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Full text of "Essai historique et critique sur l'Atlantique des anciens;"

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ESSAI 


HISTORIQUE  ET  CRITIQUE 


L'ATLANTIQUE  DES  ANCIENS. 


ESSAI 

HISTORIQUE  ET   CRITIQUE 

SUR 

L'ATLANTIQUE  DES  ANCIENS; 

DANS  LEQUEL  ON  SE  PROPOSE  DE  FAIRE  VOIR  LA 
CONFORMITÉ  Qu'lL  Y  A  ENTRE  L'HISTOIRE  DES 
ATLANTIQUES   ET   CELLE   DES    HÉBREUX. 

PAR   FRÉDÉRIC-CHARLES  BAER, 

Aumônier  de  la  Chapelle  royale  de  Suède  à  Paris ,  Professeur  dans 
l'Université  de  Strasbourg ,  Membre  de  l'Académie  royale  des 
Sciences  de  Suède  et  de  celles  des  Belles-Lettres  et  Beaux-Arts 
de  Gottingue  et  d'Ausbourg?  Correspondant  de  l'Académie  royale 
des  Sciences  de  Paris. 

SECONDE  ÉDITION. 


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AVIGNON, 

SEGUIN  AIMÉ,   IMPRIMEUR-LIBRAUXE-ÉDITEUtt, 

rue  Bouquerie ,  n°  8. 

>  1835. 


THE  LIBRARY 
OF  CONGRESS 

WASHINGTON 


PREFACE. 


JL/epuis  la  renaissance  des  Lettres ,  les  Savans 
de  tous  les  pays  se  sont  appliqués  à  étudier 
l'Histoire  des  anciens  Peuples ,  afin  d'offrir  au 
monde  un  tableau  raisonné  et  suivi  de  tous  les 
habitans  de  notre  globe. 

Cette  entreprise  ,  difficile  en  général  pour 
tous  les  temps ,  le  devient  encore  plus  à  mesure 
que  l'on  remonte  vers  l'origine  du  monde  et  de 
ses  premiers  habitans  ;  et  cette  difficulté  n'a 
rien  de  surprenant  pour  ceux  qui ,  au  lieu  de 
s'instruire  dans  les  Dictionnaires  ,  se  sont  ac- 
coutumés à  puiser  l'Histoire  dans  ses  premières 
sources.  Si  quelque  chose  ,  au  contraire  ,  a  lieu 
de  nous  étonner  ,  c'est  qu'on  n'ait  pas  plus  tôt 
mis  à  profit  ces  mêmes  sources  ,  qui ,  malgré 
les  injures  du  temps ,  sont  parvenues  jusqu'à 
nos  jours. 

Des  Chroniqueurs  du  bas  âge  ,  on  est  re- 
monté aux  Auteurs  Latins  ;  et  ceux-ci  nous  ont 
conduits  aux  productions  des  Grecs  ,  dont  ils 

i 


2  PREFACE. 

n'ont  été  que  les  copistes  pour  tout  ce  qui  con- 
cerne l'Histoire  ancienne.  Mais  si  ces  derniers 
rapportent  avec  assez  d'exactitude  l'Histoire  de 
leur  temps',  il  faut  convenir  qu'ils  ne  nous 
offrent  presque  que  des  fables  ,  lorsqu'ils  doi- 
vent nous  instruire  sur  ce  qui  regarde  les  siè- 
cles antérieurs. 

Je  n'examinerai  pas  maintenant  si  en  écrivant 
ces  fables  ,  les  Grecs  ne  comprenaient  pas  le 
sens  que  les  Egyptiens  leurs  maîtres  y  avaient 
attaché  ;  ou  si ,  par  une  politique  mal  entendue , 
ces  Auteurs  ont  affecté  de  couvrir  d'un  voile 
mystérieux  les  faits  qu'ils  rapportaient.  Quoi 
qu'il  en  soit  ,  il  sera  toujours  constant  que 
l'impossibilité  apparente  d'expliquer  la  Mytholo- 
gie des  Grecs  a  rebuté  un  très-grand  nombre  de 
nos  Gens  de  Lettres  ;  et  que  par  conséquent  on 
s'est  souvent  contenté  de  savoir  ces  fables,  sans 
se  donner  la  peine  d'en  rechercher  l'explication. 

Il  restait  cependant  un  chemin  pour  péné- 
trer dans  ces  mystères.  Les  Grecs ,  moins  in- 
grats que  vains ,  nous  assurent  d'une  commune 
voix  qu'ils  doivent  toutes*  leurs  connaissances , 
jusqu'à  celle  des  Lettres  même,  aux  Egyptiens 
et  aux  Phéniciens.  U  fallait  donc  remonter  jus- 


PREFACE.  3 

qu'à  ces  Peuples  fameux  ,  dont  tous  les  Auteurs 
anciens  ne'  parlent  qu'avec  vénération.  Il  fallait 
ramasser  avec  soin  les  débris  qui  nous  en  ont 
été  conservés  ,  et  tâcher  de  découvrir  la  vérité , 
en  comparant  les  fables  débitées  par  les  disci- 
ples, avec  les  instructions  reçues  de  leurs  maîtres. 
Si  dans  le  siècle  passé  on  a  connu  l'impor- 
tance de  ce  genre  d'étude ,  si  quelques  person- 
nes célèbres  s'y  sont  appliquées ,  il  faut  cepen- 
dant avouer  que  le  succès  n'a  pas  répondu  aux 
peines  qu'elles  se  sont  données  à  cet  égard  ;  à 
moins  qu'on  ne  veuille  regarder  comme  un 
succès  le  mérite  d'avoir  rassemblé  des  matériaux 
dont  un  autre  se  sert  pour  construire  un  édi- 
fice. Ce  qu'il  y  a  de  certain  .  c'est  que  de  nos 
jours  seulement  on  a  commencé  d'être  plus 
heureux.  Aussi  n'est-ce  que  depuis  ce  temps, 
que  le  monde  littéraire  est  convaincu  par  expé- 
rience de  l'avantage  réel  qui  résulte  de  l'étude 
des  anciens  monumens  d'Egypte  et  de  Phé- 
nicie.  (i)  Les  preuves  que  plusieurs  Savans  illus- 
tres nous  ont  données  de  cette  vérité  ne  nous 

(i)  Qu'il  me  soit  permis  d'être  ici  l'interprète  des  obligations 
que  la  Ptépublique  des  Lettres  doit  à  cet  égard  au  zèle  éclairé  et 
généreux  de  M.  le  Comte  de  Cayius. 

I  . 


4  PRÉFACE. 

permettent  plus  d'en  clouter.  Que  ne  devons- 
nous  pas  nous  promettre  des  découvertes  faites 
depuis  quelques  années  ?  Peut-être  touchons- 
nous  au  moment  de  pouvoir  déchiffrer  ces 
fameux  monumens  de  l'Egypte  que  l'on  avait 
regardés  jusqu'ici  comme  inexplicables.  (*) 

Parmi  les  objets  qui  ont  mérité  l'attention  et 
les  recherches  des  Gens  de  Lettres  ,  le  pays  que 
nous  connaissons  sous  le  nom  d'Isle  Atlantique, 
tient  assurément  un  rang  des  plus  distingués. 
L'idée  magnifique  que  les  Anciens  en  général 
nous  en  donnent,  et  surtout  la  description  que 
Platon  nous  a  laissée  ,  d'après  les  Egyptiens  ,  de 
sa  situation  ,  de  ses  habitans ,  de  leur  gouverne- 
ment  et  de  leur  sort  ,  intéressent  trop  les  ama- 
teurs de  l'Antiquité  ,  pour  ne  pas  exciter  leur 
curiosité. 

Mon  dessein  n'est  pas  d'examiner  maintenant 
les  différentes  opinions  de  ceux  qui  ont  écrit 
sur  ce  sujet.  Si  les  raisons  qu'ils  ont  alléguées 
en  leur  faveur  n'ont  pas  eu  la  force  de  me 
convaincre,  je  ne  me  sens  pas  non  plus  le  cou- 
rage d'attaquer  des  Savans  dont  le  mérite  est 

(*)  La  première  édition  de  cet  Ouvrage  a  paru  en  1763. 
[Éditeur,  \ 


PRÉFACE.  5 

reconnu  dans  la  République  des  Lettres  ,  et 
dont  je  respecte  les  connaissances  et  les  lumiè- 
res. Je  ne  fais  que  soumettre  ici  au  jugement 
des  personnes  éclairées  une  suite  de  réflexions, 
qui ,  si  elles  ne  leur  paraissent  pas  entièrement 
démontrées  ,  méritent  du  moins  d'être  pesées 
mûrement  avant  que  d'être  rejetées. 

Le  sentiment  que  je  propose  n'est  pas  nou- 
veau. Je  ne  puis  pas  non  plus  m'attribuer  le 
mérite  de  l'invention ,  quoique  je  puisse  [assu- 
rer ,  qu'à  l'exception  de  Serranus  (De  Serres)  , 
Traducteur  de  Platon ,  tous  ceux  qui  avaient 
avancé  la  même  opinion ,  m'étaient  parfaitement 
inconnus  lorsque  les  deux  tiers  de  ma  Disserta- 
tion étaient  déjà  écrits.  Je  relisais ,  il  y  a  quel- 
temps  ,  le  Timée  et  le  Criiias  de  Platon.  En  pas- 
sant je  jetai  les  yeux  sur  le  petit  argument  que 
Serranus  a  mis  à  la  tête  du  dernier  de  ces  Dia- 
logues. J'y  trouvai  l'assertion  de  ce  Savant ,  qui 
dit  :  «  que  pour  bien  entendre  le  récit  de  Pla- 
»  ton  ,  il  fallait  en  chercher  l'explication  dans  les 
»  Livres  de  Moïse.  (2)  »  Je  suivis  le  conseil  de  ce 
Commentateur  ,  et  je  pris  pour  base  l'avertisse- 
ment que  Platon  nous  donne  lui-même  ;  savoir, 

(2)   «  Ex  Mosaicœ  historiée  régula  omnis  hœc  narratio  expert' 
»  denda  est.  *  Serranus  ,  in  Argumenta  Gritiœ. 


PREFACE. 


«  que  les  noms  propres  ,  dont  il  se  servait  dans 
»  îa  description  de  l'Atlantique  ,  n'étaient  que 
»  des  traductions  littérales  du  sens  que  ces 
»  mêmes  noms  offraient  dans  la  langue  du  pays 
»  dont  il  parlait.  » 

Le  travail  que  j'entrepris  en  conséquence, 
m'offrit  de  jour  en  jour  de  nouvelles  probabi- 
lités ,  lorsque  le  hasard  fit  tomber  entre  mes 
mains  une  petite  brochure  Suédoise,  intitulée  : 
Atlantlca  Orlentalis  ;  écrite  par  Jean  Eurénius , 
Prévôt  de  l'Eglise  d'Angermanland,  et  publiée 
à  Strengnœs  en  1754.  Cet  Auteur  ayant  entre- 
pris de  réfuter  le  système  du  célèbre  Rudbeck, 
augmenta  les  connaissances  que  j'avais  acquises. 
Je  continuai  donc  mon  travail,  et  à  mesure  que 
j'avançais- ,  je  communiquai  mes  découvertes  à 
quelques  amis  dont  les  lumières  sont  aussi  sûres 
qu'elles  sont  connues.  Par  leur  moyen  j'appris 
que  ce  même  sentiment  avait  été  soutenu  par 
M.  Olivier  de  Marseille  ,  dans  une  Dissertation 
qui  est  insérée  dans  îa  Suite  des  Mémoires  de 
Littérature  et  d'Histoire  de  M.  de  Sallengre , 
imprimée  à  Paris  en  1726.  Ce  serait  ici  l'occa- 
sion de  montrer  la  différence  qu'il  y  a  entre 
mon  travail  et  celui  de  MM.  Olivier  et  Eurénius , 


PRÉFACE.  7 

cependant  je  crois  pouvoir  m'en  dispenser.  La 
Dissertation  du.  premier  est  entre  les  mains  de 
tout  le  monde;  et  pour  peu  qu'on  veuille  se 
donner  la  peine  de  la  parcourir  ,  l'on  trouvera 
que  si  le  sentiment  de  l'Auteur  est  conforme  au 
mien  quant  au  fond  ,  la  manière  dont  il  tâche 
de  le  prouver  n'est  rien  moins  que  suffisante , 
et  sert  plutôt  à  dissuader  le  Lecteur  qu'à  le 
convaincre.  Quant  à  l'Ouvrage  de  M.  Eurénius  , 
je  me  contente  d'observer  que  voulant  réfuter 
Rudbeck  ,  il  est  tombé  dans  le  même  défaut. 
L'un  transporte  toute  la  Mythologie  des  Grecs 
en  Suède,  l'autre  se  donne  la  torture  pour  la 
trouver  tout  entière  parmi  les  Juifs,  (*)  ïl  faut 

(*)  h'Atlantica  Orientales  a  été  traduite  et  publiée  en  latin  à 
Berlin,  etc.  ,  eu  1764 ,  par  Olavus  Bidénius  Rcnhorn  ,  qui  dans 
son  E pitre  décîicatoire  montre  fort  bien  qu'Eurénius  n'a  pas  tant 
de  tort  que  le  prétend  ici  Me  Baër.  On  peut  voir,  entr'autres 
Ouvrages  récemment  publiés  sur  cette  matière  ;  L'Histoire  des 
derniers  Pharaons  et  des  premiers  Rois  de  Perse  selon  Hérodote  , 
tirée  des  Livres  Prophétiques  et  dit  Livre  d'Esther  ;  par  M.  pde 
Bovet ,  ancien' Archevêque  de  Toulouse.  2  vol  in-S.  i855. — Les 
Dynasties  Egyptiennes  suivant  Manethon  ,  considérées  en  elles- 
mêmes  ,  et  sous  le  rapport  de  là  Chronologie  et  de  l'Histoire  ;  par 
le  même.  in-S.  seconde  édition.  i855.  —  La  Conférence  de  la  Fable 
avec  l'Histoire  Sainte,  oh  l'on  voit  que  les  grandes  Fables,  le 
Culte  et  les  Mystères  du  Paganisme  ne  sont  que  des  copies  altérées 
des  Histoires,  des  Usages  et  des  Traditions  des  Hébreux  ;  parM.  de 
Lavaur.  in-S.  ou  in- 12.  seconde  édition.  i835.  Ces  Livres  se 
trouvent  chez  Seguin  aîné  ,  imprimeur-libraire  ,  à  Avignon. 
(  Editeur,  ) 


S  PRÉFACE. 

cependant  rendre  justice  à  ce  dernier ,  et  dire 
que  son  ouvrage  est  rempli  de  savantes  re- 
cherches. 

Il  ne  m'appartient  point  déjuger  si  j'ai  mieux 
réussi  dans  l'ouvrage  que  je  me  suis  proposé. 
Que  des  Lecteurs  éclairés  en  décident.  Quel  que 
soit  le  résultat  de  leur  examen  ,  j'aurai  toujours 
rempli  mon  dessein  ,  qui  est  de  mettre  le  public 
en  état  de  juger  du  plus  ou  moins  de  solidité 
d'une  découverte  qui  est  également  curieuse  et 
intéressante. 


REMARQUES   PRELIMINAIRES. 


Avant  que  d'entrer  en  matière ,  je  demande 
la  permission  de  faire  quelques  observations 
qui  serviront  de  base  à  mes  recherches. 

i°  La  description  que  Platon  nous  donne  de 
l'Isle  Atlantique  n'est  pas  une  fiction  ,  comme 
plusieurs  l'ont  prétendu,  en  la  regardant  comme 
un  discours  purement  allégorique.  Il  est  éton- 
nant que  des  personnes  ,  d'ailleurs  éclairées , 
aient  pu  s'égarer  à  ce  point ,  tandis  que  Platon 
lui-même  proteste  contre  cette  opinion ,  et  cer- 
tifie que  son  récit  est  véritable,  (i) 

20  Platon  parle  d'un  Pays  connu  aux  Grecs 
de  son  temps  ,  quoiqu'il  dise  qu'une  partie  en 
avait  été  submergée.  Cette  observation  ne  souf- 
fre aucun  doute  ;  puisqu'en  parlant  de  la  par- 
tie de  ce  Pays ,  occupée  par  un  des  Chefs  des 
Atlantiques ,  qui  s'appelait  Gadir,  ce  Philosophe 
dit,  que  de  son  temps  cette  Province  s'appe- 
lait encore  Gadlrica  (2).  Elle  existait  donc  cette 

(1)  Voyez  à  la  fia  du  Volume  {page  83  et  suiv.  )  les  Extraits 
des  Dialogues  de  Platon  sur  l' Atlantique  ,  en  Grec  ,  avec  la 
Traduction  Française  en  regard  du  Texte.  Extraits  du  Tintée , 

n°.  i. 

(2)  Extraits  du  Crltias  ,  n°  35. 


IO  REMARQUES    PRÉLIMINAIRES. 

Province  ;  elle  était  connue  des  Grecs ,  et  par 
conséquent  on  la  chercherait  en  vain  dans  la 
l'Amérique ,  où  quelques  Savans  ont  prétendu 
placer  l'Isle  Atlantique. 

3°  La  plupart  de  ceux  qui  se  sont  appliqués 
à  la  recherche  de  l'Atlantique  ,  ne  se  sont  égarés 
que  parce  qu'ils  ont  négligé  le  moyen  simple 
et  naturel  que  Platon  lui-même  nous  indique 
et  que  j'ai  déjà  annoncé  plus  haut.  Avant  que 
de  donner  la  description  de  l'Atlantique,  Platon 
met  dans  la  bouche  de  Critias  les  paroles  sui- 
vantes :  «  Ne  soyez  pas  surpris  si  vous  voyez 
»  que  la  plupart  de  ces  hommes  étrangers  por- 
»  tent  des  noms  Grecs.  La  raison  en  est ,  que 
»  Solon  ,  en  voulant  les  insérer  dans  son  Poème , 
»  rechercha  la  signification  de  ces  noms  ;  qu'il 
»  trouva  que  ceux  des  Egyptiens  ,  qui  les  pre- 
»  miers  ont  écrit  cette  Histoire ,  les  avaient  tra- 
»  duits  dans  leur  idiome ,  et  qu'à  son  tour  il  a 
»  pris  le  sens  de  chaque  nom  et  les  a  tous  mis 
»  dans  notre  langue.  Ces  écrits  que  j'ai  déjà 
»  lus  dans  ma  jeunesse  ,  étaient  chez  mon  grand- 
»  père ,  et  se  trouvent  maintenant  chez  moi.  Si 
»  vous  trouvez  donc  des  noms  semblables  aux 


REMARQUES    PRÉLIMINAIRES.  I  I 

»  nôtres  ,  n'en  soyez  point  étonnés ,  car  vous 
»  en  savez  la  cause.  »  (3) 

De  cet  avertissement  je  tire  deux  règles  de 
critique  également  incontestables  ,  et  qu'il  ne 
faudra  jamais  perdre  de  vue  dans  la  suite  de 
cette  Dissertation. 

