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Full text of "Congo & [i.e. et] Belgique; à propos de l'exposition d'Anvers"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

Universityof  Ottawa 


http://www.archive.org/details/congoieetbelgiquOOIema 


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I 5 1 


QONGO 


ET 


Relgique 


(A  PROPOS  DE  L'EXPOSITION  D'ANVERS) 


PAR    LE 


Lieutenant     LEMAIRE,     Ch 

DU   2""  Rkgimknx  d'artillekie 

Ml-MIiRK  CORRESPONDANT  DE  l'InSTITUT  COlONIAf.  INTERNATIONAL 


Cartes  lie  A.-J.  "Wauters 

Illusiiaiions  du  Lieutenant  Masui.  Th. 

riiotogr.iphiLs    ili>    MM.    Grenfell,    Lemery.    Alexandre 
Michel.    Shanu.    i-.r. 


BRUXELLES 

IMPRIMERIE      SCIENTIFIQUE 

CH.  BULENS 

22,   rue  de  l'Escalier,   22 

1894 


'^Hl'ir^ 


Dr 


ô  octobre   il 


Au  moment  précis  où  j'écris  ces 
premières     lignes,     les     derniers     Congolais    de 
l'Exposition  d'Anvers  quittent  notre  pays.  Coïnci- 
dence toute  fortuite,   et  dont  j'ai  plaisir  à  tirer  parti  en 
disant  à  nos  hôtes  non  pas  «  adieu!  )),mais  «  au  revoir!  », 
«  à  bientôt!  »,  et  ce  au  nom  de  la  Belgique  entière,  de 
la    masse    des    fervents    de   la   première    heure    comme 
des   indifférents    de    la   dernière,   tous  ne  formant   plus 
aujourd'hui   qu'un   noyau   compact    rallié   sans  retour  à 
l'idée  coloniale. 

Un    labeur    de   quinze    ans,    auquel    s'ap- 
plique  mieux   que   jamais    l'appréciation  de 
de  Brazza  :  «  Travail  de  Titan  accompli  avec 
des   moyens  de  Pygmées  »  ;    une  série  ininter- 
rompue  de  succès  scientifiques,  économiques. 


■■f-^lKiUic,, 


moraux,  militaires  ;  l'appel  à  la  vie  civilisée  de  tout  le 
cœur  de  l'Afrique;  l'anéantissement,  dans  des  territoires 
cent  fois  grands  comme  la  mère-patrie,  de  la  race  maudite 
dont  les  razzias  envoyaient  sur  les  marchés  d'Europe 
l'ivoire  volé  et  sanglant,  dans  les  harems  d'Orient  les 
orphelines  violées;  l'ordre,  la  justice,  le  travail,  la  foi, 
révélés  à  des  millions  d'êtres  humains;  l'admiration 
imposée  au  monde  entier;  tout  cela  affirmait  et  consoli- 
dait l'œuvre  du  Roi-Souverain,  affirmait  et  consolidait 
l'indépendance  de  la  Belgique,  affirmait  et  consolidait 
notre  volonté  de  garder  parmi  les  nations  civilisées  une 
place  digne  d'envie,  un  rôle  d'apôtre  et  de  croisé,  la 
gloire  impérissable  d'avoir  osé,  nous,  si  petits  par  nos 
limites,  prendre  à  la  gorge  le  mal  hideux,  l'immense  et 
fondamentale  question  de  la  traite. 

Il  y  a  quelques  années  à  peine  (i),  la  gigantesque 
masse  de  l'Afrique  n'apparaissait  encore  à  l'imagination 
troublée  que  comme  une  accumulation   de  ténèbres;  les 

bords  en  étaient  connus, 
mais  il  n'y  venait  que 
d'horribles  négriers  , 
dont  les  bâtiments  de 
L^.  transport  s'appelaient 
des  (c  tombeaux  »  ;  du 
côté  de  l'Asie  et  de  l'Europe,  nos  civilisations  avaient 
voulu  s'épanouir,  mais  s'étaient  éteintes  sans  aucun 
germe  ;  nous  en  voyions  arrachées  et  extraites,  depuis  des 
époques  indéterminées,  par  convois  et  par  cargaisons 
incessamment  renouvelés,  des  foules  et  des  multitudes 
de  familles  humaines,  dont  la  provision  devait 
être  intarissable. 

(1)  D'après  VuToK  Aknould  :   I, 'Œuvre  africaine. 


—  3  — 

Et  les  siècles  s'écoulaient  !  Et  avec  eux  s'effaçaient 
toute  sensibilité  et  toute  pitié  !  Le  nègre  n'était  vraiment 
qu'une  béte  de  somme  et  la  vue  de  la  race  noire,  mise  en 
coupe  réglée  depuis  toujours,  comme  une  moisson  mûre, 
ne  troublait  plus  l'œil  même  du  philosophe  ou  du  reli- 
gieux! Et  ces  torrents  de  sang  jaillissant  du  sein  de 
l'Afrique  semblaient  des  fleuves  comme  les  autres,  faits 
pour  couler  dans  le  lit  qu'on  leur  creuserait,  sans  souci  de 
leurs  sources  qui  étaient  pourtant  des  artères  vivantes. 

Puis  un  jour,  des  apôtres  se  levèrent  pour  l'émanci- 
pation et  le  rachat  des  nègres  dans  les  contrées  ouvertes 
à  la  civilisation. 

En  1722,  la  justice  anglaise  décida  que  «  tout  esclave 
»  qui  mettait  le  pied  sur  le  sol  anglais  recouvrait  la 
»  liberté,  qui  ne  pouvait  lui  être  enlevée  ».  En  1807 
seulement,  presque  un  siècle  plus  tard,  les  Chambres 
anglaises  décrétèrent  l'abolition  complète  de  la  traite 
dans  toutes  les  possessions  anglaises. 

Des  négociations,  des  congrès,  des  traités,  des 
lois  (i)  créèrent  des  courants  de  pitié  qui,  de  proche 
en  proche,  gagnèrent  tous  les  peuples,  et  nulle  part  où 
des  hommes  de  nos  souches  étaient  établis,  l'esclavage 
ne  fut  plus  souffert.  Une  guerre  terrible  et  superbe,  la 
Guerre  de  Sécession  l'avait  extirpé  de  la  République  du 
Xord  américain   :  c'était  en  i865. 

En  1888,  le  Brésil  décrétait  l'émancipation  de  ses  noirs. 

Il  ne  restait  plus  que  l'Afrique,  sombre  entrepôt, 
close  à  tout  rayon  d'humanité,  livrée  aux  mains  rapaces 
et  sanguinaires  qui  fouillaient  ses  entrailles. 

Le  2  juillet  1892  est  proclamé  l'acte  de  la  Conférence 
de  Bruxelles. 

'1;  Paris  1814;  Vienne  1815;  loi  de  1818;  Vérone  1822;  Piiris  el  Londres  1831  et  1833;  etc. 


4  — 


N. 


'^C"^ 


Et  voici,  en  1894,  la  Belgique  transportée  au  retour 
des    expéditions    antiesclavagistes,  haletante    d'enthou- 
siasme  à  l'approche  de  Dhanis;  saisie  d'un  engouement 
indicible  pour  l'exposition  du  Congo,  heureux  signe 
des  temps,  démonstration  évidente  de  l'intérêt  et  de 
la  svmpathie  que  tous  maintenant  por- 
\_  tcnt  aux  choses  d'Afric^ue;  honorée  des 

éloges  sans  restriction  des  étrangers, 
tel  cet  officier  russe,  le  lieutenant- 
colonel  Léonide  d'Art amonoff,  de  l'état-major  (Askabad 
Transkaspien)  qui,  de  passage  à  Anvers,  m'exprimait 
(en  un  français  un  peu  tourmenté  mais  combien  tou- 
chant) l'admiration  que  les  Russes  d'au  delà  le  Caucase 
ont  pour  les  Belges  au  Congo;  recevant  et  acclamant 
dans  ses  vieux  hôtels  communaux,  dans  ses  salons,  au 
sein  de  ses  sociétés  savantes,  des  noirs  (}ui  disent  : 
«  Merci  aux  Belges,  pour  la  rédemption  de  notre  race!  » 
Aussi,  qu'importent  encore  les  dernières  velléités  de 
résistance? 

Quel  sentiment  vous  fait  donc  parler  encore,  vous 
qui,  ignorants  ou  de  mauvaise  foi,  inconscients  ou 
timorés,  ne  trouverez  bientôt  plus  au  bout  de  votre 
piteuse  résistance  que  le  ridicule,  l'indifférence,  l'oubli  ? 
Le  moment  est  venu,  dans  votre  intérêt,  de  vous 
taire.  A^ous  parliez  complaisamment  de  choses  que  vous 
ne  connaissiez  pas  à  des  auditoires  qui  n'en  savaient  pas 
plus  que  vous;  votre  tâche,  certes,  était  plus  facile  que 
la  nôtre;  un  bureau  de  journal,  une  tribune  de  cabaret, 
voire  souvent  un  salon  brillamment  éclairé,  valaient 
mieux  pour  vos  exploits  que  les  immensités  farouches 
des  tropiques  africains! 

Et,  néanmoins,  voyez  comme  notre  persévérance  est 
arrivée  aujourd'hui  à  vous  permettre  la  comparaison  entre 


5   — 


l'Afrique  dont  vous  parliez  si  aisément,  et  celle  que  nous 
faisions  si  difficilement. 

Vous  voulez  bien,  n'est-ce  pas,  faire  avec  nous  un 
voyage  au  Congo?  Oh  !  ne  vous  effrayez  pas,  notre  vo3'age 
sera  fictif,  et  pourtant  combien  intéressant,  car  pour 
rendre  tangibles  et  manifestes  aux  plus  incrédules  les 
résultats  déjà  obtenus  là-bas,  nous  ferons  notre  voyage 
aller  et  retour  contrairement  à  ce  qui  se  fait  actuellement, 
et,  au  lieu  de  commencer  à  remonter  le  grand  fleuve, 
nous  ferons  le  voyage  aller  en  le  descendant  d'abord;  à 
Banana  nous  ferons  demi-tour  pour  le  voyage  de  retour. 

Entre  nos  deux  voyages,  nous  laisserons  s'écouler 
dix-sept  ans,  parce  que,  l'aller,  nous  le  ferons  avec 
Stanley,  quand  du  5  novembre  1876  au  g  août  1877,  il 
viola  enfin  ces  territoires  vierges  figurant  sur  les  cartes 
sous  la  rubrique  «  pays  inconnus  »,  grandes  lettres 
noires  sur  fond  blanc. 


—  6 


Le  retour,  nous  le  ferons  aujourd'hui, 
avec  ces  noirs,  tenez,    qui   viennent   de 
quitter     Anvers,     accompagnés 
d'acclamations  vibrantes. 

Et  nous  verrons  comment 
ces  pays,   forcés  par   l'auda- 
cieux Américain,  ont  été  déve- 
loppés par  lui  et  ses  successeurs!   Comment  le  ventre  de 
l'Afrique,  que  la  barbarie  stérilisait,   est  devenu  fécond, 
et  enfantera  bientôt  d'incalculables  richesses. 

Je  voudrais  résumer 
ici  le  grand,  le  périlleux 
voyage  de  Stanley,  celui 
qu'il  intitula  lui  -  même 
A  travers  le  continent  mys- 
térieux. Je  voudrais  le 
citer  longuement,  car  on 
ne  saurait  trop  redire  à 
des  Belges  cette  mémo- 
rable épopée,  cause  pre- 
mière de  leur  éveil  à  la 
vie  coloniale!  Mais  je 
veux  croire  qu'actuelle- 
ment ce  grand  fait  histo- 
ri(|ue  est  suffisamment 
présent  à  l'esprit  de  ceux 
pour  qui  j'écris,  et  qu'il 
m'a  suffi  d'avoir  suscité 
l'idée  de  notre  voyage 
aller  pour  que  chacun 
revoie  cette  aventure 
extraordinaire  de  la  des- 
cente du  Lixingstonc,  de 


Cinivurc  txt.;iitc  de  S'l.VNt.i:v,  /.<■  Cuii/iiioit  »iy.\ 
H.KlicItL-:, 


—  7  — 

Xyangoué  à  Banane,  les  trente-deux  combats  livrés  le 
long  du  fleuve  inconnu,  les  cataractes  de  Stanley,  les 
trente-deux  chutes  des  Monts  de  Cristal,  les  privations 
effrovables,  les  morts,  les  massacres 

Le  g  août  1877,  ggg  jours  après  avoir  quitté 
Zanzibar,  Stanley  retrouvait  la  civilisation  à  Boma. 

L'Europe  émue  le  traite  presque  d'imposteur,  et  se 
défie  de  lui  comme  certains  de  nos  dirigeants  ont  essayé 
de  faire  pour  nous.  Mais  il  a  inspiré  confiance  au  roi  des 
Belges,  et,  en  187g,  Stanle}^  l'Africain  reparaît  à  l'embou- 
chure du  Congo,  afin  d'atteindre  à  nouveau  ce  qu'il 
appelle  le  véritable  cœur  de  l'Afrique,  dont  l'incompa- 
rable richesse  compensera  tous  les  efforts,  tous  les 
sacrifices  qu'on  voudra  s'imposer  pour  la  mettre  à  la 
portée  de  l'Europe. 

«  L'intérieur  de  l'Afrique,  dit  l'illustre  vo3-ageur 
»  dans  une  image  des  plus  saisissantes,  peut  être 
»  comparé  à  une  immense  noisette  dont  les  16  millions 
»  de  kilomètres  carrés  (i)  de  terres  presque  planes,  désor- 
»  mais  conquises,  forment  l'amande.  On  ne  tarderait 
■')  pas  à  en  connaître  la  valeur  si  on  se  donnait  la  peine 
'>  de  briser,  pour  l'atteindre,  son  épaisse  enveloppe  — 
■'>  ces  3So  kilomètres  de  rudes  montagnes  qui  la  dérobent 
»  actuellement  au  monde  civilisé.  )> 

Fiévreusement,  Stanley  se  met  à  la  besogne,  recon- 
naissant à  nouveau,  en  détail  cette  fois,  le  grand  fleuve 
et  ses  affluents;  passant  des  traités;  échelonnant  partout 
ses  adjoints  qu'il  enflamme  de  son  entreprenante  ardeur. 

Et  sur  les  traces  de  ces  audacieux  s'élancent 
missionnaires,  savants,  commerçants,  et,  détail  piquant, 
on  voit  arriver  des  touristes  et  parfois  des  voyageurs  que 

(1)  Dont  presque  le  quurt  pour  le  bussin  Ju  Congo. 


9  — 


l'enthousiasme  saisit  au  point  de  les  faire  combattre  à 
côté  des  Belges  :  tel  cet  officier  américain,  le  lieutenant 
Mohun,  agent  consulaire  chargé  de  mission  au  Congo 
par  son  gouvernement,  et  qui  demanda,  et  obtint,  de 
pouvoir  faire  toute  la  campagne  arabe  aux  côtés  de 
Chaltin  d'abord,  de  Dhanis  ensuite. 


Xotre  voyage  de  retour  va  nous  dire  maintenant  ce 

qui  s'est  fait  là-bas,   et  pour  cela  nous  n'aurons   qu'à 

rappeler  ce  qui,   à  Anvers,   a  formé  incontestablement 

le  côté  attractif  et  nouveau  de  l'Exposition, 

je  veux  dire  le  «  Palais  Congolais  »  et 

son    pittoresque  village.    En  v 

entrant  le  visiteur  entrait  dans 

un    monde  nouveau  et 

s'il  a  pu  consacrer  à  sa 

visite  le   temps  néces- 

^  ^^^' j  ^^^     ^^SP     saire     et     la     science 

I  B^  w^-^'    ^L  ^^       d'obsen'ation,  on  peut 

V         "Wy  s*  penser     qu'il     connaît 

notre  empire  colonial 
autant  qu'il  est  possible 
de  le  connaître  sans  avoir 
franchi  les  océans.  Et  c'est 
pour  conserver  cette  impres- 
sion, pour  affirmer  cette 
révélation,  pour  continuer  en  un  mot  par  le  livre  le  grand 
enseignement  qu'a  été  l'Exposition  congolaise,  que  j'écris 
cette  notice,  dans  laquelle  je  ne  veux  mettre  aucun 
ordonnancement  chapitrai,  dans  laquelle  je  ne  veux 
qu'effleurer  quelques-uns  des  points  dont  un  seul,  déve- 
loppé en  sa  complète  expression,  ferait  la  matière  d'un 


gros  volume.  Je  serai  le  guide  accompagnant  ses  compa- 
triotes à  travers  le  compartiment  du  Congo  et  fixant,  en 
quelques  mots  seulement,  les  idées  et  les  appréciations. 
Peu  nous  importe  les  numéros  des  classes  et  des  sections, 
non  plus  que  la  distribution  des  salles  ou  l'agencement 
des  collections  et  des  produits  :  ce  que  nous  faisons  n'est 
pas  un  catalogue  plus  ou  moins  détaillé,  mais  une 
causerie  écrite. 


Le  grand  étonne- 
ment  allait  surtout  aux 
produits    d'exploita- 
tion de  ce  Congo 
encore  si  mys- 
térieux   que 


pres(]uc   tous    les    visiteurs 

de    l'Exposition     d'Anvers, 

nationaux  et  étrangers,   se  rendaient  tout  d'abord  à  ce 

compartiment,  au-dessus  du(]iicl  lloUaient  des  drapeaux 


bleus,    que  semblaient  garder  et  protéger  les 
grandes    divinités   de   bronze,  accroupies   en 
des  poses  hiératiques,  durant  que  le  service 
d'honneur  était  fait  par  d'étonnants  soldats 
noirs,  venus  de  tous  les  points  de  l'Etat 
Libre,  et  dont  les  yeux,  très  doux  et 
très    expressifs    sous    les    reliefs   de 
bizarres    tatouages,    gagnaient  les 
sympathies  de  chacun. 

Ah!  on  les  regardait  bien,  ces  Bangalas, 
ces  Basokos,  ces  Sappo-Zap  qui,  chez  eux, 
à  notre  vue,    n'ouvraient  pas  de  plus  grands  3'eux  ! 

Puis  on  entrait  et  tant  de  choses  s'offraient  aux 
regards  interrogateurs  que  vraiment  on  ne  savait  par  où 
commencer;  et  pour  cela  je  n'ai  pas  craint  de  m'offrir 
comme  sruide. 


A  tout  seigneur,  tout  honneur! 

La  meilleure  place  était  réservée  aux  œuvres  de  la 
statuaire  chryséléphantine. 

Ce  joli  vocable  s'applique  à  un  art  négligé  jusqu'ici 
en  Belgique,  et  qui  a  fait  à  Dieppe  une  telle  renommée 
que  les  historiens  géographes  de  la  côte  occidentale 
d'Afrique  en  tirent  argument  pour  affirmer  que  ce  furent 


les  Dieppois  qui  arrivèrent  les  premiers  sur  la  côte  de 
Guinée,  en  i33g,  pour  y  rester  jusque  vers  I4i3,  époque 
à  laquelle  la  querelle  des  Armagnacs  et  des  Bourgui- 
gnons d'abord,  puis  la  guerre  contre  les  Anglais,  firent 


—   1.3  — 

abandonner  par  les  Dieppois  leur  colonie  de  la 
Mine  où  faisaient  escale  Notre- Damc-dc -Bon- 
Voyage,  la  Vierge^  l' Espérance,  le  Saint-Nicolas,  etc. . . 
Ce  n'est  que  plusieurs  années  après,  le  passage  des 
Français  étant  à  peine  resté  à  l'état  de  souvenir, 
que  les  Portugais  firent  leur  première  apparition  dans 
le  pays  qu'ils  appelèrent  El  Mina,  nom  qui  subsiste 
encore  aujourd'hui.  Or,  disent  les  géographes  français, 
dès  les  premières  années  du  xv<^  siècle,  les  habitants  de 
Dieppe  étaient  déjà  renommés  pour  leur  habileté  à 
travailler  l'ivoire;  et  cet  ivoire,  qui  arrivait  en  quantité 
suffisante  pour  alimenter  une  industrie  d'une  telle  impor- 
tance, ne  pouvait  provenir  du  Portugal,  dont  les  navires 
n'allèrent  pour  la  première  fois  sur  la  côte  d'Afrique 
qu'un  certain  nombre  d'années  plus  tard. 

Quoi  qu'il  en  soit  des  prétentions  françaises  et 
portugaises  quant  à  la  priorité  de  la  découverte  des  pays 
situés  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique,  remarquons  que 
l'art  de  tailler  l'ivoire  s'est  conservé  à  Dieppe  d'où  pas  un 
voyageur  ne  revient  sans  avoir  emporté  comme  souvenir 
soit  quelque  pièce  artistique  de  grande  valeur,  soit 
quelque  menu  bibelot  signé  «  Dieppe  ». 

Ce  travail  de  l'ivoire  se  fait  aussi  en  Belgique  mais 
de  façon  bien  restreinte,  car  je  ne  puis  vous  montrer  ici 
qu'un  exposant  industriel,  M.  Albert  Leroy,  dont  les  sta- 
tuettes, les  christs,  les  beaux  supports  de  lampe  faits 
d'un  olifant  d'ivoire,  mille  fantaisies  délicates,  ont 
consacré  la  réputation.  Mais,  je  viens  de  le  dire,  son 
travail  de  l'ivoire  est  industriel. 

Et  l'idée  est  venue  (i),  à  l'occasion  de  l'Exposition 
d'Anvers,  d'attirer  l'attention  de  nos  artistes  sur  l'emploi 


(Ij  ^'oir  y  Art  mocleync,  \\'  aii^ée,  ii'is  22  et  25  :  ■»  La  iscnljinin'  il'ivoire 


14  — 


d'une  matière  dont  les  tons  cliauds,  la  douceur  de  travail, 
la  texture  spéciale,  vivante  pour  ainsi  dire,  permettaient 
d'espérer  de  nos  sculpteurs  des  œuvres  rappelant  celles 
des  anciens  ivoiriers,  des  ivoiriers  de  l'époque  gothique 
ou  du  commencement  de  la  Renaissance. 

Pour  donner  une  idée  de  l'importance  qu'on  atta- 
chait au  travail  de  l'ivoire  dans  l'antiquité,  rappelons 
que  la  statue  de  Minerve  à  Athènes,  fabriquée  en  or  et 
en  ivoire  parles  artistes  grecs,  avait,  dit-on,  12  mètres  de 
hauteur,  et  celle  de  Jupiter  16  mètres. 

Le  musée  d'antiquités  de  la  ville  d'Anvers  possède  en 
particulier  deux  statuettes  anciennes,  en  ivoire  de  l'époque 
gothique  ou  du  commencement  de  la  Renaissance,  repré- 
sentant l'une  r  (c  Ecce  homo  »,  l'autre  la  Sainte-Vierge, 
hautes,  la  première  de  40,  la  seconde  de  42  centimètres; 
ce  sont  des  œuvres  capitales. 

C'est  surtout  le  genre  religieux  que  cultivaient  les 
anciens  ivoiriers  et  l'on  peut  citer  :  à  Namur,  un  autel 
portatif,  une  crosse  abbatiale  unique  en  Belgique,  des 
tablettes  que  les  écrivains  d'art  français  se  sont  plu  à 
reproduire  vingt  fois,  des  christs  superbes,  dont  l'un 
dû  au  ciseau  de  Duquesnoy,  une  boîte  à  hosties 
montée  en  reliquaire  offrant  la  légende  de  Sainte- 
Catherine,  etc.,  etc.;  —  à  Bruges  :  la  Vierge  à  l'oiseau, 
valant  8,000  francs;  —  à  Bruxelles  :  un  Polyptique, 
scènes  de  la  vie  de  Jésus-Christ,  et  La  Passion,  Renais- 
sance italienne  :  10,000  francs. 

De  nombreux  sculpteurs  répondirent  à  l'appel  et 
nous  avons  pu  admirer  les  œuvres  suivantes  : 

Vision,  de  Craco;  —  Phœbé,  de  De  Rudder  ;  —  Marie 
de  Nazareth,  de  De  Tombay  ;  —  Psyché,  de  De  Vigne;  — 
Allegretto  et  Mincrva,  de  Dillens;  —  Saint-Jean-Baptiste 
et  Saint-François   d'Assises,    de    Dupon;     -     Cnpidon,   de 


i5 


Jespers;  — Buste  (V enfant,  de  Lagae;  —  Tj/ïj  [la  Fortuné), 
de  Samuel;  —  La  toilette  ai  ï^c petit  espiègle,  de  Van  Beur- 
den;  —  Méduse,  de  Vinçotte;  —  Vierge,  de  Watson  ;  — 
Coffret  et  Vase,  de  Wolfers, 

La   moitié  de  ces   œuvres    ont  trouvé  acquéreur  au 


cours  de  l'Expo- 
sition ,  et  des 
c  o  m  m  a  n  d  e  s 
nouvelles  ont 
été  faites. 

La  tentative 
belge  de  réno- 
vation éburine 
ne  s'en  tiendra 
pas  là,  et  nous 
avons  à  signa- 
ler l'arrange- 
ment conclu  par 
l'Etat  indépen- 
dant du  Congo 
avec  la  société 
anonyme  VArt, 
qui  vient  de 
se     fonder     à 


Bruxelles  ;  son 
but  :  «  l'applica- 
tion des  arts  à 
l'industrie  en 
général  et  leur 
appropriation 
aux  usages  de 
la  vie   ». 

L'Etat  du 
Congo  fournira 
l'ivoire  à  la 
société  rArt,  qui 
aura  la  charge 
d'en  tirer  parti 
artistique.  Grâce 
à  cette  combinai- 
son, nous  avons 
le  droit  d'espé- 
]"er  qu'avant  peu 


sera  assurée  la  réalisation  de  l'idée  suggérée  par  l'Exposi- 
tion d'Anvers  :  rénovation  en  Belgique  de  la  sculpture 
éburine. 


A  côté  des  ivoires  sculptés  du  compartiment  congo- 
lais, signalons  les  ivoires  peints  de  Robert  Mois  et  de 
Van  Engelen,    et   aussi   cette   curieuse   planche   d'ivoire 


i6  — 


sur  laquelle  un  artiste  indigène  de  Banane  a  gravé 
les  signatures  des  plénipotentiaires  de  l'acte  de  la 
Conférence  de  Bruxelles. 

Le  parti  artistique  tiré   des  ivoires  congolais,  dont 
on    a    disposé    un   peu  partout    les    énormes    défenses,  ' 
est,  parmi  les   multiples  manifestations   de    la  (juestion 
congolaise,    une   des    plus    originales,  et  pourrait    être 
une  des  plus  Iructueuses. 


17  — 


Immédiatement  à  côté  de  ce  travail  de  l'ivoire,  nous 
avons  plaisir  à  admirer  l'exposition  des  meubles  faits  en 
bois  du  Congo,  et  les  nombreux  échantillons  de  bois  de 
luxe,  travaillés,  polis  et  vernis,  par  MM.  Van  Poucke, 
Fichefet  frères,  Sn vers-Rang.  J'ai  la  partie  bien  belle  ici 
pour  insister  sur  l'avenir  de  notre  quasi-colonie  au  point 
de  vue  forestier,  et  j'en  profite. 

Tous  les  voyageurs  n'ont  pas  manqué  de  s'étendre 
complaisamment  sur  la  beauté  des  colosses  de  l'Afrique 
équatoriale.  Je  n'aurai  pas  recours  à  leurs  descriptions, 
car  je  me  place  ici  surtout  sur  le  terrain  économique. 

Dès  l'arrivée  des  blancs  sur  le  Haut-Fleuve,  la  forêt 
fut  mise  à   contribution  pour  l'édification  des  premiers 
bâtiments    :    en    i883,    à    l'Equateur,    Van   Gèle   faisait 
confectionner    des   planches   d'un 
bois    jaune,     signalé    par    les  "      -t^^M^^^ 

indigènes  comme  très  résistant 
et    inattaqué    par   les    ter- 
mites.  Dix   ans  plus   tard, 

en     i8q3,     nous     reprimes      ~— ^'\>r^r?rfnï^:;!i!5"trir.^ 
toutes  les  planches  l  Van  ^^^^^^^-^^mM 
Gèle  pour  en  faire  le  plan-  fe^c*^  £^~  i 
cher  d'une  de  nos  maisons  à 

Coquilhatville;  ces  planches,  bien  sèches,  se  travaillaient 
aussi  docilement  qu'on  le  pouvait  désirer,  et,  comme 
l'avaient  assuré  les  indigènes,  elles  se  conservaient  par- 
faitement. Aussi  est-ce  à  ce  bois  jaune  que  le  blanc  a 
actuellement  grand  recours  à  l'Equateur  même,  pour  ses 
constructions  et  pour  la  confection  de  tous  ses  meubles. 

A  Loukoléla,   les  missionnaires  anglais   emploient 
une  essence  brun  rougeâtre  de  toute  beauté. 

Parmi  les  bois  dont  les  indigènes  font  leurs  pirogues, 


—  IJ 


nous  remarquions  des  essences  aussi  belles  que  l'acajou. 

Bref,  des  échantillons  de  tous  ces  bois  furent  adressés 
au  Gouvernement,  qui  les  fit  examiner  par  des  spécia- 
listes dont  l'avis  fut  unique. 

Ainsi  MM.  Westphall  et  Spiess,  de  Hambourg, 
écrivaient  le  23  janvier  1893  : 

«  Pour  ce  qui  concerne  l'acajou  africain,  l'opinion 
générale  sur  la  place  de  Hambourg  est  qu'il  est  appelé 
à  un  grand  avenir,  bien  qu'il  le  cède  en  qualité  à  celui 
de  l'Américjue  centrale,  qui  est  introduit  ici  sous  le 
nom  d' acajou  de  Tabasco.  » 

D'autre  part,  des  fabricants  demandaient  des  échan- 
tillons de  grandes  dimensions,  suffisants  pour  en  confec- 
tionner des  meubles.  Satisfaction  leur  lut  donnée  :  les 
échantillons  de  bois,  si  coûteux  que  fut  leur  transport, 
arrivèrent  de  partout  :  du  Mayombe,  de  Léopoldville, 
de  l'Equateur,  de  Basokos... 

Leur  examen,  leur  mise  en  œuvre,  permirent  à 
MM.  Fichefet,  constructeurs  à  Bruxelles,  d'écrire  la  note 
suivante  : 

«   Bruxelles,  le  27  avril  1894. 

))  Notre  industrie  doit  avoir  recours  à  l'importation 
pour  se  pourvoir  de  la  plus  grande  partie  des  bois 
employés  dans  les  constructions  du  matériel  de  chemin 
de  fer,  les  constructions  navales,  l'ébénisterie,  etc.. 

»  L'Amérique,  les  Indes,  la  Russie,  la  Scandinavie, 
nous  expédient  des  bois  en  énorme  quantité. 

»  Le  Congo  possède  des  forêts  immenses,  boisées 
d'arbres  aux  proportions  gigantesques  ;  les  essences  sont 
multiples;  elles  peuvent  très  avantageusement  concourir 
avec  celles  que  notre  industrie  utilise. 


ig  — 


20    


»  Un  premier  arrivage  de  bois  encore  verts  nous  est 
parvenu  il  y  a  quelques  mois  seulement  ;  des  échantillons 
des  diverses  essences  ont  été  soumis  à  plusieurs  épreuves 
qui  devaient  fixer  leurs  qualités. 

»  En  présence  des  résultats  obtenus,  nous  n'avons  pas 
hésité  à  faire  construire  l'ameublement  qui  figure  dans  la 
section  congolaise  de  l'Exposition  universelle  d'Anvers. 
Son  examen  fait  constater  que  les  bois  du  Congo  se 
prêtent  parfaitement  bien  aux  travaux  d'ébénisterie  et  de 
sculpture. 

))  Nous  exposons  également  une  série  d'échantillons 
de  bois  polis  et  bruts;  ils  accusent  les  coloris  les  plus 
divers  et  une  texture  homogène. 

»  Pour  déterminer  la  qualité  de  ces  bois  au  point  de 
vue  industriel,  il  a  été  procédé  à  des  essais  au  banc 
d'épreuves  de  l'administration  des  chemins  de  fer  de 
l'Etat,  à  Malines.  Les  essais  ont  porté  sur  la  densité,  la 
résistance  à  la  compression  et  à  la  flexion. 

»  Le  tableau  suivant  donne  les  résultats  moyens 
fournis  par  de  nombreuses  expériences  : 


DÉSIGNATION 

DES 

BOIS 

DENSITÉS 

par  tonne, 

en 

kilo^'nuinncs. 

CHARGES 

de    rupture  à  la 

compression 

par  centimètre  carré 

de  stirface, 

en  kiloLTMiniiics. 

LIMITES 

de  tension  à  Ja  flexion 

dans  les  filtres 

extrêmes  par  mmz 

de  section, 
en  kiloijra mines. 

Sanga    

!  Séké      

Talanti 

Kafkaf 

Sambi 

Vouckou    .     ,     .     . 

g5o 
75o 
75o 
775 
725 
600 

600 

5  00 
525 
5oo 

425 
375 

9>5o 
g, 00 
8,75 
8,5o 
8,25 
5,5o 

21     — 


»  Pour  comparaison  nous  donnons  quelques  chiffres 
concernant  les  principales  essences  de  bois,  générale- 
ment employées  dans  l'industrie  : 


DÉSIGXATIOX 

DES 

BOIS 

DENSITÉS 

par  tonne 

en 

kilogrammes. 

CHARGES 

de  rupture  à  la 

compression 

par  centimètre  carré 

de  surface, 

en  kilogrammes. 

LIMITES          1 

de  tension  à  la  flexion 

dans  les  fibres 

extrêmes  par  mma 

de  section, 
en  kilogrammes. 

Sapin  rouge    . 

Orme 

Chêne  du  paj-s    .     . 
Chêne  d'Amérique  . 

Teck 

Hêtre 

Pitchpin    .     .     .     . 
Frêne 

575 

525 
725 
800 
700 
700 
625 
700 

275 
400 
400 
425 
425 

5oo 
5oo 

525 

4,00 
5,75 
6,00 

6,5o 
6,5o 
7,00 
8,00 
8,00 

»  L'examen  comparatif  de  ces  deux  tableaux  montre 
que  la  résistance  des  bois  du  Congo,  malgré  un  séchage 
forcé,  est  généralement  supérieure  à  celle  des  bois  utilisés 
dans  l'industrie. 

»  Les  échantillons  qui  figurent  à  l'Exposition 
d'Anvers  permettent  de  se  rendre  compte  de  la  texture  et 
du  coloris  des  divers  bois  qui  ont  été  soumis  au  banc 
d'épreuves  de  Malines  ;  les  autres  échantillons  dont  les 
noms  ne  figurent  pas  au  premier  tableau  ci-dessus,  repré- 
sentent des  essences  nouvelles  qui  nous  sont  pan,-enues 
tout  récemment  du  Congo. 

«  {signé)  FicHEFET  Frères.  » 

Au  document  précédent,  nous  sommes  en  mesure 
d'ajouter  des    renseignements    concernant    les  vingt  et 


-    22 

J 


quelques  échantillons  de  bois  exposés  au  compartiment 
congolais  : 

I.  —  Le  «  Sanga  )>  est  le  hêtre,  mais  beaucoup  plus 
lourd  et  beaucoup  plus  fort. 

Bois  de  charronnage;  se  sculpte  très  bien  ;  bon  pour 
les  modeleurs. 

II.  —  Le  «  Sékéy^  est  l'un  des  bois  les  plus  résistants 
trouvés  jusque  maintenant. 

Aux  essais  de  flexion,  dès  que  la  charge  de  rupture 
est  atteinte,  le  séké^  au  lieu  de  se  briser  suivant  une 
section  transversale  et  irrégulière  par  rupture  des  fibres, 
offre  une  espèce  de  détorsion  des  fibres  qui  s'allongent  et 
qu'on  peut,  après  l'expérience,  détacher  tout  du  long  de 
la  pièce  d'épreuve  ;  les  morceaux  ont  l'aspect  de  torons  de 
chanvre  détordus. 

Le  séké  est  analogue  au  no3'er  d'Amérique. 

III.  —  Le  (c  Talanti  »  a  beaucoup  d'analogie  avec  le 
chêne,  sans  avoir  une  texture  aussi  fine. 

IV.  —  Le   «  Kafkaf  »   est  à  peu  près  l'acacia. 
Trouvera  son  emploi  dans  la  grosse  construction  du 

matériel  roulant  :  voitures  de  chemin  de  fer,  tram- 
ways, etc. 

W  —  Le  «  Sambi  '•->  a  beaucoup  d'analogie  avec  le 
teck. 

Ebénisterie.  Voitures  de  tout  genre. 

VI.  —  Le  «  Voiickou  »  ressemble  au  poirier. 

Ebénisterie.  Voitures  de  tout  genre. 

\'IL  —  Le  «  Sénonné  >'.  Bois  inconnu  dans  le 
commerce,  mais  de  texture  et  surtout  de  couleur  riches. 

Sera  très  bien  accueilli  sur  le  marché,  car  il  est  bien 
supérieur  à  l'acajou  sous  tous  les  rapports  :  finesse  de 
mailles,  facilité  de  travail,  etc. 


—    23    — 

VI IL  —  Le  c(  Gaïac  »,  ou  du  moins  un  bois  d'une 
dureté  exceptionnelle,  en  tout  semblable  au  gaïac. 

TrèsutilisépourroulettesdepianoSjlits,  fauteuils,  etc. 
Trop  dur  pour  meubles.  Doit  être  travaillé  au  tour. 

IX,  —  L'  (c  Acajou  véritable  ». 
Grande  valeur.  Usages  connus. 

X.  —  L'  «  Acajou  blanc  ». 
Beaucoup  plus  beau  que  l'acajou  rouge. 
Très  peu  connu.  Avenir  certain. 

XL  —  Nouvelle  essence  d'une  texture  très  fine. 
A  l'étude. 

XI L  —  N^ouvelle  essence  d'une  texture  très  fine. 
A  l'étude. 

XI IL   —  «  Bois  de  Satin  ». 

Bois  moiré  très  employé  en  Hollande  et  en  Angle- 
terre pour  chambres  à  coucher  de  luxe. 

L'Amérique,  les  Antilles  en  font  d'importants  envois. 

Xn^.  —  Un  bois  absolument  identique  au  chêne. 

Bois  de  valeur. 

X\\  —  Le  <c  Faux  Ebène  »,  emplo^^é  partout  pour 
l'ébène. 

X\T.  —  Le  «  Tcze  »,  analogue  au  buis  de  Turquie, 
plus  fin  que  le  buis  d'Amérique. 

Très  lourd.  Employé  pour  les  métiers  à  tisser,  les 
queues  de  billard. 

X\^II.  —  Un  bois  dont  les  branches  servent  à  faire 
les  flûtes,  les  clarinettes,  etc. 

C'est  peut-être  le  «  Bois  Guitare  »  (lutcum  quadran- 
gulare  ou  villosum)  employé  pour  la  menuiserie  fine  et 
les  instruments  de  musique. 

XVI IL  —  Le  «  Palissandre  ». 

Bois  d'un  noir  violet  bien  connu. 


24  — 


Ce  bois,  écrit  le  capitaine  américain  Camp,  peut  être 
appelé  le  bois  impérissable  du  Congo,  pour  tous  les 
usages.  Il  vient  à  meneille  dans  le  Haut-Fleuve;  les 
immenses  pirogues  des  Falls  sont  en 
bois  de  palissandre. 

XIX.  —  Le  «-  Bois  de  Fer  •>■>. 

D'une  dureté  telle  que  nos  herminettes  s'y  pliaient  et 
que  nos  haches  s'}"  émoussaient. 

XX.  —  Le  «  Tacoiila  ». 

Bois  de  teinture  rouge. 

Les  indigènes  de  tout  le  Congo  obtiennent,  par  le 
frottement  de  deux  morceaux  de  tacoida  huilés,  une 
poudre  tinctoriale  dont  ils  forment  des  pains  ou  des 
bâtons  extrêmement  friables,  poreux  et  légers  ;  ^^ 

c'est  le  fard  africain  par  excellence,  utilisé  par  ^ 

les  coquettes,  soit  pour  s'en  couvrir  le  corps 
entier,  soit  pour  se  garnir  la  tête  de  petites 
boules  cliquetantes;  les  féticheurs  emploient 


^ 


également 


le    n'^oula    (nom 


indigène 


de 


cette  teinture)  comme  médicament  souverain, 

et  peut-être  n'est-il  pas  plus  mauvais  de  se  contenter 

de  mettre  le  malade  au  rouge  que  de  lui  faire  avaler  les 

drogues  de  nos  esculapes  blancs. 

Le  n'goula  remplace  enfin  pour  les  dames  noires  le 
camélia  rouge  des  Européennes. 

Cette  teinture  a  été  analysée  par  M.  E.   Hardman 
Ta3dor,  à  Anvers,  et  estimée  de  bon  rapport  tinctorial. 

Le  tacoida  poli  et  verni  est  d'un  ton  rouge   éclatant 
remarquable. 

XXL  —  Le  «  Bois  à  feu  des  Mongos  ». 

Ce  bois  à  feu  remplace,  chez 
les  populations  du  centre  de 
l'Afrique,  notre  briquet  à  silex. 


—    25 


J'eus  souvent  plaisir  à  voir  ces  ingénieux  moricauds 
réussir  en  une  demi-minute  à  obtenir  du  feu  par  le  frot- 
tement d'un  bâtonnet  dans  une  rainure  de  ce  bois  à  feu. 
L'opération  exige  deux  hommes  :  l'un  tient  ferme  à  terre 
le  morceau  de  bois  muni  d'une  rainure;  le  second  pro- 
mène la  pointe  du  bâtonnet  de  même  bois  dans  la  rainure, 
d'abord  lentement,  puis  en  accélérant  le  mouvement 
autant  qu'il  peut. 

Comme  ce  bois  est  excessivement  sec  et  tendre,  il  se 
forme  dans  la  rainure  une  véritable  mousse  qui  s'échauffe 
au  point  de  bientôt  fumer  et  s'enflammer;  on  la  verse 
alors  dans  le  creux  d'une  torche  de  feuilles-amadou  qu'on 
agite  vivement  et  qui  flambe  joyeusement,  toute  l'opéra- 
tion n'ayant  pas  demandé  trente  secondes. 

Le  bois  à  feu  des  Mongos,  si  léger,  si  inflammable, 
serait  peut-être  d'une  bonne  utilisation  dans  la  fabrica- 
tion de  la  poudre. 

XXn.  —  Le  «  Golmanda  ». 

Bois  extrêmement  facile  àtravailler;  sert  en  Afrique  à 
sculpter  quantité  d'objets,  fétiches,  ustensiles,  etc. 

XXI IL  —  Echantillon  de  bois  remarquable  pour 
l'ébénisterie. 

Possède  un  grain  et  un  fil  très  curieux.  M.  Snyers- 
Rang  expose  un  meuble  où  ce  bois  inconnu  figure  de 
façon  adorable. 

XXn\  —  Bois  imitant  à  s'y  tromper  le  «  Bois 
de  Rose  )). 

XXV.  —  Bois  analogue  au  cèdre. 


Ces  bois  si  nombreux,  si  divers  ne  sont- 
ils  pas  une  des  richesses  de  l'Afrique?  Si. 


—   26   — 

Voici     ce     qu'écrit     Hutton,     le     commerçant    de 

Liverpool  : 

ce  Actuellement  le  principal  genre  de  bois  exporté 

d'Afrique  est  l'acajou,  et  pendant  les  années   1891-92  le 

commerce  s'en  est  étendu  énormément. 

»   Il   y   a   quelques  années   les  exportations  étaient 

virtuellement  nulles,  tandis  qu'en  1892,  elles  ont  monté  à 

environ  8  à  9000  tonnes  pour  le  seul  marché  de  Liverpool. 
»   Ce  bois  est  si  prisé  des  acheteurs  qu'on  peut  dire 

que  le  tout  a  été  mis  en  consommation. 

)>   L'acajou  de   Liverpool  vient  surtout  de  la  Côte 

d'Or  et  la  meilleure  qualité  vient  d'Axim,  Assinie  et  les 

environs.  » 

On  a  commencé  aussi  à  importer  de  la  côte  d'Afrique 

le  cèdre  qui,  jusqu'ici,  venait  principalement  de  la  Floride 

et  d'Alabama. 

Le  cèdre   est  employé   surtout   à  la  fabrication  de 

cra3'ons  et  de  boîtes  à  cigares,  et  arrive,  soit  en  blocs,  soit 

déjà  débité  en  petites  planchettes  larges  de  8  à  16  centi- 
mètres. 

Voici ,  d'après  M  M .  Westphal  et  Spiess  de  Hambourg, 

un    aperçu    général    des    entrées    en    bois    étrangers,    à 

Hambourg,  en  1891  : 

Cèdre  pour  boites  à  cigares.      .       56o  tonnes 
Cèdre  pour  crayons   ....       23o      » 

Noyer i,763      » 

Buis 237       •>•> 

Acajou 557      » 

Bois  de  satin 116       » 

Teck 195       » 

Grenadille  d'Afrique.      .      .      .       430       »    (en  1892) 

Ebène 639      » 

Jacaranda  d'Afrique  ....       486       » 


—    27 


A  côté  de  ces 
bois,  dont  beau- 
coup viennent  déjà 
d'Afrique,  se  pla- 


quels   on   s'attaque,    il   faut 
lo  mètres  au-dessus  du  sol,  à 
entre  leurs  contreforts. 


cent  quantité  d'autres 
essences  :  l'olivier  ; 
les  bois  de  violette, 
de  perdrix  ;  l'écaillé 
de  tortue... 

Tout  fait  espérer 
que  les  équivalents 
de  ces  bois  se  trou- 
veront au  Congo  et 
augmenteront  encore 
l'importance  déjà  si 
considérable  du 
domaine  forestier. 

Un  dernier  mot  : 
on  voit  débiter  cou- 
ramment   à  Louko- 
lèla,  par  les  missionnaires 
anglais,  des  arbres  four- 
nissarit20oà225  planches 
de  3  mètres  de  long  sur 
3o  centimètres  de  large. 
Et  encore  on  ne  dispose 
pas  de  moyens  suffisants 
pour  abattre  et   débiter 
les    vrais    géants  de   la 
forêt  ;    et   les  arbres  aux- 
les    aller   entamer  à  8   et 
l'aide  d'échafaudages  calés 


i3  octobre  1894. 


J'ai  abandonné  ce  travail 
pendant   quatre  jours,    pour 
aller  recevoir  Dhanis  à  Fles- 
singue,    et   n'eussé-je  pas   eu, 
comme    raison    première,    la    joie 
de    donner    l'accolade  au   plus  tôt  au 
camarade   d'école   militaire    et    d'Afrique, 
que    je     me     réjouirais    encore     d'avoir     pris     part     à 
l'émotionnante   rentrée   du  valeureux  jeune  officier.  Je 
me  réjouirais   parce   que  c'était  une  douceur  pour  nos 
cœurs  d'hommes,  une   fierté  pour  nos  cœurs  de  Belges, 
une    récompense    pour    nos    cœurs    d'Africains,    que    le 
spectacle  de  cette  foule  dont  les  acclamations  enthou- 
siastes emplissaient  les  airs,  dont  l'élan  spontané  disait 
le  sentiment  d'absolue  sympathie  pour  ce  courageux,  en 
qui   tous    personnifiaient    momentanément    la    grande 
œuvre    du    Congo  et  qui,  à  ce  titre,  avait  vu  sur  son 
passage,   de  Flessingue  à  sa  ville  natale,  s'incliner  des 

pavillons  français,  anglais,  allemands,  néerlandais 

Et  ce  n'était  pas  le  salut  banal  de  bateau  à  bateau, 
car  durant  que  ces  pavillons  étrangers  lentement  descen- 
daient très  bas,  les  équipages  envoyaient  au  vainqueur 
un  triple  hourrah  et  des  vivats  où  trois  noms  vibraient 
triomphants  :  le  Koi  —  Congo  —  Dhanis  ! 

Une  œuvre  est  grande,  un  pays  est  sur  du  respect 
des  peuples,  qui  savent  par  leurs  actes  aller  chercher  au 


3o 

X 


tréfonds  des  âmes  les  sentiments  de  noble  fierté,  de 
patriotique  reconnaissance,  d'enthousiasme  national  (jui 
viennent  de  s'affirmer  si  nettement  sur  la  tète  du  petit 
lieutenant  belge. 

Et  nous,  nous  nous  réjouissons  pour  IVcuvrc 
coloniale  réalisée  à  travers  tous  les  obstacles  par  le  Roi- 
Souverain,  continuateur  de  la  pensée  paternelle,  dont 
aujourd'hui  le  legs  redoutable  est  bien  près  d'être 
revendicjué   par   la   nation    tout   entière. 


Comme  je  rentrais  ayant  encore  aux  oreilles  et  le 
chant  national  et  la  Marche  Dhaiiis,  je  n'ai  pas  su  me 
remettre  de  suite  au  travail  ;  j'ai  ouvert  des  carnets  de 
notes  de  là-bas,  pour  y  relire  des  pages  en  harmonie 
avec  ce  que  je  venais  de  voir  et  d'entendre.  Et  j'ai  lu 
pour  la  dixième  fois,  ces  lignes  écrites  à  Lousambo  par 
le  commandant  Fivé  : 

((   25  février  i8g3. 

))    Cette   nuit  un  courrier  arrive  annoncer  c]uc 

Brasseur  a  doublé  hier  l'étape  et  qu'il  sera  sur  l'autre 
rive,  en  face  de  Lousambo,   à  g  heures  du  matin. 

»   Ça  n'a  l'air  de  rieji,  n'est-ce  pas?  de  lire  a  doubler 

l'étape!  » 

))  Mais  hier  après-midi  il  y  avait  40"  de  chaleur,  et 
je  puis  vous  assurer  (|ue  c'est  dur  d'aller  dix  heures  de 
marche  par  monts  et  par  vaux  ! 


)>  Arrivée  des  troupes  de  Loulouabourg! 

))   Deux  coups  de  feu  les  annoncent  à  l'autre  rive. 

))   Le    steamer    que    nous    avons    fait    mettre    sous 


—  3i  — 


pression,    répond  par   un    long  coup   de    sifflet,   et    part 
aussitôt  pour  le  transbordement. 

»  Un  quart  d'heure  après  l'on  entend  le  son  des 
tambours  et  des  flûtes  !  A  mesure  qu'approche  le 
bateau,  on  distini^ue  l'air!  C'est  ma  foi  la  Brabaiicounc 
qu'ils  jouent,  ces  soldats! 

))  Pas  un  de  nous  qui  ne  sente  ses  veux  se  gonfler  de 
larmes  lorsqu'ils  défilent  musique  en  tète  î  Rien  ne 
peut  donner  une  idée  de  la  bizarrerie  de  cette  troupe. 
Dépenaillés,  maigres,  les  bonnets  chargés  de  plumes, 
secs  et  les  veux  brillants  de  fièvre  comme  des  gens  qui 
viennent  de  marcher  et  de  combattre  pendant  un  mois, 
ils  sont  malgré  tout  très  crânes,  ces  loqueteux  !  Ils 
rappellent,  avec  leur  barbe,  leurs  cheveux  incultes, 
leurs  allures  de  déhanchés,  les  vieux  grenadiers  de 
Napoléon  1"='".  Leurs  fusils  sont  ornés  de  mille  façons  ; 
ils  traînent  derrière  eux  une  population  de  12  à 
i,5oo  individus.  Le  steamer  doit  faire  sept  passages 
pour  amener  tout  ce  monde,  parmi  lesquels  deux 
grands  chefs  noirs  :  Zappo-Zap  et  Kanda-Kanda. 

»  Les  blancs  sont  Brasseur,  Doorme,  et  deux  sous- 
officiers. 

»   Pendant  que  cette  colonne  fait  son 
entrée    dans    la    station,    débou- 
chent, venant   de   l'Est,  des  gens 
de  Gongo-Loutèté,  amenant  des 
prisonniers  faits  aux  Arabes. 

»  Il  V  a  plus  de  5, 000 
personnes  dans  la  station  de 
Lousambo. 


32 


))  Les  125  soldats  Elminas  et  Baloubas  manœu- 
vrent, sous  la  direction  du  lieutenant  Doorme,  à 
faire  rougir  les  soldats  belges.  Ils  exécutent  le  manie- 
ment d'armes,  l'école'de  compagnie,  les  tirailleurs, 
avec  un  ensemble  remarquable. 

»  Leur  défilé,  musique  en  tête,  est  tout  bonne- 
ment splendide  î 

))   L'entrain    est    grand! 
Doorme,  qui  a  déjà  prolongé 
son  terme  de  huit 
mois, vient  encore 
de  se  décider 
à  rester.  » 


• 


«   Vendredi  3  mars. 

»   Premier  départ. 

))   Les  soldats  de  Louloua- 
bourg  partent,  musique  en  tête,  sous 
le  commandement  du  lieutenant  Doorme. 

»  Très  crânes  tous  ces  soldats  qui  s'en  vont  en 
chantant. 

»  Ça  empoigne!  Il  n'y  a  pas  à  vouloir  lutter  contre 
ce  sentiment! 

»  Ces  gens  qui  partent  avec  des  airs  de  casseurs 
d'assiettes  pour  aller  se  faire  tuer  en  chantant,  sont 
tout  ce  que  vous  voudrez...  des  sauvages...  des  fous... 
c'est  possible,  mais  ils  sont  admirables.   » 


II 


33 


«   Vendredi   lo  mars. 


»  La  colonne  est  en  route  vers  Nyangoué.  Huit  cents 
personnes  ! 

»  Aucune  description  ne  pourrait  rendre  un  pareil 
départ  de  sauvages  en  appareil  de  guerre  :  depuis  le 
fusil  à  pierre  préhistorique  jusqu'au  Mauser,  tous  les 
systèmes  de  fusils,  —  des  couteaux,  des  lances,  des 
arcs,  des  flèches,  des  bâtons  pointus,  —  toutes  les 
coiffures,  plus  bizarres  et  plus  couvertes  de  plumes  les 
unes  que  les  autres  :  chapeaux  de  paille,  de  feutre, 
d'étoffe,  de  peau,  —  bords  sans  fond,  les  cheveux 
crépus  mêlés  de  plumes  remplaçant  le  fond, — bonnets 
de  police  en  flanelle  rouge,  bonnets  grecs,  bonnets  de 
coton 

»   Et  tout  ce  monde  part  gaiement. 

»  Et  au  loin  nous  voyons  la  colonne  serpentant  dans 
la  montagne,  le  grand  drapeau  bleu  étoile  flottant  en 
tête Le  steamer  a  fait  demi-tour,  et  nous  redescen- 
dons la  rivière.  Un  coup  de  sifflet  prolongé,  strident, 
en  signe  d'adieu,  auquel  de  la  montagne  répond  un 
immense  cri  :  «  Moyio!  »  (ami). 

»   C'est  plus  émouvant  qu'il  est  possible  de  le  croire. 


34 


ces    bordées    de    patriotisme    au  milieu  de  ce  sauvage 
paysage. 


))  Ah  !  ces  Arabes  nous  auront  donné  bien  de  la 
tablature,  mais  quel  succès  si  nous  parvenons  à  en  débar- 
rasser le  pays 

»  Lorsque  ces  nouvelles  arriveront  en  Belgique, 
nous  serons  ou  vainqueurs  et  alors  nous  occuperons 
le  Manyéma;  ou  vaincus,  et  alors gare  la  casse!   » 


Et  de  fait,  nous  sommes  vainqueurs.  Mais  lorsque 
les  premiers  bulletins  de  victoire  arrivèrent  ici,  ce  fut 
presque  l'incrédulité  générale  qui  les  accueillit.  Il  fallut 
accumuler  les  bulletins  glorieux;  il  fallut  marcher  de 
victoire  en  victoire  pour  convaincre  le  pays  que  ses 
enfants  lui  conquéraient  de  la  gloire,  que  plusieurs,  hélas  ! 
payaient  de  tout  leur  sang.  Ponthier,  de  Wouters, 
de  Heusch  sont  tombés  lace  à  l'ennemi,  et  nous 
n'oserons  pas  vouloir  désormais  qu'ils  dorment  plus  long- 
■  -  _  temps  en  terre  étran- 


i--^ 


gère 


35  — 


Je  reviens  à  l'Exposition,  content  d'avoir  dit  une  fois 
de  plus  un  peu  de  ce  qui  me  tient  tant  au  cœur. 

