : ■» La iscnljinin' il'ivoire
14 —
d'une matière dont les tons cliauds, la douceur de travail,
la texture spéciale, vivante pour ainsi dire, permettaient
d'espérer de nos sculpteurs des œuvres rappelant celles
des anciens ivoiriers, des ivoiriers de l'époque gothique
ou du commencement de la Renaissance.
Pour donner une idée de l'importance qu'on atta-
chait au travail de l'ivoire dans l'antiquité, rappelons
que la statue de Minerve à Athènes, fabriquée en or et
en ivoire parles artistes grecs, avait, dit-on, 12 mètres de
hauteur, et celle de Jupiter 16 mètres.
Le musée d'antiquités de la ville d'Anvers possède en
particulier deux statuettes anciennes, en ivoire de l'époque
gothique ou du commencement de la Renaissance, repré-
sentant l'une r (c Ecce homo », l'autre la Sainte-Vierge,
hautes, la première de 40, la seconde de 42 centimètres;
ce sont des œuvres capitales.
C'est surtout le genre religieux que cultivaient les
anciens ivoiriers et l'on peut citer : à Namur, un autel
portatif, une crosse abbatiale unique en Belgique, des
tablettes que les écrivains d'art français se sont plu à
reproduire vingt fois, des christs superbes, dont l'un
dû au ciseau de Duquesnoy, une boîte à hosties
montée en reliquaire offrant la légende de Sainte-
Catherine, etc., etc.; — à Bruges : la Vierge à l'oiseau,
valant 8,000 francs; — à Bruxelles : un Polyptique,
scènes de la vie de Jésus-Christ, et La Passion, Renais-
sance italienne : 10,000 francs.
De nombreux sculpteurs répondirent à l'appel et
nous avons pu admirer les œuvres suivantes :
Vision, de Craco; — Phœbé, de De Rudder ; — Marie
de Nazareth, de De Tombay ; — Psyché, de De Vigne; —
Allegretto et Mincrva, de Dillens; — Saint-Jean-Baptiste
et Saint-François d'Assises, de Dupon; - Cnpidon, de
i5
Jespers; — Buste (V enfant, de Lagae; — Tj/ïj [la Fortuné),
de Samuel; — La toilette ai ï^c petit espiègle, de Van Beur-
den; — Méduse, de Vinçotte; — Vierge, de Watson ; —
Coffret et Vase, de Wolfers,
La moitié de ces œuvres ont trouvé acquéreur au
cours de l'Expo-
sition , et des
c o m m a n d e s
nouvelles ont
été faites.
La tentative
belge de réno-
vation éburine
ne s'en tiendra
pas là, et nous
avons à signa-
ler l'arrange-
ment conclu par
l'Etat indépen-
dant du Congo
avec la société
anonyme VArt,
qui vient de
se fonder à
Bruxelles ; son
but : « l'applica-
tion des arts à
l'industrie en
général et leur
appropriation
aux usages de
la vie ».
L'Etat du
Congo fournira
l'ivoire à la
société rArt, qui
aura la charge
d'en tirer parti
artistique. Grâce
à cette combinai-
son, nous avons
le droit d'espé-
]"er qu'avant peu
sera assurée la réalisation de l'idée suggérée par l'Exposi-
tion d'Anvers : rénovation en Belgique de la sculpture
éburine.
A côté des ivoires sculptés du compartiment congo-
lais, signalons les ivoires peints de Robert Mois et de
Van Engelen, et aussi cette curieuse planche d'ivoire
i6 —
sur laquelle un artiste indigène de Banane a gravé
les signatures des plénipotentiaires de l'acte de la
Conférence de Bruxelles.
Le parti artistique tiré des ivoires congolais, dont
on a disposé un peu partout les énormes défenses, '
est, parmi les multiples manifestations de la (juestion
congolaise, une des plus originales, et pourrait être
une des plus Iructueuses.
17 —
Immédiatement à côté de ce travail de l'ivoire, nous
avons plaisir à admirer l'exposition des meubles faits en
bois du Congo, et les nombreux échantillons de bois de
luxe, travaillés, polis et vernis, par MM. Van Poucke,
Fichefet frères, Sn vers-Rang. J'ai la partie bien belle ici
pour insister sur l'avenir de notre quasi-colonie au point
de vue forestier, et j'en profite.
Tous les voyageurs n'ont pas manqué de s'étendre
complaisamment sur la beauté des colosses de l'Afrique
équatoriale. Je n'aurai pas recours à leurs descriptions,
car je me place ici surtout sur le terrain économique.
Dès l'arrivée des blancs sur le Haut-Fleuve, la forêt
fut mise à contribution pour l'édification des premiers
bâtiments : en i883, à l'Equateur, Van Gèle faisait
confectionner des planches d'un
bois jaune, signalé par les " -t^^M^^^
indigènes comme très résistant
et inattaqué par les ter-
mites. Dix ans plus tard,
en i8q3, nous reprimes ~— ^'\>r^r?rfnï^:;!i!5"trir.^
toutes les planches l Van ^^^^^^^-^^mM
Gèle pour en faire le plan- fe^c*^ £^~ i
cher d'une de nos maisons à
Coquilhatville; ces planches, bien sèches, se travaillaient
aussi docilement qu'on le pouvait désirer, et, comme
l'avaient assuré les indigènes, elles se conservaient par-
faitement. Aussi est-ce à ce bois jaune que le blanc a
actuellement grand recours à l'Equateur même, pour ses
constructions et pour la confection de tous ses meubles.
A Loukoléla, les missionnaires anglais emploient
une essence brun rougeâtre de toute beauté.
Parmi les bois dont les indigènes font leurs pirogues,
— IJ
nous remarquions des essences aussi belles que l'acajou.
Bref, des échantillons de tous ces bois furent adressés
au Gouvernement, qui les fit examiner par des spécia-
listes dont l'avis fut unique.
Ainsi MM. Westphall et Spiess, de Hambourg,
écrivaient le 23 janvier 1893 :
« Pour ce qui concerne l'acajou africain, l'opinion
générale sur la place de Hambourg est qu'il est appelé
à un grand avenir, bien qu'il le cède en qualité à celui
de l'Américjue centrale, qui est introduit ici sous le
nom d' acajou de Tabasco. »
D'autre part, des fabricants demandaient des échan-
tillons de grandes dimensions, suffisants pour en confec-
tionner des meubles. Satisfaction leur lut donnée : les
échantillons de bois, si coûteux que fut leur transport,
arrivèrent de partout : du Mayombe, de Léopoldville,
de l'Equateur, de Basokos...
Leur examen, leur mise en œuvre, permirent à
MM. Fichefet, constructeurs à Bruxelles, d'écrire la note
suivante :
« Bruxelles, le 27 avril 1894.
)) Notre industrie doit avoir recours à l'importation
pour se pourvoir de la plus grande partie des bois
employés dans les constructions du matériel de chemin
de fer, les constructions navales, l'ébénisterie, etc..
» L'Amérique, les Indes, la Russie, la Scandinavie,
nous expédient des bois en énorme quantité.
» Le Congo possède des forêts immenses, boisées
d'arbres aux proportions gigantesques ; les essences sont
multiples; elles peuvent très avantageusement concourir
avec celles que notre industrie utilise.
ig —
20
» Un premier arrivage de bois encore verts nous est
parvenu il y a quelques mois seulement ; des échantillons
des diverses essences ont été soumis à plusieurs épreuves
qui devaient fixer leurs qualités.
» En présence des résultats obtenus, nous n'avons pas
hésité à faire construire l'ameublement qui figure dans la
section congolaise de l'Exposition universelle d'Anvers.
Son examen fait constater que les bois du Congo se
prêtent parfaitement bien aux travaux d'ébénisterie et de
sculpture.
)) Nous exposons également une série d'échantillons
de bois polis et bruts; ils accusent les coloris les plus
divers et une texture homogène.
» Pour déterminer la qualité de ces bois au point de
vue industriel, il a été procédé à des essais au banc
d'épreuves de l'administration des chemins de fer de
l'Etat, à Malines. Les essais ont porté sur la densité, la
résistance à la compression et à la flexion.
» Le tableau suivant donne les résultats moyens
fournis par de nombreuses expériences :
DÉSIGNATION
DES
BOIS
DENSITÉS
par tonne,
en
kilo^'nuinncs.
CHARGES
de rupture à la
compression
par centimètre carré
de stirface,
en kiloLTMiniiics.
LIMITES
de tension à Ja flexion
dans les filtres
extrêmes par mmz
de section,
en kiloijra mines.
Sanga
! Séké
Talanti
Kafkaf
Sambi
Vouckou . , . .
g5o
75o
75o
775
725
600
600
5 00
525
5oo
425
375
9>5o
g, 00
8,75
8,5o
8,25
5,5o
21 —
» Pour comparaison nous donnons quelques chiffres
concernant les principales essences de bois, générale-
ment employées dans l'industrie :
DÉSIGXATIOX
DES
BOIS
DENSITÉS
par tonne
en
kilogrammes.
CHARGES
de rupture à la
compression
par centimètre carré
de surface,
en kilogrammes.
LIMITES 1
de tension à la flexion
dans les fibres
extrêmes par mma
de section,
en kilogrammes.
Sapin rouge .
Orme
Chêne du paj-s . .
Chêne d'Amérique .
Teck
Hêtre
Pitchpin . . . .
Frêne
575
525
725
800
700
700
625
700
275
400
400
425
425
5oo
5oo
525
4,00
5,75
6,00
6,5o
6,5o
7,00
8,00
8,00
» L'examen comparatif de ces deux tableaux montre
que la résistance des bois du Congo, malgré un séchage
forcé, est généralement supérieure à celle des bois utilisés
dans l'industrie.
» Les échantillons qui figurent à l'Exposition
d'Anvers permettent de se rendre compte de la texture et
du coloris des divers bois qui ont été soumis au banc
d'épreuves de Malines ; les autres échantillons dont les
noms ne figurent pas au premier tableau ci-dessus, repré-
sentent des essences nouvelles qui nous sont pan,-enues
tout récemment du Congo.
« {signé) FicHEFET Frères. »
Au document précédent, nous sommes en mesure
d'ajouter des renseignements concernant les vingt et
- 22
J
quelques échantillons de bois exposés au compartiment
congolais :
I. — Le « Sanga )> est le hêtre, mais beaucoup plus
lourd et beaucoup plus fort.
Bois de charronnage; se sculpte très bien ; bon pour
les modeleurs.
II. — Le « Sékéy^ est l'un des bois les plus résistants
trouvés jusque maintenant.
Aux essais de flexion, dès que la charge de rupture
est atteinte, le séké^ au lieu de se briser suivant une
section transversale et irrégulière par rupture des fibres,
offre une espèce de détorsion des fibres qui s'allongent et
qu'on peut, après l'expérience, détacher tout du long de
la pièce d'épreuve ; les morceaux ont l'aspect de torons de
chanvre détordus.
Le séké est analogue au no3'er d'Amérique.
III. — Le (c Talanti » a beaucoup d'analogie avec le
chêne, sans avoir une texture aussi fine.
IV. — Le « Kafkaf » est à peu près l'acacia.
Trouvera son emploi dans la grosse construction du
matériel roulant : voitures de chemin de fer, tram-
ways, etc.
W — Le « Sambi '•-> a beaucoup d'analogie avec le
teck.
Ebénisterie. Voitures de tout genre.
VI. — Le « Voiickou » ressemble au poirier.
Ebénisterie. Voitures de tout genre.
\'IL — Le « Sénonné >'. Bois inconnu dans le
commerce, mais de texture et surtout de couleur riches.
Sera très bien accueilli sur le marché, car il est bien
supérieur à l'acajou sous tous les rapports : finesse de
mailles, facilité de travail, etc.
— 23 —
VI IL — Le c( Gaïac », ou du moins un bois d'une
dureté exceptionnelle, en tout semblable au gaïac.
TrèsutilisépourroulettesdepianoSjlits, fauteuils, etc.
Trop dur pour meubles. Doit être travaillé au tour.
IX, — L' (c Acajou véritable ».
Grande valeur. Usages connus.
X. — L' « Acajou blanc ».
Beaucoup plus beau que l'acajou rouge.
Très peu connu. Avenir certain.
XL — Nouvelle essence d'une texture très fine.
A l'étude.
XI L — N^ouvelle essence d'une texture très fine.
A l'étude.
XI IL — « Bois de Satin ».
Bois moiré très employé en Hollande et en Angle-
terre pour chambres à coucher de luxe.
L'Amérique, les Antilles en font d'importants envois.
Xn^. — Un bois absolument identique au chêne.
Bois de valeur.
X\\ — Le <c Faux Ebène », emplo^^é partout pour
l'ébène.
X\T. — Le « Tcze », analogue au buis de Turquie,
plus fin que le buis d'Amérique.
Très lourd. Employé pour les métiers à tisser, les
queues de billard.
X\^II. — Un bois dont les branches servent à faire
les flûtes, les clarinettes, etc.
C'est peut-être le « Bois Guitare » (lutcum quadran-
gulare ou villosum) employé pour la menuiserie fine et
les instruments de musique.
XVI IL — Le « Palissandre ».
Bois d'un noir violet bien connu.
24 —
Ce bois, écrit le capitaine américain Camp, peut être
appelé le bois impérissable du Congo, pour tous les
usages. Il vient à meneille dans le Haut-Fleuve; les
immenses pirogues des Falls sont en
bois de palissandre.
XIX. — Le «- Bois de Fer •>■>.
D'une dureté telle que nos herminettes s'y pliaient et
que nos haches s'}" émoussaient.
XX. — Le « Tacoiila ».
Bois de teinture rouge.
Les indigènes de tout le Congo obtiennent, par le
frottement de deux morceaux de tacoida huilés, une
poudre tinctoriale dont ils forment des pains ou des
bâtons extrêmement friables, poreux et légers ; ^^
c'est le fard africain par excellence, utilisé par ^
les coquettes, soit pour s'en couvrir le corps
entier, soit pour se garnir la tête de petites
boules cliquetantes; les féticheurs emploient
^
également
le n'^oula (nom
indigène
de
cette teinture) comme médicament souverain,
et peut-être n'est-il pas plus mauvais de se contenter
de mettre le malade au rouge que de lui faire avaler les
drogues de nos esculapes blancs.
Le n'goula remplace enfin pour les dames noires le
camélia rouge des Européennes.
Cette teinture a été analysée par M. E. Hardman
Ta3dor, à Anvers, et estimée de bon rapport tinctorial.
Le tacoida poli et verni est d'un ton rouge éclatant
remarquable.
XXL — Le « Bois à feu des Mongos ».
Ce bois à feu remplace, chez
les populations du centre de
l'Afrique, notre briquet à silex.
— 25
J'eus souvent plaisir à voir ces ingénieux moricauds
réussir en une demi-minute à obtenir du feu par le frot-
tement d'un bâtonnet dans une rainure de ce bois à feu.
L'opération exige deux hommes : l'un tient ferme à terre
le morceau de bois muni d'une rainure; le second pro-
mène la pointe du bâtonnet de même bois dans la rainure,
d'abord lentement, puis en accélérant le mouvement
autant qu'il peut.
Comme ce bois est excessivement sec et tendre, il se
forme dans la rainure une véritable mousse qui s'échauffe
au point de bientôt fumer et s'enflammer; on la verse
alors dans le creux d'une torche de feuilles-amadou qu'on
agite vivement et qui flambe joyeusement, toute l'opéra-
tion n'ayant pas demandé trente secondes.
Le bois à feu des Mongos, si léger, si inflammable,
serait peut-être d'une bonne utilisation dans la fabrica-
tion de la poudre.
XXn. — Le « Golmanda ».
Bois extrêmement facile àtravailler; sert en Afrique à
sculpter quantité d'objets, fétiches, ustensiles, etc.
XXI IL — Echantillon de bois remarquable pour
l'ébénisterie.
Possède un grain et un fil très curieux. M. Snyers-
Rang expose un meuble où ce bois inconnu figure de
façon adorable.
XXn\ — Bois imitant à s'y tromper le « Bois
de Rose )).
XXV. — Bois analogue au cèdre.
Ces bois si nombreux, si divers ne sont-
ils pas une des richesses de l'Afrique? Si.
— 26 —
Voici ce qu'écrit Hutton, le commerçant de
Liverpool :
ce Actuellement le principal genre de bois exporté
d'Afrique est l'acajou, et pendant les années 1891-92 le
commerce s'en est étendu énormément.
» Il y a quelques années les exportations étaient
virtuellement nulles, tandis qu'en 1892, elles ont monté à
environ 8 à 9000 tonnes pour le seul marché de Liverpool.
» Ce bois est si prisé des acheteurs qu'on peut dire
que le tout a été mis en consommation.
)> L'acajou de Liverpool vient surtout de la Côte
d'Or et la meilleure qualité vient d'Axim, Assinie et les
environs. »
On a commencé aussi à importer de la côte d'Afrique
le cèdre qui, jusqu'ici, venait principalement de la Floride
et d'Alabama.
Le cèdre est employé surtout à la fabrication de
cra3'ons et de boîtes à cigares, et arrive, soit en blocs, soit
déjà débité en petites planchettes larges de 8 à 16 centi-
mètres.
Voici , d'après M M . Westphal et Spiess de Hambourg,
un aperçu général des entrées en bois étrangers, à
Hambourg, en 1891 :
Cèdre pour boites à cigares. . 56o tonnes
Cèdre pour crayons .... 23o »
Noyer i,763 »
Buis 237 •>•>
Acajou 557 »
Bois de satin 116 »
Teck 195 »
Grenadille d'Afrique. . . . 430 » (en 1892)
Ebène 639 »
Jacaranda d'Afrique .... 486 »
— 27
A côté de ces
bois, dont beau-
coup viennent déjà
d'Afrique, se pla-
quels on s'attaque, il faut
lo mètres au-dessus du sol, à
entre leurs contreforts.
cent quantité d'autres
essences : l'olivier ;
les bois de violette,
de perdrix ; l'écaillé
de tortue...
Tout fait espérer
que les équivalents
de ces bois se trou-
veront au Congo et
augmenteront encore
l'importance déjà si
considérable du
domaine forestier.
Un dernier mot :
on voit débiter cou-
ramment à Louko-
lèla, par les missionnaires
anglais, des arbres four-
nissarit20oà225 planches
de 3 mètres de long sur
3o centimètres de large.
Et encore on ne dispose
pas de moyens suffisants
pour abattre et débiter
les vrais géants de la
forêt ; et les arbres aux-
les aller entamer à 8 et
l'aide d'échafaudages calés
i3 octobre 1894.
J'ai abandonné ce travail
pendant quatre jours, pour
aller recevoir Dhanis à Fles-
singue, et n'eussé-je pas eu,
comme raison première, la joie
de donner l'accolade au plus tôt au
camarade d'école militaire et d'Afrique,
que je me réjouirais encore d'avoir pris part à
l'émotionnante rentrée du valeureux jeune officier. Je
me réjouirais parce que c'était une douceur pour nos
cœurs d'hommes, une fierté pour nos cœurs de Belges,
une récompense pour nos cœurs d'Africains, que le
spectacle de cette foule dont les acclamations enthou-
siastes emplissaient les airs, dont l'élan spontané disait
le sentiment d'absolue sympathie pour ce courageux, en
qui tous personnifiaient momentanément la grande
œuvre du Congo et qui, à ce titre, avait vu sur son
passage, de Flessingue à sa ville natale, s'incliner des
pavillons français, anglais, allemands, néerlandais
Et ce n'était pas le salut banal de bateau à bateau,
car durant que ces pavillons étrangers lentement descen-
daient très bas, les équipages envoyaient au vainqueur
un triple hourrah et des vivats où trois noms vibraient
triomphants : le Koi — Congo — Dhanis !
Une œuvre est grande, un pays est sur du respect
des peuples, qui savent par leurs actes aller chercher au
3o
X
tréfonds des âmes les sentiments de noble fierté, de
patriotique reconnaissance, d'enthousiasme national (jui
viennent de s'affirmer si nettement sur la tète du petit
lieutenant belge.
Et nous, nous nous réjouissons pour IVcuvrc
coloniale réalisée à travers tous les obstacles par le Roi-
Souverain, continuateur de la pensée paternelle, dont
aujourd'hui le legs redoutable est bien près d'être
revendicjué par la nation tout entière.
Comme je rentrais ayant encore aux oreilles et le
chant national et la Marche Dhaiiis, je n'ai pas su me
remettre de suite au travail ; j'ai ouvert des carnets de
notes de là-bas, pour y relire des pages en harmonie
avec ce que je venais de voir et d'entendre. Et j'ai lu
pour la dixième fois, ces lignes écrites à Lousambo par
le commandant Fivé :
(( 25 février i8g3.
)) Cette nuit un courrier arrive annoncer c]uc
Brasseur a doublé hier l'étape et qu'il sera sur l'autre
rive, en face de Lousambo, à g heures du matin.
» Ça n'a l'air de rieji, n'est-ce pas? de lire a doubler
l'étape! »
)) Mais hier après-midi il y avait 40" de chaleur, et
je puis vous assurer (|ue c'est dur d'aller dix heures de
marche par monts et par vaux !
)> Arrivée des troupes de Loulouabourg!
)) Deux coups de feu les annoncent à l'autre rive.
)) Le steamer que nous avons fait mettre sous
— 3i —
pression, répond par un long coup de sifflet, et part
aussitôt pour le transbordement.
» Un quart d'heure après l'on entend le son des
tambours et des flûtes ! A mesure qu'approche le
bateau, on distini^ue l'air! C'est ma foi la Brabaiicounc
qu'ils jouent, ces soldats!
)) Pas un de nous qui ne sente ses veux se gonfler de
larmes lorsqu'ils défilent musique en tète î Rien ne
peut donner une idée de la bizarrerie de cette troupe.
Dépenaillés, maigres, les bonnets chargés de plumes,
secs et les veux brillants de fièvre comme des gens qui
viennent de marcher et de combattre pendant un mois,
ils sont malgré tout très crânes, ces loqueteux ! Ils
rappellent, avec leur barbe, leurs cheveux incultes,
leurs allures de déhanchés, les vieux grenadiers de
Napoléon 1"='". Leurs fusils sont ornés de mille façons ;
ils traînent derrière eux une population de 12 à
i,5oo individus. Le steamer doit faire sept passages
pour amener tout ce monde, parmi lesquels deux
grands chefs noirs : Zappo-Zap et Kanda-Kanda.
» Les blancs sont Brasseur, Doorme, et deux sous-
officiers.
» Pendant que cette colonne fait son
entrée dans la station, débou-
chent, venant de l'Est, des gens
de Gongo-Loutèté, amenant des
prisonniers faits aux Arabes.
» Il V a plus de 5, 000
personnes dans la station de
Lousambo.
32
)) Les 125 soldats Elminas et Baloubas manœu-
vrent, sous la direction du lieutenant Doorme, à
faire rougir les soldats belges. Ils exécutent le manie-
ment d'armes, l'école'de compagnie, les tirailleurs,
avec un ensemble remarquable.
» Leur défilé, musique en tête, est tout bonne-
ment splendide î
)) L'entrain est grand!
Doorme, qui a déjà prolongé
son terme de huit
mois, vient encore
de se décider
à rester. »
•
« Vendredi 3 mars.
» Premier départ.
)) Les soldats de Louloua-
bourg partent, musique en tête, sous
le commandement du lieutenant Doorme.
» Très crânes tous ces soldats qui s'en vont en
chantant.
» Ça empoigne! Il n'y a pas à vouloir lutter contre
ce sentiment!
» Ces gens qui partent avec des airs de casseurs
d'assiettes pour aller se faire tuer en chantant, sont
tout ce que vous voudrez... des sauvages... des fous...
c'est possible, mais ils sont admirables. »
II
33
« Vendredi lo mars.
» La colonne est en route vers Nyangoué. Huit cents
personnes !
» Aucune description ne pourrait rendre un pareil
départ de sauvages en appareil de guerre : depuis le
fusil à pierre préhistorique jusqu'au Mauser, tous les
systèmes de fusils, — des couteaux, des lances, des
arcs, des flèches, des bâtons pointus, — toutes les
coiffures, plus bizarres et plus couvertes de plumes les
unes que les autres : chapeaux de paille, de feutre,
d'étoffe, de peau, — bords sans fond, les cheveux
crépus mêlés de plumes remplaçant le fond, — bonnets
de police en flanelle rouge, bonnets grecs, bonnets de
coton
» Et tout ce monde part gaiement.
» Et au loin nous voyons la colonne serpentant dans
la montagne, le grand drapeau bleu étoile flottant en
tête Le steamer a fait demi-tour, et nous redescen-
dons la rivière. Un coup de sifflet prolongé, strident,
en signe d'adieu, auquel de la montagne répond un
immense cri : « Moyio! » (ami).
» C'est plus émouvant qu'il est possible de le croire.
34
ces bordées de patriotisme au milieu de ce sauvage
paysage.
)) Ah ! ces Arabes nous auront donné bien de la
tablature, mais quel succès si nous parvenons à en débar-
rasser le pays
» Lorsque ces nouvelles arriveront en Belgique,
nous serons ou vainqueurs et alors nous occuperons
le Manyéma; ou vaincus, et alors gare la casse! »
Et de fait, nous sommes vainqueurs. Mais lorsque
les premiers bulletins de victoire arrivèrent ici, ce fut
presque l'incrédulité générale qui les accueillit. Il fallut
accumuler les bulletins glorieux; il fallut marcher de
victoire en victoire pour convaincre le pays que ses
enfants lui conquéraient de la gloire, que plusieurs, hélas !
payaient de tout leur sang. Ponthier, de Wouters,
de Heusch sont tombés lace à l'ennemi, et nous
n'oserons pas vouloir désormais qu'ils dorment plus long-
■ - _ temps en terre étran-
i--^
gère
35 —
Je reviens à l'Exposition, content d'avoir dit une fois
de plus un peu de ce qui me tient tant au cœur.
Une des plus grandes richesses de ces pays, où nous
avons trouvé du lustre pour le nom belge, est le caout-
chouc.
Le caoutchouc du Congo est
fourni actuellement surtout par
des lianes du genre Landolphia, ^ yà
portant de nombreuses fleurs ^^ 'S^-
blanches^ de parfum exquis.
Les indigènes* n'utilisaient
guère de ces lianes que leurs fruits,
dont d'aucuns du volume et de la
forme de très grosses oranges;
d'autres petits, ronds et bruns;
d'autres encore allongés en poire
et rougeâtres; ces fruits renferment
de grosses graines entourées d'une
pulpe à saveur acide, très recher-
chée des noirs.
Il y a trois à quatre ans à peine, le f
latex des lianes à caoutchouc n'était
guère exploité que dans le sud de l'Etat du Congo,
surtout dans les bassins du Kwango, du Kassaï, et dans
le Katanga ; le commerce du caoutchouc était, dans
ces régions, très actif et très rémunérateur. Dans
le reste de l'Etat, à peine les indigènes recueil-
laient-ils, bon an mal an, quelques kilo-
grammes de la précieuse substance,
dont ils n'avaient guère d'emploi, sinon
pour garnir les mailloches de leurs
tam-tam.
— 36
La présence de l'Européen, initiateur d'une exploi-
tation raisonnée, a fait qu'aujourd'hui on peut considérer
toutes les populations congolaises comme ayant compris
l'immense valeur de cette richesse naturelle.
Diagramme montrant le développement de l'exploitation du caoutchouc.
A l'examen de cette courbe, on ne s'étonnera pas
d'apprendre que la capacité maximum du portage à dos
d'homme, insuffisante depuis longtemps pour l'amenée
des marchandises de Matadi à Léopoldville, est devenue
également insuffisante pour le transport, de Léopoldville
à Matadi, des stocks de caoutchouc envoyés de tous les
points du Congo; ce qui n'empêche qu'il y a quelques
mois nous avions la grande surprise, le commandant
Van Gèle et moi, de nous entendre demander par un
37 -
ingénieur électricien, grand industriel très connu à
Bruxelles, s'il y avait du caoutchouc au Congo. Nous nous
expliquâmes, par cette demande, l'opposition systéma-
tique qu'il faisait à l'œuvre du Congo.
Il nous paraît intéressant de dire ici un mot des
diverses méthodes d'exploitation du caoutchouc au
Congo.
L'Exposition d'Anvers met sous nos yeux du
caoutchouc portant comme indications les lieux de prove-
nance : Kassaï, Lopori, Kwango, Loulou, Arouwimi,
Quelle...
Ces divers caoutchoucs, examinés par les courtiers
des marchés de Liverpool, d'Anvers, de Hambourg, ont
été estimés à des prix divers, allant de 4 fr. à 7 fr. 5o le
kilo.
Cette différence de prix, pour autant qu'on puisse se
prononcer actuellement, ne parait provenir que du mode
de cueillette et non d'une différence dans les plantes
productrices.
AVjici les petites boules dites caoutchouc-cerise;
elles valent 4 francs le kilo.
Pour les préparer, l'indigène incise la liane, recueille
le suc dans le creux de la main, puis s'en barbouille les
bras et la poitrine. Sous l'influence de la chaleur, grâce
aussi à la grande surface d'évaporation, le latex se
coagule; l'indigène le détache alors de sa peau et le met
en boules.
Ce procédé est usité presque partout; il est long et
fatigant.
38
Dans le Kwango on coupe toutes les petites branches
des lianes, on recueille les racines ; on bat le tout après
avoir trempé dans l'eau chaude; on obtient ainsi une
masse très mélangée de fibres et de débris d'écorce, ce
qui en diminue naturellement la valeur.
Actuellement, sous notre impulsion, la cueillette du
caoutchouc se fait en pratiquant des entailles dans les
lianes (qu'il faut avoir soin de ne jamais couper), et en
recueillant le jus dans des récipients où on produit la
coagulation par l'addition d'ingrédients divers; ainsi
dans le district de l'Equateur on a trouvé récemment qu'il
suffisait de quelques gouttes du jus d'un fruit sauvage
pour obtenir la coagulation parfaite du latex des landol-
phia. Ce fruit sauvage est le « ntoundoulou » de la région
des cataractes, lequel n'est autre chose qu'une amome,
Yamomum citratum dont l'aire de dispersion couvre tout
le territoire de l'Etat Indépendant du Congo, et dont les
fruits, d'un beau rouge brillant, ont une pulpe d'une
saveur acidulée et parfumée, fort agréable, qui les fait
vivement apprécier des noirs et des blancs.
Selon la forme du récipient, et aussi la quantité de
latex recueilli on obtient des blocs de caoutchouc pur, de
formes et de volumes des plus variés.
A côté des lianes, l'arbre à caoutchouc a été signalé
au Congo par Le Marinel dans le Kassaï; une des photo-
graphies de l'exposition porte comme mention : Sniida,
arbre à caoutchouc.
En 1892, étant en reconnaissance dans la
Boussira, mes hommes m'amenèrent, au village
Boukouti, devant un arbre encore en buisson en
me disant : « Voici un arbre dont on tire du
caoutchouc ».
Je cassai quelques branches qui laissèrent suinter
un latex d'une blancheur parfaite, épais et se coagulant
entre les doigts. Heureux de ma trouvaille, je cueillis
une ramille pour la rapporter à l'Equateur comme
échantillon, mais lorsque je voulus me rembarquer, le chef
me pria de ne pas emporter la branche cueillie dans son
village : « Mes hommes assurent que tu vas t'en servir
pour nous jeter un sort. » Je dus m'exécuter pour ne pas
compromettre inutilement l'alliance que nous venions
de conclure.
Quoi qu'il en soit, je pense pouvoir avancer l'existence
d'un arbre à caoutchouc exploitable dans le district de
l'Equateur.
Les applications industrielles du caoutchouc sont
telles, et s'étendent encore journellement de telle façon,
que l'on n'a nullement à craindre d'en inonder les
- 40 —
î
marchés au point d'en faire baisser la valeur; et le Congo
pourrait en envoyer annuellement 10,000 tonnes en
Europe qu'on ne lui demanderait qu'une chose: en envoyer
le double. Pourra-t-il le faire ! c'est-à-dire les essences à
caoutchouc ont-elles un assez grand développement pour
assurer une pareille production? Je crois pouvoir
répondre affirmativement en me basant sur le fait sui-
vant : la factorerie de Bongandanga (Lopori) établie à la
fin de i8g3, en une région où l'indigène ne connaissait
pour ainsi dire pas le parti qu'il pouvait tirer du caout-
chouc, rapporte actuellement environ 2 tonnes de caout-
chouc par mois. On estime que le rayon d'action de cette
factorerie, s'étend à 25 kilomètres en amont, 25 en aval
le long des rives. Ces chiffres montrent qu'en un an
24 tonnes de caoutchouc sont actuellement recueillies sur
5o kilomètres de rives abordables aux vapeurs du Haut-
Congo. Or, le réseau navigable aux steamers, actuel-
lement reconnu en amont de Léopoldville, est de
3o,ooo kilomètres, ce qui représenterait d'après les
résultats de Bongandanga un total de '~ x 24 = 14,400
tonnes de caoutchouc, ce (jui, au prix moyen de 5 francs
le kilo, représenterait en Europe une somme de 72 mil-
lions de francs, tout en assurant aux finances du jeune
Etat, à raison de 40 centimes de droit de sortie au kilo,
la jolie somme de 5,760,000 francs.
Pour le moment le caoutcliouc du Eopori vaut
6 fr. 75 le kilo.
M. Eug, l^avoux, ingénieur et industriel bruxellois
expose de façon très intéressante les transformations
industrielles et les pioduits manufacturés du caoutchouc
du Congo.
Il est entré en Belgique, en i8g3, 854 tonnes de
caoutchouc brut et 2,200 tonnes de caoutchouc ouvré.
— 41 —
42
A l'étude du caoutchouc se rattache une importante
question : Y a-t-il au Congo de la gutta-percha?
Je crois pouvoir répondre affirmativement, et je vais
tâcher de le prouver.
En i8gi et en 1892 le gouvernement de l'Etat reçut
deux échantillons d'un produit d'exploitation, envoyés,
l'un par Van Gèle et provenant du Haut-Oubanghi,
l'autre de l'Equateur et provenant de la Louàpa (Haute-
Boussira).
Je n'ai pas la lettre d'envoi de A'an Gèle.
Mon premier échantillon était ainsi présenté :
<c A^oici un produit dont les indigènes se servent pour
fixer les plumes de leurs flèches, les têtes de leurs
pipes sur les tuyaux, pour calfater les vases
fêlés, etc. Tf
» C'est la première fois que ^^^-tt^t.
je remarque ce produit. Mes
hommes me disent qu'il existe à
'Equateur. »
Un mois plus tard, de retour à
Coquilhatville, je pouvais m'assurer que mes noirs ne
m'avaient pas trompé, car, en une demi -journée, ils
m'apportèrent une trentaine de kilos du dit produit,
qu'ils nommaient : o bouloungou ».
C'est une sorte de poix végétale, visqueuse à sa sortie
de l'arbre, s'accumulant à terre en gros blocs d'un beau
jaune de soufre. Peu à peu leur surface rougit; ils se
durcissent et finalement s'effritent en lamelles dures et
noires.
Pour dégager cette résine de ses impuretés (terre,
écorces, feuilles), les indigènes la font chauffer avec de
- 43 -
l'eau et la malaxent fortement; ils en façonnent des
espèces de courtes et grosses saucisses après avoir eu soin
de se huiler légèrement les mains.
L'examen que nous en fimes avec le docteur Char-
bonnier nous les fit. caractériser comme suit :
(( Le produit obtenu est dur et d'aspect brunâtre,
cassant au marteau, à arêtes nettes et tranchantes; il
est amorphe, sa densité est très voisine de l'unité.
» Enfin le bouloitngoii est très peu soluble dans
l'alcool froid et complètement soluble dans le chloro-
forme et l'éther. »
Ces caractères rapprochent considérablement le
bouloungcu de la cire Carnamba ou èire du Brésil, utilisée
pour durcir la paraffine et en retarder le point de fusion.
Voici maintenant la suite qui fut donnée à l'envoi de
Yîxn Gèle et aux miens :
Analyse du capitaine Gody,
professeur de chimie à l'Ecole d'application,
ly janvier i8ç3 :
« Divers essais faits pour qualifier d'une façon pré-
cise la nature de cette substance prouvent que c'est de
la gutta-percha mêlée à quelques résines et à un peu de
calcaire. »
A nalyse faite à A nvers
par les soins de
M. A. de Browne de Tiège :
(( Gutta-percha valant de g à 17 francs le kilo.
— 44 —
i
Analyse faite A Anvers
par M. E. G r isard,
1^'' février i8ç3 :
« Ce produit n'est ni du caoutchouc ni de la gutta-
percha,
)) Il s'agirait là d'une résine laque assez impure
emploN'ée dans la fabrication des vernis. »
Analyse faite à Hambourg
par les soins de MM. Westphal et Spiess,
8 février iSç3 :
« Sorte de cire végétale. Dans l'état actuel nous ne
ne savons pas si ce produit touverait acheteurs. »
Recherches
de M. le conservateur Bominer,
du Jardin botanique de F Etat :
« Malgré de longues et minutieuses recherches dans
nos collections et bibliothèques, nous ne sommes pas
parvenu à découvrir la nature et le nom de cette
A la suite de tous ces avis contradictoires, l'un affir-
mant que le bouloungou était de la gutta-percha, un autre
qu'elle n'avait de ce produit que le nom, un troisième
(ju'il n'avait qu'une valeur minime, un quatrième que
c'était un produit inconnu, le gouvernement de Bruxelles
a prié Borna de demander de nouveaux échantillons à
l'Equateur et dans l'Oubanghi - M'bômou, afin de
reprendre et de compléter les premières expériences.
Entretemps, l'attention était éveillée et le Secrétaire
d'Etat de l'Intérieur se mit en relations, à l'effet de se
- 45
procurer des graines et de jeunes plants pour l'introduc-
tion de la gutta-percha au Congo, d'abord avec le direc-
teur des K Royal Gardens » de Kew, près de Londres,
ensuite avec le gouvernement des « Straits Settlements, »
aux Indes.
Le consul belge de Smgapore, M. de Bernard de
Fauconval, s'employa très activement à répondre aux vues
congolaises. Grâce à lui furent réunis 1,200 plants d'un
Dichopsis donnant une gutta aussi bonne que celle
fournie par VIsonandra Percha véritable.
Ces plants , après avoir été
examinés par AL Ridley, directeur
des forêts, furent embarqués à bord
d'un bateau allemand quittant Sin-
gapore pour Anvers, où M. Van
Heurck, directeur du Jardin Bota-
nique, en lit la réception.
Les soins les plus minutieux
avaient été pris par M. de Fauconval,
qui avait promis une récompense à
un des stewards du bateau si les \
plants arrivaient à Anvers en bon
état; les dits plants étaient placés
dans des caisses spéciales, au nombre
de vingt, mises au départ dans une
cabine de 3^ classe.
A l'arrivée à Anvers il fut constaté
que les vingt caisses avaient été empi-
lées sur trois rangs de hauteur, et
qu'au lieu de bien aérer la cabine, ainsi que cela avait
été recommandé expressément, elle avait été rendue
inaccessible par l'accumulation dans l'entrepont de plu-
sieurs centaines de sacs de riz. Dans ces conditions, les
- 46
caisses supérieures ayant seules reçu de la lumière, sur-
tout celles voisines des hublots, contenaient des plantes
saines.