La  première ,  c'est  que  Critias  était  le  grand- 
père  de  Platon  même  ;  que  ce  Critias  dit  tenir 
ce  qu'il  raconte  de  son  grand-père  ,  qui  s'appe- 
lait également  Critias  ;  et  que  celui-ci ,  comme 
Platon  nous  l'apprend  ,  avait  été  instruit  par 
son  oncle  Solon ,  lequel  avait  voyagé  en  Egypte  , 
où  les  Prêtres  de  Sais  lui  avaient  raconté  l'His- 
toire de  l'Atlantique.  Yoilà  donc  une  tradition 
moitié  orale ,  moitié  écrite  ,  qui  a  passé  par  six 
générations ,  et  qui  probablement  peut  avoir  été 
altérée.  Cette  observation  est  d'autant  mieux 
fondée ,  qu'à  cette  occasion  Platon  lui-même 
fait  dire  à  Critias  (4)  ?  qu'il  se  pourrait  bien  que 
sa  mémoire  le  trompât  quelquefois  sur  des  faits 
qu'il  a  entendus  dans  sa  grande  jeunesse.  De  là 
je  conclus  >  que  quand  même  ,  dans  l'explica- 
tion que  je  vais  donner ,  il  resterait  quelques 

(5)  Extraits  du  Critias,  n°  n  —  i5. 
(4)  Extraits  du  Critias  ,  n°  io. 


12  REMARQUES    PRELIMINAIRES. 

légères  difficultés  à  résoudre  ,  mon  opinion  ne 
perdra  rien  de  sa  vraisemblance ,  si  d'un  autre 
côté  on  trouve  un  nombre  bien  plus  considéra- 
ble de  preuves  qui  parlent  en  sa  faveur. 

La  seconde  règle  également  nécessaire  et  bien 
plus  importante  encore  ,  c'est  que  les  noms 
propres  rapportés  par  Platon  dans  sa  descrip- 
tion de  l'Atlantique  ,  ne  sont  pas  les  vrais  noms 
des  peuples  et  des  endroits  dont  il  parle  ;  mais 
seulement  une  traduction  Grecque  du  sens  lit- 
téral de  la  traduction  que  les  Egyptiens  ont  faite 
de  ces  mêmes  noms.  De  là  je  crois  pouvoir 
conclure  qu'un  Peuple  dont  l'histoire  en  géné- 
rale se  rapporte  à  celle  que  Platon  nous  donne 
du  Peuple  Atlantique ,  et  dont  les  noms  des 
Chefs  ,  des  Provinces ,  des  Frontières  ,  des  prin- 
cipales Villes  ,  et  même  des  Peuples  voisins  si- 
gnifient dans  la  Langue  du  pays  les  mêmes  cho- 
ses que  les  noms  Grecs  rapportés  par  Platon  ; 
qu'un  pareil  Peuple  ,  dis-je  ,  peut  être  plus  que 
soupçonné  d'être  l'ancien  Peuple  Atlantique. 

La  mauvaise  opinion  que  nous  avons  aujour- 
d'hui de  toute  explication  étymologique  me  fait 
déjà  prévoir  les  objections  que  plusieurs  de 
mes  Lecteurs   pourront  me  faire.   Je   n'ignore 


REMARQUES   PRÉLIMINAIRES.  l3 

pas  non  plus  que  cette  prévention  n'est  pas  des- 
tituée de  fondement.  L'on  me  dira  que  les 
anciennes  Langues  ne  nous  sont  pas  assez  con- 
nues ,  pour  que  nous  puissions  appuyer  des 
faits  historiques  sur  le  sens  équivoque  de  quel- 
ques mots  ;  que  dans  les  Langues  Orientales 
surtout,. les  mots  sont  souvent  susceptibles,  de 
plusieurs  sens;  qu'une  imagination  fertile,  en 
choisissant  parmi  ces  différens  sens  celui  qui 
lui  convient  le  plus  ,  a  déjà  produit  les  systè- 
mes les  plus  absurdes  ,  fondés  sur  des  vrai- 
semblances étymologiques  ;  et  qu'ainsi  on  ne 
saurait  être  trop  en  garde  contre  ces  sortes  d'ex- 
plications. 

Je  conviens  aisément  de  la  solidité  de  ces 
objections.  Mais  je  prie  le  Lecteur  d'y  faire  les 
observations  suivantes. 

i°  Si  l'imagination  prévenue  de  quelques 
Auteurs  a  souvent  abusé  des  recherches  éty- 
mologiques ,  ces  recherches  ne  sont  pourtant 
pas  toujours  vaines  ou  inutiles.  Elles  sont  même 
nécessaires  dans  l'étude  de  la  haute  Antiquité , 
et  surtout  dans  l'histoire  d'un  pays  Oriental , 
où  l'on  sait  que  les  noms  propres  sont  toujours 
significatifs. 


î4  REMARQUES   PRÉLIMINAIRES. 

2°  Dans  ie  sujet  que  je  me  suis  proposé  de 
traiter ,  la  partie  étymologique  est  indispensa- 
ble. Elle  est  la  clef  que  Platon  nous  offre  lui- 
même  pour  l'explication  des  faits  dont  il  est 
question.  La  passer  sous  silence  ,  c'eût  dont  été 
de  ma  part  une  négligence  impardonnable. 

3°  L'explication  que  j'offre  des  noms  Atlan- 
tiques n'est  rien  moins  qu'arbitraire  de  ma  part. 
À  l'exception  du  seul  nom  de  Gadir ,  de  la 
variation  duquel  je  rends  raison  ,  tous  les  autres 
sont  pris  dans  le  sens  que  Moïse  même  leur 
attribue  ,  et  conformes  à  l'explication  que  cet 
Auteur  sacré  en  donne.  Et  quant  à  leur  inter- 
prétation Grecque  ,  j'en  ai  pour  garans  les 
meilleurs  Dictionnaires  que  nous  ayons  de  cette 
Langue.  On  ne  saurait ,  je  crois ,  suivre  des  gui- 
des plus  sûrs. 

4°  Enfin ,  la  partie  étymologique  de  cette 
Dissertation,  quoique  la  première  dans  l'ordre, 
n'en  est  cependant  ni  la  principale  ni  la  plus 
essentielle.  Seule  elle  ne  prouveroit  que  peu  de 
chose  ;  mais  appuyée  des  autres ,  elle  a  de  son 
côté  contribué  à  me  confirmer  dans  le  senti- 
ment que  j'ose  soumettre  aux  lumières  du 
public. 


REMARQUES    PRELIMINAIRES.  l5 

Pour  procéder  avec  ordre ,  je  rangerai  les 
preuves  que  j'ai  à  produire ,  dans  cinq  Sections  : 

Dans  la  première,  je  parlerai  de  l'Origine  et 
des  Chefs  du  Peuple  Atlantique. 

Dans  la  seconde  ,  je  rapporterai  les  Expédi- 
tions de  ce  Peuple. 

Dans  la  troisième  ,  je  traiterai  du  Pays  qu'il 
a  habité. 

La  quatrième  contiendra  son  Gouvernement, 
ses  Mœurs  et  sa  Religion. 

La  cinquième  et  dernière  exposera  le  Sort  de 
cette  Nation. 


ESSAI 

HISTORIQUE  ET  CRITIQUE 


SUR 


L'ATLANTIQUE   DES   ANCIENS. 


SECTION     PREMIERE. 
Ouigine  et  Chefs  du  Peuple  Atlantique. 

Jl  ous  les  Auteurs  anciens  qui  font  mention  du 
Peuple  Atlantique,  sont  d'accord  sur  le  nom  de 
son  premier  Chef  ,  que  d'une  commune  voix  ils 
nomment'Atlas  (  At^ocç  ).  En  recherchant  la  signi- 
fication littérale  de  ce  nom,  on  trouve  qu'il  est 
synonyme  d'Athlète  ,  et  par  conséquent  il  signi- 
fie un  lutteur,  un  combattant,  un  brave,  (i) 

Parmi  tous  les  Peuples  de  l'Antiquité  ,  nous  ne 
trouvons  aucun  Chef  de  Nation  à  qui  ce  nom 
puisse  mieux  convenir  qu'à  Israël ,  Chef  de  la 
Nation  Juive  ,  petit-fils  d'Abraham  et  père  des 
douze    Tribus    dans   lesquelles  ce    Peuple  fut 

(i)  Hesychius  explique  le  verbe  ÙtXoltsù}  par  celui  d'#¥0**&9 
celui  d'«3"A£ff%u  par  âyavla-xS-ctt  ,  et  xB-Xoy  par'  àycùvttrf&tt  ;  d'où  il 
résulte  que  les  verbes  étant  synonymes  ,  les  mots  qui  en  dérivent 
le  doivent  6 Ire  également. 


î8  sur  l'atiantique  des  anciens. 

partagé.  Ce  Patriarche ,  après  avoir  combattu 
contre  l'Ange  du  Seigneur ,  changea  de  nom , 
et  au  lieu  de  Jacob ,  qui  était  son  nom  ordinaire , 
il  reçut  celui  d'Israël.  Moïse  nous  donne  lui- 
même  l'explication  de  ce  nom  ,  lorsqu'il  dit 
que  l'Ange  du  Seigneur  lui  adressa  ces  paroles: 
»  Tu  ne  t'appelleras  plus  Jacob  ,  mais  Israël  ;  car 
»  tu  as  lutté  contre  Dieu  et  contre  les  hommes , 
»  et  tu  as  été  vainqueur,  (2)  »  (3) 

Je  sais  qu'on  pourrait  m'objecter ,  qu'Israël  ne 
saurait  être  regardé  comme  Chef  du  Peuple  Juif, 
puisque  cette  qualité  n'appartient  qu'à  Abra- 
ham; mais  je  prie  le  Lecteur  d'observer  qu'il  est 
question  ici  d'un  Chef  qui  a  donné  son  nom  à 
sa  Nation  ;  que  les  Juifs  ,  quoique  descendans 
d'Abraham  ,  n'en  ont  cependant  jamais  porté  le 
nom  ;  que  depuis  la  mort  d'Israël  on  leur  a 
donné  constamment  celui  de  Peuple^  ou  d'En- 
fans  d'Israël ,  comme  le  Peuple  Atlantique  a 
conservé  le  nom  de  son  fondateur  Atlas. 

Si  les  Anciens  sont  d'accord  sur  le  nom  du 

(2)  Genèse ,  xxxri.  28  et  suiv. 

(3)  En  effet ,  qu'on  dérive  ce  mot  de  *TW  Slltir,  de  H^^ 
Sliarah  ,  ou  de  *TTtè79  Sharar  ,  qui  signifient  également  être 
supérieur,  combattre  pour  la  supériorité;  il  en  résultera  que  le 
nom  de  V&OUJ*  ,  Israël  ,  veut  dire  un  homme  qui  a  com- 
battu contre  Dieu  et  qui  a  prévalu  ;  et  cette  signification  re- 
vient exactement  à  celle  du  mot  Grec'' '  ArXcts  ,  Allas  ,  à  l'excep- 
tion seulement  que  celui-ci  veut  dire  un  combattant  ou  vain- 
queur en  général ,  tandis  que  l'autre  détermine  en  même  temps 
celui  contre  lequel  on  a  lutté  ,  un  combattant  et  vainqueur  de 
Dieu. 


SECTION   PREMIERE.  19 

Fondateur  da  Peuple  Atlantique,  il  n'en  est  pas 
de  même  pour  ce  qui  regarde  son  origine  et  sa 
postérité.  Platon  le  fait  descendre  de  Neptune , 
en  disant  :  «  que  le  Pays  habité  par  Atlas  et 
»  par  sa  postérité  avait  été  occupé  antérieure- 
»  ment  par  un  nommé  Evénor ,  lequel  >  avec 
»  sa  femme  Leucippe  ,  avait  eu  une  fille ,  appe- 
»  lée  Clito  ;  que  celle-ci  avait  épousé  le  Dieu 
»  Neptune  ,  et  que  de  cette  alliance  était  pro- 
»  venu  Atlas ,  ainsi  que  neuf  autres  fils  ,  aux- 
»  quels  par  la  suite  ce  Dieu  avait  partagé  le 
»  Pays  ,  de  manière  cependant  qu'Atlas  leur 
»  aîné  resta  en  possession  de  la  Capitale  du  Pays 
»  et  de  ses  environs ,  qu'il  fut  établi  en  qualité 
»  de  Chef  sur  ses  autres  frères  ,  et  que  ceux-ci 
»  à  leur  tour  gouvernaient  chacun  leur  pro- 
»  vince.  (4) » 

Diodore  de  Sicile  rapporte  la  chose  différem- 
ment. (5)  Selon  lui ,  les  Atlantiques  descendaient 
d'un  nommé  Uranus.  Leur  Fondateur  s'appelait 
Atlas  ;  et  celui-ci  n'avait  qu'un  seul  frère  ,  sa- 
voir ,  Saturne  ;  mais  il  avait  eu  plusieurs  fils , 
dont  cet  Auteur  ne  rapporte  pas  les  noms. 

Dans  ces  différens  récits  je  crois  pouvoir  don- 
ner avec  sûreté  la  préférence  à  celui  de  Diodore 
de  Sicile.  Car  i°  Platon  lui-même  nous  prévient 

sur  le  défaut  de  sa  mémoire ,  tandis  que  Dio- 

» 

(4)  Extraits  du  Crltlas  ,  n°  20  et  suiv. 

(5)  Diodore  de  Sicile  ,  1.  m,  c.  3 1 . 

2. 


20  SUR    L'ATLANTIQUE    DES    ANCIENS. 

dore  de  Sicile  nous  assure  d'avoir  parcouru  lui- 
même  la  plupart  des  pays  dont  il  parle  ;  d'avoir 
examiné  tout  de  ses  propres  yeux  ;  d'avoir  lu 
avec  attention  les  anciens  livres  et  monumens 
qui  se  trouvaient  en  Egypte  et  dans  les  Biblio- 
thèques de  Rome.  (6) 

i°  Au  rapport  de  Diodore  de  Sicile  ,  Atlas 
avait  pour  frère  un  nommé  Saturne  ,  et  ce  nom  ? 
qui  n'est  pas  Grec,  en  le  dérivant  de  l'Arabe 
est  absolument  synonyme  de  celui  d'Esaù ,  frère 
d'Israël.  (7) 

3°  Enfin  ,  selon  cet  Auteur  ,  Atlas  et  Saturne 
descendent  d'un  nommé  Uranus  (  Oucavoç  ). 
Israël  et  son  frère  descendent  d'Abraham  ,  le- 
quel étant  originaire  du  pays  d'Ur  ,  en  Chaldée, 
pouvait  fort  bien,  selon  l'usage  de  ce  temps, 
avoir  eu  le  surnom  d'Uranien. 

Ce  rapport  est  trop  frappant ,  et  par  consé- 

(6)  Diodore  de  Sicile ,  dans  le  commencement  du  premier 
livre  de  son  Histoire  ;  et  1.  ni.  c.  5, 

(7)  L'Ecriture  nous  assure  [Gen.  xxv.  25.  )  ,  qu'en  venant 
au  monde  ,  Esaû  était  comme  couvert  d'un  vêtement ,  et  que  par 
cette  raison  on  l'appela  Esaù.  On  chercherait  inutilement 
l'étymologic  de  ce  nom  dans  l'Hébreu  ,  sa  racine  y  est  perdue  ; 
mais  on  la  retrouve  dans  l'Arabe  ;  HU^P ',  Ashah ,  dans  celte  lan- 
gue a  deux  significations  :  tantôt  ce  mot  veut  dire  ,  couvrir  , 
habiller  ;  et  tantôt ,  être  obscur  ,  ténébreux  ,  caché.  En  prenant 
la  première  de  ces  significations  ,  nous  avons  l'étymologic  du 
nom  conforme  à  l'Ecriture.  En  prenant  la  seconde  ,  nous  trou- 
vons l'explication  de  celui  de  Saturne.  Ce  mot  dérive  indubita- 
blement de  l'Arabe  ou  de  l'Hébreu  ^ItOU?  ?  Shatar  ou  Satar , 
lequel  dans  l'une  et  dans  l'autre  Langue  signifie  ,  (  ainsi  que 
r?Wy  y  Ashah }  )  être  obscur  et  caché. 


SECTION    PREMIÈRE.  21 

quent  ces  raisons  trop  solides  ,  pour  ne  pas  jus- 
tifier la  préférence  que  je  crois  devoir  donner 
en  cette  occasion  au  récit  de  Diodore  de  Sicile  , 
sur  celai  de  Platon.  Continuons  maintenant  à 
examiner  les  noms  que  Platon  donne  aux  autres 
Chefs  Atlantiques.  Voici  ses  paroles  :  «  Celui  qui 
»  naquit  après  lui  (Atlas),  et  qui  reçut  en  par- 
»  tage  le  district  de  l'Isle  qui  touche  les  Colon- 
»  nés  d'Hercule ,  a  été  appelé  Gadir  ,  dans  la 
»  Langue  du  pays ,  ce  qui  repond  au  mot  d'Eu- 
»  mèlus  (  EufJMpiOç  ) ,  et  de  là  toute  cette  Pro- 
»  vince  porte  encore  aujourd'hui  le  nom  de 
»  Gaclirica.  (8)  »  Sans  nous  arrêter  maintenant 
à  l'ordre  de  naissance  des  enfans  d'Atlas  ,  que 
Platon  pouvait  très -bien  ignorer,  observons 
i°  qu'un  des  fils  d'Israël  s'appelait  Cad  ,  ce  qui 
répond  au  Gadir  dont  Platon  parle'.  (9) 

20  Que  ce  mot  Hébreu  signifie  un  bélier ;,  et 
que  c'est  en  ce  sens  que  Solon  l'a  pris ,  en  le  tra- 
duisant par  ESpirjXo;  ,  qui  veut  dire  heureux  ou 
fertile  en  brebis.  (10) 

3°  Enfin  ,  pour  lever  toute  difficulté  ,  nous 

(8)  Extraits  du  Crltlas ,  n"  35. 

(9)  La  lettre  R  ne  doit  point  nous  arrêter  :  Gad  signifie  un 
bélier  ;  Gadera  ,  un  parc  :  ce  nom  est  celui  qu'on  a  donné  à  la 
Province  occupée  par  la  Tribu  de  Gad.  Est-il  étonnant  que  les 
étrangei's  aient  fait  une  fausse  séparation  des  lettres  radicales? 