Une  des  plus  grandes  richesses  de  ces  pays,  où  nous 
avons  trouvé  du  lustre  pour  le  nom  belge,  est  le  caout- 
chouc. 

Le  caoutchouc  du  Congo  est 
fourni  actuellement  surtout  par 
des  lianes  du  genre  Landolphia,       ^  yà 
portant  de   nombreuses  fleurs    ^^  'S^- 
blanches^    de    parfum    exquis. 

Les  indigènes*  n'utilisaient 
guère  de  ces  lianes  que  leurs  fruits, 
dont  d'aucuns  du  volume  et  de  la 
forme  de  très  grosses  oranges; 
d'autres  petits,  ronds  et  bruns; 
d'autres  encore  allongés  en  poire 
et  rougeâtres;  ces  fruits  renferment 
de  grosses  graines  entourées  d'une 
pulpe  à  saveur  acide,  très  recher- 
chée des  noirs. 

Il  y  a  trois  à  quatre  ans  à  peine,  le      f 
latex    des    lianes    à    caoutchouc    n'était 
guère  exploité    que  dans  le   sud   de  l'Etat   du   Congo, 
surtout  dans  les  bassins  du  Kwango,  du  Kassaï,  et  dans 
le    Katanga  ;    le    commerce  du  caoutchouc   était,   dans 

ces   régions,  très   actif  et  très  rémunérateur.  Dans 

le     reste    de   l'Etat,   à  peine  les  indigènes   recueil- 
laient-ils, bon  an    mal    an,    quelques    kilo- 
grammes   de    la    précieuse    substance, 
dont  ils   n'avaient  guère  d'emploi,  sinon 
pour   garnir    les    mailloches   de    leurs 
tam-tam. 


—  36 


La  présence  de  l'Européen,  initiateur  d'une  exploi- 
tation raisonnée,  a  fait  qu'aujourd'hui  on  peut  considérer 
toutes  les  populations  congolaises  comme  ayant  compris 
l'immense  valeur  de  cette  richesse  naturelle. 


Diagramme  montrant  le  développement  de  l'exploitation  du  caoutchouc. 


A  l'examen  de  cette  courbe,  on  ne  s'étonnera  pas 
d'apprendre  que  la  capacité  maximum  du  portage  à  dos 
d'homme,  insuffisante  depuis  longtemps  pour  l'amenée 
des  marchandises  de  Matadi  à  Léopoldville,  est  devenue 
également  insuffisante  pour  le  transport,  de  Léopoldville 
à  Matadi,  des  stocks  de  caoutchouc  envoyés  de  tous  les 
points  du  Congo;  ce  qui  n'empêche  qu'il  y  a  quelques 
mois  nous  avions  la  grande  surprise,  le  commandant 
Van  Gèle  et   moi,   de   nous  entendre  demander  par  un 


37  - 


ingénieur  électricien,  grand  industriel  très  connu  à 
Bruxelles,  s'il  y  avait  du  caoutchouc  au  Congo.  Nous  nous 
expliquâmes,  par  cette  demande,  l'opposition  systéma- 
tique qu'il  faisait  à  l'œuvre  du  Congo. 


Il  nous  paraît  intéressant  de  dire  ici  un  mot  des 
diverses  méthodes  d'exploitation  du  caoutchouc  au 
Congo. 

L'Exposition  d'Anvers  met  sous  nos  yeux  du 
caoutchouc  portant  comme  indications  les  lieux  de  prove- 
nance :  Kassaï,  Lopori,  Kwango,  Loulou,  Arouwimi, 
Quelle... 

Ces  divers  caoutchoucs,  examinés  par  les  courtiers 
des  marchés  de  Liverpool,  d'Anvers,  de  Hambourg,  ont 
été  estimés  à  des  prix  divers,  allant  de  4  fr.  à  7  fr.  5o  le 
kilo. 

Cette  différence  de  prix,  pour  autant  qu'on  puisse  se 
prononcer  actuellement,  ne  parait  provenir  que  du  mode 
de  cueillette  et  non  d'une  différence  dans  les  plantes 
productrices. 

AVjici  les  petites  boules  dites  caoutchouc-cerise; 
elles  valent  4  francs  le  kilo. 

Pour  les  préparer,  l'indigène  incise  la  liane,  recueille 
le  suc  dans  le  creux  de  la  main,  puis  s'en  barbouille  les 
bras  et  la  poitrine.  Sous  l'influence  de  la  chaleur,  grâce 
aussi  à  la  grande  surface  d'évaporation,  le  latex  se 
coagule;  l'indigène  le  détache  alors  de  sa  peau  et  le  met 
en  boules. 

Ce  procédé  est  usité  presque  partout;  il  est  long  et 
fatigant. 


38 


Dans  le  Kwango  on  coupe  toutes  les  petites  branches 
des  lianes,  on  recueille  les  racines  ;  on  bat  le  tout  après 
avoir  trempé  dans  l'eau  chaude;  on  obtient  ainsi  une 
masse  très  mélangée  de  fibres  et  de  débris  d'écorce,  ce 
qui  en  diminue  naturellement  la  valeur. 

Actuellement,  sous  notre  impulsion,  la  cueillette  du 
caoutchouc  se  fait  en  pratiquant  des  entailles  dans  les 
lianes  (qu'il  faut  avoir  soin  de  ne  jamais  couper),  et  en 
recueillant  le  jus  dans  des  récipients  où  on  produit  la 
coagulation  par  l'addition  d'ingrédients  divers;  ainsi 
dans  le  district  de  l'Equateur  on  a  trouvé  récemment  qu'il 
suffisait  de  quelques  gouttes  du  jus  d'un  fruit  sauvage 
pour  obtenir  la  coagulation  parfaite  du  latex  des  landol- 
phia.  Ce  fruit  sauvage  est  le  «  ntoundoulou  »  de  la  région 
des  cataractes,  lequel  n'est  autre  chose  qu'une  amome, 
Yamomum  citratum  dont  l'aire  de  dispersion  couvre  tout 
le  territoire  de  l'Etat  Indépendant  du  Congo,  et  dont  les 
fruits,  d'un  beau  rouge  brillant,  ont  une  pulpe  d'une 
saveur  acidulée  et  parfumée,  fort  agréable,  qui  les  fait 
vivement  apprécier  des  noirs  et  des  blancs. 

Selon  la  forme  du  récipient,  et  aussi  la  quantité  de 
latex  recueilli  on  obtient  des  blocs  de  caoutchouc  pur,  de 
formes  et  de  volumes  des  plus  variés. 


A  côté  des  lianes,  l'arbre  à  caoutchouc  a  été  signalé 
au  Congo  par  Le  Marinel  dans  le  Kassaï;  une  des  photo- 
graphies de  l'exposition  porte  comme  mention  :  Sniida, 
arbre  à  caoutchouc. 


En  1892,  étant  en  reconnaissance  dans  la 

Boussira,  mes  hommes  m'amenèrent,  au  village 

Boukouti,  devant  un  arbre  encore  en  buisson  en 

me  disant   :   «  Voici  un  arbre  dont   on   tire  du 

caoutchouc  ». 

Je  cassai  quelques  branches  qui  laissèrent  suinter 
un  latex  d'une  blancheur  parfaite,  épais  et  se  coagulant 
entre  les  doigts.  Heureux  de  ma  trouvaille,  je  cueillis 
une  ramille  pour  la  rapporter  à  l'Equateur  comme 
échantillon,  mais  lorsque  je  voulus  me  rembarquer,  le  chef 
me  pria  de  ne  pas  emporter  la  branche  cueillie  dans  son 
village  :  «  Mes  hommes  assurent  que  tu  vas  t'en  servir 
pour  nous  jeter  un  sort.  »  Je  dus  m'exécuter  pour  ne  pas 
compromettre  inutilement  l'alliance  que  nous  venions 
de  conclure. 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  pense  pouvoir  avancer  l'existence 
d'un  arbre  à  caoutchouc  exploitable  dans  le  district  de 
l'Equateur. 


Les  applications  industrielles  du  caoutchouc  sont 
telles,  et  s'étendent  encore  journellement  de  telle  façon, 
que   l'on    n'a    nullement    à    craindre    d'en    inonder    les 


-  40  — 
î 


marchés  au  point  d'en  faire  baisser  la  valeur;  et  le  Congo 
pourrait  en  envoyer  annuellement  10,000  tonnes  en 
Europe  qu'on  ne  lui  demanderait  qu'une  chose:  en  envoyer 
le  double.  Pourra-t-il  le  faire  !  c'est-à-dire  les  essences  à 
caoutchouc  ont-elles  un  assez  grand  développement  pour 
assurer  une  pareille  production?  Je  crois  pouvoir 
répondre  affirmativement  en  me  basant  sur  le  fait  sui- 
vant :  la  factorerie  de  Bongandanga  (Lopori)  établie  à  la 
fin  de  i8g3,  en  une  région  où  l'indigène  ne  connaissait 
pour  ainsi  dire  pas  le  parti  qu'il  pouvait  tirer  du  caout- 
chouc, rapporte  actuellement  environ  2  tonnes  de  caout- 
chouc par  mois.  On  estime  que  le  rayon  d'action  de  cette 
factorerie,  s'étend  à  25  kilomètres  en  amont,  25  en  aval 
le  long  des  rives.  Ces  chiffres  montrent  qu'en  un  an 
24  tonnes  de  caoutchouc  sont  actuellement  recueillies  sur 
5o  kilomètres  de  rives  abordables  aux  vapeurs  du  Haut- 
Congo.  Or,  le  réseau  navigable  aux  steamers,  actuel- 
lement reconnu  en  amont  de  Léopoldville,  est  de 
3o,ooo  kilomètres,  ce  qui  représenterait  d'après  les 
résultats  de  Bongandanga  un  total  de  '~  x  24  =  14,400 
tonnes  de  caoutchouc,  ce  (jui,  au  prix  moyen  de  5  francs 
le  kilo,  représenterait  en  Europe  une  somme  de  72  mil- 
lions de  francs,  tout  en  assurant  aux  finances  du  jeune 
Etat,  à  raison  de  40  centimes  de  droit  de  sortie  au  kilo, 
la  jolie  somme  de  5,760,000  francs. 

Pour  le  moment  le  caoutcliouc  du  Eopori  vaut 
6  fr.  75  le  kilo. 

M.  Eug,  l^avoux,  ingénieur  et  industriel  bruxellois 
expose  de  façon  très  intéressante  les  transformations 
industrielles  et  les  pioduits  manufacturés  du  caoutchouc 
du  Congo. 

Il  est  entré  en  Belgique,  en  i8g3,  854  tonnes  de 
caoutchouc  brut  et  2,200  tonnes  de  caoutchouc  ouvré. 


—  41  — 


42 


A  l'étude  du  caoutchouc  se  rattache  une  importante 
question  :  Y  a-t-il  au  Congo  de  la  gutta-percha? 

Je  crois  pouvoir  répondre  affirmativement,  et  je  vais 
tâcher  de  le  prouver. 

En  i8gi  et  en  1892  le  gouvernement  de  l'Etat  reçut 
deux  échantillons  d'un  produit  d'exploitation,  envoyés, 
l'un  par  Van  Gèle  et  provenant  du  Haut-Oubanghi, 
l'autre  de  l'Equateur  et  provenant  de  la  Louàpa  (Haute- 
Boussira). 

Je  n'ai  pas  la  lettre  d'envoi  de  A'an  Gèle. 

Mon  premier  échantillon  était  ainsi  présenté  : 

<c  A^oici  un  produit  dont  les  indigènes  se  servent  pour 
fixer   les   plumes   de   leurs   flèches,  les  têtes    de  leurs 
pipes  sur    les    tuyaux,  pour    calfater    les    vases 
fêlés,  etc.  Tf 

»    C'est  la  première  fois  que  ^^^-tt^t. 
je  remarque    ce    produit.    Mes 
hommes    me    disent   qu'il  existe  à 
'Equateur.  » 

Un  mois  plus  tard,  de  retour  à 
Coquilhatville,  je  pouvais  m'assurer  que  mes  noirs  ne 
m'avaient  pas  trompé,  car,  en  une  demi -journée,  ils 
m'apportèrent  une  trentaine  de  kilos  du  dit  produit, 
qu'ils  nommaient  :   o  bouloungou  ». 

C'est  une  sorte  de  poix  végétale,  visqueuse  à  sa  sortie 
de  l'arbre,  s'accumulant  à  terre  en  gros  blocs  d'un  beau 
jaune  de  soufre.  Peu  à  peu  leur  surface  rougit;  ils  se 
durcissent  et  finalement  s'effritent  en  lamelles  dures  et 
noires. 

Pour  dégager  cette  résine  de  ses  impuretés  (terre, 
écorces,  feuilles),   les  indigènes  la  font  chauffer  avec  de 


-  43  - 

l'eau  et  la  malaxent  fortement;  ils  en  façonnent  des 
espèces  de  courtes  et  grosses  saucisses  après  avoir  eu  soin 
de  se  huiler  légèrement  les  mains. 

L'examen  que  nous  en  fimes  avec  le  docteur  Char- 
bonnier nous  les  fit. caractériser  comme  suit  : 

((  Le  produit  obtenu  est  dur  et  d'aspect  brunâtre, 
cassant  au  marteau,  à  arêtes  nettes  et  tranchantes;  il 
est  amorphe,  sa  densité  est  très  voisine  de  l'unité. 

»  Enfin  le  bouloitngoii  est  très  peu  soluble  dans 
l'alcool  froid  et  complètement  soluble  dans  le  chloro- 
forme et  l'éther.  » 

Ces  caractères  rapprochent  considérablement  le 
bouloungcu  de  la  cire  Carnamba  ou  èire  du  Brésil,  utilisée 
pour  durcir  la  paraffine  et  en  retarder  le  point  de  fusion. 

Voici  maintenant  la  suite  qui  fut  donnée  à  l'envoi  de 
Yîxn  Gèle  et  aux  miens  : 


Analyse  du  capitaine  Gody, 

professeur  de  chimie  à  l'Ecole  d'application, 

ly  janvier  i8ç3  : 

«  Divers  essais  faits  pour  qualifier  d'une  façon  pré- 
cise la  nature  de  cette  substance  prouvent  que  c'est  de 
la  gutta-percha  mêlée  à  quelques  résines  et  à  un  peu  de 
calcaire.   » 


A  nalyse  faite  à  A  nvers 

par  les  soins  de 

M.  A.  de  Browne  de  Tiège  : 

((  Gutta-percha  valant  de  g  à  17  francs  le  kilo. 


—  44  — 
i 

Analyse  faite  A  Anvers 

par    M.    E.     G  r  isard, 

1^'' février  i8ç3  : 

«  Ce  produit  n'est  ni  du  caoutchouc  ni  de  la  gutta- 
percha, 

))  Il  s'agirait  là  d'une  résine  laque  assez  impure 
emploN'ée  dans  la  fabrication  des  vernis.  » 

Analyse  faite  à  Hambourg 

par  les  soins  de  MM.  Westphal  et  Spiess, 

8  février  iSç3  : 

«  Sorte  de  cire  végétale.  Dans  l'état  actuel  nous  ne 
ne  savons  pas  si  ce  produit  touverait  acheteurs.  » 

Recherches 

de   M.    le    conservateur   Bominer, 

du  Jardin  botanique  de  F  Etat  : 

«  Malgré  de  longues  et  minutieuses  recherches  dans 
nos  collections  et  bibliothèques,  nous  ne  sommes  pas 
parvenu    à    découvrir    la    nature  et   le   nom   de    cette 


A  la  suite  de  tous  ces  avis  contradictoires,  l'un  affir- 
mant que  le  bouloungou  était  de  la  gutta-percha,  un  autre 
qu'elle  n'avait  de  ce  produit  que  le  nom,  un  troisième 
(ju'il  n'avait  qu'une  valeur  minime,  un  quatrième  que 
c'était  un  produit  inconnu,  le  gouvernement  de  Bruxelles 
a  prié  Borna  de  demander  de  nouveaux  échantillons  à 
l'Equateur  et  dans  l'Oubanghi  -  M'bômou,  afin  de 
reprendre  et  de  compléter  les  premières  expériences. 

Entretemps,  l'attention  était  éveillée  et  le  Secrétaire 
d'Etat  de  l'Intérieur  se  mit  en  relations,  à  l'effet  de  se 


-  45 


procurer  des  graines  et  de  jeunes  plants  pour  l'introduc- 
tion de  la  gutta-percha  au  Congo,  d'abord  avec  le  direc- 
teur des  K  Royal  Gardens  »  de  Kew,  près  de  Londres, 
ensuite  avec  le  gouvernement  des  «  Straits  Settlements,  » 
aux  Indes. 

Le  consul  belge  de  Smgapore,  M.  de  Bernard  de 
Fauconval,  s'employa  très  activement  à  répondre  aux  vues 
congolaises.  Grâce  à  lui  furent  réunis  1,200  plants  d'un 
Dichopsis  donnant  une  gutta  aussi  bonne  que  celle 
fournie  par  VIsonandra  Percha  véritable. 

Ces  plants  ,  après  avoir  été 
examinés  par  AL  Ridley,  directeur 
des  forêts,  furent  embarqués  à  bord 
d'un  bateau  allemand  quittant  Sin- 
gapore  pour  Anvers,  où  M.  Van 
Heurck,  directeur  du  Jardin  Bota- 
nique, en  lit  la  réception. 

Les    soins  les    plus    minutieux 
avaient  été  pris  par  M.  de  Fauconval, 
qui  avait  promis   une  récompense  à 
un   des   stewards  du  bateau  si  les      \ 
plants  arrivaient   à  Anvers  en  bon 
état;    les   dits  plants  étaient   placés 
dans  des  caisses  spéciales,  au  nombre 
de  vingt,  mises  au   départ  dans   une 
cabine  de  3^  classe. 

A  l'arrivée  à  Anvers  il  fut  constaté 
que  les  vingt  caisses  avaient  été  empi- 
lées   sur  trois    rangs   de    hauteur,    et 
qu'au  lieu  de  bien  aérer  la  cabine,  ainsi  que  cela  avait 
été    recommandé  expressément,    elle  avait   été  rendue 
inaccessible  par  l'accumulation  dans  l'entrepont  de  plu- 
sieurs centaines  de  sacs  de  riz.   Dans  ces  conditions,  les 


-  46 


caisses  supérieures  ayant  seules  reçu  de  la  lumière,  sur- 
tout celles  voisines  des  hublots,  contenaient  des  plantes 
saines. 

Le  directeur  du  Jardin  Botanique  soigna  le  mieux 
possible  la  centaine  de  plants  arrivés  en  état  de  reprendre 
vigueur,  et  le  6  décembre  i8g3  ces  plants  partaient  pour 
Boma,  confiés  aux  soins  d'un  agent  ayant  reçu  de  M.  \'an 
Heurck  les  instructions  nécessaires  aux  soins  à  leur 
donner  en  cours  de  route  et  à  la  plantation  à  en  faire  à 
Boma,  d'où  le  gouverneur  général  écrivait  à  la  date  du 
25  janvier  1894  : 

«  Une  centaine  des  boutures  de  gutta-percha 
envoyées  de  Singapore  par  Anvers,  sont  arrivées  à 
Boma  avec  quelques  chances  de  i^prendre  ;  dès  leur 
arrivée  elles  ont  été  plantées  avec  beaucoup  de  soins 
dans  le  jardin  de  la  force  publi(pic. 

•»  L'examen  fait  après  trois  semaines  de  mise  en  terre 
a  montré  qu'une  trentaine  de  boutures  seulement 
reprennent,  » 

L'envoi  de  ces  boutures  a  coûté  2,5oo  francs  et  causé 
un  échange  de  correspondance  extraordinaire.  C'est  un 
des  exemples  si  nombreux  montrant  les  difficultés  de 
tout  genre  avec  lesquelles  se  trouvent  aux  prises  les 
colonisateurs  belges,  et  le  gré  qu'on  doit  leur  savoir  de 
ne  jamais  se  laisser  décourager. 

En  revanche,  que  ne  peut-on  récompenser  à  leur 
juste  valeur  les  négligences  qui  compromettent  les  soins 
et  les  efforts  des  consciencieux  ! 

Pour  en  finir  avec  la  gutta-percha,  signalons  que 
d'après  divers  renseignements,  le  «  Maloumbo  »  du  Bas- 
Congo  serait  si  pas  1'  «  Isonandra- Percha  »  ou  guUa  de 
première  (Qualité,  du  moins  la  «  Balata  »  cjui  remplace 


47 


dans  certaines  industries  la  gutta-percha.  j'ignore  ce 
qu'est  cet  arbre  appelé  «  Maloumbo  »  dans  le  Bas-Congo, 
Il  serait  intéressant  de  s'assurer  si  ce  n'est  pas  le  sapotil- 
lier  (açliras  sapota),  très  commun  au  Soudan  français  et 
qui  laisse  exsuder  par  incision  un  suc  laiteux  qui  n'est 
autre  que  la  gutta-percha. 

Ce  fait  est  reconnu  depuis  peu  de  temps  ;  les  nègres 
qui  apportaient  ce  produit  à  la  côte  se  le  voyaient 
régulièrement  refuser  par  les  négociants,  comme  étant  un 
caoutchouc  de  mauvaise  qualité. 

Le  hasard  fit  qu'un  jour  un  échantillon  tomba  entre 
les  mains  d'un  pharmacien  de  marine  qui  le  rapporta  en 
France  pour  l'analyser  ;  le  résultat  de  cette  analyse  fut 
que  le  produit  dont  il  s'agissait  n'était  nullement  du 
caoutchouc,  mais  bien  de  la  gutta-percha. 

Les  graines  de  sapotillier  renferment  un  corps  gras 
qui  prend  la  consistance  du  beurre,  mais  qui  n'est  pas 
utilisé.  L'écorce  est  employée  en  pharmacie;  le  fruit,  la 
sapotille,  est  sucré,   fondant,  et  contient  un  parfum  très 

CléllCat.     'Xotife  nf»  \  sur  les  Colonies  frniiçaisps.) 


De  tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  il  nous  parait 
résulter  que  l'exploitation  de  la  gutta-percha  se  fera  au 
Congo  dans  un  avenir  qui  ne  parait  pas  éloigné.  Or,  ce 
produit  peut  atteindre  17  francs  le  kilo  :  ce  prix  se 
passe  de  commentaires. 


Arrivons  aux  gommes-résines  et  autres  produits 
importants  d'exsudation  "végétale.  Les  gommes  Congo 
ou  gommes  copal  sont  fournies  par  les  «  Bursera  ». 


'Im\ 


.HiÀ 


48- 


En  1892,  j'envoyais  au  Gouvernement  quelques 
blocs  de  gomme-résine  recueillis  dans  le  district  de 
l'Equateur,  avec  la  note  suivante  : 

(c  Gommes-résines  très  nombreuses  dans  la  plupart 

des  îles.  J'en  ai  trouvé  au  lac  N'toumba  et  dans  le  Rouki, 

particulièrement  une  résine  tantôt  l^lanche,  tantôt  brune, 

tcjujours  transparente,    brûlant    à    l'air    libre    avec    une 

flamme  éclairante,  fuligineuse,  se  liquéfiant  sous  l'action 

d'un  feu  modéré  et  se  dissolvant  à  chaud  dans  l'huile. 

)j   Une  dizaine  d'hommes  peuvent  aisément  recueillir 

en  un  jour  25  à  3o  kilos  de  ce  produit,   appelé   par  les 

riverains  du  Congo   «  mpaka  •»,  chez  les  Mongos 

ht;   *'  *^  i-tchoua  »,  et  employé  partout  à  l'éclairage  du 

'^  \^\^      soir;   d'aucuns  en   confectionnent  de  véritables 

,i       torches.  ■» 

Presqu'en  même  temps  le  capitaine  Chaltin 
envoyait  de  Basokos  des  échantillons  de  ces 
mêmes  gommes-résines. 

Bruxelles  les  soumit  à  l'examen  des  cour- 
tiers de  commerce  et  des  fabricants  de  vernis. 


Je  dois  ici  entrer  dans  quelques  détails  à  propos 
des  gommes  à. vernis,  pour  donner  une  idée  exacte  de  la 
valeur  des  gommes  du  Congo. 

Les  gommes  à  vernis,  quelle  que  soit  leur  origine, 
sont  classées  en  gommes  dures,  demi-dures  et  tendres. 

Les  gommes  sont  d'autant  plus  recherchées  qu'elles 
sont  plus  dures. 

C'est  une  cause  de  diminution  pour  elles  que  d'être 
laiteuses,  car  cette  particularité  indique  que  la  gomme 
contient  de  l'eau,  ce  qui  aurait  pu  être  modifié  peut-être 


I 


49 


par  une  exposition  convenable  au  soleil  avant  l'expé- 
dition. 

La  meilleure  gomme  est  brun  clair;  la  trop  brune 
donne  des  vernis  trop  colorés. 

Mais  la  différence  la  plus  importante  entre  les 
gommes  du  commerce  provient  des  lieux  d'origine. 

Voici  les  principales  gommes  arrivant  sur  nos  mar- 
chés et  qu'exposent,  du  reste,  la  maison  Claessens  frères, 
d'Anvers  (importante  maison  ayant  des  dépôts  et  agences 
générales  à  Londres,  Paris,  Lille,  Cologne,  Francfort, 
Madrid,  Milan),  ainsi  que  la  maison  De  Keyn,  de 
Bruxelles  : 

i)  «  Gomme  Kaiiri  d'Australie  »,  importée  par  l'Angle- 
terre, moins  transparente  que  la  gomme  Congo;  i  fr.  80 
à  3  fr.  5o  le  kilo. 

2)  «  Gomme  Manille  dure  »,  venant  par  la  Hollande; 
I  fr.  5o  le  kilo. 

3)  «  Gomme  Niger  ->■>,  vendue  souvent  jusqu'ici  sous  le 
nom  de  «  Gomme  Congo  »,  inégale  comme  dureté,  d'où 
une  fusion  à  feu  nu  irrégulière  et  entraînant  une  réelle 
difficulté  de  fabrication  :  l'une  partie  se  brûlant  alors 
que  l'autre  n'est  pas  encore  fondue. 

4)  (c  Gomme  Bengiiéla  »,  très  dure,  très  sèche,  brune; 
bonne  gomme,  malheureusement  recouverte  d'une  couche 
terreuse. 

5)  «  Gomme  Angola  rouge  »,  venant  par  l'Angleterre, 
très  dure  et  très  bonne. 

6)  «  Gomme  Angola  blanche  »,  de  valeur  moindre  que 
la  précédente;  i  franc  à  i  fr.  5o  le  kilo. 

7)  (c  Gomme  Caillcu  »,  affectant  la  forme  de  cailloux 
roulés,  vient  par  Hambourg;  assez  bonne. 

8)  «  Gomme  Madagascar  »,  très  dure  et  très  bonne. 

9)  «    Gomme   Zanzibar    »,    dite   «    Gomme   Salem   », 


—  5o 


caractéristique  par  son  aspect  extérieur  rappelant  exacte- 
ment la  chair  de  poule.  C'est  la  gomme  atteignant  le 
prix  le  plus  élevé  :  6  à  S  francs  le  kilo. 

Telles  sont  les  principales  gommes  du  commerce, 
auprès  desquelles  commencent  à  prendre  place  les 
«   Gommes  Congo  )>. 

}^IM.  Lievens  et  Bloos,  fabricants  de  vernis  à 
Bruxelles,  ont  bien  voulu  me  fournir  leur  appréciation 
d'usinier  sur  les  o;ommes  Cons^o. 

La  voici  textuellement  : 

«  La  gomme  copale  du  Congo  doit  être  rangée  parmi 
les  gommes  dures.  Elle  est  bien  triée  et  ne  donne  pas  de 
perte  par  le  coupage.  On  ne  rencontre  pas  de  morceaux 
contenant  de  l'eau, 

»  Elle  fond  régulièrement,  étant  composée  de  mor- 
ceaux ayant  la  même  dureté. 

))  La  fusion  se  fait  à  un  degré  assez  élevé. 

5)  Le  vernis  fabriqué  avec  cette  gomme  est  pâle, 
séchant  en  quelques  heures  et  durcissant  rapidement. 

»  La  gomme  copale  du  Congo  peut  être  rangée  parmi 
les  bonnes  gommes  copales  que  l'Afrique  nous  envoie, 

»  Sa  place  est  toute  marquée  dans  les  annales  de  la 
fabrication  du  vernis,  et  les  fabricants  belges  ne  seront 
plus  obligés,  dans  un  temps  donné,  de  passer  par  les 
marchés  étrangers  pour  leurs  achats  de  matière  pre- 
mière, à  moins  peut-être  que  pour  une  ou  deux  espèces, 
ce  que  l'avenir  nous  fera  connaître  après  expérience  et 
mise  en  usage  des  vernis  Congo.  » 

M^L  Lievens  et  Bloos  ont  exposé  à  Anvers,  au 
compartiment  congolais,  les  vernis  Congo  fabriqués  dans 
leur  usine  ;  ce  sont  des  vernis  gras,  à  l'huile  de  lin,  pour 
meubles  ordinaires  de  tout  genre,  pour  portes  et  pour 
planchers. 


Leurs  expériences  sur  les  vernis  d'intérieur  sont 
terminées  et  décisives  :  les  vernis  Congo  sont  de  toute 
première  qualité.  Quand  on  passe  la  main  sur  un  meuble 
poli  au  vernis  Congo,  on  ne  voit  pas  trace  de  la  buée 
terne  et  désagréable  qu'offrent  beaucoup  de  vernis  ;  c'est 
un  avantage  énorme. 

Il  y  a  à  faire  des  expériences  pour  savoir  si  les  vernis 
Congo  se  comporteront  aussi  bien  comme  vernis  d'exté- 
rieur. Si  oui,  ils  pourront  être  employés  pour  les  voitures, 
le  matériel  de  chemin  de  fer,  etc.,  ce  qui  leur  assurerait 
un  débouché  illimité. 

D'après  MM.  Claessens,  les  vernis  Congo  possèdent, 
après  séchage,  les  propriétés  suivantes  :  adhérence  intime 
à  la  surface  des  corps,  dureté,  brillant;  de  plus,  ils  ne 
s'écaillent  pas,  ne  se  colorent  pas  et  ne  présentent  pas  un 
aspect  gras  ou  terne;  ils  résistent  aux  changements  brus- 
ques de  température  et  ne  se  couvrent  pas  de  brouillard 
bleuâtre. 

Etendu  en  couche  mince  sur  les  objets,  ils  leur 
communiquent,  après  dessication,  l'éclat  que  leur  donne- 
rait une  plaque  de  verre. 

La  gomme  Congo  est  une  des  plus  dures  que  l'on 
connaisse.  En  moyenne,  elle  entre  en  fusion  à  I45",  se 
liquéfie  à  225"^'  et  n'est  complètement  liquide  que  vers 
240°  centigrades. 

La  gomme  copalc  Benguéla  jaune  est  la  seule  parmi 
les  gommes  d'Afrique  qui  atteigne  un  point  de  li(|uéfac- 
tion  complète  aussi  élevé. 

La  production  de  gommes  dures  semble  diminuer 
dans  des  proportions  considérables  dans  certaines  régions 
qui  jusqu'ici  en  avaient  donné  à  l'Europe  de  fortes  cjuan- 
tités.  La  conséquence  en  a  été  que  les  gommes  dures 
d'Afrique  augmentent  chaque  année  de  prix. 


53 


L'existence  de  gommes  dures  sur  tout  le  territoire 
de  l'Etat  Libre  est  donc  une  bonne  aubaine  pour 
l'industrie  du  vernis  et  l'importation  de  ce  produit  vient 
à  son  heure. 

La  Nouvelle-Zélande  envoie  en  un  an  sur  les  mar- 
chés, tant  des  Etats-Unis  que  d'Europe,  8,000  tonnes  de 
«  Gomme  Kauri  ». 

Il  faut  remarquer  que,  actuellement  encore,  on  vend 
sous  le  nom  de  gomme  Congo  une  gomme  provenant  des 
côtes  de  Guinée  et  du  Gabon  et  subissant  une  perte  de 
3o  p.  c.  au  minimum  en  poids  à  cause  de  l'épaisse  couche 
terreuse  y  adhérente,  ainsi  que  des  éclats  de  bois,  des 
morceaux  d'écorce  y  mélangées. 

Si  ces  gommes,  appelées  faussement  gommes  Congo, 
ont,  dans  ces  conditions,  de  la  valeur  sur  les  marchés,  il 
est  certain  que  la  vraie  gomme  Congo,  qui  peut  com- 
mencer à  arriver  par  tonnes,  est  aussi  un  produit  de 
réelle  valeur.  Son  prix  a  été  estimé  par  les  courtiers  de 
I  fr.  5o  à  2  fr.  5o  le  kilo.  Aussi  l'Etat  a-t-il  eu  soin  de 
recommander  immédiatement  à  ses  agents  de  faire 
recueillir  cette  gomme  copale  et  de  l'accumuler  dans  les 
stations  jusqu'à  ce  que  le  chemin  de  fer  en  permette 
l'évacuation  rémunératrice.  A  Equateurvillc,  nous  pûmes 
recueillir,  en  deux  mois  environ,  deux  tonnes  et  demie 
de  ces  blocs  transparents;  il  suffisait  d'envoyer  à  la  cueil- 
lette, après  l'exercice  du  matin,  une  pirogue  avec  dix 
hommes,  allant  fouiller  les  îles.  La  récolte  d'une  journée 
atteignait  facilement  3o  à  40  kilos  et  certains  blocs 
pesaient  jusque  4  et  5  kilos. 

Les  entrepôts  de  gomme  copale  conserveront  pen- 
dant six,  sept  ou  huit  ans,  un  produit  de  rapport,  et  ce 
dans  des  conditions  remarquables,  car  il  n'a  rien  à 
craindre  de  l'humidité  ni  de  la  sécheresse  et  ne  demande 


-  54 


pas  de  manipulations.  Et  lorsque,  dans  six,  sept  ou  huit 
ans,  le  chemin  de  fer  aura  atteint  Léopoldville,  la  sage 
prévoyance  du  Gouvernement  aura  accumulé  des  milliers 
de  tonnes  de  copal  qui,  avec  tous  les  autres  produits  que 
nous  envisageons  en  ce  moment,  assureront  à  la  voie 
du  Congo  un  trafic  dont  n'avaient  pas  l'air  de  se  douter 
plusieurs  membres  de  notre  ancienne  Chambre  des 
Représentants. 

Signalons  que  dans  son  consciencieux  travail  sur  les 
plantes  du  Congo,  M.  le  docteur  A.  Dewèvre  dit  qu'il 
existe  d'énormes  quantités  de  copal  fossile  sur  le  terri- 
toire du  Congo,  mais  que  malheureusement  il  est  consi- 
déré comme  produit  fétiche  que  les  noirs  refusent  de 
rechercher.  J'ignore  de  qui  M.  Dewèvre  tient  ces  rensei- 
gnements que  je  crois  erronés. 

Et  puisque  les  vernis  Congo  ont  les  qualités  (;[ue 
nous  venons  de  dire,  pourquoi  tous  ceux  qui  s'intéressent 
à  l'œuvre  congolaise  ne  s'efforceraient-ils  pas,  dès  mainte- 
nant, d'assurer  l'utilisation  des  produits  de  notre  future 
colonie,  en  n'employant  plus,  par  exemple,  que  des 
vernis  Congo,  et,  lorsque  l'importance  de  la  commande 
le  justifierait,  en  exigeant  l'assurance  écrite  que  les 
vernis  qui  leur  sont  fournis  ont  été  fabriqués  avec  des 
gommes  copales  du  Congo? 

Dans  cet  ordre  d'idées,  il  faut  espérer  qu'avant  peu 
on  pourra  demander  partout  du  café  du  Congo,  du 
cacao  du  Congo,  des  meubles  de  luxe  du  Congo,  etc.,  etc. 


Nous  finirons  ce  qui  concerne  les  gommes  en  disant 
un  mot  de  la  gomme  arabi(|ue,  fournie  par  diverses 
variétés  d'acacias. 


I 


—  55  — 

A  ma  connaissance,  on  trouve  au  Congo  l'acacia 
flamboyant,  l'acacia  blanc,  l'acacia  ordinaire,  etc. 

Ces  arbres  ont  été  plantés  par  nous  dans  nos  stations; 
ils  sont  pleins  de  vigueur  ;  ainsi  des  acacias  ordinaires 
plantés  par  noyaux  à  Equateurville  fin  i8gi,  avaient 
atteint  en  juin  iSgS,  soit  donc  en  vingt  mois  environ, 
huit  mètres  de  haut.  Je  dis  huit  mètres  de  haut;  le  tronc 
avait  quinze  centimètres  de  diamètre. 

J'ignore  si  ce  sont  ces  acacias  qui  fournissent  la 
gomme  arabique  ;  il  y  a  lieu  de  s'en  assurer  et,  en  tout 
cas,  de  faire  rechercher  si  ce  produit  existe  au  Congo  afin 
de  l'y  introduire  le  cas  échéant. 

C'est,  en  effet,  un  article  de  commerce  important. 

Voici,  à  ce  sujet,  des  renseignements  extraits  de  la 
Notice  n"^  V  sur  les  colonies  françaises  : 

<(  La  gomme  arabique  est,  après  le  mil  et  l'arachide, 
le  produit  végétal  le  plus  important  de  la  Sénégambie. 

))  Cette  gomme,  presque  entièrement  produite  par 
diverses  variétés  d'acacias,  apparaît  sous  l'influence  de 
certaines  conditions  morbides;  elle  provient  d'une 
maladie  de  l'arbre. 

))  Les  gommiers  se  rencontrent,  groupés  sur  des  éten- 
dues plus  ou  moins  vastes,  dans  tout  le  bassin  du 
Sénégal. 

»  Au  mois  de  novembre,  vers  la  fin  de  l'hivernage, 
lorsque  le  vent  sec  et  chaud  du  désert  commence  à  souf- 
fler, les  gommiers  perdent  leurs  feuilles;  leur  écorce  se 
fendille  et  laisse  exsuder  la  gomme  qui  s'épaissit  rapide- 
ment et  atteint  parfois  un  volume  assez  considérable. 

))  Ce  travail  de  l'exsudation  est  souvent  aidé,  sinon 
provoqué,  par  une  plante  parasite,  le  loranthiis  senef^a- 
lensis. 

»  Au  commencement  de  mai,  les  Maures  se  rendent 


—  56 


aux  différentes  escales  du  Sénégal,  et  bientôt  Dagana, 
Podor,  Saldé,  Matam  et  Bakel  présentent  une  animation 
extraordinaire. 


»  La  gomme  est  échangée  contre  de  l'argent  ou  des 
marchandises  de  troque.  Aux  escales,  on  distingue  deux 
espèces  de  gommes  :  la  gomme  de  Podor  (du  bas  du 
fleuve)  et  celle  de  Galam  (du  haut  du  fleuve). 

»  Après  un  premiertriage,  très  sommaire,  les  gommes 
sont  mises  en  ballots  de  80  kilos,  et  expédiées  à  St-Louis, 
d'où  on  les  dirige  sur  Bordeaux;  dans  cette  ville, 
elles  subissent  un  nouveau  triage,  très  méticuleux,  et  le 
contenu  de  chaque  balle  est  réparti  en  diverses  catégories, 
répondant  chacune  à  un  emploi  industriel.  Ces  catégories 
sont  au  nombre  de  six,  plus  les  grabeaux,  résidus  prove- 
nant du  frottement  des  morceaux  de  gomme  entre  eux 
pendant  le  trajet  de  la  forêt  à  l'escale;  ces  grabeaux  se 
subdivisent  eux-mêmes  en  six  catégories. 

»  Les  gommes  blanches  sont  employées  en  pharmacie 
pour  les  pâtes,  les  sirops,  etc.;  on  s'en  sert  aussi  dans 


la  confiserie  pour  les  bonbons,  dans  la  distillerie,  et  dans 
la  lingerie  pour  apprêter  le  linge  et  les  dentelles. 

»  Les  gommes  blondes  et  les  grabeaiix  sont  employés 
en  partie  aux  mêmes  usages,  mais  on  les  utilise  en  outre 
pour  les  apprêts  ordinaires,  les  impressions  sur  tissus,  la 
préparation  de  la  colle  pour  fournitures  de  bureau, 
étiquettes,  enveloppes,  etc.. 

))  Enfin  la  a govime  fabrique  »  est  employée  en  France, 
en  Angleterre,  en  Russie,  pour  apprêter  les  tissus  de  laine 
et  de  coton. 

»  La  production  annuelle  de  la  gomme  est,  en 
moyenne,  au  Sénégal,  de  trois  millions  de  kilogrammes. 

»  En  1886,  il  a  été  vendu  dans  les  escales  2,141,237 
kilos    de    gomme  de  Podor    (à    environ    2    fr.     25    le 
kilo);  647,197  kilos  de  gomme  de  Galam  (même  prix); 
26,061  kilos  de  gomme  friable  (à  o  fr.  65  le  kilo);  et, 
dans  les   rivières  du  Sud,    10, 225   kilos  de  gommes 
mélangées  (à  i  franc  le  kilo). 

»  Aujourd'hui  les   besoins   de  l'industrie 
sont  tels  que  la   production    pourrait    être 
beaucoup  plus  considérable. 

»  Il  est  regrettable,  dit  la  notice  fran- 
çaise, que  personne  ne  songe  à  accroître 
les  plantations  d'acacias,  arbres  très  rusti- 
ques, qui  viennent  à  peu  près  partout  et  ne 
demandent  aucun  soin.  On  estime  qu'un 
acacia  de  l'espèce  vérck,  tomeiitos,  neboueh,  etc., 
peut  donner  annuellement  de  6  à  800  grammes 
de  gomme. 

»  Pour  des  colons  ou  des  industriels  une 
exploitation  de  ce  genre  pourrait,  au  bout  d'un 
certain  nombre  d'années  et  sans  demander  de 
grands  capitaux,  donner  do  sérieux  bénéfices.  » 


—  58 


Je  ne  puis  avancer  que  la  gomme  arabique  existe  au 
Congo.  Je  puis  seulement  redire  combien  l'acacia  y 
pousse  vivace;  je  puis  seulement  signaler  qu'au  lac 
Léopold  II  les  factoreries  de  la  Société  anonyme  belge 
ont  pu  acheter,  enun  mois,  12  tonnes  de  gommes  diverses 
à  propos  desquelles  l'agent  en  chef  du  lac  Léopold  II 
écrit:  «Cette  récolte  pourra  continuer  dans  ces  conditions, 
mais  je  crois  devoir  la  restreindre  jusqu'à  ce  que  nous 
soyons  fixés  sur  la  nature  de  ces  gommes,  car,  parmi  le 
stock  en  magasin  il  y  a  certainement  plusieurs  espèces 
bien  distinctes,  qui  demandent  à  être  déterminées.  » 

Rien  ne  dit  que  parmi  ces  gommes,  considérées 
toutes  comme  gommes  copales,  nous  n'allons  pas  trouver 
la  gomme  arabique. 

Le  capitaine  américain  Camp,  du  SS.  «  Henry  Reed^, 
me  remit  un  jour  un  échantillon  de  gomme  recueillie  par 
lui  dans  une  île  près  de  Loulanga,  et  remarquable  par  la 
forte  odeur  de  citron  qui  s'en  dégageait. 

L'échantillon  était  malheureusement  fort  petit  et  je 
ne  pus  m'en  procurer  d'autres  afin  de  les  faire  examiner 
convenablement. 

J'ai  dit  qu'au  lac  Léopold  II  on  avait  pu  en  un  mois 
recueillir  12  tonnes  de  gommes  diverses;  qu'à  l'Equateur 
il  en  avait  été  recueilli  en  deux  mois  deux  tonnes  et 
demie.  Et  ces  fortes  récoltes  se  font  également  dans  les 
districts  de  rOubanghi-Ouèllé,  de  l'Arouwimi-Ouèllé,  etc. 

En  sorte  que  les  marches  belges  pourraient  être 
entièrement  approvisionnés  en  gommes  par  le  Congo,  en 
attendant  que  les  étrangers  aussi  s'adressent  à  nous. 


59 


Passons  aux  produits  oléagineux. 

Ici  encore  le  compartiment  congolais  exhibe  de  nom- 
breux échantillons  : 

I''  (c  Huile,  Graisse,  Noix  de  Pahne  »  —  «  Coconots  >k.. 

Tels  sont  les  produits  du 
palmier    «    Ela't's    Guinéensis    ». 
Ce  palmier  existe  en  abondance 
dans  le  Congo-IMaritime,  dans  le 
Moyen-Congo,   et  tous   les 
villages  du   Haut-Congo  le 
possèdent    et    l'exploitent  ; 
les    iles    du    Haut  -  Fleuve 
abondent  en  élaïs. 

Ce     palmier    porte 
comme    fruits   des  résfimes 
de  noix  de  palme  l'dindins); 
ce  sont  de  grosses  grappes 
pouvant    atteindre    80   centi- 
mètres à  I  mètre  de  longueur  et 
formées   de  noix  constituées  d'an 
noj'au,    la    coconot,    entouré    d'une 
masse  charnue  huileuse. 

De  cette  dernière  on  extrait  l'huile  dite  de  palme 
ou  aussi  beurre  de  palme  ;  elle  est  comestible  mais  surtout 
employée  dans  l'industrie  pour  la  fabrication  des  savons, 
des  bougies,  etc.  En  Afrique,  l'huile  de  palme  joue  dans 
l'alimentation  des  noirs  et  souvent  des  blancs,  le  rôle  de 
beurre  et  de  graisse. 

Les  coconots  renferment  une  amande  huileuse  four- 
nissant une  huile  industrielle  dont  l'extraction  demande 
des  moyens  mécaniques.  Aussi  cette  extraction  se  fait-elle 


6o 


fort  peu  sur  place  ;  les  «  cocouots  »  arrivent  telles  quelles 
en  Europe. 

On  sait  l'énorme  commerce  de  coconots  qui  se  fait  à 
la  côte  d'Afrique  et  qui  enrichit  des  villes  telles  que  Lagos. 

Après  extraction  d'une  huile  de  savonnerie  et  de 
stéarinerie,  le  résidu  forme  un  aliment  très  apprécié  pour 
certains  animaux  domestiques. 

Le  prix  des  coconots  est  actuellement  d'environ  i5o 
à  i6o  francs  la  tonne,  rendue  à  Hambourg. 

Bien  que  ce  prix  ne  soit  pas  élevé,  le  commerce  des 
coconots  est  avantageux  parce  que  ces  amandes  sont  d'une 
manipulation  et  d'une  conservation  faciles  et  peu  coû- 
teuses; on  ne  les  emballe  même  pas  pour  l'expédition  en 
Europe:  on  ouvre  la  cale  des  bateaux  et  on  y  déverse  les 
paniers  de  coconots  à  la  diable. 

Quant  à  l'huile  de  palme,  on  sait  qu'elle  s'expédie 
par  tonneaux  et  qu'elle  est  une  des  branches  les  plus 
importantes  actuellement  du  commerce  dans  le  Congo- 
Maritime. 

Elle  vaut  en  Europe  5oo  francs  la  tonne. 

Pendant  le  i^^  semestre  1894,  ^^  ^  ^^^  exporté  du 
Congo  686  tonnes  d'huile  de  palme  valant  337,000  francs  ; 
2,328  tonnes  de  noix  palmistes  (coconots)  valant 
582,000  francs. 

Ces  chiffres  sont  relatifs  aux  produits  recueillis  dans 
le  Congo-Maritime. 

En  plus,  il  est  passé  en  transit  par  l'Etat  Indépendant, 
pendant  le  même  semestre,  142  tonnes  d'huile  de  palme 
et  3oo  tonnes  de  noix  palmistes. 

(Jn  sait  qu'une  huilerie  a  été  installée  en  i885  dans 
l'île  de  Matéba  par  M.  De  Roubaix,  d Anvers.  Cette  hui- 
lerie appartient  aujourd'hui  à  la  Compagnie  belge  des 
produits  du  Congo. 


6i   — 


—    62 


Il  est  entré  en  Belgique  en  iSgi  :  11,062  tonnes 
d'huile  de  palme,  dont  10,377  ont  été  usinées  en  Belgique. 
Dans  ces  chiffres,  le  Congo  entrait  pour  1,287  tonnes. 


Le  «  Raphia  Vinifera  ». 

Ce  palmier,  appelé  «  nsésé  »  à 
l'Equateur,  est  un  des  arbres  dont 
le  noir  tire  le  plus  grand  parti;  les 
îles  du  Haut-Fleuve  ne  sont  parfois 
plantées  que  de  raphia,  et  dans  le 
Lopori,  par  exemple,  des  lieues  et 
des  lieues  de  rives  ne  sont  que  de  ces 
palmiers  à  tronc  mince,  souvent 
contourné,  à  allure  rabougrie  et  d'un 
port  peu  élégant  dès  qu'il  atteint 
4  à  6  mètres  de  haut. 

Son  régime  fruitier,  long  parfois 
de  i'^20,  est  constitué  par  des  fruits 
ovales,  vernissés,  rappelant  par  leurs 
écailles  brunes  imbriquées  nos  cônes 
de  pin.  Ces  fruits  sont  entièrement 
utilisables  :  l'écorce  fraîche  est  grillée 
légèrement  et  mangée  telle  quelle  par 
l'indigène  qui  s'en  régale  malgré  son 
amertume  de  quinine;  entre  l'écorce 
et  le  noyau  se  trouve  une  couche 
d'huile  de  deux  millimètres  d'épaisseur  dont  le  noir 
récolte  d'énormes  pots;  cette  huile,  dite  «  huile  de 
bambou  »  dans  le  Haut-Congo,  est  rougeàtrc  et  plus 
fluide  (jue  l'huile  de  palme;  elle  est  très  utilisable  en 
cuisine  et    surtout  pour  le  graissage  des  machines  de 


I 


63  — 


steamer.  Cette  huile  sera  exportée  en  grand  dès  que  le 
chemin  de  fer  le  permettra. 

Le  noyau  du  Raphia  Vinifera  est  utilisable  pour  cent 
petits  objets  de  fantaisie;  il  se  travaille  au  tour  et  peut 
donner,  comme  le  corozo,  des  pommeaux  de  cannes,  des 
boutons,  des  fiches  à  jouer,  des  porte-cigares,  etc.. 

Ces  noyaux  d'extérieur  brunâtre  et  vermiculé  sont 
très  durs  et  offrent,  après  travail  au  tour,  un  aspect 
agréable  à  l'œil;  ils  ont  des  allures  d'ivoire  veiné,  tacheté 
et  coloré. 


30  Le  ce  Pcntaclethra  Macrophylla  ».  —  Parmi  les 
essences  dont  la  vigueur  a  su  vaincre  les  incendies  annuels 
de  la  savane,  tous  les  voyageurs  avaient  remarqué  un 
arbre  atteignant  une  dizaine  de  mètres  de  hauteur,  très 
rameux  et  feuille.  Les  rameaux,  ouverts  et  étalés,  sont 
chargés  de  grandes  feuilles,  à  folioles  opposées.  L'arbre 
•ressemble  à  l'acacia.  Les  feuilles  sont  persistantes.  Le 
fruit  qui  succède  aux  fleurs  attire  l'attention  par  ses 
grandes  dimensions.  C'est  une  gousse  légumineuse,  à 
parois  ligneuses,  mesurant  jusqu'à  55  à  60  centimètres  de 
long  sur  g  à  10  de  large  et  3  à  4  d'épaisseur.  En  général 
cette  gousse  a  35  à  40  centimètres  de  long;  sa  surface  est 
brun  marron,  veloutée  avant  l'entière  maturité,  puis  le 
duvet  tombe. 

Un  sillon  la  partage  en  deux  lèvres;  à  maturité  elle 
s'ouvre  avec  élasticité  et  ses  deux  valves  tendent  à 
s'écarter  l'une  de  l'autre  vigoureusement  et  en  dehors, 
projetant  les  sept  ou  huit  graines  contenues  dans  chaque 
gousse.   Pas  un  voyageur  dont  l'attention  n'ait  été  attirée 


64 


par  ce  phénomène,  qui  n'ait  considéré  ces  grosses  lèves 
recroquevillées,  et  ramassé  les  graines  qui  jonchent  le  sol 
à  profusion.  Il  y  a  pourtant  quelques  mois  à  peine  que 
l'on  a  songé  à  constater  que  cet  arbre  était  1'  «  Oicala  » 
du  Gabon,  le  «  Moiillapanza  «  du  Bas-Congo,  connu  des 
botanistes  sous  le  nom  scientifique  de  PcntachtJira  Macro- 
phvlla  Boiitham.  Nous  laisserons  à  de  plus  autorisés  (|ue 
nous  le  soin  de  décrire  l'owala  d'une  manière  complète. 
Nous  n'envisagerons  que  l'utilisation  de  la  graine.  Les 
graines  de  ^o^vala  sont  très  grosses  (sept  centimètres  de 
long  sur  quatre  à  cinq  de  large),  elliptiques,  aplaties, 
minces  sur  les  bords,  à  épisperme  luisant,  brun  foncé. 

L'épisperme  coriace  et  formé  de  deux  enveloppes  de 
couleur  brunâtre,  entoure  des  cotvlédons  très  résistants, 
de  couleur  brun  clair,  de  saveur  sucrée  d'abord,  puis  un 
peu  amère  et  gorgés  de  matière  grasse. 

Au  Gabon,  les  indigènes  emploient  cette  graisse 
pour  la  mêler  à  celle  de  l'Oba  [Irvingia  Gabojiiiisis), 
pour  la  fabrication  du  fameux  pain  O'  Dika,  qui  est 
une  des  matières  les  plus  en  honneur  parmi  ces 
populations  nègres.  A  partir  de  Wéhia,  sur  le  Haut- 
Lopori,  j'eus  l'occasion  de  trouver  cette  graine  utilisée 
par  les  Mongos,  qui  en  faisaient  des  pains  appelés 
<c  agakao  >). 

Le  commandant  Roget,  dans  ^Arou^vimi-Ouèllé,  vit 
souvent  des  soldats  utiliser  ces  grosses  fèves  brunes;  ils 
recherchaient  celles  que  contient  souvent  la  bouse  d'élé- 
phant, ces  graines  ayant  traversé  tout  le  tube  digestif, 
l'estomac  et  l'intestin  du  pachyderme  sans  v  subir  d'autre 
altération  qu'une  sorte  de  macération  analogue  à  celle 
que  doivent  leur  faire  subir  ceux  (|ui  les  utilisent  pour 
leur  alimentation. 

Au     camp     de     l'Equateur,     nous     recevions     des 


65  — 


contingents  descendant  du  Haut-Oubanghi  etde  l'Ouèllé, 
dont  beaucoup  employaient  des  fèves  owala. 

Les   indigènes   de    Manoh   et  de   Sulimah    (rivière 
Gallinas)  mangent  la  graine   fraîche,  dont  ils  sont  très 


friands,  après  l'avoir  torréfiée  en  la  faisant  cuire  à  l'état 
naturel  dans  une  marmite  avec  feu  dessus  et  dessous. 
Nulle  part,  dit  le  docteur  Heckel  (directeur  de  l'Institut 
colonial  de  Marseille)  les  nègres  n'en  extraient  le  corps 
gras  qui  est  cependant  solide  comme  le  beurre  de  karité 
dont  ils  se  servent  pour  tous  les  apprêts  culinaires.  Mais 
ils  emploient  le  bois  de  l'arbre  producteur  de  la  graisse  : 
ils  en  construisent  des  pirogues. 