Le directeur du Jardin Botanique soigna le mieux
possible la centaine de plants arrivés en état de reprendre
vigueur, et le 6 décembre i8g3 ces plants partaient pour
Boma, confiés aux soins d'un agent ayant reçu de M. \'an
Heurck les instructions nécessaires aux soins à leur
donner en cours de route et à la plantation à en faire à
Boma, d'où le gouverneur général écrivait à la date du
25 janvier 1894 :
« Une centaine des boutures de gutta-percha
envoyées de Singapore par Anvers, sont arrivées à
Boma avec quelques chances de i^prendre ; dès leur
arrivée elles ont été plantées avec beaucoup de soins
dans le jardin de la force publi(pic.
•» L'examen fait après trois semaines de mise en terre
a montré qu'une trentaine de boutures seulement
reprennent, »
L'envoi de ces boutures a coûté 2,5oo francs et causé
un échange de correspondance extraordinaire. C'est un
des exemples si nombreux montrant les difficultés de
tout genre avec lesquelles se trouvent aux prises les
colonisateurs belges, et le gré qu'on doit leur savoir de
ne jamais se laisser décourager.
En revanche, que ne peut-on récompenser à leur
juste valeur les négligences qui compromettent les soins
et les efforts des consciencieux !
Pour en finir avec la gutta-percha, signalons que
d'après divers renseignements, le « Maloumbo » du Bas-
Congo serait si pas 1' « Isonandra- Percha » ou guUa de
première (Qualité, du moins la « Balata » cjui remplace
47
dans certaines industries la gutta-percha. j'ignore ce
qu'est cet arbre appelé « Maloumbo » dans le Bas-Congo,
Il serait intéressant de s'assurer si ce n'est pas le sapotil-
lier (açliras sapota), très commun au Soudan français et
qui laisse exsuder par incision un suc laiteux qui n'est
autre que la gutta-percha.
Ce fait est reconnu depuis peu de temps ; les nègres
qui apportaient ce produit à la côte se le voyaient
régulièrement refuser par les négociants, comme étant un
caoutchouc de mauvaise qualité.
Le hasard fit qu'un jour un échantillon tomba entre
les mains d'un pharmacien de marine qui le rapporta en
France pour l'analyser ; le résultat de cette analyse fut
que le produit dont il s'agissait n'était nullement du
caoutchouc, mais bien de la gutta-percha.
Les graines de sapotillier renferment un corps gras
qui prend la consistance du beurre, mais qui n'est pas
utilisé. L'écorce est employée en pharmacie; le fruit, la
sapotille, est sucré, fondant, et contient un parfum très
CléllCat. 'Xotife nf» \ sur les Colonies frniiçaisps.)
De tout ce que nous venons de dire, il nous parait
résulter que l'exploitation de la gutta-percha se fera au
Congo dans un avenir qui ne parait pas éloigné. Or, ce
produit peut atteindre 17 francs le kilo : ce prix se
passe de commentaires.
Arrivons aux gommes-résines et autres produits
importants d'exsudation "végétale. Les gommes Congo
ou gommes copal sont fournies par les « Bursera ».
'Im\
.HiÀ
48-
En 1892, j'envoyais au Gouvernement quelques
blocs de gomme-résine recueillis dans le district de
l'Equateur, avec la note suivante :
(c Gommes-résines très nombreuses dans la plupart
des îles. J'en ai trouvé au lac N'toumba et dans le Rouki,
particulièrement une résine tantôt l^lanche, tantôt brune,
tcjujours transparente, brûlant à l'air libre avec une
flamme éclairante, fuligineuse, se liquéfiant sous l'action
d'un feu modéré et se dissolvant à chaud dans l'huile.
)j Une dizaine d'hommes peuvent aisément recueillir
en un jour 25 à 3o kilos de ce produit, appelé par les
riverains du Congo « mpaka •», chez les Mongos
ht; *' *^ i-tchoua », et employé partout à l'éclairage du
'^ \^\^ soir; d'aucuns en confectionnent de véritables
,i torches. ■»
Presqu'en même temps le capitaine Chaltin
envoyait de Basokos des échantillons de ces
mêmes gommes-résines.
Bruxelles les soumit à l'examen des cour-
tiers de commerce et des fabricants de vernis.
Je dois ici entrer dans quelques détails à propos
des gommes à. vernis, pour donner une idée exacte de la
valeur des gommes du Congo.
Les gommes à vernis, quelle que soit leur origine,
sont classées en gommes dures, demi-dures et tendres.
Les gommes sont d'autant plus recherchées qu'elles
sont plus dures.
C'est une cause de diminution pour elles que d'être
laiteuses, car cette particularité indique que la gomme
contient de l'eau, ce qui aurait pu être modifié peut-être
I
49
par une exposition convenable au soleil avant l'expé-
dition.
La meilleure gomme est brun clair; la trop brune
donne des vernis trop colorés.
Mais la différence la plus importante entre les
gommes du commerce provient des lieux d'origine.
Voici les principales gommes arrivant sur nos mar-
chés et qu'exposent, du reste, la maison Claessens frères,
d'Anvers (importante maison ayant des dépôts et agences
générales à Londres, Paris, Lille, Cologne, Francfort,
Madrid, Milan), ainsi que la maison De Keyn, de
Bruxelles :
i) « Gomme Kaiiri d'Australie », importée par l'Angle-
terre, moins transparente que la gomme Congo; i fr. 80
à 3 fr. 5o le kilo.
2) « Gomme Manille dure », venant par la Hollande;
I fr. 5o le kilo.
3) « Gomme Niger ->■>, vendue souvent jusqu'ici sous le
nom de « Gomme Congo », inégale comme dureté, d'où
une fusion à feu nu irrégulière et entraînant une réelle
difficulté de fabrication : l'une partie se brûlant alors
que l'autre n'est pas encore fondue.
4) (c Gomme Bengiiéla », très dure, très sèche, brune;
bonne gomme, malheureusement recouverte d'une couche
terreuse.
5) « Gomme Angola rouge », venant par l'Angleterre,
très dure et très bonne.
6) « Gomme Angola blanche », de valeur moindre que
la précédente; i franc à i fr. 5o le kilo.
7) (c Gomme Caillcu », affectant la forme de cailloux
roulés, vient par Hambourg; assez bonne.
8) « Gomme Madagascar », très dure et très bonne.
9) « Gomme Zanzibar », dite « Gomme Salem »,
— 5o
caractéristique par son aspect extérieur rappelant exacte-
ment la chair de poule. C'est la gomme atteignant le
prix le plus élevé : 6 à S francs le kilo.
Telles sont les principales gommes du commerce,
auprès desquelles commencent à prendre place les
« Gommes Congo )>.
}^IM. Lievens et Bloos, fabricants de vernis à
Bruxelles, ont bien voulu me fournir leur appréciation
d'usinier sur les o;ommes Cons^o.
La voici textuellement :
« La gomme copale du Congo doit être rangée parmi
les gommes dures. Elle est bien triée et ne donne pas de
perte par le coupage. On ne rencontre pas de morceaux
contenant de l'eau,
» Elle fond régulièrement, étant composée de mor-
ceaux ayant la même dureté.
)) La fusion se fait à un degré assez élevé.
5) Le vernis fabriqué avec cette gomme est pâle,
séchant en quelques heures et durcissant rapidement.
» La gomme copale du Congo peut être rangée parmi
les bonnes gommes copales que l'Afrique nous envoie,
» Sa place est toute marquée dans les annales de la
fabrication du vernis, et les fabricants belges ne seront
plus obligés, dans un temps donné, de passer par les
marchés étrangers pour leurs achats de matière pre-
mière, à moins peut-être que pour une ou deux espèces,
ce que l'avenir nous fera connaître après expérience et
mise en usage des vernis Congo. »
M^L Lievens et Bloos ont exposé à Anvers, au
compartiment congolais, les vernis Congo fabriqués dans
leur usine ; ce sont des vernis gras, à l'huile de lin, pour
meubles ordinaires de tout genre, pour portes et pour
planchers.
Leurs expériences sur les vernis d'intérieur sont
terminées et décisives : les vernis Congo sont de toute
première qualité. Quand on passe la main sur un meuble
poli au vernis Congo, on ne voit pas trace de la buée
terne et désagréable qu'offrent beaucoup de vernis ; c'est
un avantage énorme.
Il y a à faire des expériences pour savoir si les vernis
Congo se comporteront aussi bien comme vernis d'exté-
rieur. Si oui, ils pourront être employés pour les voitures,
le matériel de chemin de fer, etc., ce qui leur assurerait
un débouché illimité.
D'après MM. Claessens, les vernis Congo possèdent,
après séchage, les propriétés suivantes : adhérence intime
à la surface des corps, dureté, brillant; de plus, ils ne
s'écaillent pas, ne se colorent pas et ne présentent pas un
aspect gras ou terne; ils résistent aux changements brus-
ques de température et ne se couvrent pas de brouillard
bleuâtre.
Etendu en couche mince sur les objets, ils leur
communiquent, après dessication, l'éclat que leur donne-
rait une plaque de verre.
La gomme Congo est une des plus dures que l'on
connaisse. En moyenne, elle entre en fusion à I45", se
liquéfie à 225"^' et n'est complètement liquide que vers
240° centigrades.
La gomme copalc Benguéla jaune est la seule parmi
les gommes d'Afrique qui atteigne un point de li(|uéfac-
tion complète aussi élevé.
La production de gommes dures semble diminuer
dans des proportions considérables dans certaines régions
qui jusqu'ici en avaient donné à l'Europe de fortes cjuan-
tités. La conséquence en a été que les gommes dures
d'Afrique augmentent chaque année de prix.
53
L'existence de gommes dures sur tout le territoire
de l'Etat Libre est donc une bonne aubaine pour
l'industrie du vernis et l'importation de ce produit vient
à son heure.
La Nouvelle-Zélande envoie en un an sur les mar-
chés, tant des Etats-Unis que d'Europe, 8,000 tonnes de
« Gomme Kauri ».
Il faut remarquer que, actuellement encore, on vend
sous le nom de gomme Congo une gomme provenant des
côtes de Guinée et du Gabon et subissant une perte de
3o p. c. au minimum en poids à cause de l'épaisse couche
terreuse y adhérente, ainsi que des éclats de bois, des
morceaux d'écorce y mélangées.
Si ces gommes, appelées faussement gommes Congo,
ont, dans ces conditions, de la valeur sur les marchés, il
est certain que la vraie gomme Congo, qui peut com-
mencer à arriver par tonnes, est aussi un produit de
réelle valeur. Son prix a été estimé par les courtiers de
I fr. 5o à 2 fr. 5o le kilo. Aussi l'Etat a-t-il eu soin de
recommander immédiatement à ses agents de faire
recueillir cette gomme copale et de l'accumuler dans les
stations jusqu'à ce que le chemin de fer en permette
l'évacuation rémunératrice. A Equateurvillc, nous pûmes
recueillir, en deux mois environ, deux tonnes et demie
de ces blocs transparents; il suffisait d'envoyer à la cueil-
lette, après l'exercice du matin, une pirogue avec dix
hommes, allant fouiller les îles. La récolte d'une journée
atteignait facilement 3o à 40 kilos et certains blocs
pesaient jusque 4 et 5 kilos.
Les entrepôts de gomme copale conserveront pen-
dant six, sept ou huit ans, un produit de rapport, et ce
dans des conditions remarquables, car il n'a rien à
craindre de l'humidité ni de la sécheresse et ne demande
- 54
pas de manipulations. Et lorsque, dans six, sept ou huit
ans, le chemin de fer aura atteint Léopoldville, la sage
prévoyance du Gouvernement aura accumulé des milliers
de tonnes de copal qui, avec tous les autres produits que
nous envisageons en ce moment, assureront à la voie
du Congo un trafic dont n'avaient pas l'air de se douter
plusieurs membres de notre ancienne Chambre des
Représentants.
Signalons que dans son consciencieux travail sur les
plantes du Congo, M. le docteur A. Dewèvre dit qu'il
existe d'énormes quantités de copal fossile sur le terri-
toire du Congo, mais que malheureusement il est consi-
déré comme produit fétiche que les noirs refusent de
rechercher. J'ignore de qui M. Dewèvre tient ces rensei-
gnements que je crois erronés.
Et puisque les vernis Congo ont les qualités (;[ue
nous venons de dire, pourquoi tous ceux qui s'intéressent
à l'œuvre congolaise ne s'efforceraient-ils pas, dès mainte-
nant, d'assurer l'utilisation des produits de notre future
colonie, en n'employant plus, par exemple, que des
vernis Congo, et, lorsque l'importance de la commande
le justifierait, en exigeant l'assurance écrite que les
vernis qui leur sont fournis ont été fabriqués avec des
gommes copales du Congo?
Dans cet ordre d'idées, il faut espérer qu'avant peu
on pourra demander partout du café du Congo, du
cacao du Congo, des meubles de luxe du Congo, etc., etc.
Nous finirons ce qui concerne les gommes en disant
un mot de la gomme arabi(|ue, fournie par diverses
variétés d'acacias.
I
— 55 —
A ma connaissance, on trouve au Congo l'acacia
flamboyant, l'acacia blanc, l'acacia ordinaire, etc.
Ces arbres ont été plantés par nous dans nos stations;
ils sont pleins de vigueur ; ainsi des acacias ordinaires
plantés par noyaux à Equateurville fin i8gi, avaient
atteint en juin iSgS, soit donc en vingt mois environ,
huit mètres de haut. Je dis huit mètres de haut; le tronc
avait quinze centimètres de diamètre.
J'ignore si ce sont ces acacias qui fournissent la
gomme arabique ; il y a lieu de s'en assurer et, en tout
cas, de faire rechercher si ce produit existe au Congo afin
de l'y introduire le cas échéant.
C'est, en effet, un article de commerce important.
Voici, à ce sujet, des renseignements extraits de la
Notice n"^ V sur les colonies françaises :
<( La gomme arabique est, après le mil et l'arachide,
le produit végétal le plus important de la Sénégambie.
)) Cette gomme, presque entièrement produite par
diverses variétés d'acacias, apparaît sous l'influence de
certaines conditions morbides; elle provient d'une
maladie de l'arbre.
)) Les gommiers se rencontrent, groupés sur des éten-
dues plus ou moins vastes, dans tout le bassin du
Sénégal.
» Au mois de novembre, vers la fin de l'hivernage,
lorsque le vent sec et chaud du désert commence à souf-
fler, les gommiers perdent leurs feuilles; leur écorce se
fendille et laisse exsuder la gomme qui s'épaissit rapide-
ment et atteint parfois un volume assez considérable.
)) Ce travail de l'exsudation est souvent aidé, sinon
provoqué, par une plante parasite, le loranthiis senef^a-
lensis.
» Au commencement de mai, les Maures se rendent
— 56
aux différentes escales du Sénégal, et bientôt Dagana,
Podor, Saldé, Matam et Bakel présentent une animation
extraordinaire.
» La gomme est échangée contre de l'argent ou des
marchandises de troque. Aux escales, on distingue deux
espèces de gommes : la gomme de Podor (du bas du
fleuve) et celle de Galam (du haut du fleuve).
» Après un premiertriage, très sommaire, les gommes
sont mises en ballots de 80 kilos, et expédiées à St-Louis,
d'où on les dirige sur Bordeaux; dans cette ville,
elles subissent un nouveau triage, très méticuleux, et le
contenu de chaque balle est réparti en diverses catégories,
répondant chacune à un emploi industriel. Ces catégories
sont au nombre de six, plus les grabeaux, résidus prove-
nant du frottement des morceaux de gomme entre eux
pendant le trajet de la forêt à l'escale; ces grabeaux se
subdivisent eux-mêmes en six catégories.
» Les gommes blanches sont employées en pharmacie
pour les pâtes, les sirops, etc.; on s'en sert aussi dans
la confiserie pour les bonbons, dans la distillerie, et dans
la lingerie pour apprêter le linge et les dentelles.
» Les gommes blondes et les grabeaiix sont employés
en partie aux mêmes usages, mais on les utilise en outre
pour les apprêts ordinaires, les impressions sur tissus, la
préparation de la colle pour fournitures de bureau,
étiquettes, enveloppes, etc..
)) Enfin la a govime fabrique » est employée en France,
en Angleterre, en Russie, pour apprêter les tissus de laine
et de coton.
» La production annuelle de la gomme est, en
moyenne, au Sénégal, de trois millions de kilogrammes.
» En 1886, il a été vendu dans les escales 2,141,237
kilos de gomme de Podor (à environ 2 fr. 25 le
kilo); 647,197 kilos de gomme de Galam (même prix);
26,061 kilos de gomme friable (à o fr. 65 le kilo); et,
dans les rivières du Sud, 10, 225 kilos de gommes
mélangées (à i franc le kilo).
» Aujourd'hui les besoins de l'industrie
sont tels que la production pourrait être
beaucoup plus considérable.
» Il est regrettable, dit la notice fran-
çaise, que personne ne songe à accroître
les plantations d'acacias, arbres très rusti-
ques, qui viennent à peu près partout et ne
demandent aucun soin. On estime qu'un
acacia de l'espèce vérck, tomeiitos, neboueh, etc.,
peut donner annuellement de 6 à 800 grammes
de gomme.
» Pour des colons ou des industriels une
exploitation de ce genre pourrait, au bout d'un
certain nombre d'années et sans demander de
grands capitaux, donner do sérieux bénéfices. »
— 58
Je ne puis avancer que la gomme arabique existe au
Congo. Je puis seulement redire combien l'acacia y
pousse vivace; je puis seulement signaler qu'au lac
Léopold II les factoreries de la Société anonyme belge
ont pu acheter, enun mois, 12 tonnes de gommes diverses
à propos desquelles l'agent en chef du lac Léopold II
écrit: «Cette récolte pourra continuer dans ces conditions,
mais je crois devoir la restreindre jusqu'à ce que nous
soyons fixés sur la nature de ces gommes, car, parmi le
stock en magasin il y a certainement plusieurs espèces
bien distinctes, qui demandent à être déterminées. »
Rien ne dit que parmi ces gommes, considérées
toutes comme gommes copales, nous n'allons pas trouver
la gomme arabique.
Le capitaine américain Camp, du SS. « Henry Reed^,
me remit un jour un échantillon de gomme recueillie par
lui dans une île près de Loulanga, et remarquable par la
forte odeur de citron qui s'en dégageait.
L'échantillon était malheureusement fort petit et je
ne pus m'en procurer d'autres afin de les faire examiner
convenablement.
J'ai dit qu'au lac Léopold II on avait pu en un mois
recueillir 12 tonnes de gommes diverses; qu'à l'Equateur
il en avait été recueilli en deux mois deux tonnes et
demie. Et ces fortes récoltes se font également dans les
districts de rOubanghi-Ouèllé, de l'Arouwimi-Ouèllé, etc.
En sorte que les marches belges pourraient être
entièrement approvisionnés en gommes par le Congo, en
attendant que les étrangers aussi s'adressent à nous.
59
Passons aux produits oléagineux.
Ici encore le compartiment congolais exhibe de nom-
breux échantillons :
I'' (c Huile, Graisse, Noix de Pahne » — « Coconots >k..
Tels sont les produits du
palmier « Ela't's Guinéensis ».
Ce palmier existe en abondance
dans le Congo-IMaritime, dans le
Moyen-Congo, et tous les
villages du Haut-Congo le
possèdent et l'exploitent ;
les iles du Haut - Fleuve
abondent en élaïs.
Ce palmier porte
comme fruits des résfimes
de noix de palme l'dindins);
ce sont de grosses grappes
pouvant atteindre 80 centi-
mètres à I mètre de longueur et
formées de noix constituées d'an
noj'au, la coconot, entouré d'une
masse charnue huileuse.
De cette dernière on extrait l'huile dite de palme
ou aussi beurre de palme ; elle est comestible mais surtout
employée dans l'industrie pour la fabrication des savons,
des bougies, etc. En Afrique, l'huile de palme joue dans
l'alimentation des noirs et souvent des blancs, le rôle de
beurre et de graisse.
Les coconots renferment une amande huileuse four-
nissant une huile industrielle dont l'extraction demande
des moyens mécaniques. Aussi cette extraction se fait-elle
6o
fort peu sur place ; les « cocouots » arrivent telles quelles
en Europe.
On sait l'énorme commerce de coconots qui se fait à
la côte d'Afrique et qui enrichit des villes telles que Lagos.
Après extraction d'une huile de savonnerie et de
stéarinerie, le résidu forme un aliment très apprécié pour
certains animaux domestiques.
Le prix des coconots est actuellement d'environ i5o
à i6o francs la tonne, rendue à Hambourg.
Bien que ce prix ne soit pas élevé, le commerce des
coconots est avantageux parce que ces amandes sont d'une
manipulation et d'une conservation faciles et peu coû-
teuses; on ne les emballe même pas pour l'expédition en
Europe: on ouvre la cale des bateaux et on y déverse les
paniers de coconots à la diable.
Quant à l'huile de palme, on sait qu'elle s'expédie
par tonneaux et qu'elle est une des branches les plus
importantes actuellement du commerce dans le Congo-
Maritime.
Elle vaut en Europe 5oo francs la tonne.
Pendant le i^^ semestre 1894, ^^ ^ ^^^ exporté du
Congo 686 tonnes d'huile de palme valant 337,000 francs ;
2,328 tonnes de noix palmistes (coconots) valant
582,000 francs.
Ces chiffres sont relatifs aux produits recueillis dans
le Congo-Maritime.
En plus, il est passé en transit par l'Etat Indépendant,
pendant le même semestre, 142 tonnes d'huile de palme
et 3oo tonnes de noix palmistes.
(Jn sait qu'une huilerie a été installée en i885 dans
l'île de Matéba par M. De Roubaix, d Anvers. Cette hui-
lerie appartient aujourd'hui à la Compagnie belge des
produits du Congo.
6i —
— 62
Il est entré en Belgique en iSgi : 11,062 tonnes
d'huile de palme, dont 10,377 ont été usinées en Belgique.
Dans ces chiffres, le Congo entrait pour 1,287 tonnes.
Le « Raphia Vinifera ».
Ce palmier, appelé « nsésé » à
l'Equateur, est un des arbres dont
le noir tire le plus grand parti; les
îles du Haut-Fleuve ne sont parfois
plantées que de raphia, et dans le
Lopori, par exemple, des lieues et
des lieues de rives ne sont que de ces
palmiers à tronc mince, souvent
contourné, à allure rabougrie et d'un
port peu élégant dès qu'il atteint
4 à 6 mètres de haut.
Son régime fruitier, long parfois
de i'^20, est constitué par des fruits
ovales, vernissés, rappelant par leurs
écailles brunes imbriquées nos cônes
de pin. Ces fruits sont entièrement
utilisables : l'écorce fraîche est grillée
légèrement et mangée telle quelle par
l'indigène qui s'en régale malgré son
amertume de quinine; entre l'écorce
et le noyau se trouve une couche
d'huile de deux millimètres d'épaisseur dont le noir
récolte d'énormes pots; cette huile, dite « huile de
bambou » dans le Haut-Congo, est rougeàtrc et plus
fluide (jue l'huile de palme; elle est très utilisable en
cuisine et surtout pour le graissage des machines de
I
63 —
steamer. Cette huile sera exportée en grand dès que le
chemin de fer le permettra.
Le noyau du Raphia Vinifera est utilisable pour cent
petits objets de fantaisie; il se travaille au tour et peut
donner, comme le corozo, des pommeaux de cannes, des
boutons, des fiches à jouer, des porte-cigares, etc..
Ces noyaux d'extérieur brunâtre et vermiculé sont
très durs et offrent, après travail au tour, un aspect
agréable à l'œil; ils ont des allures d'ivoire veiné, tacheté
et coloré.
30 Le ce Pcntaclethra Macrophylla ». — Parmi les
essences dont la vigueur a su vaincre les incendies annuels
de la savane, tous les voyageurs avaient remarqué un
arbre atteignant une dizaine de mètres de hauteur, très
rameux et feuille. Les rameaux, ouverts et étalés, sont
chargés de grandes feuilles, à folioles opposées. L'arbre
•ressemble à l'acacia. Les feuilles sont persistantes. Le
fruit qui succède aux fleurs attire l'attention par ses
grandes dimensions. C'est une gousse légumineuse, à
parois ligneuses, mesurant jusqu'à 55 à 60 centimètres de
long sur g à 10 de large et 3 à 4 d'épaisseur. En général
cette gousse a 35 à 40 centimètres de long; sa surface est
brun marron, veloutée avant l'entière maturité, puis le
duvet tombe.
Un sillon la partage en deux lèvres; à maturité elle
s'ouvre avec élasticité et ses deux valves tendent à
s'écarter l'une de l'autre vigoureusement et en dehors,
projetant les sept ou huit graines contenues dans chaque
gousse. Pas un voyageur dont l'attention n'ait été attirée
64
par ce phénomène, qui n'ait considéré ces grosses lèves
recroquevillées, et ramassé les graines qui jonchent le sol
à profusion. Il y a pourtant quelques mois à peine que
l'on a songé à constater que cet arbre était 1' « Oicala »
du Gabon, le « Moiillapanza « du Bas-Congo, connu des
botanistes sous le nom scientifique de PcntachtJira Macro-
phvlla Boiitham. Nous laisserons à de plus autorisés (|ue
nous le soin de décrire l'owala d'une manière complète.
Nous n'envisagerons que l'utilisation de la graine. Les
graines de ^o^vala sont très grosses (sept centimètres de
long sur quatre à cinq de large), elliptiques, aplaties,
minces sur les bords, à épisperme luisant, brun foncé.
L'épisperme coriace et formé de deux enveloppes de
couleur brunâtre, entoure des cotvlédons très résistants,
de couleur brun clair, de saveur sucrée d'abord, puis un
peu amère et gorgés de matière grasse.
Au Gabon, les indigènes emploient cette graisse
pour la mêler à celle de l'Oba [Irvingia Gabojiiiisis),
pour la fabrication du fameux pain O' Dika, qui est
une des matières les plus en honneur parmi ces
populations nègres. A partir de Wéhia, sur le Haut-
Lopori, j'eus l'occasion de trouver cette graine utilisée
par les Mongos, qui en faisaient des pains appelés
<c agakao >).
Le commandant Roget, dans ^Arou^vimi-Ouèllé, vit
souvent des soldats utiliser ces grosses fèves brunes; ils
recherchaient celles que contient souvent la bouse d'élé-
phant, ces graines ayant traversé tout le tube digestif,
l'estomac et l'intestin du pachyderme sans v subir d'autre
altération qu'une sorte de macération analogue à celle
que doivent leur faire subir ceux (|ui les utilisent pour
leur alimentation.
Au camp de l'Equateur, nous recevions des
65 —
contingents descendant du Haut-Oubanghi etde l'Ouèllé,
dont beaucoup employaient des fèves owala.
Les indigènes de Manoh et de Sulimah (rivière
Gallinas) mangent la graine fraîche, dont ils sont très
friands, après l'avoir torréfiée en la faisant cuire à l'état
naturel dans une marmite avec feu dessus et dessous.
Nulle part, dit le docteur Heckel (directeur de l'Institut
colonial de Marseille) les nègres n'en extraient le corps
gras qui est cependant solide comme le beurre de karité
dont ils se servent pour tous les apprêts culinaires. Mais
ils emploient le bois de l'arbre producteur de la graisse :
ils en construisent des pirogues.
Au Congo, comme au Gabon, comme dans les
rivières du Sud (Sénégambie), l'arbre ne vient pas en
forêt; les pieds sont isolés; c'est à peine si l'on en trouve
— 66
quelques-uns groupés, mais toujours en petit nombre. Ils
recherchent les terrains secs.
Le docteur Heckel donne la composition chimique
de la partie de la graine qui est gorgée de graisse :
Corps gras, jaune pâle, fusible à 2408 25,i8o
Sucre et tanin 4,862
Corps gras et gliadine 2,oo5
Matières albuminoïdes 3o,5oo
Cellulose 15,043
Sels 2,410
Cette analyse nous révèle la présence d'une quantité
considérable de matières azotées, telle qu'on n'en retrouve
l'équivalent dans aucune des grandes alimentations
usuelles (pois, lentilles, haricots, fèves), sauf le soja
hispida et les féverolles.
C'est dire que le tourteau résultant de la pression de
cette graine, après extraction du corps gras, constituera un
engrais de haute valeur et, môme mieux, un excellent
aliment pour les bestiaux. Le corps gras mérite une
attention spéciale; il est demi-solide jusqu'à la tempéra-
ture de 24° et ses acides gras solides ne fondent qu'à 58°.
On sait que l'industrie des bougies stéariques recherche
activement de nouveaux acides gras, d'origine végétale,
dont le point de fusion serait le plus élevé possible, et les
graisses végétales qui donnent la plus grande quantité
d'acides gras. Ces deux qualités se trouvent réunies dans
la graine d'owala.
Le pentaclethra existe àprofusion dans tout le Congo.
L'Angleterre en reçoit de San-Thomé qui en produit
abondamment.
- 67
4^^ L' « Irvingia Gabonensis )> {Oba du Gabon).
D'après Heckel, sur les renseignements du voyageur
Foncière, l'Irvingia Gabonensis se trouve dans les forêts
du Gabon, où, de ses 25 à 3o mètres de haut il domine la
brousse; dans les bassins de l'Ogooué; dans la vallée du
Xiari-Kwilou disséminé dans la forêt du Mayombé, dans
la vallée du Djoué, affluent de droite du Congo, qui coule
non loin de Brazzaville. Dans l'Oubanghi on le trouve
depuis le confluent de cette rivière jusqu'à4^'3o' de latitude
nord, au pied des rapides de Zongo.
La graine de l'Irvingia est l'une des matières pre-
mières les plus importantes et les plus méconnues de
l'Afrique tropicale. Elle se perd actuellement à peu près
sans profit, dans l'immensité des épaisses forêts silen-
cieuses du Gabon et du Congo, alors qu'une des pre-
mières places dans l'alimentation et dans l'industrie
européennes devrait depuis longtemps lui être réser\"ée.
L'Iningia, dit le docteur Heckel, est un bel arbre
ayant l'aspect de notre chêne ; le fruit est une drupe verte,
de la grosseur d'un œuf de C3'gne, recouverte d'une pulpe
à saveur térébinthacée très accusée, qui a valu à l'arbre
le nom de mansro sauvag[;e.
Dans l'intérieur du fruit se trouve, au-dessous d'une
enveloppe dure, une grosse graine ayant la forme de
notre amande et de goût agréable. C'est cette graine
qui sert à préparer le pain O' Dika des indigènes du
Gabon et qui contient une graisse solide appelée beurre
de Dika.
Voici comment on prépare le pain O' Dika. On brise
les no\-aux, les graines sont broyées dans un mortier,
puis jetées dans une marmite préalablement garnie à
l'intérieur de feuilles de bananier. Sous l'influence d'un
feu lent et doux, la fusiun du corps gras se produit, puis
68 —
la substance refroidie se prend en une masse assez ana-
logue au nougat rouge, tachetée de brun et de blanc. Elle
est d'un gris brun, onctueuse au toucher, d'odeur inter-
médiaire entre le cacao torréfié et l'amande grillée; sa
saveur est agréable, légèrement amère, comme la graine
fraîche, d'une astringence analogue à celle du cacao. Ce
rapprochement est frappant, toutefois ce produit ne pos-
sède pas l'arôme agréable du cacao ; il n'en a p)as non plus
la composition chimique. O' Rorke, premier auteur d'une
étude sur ce produit, avait été conduit à en façonner une
espèce de chocolat (qu'il nommait chocolat des pauvres)
en y joignant du sucre et des aromates.
Au Gabon les indigènes mêlent les graines d'owalaet
d'oba dans la fabrication du pain O' Dika, dont les pro-
priétés nutritives se trouvent ainsi augmentées de toute la
richesse de l'owala en matières albuminoïdes(3o 1/2 p. c).
Les pains O' Dika pèsent i5 à 16 kilos et valent
16 francs environ. L'O' Dika s'associe à différents mets,
notamment aux bananes cuites. Il était d'un réel intérêt
de connaître à quel point ce produit est nutritif.
Voici les résultats de l'analyse faite par le professeur
Schlagdenhauffen, de Nancy :
Corps gras (acides laurique et myristique) . . . 72,i5o
Glucose, tanin et matières amères 2,400
Résine o,55o
Matières gommeuses 0,623
Cendres 0,257
Matières albuniinoïdes 10,857
Cendres 3,737
Ligneux et cellulose (dittérence) 9,425
Total. . . 100,000
En résumé le pain O' Dika est un aliment complet
I
- 69
dont les quatre cinquièmes sont constitués par des corps
gras; le cinquième restant donne lo p. c. de matières
albuminoïdes, une petite quantité de sucre et autres élé-
ments qu'on retrouve, en général, dans les graines ali-
mentaires. C'est une matière nutritive éminemment
appréciable.
Le corps gras de l'O' Dika est fusible à 40°. Quels
usages peut-il recevoir?
D'après les expériences faites sur les indications de
AI. Heckel, dans la grande stéarinerie de ]\IM. Fournier
frères, à ^Marseille, il ne rendrait aucun service à la fabri-
cation des bougies, mais ce serait une huile concrète de
première valeur pour la savonnerie. Les expériences du
professeur Leconte l'établissent sans conteste.
D'autre part, ce corps gras peut remplacer avanta-
geusement, en raison de son prix de revient plus bas et de
son degré de fusion un peu plus élevé, le beurre de cacao
dans la préparation des pommades, cérats, cold creams,
et surtout des suppositoires et glycérocones, aujourd'hui
si employés en pharmacie.
L'Irvingia Gabonensis existe en quantité dans
le Haut-Conîjo.
5° Le K Sésame ».
Est suffisamment connu pour qu'il nous
suffise de le signaler. On sait qu'au Congo
le sésame est surtout cultivé dans la région
des graines, c'est-à-dire dans le Nord et dans
l'Est.
Grâce au capitaine Chaltin, nous avons
pu l'introduire aussi à l'Equateur.
>>
70
L'huile de sésame est très prisée pour la cuisine par
les Arabes et les Hindous de Zanzibar.
6° Le (( Ricin ».
Le ricin au Congo est indigène et l'on a à distinguer
le ricin à gros grains et le ricin à petits grains.
A l'Equateur, le ricin pousse merveilleusement et
devient arborescent.
Ce produit demeure actuellement sans emploi chez
l'indigène, tandis que vers les grands lacs et au nord de
rOubanghi, les populations savent très bien en extraire
une huile de toilette.
On connaît son usage en médecine; de plus, l'huile
de ricin est employée dans la parfumerie et un peu dans
la teinture.
7° Le (c Pignon tVIiidc •>•>.
On appelle ainsi la fève du « Médicinier Cathartique »
((c Jatropa Ciircas », « Pourguère » ou « Noix des Bar-
bades »), croissant partout à l'état sauvage.
Le pignon d'Inde fournit une huile médicinale
analogue à l'huile de crotone.
Dans la région des Cataractes, les indigènes appel-
lent ces fèves « poidoiika » et s'en servent pour s'éclairer;
à cet effet, il les enfilent sur de longues et minces
baguettes, allument la première, et la flamme passe lente-
ment de l'une à l'autre.
Les Yorouba du Bas-Xiger s'en servent de façon
analogue pour éclairer les caravanes marchant la nuit.
I
— 71
A Lagos et dans toute la région côtière avoisinante,
le pignon d'Inde sert à confectionner de grandes quantités
de savon.
D'après Moloney [Forcstry of West Africa), environ
35o,ooo « bushels » (120,000 hectolitres) de pignons
d'Inde sont exportés annuellement des îles du Cap- Vert
en Portugal, et de ce dernier pays ces fèves sont en
grande quantité envoyées en France, — Marseille étant
marché principal, — pour être employées à la fabrication
de savon et de bougies.
8° L' « Arachide ».
L'arachide, ou pis-
tache de terre, est une
plante annuelle, de 3o à
40 centimètres de hau-
teur, velue et touffue. Elle
présente cette particula-
rité si curieuse qu'après
la floraison à l'air libre,
les pédoncules des ovaires
s'allongent de manière à
permettre aux ovaires de
se terrer, de sorte que
l'arachide se développe dans le
sol ; elle donne des cosses longues
de 3 à 5 centimètres, à surface
gaufrée, renfermant généralement
deux amandes, parfois une, rare-
ment trois.
— 72 —
Quand les cosses sont mûres, on arrache les pieds
d'arachide qu'on laisse sécher au soleil, puis on sépare les
cosses des feuilles et des tiges.
Le rendement de l'arachide varie de 3o à 35 pour i.
D'après les expériences du lieutenant Richard, au
camp de Kinchassa, « un hectare d'arachides donne de
80 à I GO hectolitres de graines ».
La tonne d'arachides vaut à Marseille 3oo francs en
moyenne.
L'arachide est une des plantes dont, au Congo, on
tire les partis les plus variés. La plante entière constitue
un excellent fourrage, très nutritif; l'amande mûre se
mange crue, bouillie, grillée et rappelle la noisette; on
l'utilise en place de marrons pour farcer la volaille ; on en
fait du nougat; grillée et pulvérisée, elle tient lieu de
café ; elle donne surtout une huile excellente (46 à 5o p. c),
ressemblant beaucoup à l'huile d'olives.
Dans les régions à saison sèche du Congo-Moyen, les
indigènes conservent les arachides séchées dans de grands
sacs coniques faits de branches de palmier et suspendus
aux arbres du village, pour les soustraire aux fourmis et
aux rongeurs.
Nous venons de dire que l'huile d'arachides a beau-
coup d'analogie avec l'huile d'olives; aussi, dans le
commerce, est-elle souvent fournie comme telle, et l'huile
dont nous assaisonnons nos salades en Belgique est
presque toujours de l'huile d'arachides. Elle convient
aussi très bien pour l'éclairage et est très employée pour
la fabrication des savons, ainsi que pour diverses prépara-
tions pharmaceutiques. Tout récemment, on l'a proposée
pour la confection du beurre à la margarine; la fraude
s'en sert pour le chocolat.
Enfin, le tourteau d'arachides, c'est-à-dire ce qui
73
reste après l'extraction de l'huile, constitue un excellent
engrais et un fort bon aliment pour les bestiaux ; ces
tourteaux sont parfois réduits en farine ; la teneur de cet
aliment serait de 4S p. c. de matières albuminoïdes et de
8 p. c. de matières grasses.
Il y aune quinzaine d'années, le principal centre de
production était l'Inde Anglaise.
Aujourd'hui, la côte occidentale d'Afrique envoie
sur les marchés d'Europe, principalement à Marseille,
des quantités d'arachides augmentant chaque année, et,
à ce propos, nous citerons un exemple frappant et indis-
cutable de ce que peuvent produire les chemins de fer de
colonisation : je veux parler du développement du Cayor
depuis qu'on a construit le chemin de fer de Dakar à
Saint-Louis du Sénégal ; la région du Cayor, en partie
inculte jusqu'à cette époque, s'est trouvée mise en culture
comme par enchantement, et, chaque année, au moment
de la récolte, la compagnie du chemin de fer est obligée
de déplover une activité extraordinaire pour transporter
à Dakar, et surtout à Runsque, les envois d'arachides que
toutes les stations de la ligne, sans exception, reçoivent
des cultivateurs de la réorion.
En 1887. la production du Sénégal en arachides a
été d'environ 70,000 tonnes, et cette production s'accroit
sans cesse.