(10)  Voyez  Stockii  Clavis  Linguœ  Sacr.  Rad.  fTTX  Le  mot  de 
Gad  pris  dans  le  sens  qui  nous  est  offert  par  l'Ecriture  ,  signifie 
une  troupe.  (  Gen.  xns.  19.  )  Cette  interprétation  ne  cadre 
point  avec  celle  que  Platon  nous  en  donne  ;  mais  celte  différence 


22  SUR   LATLANTIQUE  DES    ANCIENS. 

prions  le  Lecteur  d'observer  que  la  partie  de  la 
Palestine  ,  occupée  par  la  Tribu  de  Gad  ,  tou- 
chait à  la  partie  de  l'Arabie  ,  appelée  le  Désert 
de  Cadès  ;  Ptolémée  donne  à  cette  partie  le  nom 
de  Gadirtha  (n),  Etienne  de  Byzance  appelle 
Gadara  un  canton  de  la  Palestine  (12)  ,  et 
Lightfoot  nous  apprend  (t.  2. p.  417.)  que  ce 
canton  était  situé  de  l'autre  côté  du  Lac  de 
Tibériade  ,  et  par  conséquent  vers  la  portion 
échue  à  la  Tribu  de  Gad. 

Cet  éclaircissement  suffit  ,  à  ce  que  je  crois , 
pour  ne  laisser  aucun  doute  sur  le  Gadir  de 
Platon.  Quant  aux  autres  Chefs  Atlantiques, 
nous  n'avons  pas  besoin  de  nous  y  arrêter  long- 
temps. Il  nous  suffira  de  confronter  leurs  noms 
Grecs  avec  les  noms  Hébreux  que  l'Ecriture 
donne  aux  enfans  d'Israël  :  la  ressemblance  en 
est  trop  frappante  pour  ne  pas  mériter  l'atten- 
tion du  Lecteur  ;  et  elle  en  est  d'autant  plus 
digne  ,  que  ,  comme  je  l'ai  déjà  remarqué  plus 
haut ,  loin  de  donner  aux  noms  Hébreux  une 

est  facile  à  concilier.  Le  mot  de  Gad  peut  être  dérivé  de  deux 
racines  différentes.  En  le  faisant  descendre  de  la  racine  T7A 
Gadad9  il  signiûe  une  troupe  ,  et  c'est  là  le  sens  que  l'Ecriture 
lui  donne.  Le  même  mot  dérivé  de  iTW  •>  Gadali ,  signifie  un 
bélier  ,  et  c'est  dans  ce  sens  que  les  Egyptiens  l'ont  interprété  et 
les  Grecs  après  eux.  Car  l'Evp^o?  de  Platon  est  composé  de 
fûjXoç  ,  brebis  ,  et  de  la  particule  eu  ,  qui  caractérise  la  bonté 
d'une  chose. 

(il)  Ptolem.  1.  v.  c.  19.  Gadirtha. 

(12)  Stephanus  Byzant.  in  Tuiïaç». 


SECTION    PREMIÈRE.  2  3 

interprétation  arbitraire  ,  nous  nous  en  tien- 
drons à  celle  qui  nous  est  offerte  par  Moïse 
même. 

Selon  Platon  ,  le  troisième  des  Atlantiques 
s'appelait  Ampherès  ,  et  ce  nom  signifie  quel- 
qu'un qui  s'est  élevé  ,  ou  qui  a  été  élevé.  Il 
répond  à  celui  de  Joseph  ,  qui  signifie  également 
quelqu'un  qui  a  été  élevé,  (i  3)  Le  père  de  Joseph 
y  fit  allusion  ,  lorsqu'en  donnant  la  bénédic- 
tion à  ses  enfans  ,  il  dit  à  celui-ci  :  «  Joseph  va 
»  toujours  en  croissant  et  en  augmentant.  (i4)B 
La  mère  de  Joseph  y  fit  également  allusion  ,  lors- 
qu'en le  mettant  au  monde  ,  elle  lui  donna  ce 
nom  ,  en  disant  :  «  L'Eternel  m'ajoute  un  autre 
»  fils.  (i5)  » 

Le  quatrième  des  Atlantiques  s'appelait  Eu- 
dœmon  ,  ce  qui  veut  dire,  bienheureux.  (16)  Le 
même  mot  traduit  en  Hébreu  est  Asher  ,  ce  qui 
est  encore  un  nom  d'un  des  fils  d'Israël.  (1 7)  Lia , 
la  mère  de  ce  Chef  de  Tribu  ,  y  fit  allusion , 
lorsqu'à  sa  naissance  elle  lui  donna  ce  nom  ,  en 

(i3)  Ampherès  vient  d'âpÇtpa,  civu(pipa  ,  extollo ,  sursum 
fero.  Joseph  descend  de  MU'  5  addidit ,  cresccre  fecit.  J'avertis 
une  fois  pour  toutes  que  ,  pour  les  étymologies  Hébraïques  ,  je 
me  suis  servi  du  Dictionnaire  de  Stockius  ,  pour  les  Arabes  de 
celui  de  Golius  ,  et  pour  les  Grecques  de  celui  de  Henri  Etienne. 

(i4)  «  Filius  accrescens  Joseph  ,  filius  accrescens  et  decorus 
»  aspectu.  (  Gen.  xlix.  22.)  » 

(i5)  «  Addat  mihi  Dominus  filium  alterum,  (  Gen.  xxx.  24.  )  » 

(16)  Eùêulpav  ,  beat  us. 

(17)  *WK  ?  beatus. 


2 4  SUR    LATLANTIQUE    DES   ANCIENS. 

disant  :  «  C'est  pour  mon  bonheur  ;  car  les  fem- 
»  mes  m'appelleront  bienheureuse.  (18)  » 

Le  cinquième  des  Atlantiques  s'appelait  Mné- 
seus.  On  peut  traduire  ce  nom  par  quelqu'un 
qui  s'entremet  à  faire  un  mariage ,  ou  qui  donne 
des  arrhes  de  mariage  pour  quelque  autre.  (19) 
A  cette  dénomination  l'on  doit  reconnaître  celui 
des  fils  d'Israël  qui  s'appelait  Issachar,  à  qui  sa 
mère  donna  ce  nom  ,  en  disant  :  «  Le  Seigneur 
»  m'a  récompensée  ,  parce  que  j'ai  donné  ma 
»  servante  à  mon  mari.  (20)  » 

Le  sixième  des  Atlantiques  est  nommé  Au- 
tochthon  ,    qui  veut  dire  ,  né  de  la  terre  ,  ou 

(18)  «  Hoc  pro  beatitadine  meâ  :  beatam  quippe  me  dicent  mulie- 
»  res.  (Gen.  xxx.  i3.  )  » 

(19)  Mwoïos  descend  de  Mimfteù  ,  qui  ,  entr'autres  significa- 
tions ,  a  celle  de  ,  rechercher  en  mariage ,  donner  des  arrhes 
de  mariage. 

(20)  On  sait  que  Lia  mère  d'Issachar  ,  ennuyée  de  n'avoir  pas 
eu  d'enfans  pendant  quelque  temps  ,  engagea  son  mari  à  par- 
tager son  lit  avec  sa  servante  ,  de  laquelle  il  eut  successivement 
deux  fils.  Enfin  Lia  devint  enceinte  elle-même  ,  et  Moïse  dit 
(  Gen.  xxx.  18.  )  qu'en  mettant  son  enfant  au  monde,  elle  lui 
donna  le  nom  d'Issachar ,  en  disant  :  «  Dédit  Deus  mercedem 
»  milù  ,  quia  dedi  anciUam  meam  viro  meo.  Le  Seigneur  m'a 
»  récompensée,  parce  que  j'ai  donné  ma  servante  à  mon  mari.» 
11  y  a  plus  :  on  sait  l'histoire  des  mandragores  qui  ont  donné 
occasion  à  la  naissance  d'Issachar.  Rachel,  seconde  femme  d'Is- 
raël ,  les  désirait  :  Lia  les  lui  céda  ,  à  condition  qu'elle  lui  céde- 
rait le  mari  pour  la  nuit  suivante.  Le  marché  conclu  ,  Lia  se 
hâta  de  l'annoncer  à  Jacob  ,  en  lui  disant  :  Je  t'ai  loué  pour  les 
mandragores  de  mon  fils.  Et  le  mot  Hébreu  dont  elle  se  sert 
pour  dire  ,  je  t'ai  loué  ,  est  encore  le  même  ,  WW)  d'où  dérive 
le  nom  du  fils  qui  fut  le  fruit  de  celte  convention.  (  Gen.  xxx. 
x6,   18.) 


SECTION    PREMIÈRE.  25 

demeurant  dans  la  même  terre.  (2 1)  Nous  y  trou- 
vons la  traduction  de  celui  de  Zabulon  ,  qui  peut 
être  rendu  par,  demeurant  à  côté  ou  au  même 
endroit.  Israël  y  fit  encore  allusion  dans  la  béné- 
diction qu'il  donna  à  ce  fils  ,  en  lui  disant  :  «  Za- 
»  bulon  habitera  à  côté  ou  sur  les  bords  de  la 
»  mer.  » 

Le  septième  des  frères  s'appelait  Elasippus , 
et  il  peut  être  traduit  par  ,  vainqueur  triom- 
phant, ou  ,  quelqu'un  qui  expulse  un  autre  avec 
violence.  (22)  Le  même  sens  nous  est  offert  par 

(21)  AÙTo%B-av  est  composé  Ôluotcç,  Me  idem  ,  cl  de  Z&&V  y 
terra,  et  sa  traduction  littérale  est  par  conséquent  ex  eàdetn 
terra  ,  in  eâdem  terra ,  étant  du  même  endroit  ,  ou  demeurant 
au  même  endroit.  Ce  même  nom  a  été  pris  par  les  Athéniens 
dans  un  sens  un  peu  différent.  Ils  se  sont  appelés  eux-mêmes 
uvrôxfravtç ,  parce  qu'ils  prétendaient  êtrc.nés  delà  terre.  L'un 
et  l'autre  sens  se  trouve  dans  le  mot  de  p  /u*.  Ce  nom  dé- 
rive de  la  racine  7  JÎ  >  qui  veut  dire  cohabiiare ,  cohabiter. 
Dans  l'Hébreu  ainsi  que  dans  nos  Langues  ce  mot  est  susceplible 
d'un  sens  naturel  ,  et  d'un  sens  figuré.  La  mère  de  Zabulon 
fît  allusion  au  dernier  ,  lorsqu'on  accouchant  de  ce  fils  ,  elle  lui 
donna  ce  nom  ,  •  parce  que  ,  disait-elle  ,  mon  mari  habitera 
»  avec  moi  encore  celte  fois.  (  Gen.  xxx.  20.  )  »  Le  père  de 
Zabulon,  au  contraire,  fit  allusion  au  sens  naturel,  lorsque 
dans  sa  bénédiction  il  dit  :  «  Zabulon  in  littore  maris  habilabit, 
*  Zabulon  habitera  sur  les  bords  de  la  mer.  (Gen.  49.  i3.)  » 
Enfin  quant  au  sens  que  les  Athéniens  ont  donné  au  mot 
d'Aùrô^B-cûv  ,  nous  le  retrouvons  dans  l'Arabe  ,  où  le  mot  7-3T 
veut  dire  saginare  terram  ,  funo  fertilem  rcddere  ,  engraisser  la 
terre  et  la  reudre   fertile. 

(22)  'EXu<rt7T7ro<;  est  dérivé  du  verbe  iXauva  ,  expellere  ,  chas- 
ser ;  de  là  ï\a<nç ,  expulsio  ,  l'action  de  chasser  ,  expulsion. 
Le  'i7T7ro5  qui  y  est  joint ,  ne  dénote  le  plus  souvent ,  daixs  les 
noms  propres ,  qu'une  plus  grande  intensité  de  la  chose  dési- 


26  sur  l'atlantique  des  anciens. 

le  nom  de  Neplithaîi  que  portait  un  des  fils  d'Is- 
raël, et  qui  veut  dire  ,  quelqu'un  qui  a  vaincu 
en  luttant.  (2 3)  De  là  aussi  le  mot  de  Rachel  qui 
à  la  naissance  de  Nephthali  lui  donna  ce  nom , 
en  disant  :  «  Le  Seigneur  m'a  fait  entrer  en 
»  combat  avec  ma  sœur  ,  et  je  l'emporterai  sur 
»  elle.  (24)  » 

Le  huitième  des  Atlantiques  s'appelait  Mestor, 
qui  veut  dire,  un  homme  prudent,  sage  et  de 
hon  conseil  (2 5) ,  et  de  cette  manière  il  rend 
exactement  le  sens  du  nom  de  Dan  que  portait 
un  des  fils  d'Israël  (26)  ;  et  comme  chez  les 
Orientaux  les  noms  de  savant ,  de  sage  et  de 
juge  étaient  pour  ainsi  dire  synonymes  ,  Israël 
les  joignit  ensemble  dans  la  bénédiction  qu'il 
donna  à  Dan  ,  en  disant  :  «  Dan  jugera  son  peu- 
»  pie  ;  Dan  sera  comme  un  serpent  dans  le  che- 
»  min.  (27)» 

gnée  par  le  mot  auquel  il  est  joint ,  comme  il  est  aisé  de  s'en 
convaincre  dans  le  Dictionnaire  de  Henri  Etienne  ,  à  l'art,  'twou 
Et  de  cette  manière  on  peut  rendre  le  nom  d"~EXcuri7T7roç  }  par, 
expeilens  fortiter ,  victor  strenuus  ;  un  homme  qui  expulse  un 
autre  avec  violence  ,  un  vainqueur  fort. 

(2 5)  **/£)£)%  descend  de  la  racine  /DIS  •>  laquelle  ,  dans  la 
conjugaison  de  Niphal ,  signifie  ,  luctatus  est ,  lutter. 

(24)  «  Luctationibus  Dei  luctata  sum  cum  sorore ,  et  invalui. 
»  (Gen.  xxx.  8.)  » 

(25)  Mitrœç  peut  être  dérivé  de  Mîj^o;  ,  qui  veut  dire  ,  atten- 
tion ,  conseil  ;  de  là  Myraç ,  un  sage  ,  un  homme  expérimenté 
et  de  bon  conseil. 

(26)  71  \ient  de  ni  qui  veut  dire  examinare  ,  ob  oculos  po- 
nere ,  j  udicare  ;  examiner  ,  représenter,  juger. 

(27)  *  Dan  judicabit  populum  suum  ;  Dan  fiai  coLuber  in  via» 
"  (Gen.  xlix.  17.  )  » 


SECTION    PREMIÈRE.  27 

Le  neuvième  des  Atlantiques  est  appelé  Azaës , 
qui  peut  être  traduit  par  honoratus  ,  honoré, 
révéré  (28) ,  et  par-là  il  n'est  pas  difficile  de  recon- 
naître dans  sa  personne  le  fils  d'Israël ,  appelé 
Juda  (  Jéhuda),  qui  veut  dire  également ,  hono- 
ratus, celebratus ,  honoré ,  célébré.  (29)  Ce  nom 
est  interprété  de  même  par  Israël ,  qui ,  dans  sa 
bénédiction  ,  dit  à  ce  fils  ;  «  Juda ,  tes  frères  te 
»  loueront  (3o)  ,  »  et  l'Ecriture  nous  dit ,  que ,  clans 
le  même  esprit ,  sa  mère  Lia,  en  le  mettant  au 
monde ,  s'écria ,  en  disant  :  «  Je  louerai  le  Seigneur; 
»  et  qu'à  cause  de  cela  elle  l'appela  Jéhuda.  (3i)  » 

Le  dixième  enfin  des  Atlantiques  fut  appelé 
Diaprepès  ,  qui  peut  être  traduit  par,  honestus, 
eminens ,  distingué,  éminent. (32)  Il  n'est  encore 
que  la  traduction  simple  du  nom  de  Ruben , 
fils  aine  d'Israël ,  qui  offre  exactement  le  même 
sens.  (33)  Et  ce  fut  encore  par  allusion  à  ce  sens , 
qu'Israël  dit  à  ce  fils  :  «  Ruben  ,  mon  fils  aîné , 
»  tu  es  ma  force ,  le  premier  dans  les  dons  ,  le 
»  plus  grand  en  autorité.  (34)» 

(28)  'A^aqç  descend  d'^A^o» ,  colo  ,  veneror,  honorer  ,  révérer. 

(29)  i"Tl  HT  descend  de  Hl*  ?  qui  ,  dans  la  conjugaison 
Hiphil  ,  signifie  laudavit ,  celebravit ,  louer  ,  célébrer. 

(30)  «  Jéhudah  !  te  laudabunt  fratres  tui.  (G en.  xlix.  8.  )» 
(01)  «  Nunc  taudabo  Dominum.  (Gen.  xxix.  35.  )  » 

(32)  Atci7T(>i7rn$  est  composé  du  verbe  zrgiTva ,  decorus  sum  , 
être  honorable  ,  et  de  la  préposition  ^ta  $  il  peut  être  traduit 
par  eminens  ,  excellens  ,  éminent ,  excellent. 

(33)  TDIK^  descend  de  la  racine  rO*^  ?  qui  veut  dire  ,  atte- 
tus  est ,  crevit ,  magnus  fuit ,  être  grand  ,  élevé  ,  distingué. 

(34)  «  Ruben,  primogenitus  meus  ,  tu  fortitudo  mea  ;  prior  in 
»  donis ,  major  in  imperio,  (  Gen.  xlix  ,  3.  )  » 


28  sur  l'atlantique  des  anciens. 

Plus  on  réfléchit  sur  ces  étymologies  ,  et  moins 
il  semble  possible  de  se  refuser  à  la  clarté 
qu'elles  offrent.  Rien  n'y  est  forcé ,  et  les  sens 
offerts  dans  les  deux  Langues  sont  aussi  confor- 
mes qu'il  est  possible  dans  une  traduction  faite 
sur  une  autre  traduction.  Je  n'ai  plus  qu'à  ré- 
pondre à  quelques  difficultés  qui  paraissent 
d'abord  assez  importantes  ,  mais  qu'un  examen 
bien  réfléchi  peut  aisément  résoudre. 

En  regardant  d'abord  Atlas  comme  père  des 
autres  Chefs,  il  ne  reste  plus  que  neuf  frères, 
ce  qui  est  encore  bien  éloigné  du  compte  des 
douze  Tribus  dans  lesquelles  nous  savons  que 
les  Juifs  ont  été  partagés.  Cette  objection  paraît 
frappante;  voici  ce  qu'on  y  peut  répondre  : 

i°  Quoique  les  En  fans  d'Israël  fussent  parta- 
gés en  douze  Tribus ,  les  étrangers  cependant 
n'en  connaissaient  que  dix.  (35) 

i°  Des  douze  Tribus  dont  l'Ecriture  fait  men- 
tion, celles  de  Lévi  ,  de  Manassé,  d'Ephraïm  , 
de  Benjamin  ,  et  de  Siméon  ,  sont  celles  dont  il 
n'est  point  fait  mention  dans  Platon.  Quant  aux 
trois  premières,  la  raison  en  est  toute  simple.  La 
Tribu  de  Lévi ,  quoique  très-distinguée  des  au- 
tres ,  n'avait  cependant  point  de  district  à  part 
dans  la  division  des  terres.  Destinée  uniquement 
au  service  divin ,  elle  ne  devait  vaquer  ni  à  l'agri- 
culture ni  au  commerce  ;  par  conséquent  D>^" 

(35)  Justin.  L  xxxvi.  c.  2. 