Au  Congo,  comme  au  Gabon,  comme  dans  les 
rivières  du  Sud  (Sénégambie),  l'arbre  ne  vient  pas  en 
forêt;  les  pieds  sont  isolés;  c'est  à  peine  si  l'on  en  trouve 


—  66 


quelques-uns  groupés,  mais  toujours  en  petit  nombre.  Ils 
recherchent  les  terrains  secs. 

Le  docteur  Heckel  donne  la  composition  chimique 
de  la  partie  de  la  graine  qui  est  gorgée  de  graisse  : 

Corps  gras,  jaune  pâle,  fusible  à  2408 25,i8o 

Sucre  et  tanin 4,862 

Corps  gras  et  gliadine 2,oo5 

Matières  albuminoïdes 3o,5oo 

Cellulose 15,043 

Sels 2,410 

Cette  analyse  nous  révèle  la  présence  d'une  quantité 
considérable  de  matières  azotées,  telle  qu'on  n'en  retrouve 
l'équivalent  dans  aucune  des  grandes  alimentations 
usuelles  (pois,  lentilles,  haricots,  fèves),  sauf  le  soja 
hispida  et  les  féverolles. 

C'est  dire  que  le  tourteau  résultant  de  la  pression  de 
cette  graine,  après  extraction  du  corps  gras,  constituera  un 
engrais  de  haute  valeur  et,  môme  mieux,  un  excellent 
aliment  pour  les  bestiaux.  Le  corps  gras  mérite  une 
attention  spéciale;  il  est  demi-solide  jusqu'à  la  tempéra- 
ture de  24°  et  ses  acides  gras  solides  ne  fondent  qu'à  58°. 
On  sait  que  l'industrie  des  bougies  stéariques  recherche 
activement  de  nouveaux  acides  gras,  d'origine  végétale, 
dont  le  point  de  fusion  serait  le  plus  élevé  possible,  et  les 
graisses  végétales  qui  donnent  la  plus  grande  quantité 
d'acides  gras.  Ces  deux  qualités  se  trouvent  réunies  dans 
la  graine  d'owala. 

Le  pentaclethra  existe  àprofusion  dans  tout  le  Congo. 
L'Angleterre  en  reçoit  de  San-Thomé  qui  en  produit 
abondamment. 


-  67 


4^^  L'  «  Irvingia  Gabonensis  )>  {Oba  du  Gabon). 

D'après  Heckel,  sur  les  renseignements  du  voyageur 
Foncière,  l'Irvingia  Gabonensis  se  trouve  dans  les  forêts 
du  Gabon,  où,  de  ses  25  à  3o  mètres  de  haut  il  domine  la 
brousse;  dans  les  bassins  de  l'Ogooué;  dans  la  vallée  du 
Xiari-Kwilou  disséminé  dans  la  forêt  du  Mayombé,  dans 
la  vallée  du  Djoué,  affluent  de  droite  du  Congo,  qui  coule 
non  loin  de  Brazzaville.  Dans  l'Oubanghi  on  le  trouve 
depuis  le  confluent  de  cette  rivière  jusqu'à4^'3o'  de  latitude 
nord,  au  pied  des  rapides  de  Zongo. 

La  graine  de  l'Irvingia  est  l'une  des  matières  pre- 
mières les  plus  importantes  et  les  plus  méconnues  de 
l'Afrique  tropicale.  Elle  se  perd  actuellement  à  peu  près 
sans  profit,  dans  l'immensité  des  épaisses  forêts  silen- 
cieuses du  Gabon  et  du  Congo,  alors  qu'une  des  pre- 
mières places  dans  l'alimentation  et  dans  l'industrie 
européennes  devrait  depuis  longtemps  lui  être  réser\"ée. 

L'Iningia,  dit  le  docteur  Heckel,  est  un  bel  arbre 
ayant  l'aspect  de  notre  chêne  ;  le  fruit  est  une  drupe  verte, 
de  la  grosseur  d'un  œuf  de  C3'gne,  recouverte  d'une  pulpe 
à  saveur  térébinthacée  très  accusée,  qui  a  valu  à  l'arbre 
le  nom  de  mansro  sauvag[;e. 

Dans  l'intérieur  du  fruit  se  trouve,  au-dessous  d'une 
enveloppe  dure,  une  grosse  graine  ayant  la  forme  de 
notre  amande  et  de  goût  agréable.  C'est  cette  graine 
qui  sert  à  préparer  le  pain  O'  Dika  des  indigènes  du 
Gabon  et  qui  contient  une  graisse  solide  appelée  beurre 
de  Dika. 

Voici  comment  on  prépare  le  pain  O'  Dika.  On  brise 
les  no\-aux,  les  graines  sont  broyées  dans  un  mortier, 
puis  jetées  dans  une  marmite  préalablement  garnie  à 
l'intérieur  de  feuilles  de  bananier.  Sous  l'influence  d'un 
feu  lent  et  doux,  la  fusiun  du  corps  gras  se  produit,  puis 


68  — 


la  substance  refroidie  se  prend  en  une  masse  assez  ana- 
logue au  nougat  rouge,  tachetée  de  brun  et  de  blanc.  Elle 
est  d'un  gris  brun,  onctueuse  au  toucher,  d'odeur  inter- 
médiaire entre  le  cacao  torréfié  et  l'amande  grillée;  sa 
saveur  est  agréable,  légèrement  amère,  comme  la  graine 
fraîche,  d'une  astringence  analogue  à  celle  du  cacao.  Ce 
rapprochement  est  frappant,  toutefois  ce  produit  ne  pos- 
sède pas  l'arôme  agréable  du  cacao  ;  il  n'en  a  p)as  non  plus 
la  composition  chimique.  O'  Rorke,  premier  auteur  d'une 
étude  sur  ce  produit,  avait  été  conduit  à  en  façonner  une 
espèce  de  chocolat  (qu'il  nommait  chocolat  des  pauvres) 
en  y  joignant  du  sucre  et  des  aromates. 

Au  Gabon  les  indigènes  mêlent  les  graines  d'owalaet 
d'oba  dans  la  fabrication  du  pain  O'  Dika,  dont  les  pro- 
priétés nutritives  se  trouvent  ainsi  augmentées  de  toute  la 
richesse  de  l'owala  en  matières  albuminoïdes(3o  1/2  p. c). 

Les  pains  O'  Dika  pèsent  i5  à  16  kilos  et  valent 
16  francs  environ.  L'O'  Dika  s'associe  à  différents  mets, 
notamment  aux  bananes  cuites.  Il  était  d'un  réel  intérêt 
de  connaître  à  quel  point  ce  produit  est  nutritif. 

Voici  les  résultats  de  l'analyse  faite  par  le  professeur 
Schlagdenhauffen,  de  Nancy  : 

Corps  gras  (acides  laurique  et  myristique)  .     .     .  72,i5o 

Glucose,  tanin  et  matières  amères 2,400 

Résine o,55o 

Matières  gommeuses 0,623 

Cendres 0,257 

Matières  albuniinoïdes 10,857 

Cendres 3,737 

Ligneux  et  cellulose  (dittérence) 9,425 

Total.     .     .      100,000 
En  résumé  le  pain  O'  Dika  est  un  aliment  complet 


I 


-  69 


dont  les  quatre  cinquièmes  sont  constitués  par  des  corps 
gras;  le  cinquième  restant  donne  lo  p.  c.  de  matières 
albuminoïdes,  une  petite  quantité  de  sucre  et  autres  élé- 
ments qu'on  retrouve,  en  général,  dans  les  graines  ali- 
mentaires. C'est  une  matière  nutritive  éminemment 
appréciable. 

Le  corps  gras  de  l'O'  Dika  est  fusible  à  40°.  Quels 
usages  peut-il  recevoir? 

D'après  les  expériences  faites  sur  les  indications  de 
AI.  Heckel,  dans  la  grande  stéarinerie  de  ]\IM.  Fournier 
frères,  à  ^Marseille,  il  ne  rendrait  aucun  service  à  la  fabri- 
cation des  bougies,  mais  ce  serait  une  huile  concrète  de 
première  valeur  pour  la  savonnerie.  Les  expériences  du 
professeur  Leconte  l'établissent  sans  conteste. 

D'autre  part,  ce  corps  gras  peut  remplacer  avanta- 
geusement, en  raison  de  son  prix  de  revient  plus  bas  et  de 
son  degré  de  fusion  un  peu  plus  élevé,  le  beurre  de  cacao 
dans  la  préparation  des  pommades,  cérats,  cold  creams, 
et  surtout  des  suppositoires  et  glycérocones,  aujourd'hui 
si  employés  en  pharmacie. 

L'Irvingia  Gabonensis  existe  en  quantité  dans 
le  Haut-Conîjo. 


5°  Le  K  Sésame  ». 

Est  suffisamment  connu  pour  qu'il  nous 
suffise  de  le  signaler.  On  sait  qu'au  Congo 
le  sésame  est  surtout  cultivé  dans  la  région 
des  graines,  c'est-à-dire  dans   le  Nord  et  dans 
l'Est. 

Grâce   au   capitaine  Chaltin,  nous    avons 
pu  l'introduire  aussi  à  l'Equateur. 


>> 


70 


L'huile  de  sésame  est  très  prisée  pour  la  cuisine  par 
les  Arabes  et  les  Hindous  de  Zanzibar. 


6°  Le   ((  Ricin  ». 

Le  ricin  au  Congo  est  indigène  et  l'on  a  à  distinguer 
le  ricin  à  gros  grains  et  le  ricin  à  petits  grains. 

A  l'Equateur,  le  ricin  pousse  merveilleusement  et 
devient  arborescent. 

Ce  produit  demeure  actuellement  sans  emploi  chez 
l'indigène,  tandis  que  vers  les  grands  lacs  et  au  nord  de 
rOubanghi,  les  populations  savent  très  bien  en  extraire 
une  huile  de  toilette. 

On  connaît  son  usage  en  médecine;  de  plus,  l'huile 
de  ricin  est  employée  dans  la  parfumerie  et  un  peu  dans 
la  teinture. 


7°  Le  (c  Pignon  tVIiidc  •>•>. 

On  appelle  ainsi  la  fève  du  «  Médicinier  Cathartique  » 
((c  Jatropa  Ciircas  »,  «  Pourguère  »  ou  «  Noix  des  Bar- 
bades  »),  croissant  partout  à  l'état  sauvage. 

Le  pignon  d'Inde  fournit  une  huile  médicinale 
analogue  à  l'huile  de  crotone. 

Dans  la  région  des  Cataractes,  les  indigènes  appel- 
lent ces  fèves  «  poidoiika  »  et  s'en  servent  pour  s'éclairer; 
à  cet  effet,  il  les  enfilent  sur  de  longues  et  minces 
baguettes,  allument  la  première,  et  la  flamme  passe  lente- 
ment de  l'une  à  l'autre. 

Les  Yorouba  du  Bas-Xiger  s'en  servent  de  façon 
analogue  pour  éclairer  les  caravanes  marchant  la  nuit. 


I 


—  71 


A  Lagos  et  dans  toute  la  région  côtière  avoisinante, 
le  pignon  d'Inde  sert  à  confectionner  de  grandes  quantités 
de  savon. 

D'après  Moloney  [Forcstry  of  West  Africa),  environ 
35o,ooo  «  bushels  »  (120,000  hectolitres)  de  pignons 
d'Inde  sont  exportés  annuellement  des  îles  du  Cap- Vert 
en  Portugal,  et  de  ce  dernier  pays  ces  fèves  sont  en 
grande  quantité  envoyées  en  France,  —  Marseille  étant 
marché  principal,  —  pour  être  employées  à  la  fabrication 
de  savon  et  de  bougies. 


8°  L'   «  Arachide  ». 

L'arachide,  ou  pis- 
tache de  terre,  est  une 
plante  annuelle,  de   3o  à 
40    centimètres    de    hau- 
teur, velue  et  touffue.  Elle 
présente  cette  particula- 
rité  si   curieuse  qu'après 
la    floraison  à  l'air  libre, 
les  pédoncules  des  ovaires 
s'allongent  de  manière  à 
permettre  aux  ovaires  de 
se    terrer,    de    sorte    que 
l'arachide    se    développe  dans  le 
sol  ;  elle  donne  des  cosses  longues 
de  3   à  5    centimètres,    à  surface 
gaufrée,  renfermant  généralement 
deux  amandes,  parfois  une,  rare- 
ment trois. 


—  72  — 


Quand  les  cosses  sont  mûres,  on  arrache  les  pieds 
d'arachide  qu'on  laisse  sécher  au  soleil,  puis  on  sépare  les 
cosses  des  feuilles  et  des  tiges. 

Le  rendement  de  l'arachide  varie  de  3o  à  35  pour  i. 

D'après  les  expériences  du  lieutenant  Richard,  au 
camp  de  Kinchassa,  «  un  hectare  d'arachides  donne  de 
80  à  I GO  hectolitres  de  graines  ». 

La  tonne  d'arachides  vaut  à  Marseille  3oo  francs  en 
moyenne. 

L'arachide  est  une  des  plantes  dont,  au  Congo,  on 
tire  les  partis  les  plus  variés.  La  plante  entière  constitue 
un  excellent  fourrage,  très  nutritif;  l'amande  mûre  se 
mange  crue,  bouillie,  grillée  et  rappelle  la  noisette;  on 
l'utilise  en  place  de  marrons  pour  farcer  la  volaille  ;  on  en 
fait  du  nougat;  grillée  et  pulvérisée,  elle  tient  lieu  de 
café  ;  elle  donne  surtout  une  huile  excellente  (46  à  5o  p.  c), 
ressemblant  beaucoup  à  l'huile  d'olives. 

Dans  les  régions  à  saison  sèche  du  Congo-Moyen,  les 
indigènes  conservent  les  arachides  séchées  dans  de  grands 
sacs  coniques  faits  de  branches  de  palmier  et  suspendus 
aux  arbres  du  village,  pour  les  soustraire  aux  fourmis  et 
aux  rongeurs. 

Nous  venons  de  dire  que  l'huile  d'arachides  a  beau- 
coup d'analogie  avec  l'huile  d'olives;  aussi,  dans  le 
commerce,  est-elle  souvent  fournie  comme  telle,  et  l'huile 
dont  nous  assaisonnons  nos  salades  en  Belgique  est 
presque  toujours  de  l'huile  d'arachides.  Elle  convient 
aussi  très  bien  pour  l'éclairage  et  est  très  employée  pour 
la  fabrication  des  savons,  ainsi  que  pour  diverses  prépara- 
tions pharmaceutiques.  Tout  récemment,  on  l'a  proposée 
pour  la  confection  du  beurre  à  la  margarine;  la  fraude 
s'en  sert  pour  le  chocolat. 

Enfin,    le  tourteau    d'arachides,   c'est-à-dire    ce  qui 


73 


reste  après  l'extraction  de  l'huile,  constitue  un  excellent 
engrais  et  un  fort  bon  aliment  pour  les  bestiaux  ;  ces 
tourteaux  sont  parfois  réduits  en  farine  ;  la  teneur  de  cet 
aliment  serait  de  4S  p.  c.  de  matières  albuminoïdes  et  de 
8  p.  c.  de  matières  grasses. 

Il  y  aune  quinzaine  d'années,  le  principal  centre  de 
production  était  l'Inde  Anglaise. 

Aujourd'hui,  la  côte  occidentale  d'Afrique  envoie 
sur  les  marchés  d'Europe,  principalement  à  Marseille, 
des  quantités  d'arachides  augmentant  chaque  année,  et, 
à  ce  propos,  nous  citerons  un  exemple  frappant  et  indis- 
cutable de  ce  que  peuvent  produire  les  chemins  de  fer  de 
colonisation  :  je  veux  parler  du  développement  du  Cayor 
depuis  qu'on  a  construit  le  chemin  de  fer  de  Dakar  à 
Saint-Louis  du  Sénégal  ;  la  région  du  Cayor,  en  partie 
inculte  jusqu'à  cette  époque,  s'est  trouvée  mise  en  culture 
comme  par  enchantement,  et,  chaque  année,  au  moment 
de  la  récolte,  la  compagnie  du  chemin  de  fer  est  obligée 
de  déplover  une  activité  extraordinaire  pour  transporter 
à  Dakar,  et  surtout  à  Runsque,  les  envois  d'arachides  que 
toutes  les  stations  de  la  ligne,  sans  exception,  reçoivent 
des  cultivateurs  de  la  réorion. 

En  1887.  la  production  du  Sénégal  en  arachides  a 
été  d'environ  70,000  tonnes,  et  cette  production  s'accroit 
sans  cesse. 

Il  V  a  là  un  mouvement  d'affaires  de  25, 000, 000  de 
francs. 

Il  me  semble  certain  qu'avec  l'avancement  des 
travaux  du  chemin  de  fer  de  Matadi  à  Léopoldville,  la 
région  des  cataractes  de  l'Etat  Indépendant  du  Congo 
suivra  l'exemple  du  Cavor.  Et  le  chemin  de  fer  achevé, 
tout  le  Haut-Congo  pourra  aussi  évacuer  vers  l'Europe 
la  noix  de  terre  qui  pousse  partout.    . 


—  74  — 


En  1893,  il  est  entré  en  Belgique  10,972  tonnes 
d'arachides,  totalement  employées  par  nos  industriels; 
dans  ce  chiffre,  les  Indes  Anglaises  entraient  pour 
9,236  tonnes. 


A  côté  de  tous  ces  produits  huileux  exhibés  à  la 
section  congolaise,  existent  en  grand  nombre  d'autres 
essences  à  fruits  également  huileux.  Cent  fois  j'ai 
ramassé,  soit  en  forêt,  soit  dans  les  îles,  des  fruits  tantôt 
petits  et  rouges  comme  des  cerises,  tantôt  jaunes  et  gros 
comme  des  poires  bien  mûres,  et  dont  l'intérieur  était  une 
amande  bien  blanche,  éminemment  huileuse. 

Je  ne  connais  que  de  nom  le  N'javè  et  le  Nounegou 
des  Pahouins  et  peut-être  les  ai-je  foulés  aux  pieds  bien 
des  fois,  ainsi  que  d'autres  richesses  encore  inconnues 
de  la  forêt. 

En  1893,  il  est  entré  en  Belgique  242,000  tonnes  de 
graines  oléagineuses  autres  que  coconots,  sésame, 
arachides,  etc.  Presque  tout  a  été  usiné  en  Belgique;  ces 
graines  venaient  de  et  par  l'Allemagne,  l'Angleterre,  le 
Brésil,  les  Etats-Unis  d'Américiue,  la  France,  Hambourg, 
les  Indes  Anglaises,  les  Pays-Bas,  la  République  Argen- 
tine, l'Uruguay,  etc. 


Le  u   Tabac  >'. 

Existe  partout  à  l'état  de  culture.  Il  paraît  y  en  avoir 
deux  espèces,  car  je  recueillis  au  lac  N'toumba  des 
feuilles  longues  de  85  centimètres,  larges  de  46,  à  surface 
poilue  et  tourmentée,  et  des  feuilles  de  môme  longueur, 
mais  larges  seulement  de  25  centimètres,  lisses  et  douces 
comme  1^  feuille  de  Manille, 


75 


D'après  Dybowski,  les  deux  tabacs  du  Congo  seraient 
le  ((  Tabac  de  Virginie  »  et  le  «  Tabac  Rustique  »  [Nicotiana 
Rnstica). 

Les  noirs  du  Congo  ont  de  multiples  façons  de  pré- 
parer le  tabac  et  l'exhibition  est  ici  très  complète. 

Les  uns  laissent  le  tabac  tel  quel,  et  le  réunissent 
pour  la  vente  par  cinq  ou  six  feuilles,  —  d'autres  conser- 
vent les  feuilles  à  plat  dans  de  grands  paniers  faits  de 
feuilles  de  palmier  (région  des  Cataractes,  lac  N'toumba), 
—  beaucoup  font  avec  les  feuilles  humides  et  enroulées 
des  tresses  souvent  toutes  noires  (Manyanga,  Kwango),  — 
dans  le  Kassaï,  le  tabac,  mis  à  sécher  quel- 
ques heures  sur  des  claies  au-dessus  d'un  feu 
de  braise,  est  pilé  dans  des  mortiers  et 
malaxé  avec  de  l'huile  de  palme,  de  manière 
à  ce  qu'on  en  puisse  former  des  pains  coniques 
qu'on  enveloppe  dans  des  feuilles  sèches  et 
qui  se  conservent  au  moins  un  an  avant  d'être 
mis  en  usage  ;  on  racle  ces  pains  au  couteau 
pour  obtenir   de   quoi  bourrer   sa  pipe. 

Un    procédé    analogue    est    signalé   par 
Dybowski  chez  les   Langouassis,  au  nord  de 
rOubanghi    :   on  y  fait  tremper  les  feuilles 
de  tabac  dans  l'eau,   puis  on   les   met  en 
masse  pour   qu'elles  fermentent,    et   enfin, 
réduites  en   pâte,  on   en   moule    la    masse 
dans  un  vase  en  terre.  Lorsque  cette  pâte  est  sèche,  elle 
ressemble  assez  à  de  la  bouse  d'éléphant. 

On  casse  cela  par  petits  morceaux  pour  en  bourrer 
la  pipe,  et  la  fumée  qui  en  provient  est  acre  et  nau- 
séabonde. 

L'un  des  meilleurs  tabacs  du  Congo  est  le  tabac  dit 
de  Loukoléla, 


76 


Règle  générale,  le  tabac  au  Congo  est  séché  lente- 
ment selon  nos  méthodes,  mais  comme  on  ne  le  fait  pas 
fermenter,  il  acquiert  une  saveur  qui  nous  est  désagréable  ; 
le  tabac  de  Loukouléla  fait  exception. 

Ce  tabac  provient  en  réalité  de  l'Ali  ma,  rivière 
française;  il  est  mis  en  vente  sous  forme  d'une  véritable 
saucisse    enroulée   sur    elle-même  ;    les    feuilles  tordues 


Mh- 


Kiiyaj-noiiJfi 


77 


ensemble  sont  fortement  comprimées  clans  un  lacis 
fait  d'une  peau  souple  de  liane;  puis  le  tout 
est  roulé  en  forme  de  saucisse,  traversée  par 
deux  croisillons  en  bambou. 

Ce  procédé,  qui  comprime  le  tabac  dans 
une  véritable  enveloppe,    le   fait  fermenter  et 
lui    communique    la   saveur    de    nos   tabacs    de 
Belgique. 

Aussi  ce  tabac  est-il  très  recherché  des  Européens 
qui  se  le  procurent  surtout  à  Loukoléla,  agglomération 
de  l'Etat  dont  les  habitants  vont  dans  l'Alima  acheter  le 
tabac  en  rouleaux;  certains  de  ces  rouleaux  sont  épais 
comme  le  poignet  et  ont  un  mètre  de  diamètre. 

Au  lac  N'toumba,  les  indigènes  font  aussi  des  enrou- 
lements de  tabac,  en  forme  de  longs 
'^j)^-'2:::t^,,_^         cigares,    protégés    par    des    feuilles 
'^fj^Jl^^^^"""**^         sèches  ;    mais    comme    le  tabac  est 
séché   depuis   longtemps    avant    d'être 
ainsi  préparé,  il  n'acquiert  pas  la  saveur  de  l'Alima. 

Les  N'gombès  du  Lopori  fument  un  tabac  que  nous 
avions  qualifié  du  nom  de  tabac-foin  :  les  feuilles  vertes, 
aussitôt  cueillies,  sont  mises  à  sécher,  comme  dans  le 
Kassaï,  sur  des  claies  au-dessus  d'un  feu  de  braise;  le 
séchage  dure  une  demi-journée  et  se  fait  en  plein  soleil; 
les  feuilles  se  recroquevillent  ;  le  noir  les  roule  entre 
ses  mains  de  manière  à  en  faire  une  espèce  de  julienne 
qu'il  conserve  en  paquets  dans  des  feuilles  sèches.  C'est 
détestable  mais  on  finit,  quand  on  n'a  plus  rien  d'autre, 
par  le  fumer  avec  frénésie. 

Dans  nos  stations,  de  nombreux  essais  ont  été  faits 
et  ont  donné  de  très  bons  résultats,  ainsi  qu'en  témoignent 
les  échantillons  de  Richemond,  de  Maryland,  de  tabac 
turc  recueillis  au  Congo  et  exposés  à  Anvers. 


-  78 


Je  me  souviens  d'avoir  fumé  à  l'Equateur  des  cigares 
confectionnés  avec  du  tabac  Manille  dont  les  semences 
avaient  été  apportées  par  le  lieutenant  Julien  et  qui  avait 
poussé  vigoureusement. 

Les  tabacs  de  Bornéo  et  de  Sumatra  ont  aussi  donné 
de  bons  résultats. 


A  propos  du  tabac,  je  crois  bon  de  raconter  ce  qu'il 
advint  d'un  «  spécialiste  »,  ancien  planteur  de  Bornéo  et 
de  Sumatra,  venu  dans  le  Haut-Congo  afin  d'étudier  la 
possibilité  d'établir  de  grands  champs  de  tabac.  Le 
gouvernement  de  l'Etat,  toujours  bienveillant  à  l'égard 
dételles  tentatives,  et  ne  pouvant  deviner  à  qui  il  avait 
réellement  affaire,  nous  avait  adressé  des  instructions 
nous  prescrivant  de  fournir  à  cet  ancien  planteur  le  loge- 
ment, la  table,  des  outils,  des  locaux,  des  travailleurs, 
des  terrains,  et  un  agent  de  la  station  devait  l'aider  à 
surveiller  ses  pépinières  et  ses  parcs  d'essai  s'il  venait  à 
s'absenter. 

Le  monsieur  arriva,  pestant  et  jurant  contre  le  trajet 
de  Léopoldville  à  l'Equateur,  trajet  qu'il  avait  dû  faire  à 
bord  d'une  petite  chaloupe  à  vapeur,  dont  le  confort 
n'atteint  pas  toujours  celui  des  transatlantiques. 

Nous  fîmes  de  notre  mieux  pour  recevoir  dignement 
l'ancien  planteur,  qui  débuta  par  l'achat  de  lances  et  de 
boucliers  à  tout  prix  et  occupa  ses  premiers  jours  à  la 
chasse  aux  papillons. 

Enfin,  il  exhiba  deux  grosses  bouteilles,  pleines 
l'une  de  semences  de  tabac  de  Bornéo,  l'autre  de 
Sumatra  :  «  \"oici,  nous  dit-il,  de  quoi  ensemencer 
l'Afrique  entière  !   » 


79 


Et  nous  nous  rendîmes  dans  les  jardins,  où  il  eut 
bientôt  fait  de  choisir  un  carré  de  terrain  grand  comme 
une  demi-pièce  de  mouchoirs. 

Alors,  me  priant  de  tendre  les  mains,  il  voulait 
absolument  me  verser  dans  l'une  son  Bornéo,  dans 
l'autre  son  Sumatra,  afin  que,  par-dessus  tout  ce  que  je 
devais  déjà  lui  fournir,  j'eusse  encore  le  plaisir  de  semer 
le  parc  moi-même. 

«  Cher  monsieur,  lui  dis-je  aussi  poliment  que 
possible,  cher  monsieur  le  directeur  technique,  je  dois 
vous  fournir  le  gîte,  la  table,  les  hommes,  les  outils,  les 
locaux  et  les  terrains  ;  si,  après  cela,  je  dois  encore  semer 
et  récolter  moi-même,  il  ne  vous  restera  plus  guère  qu'à 
fumer  le  Bornéo  et  le  Sumatra  du  Congo;  moi,  je 
cracherai  !   » 

Inutile  de  dire  que  le  brave  homme  s'empressa  de 
reprendre  le  premier  bateau  en  destination  de  Léopold- 
ville.  Il  avait  bien  séjourné  en  tout  5  à  6  mois  au  Congo, 
mais  si  on  l'avait  cru,  du  diable  si  on  ne  se  serait 
empressé  tous  de  déguerpir. 


On  est  parfaitement  convaincu  que  tout  nouvel 
Européen  ne  commence  à  rendre  des  services  sérieux  au 
Congo  qu'après  une  période  d'acclimatement  et  d'acquisi- 
tion d'expérience  qu'il  n'est  pas  exagéré  d'évaluer  à  une 
bonne  année. 

Il  est  bien  clair  que,  si  savant  que  l'on  soit  en 
Europe,  ce  n'est  pas  par  des  vo3^ages  de  quelques  mois  en 
Afrique  que  l'on  peut  étudier  ce  pays  en  connaissance  de 
cause. 

D'abord    on    n'en    voit    qu'une    très    faible    partie, 


8o  — 


généralement  la  moins  belle,  ensuite  on  est  trop  tenu  par 
les  inconvénients  d'une  nouvelle  existence. 

C'est  pourquoi  les  courts  voyages  scientifiques  faits 
jusqu'ici  pardeshommeséminentsauxquels,  bicnentendu, 
nous  rendons  justice  entière,  ne  sauraient  avoir  donné  les 
résultats  considérables  qu'on  doit  demander  à  une  expé- 
dition scientifique  complète,  faite  par  des  hommes  ayant 
vécu  la  vie  noire  au  moins  trois  ans,  et  s'en  allant  pour 
quatre,  cinq  ou  six  ans,  autant  qu'il  le  faudra  pour  avoir 
vu  longuement  et  patiemment,  et  non  par  les  yeux  de  la 
fièvre. 


Quant  au  tabac  du  Congo,  que  j'ai  l'air  d'oublier, 
voici  comment  quelques  échantillons  ont  été  appréciés  en 
Belgique  : 

«  Les  tabacs  du  Congo  sont  appelés  à  un  grand 
succès  non  seulement  pour  la  coupe,  mais  aussi  pour  la 
fabrication  des  cigares. 

))  Les  feuilles  sont  très  souples. 

»  Les  cigares  fabriqués  avec  ces  tabacs  ne  laissent 
rien  à  désirer  au  point  de  vue  de  la  qualité  et  de  la  com- 
bustion. 

»  Les  tabacs  du  Haut-Congo  sont  supérieurs  en  qua- 
lité à  ceux  du  Bas.   »  {Le  Fumeur,  n»  lOC).  D.  ^^ARITZ.) 

On  commence  à  vendre  à  Bruxelles  des  cigares  à  lo, 
i5  et  20  centimes,  fabriqués  avec  du  tabac  de  Loukoléla  ; 
c'est  M.  De  Buck,  le  fabricant  bien  connu  qui  a  pris 
l'intelligente  initiative  de  commencer  à  lancer  un  produit 
qui,  avec  un  peu  de  vogue,  pourrait  prendre  un  essor 
remarquable. 


A  ce  propos,  sait-on  les  chiffres  de  tabacs  et  cigares 
entrés  en  Belgique  en  i8g3?  Les  voici  : 

t6,ooo  tonnes  de  tabac,  dont  un  peu  plus  de  la 
moitié  a  été  consommé  par  les  Belges. 

345 tonnes  de  cigares,  dont  g5  1/2  fumés  en  Belgique. 

Au  Congo,  le  tabac  est  l'objet  d'un  grand  commerce 
sur  place. 

On  sait  que  les  troupes  françaises  reçoivent  une  ration 
de  tabac  ;  au  Congo  français  le  tabac  est  acheté  dans  le 
pays  et  les  Sénégalais  en  sont  très  friands. 

La  maison  hollandaise  achète  presque  tout  le  tabac 
de  lAlima  pour  aller  commercer  dans  l'Oubanghi  supé- 
rieur. 

Encore  un  fait  :  près  de  Nyangoué  un  métis  arabe, 
Mounié  Moulenda,  s'était  établi  comme  planteur  de 
tabac;  il  avait  un  personnel  très  nombreux,  occupé  à  ses 
plantations  et  fournissait  le  tabac  nécessaire  aux  gens  de 
Nyangoué  et  de  Kassongo. 

Je  termine  en  redisant  que  le  tabac  existe  sur  tout 
le  territoire  de  l'Etat. 


82    — 


La  <c  Noix  de  Kola  ». 

Existe  en  forêt  et  à  l'état  cultivé  dans  le  Congo-IMari- 
time  et  dans  la  région  des  chutes;  se  trouve  à  l'état  sau- 
vage presque  partout. 

La    noix   de    Kola    est   la  graine     d'un    arbre 
analogue  à  notre  châtaignier,  nommé  Stcrculia  Acu- 
mmata,   atteignant   de  i5  à  20  mètres 
de  haut. 

Il  étend  son  habitat  entre  5"  latitude 

Sud  et    iqo  latitude  Nord;  est  en  plein 

rapport  à  dix  ans  et  peut  donner  jusqu'à 

45  kilos  de  noix  chaque  année.  Le  docteur 

A. -S.   Dumas  signale   des  productions 

annuelles  de  cent  kilos  par  pied. 

A  côté  du  vrai  Kola  femelle  (café  du 
Soudan)  il  faut  se  méfier  du  faux  Kola  (mâle),  guttifère, 
ne  possédant  guère  les  vertus  du  sterculia. 

Les  graines  pèsent  entre  5  et  25  grammes,  les  unes 
d'un  jaune  blanc,  les  autres  d'un  rouge  un  peu  rosé  :  de 
là  la  distinction  entre  les  Kolas  rouges  et  les  Kolas  blancs. 
Les  graines  bien  emballées  peuvent  se  conserver 
fraîches  pendant  25  à  3o  jours.  Les  Wangatas  de  l'Equa- 
teur les  conservent  en  terre  où  elles  germent  sans  pour 
cela  devenir  impropres  à  la  consommation. 

Sur  le  littoral  les  deux  principauxmarchés sont  Corée 
et  les  établissements  de  la  Gambie;  le  prix  des  Kolas  y 
varie  de  225  à  56o  francs  les  100  kilos. 

Le  Kola  est  un  anti-dysentérique  et  un  aphrodisiaque 
puissant;  comme  le  maté  et  le  coca,  il  calme  la  faim  et 
permet  de  supporter  de  grandes  fatigues  ;  la  mastication 
de  la  noix  de  Kola  permet  aux  noirs  de  franchir  jusqu'à 


83 


8o  kilomètres  par  jour,  sous  un  soleil  torride,  en  résis- 
tant à  la  fatigue  et  à  la  soif  (D^  Dumas).  Le  Kola  place 
un  sujet  neuf  dans  les  conditions  d'un  sujet  entraîné  ;  chez 
le  sujet,  entraîné,  elle  surajoute,  comme  le  dit  Parisot, 
son  action  propre  à  celle  de  l'entraînement  lui-même. 

L'emploi  du  Kola  en  médecine  s'étend  journelle- 
ment pour  la  cure  de  l'épuisement,  delà  déséquilibration, 
de  l'affaissement  du  système  nerveux,  des  céphalalgies 
violentes  et  rebelles,  etc.. 

D'une  étude  très  documentée  duD'"  Rançon,  médecin 
de  i'"'^  classe  des  colonies  françaises,  il  résulte  que  le 
Stercidia  Acuminata  n'arriverait  à  maturité  qu'à  partir 
du  8^  degré  de  latitude  Nord;  à  mesure  qu'on  s'avance- 
rait vers  le  Sud  il  deviendrait  de  plus  en  plus  al)ondant. 

Toutefois  il  semblerait  ne  plus  être  cultivé  à  partir 
de  6*'3o'  latitude  Nord. 

Le  Kola  ne  serait  donc  pas  cultivable  au  Soudan 
français,  dit  le  D^  Rançon,  puisqu'il  n'apparaît  qu'aux 
environs  du  ii^  latitude  Nord,  latitude  à  laquelle  il  ne 
produirait  même  plus  de  fruits.  Or,  le  commerce  de 
Kolas  qui  se  fait  au  Soudan  français  est  des  plus  impor- 
tants, et  à  ce  point  de  vue  la  colonie  française  est  absolu- 
ment tributaire  des  colonies  anglaises  de  Sierra-Léone 
et  de  Sainte-Marie  de  Bathurst. 

C'est  parballes  de  25,  5o  et  loo  kilos  que  le  Kola  est 
livré  aux  clients  de  l'intérieur  contre  des  produits  en 
nature  :  arachides,  ivoire,  cire,  caoutchouc... 

Le  D^  Rançon  accumule  les  faits  prouvant  l'impor- 
tance du  commerce,  en  gros  et  en  détail,  des  Kolas  au 
Soudan,  Dans  certains  villages  du  Bambouc,  à  Bakcl,  à 
Kayes,  à  Médine,  à  Bammako,  la  noix  de  Kola  se  paie 
de  lo  à  25  centimes  pièce,  ce  qui  met  le  kilogramme  à  un 
prix  moyen  de  dix  francs. 


-  84 


Nous  ne  saurions  évaluer  en  argent,  dit  toujours  le 
même  auteur,  l'importance  de  ce  commerce,  mais  nous 
pouvons  affirmer  qu'il  est  très  considérable  et  doit  donner 
lieu  à  un  chiffre  important  d'affaires. 

Or,  ce  que  le  D'"  Rançon  dit  du  Soudan  on  peut  le 
dire  de  presque  toute  l'Afrique  :  le  Kola  est  extrêmement 
recherché;  de  temps  immémorial,  les  nègres  africains 
font  le  plus  grand  cas  de  cette  noix  qu'ils  chiquent  avec 
autant  de  frénésie  que  les  Annamites  leur  bétel;  ils  l'uti- 
lisent comme  monnaie  et  selon  sa  couleur  ils  en  tirent  un 
langage  symbolique  :  les  noix  blanches  signifient  paix, 
cordialité,  mariage;  les  noix  rouges,  guerre,  hostilité, 
désunion. 

Dès  lorsle  Kola  deviendra  au  point  de  vue  congolais 
un  article  de  commerce  remarquable  en  Afrique  même, 
et  dans  l'avenir  les  noix  de  Kola  du  Congo  (pays  couvert 
par  l'habitat  de  ce  fruit)  gagneront  toutes  les  provinces 
musulmanes,   non  seulement  le  Soudan  français,  mais 


I 


85  — 


l'Air  des  Touaregs,  le  Tibbou  et  le  Borkoudes  Sénoussis, 
par  le  Bornou  et  le  Tchad,  par  le  Baghirmi  et  le  Wadaï, 
par  le  Darfour  et  le  Darfertit. 


La  (c  Piassava  ». 

Fibre  d'exportation  pour  corderie,  sparterie  et  bros- 
serie. Est  fournie  par  le  palmier  Léopoldina  du  Brésil, 
dit  palmier  du  commerce  et  aussi  Ait  aléa  Fiinifcra  (qui 
porte  des  cordes). 

On  en  fait  rouir  les  feuilles,  ce  qui  amène  la  désagré- 
gation de  la  base  du  pétiole  et  permet  de  dégager  ces 
fibres. 

On  en  faisait  des  cordages  peu  estimés. 

Un  marchand,  il  y  a  quelques  années,  s'en  servit 
pour  protéger  son  navire  contre  les  heurts,  et,  à  la  fin  de 
son  voyage,  abandonna  ces  tampons  sur  les  quais  de 
Liverpool. 

Un  fabricant  de  brosses  les  vit  et  les  acquit  pour 
quelques  sous.  Il  en  fit  des  brosses  et  des  balais  excellents. 

D'après  le  docteur  Briart,  la  chose  remonterait  à 
environ  quarante  ans. 

Les  fibres  données  par  les  raphias  d'Afrique,  dit 
encore  cet  observateur,  sont  plus  souples  et  donnent 
l'imitation  presque  parfaite  du  crin  de  la  queue  de 
l'éléphant. 

L'importation  de  ce  crin  végétal,  sous  forme  de 
ligatures,  de  cordages  souples  un  peu  grossiers,  remonte 
à  quelques  années;  il  provenait  des  îles  du  Pacifique 
(Manille). 

Le  raphia  à  piassava  croit  dans  les  îles  basses,  sur  les 
bords  facilement  inondés  des  grands  fleuves  d'Afrique. 


86 


Le  pétiole  enveloppant  de  la  feuille  se  désagrège  peu 
à  peu  quand  la  feuille  meurt  et  donne  à  la  gaine  une 
enveloppe  épaisse  de  ce  crin. 

La  piassava  du  Bas-Congo  vaut  actuellement  70  cen- 
times environ  le  kilo. 

Il  est  à  remarquer  que  ce  produit,  comme  beaucoup 
que  nous  avons  signalés  jusqu'ici  et  d'autres  que  nous 
allons  citer,  offre  pour  le  transport  l'immense  avantage 
de  n'exiger  aucun  emballage  ;  on  le  met  simplement  en 
bottes  et  il  n'a  cure  de  l'humidité  ni  de  la  chaleur. 

La  piassava  n'est  pas  une  fibre  textile,  mais  ce  genre 
est  aussi  représenté  à  Anvers,  où  nous  voyons  le  coton, 
les  fibres  d'ananas,  de  bananier,  de  bambou  m'poussou, 
de  papyrus,  d'hyphène,  etc 


Le  K  Coton  ». 

Existe  à  l'état  sauvage  et  cultivé  dans   le    Congo- 
Maritime,  la  région  des  Cataractes,  le  Kassaï. 

Signalé  par  Dybowski  dans  les  plaines  du  Chari, 
poussant  sans  soins  au  milieu  des  grandes  herbes.  Il  se 
trouve  dans  des  conditions  qui  sont  tellement  favorables 
à  son  développement,  que  là  même  où  il  n'est  plus 
cultivé,  par  exemple  sur  l'emplacement  d'anciens  vil- 
.>  lagcs,  il  se  multiplie,  s'indigénise  et  produit  de  belles 
capsules  laissant  échapper  à  maturité  des  flocons 
d'une  soie  très  blanche. 

A  été  introduit  dans  la  plupart  de  nos  stations 
avec  un  succès  complet. 

Là  où  il  existe,   l'indigène  sait  très  bien  le  filer 
ot  le  tisser  au  moyen  de  métiers  primitifs. 

Dans  le  Moyen-Congo,  le  fil  de  coton  sert  à  la 


-  87 


confection  de  sacs  à  bibelots  et  aussi  de  sacs  dans 
lesquels  les  mamans  noires  portent  leurs  nourrissons. 

Les  tisserands  noirs  fabriquent  des  bandes  d'étoffe 
de  5  à  lo  centimètres  de  largeur,  d'une  solidité  remar- 
quable. 

Ces  bandes  sont  cousues  les  unes  aux  autres  pour  la 
confection  ;  elles  représentent  des  dessins  obtenus  par  le 
tissage. 


Les  cotonniers  signalés  au  Congo  sont  le  Gossypiiim 
Anomalum  dans  le  Kassaï;  le  cotonnier  herbacé  et  le 
cotonnier  arborescent,  espèce  africaine  qui  croîtrait  spon- 
tanément au  Tanganika. 

Devons-nous  dire  aux  intéressés  combien  il  importe 
à  notre  industrie  nationale  de  pouvoir  s'affranchir  de  la 
tutelle  des  marchés  étrangers? 

Quelle  certitude  d'avenir  pour  l'industrie  cotonnière 
de  Belgique  si  les  lieux  de  production  de  la  matière 
première  étaient  belges  ! 

Il  est  entré  chez  nous,  en  1893,  82,227  tonnes  de 
coton,  venant  surtout  de  et  par  l'Allemagne,  l'Angleterre, 
Brème,  l'Egypte,  les  Etats-Unis  d'Amérique,  la  France, 
les  Indes  Anglaises,  l'Italie,  les  Pays-Bas. 

De  ces  82,227  tonnes  de  coton,  35, 000  environ  ont 
été  usinées  en  Belgique. 


—  &8 


Le  coton  du  Congo  est  l'espèce 
dite  courte-soie  et  de  qualité 
supérieure. 

Les  indigènes  ne  cueillent 

la  coque  qui  contient  la  bourre 

que    lorsque   cette    coque    est 

ouverte  ;    ce    sont    surtout    les 

femmes    et    les   enfants    qui  se 

livrent  à  ce  travail. 

Apres  avoir  étendu  le  coton 
au  soleil,  sur  des  nattes,  pour 
qu'il  devienne  bien  blanc,  on  en  enlève  la  graine, 
puis  on  l'expose  à  nouveau  dans  des  calebasses. 
La  bourre  textile  qui  sert  à  confectionner  des  étofi'es 
n'est  pas  le  seul  produit  du  cotonnier;  les  graines  peu- 
vent, par  compression,  fournir  une  huile  d'excellente 
qualité,  et,  comme  résidu,  des  tourteaux  à  donner  au 
bétail. 

Il  y  a  lieu  d'examiner  s'il  n'}'  aurait  pas  avantage  à 
introduire  au  Congo  les  plants  de  coton  de  Géorgie, 
longue  soie  [Gossypium  Barbadcnsi). 

D'après  Moloney,  cette  espèce  est  cultivée  dans  plu- 
sieurs régions  des  tropiques  africains,  et  elle  produit  le 
meilleur  coton  de  commerce. 

Les  chiffres  que  nous  avons  donnés  plus  haut  doivent 
faire  réfléchir  partisans  et  adversaires  du  Congo. 


■^dM^^ 


-89 


Les  autres  fibres  textiles  (d'ananas,  de  bananes,  de 
papyrus,  d'hibiscus,  etc.)  n'ont  guère  encore  d'emploi  en 
Belgique,  tandis  que  nos  voisins  non 
seulement  recherchent  toutes  leurs 
applications  industrielles,  mais  tâchent 
même  d'introduire  chez  eux  des  plantes 
textiles  nouvelles,  telle  la  ramie  en 
France. 

L'alpha,    le    corossol,    la  jute,    le 
chanvre  indigène,  les  fibres  de  plusieurs 
broméliacées,     d'arbres     tels     que     le 
«  poun<^a  »    du    Congo-Maritime,  etc., 
doivent  attirer  l'attention  de   nos   fila- 
teurs,    cordiers,  fabricants   de   spar- 
terie,  fabricants  de  papier,  etc.,  aux- 
quels  nous   conseillons  vivement  de  ' 
se  livrer  à  de   sérieuses  expériences. 

L'exposition  des  colonies  fran- 
çaises de  l'Afrique,  à  Anvers,  était, 
au  point  de  vue  textile,  des  plus 
complètes  et  des  plus  suggestives. 

+ 

*   ♦ 

Lnportation  de  fibres  végétales 
en  Belgique,  en  i8g3  : 

Chanvre  :  io,oig  tonnes,  dont 
g,oi5  usinées  par  nous. 

Fils  de  lin  ou  d'autres  végétaux  : 
1,176  tonnes,  dont  23/  mises  en 
œuvre  en  Belgique. 

Matières  textiles  brutes  diverses 
(non  compris  l'étoupe,   la  jute,    la 


go 


laine,    le   lin,    la   soie   et   le  coton)   :  4,373  tonnes,  dont 
4,020  utilisées  par  l'industrie  nationale. 

Cordages   :   i,3o8   tonnes,    dont  3gD   employées   par 
nous. 


La  (c  Canne  à  sucre  «. 
La  plante  à  sucre  par  excellence,  cultivée 
à  profusion  sur  tout  le  territoire  de  l'Etat;  en 
certains  points,  la  tige  atteint  5  mètres   de  hau- 
teur; elle  se  reproduit  au  Congo  par  boutures. 

Les   indigènes  mangent  la  canne  à  sucre  telle 
quelle,  après  l'avoir  simplement  pelée;  elle  est  très 
N    rafraîchissante   et  beaucoup  de  tribus  la  préfèrent  à 
l'ananas. 

On   en   confectionne  une  bière  appelée   «  mas- 

sanga  »,  obtenue   en  exprimant  le  jus  au  moyen  de 

pilons  dans  des    troncs   d'arbres  évidés;    après 

fermentation,  on   porte   le   liquide   à   ébul- 

zi^^  lition. 

Tous    les    indigènes  du   Haut- 
Fleuve   et  du  Kassaï  connaissent  le 
<c  massanga  »,  dont  ils  sont  friands 
en  diable. 

A  l'Equateur,  certaines  tribus 
ont  la  spécialité  de  cette  fabrica- 
tion ;   ce  sont  souvent   des  tribus 
agricoles  intérieures,    qui   se  ren- 
dent chez  les  tribus  riveraines  et 
échangent   leurs   produits,   —   dont 
le  ((  massanga  »,  —  contre  du  poisson  ; 
les  jours  où  les  marchands  de  «  massanga  )> 


91 


arrivent,  le  tam-tam  annonce  au  loin  la  bonne  nouvelle 
et  l'on  consacre  parfois  plusieurs  jours  aux  libations 
et  aux  beuveries  accompagnées  de  danses  spéciales  : 
c'est  la  fête  du  «  massanga  »,  qui  se  renouvelle  deux  ou 
trois  fois  par  mois. 

Le  «  massanga  ■>■>  est  très  prisé  des  Européens,  et 
dans  presque  toutes  les  stations  du  Haut-Fleuve  on  en 
fabrique  journellement  pour  la  table  des  blancs. 

Le  docteur  Charbonnier,  du  camp  de  l'Equateur, 
préférait  le  «  massanga  »  au  vin. 

Imitant  le  procédé  de  fabrication  arabe,  beaucoup 
de  chefs  de  station  du  Congo-Central  obtiennent  du  jus 
de  canne  à  sucre  un  sirop  très  utilisable  pour  le  thé,  le 
cacao,  le  riz,  les  desserts,  etc.  A  Loukoungou,  particulière- 
ment, les  missionnaires  américains  là  la  tête  desquels  se 
trouve  le  digne  et  très  aimé  M.  Hoste)  sont  arrivés  à 
obtenir  la  cristallisation  de  ce  sirop  de  canne  à  sucre  : 
un  flacon  de  cet  intéressant  produit  figurait  au  comparti- 
ment d'Anvers. 

Le  rendement  de  la  plante  en  sucre  cristallisable  est 
toujours  supérieur  à  i5  p.  c.  ;  la  betterave  n'arrive  à  ce 
taux  que  dans  les  très  bonnes  années.  Dans  un  avenir 
prochain  nous  verrons  des  sucreries  s'établir  au  Congo, 
et  peut-être  un  jour  en  recevrons-nous  du  rhum,  qui  se 
boira  avec  le  café  Congo,  servi  sur  des  tables  en  bois  de 
rose,  en  acajou  blanc,  en  sénonné  et  accompagné  de 
cigares  de  Loukoléla. 


Le  «  Poivre  de  Malaguette  ». 

Ce  poivre  est  connu  depuis  les  premiers  temps  des 
échanges  entre  l'Europe  et  l'Afrique. 


—    92 


Villault,  sieur  de  Bellefond,  qui,  avec  Atkins, 
Snelgrave,  Smith,  Loyer,  Des  Marchais,  etc.,  est  considéré 
par  l'abbé  Prévost  comme  un  voyageur  paraissant  avoir 
été  plus  jaloux  de  la  qualité  d'observateur  que  de  celle  de 
marchand,  Mllault,  disons-nous,  visita  les  côtes  d'Afrique 
en  1666  et  1667. 

«  La  côte  de  Malaghette  ou  de  Mani- 
guette,  écrit-il,  se  nomme  ainsi  à  cause  du 
poivre  de  Rio-Sestos,  que  les  Français  nom- 
ment ]\Ialaghette. 

))  Les  marchands  de  Dieppe  donnaient  le 
nom  de  Paris  à  la  ville  située  à  l'em- 
bouchure du  Grand  Sestre,  par  la  seule 
raison  que  ce  poivre  y  était  en  abon- 
dance, 

:»  Cette  marchandise ,  dit  encore 
Mllault,  qui  est  la  plus  chère  du  pays, 
rapporte  plus  de  profit  qu'on  ne  se 
l'imagine,  surtout  lorsque  le  retarde- 
ment des  flottes  de  l'Inde  la  rend  plus 
chère.  » 

L'ancienne  Côte   de    Malaguette 
s'appelle  aujourd'hui  Côte  des  Graines 
ou   Côte    du  Poivre.    (République    de 
Libéria.) 

Le  poivre  de  Malaguette  {Aiiiomum 
Mclcgucta)  est  dit  aussi  Graine  de  Paradis, 
et  ce  nom  rappelle  la  faveur  dont  ce  poivre 
a  dû  jouir  anciennement.  Il  est  fourni  par  un  fruit 
charnu,  rouge,  en  fuseau,  renfermant  de  nombreuses 
petites  graines  brunes,  très  aromatiques,  analogues  de 
forme  à  des  pépins  de  raisin. 

La   plante   est  une  sorte   de  jonc   haut  de    i'"5o   à 


I 


93 


2  mètres,  à  longue  feuille  étroite,  croissant  à  l'état  sau- 
vage, et  dont  je  trouvai  surtout  des  quantités  sur  la  rive 
droite  du  Congo  en  face  d'Equateurville. 

La  fleur  mauve  poussant  au  pied  de  la  plante  est  de 
toute  beauté. 

L'indigène  enfile  les  fruits  de  cejonc  sur  des  baguettes 
qu'il  suspend  au  toit  de  sa  hutte  où  ils  se  dessèchent  com- 
plètement ;  les  graines  sont  alors  utilisées  comme  condi- 
ment et  comme  médecine. 

D'après  M.  Dewèvre,  lesEuropéensutiliscnt  la  graine 
de  Paradis  en  médecine,  et  on  en  exporte  de  grandes 
quantités  de  la  côte  de  Guinée  à  destination  de 
l'Angleterre. 

D'après  Moloncy,  la  graine  de  Paradis  est  fort 
employée  en  Grande-Bretagne  et  dans  les  Etats-Unis 
d'Amérique  à  la  préparation  de  médicaments  pour  le 
bétail,  pour  donner  du  piquant  aux  cordiaux,  et  aussi 
pour  donner  une  force  artificielle  aux  alcools,  vins,  bières 
et  vinaigres.  Les  exportations  de  la  Côte  d'Or  et  princi- 
palement de  «  Cape  Coast  Castle  »  et  d'  «  Accra  »  attei- 
gnent annuellement  une  moyenne  de  «  2,000  cwt.  » 
(5o, 000  kilos),  dontlamoitiéà  peu  près  entre  enAngleterre. 

A  propos  de  ce  poivre,  signalons  que  J.  Dybowski, 
dans  La  Route  du  Tchad,  rapporte  avoir  trouvé  en 
abondance  dans  les  environs  de  Bangui  une  espèce  de 
poivre  dont  les  rameaux  s'attachent  après  le  tronc  des 
grands  arbres,  et  qui  semble  très  analogue  au  cubèbe.  Ce 
serait  peut-être,  dit  Dybowski,  une  plante  intéressante 
à  exploiter. 

En  i8g3  je  reçus  du  père  AUaire,  de  la  mission  de 
Liranga,  un  rameau  de  poivrier  desséché  venant,  me 
dit-il,  de  l'Oubanghi;  il  portait  des  grains  extrêmement 
parfumés. 


94 


La  «  Muscade  de  Calabash  » . 

Produite  par  une  anonacée,  le  Monodora  Myristica, 
arbre  de  i5  à  20  mètres  de  haut  croissant  au  Congo.  Son 
fruit  est  une  grosse  baie,  renfermant  un  grand  nombre  de 
graines. 

Propriétés  analogues  à  celles  de  la 
noix  de  muscade.  Saveur  un  peu  plus 
piquante. 


La  ((  Fève  de  Calabar  »  [Physostigma 
Venenosinn). 

Plante  médicinale  dont  le  port  res- 
semble à  celui  du  haricot  et  dont  la 
gousse  atteint  jusqu'à  17  centimètres  de 
longueur. 

Sous  le  nom  de  «  Eséré  »,  le  fruit  est 
employé  comme  poison  d'épreuve  par  les 
naturels  de  «  Vieux-Calabar  ». 

C'est  une  plante  vénéneuse  très  éner- 
gique: les  médecins  européens  l'utilisent 
pour  faire  contracter  la  pupille,  pour 
combattre  le  tétanos  et  guérir  certaines 
névralgies. 

Le  principe  actif  est  un  alcaloïde 
particulier  appelé  «  Physostigmine  •>•>  ou 
«  Esérine  )> . 