Il V a là un mouvement d'affaires de 25, 000, 000 de
francs.
Il me semble certain qu'avec l'avancement des
travaux du chemin de fer de Matadi à Léopoldville, la
région des cataractes de l'Etat Indépendant du Congo
suivra l'exemple du Cavor. Et le chemin de fer achevé,
tout le Haut-Congo pourra aussi évacuer vers l'Europe
la noix de terre qui pousse partout. .
— 74 —
En 1893, il est entré en Belgique 10,972 tonnes
d'arachides, totalement employées par nos industriels;
dans ce chiffre, les Indes Anglaises entraient pour
9,236 tonnes.
A côté de tous ces produits huileux exhibés à la
section congolaise, existent en grand nombre d'autres
essences à fruits également huileux. Cent fois j'ai
ramassé, soit en forêt, soit dans les îles, des fruits tantôt
petits et rouges comme des cerises, tantôt jaunes et gros
comme des poires bien mûres, et dont l'intérieur était une
amande bien blanche, éminemment huileuse.
Je ne connais que de nom le N'javè et le Nounegou
des Pahouins et peut-être les ai-je foulés aux pieds bien
des fois, ainsi que d'autres richesses encore inconnues
de la forêt.
En 1893, il est entré en Belgique 242,000 tonnes de
graines oléagineuses autres que coconots, sésame,
arachides, etc. Presque tout a été usiné en Belgique; ces
graines venaient de et par l'Allemagne, l'Angleterre, le
Brésil, les Etats-Unis d'Américiue, la France, Hambourg,
les Indes Anglaises, les Pays-Bas, la République Argen-
tine, l'Uruguay, etc.
Le u Tabac >'.
Existe partout à l'état de culture. Il paraît y en avoir
deux espèces, car je recueillis au lac N'toumba des
feuilles longues de 85 centimètres, larges de 46, à surface
poilue et tourmentée, et des feuilles de môme longueur,
mais larges seulement de 25 centimètres, lisses et douces
comme 1^ feuille de Manille,
75
D'après Dybowski, les deux tabacs du Congo seraient
le (( Tabac de Virginie » et le « Tabac Rustique » [Nicotiana
Rnstica).
Les noirs du Congo ont de multiples façons de pré-
parer le tabac et l'exhibition est ici très complète.
Les uns laissent le tabac tel quel, et le réunissent
pour la vente par cinq ou six feuilles, — d'autres conser-
vent les feuilles à plat dans de grands paniers faits de
feuilles de palmier (région des Cataractes, lac N'toumba),
— beaucoup font avec les feuilles humides et enroulées
des tresses souvent toutes noires (Manyanga, Kwango), —
dans le Kassaï, le tabac, mis à sécher quel-
ques heures sur des claies au-dessus d'un feu
de braise, est pilé dans des mortiers et
malaxé avec de l'huile de palme, de manière
à ce qu'on en puisse former des pains coniques
qu'on enveloppe dans des feuilles sèches et
qui se conservent au moins un an avant d'être
mis en usage ; on racle ces pains au couteau
pour obtenir de quoi bourrer sa pipe.
Un procédé analogue est signalé par
Dybowski chez les Langouassis, au nord de
rOubanghi : on y fait tremper les feuilles
de tabac dans l'eau, puis on les met en
masse pour qu'elles fermentent, et enfin,
réduites en pâte, on en moule la masse
dans un vase en terre. Lorsque cette pâte est sèche, elle
ressemble assez à de la bouse d'éléphant.
On casse cela par petits morceaux pour en bourrer
la pipe, et la fumée qui en provient est acre et nau-
séabonde.
L'un des meilleurs tabacs du Congo est le tabac dit
de Loukoléla,
76
Règle générale, le tabac au Congo est séché lente-
ment selon nos méthodes, mais comme on ne le fait pas
fermenter, il acquiert une saveur qui nous est désagréable ;
le tabac de Loukouléla fait exception.
Ce tabac provient en réalité de l'Ali ma, rivière
française; il est mis en vente sous forme d'une véritable
saucisse enroulée sur elle-même ; les feuilles tordues
Mh-
Kiiyaj-noiiJfi
77
ensemble sont fortement comprimées clans un lacis
fait d'une peau souple de liane; puis le tout
est roulé en forme de saucisse, traversée par
deux croisillons en bambou.
Ce procédé, qui comprime le tabac dans
une véritable enveloppe, le fait fermenter et
lui communique la saveur de nos tabacs de
Belgique.
Aussi ce tabac est-il très recherché des Européens
qui se le procurent surtout à Loukoléla, agglomération
de l'Etat dont les habitants vont dans l'Alima acheter le
tabac en rouleaux; certains de ces rouleaux sont épais
comme le poignet et ont un mètre de diamètre.
Au lac N'toumba, les indigènes font aussi des enrou-
lements de tabac, en forme de longs
'^j)^-'2:::t^,,_^ cigares, protégés par des feuilles
'^fj^Jl^^^^"""**^ sèches ; mais comme le tabac est
séché depuis longtemps avant d'être
ainsi préparé, il n'acquiert pas la saveur de l'Alima.
Les N'gombès du Lopori fument un tabac que nous
avions qualifié du nom de tabac-foin : les feuilles vertes,
aussitôt cueillies, sont mises à sécher, comme dans le
Kassaï, sur des claies au-dessus d'un feu de braise; le
séchage dure une demi-journée et se fait en plein soleil;
les feuilles se recroquevillent ; le noir les roule entre
ses mains de manière à en faire une espèce de julienne
qu'il conserve en paquets dans des feuilles sèches. C'est
détestable mais on finit, quand on n'a plus rien d'autre,
par le fumer avec frénésie.
Dans nos stations, de nombreux essais ont été faits
et ont donné de très bons résultats, ainsi qu'en témoignent
les échantillons de Richemond, de Maryland, de tabac
turc recueillis au Congo et exposés à Anvers.
- 78
Je me souviens d'avoir fumé à l'Equateur des cigares
confectionnés avec du tabac Manille dont les semences
avaient été apportées par le lieutenant Julien et qui avait
poussé vigoureusement.
Les tabacs de Bornéo et de Sumatra ont aussi donné
de bons résultats.
A propos du tabac, je crois bon de raconter ce qu'il
advint d'un « spécialiste », ancien planteur de Bornéo et
de Sumatra, venu dans le Haut-Congo afin d'étudier la
possibilité d'établir de grands champs de tabac. Le
gouvernement de l'Etat, toujours bienveillant à l'égard
dételles tentatives, et ne pouvant deviner à qui il avait
réellement affaire, nous avait adressé des instructions
nous prescrivant de fournir à cet ancien planteur le loge-
ment, la table, des outils, des locaux, des travailleurs,
des terrains, et un agent de la station devait l'aider à
surveiller ses pépinières et ses parcs d'essai s'il venait à
s'absenter.
Le monsieur arriva, pestant et jurant contre le trajet
de Léopoldville à l'Equateur, trajet qu'il avait dû faire à
bord d'une petite chaloupe à vapeur, dont le confort
n'atteint pas toujours celui des transatlantiques.
Nous fîmes de notre mieux pour recevoir dignement
l'ancien planteur, qui débuta par l'achat de lances et de
boucliers à tout prix et occupa ses premiers jours à la
chasse aux papillons.
Enfin, il exhiba deux grosses bouteilles, pleines
l'une de semences de tabac de Bornéo, l'autre de
Sumatra : « \"oici, nous dit-il, de quoi ensemencer
l'Afrique entière ! »
79
Et nous nous rendîmes dans les jardins, où il eut
bientôt fait de choisir un carré de terrain grand comme
une demi-pièce de mouchoirs.
Alors, me priant de tendre les mains, il voulait
absolument me verser dans l'une son Bornéo, dans
l'autre son Sumatra, afin que, par-dessus tout ce que je
devais déjà lui fournir, j'eusse encore le plaisir de semer
le parc moi-même.
« Cher monsieur, lui dis-je aussi poliment que
possible, cher monsieur le directeur technique, je dois
vous fournir le gîte, la table, les hommes, les outils, les
locaux et les terrains ; si, après cela, je dois encore semer
et récolter moi-même, il ne vous restera plus guère qu'à
fumer le Bornéo et le Sumatra du Congo; moi, je
cracherai ! »
Inutile de dire que le brave homme s'empressa de
reprendre le premier bateau en destination de Léopold-
ville. Il avait bien séjourné en tout 5 à 6 mois au Congo,
mais si on l'avait cru, du diable si on ne se serait
empressé tous de déguerpir.
On est parfaitement convaincu que tout nouvel
Européen ne commence à rendre des services sérieux au
Congo qu'après une période d'acclimatement et d'acquisi-
tion d'expérience qu'il n'est pas exagéré d'évaluer à une
bonne année.
Il est bien clair que, si savant que l'on soit en
Europe, ce n'est pas par des vo3^ages de quelques mois en
Afrique que l'on peut étudier ce pays en connaissance de
cause.
D'abord on n'en voit qu'une très faible partie,
8o —
généralement la moins belle, ensuite on est trop tenu par
les inconvénients d'une nouvelle existence.
C'est pourquoi les courts voyages scientifiques faits
jusqu'ici pardeshommeséminentsauxquels, bicnentendu,
nous rendons justice entière, ne sauraient avoir donné les
résultats considérables qu'on doit demander à une expé-
dition scientifique complète, faite par des hommes ayant
vécu la vie noire au moins trois ans, et s'en allant pour
quatre, cinq ou six ans, autant qu'il le faudra pour avoir
vu longuement et patiemment, et non par les yeux de la
fièvre.
Quant au tabac du Congo, que j'ai l'air d'oublier,
voici comment quelques échantillons ont été appréciés en
Belgique :
« Les tabacs du Congo sont appelés à un grand
succès non seulement pour la coupe, mais aussi pour la
fabrication des cigares.
)) Les feuilles sont très souples.
» Les cigares fabriqués avec ces tabacs ne laissent
rien à désirer au point de vue de la qualité et de la com-
bustion.
» Les tabacs du Haut-Congo sont supérieurs en qua-
lité à ceux du Bas. » {Le Fumeur, n» lOC). D. ^^ARITZ.)
On commence à vendre à Bruxelles des cigares à lo,
i5 et 20 centimes, fabriqués avec du tabac de Loukoléla ;
c'est M. De Buck, le fabricant bien connu qui a pris
l'intelligente initiative de commencer à lancer un produit
qui, avec un peu de vogue, pourrait prendre un essor
remarquable.
A ce propos, sait-on les chiffres de tabacs et cigares
entrés en Belgique en i8g3? Les voici :
t6,ooo tonnes de tabac, dont un peu plus de la
moitié a été consommé par les Belges.
345 tonnes de cigares, dont g5 1/2 fumés en Belgique.
Au Congo, le tabac est l'objet d'un grand commerce
sur place.
On sait que les troupes françaises reçoivent une ration
de tabac ; au Congo français le tabac est acheté dans le
pays et les Sénégalais en sont très friands.
La maison hollandaise achète presque tout le tabac
de lAlima pour aller commercer dans l'Oubanghi supé-
rieur.
Encore un fait : près de Nyangoué un métis arabe,
Mounié Moulenda, s'était établi comme planteur de
tabac; il avait un personnel très nombreux, occupé à ses
plantations et fournissait le tabac nécessaire aux gens de
Nyangoué et de Kassongo.
Je termine en redisant que le tabac existe sur tout
le territoire de l'Etat.
82 —
La <c Noix de Kola ».
Existe en forêt et à l'état cultivé dans le Congo-IMari-
time et dans la région des chutes; se trouve à l'état sau-
vage presque partout.
La noix de Kola est la graine d'un arbre
analogue à notre châtaignier, nommé Stcrculia Acu-
mmata, atteignant de i5 à 20 mètres
de haut.
Il étend son habitat entre 5" latitude
Sud et iqo latitude Nord; est en plein
rapport à dix ans et peut donner jusqu'à
45 kilos de noix chaque année. Le docteur
A. -S. Dumas signale des productions
annuelles de cent kilos par pied.
A côté du vrai Kola femelle (café du
Soudan) il faut se méfier du faux Kola (mâle), guttifère,
ne possédant guère les vertus du sterculia.
Les graines pèsent entre 5 et 25 grammes, les unes
d'un jaune blanc, les autres d'un rouge un peu rosé : de
là la distinction entre les Kolas rouges et les Kolas blancs.
Les graines bien emballées peuvent se conserver
fraîches pendant 25 à 3o jours. Les Wangatas de l'Equa-
teur les conservent en terre où elles germent sans pour
cela devenir impropres à la consommation.
Sur le littoral les deux principauxmarchés sont Corée
et les établissements de la Gambie; le prix des Kolas y
varie de 225 à 56o francs les 100 kilos.
Le Kola est un anti-dysentérique et un aphrodisiaque
puissant; comme le maté et le coca, il calme la faim et
permet de supporter de grandes fatigues ; la mastication
de la noix de Kola permet aux noirs de franchir jusqu'à
83
8o kilomètres par jour, sous un soleil torride, en résis-
tant à la fatigue et à la soif (D^ Dumas). Le Kola place
un sujet neuf dans les conditions d'un sujet entraîné ; chez
le sujet, entraîné, elle surajoute, comme le dit Parisot,
son action propre à celle de l'entraînement lui-même.
L'emploi du Kola en médecine s'étend journelle-
ment pour la cure de l'épuisement, delà déséquilibration,
de l'affaissement du système nerveux, des céphalalgies
violentes et rebelles, etc..
D'une étude très documentée duD'" Rançon, médecin
de i'"'^ classe des colonies françaises, il résulte que le
Stercidia Acuminata n'arriverait à maturité qu'à partir
du 8^ degré de latitude Nord; à mesure qu'on s'avance-
rait vers le Sud il deviendrait de plus en plus al)ondant.
Toutefois il semblerait ne plus être cultivé à partir
de 6*'3o' latitude Nord.
Le Kola ne serait donc pas cultivable au Soudan
français, dit le D^ Rançon, puisqu'il n'apparaît qu'aux
environs du ii^ latitude Nord, latitude à laquelle il ne
produirait même plus de fruits. Or, le commerce de
Kolas qui se fait au Soudan français est des plus impor-
tants, et à ce point de vue la colonie française est absolu-
ment tributaire des colonies anglaises de Sierra-Léone
et de Sainte-Marie de Bathurst.
C'est parballes de 25, 5o et loo kilos que le Kola est
livré aux clients de l'intérieur contre des produits en
nature : arachides, ivoire, cire, caoutchouc...
Le D^ Rançon accumule les faits prouvant l'impor-
tance du commerce, en gros et en détail, des Kolas au
Soudan, Dans certains villages du Bambouc, à Bakcl, à
Kayes, à Médine, à Bammako, la noix de Kola se paie
de lo à 25 centimes pièce, ce qui met le kilogramme à un
prix moyen de dix francs.
- 84
Nous ne saurions évaluer en argent, dit toujours le
même auteur, l'importance de ce commerce, mais nous
pouvons affirmer qu'il est très considérable et doit donner
lieu à un chiffre important d'affaires.
Or, ce que le D'" Rançon dit du Soudan on peut le
dire de presque toute l'Afrique : le Kola est extrêmement
recherché; de temps immémorial, les nègres africains
font le plus grand cas de cette noix qu'ils chiquent avec
autant de frénésie que les Annamites leur bétel; ils l'uti-
lisent comme monnaie et selon sa couleur ils en tirent un
langage symbolique : les noix blanches signifient paix,
cordialité, mariage; les noix rouges, guerre, hostilité,
désunion.
Dès lorsle Kola deviendra au point de vue congolais
un article de commerce remarquable en Afrique même,
et dans l'avenir les noix de Kola du Congo (pays couvert
par l'habitat de ce fruit) gagneront toutes les provinces
musulmanes, non seulement le Soudan français, mais
I
85 —
l'Air des Touaregs, le Tibbou et le Borkoudes Sénoussis,
par le Bornou et le Tchad, par le Baghirmi et le Wadaï,
par le Darfour et le Darfertit.
La (c Piassava ».
Fibre d'exportation pour corderie, sparterie et bros-
serie. Est fournie par le palmier Léopoldina du Brésil,
dit palmier du commerce et aussi Ait aléa Fiinifcra (qui
porte des cordes).
On en fait rouir les feuilles, ce qui amène la désagré-
gation de la base du pétiole et permet de dégager ces
fibres.
On en faisait des cordages peu estimés.
Un marchand, il y a quelques années, s'en servit
pour protéger son navire contre les heurts, et, à la fin de
son voyage, abandonna ces tampons sur les quais de
Liverpool.
Un fabricant de brosses les vit et les acquit pour
quelques sous. Il en fit des brosses et des balais excellents.
D'après le docteur Briart, la chose remonterait à
environ quarante ans.
Les fibres données par les raphias d'Afrique, dit
encore cet observateur, sont plus souples et donnent
l'imitation presque parfaite du crin de la queue de
l'éléphant.
L'importation de ce crin végétal, sous forme de
ligatures, de cordages souples un peu grossiers, remonte
à quelques années; il provenait des îles du Pacifique
(Manille).
Le raphia à piassava croit dans les îles basses, sur les
bords facilement inondés des grands fleuves d'Afrique.
86
Le pétiole enveloppant de la feuille se désagrège peu
à peu quand la feuille meurt et donne à la gaine une
enveloppe épaisse de ce crin.
La piassava du Bas-Congo vaut actuellement 70 cen-
times environ le kilo.
Il est à remarquer que ce produit, comme beaucoup
que nous avons signalés jusqu'ici et d'autres que nous
allons citer, offre pour le transport l'immense avantage
de n'exiger aucun emballage ; on le met simplement en
bottes et il n'a cure de l'humidité ni de la chaleur.
La piassava n'est pas une fibre textile, mais ce genre
est aussi représenté à Anvers, où nous voyons le coton,
les fibres d'ananas, de bananier, de bambou m'poussou,
de papyrus, d'hyphène, etc
Le K Coton ».
Existe à l'état sauvage et cultivé dans le Congo-
Maritime, la région des Cataractes, le Kassaï.
Signalé par Dybowski dans les plaines du Chari,
poussant sans soins au milieu des grandes herbes. Il se
trouve dans des conditions qui sont tellement favorables
à son développement, que là même où il n'est plus
cultivé, par exemple sur l'emplacement d'anciens vil-
.> lagcs, il se multiplie, s'indigénise et produit de belles
capsules laissant échapper à maturité des flocons
d'une soie très blanche.
A été introduit dans la plupart de nos stations
avec un succès complet.
Là où il existe, l'indigène sait très bien le filer
ot le tisser au moyen de métiers primitifs.
Dans le Moyen-Congo, le fil de coton sert à la
- 87
confection de sacs à bibelots et aussi de sacs dans
lesquels les mamans noires portent leurs nourrissons.
Les tisserands noirs fabriquent des bandes d'étoffe
de 5 à lo centimètres de largeur, d'une solidité remar-
quable.
Ces bandes sont cousues les unes aux autres pour la
confection ; elles représentent des dessins obtenus par le
tissage.
Les cotonniers signalés au Congo sont le Gossypiiim
Anomalum dans le Kassaï; le cotonnier herbacé et le
cotonnier arborescent, espèce africaine qui croîtrait spon-
tanément au Tanganika.
Devons-nous dire aux intéressés combien il importe
à notre industrie nationale de pouvoir s'affranchir de la
tutelle des marchés étrangers?
Quelle certitude d'avenir pour l'industrie cotonnière
de Belgique si les lieux de production de la matière
première étaient belges !
Il est entré chez nous, en 1893, 82,227 tonnes de
coton, venant surtout de et par l'Allemagne, l'Angleterre,
Brème, l'Egypte, les Etats-Unis d'Amérique, la France,
les Indes Anglaises, l'Italie, les Pays-Bas.
De ces 82,227 tonnes de coton, 35, 000 environ ont
été usinées en Belgique.
— &8
Le coton du Congo est l'espèce
dite courte-soie et de qualité
supérieure.
Les indigènes ne cueillent
la coque qui contient la bourre
que lorsque cette coque est
ouverte ; ce sont surtout les
femmes et les enfants qui se
livrent à ce travail.
Apres avoir étendu le coton
au soleil, sur des nattes, pour
qu'il devienne bien blanc, on en enlève la graine,
puis on l'expose à nouveau dans des calebasses.
La bourre textile qui sert à confectionner des étofi'es
n'est pas le seul produit du cotonnier; les graines peu-
vent, par compression, fournir une huile d'excellente
qualité, et, comme résidu, des tourteaux à donner au
bétail.
Il y a lieu d'examiner s'il n'}' aurait pas avantage à
introduire au Congo les plants de coton de Géorgie,
longue soie [Gossypium Barbadcnsi).
D'après Moloney, cette espèce est cultivée dans plu-
sieurs régions des tropiques africains, et elle produit le
meilleur coton de commerce.
Les chiffres que nous avons donnés plus haut doivent
faire réfléchir partisans et adversaires du Congo.
■^dM^^
-89
Les autres fibres textiles (d'ananas, de bananes, de
papyrus, d'hibiscus, etc.) n'ont guère encore d'emploi en
Belgique, tandis que nos voisins non
seulement recherchent toutes leurs
applications industrielles, mais tâchent
même d'introduire chez eux des plantes
textiles nouvelles, telle la ramie en
France.
L'alpha, le corossol, la jute, le
chanvre indigène, les fibres de plusieurs
broméliacées, d'arbres tels que le
« poun<^a » du Congo-Maritime, etc.,
doivent attirer l'attention de nos fila-
teurs, cordiers, fabricants de spar-
terie, fabricants de papier, etc., aux-
quels nous conseillons vivement de '
se livrer à de sérieuses expériences.
L'exposition des colonies fran-
çaises de l'Afrique, à Anvers, était,
au point de vue textile, des plus
complètes et des plus suggestives.
+
* ♦
Lnportation de fibres végétales
en Belgique, en i8g3 :
Chanvre : io,oig tonnes, dont
g,oi5 usinées par nous.
Fils de lin ou d'autres végétaux :
1,176 tonnes, dont 23/ mises en
œuvre en Belgique.
Matières textiles brutes diverses
(non compris l'étoupe, la jute, la
go
laine, le lin, la soie et le coton) : 4,373 tonnes, dont
4,020 utilisées par l'industrie nationale.
Cordages : i,3o8 tonnes, dont 3gD employées par
nous.
La (c Canne à sucre «.
La plante à sucre par excellence, cultivée
à profusion sur tout le territoire de l'Etat; en
certains points, la tige atteint 5 mètres de hau-
teur; elle se reproduit au Congo par boutures.
Les indigènes mangent la canne à sucre telle
quelle, après l'avoir simplement pelée; elle est très
N rafraîchissante et beaucoup de tribus la préfèrent à
l'ananas.
On en confectionne une bière appelée « mas-
sanga », obtenue en exprimant le jus au moyen de
pilons dans des troncs d'arbres évidés; après
fermentation, on porte le liquide à ébul-
zi^^ lition.
Tous les indigènes du Haut-
Fleuve et du Kassaï connaissent le
<c massanga », dont ils sont friands
en diable.
A l'Equateur, certaines tribus
ont la spécialité de cette fabrica-
tion ; ce sont souvent des tribus
agricoles intérieures, qui se ren-
dent chez les tribus riveraines et
échangent leurs produits, — dont
le (( massanga », — contre du poisson ;
les jours où les marchands de « massanga )>
91
arrivent, le tam-tam annonce au loin la bonne nouvelle
et l'on consacre parfois plusieurs jours aux libations
et aux beuveries accompagnées de danses spéciales :
c'est la fête du « massanga », qui se renouvelle deux ou
trois fois par mois.
Le « massanga ■>■> est très prisé des Européens, et
dans presque toutes les stations du Haut-Fleuve on en
fabrique journellement pour la table des blancs.
Le docteur Charbonnier, du camp de l'Equateur,
préférait le « massanga » au vin.
Imitant le procédé de fabrication arabe, beaucoup
de chefs de station du Congo-Central obtiennent du jus
de canne à sucre un sirop très utilisable pour le thé, le
cacao, le riz, les desserts, etc. A Loukoungou, particulière-
ment, les missionnaires américains là la tête desquels se
trouve le digne et très aimé M. Hoste) sont arrivés à
obtenir la cristallisation de ce sirop de canne à sucre :
un flacon de cet intéressant produit figurait au comparti-
ment d'Anvers.
Le rendement de la plante en sucre cristallisable est
toujours supérieur à i5 p. c. ; la betterave n'arrive à ce
taux que dans les très bonnes années. Dans un avenir
prochain nous verrons des sucreries s'établir au Congo,
et peut-être un jour en recevrons-nous du rhum, qui se
boira avec le café Congo, servi sur des tables en bois de
rose, en acajou blanc, en sénonné et accompagné de
cigares de Loukoléla.
Le « Poivre de Malaguette ».
Ce poivre est connu depuis les premiers temps des
échanges entre l'Europe et l'Afrique.
— 92
Villault, sieur de Bellefond, qui, avec Atkins,
Snelgrave, Smith, Loyer, Des Marchais, etc., est considéré
par l'abbé Prévost comme un voyageur paraissant avoir
été plus jaloux de la qualité d'observateur que de celle de
marchand, Mllault, disons-nous, visita les côtes d'Afrique
en 1666 et 1667.
« La côte de Malaghette ou de Mani-
guette, écrit-il, se nomme ainsi à cause du
poivre de Rio-Sestos, que les Français nom-
ment ]\Ialaghette.
)) Les marchands de Dieppe donnaient le
nom de Paris à la ville située à l'em-
bouchure du Grand Sestre, par la seule
raison que ce poivre y était en abon-
dance,
:» Cette marchandise , dit encore
Mllault, qui est la plus chère du pays,
rapporte plus de profit qu'on ne se
l'imagine, surtout lorsque le retarde-
ment des flottes de l'Inde la rend plus
chère. »
L'ancienne Côte de Malaguette
s'appelle aujourd'hui Côte des Graines
ou Côte du Poivre. (République de
Libéria.)
Le poivre de Malaguette {Aiiiomum
Mclcgucta) est dit aussi Graine de Paradis,
et ce nom rappelle la faveur dont ce poivre
a dû jouir anciennement. Il est fourni par un fruit
charnu, rouge, en fuseau, renfermant de nombreuses
petites graines brunes, très aromatiques, analogues de
forme à des pépins de raisin.
La plante est une sorte de jonc haut de i'"5o à
I
93
2 mètres, à longue feuille étroite, croissant à l'état sau-
vage, et dont je trouvai surtout des quantités sur la rive
droite du Congo en face d'Equateurville.
La fleur mauve poussant au pied de la plante est de
toute beauté.
L'indigène enfile les fruits de cejonc sur des baguettes
qu'il suspend au toit de sa hutte où ils se dessèchent com-
plètement ; les graines sont alors utilisées comme condi-
ment et comme médecine.
D'après M. Dewèvre, lesEuropéensutiliscnt la graine
de Paradis en médecine, et on en exporte de grandes
quantités de la côte de Guinée à destination de
l'Angleterre.
D'après Moloncy, la graine de Paradis est fort
employée en Grande-Bretagne et dans les Etats-Unis
d'Amérique à la préparation de médicaments pour le
bétail, pour donner du piquant aux cordiaux, et aussi
pour donner une force artificielle aux alcools, vins, bières
et vinaigres. Les exportations de la Côte d'Or et princi-
palement de « Cape Coast Castle » et d' « Accra » attei-
gnent annuellement une moyenne de « 2,000 cwt. »
(5o, 000 kilos), dontlamoitiéà peu près entre enAngleterre.
A propos de ce poivre, signalons que J. Dybowski,
dans La Route du Tchad, rapporte avoir trouvé en
abondance dans les environs de Bangui une espèce de
poivre dont les rameaux s'attachent après le tronc des
grands arbres, et qui semble très analogue au cubèbe. Ce
serait peut-être, dit Dybowski, une plante intéressante
à exploiter.
En i8g3 je reçus du père AUaire, de la mission de
Liranga, un rameau de poivrier desséché venant, me
dit-il, de l'Oubanghi; il portait des grains extrêmement
parfumés.
94
La « Muscade de Calabash » .
Produite par une anonacée, le Monodora Myristica,
arbre de i5 à 20 mètres de haut croissant au Congo. Son
fruit est une grosse baie, renfermant un grand nombre de
graines.
Propriétés analogues à celles de la
noix de muscade. Saveur un peu plus
piquante.
La (( Fève de Calabar » [Physostigma
Venenosinn).
Plante médicinale dont le port res-
semble à celui du haricot et dont la
gousse atteint jusqu'à 17 centimètres de
longueur.
Sous le nom de « Eséré », le fruit est
employé comme poison d'épreuve par les
naturels de « Vieux-Calabar ».
C'est une plante vénéneuse très éner-
gique: les médecins européens l'utilisent
pour faire contracter la pupille, pour
combattre le tétanos et guérir certaines
névralgies.
Le principe actif est un alcaloïde
particulier appelé « Physostigmine •>•> ou
« Esérine )> .
I
95
L' (c Orseillc ».
En certains points des algues (usnées) croissent sur
les branches des arbres qui se couvrent d'une sorte de
longs filaments d'un vert très clair; ils pen-
dent en formant comme de longues stalactites.
Ces végétaux parasites sont exploitables ; ils
forment l'orseille employée en teinturerie et
fournissent des matières colorantes bleues et
pourpres. Il y en a des quantités indéfinies.
Pendant le premier semestre 1894, il en
a été exporté de l'Etat du Congo envion ig tonnes valant
8,5oo francs et passant presque au total en transit.
Le a Rocoii » (ou Arnatto).
Le rocouyer [Bixa Orellana), bixacée originaire
d'Amérique, est un arbuste à fleurs roses ou d'un blanc
légèrement teinté de rose, auxquelles succèdent des cap-
sules renfermant de petites graines d'un rouge pourpre.
\'oici le résultat d'une analyse faite par AL Hardman
Taylor d'Anvers :
« Des graines d'une couleur chamoise on obtient une
dissolution rouge jaunâtre dans l'alcool,
» Ces graines sont blanches à l'intérieur, la matière
colorante reste dans la coquille. Elles sont très difficiles
à moudre à cause de leur dureté.
» Il s'y trouve évidemment une quantité suffisante de
matière colorante pour pousser plus loin les essais. »
95 -
A l'Equateur, l'indigène emploie le rocou comme
fard.
En Europe et en Amérique on l'emploie parfois pour
teindre certains fromages, colorer le beurre, principale-
ment le beurre falsifié.
Il en a été exporté pendant le i^'" semestre 1894, ^^^
l'Etat du Congo, 3g kilos valant 45 francs.
L' <c Entada Gigalobium » [Entada Scandens). Aveline
des Indes occidentales.
Immense IcGjumineuse atteignant la lonejueur de
i'"5o et renfermant de grosses graines rondes de 5 à
7 centimètres de diamètre et de i centimètre d'épaisseur.
La décoction de l'écorce est un bon astringent; les
graines passent pour alexipharmaques, narcotiques et
vomitives.
Dans le liber et autour des graines se trouve une
substance mucilagineuse et savonneuse qui sert à laver
les cheveux.
La sève sert de boisson à Java.
Les feuilles sont mangées avec du riz.
Certaines tribus sous les tropiques mettent ces graines
à détremper dans l'eau, puis les grillent et les mangent;
elles en font aussi des boites à priser, des cuillères, etc.
La fibre de cette plante grimpante sert aux îles
Ceylan à fabriquer des cordages,
L'cntada gigalobium est signalé jusqu'ici dans le
Congo-Maritime et dans la forêt du Mayombe.
- 97
Le « Café Sauvage » .
Existe surtout vers le Nord de l'Etat, dans la zone
arabe et au Kwango.
La culture du caféier à petits grains croissant sur les
bords de l'Oubanghi, écrit Dybowski, devrait être tout
particulièrement pratiquée, car le produit obtenu trou-
vera sur les marchés un prix de faveur à cause de son
analogie avec les meilleures qualités, telles que celles
de Rio-Nunez et de Moka.
Le même voyageur dit aussi que l'espèce à grande
feuille trouvée par lui sur les bords de la Kémo, par les
gros rendements qu'elle peut produire, pourra sans doute,
elle aussi, présenter un intérêt très réel.
C'est probablement le café à petits grains de
Dybowski qui a été signalé dernièrement dans les Sulta-
nats du Nord par le lieutenant Fiévez Achille, résident
chez Sémio, et qui sur les marchés est connu sous le nom
de petit moka du Soudan.
Peu à peu on dégage de l'enchevêtrement des
productions du sol au Congo ces différentes richesses,
les plus aisées à découvrir par les occupants actuels de
l'Etat, à qui les connaissances botaniques font défaut :
l'emploi de la plupart des végétaux, arbres ou plantes,
de la grande forêt n'est pas encore bien défini, et par
suite l'industrie européenne ignore encore comment elle
pourra les utiliser.
Ce n'est ni en quelques mois, ni en quelques années,
qu'on atteindra ce résultat, et la patience, qui est la pre-
mière règle des entreprises coloniales, est ici de toute
nécessité.
7
98 -
Le pays est riche; il produit de plus en plus et avec
un peu de persévérance, nous en pourrons tirer, avant
qu'il soit longtemps, un parti considérable dont profite-
ront notre commerce et notre industrie. Oui, la brousse
renferme toujours des trésors auprès desquels on continue
à passer sans s'en douter. J'en citerai un exemple frap-
pant :
Depuis bientôt douze ans, la forêt de Massamba, à
l'ouest de la Loufou, est traversée par tous les Européens
dépassant Matadi. De plus en plus nombreux ont été les
blancs de tout métier qui ont foulé son sol; botanistes,
planteurs, agronomes, ont, pendant dix ans, dégringolé les
pentes de cette forêt bien connue : aucun n'avait constaté
que le café y poussait naturellement. Ce n'est qu'au mois
de septembre i8g3, donc l'an dernier seulement, qu'un
jardinier, rentrant de Loukoungou, et ayant quitté le
sentier des caravanes pour pénétrer à quelques cents
mètres dans la forêt de Massamba, y trouva, à sa grande
surprise, des caféiers sauvages couverts de baies presque
mûres. Des mesures ont été prises pour dégager ces
caféiers, dont la fève, toute petite, parait être la même
que celle du café sauvage trouvé dans l'Oubanghi et dans
les Sultanats du Xord.
Cet exemple n'est-il pas typique?
Dans la zone de Kassongo les troupes de l'Etat con-
somment en grande quantité le café sauvage.
L'an dernier M. Lehrman, commissaire du IvAvango,
fît connaître au Gouvernement que son district était à
même d'approvisionner en café les autres provinces de
l'Etat.
Le lieutenant Fiévez Léon, à l'Equateur, signale la
présence dans les iles de l'Oubanghi, entre son confluent
et Zongo, d'une multitude de caféiers en plein rapport.
99
Le (( Bambou de Chine » .
Existe dans le Katanga et au Nord de l'Oubanghi.
A été introduit par nous dans la plupart des stations et y
pousse merveilleusement.
^1
y '
Dybowski signale rexabérance des bambous de
Chine ou plus exactement « Bambous de l'Inde » vers
5° 1/2 Nord. Les tiges, écrit-il, ont de i5 à 18 mètres de
haut ; ce sont des plantes superbes ; les touffes ont 6 ou
8 mètres de diamètre et les brins s'élancent en une gerbe
haute et élégante et s'infléchissent en des courbes gra-
cieuses.
En Afrique, on donne improprement le nom de
bambous aux rachis d'un raphia. Il serait bon d'adopter
la terminologie « Bambou du Congo « pour ces rachis.
Le vrai bambou reçoit en Europe des applications
pour ainsi dire indéfinies pour la confection de milliers
de meubles, de bibelots, de cannes de tout genre, etc.
On en fait aussi des hampes de lances.
Tous les produits végétaux que nous venons d'énu-
mérer et qui ont été exposés à Anvers, sont ou origi-
naires du pays ou introduits dès longtemps avant notre
arrivée au Congo.
Leur énumération descriptive aurait à se compléter
des végétaux signalés comme existant au Congo, mais
non représentés à Anvers.
Nous n'en donnerons que la nomenclature rapide :
Le « Ciibcbe Africain », qui pourrait peut-être rem-
placer le poivre noir et est utilisé en médecine.
Le « Pcntadcsma Buiyracca->-> à graine huileuse.
Le <( Manglicr », dont l'écorce peut servir au
'ifc^ tannage; bois de construction.
^ Le u Borassus Flabclliformis », magnifique
;«r '^ palmier à tronc renflé, dont le bois veiné de
rnoir et très solide est un bois d'ébénistcrie et
de construction, et dont les feuilles sont employées
à la confection de mille bibelots, parmi lesquels les
éventails chinois.
/fW
I
Le « Palmier-Bambou » [Békélenguê à l'Equateur).
Pris souvent pour le Raphia Vinifcra, est le plus beau
représentant de la famille raphia au Congo.
Les nervures des feuilles du békélenguê sont parfois
grosses comme la jambe, et fournissent pour les construc-
tions des matériaux comparables au bambou de l'Inde;
ces rachis ont jusqu'à 12 mètres de long, sont droits,
réguliers et résistants ; aussi sont-ils très utilisés par les
noirs et par les blancs; l'épiderme de ces nervures sert à
la confection de nasses énormes, de pièges à petit gibier,
de paniers de toute sorte, de nattes pour cloisonner les
huttes ; — l'intérieur fournit les petites flèches de 3o à
35 centimètres de long, souvent empoisonnées : les atte-
lets si dangereux; — les feuilles donnent les meilleurs
toits indigènes connus dans le Haut-Congo ; — en plaçant
ces bambous jointivement sur deux rangées, l'une verti-
cale, l'autre horizontale, on obtient des cloisons propres
et suffisantes pour des constructions provisoires à élever
rapidement.
Le « Palmier Calamus » (Calamus Secundifloriis) ou
« Rotang » : sorte de jonc épineux s'accrochant à tout ce
qu'il rencontre ; toutes les rives en sont garnies ; la feuille
est semblable en petit à celle du palmier; le corps peut
remplacer le rotang venant des Indes orientales, si
employé en vannerie et pour les chaises de jardin, les
fauteuils cannelés dits fauteuils de Madère, etc.
Certains rotangs ont l'épaisseur du poignet et sont
longs de 6 à 8 mètres; ils sont très résistants et très
souples, et pourront faire, avec une autre liane (appelée
(c n'godi » à l'Equateur), l'objet d'un commerce considé-
rable ; cette liane n'godi peut servir aux mêmes usages
que les joncs dont on fait les fonds de chaises, et
surtout donnera, à peu de frais, des paniers d'emballage
I02
légers et résistants pour les expéditions rapides de
fruits, poisson frais, etc.
Des fleurs et des plantes ornementales dont l'import
en Europe serait une richesse.
Mon ignorance en Botanique m'empêche de mettre
des noms sur les très nombreuses fleurs qui parent les
rives du fleuve et l'intérieur des forêts ; à certaines époques
de l'année, des rideaux de lianes, dégringolant du haut
des Fromagers et des Saucissonniers, se couvrent complè-
tement de bouquets d'un incarnat violent; parfois des
kilomètres entiers de rives fleurissent et l'on ne voit plus
de verdure pour ainsi dire : tout est devenu rose; en
d'autres points, les arbres sont chargés de fleurs blanches
dont je ne sais dire ni les formes, ni les caractères. Je
sais seulement combien c'était beau !