SECTION   PREMIÈRE.  29 

voulait  qu'elle  vécût  aux  dépens  des  autres  Tri- 
bus, et  elle  y  fut  répartie.  Or  n'ayant  pas  eu  de 
part  distinguée,  il  n'est  pas  étonnant  qu'elle  ait 
été  ignorée  des  étrangers. 

3°  Pour  ce  qui  regarde  les  Tribus  d'Ephraïm 
et  de  Manassé  ;  comme  leurs  Chefs  étaient  fils 
de  Joseph ,  frère  des  autres  Chefs ,  l'Ecriture  elle- 
même  les  comprend  souvent  sous  le  nom  de 
Joseph  (36)  leur  père  ;  et  nous  ne  devons  pas 
être  étonnés  que  les  Egyptiens  ,  chez  qui  Joseph 
était  plus  connu  et  plus  considéré  que  tous  ses 
autres  frères,  aient  suivi  cet  exemple. 

4°  A  l'égard  de  la  Tribu  de  Benjamin ,  l'on 
sait  le  massacre  épouvantable  qui  en  a  été  fait 
par  les  autres  Tribus  (3t),  de  manière  qu'il  n'en 
resta  que  600  hommes  ,  et  que  dès  ce  moment 
cette  Tribu  fut  regardée  comme  incorporée  dans 
celle  de  Juda  dont  elle  était  voisine.  Cette  vérité 
est  si  constante  ,  que  ceux  de  Juda  donnaient 
leurs  filles  en  mariage  à  ceux  de  Benjamin  ;  ce 
qui  ne  se  pratiquait  point  dans  les  autres  Tri- 
bus. Aussi  ,  lors  de  la  fameuse  séparation  des 
Tribus  ,  après  la  mort  de  Salomon  ,  celle  de  Ben- 
jamin fut  la  seule  qui  demeura  avec  Juda. 

(36)  Au  Deutéron.  xxvn.  12.  il  est  fait  mention  de  la  Tribu  de 
Joseph  9  et  même  elle  n'y  est  comptée  que  pour  une  seule.  Dans 
la  bénédiction  que  Moïse  donna  avant  sa  mort  (Deut.  xxxnr.  10.) 
il  nomme  Joseph  ,  et  ne  fait  mention  directement  ni  d'Ephraïm 
ni  de  Manassé.  Dans  le  partage  prophétique  de  la  Terre  sainte  * 
(Ezéch.  XLVir.  i3.  )  il  est  encore  fait  mention  de  la  Tribu  de 
Joseph ,  et  on  lui  assigne  deux  parts.  J'omets  plusieurs  autre» 
passages  qui  confirment  la  môme  chose. 

(37)  Juges  ,  xx. 


3o  sur  l'atlantique  des  anciens. 

En  faisant  ce  calcul ,  qui  est  fondé  sur  la  vé-  , 
rite  ,  nous  trouvons  exactement  neuf  Tribus  ; 
savoir  :  Ruben  ,  Juda  ,  Dan ,  Nephthali  ,  Cad , 
Àser  ,  Zabulon  ,  Issachar ,  et  Joseph  ,  conformes 
également  et  à  l'Ecriture  et  au  récit  de  Platon. 
Il  reste  seulement ,  d'un  côté  9  la  difficulté  au  sujet 
d'Atlas ,  que  ce  dernier  met  au  nombre  des  frè- 
res Atlantiques ,  tandis  qu'il  en  était  le  père  ;  et 
de  l'autre ,  celle  au  sujet  de  Siméon  dont  nous 
ne  trouvons    point  d'équivalent   dans  Platon. 
Pour  répondre  à  la  première  de  ces  difficultés , 
je  ne  répéterai  pas  ici  ce  que  j'ai  dit  plus  haut 
au  sujet  de  l'erreur  dans  laquelle  ilf  paraît  que 
Platon  est  tombé.  J'observerai  seulement  quant 
à  la  seconde,  que  Platon  ,  et  peut-être  Solon  lui- 
même  ,  ayant  faussement  regardé  Atlas  comme 
frère  des  Atlantiques  ,   il  fallait  ,  pour  ne  pas 
excéder.le  nombre  de  dix ,  retrancher  nécessai- 
rement une  des  autres  Tribus.  Ce  retranchement 
tombait  aussi    très-naturellement  sur  Siméon. 
Car  non-seulement  Israël  prédit  à  Siméon  ainsi 
qu'à  Lévi,  que  loin  d'avoir  une  portion  à  part, 
ils  seraient  dispersés  tous  les  deux  dans  les  au- 
tres Tribus  (38)  ;  mais  nous  apprenons  aussi  dans 
le  Livre  de  Josué  (39)  ,  que  cette  prédiction  a 
été  accomplie ,  et  que  la  portion  de  Siméon  a 
été  entièrement  enclavée  dans  le  centre  de  celle 
de  la  Tribu  de  Juda  ;  ou ,  pour  mieux  dire  ,  que 

(38)  Genèse  ,  xlix.  5,6,7, 

(39)  Josué  ,  xix.    1  et  suiv. 


SECTION    PREMIERE.  3l 

la  Tribu  de  Siméon  (4o)  n'a  reçu  pour  sa  part 
qu'une  partie  de  celle  qui  appartenait  en  pro- 
pre aux  Enfans  de  Juda  ;  que  par  conséquent 
elle  en  était  dépendante,  et  pour  ainsi  dire, 
vassale  ;  et  que  par  cette  raison  il  n'était  pas 
étonnant  que  les  étrangers  n'eussent  point  fait 
attention  à  elle. 

SECTION    IL 

Expédition   des   Atlantiques. 

Après  avoir  examiné  les  noms  des  Chefs  Atlan- 
tiques ,  passons  à  leur  expédition  que  Platon 
nous  rapporte  et  que  nous  pouvons  rassembler 
sous  trois  différens  Articles  ,  savoir  :  i°  l'épo- 
que du  commencement  de  cette  expédition  ; 
2°  l'endroit  d'où  les  Atlantiques  sont  venus  ;  et 
3°  le  pays  où  ils  sont  allés  et  dont  ils  ont  chassé 
les  habitans. 


(4o)  Cette  espèce  d'incorporation  de  Siméon  dans  Juda  no 
serait-elle  pas  la  cause  de  l'erreur  dans  laquelle  Platon  a  donné 
en  regardant  Atlas  comme  un  frère  des  autres  ?  Les  étrangers 
divisaient  communément  les  Juifs  en  dix  Tribus.  Or  Siméon 
incorporé  dans  Juda  ,  il  n'en  reste  que  neuf  ;  pour  y  suppléer  , 
Platon  pouvait  donc  y  avait  ajouté  Atlas  ,  et  l'avoir  regardé 
comme  un  frère  des  autres  Chejs  de  Tribu  ,  tandis  que  c'étaient 
ses  enfans. 


32         sur  l'atlantique  des  anciens, 

§.  i  .  Époque  du  commencement  de  V Expédition 
des  Atlantiques, 

Quant  à  cette  époque,  Platon  fait  tenir  aux 
Prêtres  de  Sais  le  propos  suivant.  «  Dans  nos 
»  Livres  sacrés  il  est  rapporté  quel  était  l'état  de 
»  notre  Gouvernement  pendant  l'espace  de  8000 
»  années  ;  mais  je  vous  rapporterai  ce  qui  est 
»  arrivé  à  ces  anciens  depuis  l'espace  de  gooo 
»  ans.  (1)  »  Ajoutons  à  ce  passage  un  autre  où 
Platon  dit  :  «  que  depuis  le  temps  de  l'expédition 
»  des  Atlantiques  jusqu'à  celui  de  Solon  ,  il  y 
»  avait  un  espace  de  9000  ans.  (p.)  »  Ces  deux  pas- 
sages s'accordent  ;  il  n'est  donc  question  que  de 
les  bien  entendre. 

D'abord  il  est  constant  qu'on  ne  saurait  pren- 
dre les  années  dont  Platon  parle,  pour  des  an- 
nées Solaires ,  semblables  aux  nôtres.  La  chose 
est  hors  de  doute  ,  et  je  ne  m'arrêterai  pas  à  le 
prouver.  Voyons  donc  comment  il  faut  les  en- 
tendre. Diodore  de  Sicile  nous  servira  encore 
de  guide.  Cet  Auteur  nous  assure  «  que  les  an- 
»  ciens  Egyptiens  avaient  coutume  de  compter 
»  leurs  années  par  des  révolutions  de  Lune  (3)  ;  » 

(1)  Extraits  du  Tintée 9n°  17. 

(2)  Extraits  du  Critias,  n°  1. 

(3)  Diodore  de  Sicile  ,  I.  i.  c.  i4-  Je  pourrais  ajoutera  cette 
autorité  celle  de  Pline  ,  du  Syucelle  ,  et  de  quelques  autres  ; 
mais  je  la  crois  suffisante. 


SECTION    SECONDE.       §.    I.  33 

de  manière  qu'il  faut  compter  douze  années  des 
leurs  pour  en  composer  une  des  nôtres.  Cette 
vérité  nous  est  confirmée  par  Horus  Apollo(4) 
qui  nous  apprend  que  pour  désigner  une  année, 
les  Egyptiens  avaient  employé  dans  leurs  Hiéro- 
glyphes tantôt  la  figure  d'Isis ,  qui  ,  comme  on 
sait  ,  désignait  la  Lune  ,  et  tantôt  simplement 
la  figure  d'une  femme. 

En  partant  de  ce  principe  ,  les  9000  années 
des  Egyptiens  ne  feraient  qu'environ  700  années 
des  nôtres  ;  et  cet  espace  revient  assez  à  celui 
qui  s'est  écoulé  depuis  l'entrée  des  Israélites 
dans  la  Terre  promise ,  jusqu'au  voyage  de  So- 
lon  en  Egypte.  (5) 

Ce  qui  me  semble  confirmer  la  justesse  de 
cette  façon  de  compter ,  c'est  un  autre  exemple 

(4)  Horus  Apollo.  Iliéroglyph.  3. 

(5)  En  supposant  que  les  Israélites  sont  les'vrais  Atlantiques  , 
il  s'ensuit  qu'il  faut  que  les  neuf  mille  mois  ,  dont  il  est  question 
ici  ,  remplissent  l'espace  de  temps  qui  s'est  écoulé  depuis  leur 
sortie  d'Egypte  jusqu'à  leur  captivité.  Or  selon  le  calcul  de 
Scaliger ,  les  Juifs  sont  sortis  d'Egypte  ,  environ  l'an  du  monde 
24^0  ,  et  les  dis  Tribus  ont  été  emmenées  en  captivité  par  Sal- 
manasar  ,  environ  vers  l'an  0220.  En  déduisant  une  époque  , 
de  l'autre  ,  il  reste  un  espace  de  777  années  Solaires  ;  en  mul- 
tipliant cette  somme  par  douze  ,  on  aura  la  somme  de  9324 
mois.  U  resterait  donc  une  différence  de  3a  l\  mois  ,  ou,  ce  qui 
revient  au  même  ,  de  vingt-sept  années  Solaires ,  laquelle  ne 
doit  point  nous  arrêter  ,  surtout  dans  un  récit ,  où,  comme  il 
est  aisé  de  voir  ,  il  était  plutôt  question  d'un  nombre  rond  que 
d'une  exacte  Chronologie.  Ajoutons  encore  à  cela  ,  que  le  voyage 
de  Solon  en  Egypte  tombe  à  peu  de  cliose  près  dans  le  même 
temps  que  la  captivité  des  dis  Tribus.  11  n'en  peut  être  posté- 
rieur que  d'environ  une  vingtaine  d'années. 

3 


34  sur  l'atlantique  des  anciens. 

qui ,  calculé  sur  le  même  principe ,  nous  offre 
la  même  exactitude.  Pour  prouver  que  les  an- 
nées des  Egyptiens  ne  sont  que  des  révolutions 
de  Lunes  ,  Diodore  de  Sicile  remarque  (6) ,  qu'à 
moins  de  les  envisager  ainsi ,  on  tomberait  dans 
des  absurdités  palpables;  puisque  les  Egyptiens 
comptaient  a3ooo  ans  depuis  leur  premier  Roi 
le  Soleil  ,  jusqu'à  l'expédition  d'Alexandre-le- 
Grand  en  Asie.  Que  l'on  se  souvienne  mainte- 
nant de  la  règle  que  Platon  nous  a  donnée; 
savoir ,  que  les  Egyptiens  avaient  coutume  de 
traduire  en  leur  Langue  les  noms  propres  des 
Peuples  dont  ils  parlaient  ;  qu'on  se  rappelle 
encore  ,  qu'au  rapport  de  Moïse  ,  Metzraïm, 
fils  de  Cham  ,  est  le  fondateur  du  Royaume 
d'Egypte  (7),  et  que  ce  Royaume  en  a  gardé  le 
nom  :  que  l'on  recherche  ensuite  la  signification 
de  ce  mot  de  Cham  ,  père  de  Metzraïm  ,  l'on 
trouvera  qu'il  veut  dire  ardeur  ou  chaleur  du 
Soleil  (S)  ;  et  de  cette  manière  l'on  se  persuadera 
aisément  que  les  Egyptiens  ont  regardé  ce  Cham 
comme  leur  premier  fondateur ,  et  qu'ils  l'ont 
désigné  sous  le  nom  du  Soleil.  (9)  Que  l'on  divise 

(6)  Diodore  de  Sicile  ,  I.   1.  c.   14. 

(7)  Genèse  ,  x.  6. 

(8)  D  n  j  ardor  solis. 

(9)  La  chose  est  si  vraie ,  que  ,  dans  l'Ecriture  même,  l'Egypte 
est  souvent  appelée  la  Terre  de  Cham.  Voyez  les  Psaumes 
lxxviii.  5i.cv.  23,  27.  cvr.  22.  Saint  Jérôme,  dans  son  Commen- 
taire sur  la  Genèse  ,  rapporte  que  de  son  temps  encore  l'Egypte 
était  appelée  le  Royaume  de  Cham  ,  dans  la  Langue  du  pays. 


SECTION    SECONDE.       §.    I.  35 

enfin  le  nombre  de  23ooo  par  12 ,  on  trouvera 
la  somme  de  1916,  et  l'on  s'apercevra  qu'elle 
ne  diffère  encore  que  de  très-peu  de  chose  du 
nombre  des  années  qui  se  sont  écoulées  depuis 
le  Déluge  jusqu'à  l'expédition  d'Alexandre-le- 
Grand.  (10) 

Voilà  donc  deux  exemples  qui  concourent  à 
prouver  le  même  fait  ,  et  je  crois  que  c'est  tout 
ce  qu'on  peut  demander  dans  la  discussion  d'une 
matière  si  difficile  et  si  couverte  de  ténèbres. 

§.  2.     Pays  <Toù  les  Atlantiques  sont  venus* 

Ce  que  je  viens  de  dire  doit  suffire  quant  à 
la  Chronologie  ;  examinons  maintenant  le  Pays 
d'où  les  Atlantiques  sont  venus.  Voici  ce  que 
Platon  nous  en  dit ,  dans  le  Timée  ,  en  rappor- 
tant les  paroles  des  Prêtres  de  Saïs  à  Solon  :  «  Nos 
»  Ecrits,  dit-il,  font  mention  de  la  grande  résis- 
»  tance  que  votre  République  a  faite  autrefois  à 
»  la  puissance  de  ces  hommes  qui  sortant  de  la 
»  Mer  Atlantique  ont  assailli  toute  l'Europe  et 
»  l'Asie  ensemble.  (1 1)  »  A  ce  passage  il  faut  join- 
dre celui  que  nous  lisons  dans  le  Critias  ,  où  il 

(10)  Selon  la  Chronologie  de  Scaliger  ,  le  déluge  arriva  l'an  du 
monde  1657.  La  première  bataille  qu'Alexandre  livra  à  Darius  , 
tombe  ,  selon  le  même  auteur  ,  dans  l'année  3619.  En  déduisant 
une  époque  de  l'autre  ,  il  reste  la  somme  de  1962.  11  n'y  a  donc 
encore  qu'une  différence  de  quarante-six  ans,  laquelle  disparaî- 
tra ,  lorsqu'on  voudra  compter  le  temps  qui  s'est  écoulé  depuis 
le  déluge  jusqu'à  l'établissement  de  Mctzraïm  en  Egypte. 

(ïi)  Extraits  du  Timée,  n°  18. 

3. 


36  sur  l'atlantique  des  anciens. 

est  dit  :  «  Avant  toute  chose  il  faut  nous  rappeler 
»  qu'il  y  a  neuf  mille  ans  il  y  eut  une  guerre 
»  entre  tous  ceux  qui  demeurent  en-deçà  et  par- 
»  delà  les  Colonnes  d'Hercule.  (12)  »  De  ces  deux 
passages  il  résulte  ,  que  les  Atlantiques  sont  ve- 
nus de  la  Mer  de  ce  nom ,  et  qu'ils  ont  dépassé 
les  Colonnes  d'Hercule  ,  pour  occuper  le  pays 
dont  ils  voulaient  faire  la  conquête.  Ces  deux 
passages  ont  toujours  servi  de  guides  aux  inter- 
prètes de  Platon  ,  et  ils  les  ont  égarés  ,  parce 
qu'ils  en'ont  été  mal  entendus.  La  méprise  était 
facile.  Tout  le  monde  connaît  les  Colonnes 
d'Hercule  qui  se  sont  trouvées  dans  le  voisinage 
du  Détroit  de  Gibraltar  ,  anciennement  Fretum 
Gaditanum.  Tout  le  monde  connaît  également 
cette  partie  de  l'Océan  qui  baigne  les  côtes  de 
Portugal ,  d'Espagne  et  d'Afrique ,  et  qui  porte 
encore  aujourd'hui  le  nom  d'Océan  Atlantique. 
Quoi  de  plus  naturel  que  de  s'imaginer  que  c'est 
de  cet  Océan  et  de  ces  Colonnes  que  Platon  ait 
voulu  parler!  J'ose  cependant  assurei  le  contraire. 
Je  ferai  mieux  ;  je  ferai  parler  les  Anciens  à  ma 
place. 