I 


95 


L'  (c  Orseillc  ». 

En  certains  points  des  algues  (usnées)  croissent  sur 
les  branches  des  arbres  qui  se  couvrent  d'une  sorte  de 
longs  filaments  d'un  vert  très  clair;  ils  pen- 
dent en  formant  comme  de  longues  stalactites. 
Ces  végétaux  parasites  sont  exploitables  ;  ils 
forment  l'orseille  employée  en  teinturerie  et 
fournissent  des  matières  colorantes  bleues  et 
pourpres.  Il  y  en  a  des  quantités  indéfinies. 

Pendant   le   premier    semestre    1894,  il  en 
a  été  exporté  de  l'Etat  du  Congo  envion  ig  tonnes  valant 
8,5oo  francs  et  passant  presque  au  total  en  transit. 


Le  a  Rocoii  »  (ou  Arnatto). 

Le  rocouyer  [Bixa  Orellana),  bixacée  originaire 
d'Amérique,  est  un  arbuste  à  fleurs  roses  ou  d'un  blanc 
légèrement  teinté  de  rose,  auxquelles  succèdent  des  cap- 
sules renfermant  de  petites  graines  d'un  rouge  pourpre. 

\'oici  le  résultat  d'une  analyse  faite  par  AL  Hardman 
Taylor  d'Anvers  : 

«  Des  graines  d'une  couleur  chamoise  on  obtient  une 
dissolution  rouge  jaunâtre  dans  l'alcool, 

»  Ces  graines  sont  blanches  à  l'intérieur,  la  matière 
colorante  reste  dans  la  coquille.  Elles  sont  très  difficiles 
à  moudre  à  cause  de  leur  dureté. 

»  Il  s'y  trouve  évidemment  une  quantité  suffisante  de 
matière  colorante  pour  pousser  plus  loin  les  essais.  » 


95  - 


A  l'Equateur,  l'indigène  emploie  le  rocou  comme 
fard. 

En  Europe  et  en  Amérique  on  l'emploie  parfois  pour 
teindre  certains  fromages,  colorer  le  beurre,  principale- 
ment le  beurre  falsifié. 

Il  en  a  été  exporté  pendant  le  i^'"  semestre  1894,  ^^^ 
l'Etat  du  Congo,  3g  kilos  valant  45  francs. 


L'  <c  Entada  Gigalobium  »  [Entada  Scandens).  Aveline 
des  Indes  occidentales. 

Immense  IcGjumineuse  atteignant  la  lonejueur  de 
i'"5o  et  renfermant  de  grosses  graines  rondes  de  5  à 
7  centimètres  de  diamètre  et  de  i  centimètre  d'épaisseur. 

La  décoction  de  l'écorce  est  un  bon  astringent;  les 
graines  passent  pour  alexipharmaques,  narcotiques  et 
vomitives. 

Dans  le  liber  et  autour  des  graines  se  trouve  une 
substance  mucilagineuse  et  savonneuse  qui  sert  à  laver 
les  cheveux. 

La  sève  sert  de  boisson  à  Java. 

Les  feuilles  sont  mangées  avec  du  riz. 

Certaines  tribus  sous  les  tropiques  mettent  ces  graines 
à  détremper  dans  l'eau,  puis  les  grillent  et  les  mangent; 
elles  en  font  aussi  des  boites  à  priser,  des  cuillères,  etc. 

La  fibre  de  cette  plante  grimpante  sert  aux  îles 
Ceylan  à  fabriquer  des  cordages, 

L'cntada  gigalobium  est  signalé  jusqu'ici  dans  le 
Congo-Maritime  et  dans  la  forêt  du  Mayombe. 


-  97 


Le  «  Café  Sauvage  » . 

Existe  surtout  vers  le  Nord  de  l'Etat,  dans  la  zone 
arabe  et  au  Kwango. 

La  culture  du  caféier  à  petits  grains  croissant  sur  les 
bords  de  l'Oubanghi,  écrit  Dybowski,  devrait  être  tout 
particulièrement  pratiquée,  car  le  produit  obtenu  trou- 
vera sur  les  marchés  un  prix  de  faveur  à  cause  de  son 
analogie  avec  les  meilleures  qualités,  telles  que  celles 
de  Rio-Nunez  et  de  Moka. 

Le  même  voyageur  dit  aussi  que  l'espèce  à  grande 
feuille  trouvée  par  lui  sur  les  bords  de  la  Kémo,  par  les 
gros  rendements  qu'elle  peut  produire,  pourra  sans  doute, 
elle  aussi,  présenter  un  intérêt  très  réel. 

C'est  probablement  le  café  à  petits  grains  de 
Dybowski  qui  a  été  signalé  dernièrement  dans  les  Sulta- 
nats du  Nord  par  le  lieutenant  Fiévez  Achille,  résident 
chez  Sémio,  et  qui  sur  les  marchés  est  connu  sous  le  nom 
de  petit  moka  du  Soudan. 

Peu  à  peu  on  dégage  de  l'enchevêtrement  des 
productions  du  sol  au  Congo  ces  différentes  richesses, 
les  plus  aisées  à  découvrir  par  les  occupants  actuels  de 
l'Etat,  à  qui  les  connaissances  botaniques  font  défaut  : 
l'emploi  de  la  plupart  des  végétaux,  arbres  ou  plantes, 
de  la  grande  forêt  n'est  pas  encore  bien  défini,  et  par 
suite  l'industrie  européenne  ignore  encore  comment  elle 
pourra  les  utiliser. 

Ce  n'est  ni  en  quelques  mois,  ni  en  quelques  années, 
qu'on  atteindra  ce  résultat,  et  la  patience,  qui  est  la  pre- 
mière règle  des  entreprises  coloniales,  est  ici  de  toute 
nécessité. 


7 


98  - 


Le  pays  est  riche;  il  produit  de  plus  en  plus  et  avec 
un  peu  de  persévérance,  nous  en  pourrons  tirer,  avant 
qu'il  soit  longtemps,  un  parti  considérable  dont  profite- 
ront notre  commerce  et  notre  industrie.  Oui,  la  brousse 
renferme  toujours  des  trésors  auprès  desquels  on  continue 
à  passer  sans  s'en  douter.  J'en  citerai  un  exemple  frap- 
pant : 

Depuis  bientôt  douze  ans,  la  forêt  de  Massamba,  à 
l'ouest  de  la  Loufou,  est  traversée  par  tous  les  Européens 
dépassant  Matadi.  De  plus  en  plus  nombreux  ont  été  les 
blancs  de  tout  métier  qui  ont  foulé  son  sol;  botanistes, 
planteurs,  agronomes,  ont,  pendant  dix  ans,  dégringolé  les 
pentes  de  cette  forêt  bien  connue  :  aucun  n'avait  constaté 
que  le  café  y  poussait  naturellement.  Ce  n'est  qu'au  mois 
de  septembre  i8g3,  donc  l'an  dernier  seulement,  qu'un 
jardinier,  rentrant  de  Loukoungou,  et  ayant  quitté  le 
sentier  des  caravanes  pour  pénétrer  à  quelques  cents 
mètres  dans  la  forêt  de  Massamba,  y  trouva,  à  sa  grande 
surprise,  des  caféiers  sauvages  couverts  de  baies  presque 
mûres.  Des  mesures  ont  été  prises  pour  dégager  ces 
caféiers,  dont  la  fève,  toute  petite,  parait  être  la  même 
que  celle  du  café  sauvage  trouvé  dans  l'Oubanghi  et  dans 
les  Sultanats  du  Xord. 

Cet  exemple  n'est-il  pas  typique? 

Dans  la  zone  de  Kassongo  les  troupes  de  l'Etat  con- 
somment en  grande  quantité  le  café  sauvage. 

L'an  dernier  M.  Lehrman,  commissaire  du  IvAvango, 
fît  connaître  au  Gouvernement  que  son  district  était  à 
même  d'approvisionner  en  café  les  autres  provinces  de 
l'Etat. 

Le  lieutenant  Fiévez  Léon,  à  l'Equateur,  signale  la 
présence  dans  les  iles  de  l'Oubanghi,  entre  son  confluent 
et  Zongo,  d'une  multitude  de  caféiers  en  plein  rapport. 


99 


Le  ((  Bambou  de  Chine  » . 

Existe  dans  le  Katanga  et  au  Nord  de  l'Oubanghi. 
A  été  introduit  par  nous  dans  la  plupart  des  stations  et  y 
pousse  merveilleusement. 


^1 


y   ' 


Dybowski  signale  rexabérance  des  bambous  de 
Chine  ou  plus  exactement  «  Bambous  de  l'Inde  »  vers 
5°  1/2  Nord.  Les  tiges,  écrit-il,  ont  de  i5  à  18  mètres  de 
haut  ;  ce  sont  des  plantes  superbes  ;  les  touffes  ont  6  ou 
8  mètres  de  diamètre  et  les  brins  s'élancent  en  une  gerbe 
haute  et  élégante  et  s'infléchissent  en  des  courbes  gra- 
cieuses. 

En  Afrique,  on  donne  improprement  le  nom  de 
bambous  aux  rachis  d'un  raphia.  Il  serait  bon  d'adopter 
la  terminologie  «  Bambou  du  Congo  «  pour  ces  rachis. 

Le  vrai  bambou  reçoit  en  Europe  des  applications 
pour  ainsi  dire  indéfinies  pour  la  confection  de  milliers 
de  meubles,  de  bibelots,  de  cannes  de  tout  genre,  etc. 
On  en  fait  aussi  des  hampes  de  lances. 

Tous  les  produits  végétaux  que  nous  venons  d'énu- 
mérer  et  qui  ont  été  exposés  à  Anvers,  sont  ou  origi- 
naires du  pays  ou  introduits  dès  longtemps  avant  notre 
arrivée  au  Congo. 

Leur  énumération  descriptive  aurait  à  se  compléter 
des  végétaux  signalés  comme  existant  au  Congo,  mais 
non  représentés  à  Anvers. 

Nous  n'en  donnerons  que  la  nomenclature  rapide  : 

Le  «  Ciibcbe  Africain  »,  qui  pourrait  peut-être  rem- 
placer le  poivre  noir  et  est  utilisé  en  médecine. 

Le  «  Pcntadcsma  Buiyracca->->  à  graine  huileuse. 
Le  <(  Manglicr  »,  dont  l'écorce  peut  servir  au 
'ifc^  tannage;  bois  de  construction. 

^  Le   u  Borassus  Flabclliformis  »,   magnifique 

;«r     '^  palmier   à  tronc  renflé,  dont  le  bois  veiné  de 

rnoir  et  très  solide  est  un  bois  d'ébénistcrie  et 
de  construction,   et  dont  les  feuilles  sont  employées 
à  la  confection  de  mille   bibelots,  parmi   lesquels  les 
éventails  chinois. 


/fW 


I 


Le  «  Palmier-Bambou  »  [Békélenguê  à  l'Equateur). 
Pris  souvent  pour  le  Raphia  Vinifcra,  est  le  plus  beau 
représentant  de  la  famille  raphia  au  Congo. 

Les  nervures  des  feuilles  du  békélenguê  sont  parfois 
grosses  comme  la  jambe,  et  fournissent  pour  les  construc- 
tions des  matériaux  comparables  au  bambou  de  l'Inde; 
ces  rachis  ont  jusqu'à  12  mètres  de  long,  sont  droits, 
réguliers  et  résistants  ;  aussi  sont-ils  très  utilisés  par  les 
noirs  et  par  les  blancs;  l'épiderme  de  ces  nervures  sert  à 
la  confection  de  nasses  énormes,  de  pièges  à  petit  gibier, 
de  paniers  de  toute  sorte,  de  nattes  pour  cloisonner  les 
huttes  ;  —  l'intérieur  fournit  les  petites  flèches  de  3o  à 
35  centimètres  de  long,  souvent  empoisonnées  :  les  atte- 
lets  si  dangereux; —  les  feuilles  donnent  les  meilleurs 
toits  indigènes  connus  dans  le  Haut-Congo  ;  — en  plaçant 
ces  bambous  jointivement  sur  deux  rangées,  l'une  verti- 
cale, l'autre  horizontale,  on  obtient  des  cloisons  propres 
et  suffisantes  pour  des  constructions  provisoires  à  élever 
rapidement. 

Le  «  Palmier  Calamus  »  (Calamus  Secundifloriis)  ou 
«  Rotang  »  :  sorte  de  jonc  épineux  s'accrochant  à  tout  ce 
qu'il  rencontre  ;  toutes  les  rives  en  sont  garnies  ;  la  feuille 
est  semblable  en  petit  à  celle  du  palmier;  le  corps  peut 
remplacer  le  rotang  venant  des  Indes  orientales,  si 
employé  en  vannerie  et  pour  les  chaises  de  jardin,  les 
fauteuils  cannelés  dits  fauteuils  de  Madère,  etc. 

Certains  rotangs  ont  l'épaisseur  du  poignet  et  sont 
longs  de  6  à  8  mètres;  ils  sont  très  résistants  et  très 
souples,  et  pourront  faire,  avec  une  autre  liane  (appelée 
(c  n'godi  »  à  l'Equateur),  l'objet  d'un  commerce  considé- 
rable ;  cette  liane  n'godi  peut  servir  aux  mêmes  usages 
que  les  joncs  dont  on  fait  les  fonds  de  chaises,  et 
surtout  donnera,  à  peu  de  frais,  des  paniers  d'emballage 


I02 


légers    et    résistants    pour    les   expéditions   rapides    de 
fruits,  poisson  frais,  etc. 

Des  fleurs  et  des  plantes  ornementales  dont  l'import 
en  Europe  serait  une  richesse. 

Mon  ignorance  en  Botanique  m'empêche  de  mettre 
des  noms  sur  les  très  nombreuses  fleurs  qui  parent  les 
rives  du  fleuve  et  l'intérieur  des  forêts  ;  à  certaines  époques 
de  l'année,  des  rideaux  de  lianes,  dégringolant  du  haut 
des  Fromagers  et  des  Saucissonniers,  se  couvrent  complè- 
tement de  bouquets  d'un  incarnat  violent;  parfois  des 
kilomètres  entiers  de  rives  fleurissent  et  l'on  ne  voit  plus 
de  verdure  pour  ainsi  dire  :  tout  est  devenu  rose;  en 
d'autres  points,  les  arbres  sont  chargés  de  fleurs  blanches 
dont  je  ne  sais  dire  ni  les  formes,  ni  les  caractères.  Je 
sais  seulement  combien  c'était  beau  ! 

Et  que  d'orchidées  partout,  plus  étranges  souvent 
que  belles,  et  trouvées  dans  des  circonstances  parfois 
curieuses.  Exemple  : 

A  certaines  époques  de  l'année  et  en  certains  points 
du  camp  d'Equateurville,  l'air  se  saturait  d'un  parfum 
violent  d'héliotrope.  On  passait  humant  fortement  ce 
parfum  et  donnant  un  coup  d'a^il  interrogateur  aux 
environs.  Comme  là-bas  on  est  toujours  affairé,  on 
ne  poussait  pas  plus  loin  l'examen  de  ce  parfum 
et  la  recherche  de  ses  causes.  A  la  fin  de  i8g3 
seulement,  mon  attention  fut  attirée  par  une 
jonchée  de  feuilles  mortes  sous  un  arbre  complète- 
ment vert.  J'examine  ces  feuilles  et  je  constate  qu'il 
s'agissait  non  de  feuilles,  mais  de  fleurs  brunes  d'où 
émanait  le  parfum  d'iiéliotrope.  Au-dessus  de  ma 
tête,  la  frondaison  de  l'arbre  d'où  ces  fleurs  tom- 
baient ;  cet  arbre  était  parasite  d'une  «  Anonacée  » 
ayant  poussé  au    flanc    d'une  de    ces  termitières 


—  io3  — 

monstrueuses  de  l'Equateur.  On  eût  dit  qu'au  tronc  de 
l'anonacée  à  larges  feuilles  et  à  gros  fruits  jaunes,  on 
avait  greffé  de  longues  branches  flexibles  à  petites  feuilles 
tendres  et  délicates,  abritant  à  leur  aisselle  des  fleurs  en 
étoile,  teintées  de  brun  et  de  blanc  seulement,  mais  d'un 
dessin  plus  délié,  plus  transparent,  plus  capricieux  que 
l'aile  des  papillons,  et  d'un  parfum  rappelant  l'héliotrope. 

Guidés  par  ce  parfum  très  marqué,  nous  trouvâmes 
immédiatement  de  nombreux  spécimens  de  cette  adorable 
fleur  sauvage  que  nous,  montrâmes  en  vain  à  tous  les 
passagers,  pour  en  connaître  le  nom. 

Je  surveillai  nos  arbres  parasites  pour  voir  si  aux 
milliers  de  fleurs  qui  la  couvraient  allaient  succéder  des 
fruits.  Il  n'en  fut  rien;  toute  la  floraison  se  flétrit  sans 
que  rien  la  remplaçât;  ou  du  moins,  ce  fut  seulement 
deux  mois  après  que  nous  découvrîmes,  en  place  de 
toutes  ces  fleurs,  rien  que  deux  fruits  et  bien  bizarres  :  au 
bout  de  deux  longs  rameaux  flexibles  et  pas  plus  gros  que 
le  doigt,  se  développaient  comme  deux  pommes  à  côtes, 
d'un  vert  sombre  et  velouté.  Pendant  trois  mois  ces  fruits 
étranges  demeurèrent  sans  changement  apparent,  sauf 
qu'ils  noircirent  un  peu;  enfin,  m'étant  décidé  à  en 
cueillir  un,  je  le  trouvai  rempli  d'une  multitude  de  petits 
noyaux  gris-brun,  semblables  à  des  noisettes.  Ces 
noyaux,  secs,  prirent  une  odeur  très  caractérisée  d'angé- 
lique  confite. 

Cette  orchidée  parfumée  serait  ici  une  fleur  de  grand 
luxe  et  de  grand  prix. 

Voici  encore  une  fleur  remarquable,  signalée  par  le 
capitaine  Camp  : 

(c  Étoile  blanche.  Gloire  du  matin.   « 

«  La  fleur  peut  n'être  pas  classée  parmi  les  «  gloires 
du   matin  )i,  mais  certainement  elle  en   a  l'apparence, 


104 


excepté  un  léger  aplatissement  dans  la  forme.  Elle 
présente  cinq  pointes  d'une  belle  couleur  de  velours 
blanc.  Ces  pointes  sont  réunies  par  de  petites  raies  d'une 
couleur  crème  plus  sombre,  avec  de  la  peluche  veloutée. 
C'est  une  très  belle  fleur  mais  qui  n'a  pas  d'odeur 
spéciale.  Elle  croît  dans  un  sol  très  riche,  sa  tige 
grimpant  par-dessus  les  taillis.  Elle  sera  certainement  la 
bienvenue  dans  les  jardins  botaniques,  » 

A  propos  de  fleurs,  remarquons  que  l'Européen  en 
a  introduit  de  nombreuses  variétés  :  roses,  pourpier 
d'ornement,  lilas,  véritable  épine  du  Christ,  immortelles, 
corail,  reines-marguerites,  vigne  de  Chypre,  balsa- 
mines, etc 

Les  plantes  médicinales,  auxquelles  il  faut  rattacher 
les  plantes  toxiques,  sont  nombreuses  à  n'en  juger  que 
par  toutes  les  drogues  qu'en  fabriquent  les  médicastres 
noirs. 

Je  pourrais  bien  parler  du  «  Strophantiis  Hispidus  », 
de  la  famille  des  apocynées,  dont  on  empoisonne  les 
flèches,  et  qui  a  sur  le  cœur  une  action  très  marquée,  ce 
qui  en  fait  un  succédané  de  la  digitale  ;  —  de  1'  «  Erythro- 
phlaenm  Guincense  n  ou  du  «  Tephrosia  Vogelii  »,  qu'on 
utilise  pour  l'épreuve  de  la  casque,  jugement  de  Dieu  aux 
pays  des  noirs,  —  et  de  tant  d'autres  csesalpiniées,  mal- 
vacées,  rubiacées,  etc.,  etc 

J'aime  mieux  dire,  à  ma  confusion,  que  je  n'y  connais 
rien  du  tout,  et  m'arrêter  ici  dans  ce  que  je  voulais  dire 
de  la  flore  équatoriale  sauvage  exploitable,  pour  vous 
présenter  deux  produits  introduits  et  cultivés  par  nous 
avec  un  succès  étonnant  :  le  café  et  le  cacao. 


io5 


Le  «  Café  )>. 

Dès  l'arrivée  des  Européens  à  Léopoldville,  des 
essais  de  plantation  de  café  furent  faits.  C'était  du  café 
de  Libéria. 

L'expérience  réussit,  mais  les  mille  difficultés 
avec  lesquelles  on  était  aux  prises  en  ce  moment 
empêchèrent  le  développement  en  grand  des  plan- 
tations. 

Bien  plus,  il  y  eut  un  moment  où  la  popula- 
tion blanche  de  Léopoldville  ne  parut  plus  se 
douter    de  l'existence,   dans  les  jardins,   de   ces 
arbres  précieux  que  la  brousse    menaça  bientôt 
d'étouffer. 

Ce  fut  le  lieutenant  Liebrechts  qui,  en  arri- 
vant à  Léopoldville  en  1886,  et  ayant  connais- 
sance des  essais  précédemment  tentés,  fit  des 
recherches  et  découvrit  dans  les  hautes  herbes  de 
petits  caféiers  végétant  misérablement,  mais  heu- 
reusement  encore  vivants.    Il   s'empressa  de  les 
dégager,  et,  grâce  à  lui,  ils  reprirent  vigueur. 

En  i8go,  la  Chambre  de  commerce  d'Anvers  publiait 
un  rapport  établissant  que  le  café  de  Léopoldville  est  des 
meilleurs  et  recommandant  sa  culture,  car  sa  qualité  le 
plaçait  à  côté  du  meilleur  «  Santos  »  et  de  certaines  qua- 
lités de  «  Java  »  et  de  «  Haïti  »,  le  prix  variant  de  g5  à 
iio  francs  les  5o  kilos. 

A  la  suite  de  ce  rapport,  le  regretté  gouverneur 
Coquilhat  faisait  parvenir,  le  7  août  i8go,  aux  commis- 
saires de  district,  des  instructions  prescrivant  l'introduc- 
tion et  le  développement  de  la  culture  du  café  dans  tous 
les  établissements  de  l'Iitat. 


—   io6  — 

En  conséquence,  Léopoldville  devait  envoyer,  avec 
tous  les  soins  voulus,  les  premiers  plants  disponibles  à 
Loukoungou  et  à  Bangalas  (Nouvelle-Anvers),  puis  à 
Lousambo,  à  Loulouabourg,  à  l'Arouwimi. 

Les  instructions  du  Gouvernement  reçurent  applica- 
tion immédiate,  et  bientôt,  au  lieu  d'envoyer  quelques 
jeunes  plants,  on  put  envoyer  des  centaines,  puis  des 
milliers  de  baies  mûres,  et  les  résultats  furent  tellement 
extraordinaires,  qu'on  se  refusera  presque  à  croire  les 
chiffres  que  je  vais  citer. 

C'est  pourquoi  je  rappellerai  d'abord  l'extraordinaire 
fertilité  du  sol  dans  le  Haut-Congo;  l'immense  cuvette 
qui  fut  jadis  la  Mer  Centrale  est  en  outre  plus  favorisée 
par  le  régime  des  pluies  que  les  bandes  nord  et  sud  de 
l'Etat;  la  composition  et  la  profondeur  de  la  couche  arable 
sont  presque  partout  des  plus  favorables  au  café.  Enfin, 
disons  que  cette  rubiacée  est  chez  elle  au  Congo;  car  elle 
n'est  nullement  originaire  de  l'Arabie,  comme  son  nom 
scientifique  [Coffca  Arabica)  pourrait  le  faire  croire  ;  elle  a 
pour  berceau  l'Afrique  centrale,  où  on  la  trouve  en  abon- 
dance à  l'état  sauvage. 

L'exemple  de  la  pousse  des  caféiers  à  l'Equateur  est 
typique  :  les  baies,  provenant  de  Léopoldville,  furent 
mises  en  terre  fin  novembre  i8gi  ;  les  premières  fleurs 
apparurent  juste  un  an  et  demi  plus  tard;  quand  je  quittai 
la  station,  en  juin  1893,  les  caféiers  avaient  2"''5o  de  haut 
et  étaient  couverts  de  fruits;  depuis  mon  départ, 
40,000  baies  récoltées  sur  ces  premiers  caféiers  ont  été 
plantées  en  pépinière. 

A  Nouvelle- Anvers,  à  Basokos,  etc.,  la  puissance  de 
production  du  sol  est  identique,  et  les  résultats  obtenus 
sont  imposants. 


—  I07 


LE  BA5SIN  DU  CONGO 

Laneienne  mer  intérieure 
d'après  A  J.'^'aulers . 


—   io8  — 

Voici  le  relevé  des  caféiers  clans  quelques  stations  de 
l'Etat  Indépendant,  à  la  fin  du  premier  semestre   1894  : 

Borna 435 

Matadi 80 

Région  des  Cataractes     ....  g3 

Stanley-Pool 14,520 

Kwango-Oriental 37 

Equateur 4,3o5 

Nouvelle-Anvers  (Bangalas).     ,      .  27,225 

Basokos 2,65o 

Oubanghi-M'bômou 1,200 

Total    .     .     .     50,545 

Dans  les  stations  précitées,  200,000  baies  étaient  en 
terre  à  la  même  date. 

Je  ne  possède  pas  les  chiffres  de  Loulouabourg, 
Lousambo,  Stanley-Falls,  etc 

A  côté  de  l'Etat,  les  factoreries  et  les  missions  créent 
aussi  des  parcs  plus  ou  moins  étendus  de  caféiers. 

La  mission  de  Bolengui  (Equateur)  possédait  à 
mon  départ  (1893),  5oo  plants  de  café,  dont  i5o  en  pleine 
force. 

Devant  ce  développement  surprenant  d'une  culture 
de  grand  rapport,  l'Etat  s'est  empressé  d'envoyer  au 
Congo  un  certain  nombre  d'agronomes,  et  de  planteurs 
noirs  recrutés  à  San-Thomé  et  à  Monrovia. 

Une  société  s'est  formée  dernièrement  pour  l'exploi- 
tation des  produits  du  sol  au  Kassaï  ;  son  principal 
objectif  est  l'établissement  de  grandes  plantations  de 
café. 

Actuellement,  des  essais  de  culture  sont  tentés  avec 
des  semences  de  San-Thomé,  Guatemala  et  ]%iva. 


I09 


Plusieurs  fonctionnaires  de  l'Etat  ont  été  chargés 
d'aller  étudier,  à  San-Thomé  particulièrement,  les  planta- 
tions qui  sont  une  des  richesses  de  cette  île  équatoriale. 

Bref,  rien  n'a  été  négligé  pour  assurer  le  développe- 
ment d'une  grande  ressource. 

D'après  les  rapports  de  M.  Van  Buggenhoven, 
agronome  des  districts  de  l'Oubanghi-Ouèllé  et  de 
l'Equateur,  avant  deux  ans  il  y  aura  à  Nouvelle-Anvers 
(Bangalas)  100,000  caféiers  en  pépinière  ou  transplantés. 

Si  on  considère  que  quatre  ou  cinq  ans  après,  chaque 
caféier  pourra  donner  un  rendement  moyen  minimum  de 
5  livres  (ce  qui  est  un  chiffre  trop  faible),  on  arrive  pour 
la  seule  station  de  Bangalas  à  une  récolte  annuelle  de 
5oo,ooo  livres,  représentant  une  valeur  brute  d'un  demi- 
million  de  francs  et  un  chargement  de  3o  wagons  pour 
cette  unique  station. 

Les  districts  «  Equateur»,  «  Stanley-Pool  »,  «  Arou- 
wimi-Ouèllé  »,  le  «  Manyéma»,  les  «  Sultanats  du  Nord» 
auront,  avant  deux  ans,  au  moins  chacun  5o  à  60,000 
caféiers  en  pépinière  ou  transplantés,  soit,  avec  l'hypo- 
thèse de  tantôt,  une  récolte  annuelle  pour  chaque  région, 
à  partir  de  igoo,  de  25o  à  3oo  tonnes  de  café. 

Un  coup  d'œil  sur  le  tableau  donné  tantôt  des 
caféiers  existant  en  station  à  la  fin  du  premier  semestre 
1894  montre,  en  ce  qui  concerne  le  café,  la  pauvreté  du 
Congo-Moyen  à  côté  du  Haut-Congo;  il  en  est  ainsi- pour 
plus  d'un  produit,  et  c'est  une  des  causes  qui  assurent  au 
chemin  de  fer  du  Congo  un  trafic  pour  ainsi  dire  indéfini. 


Il  est  entré  en  Belgique,  en  i8g3,  41,847,957  kilos 
de  café,  dont  23, 608, 334  ont  été  bus  dans  le  pays.  Valeur 
moyenne  2  fr.  i5  à  2  fr.  80  le  kilo. 


Le  «  Cacao  ». 

Les  merveilleux  résultats  obtenus  avec  le  café,  l'ont 
été  également  avec  le  cacao,  à  propos  duquel  j'aurais  à 
redire  tout  ce  que  j'ai  dit  pour  le  café. 

Ci  le  tableau  des  cacaoyers  enstationau  i*^^  mai  1894  : 

Matadi 18 

Stanley-Pool 2400 

Equateur 76g 

Bangalas 2790 

Basokos 910 

Je  n'ai  pas  les  chiffres  des  autres  districts. 
Il  est  entré  en  Belgique  en  1893  : 
1,877,084  kilos  de  cacao,  fèves  et  pelures,  à  2  fr.  20  le 
kilo,  dont  1,035,294  kilos  pour  notre  usage; 

204,596  kilos  de  beyrre  de  cacao  à  3  fr.  20, 
dont  85,2i5  emplo3'és  en  Belgique; 

747,481   kilos  de    cacao   préparé  à  3   fr.  5o, 
dont  348,799  kilos  consommés  ici. 

A  Equateunille  les  premiers  cacaoyers  furent 
mis  en  terre  en  1891. 

Les  fruits  apparurent  en  deux  ans  et  demi  et 
aujourd'hui  ce  sont  ces  premiers  plants  qui  assu- 
rent les  plantations  du  district. 
Au  camp  de  Basokos,  du  temps  du  capitaine  Chaltin, 
on  buvait  du  cacao  qu'on  pouvait  bien  qualifier  de 
congolais,  car  il  y  entrait  la  poudre  obtenue  par  la 
torréfaction  et  la  pulvérisation  de  graines  recueillies 
dans  la  station,  le  lait  des   chèvres  et  des  moutons  du 


camp,   et  enfin   le  sirop  de  canne  à  sucre   lait  par  des 
femmes  noires. 

Le  café  et  le  cacao  sont  surtout  les  deux  «  denrées 
coloniales»  dont  le  développement  est  aujourd'hui  assuré; 
d'autres  produits  sont  à  l'essai,  tels  la  vanille,  l'indigo,  et 
ces  essais  se  compléteront  progressivement  avec  le  gin- 
gembre, le  poivre,  le  cinchona  (quinine),  le  thé,  etc.,  etc. 


Je  passe  aux  produits  alimentaires 
dont  plusieurs  seront  à  signaler  pour 
l'exportation. 

L'exposition  d'Anvers  nous  a  mon- 


tré  des   légume; 
fruits. 


des  nrraines  et  des 

o 


Les  légumes  étaient   une  quin-    Y^ 
zaine  de  variétés  de  haricots ,  dn  petit 
piment,  des  patates  douces,  des  ignames, 
et  enfin  du  manioc. 

Ces    produits    ont    été    souvent 
décrits  et  je  n'y  reviendrai  pas,  sinon 
pour  dire  que  le  manioc,  la  plante 
nutritive    par    excellence    des    nègres, 
fait  l'objet  d'un  trafic    considérable  en 
Angleterre  pour  pâtes  alimentaires;  on 
en  fait  le  tapioca,  et  la  farine  de  manioc 
est  la  base  de  la  fameuse  Revalenta- 
Arabica.    Un  hectare  de  manioc  peut 
fournir   au   bout   de    deux   ans    5o,ooo   kilogrammes  de 
tubercules. 


Les  graines  alimentaires  exhibées  étaient  :  le  maïs, 
le  ri:j,  le  sorgho. 

Du  maïs,  je  dirai  seulement  qu'on  en  peut  faire  trois 
récoltes  par  an  sur  le  même  terrain,  et  que  le  rendement 
peut  atteindre  par  hectare  10,000  kilogrammes,  soit  trois 
fois  environ  les  rendements  d'Europe. 

Le  riz  cultivé  au  Congo  est  le  riz  de  montagne,  pour 
la  culture  duquel  il  ne  faut  nullement  lesterrains  humides 
et  marécageux  que  réclame  le  riz  chinois. 

Le  riz  vient  en  tous  les  points  du  territoire  de  l'Etat 
et  constitue  un  aliment  des  plus  précieux  pour  le  blanc 
comme  pour  le  noir. 

Au  cours  de  l'Exposition  un  officier  de  l'état-major 
russe,  le  colonel  Léonide  d'Artamonoff  prit  des  échantil- 
lons de  ce  riz  sec,  afin  de  le  signaler  dans  son  pays  pour 
la  culture  dans  l'Askabad  Transcaspien. 

Le  sorgho  entre  surtout  dans  l'alimentation  des  peu- 
plades musulmanes  et  arabisées,  qui  en  font  des  bouillies, 
de  la  farine,  de  la  bière  et  même  de  l'alcool. 

Ou  le  trouve  actuellement  dans  la  plupart  des  sta- 
tions. A  ce  propos,  son  introduction  à  l'Equateur  mérite 
d'être  racontée. 

En  i8go,  étant  sous-commissaire  de  district  à 
Loukoungou,  je  profitais  des  heures  si  rares  de  loisir  que 
nous  laissait  le  transport  pour  courir  les  environs  en 
compagnie  d'un  état-major  noir  composé  d'un  Zanzibarite, 
d'un  Houssa,  d'un  Sierra-Léonais,  d'un  Bangala,  d'un 
Bas-Congo. 

Ces  gens  avaient  pour  mission  de  me  donner  le  nom 
et  l'usage  de  tout  ce  que  nous  rencontrions  de  plantes 
et  d'arbres. 

Par  un  de  ces  amusants  jours  de  promenade,  nous 


II 


ii3 


avisons,  au  milieu  des  herbes  ordinaires,  une  touffe  de 
graminées  plus  hautes  et  dont  la  tige,  analogue  à  celle 
du  maïs,  était  terminée  par  un  gros  épi  formé  d'une 
multitude  de  petites  graines,  à  épisperme  brun  noirâtre, 
à  intérieur  farineux  et  blanc;  des  bandes  de  bengalis 
becquetaient  à  môme  ces  épis. 

—  What  is  that?  Enké  ïaye?  Kitou  gani?  O  yo  n'di? 
Qu'est  cela? 

—  ((  Dicidia  »,  me  dit  le  Zanzibarite  ou  le  Houssa. 
Et  dans  mes  notes,  je  transcris  le  nom  et  l'aspect 

de  la  plante,  avec  cette  mention  :  «  C'est  peut-être  le 
sorgho.  » 

Puis  je  fais  cueillir  les  épis  mûrs  et,  en  rentrant  à  la 
station,  on  les  suspend  sous  notre  vérandah.  Les  femmes 
zanzibarites  me  disent  qu'elles  connaissent  cette  graine 
dont,  chez  elles,  on  fait  du  pain. 

J'en  fais  faire  de  suite,  et  le  i^r  juillet  i8goce  pain 
noir  est  goûté  par  nos  invités. 

Avis  unanime  :  trop  lourd. 

Je  gardais  les  derniers  épis  pour  semailles,  attendant 
la  saison  des  pluies,  lorsque  je  reçus  l'ordre  d'aller  orga- 
niser le  district  de  l'Equateur,  resté  jusqu'alors  sans 
administration  propre. 

Je  n'eus  garde,  en  quittant  Loukoungou,  d'oublier 
d'emporter  avec  moi  deux  des  épis  que  je  croyais  bien 
être  du  sorgho.  En  arrivant  à  Equateurville,  j'en  remis 
un  au  lieutenant  Baert,  qui  commandait  alors  les 
Bangalas,  et  je  semai  le  mien  immédiatement. 

Les  essais  de  Nouvelle-Anvers  et  de  l'Equateur 
réussirent  complètement. 

C'était  bien  le  sorgho  que  j'envoyai  plus  tard  aux 
camarades  Chaltin  à  Basokos,  et  Simon  dans  le  district 
de  Banane,  (jui  m'avaient  demandé  ces  envois. 

8 


—   114  — 

On  voit  de  quelles  circonstances  fortuites  peut 
dépendre  l'introduction  dans  ces  pays  neufs  de  produits 
précieux,  car  parmi  ses  différents  usages,  voici  l'immense 
parti  que  nous  tirions  du  sorgho  :  chaque  jour  des 
femmes  le  réduisaient  en  farine;  celle-ci,  employée  seule, 
donnait,  je  l'ai  déjà  dit,  un  pain  trop  lourd,  bien  qu'un 
agent  de  la  Société  belîje  lui  ait  trouvé  assez  de  ressem- 
blance  avec  le  pain  bavarois  pour  s'en  faire  confectionner 
par  plaisir. 

Ajoutée  à  quantité  égale  de  farine  d'Europe,  la  farine 
de  sorgho  donne  un  fort  bon  pain  ;  mais  la  proportion  qui 
nous  parut  la  plus  avantageuse  était  :  2  3  de  farine 
d'Europe  pour  i  3  de  farine  de  sorgho. 

Nous  obtenions  ainsi  un  pain  gris,  léger,  extrême- 
ment sapide,  levant  parfaitement,  tandis  que  la  farine 
venant  d'Europe,  restant  enfermée  dans  des  boîtes  en  1er 
blanc  soudées,  parfois  pendant  plus  d'un  an,  devient 
insipide  et  donne  un  pain  mal  levé,  malgré  l'excellente 
levure  que  fournit  le  malafou. 

Nous  faisions  donc,  grâce  au  sorgho,  un  pain  gris 
goûté  de  tous.  Pourtant,  ne  voulant  pas  que  mes  agents 
perdissent  absolument  le  goût  du  pain  blanc,  j'avais 
donné  ordre  d'en  faire  une  fois  par  semaine,  le  dimanche. 
Ce  furent  mes  agents  eux-mêmes,  sans  exception,  qui 
demandèrent  que,  le  dimanche  comme  les  autres  jours,  il 
y  eut  du  pain  gris,  du  pain  de  sorgho.  C'était  un  critérium 
certain  de  la  valeur  de  ce  produit,  qui  offrait  de  plus  cet 
énorme  avantage  d'augmenter  de  moitié  nos  ressources 
en  farine,  car  à  deux  caisses  de  farine  d'Europe,  si  nous 
ajoutions  une  caisse  de  farine  de  sorgho,  nous  obtenions 
trois  caisses  de  mélange  à  faire  notre  pain.  Et  certes,  nul 
ne  s'est  jamais  mal  trouvé  de  cette  heureuse  augmen- 
tation. 


ii5 


Les  fruits  du  Congo  offrent  aujourd'hui  une  variété 
des  plus  avantageuses.  Anvers  n'en  expose  qu'une  partie, 
savoir  : 

La  «  Banane  »  grande  et  petite  ; 

L'  «  Ananas  >>  ; 

La  «  Papaye  •>■>  ; 

Le  (c  Corossol  »  ou  a  Ccciir-dc-Bœnf  )>  ; 

Le  fruit  de  1'  «  Arbre  à  Pain  »  ; 

La  (c  Barbadinc  »  (((  Maracoiijas  )>)  ; 

La  <c  Pomme  Cannelle  »  ; 

La  «  Pomme  d'Acajou  »  [«  Anacardier  »); 

La  «  Goyave  )>  ; 

L'  <c  Avocat  ))  ; 

L'  (C  Amomiim  Citratum  »  ; 

Les  ((  Fruits  de  la  Liane  à  Caoutchouc  »  ; 

Le  «  Sapho  ->•>  ; 

L  a  «  Mangue  » . 


La  (C  Banane  » . 

Fruit  d'une  grande  plante  herbacée  et  vivace  qui 
peut  atteindre  de  4  à  6  mètres  de  haut.  Les  fruits, 
disposés  en  grappes  ou  régimes,  ont  une  chair  blanche, 
riche  en  amidon.  Les  bananes  sont  un  des  éléments 
importants  de  l'alimentation  dans  les  régions  tropicales; 
après  les  avoir  fait  cuire  sous  la  cendre,  on  les  mange 
comme  du  pain. 

La  banane  est  susceptible  de  servir  avantageusement 
à  la  fabrication  du  sucre. 


ii6 


Une  des  meilleures  manières  d'accommoder  les 
bananes  bien  mûres  est  de  les  cuire  dans  la  poêle,  avec 
de  la  graisse  fondue.  C'est  une  préparation  excellente  et 
qui  mériterait  d'être  mise  en  conserve  pour  l'expédition 
en  Europe. 

Deux  préparations  ont  déjà  été  imaginées  pour  la 
conservation  et  l'expédition  des  bananes.  L'une   est   la 
farine    de    banane,    l'autre    est   constituée  par 
la  banane  mûre,  séchée  au  soleil  ou  au  four. 
La    première    se    prépare    avec    les 
bananes  vertes,  la  seconde  avec  des  fruits 
bien  mûrs. 

Les  bananes  vertes  sont  coupées  en 
tranches  minces,  séchées  au  feu  sec,  puis 
pulvérisées   en    farine.    Cette   farine    est 
connue    en  Angleterre   sous   le   nom   de 
(c   Conquin   Tay  ». 
Les  bananes  mûres,  pour  l'autre  prépa- 
ration, sont  pelées,  fendues  en  long,  cuites 
et  séchées  en   partie   au   feu,  puis  séchées  au  soleil 
dans  les  pays  où  l'on  a  un  soleil  assuré,  ou  au  feu 
'  ailleurs.  On  les  appelle  dans  les  colonies  espagnoles 
«  Platano pasado  »,  et  dans  les  colonies  françaises  de 
l'Océanie  «  Pierc  ».  Le  Piere  de  Tubuaï  a  une  répu- 
tation océanienne  bien  établie;  cette  préparation  est 
d'ailleurs  excellente. 

La  banane  donne,  sur  place,  un  vin  très  agréable 
dont  la  distillation  fournit  un  alcool  savoureux. 

Nous  avons  signalé  parmi  les  fibres  textiles  la  fibre 
de  bananier. 

Certaines  espèces,  le  bananier  abaca  par  exemple, 
se  cultivent  pour  la  matière  textile  fournie  par  les  feuilles; 
le  chanvre  de  Manille,  qui  nous  vient  des  iles  Philippines, 


—  117  — 

est  fourni  par  cette  espèce  ;  les  cordages  en  chanvre  de 
Manille  sont  très  résistants. 

Enfin  dans  nos  climats  on  cultive  certaines  espèces 
de  bananiers  comme  plantes  ornementales  ;  ce  sont 
surtout  les  musa  coccinea,  ornata  et  rosacea  et  aussi  le 
magnifique  bananier  à  feuilles  entièrement  rouges,  à 
nuances  métalliques  superbes,  qui  est  bien  la  plante  la 
plus  ornementale  qu'on  puisse  voir. 

Le  bananier  pour  végéterbien  et  facilement  demande 
un  climat  chaud,  égal  et  humide,  exempt  de  grandes 
sécheresses  et  de  grands  vents;  il  veut  un  sol  fertile,  un 
peu  frais  mais  point  inondable.  C'est  en  se  rapprochant 
de  l'Equateur  qu'on  trouve  en  général  les  meilleures 
conditions  pour  sa  culture  en  grand. 


En  grande  culture,  le  bananier  peut  produire  de  3o  à 
5o,ooo  kilos  de  fruits  à  l'hectare,  et  un  poids  extraordi- 
naire de  tiges  et  feuilles  fraîches  qui,  hachées  grossière- 
ment peuvent  se  donner  à  quelques  animaux,  notamment 
au  porc. 


—   ii8  — 

Dans  l'emploi  des  fruits,  la  peau  et  l'axe  du  régime 
représentent  un  quart  de  déchet  environ. 

L'entretien  des  bananiers  ne  demande,  dans  les 
pays  pourvus  de  pluies  suffisantes,  que  quelques  sarclages 
et  la  suppression  d'une  partie  des  rejets.  Le  régime  met 
environ  2  12  à  3  mois  à  prendre  son  développement. 

On  coupe  la  tige  et  on  cueille  le  régime  lorsque  le 
fruit  a  acquis  sa  grosseur,  mais  qu'il  est  encore  vert  et 
ferme,  sauf  la  première  couronne  supérieure  qui  doit 
commencer  à  jaunir.  Il  mûrit  promptement  à  la  maison, 
surtout  dans  l'obscurité. 

Si  l'on  recherche  exclusivement  une  grosse  produc- 
tion, un  fort  rendement,  il  faut  planter  de  préférence  le 
bananier  de  Fernambouc  (Brésil),  le  Purohini,  le  bana- 
nier de  Chine  et  le  Djernang  de  Malaisie. 

Un  hectare  planté  des  deux  premiers  peut  donner 
dans  les  meilleures  conditions  200,000  kilos  de  substance 
alimentaire. 

De  Humbolt  avait  calculé  que  sur  la  même  super- 
ficie de  terre,  le  produit  du  bananier  est  à  celui  du  froment 
comme  1 33  est  à  i,  —  à  celui  de  la  pomme  de  terre,  comme 
44  est  à  I,  —  et  qu'un  quart  d'hectare  de  terrain  qui,  en 
Europe  ne  suffirait  pas  à  nourrir  une  personne,  en  entre- 
tiendrait 25  s'il  était  planté  de  bananiers. 

Le  bananier  plantain  du  Congo  peut  fournir  26, 000  kil. 
de  fruits  à  l'hectare.  Certains  régimes  de  cette  variété 
atteignent  le  poids  étonnant  de  40  à  4.5  kilos,  la  plante 
ayant  10  à  12  mois.  (Lieutenant  Richard.) 

Pour  en  finir  avec  le  bananier,  signalons  qu'il  y  a 
quelques  dizaines  d'années  un  planteur,  Brésilien  jecrois, 
se  servait  du  bananier  pour  ombrager  les  lignes  de  cafés 
dans  ses  plantations.  Longtemps  on  se  contenta  de  couper 
ces  bananiers  et  de  les  jeter  au  rebut  juscju'au  jour  où 


I 


iig 


notre  homme  eut  l'idée  d'en  lester  des  steamers  en  desti- 
nation de  New- York. 

Aujourd'hui  le  marché  de  cette  ville  reçoit  annuelle- 
ment des  bananes  fraîches  pour  une  somme  de  2,000,000 
de  francs. 


L'  «  Ananas  ». 

Pourra,  avec  la  banane  et  bien  d'autres  fruits,  arriver 
sur  la  place  d'Anvers,  dès  que  le  trajet  d'Anvers  à  Matadi 
sera  réduit  à  une  quinzaine  de  jours  et  qu'une  ligne 
régrulière  belote  sera  établie. 

Le  roi  des  fruits  d'Afrique,  dit  le  docteur  Paul  Briart. 

Existe  actuellement  dans  tout  l'État  du  Congo. 

Dans  les  îles  Philippines  et  à  Singapore  on  retire 
des  feuilles  une  matière  textile  très  forte  qui  sert  à  faire 
des  filets  et  des  cordes;  on  peut  aussi  en  faire  d'excellent 
papier. 

Les  Congolais  tissent  avec  la  fibre  d'ananas  une 
étoffe  très  solide  et  très  recherchée. 

L'ananas  se  propage  par  bouturage  et  sa  propagation 
est  presque  spontanée;  qu'un  noir  rejette  au  hasard  le 
collier  de  jets  de  l'ananas  qu'il  vient  de  cueillir,  ainsi 
que  l'aigrette  de  feuilles  qui  surmonte  le  fruit,  ces  jets  et 
cette  aigrette  rouleront  de-ci  de-là  au  gré  des  vents  et  des 
pluies,  finiront  par  se  fixer  et  par  prendre  racine. 

Voici  encore  ce  qu'en  dit  le  docteur  Briart  : 

«  Le  jus  de  l'ananas,  très  abondant  et  très  sucré,  est 
fermentescible  à  un  haut  point  et  donne  un  alcool  très 
pur,  très  agréable  de  goût,  possédant  un  arôme  qui 
rappelle  son  origine,  et  qui  semble  exempt  des  produits 
cmpyreumatiques  qui  gâtent  les  alcools   extraits  de  la 


patate  douce,  du  topinambour,  de  la  pomme  de  terre  et 
d'autres  tubercules.  Les  missions  françaises  distillent  le 
jus  de  l'ananas  depuis  plusieurs  années.   » 

Ajoutons  qu'aujourd'hui  beaucoup  de  stations  de 
l'État  font  de  même,  et  appliquent  aussi  la  distillation  à 
la  papaye  tout  particulièrement. 

L'alcool  d'ananas  distillé  à  Nouvelle  -  Anvers 
s'appelle  «  la  Bangaline  ». 

<c  Cette  distillation  de  l'ananas,  qui  ne  se  fait  encore 
aujourd'hui  que  sur  une  petite  échelle,  pourrait  devenir 
la  source  de  réels  profits  ;  la  facilité  avec  laquelle  il  se 
reproduit  n'exige  pas  beaucoup  de  main-d'œuvre;  il  cou- 
vrirait rapidement  de  vastes  espaces  (il  couvre  déjà 
actuellement  des  milliers  d'hectares  à  l'état  sauvage),  qui 
ne  demanderaient  guère  de  soins  que  ceux  que  nécessi- 
terait une  production  trop  touffue  ;  partout  où  les  Euro- 
péens ont  pris  le  soin  de  le  planter,  il  s'est  reproduit  très 
aisément;  ne  donnât-il  que  la  quantité  d'alcool  nécessaire 
aux  besoins  de  chaque  station  pour  l'alimentation  propre 
du  blanc,  pour  les  usages  thérapeutiques,  pour  les  besoins 
des  collections  diverses  et  pour  suffire  aux  échanges  avec 
les  tribus  indigènes  voisines,  il  permettrait  déjà  une 
exploitation  très  rémunératrice.   »  (Briart.) 

Pour  l'exportation,  l'ananas  du  Congo  pourra  aussi 
se  -mettre  en  boites. 


La  (c  Papaye  ». 

Fruit  charnu,  jaune,  ovale,  de  la  grosseur  d'un  petit 
melon  d'eau,  de  saveur  douce  et  sucrée,  très  prisé  des 
Européens  et  des  indigènes.  Le  papayer  donne  ses  fruits 
en  moins  d'un  an. 


—    121    — 


On  en  obtient  un  excellent  alcool  dont  un  flacon  était 
exposé  à  Anvers.  C'est  la  «  Lirangine  »  fabriquée  à  la 
mission  française  de  Liranga  (confluent  de  l'Oubanghi  et 
du  Congo). 

Une  particularité  très  curieuse  du  papayer  est  de 
laisser  couler  de  sa  tige,  et  surtout  de  son  fruit  mûr,  un 
latex  dont  on  extrait  la  papaïne,  dont  les  propriétés, 
analogues  à  celles  de  la  pepsine,  favorisent  la  digestion 
de  la  viande,  en  transformant  celle-ci  en  peptone. 

Aussi  la  papaye  est-elle  tenue  ajuste  titre  pour  un 
fruit  sain  et  éminemment  digestif. 

A  signaler  aussi  qu'en  enveloppant  de  feuilles  de 
papayer  un  vieux  coq  aussi  dur  que  savent  l'être  ces  galli- 
nacés, on  le  ramollit  et  on  l'attendrit  au  point  de  pouvoir 
encore  le  préparer  au  riz. 


Le  «  Corossol  »  ou  <c  Cœur -de -Bœuf  »  donne  ses 
fruits  au  bout  de  trois  ans;  on  en  fait  avec  un  peu  de 
rhum  des  sorbets  naturels  exquis. 


Le  fruit  de  1'  «  Arbre  à  Pain  »  se  cuit  sous  la  ccnd:e 
et  se  mange  comme  pomme  de  terre. 


La    «  Barbadine  »,    «  Maracoujas  «    ou     «  Pomme- 
Liane  »  est  le  fruit  de  la  «  Passiflora  Quadrivalvis  )>. 

Cette  liane,  originaire  de  rAméri(|ue  intertropicale, 


—    122 


porte  des  vrilles  oppositifoliées  lui  permettant  de  s'accro- 
cher au  fur  et  à  mesure  qu'elle  grimpe  en  se  développant. 

La  partie  comestible  est  une  arille  très  aqueuse  qui 
entoure  les  petites  graines  ;  on  avale  le  contenu  du  fruit 
comme  une  gelée  sucrée,  très  juteuse,  d'un  parfum  très 
délicat. 

On  multiplie  la  pomme-liane  de  rejets  du  pied,  de 
marcottes  ou  de  boutures.  Elle  entre  en  fruits  très  rapi- 
dement. Ainsi  à  l'Equateur  la  barbadine  porta  en  g  mois 
certains  fruits  atteignant  le  volume  de  la  tête  d'un  homme, 
pesant  5  kilos  et  renfermant  2  litres  de  jus. 

L'écorce  de  la  barbadine  fournit  avec  un  peu  de  sucre 
une  compote  aussi  délicate  que  nos  compotes  d'Europe. 

La  barbadine  se  mange  dans  le  fruit  même  ;  pour 
cela  on  la  coupe  en  deux  et  on  la  mange  à  la  cuillère 
telle  quelle  ou  en  ajoutant  un  peu  de  madère. 

Le  plus  bel  exemple  de  multiplication  spontanée  est 
offert  par  la  barbadine  introduite  à  Tahiti  (Polynésie)  il 
y  a  une  vingtaine  d'années.  Cette  liane  a  tellement 
envahi  la  presqu'île  qu'elle  est  devenue  un  véritable 
danger,  car  elle  étouffe  les  arbressous  le  poids  de  ses  tiges 
d'une  longueur  extraordinaire.  Tahiti  ne  possédant  guère 
d'oiseaux,  la  dissémination  a  été  due  aux  rats  ou  aux 

porcs. 

* 
»    * 

La  a  Pomme  Ca7iJîclle»,  pomme-flanc  des  anglais  pos- 
sède une  chair  douce,  sucrée,  d'un  parfum  délicat. 


La  «  Pomme  cTAcajou  est  le  fruit  de  l'Anacardium 
Occidentale,  introduit  d'Amérique  au  Congo  probable- 
ment par  les  Portugais.   L'anacardier  est  un  bel  arbre 


-    123    — 

cultivé  pour  son  fruit  dans  toutes  les  régions  tropicales. 
Au  Congo  on  le  trouve  depuis lacôtejusqu'àLéopoldville. 
Il  commence  à  se  développer  dans  les  stations  d'amont  : 
il  a  une  vague  ressemblance  comme  port  avec  nos  figuiers. 
Son  fruit  est  une  sorte  de  gros  citron  porté  par  un  pédon- 
cule charnu,  en  forme  de  rognon;  ce  pédoncule  renferme 
une  amande  comestible  qui  se  mange  crue  ou  grillée,  mais 
le  péricarpe  du  pédoncule  est  chargé  d'un  principe  cor- 
rosif très  violent  employé  en  médecine,  et  connu  sous  le 
nom  de  «  Cardol  ». 

Le  cardol  est  employé  contre  les  verrues,  les  cors, 
les  ulcères;  protège  les  planchers  contre  les  fourmis 
blanches;  s'emploie  dans  la  reliure  des  livres  pour  les 
mettre  à  l'abri  des  insectes. 

On  mange  surtout  le  fruit,  dont  la  saveur  acide,  un 
peu  astringente,  est  très  agréable. 


La  «  Goyave  ». 