Et que d'orchidées partout, plus étranges souvent
que belles, et trouvées dans des circonstances parfois
curieuses. Exemple :
A certaines époques de l'année et en certains points
du camp d'Equateurville, l'air se saturait d'un parfum
violent d'héliotrope. On passait humant fortement ce
parfum et donnant un coup d'a^il interrogateur aux
environs. Comme là-bas on est toujours affairé, on
ne poussait pas plus loin l'examen de ce parfum
et la recherche de ses causes. A la fin de i8g3
seulement, mon attention fut attirée par une
jonchée de feuilles mortes sous un arbre complète-
ment vert. J'examine ces feuilles et je constate qu'il
s'agissait non de feuilles, mais de fleurs brunes d'où
émanait le parfum d'iiéliotrope. Au-dessus de ma
tête, la frondaison de l'arbre d'où ces fleurs tom-
baient ; cet arbre était parasite d'une « Anonacée »
ayant poussé au flanc d'une de ces termitières
— io3 —
monstrueuses de l'Equateur. On eût dit qu'au tronc de
l'anonacée à larges feuilles et à gros fruits jaunes, on
avait greffé de longues branches flexibles à petites feuilles
tendres et délicates, abritant à leur aisselle des fleurs en
étoile, teintées de brun et de blanc seulement, mais d'un
dessin plus délié, plus transparent, plus capricieux que
l'aile des papillons, et d'un parfum rappelant l'héliotrope.
Guidés par ce parfum très marqué, nous trouvâmes
immédiatement de nombreux spécimens de cette adorable
fleur sauvage que nous, montrâmes en vain à tous les
passagers, pour en connaître le nom.
Je surveillai nos arbres parasites pour voir si aux
milliers de fleurs qui la couvraient allaient succéder des
fruits. Il n'en fut rien; toute la floraison se flétrit sans
que rien la remplaçât; ou du moins, ce fut seulement
deux mois après que nous découvrîmes, en place de
toutes ces fleurs, rien que deux fruits et bien bizarres : au
bout de deux longs rameaux flexibles et pas plus gros que
le doigt, se développaient comme deux pommes à côtes,
d'un vert sombre et velouté. Pendant trois mois ces fruits
étranges demeurèrent sans changement apparent, sauf
qu'ils noircirent un peu; enfin, m'étant décidé à en
cueillir un, je le trouvai rempli d'une multitude de petits
noyaux gris-brun, semblables à des noisettes. Ces
noyaux, secs, prirent une odeur très caractérisée d'angé-
lique confite.
Cette orchidée parfumée serait ici une fleur de grand
luxe et de grand prix.
Voici encore une fleur remarquable, signalée par le
capitaine Camp :
(c Étoile blanche. Gloire du matin. «
« La fleur peut n'être pas classée parmi les « gloires
du matin )i, mais certainement elle en a l'apparence,
104
excepté un léger aplatissement dans la forme. Elle
présente cinq pointes d'une belle couleur de velours
blanc. Ces pointes sont réunies par de petites raies d'une
couleur crème plus sombre, avec de la peluche veloutée.
C'est une très belle fleur mais qui n'a pas d'odeur
spéciale. Elle croît dans un sol très riche, sa tige
grimpant par-dessus les taillis. Elle sera certainement la
bienvenue dans les jardins botaniques, »
A propos de fleurs, remarquons que l'Européen en
a introduit de nombreuses variétés : roses, pourpier
d'ornement, lilas, véritable épine du Christ, immortelles,
corail, reines-marguerites, vigne de Chypre, balsa-
mines, etc
Les plantes médicinales, auxquelles il faut rattacher
les plantes toxiques, sont nombreuses à n'en juger que
par toutes les drogues qu'en fabriquent les médicastres
noirs.
Je pourrais bien parler du « Strophantiis Hispidus »,
de la famille des apocynées, dont on empoisonne les
flèches, et qui a sur le cœur une action très marquée, ce
qui en fait un succédané de la digitale ; — de 1' « Erythro-
phlaenm Guincense n ou du « Tephrosia Vogelii », qu'on
utilise pour l'épreuve de la casque, jugement de Dieu aux
pays des noirs, — et de tant d'autres csesalpiniées, mal-
vacées, rubiacées, etc., etc
J'aime mieux dire, à ma confusion, que je n'y connais
rien du tout, et m'arrêter ici dans ce que je voulais dire
de la flore équatoriale sauvage exploitable, pour vous
présenter deux produits introduits et cultivés par nous
avec un succès étonnant : le café et le cacao.
io5
Le « Café )>.
Dès l'arrivée des Européens à Léopoldville, des
essais de plantation de café furent faits. C'était du café
de Libéria.
L'expérience réussit, mais les mille difficultés
avec lesquelles on était aux prises en ce moment
empêchèrent le développement en grand des plan-
tations.
Bien plus, il y eut un moment où la popula-
tion blanche de Léopoldville ne parut plus se
douter de l'existence, dans les jardins, de ces
arbres précieux que la brousse menaça bientôt
d'étouffer.
Ce fut le lieutenant Liebrechts qui, en arri-
vant à Léopoldville en 1886, et ayant connais-
sance des essais précédemment tentés, fit des
recherches et découvrit dans les hautes herbes de
petits caféiers végétant misérablement, mais heu-
reusement encore vivants. Il s'empressa de les
dégager, et, grâce à lui, ils reprirent vigueur.
En i8go, la Chambre de commerce d'Anvers publiait
un rapport établissant que le café de Léopoldville est des
meilleurs et recommandant sa culture, car sa qualité le
plaçait à côté du meilleur « Santos » et de certaines qua-
lités de « Java » et de « Haïti », le prix variant de g5 à
iio francs les 5o kilos.
A la suite de ce rapport, le regretté gouverneur
Coquilhat faisait parvenir, le 7 août i8go, aux commis-
saires de district, des instructions prescrivant l'introduc-
tion et le développement de la culture du café dans tous
les établissements de l'Iitat.
— io6 —
En conséquence, Léopoldville devait envoyer, avec
tous les soins voulus, les premiers plants disponibles à
Loukoungou et à Bangalas (Nouvelle-Anvers), puis à
Lousambo, à Loulouabourg, à l'Arouwimi.
Les instructions du Gouvernement reçurent applica-
tion immédiate, et bientôt, au lieu d'envoyer quelques
jeunes plants, on put envoyer des centaines, puis des
milliers de baies mûres, et les résultats furent tellement
extraordinaires, qu'on se refusera presque à croire les
chiffres que je vais citer.
C'est pourquoi je rappellerai d'abord l'extraordinaire
fertilité du sol dans le Haut-Congo; l'immense cuvette
qui fut jadis la Mer Centrale est en outre plus favorisée
par le régime des pluies que les bandes nord et sud de
l'Etat; la composition et la profondeur de la couche arable
sont presque partout des plus favorables au café. Enfin,
disons que cette rubiacée est chez elle au Congo; car elle
n'est nullement originaire de l'Arabie, comme son nom
scientifique [Coffca Arabica) pourrait le faire croire ; elle a
pour berceau l'Afrique centrale, où on la trouve en abon-
dance à l'état sauvage.
L'exemple de la pousse des caféiers à l'Equateur est
typique : les baies, provenant de Léopoldville, furent
mises en terre fin novembre i8gi ; les premières fleurs
apparurent juste un an et demi plus tard; quand je quittai
la station, en juin 1893, les caféiers avaient 2"''5o de haut
et étaient couverts de fruits; depuis mon départ,
40,000 baies récoltées sur ces premiers caféiers ont été
plantées en pépinière.
A Nouvelle- Anvers, à Basokos, etc., la puissance de
production du sol est identique, et les résultats obtenus
sont imposants.
— I07
LE BA5SIN DU CONGO
Laneienne mer intérieure
d'après A J.'^'aulers .
— io8 —
Voici le relevé des caféiers clans quelques stations de
l'Etat Indépendant, à la fin du premier semestre 1894 :
Borna 435
Matadi 80
Région des Cataractes .... g3
Stanley-Pool 14,520
Kwango-Oriental 37
Equateur 4,3o5
Nouvelle-Anvers (Bangalas). , . 27,225
Basokos 2,65o
Oubanghi-M'bômou 1,200
Total . . . 50,545
Dans les stations précitées, 200,000 baies étaient en
terre à la même date.
Je ne possède pas les chiffres de Loulouabourg,
Lousambo, Stanley-Falls, etc
A côté de l'Etat, les factoreries et les missions créent
aussi des parcs plus ou moins étendus de caféiers.
La mission de Bolengui (Equateur) possédait à
mon départ (1893), 5oo plants de café, dont i5o en pleine
force.
Devant ce développement surprenant d'une culture
de grand rapport, l'Etat s'est empressé d'envoyer au
Congo un certain nombre d'agronomes, et de planteurs
noirs recrutés à San-Thomé et à Monrovia.
Une société s'est formée dernièrement pour l'exploi-
tation des produits du sol au Kassaï ; son principal
objectif est l'établissement de grandes plantations de
café.
Actuellement, des essais de culture sont tentés avec
des semences de San-Thomé, Guatemala et ]%iva.
I09
Plusieurs fonctionnaires de l'Etat ont été chargés
d'aller étudier, à San-Thomé particulièrement, les planta-
tions qui sont une des richesses de cette île équatoriale.
Bref, rien n'a été négligé pour assurer le développe-
ment d'une grande ressource.
D'après les rapports de M. Van Buggenhoven,
agronome des districts de l'Oubanghi-Ouèllé et de
l'Equateur, avant deux ans il y aura à Nouvelle-Anvers
(Bangalas) 100,000 caféiers en pépinière ou transplantés.
Si on considère que quatre ou cinq ans après, chaque
caféier pourra donner un rendement moyen minimum de
5 livres (ce qui est un chiffre trop faible), on arrive pour
la seule station de Bangalas à une récolte annuelle de
5oo,ooo livres, représentant une valeur brute d'un demi-
million de francs et un chargement de 3o wagons pour
cette unique station.
Les districts « Equateur», « Stanley-Pool », « Arou-
wimi-Ouèllé », le « Manyéma», les « Sultanats du Nord»
auront, avant deux ans, au moins chacun 5o à 60,000
caféiers en pépinière ou transplantés, soit, avec l'hypo-
thèse de tantôt, une récolte annuelle pour chaque région,
à partir de igoo, de 25o à 3oo tonnes de café.
Un coup d'œil sur le tableau donné tantôt des
caféiers existant en station à la fin du premier semestre
1894 montre, en ce qui concerne le café, la pauvreté du
Congo-Moyen à côté du Haut-Congo; il en est ainsi- pour
plus d'un produit, et c'est une des causes qui assurent au
chemin de fer du Congo un trafic pour ainsi dire indéfini.
Il est entré en Belgique, en i8g3, 41,847,957 kilos
de café, dont 23, 608, 334 ont été bus dans le pays. Valeur
moyenne 2 fr. i5 à 2 fr. 80 le kilo.
Le « Cacao ».
Les merveilleux résultats obtenus avec le café, l'ont
été également avec le cacao, à propos duquel j'aurais à
redire tout ce que j'ai dit pour le café.
Ci le tableau des cacaoyers enstationau i*^^ mai 1894 :
Matadi 18
Stanley-Pool 2400
Equateur 76g
Bangalas 2790
Basokos 910
Je n'ai pas les chiffres des autres districts.
Il est entré en Belgique en 1893 :
1,877,084 kilos de cacao, fèves et pelures, à 2 fr. 20 le
kilo, dont 1,035,294 kilos pour notre usage;
204,596 kilos de beyrre de cacao à 3 fr. 20,
dont 85,2i5 emplo3'és en Belgique;
747,481 kilos de cacao préparé à 3 fr. 5o,
dont 348,799 kilos consommés ici.
A Equateunille les premiers cacaoyers furent
mis en terre en 1891.
Les fruits apparurent en deux ans et demi et
aujourd'hui ce sont ces premiers plants qui assu-
rent les plantations du district.
Au camp de Basokos, du temps du capitaine Chaltin,
on buvait du cacao qu'on pouvait bien qualifier de
congolais, car il y entrait la poudre obtenue par la
torréfaction et la pulvérisation de graines recueillies
dans la station, le lait des chèvres et des moutons du
camp, et enfin le sirop de canne à sucre lait par des
femmes noires.
Le café et le cacao sont surtout les deux « denrées
coloniales» dont le développement est aujourd'hui assuré;
d'autres produits sont à l'essai, tels la vanille, l'indigo, et
ces essais se compléteront progressivement avec le gin-
gembre, le poivre, le cinchona (quinine), le thé, etc., etc.
Je passe aux produits alimentaires
dont plusieurs seront à signaler pour
l'exportation.
L'exposition d'Anvers nous a mon-
tré des légume;
fruits.
des nrraines et des
o
Les légumes étaient une quin- Y^
zaine de variétés de haricots , dn petit
piment, des patates douces, des ignames,
et enfin du manioc.
Ces produits ont été souvent
décrits et je n'y reviendrai pas, sinon
pour dire que le manioc, la plante
nutritive par excellence des nègres,
fait l'objet d'un trafic considérable en
Angleterre pour pâtes alimentaires; on
en fait le tapioca, et la farine de manioc
est la base de la fameuse Revalenta-
Arabica. Un hectare de manioc peut
fournir au bout de deux ans 5o,ooo kilogrammes de
tubercules.
Les graines alimentaires exhibées étaient : le maïs,
le ri:j, le sorgho.
Du maïs, je dirai seulement qu'on en peut faire trois
récoltes par an sur le même terrain, et que le rendement
peut atteindre par hectare 10,000 kilogrammes, soit trois
fois environ les rendements d'Europe.
Le riz cultivé au Congo est le riz de montagne, pour
la culture duquel il ne faut nullement lesterrains humides
et marécageux que réclame le riz chinois.
Le riz vient en tous les points du territoire de l'Etat
et constitue un aliment des plus précieux pour le blanc
comme pour le noir.
Au cours de l'Exposition un officier de l'état-major
russe, le colonel Léonide d'Artamonoff prit des échantil-
lons de ce riz sec, afin de le signaler dans son pays pour
la culture dans l'Askabad Transcaspien.
Le sorgho entre surtout dans l'alimentation des peu-
plades musulmanes et arabisées, qui en font des bouillies,
de la farine, de la bière et même de l'alcool.
Ou le trouve actuellement dans la plupart des sta-
tions. A ce propos, son introduction à l'Equateur mérite
d'être racontée.
En i8go, étant sous-commissaire de district à
Loukoungou, je profitais des heures si rares de loisir que
nous laissait le transport pour courir les environs en
compagnie d'un état-major noir composé d'un Zanzibarite,
d'un Houssa, d'un Sierra-Léonais, d'un Bangala, d'un
Bas-Congo.
Ces gens avaient pour mission de me donner le nom
et l'usage de tout ce que nous rencontrions de plantes
et d'arbres.
Par un de ces amusants jours de promenade, nous
II
ii3
avisons, au milieu des herbes ordinaires, une touffe de
graminées plus hautes et dont la tige, analogue à celle
du maïs, était terminée par un gros épi formé d'une
multitude de petites graines, à épisperme brun noirâtre,
à intérieur farineux et blanc; des bandes de bengalis
becquetaient à môme ces épis.
— What is that? Enké ïaye? Kitou gani? O yo n'di?
Qu'est cela?
— (( Dicidia », me dit le Zanzibarite ou le Houssa.
Et dans mes notes, je transcris le nom et l'aspect
de la plante, avec cette mention : « C'est peut-être le
sorgho. »
Puis je fais cueillir les épis mûrs et, en rentrant à la
station, on les suspend sous notre vérandah. Les femmes
zanzibarites me disent qu'elles connaissent cette graine
dont, chez elles, on fait du pain.
J'en fais faire de suite, et le i^r juillet i8goce pain
noir est goûté par nos invités.
Avis unanime : trop lourd.
Je gardais les derniers épis pour semailles, attendant
la saison des pluies, lorsque je reçus l'ordre d'aller orga-
niser le district de l'Equateur, resté jusqu'alors sans
administration propre.
Je n'eus garde, en quittant Loukoungou, d'oublier
d'emporter avec moi deux des épis que je croyais bien
être du sorgho. En arrivant à Equateurville, j'en remis
un au lieutenant Baert, qui commandait alors les
Bangalas, et je semai le mien immédiatement.
Les essais de Nouvelle-Anvers et de l'Equateur
réussirent complètement.
C'était bien le sorgho que j'envoyai plus tard aux
camarades Chaltin à Basokos, et Simon dans le district
de Banane, (jui m'avaient demandé ces envois.
8
— 114 —
On voit de quelles circonstances fortuites peut
dépendre l'introduction dans ces pays neufs de produits
précieux, car parmi ses différents usages, voici l'immense
parti que nous tirions du sorgho : chaque jour des
femmes le réduisaient en farine; celle-ci, employée seule,
donnait, je l'ai déjà dit, un pain trop lourd, bien qu'un
agent de la Société belîje lui ait trouvé assez de ressem-
blance avec le pain bavarois pour s'en faire confectionner
par plaisir.
Ajoutée à quantité égale de farine d'Europe, la farine
de sorgho donne un fort bon pain ; mais la proportion qui
nous parut la plus avantageuse était : 2 3 de farine
d'Europe pour i 3 de farine de sorgho.
Nous obtenions ainsi un pain gris, léger, extrême-
ment sapide, levant parfaitement, tandis que la farine
venant d'Europe, restant enfermée dans des boîtes en 1er
blanc soudées, parfois pendant plus d'un an, devient
insipide et donne un pain mal levé, malgré l'excellente
levure que fournit le malafou.
Nous faisions donc, grâce au sorgho, un pain gris
goûté de tous. Pourtant, ne voulant pas que mes agents
perdissent absolument le goût du pain blanc, j'avais
donné ordre d'en faire une fois par semaine, le dimanche.
Ce furent mes agents eux-mêmes, sans exception, qui
demandèrent que, le dimanche comme les autres jours, il
y eut du pain gris, du pain de sorgho. C'était un critérium
certain de la valeur de ce produit, qui offrait de plus cet
énorme avantage d'augmenter de moitié nos ressources
en farine, car à deux caisses de farine d'Europe, si nous
ajoutions une caisse de farine de sorgho, nous obtenions
trois caisses de mélange à faire notre pain. Et certes, nul
ne s'est jamais mal trouvé de cette heureuse augmen-
tation.
ii5
Les fruits du Congo offrent aujourd'hui une variété
des plus avantageuses. Anvers n'en expose qu'une partie,
savoir :
La « Banane » grande et petite ;
L' « Ananas >> ;
La « Papaye •>■> ;
Le (c Corossol » ou a Ccciir-dc-Bœnf )> ;
Le fruit de 1' « Arbre à Pain » ;
La (c Barbadinc » ((( Maracoiijas )>) ;
La <c Pomme Cannelle » ;
La « Pomme d'Acajou » [« Anacardier »);
La « Goyave )> ;
L' <c Avocat )) ;
L' (C Amomiim Citratum » ;
Les (( Fruits de la Liane à Caoutchouc » ;
Le « Sapho ->•> ;
L a « Mangue » .
La (C Banane » .
Fruit d'une grande plante herbacée et vivace qui
peut atteindre de 4 à 6 mètres de haut. Les fruits,
disposés en grappes ou régimes, ont une chair blanche,
riche en amidon. Les bananes sont un des éléments
importants de l'alimentation dans les régions tropicales;
après les avoir fait cuire sous la cendre, on les mange
comme du pain.
La banane est susceptible de servir avantageusement
à la fabrication du sucre.
ii6
Une des meilleures manières d'accommoder les
bananes bien mûres est de les cuire dans la poêle, avec
de la graisse fondue. C'est une préparation excellente et
qui mériterait d'être mise en conserve pour l'expédition
en Europe.
Deux préparations ont déjà été imaginées pour la
conservation et l'expédition des bananes. L'une est la
farine de banane, l'autre est constituée par
la banane mûre, séchée au soleil ou au four.
La première se prépare avec les
bananes vertes, la seconde avec des fruits
bien mûrs.
Les bananes vertes sont coupées en
tranches minces, séchées au feu sec, puis
pulvérisées en farine. Cette farine est
connue en Angleterre sous le nom de
(c Conquin Tay ».
Les bananes mûres, pour l'autre prépa-
ration, sont pelées, fendues en long, cuites
et séchées en partie au feu, puis séchées au soleil
dans les pays où l'on a un soleil assuré, ou au feu
' ailleurs. On les appelle dans les colonies espagnoles
« Platano pasado », et dans les colonies françaises de
l'Océanie « Pierc ». Le Piere de Tubuaï a une répu-
tation océanienne bien établie; cette préparation est
d'ailleurs excellente.
La banane donne, sur place, un vin très agréable
dont la distillation fournit un alcool savoureux.
Nous avons signalé parmi les fibres textiles la fibre
de bananier.
Certaines espèces, le bananier abaca par exemple,
se cultivent pour la matière textile fournie par les feuilles;
le chanvre de Manille, qui nous vient des iles Philippines,
— 117 —
est fourni par cette espèce ; les cordages en chanvre de
Manille sont très résistants.
Enfin dans nos climats on cultive certaines espèces
de bananiers comme plantes ornementales ; ce sont
surtout les musa coccinea, ornata et rosacea et aussi le
magnifique bananier à feuilles entièrement rouges, à
nuances métalliques superbes, qui est bien la plante la
plus ornementale qu'on puisse voir.
Le bananier pour végéterbien et facilement demande
un climat chaud, égal et humide, exempt de grandes
sécheresses et de grands vents; il veut un sol fertile, un
peu frais mais point inondable. C'est en se rapprochant
de l'Equateur qu'on trouve en général les meilleures
conditions pour sa culture en grand.
En grande culture, le bananier peut produire de 3o à
5o,ooo kilos de fruits à l'hectare, et un poids extraordi-
naire de tiges et feuilles fraîches qui, hachées grossière-
ment peuvent se donner à quelques animaux, notamment
au porc.
— ii8 —
Dans l'emploi des fruits, la peau et l'axe du régime
représentent un quart de déchet environ.
L'entretien des bananiers ne demande, dans les
pays pourvus de pluies suffisantes, que quelques sarclages
et la suppression d'une partie des rejets. Le régime met
environ 2 12 à 3 mois à prendre son développement.
On coupe la tige et on cueille le régime lorsque le
fruit a acquis sa grosseur, mais qu'il est encore vert et
ferme, sauf la première couronne supérieure qui doit
commencer à jaunir. Il mûrit promptement à la maison,
surtout dans l'obscurité.
Si l'on recherche exclusivement une grosse produc-
tion, un fort rendement, il faut planter de préférence le
bananier de Fernambouc (Brésil), le Purohini, le bana-
nier de Chine et le Djernang de Malaisie.
Un hectare planté des deux premiers peut donner
dans les meilleures conditions 200,000 kilos de substance
alimentaire.
De Humbolt avait calculé que sur la même super-
ficie de terre, le produit du bananier est à celui du froment
comme 1 33 est à i, — à celui de la pomme de terre, comme
44 est à I, — et qu'un quart d'hectare de terrain qui, en
Europe ne suffirait pas à nourrir une personne, en entre-
tiendrait 25 s'il était planté de bananiers.
Le bananier plantain du Congo peut fournir 26, 000 kil.
de fruits à l'hectare. Certains régimes de cette variété
atteignent le poids étonnant de 40 à 4.5 kilos, la plante
ayant 10 à 12 mois. (Lieutenant Richard.)
Pour en finir avec le bananier, signalons qu'il y a
quelques dizaines d'années un planteur, Brésilien jecrois,
se servait du bananier pour ombrager les lignes de cafés
dans ses plantations. Longtemps on se contenta de couper
ces bananiers et de les jeter au rebut juscju'au jour où
I
iig
notre homme eut l'idée d'en lester des steamers en desti-
nation de New- York.
Aujourd'hui le marché de cette ville reçoit annuelle-
ment des bananes fraîches pour une somme de 2,000,000
de francs.
L' « Ananas ».
Pourra, avec la banane et bien d'autres fruits, arriver
sur la place d'Anvers, dès que le trajet d'Anvers à Matadi
sera réduit à une quinzaine de jours et qu'une ligne
régrulière belote sera établie.
Le roi des fruits d'Afrique, dit le docteur Paul Briart.
Existe actuellement dans tout l'État du Congo.
Dans les îles Philippines et à Singapore on retire
des feuilles une matière textile très forte qui sert à faire
des filets et des cordes; on peut aussi en faire d'excellent
papier.
Les Congolais tissent avec la fibre d'ananas une
étoffe très solide et très recherchée.
L'ananas se propage par bouturage et sa propagation
est presque spontanée; qu'un noir rejette au hasard le
collier de jets de l'ananas qu'il vient de cueillir, ainsi
que l'aigrette de feuilles qui surmonte le fruit, ces jets et
cette aigrette rouleront de-ci de-là au gré des vents et des
pluies, finiront par se fixer et par prendre racine.
Voici encore ce qu'en dit le docteur Briart :
« Le jus de l'ananas, très abondant et très sucré, est
fermentescible à un haut point et donne un alcool très
pur, très agréable de goût, possédant un arôme qui
rappelle son origine, et qui semble exempt des produits
cmpyreumatiques qui gâtent les alcools extraits de la
patate douce, du topinambour, de la pomme de terre et
d'autres tubercules. Les missions françaises distillent le
jus de l'ananas depuis plusieurs années. »
Ajoutons qu'aujourd'hui beaucoup de stations de
l'État font de même, et appliquent aussi la distillation à
la papaye tout particulièrement.
L'alcool d'ananas distillé à Nouvelle - Anvers
s'appelle « la Bangaline ».
<c Cette distillation de l'ananas, qui ne se fait encore
aujourd'hui que sur une petite échelle, pourrait devenir
la source de réels profits ; la facilité avec laquelle il se
reproduit n'exige pas beaucoup de main-d'œuvre; il cou-
vrirait rapidement de vastes espaces (il couvre déjà
actuellement des milliers d'hectares à l'état sauvage), qui
ne demanderaient guère de soins que ceux que nécessi-
terait une production trop touffue ; partout où les Euro-
péens ont pris le soin de le planter, il s'est reproduit très
aisément; ne donnât-il que la quantité d'alcool nécessaire
aux besoins de chaque station pour l'alimentation propre
du blanc, pour les usages thérapeutiques, pour les besoins
des collections diverses et pour suffire aux échanges avec
les tribus indigènes voisines, il permettrait déjà une
exploitation très rémunératrice. » (Briart.)
Pour l'exportation, l'ananas du Congo pourra aussi
se -mettre en boites.
La (c Papaye ».
Fruit charnu, jaune, ovale, de la grosseur d'un petit
melon d'eau, de saveur douce et sucrée, très prisé des
Européens et des indigènes. Le papayer donne ses fruits
en moins d'un an.
— 121 —
On en obtient un excellent alcool dont un flacon était
exposé à Anvers. C'est la « Lirangine » fabriquée à la
mission française de Liranga (confluent de l'Oubanghi et
du Congo).
Une particularité très curieuse du papayer est de
laisser couler de sa tige, et surtout de son fruit mûr, un
latex dont on extrait la papaïne, dont les propriétés,
analogues à celles de la pepsine, favorisent la digestion
de la viande, en transformant celle-ci en peptone.
Aussi la papaye est-elle tenue ajuste titre pour un
fruit sain et éminemment digestif.
A signaler aussi qu'en enveloppant de feuilles de
papayer un vieux coq aussi dur que savent l'être ces galli-
nacés, on le ramollit et on l'attendrit au point de pouvoir
encore le préparer au riz.
Le « Corossol » ou <c Cœur -de -Bœuf » donne ses
fruits au bout de trois ans; on en fait avec un peu de
rhum des sorbets naturels exquis.
Le fruit de 1' « Arbre à Pain » se cuit sous la ccnd:e
et se mange comme pomme de terre.
La « Barbadine », « Maracoujas « ou « Pomme-
Liane » est le fruit de la « Passiflora Quadrivalvis )>.
Cette liane, originaire de rAméri(|ue intertropicale,
— 122
porte des vrilles oppositifoliées lui permettant de s'accro-
cher au fur et à mesure qu'elle grimpe en se développant.
La partie comestible est une arille très aqueuse qui
entoure les petites graines ; on avale le contenu du fruit
comme une gelée sucrée, très juteuse, d'un parfum très
délicat.
On multiplie la pomme-liane de rejets du pied, de
marcottes ou de boutures. Elle entre en fruits très rapi-
dement. Ainsi à l'Equateur la barbadine porta en g mois
certains fruits atteignant le volume de la tête d'un homme,
pesant 5 kilos et renfermant 2 litres de jus.
L'écorce de la barbadine fournit avec un peu de sucre
une compote aussi délicate que nos compotes d'Europe.
La barbadine se mange dans le fruit même ; pour
cela on la coupe en deux et on la mange à la cuillère
telle quelle ou en ajoutant un peu de madère.
Le plus bel exemple de multiplication spontanée est
offert par la barbadine introduite à Tahiti (Polynésie) il
y a une vingtaine d'années. Cette liane a tellement
envahi la presqu'île qu'elle est devenue un véritable
danger, car elle étouffe les arbressous le poids de ses tiges
d'une longueur extraordinaire. Tahiti ne possédant guère
d'oiseaux, la dissémination a été due aux rats ou aux
porcs.
*
» *
La a Pomme Ca7iJîclle», pomme-flanc des anglais pos-
sède une chair douce, sucrée, d'un parfum délicat.
La « Pomme cTAcajou est le fruit de l'Anacardium
Occidentale, introduit d'Amérique au Congo probable-
ment par les Portugais. L'anacardier est un bel arbre
- 123 —
cultivé pour son fruit dans toutes les régions tropicales.
Au Congo on le trouve depuis lacôtejusqu'àLéopoldville.
Il commence à se développer dans les stations d'amont :
il a une vague ressemblance comme port avec nos figuiers.
Son fruit est une sorte de gros citron porté par un pédon-
cule charnu, en forme de rognon; ce pédoncule renferme
une amande comestible qui se mange crue ou grillée, mais
le péricarpe du pédoncule est chargé d'un principe cor-
rosif très violent employé en médecine, et connu sous le
nom de « Cardol ».
Le cardol est employé contre les verrues, les cors,
les ulcères; protège les planchers contre les fourmis
blanches; s'emploie dans la reliure des livres pour les
mettre à l'abri des insectes.
On mange surtout le fruit, dont la saveur acide, un
peu astringente, est très agréable.
La « Goyave ».
Deux espèces au Congo : la « Grosse Goyave » et la
petite « Goyave-Fraise ».
Bon fruit, antidiarrhéïque.
Cultivé par l'indigène jusqu'à Léopoldville, ainsi
que dans la zone arabe; introduit dans toutes nos
stations.
L' « /^z'ocrt/ », corruption du caraïbe i<. Aoitaca ^^, est
le fruit de V a Avocatier :>•• , a Persea gratissijiia ^y, arbre
d'un port étendu et d'une grande puissance végétative.
vSon fruit est une sorte de très grosse poire d'abord verte,
124
puis violet foncé à maturité, renfermant un gros noyau
ovoïde.
On mange le fruit en légume ou en dessert. A cet
effet, on le coupe par le travers et on y ajoute soit du
poivre, du sel, du vinaigre, de la sauce anglaise, etc.,
soit du sucre et du vin, ou un alcool parfume.
Avec les premiers condiments, l'avocat rappelle
l'asperge froide ou le chou-fleur au vinaigre ; avec du
sucre, ce fruit donne un sorbet naturel des plus délicat.
L'(c Amomum Citratiim» pousse dans toute la brousse
de l'Afrique Centrale. Nous l'avons signalé à propos de
l'exploitation du caoutchouc, quelques gouttes d'amomum
citratum produisant la coagulation immédiate du caout-
chouc recueilli dans des récipients indigènes.
Ces fruits, de la grosseur d'une toute petite banane
d'argent, et d'un beau rouge brillant, ont une pulpe d'une
saveur acidulée et parfumée fort agréable (Dybowski).
Les <c Fruits de la Liane à Caoutchouc » sont très
prisés de l'indigène; l'Iùiropécn les trouve trop acides.
Le « Saplio )>, fruit d'une térébinthacée, est recherché
par noirs et blancs avec une véritable passion, malgré ou
plutôt à cause de sa saveur bizarre de térébenthine.
C'est plutôt un légume qu'un fruit; se mange bouilli ou
cuit sous la cendre, avec du sel; les Anglais le mangent
aussi avec du sucre.
125 —
Le sapho s'appelle parfois « Prune Bleue d'Afrique
à cause de sa forme, de son volume et de sa couleur.
On le rencontre sur toute la surface de l'Etat.
La c( Mangue ».
Fruit du manguier, grand arbre à feuillage épais de
la famille des anacardiacées. Ressemble à un très gros
abricot, dont il a la couleur à maturité; possède une
chair très consistante, juteuse, à saveur de térébenthine;
renferme un énorme noyau couvert de fibres.
C'est un des très bons fruits tropicaux.
N'existe chez l'indigène que dans le Congo-Maritime
et dans la zone arabe.
On en trouve dans toutes nos stations.
Tels sont les produits alimentaires exhibés au
compartiment congolais. ]\Iais quoique nombreux déjà,
ils sont loin de représenter toute la richesse du Congo;
nous compléterons leur série par une nomenclature
sèche.
Légumes indigènes
Citrouilles, Mbika, Béte, Calebasse,
Boangila, Aubergines et Toniates anières,
Choux, Feuilles de moutarde, Yembé,
Oignons, Epinards, divers Piments, le
— 126
Mfoiimbou, le Kcjo, le Champignon, V Asperge, le Pourpier, le
MankiVentanoii, le Mansoulou, le Moussa, les Bokabou, etc.
.^^*^- :?;'
r ^
Légumes cultivés par les blancs :
Pommes de terre d'Europe, Pommes de terre de Mada-
gascar, Choux rouges et verts d'Europe, Choux de Chine,
Haricots d'Europe, Radis, Ramelaces, Betteraves rouges,
Navets, Carottes, Laitues, Chicorées, Ail, Persil, Pourpier
doré. Poireaux, Thym, Epinard tétragone cornu. Cresson
alcncis. Cresson du Para, Tomates, Aubergines, Moutarde
blanche. Cornichons, Concombres, Courges, Gros piments
doux dEspagne, Hibiscus, Cerfeuil, Céleri, etc., etc.
I
— 127 —
Tout ce que nous venons d'énumérer donnait des
résultats complets, du moins à l'Equateur, où ne
réussirent pas d'autres nombreux légumes qui réussis-
saient très bien autre part, et pour lesquels on a proba-
blement trouvé aujourd'hui aussi les conditions de
culture à l'Equateur.
Ainsi nos petits pois ne donnaient que de maigres
plantes produisant une maigre cosse ne renfermant qu'un
maigre pois; les fèves de marais atteignaient i'"20 de
haut, fleurissaient et brusquement charbonnaient et
tombaient; les choux-fleurs avaient i""" 5o, mais s'en
allaient tellement en feuilles et en tige, que le cœur ne
se formait pas; l'artichaut arrivait à 3o centimètres, puis
s'étiolait. D'autre part, le capitaine Chaltin, à Basokos,
obtenait de magnifiques choux-fleurs, et des fèves de
marais.
Graines indigènes
Le Mil, le Coracan.
Graines introduites par l'Européen :
Le blé^ essayé dans la Loulongo par le lieutenant
Lothaire, poussait d'abord bien, puis charbonnait; les
pères français de Liranga ont réussi avec du blé venant
de leur mission algérienne de Biskra; les pères blancs
du Tanganika récoltent de l'orge et du seigle.
Fruits indigènes :
Citron, Orange anière, Manchéché, Cocotier, Malolo,
128
M'filou, M'pngix'a, Foiita, N'kn'izoïi, Kunbombo, Kandi-
sansékè, Tamarinier, Mangwcngué, Bon' dingui, IWbimbo,
Noix du Congo, un petit fruit rouge, à saveur de réglisse
si sucrée et si persistante , que pendant plusieurs
heures elle couvre le goût de tout ce que l'on
mange.
Fruits introduits par l'Européen :
Noix d^ Amérique, Pomme de Rose, Tama-
riiiur des Indes, Néflier du Japon, Dattier,
Cerisier de Cayenne, Limonier, Mandarinier,
Oranger, Grenadier, Figuier, Groseillier du Cap,
Figuier -cactus , Mûriers , Vigne , Paui Saint-
Jean, etc.
Le Fraisier fut essayé à l'Equateur, apporté
par M. Banks, missionnaire anglais; les fraisiers
se développèrent avec une vigueur digne du pays,
mais dès que les fraises se formaient, des légions
de fourmis en faisaient leur régal.
Les Melons devenaient gros comme nos petits
melons d'eau, mais l'intérieur était régulièrement
dévoré par des quantités de vers.
Les missionnaires de Liranga peuvent revendiquer
l'honneur d'avoir les premiers introduit le Raisin d'Europe
dans le Haut-Congo; leurs essais n'ont pas encore été
couronnés du succès désirable, mais, tels quels, ils ont
prouvé que notre raisin pouvait mûrir à l'Equateur.
J'eus l'occasion, en 1892, de manger, chez les pères de
Saint-Louis de l'Oubanghi, un grain de raisin noir,
cueilli à l'unique grappe produite par une des vignes
venues d'Algérie, et qui avait 4 mètres de long, mais fort
peu de feuillage. Malheureusement, cette vigne mourut;
— I2g —
des drageons furent repris, qui venaient bien à mon
départ.
Comme la vigne sauvage est signalée en de nombreux
points du Congo (Berghe-Sainte-Marie, Coquilhatville,
Equateur-Camp, Oubanghi, etc.), donnant des grappes
dont le poids atteint parfois 4 à 5 kilos, des essais de
greffe pourront être avantageusement tentés.
La vigne sauvage de l'Equateur
porte de grandes feuilles d'un vert
foncé, profondément incisées. Les
grains mûrs sont de la grosseur du
chasselas, d'un noir violet et d'une saveur
assez agréable, astringente. Certes, ils ne
valaient pas notre raisin, mais, tels quels,
nous en mangions avec plaisir de grandes
grappes.
L'indigène néglige le raisin sauvage, comme d'ail
leurs bien d'autres fruits comestibles.
■■^t^i
Les longues énumérations de produits d'alimen-
tation que nous venons de faire, sont caractéristiques;
l'utilisation de jour en jour plus grande des ressources
du pays pour la nourriture des blancs, est un des facteurs
sanitaires importants du séjour au Congo et explique, en
grande partie, ce fait significatif et consolant qu'à chaque
bateau, partant le 6 du mois pour le Congo, on voit de
plus en plus de partants à 2"^^ et ?>^^ terme.
A bord de VAkassa du 6 août dernier, il y avait
i3o
i6 passagers dont 5 ayant accompli déjà un terme de
service.
Le 6 septembre, à bord de l'Edward BoJilen, s'embar-
quaient 37 Belges, parmi lesquels MM. Biermans et
De Reyghere, partant pour la troisième fois au service
du chemin de fer, et 8 agents allant accomplir un second
terme.
Le 6 octobre, ont pris place à bord du Coomassic
36 passagers; parmi eux, le D"" Bourguignon, 4™ départ;
]\L Schoii, Danois, 3"^- départ, et g agents à leur
deuxième départ.