Commençons  par  un  passage  d'Hérodote.  Cet 
Historien  dit  «  que  la  Mer  qui  est  par-delà 
»  les  Colonnes,  appelée  Atlantique,  et  la  Mer 
»  Rouge  ,   sont  la   même    chose.  (i3)  »   Cette 

(12)  Extraits  du  Crltlas ,  n°  1. 

(13)  «  'H  e|ôi   çqXeœv  SaXatrru   y  'ArXuvrtç  xuXîof&tvq ,   kcu  q 
»  'EçvS-çli  y  pla  %y^uvoi  tis<ra.  (  Hérodote  ,  1.  1.  c.  2o3.)  « 


SECTION    SECONDE.       §.2.  3j 

vérité  est  confirmée  par  Strabon ,  qui  dit  «  que 
»  l'Arabie  heureuse  est  située  sur  les  bords  de 
»  la  Mer  Atlantique ,  et  qu'elle  est  occupée  par 
»  les  premiers  cultivateurs  après  les  Syriens  et  les 
»  Juifs.  (i4)  »  Qui  ne  reconnaît  là-dedans  la  Mer 
Rouge  ?  A  ce  témoignage  nous  pouvons  ajouter 
celui  de  Denys  le  Périégète ,  qui  dit  «  que  les  Ethio- 
»  piens  habitent  le  Pays  d'Erythia  qui  est  fertile 
»  en  bœufs  et  proche  de  la  Mer  Atlantique.  (i5)  » 
EpuOpoç  ,  en  Grec  ,  veut  dire  rouge  9  et  se  rap- 
porte au  Pays  appelé  dans  l'Ecriture  le  Pays 
ftEdom  ,  QlK?  qui  signifie  la  même  chose.  Or 
il  ne  faut  être  que  tant  soit  peu  versé  dans  la 
Géographie  de  la  Bible ,  pour  savoir  que  ce  Pays 
était  situé  entre  la  Palestine  et  la  Mer  Rouge. 
Pour  achever  de  nous  convaincre,  Platon  lui- 
même  nous  assure  que  du  temps  de  l'Expédition 
des  Atlantiques ,  la  Mer  de  ce  nom  avait  été  gué- 
able.  (16)  Il  paraît  enfin  que  cette  tradition  s'est 
conservée  assez  long-temps  ,  puisque  Diodore  de 

t  (i4)  «  Eviïctiftw  'ApctÇid  tKKit^iVii  «rpW  voroy  ?  &£%$*  T% 
»  'AtXuvtuqv  7rîhâyovs  '  ï%ovci  ^'etùrtiv  ol  fàv  7rf>aTot  ^ira,  rovç 
»  1,'jpovç  km  rovs  'loviïetiovç  3  ei^avot  ytapyol.  »  «  Arabia  felix 
»  ad  Austrum  porrigitur  usque  ad  Atlantic  uni  Mare.  Incolunt  eam 
t>  primi  post  Syros  et  Judœos  ,  homines  agricoles.  (  Strabon. 
»  1.  xvi.  )  * 

(15)  «"Hrot  pev  vetifs<ri    fiooTpÔQov  âpÇf 'Epu&uetv 
»  "  At Xetvros  ireft  %évpct  S-etsMis  AîB-i07r^(ç 

»  Metx.pi§lm  i\fcs  ùpvponç.  (  Dioays.  Perieg.  v.  558.  )  • 

(16)  Extraits  du  Timée ,  n°.  18. 


38  sur  l'atlantique  des  anciens. 

Sicile  nous  apprend  ,  que  de  son  temps  les  habi- 
tans  voisins  de  la  Mer  Rouge  «  disaient  avoir 
»  appris  de  leurs  ancêtres  ,  que  Veau  de  cette  mer 
»  s  était  un  jour  partagée  en  deux ,  de  manière 
»  qu  on  pouvait  y  voir  le  fond.  (17)  » 

Ces  autorités  suffisent,  à  ce  que  je  crois, 
pour  constater  sans  réplique  que  la  Mer  Rouge 
est  la  Mer  Atlantique  dont  Platon  parle.  Il  ne 
s'agit  donc  maintenant  que  de  fixer  le'Pays  que 
les  Atlantiques  ont  occupé  après  le  passage  de 
la  Mer  Rouge. 

§.    3.     Pays  occupé  par  les  Atlantiques. 

Soîon  dit  «  que  cette  terre ,  avant  V arrivée 
des  Atlantiques  ,  avait  été  occupée  par  les 
»  ancêtres  des  Athéniens.  (18)  »  Dans  un  autre 
endroit'  il  ajoute  «  que  les  Athéniens  de  son 
»  temps  étaient  les  descendans  d'un  petit  nom- 
»  bre  de  personnes  qui  avaient  échappé  à  une 
»  grande  calamité.  (19)»  Dans  un  autre  endroit 
encore  ,  il  nomme  «  le  pays  occupé  par  les  At- 
»  lantiques ,  la  première  et  V ancienne  patrie  corn- 
»  mune  des  Athéniens  et  des  Egyptiens.  (20)» 
Et  par  cette, raison  il  soutient  que  ces  deux 
nations  étaient  apparentées.  Enfin ,  dit-il ,  «  une 

(17)  Diodore  de  Sicile  .  1.  nr.  c.  20. 

(18)  Extraits  du  Timée  ,  n°  18. 
(*9)  Extraits  du  Timée  ,  n°  15. 
(20)  Extraits  du  Timée ,  n°  16. 


SECTION    SECONDE.       §.    3.  3o, 

»  partie  de  cette  terre ,  (  savoir  celle  qui  est  proche 
»  de  VEridanus  et  de  la  ville  d'Elissus,)  a  été 
»  submergée  par  un  tremblement  de  terre  ,  et 
»  à  cet  endroit  il  s'est  formé  un  lac  bourbeux , 
»  innavigable  ,  et  dont  les  exhalaisons  sont  mor- 
»  telles.  (21)» 

Il  n'est  pas  difficile  de  reconnaître  à  cette 
description  la  Phénicie ,  ou ,  pour  mieux  dire  , 
la  Palestine ,  occupée  par  les  Israélites.  Solon 
dit  que  Y  Atlantique  était  l'ancienne  patrie  des 
Athéniens.  Qui  ne  sait  que  les  Athéniens  ont  été 
une  Colonie  de  Phéniciens?  (22) 

Les  Athéniens  sont  les  descendans  d'un  petit 
nombre  de  gens  échappés  à  une  grande  calamité 
publique.  C'est  le  portrait  des  enfans  des  Peu- 
ples de  Phénicie  échappés  au  fer  des  Israélites. 

Les  Athéniens  et  les  Egyptiens  sont  apparentés , 
et  avaient  anciennement  une  patrie  commune. 

(21)  Extraits  du  Timée  ,  n°.  32  ,  33.  —  «  T«  Fsftiyefoç  fàv 

»  «y  TrpW  tov  'Eptiïoivw  kui  rov  'IXifj-ov  â7rofit£tiKv7ct.  (  Plato  ,  in 
»   Timœo.  )  » 

(22)  Bochard  ne  laisse  aucun  doute  sur  ce  fait  3  dans  son 
Phaleg  et  Chanaan.  Ajoutez  à  cela  un  passage  de  Marcianus  dans 
sa  Périégèse  ,  et  qui  est  cité  par  Meursius  (Fort.  Attica.  p.  9.) 

'El^V  'A&we&S  (patriv  <hwtu.ç  Xoi/2e7v 

Tû  pàv  TTiXâryas  7r^càlov  »?  J]}i  Ket)  Xoyot 

Kçctvotaç  KCtXi7S-Cit. 

Il  est  vrai  que  les  Athéniens  prenaient  le  nom  d'AvSôfcS-ovoi ,  et 
prétendaient  être  sortis  de  terre  ;  mais  outre  que  cette  fable  ne 
saurait  arrêter  personne  ,  ne  pourrait-on  pas  soupçonner  que 
descendant  des  Cananéens  ,  et  sachant  par  tradition  que  le  pre- 
mier homme  s'appelait  OIK  ?  Adam  ,  c'est-à-dire  ,  terre  ,  ils 
n'eussent  de  là  pris  occasion  de  se  dire  issus  de  la  terre  ? 


4o  sur  l'atlantique  des  anciens. 

Les   Phéniciens  descendaient  de  Chanaan,  fils 

de  Cham.  Les  Egyptiens  devaient  leur  origine 

à  Metzraïm ,   autre  fils  de   Cham   et  frère  de 

Ghanaan. 

Une  partie  de  V Atlantique  a  été  submergée 
par  un  tremblement  de  terre ,  et  remplacée  par 
un  lac  innavigable  et  bourbeux.  A  ce  tahleau  on 
se  rappelle  aisément  l'histoire  tragique  des  villes 
de  Sodome  et  de  Gomorrhe  englouties  dans  le 
Lac  Asphaltite. 

Ce  lac  est  proche  du  fleuve  Eridanus  et  de  la 
ville  d' Elis  sus.  Le  nom  de  ce  fleuve  n'est  point 
Grec  ;  mais  pour  peu  qu'on  fasse  attention  , 
l'on  trouvera,  que  ce  n'est  qu'une  corruption  du 
nom  de  Jordanus  que  porte  le  fleuve  de  la  Pa- 
lestine qui  se  jette  dans  le  Lac  Asphaltite.  (a3) 

(23)  Pour  s'en  convaincre  il  n'y  a  qu'à  se  souvenir  que  la  Mytho- 
logie des  Anciens  donne  ce  nom  au  fleuve  dans  lequel  Phaéton  a 
été  précipité  par  le  feu  du  ciel.  Apollonius  nous  en  assure  ,  en 
disant  «  que  le  fleuve  Eridanus  était  celui  dans  lequel  Phaéton 
»  avait  été  précipité  ;  que  l'abîme  qui  s'y  était  formé  subsistait 
»  encore  aujourd'hui ,  et  qu'il  exhalait  une  vapeur  si  pernicieuse 
»  qu'aucun  oiseau  ne  pouvait  y  passer.  [Argon,  h  iv.  v.  5g6  — 
»  6o3.  )  »  Qu'il  nous  soit  permis  de  joindre  à  cette  description  une 
remarque  fort  intéressante.  Que  l'on  se  souvienne  de  la  règle  que 
Platon  nous  donne  de  rechercher  le  sens  littéral  des  noms  propres  , 
et  qu'en  conséquence  on  remarque  que  le  nom  de  Phaéton  des- 
cend du  mot  grec  <putvœ ,  qui  ,  entre  autres  significations  ,  a 
celle  de,  brilter ,  être  éminent  ,  se  distinguer  ;  que  l'on  cherche  la 
même  signification  dans  l'Arabe ,  et  l'on  trouvera  que  y  l3  >  Bara 
ou  Bera  ,  veut  dire  un  homme  qui  s'est  attiré  de  la  considération  et 
qui  s'est  distingué  par  ses  connaissances  et  par  sa  prudence.  Or 
l'Ecriture  donne  le  nom  de  J?*0  ?  Bera  ,  au  Roi  qui  régnait 


SECTION    SECONDE.       §.    3.  £l 

Quant  à  la  ville  d'Elissus,  ce  nom  est  Grec, 
et  il  est  dérivé  du  verbe  slfocco ,  qui  signifie 
rouler.  En  Hébreu  cette  idée  est  exprimée  par 
773,  Galal ,  et  de  là  vient  le  nom  de  la  ville  de 
7^7^  ,  Gilgal ,  qui  veut  dire  une  roue  ,  et  cette 
ville  ,  comme  on  sait ,  était  située  sur  les  bords 
du  Jourdain  et  assez  proche  de  la  Mer  Morte* 

§.  4*     Colonnes  d'Hercule. 

Nous  avons  vu  le  lieu  d'où  les  Atlantiques 
sont  partis  pour  commencer  leur  Expédition. 
Nous  avons  examiné  le  pays  qu'ils  ont  envahi. 
Il  nous  reste  à  considérer  le  chemin  qu'ils  ont 
pris  pour  y  arriver.  Platon  dit  qu'ils  ont  passé 
devant  les  Colonnes  d'Hercule.  Ce  fait  ne  saurait 
se  concilier  avec  ce  que  nous  venons  de  dire, 
s'il  fallait  entendre  par  les  Colonnes  d'Hercule 
celles  qui  sont  connues  sous  ce  nom  ,  et  qui  se 
trouvaient  au  détroit  de  Gibraltar.  Mais  j'oppose 
à  cette  difficulté  les  remarques  suivantes. 

i°  Originairement  Hercule  était  une  Divinité 
Phénicienne.  Au  témoignage  de  Phavorin  (24) , 
l'Hercule  d'Egypte  portaitle  nom  de  \ôvoç ,  Cko- 
nus  ;  ce  qu'il  rend  lui-même  par  Phénicien  ou 

dans  Sodome  lors  de  sa  destruction.  Selon  la  Fable  ,  Pliaèton 
était  fils  du  Soleil;  et  Bera  ,  roi  de  Sodome,    descendait  de 
Cham  ,  qui ,  comme  nous  l'avons  déjà  observé  plus  haut ,  signi- 
fie également ,  ardeur  du  Soleil. 
(24)  Phavorin.  in  Xûùvîs. 


t\%  sur  l'atlantique  des  anciens. 

Tyrien  ;  et  ,  suivant  Etienne  de  Byzance  ,  la 
Phénicie  était  appelée  Xva  ,  Chna  ,  ce  qui  est 
absolument  la  même  chose  que  le  Chanaan  des 
Hébreux.  (25) 

20  Dans  les  temps  les  plus  reculés ,  les  Phé- 
niciens étaient  le  peuple  le  plus  commerçant  de 
la  Méditerranée. 

3°  Sur  les  côtes  de  cette  Mer  ce  peuple  avait 
établi  des  Colonies  et  des  Comptoirs ,  et  dans  ces 
Colonies  les  Phéniciens  étaient  communément 
en  usage  de  bâtir  un  Temple  à  Hercule ,  qui  était 
leur  principale  divinité.  A  Tyr  le  Grand-Prêtre 
d'Hercule  était  le  premier  personnage  après  le 
Roi  (26)  ;  et  quant  aux  Temples ,  nous  savons 
qu'à  l'imitation  de  celui  de  Tyr ,  ils  en  ont  cons- 
truit à  Thasus  clans  l'Archipel  (27) ,  à  une  des 
embouchures  du  Nil  (28) ,  à  Malte  (29) ,  en  Es- 
pagne et  ailleurs.  (3o) 

4°  Dans  ces  Temples  il  y  avait  ordinairement 
deux  Colonnes  ,  dont  l'une  était  consacrée  au 
feu  ,  l'autre  aux  nuées  ou  au  vent.  (3i)  Et  ces 

(25)  Slephan.  Byzant.  in  Xv£. 

(26)  Justin.  1.  xviii.  c.  4» 

(27)  Hérodote  ,  1.  h. 

(28)  Diodore  de  Sicile  ,  1.  1.   c.   19. 

(29)  Ptolémée.  Diodore  de  Sicile  ,  1.  v. 

(5o)  A  l'égard  du  Temple  bâli  en  Espagne  ,  Justin  nous  dit 
expressément,  à  la  lin  du  xnve  livre  de  son  Histoire  ,  que  non- 
seulement  les  habitans  de  Gades  étaient  venus  de  Tyr ,  mais 
qu'ils  y  avaient  bâti  un  Temple  à  Hercule ,  par  ordre  précis  de 
leurs  Chefs. 

(3i)  Hérodote,   1.  11.  Telle  est  au  moins  la  description  que 


SECTION    SECONDE.       §.    l\.  /i3 

Colonnes  étaient  appelées  tantôt  croirai  ,  colon- 
nes, et  tantôt  copoi,  frontières  ou  bornes  (3a)  , 
et  par  conséquent  rien  n'était  plus  naturel  que 
de  nommer  les  Colonnes  d'Hercule  pour  dési- 
gner son  Temple. 

5°  Les  Colonnes  dont  il  est  question  ici  ,  ne 
peuvent  point  être  celles  qui  étaient  à  l'extré- 
mité de  l'Afrique  :  le  fait  est  indubitable.  Selon 
le  récit  de  Platon,  les  Atlantiques  n'ont  dépassé 
les  Colonnes  d'Hercule  qu'après  avoir  passé  la 
Mer  Atlantique  ;  et  nous  avons  vu  plus  haut , 
qu'au  témoignage  des  Auteurs  les  plus  respec- 
tables de  l'Antiquité  ,  la  Mer  Atlantique  de  Pla- 
ton n'est  autre  chose  que  la  Mer  Rouge ,  laquelle 
est  bien  éloignée  du  Détroit  de  Gibraltar. 

6°  Ces  Colonnes  doivent  avoir  été  voisines  de 
la  Palestine  et  de  l'Egypte.  Platon  lui-même  nous 
en  assure  ,  en  disant  que  le  partage  de  Gadir , 
l'un  des  Chefs  des  Atlantiques ,  était  à  l'extré- 
mité du  pays  et  s'étendait  jusqu'aux  Colonnes 
d'Hercule.  Or,  comme  nous  avons  déjà  observé 
plus  haut  ,  qu'il  est  plus  que  probable  que  le 
Gadir  de  Platon  est  le  Gad  des  Hébreux  ;  et 

cet  Auteur  nous  donne  du  Temple  d'Hercule  à  Tyr  ;  et  il  est 
d'autant  plus  à  présumer  que  les  autres  lui  ressemblaient ,  que 
nous  savons  précisément  que  ces  Colonnes  se  trouvaient  éga- 
lement sur  les  côtes  d'Afrique  et  dans  le  Temple  de  Gadcs  ,  où  , 
selon  le  rapport  de  Justin  ,  tout  le  culte  était  conforme  à  celui 
des  Phéniciens. 

(32)  Platon ,  dans  tout  son  récit ,  se  sert  de  l'un  et  de  l'autre 
mot  indifféremment. 


44  sur  l'atlantique  des  anciens. 

comme  la  plus  grande  portion  qui  échut  à  cette 
Tribu  était  en-deçà  du  Jourdain  et  touchait  au 
désert  de  Gadès  en  Arabie  ,  il  s'ensuit  nécessai- 
rement que  ce  n'est  que  de  ce  côté-là  ,  et  par 
conséquent  sur  les  frontières  d'Egypte,  qu'on 
doit  chercher  ces  Colonnes. 