Deux  espèces  au  Congo  :  la  «  Grosse  Goyave  »  et  la 
petite  «  Goyave-Fraise  ». 

Bon  fruit,  antidiarrhéïque. 

Cultivé  par  l'indigène  jusqu'à  Léopoldville,  ainsi 
que  dans  la  zone  arabe;  introduit  dans  toutes  nos 
stations. 


L' « /^z'ocrt/ »,  corruption  du  caraïbe  i<.  Aoitaca  ^^,  est 
le  fruit  de  V  a  Avocatier  :>•• ,  a  Persea  gratissijiia  ^y,  arbre 
d'un  port  étendu  et  d'une  grande  puissance  végétative. 
vSon  fruit  est  une  sorte  de  très  grosse  poire  d'abord  verte, 


124 


puis  violet  foncé  à  maturité,  renfermant  un  gros  noyau 
ovoïde. 

On  mange  le  fruit  en  légume  ou  en  dessert.  A  cet 
effet,  on  le  coupe  par  le  travers  et  on  y  ajoute  soit  du 
poivre,  du  sel,  du  vinaigre,  de  la  sauce  anglaise,  etc., 
soit  du  sucre  et  du  vin,  ou  un  alcool  parfume. 

Avec  les  premiers  condiments,  l'avocat  rappelle 
l'asperge  froide  ou  le  chou-fleur  au  vinaigre  ;  avec  du 
sucre,  ce  fruit  donne  un  sorbet  naturel  des  plus  délicat. 


L'(c  Amomum  Citratiim»  pousse  dans  toute  la  brousse 
de  l'Afrique  Centrale.  Nous  l'avons  signalé  à  propos  de 
l'exploitation  du  caoutchouc,  quelques  gouttes  d'amomum 
citratum  produisant  la  coagulation  immédiate  du  caout- 
chouc recueilli  dans  des  récipients  indigènes. 

Ces  fruits,  de  la  grosseur  d'une  toute  petite  banane 
d'argent,  et  d'un  beau  rouge  brillant,  ont  une  pulpe  d'une 
saveur  acidulée  et  parfumée  fort  agréable  (Dybowski). 


Les    <c  Fruits  de   la  Liane  à   Caoutchouc  »    sont   très 
prisés  de  l'indigène;    l'Iùiropécn  les  trouve  trop  acides. 


Le  «  Saplio  )>,  fruit  d'une  térébinthacée,  est  recherché 
par  noirs  et  blancs  avec  une  véritable  passion,  malgré  ou 
plutôt  à  cause  de  sa  saveur  bizarre  de  térébenthine. 
C'est  plutôt  un  légume  qu'un  fruit;  se  mange  bouilli  ou 
cuit  sous  la  cendre,  avec  du  sel;  les  Anglais  le  mangent 
aussi  avec  du  sucre. 


125    — 


Le  sapho  s'appelle  parfois  «  Prune  Bleue  d'Afrique 
à  cause  de  sa  forme,  de  son  volume  et  de  sa  couleur. 
On  le  rencontre  sur  toute  la  surface  de  l'Etat. 


La  c(  Mangue  ». 

Fruit  du  manguier,  grand  arbre  à  feuillage  épais  de 
la  famille  des  anacardiacées.  Ressemble  à  un  très  gros 
abricot,  dont  il  a  la  couleur  à  maturité;  possède  une 
chair  très  consistante,  juteuse,  à  saveur  de  térébenthine; 
renferme  un  énorme  noyau  couvert  de  fibres. 

C'est  un  des  très  bons  fruits  tropicaux. 

N'existe  chez  l'indigène  que  dans  le  Congo-Maritime 
et  dans  la  zone  arabe. 

On  en  trouve  dans  toutes  nos  stations. 


Tels  sont  les  produits  alimentaires  exhibés  au 
compartiment  congolais.  ]\Iais  quoique  nombreux  déjà, 
ils  sont  loin  de  représenter  toute  la  richesse  du  Congo; 
nous  compléterons  leur  série  par  une  nomenclature 
sèche. 


Légumes  indigènes 


Citrouilles,  Mbika,  Béte,  Calebasse, 
Boangila,  Aubergines  et  Toniates  anières, 
Choux,  Feuilles  de  moutarde,  Yembé, 
Oignons,    Epinards,    divers  Piments,    le 


—    126 


Mfoiimbou,  le  Kcjo,  le  Champignon,  V Asperge,  le  Pourpier,  le 
MankiVentanoii,  le  Mansoulou,  le  Moussa,  les  Bokabou,  etc. 


.^^*^-  :?;' 

r  ^ 


Légumes  cultivés  par  les  blancs  : 

Pommes  de  terre  d'Europe,  Pommes  de  terre  de  Mada- 
gascar, Choux  rouges  et  verts  d'Europe,  Choux  de  Chine, 
Haricots  d'Europe,  Radis,  Ramelaces,  Betteraves  rouges, 
Navets,  Carottes,  Laitues,  Chicorées,  Ail,  Persil,  Pourpier 
doré.  Poireaux,  Thym,  Epinard  tétragone  cornu.  Cresson 
alcncis.  Cresson  du  Para,  Tomates,  Aubergines,  Moutarde 
blanche.  Cornichons,  Concombres,  Courges,  Gros  piments 
doux dEspagne,  Hibiscus,  Cerfeuil,  Céleri,  etc.,  etc. 


I 


—    127    — 

Tout  ce  que  nous  venons  d'énumérer  donnait  des 
résultats  complets,  du  moins  à  l'Equateur,  où  ne 
réussirent  pas  d'autres  nombreux  légumes  qui  réussis- 
saient très  bien  autre  part,  et  pour  lesquels  on  a  proba- 
blement trouvé  aujourd'hui  aussi  les  conditions  de 
culture  à  l'Equateur. 

Ainsi  nos  petits  pois  ne  donnaient  que  de  maigres 
plantes  produisant  une  maigre  cosse  ne  renfermant  qu'un 
maigre  pois;  les  fèves  de  marais  atteignaient  i'"20  de 
haut,  fleurissaient  et  brusquement  charbonnaient  et 
tombaient;  les  choux-fleurs  avaient  i"""  5o,  mais  s'en 
allaient  tellement  en  feuilles  et  en  tige,  que  le  cœur  ne 
se  formait  pas;  l'artichaut  arrivait  à  3o  centimètres,  puis 
s'étiolait.  D'autre  part,  le  capitaine  Chaltin,  à  Basokos, 
obtenait  de  magnifiques  choux-fleurs,  et  des  fèves  de 
marais. 


Graines  indigènes 
Le  Mil,  le  Coracan. 


Graines  introduites  par  l'Européen  : 

Le  blé^  essayé  dans  la  Loulongo  par  le  lieutenant 
Lothaire,  poussait  d'abord  bien,  puis  charbonnait;  les 
pères  français  de  Liranga  ont  réussi  avec  du  blé  venant 
de  leur  mission  algérienne  de  Biskra;  les  pères  blancs 
du  Tanganika  récoltent  de  l'orge  et  du  seigle. 


Fruits  indigènes  : 

Citron,    Orange   anière,   Manchéché,   Cocotier,   Malolo, 


128 


M'filou,    M'pngix'a,  Foiita,     N'kn'izoïi,    Kunbombo,   Kandi- 

sansékè,   Tamarinier,    Mangwcngué,    Bon'  dingui,    IWbimbo, 

Noix  du  Congo,  un  petit  fruit  rouge,  à  saveur  de  réglisse 

si   sucrée  et    si   persistante ,    que    pendant    plusieurs 

heures  elle   couvre  le  goût   de   tout   ce    que  l'on 

mange. 


Fruits  introduits  par  l'Européen  : 
Noix  d^ Amérique,  Pomme  de  Rose,   Tama- 
riiiur  des   Indes,    Néflier    du    Japon,     Dattier, 
Cerisier   de   Cayenne,    Limonier,    Mandarinier, 
Oranger,  Grenadier,  Figuier,  Groseillier  du  Cap, 
Figuier -cactus  ,    Mûriers  ,     Vigne  ,     Paui   Saint- 
Jean,  etc. 

Le   Fraisier  fut  essayé  à  l'Equateur,  apporté 

par  M.  Banks,  missionnaire  anglais;   les   fraisiers 

se  développèrent  avec  une  vigueur  digne  du  pays, 

mais  dès  que  les  fraises  se  formaient,  des  légions 

de  fourmis  en  faisaient  leur  régal. 

Les  Melons  devenaient  gros  comme  nos  petits 
melons  d'eau,  mais  l'intérieur  était  régulièrement 
dévoré  par  des  quantités  de  vers. 

Les  missionnaires  de  Liranga  peuvent  revendiquer 
l'honneur  d'avoir  les  premiers  introduit  le  Raisin  d'Europe 
dans  le  Haut-Congo;  leurs  essais  n'ont  pas  encore  été 
couronnés  du  succès  désirable,  mais,  tels  quels,  ils  ont 
prouvé  que  notre  raisin  pouvait  mûrir  à  l'Equateur. 
J'eus  l'occasion,  en  1892,  de  manger,  chez  les  pères  de 
Saint-Louis  de  l'Oubanghi,  un  grain  de  raisin  noir, 
cueilli  à  l'unique  grappe  produite  par  une  des  vignes 
venues  d'Algérie,  et  qui  avait  4  mètres  de  long,  mais  fort 
peu  de  feuillage.  Malheureusement,  cette  vigne  mourut; 


—   I2g  — 


des  drageons   furent   repris,    qui  venaient   bien   à    mon 
départ. 

Comme  la  vigne  sauvage  est  signalée  en  de  nombreux 
points  du  Congo  (Berghe-Sainte-Marie,  Coquilhatville, 
Equateur-Camp,  Oubanghi,  etc.),  donnant  des  grappes 
dont  le  poids  atteint  parfois  4  à  5  kilos,  des  essais  de 
greffe  pourront  être  avantageusement  tentés. 

La  vigne    sauvage    de  l'Equateur 
porte    de    grandes    feuilles   d'un    vert 
foncé,    profondément  incisées.    Les 
grains   mûrs   sont  de   la   grosseur    du 
chasselas,  d'un  noir  violet  et  d'une  saveur 
assez  agréable,  astringente.   Certes,  ils  ne 
valaient  pas  notre  raisin,  mais,  tels  quels, 
nous  en  mangions  avec  plaisir  de  grandes 
grappes. 

L'indigène  néglige  le  raisin  sauvage,  comme  d'ail 
leurs  bien  d'autres  fruits  comestibles. 


■■^t^i 


Les  longues  énumérations  de  produits  d'alimen- 
tation que  nous  venons  de  faire,  sont  caractéristiques; 
l'utilisation  de  jour  en  jour  plus  grande  des  ressources 
du  pays  pour  la  nourriture  des  blancs,  est  un  des  facteurs 
sanitaires  importants  du  séjour  au  Congo  et  explique,  en 
grande  partie,  ce  fait  significatif  et  consolant  qu'à  chaque 
bateau,  partant  le  6  du  mois  pour  le  Congo,  on  voit  de 
plus  en  plus  de  partants  à  2"^^  et  ?>^^  terme. 

A  bord   de  VAkassa  du   6  août  dernier,  il  y  avait 


i3o 


i6  passagers  dont  5  ayant  accompli  déjà  un  terme  de 
service. 

Le  6  septembre,  à  bord  de  l'Edward  BoJilen,  s'embar- 
quaient 37  Belges,  parmi  lesquels  MM.  Biermans  et 
De  Reyghere,  partant  pour  la  troisième  fois  au  service 
du  chemin  de  fer,  et  8  agents  allant  accomplir  un  second 
terme. 

Le  6  octobre,  ont  pris  place  à  bord  du  Coomassic 
36  passagers;  parmi  eux,  le  D""  Bourguignon,  4™  départ; 
]\L  Schoii,  Danois,  3"^-  départ,  et  g  agents  à  leur 
deuxième  départ. 

Départs  du  6  novembre  par  VAkassa  :  22  passagers 
belges,  8  à  leur  deuxième  départ. 

Enfin,  parmi  les  22  premiers  partants  annoncés 
pour  le  6  décembre,  je  trouve  :  MM.  Wall,  5'"*^  départ; 
Vleminckx,4'^«^  départ  ;  Weins,  3"^«^  départ,  et  7  deuxièmes 
départs. 


Où  donc  est  le  temps  où  les  premiers  explorateurs 
de  l'Afrique  Belge  étaient  plutôt  considérés  comme  de 
mauvais  génies  voulant  entraîner  le  pays  dans  des  entre- 
prises néfastes? 

Où  donc  est  le  temps  où  l'on  regardait  avec  curiosité 
soit,  mais  aussi  avec  un  sentiment  de  commisération 
mêlée  de  dédain  ceux  qui  avaient  le  courage  et  la  foi 
d'aller  conquérir  à  la  patrie  une  vie  plus  féconde?  (i) 

Combien  de  temps  pourra-t-on  encore  constater  une 
différence  entre  notre  jeunesse  belge  et  celle  d'autres 
pays,  non  même  plus  grands  et  plus  encombrés  que  le 
nôtre,  et  qui  ont,  par  tradition,  établi  des  courants  vers 
les  contrées  d'outre-mer?  A  côté  d'eux  il  en  existe  d'autres, 

(Ij  D'après  \ .  Arsouli). 


I 


i3i   - 


i5z 


l'Italie,  la  Suisse,  le  Danemark,  la  Suède,  comme  nous 
non  préparés  à  des  exodes  coloniaux  par  les  traditions 
anciennes;  et  chez  ces  peuples,  restés  sans  colonies 
jusqu'ici,  une  partie  de  la  jeunesse,  avide  de  plus  grands 
horizons,  n'en  obéit  pas  moins  au  viril  appel  vers  les 
champs  d'activité  et  d'audace  qui  commencent  à  manquer 
en  Europe.  Le  vent  du  large  les  attire  et  ils  s'y  confient 
d'une  âme  que  ce  grand  souffle  fortifie  et  soutient  :  il  y  a 
au  Congo  des  Italiens,  des  Suisses,  des  Danois,  des 
Suédois 

Et  nous  voyons  avec  bonheur  la  jeunesse  belge, 
longtemps  casanière  et  timide,  n'entendre  plus  l'Océan 
rouler  le  long  de  nos  côtes  sans  comprendre  enfin  que  là 
désormais  est  le  grand  chemin  de  la  richesse  et  de  la  vie. 

Les  océans  sont  maintenant  les  routes  communes  de 
tous  les  peuples,  et  celui  d'entre  eux  qui  se  refuserait  de 
les  pratiquer,  serait  condamné  bientôt  à  une  irrémédiable 
déchéance  et  réduit  à  s'épuiser  dans  une  lutte  stérile 
contre  lui-même.  Xos  jeunes  gens  commencent  à  prouver 
que  notre  vieille  race  belge,  qui  opposait  jadis  Bruges  à 
A'enise,  qui  oppose  aujourd'hui  Anvers  à  Liverpool  et  à 
Hambourg,  n'est  pas  dégénérée  et  qu'elle  sait  conquérir 
les  mers  autrement  que  du  fond  de  ses  bureaux. 

Il  y  a  là-bas,  au  Congo,  à  trois  semaines  de  mer 
seulement,  des  fleuves  et  des  bassins,  aujourd'hui  ouverts 
aux  Belges,  et  si  nous  hésitons  à  y  aller,  demain  occupés 
par  toutes  les  activités  européennes  qui  auraient  bientôt 
fait  de  nous  en  fermer  l'accès.  La  Belgique  s'en  détour- 
nera-t-elle  par  amour  du  repos,  rendant  ainsi  stériles 
pour  nous  tant  de  grands  et  héroïques  efforts  que 
l'Europe  admire,  et  qui  profiteraient  à  tous,  hors  à  nous? 

Nous  ne  pouvons  le  croire,  et  notre  jeunesse  prou- 
vera  que   par   soixante   années   de    paix    profonde,    la 


I 


—  i33  — 

Belgique  n'a  pas  vu  décliner  les  qualités  viriles  qui  seules 
font  les  grands  peuples  et  seules  restent  les  sauvegardes 
vraies  de  leurs  destinées.  Aucune  nation  ne  s'est  faite  et 
ne  s'est  maintenue  que  par  l'énergie  de  ses  enfants,  et  la 
nôtre  ne  sera  pas  inférieure  à  la  fortune  qui  nous  échet, 
et  que  l'Europe  nous  concède  en  même  temps  qu'elle 
nous  l'envie. 


i34  — 


Je  n'ai  décrit  jusqu'ici  que  les  productions  du  sol 
congolais;  elles  suffisent  pour  assurer  la  richesse  de  ces 
territoires  neufs,  mais  à  côté  d'elles  nous 
devons  signaler  les  ressources  minéralogi- 
ques  et  zoologiques. 
Le  Congo  subvient 
à  ses  propres  besoins  en  outils,  armes 
et  ornements,  grâce  à  ses  minerais  de 
fer  et  de  cuivre.  Nous  ne  nous  étendrons 
pas  sur  ce  sujet. 

s  Xous   ferons   remarquer  seulement,  une 

fois  de  plus,  que  les  movens  primitifs  dont 

disposent   les   noirs   pour   la 

réduction  de  leurs  minerais, 

exigent    que    ceux-ci    soient 


Tt 


très  riches. 

Les    Européens  n'ont  pu   === 
.que    rarement    se    faire    montrer    les   lieux 
d'extraction   des  minerais;   ce  n'est  guère  qu'aux  mines 
de   cuivre  de  M'boko-Songo  ^ 
(Niari-Kwilou\  visitées,  «fcSSE^:^ 
en   18S7,  par  le  géologue   Dupont,    et 
aux  mines  du  Katanga,  visitées  par  le  D""  J.  Cornet,  que 
6       des  blancs  ont  pu  étudier  de  visu  une  exploitation 
nègre.  Presque  partout  ailleurs,  la  méfiance  des 
noirs  nous    a   empêchés    de    visiter  7 
leurs  mines  et  leurs  hauts-fourneaux. 
■^  En  ce  qui  me  concerne,  je  puis  signaler  l'abon- 

dance   du   minerai   de   fer  dans   toute  la 
boucle  équatoriale  du  Congo. 


I 


—  i35 


Je  rapportai  de  la  Haute-Boussira,  du  village 
N'sombo-N'kété,  un  bloc  de  minerai  réduit,  ayant  encore 
des  allures  de  scorie  et  séparé  par  deux 
larges  entailles  en  trois  fragments,  prêts 
à  être  travaillés  par  le  forgeron  pour 
être  transformés  en  couteaux  , 
lances,  flèches,  harpons,  haches, 
outils  divers 

Dans  toutes  les    rivières    de 
l'Equateur,     l'abondance    du    fer 
est  rendue  évidente   par  le  bon 
marché  des  armes  et  des  outils 
qui     en     sortent    constamment, 
achetés  par   les    riverains    du    Congo    au 
cours   de  leurs   expéditions  commerciales 
dans  ces  rivières. 

Au  nord  de  l'Oubanghi,  Dybowski  signale  l'existence 
de  l'itabirite,  riche  minerai  de  fer,  réduit  par  les  N'gapous 
et  les  Dakouas. 

A  côté  du  fer  existe  aussi  abondamment  le  cuivre, 
particulièrement  sous  forme  de  carbonate,  beau  minerai 
verdàtre,  constituant  l'une  des  richesses  du  Katanga  : 
c'est  la  malachite  bien  connue. 

Les  lances,  les  couteaux  sont  presque  toujours  ornés 
de  spirales  en  cuivre  rouge;  dans  le  Kassaï,  les  haches 
en  cuivre  rouge  repoussé  ont  un  absolu  cachet  artis- 
tique; les  femmes  se  parent,  au  cœur  du  Continent  noir, 
de  gros  anneaux  de  cuivre  brun. 

Disons  à  ce  propos  que  les  forgerons  Mongos  (Equa- 
teur) signent,  pour  ainsi  dire,  toutes  les  belles  armes 
qui  sortent  de  leurs  mains  en  y  incrustant  un  certain 
nombre  de  rivets  en  cuivre  rouge    (4   à  8),   souvent   peu 


i36 


apparents.  C'est  un  point  ethnographique  intéressant  et 
curieux. 

A  remarquer  les  croix  de  Saint-André  en  cuivre 
rouofe  du  Katansra  et  les  immenses  fers 
plats  en  forme  de  fer  de  lance  du 
Manyèma,  échantillons  des  monnaies 
de  ces  deux  régions. 

On  a  signalé  aussi  l'existence  de 
métaux  plus  précieux,  ainsi  l'étain  et 
l'or  dans  le  cuivre  des  ornements  de 
rOubanghi. 

A  ce  propos,  voici  ce  qu'écrivait, 
en  1893,  le  capitaine  américain  Camp, 
à  Léopoldville  : 

«  J'ai  trouvé  dans  de  l'argile  d'alluvion,  à  deux  pieds 
sous  la  surface,  un  petit  vase  employé  comme  creuset;  il 
doit  y  avoir  été  déposé  depuis  bien  des  temps  par  les 
hautes  eaux.  De  tels  vases  ne  se  voient  plus  aujourd'hui 
ni  ici  ni  ailleurs.  Devant  sa  petite  dimension,  il  faut 
croire  qu'il  a  été  employé  pour  les  métaux  supérieurs. 

»  J'en  trouvai  trois  dans  l'excavation  susdite.  L'un, 
qui  doit  être  très  ancien,  car  je  le  trouvai  sous  une 
ancienne  cavité  sur  laquelle  s'élèvent  des  arbres  avant 
au  moins  400  ans  de  croissance. 

»  l'ai  de  bonnes  raisons  de  croire  que  même  la 
géologie  de  la  région  a  été  modifiée  par  des  soulèvements 
dans  le  même  district,  ce  qui  en  constituerait  un  vase 
des  plus  anciens  âges  de  l'humanité. 

»  J'en  trouvai  un  autre  à  quatre  pieds  sous  un  banc 
d'argile  mêlée  à  un  dépôt  de  vieux  vases  brisés,  présen- 
tant des  formes  et  des  empreintes  différentes  de  tout  ce 
qu'on  peut  voir  aujourd'hui  en  aucun  point  du  Congo. 


i37 


»  J'ai,  à  la  mission  américaine  de  Léopoldville,  une 
enfant  d'environ  7  ans,  venant  de  l'Ouèllé,  qui  parle  d'or 
pur,  le  reconnaissant  à  une  de  mes  bagues,  et  assurant 
qu'il  s'agit  bien  du  même  métal. 

«  Elle  parle  d'une  tribu  qui  porte  ce  métal  en  orne- 
ments de  tête,  d'oreilles  et  de  nez,  et  dit  qu'on  se  le 
procure  de  pierres  venant  des  montagnes.  Elle  dit 
encore  que  cette  tribu  ne  se  laisse  pas  voir  par  les  autres 
lorsqu'elle  affiche  ces  ornements.  Sa  mère  lui  a  conté 
que  le  précieux  métal  existe  en  abondance  près  de  leur 
villn':^e. 

»  En  remontant  aux  sources  de  l'histoire  ancienne, 
je  trouve  que  les  premiers  Egyptiens. tiraient  l'or,  l'argent 
et  leurs  pierres  les  plus  précieuses  d'une  région  qui,  aussi 
près  que  je  puis  arriver,  est  cette  même  région,  c'est-à- 
dire  celle  comprise  entre  22°  et  26^^  longitude  Est  de 
Grecnwich  et  entre  3°  et  7°  latitude  Nord. 

»  Ce  doit  être  à  proximité  ou  en  ce  point  même,  et 
ce  devrait  faire  l'objet  de  recherches,  paicc  qu'il  est  bien 
possible  que  ce  creuset  peu  lourd  soit  venu  de  là. 

»  Sinon  nous  n'aurions  aucun  doute  que  des  métaux 
précieux  existent  à  proximité  du  point  où  furent  trouvés 
les  creusets,  métaux  qui  pourraient  être  découverts  aux 
eaux  basses  ou  dans  les  terres  plus  élevées.    » 

On  remarquera  que  le  capitaine  missionnaire  Camp 
ne  spécifie  pas  le  point  où  il  fit  sa  trouvaille;  il  désire 
probablement,  à  juste  titre,  éviter  que  quehju'un  ne 
s'empare  de  ses  découvertes  à  son  détriment. 

Le  même  voyageur  a  signalé  d'assez  nombreux 
échantillons  minéralogiques  parmi  lesquels  des  pierres 
cju'ils  pensent  pouvoir  être  des  rubis,  des  améthystes,  des 
sardoines,  des  agates,  etc. 


i38 


Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  se  demander  si  la  décou- 
verte de  mines  d'or  et  d'argent  serait  si  avantageuse  pour 
l'Etat  du  Congo  ?  Beaucoup  pensent  que  les  grandes 
cultures  feront  plus  pour  ces  régions  privilégiées  que  la 
découverte  des  mines  d'or  ou  d'argent  :  les  premières 
assureront  leur  développement  humanitaire;  les  secondes 
les  feraient  exploiter  sans  merci  ni  vergogne. 


Quelques  produits  du  règne  animal  autres  que 
l'ivoire  et  dont  l'exportation  pourrait  faire  son  profit 
ont  aussi  été  représentés  à  Anvers  :  on  y  trouvait 
des  onglons  de  tortue  provenant  des  criques  de  Banane, 
quelques  peaux  de  léopards,  de  serpents  et  d'iguanes,  des 
collections  àe  papillons,  de  colcc'.'.crcs  et  à^ oiseaux. 

Les  (c  onglons  de  tortue  »  sont  la  partie  arrière  de  la 
:^    carapace   des   grandes  tortues   de   mer  productrices 
de  l'écaillé. 

A  côté  des  léopards,  des  serpents  et  des  iguanes,  il 

existe  au  Congo  plusieurs  animaux  dont  les  dépouilles 

sont  utilisables  en  Europe  :   le  chat-civette,  le  crocodile, 

pour  leur  peau  ;  Vaigrette  et  Vibis  sacré  pour  leurs 

plumes...  ^^^ 

Quantité  d'animaux  peuvent  être  emportés      K,  « 

vivants  ou   mis   en  peau  pour    les  V^ 

-^       musées  :  singes,  perroquets,  veuves, 

bengalis,  foliotocoles,  oiseaux  à  miel  (Indi-         ^ 
cator  Sparrmanni),  cardinaux,  merles  métal- 
liques, etc 

Enfin  des  collections  de  grande 


---o 


-f/' 


W'-^ 


i3g 


valeur    peuvent    être   réunies    de    papillons,    coléoptères^ 
mygales,  mille  insectes  divers,  parmi  lesquels  le  phasme 

/  -       géant   ou    chevalier   du   diable, 

dont  un  spécimen  remarquable, 

trouvé  à  l'Equateur,   a   été  exposé  à 

Anvers. 


J'ai  dit,  en  une  énumération  descriptive  trop 
ide,  les  principaux  produits  que  la  mère-patrie 
exporte  et  surtout  pourra  exporter  du  Congo.  Ce 
qui  précède  est  de  nature  à  fixer  très  nettement  les  idées 
de  tous  ceux  qui,  partisans  ou  adversaires  de  l'œuvre, 
doivent  à  leur  conscience  de  l'éclairer  par  des  documents 
certains  ;  les  premiers,  pour  sentir  grandir  leur  foi  et 
leur  confiance;  les  seconds,  pour  pouvoir  méditer  longue- 
ment, s'interroger  honnêtement,  et  s'honorer  en  abjurant 
l'erreur  pour  la  lumière. 

Abandonnons  le  compartiment  des  produits  d'im- 
portation et  entrons  à  l'exposition  des  fabricats  d'expor- 
tation. 


140  — 


Le  commerce  du  Congo  se  fera  longtemps  encore 
principalement  par  l'échange,  c'est-à-dire  que  le  nègre, 
contre  les  produits  qu'il  nous  livrera,  demandera  surtout 
des  produits  manufacturés,  savoir  : 

Les  Tissus, 

Les  Vêtements  confectionna  (môme  et  surtout  les  plus 
baro(]ues), 

La  Bonneterie, 

Les  Couvertures, 

\:  Alcool, 

Le  Sel, 

Les  Sonnettes, 

Les  Grelcts, 

Les  Miroirs, 

Les  Fourchettes, 

Les  Cuillères, 

Les  Couteaux, 

Les  Machettes, 

Les  Ciseaux, 

Les  Canifs, 

Outils  divers, 

Les  Hameçons, 

Les  Aiguilles, 

\.cFil, 

Les  Allumettes, 

Les  Perles, 

Le  Corail, 

Les  Cauries, 

La  Chapellerie,  surtout  les  Fez  rouges  et  les  Boniuts 
grecs, 


V 


"v;. 


--  141   — 

Les  Chaussures^ 

Les  Parapluies  et  Ombrelles^ 

Le  Cuivre, 

Les  Serrures, 

Les  Cadenas, 

Les  M  ailes  fermant  à  clef, 

Les  Fusils  de  traite, 

La  Poudre  de  traite. 


Les  Tissus. 

Les  tissus  de  la  troque  congolaise  sont  : 

1°  Des  Tissus  de  Coton  :  les  Tissus  écrus,  Aniéricani  ou 
Grcv  domestics, 

Les  Shectings, 

Les  Rayures,  Riscades  ou  Stripcs, 

Les  Carreaux  ou  Checked, 

Les  Guine'es  communes  ou  i^/z/c  è^/f, 

Les  Indiennes  ordinaires. 

Les  Mouchoirs  imprimés,  à  fond  rouge, 

2°  Des  Velours  et  ^ozVs  fz  trame  de  coton, 

3'^  Un  Tz5sz<  (/^  /^z;z{',  appelé  Savedlist,  espèce  de  5^/^ 
7'0i/^£?  ou  6/n/f  très  commune , 

40  Les  Couvertures  unies,  k  fleurs  ou  imprimées, 

5°  hB.  Bonneterie,  comprenant  surtout  les  «  Singled  )>, 
^  Bonnets  divers,  etc 

Les  tissus  sont  de  largeur  variable;  les  pièces 
doivent,  en  général,  être  de  longueur  déterminée  et 
disposées  en  un  certain  nombre  de  plis. 

L'indigène  mesure  les  étoffes  par  brasses  valant 
environ  deux  yards. 


—  142  — 

Les  tissus  d'échange  pour  l'Afrique  doivent  être 
apprêtés,  et  d'autant  plus  que  leur  qualité  est  infé- 
rieure. 

Cette  question  de  l'apprêt  joue  un  grand  rôle  dans 
le  choix  des  tissus  pour  l'Afrique  en  général,  et  pour  le 
Congo  en  particulier. 

Au  début  de  l'œuvre  africaine,  l'industrie  belge  se 
trouva  dans  un  état  d'infériorité  flagrante,  vis-à-vis  des 
industries  étrangères,  et  notamment  de  l'Angleterre;  nos 
fabricants  n'expédiaient  guère  en  Afrique  qu'une  partie 
des  tissus  écrus,  et  cela  tenait  pour  beaucoup  à  ce  que 
la  manière  d'apprêter  les  tissus  laissait  beaucoup  à 
désirer  en  Belgique,  de  sorte  que  l'Angleterre  l'emportait 
presque  toujours  pour  les  tissus  à  bon  marché  :  le  tissu 
anglais,  clos  par  l'apprêt,  avait  du  corps,  de  la  main  ; 
le  tissu  belge,  au  contraire,  se  présentait  mal,  et  ressem- 
blait à  de  l'étamine. 

Aussi  à  l'Exposition  d'Anvers  en  i885,  la  collection 
de  tissus  servant  au  commerce  avec  l'Afrique,  exposée 
par  le  Musée  commercial  de  Bruxelles,  se  composait 
d'échantillons,  dont  la  plupart  étaient  de  provenance 
anglaise. 

Mais  à  la  même  époque  pourtant,  sous  l'impulsion 
surtout  de  l'Administration  du  Congo,  quelques-uns  de 
nos  fabricants  avaient  essayé  de  fabriquer  les  mêmes 
tissus,  et  ils  avaient  parfaitement  réussi  ;  leurs  fabricats 
figuraient  dans  le  compartiment  Belgique-Congo  de  i885, 
et  pouvaient  parfaitement  soutenir  la  comparaison  avec 
les  tissus  anglais. 

L'exemple  fut  suivi  et  aujourd'hui,  dans  le  vaste 
hall  congolais,  c'est  l'industrie  belge  qui  a  pris  le  dessus; 
3  grandes  maisons  anglaises  seulement  :  Fallows  et 
Keymer,    —     Haardbleicher   et    Reiss,     —     James    et 


—  143  — 

Hutton,  —  toutes  trois  de  Manchester,  ont  exposé  leurs 
produits  d'exportation  à  côté  de  i3  firmes  belges  : 

Parmenticr,  ^'an  Iloegarden  et  C'*^,  Gand 

Goris,  S*-Nicolas 

\^anderhaegen  et  Cruyplants,  Gand 

Baertsoen  et  Buysse,  Gand 

Société  anonyme  de  Waerschot 

D'Heygere,  Gand 

Société  anonyme  Lousbergs,  Gand 

]\Ioerman  Achille,  Gand 

Société  anonyme  Union  textile,  Alost 

Roos,  Termonde 

Cranleux,  Bornhem 

Philips-Glazer,  Termonde 

De  Smeth,  Bruxelles 


Aussi  actuellement  l'Etat  du  Congo  n'a-t-il  plus  à 
recourir  à  l'étranger  pour  ses  achats  de  tissus,  si  ce  n'est 
pour  les  tissus  imprimés,  que  l'industrie  belge  saurait 
fournir  ég;alement,  si  elle  voulait  créer  l'outillaç^e  néccs- 
saire;  de  ces  tissus  imprimés,  il  entre  7  p.  c.  dans  les 
achats  de  tissus  faits  par  le  Gouvernement  congolais. 

Ci-dessous,    un    diagramme   indiquant  d'année 
en   année,    les  proportions  dans   lesquelles   ces 
achats    ont   pu   se   faire   auprès   de    l'industrie 
belge  : 


—   144  — 

^*oici  au  surplus  le  mouvement  commercial  de  i8g3, 
en  ce  qui  concerne  les  exportations  de  tissus,  de  Belgique 
vers  le  Congo  : 

Tissus  de  coton  blanchi  :  i5,g2i  kilos  (valeur  6i,go6 
francs),  dont  i,368  kilos  (valeur  3,694  francs)  de  fabrica- 
tion belge,  le  reste  venant  surtout  d'Angleterre  et  de 
Suisse. 

Tissus  de  cotons  teints  :  765,494  kilos  (valeur  3,3oo,2S5 
francs),  dont  517,991  kilos  (valeur  1,864,768  francs)  de 
fabrication  belge. 

Cotons  imprimes  :  9,646  kilos  (valeur  44,626  francs), 
dont  3,604  kilos  (valeur  14,416  francs,  de  fabrication 
belge. 

Tissus  de  laine  :  12,240  kilos  (valeur  116,298  francs), 
dont  12,235  kilos  (valeur  116, 233  francs)  de  fabrication 
belge. 

Quant  à  la  bonneterie,  j'ai  le  regret  de  dire  que 
60,040  kilos  en  ont  été  envoyés  au  Congo  en  i8g3,  en 
transit  par  la  Belgique,  mais  que  pas  un  seul  article 
n'a  pu  être  fourni  par  nos  industriels. 


lo 


146 


UAlcool. 

L'alcool  s'expédie  en  Afrique  sous  forme  de  rhum 
de  traite  appelé  tafia,  et  sous  forme  de  genièvre  ou  gin 
de  traite. 

Bien  que  l'industrie  belge  des  spiritueux  soit  très 
perfectionnée,  elle  ne  peut  pas  lutter  sur  les  marchés 
africains  avec  l'industrie  similaire  hollandaise  ou 
hambourgeoise. 

En  voici  la  raison,  telle  que  la  signalait  déjà  à 
l'Exposition  de  i885,  le  major  Thys  : 

«  Lorsqu'un  produit  manufacturé,  fabriqué  en 
»  Belgique  et  qui  y  a  pa3'é  des  droits  d'accise  est  destiné 
»  à  l'exportation,  le  Gouvernement  Belge  fait  au  fabri- 
»  cant  la  ristourne  d'une  partie  des  droits  d'accise.  Cette 
0  ristourne  s'appelle  drawback.  Elle  est  en  Belgique 
»  trop  faible  pour  que  nos  fabricants  se  trouvent  sur  un 
»  pied  d'égalité  vis-à-vis  de  leurs  concurrents  de  l'étran- 
))  ger  qui  ont  des  droits  moins  élevés  à  payer. 

))  Il  y  a  là  —  disait  encore  le  major  Thvs  —  un 
»  point  important  à  examiner,  sur  lequel  nous  nous 
»  permettons  d'attirer  respectueusement  l'attention  du 
»  Gouvernement.  » 

La  situation  ainsi  signalée,  en  i885,  n'a  pu  encore  se 
modifier  considérablement,  ainsi  que  le  montrent  les 
chiffres  ci-dessous  : 

Il  a  été  expédié  de  Belgique  vers  le  Congo  en  1893: 

A  Icools  en  fûts  :  néant  ; 

Eaux -de-vie  en  bouteilles   :    128    hectolitres,    valant 


—  147  — 

28,ooo  francs,  dont  3o  hectolitres  seulement  fournis 
par  la  Belgique,  le  reste  venant  surtout  de  France  et 
des  Pays-Bas.; 

Liqueurs  en  bouteilles  :  70  hectolitres  valant  20,900 
francs,  dont  18  hectolitres  environ  fournis  par  nous,  le 
reste  principalement  par  la  Suisse. 

Ces  chiffres  sont  extraits  des  statistiques  dressées 
par  le  Ministère  des  Affaires  Etrangères. 

Ils  ne  tiennent  compte  que  des  alcools  ayant  passé 
par  la  Belgique. 

Voici,  extraits  du  Bulletin  Officiel  de  l'Etat  Indépen- 
dant, les  chiffres  totaux  des  entrées  d'alcool  en  iBgS  : 

Eaux-de-vie  de  traite  à  So'^  et  moins  :  1,247,71g  kilos, 
valant  448,106  francs. 

Eaux-de-vie  à  plus  de  So'^  :  338,823  kilos,  valant 
161,297  francs. 

Liqueurs  diverses  :  92,276  francs. 


Le  Sel. 

Il  est  entré  au  Congo  en  1893,  près  de  5o,ooo  francs 
de  sel  pour  le  trafic,  envoyé  principalement  par  l'Angle- 
terre et  les  Pays-Bas,  qui  participent  au  total  de  5o,ooo 
francs  respectivement  pour  i5,ooo  et  17,800  francs,  la 
Belgique  y  figurant  pour  8,000  francs  (commerce  de 
transit). 


Somtettes,  grelots,  miroirs,  fourchettes,  cuillères,  ustensiles 
de  cuisine  et  de  ménage,  couteaux,  machettes,  canifs,  etc. 

Ces  articles,  désignés  sous  l'appellation  de  quincail- 
lerie,   sont    articles   de   pacotille,    pour    la  fabrication 


desquels  l'Allemagne  surtout  est  beaucoup  mieux 
outillée  que  nous. 

Aussi  40  p.  c.  des  commandes  de  l'Etat  doivent-elles 
encore  être  faites  à  l'étranger,  en  attendant  que  quelque 
fabricant  belge,  bien  avisé,  se  décide  à  installer  l'outillage 
spécial  qui  lui  permettrait  de  réaliser  un  chiffre  d'affaires 
conséquent,  car  il  est  entré  au  Congo  en  i8g3,  pour 
287,725  francs  de  quincaillerie,  et  la  Belgique  ne  figure 
dans  ce  chiffre  total  que  pour  89,000  francs. 

Quatre  fournisseurs  belges  sont  exposants  : 

La  Société  anonyme  «  Emailleries  bruxelloises  ». 

La  manufacture  royale  de  coutellerie  Licot  et  C'*-',  de 
Namur. 

Simon,  H.,  ferblanterie  industrielle,  Bruxelles. 

Van  den  Broeck,  F.,  quincaillerie  et  coutellerie, 
Bruxelles. 


Allumettes. 

8,75o  francs  d'allumettes  sont  entrées  au  Congo  en 
i8g3;  la  Belgique  y  figure  pour  3, 000  francs,  l'Allemagne 
pour  2,765. 


Habillement  et  lingerie,  chapeaux,  fez,  bonnets  grecs, 
chaussures,  vêtements,  etc. 

Le  chiffre  des  entrées  en  1893  a  atteint  :  2/2,532 
francs,  dont  122,166  pour  la  Belgique,  100,445  pour 
l'Angleterre,  35, 000  pour  les  Pays-Bas. 


—   149 


Faïencerie  et  poterie. 

Entrées  au  Congo  en  iSgS  :  77,655  francs;  de 
Belgique  :  5,855  francs;  d'Angleterre  :  44,556  francs;  des 
Pays-Bas  :  24,000  francs. 


Verroterie  et  verrerie. 

Il  est  entré  au  Congo,  l'an  dernier,  260,000  francs 
de  perles,  verrerie,  etc.,  la  Belgique  figure  dans  ce  total 
pour  22,000  francs,  presque  tout  en  transit. 

Il  y  a  donc  là  un  quart  de  million  de  francs,  dont 
profite  seul  le  commerce  étranger,  particulièrement  celui 
de  l'Italie  et  de  la  Bohême. 

L'Etat  du  Congo  a  envoyé  à  lui  seul,  l'an  dernier, 
des  perles  pour  une  valeur  de  160,000  francs. 

Il  est  regrettable  que  pas  un  industriel  belge,  surtout 
parmi  nos  maîtres  de  verrerie,  ne  trouve  pas  suffisam- 
ment d'initiative  pour  créer  en  Belgique  cette  fabrication 
de  perles  de  verre,  pour  laquelle  les  installations  sont  si 
simples,  et  qui  aurait  l'avantage  d'utiliser  pour  la  main- 
d'œuvre,  des  enfants,  des  vieillards,  comme  à  ^>nise, 
fournissant  ainsi  un  travail  facile  à  une  classe  si  intéres- 
sante de  travailleurs. 

Voici  comment  on  opère  pour  la  fabrication  des 
grains  de  bracelets,  de  colliers,  de  toute  couleur  : 

Des  tubes  de  différents  calibres,  variant  avec  la 
grosseur  des  grains  à  obtenir,  sont  coupés  par  paquets  en 
cylindres,  d'une  hauteur  égale  à  leur  diamètre.  Ces  tubes 


—  i5o  — 

sont  incolores  ou  colorés,  selon  qu'il  s'agit  d'obtenir  des 
grains  blancs  ou  de  couleur. 

Les  petits  cylindres  vitreux  ainsi  découpés,  on  les 
introduit  avec  un  mélange,  soit  de  graphite  et  de  plâtre, 
soit  d'argile  et  de  charbon  de  bois  pulvérisé,  dans  un 
tambour  pyriforme  de  fer  battu,  traversé  par  un  axe  en 
fer. 

Le  tambour  étant  placé  sur  un  fourneau  convenable- 
ment disposé,  l'ouvrier  lui  imprime  un  mouvement  de 
rotation  continu.  Par  l'action  de  la  chaleur  les  cylindres 
se  ramollissent,  et  par  le  frottement  incessant  ils 
prennent  une  forme  sphérique,  de  même  que  les  galets 
incessamment  roulés  les  uns  sur  les  autres  par  les  eaux 
des  fleuves,  perdent  leurs  arêtes  et  prennent  la  forme  de 
lentilles  ou  de  boules. 

On  laisse  refroidir  le  tambour,  puis,  par  le  tamisage, 
on  sépare  les  matières  pulvérulentes,  qui  ont  eu  pour 
effet   d'empêcher   les   tubes   de  se  souder  les  uns  aux 

autres.  lUstoirc  iCim  morceau  de  7'errc,  de  Jules  Magny. 

Voilà  certes  une  fabrication  que  ne  devrait  pas 
continuer  à  dédaigner  l'industrie  belge. 

Quelque  maître  de  verrerrie  entreprenant  n'aura-t-il 

pas  l'idée  d'envoyer  quelqu'un  à  Venise  et  en  Bohême, 

étudier  sur  place  une  fabrication  dont  le  chiffre  d'affaires 

atteindra  pour  le  Congo  seul,  en  1894,  le  demi-million? 

Exposants  à  Anvers  : 

Weberbeck  et  C'^,     Venise, 
Ceresa  Millin,  Bohême. 

Rost,  Venise. 

Shwister,  Paris. 


I 


i5i  — 


Ciikrc  et  laiton. 

Le  fil  de  cuivre  et  de  laiton  s'exporte  en  Afrique  en 
rouleaux  et  en  paquets  oblongs  de  3cfà  35  kilos  ;  partiel- 
lement aussi  en  bracelets  tout  préparés,  surtout  pour 
l'Equateur. 

Lors  de  l'exposition  de  i885,  le  major  Thys  signa- 
lait que  le  fil  de  cuivre  et  de  laiton  était  de  provenance 
anglaise. 

Aujourd'hui,  nous  avons  la  grande  satisfaction  de 
dire  que  ce  sont  les  usines  de  cuivre  de  Liège  qui  ont  pu 
acquérir  la  fourniture  complète  de  cet  important  article 
d'échange,  du  moins  pour  ce  qui  concerne  les  commandes 
de  l'Etat  Indépendant  du  Congo. 

Il  est  entré  au  Congo,  en  i8g3,  du  fil  de  cuivre  et  de 
laiton  pour  une  valeur  de  238,733  francs,  dont  176,000 
francs  fournis  par  la  Belgique,  46,000  francs  par  l'Angle- 
terre (introduits  par  les  missions  anglaises  surtout),  et 
10,000  francs  par  les  Pays-Bas. 

Sous  diverses  formes  autres  que  le  fil,  il  est  entré,  la 
même  année,  du  cuivre  et  du  laiton  pour  7,696  francs, 
savoir  :  3,167  francs  venant  de  Belgique,  2,499  francs 
venant  d'Angleterre  et  2,o3o  francs  venant  des  Pays-Bas. 

Exposant  :  Société  anonyme  des  usines  à  cuivre  et 
à  zinc  de  Lièg-e. 


Armes  de  traite. 

Sont  essentiellement  de  fabrication  belge  ;  ce  sont 
surtout  des  fusils  à  silex  et  une  certaine  quantité  de  fusils 
à  capsules. 


—    l52    — 

4,768  fusils  à  silex,  valant  42,620  francs,  sont  entrés 
au  Congo  en  i8g3;  2,669,  valant  23,555  francs,  étaient 
de  fabrication  belge,  le  reste  étant  surtout  allemand  et 
anglais. 

4,764  fusils  à  capsules,  de  fabrication  belge,  valeur 
45,893  francs,  sont  entrés  au  Congo  la  même  année. 

Enfin,  sur  1 3, 186  francs  de  capsules,  entrées  en  1893, 
la  Belgique  en  a  fourni  pour  i2,o55  francs. 

Exposants  à  Anvers  : 
Riga,   Liège, 
Mahillon,  Bruxelles. 


Poudre  de  traite. 

La  poudre  de  traite  belge  est  fort  appréciée  sur  le 
marché  africain,  où  elle  était  connue  d'ailleurs  longtemps 
avant  la  création  de  l'Etat  Libre. 

Entrées  de  1893  au  Congo  :  292,279  kilos  valant 
240,949  francs  et  fournis  principalement  par  la  Belgique, 
l'Angleterre  et  les  Pa3's-Bas,  dont  les  chiffres  d'envoi  ont 
été  respectivement  de  iio,38o;  114,923;  63,926  kilos, 
valant  85,799;    97,o35;    64,946  francs. 


Complétons  ces  quelques  données  relatives  aux  prin- 
cipaux produits  d'échange  par  l'indication  d'un  certain 
nombre  d'articles  trouvant  actuellement  leur  débouché 
soit  dans  la  zone  maritime  et  la  partie  construite  du 
chemin  de  fer  Matadi-Léopoldvillc,  soit  dans  la  zone 
arabe  et  les  provinces  du  Nord.  Nous  donnerons  les 
chiffres  des  entrées  en  1893. 


—  i53  — 

Bijouterie  et  horlogerie  (en  or,  argent  et  métaux  infé- 
rieurs) :  près  de  20,000  francs,  dont  un  tiers  pour  la 
Belgique. 

Bougies  :  i5,ooo  francs,  dont  près  de  la  moitié  de 
commerce  belge. 

Mercerie  et  parfumerie  :  48,000  francs,  dont  un  tiers 
de  commerce  belge. 

Savons  :  21,675  francs,  dont  6,926  francs  de  com- 
merce belge. 

Cigares  et  cigarettes  :  22,077  francs,  dont  la  moitié  de 
provenance  belge. 

Tabacs  :  25,238  francs,  dont  le  quart  de  provenance 
belge  et  les  deux  cinquièmes  de  provenance  hollandaise. 

Exposants  : 

De  Roubaix,  Oedekhoven  et  C'*^,  bougies,  Anvers. 

Eeckelaers,  savons  et  parfums,  Bruxelles. 

Brûlé,   Léon,   articles  pour  fumeurs,   Bruxelles. 

De  Curte,  Henri,  bijouterie,  Bruxelles. 

Waldack,  savons,  bougies,  Gand. 


Mais  l'industrie  européenne  n'a  pas  à  fournir  que  des 
articles  de  traite.  L'entretien  des  non  indigènes;  la 
création  du  chemin  de  fer;  le  développement  de  la  marine 
du  Bas  et  du  Haut-Congo;  l'outillage  des  stations;  le 
matériel  de  construction  et  de  culture;  les  travaux  de 
défense;  les  fournitures  de  bureau;  les  instruments  scien- 
tifiques; les  fournitures  scolaires,  etc.,  tout  cela  repré- 
sente un  chiffre  d'affaires  qui  a  atteint,  en  1893,  cinq 
millions,  dans  lescjuels  le  commerce  belge  entre  pour 
2, 800 j 000  francs. 

Au  total,  le  chiffre  des   entrées  au  Congo,   en   1893, 


104 


a  été  de  10,148,418  francs,  la  part  belge  3^  étant  de 
4,482,969  francs. 

Mais  ces  4  millions  et  demi  sont  loin  de  représenter 
le  mouvement  commercial  et  la  circulation  de  capitaux 
créés  en  Belgique  par  les  affaires  congolaises. 

Tout  d'abord,  il  est  rare  que  les  déclarations  en 
douane  ne  soient  pas  inférieures  d'environ  un  dixième  à 
la  valeur  réelle  des  produits  déclarés.  De  sorte  que  l'on 
peut  porter  à  5  millions  la  valeur  réelle  des  entrées  belges 
au  Congo  en  i8g3. 

En  second  lieu,  il  faut  ajouter  à  l'actif  de  ce  bilan 
tout  ce  que  reçoivent  soit  en  salaire,  soit  en  bénéfices 
industriels  et  commerciaux,  les  employés,  négociants, 
agents  de  toute  catégorie  qui,  partis  de  Belgique,  vivent 
au  Congo  sans  grandes  dépenses  personnelles,  et  réser- 
vent leur  avoir  au  fonds  commun  qui  constitue  la  richesse 
nationale  de  la  métropole. 

Il  faut,  enfin,  y  ajouter  les  dépenses  relatives  aux 
services  fonctionnant  en  Belgique. 

Je  n'ai  comme  documents  officiels  que  les  chiffres 
relatifs  au  gouvernement  de  l'État  du  Congo.  Ils  me 
permettent  d'établir  comme  suit  l'actif  du  bilan  congolais 
pour  un  an  : 

Entrées  belges  au  Congo fr.     5, 000, 000 

Département  de  l'Intcrieur  : 

Services  d'Europe 112,000 

Gouverneur  général  et  Inspecteurs  d'Etat.     .  101,450 

Administration  centrale  à  Borna  :  traitements  3o,86o 

Administration  des  Districts  :  traitements     .  317, 45o 

Force  publique  :  traitements  personnel  blanc  423,400 

Marine  :  traitements 228,525 


Service  sanitaire  :  traitements 84,240 

Travaux  publics;  artisans  de  divers  métiers  : 

traitements  en  numéraire ii6,25o 

Agriculture;  personnel  :  traitements     .      .      .  20,g5o 

Missions  diverses     . 110,000 

Frais  de  voyage  entre  l'Afrique  et  l'Europe    .  189,250 

Frets  et  assurances 171,300 

Dépenses  imprévues 25, 000 

Total.      .     .  fr.  1,930,675 


Département  d:s  Finances  : 

Services  d'Europe fr.  68,5oo 

Services  d'Afrique i83,5oo 

Dépenses  diverses 33,25o 

Total.     .     .  fr.  285, 25o 


Département  des  Affaires  étrangères  et  de  la  Justice  : 

Service  d'Europe fr.  43,5oo 

Postes 11,000 

Navigation  :  traitements  du  personne!.      .      .  26,5oo 

Justice  :  traitements  du  personnel  ....  73,000 

Cultes 11,200 

Frais  de  voyage  des  agents  se  rendant   en 

Afrique  ou  en  revenant '.  7,3oo 

Bulletin  Officiel 1,600 

Dépenses  imprévues 6,000 

Total.     .      .  fr.  180,100 


Total  général. 


7,396,025  francs. 


—  i56  — 

En  établissant  de  même  les  chiffres  relatifs  aux 
compagnies  commerciales  et  aux  missions,  il  est  certain 
que  l'on  arrive  au  moins  à  8  millions  et  demi  pour  le 
total  représentant  «  le  mouvement  commercial  et  la 
circulation  de  capitaux  créés  en  Belgique  par  les  affaires 
congolaises,  en  un  an  ». 

On  voit  que  si  la  Belgique  fait  au  nouvel  Etat,  pour 
l'aider  pendant  quelques  années  à  se  développer,  une 
avance  annuelle  de  2  millions,  cet  argent  ne  quitte  pas  en 
réalité  le  pays,  et,  qu'à  compte  logique,  on  peut  dire  que 
c'est  la  Belgique  qui  y  trouve  son  avantage. 

Aussi  pouvons-nous,  pour  finir  ce  chapitre,  citer  une 
longue  liste  d'exposants  de  toutes  catégories,  presque 
tous  belges  : 

Baudoux,  clouterie,  Fontaine-l'Evêque. 

Société  anonyme  des  forges  d'Aiseau. 

Dutry-Colson,  construction  navale,  Gand. 

Mateyssen,  Aimé,  construction  navale  et  chaudron- 
nerie, Jemeppe. 

Delsa,  matériel  de  chemin  de  fer,  Liège. 

Usine  de  Baume  et  Marpent,  wagons. 

La  Métallurgique,  matériel  de  chemin  de  fer, 
Bruxelles. 

Aciéries  d'Angleur,   matériel  de  chemin  de  fer. 

Société  anonyme  de  travaux  Dyle  et  Bacalan, 
matériel  de  chemin  de  fer,  Louvain  et  Paris. 

Société  anonyme  de  Saint-Léonard,  matériel  de 
chemin  de  fer,  Liège. 

Société  anonyme  des  usines  de  Jumet,  constructions 
métalliques,  chaudronnerie. 

Legrand,  Achille,  voies  ferrées,  wagonnets,  Mons. 

Cristoph  et  Unmack,  habitations,  Copenhague. 


Compagnie  des  constructions  démontables  et  hygié- 
iiiflLics,  Paris, 

l.assinat,  pavillons,  églises,  Braine-le-Comte. 

Humphreys,  pavillon,  Londres, 

Xorth's  Portland  Cernent  Works,  Anvers. 

Semai,  Emile,  meubles,  Nivelles. 

Société  anonyme  John  Cockerill,  bateaux,  canons, 
Licsrc. 

De  Koning  et  C'«,  aciers,  limes,  métaux,  Bruxelles, 

Malevez,  Eugène,  outils,  Rouillon-Annevoie, 

^'an  den  Abeele  et  C''^,  outils,  Anvers. 

Ricard,  artificiers,  Bruxelles, 

Crosse  et  Blackwell,  conserves,  Londres. 

Buquet,  conserves,  Bruxelles. 

Delacre,  biscuits,  chocolats,  etc.,  Vilvorde. 

De  Kuyper  et  C'^,  farines,  Anvers. 