Départs du 6 novembre par VAkassa : 22 passagers
belges, 8 à leur deuxième départ.
Enfin, parmi les 22 premiers partants annoncés
pour le 6 décembre, je trouve : MM. Wall, 5'"*^ départ;
Vleminckx,4'^«^ départ ; Weins, 3"^«^ départ, et 7 deuxièmes
départs.
Où donc est le temps où les premiers explorateurs
de l'Afrique Belge étaient plutôt considérés comme de
mauvais génies voulant entraîner le pays dans des entre-
prises néfastes?
Où donc est le temps où l'on regardait avec curiosité
soit, mais aussi avec un sentiment de commisération
mêlée de dédain ceux qui avaient le courage et la foi
d'aller conquérir à la patrie une vie plus féconde? (i)
Combien de temps pourra-t-on encore constater une
différence entre notre jeunesse belge et celle d'autres
pays, non même plus grands et plus encombrés que le
nôtre, et qui ont, par tradition, établi des courants vers
les contrées d'outre-mer? A côté d'eux il en existe d'autres,
(Ij D'après \ . Arsouli).
I
i3i -
i5z
l'Italie, la Suisse, le Danemark, la Suède, comme nous
non préparés à des exodes coloniaux par les traditions
anciennes; et chez ces peuples, restés sans colonies
jusqu'ici, une partie de la jeunesse, avide de plus grands
horizons, n'en obéit pas moins au viril appel vers les
champs d'activité et d'audace qui commencent à manquer
en Europe. Le vent du large les attire et ils s'y confient
d'une âme que ce grand souffle fortifie et soutient : il y a
au Congo des Italiens, des Suisses, des Danois, des
Suédois
Et nous voyons avec bonheur la jeunesse belge,
longtemps casanière et timide, n'entendre plus l'Océan
rouler le long de nos côtes sans comprendre enfin que là
désormais est le grand chemin de la richesse et de la vie.
Les océans sont maintenant les routes communes de
tous les peuples, et celui d'entre eux qui se refuserait de
les pratiquer, serait condamné bientôt à une irrémédiable
déchéance et réduit à s'épuiser dans une lutte stérile
contre lui-même. Xos jeunes gens commencent à prouver
que notre vieille race belge, qui opposait jadis Bruges à
A'enise, qui oppose aujourd'hui Anvers à Liverpool et à
Hambourg, n'est pas dégénérée et qu'elle sait conquérir
les mers autrement que du fond de ses bureaux.
Il y a là-bas, au Congo, à trois semaines de mer
seulement, des fleuves et des bassins, aujourd'hui ouverts
aux Belges, et si nous hésitons à y aller, demain occupés
par toutes les activités européennes qui auraient bientôt
fait de nous en fermer l'accès. La Belgique s'en détour-
nera-t-elle par amour du repos, rendant ainsi stériles
pour nous tant de grands et héroïques efforts que
l'Europe admire, et qui profiteraient à tous, hors à nous?
Nous ne pouvons le croire, et notre jeunesse prou-
vera que par soixante années de paix profonde, la
I
— i33 —
Belgique n'a pas vu décliner les qualités viriles qui seules
font les grands peuples et seules restent les sauvegardes
vraies de leurs destinées. Aucune nation ne s'est faite et
ne s'est maintenue que par l'énergie de ses enfants, et la
nôtre ne sera pas inférieure à la fortune qui nous échet,
et que l'Europe nous concède en même temps qu'elle
nous l'envie.
i34 —
Je n'ai décrit jusqu'ici que les productions du sol
congolais; elles suffisent pour assurer la richesse de ces
territoires neufs, mais à côté d'elles nous
devons signaler les ressources minéralogi-
ques et zoologiques.
Le Congo subvient
à ses propres besoins en outils, armes
et ornements, grâce à ses minerais de
fer et de cuivre. Nous ne nous étendrons
pas sur ce sujet.
s Xous ferons remarquer seulement, une
fois de plus, que les movens primitifs dont
disposent les noirs pour la
réduction de leurs minerais,
exigent que ceux-ci soient
Tt
très riches.
Les Européens n'ont pu ===
.que rarement se faire montrer les lieux
d'extraction des minerais; ce n'est guère qu'aux mines
de cuivre de M'boko-Songo ^
(Niari-Kwilou\ visitées, «fcSSE^:^
en 18S7, par le géologue Dupont, et
aux mines du Katanga, visitées par le D"" J. Cornet, que
6 des blancs ont pu étudier de visu une exploitation
nègre. Presque partout ailleurs, la méfiance des
noirs nous a empêchés de visiter 7
leurs mines et leurs hauts-fourneaux.
■^ En ce qui me concerne, je puis signaler l'abon-
dance du minerai de fer dans toute la
boucle équatoriale du Congo.
I
— i35
Je rapportai de la Haute-Boussira, du village
N'sombo-N'kété, un bloc de minerai réduit, ayant encore
des allures de scorie et séparé par deux
larges entailles en trois fragments, prêts
à être travaillés par le forgeron pour
être transformés en couteaux ,
lances, flèches, harpons, haches,
outils divers
Dans toutes les rivières de
l'Equateur, l'abondance du fer
est rendue évidente par le bon
marché des armes et des outils
qui en sortent constamment,
achetés par les riverains du Congo au
cours de leurs expéditions commerciales
dans ces rivières.
Au nord de l'Oubanghi, Dybowski signale l'existence
de l'itabirite, riche minerai de fer, réduit par les N'gapous
et les Dakouas.
A côté du fer existe aussi abondamment le cuivre,
particulièrement sous forme de carbonate, beau minerai
verdàtre, constituant l'une des richesses du Katanga :
c'est la malachite bien connue.
Les lances, les couteaux sont presque toujours ornés
de spirales en cuivre rouge; dans le Kassaï, les haches
en cuivre rouge repoussé ont un absolu cachet artis-
tique; les femmes se parent, au cœur du Continent noir,
de gros anneaux de cuivre brun.
Disons à ce propos que les forgerons Mongos (Equa-
teur) signent, pour ainsi dire, toutes les belles armes
qui sortent de leurs mains en y incrustant un certain
nombre de rivets en cuivre rouge (4 à 8), souvent peu
i36
apparents. C'est un point ethnographique intéressant et
curieux.
A remarquer les croix de Saint-André en cuivre
rouofe du Katansra et les immenses fers
plats en forme de fer de lance du
Manyèma, échantillons des monnaies
de ces deux régions.
On a signalé aussi l'existence de
métaux plus précieux, ainsi l'étain et
l'or dans le cuivre des ornements de
rOubanghi.
A ce propos, voici ce qu'écrivait,
en 1893, le capitaine américain Camp,
à Léopoldville :
« J'ai trouvé dans de l'argile d'alluvion, à deux pieds
sous la surface, un petit vase employé comme creuset; il
doit y avoir été déposé depuis bien des temps par les
hautes eaux. De tels vases ne se voient plus aujourd'hui
ni ici ni ailleurs. Devant sa petite dimension, il faut
croire qu'il a été employé pour les métaux supérieurs.
» J'en trouvai trois dans l'excavation susdite. L'un,
qui doit être très ancien, car je le trouvai sous une
ancienne cavité sur laquelle s'élèvent des arbres avant
au moins 400 ans de croissance.
» l'ai de bonnes raisons de croire que même la
géologie de la région a été modifiée par des soulèvements
dans le même district, ce qui en constituerait un vase
des plus anciens âges de l'humanité.
» J'en trouvai un autre à quatre pieds sous un banc
d'argile mêlée à un dépôt de vieux vases brisés, présen-
tant des formes et des empreintes différentes de tout ce
qu'on peut voir aujourd'hui en aucun point du Congo.
i37
» J'ai, à la mission américaine de Léopoldville, une
enfant d'environ 7 ans, venant de l'Ouèllé, qui parle d'or
pur, le reconnaissant à une de mes bagues, et assurant
qu'il s'agit bien du même métal.
« Elle parle d'une tribu qui porte ce métal en orne-
ments de tête, d'oreilles et de nez, et dit qu'on se le
procure de pierres venant des montagnes. Elle dit
encore que cette tribu ne se laisse pas voir par les autres
lorsqu'elle affiche ces ornements. Sa mère lui a conté
que le précieux métal existe en abondance près de leur
villn':^e.
» En remontant aux sources de l'histoire ancienne,
je trouve que les premiers Egyptiens. tiraient l'or, l'argent
et leurs pierres les plus précieuses d'une région qui, aussi
près que je puis arriver, est cette même région, c'est-à-
dire celle comprise entre 22° et 26^^ longitude Est de
Grecnwich et entre 3° et 7° latitude Nord.
» Ce doit être à proximité ou en ce point même, et
ce devrait faire l'objet de recherches, paicc qu'il est bien
possible que ce creuset peu lourd soit venu de là.
» Sinon nous n'aurions aucun doute que des métaux
précieux existent à proximité du point où furent trouvés
les creusets, métaux qui pourraient être découverts aux
eaux basses ou dans les terres plus élevées. »
On remarquera que le capitaine missionnaire Camp
ne spécifie pas le point où il fit sa trouvaille; il désire
probablement, à juste titre, éviter que quehju'un ne
s'empare de ses découvertes à son détriment.
Le même voyageur a signalé d'assez nombreux
échantillons minéralogiques parmi lesquels des pierres
cju'ils pensent pouvoir être des rubis, des améthystes, des
sardoines, des agates, etc.
i38
Quoi qu'il en soit, on peut se demander si la décou-
verte de mines d'or et d'argent serait si avantageuse pour
l'Etat du Congo ? Beaucoup pensent que les grandes
cultures feront plus pour ces régions privilégiées que la
découverte des mines d'or ou d'argent : les premières
assureront leur développement humanitaire; les secondes
les feraient exploiter sans merci ni vergogne.
Quelques produits du règne animal autres que
l'ivoire et dont l'exportation pourrait faire son profit
ont aussi été représentés à Anvers : on y trouvait
des onglons de tortue provenant des criques de Banane,
quelques peaux de léopards, de serpents et d'iguanes, des
collections àe papillons, de colcc'.'.crcs et à^ oiseaux.
Les (c onglons de tortue » sont la partie arrière de la
:^ carapace des grandes tortues de mer productrices
de l'écaillé.
A côté des léopards, des serpents et des iguanes, il
existe au Congo plusieurs animaux dont les dépouilles
sont utilisables en Europe : le chat-civette, le crocodile,
pour leur peau ; Vaigrette et Vibis sacré pour leurs
plumes... ^^^
Quantité d'animaux peuvent être emportés K, «
vivants ou mis en peau pour les V^
-^ musées : singes, perroquets, veuves,
bengalis, foliotocoles, oiseaux à miel (Indi- ^
cator Sparrmanni), cardinaux, merles métal-
liques, etc
Enfin des collections de grande
---o
-f/'
W'-^
i3g
valeur peuvent être réunies de papillons, coléoptères^
mygales, mille insectes divers, parmi lesquels le phasme
/ - géant ou chevalier du diable,
dont un spécimen remarquable,
trouvé à l'Equateur, a été exposé à
Anvers.
J'ai dit, en une énumération descriptive trop
ide, les principaux produits que la mère-patrie
exporte et surtout pourra exporter du Congo. Ce
qui précède est de nature à fixer très nettement les idées
de tous ceux qui, partisans ou adversaires de l'œuvre,
doivent à leur conscience de l'éclairer par des documents
certains ; les premiers, pour sentir grandir leur foi et
leur confiance; les seconds, pour pouvoir méditer longue-
ment, s'interroger honnêtement, et s'honorer en abjurant
l'erreur pour la lumière.
Abandonnons le compartiment des produits d'im-
portation et entrons à l'exposition des fabricats d'expor-
tation.
140 —
Le commerce du Congo se fera longtemps encore
principalement par l'échange, c'est-à-dire que le nègre,
contre les produits qu'il nous livrera, demandera surtout
des produits manufacturés, savoir :
Les Tissus,
Les Vêtements confectionna (môme et surtout les plus
baro(]ues),
La Bonneterie,
Les Couvertures,
\: Alcool,
Le Sel,
Les Sonnettes,
Les Grelcts,
Les Miroirs,
Les Fourchettes,
Les Cuillères,
Les Couteaux,
Les Machettes,
Les Ciseaux,
Les Canifs,
Outils divers,
Les Hameçons,
Les Aiguilles,
\.cFil,
Les Allumettes,
Les Perles,
Le Corail,
Les Cauries,
La Chapellerie, surtout les Fez rouges et les Boniuts
grecs,
V
"v;.
-- 141 —
Les Chaussures^
Les Parapluies et Ombrelles^
Le Cuivre,
Les Serrures,
Les Cadenas,
Les M ailes fermant à clef,
Les Fusils de traite,
La Poudre de traite.
Les Tissus.
Les tissus de la troque congolaise sont :
1° Des Tissus de Coton : les Tissus écrus, Aniéricani ou
Grcv domestics,
Les Shectings,
Les Rayures, Riscades ou Stripcs,
Les Carreaux ou Checked,
Les Guine'es communes ou i^/z/c è^/f,
Les Indiennes ordinaires.
Les Mouchoirs imprimés, à fond rouge,
2° Des Velours et ^ozVs fz trame de coton,
3'^ Un Tz5sz< (/^ /^z;z{', appelé Savedlist, espèce de 5^/^
7'0i/^£? ou 6/n/f très commune ,
40 Les Couvertures unies, k fleurs ou imprimées,
5° hB. Bonneterie, comprenant surtout les « Singled )>,
^ Bonnets divers, etc
Les tissus sont de largeur variable; les pièces
doivent, en général, être de longueur déterminée et
disposées en un certain nombre de plis.
L'indigène mesure les étoffes par brasses valant
environ deux yards.
— 142 —
Les tissus d'échange pour l'Afrique doivent être
apprêtés, et d'autant plus que leur qualité est infé-
rieure.
Cette question de l'apprêt joue un grand rôle dans
le choix des tissus pour l'Afrique en général, et pour le
Congo en particulier.
Au début de l'œuvre africaine, l'industrie belge se
trouva dans un état d'infériorité flagrante, vis-à-vis des
industries étrangères, et notamment de l'Angleterre; nos
fabricants n'expédiaient guère en Afrique qu'une partie
des tissus écrus, et cela tenait pour beaucoup à ce que
la manière d'apprêter les tissus laissait beaucoup à
désirer en Belgique, de sorte que l'Angleterre l'emportait
presque toujours pour les tissus à bon marché : le tissu
anglais, clos par l'apprêt, avait du corps, de la main ;
le tissu belge, au contraire, se présentait mal, et ressem-
blait à de l'étamine.
Aussi à l'Exposition d'Anvers en i885, la collection
de tissus servant au commerce avec l'Afrique, exposée
par le Musée commercial de Bruxelles, se composait
d'échantillons, dont la plupart étaient de provenance
anglaise.
Mais à la même époque pourtant, sous l'impulsion
surtout de l'Administration du Congo, quelques-uns de
nos fabricants avaient essayé de fabriquer les mêmes
tissus, et ils avaient parfaitement réussi ; leurs fabricats
figuraient dans le compartiment Belgique-Congo de i885,
et pouvaient parfaitement soutenir la comparaison avec
les tissus anglais.
L'exemple fut suivi et aujourd'hui, dans le vaste
hall congolais, c'est l'industrie belge qui a pris le dessus;
3 grandes maisons anglaises seulement : Fallows et
Keymer, — Haardbleicher et Reiss, — James et
— 143 —
Hutton, — toutes trois de Manchester, ont exposé leurs
produits d'exportation à côté de i3 firmes belges :
Parmenticr, ^'an Iloegarden et C'*^, Gand
Goris, S*-Nicolas
\^anderhaegen et Cruyplants, Gand
Baertsoen et Buysse, Gand
Société anonyme de Waerschot
D'Heygere, Gand
Société anonyme Lousbergs, Gand
]\Ioerman Achille, Gand
Société anonyme Union textile, Alost
Roos, Termonde
Cranleux, Bornhem
Philips-Glazer, Termonde
De Smeth, Bruxelles
Aussi actuellement l'Etat du Congo n'a-t-il plus à
recourir à l'étranger pour ses achats de tissus, si ce n'est
pour les tissus imprimés, que l'industrie belge saurait
fournir ég;alement, si elle voulait créer l'outillaç^e néccs-
saire; de ces tissus imprimés, il entre 7 p. c. dans les
achats de tissus faits par le Gouvernement congolais.
Ci-dessous, un diagramme indiquant d'année
en année, les proportions dans lesquelles ces
achats ont pu se faire auprès de l'industrie
belge :
— 144 —
^*oici au surplus le mouvement commercial de i8g3,
en ce qui concerne les exportations de tissus, de Belgique
vers le Congo :
Tissus de coton blanchi : i5,g2i kilos (valeur 6i,go6
francs), dont i,368 kilos (valeur 3,694 francs) de fabrica-
tion belge, le reste venant surtout d'Angleterre et de
Suisse.
Tissus de cotons teints : 765,494 kilos (valeur 3,3oo,2S5
francs), dont 517,991 kilos (valeur 1,864,768 francs) de
fabrication belge.
Cotons imprimes : 9,646 kilos (valeur 44,626 francs),
dont 3,604 kilos (valeur 14,416 francs, de fabrication
belge.
Tissus de laine : 12,240 kilos (valeur 116,298 francs),
dont 12,235 kilos (valeur 116, 233 francs) de fabrication
belge.
Quant à la bonneterie, j'ai le regret de dire que
60,040 kilos en ont été envoyés au Congo en i8g3, en
transit par la Belgique, mais que pas un seul article
n'a pu être fourni par nos industriels.
lo
146
UAlcool.
L'alcool s'expédie en Afrique sous forme de rhum
de traite appelé tafia, et sous forme de genièvre ou gin
de traite.
Bien que l'industrie belge des spiritueux soit très
perfectionnée, elle ne peut pas lutter sur les marchés
africains avec l'industrie similaire hollandaise ou
hambourgeoise.
En voici la raison, telle que la signalait déjà à
l'Exposition de i885, le major Thys :
« Lorsqu'un produit manufacturé, fabriqué en
» Belgique et qui y a pa3'é des droits d'accise est destiné
» à l'exportation, le Gouvernement Belge fait au fabri-
» cant la ristourne d'une partie des droits d'accise. Cette
0 ristourne s'appelle drawback. Elle est en Belgique
» trop faible pour que nos fabricants se trouvent sur un
» pied d'égalité vis-à-vis de leurs concurrents de l'étran-
)) ger qui ont des droits moins élevés à payer.
)) Il y a là — disait encore le major Thvs — un
» point important à examiner, sur lequel nous nous
» permettons d'attirer respectueusement l'attention du
» Gouvernement. »
La situation ainsi signalée, en i885, n'a pu encore se
modifier considérablement, ainsi que le montrent les
chiffres ci-dessous :
Il a été expédié de Belgique vers le Congo en 1893:
A Icools en fûts : néant ;
Eaux -de-vie en bouteilles : 128 hectolitres, valant
— 147 —
28,ooo francs, dont 3o hectolitres seulement fournis
par la Belgique, le reste venant surtout de France et
des Pays-Bas.;
Liqueurs en bouteilles : 70 hectolitres valant 20,900
francs, dont 18 hectolitres environ fournis par nous, le
reste principalement par la Suisse.
Ces chiffres sont extraits des statistiques dressées
par le Ministère des Affaires Etrangères.
Ils ne tiennent compte que des alcools ayant passé
par la Belgique.
Voici, extraits du Bulletin Officiel de l'Etat Indépen-
dant, les chiffres totaux des entrées d'alcool en iBgS :
Eaux-de-vie de traite à So'^ et moins : 1,247,71g kilos,
valant 448,106 francs.
Eaux-de-vie à plus de So'^ : 338,823 kilos, valant
161,297 francs.
Liqueurs diverses : 92,276 francs.
Le Sel.
Il est entré au Congo en 1893, près de 5o,ooo francs
de sel pour le trafic, envoyé principalement par l'Angle-
terre et les Pays-Bas, qui participent au total de 5o,ooo
francs respectivement pour i5,ooo et 17,800 francs, la
Belgique y figurant pour 8,000 francs (commerce de
transit).
Somtettes, grelots, miroirs, fourchettes, cuillères, ustensiles
de cuisine et de ménage, couteaux, machettes, canifs, etc.
Ces articles, désignés sous l'appellation de quincail-
lerie, sont articles de pacotille, pour la fabrication
desquels l'Allemagne surtout est beaucoup mieux
outillée que nous.
Aussi 40 p. c. des commandes de l'Etat doivent-elles
encore être faites à l'étranger, en attendant que quelque
fabricant belge, bien avisé, se décide à installer l'outillage
spécial qui lui permettrait de réaliser un chiffre d'affaires
conséquent, car il est entré au Congo en i8g3, pour
287,725 francs de quincaillerie, et la Belgique ne figure
dans ce chiffre total que pour 89,000 francs.
Quatre fournisseurs belges sont exposants :
La Société anonyme « Emailleries bruxelloises ».
La manufacture royale de coutellerie Licot et C'*-', de
Namur.
Simon, H., ferblanterie industrielle, Bruxelles.
Van den Broeck, F., quincaillerie et coutellerie,
Bruxelles.
Allumettes.
8,75o francs d'allumettes sont entrées au Congo en
i8g3; la Belgique y figure pour 3, 000 francs, l'Allemagne
pour 2,765.
Habillement et lingerie, chapeaux, fez, bonnets grecs,
chaussures, vêtements, etc.
Le chiffre des entrées en 1893 a atteint : 2/2,532
francs, dont 122,166 pour la Belgique, 100,445 pour
l'Angleterre, 35, 000 pour les Pays-Bas.
— 149
Faïencerie et poterie.
Entrées au Congo en iSgS : 77,655 francs; de
Belgique : 5,855 francs; d'Angleterre : 44,556 francs; des
Pays-Bas : 24,000 francs.
Verroterie et verrerie.
Il est entré au Congo, l'an dernier, 260,000 francs
de perles, verrerie, etc., la Belgique figure dans ce total
pour 22,000 francs, presque tout en transit.
Il y a donc là un quart de million de francs, dont
profite seul le commerce étranger, particulièrement celui
de l'Italie et de la Bohême.
L'Etat du Congo a envoyé à lui seul, l'an dernier,
des perles pour une valeur de 160,000 francs.
Il est regrettable que pas un industriel belge, surtout
parmi nos maîtres de verrerie, ne trouve pas suffisam-
ment d'initiative pour créer en Belgique cette fabrication
de perles de verre, pour laquelle les installations sont si
simples, et qui aurait l'avantage d'utiliser pour la main-
d'œuvre, des enfants, des vieillards, comme à ^>nise,
fournissant ainsi un travail facile à une classe si intéres-
sante de travailleurs.
Voici comment on opère pour la fabrication des
grains de bracelets, de colliers, de toute couleur :
Des tubes de différents calibres, variant avec la
grosseur des grains à obtenir, sont coupés par paquets en
cylindres, d'une hauteur égale à leur diamètre. Ces tubes
— i5o —
sont incolores ou colorés, selon qu'il s'agit d'obtenir des
grains blancs ou de couleur.
Les petits cylindres vitreux ainsi découpés, on les
introduit avec un mélange, soit de graphite et de plâtre,
soit d'argile et de charbon de bois pulvérisé, dans un
tambour pyriforme de fer battu, traversé par un axe en
fer.
Le tambour étant placé sur un fourneau convenable-
ment disposé, l'ouvrier lui imprime un mouvement de
rotation continu. Par l'action de la chaleur les cylindres
se ramollissent, et par le frottement incessant ils
prennent une forme sphérique, de même que les galets
incessamment roulés les uns sur les autres par les eaux
des fleuves, perdent leurs arêtes et prennent la forme de
lentilles ou de boules.
On laisse refroidir le tambour, puis, par le tamisage,
on sépare les matières pulvérulentes, qui ont eu pour
effet d'empêcher les tubes de se souder les uns aux
autres. lUstoirc iCim morceau de 7'errc, de Jules Magny.
Voilà certes une fabrication que ne devrait pas
continuer à dédaigner l'industrie belge.
Quelque maître de verrerrie entreprenant n'aura-t-il
pas l'idée d'envoyer quelqu'un à Venise et en Bohême,
étudier sur place une fabrication dont le chiffre d'affaires
atteindra pour le Congo seul, en 1894, le demi-million?
Exposants à Anvers :
Weberbeck et C'^, Venise,
Ceresa Millin, Bohême.
Rost, Venise.
Shwister, Paris.
I
i5i —
Ciikrc et laiton.
Le fil de cuivre et de laiton s'exporte en Afrique en
rouleaux et en paquets oblongs de 3cfà 35 kilos ; partiel-
lement aussi en bracelets tout préparés, surtout pour
l'Equateur.
Lors de l'exposition de i885, le major Thys signa-
lait que le fil de cuivre et de laiton était de provenance
anglaise.
Aujourd'hui, nous avons la grande satisfaction de
dire que ce sont les usines de cuivre de Liège qui ont pu
acquérir la fourniture complète de cet important article
d'échange, du moins pour ce qui concerne les commandes
de l'Etat Indépendant du Congo.
Il est entré au Congo, en i8g3, du fil de cuivre et de
laiton pour une valeur de 238,733 francs, dont 176,000
francs fournis par la Belgique, 46,000 francs par l'Angle-
terre (introduits par les missions anglaises surtout), et
10,000 francs par les Pays-Bas.
Sous diverses formes autres que le fil, il est entré, la
même année, du cuivre et du laiton pour 7,696 francs,
savoir : 3,167 francs venant de Belgique, 2,499 francs
venant d'Angleterre et 2,o3o francs venant des Pays-Bas.
Exposant : Société anonyme des usines à cuivre et
à zinc de Lièg-e.
Armes de traite.
Sont essentiellement de fabrication belge ; ce sont
surtout des fusils à silex et une certaine quantité de fusils
à capsules.
— l52 —
4,768 fusils à silex, valant 42,620 francs, sont entrés
au Congo en i8g3; 2,669, valant 23,555 francs, étaient
de fabrication belge, le reste étant surtout allemand et
anglais.
4,764 fusils à capsules, de fabrication belge, valeur
45,893 francs, sont entrés au Congo la même année.
Enfin, sur 1 3, 186 francs de capsules, entrées en 1893,
la Belgique en a fourni pour i2,o55 francs.
Exposants à Anvers :
Riga, Liège,
Mahillon, Bruxelles.
Poudre de traite.
La poudre de traite belge est fort appréciée sur le
marché africain, où elle était connue d'ailleurs longtemps
avant la création de l'Etat Libre.
Entrées de 1893 au Congo : 292,279 kilos valant
240,949 francs et fournis principalement par la Belgique,
l'Angleterre et les Pa3's-Bas, dont les chiffres d'envoi ont
été respectivement de iio,38o; 114,923; 63,926 kilos,
valant 85,799; 97,o35; 64,946 francs.
Complétons ces quelques données relatives aux prin-
cipaux produits d'échange par l'indication d'un certain
nombre d'articles trouvant actuellement leur débouché
soit dans la zone maritime et la partie construite du
chemin de fer Matadi-Léopoldvillc, soit dans la zone
arabe et les provinces du Nord. Nous donnerons les
chiffres des entrées en 1893.
— i53 —
Bijouterie et horlogerie (en or, argent et métaux infé-
rieurs) : près de 20,000 francs, dont un tiers pour la
Belgique.
Bougies : i5,ooo francs, dont près de la moitié de
commerce belge.
Mercerie et parfumerie : 48,000 francs, dont un tiers
de commerce belge.
Savons : 21,675 francs, dont 6,926 francs de com-
merce belge.
Cigares et cigarettes : 22,077 francs, dont la moitié de
provenance belge.
Tabacs : 25,238 francs, dont le quart de provenance
belge et les deux cinquièmes de provenance hollandaise.
Exposants :
De Roubaix, Oedekhoven et C'*^, bougies, Anvers.
Eeckelaers, savons et parfums, Bruxelles.
Brûlé, Léon, articles pour fumeurs, Bruxelles.
De Curte, Henri, bijouterie, Bruxelles.
Waldack, savons, bougies, Gand.
Mais l'industrie européenne n'a pas à fournir que des
articles de traite. L'entretien des non indigènes; la
création du chemin de fer; le développement de la marine
du Bas et du Haut-Congo; l'outillage des stations; le
matériel de construction et de culture; les travaux de
défense; les fournitures de bureau; les instruments scien-
tifiques; les fournitures scolaires, etc., tout cela repré-
sente un chiffre d'affaires qui a atteint, en 1893, cinq
millions, dans lescjuels le commerce belge entre pour
2, 800 j 000 francs.
Au total, le chiffre des entrées au Congo, en 1893,
104
a été de 10,148,418 francs, la part belge 3^ étant de
4,482,969 francs.
Mais ces 4 millions et demi sont loin de représenter
le mouvement commercial et la circulation de capitaux
créés en Belgique par les affaires congolaises.
Tout d'abord, il est rare que les déclarations en
douane ne soient pas inférieures d'environ un dixième à
la valeur réelle des produits déclarés. De sorte que l'on
peut porter à 5 millions la valeur réelle des entrées belges
au Congo en i8g3.
En second lieu, il faut ajouter à l'actif de ce bilan
tout ce que reçoivent soit en salaire, soit en bénéfices
industriels et commerciaux, les employés, négociants,
agents de toute catégorie qui, partis de Belgique, vivent
au Congo sans grandes dépenses personnelles, et réser-
vent leur avoir au fonds commun qui constitue la richesse
nationale de la métropole.
Il faut, enfin, y ajouter les dépenses relatives aux
services fonctionnant en Belgique.
Je n'ai comme documents officiels que les chiffres
relatifs au gouvernement de l'État du Congo. Ils me
permettent d'établir comme suit l'actif du bilan congolais
pour un an :
Entrées belges au Congo fr. 5, 000, 000
Département de l'Intcrieur :
Services d'Europe 112,000
Gouverneur général et Inspecteurs d'Etat. . 101,450
Administration centrale à Borna : traitements 3o,86o
Administration des Districts : traitements . 317, 45o
Force publique : traitements personnel blanc 423,400
Marine : traitements 228,525
Service sanitaire : traitements 84,240
Travaux publics; artisans de divers métiers :
traitements en numéraire ii6,25o
Agriculture; personnel : traitements . . . 20,g5o
Missions diverses . 110,000
Frais de voyage entre l'Afrique et l'Europe . 189,250
Frets et assurances 171,300
Dépenses imprévues 25, 000
Total. . . fr. 1,930,675
Département d:s Finances :
Services d'Europe fr. 68,5oo
Services d'Afrique i83,5oo
Dépenses diverses 33,25o
Total. . . fr. 285, 25o
Département des Affaires étrangères et de la Justice :
Service d'Europe fr. 43,5oo
Postes 11,000
Navigation : traitements du personne!. . . 26,5oo
Justice : traitements du personnel .... 73,000
Cultes 11,200
Frais de voyage des agents se rendant en
Afrique ou en revenant '. 7,3oo
Bulletin Officiel 1,600
Dépenses imprévues 6,000
Total. . . fr. 180,100
Total général.
7,396,025 francs.
— i56 —
En établissant de même les chiffres relatifs aux
compagnies commerciales et aux missions, il est certain
que l'on arrive au moins à 8 millions et demi pour le
total représentant « le mouvement commercial et la
circulation de capitaux créés en Belgique par les affaires
congolaises, en un an ».
On voit que si la Belgique fait au nouvel Etat, pour
l'aider pendant quelques années à se développer, une
avance annuelle de 2 millions, cet argent ne quitte pas en
réalité le pays, et, qu'à compte logique, on peut dire que
c'est la Belgique qui y trouve son avantage.
Aussi pouvons-nous, pour finir ce chapitre, citer une
longue liste d'exposants de toutes catégories, presque
tous belges :
Baudoux, clouterie, Fontaine-l'Evêque.
Société anonyme des forges d'Aiseau.
Dutry-Colson, construction navale, Gand.
Mateyssen, Aimé, construction navale et chaudron-
nerie, Jemeppe.
Delsa, matériel de chemin de fer, Liège.
Usine de Baume et Marpent, wagons.
La Métallurgique, matériel de chemin de fer,
Bruxelles.
Aciéries d'Angleur, matériel de chemin de fer.
Société anonyme de travaux Dyle et Bacalan,
matériel de chemin de fer, Louvain et Paris.
Société anonyme de Saint-Léonard, matériel de
chemin de fer, Liège.
Société anonyme des usines de Jumet, constructions
métalliques, chaudronnerie.
Legrand, Achille, voies ferrées, wagonnets, Mons.
Cristoph et Unmack, habitations, Copenhague.
Compagnie des constructions démontables et hygié-
iiiflLics, Paris,
l.assinat, pavillons, églises, Braine-le-Comte.
Humphreys, pavillon, Londres,
Xorth's Portland Cernent Works, Anvers.
Semai, Emile, meubles, Nivelles.
Société anonyme John Cockerill, bateaux, canons,
Licsrc.
De Koning et C'«, aciers, limes, métaux, Bruxelles,
Malevez, Eugène, outils, Rouillon-Annevoie,
^'an den Abeele et C''^, outils, Anvers.
Ricard, artificiers, Bruxelles,
Crosse et Blackwell, conserves, Londres.
Buquet, conserves, Bruxelles.
Delacre, biscuits, chocolats, etc., Vilvorde.
De Kuyper et C'^, farines, Anvers.
Joveneau, chocolats, Tournay.
Peleheid, conserves, Bruxelles.
Société anonyme des eaux minérales de Spontin.
Stauffer et C'^, conserves, Enghien.
Grande vinaigrerie nationale, Molenbcek-S^-Jean.
Bclleau, Désiré, champagnes, Reims.
Delgouffre, Eugène, vins, Bruxelles.
Deymann-Druart, liqueurs, Bruxelles.
Fourcade et C'^, vins, Bordeaux.
Blandy frères, vins de Madère.
Helk, Schulde et C'-, liqueur anticholérique.
Blockhuis, conserves, Hollande.
Delacre et C^^, produits pharmaceutiques et instru-
ments de chirurgie, Bruxelles.
Kalcker-W'ielemans, antiseptiques, instruments de
chirurgie, Bruxelles.
Cartuyvels-Defacqz, reliure, Ixelles.
i58
Van Campcnhout, imprimerie, Bru-xelles.
Nestor d'iVrgent, graines, Bruxelles.
Pieters, fours portatifs, Bruxelles.
La Visserie belge, Bruxelles.
Charles Toulet, billards, Bruxelles.
Bouv}^, Fontaine, Olinger et Hap, équipement,
Bruxelles.
De Bruycker et C'^, équipement, Bruxelles.
Guillon et C'^, Magasins de la Bourse, Bruxelles.
Licoppc, Alexis, équipement, Bruxelles.
Moray, Victor, équipement, Bruxelles.
Sneyers, Jules, équipement, Bruxelles.
Lefebvre, Eugène, Maison de blanc, Bruxelles.
De Smet-Troch, chaussures, Bruxelles.
Mulbach, chaussures, Bruxelles.
Libert, chaussures, Bruxelles.
T'sas, chapellerie, Bruxelles.
Bosmans, sellerie, Bruxelles.
Mathys-Declercq, malles, Bruxelles.
Ribauville, malles, Bruxelles.
Simon, malles, Bruxelles.
Van Ncck, matériel d'explorateur, Bruxelles.
Snyers-Rang, tentes, Bruxelles.
Edgington, tentes, Londres.
John Proctor, tentes, Anvers.
Mahillon et C'^, tambours, clairons, Bruxelles.
Fisch, instruments de précision, Bruxelles.
Je signale avec plaisir ici, qu'il y a environ huit
mois, un officier français n37^ant fait partie d'une grande
expédition en Afrique, et désigne pour aller occuper à la
i5g
côte occidentale un poste important, vint s'équiper
presque complètement à Bruxelles, où, me dit-il, il
ce trouvait bien mieux son affaire >>.
Nous avons dit ce que nous savons actuellement des
produits que la Belgique peut tirer du Congo, et ce en
échange de fabricats dont la liste et l'importance conti-
nueront à se développer.
Mais à côté de ces deux grands facteurs commer-
ciaux, nous devions en envisager deux autres d'une
importance capitale : la main-d'œuvre, les voies de
communication.
— i6i
La Société Cockerill nous montre dans une troisième
salle du compartiment congolais, une caravane de noirs
portant les pièces d'un canon et d'une embarcation
démontables.
Tels sont en effet les seuls moyens de transport en
beaucoup de points de l'Etat du Congo, et c'est particu-
lièrement ce remarquable exemple de la main-d'œuvre
indigène qui va me permettre de montrer tout ce qu'on
peut attendre des autochtones mettant en rapport leur
pays fécond.
Les steamers de mer, on le sait, amènent à Matadi
les articles d'échange et autres, qui, pour se pouvoir
répandre au cœur de l'Afrique, le long de l'admirable
réseau Huvial du Haut-Congo, doivent arriver à Léopold-
ville, sur le Stanley-Pool, à tête d'homme, à travers la
région des Cataractes, les sentiers de caravanes Matadi-
Léopoldville ayant un développement de 35o à 400 kilo-
mètres.
Le vova";eur
qui a couru de
Matadi à Léo-
poldville en
regardant la
pointe de ses
pieds, est par-
faitement en
droit de décla-
rer qu'il n'a pas
vu de popula-
tions dans la
région des Cataractes, bien qu'il ait traversé des marchés
où grouillaient des centaines d'indigènes et qu'il ait croisé
II
102
constamment des caravanes allant et venant, et laisant
défiler à certains jours plus d'un millier de porteurs en
un môme point.
Les agents établis à demeure dans cette région, et
qui la parcourent en tous sens aujourd'hui, sont seuls à
même d'essayer une évaluation delà population. Nous
n'avons pas essayé de l'estimer avec nos seules données
pour ne pas fournir des chiffres peu sûrs.
Mais nous fixerons les idées sur la capacité de travail
des Bas-Congos à l'aide de précieux renseignements.
En i8g3,donc l'année dernière, l'Etat a transporté à
tête d'homme :
1° De Matadi vers Loukoungou, Louvitoukou,
N'toumba-Mani et Boulou : 3i,2i7 charges ;
2" De ces stations intermédiaires vers Léopoldville
et Popocabaca : 25,ig3 charges.
Au total 56,410 voyages, en appelant voyage un
transport de charge par un seul homme.
La moyenne des voyages d'un porteur par an étant
de six, les 56,410 voyages signalés ont été effectués
par — ^'°- =- 9,401 porteurs. Mettons 9,400.
Or, les caravanes sont accompagnées d'un gamin
porte-nourriture par 10 hommes environ, d'un capita
par 20 hommes, et de plus le portage met en jeu un chet
par 20 hommes.
Ces chiffres moyens montrent que le chiffre global
de la population s'occupant du portage pour l'Etat s'élève
à 11,280 hommes.
La Société belge en a employé
environ g, 000 »
Les missions et autres particu-
liers environ ' . . 5, 000 »
Total général : 25, 280 hommes.
i63
Le commerce indigène, surtout vers le Sud de la
région, parait mettre en mouvement au moins autant
d'hommes ; on le croira aisément, si l'on
considère que certains marchés réunissent
jusqu'à 2,000 indigènes.
Un chiffre non moins intéressant que
celui des porteurs, c'est le chiffre des soldats
et travailleurs Bas-Congo recrutés en i8g3.