Ces  faits  sont  hors  de  doute  ;  les  meilleurs 
Auteurs  de  l'Antiquité  en  sont ,  comme  on  a  vu , 
les  garans  ;  il  n'est  donc  plus  question  que  d'en 
tirer  les  conséquences  qui  doivent  en  résulter. 
Les  voici.  Les  Colonnes  d'Hercule  qu'on  a  nom- 
mées ainsi  par  excellence  ,  et  qui  se  trouvaient 
au  coin  de  l'Afrique,  ne  sont  point  celles  dont  il 
est  question  dans  le  récit  de  Platon.  Le  fait  est 
prouvé  par  ma  cinquième  remarque.  Or ,  puis- 
que nous  ne  pouvons  et  ne  devons  les  chercher 
que  de  l'autre  côté  de  la  Mer  Rouge ,  et  que , 
selon  ma  quatrième  remarque ,  Colonne  d'Her- 
cule et  Temple  d'Hercule  sont  synonymes ,  lors- 
qu'il est  question  de  l'Hercule  Tyrien  ;  il  ne 
reste  plus  qu'à  savoir ,  si  entre  la  Mer  Rouge 
et  la  Palestine  il  y  avait  un  Temple  célèbre  , 
consacré  à  cette  divinité  ;  et  c'est  ce  que  Dio- 
dore  de  Sicile  nous  apprend,  en  disant  (35)  que 
l'une  des  embouchures  du  Nil  était  appelée 
Ç-&JXO,  Hpax.^7)&raftbv  ,  embouchure  d'Hercule , 
à  cause  d'une  ville  et  d'un  fameux  Temple  consa- 
crés à  cette  divinité.  Nous  demandons  à  nos 

(33)  Diodorc  de  Sicile ,  1.  î.  c.  20. 


SECTION    SECONDE.       §.    [\.  [fi 

Lecteurs ,  si  ce  ne  sont  pas  là  les  Colonnes  dont 
les  Egyptiens  ont  voulu  parler  dans  le  récit 
qu'ils  ont  fait  à  Solon.  La  chose  nous  paraît  plus 
que  vraisemblable  ;  mais  nous  en  laissons  la 
décision  à  des  juges  plus  éclairés. 

SECTION    III. 

Description  du  Pays  Atlantique. 

.Lia  description  que  Platon  nous  donne  du 
Pays  Atlantique  est  si  intéressante,  et  le  rapport 
qui  se  trouve  entre  elle  et  ce  que  nous  savons 
de  la  Palestine  est  si  parfait ,  que  ce  rapport 
suffirait  presque  seul  pour  décider  la  question. 
L'examen  que  nous  allons  en  faire  roulera  sur 
quatre  Articles  ;  savoir  :  i°  l'Etendue  de  l'Atlan- 
tique ;  i°  ses  Frontières  ;  3°  ses  Villes  ;  et  4°  sa 
Fertilité. 

Mais  avant  que  d'aller  plus  loin  ,  écartons 
encore  une  pierre  d'achoppement  qui  d'abord 
se  présente.  La  voici.  Partout  où  Platon  fait 
mention  de  l'Atlantique  ,  il  en  parle  comme 
d'une  isle  ;  et  comment  concilier  cette  dénomi- 
nation avec  la  Palestine  ?  La  chose  est  plus  fa- 
cile que  l'on  ne  pense.  Il  faudra  seulement  ob- 
server qu'il  est  question  ici  d'un  pays  Oriental , 
et  ne  pas  perdre  de  vue  la  remarque  que  nous 
avons  déjà  faite  plusieurs  fois  ;  savoir  :  que  les 


46  sur  l'atlantique  des  anciens. 

Egyptiens  ont  traduit  de  l'Hébreu  ou  du  Phéni- 
cien ,  et  que  Solon  ,  d'après  lequel  Platon  parle , 
a  traduit  de  l'Egyptien.  Or  il  faut  savoir  que  le 
mot  *K  ?  i  »  qui  en  Hébreu  désigne  une  isle , 
ne  dénote  pas  seulement  un  endroit  environné 
d'eau ,  mais  qu'il  signifie  aussi  en  général  une 
demeure  ,  une  habitation ,  un  lieu  habité  (i)  ; 
qu'il  est  dérivé  du  verbe  arabe  *K ,  «,  qui  si- 
gnifie ,  demeurer  ,  séjourner  ;  et  que  dans  ce 
sens  il  est  souvent  employé  clans  l'Ecriture 
même  et  surtout  dans  les  Livres  Prophétiques  , 
où  le  mot  d'isle  ne  signifie  en  bien  des  endroits 
autre  chose  qu'un  pays  habité  par  tel  ou  tel  peu- 
ple. (2)  Cette  façon  de  parler  est  encore  la  même 
aujourd'hui  chez  les  Arabes  ,  qui  nomment  leur 
pays  l'Isle  des  Arabes.  Et  cette  remarque  suffit 
pour  écarter  le  doute  que  cette  qualification 
aurait  pu  faire  naître  à  l'égard  de  la  Palestine. 

§.  1.     Étendue  de  V Atlantique. 

Après  cette  discussion  préliminaire  ,  com- 
mençons par  examiner  les  dimensions  que  Pla- 
ton nous  donne  de  l'Atlantique.  Pour  cet  effet 
ne  nous  arrêtons  point  aux  expressions  généra- 
les dont  ce  Philosophe  se  sert ,  en  disant  que 
cette  Isle  était  plus  grande  que  l'Asie  et  la  Libye 

(1)  Voyez  Stocka  Clavts  L.  S.  voce  ^K- 

(2)  Dans  Tsaïe  ,  xx.  6.  l'Ethiopie  et  l'Egypte  sont  appelées  Itlcs, 


ensemble.  (3)  Tenons-nous-en  plutôt  aux  dimen- 
sions qu'il  en  donne  lui-même ,  en  disant  que 
«  l'Atlantique  avait  3ooo  stades  en  longueur , 
»  et  2000  en  largeur  vers  la  Mer.  (4)  »  Selon  la 
même  description  ,  «  ce  pays  s'étendait  du 
»  Nord  au  Midi.  Vers  le  Nord  il  était  bordé  de 
»  hautes  montagnes ,  et  il  avait  une  forme  pres- 
»  que  quarrée  ,  de  manière  cependant  qu'il 
»  s'étendait  plus  en  longueur  qu'en  largeur.  (5)» 
Cette  description  en  général  convient  à  la  Pa- 
lestine. Il  n'est  donc  question  que  de  la  dimen- 
sion ,  et  pour  cet  effet  il  faut  d'abord  savoir  ce 
que  Platon  entend  par  stade.  Pline  dit  (6)  qu'au 
temps  d'Hipparque  et  de  Platon  l'on  comptait 
774  stades  sur  un  degré.  Sur  ce  pied  3ooo 
stades  feraient  3°  52r  ;  et  2000  stades  feraient 
i°  34'.  Comparons  maintenant  cette  mesure  avec 
celle  de  la  Palestine.  Selon  la  promesse  que  Dieu 
fit  aux  Israélites  ,  les  bornes  de  leur  domination 
devaient  s'étendre ,  quant  à  la  longueur  9  d'un 
côté  jusqu'au  Mont  Liban  ,  et  de  l'autre  jusqu'à 

(0)  En  conférant  ces  expressions  générales  avec  les  dimen- 
sions précises  que  Platon  nous  donne  du  Pays  Atlantique  s  il  faut 
conclure  de  deux  choses  l'une,  savoir,  ou  que  ce  Philosophe  soit 
tombé  dans  une  contradiction  des  plus  grossières,  ce  qui  n'est  pas 
à  présumer  ;  ou  que  ces  expressions  générales  ne  doivent  être 
prises  que  de  l'étendue  du  Commerce  et  des  Colonies  des  Anciens 
habitans  de  cette  Province  ;  et  c'est  ce  qui  paraît  le  plus  vraisem- 
blable. 

(4)  Extraits  du  Crltias  ,  n°  77. 

(5)  Extraits  du  Crltias  ,  n°  78 ,  80. 

(6)  Plin.  Hist.  Nat.  1.  n.  c.    108. 


48         sur  l'atlantique  des  anciens. 

la  Mer  Rouge  (7)  ;  et  quant  à  ce  dernier  ternie  , 
Moïse  pose  pour  dernière  limite  le  Pays  d'Edom 
dans  lequel  se  trouve  la  ville  d'Elath  ,  située  sur 
la  Mer  Rouge.  (8)  Or ,  selon  Ptolémée  (9),  cette 
dernière  ville  était  située  au  290  de  latitude.  Se- 
lon le  même  Auteur  ,  la  ville  de  Tyr ,  située  pro- 
che du  Mont  Liban  ,  était  au  33°  20'  de  lati- 
tude. (10)  Il  s'ensuit  de  là  que  toute  l'étendue 
de  la  domination  des  Israélites  était  d'environ 
4°  20' ,  ce  qui  ne  diffère  que  de  28'  de  la  lon- 
gueur que  Platon  nous  donne  de  l'Atlantique. 
Cette  différence  même  se  retrouve ,  lorsqu'à  cette 
étendue  l'on  ajoute  les  conquêtes  que  Salomon 
a  faites  et  qui  n'étaient  bornées  que  par  l'Eu- 
phrate. 

Il  en  est  de  même  quant  à  la  largeur  ,  en 
prenant  pour  termes ,  d'un  côté ,  le  Port  de  Gaza 
sur  la  Méditerranée ,  et  de  l'autre  côté,  le  Lac 
de  Cinnereth  ou  deTibériade.  Selon  le  même  Pto- 
lémée (11),  le  premier  est  situé  à  64°  4^'  de 
longitude  ,  et  l'autre  à  670  i5'.  En  déduisant 
l'un  de  l'autre  ,  reste  encore ,  à  doux  minutes 
près  ,  la  mesure  que  Platon  nous  donne  de  la 
largeur  de  l'Atlantique. 

(7)  «  A  flumine  Euphrate  usque  ad  mare  posierum  eril  icrminus 
»  vester,  (  Deut.  xi.  24.)" 

(8)  «  Erit  vobis  plaga  Justralis  à  deserto  Tzin  ,  secundum  sedcs 
»  Edomœorum   (  Num.  xxxiv.  3.  )  » 

(9)  Ptolem.  1.  v.   17. 
{10)  Ici.  1.  v.    14. 
(11)  Id.  1.  v.    16. 


SECTION    TROISIÈME.  /jg 

§.  2      Frontières  de  V Atlantique. 

Passons  maintenant  de  la  dimension  de  l'At- 
lantique à  l'examen  de  ses  Frontières.  Voici  ce 
que  Platon  en  dit  :  «  L'Atlantique  a  été  gou- 
»  vernée  par  de  puissans  Rois  dont  la  domi- 
»  nation  s'étendait  non -seulement  sur  l'Isle, 
»  mais  sur  plusieurs  autres  Isles  et  parties  du 
»  Continent  ,  savoir  :  du  côté  de  la  Libye  ,  jus- 
»  qu'en  Egypte  ;  et  du  côté  de  l'Europe,  jusqu'à 
»  Tyrrhénia.  (12)  » 

Voilà  donc,  selon  les  propres  paroles  de  Pla- 
ton ,  la  Libye  et  l'Egypte  annoncées  comme  la 
frontière  de  l'une  des  extrémités  de  l'Atlantique, 
et  la  Tyrrhénia  comme  l'autre.  Tout  le  monde 
sait  où  est  située  l'Egypte ,  et  il  ne  nous  reste 
que  quelques  observations  à  faire  sur  ce  que 
Platon ,  d'après  les  Egyptiens  ,  nomme  Libye. 
Entendre  sous  ce  nom  la  grande  Libye  Africaine, 
ce  serait  contredire  Platon  lui-même.  La  Libye 
dont  il  est  question  ici  doit  avoir  été  une  partie 
de  la  domination  des  Atlantiques.  La  Libye  Afri- 
caine comprend  seule  une  étendue  de  plus  de 
3o  degrés  de  pays  ;  et  ,  suivant  Platon,  toute 
l'étendue  de  l'empire  des  Atlantiques  n'avait  pas 
seulement  quatre  degrés.  La  Libye  Africaine  ne 
peut  donc  être  celle  dont  les  Egyptiens  ont  parlé. 

(12)  Extraits  du  Timée ,  n°  24  ,  25  ,  26. 


5o  sur  l'atlantique  des  anciens. 

Mais  en  consultant  les  Anciens  ,  nous  trouvons 
qu'il  y  avait  plusieurs  autres  pays  qui  portaient 
ce  nom  ,  et  que  surtout  il  y  avait  une  Libye 
très-connuë  sur  les  bords  de  la  Mer  Rouge. 

Hérodote  nous  assure  que  déjà  de  son  temps, 
et  avant  lui,  on  connaissait  des  Libyens  Pasteurs 
qui  demeuraient  entre  l'Egypte  et  le  Lac  Tri- 
ton. (i3j 

Eustathe,  le  Scholiaste  de  Dénys  le  Périégète, 
assure  également  qu'il  y  avait  plusieurs  Libyes, 
dont  une  sur  les  bords  de  la  Mer  Rouge.  (i4) 

Etienne  de  Ryzance  rapporte  que  le  Pays 
d'Ammon  était  situé  au  milieu  de  la  Libye.  (i5) 
Or  pour  savoir  où  était  le  Pays  d'Ammon ,  il  n'y 
a  qu'à  consulter  l'Ecriture.  (16)  Il  en  résulte 
qu'il  a  été  situé  dans  l'Arabie. 

Enfin  dans  les  Paralipomènes  il  est  fait  men- 
tion de  Libyens  qui  demeuraient  aux  environs 
de  Gérar ,  et  par  conséquent  dans  l'Arabie.  (17) 

Voilà  donc  les  Auteurs  sacrés  et  profanes  réu- 
nis ensemble  pour  placer  une  Libye  dans  l'Ara- 
bie et  sur  les  bords  de  la  Mer  Rouge  ;  et  nous 

(i5)  Hérodote  ,  1.  îv.  c.  186  et  suiv.  Conférez  ce  rapport 
avec  ce  qui  sera  dit  plus  bas  du  Lac  Triton. 

(i4)  Dionys.  Periegct.  p.   33  et  34. 

(i5)  Steph.  Byzaut.  '  Appana,  q  pio-ôyuoç  Avfityç. 

(16)   Conférez  Gen.  xix.  58.  avec  Deut.  11.  19.  Au  Ch.  m.  16 
du  Deutéronome,  il  est  dit  clairement  que  les  frontières  de  la 
portion  donnée  aux  Tribus  de  Ruben  et  de  G  ad  louchaient  à 
celles  du  Pays  d'Ammon. 
(17)  Conférez  2.  Parai,  xiv.  14.  avec  2.  Parai,  xvi.  8. 


SECTION    TROISIÈME.       §.2.  5l 

n'hésitons  point  à  croire  que  c'est  de  cette  Li- 
bye que  les  Egyptiens  ont  voulu  parler  dans  le 
récit  qu'ils  ont  fait  à  Solon  de  l'expédition  des 
Atlantiques.  Le  Lecteur  achèvera  de  s'en  con- 
vaincre ,  en  considérant  quel  est  l'autre  pays  que 
les  Egyptiens  ont  annoncé  pour  frontière  de 
l'Atlantique. 

Platon  le  nomme  Tyrrhénia.  Ses  Traducteurs 
ont  rendu  ce  mot  par  Etrurie  ,  et  il  est  vrai  que 
les  Historiens  Grecs  nomment  ainsi  cette  Pro- 
vince de  l'Italie.  Mais  pour  peu  qu'on  fasse  atten- 
tion, l'on  verra  clairement  qu'il  est  impossible 
que  les  Egyptiens  aient  voulu  parler  de  la  Tos- 
cane ni  d'aucune  autre  Province  située  en  Eu- 
rope. La  raison  en  est  simple.  Selon  les  Egyp- 
tiens mêmes  ,  l'Atlantique  doit  avoir  été  un  pays 
d'une  étendue  d'environ  quatre  degrés,  c'est-à- 
dire,  à  peu  près  de  120  lieues  de  France.  Ce 
Royaume  a  dû  s'étendre  du  Nord  au  Midi  ;  et 
par  une  de  ses  extrémités  il  a  dû  toucher  à 
l'Egypte.  Que  l'on  prenne  maintenant  la  Carte  de 
l'Asie  fn°L),  et  que  l'on  regarde  la  situation  de 
l'Egypte  ;  l'on  trouvera  qu'au  Nord  elle  est  bornée 
par  la  Méditerranée  et  par  une  partie  du  pays 
d'Edom  ;  au  Midi ,  par  la  Nubie  ;  à  l'Orient ,  par 
la  Mer  Rouge;  au  Couchant ,  par  la  grande  Libye 
Africaine  ;  qu'enfin  elle  est  séparée  de  l'Europe 
par  la  Méditerranée  ,  et  qu'entre  elle  et  la  Tos- 
cane il  y  a  une  distance  infiniment  plus  grande 
que  la  longueur  donnée  par  les  Egyptiens. 


5i  sur  l'atlantique  des  anciens. 

Il  est  une  manière  bien  plus  simple  d'expli- 
quer la  Tyrrhénia  dont  il  est  question  ici  ;  et 
cette  explication  est  conforme  aux  autorités  les 
plus  respectables  de  l'Antiquité,  elle  ne  contre- 
dit en  aucune  façon  le  rapport  de  Platon,  et 
cadre  très-bien  avec  l'opinion  que  nous  pro- 
posons. 

Au  rapport  général  des  Anciens  ,  les  Tyrrhé- 
niens  qui  habitaient  la  Toscane  étaient  une  co- 
lonie d'étrangers  qui  y  étaient  venus  par  mer, 
et  qui  ont  donné  leur  nom  à  cette  Province. 
Cette  colonie  n'était  pas  la  seule  que  ces  étran- 
gers eussent  établie ,  et  nous  en  trouvons  encore 
d'autres  dans  la  Mer  Egée  ,  et  surtout  à  Lemnos 
et  à  Imbros,  dont,  suivant  Apollonius  (18),  ils 
ont  expulsé  les  habitans  naturels  pour  s'y  éta- 
blir à  leur  place. 

Hérodote  dit  que  les  Tyrrhéniens  étaient  une 
colonie  de  Lydiens.  (19)  Denys  d'Halicarnasse , 
en  traitant  de  l'origine  des  Tyrrhéniens,  rap- 
porte les  opinions  de  plusieurs  Auteurs  anciens 
qui  les  placent  tous  ,  tantôt  du  côté  de  l'Ionie,, 
tantôt  du  côté  de  la  Mysie  ,  de  la  Méonie  ou  de 
la  Lydie.  (20) 

(18)  Apollonii  Argon.  1.  4-  ▼•   17^9. 

OÏ  nfiv  f&zv  Trois  ^à  JjtfliîiJet  Aîïpvov  wciiov  ' 
Avfiva  £•'  tlsXetHvliÇ  t>7r  àvfyko-t  Tuç<n)vo7o~t. 

Quœ  gens  Sintiadis  fuerat  prias  incola  Lemni , 

liane  mutare  locos  pubes  Tyrrhcna  coêgit. 
Vid.  Bochart.  Geogr.  Sacr.  1.  2.  c.  33. 

(19)  Hérodote  ,  1.  i.  c.  9/1. 