Joveneau,  chocolats,  Tournay. 

Peleheid,  conserves,  Bruxelles. 

Société  anonyme  des  eaux  minérales  de  Spontin. 

Stauffer  et  C'^,  conserves,  Enghien. 

Grande  vinaigrerie  nationale,  Molenbcek-S^-Jean. 

Bclleau,  Désiré,  champagnes,  Reims. 

Delgouffre,  Eugène,  vins,  Bruxelles. 

Deymann-Druart,  liqueurs,  Bruxelles. 

Fourcade  et  C'^,  vins,  Bordeaux. 

Blandy  frères,  vins  de  Madère. 

Helk,  Schulde  et  C'-,  liqueur  anticholérique. 

Blockhuis,  conserves,  Hollande. 

Delacre  et  C^^,  produits  pharmaceutiques  et  instru- 
ments de  chirurgie,  Bruxelles. 

Kalcker-W'ielemans,  antiseptiques,  instruments  de 
chirurgie,  Bruxelles. 

Cartuyvels-Defacqz,  reliure,  Ixelles. 


i58 


Van  Campcnhout,  imprimerie,  Bru-xelles. 
Nestor  d'iVrgent,  graines,  Bruxelles. 
Pieters,  fours  portatifs,  Bruxelles. 
La  Visserie  belge,  Bruxelles. 
Charles  Toulet,  billards,  Bruxelles. 
Bouv}^,    Fontaine,    Olinger   et    Hap,    équipement, 
Bruxelles. 

De  Bruycker  et  C'^,  équipement,  Bruxelles. 

Guillon  et  C'^,  Magasins  de  la  Bourse,  Bruxelles. 

Licoppc,  Alexis,  équipement,  Bruxelles. 

Moray,  Victor,  équipement,  Bruxelles. 

Sneyers,  Jules,  équipement,  Bruxelles. 

Lefebvre,  Eugène,  Maison  de  blanc,  Bruxelles. 

De  Smet-Troch,  chaussures,  Bruxelles. 

Mulbach,  chaussures,  Bruxelles. 

Libert,  chaussures,  Bruxelles. 

T'sas,  chapellerie,  Bruxelles. 

Bosmans,  sellerie,  Bruxelles. 

Mathys-Declercq,  malles,  Bruxelles. 

Ribauville,  malles,  Bruxelles. 

Simon,  malles,  Bruxelles. 

Van  Ncck,  matériel  d'explorateur,  Bruxelles. 

Snyers-Rang,  tentes,  Bruxelles. 

Edgington,  tentes,  Londres. 

John  Proctor,  tentes,  Anvers. 

Mahillon  et  C'^,  tambours,  clairons,  Bruxelles. 

Fisch,  instruments  de  précision,  Bruxelles. 


Je  signale  avec  plaisir  ici,  qu'il  y  a  environ  huit 
mois,  un  officier  français  n37^ant  fait  partie  d'une  grande 
expédition  en  Afrique,  et  désigne  pour  aller  occuper  à  la 


i5g 


côte  occidentale  un  poste  important,  vint  s'équiper 
presque  complètement  à  Bruxelles,  où,  me  dit-il,  il 
ce  trouvait  bien  mieux  son  affaire  >>. 


Nous  avons  dit  ce  que  nous  savons  actuellement  des 
produits  que  la  Belgique  peut  tirer  du  Congo,  et  ce  en 
échange  de  fabricats  dont  la  liste  et  l'importance  conti- 
nueront à  se  développer. 

Mais  à  côté  de  ces  deux  grands  facteurs  commer- 
ciaux, nous  devions  en  envisager  deux  autres  d'une 
importance  capitale  :  la  main-d'œuvre,  les  voies  de 
communication. 


—  i6i 


La  Société  Cockerill  nous  montre  dans  une  troisième 
salle  du  compartiment  congolais,  une  caravane  de  noirs 
portant  les  pièces  d'un  canon  et  d'une  embarcation 
démontables. 

Tels  sont  en  effet  les  seuls  moyens  de  transport  en 
beaucoup  de  points  de  l'Etat  du  Congo,  et  c'est  particu- 
lièrement ce  remarquable  exemple  de  la  main-d'œuvre 
indigène  qui  va  me  permettre  de  montrer  tout  ce  qu'on 
peut  attendre  des  autochtones  mettant  en  rapport  leur 
pays  fécond. 

Les  steamers  de  mer,  on  le  sait,  amènent  à  Matadi 
les  articles  d'échange  et  autres,  qui,  pour  se  pouvoir 
répandre  au  cœur  de  l'Afrique,  le  long  de  l'admirable 
réseau  Huvial  du  Haut-Congo,  doivent  arriver  à  Léopold- 
ville,  sur  le  Stanley-Pool,  à  tête  d'homme,  à  travers  la 
région  des  Cataractes,  les  sentiers  de  caravanes  Matadi- 
Léopoldville  ayant  un  développement  de  35o  à  400  kilo- 
mètres. 

Le  vova";eur 
qui  a  couru  de 
Matadi  à  Léo- 
poldville  en 
regardant  la 
pointe  de  ses 
pieds,  est  par- 
faitement en 
droit  de  décla- 
rer qu'il  n'a  pas 
vu  de  popula- 
tions dans  la 
région  des  Cataractes,  bien  qu'il  ait  traversé  des  marchés 
où  grouillaient  des  centaines  d'indigènes  et  qu'il  ait  croisé 


II 


102    

constamment  des  caravanes  allant  et  venant,  et  laisant 
défiler  à  certains  jours  plus  d'un  millier  de  porteurs  en 
un  môme  point. 

Les  agents  établis  à  demeure  dans  cette  région,  et 
qui  la  parcourent  en  tous  sens  aujourd'hui,  sont  seuls  à 
même  d'essayer  une  évaluation  delà  population.  Nous 
n'avons  pas  essayé  de  l'estimer  avec  nos  seules  données 
pour  ne  pas  fournir  des  chiffres  peu  sûrs. 

Mais  nous  fixerons  les  idées  sur  la  capacité  de  travail 
des  Bas-Congos  à  l'aide  de  précieux  renseignements. 

En  i8g3,donc  l'année  dernière,  l'Etat  a  transporté  à 
tête  d'homme  : 

1°  De  Matadi  vers  Loukoungou,  Louvitoukou, 
N'toumba-Mani  et  Boulou  :  3i,2i7  charges  ; 

2"  De  ces  stations  intermédiaires  vers  Léopoldville 
et  Popocabaca  :  25,ig3  charges. 

Au  total  56,410  voyages,  en  appelant  voyage  un 
transport  de  charge  par  un  seul  homme. 

La  moyenne  des  voyages  d'un  porteur  par  an  étant 
de  six,  les  56,410  voyages  signalés  ont  été  effectués 
par  — ^'°-  =-  9,401  porteurs.  Mettons  9,400. 

Or,  les  caravanes  sont  accompagnées  d'un  gamin 
porte-nourriture  par  10  hommes  environ,  d'un  capita 
par  20  hommes,  et  de  plus  le  portage  met  en  jeu  un  chet 
par  20  hommes. 

Ces  chiffres  moyens  montrent  que  le  chiffre  global 
de  la  population  s'occupant  du  portage  pour  l'Etat  s'élève 
à 11,280  hommes. 

La  Société  belge  en  a  employé 
environ g, 000         » 

Les  missions  et  autres  particu- 
liers environ '  .      .  5, 000         » 

Total  général  :         25, 280  hommes. 


i63 


Le  commerce  indigène,  surtout  vers  le  Sud  de  la 
région,  parait  mettre  en  mouvement  au  moins  autant 
d'hommes  ;  on  le  croira  aisément,  si  l'on 
considère  que  certains  marchés  réunissent 
jusqu'à  2,000  indigènes. 

Un  chiffre  non  moins  intéressant  que 
celui  des  porteurs,  c'est  le  chiffre  des  soldats 
et  travailleurs  Bas-Congo  recrutés  en  i8g3. 

]^Iatadi  a  fourni  79  volontaires, 
Loukoungou  84,  dont  47  engagés  pour 
Borna  et  21  pour  le  Haut-Ouèllé,  ces 
derniers  comprenant  plusieurs  anciens 
soldats  de  \^an  Kerckhoven  rengagés 
spontanément. 

Quant  aux  travailleurs  indigènes 
assurant  tous  les  services  des  stations, 
cuisiniers,  domestiques,  lavan- 
dière, bergers,  jardiniers,  aide- 
charpentiers  ,     aide  -  maçons  , 
piroguiers,  etc.,  des  chiffres 
extraits  des  situations  du  per- 
sonnel   noir    du    district 
des  Cataractes,  fin  iSg3, 
montrent  qu'à  ce  moment 
245  Bas-Congos  rem- 
plissaient les  services 
confiés  jadis  aux  auxi- 
liaires   étrangers  : 
Houssas,    Zanzibari- 
tes,  Loangos,  etc.. 

Soldats  et  travailleurs  se  sont  donc  engagés  au 
nombre  de  plus  de  400  l'année  dernière  dans  la  région 
des  Chutes. 


—  i65  — 


Le  personnel  noir  des  particuliers  (commerçants  et 
missionnaires)  dépasse  ce  chiffre. 


L'énorme  population  qui  seconde  ainsi  dans  la 
région  des  Chutes  les  efforts  de  l'Européen,  a  souvent 
été  représentée  comme  inapte  à  toute  autre  besogne  que 
le  portage. 

Quel  bizarre 
procédé  que  celui 
d'émettre    ainsi, 

sans  nulle  preuve,  ^^^5^'^^.  '  V^ 

des  considérations 


SI    importantes ,    et    qur  .'       '*'*_^^W    T 

malheureusement  font    ■  ^i»»«m 


M 


trop  souvent  foi  chez  les 

esprits  superficiels  !  '^  *%^    - 

Il  est  vrai  que  rien  ~  : 

n'est  plus  facile,  puisque 
ce  procédé  ne  demande  •  '^-«^«t  • 

ni  recherches,  ni  études,     ^        - — 

ni  statistiques,    ni    méditations,    ni    réflexion,    ni    bon 
sens 

Oue  l'on  s'arrête  seulement  à  considérer  l'inijéniosité 
des  <c  ponts  de  singe  »  ou  ponts  de  lianes  que  construi- 
sent partout  ces  «  nègres  inaptes  à  toute  autre  besogne 
que  le  portage  »,  et  l'on  se  demandera  si,  ces  ponts 
brisés,  nous  serions  à  même  de  les  rétablir  nous-mêmes 
sans  le  secours  des  noirs? 


—  i66  — 


Que  l'on  considère  encore  la  vannerie  délicate,  les 
poteries  élégantes  qui  se 
vendent  aux  marchés,  et 
l'on  pensera  peut  -  être 
qu'en  vérité,  ces  ouvriers 
méritent  mieux  que  le  dénigrement! 


i67  — 


Le  nègre  Bas-Congo,  que  sa  tâche  de  porteur  peut 
faire  envisager  comme  une  bête  de  somme  par  les  obser- 
vateurs trop  légers,  est  recherché  dans  toutes  les  stations 
de  l'Etat.  Gai,  allant,  courageux,  relativement  honnête, 
il  constitue  pour  les  expéditions  un  élément  de  solidité, 
prenant  le  premier  rang  après  le  Zanzibarite.  Ce  courageux 
porte,  pendant  de  longues  et  dures  heures,  les  charges 


de  l'expédition,  et  lorsqu'il  faut  les  jeter  bas  pour  faire 
face  à  l'ennemi,  le  Bas-Congo  a  oublié  toute  fatigue  ;  il 
est  des  premiers  sur  la  ligne  de  feu  et  marche  à  l'assaut 
avec  plus  d'entrain  souvent  que  le  mol  Elmina  ou  le 
Houssa  hébété  qui  n'ont  porté  que  leur  fusil.  Aussi  des 
gens  d'une  compétence  incontestable  :  Van  Kerckhoven, 


—  i68  — 

Coquilhat,  ^^an  Gèle,  Roget,  Ponthicr,  Dhanis,  Gorin, 
etc.,  ont-ils  toujours  choyé  de  tels  auxiliaires. 

Non  moins  précieux  en  station,  c'est  le  Bas-Congo 
que  l'on  charge  surtout  des  constructions,  de  l'exploitation 
des  palmiers. 

Il  ne  convient  guère,  il  est  vrai,  pour  les  services 
maritimes  (exception  faite  pour  les  riverains).  Mais  il  va 
bientôt  prendre  sa  revanche  sur  les  travaux  du  chemin 
de  fer.  Longtemps  le  recrutement  du  personnel  noir  a  été 
pour  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  un  continuel  sujet 
de  crainte  et  d'angoisse  pour  ainsi  dire,  jusqu'au  jour  où 
le  Bas-Congo  a  commencé  à  voir  que  lui  aussi  pouvait 
travailler  comme  ces  étrangers,  Sénégalais,  Accras, 
Dahoméens,  Cafres,  Barbades,  Chinois,  qu'à  grands  frais, 
avec  d'insurmontables  difficultés,  il  fallait  amener  sur  la 
ligne. 

Il  s'essaya  par  des  engagements  de  quinze  jours, 
puis  d'un  mois  aux  travaux  de  terrassements,  et  en  peu 
de  temps,  nos  ingénieurs  firent  de  lui  un  poseur  de  voie. 
Les  premiers  Bas-Congo  commençaient  à  s'enrôler  ainsi 
vers  le  mois  de  mai  i8g3. 

Ils  s'engagent  aujourd'hui  pour  un  terme  indéter- 
miné, au  salaire  journalier  de  i  fr.  5o  en  espèces,  et  la 
Compagnie  en  emploie  environ  450. 

Ce  résultat  a  été  obtenu  à  l'arrivée  de  la  tétc  de  ligne 
au  delà  de  Kenghé  da  Lemba,  c'est-à-dire  au  point  où  la 
voie  ferrée  rencontre  les  premières  populations.  Il  est 
hors  de  doute  qu'avec  l'avancement  des  travaux,  la 
Compagnie  arrivera  à  recruter  presque  tout  son  personnel 
noir  sur  place. 


Que  si  l'on  s'adresse  à  l'intellect  du  Bas-Congo,  on 


—  169  — 

reste  frappé  des  résultats  obtenus  par  les  missionnaires. 
Je  citerai  quelques  exemples  : 

Le  23  juillet  i8go,  partis  le  matin  de  la  station  de 
Loukoungou  et  remontant  la  vallée  de  la  Loukounga, 
nous  atteignons  à  2  heures  de  l'après-midi  le  village  de 
Sama. 

Le  chef  Mayala  met  sa  hutte  à  ma  disposition.  A 
l'une  des  parois  un  tableau  noir  avec  les  ba,  be,  bi,  bo,  bu 
pour  les  petits  sauvages,  à  qui,  chaque  samedi,  une 
dame  missionnaire  de  Loukoungou  vient  donner  la  leçon. 

Le  chef  est  sous  sa  vérandah,  dans  une  chaise  lon- 
gue, présent  de  la  mission  ;  autour  de  lui  son  m'  léké 
(héritier  présomptif),  des  femmes,  des  enfants,  ayant  en 
mains  de  petits  livres  qu'ils  lisent  attentivement. 

Au  coucher  du  soleil,  le  tambour  appelle  les  fidèles 
à  la  prière  du  soir.  Les  femmes,  les  enfants,  quelques 
hommes  se  réunissent  dans  la  hutte  du  chef,  dont  le 
m'  léké  entonne  des  chants  pieux  que  tout  le  monde 
accompagne  à  pleine  voix.  Entre  chaque  chant,  un 
sermon  pendant  lequel  tous  ont  la  tête  dans  les  mains. 
Mes  gens  se  sont  joints  aux  noirs  de  Sama,  et  j'entre 
aussi  dans  la  case-église,  le  chapeau  à  la  main,  très  ému 
devant  le  résultat  obtenu  par  un  missionnaire  que  j'aime 
de  tout  mon  cœur,  le  brave  et  digne  M.  Hoste,  de  Lou- 
koungou. Car,  certes,  il  n'y  a  dans  ce  que  je  vois,  aucune 
affectation  ;  ces  cœurs  primitifs  ne  posent  pas  pour  la 
galerie;  j'assiste  à  une  manifestation  naïve  de  la  confiance 
qu'a  su  leur  inspirer  un  blanc  qui  est  bon  pour  eux,  et  il 
me  semble  sentir  qu'on  peut  avoir  toute  confiance  aussi 
en  ces  aborigènes  frustes  mais  si  bien  doués. 


A  la  mission  suédoise  de  Moukiboungou  et  à   la 


—  I70  — 

mission  anglaise  de  Loutété,  s'imprime  un  journal  écrit 
en  fiote,  composé  par  le  personnel  noir  de  ces  missions  et 
lu  dans  tous  les  environs.  On  y  imprime  aussi,  toujours 
avec  des  ouvriers  indigènes,  des  livres  de  cantiques,  des 
abécédaires,  un  almanach  donnant  notre  calendrier  avec 
une  adaptation  fiote... 

Parmi  les  curiosités  du  compartiment  congolais  à 
l'exposition  d'Anvers,  il  nous  a  été  donné  de  voir  un 
modèle  de  l'imprimerie  de  Boma,  fonctionnant;  les 
protes  étaient  des  noirs,  dont  deux  sont  restés  en  Belgique , 
pour  se  perfectionner  chez  M.  Van  Campenhout. 

Des  diverses  et  nombreuses  missions  (quinze  environ) 
qui  se  sont  développées  dans  la  région  des  Chutes,  des 
groupes  d'indigènes  évangélisés  parcourent  le  pa3's, 
disant  partout  la  parole  de  paix. 

Et  comme  on  sent  bien  là-bas  la  grandeur  de  cette 
parole:  «  Gloire  à  Dieu,  au  plus  haut  des  cieux  et  paix  sur 
terre  aux  hommes  de  bonne  volonté.   » 


En  décembre  1890,  je  me  trouvais  cliez  Makitou,  l'un 
des  grands  commerçants  noirs  de  la  région  des  Cataractes. 
J'y  vis  arriver  un  noir  des  environs  de  Kingusclii  sur  le 
Kwango;  il  apportait  à  Makitou  une  lettre  d'un  de  ses 
fils  qui  accompagnait  Dhanis,  à  la  tête  de  5o  auxiliaires 
Bas-Congos.  Cette  lettre,  écrite  en  fiote,  fut  lue  à  Makitou 
par  un  autre  de  ses  enfants. 

En  août  i8g3,  je  reçus  à  N'soungui  une  lettre  fiote, 
envoyée  par  le  même  Makitou,  pour  annoncer  qu'un 
convoi  de  porteurs  avait  quitté  le  matin  son  village  vers 
Loukoungou.  La  formule  qui  terminait  cette  lettre 
équivalait  à  «(  votre  dévoué  camarade  ». 

Ceux  qui  écrivaient  ces  missives  étaient  des  élèves 


—  171  — 

de  la  mission  de  Loutété,  qui;  sous  la  direction  de 
M.  et  M'^^  Bentley,  est  devenue  le  point  le  plus  avancé 
peut-être  de  toute  la  région. 

On  ne  saurait  plus  douter  des  résultats  que  donnera 
l'utilisation  des  indigènes  dans  la  région  des  Chutes. 
Le  développement  du  travail  dans  cette  région,  depuis 
la  fin  de  i883,  est  fait  pour  désarmer  l'esprit  le  plus 
prévenu. 

Jusqu'à  cette  époque,  le  transport  annuel  vers 
Léopoldville  avait  atteint  1,200  charges  environ,  et  se 
faisait  par  un  personnel  étranger  de  Zanzibarites  et  de 
Loangos. 

En  i885,  12,000  charges  furent  transportées  par  les 
Bas-Congos. 

En  1887,  5o,ooo  charges. 

En  1893,  80,000  charges  ont  atteint  le  Pool,  sur  des 
têtes  de  Bas-Congos. 

En  tenant  compte  :  i"  des  charges  apportées  par  le 
commerce  indigène  et  provenant  non  seulement  des 
factoreries  de  Matadi,  Nokki,  Ango-Ango,  etc.,  mais  de 
la  frontière  portugaise  par  la  route  de  San-Salvador  ; 
2"  des  charges  partant  de  Loango  par  la  route  du 
Mayombé  en  destination  de  Brazzaville  pour  le  Congo 
français,  les  missions  françaises  et  les  commerçants,  il 
est  certain  qu'il  arrive  actuellement  au  Pool  environ 
110,000  charges  par  an;  or,  la  charge  est  aujourd'hui  de 
35  kilos,  ce  qui  représente  un  total  de  3,58o  tonnes. 

C'est,  dans  l'histoire  générale  du  travail  humain,  un 
exemple  remarquable  et  fortifiant  de  la  prompte  assimi- 
lation au  travail  de  peuples  barbares. 

J'extrais  du  Congo  illustré,  quelques  lignes  fort  bien 
pensées  et  fort  bien  écrites  : 

«  L'homme  qui  s'astreint,   pour  un  salaire  minime, 


—   172  — 

à  une  besogne  aussi  pénible  que  celle  des  transports,  ne 
peut-il  être  amené  à  participer  à  d'autres  travaux?  Cela 
paraît  d'autant  moins  douteux  que  les  salaires  gagnés 
lui  auront  permis  la  satisfaction  d'une  partie  de  ses 
besoins.  Pour  dire  toute  notre  pensée,  nous  estimons 
cependant  qu'on  réussira  moins  facilement  à  entraîner 
les  nègres  à  travailler  sous  le  contrôle  direct  du  blanc, 
qu'à  transporter  des  charges  en  caravanes  libres,  et  cela 
se  comprend  aisément.  Mais  ce  n'est  là  qu'une  question 
de  temps.  Avec  l'avancement  du  chemin  de  fer,  il  arrivera 
un  moment  où  les  porteurs  ne  seront  plus  autant 
sollicités  ;  puis,  ils  se  présenteront  plus  nombreux 
que  les  charges  à  transporter,  pour  voir  finalement  leur 
industrie  ancienne  détruite,  le  jour  où  le  chemin  de  fer 
sera  terminé. 

»  Ace  moment  décisif  de  leur  évolution,  ils  devront 
bien  chercher  un  autre  champ  d'activité.  Mais  on  peut, 
dès  maintenant,  affirmer  que  ces  populations  de  la  région 
des  Cataractes,  qui  gagnent  annuellement  près  de  deux 
millions  à  transporter  des  charges  entre  le  bas-fleuve  et 
le  Stanley-Pool,  sont  aujourd'hui  converties  au  travail. 
Elles  fourniront  des  bras  à  l'agriculture  quand  les 
transports  viendront  à  leur  manquer.  » 


Voici  encore  l'opinion  d'un  voyageur  belge  qui  eut  la 
dure  mission  de  diriger  le  transport  de  lourdes  charges 
de  steamer,  dont  le  poids,  avec  chariot,  a  parfois  atteint 
quatre  tonnes  : 

«  Une  fois  attelés  à  ces  lourds  véhicules,  les  nègres 
n'épargnent  ni  peines  ni  fatigues  pour  réussir  dans  leur 
difficile  entreprise.  Ce  sont  des  gens  courageux,  ardents 
à  l'ouvrage,  un  peu  craintifs  peut-être,  mais  qui  gagnent 


173 


vite  confiance  dans  le  blanc.  Ils  demandent  à  être 
conduits  à  la  fois  avec  fermeté  et  avec  bonté.  Ce  sont  des 
hommes  qu'il  faut  conduire  comme  partout  il  faut 
conduire  des  hommes.  Il  y  a,  je  crois,  peu  de  races  dont 
on  peut  attendre  autant  de  services,  au  point  de  vue  du 
travail  manuel,  que  de  la  race  noire.  Le  nègre,  comme 
tous  les  peuples  enfants,  est  certes  imprévoyant,  mais  il 
est  éminemment  perfectible.  Mais  nous-mêmes,  n'avons- 
nous  pas  été  comme  eux?  Du  temps  de  César,  nos  belles 
Flandres  n'étaient-elles  pas  en  friche? 

«  Les  noirs  transporteurs  traînant  les  chariots,  sans 
un  instant  de  répit,  avec  des  rires  et  des  chants,  confir- 
ment l'opinion  du  bel  avenir  qui  leur  est  résen^é.  C'est 
un  spectacle  émouvant  que  la  traction  de  ces  énormes 
véhicules  au  travers  d'une  des  régions  les  plus  tour- 
mentées qui  soient  au  monde.  Les  chars  escaladent  les 
flancs  abrupts  des  montagnes,  descendent  dans  les 
fondrières,  traversent  des  cours  d'eau  et  les  noirs  qui  les 
halent  ne  cessent  de  se  montrer  gais  et  soumis. 

«  Le  but  une  fois  atteint,  ce  sont  des  hourras,  des 
cris  d'enthousiasme.  » 


J'ai  entendu  souvent  ces  hourras,  ces  cris  d'enthou- 
siasme, et  particulièrement  dans  deux  occasions  dont  le 
rapprochement  me  frappa  vivement. 

La  première  fois,  à  Léopoldville,  un  dimanche  de 
soleil  radieux.  Il  était  onze  heures;  sous  les  vérandahs, 
les  Européens,  un  peu  engourdis,  prenaient  l'apéritif.  De 
l'avenue  qui  termine  la  route  des  caravanes,  une  rumeur 
vint,  lointaine,  rumeur  de  foule  excitée,  grandissant  et  se 
résolvant  en  clameurs,  puis  en  un  chant  qu'à  pleins 
poumons  lançaient  cent  vigoureux  moncauds  apportant 


—  174  — 

aux  chantiers  de  Léo  une  chaîne  lourde  et  longue  de  plus 
de  cent  mètres. 

Nous  nous  étions  tous  levés  pour  nous  ranger  sur  le 
passage  de  ce  serpent  de  fer  qui  venait  d'onduler,  fantas- 
tique, sur  une  route  de  400  kilomètres,  meurtrissant  de 
ses  trois  mille  kilos  tant  de  robustes  épaules. 

D'un  geste  bien  rythmé  la  chaîne  fut  jetée  bas,  et 
comment  dire  les  gambades,  la  fantasia,  les  rugissements 
de  ces  travailleurs  noirs  manifestant  en  sauvages 
consciencieux  la  satisfaction  des  difficultés  si  courageu- 
sement surmontées  ?  Pas  un  Européen  qui  ne  se  sentit 
ému  et  électrisé... 


En  août  1893,  j'entendis  de  nouveau  ces  clameurs  et 
ces  hourras,  dans  des  circonstances  inoubliables. 

Je  descendais  du  Haut-Fleuve,  pressé  de  revoir 
Matadi  que  j'avais  quitté  quatre  ans  auparavant,  au 
moment  où  les  ingénieurs  chargés  des  premiers  travaux 
de  la  voie  achevaient  de  dresser  leurs  tentes. 

La  jambe  traversée  d'un  coup  de  feu,  j'avais  dû 
parcourir  en  hamac  la  route  des  caravanes,  passant  les 
rivières  à  califourchon  sur  des  arbres  renversés,  lorsque 
nous  atteignîmes  Kenghé  da  Lemba,  le  point  extrême 
où  arrivaient  à  ce  moment  les  locomotives  de  service. 
Je  ne  dirai  pas  l'impression  qui  me  secoua  à  la  vue  du 
chemin  de  fer.  Je  ne  saurais  l'exprimer.  Assis  sur  le 
talus  que  rectifiait  une  équipe  de  Chinois,  je  ne  sus 
que  pleurer  à  grosses  larmes,  évoquant  les  âmes  de  tous 
ceux  qui  n'étaient  plus,  et  dont  les  efforts  passés  eussent 
été  payés  au  centuple  par  la  vue  du  double  ruban  d'acier 
qui  va  permettre  au  cœur  de  l'Afrique  de  battre  à  coups 
réguliers  et  puissants. 


175  - 


La  ligne  n'était  pas  en  exploitation  encore,  mais 
grâce  à  l'obligeance  de  M.  l'ingénieur  Eymard,  nous 
pûmes  profiter  d'une  machine  de  service  regagnant 
JNIatadi  :  bagages,  porteurs  et  nous-mêmes  installés 
pêle-mêle  sur  trois  ou  quatre  wagons  plats.  Le  jour 
tombait.  Nous  approchions  de  Matadi,  ayant  franchi  à 
pleine  vapeur  tant  d'obstacles  jetés  bas  par  l'énergie  de 
nos  ingénieurs,  et  dans  nos  cœurs  il  ne  s'était  trouvé  place 
pour  d'autres  sentiments  que  l'étonnement  et  l'admi- 
ration. 

Xos  noirs  chantaient  et  trépignaient. 

La  nuit  s'était  faite  profonde  ;  les  feux  de  savanes 
l'illuminaient  au  loin  lorsque  le  train  atteignit  la  M'pozo. 
Sous  un  hangar  de  chaume,  près  du  pont  qui  franchit  le 
confluent  de  cette  rivière,  trois  à  quatre  cents  porteurs 
étaient  installés  pour  la  nuit.  A  l'approche  du  train,  tous 
s'étaient  dressés  :   une   immense  clameur,    clameur   de 
joie  sauvage,  brusquement  répondit  au  sifflet  strident  de 
la  locomotive.  Dans  ces  hourras,  qui  couvraient  le  fracas 
des  roues,  montait  le  cri  de  délivrance  de  ces  bêtes  de 
somme  intelliijentes   accla- 
mant  le  monstre  de  fer  et 
de  feu,  le  fétiche  béni   qui 
allait    bientôt    enlever    de 
leurs  têtes  crépues  les  milliers  et 
milliers    de    fardeaux    dont    elles 
étaient  meurtries  depuis  si  longtemps. 


^JWî 


—  176  — 

A  cent  pieds  en  contrebas,  sur  ses  derniers  rapides 
aujourd'hui  dominés,  le  Congo  tordait  ses  flots  écumants; 
dans  les  gorges  sauvages,  qu'incendiaient  les  herbes 
embrasées,  se  répercutaient  les  assourdissantes  clameurs; 
éblouis,  le  cœur  chaviré,  il  nous  semblait  voir  flotter  des 
bannières  d'allégresse,  entendre  tonner  des  salves  triom- 
phantes, et  nous  ne  savions  que  répéter  et  répéter 
encore  :  hourra  !  hourra  ! 

L'un  de  nous  manifesta  son  émotion  en  lançant  aux 
eaux  du  grand  fleuve  dompté,  tout  ce  qui  lui  tombait 
sous  la  main;  c'est  ainsi  que  nous  arrivâmes  à  Matadi 
sans  chapeaux,  sans  cannes  et  sans  pipes  :  nous  avions 
fait  au  Congo  l'holocauste  de  ces  singuliers  ex-voto. 

Je  me  rappelai  le  lendemain  la  chaîne  de  Léopold- 
ville,  et  je  sentis  nettement  que  l'enthousiasme  des  noirs 
porteurs  devant  le  chemin  de  fer  était  vrai,  leur  recon- 
naissance légitime,  sincère  et  infinie. 

Le  chemin  de  fer  achevé  élèvera  d'un  échelon  dans 
leur  évolution  économique  ces  peuplades  intéressantes  : 
le  noir  deviendra  agriculteur. 

Ainsi,  progressivement  mais  rapidement  développé 
par  le  travail  et  l'exemple,  il  se  rendra  digne  de  l'avenir 
qui  lui  est  réservé. 


Et  comme  le  Bacongo,  l'habitant  des  rives  du  Haut- 
Fleuve  a  fourni  la  preuve  suffisante  que  nous  serons  par 
lui  secondés  complètement,  dans  la  mise  en  rapport  de 
la  noisette  dont  parle  Stanley. 

Comme  exemple,  prenons  à  Léopoldville  ces  milliers 
et  milliers  de  charges  de  3o  kilos.  Comment  vont-elles 
arriver  à  2,000  kilomètres  de  là?  Par  eau,  grâce  à  la 


177  — 


flottille  du  Haut-Congo,  grâce  à  ces  quarante  vapeurs 
venus  de  la  côte  par  petits  morceaux,  et  que  des  ouvriers 
noirs  ont  aidé  à  remonter  sur  les  chantiers  de  Léopold- 
ville,  car  ce  sont  des  Bangalas,  des  Wangatas  de 
l'Equateur,  des  N'gombès  de  Basokos,  des  Bakoumas 
des  Falls  qui,  guidés  par  quelques  mécaniciens  blancs, 


et  noirs  de  la  cote,  remplissent  les  chantiers  de  Léo  et 
de  Kinchassa,  forgeant,  rivetant,  tapant  ferme  du  mar- 
teau, tout  en  chantant  à  pleins  poumons. 

CKantWangala3 


12 


178 


CKanlBangala 


Il  fut  relativement  facile  d'initier  les  noirs  aux 
travaux  des  chantiers  de  Léo  et  de  Kinchassa,  car  ils 
ont  comme  forgerons  des  qualités  propres,  dont  la  preuve 
est  fournie  par  les  formes  multiples  et 
souvent  très  élégantes  qu'ils  savent  don- 
1  ner  aux  nombreux  objets  en  fer  et  en 
'  cuivre  qui  se  fabriquent  dans  le  Congo 
tout  entier. 

A 


A  l'heure  actuelle,  trente-neuf  stea- 
mers, disons-nous,  sillonnent  constam- 
ment le  Haut-Congo  et  ses  affluents; 
trente-neuf  embarcations  à  vapeur  font 
circuler  partout  la  vie  et  le  progrès,  ravi- 
taillent les  ports,  chargent  et  déchargent 

les  marchandises,  transportent  les  troupes 

Nous  ne  signalerons  que  pour  mémoire  les  steamers 
desservant  le  Congo-Maritime;  l'un  d'eux,  VHnondcLle, 
appartenant  à  l'Etat,  fait  le  service  régulier  de  Borna  à 
Landana  le  long  de  la  côte.  Une  réduction  de  VHiron- 
ddle  a  figuré   au   compartiment    congolais,   à  côté  des 


179 


modèles    si   intéressants  des  steamers  du  Haut-Fleuve, 
dont  l'énumération  détaillée  s'impose  : 

Etat  du  Congo. —  12  steamers  :  Ville  de  Bruxelles, 
Ville  d'Anvers,  Ville  de  Bruges,  Stanley,  Ville  de  Garni, 
En  avant,  A.  I.  A.,  Ville  de  Vcrviers,  Ville  de  Charlcroi, 
Ville  d'Ostende,  Xzl  Délivrance,  la  nouvelle  Ville  de  Liège. 

Congo  Français.  —  4  steamers  :  Oubanghi,  Djoiié, 
Faidherbe,  Alima. 

Société  Anonyme  Belge.  —  14  steamers  :  Archidu- 
chesse Stéphanie,  Princesse  Clémentine,  Roi  des  Belges,  Baron 
Lamberniont,  Auguste  Beernaert,  Florida,  Général  Sanford, 
Katanga,  France,  Ville  de  Pans,  Scioute,  Seine,  Rhône, 
Damnas. 

Maison  hollandaise.  —  4  steamers  ayant  leur 
port  d'attache  sur  le  territoire  français:  Holland,  Frederik, 
A  ntoinette,  Wcndcline. 

Mission  belge  de  Scheut.  —  i  steamer  :  Notre- 
Dame  du  Perpétuel  Secours. 

Mission  française  du  Saint-Esprit.  —  i  steamer  : 
Lécn  XIII. 

Mission  Baptiste  anglaise  (B.  M.  S.).  —  Deux 
steamers  :  Pcace  et  Godwill. 

Mission  Baptiste  américaine.  —  i  steamer  :  Henry 
Rééd. 

Mission  anglaise  du  Balololand.  —  i  steamer  : 
Pioitecr. 

De  ces  3g  vapeurs,  3o  ont  leurs  ports  d'attache  dans 
l'Etat  Indépendant  du  Congo,  9  dans  le  Congo  français. 

L'Etat  Libre  a  11  vapeurs;  le  Congo  français  4,  qui 
ensemble  ont  un  tonnage  moindre  qu'une  des  4  grandes 
canonnières  de  l'Etat. 


i8o 


Le  commerce  dans  l'Etat  du  Congo  est  représenté 
par  14  vapeurs  et  de  nouveaux  sont  en  cours  de  route; 
dans  le  Congo  français  par  4, 

Enfin ,  les  missions  de  l'Etat  Indépendant  ont  5  grands 
steamers  ;  le  Congo  français  a  une  petite  chaloupe, 
ancienne  embarcation  à  voile  transformée  après  coup. 

Je  dois  à  la  vérité  de  dire  bien  haut  que  cette  petite 
chaloupe  des  missionnaires  français,  le  Léon  XIII,  est  de 
tous  les  steamers  du  Haut-Congo,  un  des  plus  actifs,  des 
plus  entreprenants,  des  plus  infatigables  :  c'est  le  père 
AUaire  qui  le  mène  et  les  qualités  du  Léon  XIII  ne  sont 
que  le  reflet  de  celles  de  son  capitaine. 

En  dix  ans  il  a  été  perdu  4  steamers  :  le  Ballay, 
steamer  français,  qui  sombra  corps  et  biens  dans  les 
chutes  de  l'Oubangi  ;  l'ancienne  Ville  de  Liège,  à  l'Etat, 
qui  se  perdit  dans  le  Lomami  ;  le  Baron  Webcr,  petit 
vapeur  de  la  Société  belge,  qui  coula  en  face  de  la  rivière 
Noire  (entre  le  Stanley-Pool  et  le  Kassaï)  ;  et  le  Courbet, 
bateau  français,  qui  vient  de  couler  à  pic,  devant 
Tchoumbiri  ;  la  presse  française  qualifie  de  «  cuirassé  » 
cette  petite  chaloupe  de  10  à  i5  tonnes. 

Au  total  43  steamers  sont  venus  au  Stanley-Pool  par 
petits  morceaux,  sur  des  têtes  de  nègres.  Le  poids  moyen 
de  ces  petits  morceaux  étant  de  3o  kilos,  pour  les  trans- 
porter tous  en  une  seule  caravane,  il  aurait  fallu  mettre 
en  marche  une  armée  de  porteurs  avec  capitas,  porte- 
nourriture,  chefs,  surveillants  blancs,  etc.,  forte  de 
100,000  hommes,  l'effectif  de  l'armée  belge. 

Avec  toutes  les  ressources  dont  dispose  aujourd'hui 
le  portage  à  dos  d'hommes,  il  faudrait  encore  plus  d'un 
an  pour  recommencer  la  montée  de  ces  43  vapeurs  de 
Matadi  à  Léopoldville.  Et  si  l'on  songe  qu'un  seul  grand 
steamer  de  mer  de  3, 000  tonnes  est  capable  d'apporter 


l8l 


en  une  fois  dans  ses  flancs  les  43  steamers  du  Haut-Congo, 
on  aura  une  fois  de  plus  l'idée  des  difficultés  qu'il  y 
avait  à  attaquer  l'épaisse  enveloppe  de  la  noisette  dont 
parle  Stanley. 

Les  steamers  du  Haut-Congo  ont  des  équipages 
indigènes,  comprenant  jusqu'àSohommes  pour  les  grands 
transports,  se  réduisant  à  i5  hommes  pour  les  petites 
chaloupes.  En  comptant  3o  hommes  en  moyenne  par 
steamer,  on  voit  que  la  flottille  du  Haut-Congo  emploie 
40x3o=  1,200  travailleurs  recrutés  dans  tous  les  villages 
riverains.  Les  plus  recherchés  sont  les  Wangatas  de 
l'Equateur,  les  Loulangas  et  les  Bangalas. 

Ils  remplissent  les  fonctions  d'aides-mécaniciens,  de 
chauffeurs  et  surtout  de  pilotes,  et  dans  ces  dernières  fonc- 
tions ils  montrèrent  tout  dès  le  début  de  telles  aptitudes, 
que  la  circulaire  suivante  fut  adressée  à  tous  les  commis- 
saires de  district  du  Haut-Congo,  par  le  Gouverneur 
Général  : 

Boma,  le  28  août  i88g. 
Messieurs, 

Le  nombre  de  capitaines  de  steamer  étant  très  limité,  il  n'y  a 
pas  (rinconvénient  à  ne  pas  avoir  de  capitaines  de  réserve,  car  les 
petits  steamers  tels  que  VA.  I.  A.,  En  Avant,  Ville  de  Gand,  Ville  de 
Verviers,  etc.,  peuvent  très  bien,  à  la  rigueur,  être  conduits  par  des 
pilotes  noirs.  Cela  a  d'ailleurs  souvent  été  le  cas  pour  1'  ^.  /.  ^.  et 
VEn  Avant. 

Je  recommande  donc  aux  commissaires  de  district  du  Haut- Fleuve 
d'avoir  soin  de  former  incessamment  de  nouveaux  pilotes  noirs.  Les 
pilotes  de  rivière  sont  surtout  formés  par  la  pratique  ;  or,  les  noirs, 
avec  leur  merveilleuse  mémoire  locale,  ont  des  facultés  extraordinai- 
rement  utilisables  dans  ces  fonctions. 

Pour  le  Gouverneur  Général  absent, 

L'Inspecteur  d'État, 

(Signé)  Cambier. 


—    l82    — 

Ce  sont  aussi  d'excellents  chauffeurs,  observant  très 
bien  le  niveau. d'eau,  le  manomètre,  les  soupapes,  réglant 
sans  hésitation  le  jeu  des  pompes  et  du  giffard. 

Enfin,  comme  mécaniciens,  ils  font  tout  le  service 
courant  de  la  machine.  Le  mécanicien  blanc  répare  et 
ajuste  sa  machine  que  l'indigène  conduit  alors  parfaite- 
ment; et  souvent  je  me  suis  surpris,  absorbé  dans  la 
contemplation  de  ce  fils  farouche  de  l'Afrique  l'œil  sur  le 
cadran  du  télégraphe,  la  main  sur  les  leviers  de  marche  ! 


Je  le  trouvais  très  crâne  et  dans  mon  esprit  subite- 
ment pensif  je  le  voyais  grandir,  se  transformer,  devenir 
notre  égal. 

Parfois  le  mécanicien  blanc  tombe  malade  à  ne  pou- 
voir quitter  sa  cabine;  alorsc'estunBangala-,  unWangata, 
un  N'gombé  qui  assure  tout  le  service.  Le  fait  est 
frécjuent;  ainsi,  en  avril  i8g3,  le  mécanicien  européen  de 
la  Ville  de  Bruxelles  a3^ant  contracté  la  variole,  son  aide 
noir,  un  superbe  Bangala,  ramena  le  vapeur  du  fond  du 
Lomami  au  port  de  Léopoldville;  la  distance  par  eau 
entre  ces  deux  points  est  de  près  de  2,000  kilomètres. 

Et  pour  donner  un  exemple  plus  frappant  encore  de 


—  i83  — 

ce  que  l'on  peut  obtenir  de  l'indigène  du  Haut-Congo  à 
bord  des  vapeurs,  je  citerai  un  dernier  fait  : 

Un  jour  de  novembre  1891,  la  table  d'Equateurville 
réunissait  trente-deux  européens,  agents  de  l'Etat,  qui 
arrivaient  à  bord  de  la  Ville  d'Anvers,  en  destination  des 
stations  du  Haut-Fleuve. 

Quoique  nous  n'eussions  à  ce  moment  ni  beurre,  ni 
café,  ni  vin,  ni  farine,  nous  réussîmes  pourtant  à  recevoir 
dignement  ces  nouveaux  camarades  et  à  leur  offrir  un 
banquet  où  figuraient,  entre  autres  bonnes  choses,  un 
haricot  de  mouton  où  n'entraient  ni  haricots,  ni  mouton, 
mais  des  poules  et  du  maïs,  et  des  poulets  farcis  dont  la 
recette  fut  écoutée  attentivement  par  nos  invités  :  «  Pour 
farcir  un  poulet  en  Afrique,  on  hache  un  autre  poulet  et 
on  le  fourre  dans  le  premier.   » 

Nous  donnions  là  aux  novices,  sous  une  forme  plai- 
sante, une  idée  de  l'utilisation  des  ressources  du  pays  et 
la  conversation  s'étant  engagée  sur  ce  terrain,  on  en  vint  à 
parler  de  l'utilisation  des  indigènes;  les  nouveaux  arrivés 
ayant  paru  fort  incrédules  quant  à  la  possibilité  d'en  tirer 
si  bon  parti  que  nous  le  disions,  je  leur  promis  de  leur 
faire,  le  lendemain,  une  expérience  concluante.  Le  lende- 
main donc,  je  pris  place  avec  eux  à  bord  de  la  Ville 
d^ Anvers  ;  j'avais  fait  chauffer  notre  petit  vapeur  Ville  de 
Charleroi,  dont  l'équipage  tout  entier  se  composait  d'indi- 
gènes de  Loulanga  dressés  par  nous.  Je  fis  connaître 
alors  aux  incrédules  que  ces  indigènes  allaient  partir  en 
même  temps  que  nous,  que  seuls  ils  conduiraient  leur 
vapeur,  et  qu'ils  arriveraient  avant  nous  à  Coquilhatville, 
à  I  heure  1/4  plus  haut. 

Ainsi  fut  fait.  Tandis  que  la  Ville  d'Anvers,  véritable 
maison  flottante,  était  obligée  de  prendre  le  milieu  du 
courant,  ce  qui  la  retardait,  l'élégante  petite  chaloupe, 


confiée  aux  seuls  noirs,  filait,  docile  ainsi  qu'une  légère 
pirogue,  le  long  de  la  rive  et  prenait  victorieusement 
l'avance.  Et  comme  la  nouvelle  de  ce  match  s'était  en  un 
clin  d'œil  transmise  le  long  de  la  rive,  ce  fut  devant  des 
centaines  d'indigènes  accourus  et  massés  au  bord  de  l'eau, 
que  la  lutte  se  déroula,  durant  que  d'assourdissantes 
clameurs  saluaient  le  succès  de  la  Ville  de  Charlcroi. 

A  bord  de  la  Ville  d'Anvers  il  n'y  eut  plus  personne 
qui  ne  fut  convaincu  de  ce  que  pouvait  produire  l'élément 
indigène  quand  on  veut  se  donner  la  peine  de  bien 
apprendre  sa  langue,  de  bien  lui  expliquer  ce  qu'on  veut 
de  lui  et  surtout  quand  on  s'efforce  de  lui  donner  cons- 
tamment l'exemple. 

Dans  presque  toutes  les  stations  du  haut,  c'est  l'élé- 
ment indigène,  s'engageant  volontairement,  qui  assure 
tous  les  services. 

Ainsi  dans  le  district  de  l'Equateur,  en  1893,  il  y 
avait  : 

A  Coquilhatville  :  180  noirs  dont  i54  indigènes. 

A  Bassa  N'koussou  :  85  noirs  dont  yy  indigènes. 

A  N'gombé  :  34  noirs  dont  3i  indigènes. 

Le  personnel  des  particuliers  est  également  presque 
en  entier  indigène. 

Ainsi  les  factoreries  de  la  Société  Anonyme  Belge, 
dans  le  district  de  l'Equateur,  emplo3^aient,  en  1893, 
222  noirs,  tous  indigènes. 


Tous  ces  noirs  sont  naturellement  et  instinctivement 
de  bons  soldats  ;  leur  instruction  militaire  se  fait  aisé- 
ment, et  ils  deviennent  d'excellents  tireurs.  Il  me  souvient 
que  le  lieutenant Sarrazyn,  chargé  à  l'Equateur  de  dresser 
un  contingent  de  80  indigènes  d'Irébou,  de  Boussindi,  et 


—  i85  — 

de  nos  alentours,  avait  promis  25  centimes  à  ceux  qui, 
aux  séances  de  tir  aux  capsules,  auraient  deux  roses  sur 
trois  balles.  Il  ne  tarda  pas  à  en  avoir  pour  deux  francs 
par  séance,  et  vint  m'exposer  son  cas  :  k  Si  les  progrès 
continuent,  disait-il,  je  vais  en  avoir  bientôt  pour  dix 
francs  par  jour.  »  Je  félicitai  vivement  l'instructeur  et  ses 
recrues,  et  engageai  le  premier  à  doubler  la  distance  de  tir. 


Des  métiers  où  excelle  rapidement  le  Congolais  sont 


ZMMyAt/:trtf 


ceux  de  briquetiers  et  surtout  de  scieurs  de  long.  Presque 
toutes  les  missions  protestantes  des  rives  du  Congo  sont 
bâties  en  planches  débitées  en  forêt  par  des  scieurs  noirs 
recrutés  sur  place.  Il  ne  faut  pas  un  mois  pour  dresser  des 
équipes  au  maniement  de  l'hermincttc,  du  cordeau,  du 
fil  à  plomb,  de  la  scie  de  long;  les  capitas  de  chaque 
équipe  ont  un  tourne-à-gauche  et  une  lime  tiers-point, 


—  i86  — 

et  ils  savent  parfaitement  donner  eux-mêmes  la  voie  et 
affûter  leurs  scies. 

La  station  de  Coquilhatville  comprenait  en  juin 
1893,  au  moment  où  je  remis  mon  commandement,  trois 
grands  bâtiments  en  planches  sur  pilotis,  dont  les  maté- 
riaux étaient  apportés  tous  les  dimanches  matin,  par  cinq 
équipes  de  scieurs,  fortes  chacune  d'un  capita  et  de 
quatre  aides.  Ces  hommes  travaillaient  en  forêt,  où  et 
comme  ils  voulaient  :  le  dimanche,  à  l'appel  pour  la 
ration,  ils  apportaient  cent  planches  de  4  mètres  de  long 
sur  3o  à  40  centimètres  de  large. 

La  main-d'œuvre  indigène  revenait  à  20  centimes 
par  planche. 

Frappé  de  cette  manière  de  procéder,  un  mission- 
naire anglais  de  Bo'n'ginda,  AL  Howell,  eut  l'idée, 
chaque  fois  que  des  scieurs  employés  aux  ateliers  de  la 
mission  auraient  fini  leur  terme  de  service,  de  leur  faire 
cadeau  de  tout  le  matériel  nécessaire  à  la  confection  de 
planches,  à  la  condition  qu'ils  prissent  l'engagement 
d'aller  travailler  à  leur  guise  en  forêt  et,  quand  ils 
auraient  débité  un  certain  nombre  de  planches,  de  venir 
les  offrir  en  vente  aux  Européens. 

Mon  retour  en  Europe  m'a  empêché  de  connaître  ce 
qui  advint  de  cette  intelligente  et  louable  initiative;  si 
elle  a  réussi,  il  n'est  pas  impossible  que  les  indigènes  se 
mettent  à  demander  des  scies  et  des  herminettes,afin  de 
fabriquer  des  planches  non  seulement  pour  nous,  mais 
aussi  et  surtout  pour  eux,  car  ils  se  mettront  vite  au 
métier  de  charpentier,  pour  lequel  ils  ont  des  aptitudes 
révélées  dans  la  façon  dont,  avec  des  instruments  des 
plus  primitifs,  une  petite  hache  et  une  petite  herminette, 
ils  parviennent  à  creuser  de  très  élégantes  pirogues  qu'ils 
ornent  de  couteaux,  de   lances,  de  crocodiles  en  relief; 


-  i87  -. 


à  confectionner  des  pagaies  gracieusement  effilées,  des 
escabeaux,  etc. 

"Parmi  les  belles  photographies  couvrant  les 
murs  du  compartiment  congolais,  figurait  la  repro- 
duction de  deux  cercueils  provenant  de  l'Equa- 
teur :  l'un  pour  un  chef,  l'autre  pour  sa  femme;  ils 
prouvent  que  les  Wangatas  qui  les  ont  confection- 
nés ont  des  dispositions  à  la  sculpture. 

A  Equateur-Camp,  toute  la  charpente  était 
faite  par  des  soldats  originaires  de  l'Ouèllé  et  qui 
avaient  été  dressés  par  les  agents  blancs  du  camp; 
un  de  ces  charpentiers  fabriquait  de  fort  jolies 
chaises,  des  tables,  des  étagères.  Ce  résultat  était 
dû  aux  efforts  du  commandant  du  camp,  le  sous- 
lieutenant  De  Bock,  et  de  ses  adjoints. 


Secondé  par  nos  braves  moricauds,  nous  avons 
réussi  à  édifier  des  stations  auxquelles  nos  plus 
ardents  adversaires  en  Afrique  ne  peuvent 
parfois  s'empêcher  de  rendre  hommage.  Voici 
le  dernier  alinéa  d'une  lettre  datée  de  Brazza- 
ville, lo  avril  i8g3,  et  publiée  par  la  Politique 
Coloniale,  qui  la  donne  comme  émanant  d'un 
commerçant  français  : 

«  Les  stations  de  l'Etat  sont  générale- 
ment bien  établies,  et  construites  soit  en  plan- 
ches du  pays,  comme  à  Equateurx  illc,  ou  en 
briques  cuites  faites  sur  place,  comme  à 
Nouvelle-Anvers,  à  Basokos,  qui  sont  fort 
remarquables  à  ce  point  de  vue  et  forment  de 
véritables  petites  villes  très  coquettes. 

))     On    peut      dire     que  ,      matériellement ,     l'Etat 


.—  i88  — 

Indépendant  a  fait  beaucoup,  avec,  il  est  vrai,  un  budget 
s'élevant  au  triple  de  celui  de  notre  colonie  du  Gabon- 
Congo.  » 

Ainsi  s'exprime  un  commerçant  français  ,  mais 
comme  il  est  bien  difficile  de  reconnaître  sincèrement  et 
sans  restriction  les  efforts  et  les  résultats  de  l'Etat  du 
Congo,  le  même  correspondant  ne  résiste  pas  au  plaisir 
d'ajouter,  in  caiida  vnieninii,  «  mais  les  moyens  emplo3'és 
ne  sont  pas  toujours  louables  ». 

Et  rien  de  plus!  Une  bonne  petite  accusation,  mais 
ni  fait  ni  preuve.   Il  est  bien  difficile  alors  de  répondre. 

Si  le  correspondant  de  la  Politique  Coloniale  a  voulu 
parler  des  difficultés  qui  exigent  parfois  une  action 
armée,  nous  le  prierons  d'ouvrir  l'excellent  ouvrage  de 
Jean  Dybowski  :  La  route  du  Tchad,  à  la  page  iby . 
Il  y  pourra  faire  son  profit  des  lignes  suivantes, 
relatant  l'établissement  du  premier  poste  français  dans 
rOubanghi  : 

«  C'est  en  1887  que  M.  A.  Dolisie  remonta  pour  la 
première  fois  l'Oubanghi  jusqu'à  Modzaka.  Il  fut  attaqué 
par  les  indigènes,  mais  grâce  à  son  énergie,  il  parvint  à 
s'échapper  malgré  le  chavirage  de  ses  pirogues  dans  une 
eau  de  dix  mètres  de  fond. 

»  Trois  mois  après,  il  revenait  avec  ]\I.  Uzac,  brûler 
les  villages  qui  l'avaient  attaqué,  et  fonder  le  poste.  » 

Comme  supplément  de  réponse  au  correspondant  de 
la  Politique  Coloniale,  j'ouvrirai  les  Ref^ions  Beyond,  publi- 
cation anglaise  mensuelle,  qui  a  donné  sous  la  signature 
du  docteur  Guinness,  lequel  visita  tout  le  Congo,  une 
série  de  correspondances  d'où  je  traduis  littéralement  les 
quelques  lignes  suivantes  : 

((   Dès   que   quelqu'un    arrive    au    Congo,  il  entend 


—  i89  — 

rapports  et  rumeurs,  dont  les  g/io  ont  à  peine  au  fond  un 
grain  de  vérité. 