]^Iatadi a fourni 79 volontaires,
Loukoungou 84, dont 47 engagés pour
Borna et 21 pour le Haut-Ouèllé, ces
derniers comprenant plusieurs anciens
soldats de \^an Kerckhoven rengagés
spontanément.
Quant aux travailleurs indigènes
assurant tous les services des stations,
cuisiniers, domestiques, lavan-
dière, bergers, jardiniers, aide-
charpentiers , aide - maçons ,
piroguiers, etc., des chiffres
extraits des situations du per-
sonnel noir du district
des Cataractes, fin iSg3,
montrent qu'à ce moment
245 Bas-Congos rem-
plissaient les services
confiés jadis aux auxi-
liaires étrangers :
Houssas, Zanzibari-
tes, Loangos, etc..
Soldats et travailleurs se sont donc engagés au
nombre de plus de 400 l'année dernière dans la région
des Chutes.
— i65 —
Le personnel noir des particuliers (commerçants et
missionnaires) dépasse ce chiffre.
L'énorme population qui seconde ainsi dans la
région des Chutes les efforts de l'Européen, a souvent
été représentée comme inapte à toute autre besogne que
le portage.
Quel bizarre
procédé que celui
d'émettre ainsi,
sans nulle preuve, ^^^5^'^^. ' V^
des considérations
SI importantes , et qur .' '*'*_^^W T
malheureusement font ■ ^i»»«m
M
trop souvent foi chez les
esprits superficiels ! '^ *%^ -
Il est vrai que rien ~ :
n'est plus facile, puisque
ce procédé ne demande • '^-«^«t •
ni recherches, ni études, ^ - —
ni statistiques, ni méditations, ni réflexion, ni bon
sens
Oue l'on s'arrête seulement à considérer l'inijéniosité
des <c ponts de singe » ou ponts de lianes que construi-
sent partout ces « nègres inaptes à toute autre besogne
que le portage », et l'on se demandera si, ces ponts
brisés, nous serions à même de les rétablir nous-mêmes
sans le secours des noirs?
— i66 —
Que l'on considère encore la vannerie délicate, les
poteries élégantes qui se
vendent aux marchés, et
l'on pensera peut - être
qu'en vérité, ces ouvriers
méritent mieux que le dénigrement!
i67 —
Le nègre Bas-Congo, que sa tâche de porteur peut
faire envisager comme une bête de somme par les obser-
vateurs trop légers, est recherché dans toutes les stations
de l'Etat. Gai, allant, courageux, relativement honnête,
il constitue pour les expéditions un élément de solidité,
prenant le premier rang après le Zanzibarite. Ce courageux
porte, pendant de longues et dures heures, les charges
de l'expédition, et lorsqu'il faut les jeter bas pour faire
face à l'ennemi, le Bas-Congo a oublié toute fatigue ; il
est des premiers sur la ligne de feu et marche à l'assaut
avec plus d'entrain souvent que le mol Elmina ou le
Houssa hébété qui n'ont porté que leur fusil. Aussi des
gens d'une compétence incontestable : Van Kerckhoven,
— i68 —
Coquilhat, ^^an Gèle, Roget, Ponthicr, Dhanis, Gorin,
etc., ont-ils toujours choyé de tels auxiliaires.
Non moins précieux en station, c'est le Bas-Congo
que l'on charge surtout des constructions, de l'exploitation
des palmiers.
Il ne convient guère, il est vrai, pour les services
maritimes (exception faite pour les riverains). Mais il va
bientôt prendre sa revanche sur les travaux du chemin
de fer. Longtemps le recrutement du personnel noir a été
pour la Compagnie du chemin de fer un continuel sujet
de crainte et d'angoisse pour ainsi dire, jusqu'au jour où
le Bas-Congo a commencé à voir que lui aussi pouvait
travailler comme ces étrangers, Sénégalais, Accras,
Dahoméens, Cafres, Barbades, Chinois, qu'à grands frais,
avec d'insurmontables difficultés, il fallait amener sur la
ligne.
Il s'essaya par des engagements de quinze jours,
puis d'un mois aux travaux de terrassements, et en peu
de temps, nos ingénieurs firent de lui un poseur de voie.
Les premiers Bas-Congo commençaient à s'enrôler ainsi
vers le mois de mai i8g3.
Ils s'engagent aujourd'hui pour un terme indéter-
miné, au salaire journalier de i fr. 5o en espèces, et la
Compagnie en emploie environ 450.
Ce résultat a été obtenu à l'arrivée de la tétc de ligne
au delà de Kenghé da Lemba, c'est-à-dire au point où la
voie ferrée rencontre les premières populations. Il est
hors de doute qu'avec l'avancement des travaux, la
Compagnie arrivera à recruter presque tout son personnel
noir sur place.
Que si l'on s'adresse à l'intellect du Bas-Congo, on
— 169 —
reste frappé des résultats obtenus par les missionnaires.
Je citerai quelques exemples :
Le 23 juillet i8go, partis le matin de la station de
Loukoungou et remontant la vallée de la Loukounga,
nous atteignons à 2 heures de l'après-midi le village de
Sama.
Le chef Mayala met sa hutte à ma disposition. A
l'une des parois un tableau noir avec les ba, be, bi, bo, bu
pour les petits sauvages, à qui, chaque samedi, une
dame missionnaire de Loukoungou vient donner la leçon.
Le chef est sous sa vérandah, dans une chaise lon-
gue, présent de la mission ; autour de lui son m' léké
(héritier présomptif), des femmes, des enfants, ayant en
mains de petits livres qu'ils lisent attentivement.
Au coucher du soleil, le tambour appelle les fidèles
à la prière du soir. Les femmes, les enfants, quelques
hommes se réunissent dans la hutte du chef, dont le
m' léké entonne des chants pieux que tout le monde
accompagne à pleine voix. Entre chaque chant, un
sermon pendant lequel tous ont la tête dans les mains.
Mes gens se sont joints aux noirs de Sama, et j'entre
aussi dans la case-église, le chapeau à la main, très ému
devant le résultat obtenu par un missionnaire que j'aime
de tout mon cœur, le brave et digne M. Hoste, de Lou-
koungou. Car, certes, il n'y a dans ce que je vois, aucune
affectation ; ces cœurs primitifs ne posent pas pour la
galerie; j'assiste à une manifestation naïve de la confiance
qu'a su leur inspirer un blanc qui est bon pour eux, et il
me semble sentir qu'on peut avoir toute confiance aussi
en ces aborigènes frustes mais si bien doués.
A la mission suédoise de Moukiboungou et à la
— I70 —
mission anglaise de Loutété, s'imprime un journal écrit
en fiote, composé par le personnel noir de ces missions et
lu dans tous les environs. On y imprime aussi, toujours
avec des ouvriers indigènes, des livres de cantiques, des
abécédaires, un almanach donnant notre calendrier avec
une adaptation fiote...
Parmi les curiosités du compartiment congolais à
l'exposition d'Anvers, il nous a été donné de voir un
modèle de l'imprimerie de Boma, fonctionnant; les
protes étaient des noirs, dont deux sont restés en Belgique ,
pour se perfectionner chez M. Van Campenhout.
Des diverses et nombreuses missions (quinze environ)
qui se sont développées dans la région des Chutes, des
groupes d'indigènes évangélisés parcourent le pa3's,
disant partout la parole de paix.
Et comme on sent bien là-bas la grandeur de cette
parole: « Gloire à Dieu, au plus haut des cieux et paix sur
terre aux hommes de bonne volonté. »
En décembre 1890, je me trouvais cliez Makitou, l'un
des grands commerçants noirs de la région des Cataractes.
J'y vis arriver un noir des environs de Kingusclii sur le
Kwango; il apportait à Makitou une lettre d'un de ses
fils qui accompagnait Dhanis, à la tête de 5o auxiliaires
Bas-Congos. Cette lettre, écrite en fiote, fut lue à Makitou
par un autre de ses enfants.
En août i8g3, je reçus à N'soungui une lettre fiote,
envoyée par le même Makitou, pour annoncer qu'un
convoi de porteurs avait quitté le matin son village vers
Loukoungou. La formule qui terminait cette lettre
équivalait à «( votre dévoué camarade ».
Ceux qui écrivaient ces missives étaient des élèves
— 171 —
de la mission de Loutété, qui; sous la direction de
M. et M'^^ Bentley, est devenue le point le plus avancé
peut-être de toute la région.
On ne saurait plus douter des résultats que donnera
l'utilisation des indigènes dans la région des Chutes.
Le développement du travail dans cette région, depuis
la fin de i883, est fait pour désarmer l'esprit le plus
prévenu.
Jusqu'à cette époque, le transport annuel vers
Léopoldville avait atteint 1,200 charges environ, et se
faisait par un personnel étranger de Zanzibarites et de
Loangos.
En i885, 12,000 charges furent transportées par les
Bas-Congos.
En 1887, 5o,ooo charges.
En 1893, 80,000 charges ont atteint le Pool, sur des
têtes de Bas-Congos.
En tenant compte : i" des charges apportées par le
commerce indigène et provenant non seulement des
factoreries de Matadi, Nokki, Ango-Ango, etc., mais de
la frontière portugaise par la route de San-Salvador ;
2" des charges partant de Loango par la route du
Mayombé en destination de Brazzaville pour le Congo
français, les missions françaises et les commerçants, il
est certain qu'il arrive actuellement au Pool environ
110,000 charges par an; or, la charge est aujourd'hui de
35 kilos, ce qui représente un total de 3,58o tonnes.
C'est, dans l'histoire générale du travail humain, un
exemple remarquable et fortifiant de la prompte assimi-
lation au travail de peuples barbares.
J'extrais du Congo illustré, quelques lignes fort bien
pensées et fort bien écrites :
« L'homme qui s'astreint, pour un salaire minime,
— 172 —
à une besogne aussi pénible que celle des transports, ne
peut-il être amené à participer à d'autres travaux? Cela
paraît d'autant moins douteux que les salaires gagnés
lui auront permis la satisfaction d'une partie de ses
besoins. Pour dire toute notre pensée, nous estimons
cependant qu'on réussira moins facilement à entraîner
les nègres à travailler sous le contrôle direct du blanc,
qu'à transporter des charges en caravanes libres, et cela
se comprend aisément. Mais ce n'est là qu'une question
de temps. Avec l'avancement du chemin de fer, il arrivera
un moment où les porteurs ne seront plus autant
sollicités ; puis, ils se présenteront plus nombreux
que les charges à transporter, pour voir finalement leur
industrie ancienne détruite, le jour où le chemin de fer
sera terminé.
» Ace moment décisif de leur évolution, ils devront
bien chercher un autre champ d'activité. Mais on peut,
dès maintenant, affirmer que ces populations de la région
des Cataractes, qui gagnent annuellement près de deux
millions à transporter des charges entre le bas-fleuve et
le Stanley-Pool, sont aujourd'hui converties au travail.
Elles fourniront des bras à l'agriculture quand les
transports viendront à leur manquer. »
Voici encore l'opinion d'un voyageur belge qui eut la
dure mission de diriger le transport de lourdes charges
de steamer, dont le poids, avec chariot, a parfois atteint
quatre tonnes :
« Une fois attelés à ces lourds véhicules, les nègres
n'épargnent ni peines ni fatigues pour réussir dans leur
difficile entreprise. Ce sont des gens courageux, ardents
à l'ouvrage, un peu craintifs peut-être, mais qui gagnent
173
vite confiance dans le blanc. Ils demandent à être
conduits à la fois avec fermeté et avec bonté. Ce sont des
hommes qu'il faut conduire comme partout il faut
conduire des hommes. Il y a, je crois, peu de races dont
on peut attendre autant de services, au point de vue du
travail manuel, que de la race noire. Le nègre, comme
tous les peuples enfants, est certes imprévoyant, mais il
est éminemment perfectible. Mais nous-mêmes, n'avons-
nous pas été comme eux? Du temps de César, nos belles
Flandres n'étaient-elles pas en friche?
« Les noirs transporteurs traînant les chariots, sans
un instant de répit, avec des rires et des chants, confir-
ment l'opinion du bel avenir qui leur est résen^é. C'est
un spectacle émouvant que la traction de ces énormes
véhicules au travers d'une des régions les plus tour-
mentées qui soient au monde. Les chars escaladent les
flancs abrupts des montagnes, descendent dans les
fondrières, traversent des cours d'eau et les noirs qui les
halent ne cessent de se montrer gais et soumis.
« Le but une fois atteint, ce sont des hourras, des
cris d'enthousiasme. »
J'ai entendu souvent ces hourras, ces cris d'enthou-
siasme, et particulièrement dans deux occasions dont le
rapprochement me frappa vivement.
La première fois, à Léopoldville, un dimanche de
soleil radieux. Il était onze heures; sous les vérandahs,
les Européens, un peu engourdis, prenaient l'apéritif. De
l'avenue qui termine la route des caravanes, une rumeur
vint, lointaine, rumeur de foule excitée, grandissant et se
résolvant en clameurs, puis en un chant qu'à pleins
poumons lançaient cent vigoureux moncauds apportant
— 174 —
aux chantiers de Léo une chaîne lourde et longue de plus
de cent mètres.
Nous nous étions tous levés pour nous ranger sur le
passage de ce serpent de fer qui venait d'onduler, fantas-
tique, sur une route de 400 kilomètres, meurtrissant de
ses trois mille kilos tant de robustes épaules.
D'un geste bien rythmé la chaîne fut jetée bas, et
comment dire les gambades, la fantasia, les rugissements
de ces travailleurs noirs manifestant en sauvages
consciencieux la satisfaction des difficultés si courageu-
sement surmontées ? Pas un Européen qui ne se sentit
ému et électrisé...
En août 1893, j'entendis de nouveau ces clameurs et
ces hourras, dans des circonstances inoubliables.
Je descendais du Haut-Fleuve, pressé de revoir
Matadi que j'avais quitté quatre ans auparavant, au
moment où les ingénieurs chargés des premiers travaux
de la voie achevaient de dresser leurs tentes.
La jambe traversée d'un coup de feu, j'avais dû
parcourir en hamac la route des caravanes, passant les
rivières à califourchon sur des arbres renversés, lorsque
nous atteignîmes Kenghé da Lemba, le point extrême
où arrivaient à ce moment les locomotives de service.
Je ne dirai pas l'impression qui me secoua à la vue du
chemin de fer. Je ne saurais l'exprimer. Assis sur le
talus que rectifiait une équipe de Chinois, je ne sus
que pleurer à grosses larmes, évoquant les âmes de tous
ceux qui n'étaient plus, et dont les efforts passés eussent
été payés au centuple par la vue du double ruban d'acier
qui va permettre au cœur de l'Afrique de battre à coups
réguliers et puissants.
175 -
La ligne n'était pas en exploitation encore, mais
grâce à l'obligeance de M. l'ingénieur Eymard, nous
pûmes profiter d'une machine de service regagnant
JNIatadi : bagages, porteurs et nous-mêmes installés
pêle-mêle sur trois ou quatre wagons plats. Le jour
tombait. Nous approchions de Matadi, ayant franchi à
pleine vapeur tant d'obstacles jetés bas par l'énergie de
nos ingénieurs, et dans nos cœurs il ne s'était trouvé place
pour d'autres sentiments que l'étonnement et l'admi-
ration.
Xos noirs chantaient et trépignaient.
La nuit s'était faite profonde ; les feux de savanes
l'illuminaient au loin lorsque le train atteignit la M'pozo.
Sous un hangar de chaume, près du pont qui franchit le
confluent de cette rivière, trois à quatre cents porteurs
étaient installés pour la nuit. A l'approche du train, tous
s'étaient dressés : une immense clameur, clameur de
joie sauvage, brusquement répondit au sifflet strident de
la locomotive. Dans ces hourras, qui couvraient le fracas
des roues, montait le cri de délivrance de ces bêtes de
somme intelliijentes accla-
mant le monstre de fer et
de feu, le fétiche béni qui
allait bientôt enlever de
leurs têtes crépues les milliers et
milliers de fardeaux dont elles
étaient meurtries depuis si longtemps.
^JWî
— 176 —
A cent pieds en contrebas, sur ses derniers rapides
aujourd'hui dominés, le Congo tordait ses flots écumants;
dans les gorges sauvages, qu'incendiaient les herbes
embrasées, se répercutaient les assourdissantes clameurs;
éblouis, le cœur chaviré, il nous semblait voir flotter des
bannières d'allégresse, entendre tonner des salves triom-
phantes, et nous ne savions que répéter et répéter
encore : hourra ! hourra !
L'un de nous manifesta son émotion en lançant aux
eaux du grand fleuve dompté, tout ce qui lui tombait
sous la main; c'est ainsi que nous arrivâmes à Matadi
sans chapeaux, sans cannes et sans pipes : nous avions
fait au Congo l'holocauste de ces singuliers ex-voto.
Je me rappelai le lendemain la chaîne de Léopold-
ville, et je sentis nettement que l'enthousiasme des noirs
porteurs devant le chemin de fer était vrai, leur recon-
naissance légitime, sincère et infinie.
Le chemin de fer achevé élèvera d'un échelon dans
leur évolution économique ces peuplades intéressantes :
le noir deviendra agriculteur.
Ainsi, progressivement mais rapidement développé
par le travail et l'exemple, il se rendra digne de l'avenir
qui lui est réservé.
Et comme le Bacongo, l'habitant des rives du Haut-
Fleuve a fourni la preuve suffisante que nous serons par
lui secondés complètement, dans la mise en rapport de
la noisette dont parle Stanley.
Comme exemple, prenons à Léopoldville ces milliers
et milliers de charges de 3o kilos. Comment vont-elles
arriver à 2,000 kilomètres de là? Par eau, grâce à la
177 —
flottille du Haut-Congo, grâce à ces quarante vapeurs
venus de la côte par petits morceaux, et que des ouvriers
noirs ont aidé à remonter sur les chantiers de Léopold-
ville, car ce sont des Bangalas, des Wangatas de
l'Equateur, des N'gombès de Basokos, des Bakoumas
des Falls qui, guidés par quelques mécaniciens blancs,
et noirs de la cote, remplissent les chantiers de Léo et
de Kinchassa, forgeant, rivetant, tapant ferme du mar-
teau, tout en chantant à pleins poumons.
CKantWangala3
12
178
CKanlBangala
Il fut relativement facile d'initier les noirs aux
travaux des chantiers de Léo et de Kinchassa, car ils
ont comme forgerons des qualités propres, dont la preuve
est fournie par les formes multiples et
souvent très élégantes qu'ils savent don-
1 ner aux nombreux objets en fer et en
' cuivre qui se fabriquent dans le Congo
tout entier.
A
A l'heure actuelle, trente-neuf stea-
mers, disons-nous, sillonnent constam-
ment le Haut-Congo et ses affluents;
trente-neuf embarcations à vapeur font
circuler partout la vie et le progrès, ravi-
taillent les ports, chargent et déchargent
les marchandises, transportent les troupes
Nous ne signalerons que pour mémoire les steamers
desservant le Congo-Maritime; l'un d'eux, VHnondcLle,
appartenant à l'Etat, fait le service régulier de Borna à
Landana le long de la côte. Une réduction de VHiron-
ddle a figuré au compartiment congolais, à côté des
179
modèles si intéressants des steamers du Haut-Fleuve,
dont l'énumération détaillée s'impose :
Etat du Congo. — 12 steamers : Ville de Bruxelles,
Ville d'Anvers, Ville de Bruges, Stanley, Ville de Garni,
En avant, A. I. A., Ville de Vcrviers, Ville de Charlcroi,
Ville d'Ostende, Xzl Délivrance, la nouvelle Ville de Liège.
Congo Français. — 4 steamers : Oubanghi, Djoiié,
Faidherbe, Alima.
Société Anonyme Belge. — 14 steamers : Archidu-
chesse Stéphanie, Princesse Clémentine, Roi des Belges, Baron
Lamberniont, Auguste Beernaert, Florida, Général Sanford,
Katanga, France, Ville de Pans, Scioute, Seine, Rhône,
Damnas.
Maison hollandaise. — 4 steamers ayant leur
port d'attache sur le territoire français: Holland, Frederik,
A ntoinette, Wcndcline.
Mission belge de Scheut. — i steamer : Notre-
Dame du Perpétuel Secours.
Mission française du Saint-Esprit. — i steamer :
Lécn XIII.
Mission Baptiste anglaise (B. M. S.). — Deux
steamers : Pcace et Godwill.
Mission Baptiste américaine. — i steamer : Henry
Rééd.
Mission anglaise du Balololand. — i steamer :
Pioitecr.
De ces 3g vapeurs, 3o ont leurs ports d'attache dans
l'Etat Indépendant du Congo, 9 dans le Congo français.
L'Etat Libre a 11 vapeurs; le Congo français 4, qui
ensemble ont un tonnage moindre qu'une des 4 grandes
canonnières de l'Etat.
i8o
Le commerce dans l'Etat du Congo est représenté
par 14 vapeurs et de nouveaux sont en cours de route;
dans le Congo français par 4,
Enfin , les missions de l'Etat Indépendant ont 5 grands
steamers ; le Congo français a une petite chaloupe,
ancienne embarcation à voile transformée après coup.
Je dois à la vérité de dire bien haut que cette petite
chaloupe des missionnaires français, le Léon XIII, est de
tous les steamers du Haut-Congo, un des plus actifs, des
plus entreprenants, des plus infatigables : c'est le père
AUaire qui le mène et les qualités du Léon XIII ne sont
que le reflet de celles de son capitaine.
En dix ans il a été perdu 4 steamers : le Ballay,
steamer français, qui sombra corps et biens dans les
chutes de l'Oubangi ; l'ancienne Ville de Liège, à l'Etat,
qui se perdit dans le Lomami ; le Baron Webcr, petit
vapeur de la Société belge, qui coula en face de la rivière
Noire (entre le Stanley-Pool et le Kassaï) ; et le Courbet,
bateau français, qui vient de couler à pic, devant
Tchoumbiri ; la presse française qualifie de « cuirassé »
cette petite chaloupe de 10 à i5 tonnes.
Au total 43 steamers sont venus au Stanley-Pool par
petits morceaux, sur des têtes de nègres. Le poids moyen
de ces petits morceaux étant de 3o kilos, pour les trans-
porter tous en une seule caravane, il aurait fallu mettre
en marche une armée de porteurs avec capitas, porte-
nourriture, chefs, surveillants blancs, etc., forte de
100,000 hommes, l'effectif de l'armée belge.
Avec toutes les ressources dont dispose aujourd'hui
le portage à dos d'hommes, il faudrait encore plus d'un
an pour recommencer la montée de ces 43 vapeurs de
Matadi à Léopoldville. Et si l'on songe qu'un seul grand
steamer de mer de 3, 000 tonnes est capable d'apporter
l8l
en une fois dans ses flancs les 43 steamers du Haut-Congo,
on aura une fois de plus l'idée des difficultés qu'il y
avait à attaquer l'épaisse enveloppe de la noisette dont
parle Stanley.
Les steamers du Haut-Congo ont des équipages
indigènes, comprenant jusqu'àSohommes pour les grands
transports, se réduisant à i5 hommes pour les petites
chaloupes. En comptant 3o hommes en moyenne par
steamer, on voit que la flottille du Haut-Congo emploie
40x3o= 1,200 travailleurs recrutés dans tous les villages
riverains. Les plus recherchés sont les Wangatas de
l'Equateur, les Loulangas et les Bangalas.
Ils remplissent les fonctions d'aides-mécaniciens, de
chauffeurs et surtout de pilotes, et dans ces dernières fonc-
tions ils montrèrent tout dès le début de telles aptitudes,
que la circulaire suivante fut adressée à tous les commis-
saires de district du Haut-Congo, par le Gouverneur
Général :
Boma, le 28 août i88g.
Messieurs,
Le nombre de capitaines de steamer étant très limité, il n'y a
pas (rinconvénient à ne pas avoir de capitaines de réserve, car les
petits steamers tels que VA. I. A., En Avant, Ville de Gand, Ville de
Verviers, etc., peuvent très bien, à la rigueur, être conduits par des
pilotes noirs. Cela a d'ailleurs souvent été le cas pour 1' ^. /. ^. et
VEn Avant.
Je recommande donc aux commissaires de district du Haut- Fleuve
d'avoir soin de former incessamment de nouveaux pilotes noirs. Les
pilotes de rivière sont surtout formés par la pratique ; or, les noirs,
avec leur merveilleuse mémoire locale, ont des facultés extraordinai-
rement utilisables dans ces fonctions.
Pour le Gouverneur Général absent,
L'Inspecteur d'État,
(Signé) Cambier.
— l82 —
Ce sont aussi d'excellents chauffeurs, observant très
bien le niveau. d'eau, le manomètre, les soupapes, réglant
sans hésitation le jeu des pompes et du giffard.
Enfin, comme mécaniciens, ils font tout le service
courant de la machine. Le mécanicien blanc répare et
ajuste sa machine que l'indigène conduit alors parfaite-
ment; et souvent je me suis surpris, absorbé dans la
contemplation de ce fils farouche de l'Afrique l'œil sur le
cadran du télégraphe, la main sur les leviers de marche !
Je le trouvais très crâne et dans mon esprit subite-
ment pensif je le voyais grandir, se transformer, devenir
notre égal.
Parfois le mécanicien blanc tombe malade à ne pou-
voir quitter sa cabine; alorsc'estunBangala-, unWangata,
un N'gombé qui assure tout le service. Le fait est
frécjuent; ainsi, en avril i8g3, le mécanicien européen de
la Ville de Bruxelles a3^ant contracté la variole, son aide
noir, un superbe Bangala, ramena le vapeur du fond du
Lomami au port de Léopoldville; la distance par eau
entre ces deux points est de près de 2,000 kilomètres.
Et pour donner un exemple plus frappant encore de
— i83 —
ce que l'on peut obtenir de l'indigène du Haut-Congo à
bord des vapeurs, je citerai un dernier fait :
Un jour de novembre 1891, la table d'Equateurville
réunissait trente-deux européens, agents de l'Etat, qui
arrivaient à bord de la Ville d'Anvers, en destination des
stations du Haut-Fleuve.
Quoique nous n'eussions à ce moment ni beurre, ni
café, ni vin, ni farine, nous réussîmes pourtant à recevoir
dignement ces nouveaux camarades et à leur offrir un
banquet où figuraient, entre autres bonnes choses, un
haricot de mouton où n'entraient ni haricots, ni mouton,
mais des poules et du maïs, et des poulets farcis dont la
recette fut écoutée attentivement par nos invités : « Pour
farcir un poulet en Afrique, on hache un autre poulet et
on le fourre dans le premier. »
Nous donnions là aux novices, sous une forme plai-
sante, une idée de l'utilisation des ressources du pays et
la conversation s'étant engagée sur ce terrain, on en vint à
parler de l'utilisation des indigènes; les nouveaux arrivés
ayant paru fort incrédules quant à la possibilité d'en tirer
si bon parti que nous le disions, je leur promis de leur
faire, le lendemain, une expérience concluante. Le lende-
main donc, je pris place avec eux à bord de la Ville
d^ Anvers ; j'avais fait chauffer notre petit vapeur Ville de
Charleroi, dont l'équipage tout entier se composait d'indi-
gènes de Loulanga dressés par nous. Je fis connaître
alors aux incrédules que ces indigènes allaient partir en
même temps que nous, que seuls ils conduiraient leur
vapeur, et qu'ils arriveraient avant nous à Coquilhatville,
à I heure 1/4 plus haut.
Ainsi fut fait. Tandis que la Ville d'Anvers, véritable
maison flottante, était obligée de prendre le milieu du
courant, ce qui la retardait, l'élégante petite chaloupe,
confiée aux seuls noirs, filait, docile ainsi qu'une légère
pirogue, le long de la rive et prenait victorieusement
l'avance. Et comme la nouvelle de ce match s'était en un
clin d'œil transmise le long de la rive, ce fut devant des
centaines d'indigènes accourus et massés au bord de l'eau,
que la lutte se déroula, durant que d'assourdissantes
clameurs saluaient le succès de la Ville de Charlcroi.
A bord de la Ville d'Anvers il n'y eut plus personne
qui ne fut convaincu de ce que pouvait produire l'élément
indigène quand on veut se donner la peine de bien
apprendre sa langue, de bien lui expliquer ce qu'on veut
de lui et surtout quand on s'efforce de lui donner cons-
tamment l'exemple.
Dans presque toutes les stations du haut, c'est l'élé-
ment indigène, s'engageant volontairement, qui assure
tous les services.
Ainsi dans le district de l'Equateur, en 1893, il y
avait :
A Coquilhatville : 180 noirs dont i54 indigènes.
A Bassa N'koussou : 85 noirs dont yy indigènes.
A N'gombé : 34 noirs dont 3i indigènes.
Le personnel des particuliers est également presque
en entier indigène.
Ainsi les factoreries de la Société Anonyme Belge,
dans le district de l'Equateur, emplo3^aient, en 1893,
222 noirs, tous indigènes.
Tous ces noirs sont naturellement et instinctivement
de bons soldats ; leur instruction militaire se fait aisé-
ment, et ils deviennent d'excellents tireurs. Il me souvient
que le lieutenant Sarrazyn, chargé à l'Equateur de dresser
un contingent de 80 indigènes d'Irébou, de Boussindi, et
— i85 —
de nos alentours, avait promis 25 centimes à ceux qui,
aux séances de tir aux capsules, auraient deux roses sur
trois balles. Il ne tarda pas à en avoir pour deux francs
par séance, et vint m'exposer son cas : k Si les progrès
continuent, disait-il, je vais en avoir bientôt pour dix
francs par jour. » Je félicitai vivement l'instructeur et ses
recrues, et engageai le premier à doubler la distance de tir.
Des métiers où excelle rapidement le Congolais sont
ZMMyAt/:trtf
ceux de briquetiers et surtout de scieurs de long. Presque
toutes les missions protestantes des rives du Congo sont
bâties en planches débitées en forêt par des scieurs noirs
recrutés sur place. Il ne faut pas un mois pour dresser des
équipes au maniement de l'hermincttc, du cordeau, du
fil à plomb, de la scie de long; les capitas de chaque
équipe ont un tourne-à-gauche et une lime tiers-point,
— i86 —
et ils savent parfaitement donner eux-mêmes la voie et
affûter leurs scies.
La station de Coquilhatville comprenait en juin
1893, au moment où je remis mon commandement, trois
grands bâtiments en planches sur pilotis, dont les maté-
riaux étaient apportés tous les dimanches matin, par cinq
équipes de scieurs, fortes chacune d'un capita et de
quatre aides. Ces hommes travaillaient en forêt, où et
comme ils voulaient : le dimanche, à l'appel pour la
ration, ils apportaient cent planches de 4 mètres de long
sur 3o à 40 centimètres de large.
La main-d'œuvre indigène revenait à 20 centimes
par planche.
Frappé de cette manière de procéder, un mission-
naire anglais de Bo'n'ginda, AL Howell, eut l'idée,
chaque fois que des scieurs employés aux ateliers de la
mission auraient fini leur terme de service, de leur faire
cadeau de tout le matériel nécessaire à la confection de
planches, à la condition qu'ils prissent l'engagement
d'aller travailler à leur guise en forêt et, quand ils
auraient débité un certain nombre de planches, de venir
les offrir en vente aux Européens.
Mon retour en Europe m'a empêché de connaître ce
qui advint de cette intelligente et louable initiative; si
elle a réussi, il n'est pas impossible que les indigènes se
mettent à demander des scies et des herminettes,afin de
fabriquer des planches non seulement pour nous, mais
aussi et surtout pour eux, car ils se mettront vite au
métier de charpentier, pour lequel ils ont des aptitudes
révélées dans la façon dont, avec des instruments des
plus primitifs, une petite hache et une petite herminette,
ils parviennent à creuser de très élégantes pirogues qu'ils
ornent de couteaux, de lances, de crocodiles en relief;
- i87 -.
à confectionner des pagaies gracieusement effilées, des
escabeaux, etc.
"Parmi les belles photographies couvrant les
murs du compartiment congolais, figurait la repro-
duction de deux cercueils provenant de l'Equa-
teur : l'un pour un chef, l'autre pour sa femme; ils
prouvent que les Wangatas qui les ont confection-
nés ont des dispositions à la sculpture.
A Equateur-Camp, toute la charpente était
faite par des soldats originaires de l'Ouèllé et qui
avaient été dressés par les agents blancs du camp;
un de ces charpentiers fabriquait de fort jolies
chaises, des tables, des étagères. Ce résultat était
dû aux efforts du commandant du camp, le sous-
lieutenant De Bock, et de ses adjoints.
Secondé par nos braves moricauds, nous avons
réussi à édifier des stations auxquelles nos plus
ardents adversaires en Afrique ne peuvent
parfois s'empêcher de rendre hommage. Voici
le dernier alinéa d'une lettre datée de Brazza-
ville, lo avril i8g3, et publiée par la Politique
Coloniale, qui la donne comme émanant d'un
commerçant français :
« Les stations de l'Etat sont générale-
ment bien établies, et construites soit en plan-
ches du pays, comme à Equateurx illc, ou en
briques cuites faites sur place, comme à
Nouvelle-Anvers, à Basokos, qui sont fort
remarquables à ce point de vue et forment de
véritables petites villes très coquettes.
)) On peut dire que , matériellement , l'Etat
.— i88 —
Indépendant a fait beaucoup, avec, il est vrai, un budget
s'élevant au triple de celui de notre colonie du Gabon-
Congo. »
Ainsi s'exprime un commerçant français , mais
comme il est bien difficile de reconnaître sincèrement et
sans restriction les efforts et les résultats de l'Etat du
Congo, le même correspondant ne résiste pas au plaisir
d'ajouter, in caiida vnieninii, « mais les moyens emplo3'és
ne sont pas toujours louables ».
Et rien de plus! Une bonne petite accusation, mais
ni fait ni preuve. Il est bien difficile alors de répondre.
Si le correspondant de la Politique Coloniale a voulu
parler des difficultés qui exigent parfois une action
armée, nous le prierons d'ouvrir l'excellent ouvrage de
Jean Dybowski : La route du Tchad, à la page iby .
Il y pourra faire son profit des lignes suivantes,
relatant l'établissement du premier poste français dans
rOubanghi :
« C'est en 1887 que M. A. Dolisie remonta pour la
première fois l'Oubanghi jusqu'à Modzaka. Il fut attaqué
par les indigènes, mais grâce à son énergie, il parvint à
s'échapper malgré le chavirage de ses pirogues dans une
eau de dix mètres de fond.
» Trois mois après, il revenait avec ]\I. Uzac, brûler
les villages qui l'avaient attaqué, et fonder le poste. »
Comme supplément de réponse au correspondant de
la Politique Coloniale, j'ouvrirai les Ref^ions Beyond, publi-
cation anglaise mensuelle, qui a donné sous la signature
du docteur Guinness, lequel visita tout le Congo, une
série de correspondances d'où je traduis littéralement les
quelques lignes suivantes :
(( Dès que quelqu'un arrive au Congo, il entend
— i89 —
rapports et rumeurs, dont les g/io ont à peine au fond un
grain de vérité.
» En ce qui concerne l'Etat, il a communément
contre lui les préventions de tous les commerçants en
général. Les trafiquants avaient jadis carte blanche en
toutes choses; ils sont aujourd'hui sous un gouverne-
ment. Ils en retirent de nombreux avantages, qu'ils
peuvent peut-être négliger de reconnaitre, mais en môme
temps ils ont à payer des taxes et à observer certaines
défenses. Alors, aux histoires qu'eux racontent, s'ajoutent
les histoires apportées de plus haut, ce qui fait déborder
la coupe des récriminations contre le gouvernement.
Aussi loin que je puisse voir, il n'y a aucune de ces
récriminations qui ne pourrait s'adresser identiquement
de même à tout autre gouvernement qui s'installerait et
essayerait d'en venir aux prises {to grapplc) avec les
problèmes ardus d'une civ^ilisation aussi embryon-
naire, i)
Le docteur Guinness, qui écrit ce que je viens de
dire, arrive sur le Haut-Fleuve; il pénètre dans le Lopori;
il essaie de s'engager par terre entre cette rivière et le
Congo, au travers des forêts qu'habitent les sauvages
N'Gombès; il est accompagné de M. Mac Kittrick, chef
de la Congo Balolo Mission; mais à peine ont-ils terminé
leur première journée de marche, qu'ils sont obligés de
battre précipitamment en retraite devant ces populations
qui n'ont pas encore vu de blancs et qui essaient de les
enlever pour les manger. Et alors le docteur Guinness,
qui a trouvé sur son chemin, les restes d'un jeune enfant
dont les farouches N'Gombés avaient découpé déjà la
tête, un bras et une cuisse pour le repas du soir; à qui
des mères éplorées poursuivies par les cannibales sont
venues demander protection; alors, dis-je, le docteur
iqo
Guinness s'écrie, en s'adressant aux contempteurs de
l'Etat :
« Se sont-ils trouvés comme nous devant le cadavre
de cet enfant mutilé ? Ont-ils obtenu ce résultat que dans
ces rivières ces scènes .sont aujourd'hui, Dieu merci,
l'exception et non la règle ? Et, en remontant de deux
ans en arrière, ont-ils vu les longs convois de pirogues
chargées d'esclaves, descendant sans cesse le grand
chemin des eaux, esclaves dont beaucoup allaient à un
destin semblable à celui rapporté plus haut? Et alors,
s'ils réfléchissent qu'un homme laissé seul, un courageux
(il s'agit ici du lieutenant Lothaire, le successeur de
Dhanis dans la région arabe), a, en aussi peu de temps,
si bien pris à la gorge le mal gigantesque, que les
traitants cachent maintenant leurs têtes et craignent pour
jamais de continuer leur infernal trafic, alors
comment ne voudraient-ils pas avec nous
remercier le Tout-Puissant pour un tel usage
du pouvoir, si sainement apprécié, quoique
nous-mêmes, comme missionnaires du Prince
de Paix, nous n'aurions pu y avoir recours.
» Sans doute, les agents diffèrent parmi
eux, ici comme partout, mais pour ceux avec
qui j'ai été en contact direct sur le Haut-
Fleuve, je n'ai à en dire que du bien. Placés
dans des circonstances exceptionnellement
difficiles, et agissant loyalement pour le mieux, beaucoup
d'entre eux sont des plus méritants et ont droit à la
sympathie, non à la censure, aux félicitations, non aux
critiques. «
Ces lignes sortent d'une plume anglaise ; elles
répondent aux réflexions trop légères de M. Arthur Silva
White qui, dans son important travail : Le développement
- igi —
de l'Afrique, écrit en parlant de l'administration de
l'Etat :
(c II y eut en jeu trop de rubans rouges et d'ambi-
tions personnelles, et trop peu d'efforts consciencieux et
désintéressés. La faute n'en est pas au généreux Souve-
rain qui est le chef nominal de l'Etat, mais à ses conseil-
lers et à ses officiers. «
Et plus loin, dans une édition datant de l'année
courante 1894, M. White écrit sans vergogne :
« Il n'y a rien à attendre du Haut-Congo tant que
Tippo-Tip, et ses collègues et protecteurs arabes, le domi-
neront. Ce Bismarck africain, comme on le nomme quel-
quefois, sait parfaitement que l'Etat du Congo est actuel-
lement incapable de le chasser de ses plantations et de
ses parcs d'esclaves, ou même d'exercer d'une manière
quelconque un contrôle effectif sur ses actes. »
Comme l'édition d'où j'extrais cette appréciation
date de 1894, il faut présumer que M. Arthur Silva
White n'a pas encore connaissance des campagnes
brillantes qui ont coup sur coup enlevé toutes les posi-
tions arabes, et rejeté par delà le Tanganika les maîtres
bandits, dont les seuls Belges sont venus à bout jusqu'ici.