(20}  Dionys.  Halic.  Anliq.  Rom.  1.  1.  p.   19  et  20 


SECTION    TROISIEME.       §.2.  53 

Valérius  Flaccus  enfin  parle  de  la  Tyrrhénie 
comme  d'une  Province  peu  éloignée  de  l'Éo- 
lie.  (21) 

Que  Ton  prenne  maintenant  encore  la  Carte 
de  l'Asie,  on  observera  que  tous  ces  peuples 
habitaient  anciennement  dans  l'Asie  mineure  et 
sur  les  bords  de  la  Mer  Egée  ou  de  la  Mer  de 
Syrie  ,  lesquelles  font  partie  de  la  Méditerranée. 
On  se  persuadera  de  cette  manière  que  la  véri- 
table Tyrrhénia  doit  avoir  été  sur  les  côtes  de 
la  même  Mer ,  dans  l'Asie  mineure ,  ou  proche 
de  cette  Partie  du  monde. 

Qu'il  nous  soit  permis  d'avancer  ici  une  opi- 
nion que  plusieurs  de  nos  Lecteurs  ne  trouve- 
ront peut-être  pas  destituée  de  fondement.  En 
entendant  les  Egyptiens  parler  de  la  limite  en 
question  ,  Solon  n'aurait-il  pas  pris  le  change  ? 
Dans  les  langues  Orientales  ,  la  ville  de  Tyr  porte 
le  nom  de  ^1^ ,  Tzor,  et  lesTyriens  sont  appe- 
lés Dn Ï2É  ou  fmtf,  Tzorim  ou  Tzorin.  Il  est 
donc  probable  qu'en  parlant  du  Pays  des  Ty- 
riens  ,  les  Egyptiens  l'auront  appelé  ,  selon 
l'usage ,  le  Pays  des  Tzorin.  (22)  Or  ,  les  Grecs 
ayant  déjà  changé  Tzor  en  Tyr  ,  devaient  néces- 
sairement avoir  donné  au  Pays  des  Tzorin ,  le 
nom  du  Pays  des  Tyrin  ;  et  de  là  le  nom  de  la 

(21)  Val.  Flacc.  Argon.  1.  i.  v.   576. 

JEoliam  ,   Tyrrhenanue  tendit  ad  antra. 

(22)  Voyez  la  savante  Lellre  de  M.  l'Abbé  Barthélémy  ,  insé- 
rée dans  le  Journal  des  Savans  ,  du  mois  d'Août  1760. 


£>4  sur  l'atlantique  des  anciens. 

Province,  Tyrrhenia,  en  y  ajoutant  seulement 
une  terminaison  Grecque.  Ce  qu'il  y  a  de  cer- 
tain, c'est  que  si  les  Auteurs  anciens  sont  d'ac- 
cord entr'eux  ,  en  faisant  venir  les  Tyrrhéniens 
des  côtes  de  l'Asie,  ils  ne  le  sont  aucunement 
sur  l'endroit  précis  d'où  ils  sont  partis  ;  cepen- 
dant l'origine  d'un  peuple  si  fameux  par  ses 
expéditions  devait  assurément  être  connue  pour 
le  moins  autant  que  celle  des  Tyriens.  Ajoutez 
à  cela  ,  qu'outre  la  ressemblance  qui  se  trouve 
entre  les  noms  de  Tyriens  et  de  Tyrrhéniens, 
la  description  de  leur  pays  ,  de  leurs  expédi- 
tions ,  ainsi  que  la  quantité  de  leurs  Colonies 
revient  beaucoup  à  ce  que  nous  savons  des  Ty- 
riens et  des  Phéniciens  en  général.  La  Tyrrhénie 
était  une  Province  de  l'Asie  mineure  ;  la  ville 
de  Tyr  à  la  vérité  est  située  dans  la  Syrie;  mais 
il  n'y  a  qu'un  petit  trajet  de  mer  pour  aller 
de  l'une  à  l'autre.  Elles  ne  sont  séparées  l'une 
de  l'autre  que  par  l'Isle  de  Chypre.  Les  Tyrrhé- 
niens avaient  établi  des  Colonies  dans  la  Mer 
Egée  ,  à  Athènes  ,  dans  le  Péloponnèse ,  en  Italie. 
Les  navires  des  Tyriens  couvraient  non-seule- 
ment la  Mer  Egée,  mais  toute  la  Méditerranée. 
Les  Phéniciens  avaient  des  établissemens  dans 
Athènes  ,  dans  d'autres  endroits  de  la  Grèce , 
ainsi  que  sur  les  côtes  d'Afrique  ,  d'Espagne , 
des  Gaules  et  de  l'Italie.  On  ne  saurait  assuré- 
ment désirer  une  ressemblance  plus  grande  ,  ni 
par  conséquent  une  raison  plus  séduisante  pour 


SECTION    TROISIÈME.       §.    2,  55 

croire  que  Tyriens  et  Tyrrhéniens  sont  synony- 
mes. Par  la  même  raison  la  Tyrrhénia  de  Platon 
ne  sera  plus  autre  chose  que  le  district  de  la 
domination  de  la  ville  de  Tyr;  et  en  prenant  ce 
district  pour  l'autre  frontière  de  l'Atlantique  , 
opposée  à  l'Egypte ,  nous  trouverons  que  tout 
sera  d'accord  avec  le  récit  que  les  Egyptiens 
ont  fait  à  Solon.  L'Atlantique  s'étend  du  Nord 
au  Midi  :  il  faut  suivre  cette  direction- pour  aller 
de  Tyr  en  Egypte.  L'Atlantique  avait  trois  mille 
stades  en  longueur  :  de  la  ville  de  Tyr  à  celle 
d'Elath ,  qui  est  sur  les  bords  de  la  Mer  Rouge, 
il  y  a  une  distance  à  peu  près  égale.  L'Atlanti- 
que s'étendait  plus  en  longueur  qu'en  largeui^: 
le  Pays  de  la  domination  des  Israélites  qui 
remplit  l'espace  entre  les  deux  extrémités  sus- 
dites ,  est  également  plus  long  qu'il  n'est  large. 

Mais  en  supposant  même  que  Tyriens  et 
Tyrrhéniens,  loin  d'être  synonymes  ,  soient  en 
effet  deux  peuples  différens  ,  il  n'en  sera  pas 
moins  constant  que  ces  derniers  étaient  une 
Nation  dont  la  principale  demeure  était  au  bas 
de  l'Asie  mineure ,  sur  les  bords  de  la  Mer  Egée , 
exactement  à  l'opposite  de  la  ville  de  Tyr,  et 
n'en  étant  séparée  que  par  une  espèce  de  golfe. 
Ce  qui  assurément  ne  doit  pas  faire  un  objet 
dans  une  description  aussi  générale  que  celle 
que  Solon  a  reçue  des  Egyptiens. 

Nous  croyons  donc  [pouvoir  conclure  de  là , 
que  soit  que  l'on  regarde  le  district  de  la  ville 


56  sur  l'atlantique  des  anciens. 

de  Tyr  pour  l'ancienne  Tyrrhénia  ,  soit  qu'on 
donne  ce  nom  à  une  partie  des  côtes  de  l'Asie 
mineure  ,  il  en  résulte  également  que  la  vérita- 
ble Atlantique  ne  peut  se  trouver  que  sur  les 
côtes  de  la  Méditerranée  entre  l'Egypte  et  l'Asie 
mineure,  et  que  par  conséquent  l'on  ne  doit 
reconnaître  à  ce  nom  que  la  Terre  des  Israélites. 

§.  3.      Villes  de  V Atlantique. 

Après  l'examen  des  frontières  de  l'Atlantique  , 
il  sera  nécessaire  de  voir  ce  que  les  Anciens 
nous  disent  des  principales  villes  de  cet  Empire- 
Qpmmençons  pour  cet  effet  par  entendre  Dio- 
dore  de  Sicile.  Cet  Auteur  dit  «  que  les  Ama- 
»  zones  ,  filles  des  Atlantiques  ?  ont  bâti  une 
»  grande  ville  proche  du  Lac  de  Triton  ,  à  la- 
»  quelle ,  à  cause  de  sa  situation  ,  elles  ont 
»  donné  le  nom  de  Ksodowiaoç  •>  Chersonesus , 
»  c'est-à-dire,  isle  déserte  ou  sablonneuse,  (23)» 
Pour  bien  entendre  ce  passage  ,  il  faut  observer, 
i°  que  dans  le  style  Oriental ,  le  nom  de  filles  est 
toujours  donné  aux  villes  dépendantes  des  Capi- 
tales ,  de  même  que  celles-ci  portent  ordinaire- 
ment le  nom  de  mères  (24);  20  que  pour  dési- 
gner les  habitans  de  cette  ville  ,  Diodore  de 
Sicile  donne  aux  filles'  des  Atlantiques  le  nom 

(25)  Diodore  de  Sicile  ,  1.  nr.  c.  27. 

(24}  Voyez  encore  la  Leltre  de  M.  l'Abbé  Barthélémy  ,  citée 
ci-dessus ,  page  53. 


SECTION   TROISIÈME.       §.    3.  5j 

d'Amazones  ,  et  que  rien  n'est  plus  propre  que 
ce  nom  pour  caractériser  les  Enfans  d'Israël  (2 5); 
3°  que  l'ancienne  Capitale  de  la  Palestine  s'ap- 
pelait |V2£ ,  Sion  ,  et  que  ce  nom  traduit  littéra- 
lement signifie  exactement  la  même  chose  que 
KeporoviQTOç,  Chersonesus.  (26)  4°  Cette  ville  de 
Chersonesus  ne  doit  pas  avoir  été  loin  du  Lac 
Triton.  Or  il  y  a  tout  lieu  de  présumer  que  ce 
Lac  est  le  même  que  celui  que  nous  connais- 
sons sous  le  nom  de  Mer  Morte  ou  de  Lac  As- 
phaltite  ;  ce  dernier  n'étant  éloigné  que  très- 
peu  de  la  ville  de  Jérusalem ,  où  était  située 
l'ancienne  ville  de  Sion.  Pour  nous  faire  connaî- 
tre ce  Lac  plus  particulièrement  ,  le  mêine 
Diodore  de  Sicile  dit  encore  ,  «  que  les  filles 
»  des  Atlantiques  avaient  habité  une  Isle  située 
»  au  couchant  du  Lac  ïritonide  ,  laquelle  par 
»  cette  raison  était  appelée  Hespérie  ;  que  ce 
»  Lac  n'était  pas  éloigné  de  l'Océan  ;  qu'il  était 
»  ainsi  nommé  à  cause  de  la  rivière  Triton  qui 

(25)  Plusieurs  Auteurs  anciens  en  ont  fait  un  nom  Grec  ,  et 
par-là  ils  ont  donné  occasion  à  cette  fable  d'une  République  de 
femmes  qui  n'a  jamais  existé.  Ce  nom  est  purement  Hébreu.  11 
est  composé  d'Am  ,  D^?  5  peuple ,  et  de  T.20n,7X2£  5  troupeau; 
et  il  peut  être  traduit  par  Peuple  à  troupeaux  ou  Peuple  Pasteur, 
Les  enfans  d'Israël  s'étaient  donné  ce  nom.  Dans  la  déclaration 
qu'ils  firent  à  Pharaon  ils  se  disent  être  T&>£2£  Hi^  ?  Rohe 
Tzon ,  Pasteurs  de  troupeaux ,  ce  qui  est  à  peu  près  la  même 
chose  que  ^H}£  D^-  Gen.  xlvi.  32  ,  33. 

(26)  ^V2£  signifie  un  endroit  sablonneux  et  désert  ;  il  est  em- 
ployé dans  ce  sens  par  Isaïe  ,  c.  xlii.  i5  ;  et  %eç<rôvwoç  offre 
exactement  le  même  sens. 


58  sur  l'atlantique  des  anciens. 

»  s'y  jetait  ;  et  que  cette  ïsle  touchait  à  l'Ethio- 
»  pie  ,  près  d'une  montagne  qui  était  la  plus 
»  élevée  de  la  contrée,  et  qui  était  appelée  Atlas 
»  par  les  Grecs.  » 

Rien  n'est  plus  exact  que  cette  description, 
pour  nous  dépeindre  le  Lac  Asphaltite.  Au  cou- 
chant du  Lac  Triton  est  située  YHespérie.  Ce 
mot  est  la  traduction  Grecque  et  littérale  du 
mot  y*\y ,  Ereb ,  qui  désigne  l'Arabie.  (27)  Il 
tient  son  nom  d'une  rivière  qui  s'y  jette  :  cette 
rivière  c'est  le  Jourdain,  (28)  11  n'est  pas  éloigné 
de  l'Océan  :  il  n'y  a  qu'une  très-petite  distance 
du  Lac  Asphaltite  à  la  Méditerranée  et  à  la  Mer 
Rouge.  (29)  H  est  proche  de  l'Ethiopie  :  le  Lac 

(27)  c/E(7îT£p<j?  ,  en  Grec  ,  signifie  le  coucher  du  Soleil.  Le  nom 
de  l'Arabie  dérive  d'Ereb ,  3"))?  ?  qui  a  la  même  signification  , 
et  cette  Province  se  trouve  au  couchant  du  Lac  Asphaltite. 

(28)  Le  Jourdain  prend  sa  source  du  côté  du  Mont  Liban  ;  il 
traverse  le  Lac  de  Cinnereth  ;  il  parcourt  ensuite  la  Galilée  ,  et 
va  se  perdre  dans  le  Lac  Asphaltite.  Le  Lac  de  Cinnereth  porte 
aussi  le  nom  de  Lac  de  Galilée  ,  parce  qu'il  est  situé  dans  la 
Province  de  ce  nom  :  et  comme  le  Jourdain  ,  en  sortant  de  ce 
Lac  ,  traverse  la  même  Province  ,  nous  ne  devons  pas  être  sur- 
pris qu'on  lui  ait  donné  le  nom  de  fleuve  de  Galilée.  Or  cette 
Province  est  appelée  ainsi  ,  à  cause  des  villes  de  Gilgal  et  de 
Galgalah  qui  y  étaient  situées.  Le  nom  de  Gilgal  descend  de  la 
racine  /7^  Galal ,  de  là  aussi  37)7^7  A  >  Galgeleth  ,  qui  signifie 
un  crâne  ;  et  le  nom  du  Lac  Triton  dérive  du  Grec  Tp im  ,  qui 
signifie  également  un  crâne  ,  et  qui  est  en  même  temps  le  nom 
d'une  ville  qu'Etienne  de  Byzance  place  dans  la  Palestine. 

(29)  Diod.  de  Sicile  ,  1.  m ,  dit  que  les  Phrygiens  demeuraient 
sur  le  bord  de  l'Océan  ;  donc  ce  nom  était  donné  indistinctement 
à  la  Méditerranée  et  à  la  Grande  Mer. 


SECTION    TROISIÈME.       §.    3.  5o, 

Asphaltite  touche  au  Pays  d'Edom  ,  qui ,  comme 
nous  lavons  déjà  prouvé  plus  haut ,  est  syno- 
nyme d'Ethiopie.  (3o)  Il  est  enfin  près  du  Mont 
Atlas  ;  cette  montagne ,  au  rapport  de  Diodore 
de  Sicile  (3i)  ,  était  appelée  ainsi  par  les  Grecs. 
Mais  quel  en  était  le  véritable  nom  ?  L'Auteur 
ne  le  dit  pas.  Selon  l'aveu  des  Anciens  ,  le  Mont 
Atlas  était  situé  au  milieu  de  la  Libye  ;  et  ce 
terme  très-général  désigne,  comme  nous  l'avons 
prouvé  dans  l'Histoire  des  Atlantiques  ,  une 
partie  de  l'Arabie.  (3i)  Ceci  présupposé  ,  le  Mont 
Atlas  ne  sera  pas  difficile  à  trouver.  Si  les  Israé- 
lites sont  les  vrais  Atlantiques  ,  on  reconnaîtra 
le  Mont  Sina  dans  la  description  du  Mont  Atlas. 
Cette  montagne  enfin  était  proche  de  l'Océan  : 
du  Mont  Sina  à  la  Mer  Rouge  il  n'y  a  qu'une 
très-petite  distance.  Nous  concluons  de  tout 
ceci ,  que  la  ville  de  Chersonesus  ,  bâtie  par  les 
prétendues  filles  des  Amazones  ?  n'est  autre 
chose  que  la  ville  de  Sion. 

Après  avoir  entendu  Diodore  de  Sicile , 
écoutons  maintenant  Platon.  «  Au  milieu  du 
»  pays  ,  dit  cet  Auteur  ,  il  y  a  une  plaine  belle 
»  et  fertile ,  laquelle  décline  en  s'abaissant  vers 
»  la  mer  ,  et  proche  de  cette  plaine  était  une 

(3o)  Les  Ethiopiens  habitaient ,  selon  Denys  le  Périégète  ,  le 
pays  d'Erythia  ;  'Eçv$-ços  >  d'où  le  nom  Grec  de  ce  pays  dé- 
rive .  veut  dire  rouge.  Edom ,  Q1K  ?  en  Hébreu  ,  a  la  mcnic 
signification. 

(3i)  Diod.  de  Sicile  ,  1.  m.  c.  27. 

(3a)  Voyez  Sect.  ni.  §.   2.  ci-dessus,  p.  49* 


60  sur  l'atlantique  des  anciens. 

w  petite  montagne  fortifiée  par  des  remparts  et 
»  des  fossés.  (33)  »  Cette  situation  est  exactement 
celle  de  la  ville  de  Salem.  Maginus  dit  «  que  cette 
»  ville  était  située  sur  un  endroit  élevé  et  mon- 
»  tagneux  ,  de  manière  que  de  quelque  côté  que 
»  Ton  s'y  rendît ,  le  chemin  allait  toujours  en 
»  s'élevant.  (34)  »  Quant  à  la  petite  montagne  , 
elle  est  connue  sous  le  nom  de  Sion  ,  dont  il 
est  souvent  fait  mention  dans  l'Ecriture  ,  et  que 
nous  savons  avoir  été  très-bien  fortifiée. 

«  Sur  cette  montagne  ,  continue  Platon  , 
»  étaient  situés  le  Palais  du  Roi  et  le  Temple. 
y>  Il  y  avait  aussi  un  pont  pour  passer  le  fossé 
»  qui  entourait  l'ancien  Fort ,  et  pour  aller  au 
»  Palais  du  roi ,  au  Temple  et  aux  autres  Bâti- 
»  mens  Royaux.  Ce  fossé  était  si  grand  ,  qu'à 
»  peine  pouvait-on  croire  que  des  hommes  l'eus- 
»  sent  fait.  (35)  »  Cette  description  revient  en- 
tièrement à  ce  que  Strabon  nous  dit  de  la 
ville  de  Jérusalem  et  de  la  montagne  de  Sion.  «  La 
»  ville  ,  dit-il ,  était  attenante  au  fort  ;  elle  était 
»  très-bien  fortifiée  par  un  mur  de  pierres  de 
»  taille  ;  elle  avait  abondamment  de  l'eau  au 
»  dedans  ,  mais  au  dehors  l'eau  manquait  ,  à 
»  l'exception  d'un  fossé  d'eau ,  muré  de  pierres 
»  de  taille  ,  dont  la  profondeur  était  de  6o  pieds , 

(33)  Extraits  du  Critias  ,  n°  18  et  suiv. 