»  En  ce  qui  concerne  l'Etat,  il  a  communément 
contre  lui  les  préventions  de  tous  les  commerçants  en 
général.  Les  trafiquants  avaient  jadis  carte  blanche  en 
toutes  choses;  ils  sont  aujourd'hui  sous  un  gouverne- 
ment. Ils  en  retirent  de  nombreux  avantages,  qu'ils 
peuvent  peut-être  négliger  de  reconnaitre,  mais  en  môme 
temps  ils  ont  à  payer  des  taxes  et  à  observer  certaines 
défenses.  Alors,  aux  histoires  qu'eux  racontent,  s'ajoutent 
les  histoires  apportées  de  plus  haut,  ce  qui  fait  déborder 
la  coupe  des  récriminations  contre  le  gouvernement. 
Aussi  loin  que  je  puisse  voir,  il  n'y  a  aucune  de  ces 
récriminations  qui  ne  pourrait  s'adresser  identiquement 
de  même  à  tout  autre  gouvernement  qui  s'installerait  et 
essayerait  d'en  venir  aux  prises  {to  grapplc)  avec  les 
problèmes  ardus  d'une  civ^ilisation  aussi  embryon- 
naire,  i) 

Le  docteur  Guinness,  qui  écrit  ce  que  je  viens  de 
dire,  arrive  sur  le  Haut-Fleuve;  il  pénètre  dans  le  Lopori; 
il  essaie  de  s'engager  par  terre  entre  cette  rivière  et  le 
Congo,  au  travers  des  forêts  qu'habitent  les  sauvages 
N'Gombès;  il  est  accompagné  de  M.  Mac  Kittrick,  chef 
de  la  Congo  Balolo  Mission;  mais  à  peine  ont-ils  terminé 
leur  première  journée  de  marche,  qu'ils  sont  obligés  de 
battre  précipitamment  en  retraite  devant  ces  populations 
qui  n'ont  pas  encore  vu  de  blancs  et  qui  essaient  de  les 
enlever  pour  les  manger.  Et  alors  le  docteur  Guinness, 
qui  a  trouvé  sur  son  chemin,  les  restes  d'un  jeune  enfant 
dont  les  farouches  N'Gombés  avaient  découpé  déjà  la 
tête,  un  bras  et  une  cuisse  pour  le  repas  du  soir;  à  qui 
des  mères  éplorées  poursuivies  par  les  cannibales  sont 
venues  demander  protection;   alors,   dis-je,   le  docteur 


iqo 


Guinness    s'écrie,   en  s'adressant   aux    contempteurs    de 
l'Etat  : 

«  Se  sont-ils  trouvés  comme  nous  devant  le  cadavre 
de  cet  enfant  mutilé  ?  Ont-ils  obtenu  ce  résultat  que  dans 
ces  rivières  ces  scènes  .sont  aujourd'hui,  Dieu  merci, 
l'exception  et  non  la  règle  ?  Et,  en  remontant  de  deux 
ans  en  arrière,  ont-ils  vu  les  longs  convois  de  pirogues 
chargées  d'esclaves,  descendant  sans  cesse  le  grand 
chemin  des  eaux,  esclaves  dont  beaucoup  allaient  à  un 
destin  semblable  à  celui  rapporté  plus  haut?  Et  alors, 
s'ils  réfléchissent  qu'un  homme  laissé  seul,  un  courageux 
(il  s'agit  ici  du  lieutenant  Lothaire,  le  successeur  de 
Dhanis  dans  la  région  arabe),  a,  en  aussi  peu  de  temps, 
si  bien  pris  à  la  gorge  le  mal  gigantesque,  que  les 
traitants  cachent  maintenant  leurs  têtes  et  craignent  pour 
jamais  de  continuer  leur  infernal  trafic,  alors 
comment  ne  voudraient-ils  pas  avec  nous 
remercier  le  Tout-Puissant  pour  un  tel  usage 
du  pouvoir,  si  sainement  apprécié,  quoique 
nous-mêmes,  comme  missionnaires  du  Prince 
de  Paix,  nous  n'aurions  pu  y  avoir  recours. 

»  Sans  doute,  les  agents  diffèrent  parmi 
eux,  ici  comme  partout,  mais  pour  ceux  avec 
qui  j'ai  été  en  contact  direct  sur  le  Haut- 
Fleuve,  je  n'ai  à  en  dire  que  du  bien.  Placés 
dans  des  circonstances  exceptionnellement 
difficiles,  et  agissant  loyalement  pour  le  mieux,  beaucoup 
d'entre  eux  sont  des  plus  méritants  et  ont  droit  à  la 
sympathie,  non  à  la  censure,  aux  félicitations,  non  aux 
critiques.   « 

Ces  lignes  sortent  d'une  plume  anglaise  ;  elles 
répondent  aux  réflexions  trop  légères  de  M.  Arthur  Silva 
White  qui,  dans  son  important  travail  :  Le  développement 


-    igi   — 

de  l'Afrique,  écrit  en  parlant  de  l'administration  de 
l'Etat  : 

(c  II  y  eut  en  jeu  trop  de  rubans  rouges  et  d'ambi- 
tions personnelles,  et  trop  peu  d'efforts  consciencieux  et 
désintéressés.  La  faute  n'en  est  pas  au  généreux  Souve- 
rain qui  est  le  chef  nominal  de  l'Etat,  mais  à  ses  conseil- 
lers et  à  ses  officiers.   « 

Et  plus  loin,  dans  une  édition  datant  de  l'année 
courante  1894,  M.  White  écrit  sans  vergogne  : 

«  Il  n'y  a  rien  à  attendre  du  Haut-Congo  tant  que 
Tippo-Tip,  et  ses  collègues  et  protecteurs  arabes,  le  domi- 
neront. Ce  Bismarck  africain,  comme  on  le  nomme  quel- 
quefois, sait  parfaitement  que  l'Etat  du  Congo  est  actuel- 
lement incapable  de  le  chasser  de  ses  plantations  et  de 
ses  parcs  d'esclaves,  ou  même  d'exercer  d'une  manière 
quelconque  un  contrôle  effectif  sur  ses  actes.   » 

Comme  l'édition  d'où  j'extrais  cette  appréciation 
date  de  1894,  il  faut  présumer  que  M.  Arthur  Silva 
White  n'a  pas  encore  connaissance  des  campagnes 
brillantes  qui  ont  coup  sur  coup  enlevé  toutes  les  posi- 
tions arabes,  et  rejeté  par  delà  le  Tanganika  les  maîtres 
bandits,  dont  les  seuls  Belges  sont  venus  à  bout  jusqu'ici. 
Sans  doute  M.  White  n'a  pas  encore  entendu  parler  des 
victoires  de  Dhanis,  ou  peut-être  ne  sait-il  pas  que  ce 
petit  Belge  est  d'origine  anglaise,  sinon,  avec  l'esprit  qui 
prédomine  dans  tout  son  ouvrage,  pourtant  intéressant  et 
très  documenté,  M.  White  ne  manquerait  pas  d'assurer 
que  c'est  l'Angleterre  qui  a  chassé  de  l'Etat  Indépendant 
non  seulement  Tippo-Tip,  mais  tous  ses  séides,  tous 
ses  collègues.  Je  lui  fournis  le  renseignement  gratuite- 
ment. 

Mais  me  voici  bien  loin  de  mon  sujet.  J'ai  cité,  je 
pense,  assez  d'exemples  de  ce  que  l'on  peut  attendre  de 


ig2 


la  main-d'œuvre  indigène  au  Congo.  Que  si  l'on  s'occupe 
de  l'intellect  de  ces  noirs,  les  résultats  les  plus  satisfai- 
sants sont  encore  à  constater. 

La  mission  de  Loukoléla  emploie  comme  moniteurs 
de  jeunes  esclaves  libérés  par  les  missionnaires  et  qui, 
aujourd'hui,  donnent  la  leçon  à  leurs  frères.  L'imprimerie 
de  la  mission  n'a  pas  d'autres  ouvriers  que  ces  enfants 
indigènes,  et,  chaque  fois  que  mes  voyages  me  faisaient 
passer  par  Loukoléla,  ce  m'était  un  vrai  régal  que 
d'écouter  les  chœurs  à  trois  voix  chantés  par  5o  enfants, 
qu'un  d'entre  eux  accompagnait  à  l'harmonium. 

C'était  encore  un  enfant,  élevé  à  la  mission,  qui 
traduisait  en  kibangi  les  ouvrages  élémentaires  anglais 
mis  aux  mains  de  ceux  qui  fréquentaient  l'école. 

A  la  mission  de  Bolengui,  près  d'Equateurville, 
j'allais  de  temps  à  autre  assister  à  une  leçon  à  l'école  du 
Révérend  Banks,  et  mon  plus  grand  plaisir  était  de 
prendre  un  de  ces  gamins,  noirs  comme  encre,  et  de  le 
planter  devant  un  énorme  globe  terrestre  sur  lequel  il 
me  montrait  l'Europe,  la  Belgique,  l'Equateur,  le  point 
où  nous  nous  trouvions  ;  puis,  il  me  faisait  le  voyage 
d'Equateurville  à  Anvers,  en  suivant  très  exactement  le 
Congo  jusqu'au  Pool,  la  route  des  caravanes,  puis  le 
voyage  par  mer  qu'il  détaillait  au  grand  complet. 

Aussi,  je  ne  manquais  pas  à  toutes  mes  fêtes,  au 
i<^'"  juillet,  au  i5  novembre,  de  leur  envoyer  une  grosse 
ration  de  sel,  lo  centimes  pour  chacun,  et  de  prier  les 
missionnaires  de  donner  congé  à  leurs  enfants,  ce  qui 
était  toujours  accordé. 

On  pouvait  voir  au  compartiment  congolais  de 
l'Exposition  d'Anvers  des  cahiers  d'écriture,  des  travaux 
de  dessin,  etc.,  provenant  de  ces  missions. 

Je  n'en  dirai  pas  plus  au  sujet  de  l'utilisation  des 


—  193  — 

indigènes:  l'accord  des  commissaires  de  district  du  Haut- 
Congo  est  là-dessus  unanime. 

Oui,  c'est  l'aborigène  Congolais  qui,  sous  notre 
direction,  mettra  lui-même  son  pays  en  rapport,  d'autant 
plus  que  le  Congo  ne  sera  pas  une  colonie  de  peuplement 
(à  part  quelques  régions  restreintes),  mais  une  colonie 
d'exploitation,  où  l'Européen,  de  par  les  conditions 
climatologiques,  devra  se  réserver  le  rôle  directeur, 
devenant  chef  d'atelier  et  de  culture,  maitre  d'école  et 
éducateur. 

Ces  pays  neufs  protégeront  d'eux-mêmes  les  abori- 
gènes :  le  civilisé  n'y  saura  essayer  le  système  des 
réserves  appliqué  aux  Peaux-Rouges  d'Amérique.  Et 
ainsi  ce  sera  de  façon  avantageuse  pour  tous,  que  nous 
remplirons  en  Afrique  les  devoirs  qui  nous  incombent,  à 
nous  civilisés,  dans  l'émancipation  de  ces  territoires 
arrachés  d'hier  à  leur  barbarie  séculaire. 


i3 


—  194 


Ces  noirs  savent  travailler  :  le  point  est  acquis.  Et 
il  me  plaît,  en  outre,  de  montrer  qu'ils  ont  également  du 
cœur,  beaucoup  de  cœur. 

«  Sachez    le    mener ,     disait    dernièrement 
Shanu  à  la  Société  d'études  coloniales,  et  le 
noir  se  fera  couper  le  cou  pour  vous.  » 

J'en  pourrais  citer  des  exemples  à 
foison. 

En  1892,  un  important  groupe  du 
Bas-Arouwimi ,  les  Baondéhs ,  s'était 
joint  aux  Arabes  pour  ravager  les  envi- 
rons. 

Chaltin  s'y  rendit,  mais  ne  put  faire 
entendre  raison  aux  Baondéhs  qui  le 
provoquèrent  au  combat.  A  un  moment  donné, 
au  tournant  d'une  large  rue  surplombant  la  rivière 
de  12  à  i5  mètres,  le  détachement  dont  Chaltin 
avait  la  tète,  se  vit  chargé  par  quatre  rangs  de  lanciers, 
surgissant  de  toutes  parts  et  l'entourant  complètement. 
Quatre  ou  cinq  minutes  terribles  s'écoulèrent,  et  à  un 
moment  donné,  le  commandant  Chaltin  vit  se  précipiter 
au-devant  de  lui  un  de  ses  soldats  noirs,  Moïo  (i),  qui 
l'aimait  beaucoup,  puis  tous  ensemble,  sous  l'impétuosité 
de  l'attaque  des  Baondéhs,  furent  jetés  du  haut  du  talus 
dans  la  rivière;  la  situation  était  critique,  heureusement 
les  pirogues  étaient  proches. 

Chaltin  était  debout  dans  l'eau,  tenu  encore  aux 
jambes  par  le  noir  qui  s'était  jeté  devant  lui.  On  les 
hissa  dans  une  pirogue,  et  Chaltin  constata  qu'il  avait  la 
jambe  ouverte  par  une  sagaie,  tandis  que  le  brave  Moïo 

(1;  Mi)i()  vi'ut  (liro  ami. 


—  igo  — 

avait  été  traversé  d'une  autre  lance,  destinée  à  son  chef, 
qu'il  avait  couvert  de  son  corps,  et  sauvé  au  prix  de  sa 
vie. 

Il  mourut  quelques  heures  après. 

Demandez  au  capitaine  Chaltin  si  les  noirs  peuvent 
avoir  du  cœur?  Si  on  peut  les  aimer  et  être  aimé  d'eux  ? 


Les  traits  de  l'espèce  ne  sont  pas  rares,  et  nombreux 
sont  les  officiers  à  qui  des  noirs  dévoués  ont  dit  : 
«  Maître,  ne  reste  pas  à  cette  place,  ne  prends  pas  la 
tête  de  la  colonne,  laisse-moi  m'y  mettre  car  je  vois  plus 
clair  que  toi  dans  la  foret.  Tout  à  l'heure  quand  tu  y 
verras,  tu  iras  de  nouveau  de  l'avant  !  » 


Fin  i8go,  nous  vîmes  arriver  à  Léopoldville  des 
noirs  de  Lagos  et  d'Accra,  anciens  serviteurs  de 
Van  Kerckhoven.  Ayant  appris  le  retour  de  leur  chef,  ils 
n'avaient  pas  hésité  à  s'embarquer  pour  Boma,  payant 
leur  passage  de  leur  travail,  puis  faisant  la  route  des 
caravanes  à  leurs  risques  et  périls  pour  venir  dire  à 
Boula-Matendé  : 

((  Maître,  nous  voici  !  Nous  avons  appris  que  tu 
étais  revenu  pour  une  longue  et  dure  expédition  î  Nous 
t'avons  déjà  servi  trois  ans  !  Veux-tu  encore  de  nous  ? 
Nous  voici.   » 

J'étais  là  quand  parla  ainsi  le  Houssa  Salou  arrivant 
avec  une  dizaine  de  ses  camarades. 

Van  Kerckhoven  était  très  ému  ;  ses  yeux  brillaient 
de  fierté  et  d'émotion.  Et  n'y  avait-il  pas  de  quoi  ! 


ig6 


C'est  que  «  Boula-INIatendé  »  était  un  chef  dans  le 
vrai  sens  du  mot,  je  veux  dire  un  homme  qui  avait  su 
inspirer  à  son  personnel  blanc  et  noir  la  confiance  la  plus 
absolue,  comme  aussi  le  dévouement  le  plus  entier  : 
tous  ceux  qui  l'ont  approché  ont  senti  chez  lui  l'homme 
juste,  réfléchi,  clairvoyant,  résolu 

Résolu  ! 

Au  cours  de  son  extraordinaire  prise  de  possession 
du  bassin  de  l'Ouèllé,  le  médecin  d'avant-garde  lui 
déclare  que  son  état  de  santé  exige  son  retour  en  Europe. 

Retourner  en  Europe  quand  lui,  Boula-Matendé 
n'avait  qu'un  objectif  «  arriver  au  Nil  !  » 

«  Docteur,  répondit-il,  si  je  meurs,  vous  me  couperez 
la  tête  et  les  bras,  et  vous  les  enverrez  à  Wadelaï.  Si  je 
n'y  arrive  pas  vivant,  qu'au  moins  j'y  arrive  mort  ?   » 

Ces  paroles  antiques  ne  sont  plus,  hélas,  à  la  portée 
de  tous. 

Elles  ne  sauraient  en  particulier  avoir  d'écho  au  cœur 
de  ces  quelques  déclassés,  bons  tout  au  plus  à  copier  des 
lettres  dans  l'un  ou  l'autre  bureau  (i),  ou  à  promener  le 
long  des  trottoirs  leurs  paletots  jaunes  et  leurs  têtes  vides, 
et  qui  s'imaginaient  qu'il  n'y  avait  qu'à  aller  jusqu'à 
Léopoldville  pour  rapporter  des  sacs  d'or.  Arrivés  à 
mi-chemin,  l'immensité  les  a  épouvantés  et  ils  sont 
revenus  crier  aux  badauds  :  «  Congo,  mauvaise  affaire; 
noirs,  incapables  de  travailler  !  »  sans  se  donner  la  peine 
de  voir,  capables  seulement  de  faiblesse  et  d'impuissance. 
La  peur  seule  trouve  action  sur  eux  et  fait  travailler  leur 
imagination  pour  trouver  toute  espèce  de  moyens  justi- 
fiant la  vraie  raison  qui  les  éloigne  du  pays  noir  :  ils 
mentent. 


(1)  D'iijircs  I*.  G.,  La  licli;iqiic  et  le  Cuiigo 


—  197 


Mais  il  n'auront  plus  l'occasion  de  le  faire  long- 
temps. 

Rappelons-nous  que  le  nombre  des  partants  à 
deuxième  terme  augmente  chaque  mois. 


Quand  Dhanis  partit  pour  le  Kwango  en  i8go,  son 
escorte  était  faite  de  Zanzibarites  et  de  Houssas  ayant 
déjà  servi  sous  ses  ordres  et  qui  s'étaient  disputé  à 
nouveau  la  faveur  de  partir  avec  «  Fimbou  Mingui  ». 


Ce  sont  là  des  traits  de  dévouements  de  noirs  pour 
blancs. 

Puis-je  en  rapporter  aussi  de  noirs  pour  noirs  ? 

Oui.  Je  dirai  un  épisode  du  combat  de  Boèïa,  ou 
mieux  ce  combat  en  entier,  ainsi  que  nous  le  racontait 
il  y  a  quelques  mois  le  docteur  Briart,  de  l'expédition 
Delcommune  : 

«  C'était  en  juillet  i8gi. 

»  Boèïa,  capitale  d'un  négrier  arabisé,  Simba,  était 
défendue  par  un  fossé,  une  levée  de  terre  et  une  palis- 
sade. 

)'  Nous  étions  trois  blancs,  le  lieutenant  Suédois 
Hakansson,  l'ingénieur  Diderich,  et  moi,  et  nous  avions 
70  Houssas. 

"  Devant  nous  i,5oo  adversaires  dont  la  moitié 
armés  de  fusils,  les  autres  de  flèches  et  de  lances. 

»  Nos  Houssas  sont  déployés  en  tirailleurs,  et  nous 
arrivons  assez  près  de  la  ville;  mais  nos  munitions  vont 


ig8 


être    épuisées,   trois    de   nos   hommes   sont   morts,    une 
douzaine  sont  blessés. 

»  Hakansson  envoie  Diderich  aux  caisses  de  cartou- 
ches;laplupart  de  nos  hommes  les  suivent  et,  àun  moment 
donné,  nous  nous  trouvons  abandonnés,  Hakansson  et 
moi,  avec  deux  hommes  dont  un  blessé  que  j'examine. 

»  Tout  l'effort  de  l'ennemi  se  porte  sur  nous  ;  coup  sur 
coup  je  reçois  une  ballette  dans  le  coude  et  une  flèche  dans 
le  genou. 

))  La  ballette  ne  me  gênait  pas,  mais  la  flèche,  qui 
avait  pénétré  dans  l'os,  à  la  partie  interne,  à  environ  deux 
centimètres  et  demi,  pouvait  être  empoisonnée. 

»  Et  alors  je  n'en  menais  plus  large,  d'autant  que  les 
flèches  qui  pleuvaient  de  toutes  parts  menaçaient  de  me 
transformer  en  «  pelote  ». 

))  Diderich  et  ses  hommes  ne  reparaissaient  pas;  je  dis 
à  Hakansson:  «  Je  suis  fichu, laissez-moi,  allez-vous-en.  ■>■> 

»  Mais  le  brave  officier,  au  lieu  de  m'écouter,  dépose 
sa  carabine,  s'agenouille,  et  sans  un  moment  d'hésitation, 
colle  ses  lèvres  à  la  blessure  et,  tandis  que  le  noir  encore 
debout  tiraille  sans  répit,  Hakansson  suce  à  fond  la  plaie, 
la  nettoie  au  risque  de  s'empoisonner  lui-même,  et  me 
sauve  la  vie. 

»  Entretemps  des  hourras  annonçaient  le  retour  des 
nôtres;  l'assaut  recommence;  la  ville  des  négriers  est 
emportée  ;  l'incendie  dévore  bientôt  le  repaire  des 
bandits. 

))   Pour  moi,  j'avais  été  transporté  au  camp. 

»  Je  me  remis,  vouant  à  Hakansson  une  reconnais- 
sance absolue. 

»  Hélas  !  je  ne  me  rétablis  pas  assez  vite  pour  repren- 
dre à  l'arrière-garde  ma  place  de  colonne.  Comme  à  ce 
moment  c'était  la  plus  critique,  Hakansson  m'y  remplaça, 


199 


pour  son  malheur;  le  3o  août  il  était  tué  avec  12  hommes 
à  Kikondja,  près  du  lac  Kassali,  dans  une  embuscade 
tendue  par  les  Baloubas.   ->-> 

En  nous  faisant  ce  dramatique  récit,  le  docteur 
Briart  parlait  d'une  voix  que  l'émotion  faisait  trembler, 
et  nous  qui  l'écoutions,  nous  sentions  nos  cœurs  battre  à 
l'unisson  du  sien. 

Combien  grande  est  la  perte  d'hommes  aussi  coura- 
geux !  Combien  leur  souvenir  se  doit  perpétuer  ? 

Gardons  en  notre  mémoire  avec  les  noms  des 
De  Bruyn,  des  Hanssens,  des  Coquilhat,  des  Van  Kerck- 
hoven,  le  nom  du  courageux  Hakansson,  officier  Suédois 
mort  en  Afrique  pour  l'Œuvre  du  Roi  des  Belges. 

Le  récit  de  Briart  fut  complété  par  Diderich,  qui 
nous  conta  un  épisode  de  courage  honorant  les  noirs  à 
l'égal  des  blancs. 

Après  avoir  incendié  Boèïa,  comme  nous  l'avons  dit, 
le  détachement  reprit  le  chemin  du  camp. 

Immédiatement  derrière  Diderich,  venait  un  chef 
négrier  prisonnier.  Tout  à  coup  un  coup  de  feu  éclate  si 
près  de  lui  que  Diderich  se  croit  touché  ;  il  se  retourne 
et  voit  foudroyé  sur  le  sentier  un  noir  qu'il  prend  d'abord 
pour  un  de  ses  Houssas.  C'était  un  des  hommes  du  chef 
négrier  qui,  après  le  départ  d' Hakansson,  avait  enlevé  la 
tenue  d'un  des  soldats  tombés  à  l'attaque  du  village,  s'en 
était  revêtu  et,  grâce  à  ce  déguisement,  était  parvenu  à 
joindre  la  colonne  qui  emmenait  son  chef  prisonnier,  à  s'y 
faufiler  inaperçu  jusqu'à  l'instant  où,  ayant  rejoint  son 
maître,  il  allait  trancher  d'un  coup  de  couteau  les  liens 
qui  le  garrottaient;  à  ce  moment  le  Houssa  chargé  de  la 
garde  du  prisonnier,  comprit  ce  qui  se  passait,  et  à  bout 
portant  fusilla  l'héroïque  serviteur,  victime  de  son  auda- 
cieux dévouement. 


Le  chef  négrier  se  pencha  sur  le  mort,  les  yeux  pleins 
de  larmes,  disant  :  «  C'était  mon  meilleur  soldat.  » 

Cet  événement  remua  les  blancs  jusqu'au  fond  du 
cœur  et  ils  rendirent  aussi  hommage  à  cet  ennemi  mort 
en  héros. 


A  ces  traits  d'attachement  militaire,  je  veux  joindre 
un  souvenir  personnel,  que  d'aucuns  pourront  trouver 
futile,  et  qui  pourtant  m'attendrit  encore  aujourd'hui. 

Il  y  a  un  an  et  demi,  je 
quittais  l'Equateur  en  piro- 
gue,   en    destination     de 
Léopoldville   d'abord,  de 
l'Europe  ensuite. 

Un  terme  de  quatre  ans 
avait  fort  appauvri  ma  garde- 
robe  et  j'avais  dû,  pour  être 
présentable,  me  faire  confectionner 
un  pantalon  en  guinée  bleue,  lequel,  complété  par  un 
vieux  veston  jadis  blanc,  devait  me  permettre  de  faire 
aux  Européens  que  j'allais  rencontrer  en  route,  une 
décente  visite  d'adieu. 

Le  lendemain  de  notre  départ,  nous  arrivons  en  vue 
de  la  mission  d'Irébou. 

Mon  boy  cxibc  ma  fameuse  culotte  et  constate  que 
le  tailleur  qui  l'avait  confectionnée  avait  oublié  les 
boutons. 

Grave  embarras,  car  n'ayant  plus  d'autres  vêtements, 
impossible  de  trouver  des  boutons. 

J'allais  me  décider  à  ficeler  ma  culotte  avec  un  bout 
de  liane,  comme  Van  Gèle  faisait  pour  ses  souliers, 
lorsque  mon  boy  (ce  dévoué  gamin  recueilli  à  Loukoungou 
et  mort  en  Europe)  me  dit  :  «  Attendez,  Monsieur.  » 


Un  quart  d'heure  après,  mon  pantalon  avait  des 
boutons  d'une  variété  aussi  complète  que  possible,  c'est 
vrai,  mais  j'étais  présentable. 

Et  tandis  que  d'une  main  il  me  tendait  le  vêtement, 
de  l'autre  le  gamin  me  montrait  une  petite  culotte  rouge  : 
(c  C'est  pour  aller  dire  bonjour  à  mes  amis  à  l'Inkissi,  je 
remettrai  des  boutons  à  Léopoldvillc.  « 

Brave  enfant,  ses  yeux  brillaient  de  plaisir,  tandis 
que  je  me  demandais  combien  de  blancs  seraient 
capables  de  pareils  dévouements! 

II  avait  réuni  un  à  un  des  boutons  jetés  ou  perdus 
par  l'un  ou  l'autre;  il  avait,  en  coupant  et  cousant  sa 
culotte  rouge,  joui  à  l'avance  de  l'étonnement  de  ses  amis 
lorsqu'au  village,  quitté  depuis  trois  ans,  il  reviendrait 
si  bien  habillé,  A  cette  culotte  rouge  que  nous  pouvions 
trouver  si  baroque,  il  attachait  autant  de  prix  que  nos 
copurchics  à  leur  smoking  (et  à  plus  juste  titre) 

Et  néanmoins,  sans  hésitation,  il  la  sacrifiait 
pour  son  maître,  parce  qu'il  savait  que  son  maître 
l'aimait  comme  une  bonne  petite  bête  dévouée 
jusqu'à  la  mort... 

Il  m'a  toujours  semblé  que  Tonio  avait 
autant  de  cœur  que  nous. 


Tonio  était  un  pauvre  mioche  que  les  hasards 
d'Afrique  avaient   enlevé    tout   petit  à   sa  mère. 
Il    ne  la  connaissait    pas   et   sans    doute,     pour 
cela,   aimait-il  d'autant  plus  le  blanc  qui  avait  assuré 
son  sort! 

Les  hasards  d'Afrique! 

Il  est  des  régions  où  l'on  peut  estimer  qu'une  moitié 


des  enfants  ne  connaît  ni  père  ni  mère!  Là,  la  plupart 
des  chefs  voient  clans  leurs  esclaves  de  véritables  bêtes, 
dont  ils  vendent  les  enfants  à  bénéfice. 

C'est  le  cas  du  Balololand,  région  que  les  hordes 
arabes  commençaient  à  atteindre,  venant  razzier  les 
villages  et  emmenant  presque  toujours  quelques  femmes 
et  beaucoup  d'enfants. 

Ces  petits  êtres  n'ont  parlois  que  quatre  à  cinq  ans; 
ils  étaient  libres  chez  eux;  des  bêtes  à  face  humaine  sont 
venues  qui  leur  ont  tué  père  et  mère,  qui  alors  les 
emportent. 

Les  pauvrets  passent  de  main  en  main,  de  tribu  en 
tribu,  et  grandissent  à  des  centaines  de  lieues  parfois  de 
leurs  villages;  les  filles  pourront  un  jour  devenir  les 
favorites  d'un  homme  assez  riche  pour  les  acheter 
lorsqu'elles  auront  la  beauté  du  diable  ;  si  elles  sont 
jolies  on  les  tatouera  beaucoup;  elles  auront  un  moment 
de  gloriole,  tôt  passé,  puis  subiront  le  sort  commun  : 
elles  enfanteront,  mais  leurs  enfants  ne  seront  pas  à  elles; 
propriété  du  maître,  celui-ci  les  vendra  à  sa  guise. 

Et  pourtant  ces  mères  noires  savent  aimer,  et 
prouver  leur  attachement  à  leurs  enfants. 

Je  n'ai  qu'à  puiser  dans  mes  souvenirs,  les  exemples 
me  reviennent  en  foule.- 

A  la  fin  de  i8gi,  j'avais  décidé  le  chef  de  Bokatoula, 
dans  la  Loulongo,  à  me  confier  son  fils,  pour  le  mener 
jusqu'à  Léopoldville. 

Le  désespoir  de  la  mère,  au  départ  de  son  fils  aîné, 
était  navrant. 

En  vain  le  vieux  chef  lui  disait  :  «  Aie  confiance 
dans  ce  blanc  qui  a  été  bon  pour  nous.  Ne  nous  a-t-il  pas 
traités  en  amis,  alors  qu'il  pouvait  parler  en  maître?  S'il 
avait  le  mauvais  dessein  de  ne  pas  te  ramener  notre  fils, 


—  2o3   — 

pourquoi  chercherait-il  à  te  rassurer?  Ne  peut-il  l'enlever 
de  force,  et  toi,  et  moi-même,  et  tous  les  nôtres?  Cesse  de 
pleurer,  femme!  Notre  fils  va  faire  un  grand  et  beau 
voyage;  il  ira  voir  les  villages  que  les  blancs  construisent 
partout  et  dont  parlent  nos  légendes;  et  quand  il 
reviendra  heureux  et  content,  il  nous  dira  ces  merveilles, 
et  il  élèvera  devant  notre  case,  au  milieu  de  nos  grands 
palmiers,  une  maison  comme  celles  qu'il  aura  vues  chez 
nos  amis  blancs,  afin  qu'à  leur  passage  dans  cette  rivière 
ceux-ci  viennent  loger  chez  nous.   » 

Et  la  bonne  vieille  pleurait  plus  fort;  nous  dûmes 
nous  arracher  à  ses  sanglots  et  à  ses  cris  de  désespoir. 

Mais,  ainsi  que  le  lui  avait  dit  son  mari,  son  fils 
revint,  rapportant  des  présents  de  tout  genre,  car  nous 
n'avions  pas  manqué  de  le  combler  et  de  lui  recom- 
mander de  dire  à  sa  mère  que  les  blancs  avaient  aussi, 
dans  leur  lointain  pays,  une  mère  qui  avait  pleuré  en  les 
voyant  pailir,  qui  souffrait  et  pleurait  leur  absence,  et 
qui  aspirait  à  les  revoir  comme  la  vieille  femme  de 
Bokatoula  avait  aspiré  à  revoir  son  fils. 


L'année  suivante,  je  retournais  dans  la  même  rivière 
Loulongo,  y  rapatriant  trente  volontaires,  retour  du 
Kwango  où  ils  avaient  servi  deux  ans. 

Lorsque,  vingt-quatre  lunes  auparavant,  ils  avaient 
été  engagés,  c'était  la  première  fois  qu'on  leur  parlait 
d'enrôlements  de  si  longue  durée  avec  la  condition 
d'aller  servir  au  loin. 

Pourtant  ils  avaient  fini  par  se  décider. 

Mais  quel  désespoir  chez  les  mères  éplorées  !  Sûre- 
ment  elles   ne  les   reverraient   plus!    Ce    blanc   qui   les 


204 


emmenait  les  conduisait  à  la  mort!  Ou  bien  il  les 
vendrait,  ou  bien  il  s'en  servirait  pour  ses  pratiques  de 
sorcellerie  ! 

Puis  elles  en  avaient  pris  leur  parti,  et  malgré  les 
assurances  qui  leur  étaient  données  à  chaque  occasion, 
elles  demeuraient   incrédules   et   pleuraient    leurs    fils 

perdus  ! 

Et  voici  qu'un  jour  pourtant  je  les  ramenais!  — 
Comment  dire  l'explosion  de  joie  délirante  soulevant 
les  villages? 

Autrement  entourés  par  les  habitants  que  beau- 
coup d'entre  nous  qui  rentrent  au  foyer,  nos  licenciés 
passaient  de  mains  en  mains,  et  tous  pleuraient  et 
riaient  à  la  fois. 

Quel  cœur  n'eût  débordé  de  larmes  devant  ces 
mères  embrassant  les  genoux   du    blanc  qui  avait 
tenu  sa  parole,  et  grâce  à  qui  ces  primitifs  connais- 
saient pour  la  première  fois  la  joie  du   retour  des 
aimés  longtemps  absents? 

Et  nous-mêmes,  sentant  que,  ce  jour-là,  ce  cœur 
étroit  des  noirs  venait  de  s'élargir  pour  abriter  un  amour 
maternel  nouveau,  plus  grand,  comparable  aux  senti- 
ments de  celles  qui  nous  portèrent,  nous-mêmes,  dis-je, 
voulûmes  manifester  la  part  que  nous  prenions  à  la  joie 
générale.  Congé  fut  donné  à  tout  mon  monde;  perles, 
grelots,  miroirs  furent  distribués  généreusement,  et 
nous  oubliâmes  notre  souper,  retenus  au  milieu  des 
groupes  qui  dansèrent  et  se  réjouirent  toute  la  nuit  !.... 


Ces  scènes  sont  aujourd'hui  courantes  dans  le  Congo 
tout  entier;  le  retour  des  contingents  dont  le  terme  est 
expiré  est  l'occasion  de  fêtes  enthousiastes. 


—  2o5  

Il  faut  voir  arriver,  par  exemple,  une  canonnière 
ramenant  des  Bangalas  avant  ser\'i  au  loin. 

Depuis  longtemps  leur  retour  est  connu,  et  dès  que 
les  clameurs  «  Sail  oh!  Sail  oh!  »  ont  signalé  le  bateau, 
des  centaines  de  pirogues  partent  à  toutes  rames  à  sa 
rencontre  et  vont  acclamer  les  arrivants.  C'est  à  qui  leur 
tendra  la  main,  leur  jettera  quelques  fruits,  quelque 
morceau  de  poisson  fumé  ou  d'antilope  boucanée. 

Les  pirogues  risquent  de  se  faire  couler  pour  tâcher 
d'aborder  le  steamer  qui  a  dû  ralentir,  mais  comment 
résister  au  plaisir  de  hâter  le  débarquement,  d'enlever 
tout  de  suite  l'être  chéri  ! 

Les  K  marnas  »  si  vieilles,  si  ratatinées,  sont  venues 
dans  les  pirogues  ;  elles  veulent  leurs  enfants  tout  de 
suite,  pour  les  embrasser  à  pleine  bouche! 

Et  devant  ces  museaux  noirs  qui  se  frottent  et  se 
lèchent,  nos  cœurs  de  blancs  s'emplissent  à  la  fois 
d'émotion  et  de  tristesse  ! 


2o6 


Ah  !  les  noirs  sont  primitifs,  et  par  suite  leurs 
instincts  tiennent  parfois  de  ceux  des  fauves  !  Mais  ils 
ont  des  cœurs  d'homme,  et  c'est  notre  tâche  à  nous, 
civilisés  de  toute  catégorie,  d'aller  guider  leur  évolution 
et  leur  donner  le  bon  exemple. 

Les  traits  d'attachement  filial  et  maternel  existent 

d'autant  plus  nombreux  que  l'influence  du  blanc  est  plus 

-  _^        forte,   et  que,  grâce  à  sa  présence,  une  plus 

k^j^        grande  sécurité  est  venue  aux  noirs. 

V^L  Le  monde  civilisé  se  doit  à  ces  popula- 

^"       tions  qui  ont  besoin  avant  tout  de  sécurité; 

\       ;  en  la  leur  apportant,  nous  leur  révélons  l'àmc 

I    ^-^  h      et  l'humanité    à   elles   qui   ne  connaissaient 

encore  que  l'instinct  et  la  bête  ! 

Et  les  résultats  obtenus  sont  la  consé- 
cration   irréfragable    des    espérances   que 
nous  fondons   sur  l'utilisation  entière  de  la 
Race  Noire   pour  le  développement  indéfini 
(le  son  berceau  ! 


La  main-d'œuvre  est  donc  assurée 
au  Congo. 
Peut-on  en  dire  autant  de  la  direction  du  travail  qui 
doit  venir  du  blanc  ? 

Xous  disons  à  dessein  la  direction  du  travail  car, 
répétons-le,  nous  ne  tenons  pas  le  Congo  pour  une  colonie 
de  peuplement,  mais  pour  une  colonie  d'exploitation. 
Quelques  régions  restreintes,  par  exemple  les  hauts 


207    — 

plateaux  du  sûH  du  Katanga,  où  des  températures 
voisines  de  o"  ont  été  relevées  par  les  expéditions  belges, 
paraissent  offrir  à  l'Européen  de  bonnes  conditions 
d'habitat  de  longue  durée. 

Dans  la  plus  grande  partie  de  l'Etat  Libre,  de  par 
les  conditions  climatologiques,  le  blanc  devra  se  réserver 
le  rôle  directeur;  il  sera,  avons-nous  dit,  chef  de  culture 
et  d'atelier,  maître  d'école  et  éducateur. 

Mais  cela  même  lui  sera-t-il  possible  dans  de  bonnes 
conditions  ? 

Je  pourrais  reproduire  ici  les  considérations  si 
documentées  que  nous  exposait,  il  y  a  quelques  mois,  le 
docteur  Firket,  de  l'Université  de  Liège,  citant  les 
exemples  de  Delcommune  et  Greshoff  :  17  ans  d'Afrique  ; 
—  Van  Gèle  :  10  ans  d'exploration;  —  docteurs  Sims  et 
Hoste,  missionnaires  américains;  Grenfell,  Bentley, 
Clarke,  missionnaires  anglais;  le  père  Allairc,  mission- 
naire français  ;  Légat,  agent  de  l'Etat ,  et  bien  d'autres 

ayant  accompli  sans  quitter  l'Afrique  des  termes  de 
10  ans 

Au  surplus,  le  docteur  G.  Treille,  inspecteur  général 
du  service  de  santé  au  ministère  des  colonies  de  France, 
l'émincnt  spécialiste  en  matières  coloniales,  vient  de 
jeter  sur  les  conditions  d'habitat  de  l'Européen  au  Congo, 
un  jour  tout  nouveau. 

Après  avoir  étudié  toutes  les  conditions  sanitaires 
du  pays ,  après  s'être  livré  aux  plus  démonstratives 
comparaisons,  le  docteur  Treille  conclut  ainsi  : 

«  L'Afrique  intertropicale  ne  peut  pas  être  une 
terre  de  peuplement  européen;  ce  n'est  pas  une  région  à 
colons  partiaires:  ce  doit  être  celle  des  vastes  entreprises 
de  commerce,  d'industrie  agricole  ou  minière,  avec 
l'Européen   comme   directeur  et  capitaliste.   Mais,  ceci 


.       —    2o8   — 

bien  entendu,  on  peut  sans  crainte  se  rendre  au  Congo  : 
un  séjour  de  trois  ou  quatre  ans  n'est  nullement  incom- 
patible avec  le  maintien  d'une  bonne  santé,  à  la  condition 
toutefois  pour  l'émigrant  d'avoir  dépassé  vingt-cinq  ans  — 
l'âge  de  la  croissance  terminée,  à  partir  duquel  il  peut 
supporter  les  fatigues  de  la  marche  et  du  travail  ;  —  de 
ne  présenter  aucune  affection  sérieuse  du  côté  des  voies 
digestives;  d'être  bien  résolu,  enfin  à  être  sobre  et  à 
observer  toutes  les  règles  d'une  bonne  hygiène.   » 

((  La  fatalité  des  fièvres  du  Congo  n\'st  qu'une  légende.   » 
Qu'on  envisage  simplement  ce  qui  se  passe  à  la  Côte 
d'Afrique.  Ne  considère-t-on  pas  comme  tout  naturel  d'y 
aller  et  d'y  vivre  longtemps  ? 


Et  pour  montrer  qu'il  est  possible  de  vivre  très  bien 
au  Congo,  j'aurai  recours  à  un  argument  non  pas 
ad  Jiomineni  mais  ad  viuliereni. 

Je  parlerai  des  femmes  blanches  au  Congo. 


Congo  -  Minotaure Cimetière  des 

blancs Voilà  quels  étaient,    quels  sont 

encore,   les  éléments    d'appréciation  des 

masses. 

Etablir  par  statistiques  que  l'opinion 

s'est  égarée  au  sujet  des  décès,  que  toute 

(JL'uvre  comparable  à  celle  du  Congo 
entraîne  un  nécrologe  inévitable,  d'ailleurs 
considérablement  réduit  par  l'expérience 
acquise  et  le  développement  des  ressources, 


209    — 

n'est  pas  chose  facile  quand  on  s'adresse  aux  masses; 
mais  ce  que  le  raisonnement,  les  exposés  déductifs,  ne 
sauraient  faire,  un  exemple  tout-puissant  le  fera  :  c'est 
celui  des  courageuses  femmes  qui,  malgré  tout,  n'ont 
pas  craint  d'affronter  le  climat  africain,  et  qu'on  trouve 
aujourd'hui  en  plein  cœur  du  Continent  Noir,  heureuses, 
bien  portantes,  élevant  des  familles  déjà  nombreuses, 
garçons  et  filles  venus  au  monde  là-bas  et  merveilleux 
de  robustesse,  alors  que  la  légende  court  toujours  qu'au 
Congo  la  femme  blanche,  comme  les  plantes  des  zones 
tempérées,  est  frappée  de  stérilité. 

Beaucoup  d'Européennes  vivent  depuis  longtemps 
à  la  Côte,  femmes  de  fonctionnaires,  de  missionnaires  ou 
de  commerçants.  C'est  par  le  Congo,  et  depuis  cinq  ou 
six  ans  seulement,  que  le  centre  de  l'Afrique  a  été  atteint 
par  des  Européennes,  presque  toutes  Anglaises  et  Belges. 
Et  ainsi,  une  fois  de  plus,  se  révèle  la  grandeur  civilisa- 
trice de  cette  œuvre  extraordinaire,  car  parmi  tous  les 
éléments  de  développement  humanitaire  qui  viennent 
combattre  le  bon  combat  contre  la  barbarie,  c'est  la 
femme  blanche  qui  joue  le  plus  beau  rôle. 

J'ai  dit  plus  haut  que  c'est  surtout  son  exemple  qui 
vaincra,  en  Europe,  ce  préjugé  que  le  blanc  ne  saurait 
vivre  sous  l'Equateur  : 

«  Comment,  dira-t-on,  les  femmes  vont  au  Congo  ! 
Elles  s'y  marient  et  elles  y  ont  de  beaux  enfants  !  Mais 
alors,  ce  n'est  donc  pas  au  climat  seul  que  sont  dus  ces 
décès  dont  on  a  voulu  faire  un  épouvantail  ?  •>■> 

Eh  non!  le  climat  n'est  pas  seul  à  accuser!  Mais  il 
serait  trop  long  de  dire  ici  les  causes  réelles  de  cette 
mortalité  en  apparence  si  effrayante  :  disons  seulement 
que  le  Belge  paie  son  apprentissage  de  la  vie  coloniale 
dans  laquelle  il  est  jeté  brusquement  sans  avoir,  comme 


H 


les  autres  nations,  des  éléments  d'adaptation  séculaires. 
De  là,  pour  les  vaillants,  des  excès  de  production  et  de 
fatigues  sans  jamais  de  repos  (surmenage  mental  et 
corporel),  et  pour  d'autres,  insuffisamment  trempés,  trop- 
de  mécomptes  et  de  désespérances  spleenétiques,  causes 
de  déchets  autrement  efficientes  que  le  seul  climat. 
Devant  cette  situation,  la  ligne  de  conduite  à  adopter 
doit  être  :  patience,  courage,  persévérance,  afin  que 
l'expérience,  en  s'acquérant  vite,  se  paie  de  moins  de 
sacrifices. 

Ceci  dit,  ne  sent-on  pas  quelle  influence  réconfor- 
tante peut  avoir  la  présence  de  femmes  dévouées  dans 
nos  établissements  d'Afrique?  Pourquoi  la  situation  des 
missions  protestantes  est-elle  si  florissante?  C'est  que 
dans  ces  milieux  devenus,  à  part  le  voisinage,  identiques 
aux  intérieurs  familiaux  d'Europe,  avec  des  femmes 
jeunes,  gaies,  rieuses,  de  beaux  enfants  poussant  vigou- 
reusement au  soleil,  l'homme  se  fait  plus  aisément 
à  l'Afrique;  il  n'a  plus  si  souvent  la  fièvre,  la  bile, 
l'horrible  spleen  ! 

Aussi  le  nombre  des  missions  protestantes  au  Congo 
s'accroit-il  de  façon  extraordinaire.  Il  existe  actuellement 
une  quarantaine  d'établissements  fondés  par  les  protes- 
tants anglais,  américains  et  suédois  de  la  Baptist 
Missionary  Society;  de  V American  Baptist  Missionary  Union; 
de  la  SK'cdish  Mission;  de  la  Prcsbyterian  Congo  American 
Mission;  de  la  Congo  Bolobo  Mission. 

Plus  de  quarante  points,  disons -nous,  sont  déjà 
occupés.  Et  je  ne  crois  pas  me  tromper  en  attribuant 
cette  puissance  d'occupation  de  l'élément  protestant  à  la 
femme,  à  l'épouse  bientôt  mère,  dont  la  faiblesse 
s'appuie  sur  un  mari  aimé.  Ainsi  réunis,  chacun  prend 
courage,  force  et  confiance.  Et  alors,  tandis  que  court 


toujours  la  légende  scientifique  que  les  plantes  des  pays 
tempérés  sont  frappées  de  stérilité  au  pays  du  soleil,  on 
voit  s'épanouir  sur  les  rives  du  Zaïre  et  de  ses  affluents 
des  familles  comptant  déjà  jusque  trois  enfants  :  Maggie, 


Charlie  et  Allan  Banks  sont  venus  au  monde  au  milieu 
des  Wangatas  de  l'Equateur,  respectivement  le  i3  sep- 
tembre 1888,  le  20  mars  i8gi,  le  4  mai  1892. 


L'argument  de  la  stérilité  primordiale  étant  ainsi 
vaincu,  ceux  qui  s'en  servaient  comme  d'un  épouvantail 
n'ont  pas  désarmé.  Ils  ont  inventé  la  stérilité  secondaire, 
tertiaire,  quaternaire,  etc. 

Les  premières  graines,  venues  d'Europe  poussent, 
s'écrient-ils,  eh  bien,  elles  ne  donneront  pas  de  nouvelles 
semences,  et  si  elles  en  donnent,  ces  semences  ne 
reproduiront  pas  ! 

N'empêche  que  plus  je  ressemais  mes  salades,  mes 
haricots,  mon  tabac,  mes  tomates,  mes  aubergines,  mon 
cresson,  plus  mes  plantes  prenaient  de  vigueur;  elles 
s'acclimataient.  De  tous  côtés  :  à  Banane,  à  Boma,  à 
Aloukiboungou,  à  Loutété,  à  Tchoumbiri,  à  Bolobo,  à 
Irebou,  à  l'Equateur,  à  Monsembé,  etc.,  etc.,  courent  des 
enfants  blancs,  émerveillement  des  milliers  de  mamans 
noires  qui  viennent  les  admirer,  les  toucher  comme  des 
fétiches  portant  bonheur.  En  voyant  ces  petits  blancs 
grandir,  toujours  choyés  de  leurs  parents;  en  observant 
comment  les  Européens  élèvent  et  instruisent  leurs 
enfants,  les  yeux  de  ces  sauvages  s'ouvriront  tout  seuls 
à  la  lumière  et,  une  fois  de  plus,  le  monde  civilisé  pourra 
se  féliciter  de  l'accomplissement  si  heureux  des  charges 
qui  lui  incombent  au  pays  noir. 


J'étonnerai,  sans  doute,  plusieurs  de  ceux  qui  me 
liront  en  leur  apprenant  que  des  mariages  de  blancs  se 
célèbrent  aujourd'hui  en  plein  centre  de  l'Afrique.  En 
mars  1892,  je  procédais  à  Bongandanga,  sur  le  Haut- 
Lopori,  au  mariage  de  ]\L  Richard  Cole,  Anglais,  avec 
miss  Margarett  Dalgarno,  Ecossaise.  Les  témoins  étaient 
]\L\L    Scarnell,    missionnaire   anglais,    et    un    Danois, 


2l3    

Gustafson,  mécanicien  de  notre  petite  chaloupe  Ville  de 
Char  1er  01. 

Ainsi,  au  milieu  de  populations  séculairement  canni- 
bales et  courant  sans  la  plus  petite  feuille  de  vigne, 
à  i,5oo  kilomètres  de  la  mer,  nous  nous  trouvions  cinq 
Européens  de  trois  nationalités  différentes,  et  trois 
d'entre  eux,  un  Belge  secondé  d'un  Danois  et  d'un 
Anglais,  unissaient  les  deux  autres  selon  les  prescriptions 
de  notre  code  civil. 

—  «  Master  Richard  Cole,  are  y  ou  consenting  to 
take  miss  Margarett  Dalgarno  like  wife  ?  » 

—  «  Yes,  sir.   » 

—  (c  Miss  Margarett  Dalgarno,  are  you  consenting 
to  take  master  Richard  Cole  like  husband?  » 

—  «  Yes,  sir.   » 

Il  y  eut  banquet;  la  table  était  garnie  de  branches 
d'oranger  cueillies  aux  bosquets  voisins;  des  bambines, 
noires  comme  encre  dans  leur  jolie  robe  rose,  nous 
servaient  ;  dehors,  sous  le  soleil  à  pic,  plus  de  5oo  mori- 
cauds  de  tout  âge  et  de  tout  sexe,  aussi  nus  que  possible, 
hurlaient  et  dansaient  avec  frénésie  ;  ils  ne  savaient  pas 
bien  ce  qui  s'était  passé,  mais  comme  il  y  avait  eu  distri- 
bution de  perles,  de  grelots,  de  miroirs,  tous  s'en  donnaient 
d'autant  plus  à  cœur  joie  qu'ils  n'avaient  plus  crainte 
de  voir  leurs  ébats  brusquement  interrompus  par  les 
anciennes  irruptions  de  voisins  redoutés  et  pillards! 
N'étaient-ils  pas  aujourd'hui  sous  la  protection  de  leurs 
amis  blancs? 

Un  autre  mariage  fut  célébré  en  cette  mission,  en 
juin  1893,  celui  de  M.  Bett  avec  Miss  Whepdalc,  une 
jeune  Anglaise  ravissante. 

A  côté  de  ces  femmes  mariées  vivait  à  Bonginda, 
dans  la  Loulongo,   une  jeune  fille  charmante,  mignonne 


214 


comme  une  poupée,  miss  de  Hailes.  Fille  d'un  baronnet 
de  Londres  fort  riche,  après  avoir  conquis  ses  grades  de 
docteur  en  médecine,  elle  avait  dédaigné  la  vie  frivole 
que  lui  offraient  les  salons  où  l'on  danse  et  où  l'on  flirte; 
courageusement  elle  avait  pris  le  chemin  de  l'Afrique. 

Quand  je  la  connus,  elle  était  là  depuis  quatre  ans; 
il  y  en  a  sept  aujourd'hui  que,  souriante,  elle  soigne  le 
corps  et  l'àme  de  sauvages  redoutables  dont  les  instincts 
farouches  reprenant  le  dessus,  ont  déjà  mis  plusieurs  fois 
sa  vie  en  danger.  Que  de  blancs  ont  été  soignés  par 
ses  petites  mains  de  fée  !  Nulle  maladie  ne  lui  répugne,  et 
je  me  souviendrai  éternellement  de 
l'avoir  trouvée  un  jour  examinant  les 
déjections  d'un  dysentérique  auprès 
duquel  elle  venait  de  passer  la  nuit 
entière  ! 

A  part  la  robe  de  bure,  miss  de 
Hailes  procède  des  filles  sublimes  de 
Saint-\"inccnt  de  Paule. 

Et  que  de  noms  encore  à  citer  à 
l'actif  des  missions  protestantes  :  à 
Banza-Manteka,  M'^-^  veuve  Ingham; 
à  Loutété,  M'-'^  Bentley;  à  Bolobo, 
■\[me  Grenfcll,  une  charmante  femme 
noire  de  Loango  ,  gcntlewoman 
accomplie;  M"^^  Darby;  M'"<^  Harri- 
son,  femme  du  capitaine  du  Pcacc;  à 
Loukolela,  M"^^*Scrijvener  ;  àlrebou, 
M'"^^  Moody,  dont  la  petite  fille  porte 
un  nom  indigène,  «  Amba  »;  au 
lac  X'toumba,  M"^*-^  Clarke,  dont  le 
mari  a  douze  ans  d'Afrique;  à  l'Equateur,  M"^^  Banks, 
qui    a    trois  enfants,    et    sa    sœur    M'"*-'    Murphay;   à 


2l5 


Bonginda,    M"^^    veuve   Mac    Kittrick;     à    Monsembé, 
Mme  Weeks,  etc.,  etc. 

La  première  femme  de  fonctionnaire  de  l'Etat  Indé- 
pendant fut  M™  Ingham,  alors  que  son  mari,  mission- 
naire anglais,  commandait  la  station  de  Loukounga  (i885). 
Vint  ensuite  la  femme  du  capitaine  A^alcke,  qui  vécut, 
elle  aussi,  courageusement  de  la  vie  d'aventures. 


Aujourd'hui,  de  plus  en  plus  nombreuses  sont  les 
vaillantes  qui  ne  craignent  pas  d'accompagner  leurs  maris 
en  Afrique;  ce  sont  surtout  les  fonctionnaires  du  Bas- 
Congo  qui  peuvent  amener  leurs  femmes  avec  eux  :  le 
lieutcnant\'an  Dorpc,  commissaire  du  district  de  Matadi, 


21 6    


a  vécu  trois  ans  avec  sa  femme;  son  succes- 
seur est  le  lieutenant  Le  Clément  de 
St-Marcq,  également  parti  avec  vSa  femme. 
A  Boma,  le  docteur  Reytter  a  amené 
son  épouse,  et  depuis  tantôt  un 
an  et  demi,  un  bel  enfant  leur 
est  venu. 

On  sait  que  le  docteur  Re3't- 
ter  en  est  à  son  troisième  terme 
au  Congo,  Maintenant  qu'il  y  a 
famille,  pourquoi  le  quitterait-il 
encore,  d'autant  plus  que  sa  jeune 
femme  est  enchantée  de  la  vie  qu'elle  y  mène,  aimée  et 
admirée  de  tous  pour  les  attentions  délicates  qu'elle  se 
plaît  à  prodiguer  aux  malades?  Pour 
ma  part,  lorsque,  descendant  blessé  du 
haut  fleuve,  j'arrivai  à  Boma,  incapable 
de  marcher  et  obligé  de  rester  étendu 
chez  moi,  loin  de  l'hôtel,  j'eus  à  me 
féciliter  grandement  d'être  tombé  aux 
mains  d'un  si  charmant  camarade  que 
le  docteur  Reytter,  dont  l'aimable 
compagne  ne  manqua  pas  une  seule 
fois  de  m'cnvoyer  une  part  de  leurs 
repas.  Et  qu'on  juge  comment  ces 
merveilles  culinaires  étaient  accueillies 
par  un  homme  qui  en  était  arrivé  à 
trouver  le  maïs  sec  un  régal,  le  sirop 
de  canne  à  sucre  une  ambroisie.  En 
rendant  ici  hommage  au  docteur  Re3't- 
ter  et  à  sa  charmante  femme,  je  ne  fais 
entendre  qu'un  faible  écho  du  concert 
de  louanges  que  tous  deux  méritent 
si  complètement. 