Sans doute M. White n'a pas encore entendu parler des
victoires de Dhanis, ou peut-être ne sait-il pas que ce
petit Belge est d'origine anglaise, sinon, avec l'esprit qui
prédomine dans tout son ouvrage, pourtant intéressant et
très documenté, M. White ne manquerait pas d'assurer
que c'est l'Angleterre qui a chassé de l'Etat Indépendant
non seulement Tippo-Tip, mais tous ses séides, tous
ses collègues. Je lui fournis le renseignement gratuite-
ment.
Mais me voici bien loin de mon sujet. J'ai cité, je
pense, assez d'exemples de ce que l'on peut attendre de
ig2
la main-d'œuvre indigène au Congo. Que si l'on s'occupe
de l'intellect de ces noirs, les résultats les plus satisfai-
sants sont encore à constater.
La mission de Loukoléla emploie comme moniteurs
de jeunes esclaves libérés par les missionnaires et qui,
aujourd'hui, donnent la leçon à leurs frères. L'imprimerie
de la mission n'a pas d'autres ouvriers que ces enfants
indigènes, et, chaque fois que mes voyages me faisaient
passer par Loukoléla, ce m'était un vrai régal que
d'écouter les chœurs à trois voix chantés par 5o enfants,
qu'un d'entre eux accompagnait à l'harmonium.
C'était encore un enfant, élevé à la mission, qui
traduisait en kibangi les ouvrages élémentaires anglais
mis aux mains de ceux qui fréquentaient l'école.
A la mission de Bolengui, près d'Equateurville,
j'allais de temps à autre assister à une leçon à l'école du
Révérend Banks, et mon plus grand plaisir était de
prendre un de ces gamins, noirs comme encre, et de le
planter devant un énorme globe terrestre sur lequel il
me montrait l'Europe, la Belgique, l'Equateur, le point
où nous nous trouvions ; puis, il me faisait le voyage
d'Equateurville à Anvers, en suivant très exactement le
Congo jusqu'au Pool, la route des caravanes, puis le
voyage par mer qu'il détaillait au grand complet.
Aussi, je ne manquais pas à toutes mes fêtes, au
i<^'" juillet, au i5 novembre, de leur envoyer une grosse
ration de sel, lo centimes pour chacun, et de prier les
missionnaires de donner congé à leurs enfants, ce qui
était toujours accordé.
On pouvait voir au compartiment congolais de
l'Exposition d'Anvers des cahiers d'écriture, des travaux
de dessin, etc., provenant de ces missions.
Je n'en dirai pas plus au sujet de l'utilisation des
— 193 —
indigènes: l'accord des commissaires de district du Haut-
Congo est là-dessus unanime.
Oui, c'est l'aborigène Congolais qui, sous notre
direction, mettra lui-même son pays en rapport, d'autant
plus que le Congo ne sera pas une colonie de peuplement
(à part quelques régions restreintes), mais une colonie
d'exploitation, où l'Européen, de par les conditions
climatologiques, devra se réserver le rôle directeur,
devenant chef d'atelier et de culture, maitre d'école et
éducateur.
Ces pays neufs protégeront d'eux-mêmes les abori-
gènes : le civilisé n'y saura essayer le système des
réserves appliqué aux Peaux-Rouges d'Amérique. Et
ainsi ce sera de façon avantageuse pour tous, que nous
remplirons en Afrique les devoirs qui nous incombent, à
nous civilisés, dans l'émancipation de ces territoires
arrachés d'hier à leur barbarie séculaire.
i3
— 194
Ces noirs savent travailler : le point est acquis. Et
il me plaît, en outre, de montrer qu'ils ont également du
cœur, beaucoup de cœur.
« Sachez le mener , disait dernièrement
Shanu à la Société d'études coloniales, et le
noir se fera couper le cou pour vous. »
J'en pourrais citer des exemples à
foison.
En 1892, un important groupe du
Bas-Arouwimi , les Baondéhs , s'était
joint aux Arabes pour ravager les envi-
rons.
Chaltin s'y rendit, mais ne put faire
entendre raison aux Baondéhs qui le
provoquèrent au combat. A un moment donné,
au tournant d'une large rue surplombant la rivière
de 12 à i5 mètres, le détachement dont Chaltin
avait la tète, se vit chargé par quatre rangs de lanciers,
surgissant de toutes parts et l'entourant complètement.
Quatre ou cinq minutes terribles s'écoulèrent, et à un
moment donné, le commandant Chaltin vit se précipiter
au-devant de lui un de ses soldats noirs, Moïo (i), qui
l'aimait beaucoup, puis tous ensemble, sous l'impétuosité
de l'attaque des Baondéhs, furent jetés du haut du talus
dans la rivière; la situation était critique, heureusement
les pirogues étaient proches.
Chaltin était debout dans l'eau, tenu encore aux
jambes par le noir qui s'était jeté devant lui. On les
hissa dans une pirogue, et Chaltin constata qu'il avait la
jambe ouverte par une sagaie, tandis que le brave Moïo
(1; Mi)i() vi'ut (liro ami.
— igo —
avait été traversé d'une autre lance, destinée à son chef,
qu'il avait couvert de son corps, et sauvé au prix de sa
vie.
Il mourut quelques heures après.
Demandez au capitaine Chaltin si les noirs peuvent
avoir du cœur? Si on peut les aimer et être aimé d'eux ?
Les traits de l'espèce ne sont pas rares, et nombreux
sont les officiers à qui des noirs dévoués ont dit :
« Maître, ne reste pas à cette place, ne prends pas la
tête de la colonne, laisse-moi m'y mettre car je vois plus
clair que toi dans la foret. Tout à l'heure quand tu y
verras, tu iras de nouveau de l'avant ! »
Fin i8go, nous vîmes arriver à Léopoldville des
noirs de Lagos et d'Accra, anciens serviteurs de
Van Kerckhoven. Ayant appris le retour de leur chef, ils
n'avaient pas hésité à s'embarquer pour Boma, payant
leur passage de leur travail, puis faisant la route des
caravanes à leurs risques et périls pour venir dire à
Boula-Matendé :
(( Maître, nous voici ! Nous avons appris que tu
étais revenu pour une longue et dure expédition î Nous
t'avons déjà servi trois ans ! Veux-tu encore de nous ?
Nous voici. »
J'étais là quand parla ainsi le Houssa Salou arrivant
avec une dizaine de ses camarades.
Van Kerckhoven était très ému ; ses yeux brillaient
de fierté et d'émotion. Et n'y avait-il pas de quoi !
ig6
C'est que « Boula-INIatendé » était un chef dans le
vrai sens du mot, je veux dire un homme qui avait su
inspirer à son personnel blanc et noir la confiance la plus
absolue, comme aussi le dévouement le plus entier :
tous ceux qui l'ont approché ont senti chez lui l'homme
juste, réfléchi, clairvoyant, résolu
Résolu !
Au cours de son extraordinaire prise de possession
du bassin de l'Ouèllé, le médecin d'avant-garde lui
déclare que son état de santé exige son retour en Europe.
Retourner en Europe quand lui, Boula-Matendé
n'avait qu'un objectif « arriver au Nil ! »
« Docteur, répondit-il, si je meurs, vous me couperez
la tête et les bras, et vous les enverrez à Wadelaï. Si je
n'y arrive pas vivant, qu'au moins j'y arrive mort ? »
Ces paroles antiques ne sont plus, hélas, à la portée
de tous.
Elles ne sauraient en particulier avoir d'écho au cœur
de ces quelques déclassés, bons tout au plus à copier des
lettres dans l'un ou l'autre bureau (i), ou à promener le
long des trottoirs leurs paletots jaunes et leurs têtes vides,
et qui s'imaginaient qu'il n'y avait qu'à aller jusqu'à
Léopoldville pour rapporter des sacs d'or. Arrivés à
mi-chemin, l'immensité les a épouvantés et ils sont
revenus crier aux badauds : « Congo, mauvaise affaire;
noirs, incapables de travailler ! » sans se donner la peine
de voir, capables seulement de faiblesse et d'impuissance.
La peur seule trouve action sur eux et fait travailler leur
imagination pour trouver toute espèce de moyens justi-
fiant la vraie raison qui les éloigne du pays noir : ils
mentent.
(1) D'iijircs I*. G., La licli;iqiic et le Cuiigo
— 197
Mais il n'auront plus l'occasion de le faire long-
temps.
Rappelons-nous que le nombre des partants à
deuxième terme augmente chaque mois.
Quand Dhanis partit pour le Kwango en i8go, son
escorte était faite de Zanzibarites et de Houssas ayant
déjà servi sous ses ordres et qui s'étaient disputé à
nouveau la faveur de partir avec « Fimbou Mingui ».
Ce sont là des traits de dévouements de noirs pour
blancs.
Puis-je en rapporter aussi de noirs pour noirs ?
Oui. Je dirai un épisode du combat de Boèïa, ou
mieux ce combat en entier, ainsi que nous le racontait
il y a quelques mois le docteur Briart, de l'expédition
Delcommune :
« C'était en juillet i8gi.
» Boèïa, capitale d'un négrier arabisé, Simba, était
défendue par un fossé, une levée de terre et une palis-
sade.
)' Nous étions trois blancs, le lieutenant Suédois
Hakansson, l'ingénieur Diderich, et moi, et nous avions
70 Houssas.
" Devant nous i,5oo adversaires dont la moitié
armés de fusils, les autres de flèches et de lances.
» Nos Houssas sont déployés en tirailleurs, et nous
arrivons assez près de la ville; mais nos munitions vont
ig8
être épuisées, trois de nos hommes sont morts, une
douzaine sont blessés.
» Hakansson envoie Diderich aux caisses de cartou-
ches;laplupart de nos hommes les suivent et, àun moment
donné, nous nous trouvons abandonnés, Hakansson et
moi, avec deux hommes dont un blessé que j'examine.
» Tout l'effort de l'ennemi se porte sur nous ; coup sur
coup je reçois une ballette dans le coude et une flèche dans
le genou.
)) La ballette ne me gênait pas, mais la flèche, qui
avait pénétré dans l'os, à la partie interne, à environ deux
centimètres et demi, pouvait être empoisonnée.
» Et alors je n'en menais plus large, d'autant que les
flèches qui pleuvaient de toutes parts menaçaient de me
transformer en « pelote ».
)) Diderich et ses hommes ne reparaissaient pas; je dis
à Hakansson: « Je suis fichu, laissez-moi, allez-vous-en. ■>■>
» Mais le brave officier, au lieu de m'écouter, dépose
sa carabine, s'agenouille, et sans un moment d'hésitation,
colle ses lèvres à la blessure et, tandis que le noir encore
debout tiraille sans répit, Hakansson suce à fond la plaie,
la nettoie au risque de s'empoisonner lui-même, et me
sauve la vie.
» Entretemps des hourras annonçaient le retour des
nôtres; l'assaut recommence; la ville des négriers est
emportée ; l'incendie dévore bientôt le repaire des
bandits.
)) Pour moi, j'avais été transporté au camp.
» Je me remis, vouant à Hakansson une reconnais-
sance absolue.
» Hélas ! je ne me rétablis pas assez vite pour repren-
dre à l'arrière-garde ma place de colonne. Comme à ce
moment c'était la plus critique, Hakansson m'y remplaça,
199
pour son malheur; le 3o août il était tué avec 12 hommes
à Kikondja, près du lac Kassali, dans une embuscade
tendue par les Baloubas. ->->
En nous faisant ce dramatique récit, le docteur
Briart parlait d'une voix que l'émotion faisait trembler,
et nous qui l'écoutions, nous sentions nos cœurs battre à
l'unisson du sien.
Combien grande est la perte d'hommes aussi coura-
geux ! Combien leur souvenir se doit perpétuer ?
Gardons en notre mémoire avec les noms des
De Bruyn, des Hanssens, des Coquilhat, des Van Kerck-
hoven, le nom du courageux Hakansson, officier Suédois
mort en Afrique pour l'Œuvre du Roi des Belges.
Le récit de Briart fut complété par Diderich, qui
nous conta un épisode de courage honorant les noirs à
l'égal des blancs.
Après avoir incendié Boèïa, comme nous l'avons dit,
le détachement reprit le chemin du camp.
Immédiatement derrière Diderich, venait un chef
négrier prisonnier. Tout à coup un coup de feu éclate si
près de lui que Diderich se croit touché ; il se retourne
et voit foudroyé sur le sentier un noir qu'il prend d'abord
pour un de ses Houssas. C'était un des hommes du chef
négrier qui, après le départ d' Hakansson, avait enlevé la
tenue d'un des soldats tombés à l'attaque du village, s'en
était revêtu et, grâce à ce déguisement, était parvenu à
joindre la colonne qui emmenait son chef prisonnier, à s'y
faufiler inaperçu jusqu'à l'instant où, ayant rejoint son
maître, il allait trancher d'un coup de couteau les liens
qui le garrottaient; à ce moment le Houssa chargé de la
garde du prisonnier, comprit ce qui se passait, et à bout
portant fusilla l'héroïque serviteur, victime de son auda-
cieux dévouement.
Le chef négrier se pencha sur le mort, les yeux pleins
de larmes, disant : « C'était mon meilleur soldat. »
Cet événement remua les blancs jusqu'au fond du
cœur et ils rendirent aussi hommage à cet ennemi mort
en héros.
A ces traits d'attachement militaire, je veux joindre
un souvenir personnel, que d'aucuns pourront trouver
futile, et qui pourtant m'attendrit encore aujourd'hui.
Il y a un an et demi, je
quittais l'Equateur en piro-
gue, en destination de
Léopoldville d'abord, de
l'Europe ensuite.
Un terme de quatre ans
avait fort appauvri ma garde-
robe et j'avais dû, pour être
présentable, me faire confectionner
un pantalon en guinée bleue, lequel, complété par un
vieux veston jadis blanc, devait me permettre de faire
aux Européens que j'allais rencontrer en route, une
décente visite d'adieu.
Le lendemain de notre départ, nous arrivons en vue
de la mission d'Irébou.
Mon boy cxibc ma fameuse culotte et constate que
le tailleur qui l'avait confectionnée avait oublié les
boutons.
Grave embarras, car n'ayant plus d'autres vêtements,
impossible de trouver des boutons.
J'allais me décider à ficeler ma culotte avec un bout
de liane, comme Van Gèle faisait pour ses souliers,
lorsque mon boy (ce dévoué gamin recueilli à Loukoungou
et mort en Europe) me dit : « Attendez, Monsieur. »
Un quart d'heure après, mon pantalon avait des
boutons d'une variété aussi complète que possible, c'est
vrai, mais j'étais présentable.
Et tandis que d'une main il me tendait le vêtement,
de l'autre le gamin me montrait une petite culotte rouge :
(c C'est pour aller dire bonjour à mes amis à l'Inkissi, je
remettrai des boutons à Léopoldvillc. «
Brave enfant, ses yeux brillaient de plaisir, tandis
que je me demandais combien de blancs seraient
capables de pareils dévouements!
II avait réuni un à un des boutons jetés ou perdus
par l'un ou l'autre; il avait, en coupant et cousant sa
culotte rouge, joui à l'avance de l'étonnement de ses amis
lorsqu'au village, quitté depuis trois ans, il reviendrait
si bien habillé, A cette culotte rouge que nous pouvions
trouver si baroque, il attachait autant de prix que nos
copurchics à leur smoking (et à plus juste titre)
Et néanmoins, sans hésitation, il la sacrifiait
pour son maître, parce qu'il savait que son maître
l'aimait comme une bonne petite bête dévouée
jusqu'à la mort...
Il m'a toujours semblé que Tonio avait
autant de cœur que nous.
Tonio était un pauvre mioche que les hasards
d'Afrique avaient enlevé tout petit à sa mère.
Il ne la connaissait pas et sans doute, pour
cela, aimait-il d'autant plus le blanc qui avait assuré
son sort!
Les hasards d'Afrique!
Il est des régions où l'on peut estimer qu'une moitié
des enfants ne connaît ni père ni mère! Là, la plupart
des chefs voient clans leurs esclaves de véritables bêtes,
dont ils vendent les enfants à bénéfice.
C'est le cas du Balololand, région que les hordes
arabes commençaient à atteindre, venant razzier les
villages et emmenant presque toujours quelques femmes
et beaucoup d'enfants.
Ces petits êtres n'ont parlois que quatre à cinq ans;
ils étaient libres chez eux; des bêtes à face humaine sont
venues qui leur ont tué père et mère, qui alors les
emportent.
Les pauvrets passent de main en main, de tribu en
tribu, et grandissent à des centaines de lieues parfois de
leurs villages; les filles pourront un jour devenir les
favorites d'un homme assez riche pour les acheter
lorsqu'elles auront la beauté du diable ; si elles sont
jolies on les tatouera beaucoup; elles auront un moment
de gloriole, tôt passé, puis subiront le sort commun :
elles enfanteront, mais leurs enfants ne seront pas à elles;
propriété du maître, celui-ci les vendra à sa guise.
Et pourtant ces mères noires savent aimer, et
prouver leur attachement à leurs enfants.
Je n'ai qu'à puiser dans mes souvenirs, les exemples
me reviennent en foule.-
A la fin de i8gi, j'avais décidé le chef de Bokatoula,
dans la Loulongo, à me confier son fils, pour le mener
jusqu'à Léopoldville.
Le désespoir de la mère, au départ de son fils aîné,
était navrant.
En vain le vieux chef lui disait : « Aie confiance
dans ce blanc qui a été bon pour nous. Ne nous a-t-il pas
traités en amis, alors qu'il pouvait parler en maître? S'il
avait le mauvais dessein de ne pas te ramener notre fils,
— 2o3 —
pourquoi chercherait-il à te rassurer? Ne peut-il l'enlever
de force, et toi, et moi-même, et tous les nôtres? Cesse de
pleurer, femme! Notre fils va faire un grand et beau
voyage; il ira voir les villages que les blancs construisent
partout et dont parlent nos légendes; et quand il
reviendra heureux et content, il nous dira ces merveilles,
et il élèvera devant notre case, au milieu de nos grands
palmiers, une maison comme celles qu'il aura vues chez
nos amis blancs, afin qu'à leur passage dans cette rivière
ceux-ci viennent loger chez nous. »
Et la bonne vieille pleurait plus fort; nous dûmes
nous arracher à ses sanglots et à ses cris de désespoir.
Mais, ainsi que le lui avait dit son mari, son fils
revint, rapportant des présents de tout genre, car nous
n'avions pas manqué de le combler et de lui recom-
mander de dire à sa mère que les blancs avaient aussi,
dans leur lointain pays, une mère qui avait pleuré en les
voyant pailir, qui souffrait et pleurait leur absence, et
qui aspirait à les revoir comme la vieille femme de
Bokatoula avait aspiré à revoir son fils.
L'année suivante, je retournais dans la même rivière
Loulongo, y rapatriant trente volontaires, retour du
Kwango où ils avaient servi deux ans.
Lorsque, vingt-quatre lunes auparavant, ils avaient
été engagés, c'était la première fois qu'on leur parlait
d'enrôlements de si longue durée avec la condition
d'aller servir au loin.
Pourtant ils avaient fini par se décider.
Mais quel désespoir chez les mères éplorées ! Sûre-
ment elles ne les reverraient plus! Ce blanc qui les
204
emmenait les conduisait à la mort! Ou bien il les
vendrait, ou bien il s'en servirait pour ses pratiques de
sorcellerie !
Puis elles en avaient pris leur parti, et malgré les
assurances qui leur étaient données à chaque occasion,
elles demeuraient incrédules et pleuraient leurs fils
perdus !
Et voici qu'un jour pourtant je les ramenais! —
Comment dire l'explosion de joie délirante soulevant
les villages?
Autrement entourés par les habitants que beau-
coup d'entre nous qui rentrent au foyer, nos licenciés
passaient de mains en mains, et tous pleuraient et
riaient à la fois.
Quel cœur n'eût débordé de larmes devant ces
mères embrassant les genoux du blanc qui avait
tenu sa parole, et grâce à qui ces primitifs connais-
saient pour la première fois la joie du retour des
aimés longtemps absents?
Et nous-mêmes, sentant que, ce jour-là, ce cœur
étroit des noirs venait de s'élargir pour abriter un amour
maternel nouveau, plus grand, comparable aux senti-
ments de celles qui nous portèrent, nous-mêmes, dis-je,
voulûmes manifester la part que nous prenions à la joie
générale. Congé fut donné à tout mon monde; perles,
grelots, miroirs furent distribués généreusement, et
nous oubliâmes notre souper, retenus au milieu des
groupes qui dansèrent et se réjouirent toute la nuit !....
Ces scènes sont aujourd'hui courantes dans le Congo
tout entier; le retour des contingents dont le terme est
expiré est l'occasion de fêtes enthousiastes.
— 2o5
Il faut voir arriver, par exemple, une canonnière
ramenant des Bangalas avant ser\'i au loin.
Depuis longtemps leur retour est connu, et dès que
les clameurs « Sail oh! Sail oh! » ont signalé le bateau,
des centaines de pirogues partent à toutes rames à sa
rencontre et vont acclamer les arrivants. C'est à qui leur
tendra la main, leur jettera quelques fruits, quelque
morceau de poisson fumé ou d'antilope boucanée.
Les pirogues risquent de se faire couler pour tâcher
d'aborder le steamer qui a dû ralentir, mais comment
résister au plaisir de hâter le débarquement, d'enlever
tout de suite l'être chéri !
Les K marnas » si vieilles, si ratatinées, sont venues
dans les pirogues ; elles veulent leurs enfants tout de
suite, pour les embrasser à pleine bouche!
Et devant ces museaux noirs qui se frottent et se
lèchent, nos cœurs de blancs s'emplissent à la fois
d'émotion et de tristesse !
2o6
Ah ! les noirs sont primitifs, et par suite leurs
instincts tiennent parfois de ceux des fauves ! Mais ils
ont des cœurs d'homme, et c'est notre tâche à nous,
civilisés de toute catégorie, d'aller guider leur évolution
et leur donner le bon exemple.
Les traits d'attachement filial et maternel existent
d'autant plus nombreux que l'influence du blanc est plus
- _^ forte, et que, grâce à sa présence, une plus
k^j^ grande sécurité est venue aux noirs.
V^L Le monde civilisé se doit à ces popula-
^" tions qui ont besoin avant tout de sécurité;
\ ; en la leur apportant, nous leur révélons l'àmc
I ^-^ h et l'humanité à elles qui ne connaissaient
encore que l'instinct et la bête !
Et les résultats obtenus sont la consé-
cration irréfragable des espérances que
nous fondons sur l'utilisation entière de la
Race Noire pour le développement indéfini
(le son berceau !
La main-d'œuvre est donc assurée
au Congo.
Peut-on en dire autant de la direction du travail qui
doit venir du blanc ?
Xous disons à dessein la direction du travail car,
répétons-le, nous ne tenons pas le Congo pour une colonie
de peuplement, mais pour une colonie d'exploitation.
Quelques régions restreintes, par exemple les hauts
207 —
plateaux du sûH du Katanga, où des températures
voisines de o" ont été relevées par les expéditions belges,
paraissent offrir à l'Européen de bonnes conditions
d'habitat de longue durée.
Dans la plus grande partie de l'Etat Libre, de par
les conditions climatologiques, le blanc devra se réserver
le rôle directeur; il sera, avons-nous dit, chef de culture
et d'atelier, maître d'école et éducateur.
Mais cela même lui sera-t-il possible dans de bonnes
conditions ?
Je pourrais reproduire ici les considérations si
documentées que nous exposait, il y a quelques mois, le
docteur Firket, de l'Université de Liège, citant les
exemples de Delcommune et Greshoff : 17 ans d'Afrique ;
— Van Gèle : 10 ans d'exploration; — docteurs Sims et
Hoste, missionnaires américains; Grenfell, Bentley,
Clarke, missionnaires anglais; le père Allairc, mission-
naire français ; Légat, agent de l'Etat , et bien d'autres
ayant accompli sans quitter l'Afrique des termes de
10 ans
Au surplus, le docteur G. Treille, inspecteur général
du service de santé au ministère des colonies de France,
l'émincnt spécialiste en matières coloniales, vient de
jeter sur les conditions d'habitat de l'Européen au Congo,
un jour tout nouveau.
Après avoir étudié toutes les conditions sanitaires
du pays , après s'être livré aux plus démonstratives
comparaisons, le docteur Treille conclut ainsi :
« L'Afrique intertropicale ne peut pas être une
terre de peuplement européen; ce n'est pas une région à
colons partiaires: ce doit être celle des vastes entreprises
de commerce, d'industrie agricole ou minière, avec
l'Européen comme directeur et capitaliste. Mais, ceci
. — 2o8 —
bien entendu, on peut sans crainte se rendre au Congo :
un séjour de trois ou quatre ans n'est nullement incom-
patible avec le maintien d'une bonne santé, à la condition
toutefois pour l'émigrant d'avoir dépassé vingt-cinq ans —
l'âge de la croissance terminée, à partir duquel il peut
supporter les fatigues de la marche et du travail ; — de
ne présenter aucune affection sérieuse du côté des voies
digestives; d'être bien résolu, enfin à être sobre et à
observer toutes les règles d'une bonne hygiène. »
(( La fatalité des fièvres du Congo n\'st qu'une légende. »
Qu'on envisage simplement ce qui se passe à la Côte
d'Afrique. Ne considère-t-on pas comme tout naturel d'y
aller et d'y vivre longtemps ?
Et pour montrer qu'il est possible de vivre très bien
au Congo, j'aurai recours à un argument non pas
ad Jiomineni mais ad viuliereni.
Je parlerai des femmes blanches au Congo.
Congo - Minotaure Cimetière des
blancs Voilà quels étaient, quels sont
encore, les éléments d'appréciation des
masses.
Etablir par statistiques que l'opinion
s'est égarée au sujet des décès, que toute
(JL'uvre comparable à celle du Congo
entraîne un nécrologe inévitable, d'ailleurs
considérablement réduit par l'expérience
acquise et le développement des ressources,
209 —
n'est pas chose facile quand on s'adresse aux masses;
mais ce que le raisonnement, les exposés déductifs, ne
sauraient faire, un exemple tout-puissant le fera : c'est
celui des courageuses femmes qui, malgré tout, n'ont
pas craint d'affronter le climat africain, et qu'on trouve
aujourd'hui en plein cœur du Continent Noir, heureuses,
bien portantes, élevant des familles déjà nombreuses,
garçons et filles venus au monde là-bas et merveilleux
de robustesse, alors que la légende court toujours qu'au
Congo la femme blanche, comme les plantes des zones
tempérées, est frappée de stérilité.
Beaucoup d'Européennes vivent depuis longtemps
à la Côte, femmes de fonctionnaires, de missionnaires ou
de commerçants. C'est par le Congo, et depuis cinq ou
six ans seulement, que le centre de l'Afrique a été atteint
par des Européennes, presque toutes Anglaises et Belges.
Et ainsi, une fois de plus, se révèle la grandeur civilisa-
trice de cette œuvre extraordinaire, car parmi tous les
éléments de développement humanitaire qui viennent
combattre le bon combat contre la barbarie, c'est la
femme blanche qui joue le plus beau rôle.
J'ai dit plus haut que c'est surtout son exemple qui
vaincra, en Europe, ce préjugé que le blanc ne saurait
vivre sous l'Equateur :
« Comment, dira-t-on, les femmes vont au Congo !
Elles s'y marient et elles y ont de beaux enfants ! Mais
alors, ce n'est donc pas au climat seul que sont dus ces
décès dont on a voulu faire un épouvantail ? •>■>
Eh non! le climat n'est pas seul à accuser! Mais il
serait trop long de dire ici les causes réelles de cette
mortalité en apparence si effrayante : disons seulement
que le Belge paie son apprentissage de la vie coloniale
dans laquelle il est jeté brusquement sans avoir, comme
H
les autres nations, des éléments d'adaptation séculaires.
De là, pour les vaillants, des excès de production et de
fatigues sans jamais de repos (surmenage mental et
corporel), et pour d'autres, insuffisamment trempés, trop-
de mécomptes et de désespérances spleenétiques, causes
de déchets autrement efficientes que le seul climat.
Devant cette situation, la ligne de conduite à adopter
doit être : patience, courage, persévérance, afin que
l'expérience, en s'acquérant vite, se paie de moins de
sacrifices.
Ceci dit, ne sent-on pas quelle influence réconfor-
tante peut avoir la présence de femmes dévouées dans
nos établissements d'Afrique? Pourquoi la situation des
missions protestantes est-elle si florissante? C'est que
dans ces milieux devenus, à part le voisinage, identiques
aux intérieurs familiaux d'Europe, avec des femmes
jeunes, gaies, rieuses, de beaux enfants poussant vigou-
reusement au soleil, l'homme se fait plus aisément
à l'Afrique; il n'a plus si souvent la fièvre, la bile,
l'horrible spleen !
Aussi le nombre des missions protestantes au Congo
s'accroit-il de façon extraordinaire. Il existe actuellement
une quarantaine d'établissements fondés par les protes-
tants anglais, américains et suédois de la Baptist
Missionary Society; de V American Baptist Missionary Union;
de la SK'cdish Mission; de la Prcsbyterian Congo American
Mission; de la Congo Bolobo Mission.
Plus de quarante points, disons -nous, sont déjà
occupés. Et je ne crois pas me tromper en attribuant
cette puissance d'occupation de l'élément protestant à la
femme, à l'épouse bientôt mère, dont la faiblesse
s'appuie sur un mari aimé. Ainsi réunis, chacun prend
courage, force et confiance. Et alors, tandis que court
toujours la légende scientifique que les plantes des pays
tempérés sont frappées de stérilité au pays du soleil, on
voit s'épanouir sur les rives du Zaïre et de ses affluents
des familles comptant déjà jusque trois enfants : Maggie,
Charlie et Allan Banks sont venus au monde au milieu
des Wangatas de l'Equateur, respectivement le i3 sep-
tembre 1888, le 20 mars i8gi, le 4 mai 1892.
L'argument de la stérilité primordiale étant ainsi
vaincu, ceux qui s'en servaient comme d'un épouvantail
n'ont pas désarmé. Ils ont inventé la stérilité secondaire,
tertiaire, quaternaire, etc.
Les premières graines, venues d'Europe poussent,
s'écrient-ils, eh bien, elles ne donneront pas de nouvelles
semences, et si elles en donnent, ces semences ne
reproduiront pas !
N'empêche que plus je ressemais mes salades, mes
haricots, mon tabac, mes tomates, mes aubergines, mon
cresson, plus mes plantes prenaient de vigueur; elles
s'acclimataient. De tous côtés : à Banane, à Boma, à
Aloukiboungou, à Loutété, à Tchoumbiri, à Bolobo, à
Irebou, à l'Equateur, à Monsembé, etc., etc., courent des
enfants blancs, émerveillement des milliers de mamans
noires qui viennent les admirer, les toucher comme des
fétiches portant bonheur. En voyant ces petits blancs
grandir, toujours choyés de leurs parents; en observant
comment les Européens élèvent et instruisent leurs
enfants, les yeux de ces sauvages s'ouvriront tout seuls
à la lumière et, une fois de plus, le monde civilisé pourra
se féliciter de l'accomplissement si heureux des charges
qui lui incombent au pays noir.
J'étonnerai, sans doute, plusieurs de ceux qui me
liront en leur apprenant que des mariages de blancs se
célèbrent aujourd'hui en plein centre de l'Afrique. En
mars 1892, je procédais à Bongandanga, sur le Haut-
Lopori, au mariage de ]\L Richard Cole, Anglais, avec
miss Margarett Dalgarno, Ecossaise. Les témoins étaient
]\L\L Scarnell, missionnaire anglais, et un Danois,
2l3
Gustafson, mécanicien de notre petite chaloupe Ville de
Char 1er 01.
Ainsi, au milieu de populations séculairement canni-
bales et courant sans la plus petite feuille de vigne,
à i,5oo kilomètres de la mer, nous nous trouvions cinq
Européens de trois nationalités différentes, et trois
d'entre eux, un Belge secondé d'un Danois et d'un
Anglais, unissaient les deux autres selon les prescriptions
de notre code civil.
— « Master Richard Cole, are y ou consenting to
take miss Margarett Dalgarno like wife ? »
— « Yes, sir. »
— (c Miss Margarett Dalgarno, are you consenting
to take master Richard Cole like husband? »
— « Yes, sir. »
Il y eut banquet; la table était garnie de branches
d'oranger cueillies aux bosquets voisins; des bambines,
noires comme encre dans leur jolie robe rose, nous
servaient ; dehors, sous le soleil à pic, plus de 5oo mori-
cauds de tout âge et de tout sexe, aussi nus que possible,
hurlaient et dansaient avec frénésie ; ils ne savaient pas
bien ce qui s'était passé, mais comme il y avait eu distri-
bution de perles, de grelots, de miroirs, tous s'en donnaient
d'autant plus à cœur joie qu'ils n'avaient plus crainte
de voir leurs ébats brusquement interrompus par les
anciennes irruptions de voisins redoutés et pillards!
N'étaient-ils pas aujourd'hui sous la protection de leurs
amis blancs?
Un autre mariage fut célébré en cette mission, en
juin 1893, celui de M. Bett avec Miss Whepdalc, une
jeune Anglaise ravissante.
A côté de ces femmes mariées vivait à Bonginda,
dans la Loulongo, une jeune fille charmante, mignonne
214
comme une poupée, miss de Hailes. Fille d'un baronnet
de Londres fort riche, après avoir conquis ses grades de
docteur en médecine, elle avait dédaigné la vie frivole
que lui offraient les salons où l'on danse et où l'on flirte;
courageusement elle avait pris le chemin de l'Afrique.
Quand je la connus, elle était là depuis quatre ans;
il y en a sept aujourd'hui que, souriante, elle soigne le
corps et l'àme de sauvages redoutables dont les instincts
farouches reprenant le dessus, ont déjà mis plusieurs fois
sa vie en danger. Que de blancs ont été soignés par
ses petites mains de fée ! Nulle maladie ne lui répugne, et
je me souviendrai éternellement de
l'avoir trouvée un jour examinant les
déjections d'un dysentérique auprès
duquel elle venait de passer la nuit
entière !
A part la robe de bure, miss de
Hailes procède des filles sublimes de
Saint-\"inccnt de Paule.
Et que de noms encore à citer à
l'actif des missions protestantes : à
Banza-Manteka, M'^-^ veuve Ingham;
à Loutété, M'-'^ Bentley; à Bolobo,
■\[me Grenfcll, une charmante femme
noire de Loango , gcntlewoman
accomplie; M"^^ Darby; M'"<^ Harri-
son, femme du capitaine du Pcacc; à
Loukolela, M"^^*Scrijvener ; àlrebou,
M'"^^ Moody, dont la petite fille porte
un nom indigène, « Amba »; au
lac X'toumba, M"^*-^ Clarke, dont le
mari a douze ans d'Afrique; à l'Equateur, M"^^ Banks,
qui a trois enfants, et sa sœur M'"*-' Murphay; à
2l5
Bonginda, M"^^ veuve Mac Kittrick; à Monsembé,
Mme Weeks, etc., etc.
La première femme de fonctionnaire de l'Etat Indé-
pendant fut M™ Ingham, alors que son mari, mission-
naire anglais, commandait la station de Loukounga (i885).
Vint ensuite la femme du capitaine A^alcke, qui vécut,
elle aussi, courageusement de la vie d'aventures.
Aujourd'hui, de plus en plus nombreuses sont les
vaillantes qui ne craignent pas d'accompagner leurs maris
en Afrique; ce sont surtout les fonctionnaires du Bas-
Congo qui peuvent amener leurs femmes avec eux : le
lieutcnant\'an Dorpc, commissaire du district de Matadi,
21 6
a vécu trois ans avec sa femme; son succes-
seur est le lieutenant Le Clément de
St-Marcq, également parti avec vSa femme.
A Boma, le docteur Reytter a amené
son épouse, et depuis tantôt un
an et demi, un bel enfant leur
est venu.
On sait que le docteur Re3't-
ter en est à son troisième terme
au Congo, Maintenant qu'il y a
famille, pourquoi le quitterait-il
encore, d'autant plus que sa jeune
femme est enchantée de la vie qu'elle y mène, aimée et
admirée de tous pour les attentions délicates qu'elle se
plaît à prodiguer aux malades? Pour
ma part, lorsque, descendant blessé du
haut fleuve, j'arrivai à Boma, incapable
de marcher et obligé de rester étendu
chez moi, loin de l'hôtel, j'eus à me
féciliter grandement d'être tombé aux
mains d'un si charmant camarade que
le docteur Reytter, dont l'aimable
compagne ne manqua pas une seule
fois de m'cnvoyer une part de leurs
repas. Et qu'on juge comment ces
merveilles culinaires étaient accueillies
par un homme qui en était arrivé à
trouver le maïs sec un régal, le sirop
de canne à sucre une ambroisie. En
rendant ici hommage au docteur Re3't-
ter et à sa charmante femme, je ne fais
entendre qu'un faible écho du concert
de louanges que tous deux méritent
si complètement.
Les femmes de commerçants sont également déjà
nombreuses; l'une d'elles navigue sur le Haut-Congo à
bord d'un des vapeurs de transport de la Société Anonyme
Belge, dont son mari est mécanicien.
M"^'^ Derscheid, femme du directeur des ^lagasins
Généraux, habite Boma.
Et pour terminer ces lignes consacrées aux dignes
épouses des pionniers de l'Afrique, pourrais-je mieux
faire que de rendre un hommage ému, que tout le monde
pnrtagera, à nos sœurs de charité, épouses du Christ, le
— 2l8 —
grand pionnier de l'humanité, qui ne dicte qu'une loi :
Aimez-vous les uns les autres !
C'est à la fin de i8gi, que partait pour le continent
noir la première caravane de religieuses, s'en allant sans
espoir de retour, au pays que jusque-là, presque seuls,
des soldats intrépides avaient osé affronter. Leur but :
évangéliser leurs frères noirs et entourer de soins tous
ceux qui, ouvriers blancs épuisés par un travail débili-
tant, travailleurs noirs rongés par des maladies repous-
santes, auraient besoin de la douce assistance que des
femmes seules peuvent donner. Les premières sœurs de
charité ont occupé les sanitarium de Moanda à la côte,
et de Kikanda, près de Matadi, D'autres départs ont
suivi vers Léopoldville, et avant peu ces femmes exem-
plaires seront au Kwango, au Kassaï, dans le Haut-
Congo !
Elles ne marchent pas comme les femmes de
missionnaires protestants ou de fonctionnaires de l'Etat,
aux côtés d'un mari adoré pour qui et par qui elles sont
fortes ! Ni la richesse, ni les honneurs ne les attendent!
Et pourtant elles s'en vont heureuses, souriantes, prêtes
à tous les dévouements, à tous les sacrifices, parce
qu'elles ont la foi, rcspérancc et la charité.
Les voies de communication.
De Banane, au bord de la mer, à Matadi, dépôt du
chemin de fer, le vaste Congo offre 120 kilomètres d'eau
profonde où naviguent, depuis i88g, les steamers de
3,000 tonnes.
De Matadi à Léopoldville, le fleuve se développe
sur 3oo kilomètres presque constamment barrés de
2ig —
chutes, et cet obstacle est si formidable que de 1484-85,
époque où Diego Cam (officier de la marine portugaise
et gentilhomme de la maison de Don Juan II, roi de
Portugal), découvrit l'embouchure du Zaïre, jusqu'en
1877, époque où Stanley y arriva venant de Zanzibar,
nulle expédition ne parvint à en triompher.
La plus connue fut celle du capitaine James
Kingston Tuckey, qui, en 1816, remonta le fleuve
220
jusqu'à 280 kilomètres à l'intérieur des terres; cette
expédition perdit en quatre mois 18 de ses 56 membres.
Après ce désastre on semblait avoir renoncé à forcer
cette redoutable entrée de l'Afrique, lorsque le téméraire
reporter du New-York Herald résolut la question, en
prenant les 32 chutes à revers et en s'y jetant tête perdue.
Sa vie, celle de ses hommes étaient à ce prix; presque
tous échappèrent, et le monde connut ce qu'il y avait
dans ce grand vide blanc des cartes les plus récentes; il
sut qu'à 3oo kilomètres de Matadi s'amorçait un réseau
fluvial incomparable, dont aujourd'hui 3o, 000 kilomètres
de rives abordables aux steamers sont reconnues; il sut
qu'il y avait là un bassin immense, cent fois grand
comme la Belgique, jadis vaste mer d'eau douce et où les
eaux ont enfoui des trésors, et que cette plaine immense
qui n'avait subi encore aucune défloraison était à prendre;
qu'elle était aujourd'hui couverte d'une prodigieuse
végétation tropicale, sillonnée par le réseau navigable le
plus complet qu'il soit possible de rcver et presque
unique au monde, car il ne laisse pas un point à plus de
100 kilomètres d'une rive abordable; et que le tout était
peuplé de millions de nègres, ces ouvriers incomparables
des tropiques, qui ont su défricher et mettre l'Amérique
en culture.
Et pour que tout cela entre en valeur immédiate,
nulle autre voie de grande communication n'est néces-
saire que le chemin de fer du défilé des cataractes. Mais
il faut qu'il se fasse, car alors sera résolue, à notre profit,
la question de la pénétration du grand commerce au
ccour de l'Afrique.
Depuis quand la vieille Europe commercc-t-elleavcc
l'Afrique par la côte occidentale?
Dès l'année i368, les hardis marins Dicppois qui
CÔbe occi dentale d'Europe du capjiorà à GjbraJlar.
Cole occidentale â.'Aïnqu.e de .QibralLar au cap de Bonne Espérance .
Jleseau cL\x
Cançro
Côlejnérjdionale dTiirope de Qibrallar à IdTner J'Azof.
Le Danube.
le !Rl-iin.
La 3vfeu5e .
rEscaui en Bdpri gus
— 222
disputaient aux navigateurs portugais l'honneur et les
profits des découvertes sur une côte inconnue, abordèrent
dans la baie de Dakar : la richesse du sol, la fg-cilité et les
gros bénéfices du commerce les y retinrent ; ils établirent
une suite de comptoirs depuis le cap Vcrd jusqu'au fond
du golfe de Guinée.
Leurs affaires prospérèrent; en échange d'objets de
valeur minime, ils obtenaient des peuplades sauvages la
gomme, le poivre, l'indigo, l'encens, l'or, l'ivoire, toutes
marchandises de haut prix. C'est de cette époque que
date l'industrie de l'ivoire sculpté qui fait encore
aujourd'hui la fortune de Dieppe.
Les désastres de la guerre de cent ans et les guerres
civiles arrêtèrent l'essor normand ; les Portugais et les
Hollandais occupèrent les comptoirs abandonnés, et
continuèrent le trafic avec succès.
Les Français reparurent à la fin du seizième siècle.
Entre-temps, le cap de Bonne-Espérance avait été
découvert en i486, puis revu en 1493, sous le règne de
Jean II, par Barthélémy Diaz,
amiral portugais ; les orages qu'il
y essuya , le lui firent nommer
ce Cabo dos todos tormcntos », ou
cap de tous les maux; mais le roi Jean
changea ce nom en celui de : Cabo de Bueno-Lspc-
ranza », qui s'est conservé jusqu'aujourd'hui.
Un commerce des plus actifs s'établit le long de la
côte occidentale d'Afrique que visitent et décrivent,
avec force récits et dessins merveilleux, de nombreux
voyageurs :
Georges Tompson (1618-1621), — Stibbs
(1723-1724), — François Moore (lySo-iySS),
— Peter \'an den Broeck, le Hollandais
— 223 —
(i6o5-i6o5), — Le Maire, chirurgien à l'Hôtel
Dieu de Paris Ii682-i683), — Atkins (1721
1/23), — Thomas Phillips (lôgS-iôgS), — h
père Loyer (i 700-1703), — le chevalier
Des Marchais (1724-1725), — Smith
(1726-1727), — Lamb (1724),— J^.
Snelgrave (1719-1732), —
Jacques Barbot (1699), —
Grazilhier (1699), — Ed^"*
Lopez (1578-1587), — André
Battel (1589), — Angelo
1666-1667), — Carli (1667),
— Merolla (1682-1688), —
Jacques Barbot le Jeune
(1700-1701), - Kolben(i7i3), "
— Hamilton (1720), — Belgrade
(1766), Descouvières et Joli (1768^,
— Lacerda (1798), — les frères Pombeiros
(1806), — Saldanah (1807)
Je cesse cette énumération fasti-
dieuse pour dire que tous ces voya-
geurs et leurs successeurs cherchent
des voies de pénétration vers le
cœur de l'Afrique.
Mais tout le long de la côte, en vain
remontent-ils les rivières et les fleuves;
bientôt se dressent les redoutables rapides, les barrages,
les cataractes infranchissables qu'ont créés les monts
côtiers de l'Afrique occidentale.
4
225
De Tanger à Saint-Louis, pas une voie de navigation
importante.
A Saint-Louis, le Sénégal, dont la navigabilité perma-
nente pour les avisos à vapeur s'arrête à Ma/on, peut
s'effectuer pendant quatre mois jusqu'à Kayes, en aval du
rapide des Kippcs, c'est-à-dire au 6"^^ de la distance à vol
d'oiseau entre Saint-Louis et le lac Tchad. Cette distance,
mssurée en ligne droite de Saint-Louis à la pointe la
plus occidentale du Tchad, est, d'après la carte d'Habe-
nicht, de 3,3oo kilomètres. Par le Sénégal- les Français
s'en approchent donc à 2,760 kilomètres.
A Bathurst, la Gambie offre une nouvelle voie d'accès
navigable jusqu'à l'ile Mac-Carthy à 280 kilomètres de
son embouchure.
Puis tout le long de la côte, le Fouta Djallon, les
monts Soulimana, les motits de Kong, les monts Gondja
élèvent, à 400 kilomètres environ de la mer une escarpe
défendant victorieusement l'intérieur de l'Afrique.
Cette escarpe, le Niger la coupe; le Niger ou Dhioliba
qui, de ses 3, 600 kilomètres forme un vaste demi-cercle
i5
220
vers le Nord, puis l'Ouest. Le Niger se divise en trois
parties au point de vue de la navigabilité :
Le Bas-Niger (900 kilomètres) allant de la côte aux
chutes de Boiissa, considérées jusqu'ici comme infranchis-
sables; — le. Moyen-Niger, de Boussa à Bammako, où les
rochers de Sotouba barrent le fleuve; — le Haut-Niger, où
la navigabilité est probable.
A 400 kilomètres de la côte le Niger reçoit, à Lokodsa,
la Bénoué dont le cours vient de l'Est.
La Bénoué ou Tchadda est une magnifique rivière,
profonde et navigable, prenant sa source au nord de
N'gaiindéré dans VAdamaiia, et dont un affluent de droite,
le Mayo-Kebbi, sert d'émissaire à la grande lagune de
Tibouri, confinant à la rive gauche du Logone, affluent du
Chari, le grand tributaire du Tchad.
La voie de la Bénoué est incontestablement une des
meilleures voies d'exploitation des royaumes de Sokoto,
Adamaua, Bornou et Baghirnii Occidental.
Vient ensuite, comme voie de pénétration, VOgooné,
dont le cours a 1,200 kilomètres de développement et
dont la source, au pays des Batékés, n'est qu'à 200 kilo-
mètres du Congo.
Ce puissant fleuve étend, entre des îles flottantes ou
des bas-fonds de sable ou de boue, ses marigots et son
vaste delta sans port ; il n'est navigable que jusqu'à
335 kilomètres de la côte, pour les bateaux calant un
mètre, qui passent, bien que son cours devienne gêné par
des seuils de rocher.
A l'ile N'djolè commencent, et durent pendant
200 kilomètres, les chutes infranchissables par lesquelles
227
rOgooué traverse les Monts de Cristal, puis ce cours d'eau
reste barré par des rapides et des chutes qui le rendent
absolument inutilisable comme voie de jonction de
l'Océan avec le Haut-Congo.
Le Niari-KwiloH, d'un développement d'environ
600 kilomètres reste la seule voie par laquelle la France
voudrait arriver sur le Haut-Congo. L'entrée du fleuve est
fermée par une barre mobile assez difficile à franchir; son
cours est navigable pendant environ une soixantaine de
kilomètres, puis il s'obstrue de rapides assez nombreux.
Actuellement, on ne se sert nullement de la rivière;
la route du Niari-Kwilou est presque entièrement une
voie terrestre : il faut débarquer à Loango et gagner par
terre Brazzaville.
<c La dernière partie de la route, qui ne compte que
i32 kilomètres, de Bouenza (point où se terminera plus tard
la navigation sur le Niari-Kwilou) à Brazzaville, n'est
nullement fatigante à parcourir, les accidents de terrain
y étant très peu nombreux et très faibles.
» De beaucoup la plus commode, la voie du Niari-
Kwilou est appelée à un grand avenir.
)) Déjà une étude préliminaire de la contrée et un
nivellement complet ont été exécutés au cours des
années 1 887-1 888, et le résultat de ces travaux a permis
de s'assurer que la zone des rapides pouvait être utilisée
d'une façon fort avantageuse.
>» Un décret, en date du 25 janvier 1890, a confié
— 228 —
l'étude de la voie du Niari-Kwilou et sa concession à
l'industrie privée, qui se trouve ainsi intéressée directe-
ment à la mise en valeur et au développement du Congo
français. »
Tout ceci est extrait de la 6"^^ Notice illustrée sur les
colonies françaises, édition de 1890, qui dit encore :
« On jugera combien sont grandes les difficultés
d'accès par le Bas-Congo, quand on saura que le prix de
la tonne revient, à Léopoldville, à 2,000 francs; sur
rOgooué jusqu'à Lékcti, à i,5oo francs, et par le Xiari-
Kwilou, à 1,000 francs seulement. »
C'est à peu près exact, sauf que de Matadi à
Léopoldville la tonne coûte 1,000 francs; parle Xiari-
Kwilou, i,5oo et que la voie de l'Ogooué attend toujours
son utilisation.
Aussi, tandis que le chemin de fer du Congo belge
pousse ferme de l'avant, la voie du Niari-Kwilou, malgré
le décret de 1890, malgré sa concession à l'industrie
privée, est, en 1894, ce qu'elle a été dans le passé, et il
parait bien peu probable que les projets qu'elle a suggérés
reçoivent jamais commencement d'exécution, malgré le
tout récent départ d'une nouvelle mission chargée de
réétudier l'utilisation du fleuve.
Ment alors l'ancien Zaïre, le Congo actuel.
Nous avons dit ce qu'il est et comment l'achèvement
du chemin de fer mettra 3o,ooo kilomètres de rives
navigables dans les mêmes conditions devant le com-
merce européen que la côte occidentale d'Afrique, le
— 22g —
long de laquelle, depuis la fin du xiv"^^ siècle, les
navigateurs recueillent : ivoire, or, gommes, résines,
cires, encens, plumes d'autruche, poivre, café, cacao,
kola, tabac, coton, caoutchouc, peaux, huiles, sucre,
bois de luxe, bois de teinture, orseille, indigo, rocou,
arachides, riz, fruits de luxe comme l'ananas, de grosse
consommation comme l'orange, animaux de tous
genres, etc., etc.
Et qui donc concevrait l'abandon par le commerce
de la côte occidentale d'Afrique? Comment alors hésiter
à prendre pour champ d'exploitation entièrement sem-
blable, le réseau riverain intérieur offrant actuellement
3o,ooo kilomètres de développement, alors que la côte
occidentale d'Afrique, de Gibraltar au Cap, n'en offre
que i2,5oo, soit près de trois fois moins.
Si, à ces 3o,ooo kilomètres de rives abordables aux
steamers, on ajoute les sections utilisables aux pirogues
et aux allèges, on arrive au total de quarante millions de
mètres, le tour de la terre.
En supposant que par mètre de rive, en un an, on
ne recueille que un kilo d'un produit quelconque
d'exportation, le chiffre total des récoltes, sur le Haut-
Fleuve, serait de 40,000 tonnes.
Avec un gain net de 5o centimes par kilogramme,
le chiffre des bénéfices atteindrait vingt millions de
francs.
Quant au mouvement commercial qui en résulterait
pour la Belgique, on ne peut guère l'apprécier môme
très approximativement; on ne peut qu'en sentir l'impor-
tance presque indéfinie.
L'erreur capitale des adversaires de la politique
coloniale, en tous pays d'ailleurs, est d'oublier que les
colonies sont avant tout des réserves constituées pour
— 23o —
i'avenir, et qu'il est aussi déraisonnable de n'envisager
que le profit commercial qu'elles donnent immédiatement
à la mère-patrie, qu'il serait absurde, quand on crée une
plantation quelconque, de mettre en balance les frais de
défrichement et de plantation avec le produit de la
récolte des deux ou trois premières années.
Admettons que le kilogramme de produit exporté
paie au chemin de fer 20 centimes de Léo à Matadi; les
40,000,000 de kilos, dont nous venons de parler, rappor-
teraient à la ligne 8,000,000 de francs.
Et il ne s'agit là que du commerce d'exportation ;
l'importation, le commerce intérieur, les mouvements
de voyageurs blancs et noirs, doubleront ce chiffre de
bénéfices.
Ainsi, si le chemin de fer absorbait 100,000,000 pour
son achèvement, il rapporterait sans tarder 16,000,000,
soit 16 p. c. brut.
Le chemin de fer du défilé des Cataractes se fera
donc, par la force même des choses, parce qu'il est fatal
qu'on aille aux sources des richesses africaines!
— 23l —
Ne pas s'en rendre garant serait pour la Belgique un
aveu d'impuissance et de pusillanimité indigne d'un pays
fier et libre, qui saura n'être pas la risée de l'Europe.
Oui, la Belgique va sortir de l'expectative qu'elle a
semblé garder jusqu'ici devant tout ce qui s'abrite sous le
drapeau bleu étoile d'or, comme si la nation, énervée
par un égoïsme jouisseur, devenue comme incapable de
sortir de la politique étroite des cabarets belges, croyait
que neutralité est synonyme d'impuissance, et s'effrayait
de ces entreprises lointaines, de ces durs labeurs, par
lesquels nous élargissions les frontières où pourra
s'exercer l'activité économique des Belges.
La politique d'extension coloniale n'est pas seule-
ment la suite d'une volonté raisonnée ou d'un dessein
calculé; elle est, avant tout, la résultante naturelle de ce
besoin d'activité qui compte parmi les meilleurs symp-
tômes de la santé chez les races vigoureuses. Ainsi
parlait dernièrement du haut de la tribune française, le
Ministre des Affaires étrangères.
Or, parmi toutes les terres tropicales (i), l'Afrique
est un champ de choix pour la colonisation, parce qu'il
n'y a là ni les mêmes risques à courir, ni les mêmes
échéances à redouter qu'en Asie par exemple ; parce que
nous avons affaire à des populations de race inférieure
pour qui notre présence sera un gage de sécurité; parce
qu'enfin aujourd'hui nous n'avons plus de guerre hasar-
deuse ou douteuse à prévoir pour contenir ou repousser
voisins ni rivaux.
Prenons donc franchement le chemin des colonies,
afin d'échapper aux grandes catastrophes intérieures dont
sont menacés tous les peuples d'Europe.
(1) D'après Jules Delafosse.
232
La colonisation est le seul allégement possible aux
embarras économiques et aux conflits sociaux qui gron-
dent et qui grandissent autour de nous.
La machine se substitue partout au travail manuel,
accomplissant à elle seule le travail de plusieurs centaines
d'ouvriers, par conséquent raréfiant le travail.
Que vont faire devant ce problème, les législateurs
belges, ayant charge de peuple ?
Le collectivisme, ce mauvais rêve qui ne se discute
pas, sera vSans doute une des solutions proposées.
Il est matériellement impossible que la loi intervienne
entre le capital et le travail, entre l'ouvrier et le patron,
sans rompre l'équilibre entre ces deux forces, c'est-à-dire
sans aboutir à la fermeture de l'usine ou de l'atelier.
Conçoit-on une loi qui prévienne le chômage et
assure au travailleur (quel que soit son rang) la juste
rémunération de son travail ? Non ! Toute la question
sociale est là cependant !
Il n'y a pas de loi, pas de réforme, pas de Providence
d'Etat qui la puisse résoudre.
Il n'y a que des dérivatifs aux conflits qu'elle provo-
que, et au premier rang de ces dérivatifs il faut placer la
colonisation.
Faites que ceux à qui le travail manque en Europe
s'habituent à aller chercher ailleurs le champ nécessaire
à leur activité ; et reprenons le Congo pour que des
migrations belges puissent se faire plus tard vers les hauts
et sains plateaux du Katanga; nous- trouverons là l'exu-
toire naturel, nécessaire de toute société qui ne peut plus
pourvoir aux besoins de ses peuples, et qui, semblable à
une chaudière sans soupape de sûreté, est fatalement
vouée aux catastrophes.
Reprenons le Congo aussi, afin qu'une immédiate
— 233 —
extension commerciale et industrielle assure plus de
travail à la classe ouvrière, qui alors saura où sont ceux
qui ont vraiment souffert et peiné pour elle, souffert de
leur corps et de leur âme, peiné de leurs mains et de leur
cerveau, couchant sur la dure, mangeant à la diable, et
qui ne demandent qu'une récompense : Voir leur pays
tout entier profiter de leurs efforts.
L'achèvement du chemin de fer belije au Conj^o
marquera dans l'histoire évolutive du centre africain ;
cent peuples nouveaux, sains, ardents, verront luire ce
jour-là leur véritable initiation au travail rémunérateur
et honnête qui remplacera rapidement la hideuse traite,
les hécatombes sanglantes, seuls faits saillants jusqu'ici
dans l'histoire de ces nèijres.
Et nous, fils d'un pays bien petit par ses limites,
nous prendrons par notre œuvre au Congo une place si
grande au milieu des peuples colonisateurs, que, toucher
à cette œuvre et aux Belges qui l'auront faite, deviendra
une monstruosité que pas un peuple, si fort soit-il, si
oublieux puisse-t-il être un jour de toute honnêteté
politique, n'osera se mettre sur la conscience !
Notre indépendance européenne, loin d'être compro-
miseparl'œuvredu Roi, ainsi que le veulent ses détracteurs
dont c'est aujourd'hui la dernière raison, sera renforcée et
assurée à jamais par le plus inébranlable des traités,
savoir: l'admiration du monde civilisé pour la réalisation
à travers tant de dangers, de déboires et de résistances,
de la plus grande, de la plus généreuse entreprise qu'aient
enfantée des cerveaux d'hommes.
— 234 —
Au surplus, le Congo ne peut appartenir qu'à une
petite nation (i). L'Europe ne permettrait pas qu'il en
fût autrement, car une pareille possession donnerait la
prépondérance définitive au grand Etat qui la possé-
derait.
Du jour où elle appartiendra à la Belgique, —
qu'on porte toute son attention sur ce point, — notre
nationalité ne sera-t-elle pas consolidée tellement qu'elle
ne saurait plus être dissoute ?
La puissance qui s'emparerait de notre territoire
prendrait-elle aussi le Congo ?
Si elle en avait la velléité, c'est du coup qu'on verrait
une guerre européenne et même générale surgir pour nous
défendre.
Boma et Anvers seront nos boulevards au même
titre.
Quelle autre signification pourrait-on bien attacher à
ces paroles du prince de Bismarck :
« Le nouvel Etat du Congo est appelé à devenir un
des principaux gardiens de l'œuvre que nous avons en
vue, »
Il est la base de l'équilibre européen en Afrique.
Et ainsi la Belgique ne saurait plus se soustraire à
un impérieux devoir, à l'obligation inéluctable de ne pas
perdre le sang de tant de courageux morts en souriant,
car l'œuvre du Congo manifeste aussi sa grandeur en
renouvelant des dévouements de martyrs.
Caton le censeur avait coutume de s'écrier à la fin
de tous ses discours : « Et mine addo Carthagincm esse
delendam ! »
Ainsi que Carthage était l'ennemie de Rome, le
(1) D'jilU'ès p. Ci., I-a Belf;ique et le Congo.
— 235 —
Congo pourrait-il continuer à rester l'ennemi de la
Belgique ! Xos Pères Conscrits pourraient-ils continuer
à entendre ce cri funeste : « Et j'ajouterai encore qu'il
faut rejeter le Congo ? »
Xon, le cri qui se fait entendre aujourd'hui soulève
les enthousiasmes. J'en appelle à tous ceux qui se
pressaient à la. réception du lieutenant Dhanis au Cercle
Africain et dont les chaleureuses acclamations ratifiaient
ces paroles vibrantes de ^'an Gèle :
(( Cette terre du Congo, dont le Roi a deviné
l'avenir, nous l'avons, sous sa persévérante impulsion,
conquise pas à pas. Ses frontières sont aujourd'hui toutes
assurées; tu viens de la débarrasser de ses derniers
ennemis.
» Nous la savons féconde : elle récompensera au
centuple tous les efforts; elle paiera tous les dévoue-
ments!
•>■> Qu'on nous la donne donc enfin en y faisant
flotter les couleurs belges! Ceux des nôtres qui sont
tombés là-bas auront reçu alors leur récompense !
» Notre vœu suprême sera exaucé!
1) Joins ta voix à la nôtre, ami ! C'est toujours
guidés par la même généreuse idée que nous te prions
de t'unir à nous, pour la grandeur et la prospérité de la
patrie ! »
Le rôle d'expectative que garde depuis trop
236
longtemps notre généreuse patrie nous humilie! Il doit
cesser ! L'heure des résolutions viriles sonne !
Défaillance, arrière! Et sachons faire que bientôt le
drapeau tricolore s'écartèle de l'écusson à étoile d'or!
4 Xovembie 1S94.
LA CIVILISATION LNTRAINt
LA LUMIÈRE ET LA PAIX
i
239 —
5 Novembre 1894.
Post-Scriptum. — C'est aujourd'hui que se ferme
l'Exposition d'Anvers, et avec elle le compartiment
congolais.
Ce dernier, espérons-le et souhaitons-le vivement, va
venir se rouvrir au plus tôt à Bruxelles, en un Musée du
Congo qu'il incombe aux deux Etats, aidés de toutes
les bonnes volontés, de tous les efforts, d'installer et de
développer grandement.
La Société d'Etudes Coloniales est tout indiquée
pour prendre en mains l'exécution de ce projet, qui
figure au reste parmi ses travaux en cours d'étude.
En ce musée congolais viendront s'accumuler et se
classer les nombreux documents déjà recueillis par les
Belges en Afrique, et dont la plupart restent actuelle-
ment éparpillés et sans valeur.
XuUe observation, quand elle a été faite sainement
et consciencieusement, ne devrait être perdue. Elle peut
n'avoir par elle-même qu'une valeur secondaire, mais
rapprochée d'autres données, elle peut souvent acquérir
240
un intérêt relatif très marqué, parfois même capital :
ceci est vrai à tous les points de vue, économique,
scientifique, moral, ethnographique
Pour ne prendre qu'un exemple, supposons que tous
ceux qui ont recueilli des noies sur les dialectes
congolais, au lieu de les avoir laissé dormir dans leurs
tiroirs, les aient réunies en des mains uniques, il est hors
de doute que nous aurions actuellement des documents
linguistiques des plus utiles, tandis que nous n'avons
encore que bien peu de chose.
Cette concentration des documents ne manquerait
pas de se faire rapidement si le Musée dont nous parlons
s'installait sans tarder.
D'autre part, ouvrir, organiser et développer un
tel monument colonial, serait admirablement préparer
la participation du Congo à l'Exposition que Bruxelles
projette pour 1897, puis à l'Exposition internationale de
Paris en igoo.
Et que le Musée central se complète de collections
scolaires aussi nombreuses que faire se pourra !
Pendant le courant de l'Exposition, plusieurs
demandes de collections réduites ont été faites non
seulement par des établissements belges, l'Institut supé-
rieur de Commerce d'Anvers, par exemple, mais aussi
par des établissements étrangers, le Musée national
d'Ethnographie des Pays-Bas, à Leyde; le Musée com-
mercial de Greiz (Allemagne), etc.
Cet intérêt des étrangers est significatif : saurons-
nous nous engager au plus tôt dans la voie qu'il indique,
et faire connaître le Congo dans toutes nos écoles,
supérieures, moyennes et primaires, au moyen de collec-
tions scolaires réduites, telles que celles demandées par
l'Allemagne et la Hollande?
— 241 —
Le Congo connu des enfants le sera alors un pea
plus des parents.
A l'œuvre donc !
Second Post-Scriptum. — Je n'ai pas osé parler de la
ligne de navigation d'Anvers à Matadi, qui devrait être
belge. J'ai eu peur que devant cette extension de la
question congolaise on ne crie trop à l'impossible.
Mais je suis bien tranquille là-dessus. Faisons
seulement le chemin de fer du Congo, le reste ira tout
seul.
Ça se voit.
Lieut^ L. Cii.
i6
I
GRAVURES
6
6
7
9
lO
Départ de V Edouard Bohlen, le 6 octobre 1894.
Tète de Sango (Oubanghi)
Coupe dans le Vigilant, bâtiment négrier,
de Nantes, capturé en avril 1822 .
Coupe d'un navire négrier capturé en 1843.
Esclave de l'Oubanghi
La carte de l'Afrique centrale telle qu'on la
donnait dans les athénées il y a vingt
ans
Les ténèbres de lAfrique
■Mort de Franck Pocock
La carte.de l'Afrique centrale, il y a quinze
ans, après le vo3'age de Stanley.
L'entrée du village congolais à Anvers .
Vue extérieure du pavillon congolais à
Anvers
Guerrier Sango
Lieutenant Alasui.
Photographie.
Les Colonies françaises.
(Notices illustrées.)
Photographie.
Masui.
Hachette.
Mouvement géographique.
^lasui.
Photographie.
Photographie.
M 4
PAGES
SUJETS
SOURCES
II
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24
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35
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39
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42
45
Intérieur du compartiment congolais.
La Mcduse, de \'inçotte
Un bateau au xv!"-- siècle
L' Allegretto, de Dillens
La Marieâe-Nazareth, de Dj Toinbny .
Maison en bois à Coquilhatvillc .
Exploitation de bois à Siccia ....
Arrière de pirogue
Coiffure au n'goula
Bois à feu des Mongos
Bois à feu et torche de fouilles sèches pro-
t.'gcs par un morceau d'étoffe ....
Fétiche et cuiller en bois
Abattage d'un aibre géant
Sur l'Escaut : retour de Dha:u3 ....
Femme Zappo-Zap
La défense du drapeau
Arabe du Haut-Congo
Tombe perdue
Liane à caoutchouc
Tam-tam; mailloches ga:::ics do caoutchouc
Diagramme
Steamer en rcconnnissr.ncc
La mise en œuvre du caoutchouc (cxposi
tion de M. Eug. Pavoux)
Emploi du bouloungou pour vases félcs,
flèches et pipes
Rameau d'Isonandra Percha ....
Photographie.
Photographie.
Masui.
Photographie.
Photographie.
Masui.
Photographie.
Masui.
Masui.
Congo illustre.
Congo illustré.
Masui.
Masui.
Masui.
Photographie.
Photographie.
Masui.
Masui.
Masui.
Masui.
Masui.
Photographie.
Masui.
Masui.
245
SUJETS
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Torche en gomme copale
Bois du Congo : meubles et planches; à
gauche, vue partielle d'ur.c aignil'c de
gomme copale
Croquis du Sénégal . .
Acacia Vcrek
Foret de palmiers élaVs
Huilerie de Matéba
Régime de Raphia Vinifera
Boutons en noyau de Raphia Mnifera .
Rivières ATanch et Gahinas
Sésame
Arachide .
Femme de race Mongo
La région du tabac dit de Loukohla.
Rouleau de tabac de FAlima
Paquet de tabac du lac N'toumba.
Pipe faite avec une calebasse
Noix de Kola en gousses
Grands Sultanats du Nord
Chasse-mouches indigène
Tisserand noir
Etoffe du Kassaï
Coton : fleur et gousse mûre . . . ,
Fuseau . . .
Papyrus
Canne à sucre
Poivre de Malaguette
Alasui.
Photographie.
Masui.
Photographie.
Photographie.
Alasui.
Masui.
Alasui.
Congo illustré.
Photographie.
Alasui.
Alasui.
Alasui.
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Congo illustré.
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Congo illustre.
Alasui.
Congo illustré.
Congo illustré.
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SUJETS
SOURCES
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12g
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i34
i34
134
Fève de Calabar
Orseille
Gousse d'Entada Gigalubium ....
Bambous d'Inde
Borassus
Arbre parasite (figuier maudil).
Branche de caféier
L'ancienne mer centi aie
Branche de cacaoyer
Tige d'igname
Bananier
Régime de plantains
Concombre des Ngapous
Cucurbitacées indigènes
Fouta, grappe de fruits rouges, veloutés, de
la grosseur d'un œuf de pigeon, sucrés.
La grappe peut peser de 2 à 3 kilos .
Vigne sauvage
Fruit de baobab
Village du Haut Congo
Compartiment congolais : l'étagcre des
textiles, du caoutchouc, des minerais, des
produits alimentaires
1. Enclume
2. Masse
3. Masse-marteau
4 Cuillère à eau
5. Ilerminette
INIasui.
Masui.
Masui.
Congo illustré.
Masui.
Masui.
Masui.
A.-J. Wauters.
Masui.
Masui.
Masui.
Photographie.
Dybowski.
Photographie.
Photographie.
D3'bo\vski.
Congo illustré.
Photographie.
Photographie.
Congo illustré.
Congo illustré.
Congo illustré.
Congo illustré.
Cour') illustré.
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SUJETS
6. Ciseau à froid
7. Moule en bois
8. Soufflet et tuyère
g. Creuset et pince en bambou ....
Fer de IManyéma (monnaie)
Croix en cuivre du Katanga (monnaie) .
Oiseaux et singe du Haut-Congo ....
Phasme géant trouvé à Coquillatville .
Goliath
Scorpion
Cauiies
Diagramme : pour cents annuels des com-
mandes de tissus de l'Etat du Congo à
l'industrie belge
Filature Parmentier-Van Hoegarden et C"=,
à Gand
Chauves-souris « tête d'hippopotame » .
Exposition Cockerill au compartiment
congolais
Le marché de Kassongo (zone arabe)
Exposition Dej-mann-Druait au comparti-
ment congolais
Le pont de Loukoungou
Pont de singe
Corbeille de la région des Cataractes.
Peignes, corbeilles et natte de la région des
Cataractes.
Un passage d'eau dans le Kwango oriental.
SOURCES
Congo ilhisiré.
Congo illustré.
Congo illustré.
Congo illustré.
Congo illustré.
Congo illustré.
Masui.
Masui.
Masui.
Congo illustré.
Congo illustré.
Photographie.
Dybowski.
Photographie.
Photographie.
Photographie.
Photographie.
Masui.
Congo illustré.
Congo illustré.
Photographie.
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Sur le ciiemin de fer du Congo
Clîantiers de Léopoldvir.c . ...
Chant de piroguie: s
Chant de piroguiers
Fourreau et flèches de lOubanghi
Une canonnière de TEtat sur le Haut-
Congo
Salle à manger de la mission nméiiccine de
Léopoldville
Cercueils de l'Equateur
Le cheval d'Hodister, repris aux Arabes par
le lieutenant Lothaire
Crânes recueillis dans les villages de
l'Equateur
Shanu
Pirogue de blanc
La tombe de Tonio à Evere
Femme Wangata
Femme Basoko
Nséréa et son fi's Amici, les assassins
d'Hodister
Mme Ch. Blair Banks
Les enfants de M. Ch. Blair Par.ks . , .
Mme Bentley
M">e Van Dorpe
Mme Reylter et son petit gaiçon . . . .
Religieuses belges à' Moanda
Le sémaphore de Banane
Photographie.
Photographie.
Masui.
Masui.
Photographie.
Photogr.-iphie.
Photographie.
Masui.
Photographie
Photographie.
Photographie.
Photographie.
Photographie.
Photographie.
Photographie.
Congo illustré.
Photographie.
Photographies.
Photographie.
Photographie.
249
PAGES
SUJETS
SOURCES
221
Diagramme montrant l'importance du
Congo comme voie navigable . .' . .
Mouvement géographique.
221
Réseau fluvial du Haut-Congo
Mouvement géographique.
222
Animaux merveilleux existant en Afrique .
Extrait de l'abbé Pré-
vost (1748).
223
Animaux merveilleux existant en Afrique .
Extrait de l'abbé Pré-
vost (1748).
224
Carte montrant la pénétration vers le Centre
africain par la côte occidentale ....
D'après Habenicht.
23o
Troupeau de bœufs à J<assongo (zor.c
arabe)
Photographie.
237
Médaille commémorative de la participa-
tion de l'Etat du Congo à l'Exposition
d'Anvers
Photographie.
241
Dessin
Masui.
-Au3sr:i>TE22:E
Exposition d'Anvers. — Compartiment Congolais
COMMISSION ORGANISATRICE
président :
M. Van Ektvklde, Ed., secrétaire d'Etat de Flntérieur et des Finances.
yice-Président :
M. le major Thy.s, officier d'ordonnance du Roi, administrateur délégué de la
Compagnie du Chemin de fer du Congo.
Commissaire général :
M. le baron Béthlne, Lkon, secrétaire du Conseil supérieur du Congo.
Cfjrnmissnire f/é lierai adjoiiit :
M. Baert-s, a., chef do cabinet du Département de llntérieur.
Directeurs des services techniques :
MM. DiDKRRiCH, X., ingénieur, directeur de l'industrie et de lagriculturc à
l'Etat du Congo.
Masui, lieutenant d'artillerie.
Secrétaire :
M. DE COCK, G.
Sea-étaire adjoint :
M. De Melse, F.
Attachés au sea-étariat :
MM. Samy\, a., sous-intendant de l'Etat indépendant.
Van Lakri:, agent de l'Etat Indépendant.
Meinhrcs :
MM. lÎAYNES. secrétaire général de la liaptist Missionary Society; Londres.
le baron Bikfin, colonel du corps d'état-major, secrétaire-général de
l'Association congolaise cl africaine de la Crois-Rouge.
Blyîse, G-, industriel.
252
MM. Cambikr, major-directeur teclniitpio de la Compagnie du chemin de fer
du Congo.
Chai.tiv, capitaine d'infanterie.
le R. P. Croonknbkrgs, delà Compagnie de Jésus,
le Comte dk Brolchove\ dk Bergeyck, sénateur.
DE Brow.ne de Tiège, a., administrateur de la Pociélé anversoise du
commerce au Congo,
le chevalier de Ccvelier, secrétaire général du Déparlcment des affaires
étrangères,
le comte de Hemptinne, industriel.
De Key.n, industriel.
d:c Moor, capitaine-adjoint d'état-major, secrétaire adjoint de l'Association
congolaise et africaine de la Croix-Rouge,
le baron de Stein, consul général de la Rcpubli(iue de Libéria.
Dki.comml'ne, a., consul de Belgique à Léopoldville.
DROOG.M.VX.S, directeur au Département des Finances.
GoRis, AiGr.STiN, fabricant.
Gr.vndg.^ignage, directeur de l'Institut supérieur de commerce; Anvers.
GitEiNER, directeur général de Société anonyme Joîin Cockerill; Seraintr.
l'abbé Gi'Ki.iv, vice-sui^érieur de la congrégation des missions belges de
Scheut
Haneuse, L., capitaine-commandant.
Laurent, major.
Le Marinel, G., capitaine, inspecteur d'Etat.
LiKBRECHT.s, Capitaine d'artillerie, secrétaire général du Département de
l'intérieur.
Leroy, sui^érieur de l'Institut commercial de St-Ignace; Anvers.
Maiiuj.o.n, h., fabricant d'armes,
le R. P. Mai.kray, supérieur des missions d'Alger.
Maton, intendant général de l'armée, trésorier général de l'Association
congolaise et africaine de la Croix-Rouge.
Moi.s, Robert, artiste peintre.
NoRTH, colonel ; Londres.
O.STERRUCTH, négociant.
Parmentier, g., industriel.
Pavoux, EiG., ingénieur et industriel.
Pochez, trésorier général de l'Etat indépendant.
RoGET, capitaine d'élat-ninjor.
Scarsezde L()CQrE\Erii.i.E, membre de la Société anti-esclavagiste.
Storms, capitaine commandant adjoint d'élat-major.
Strauss, L., consul honoraire.
'\'an Den Ne.st, écbevin ; Anvers.
Vanderhaegen, 1)., industriel.
Van (îKi.E, capitaine commandant adjoint d'étal-major, inspecteur d'Etat,
le baron de ViNCK dk M'innezeei.e.
- 253 —
MM. Wauters, secrétaire général de la Société anonyme belge pour le com-
merce du Haut-Gongo.
le baron Wkbkr de Tricuenfkls, consul général d'Autrichc-Hongrie,
administrateur de la Société anonyme belge pour le commerce du
Haut-Congo.
Wii.i.AERTj général-major, commandant la garde civique, Anvers.
COMMISSION ORGANISATRICE AU CONGO
PrcsidciU :
M. Wahis, gouverneur général.
Scax' taire :
M. Van Damme, sous-intendanl de 1"-' classe.
Membres :
MM. Flchs, inspecteur d'Etat.
De Kevser, directeur général des finances.
Rkzette, directeur des transports, de la marine et des travaux publics.
Leroi, secrétaire général.
Vandknpi.as, intendant.
TscHOKî'"EN, directeur intérimaire de la justice.
DiELMAN, commandant intérimaire de la force publique.
Reytter, médecin de 1"' classe.
OUVRAGES DES MEMES AUTEURS
D'Anvers à Bauzyville, par le lieutenant Masui
Vocabulaire pratique Français, Anglais, Zanzibar ite
(Swahili) , Fiote , Kibangi-Irébou , Mongo ,
Bangala, par le lieutenant Lemaire
La Station d'Equateurville (21 mois d'observa-
tions météorologiques), par le .... lieutenant Lemaire
Bruxelles. — Imprimerie scienlitique Gif. Bulexs, 22, rue de l"Escalier.
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PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
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DT Lemaire, Charles François
6AA Alexandre
LA Congo k ci.e. et^ Belgique
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