Les  femmes  de  commerçants  sont  également  déjà 
nombreuses;  l'une  d'elles  navigue  sur  le  Haut-Congo  à 
bord  d'un  des  vapeurs  de  transport  de  la  Société  Anonyme 
Belge,  dont  son  mari  est  mécanicien. 

M"^'^  Derscheid,  femme  du  directeur  des  ^lagasins 
Généraux,  habite  Boma. 


Et  pour  terminer  ces  lignes  consacrées  aux  dignes 
épouses   des   pionniers  de   l'Afrique,   pourrais-je   mieux 


faire  que  de  rendre  un  hommage  ému,  que  tout  le  monde 
pnrtagera,  à  nos  sœurs  de  charité,  épouses  du  Christ,  le 


—    2l8    — 

grand  pionnier  de  l'humanité,  qui  ne  dicte  qu'une  loi  : 
Aimez-vous  les  uns  les  autres  ! 

C'est  à  la  fin  de  i8gi,  que  partait  pour  le  continent 
noir  la  première  caravane  de  religieuses,  s'en  allant  sans 
espoir  de  retour,  au  pays  que  jusque-là,  presque  seuls, 
des  soldats  intrépides  avaient  osé  affronter.  Leur  but  : 
évangéliser  leurs  frères  noirs  et  entourer  de  soins  tous 
ceux  qui,  ouvriers  blancs  épuisés  par  un  travail  débili- 
tant, travailleurs  noirs  rongés  par  des  maladies  repous- 
santes, auraient  besoin  de  la  douce  assistance  que  des 
femmes  seules  peuvent  donner.  Les  premières  sœurs  de 
charité  ont  occupé  les  sanitarium  de  Moanda  à  la  côte, 
et  de  Kikanda,  près  de  Matadi,  D'autres  départs  ont 
suivi  vers  Léopoldville,  et  avant  peu  ces  femmes  exem- 
plaires seront  au  Kwango,  au  Kassaï,  dans  le  Haut- 
Congo  ! 

Elles  ne  marchent  pas  comme  les  femmes  de 
missionnaires  protestants  ou  de  fonctionnaires  de  l'Etat, 
aux  côtés  d'un  mari  adoré  pour  qui  et  par  qui  elles  sont 
fortes  !  Ni  la  richesse,  ni  les  honneurs  ne  les  attendent! 
Et  pourtant  elles  s'en  vont  heureuses,  souriantes,  prêtes 
à  tous  les  dévouements,  à  tous  les  sacrifices,  parce 
qu'elles  ont  la  foi,  rcspérancc  et  la  charité. 


Les  voies  de  communication. 

De  Banane,  au  bord  de  la  mer,  à  Matadi,  dépôt  du 
chemin  de  fer,  le  vaste  Congo  offre  120  kilomètres  d'eau 
profonde  où  naviguent,  depuis  i88g,  les  steamers  de 
3,000  tonnes. 

De  Matadi  à  Léopoldville,  le  fleuve  se  développe 
sur   3oo   kilomètres    presque    constamment    barrés    de 


2ig  — 


chutes,  et  cet  obstacle  est  si  formidable  que  de  1484-85, 
époque  où  Diego  Cam  (officier  de  la  marine  portugaise 
et  gentilhomme  de  la  maison  de  Don  Juan  II,  roi  de 
Portugal),    découvrit   l'embouchure    du   Zaïre,  jusqu'en 


1877,   époque  où  Stanley  y  arriva  venant  de  Zanzibar, 
nulle  expédition  ne  parvint  à  en  triompher. 

La    plus    connue    fut     celle    du    capitaine    James 
Kingston    Tuckey,    qui,    en     1816,     remonta    le    fleuve 


220 


jusqu'à  280  kilomètres  à  l'intérieur  des  terres;  cette 
expédition  perdit  en  quatre  mois  18  de  ses  56  membres. 

Après  ce  désastre  on  semblait  avoir  renoncé  à  forcer 
cette  redoutable  entrée  de  l'Afrique,  lorsque  le  téméraire 
reporter  du  New-York  Herald  résolut  la  question,  en 
prenant  les  32  chutes  à  revers  et  en  s'y  jetant  tête  perdue. 
Sa  vie,  celle  de  ses  hommes  étaient  à  ce  prix;  presque 
tous  échappèrent,  et  le  monde  connut  ce  qu'il  y  avait 
dans  ce  grand  vide  blanc  des  cartes  les  plus  récentes;  il 
sut  qu'à  3oo  kilomètres  de  Matadi  s'amorçait  un  réseau 
fluvial  incomparable,  dont  aujourd'hui  3o, 000  kilomètres 
de  rives  abordables  aux  steamers  sont  reconnues;  il  sut 
qu'il  y  avait  là  un  bassin  immense,  cent  fois  grand 
comme  la  Belgique,  jadis  vaste  mer  d'eau  douce  et  où  les 
eaux  ont  enfoui  des  trésors,  et  que  cette  plaine  immense 
qui  n'avait  subi  encore  aucune  défloraison  était  à  prendre; 
qu'elle  était  aujourd'hui  couverte  d'une  prodigieuse 
végétation  tropicale,  sillonnée  par  le  réseau  navigable  le 
plus  complet  qu'il  soit  possible  de  rcver  et  presque 
unique  au  monde,  car  il  ne  laisse  pas  un  point  à  plus  de 
100  kilomètres  d'une  rive  abordable;  et  que  le  tout  était 
peuplé  de  millions  de  nègres,  ces  ouvriers  incomparables 
des  tropiques,  qui  ont  su  défricher  et  mettre  l'Amérique 
en  culture. 

Et  pour  que  tout  cela  entre  en  valeur  immédiate, 
nulle  autre  voie  de  grande  communication  n'est  néces- 
saire que  le  chemin  de  fer  du  défilé  des  cataractes.  Mais 
il  faut  qu'il  se  fasse,  car  alors  sera  résolue,  à  notre  profit, 
la  question  de  la  pénétration  du  grand  commerce  au 
ccour  de  l'Afrique. 

Depuis  quand  la  vieille  Europe  commercc-t-elleavcc 
l'Afrique  par  la  côte  occidentale? 

Dès   l'année    i368,  les  hardis  marins  Dicppois  qui 


CÔbe  occi  dentale  d'Europe  du  capjiorà  à  GjbraJlar. 


Cole  occidentale  â.'Aïnqu.e  de  .QibralLar  au  cap  de  Bonne  Espérance . 


Jleseau  cL\x 


Cançro 


Côlejnérjdionale  dTiirope  de  Qibrallar  à  IdTner  J'Azof. 


Le  Danube. 


le  !Rl-iin. 


La  3vfeu5e  . 
rEscaui  en  Bdpri  gus 


—    222 


disputaient  aux  navigateurs  portugais  l'honneur  et  les 
profits  des  découvertes  sur  une  côte  inconnue,  abordèrent 
dans  la  baie  de  Dakar  :  la  richesse  du  sol,  la  fg-cilité  et  les 
gros  bénéfices  du  commerce  les  y  retinrent  ;  ils  établirent 
une  suite  de  comptoirs  depuis  le  cap  Vcrd  jusqu'au  fond 
du  golfe  de  Guinée. 

Leurs  affaires  prospérèrent;  en  échange  d'objets  de 
valeur  minime,  ils  obtenaient  des  peuplades  sauvages  la 
gomme,  le  poivre,  l'indigo,  l'encens,  l'or,  l'ivoire,  toutes 
marchandises  de  haut  prix.  C'est  de  cette  époque  que 
date  l'industrie  de  l'ivoire  sculpté  qui  fait  encore 
aujourd'hui  la  fortune  de  Dieppe. 

Les  désastres  de  la  guerre  de  cent  ans  et  les  guerres 
civiles  arrêtèrent  l'essor  normand  ;  les  Portugais  et  les 
Hollandais  occupèrent  les  comptoirs  abandonnés,  et 
continuèrent  le  trafic  avec  succès. 

Les  Français  reparurent  à  la  fin  du  seizième  siècle. 

Entre-temps,  le  cap  de  Bonne-Espérance  avait  été 
découvert  en  i486,  puis  revu  en  1493,  sous  le  règne  de 
Jean  II,  par  Barthélémy  Diaz, 
amiral  portugais  ;  les  orages  qu'il 
y  essuya  ,  le  lui  firent  nommer 
ce  Cabo  dos  todos  tormcntos  »,  ou 
cap  de  tous  les  maux;  mais  le  roi  Jean 
changea  ce  nom  en  celui  de  :  Cabo  de  Bueno-Lspc- 
ranza  »,  qui  s'est  conservé  jusqu'aujourd'hui. 

Un  commerce  des  plus  actifs  s'établit  le  long  de  la 
côte  occidentale  d'Afrique   que  visitent  et   décrivent, 
avec  force  récits  et  dessins  merveilleux,  de  nombreux 
voyageurs  : 

Georges  Tompson  (1618-1621),  —  Stibbs 
(1723-1724),  —  François  Moore  (lySo-iySS), 
—   Peter  \'an    den    Broeck,    le    Hollandais 


—    223    — 


(i6o5-i6o5),  —  Le  Maire,  chirurgien  à  l'Hôtel 
Dieu   de   Paris   Ii682-i683),   —  Atkins  (1721 
1/23),  —  Thomas    Phillips  (lôgS-iôgS),  —  h 
père   Loyer  (i 700-1703),  —  le   chevalier 
Des  Marchais  (1724-1725),  —  Smith 
(1726-1727),    —    Lamb    (1724),—     J^. 

Snelgrave  (1719-1732),    — 

Jacques   Barbot  (1699),  — 

Grazilhier  (1699),   —  Ed^"* 

Lopez  (1578-1587), — André 

Battel   (1589),   —   Angelo 

1666-1667),  —  Carli  (1667), 

—  Merolla  (1682-1688),  — 
Jacques  Barbot  le  Jeune 
(1700-1701),  -  Kolben(i7i3),       " 

—  Hamilton  (1720),  —  Belgrade 
(1766),    Descouvières  et  Joli  (1768^, 

—  Lacerda    (1798),    —    les    frères    Pombeiros 
(1806),  —  Saldanah  (1807) 

Je  cesse  cette  énumération  fasti- 
dieuse pour  dire  que  tous  ces  voya- 
geurs et  leurs  successeurs  cherchent 
des  voies  de  pénétration  vers  le 

cœur  de  l'Afrique. 

Mais  tout  le  long  de  la  côte,  en  vain 

remontent-ils  les   rivières  et  les  fleuves; 

bientôt  se  dressent  les  redoutables  rapides,  les  barrages, 

les   cataractes    infranchissables    qu'ont  créés  les  monts 

côtiers  de  l'Afrique  occidentale. 


4 


225 


De  Tanger  à  Saint-Louis,  pas  une  voie  de  navigation 
importante. 


A  Saint-Louis,  le  Sénégal,  dont  la  navigabilité  perma- 
nente pour  les  avisos  à  vapeur  s'arrête  à  Ma/on,  peut 
s'effectuer  pendant  quatre  mois  jusqu'à  Kayes,  en  aval  du 
rapide  des  Kippcs,  c'est-à-dire  au  6"^^  de  la  distance  à  vol 
d'oiseau  entre  Saint-Louis  et  le  lac  Tchad.  Cette  distance, 
mssurée  en  ligne  droite  de  Saint-Louis  à  la  pointe  la 
plus  occidentale  du  Tchad,  est,  d'après  la  carte  d'Habe- 
nicht,  de  3,3oo  kilomètres.  Par  le  Sénégal- les  Français 
s'en  approchent  donc  à  2,760  kilomètres. 


A  Bathurst,  la  Gambie  offre  une  nouvelle  voie  d'accès 
navigable  jusqu'à  l'ile  Mac-Carthy  à  280  kilomètres  de 
son  embouchure. 


Puis  tout  le  long  de  la  côte,  le  Fouta  Djallon,  les 
monts  Soulimana,  les  motits  de  Kong,  les  monts  Gondja 
élèvent,  à  400  kilomètres  environ  de  la  mer  une  escarpe 
défendant  victorieusement  l'intérieur  de  l'Afrique. 


Cette  escarpe,  le  Niger  la  coupe;  le  Niger  ou  Dhioliba 
qui,  de  ses  3, 600  kilomètres  forme  un  vaste  demi-cercle 

i5 


220    

vers  le  Nord,  puis  l'Ouest.  Le  Niger  se  divise  en  trois 
parties  au  point  de  vue  de  la  navigabilité  : 

Le  Bas-Niger  (900  kilomètres)  allant  de  la  côte  aux 
chutes  de  Boiissa,  considérées  jusqu'ici  comme  infranchis- 
sables; —  le.  Moyen-Niger,  de  Boussa  à  Bammako,  où  les 
rochers  de  Sotouba  barrent  le  fleuve;  —  le  Haut-Niger,  où 
la  navigabilité  est  probable. 

A  400  kilomètres  de  la  côte  le  Niger  reçoit,  à  Lokodsa, 
la  Bénoué  dont  le  cours  vient  de  l'Est. 

La  Bénoué  ou  Tchadda  est  une  magnifique  rivière, 
profonde  et  navigable,  prenant  sa  source  au  nord  de 
N'gaiindéré  dans  VAdamaiia,  et  dont  un  affluent  de  droite, 
le  Mayo-Kebbi,  sert  d'émissaire  à  la  grande  lagune  de 
Tibouri,  confinant  à  la  rive  gauche  du  Logone,  affluent  du 
Chari,  le  grand  tributaire  du  Tchad. 

La  voie  de  la  Bénoué  est  incontestablement  une  des 
meilleures  voies  d'exploitation  des  royaumes  de  Sokoto, 
Adamaua,  Bornou  et  Baghirnii  Occidental. 


Vient  ensuite,  comme  voie  de  pénétration,  VOgooné, 
dont  le  cours  a  1,200  kilomètres  de  développement  et 
dont  la  source,  au  pays  des  Batékés,  n'est  qu'à  200  kilo- 
mètres du  Congo. 

Ce  puissant  fleuve  étend,  entre  des  îles  flottantes  ou 
des  bas-fonds  de  sable  ou  de  boue,  ses  marigots  et  son 
vaste  delta  sans  port  ;  il  n'est  navigable  que  jusqu'à 
335  kilomètres  de  la  côte,  pour  les  bateaux  calant  un 
mètre,  qui  passent,  bien  que  son  cours  devienne  gêné  par 
des  seuils  de  rocher. 

A  l'ile  N'djolè  commencent,  et  durent  pendant 
200  kilomètres,  les  chutes  infranchissables  par  lesquelles 


227    


rOgooué  traverse  les  Monts  de  Cristal,  puis  ce  cours  d'eau 
reste  barré  par  des  rapides  et  des  chutes  qui  le  rendent 
absolument  inutilisable  comme  voie  de  jonction  de 
l'Océan  avec  le  Haut-Congo. 


Le  Niari-KwiloH,  d'un  développement  d'environ 
600  kilomètres  reste  la  seule  voie  par  laquelle  la  France 
voudrait  arriver  sur  le  Haut-Congo.  L'entrée  du  fleuve  est 
fermée  par  une  barre  mobile  assez  difficile  à  franchir;  son 
cours  est  navigable  pendant  environ  une  soixantaine  de 
kilomètres,   puis  il  s'obstrue  de  rapides  assez  nombreux. 

Actuellement,  on  ne  se  sert  nullement  de  la  rivière; 
la  route  du  Niari-Kwilou  est  presque  entièrement  une 
voie  terrestre  :  il  faut  débarquer  à  Loango  et  gagner  par 
terre  Brazzaville. 


<c  La  dernière  partie  de  la  route,  qui  ne  compte  que 
i32  kilomètres,  de  Bouenza  (point  où  se  terminera  plus  tard 
la  navigation  sur  le  Niari-Kwilou)  à  Brazzaville,  n'est 
nullement  fatigante  à  parcourir,  les  accidents  de  terrain 
y  étant  très  peu  nombreux  et  très  faibles. 

»  De  beaucoup  la  plus  commode,  la  voie  du  Niari- 
Kwilou  est  appelée  à  un  grand  avenir. 

))  Déjà  une  étude  préliminaire  de  la  contrée  et  un 
nivellement  complet  ont  été  exécutés  au  cours  des 
années  1 887-1 888,  et  le  résultat  de  ces  travaux  a  permis 
de  s'assurer  que  la  zone  des  rapides  pouvait  être  utilisée 
d'une  façon  fort  avantageuse. 

>»   Un  décret,    en  date  du  25  janvier  1890,  a  confié 


—    228     — 

l'étude  de  la  voie  du  Niari-Kwilou  et  sa  concession  à 
l'industrie  privée,  qui  se  trouve  ainsi  intéressée  directe- 
ment à  la  mise  en  valeur  et  au  développement  du  Congo 
français.  » 

Tout  ceci  est  extrait  de  la  6"^^  Notice  illustrée  sur  les 
colonies  françaises,  édition  de  1890,  qui  dit  encore  : 

«  On  jugera  combien  sont  grandes  les  difficultés 
d'accès  par  le  Bas-Congo,  quand  on  saura  que  le  prix  de 
la  tonne  revient,  à  Léopoldville,  à  2,000  francs;  sur 
rOgooué  jusqu'à  Lékcti,  à  i,5oo  francs,  et  par  le  Xiari- 
Kwilou,  à  1,000  francs  seulement.  » 


C'est  à  peu  près  exact,  sauf  que  de  Matadi  à 
Léopoldville  la  tonne  coûte  1,000  francs;  parle  Xiari- 
Kwilou,  i,5oo  et  que  la  voie  de  l'Ogooué  attend  toujours 
son  utilisation. 

Aussi,  tandis  que  le  chemin  de  fer  du  Congo  belge 
pousse  ferme  de  l'avant,  la  voie  du  Niari-Kwilou,  malgré 
le  décret  de  1890,  malgré  sa  concession  à  l'industrie 
privée,  est,  en  1894,  ce  qu'elle  a  été  dans  le  passé,  et  il 
parait  bien  peu  probable  que  les  projets  qu'elle  a  suggérés 
reçoivent  jamais  commencement  d'exécution,  malgré  le 
tout  récent  départ  d'une  nouvelle  mission  chargée  de 
réétudier  l'utilisation  du  fleuve. 


Ment  alors  l'ancien  Zaïre,  le  Congo  actuel. 

Nous  avons  dit  ce  qu'il  est  et  comment  l'achèvement 
du  chemin  de  fer  mettra  3o,ooo  kilomètres  de  rives 
navigables  dans  les  mêmes  conditions  devant  le  com- 
merce   européen  que  la  côte    occidentale  d'Afrique,  le 


—  22g  — 

long  de  laquelle,  depuis  la  fin  du  xiv"^^  siècle,  les 
navigateurs  recueillent  :  ivoire,  or,  gommes,  résines, 
cires,  encens,  plumes  d'autruche,  poivre,  café,  cacao, 
kola,  tabac,  coton,  caoutchouc,  peaux,  huiles,  sucre, 
bois  de  luxe,  bois  de  teinture,  orseille,  indigo,  rocou, 
arachides,  riz,  fruits  de  luxe  comme  l'ananas,  de  grosse 
consommation  comme  l'orange,  animaux  de  tous 
genres,  etc.,  etc. 

Et  qui  donc  concevrait  l'abandon  par  le  commerce 
de  la  côte  occidentale  d'Afrique?  Comment  alors  hésiter 
à  prendre  pour  champ  d'exploitation  entièrement  sem- 
blable, le  réseau  riverain  intérieur  offrant  actuellement 
3o,ooo  kilomètres  de  développement,  alors  que  la  côte 
occidentale  d'Afrique,  de  Gibraltar  au  Cap,  n'en  offre 
que  i2,5oo,  soit  près  de  trois  fois  moins. 

Si,  à  ces  3o,ooo  kilomètres  de  rives  abordables  aux 
steamers,  on  ajoute  les  sections  utilisables  aux  pirogues 
et  aux  allèges,  on  arrive  au  total  de  quarante  millions  de 
mètres,  le  tour  de  la  terre. 

En  supposant  que  par  mètre  de  rive,  en  un  an,  on 
ne  recueille  que  un  kilo  d'un  produit  quelconque 
d'exportation,  le  chiffre  total  des  récoltes,  sur  le  Haut- 
Fleuve,  serait  de  40,000  tonnes. 

Avec  un  gain  net  de  5o  centimes  par  kilogramme, 
le  chiffre  des  bénéfices  atteindrait  vingt  millions  de 
francs. 

Quant  au  mouvement  commercial  qui  en  résulterait 
pour  la  Belgique,  on  ne  peut  guère  l'apprécier  môme 
très  approximativement;  on  ne  peut  qu'en  sentir  l'impor- 
tance presque  indéfinie. 

L'erreur  capitale  des  adversaires  de  la  politique 
coloniale,  en  tous  pays  d'ailleurs,  est  d'oublier  que  les 
colonies  sont   avant  tout  des  réserves  constituées  pour 


—  23o  — 

i'avenir,  et  qu'il  est  aussi  déraisonnable  de  n'envisager 
que  le  profit  commercial  qu'elles  donnent  immédiatement 
à  la  mère-patrie,  qu'il  serait  absurde,  quand  on  crée  une 
plantation  quelconque,  de  mettre  en  balance  les  frais  de 
défrichement  et  de  plantation  avec  le  produit  de  la 
récolte  des  deux  ou  trois  premières  années. 


Admettons  que  le  kilogramme  de  produit  exporté 
paie  au  chemin  de  fer  20  centimes  de  Léo  à  Matadi;  les 
40,000,000  de  kilos,  dont  nous  venons  de  parler,  rappor- 
teraient à  la  ligne  8,000,000  de  francs. 

Et  il  ne  s'agit  là  que  du  commerce  d'exportation  ; 
l'importation,  le  commerce  intérieur,  les  mouvements 
de  voyageurs  blancs  et  noirs,  doubleront  ce  chiffre  de 
bénéfices. 

Ainsi,  si  le  chemin  de  fer  absorbait  100,000,000  pour 
son  achèvement,  il  rapporterait  sans  tarder  16,000,000, 
soit  16  p.  c.  brut. 


Le  chemin  de  fer  du  défilé  des  Cataractes  se  fera 
donc,  par  la  force  même  des  choses,  parce  qu'il  est  fatal 
qu'on  aille  aux  sources  des  richesses  africaines! 


—   23l    — 

Ne  pas  s'en  rendre  garant  serait  pour  la  Belgique  un 
aveu  d'impuissance  et  de  pusillanimité  indigne  d'un  pays 
fier  et  libre,  qui  saura  n'être  pas  la  risée  de  l'Europe. 

Oui,  la  Belgique  va  sortir  de  l'expectative  qu'elle  a 
semblé  garder  jusqu'ici  devant  tout  ce  qui  s'abrite  sous  le 
drapeau  bleu  étoile  d'or,  comme  si  la  nation,  énervée 
par  un  égoïsme  jouisseur,  devenue  comme  incapable  de 
sortir  de  la  politique  étroite  des  cabarets  belges,  croyait 
que  neutralité  est  synonyme  d'impuissance,  et  s'effrayait 
de  ces  entreprises  lointaines,  de  ces  durs  labeurs,  par 
lesquels  nous  élargissions  les  frontières  où  pourra 
s'exercer  l'activité  économique  des  Belges. 

La  politique  d'extension  coloniale  n'est  pas  seule- 
ment la  suite  d'une  volonté  raisonnée  ou  d'un  dessein 
calculé;  elle  est,  avant  tout,  la  résultante  naturelle  de  ce 
besoin  d'activité  qui  compte  parmi  les  meilleurs  symp- 
tômes de  la  santé  chez  les  races  vigoureuses.  Ainsi 
parlait  dernièrement  du  haut  de  la  tribune  française,  le 
Ministre  des  Affaires  étrangères. 

Or,  parmi  toutes  les  terres  tropicales  (i),  l'Afrique 
est  un  champ  de  choix  pour  la  colonisation,  parce  qu'il 
n'y  a  là  ni  les  mêmes  risques  à  courir,  ni  les  mêmes 
échéances  à  redouter  qu'en  Asie  par  exemple  ;  parce  que 
nous  avons  affaire  à  des  populations  de  race  inférieure 
pour  qui  notre  présence  sera  un  gage  de  sécurité;  parce 
qu'enfin  aujourd'hui  nous  n'avons  plus  de  guerre  hasar- 
deuse ou  douteuse  à  prévoir  pour  contenir  ou  repousser 
voisins  ni  rivaux. 

Prenons  donc  franchement  le  chemin  des  colonies, 
afin  d'échapper  aux  grandes  catastrophes  intérieures  dont 
sont  menacés  tous  les  peuples  d'Europe. 

(1)  D'après  Jules  Delafosse. 


232    

La  colonisation  est  le  seul  allégement  possible  aux 
embarras  économiques  et  aux  conflits  sociaux  qui  gron- 
dent et  qui  grandissent  autour  de  nous. 

La  machine  se  substitue  partout  au  travail  manuel, 
accomplissant  à  elle  seule  le  travail  de  plusieurs  centaines 
d'ouvriers,  par  conséquent  raréfiant  le  travail. 

Que  vont  faire  devant  ce  problème,  les  législateurs 
belges,  ayant  charge  de  peuple  ? 

Le  collectivisme,  ce  mauvais  rêve  qui  ne  se  discute 
pas,  sera  vSans  doute  une  des  solutions  proposées. 

Il  est  matériellement  impossible  que  la  loi  intervienne 
entre  le  capital  et  le  travail,  entre  l'ouvrier  et  le  patron, 
sans  rompre  l'équilibre  entre  ces  deux  forces,  c'est-à-dire 
sans  aboutir  à  la  fermeture  de  l'usine  ou  de  l'atelier. 

Conçoit-on  une  loi  qui  prévienne  le  chômage  et 
assure  au  travailleur  (quel  que  soit  son  rang)  la  juste 
rémunération  de  son  travail  ?  Non  !  Toute  la  question 
sociale  est  là  cependant  ! 

Il  n'y  a  pas  de  loi,  pas  de  réforme,  pas  de  Providence 
d'Etat  qui  la  puisse  résoudre. 

Il  n'y  a  que  des  dérivatifs  aux  conflits  qu'elle  provo- 
que, et  au  premier  rang  de  ces  dérivatifs  il  faut  placer  la 
colonisation. 

Faites  que  ceux  à  qui  le  travail  manque  en  Europe 
s'habituent  à  aller  chercher  ailleurs  le  champ  nécessaire 
à  leur  activité  ;  et  reprenons  le  Congo  pour  que  des 
migrations  belges  puissent  se  faire  plus  tard  vers  les  hauts 
et  sains  plateaux  du  Katanga;  nous- trouverons  là  l'exu- 
toire  naturel,  nécessaire  de  toute  société  qui  ne  peut  plus 
pourvoir  aux  besoins  de  ses  peuples,  et  qui,  semblable  à 
une  chaudière  sans  soupape  de  sûreté,  est  fatalement 
vouée  aux  catastrophes. 

Reprenons  le  Congo  aussi,  afin  qu'une  immédiate 


—  233  — 

extension  commerciale  et  industrielle  assure  plus  de 
travail  à  la  classe  ouvrière,  qui  alors  saura  où  sont  ceux 
qui  ont  vraiment  souffert  et  peiné  pour  elle,  souffert  de 
leur  corps  et  de  leur  âme,  peiné  de  leurs  mains  et  de  leur 
cerveau,  couchant  sur  la  dure,  mangeant  à  la  diable,  et 
qui  ne  demandent  qu'une  récompense  :  Voir  leur  pays 
tout  entier  profiter  de  leurs  efforts. 


L'achèvement  du  chemin  de  fer  belije  au  Conj^o 
marquera  dans  l'histoire  évolutive  du  centre  africain  ; 
cent  peuples  nouveaux,  sains,  ardents,  verront  luire  ce 
jour-là  leur  véritable  initiation  au  travail  rémunérateur 
et  honnête  qui  remplacera  rapidement  la  hideuse  traite, 
les  hécatombes  sanglantes,  seuls  faits  saillants  jusqu'ici 
dans  l'histoire  de  ces  nèijres. 

Et  nous,  fils  d'un  pays  bien  petit  par  ses  limites, 
nous  prendrons  par  notre  œuvre  au  Congo  une  place  si 
grande  au  milieu  des  peuples  colonisateurs,  que,  toucher 
à  cette  œuvre  et  aux  Belges  qui  l'auront  faite,  deviendra 
une  monstruosité  que  pas  un  peuple,  si  fort  soit-il,  si 
oublieux  puisse-t-il  être  un  jour  de  toute  honnêteté 
politique,  n'osera  se  mettre  sur  la  conscience  ! 

Notre  indépendance  européenne,  loin  d'être  compro- 
miseparl'œuvredu  Roi,  ainsi  que  le  veulent  ses  détracteurs 
dont  c'est  aujourd'hui  la  dernière  raison,  sera  renforcée  et 
assurée  à  jamais  par  le  plus  inébranlable  des  traités, 
savoir:  l'admiration  du  monde  civilisé  pour  la  réalisation 
à  travers  tant  de  dangers,  de  déboires  et  de  résistances, 
de  la  plus  grande,  de  la  plus  généreuse  entreprise  qu'aient 
enfantée  des  cerveaux  d'hommes. 


—  234  — 

Au  surplus,  le  Congo  ne  peut  appartenir  qu'à  une 
petite  nation  (i).  L'Europe  ne  permettrait  pas  qu'il  en 
fût  autrement,  car  une  pareille  possession  donnerait  la 
prépondérance  définitive  au  grand  Etat  qui  la  possé- 
derait. 

Du  jour  où  elle  appartiendra  à  la  Belgique,  — 
qu'on  porte  toute  son  attention  sur  ce  point,  —  notre 
nationalité  ne  sera-t-elle  pas  consolidée  tellement  qu'elle 
ne  saurait  plus  être  dissoute  ? 

La  puissance  qui  s'emparerait  de  notre  territoire 
prendrait-elle  aussi  le  Congo  ? 

Si  elle  en  avait  la  velléité,  c'est  du  coup  qu'on  verrait 
une  guerre  européenne  et  même  générale  surgir  pour  nous 
défendre. 

Boma  et  Anvers  seront  nos  boulevards  au  même 
titre. 

Quelle  autre  signification  pourrait-on  bien  attacher  à 
ces  paroles  du  prince  de  Bismarck  : 

«  Le  nouvel  Etat  du  Congo  est  appelé  à  devenir  un 
des  principaux  gardiens  de  l'œuvre  que  nous  avons  en 
vue,   » 

Il  est  la  base  de  l'équilibre  européen  en  Afrique. 

Et  ainsi  la  Belgique  ne  saurait  plus  se  soustraire  à 
un  impérieux  devoir,  à  l'obligation  inéluctable  de  ne  pas 
perdre  le  sang  de  tant  de  courageux  morts  en  souriant, 
car  l'œuvre  du  Congo  manifeste  aussi  sa  grandeur  en 
renouvelant  des  dévouements  de  martyrs. 

Caton  le  censeur  avait  coutume  de  s'écrier  à  la  fin 
de  tous  ses  discours  :  «  Et  mine  addo  Carthagincm  esse 
delendam  !  » 

Ainsi  que  Carthage   était    l'ennemie   de    Rome,   le 

(1)  D'jilU'ès  p.  Ci.,  I-a  Belf;ique  et  le  Congo. 


—  235  — 

Congo  pourrait-il  continuer  à  rester  l'ennemi  de  la 
Belgique  !  Xos  Pères  Conscrits  pourraient-ils  continuer 
à  entendre  ce  cri  funeste  :  «  Et  j'ajouterai  encore  qu'il 
faut  rejeter  le  Congo  ?  » 

Xon,  le  cri  qui  se  fait  entendre  aujourd'hui  soulève 
les  enthousiasmes.  J'en  appelle  à  tous  ceux  qui  se 
pressaient  à  la.  réception  du  lieutenant  Dhanis  au  Cercle 
Africain  et  dont  les  chaleureuses  acclamations  ratifiaient 
ces  paroles  vibrantes  de  ^'an  Gèle  : 

((  Cette  terre  du  Congo,  dont  le  Roi  a  deviné 
l'avenir,  nous  l'avons,  sous  sa  persévérante  impulsion, 
conquise  pas  à  pas.  Ses  frontières  sont  aujourd'hui  toutes 
assurées;  tu  viens  de  la  débarrasser  de  ses  derniers 
ennemis. 

»  Nous  la  savons  féconde  :  elle  récompensera  au 
centuple  tous  les  efforts;  elle  paiera  tous  les  dévoue- 
ments! 

•>■>  Qu'on  nous  la  donne  donc  enfin  en  y  faisant 
flotter  les  couleurs  belges!  Ceux  des  nôtres  qui  sont 
tombés  là-bas  auront  reçu  alors  leur  récompense  ! 

»  Notre  vœu  suprême  sera  exaucé! 

1)  Joins  ta  voix  à  la  nôtre,  ami  !  C'est  toujours 
guidés  par  la  même  généreuse  idée  que  nous  te  prions 
de  t'unir  à  nous,  pour  la  grandeur  et  la  prospérité  de  la 
patrie  !  » 


Le    rôle     d'expectative    que    garde     depuis     trop 


236 


longtemps   notre  généreuse  patrie  nous  humilie!  Il  doit 
cesser  !  L'heure  des  résolutions  viriles  sonne  ! 

Défaillance,  arrière!  Et  sachons  faire  que  bientôt  le 
drapeau  tricolore  s'écartèle  de  l'écusson  à  étoile  d'or! 


4  Xovembie   1S94. 


LA   CIVILISATION   LNTRAINt 
LA  LUMIÈRE   ET   LA   PAIX 


i 


239  — 


5  Novembre  1894. 


Post-Scriptum.  —  C'est  aujourd'hui  que  se  ferme 
l'Exposition  d'Anvers,  et  avec  elle  le  compartiment 
congolais. 

Ce  dernier,  espérons-le  et  souhaitons-le  vivement,  va 
venir  se  rouvrir  au  plus  tôt  à  Bruxelles,  en  un  Musée  du 
Congo  qu'il  incombe  aux  deux  Etats,  aidés  de  toutes 
les  bonnes  volontés,  de  tous  les  efforts,  d'installer  et  de 
développer  grandement. 

La  Société  d'Etudes  Coloniales  est  tout  indiquée 
pour  prendre  en  mains  l'exécution  de  ce  projet,  qui 
figure  au  reste  parmi  ses  travaux  en  cours  d'étude. 

En  ce  musée  congolais  viendront  s'accumuler  et  se 
classer  les  nombreux  documents  déjà  recueillis  par  les 
Belges  en  Afrique,  et  dont  la  plupart  restent  actuelle- 
ment éparpillés  et  sans  valeur. 

XuUe  observation,  quand  elle  a  été  faite  sainement 
et  consciencieusement,  ne  devrait  être  perdue.  Elle  peut 
n'avoir  par  elle-même  qu'une  valeur  secondaire,  mais 
rapprochée  d'autres  données,  elle  peut  souvent  acquérir 


240 


un  intérêt  relatif  très  marqué,  parfois  même  capital  : 
ceci  est  vrai  à  tous  les  points  de  vue,  économique, 
scientifique,  moral,  ethnographique 

Pour  ne  prendre  qu'un  exemple,  supposons  que  tous 
ceux  qui  ont  recueilli  des  noies  sur  les  dialectes 
congolais,  au  lieu  de  les  avoir  laissé  dormir  dans  leurs 
tiroirs,  les  aient  réunies  en  des  mains  uniques,  il  est  hors 
de  doute  que  nous  aurions  actuellement  des  documents 
linguistiques  des  plus  utiles,  tandis  que  nous  n'avons 
encore  que  bien  peu  de  chose. 

Cette  concentration  des  documents  ne  manquerait 
pas  de  se  faire  rapidement  si  le  Musée  dont  nous  parlons 
s'installait  sans  tarder. 

D'autre  part,  ouvrir,  organiser  et  développer  un 
tel  monument  colonial,  serait  admirablement  préparer 
la  participation  du  Congo  à  l'Exposition  que  Bruxelles 
projette  pour  1897,  puis  à  l'Exposition  internationale  de 
Paris  en  igoo. 

Et  que  le  Musée  central  se  complète  de  collections 
scolaires  aussi  nombreuses  que  faire  se  pourra  ! 

Pendant  le  courant  de  l'Exposition,  plusieurs 
demandes  de  collections  réduites  ont  été  faites  non 
seulement  par  des  établissements  belges,  l'Institut  supé- 
rieur de  Commerce  d'Anvers,  par  exemple,  mais  aussi 
par  des  établissements  étrangers,  le  Musée  national 
d'Ethnographie  des  Pays-Bas,  à  Leyde;  le  Musée  com- 
mercial de  Greiz  (Allemagne),  etc. 

Cet  intérêt  des  étrangers  est  significatif  :  saurons- 
nous  nous  engager  au  plus  tôt  dans  la  voie  qu'il  indique, 
et  faire  connaître  le  Congo  dans  toutes  nos  écoles, 
supérieures,  moyennes  et  primaires,  au  moyen  de  collec- 
tions scolaires  réduites,  telles  que  celles  demandées  par 
l'Allemagne  et  la  Hollande? 


—    241    — 


Le  Congo  connu  des  enfants  le  sera  alors  un  pea 
plus  des  parents. 
A  l'œuvre  donc  ! 


Second  Post-Scriptum.  —  Je  n'ai  pas  osé  parler  de  la 
ligne  de  navigation  d'Anvers  à  Matadi,  qui  devrait  être 
belge.  J'ai  eu  peur  que  devant  cette  extension  de  la 
question  congolaise  on  ne  crie  trop  à  l'impossible. 

Mais  je  suis  bien  tranquille  là-dessus.  Faisons 
seulement  le  chemin  de  fer  du  Congo,  le  reste  ira  tout 
seul. 

Ça  se  voit. 

Lieut^  L.   Cii. 


i6 


I 


GRAVURES 


6 
6 
7 

9 

lO 


Départ  de  V Edouard  Bohlen,  le  6  octobre  1894. 

Tète  de  Sango  (Oubanghi) 

Coupe  dans  le    Vigilant,  bâtiment  négrier, 
de  Nantes,  capturé  en  avril  1822    . 

Coupe  d'un  navire  négrier  capturé  en  1843. 

Esclave  de  l'Oubanghi 

La  carte  de  l'Afrique  centrale  telle  qu'on  la 

donnait  dans  les  athénées  il  y  a  vingt 

ans 

Les  ténèbres  de  lAfrique 

■Mort  de  Franck  Pocock 

La  carte.de  l'Afrique  centrale,  il  y  a  quinze 

ans,  après  le  vo3'age  de  Stanley. 
L'entrée  du  village  congolais  à  Anvers  . 
Vue    extérieure    du    pavillon    congolais  à 

Anvers 

Guerrier  Sango 


Lieutenant  Alasui. 
Photographie. 

Les  Colonies  françaises. 
(Notices  illustrées.) 

Photographie. 


Masui. 
Hachette. 

Mouvement  géographique. 
^lasui. 

Photographie. 
Photographie. 


M  4 


PAGES 


SUJETS 


SOURCES 


II 
12 

i3 
i5 
i6 
17 
19 
24 
24 
24 

25 
25 

27 

29 
3i 

32 

33 

34 
35 
35 
36 
39 
41 

42 

45 


Intérieur  du  compartiment  congolais. 

La  Mcduse,  de  \'inçotte 

Un  bateau  au  xv!"--  siècle 

L' Allegretto,  de  Dillens 

La  Marieâe-Nazareth,  de  Dj  Toinbny . 
Maison  en  bois  à  Coquilhatvillc     . 
Exploitation  de  bois  à  Siccia    .... 

Arrière  de  pirogue 

Coiffure  au  n'goula 

Bois  à  feu  des  Mongos 

Bois  à  feu  et  torche  de  fouilles  sèches  pro- 

t.'gcs  par  un  morceau  d'étoffe    .... 

Fétiche  et  cuiller  en  bois 

Abattage  d'un  aibre  géant 

Sur  l'Escaut  :  retour  de  Dha:u3     .... 

Femme  Zappo-Zap 

La  défense  du  drapeau 

Arabe  du  Haut-Congo 

Tombe  perdue 

Liane  à  caoutchouc 

Tam-tam;  mailloches  ga:::ics  do  caoutchouc 

Diagramme 

Steamer  en  rcconnnissr.ncc 

La  mise  en  œuvre  du  caoutchouc  (cxposi 

tion  de  M.  Eug.  Pavoux) 

Emploi  du   bouloungou   pour  vases   félcs, 

flèches  et  pipes 

Rameau  d'Isonandra  Percha     .... 


Photographie. 

Photographie. 

Masui. 

Photographie. 

Photographie. 

Masui. 

Photographie. 

Masui. 

Masui. 

Congo  illustre. 

Congo  illustré. 

Masui. 

Masui. 

Masui. 

Photographie. 

Photographie. 

Masui. 

Masui. 

Masui. 

Masui. 

Masui. 

Photographie. 

Masui. 
Masui. 


245 


SUJETS 


5i 


56 
57 

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62 
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86 

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8S 
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89 
90 
92 


Torche  en  gomme  copale 

Bois  du  Congo  :  meubles  et  planches;  à 
gauche,  vue  partielle  d'ur.c  aignil'c  de 
gomme  copale 

Croquis  du  Sénégal     .     .  

Acacia  Vcrek 

Foret  de  palmiers  élaVs 

Huilerie  de  Matéba 

Régime  de  Raphia  Vinifera 

Boutons  en  noyau  de  Raphia  Mnifera     . 

Rivières  ATanch  et  Gahinas 

Sésame 

Arachide . 

Femme  de  race  Mongo 

La  région  du  tabac  dit  de  Loukohla. 

Rouleau  de  tabac  de  FAlima 

Paquet  de  tabac  du  lac  N'toumba. 

Pipe  faite  avec  une  calebasse 

Noix  de  Kola  en  gousses 

Grands  Sultanats  du  Nord 

Chasse-mouches  indigène 

Tisserand  noir 

Etoffe  du  Kassaï 

Coton  :  fleur  et  gousse  mûre     .  .      .      , 

Fuseau .      .      . 

Papyrus 

Canne  à  sucre 

Poivre  de  Malaguette 


Alasui. 


Photographie. 

Masui. 

Photographie. 

Photographie. 

Alasui. 

Masui. 

Alasui. 
Congo  illustré. 
Photographie. 

Alasui. 
Alasui. 
Alasui. 
Alasui. 


Congo  illustré. 
Alasui. 
Congo  illustre. 
Alasui. 
Congo  illustré. 
Congo  illustré. 
Alasui. 
Alasui. 


—  246  — 


PAGES 


SUJETS 


SOURCES 


94 
95 
96 

99 
100 
102 
io5 
107 

I  ÎO 

1 1 1 
116 
117 

125 

126 

128 


12g 
12g 
i3i 
i33 


184 
134 
i34 
i34 
134 


Fève  de  Calabar 

Orseille 

Gousse  d'Entada  Gigalubium    .... 

Bambous  d'Inde 

Borassus 

Arbre  parasite  (figuier  maudil). 

Branche  de  caféier 

L'ancienne  mer  centi aie 

Branche  de  cacaoyer 

Tige  d'igname 

Bananier 

Régime  de  plantains 

Concombre  des  Ngapous 

Cucurbitacées  indigènes 

Fouta,  grappe  de  fruits  rouges,  veloutés,  de 

la  grosseur  d'un   œuf  de   pigeon,  sucrés. 

La  grappe  peut  peser  de  2  à  3  kilos    . 

Vigne  sauvage 

Fruit  de  baobab 

Village  du  Haut  Congo 

Compartiment    congolais     :     l'étagcre    des 

textiles,  du  caoutchouc,  des  minerais,  des 

produits  alimentaires 

1.  Enclume 

2.  Masse 

3.  Masse-marteau 

4    Cuillère  à  eau 

5.    Ilerminette 


INIasui. 

Masui. 

Masui. 

Congo  illustré. 

Masui. 

Masui. 

Masui. 

A.-J.  Wauters. 

Masui. 

Masui. 

Masui. 

Photographie. 

Dybowski. 

Photographie. 


Photographie. 
D3'bo\vski. 
Congo  illustré. 
Photographie. 


Photographie. 
Congo  illustré. 
Congo  illustré. 
Congo  illustré. 
Congo  illustré. 
Cour')  illustré. 


—  247 


i34 
i34 
i34 
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140 
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145 

i5g 
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i65 

i65 
166 

167 


SUJETS 

6.  Ciseau  à  froid 

7.  Moule  en  bois 

8.  Soufflet  et  tuyère 

g.   Creuset  et  pince  en  bambou     .... 

Fer  de  IManyéma  (monnaie) 

Croix  en  cuivre  du  Katanga  (monnaie)   . 

Oiseaux  et  singe  du  Haut-Congo   .... 

Phasme  géant  trouvé  à  Coquillatville     . 

Goliath 

Scorpion  

Cauiies 

Diagramme  :  pour  cents  annuels  des  com- 
mandes de  tissus  de  l'Etat  du  Congo  à 
l'industrie  belge 

Filature  Parmentier-Van  Hoegarden  et  C"=, 
à  Gand 

Chauves-souris  «  tête  d'hippopotame  »   . 

Exposition  Cockerill  au  compartiment 
congolais 

Le  marché  de  Kassongo  (zone  arabe) 

Exposition  Dej-mann-Druait  au  comparti- 
ment congolais 

Le  pont  de  Loukoungou 

Pont  de  singe 

Corbeille  de  la  région  des  Cataractes. 

Peignes,  corbeilles  et  natte  de  la  région  des 
Cataractes. 

Un  passage  d'eau  dans  le  Kwango  oriental. 


SOURCES 


Congo  ilhisiré. 
Congo  illustré. 
Congo  illustré. 
Congo  illustré. 
Congo  illustré. 
Congo  illustré. 
Masui. 
Masui. 
Masui. 
Congo  illustré. 
Congo  illustré. 


Photographie. 
Dybowski. 

Photographie. 
Photographie. 

Photographie. 
Photographie. 
Masui. 
Congo  illustré. 

Congo  illustré. 
Photographie. 


—  248 


175 
177 
177 
178 
178 


i85 

187 
190 

ig3 

194. 
200 
201 
204 
2o5 
206 

208 

211 
214 
2l5 
216 
217 
219 


Sur  le  ciiemin  de  fer  du  Congo 

Clîantiers  de  Léopoldvir.c     .  ... 

Chant  de  piroguie:  s 

Chant  de  piroguiers 

Fourreau  et  flèches  de  lOubanghi 

Une  canonnière  de  TEtat  sur  le  Haut- 
Congo  

Salle  à  manger  de  la  mission  nméiiccine  de 
Léopoldville 

Cercueils  de  l'Equateur 

Le  cheval  d'Hodister,  repris  aux  Arabes  par 
le  lieutenant  Lothaire 

Crânes  recueillis  dans  les  villages  de 
l'Equateur 

Shanu 

Pirogue  de  blanc 

La  tombe  de  Tonio  à  Evere 

Femme  Wangata 

Femme  Basoko 

Nséréa  et  son  fi's  Amici,  les  assassins 
d'Hodister 

Mme  Ch.  Blair  Banks 

Les  enfants  de  M.  Ch.  Blair  Par.ks  .     ,     . 

Mme  Bentley 

M">e  Van  Dorpe 

Mme  Reylter  et  son  petit  gaiçon     .     .     .     . 

Religieuses  belges  à' Moanda 

Le  sémaphore  de  Banane 


Photographie. 
Photographie. 

Masui. 

Masui. 

Photographie. 
Photogr.-iphie. 

Photographie. 

Masui. 

Photographie 

Photographie. 

Photographie. 
Photographie. 

Photographie. 

Photographie. 

Photographie. 

Congo  illustré. 

Photographie. 

Photographies. 

Photographie. 

Photographie. 


249 


PAGES 

SUJETS 

SOURCES 

221 

Diagramme      montrant      l'importance      du 

Congo  comme  voie  navigable     .      .'     .      . 

Mouvement  géographique. 

221 

Réseau  fluvial  du  Haut-Congo 

Mouvement  géographique. 

222 

Animaux  merveilleux  existant  en  Afrique  . 

Extrait  de  l'abbé  Pré- 
vost (1748). 

223 

Animaux  merveilleux  existant  en  Afrique  . 

Extrait  de  l'abbé  Pré- 
vost (1748). 

224 

Carte  montrant  la  pénétration  vers  le  Centre 

africain  par  la  côte  occidentale .... 

D'après  Habenicht. 

23o 

Troupeau     de     bœufs    à    J<assongo    (zor.c 

arabe) 

Photographie. 

237 

Médaille   commémorative    de   la    participa- 
tion de   l'Etat   du   Congo   à   l'Exposition 

d'Anvers 

Photographie. 

241 

Dessin 

Masui. 

-Au3sr:i>TE22:E 


Exposition  d'Anvers.  —   Compartiment  Congolais 


COMMISSION    ORGANISATRICE 

président  : 

M.  Van  Ektvklde,  Ed.,  secrétaire  d'Etat  de  Flntérieur  et  des  Finances. 

yice-Président  : 

M.  le  major  Thy.s,  officier  d'ordonnance  du  Roi,  administrateur  délégué  de  la 
Compagnie  du  Chemin  de  fer  du  Congo. 

Commissaire  général  : 

M.  le  baron  Béthlne,  Lkon,  secrétaire  du  Conseil  supérieur  du  Congo. 

Cfjrnmissnire  f/é lierai  adjoiiit  : 

M.  Baert-s,  a.,  chef  do  cabinet  du  Département  de  llntérieur. 

Directeurs  des  services  techniques  : 

MM.  DiDKRRiCH,  X.,  ingénieur,   directeur  de  l'industrie  et  de  lagriculturc  à 
l'Etat  du  Congo. 
Masui,  lieutenant  d'artillerie. 

Secrétaire  : 

M.  DE  COCK,  G. 

Sea-étaire  adjoint  : 

M.  De  Melse,  F. 

Attachés  au  sea-étariat  : 

MM.  Samy\,  a.,  sous-intendant  de  l'Etat  indépendant. 
Van  Lakri:,  agent  de  l'Etat  Indépendant. 

Meinhrcs  : 

MM.   lÎAYNES.  secrétaire  général  de  la  liaptist  Missionary  Society;  Londres. 

le  baron   Bikfin,  colonel  du  corps  d'état-major,   secrétaire-général  de 

l'Association  congolaise  cl  africaine  de  la  Crois-Rouge. 
Blyîse,  G-,  industriel. 


252    


MM.  Cambikr,  major-directeur  teclniitpio  de  la  Compagnie  du  chemin  de  fer 

du  Congo. 
Chai.tiv,  capitaine  d'infanterie. 
le  R.  P.  Croonknbkrgs,  delà  Compagnie  de  Jésus, 
le  Comte  dk  Brolchove\  dk  Bergeyck,  sénateur. 
DE  Brow.ne  de  Tiège,  a.,  administrateur  de  la  Pociélé  anversoise  du 

commerce  au  Congo, 
le  chevalier  de  Ccvelier,  secrétaire  général  du  Déparlcment  des  affaires 

étrangères, 
le  comte  de  Hemptinne,  industriel. 
De  Key.n,  industriel. 
d:c  Moor,  capitaine-adjoint  d'état-major,  secrétaire  adjoint  de  l'Association 

congolaise  et  africaine  de  la  Croix-Rouge, 
le  baron  de  Stein,  consul  général  de  la  Rcpubli(iue  de  Libéria. 
Dki.comml'ne,  a.,  consul  de  Belgique  à  Léopoldville. 
DROOG.M.VX.S,  directeur  au  Département  des  Finances. 
GoRis,  AiGr.STiN,  fabricant. 

Gr.vndg.^ignage,  directeur  de  l'Institut  supérieur  de  commerce;  Anvers. 
GitEiNER,  directeur  général  de  Société  anonyme  Joîin  Cockerill;  Seraintr. 
l'abbé  Gi'Ki.iv,  vice-sui^érieur  de  la  congrégation  des  missions  belges  de 

Scheut 
Haneuse,  L.,  capitaine-commandant. 
Laurent,  major. 

Le  Marinel,  G.,  capitaine,  inspecteur  d'Etat. 
LiKBRECHT.s,  Capitaine  d'artillerie,  secrétaire  général  du  Département  de 

l'intérieur. 
Leroy,  sui^érieur  de  l'Institut  commercial  de  St-Ignace;  Anvers. 
Maiiuj.o.n,  h.,  fabricant  d'armes, 
le  R.  P.  Mai.kray,  supérieur  des  missions  d'Alger. 
Maton,  intendant  général  de  l'armée,  trésorier  général  de  l'Association 

congolaise  et  africaine  de  la  Croix-Rouge. 
Moi.s,  Robert,  artiste  peintre. 
NoRTH,  colonel  ;  Londres. 
O.STERRUCTH,  négociant. 
Parmentier,  g.,  industriel. 
Pavoux,  EiG.,  ingénieur  et  industriel. 
Pochez,  trésorier  général  de  l'Etat  indépendant. 
RoGET,  capitaine  d'élat-ninjor. 

Scarsezde  L()CQrE\Erii.i.E,  membre  de  la  Société  anti-esclavagiste. 
Storms,  capitaine  commandant  adjoint  d'élat-major. 
Strauss,  L.,  consul  honoraire. 
'\'an  Den  Ne.st,  écbevin  ;  Anvers. 
Vanderhaegen,  1).,  industriel. 

Van  (îKi.E,  capitaine  commandant  adjoint  d'étal-major,  inspecteur  d'Etat, 
le  baron  de  ViNCK  dk  M'innezeei.e. 


-  253  — 


MM.  Wauters,  secrétaire  général  de  la  Société  anonyme  belge  pour  le  com- 
merce du  Haut-Gongo. 

le  baron  Wkbkr  de  Tricuenfkls,  consul  général  d'Autrichc-Hongrie, 
administrateur  de  la  Société  anonyme  belge  pour  le  commerce  du 
Haut-Congo. 

Wii.i.AERTj  général-major,  commandant  la  garde  civique,  Anvers. 


COMMISSION  ORGANISATRICE  AU  CONGO 


PrcsidciU  : 
M.  Wahis,  gouverneur  général. 

Scax' taire  : 
M.  Van  Damme,  sous-intendanl  de  1"-'  classe. 

Membres  : 

MM.  Flchs,  inspecteur  d'Etat. 

De  Kevser,  directeur  général  des  finances. 

Rkzette,  directeur  des  transports,  de  la  marine  et  des  travaux  publics. 

Leroi,  secrétaire  général. 

Vandknpi.as,  intendant. 

TscHOKî'"EN,  directeur  intérimaire  de  la  justice. 

DiELMAN,  commandant  intérimaire  de  la  force  publique. 

Reytter,  médecin  de  1"'  classe. 


OUVRAGES  DES  MEMES  AUTEURS 


D'Anvers  à  Bauzyville,  par  le lieutenant  Masui 

Vocabulaire  pratique  Français,  Anglais,  Zanzibar ite 
(Swahili)  ,  Fiote  ,  Kibangi-Irébou ,  Mongo , 
Bangala,  par  le lieutenant  Lemaire 

La  Station  d'Equateurville  (21  mois  d'observa- 
tions météorologiques),  par  le      ....     lieutenant  Lemaire 


Bruxelles.  —  Imprimerie  scienlitique  Gif.  Bulexs,  22,  rue  de  l"Escalier. 


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