(34)  Maginus  ,  in  Judaeâ. 

(35)  Extraits  du  Critias  ,  n°  52  et  suiv. 


SECTION    TROISIÈME.       §.3.  6l 

»  et  la  largeur  de  25o.  (36)  »  On  ne  saurait 
exiger  une  conformité  plus  parfaite  que  celle 
qui  se  trouve  entre  ces  deux  descriptions. 

Après  avoir  parlé  de  la  Capitale ,  Platon  ajoute 
que  «  les  Atlantiques  avaient  trois  Ports  de  mer , 
»  lesquels  étaient  remplis  de  vaisseaux.  (37)  » 
Les  Israélites  n'avaient  que  trois  Ports  connus , 
dont  deux  sur  la  Méditerranée ,  savoir  ceux  de 
Joppé  et  de  Gaza  ,  et  un  sur  la  Mer  Rouge  ,; 
savoir  celui  d'Elath  ,  dans  lequel  Salomon  tenait 
sa  flotte  pour  le  commerce  d'Ophir.  (38) 

§.  4»     Intérieur  du    Vays   Atlantique  ,  et  sa 
fertilité. 

Après  la  description  des  Ports ,  Platon  nous 
offre  celle  de  l'intérieur  du  Pays  qu'il  nous  dé- 
peint comme  des  plus  abondans  et  des  plus  fer- 
tiles. Cette  description  est  même  si  ample ,  que 
je  me  contenterai  de  n'en  rapporter  ici  qu'un 
extrait.  «  La  terre  ,  dit  Platon  ,  leur  produi- 
»  sait  tout  ce  qu'on  y  trouve  ailleurs  de  solide 
»  et  de  fusible.  Le  métal  que  nous  ne  connais- 
»  sons  plus  que  par  le  nom  ,  savoir  l'Orichal- 
»  que ,  opziyj&kxov ,  se  trouvait  à  plusieurs  en- 
»  droits  dans  le  Pays  ;  et  c'était  là  ce  qu'après  l'or 
»  on  estimait  alors  le  plus.  Il  y  venait  aussi  des 

(36)  Strabon  ,1.    16. 

(37)  Aic&ÇâvTt  £%  rovç  Xtfttvctç  g|a>  ryiïç  ovrtzç  ,  âfëâptvov  àno 
rîjs  ruxârl^s  jjv  h  xuscXé  ru^oç  ,  . . . .  ô  £%  àva,7rXovs  xut  0  (t'iyiçoç 
àtftw  'lytf&i  7rXoia)v.  Plato  ,  in  Critia. 

(58)  2.  Parai.  11.   16.  —  3.  Rcg.  ix.    16. 


6i  sur  l'atlantique  des  anciens. 

»  bois  de  construction  de  toute  espèce  ;  elle 
»  abondait  en  animaux  tant  domestiques  que 
»  sauvages.  Il  y  avait  une  grande  quantité  d'Elé- 
»  phans.  Les  animaux  de  tout  genre  y  trouvaient 
»  aussi  une  ample  nourriture.  Elle  produisait 
»  toutes  les  espèces  de  plantes  odoriférantes , 
»  des  racines  ,  des  herbes ,  des  bois ,  des  liqueurs , 
»  des  sucs  ,  des  fleurs  et  des  fruits.  On  y  trou- 
»  vait  des  raisins  et  tous  les  autres  fruits  qu'on 
»  pouvait  demander  ,  soit  pour  satisfaire  au  be- 
»  soin ,  soit  pour  flatter  le  goût  :  et  tout  y  venait 
»  en  abondance  ,  puisqu'on  y  faisait  deux  récol- 
»  tes.  (3g)  » 

Telle  est  en  abrégé  la  description  que  Platon 
nous  offre  du  Pays  Atlantique.  Mettons-y  à  côté 
celle  que  Moïse  nous  donne  de  la  Palestine. 
«  Le  Seigneur  votre  Dieu  ,  dit-il  aux  Israéli- 
»  tes ,  va  vous  faire  entrer  dans  une  Terre 
»  pleine  de  ruisseaux  ,  d'étangs  et  de  fontai- 
»  nés  ,  où  les  sources  des  fleuves  sortent  des 
»  plaines  et  des  montagnes  ;  dans  une  Terre  qui 
»  produit  du  froment ,  de  l'orge  et  des  vignes  , 
»  où  naissent  les  figuiers ,  les  grenadiers  ,  les 
»  oliviers  ;  dans  une  Terre  abondante  en  huile 
»  et  en  miel ,  où  vous  aurez  de  quoi  manger 
»  sans  que  vous  en  manquiez  jamais  ,  où  vous 
»  serez  dans  une  abondance  de  toutes  choses  ; 
»  dont  les  pierres  sont  de  fer  ,  et  dont  les  mon- 
»  tagnes  sont  pleines  d'airain  ;  et  vous  aurez 
»  des  Bœufs  ,  des  troupeaux  de  brebis  ,  et  une 

(3o)  Extraits  du  Critlas ,  n°  45  et  suïv. 


SECTION   TROISIEME.       §.    [\.  63 

»  abondance  d'or,  d'argent  et  de  toute  chose.  (4o)» 
Ne  dirait-on  pas  que  la  description  de  l'Atlan- 
tique donnée  par  Platon  est  copiée  d'après  cette 
promesse  de  Moïse  ?  Il  est  vrai  que  nos  voya- 
geurs modernes  ne  reconnaissent  plus  la  Pa- 
lestine dans  cette  description  ,  et  ils  convien- 
nent presque  tous  que  c'est  un  pays  stérile  et 
désert.  Mais  son  état  présent  ne  saurait  décider 
de  ce  qu'elle  a  pu  être  il  y  a  trois  mille  ans.  Quelles 
révolutions  ,  quels  changemens  ce  Pays  n'a-t-il 
pas  subis?  Je  me  contente  donc  de  prouver  que 
cette  promesse  de  Moïse  a  été  accomplie ,  et 
que  les  Juifs  avaient  en  abondance  tout  ce  que 
Platon  vante  de  l'Atlantique. 

Les  Atlantiques  avaient  une  quantité  de  mines 
de  fer  et  d'airain.  David  a  fait  des  amas  prodi- 
gieux de  fer  et  d'airain  pour  la  construction  du 
Temple.  (40  Homère  appelle  la  ville  de  Sidon , 
frontière  de  la  Palestine  ,  TCQ^uya^&ov  ?  riche  en 
airain.  (4a)  La  tribu  de  Dan  apportait  du  fer 
façonné  à  Tyr.  (43)  Dans  la  bénédiction  que 
Moïse  donna  à  la  Tribu  d'Aser ,  il  dit  que  le 
fer  et  l'airain  seront  sa  chaussure.  (44)  Proche 
le  Mont  Liban  il  y  avait  une  ville  appelée  Sa- 
repta  ,   ce   qui  veut  dire  fonderie.  (45)  Pline 

(4o)  Dent.  vin.  8  ,  9. 

(40  1.  Parai,  xxn.  3 — 14.  Voyez  la  Bible  de  Galniet  ,  au 
Deut.  vin  et  suiv. 

(42)  Odyss.  xv.  425. 

(43)  Ezech.  xxvn.    19. 

(44)  Deut.  xxxm,   25. 
(44)  3.,Reg.  xvn.  9  ,    10. 


64  sur  l'atlantique  des  anciens. 

rapporte  que  Cadmus  avait  établi  des  fonderies 
de  métaux  dans  la  Grèce  ,  et  qu'il  avait  apporté 
cette  invention  de  Phénicie.  (46)  Enfin  Eusèbe 
parle  ,  dans  plusieurs  endroits  ,  de  Martyrs  qui 
ont  été  condamnés  aux  mines  de  la  Palestine.  (47) 

V  Atlantique  produisait  des  bois  de  construc- 
tion de  toute  espèce.  Quand  la  Palestine  n'aurait 
eu  que  le  Mont  Liban  ,  elle  aurait  eu  plus  de 
bois  qu'il  ne  lui  en  fallait.  Salomon  y  employa 
80000  Charpentiers  pour  la  construction  seule 
du  Temple. 

V Atlantique  abondait  en  toute  sorte  de  bétail. 
Depuis  les  temps  les  plus  reculés  la  Palestine 
était  habitée  par  des  Pasteurs.  Les  pâturages  y 
étaient  donc  très-bons  ,  et  par  conséquent  le 
bétail  abondant. 

Dans  l'Atlantique  il  y  avait  ^beaucoup  d'Elé- 
phans.  La  Palestine  n'en  avait  point.  Mais  Solon , 
d'après  lequel  Platon  parle  ,  ne  se  serait-il  pas 
trompé  ?  Le  mot  d'ÉTiçotç  •>  Elephas  ,  n'est  pas 
Grec ,  et  il  est  aisé  de  voir  qu'il  dérive  de  l'Hé- 
breu D^/K ?  Elaphim  ,  qui  désigne  des  Bœufs. 
Les  Phéniciens  donnaient  également  aux  Bœufs 
le  nom  A' Elaphim  ;  et  les  Grecs  ainsi  que  les 
Romains  donnaient  au  commencement  le  nom 
de  Bœufs  aux  Eléphans.  (48)  Il  est  aisé  de  voir 

(46)  Plin.  I.  vu.  c.  56. 

(47)  Euseb.  de  Martyr,  c.  v.  et  sur. 

(48)  Voyez  Bochard  ,  en  Hierozoico  ,  c.  xxiii.  «  Etephanles 
»  Jtalia  primum  vidit  Pyrrhi  régis  bello  ,  et  Baves  Lucas  appel- 
»  tavit  in  Lucanis  visos.  »  Plin.  1.  vin.  6. 


SECTION    TROISIÈME.       §.    [[.  65 

par-là  combien  il  était  facile  que  Solon  se  mé- 
prît ,  et  qu'il  donnât  aux  Bœufs  le  nom  d'Éle- 
phans  ,  pendant  que  d'autres  donnaient  aux 
Élephans  le  nom  de  Bœufs.  Ce  sentiment  d'ail- 
leurs est  d'autant  plus  probable ,  que  Platon 
parle  d'une  grande  quantité  de  ces  animaux  , 
tandis  que  l'on  sait  que  les  Elephans ,  même  dans 
leur  pays  natal ,  ne  sont  pas  en  si  grand  nombre. 

Dans  V  Atlantique  il  y  avait  beaucoup  de  plan- 
tes odoriférantes  et  balsamiques.  Tout  le  monde 
sait  que  la  Palestine  en  est  pleine. 

Dans  V  Atlantique  enfin  on  faisait  deux  récol- 
tes par  année.  (49)  Maginus  certifie  la  même 
chose  de  la  Judée.  (5o) 


SECTION     IV. 

Religion  et  Moeurs  des  Atlantiques. 

Après  ce  que  je  viens  de  rapporter  sur  l'His- 
toire de  ce  peuple  en  général ,  sur  ses  Expé- 
ditions ,  et  sur  le  Pays  qu'il  a  habité  ;  il  me  reste 
à  parler  de  sa  Religion  ,  de  son  Gouvernement 
et  des  ses  Mœurs  ;  et  à  prouver  que  ce  que  Platon 
en  dit ,  se  concilie  également  avec  la  Religion  , 
le  Gouvernement  et  les  Mœurs  des  Israélites. 


(49)  K«<  iïis  $vi  too  ivtctuTou  rhv   yîjv   Ikx^ttovvto.   Plato  ,  in 
Critiâ. 

(50)  Maginus  ,  in  Judaeâ. 


66  sur  l'atlantique  des  anciens. 

§  i.     Temple  des  atlantiques. 

Commençons  par  le  Culte  religieux  ,  et  rap- 
portons les  paroles  de  Platon  à  ce  sujet.  «  Au 
»  milieu  de  la  ville ,  dit  ce  Philosophe ,  il  y  avait 
»  un  Temple  consacré  à  Clito  et  à  Neptune  , 
»  lequel  était  couvert  d'or  ,  et  inaccessible  au 
»  vulgaire.  Dans  ce  Temple ,  les  descendans  des 
»  dix  Chefs  s'assemblaient  annuellement  pour 
»  y  faire  un  Service  solennel  selon  leur  cou- 
»  tume.  Ce  Temple  de  Neptune  avait  un  stade 
»  en  longueur  et  trois  plèthres ,  TzIéiïûOL ,  en 
»  largeur.  Son  élévation  était  proportionnée  à 
»  sa  longueur  et  à  sa  largeur  ,  quoique  sa  forme 
»  eût  un  air  étranger.  Les  parties  extérieures 
»  du  Temple  étaient  couvertes  d'argent,  excepté 
»  les  sommets  qui  brillaient  de  l'or  qui  les  cou- 
»  vrait.  Les  voûtes  au  dedans  étaient  toutes 
»  d'ivoire  incrustées  différemment  d'or ,  d'argent 
»  et  d'airain.  Les  parois ,  les  colonnes  et  le  pavé 
»  étaient  incrustés  d'airain  :  ils  y  avaient  en 
»  outre  érigé  des  statues  d'or  :  ils  y  avaient 
»  représenté  le  Dieu  assis  sur  un  char ,  et  con- 
»  duisant  six  chevaux  ailés.  Cette  statue  était  si 
»  grande,  que  sa  tête  touchait  à  la  voûte.  Hors  du 
»  Temple  il  y  avait  aussi  un  Autel  construit  dans 
»  le  même  goût  et  d'une  grandeur  proportion- 
»  née  au  reste  ;  et  toute  la  résidence  Royale 
»  répondait  à  la  considération  et  à  la  majesté  de 


SECTION   QUATRIÈME.       §.    I.  67 

»  cet  Empire  ,  en  contribuant  à  l'ornement  des 
»  saintes  cérémonies,  (j)» 

Après  cette  description  du  Temple  des  Atlan- 
tiques ,  je  demande  à  chacun  de  mes  Lecteurs  , 
s'il  y  a  moyen  de  donner  en  abrégé  un  tableau 
plus  exact  du  Temple  de  Salomon  ?  Mais  que 
dira-t-on  ,  lorsque  j'aurai  prouvé  que  jusques 
aux  dimensions  tout  est  conforme  au  Temple 
dont  je  viens  de  parler  ? 

Platon  dit  que  le  Temple  des  Atlantiques  avait 
un  stade  en  longueur  et  trois  plèthres  en  lar- 
geur. En  parlant  de  stades  ,  il  est  croyable  que 
ce  Philosophe  entendait  le  stade  Olympique, 
qui  était  de  son  temps  la  mesure  la  plus  com- 
mune ;  et  au  rapport  de  Censorin  (2) ,  un  stade 
contenait  600  pieds  romains ,  ou  ,  selon  le  cal- 
cul de  Kircher,  100  coudées  Egyptiennes. 

Le  Temple  de  Salomon  (3),  à  ce  que  nous  dit 
l'Écriture  ,  avait  en  longueur 60  coudées. 

Le  Parvis  qui  était  devant  en  avait  10 

Les  deux  avant-cours  ensemble   18 


Ce  qui  fait  en  tout 88  coudées. 

La  mesure  exacte  des  coudées  Hébraïques  ne 
nous  est  point  connue  ,  et  par  conséquent  nous 
pouvons  croire  que  les  douze  coudées  qui  man- 
quent sont  le  complément  de  la  différence  qu'il 

(i)  Extraits  du  Critlas ,  n°  57  et  suiv. 
(2)   Censorin.  c.   xm. 
(5)    1.   Ueg.  vi.  5  et  seq. 


68  sur  l'atlantique  des  anciens. 

y  avait  entre  la  mesure  des  Juifs  et  celle  des 
Egyptiens.  Peut-être  même  que  les  Egyptiens, 
en  donnant  cette  mesure ,  ont  préféré  un  nom- 
bre rond.  Quoi  qu'il  en  soit ,  il  sera  toujours 
certain  que  la.  longueur  du  Temple  donnée  par 
Platon  ,  comparée  à  celle  que  nous  trouvons 
dans  l'Ecriture ,  n'en  diffère  que  de  douze  cou- 
dées ,  ce  qui  dans  le  fond  est  peu  de  chose. 

Il  en  est  de  même  à  l'égard  de  la  largeur.  Pla- 
ton la  désigne  sous  le  nom  de  trois  plèthres.  Or, 
en  comptant  cent  vingt  pieds  romains  par  plè- 
thre  (4)  ,  ce  qui  ferait  environ  vingt  coudées 
Egyptiennes  -,  il  en  résultera  que  toute  la  lar- 
geur du  Temple  des  Atlantiques  était  de  soixante 
coudées.  En  comparant  encore  cette  mesure 
avec  celle  du  Temple  de  Salomon,  nous  trouve- 
rons que  celle-ci  était  de  cinquante-six  coudées 
Hébraïques ,  y  compris  celle  des  avant-cours (5) , 
et  je  crois  que  cette  différence  de  quatre  coudées 
ne  doit  pas  encore  nous  arrêter. 

«  Ce  Temple  était  consacré  à  Neptune  et  à 
»  Clito.  (6)  »  Il  était  naturel  que  les  Egyptiens 
donnassent  le  nom  de  Neptune  au  Dieu  d'un 

(4)  Voyez  Eiaenmenger  dans  son  Traité  de  mensuris  et  pon* 
cleribus. 

(5)  î.  Reg.  vr.  2,5,6. 

(6)  Neptune  d'ailleurs  portait  en  particulier  le  nom  de  domi- 
nateur et  maître  de  la  Mer  Rouge.  Eurlp.  in  Hippol.  v.  752. 
Tout  le  monde  connaît  en  outre  le  fameux  Temple  de  Posido- 
nium  sur  les  bords  de  la  Mer  Rouge  et  proche  du  passage  des 
Israélites. 


SECTION    QUATRIÈME.       §.     I.  69 

Peuple ,  qui ,  comme  ils  le  disaient ,  était  sorti  de 
la  mer.  Quant  à  Clito  ,  ce  nom  est  Grec  ;  et  il 
est  dérivé  de  rikioç  ,  gloire.  Or,  du  Temple  de 
Salomon  il  est  dit  qu'au  jour  de  sa  consécra- 
tion ,  la  Gloire  du  Seigneur  vint  dans  une  nuée 
pour  y  habiter ,  et  qu'elle  remplit  le  Tem- 
ple. (7) 

«  Dans  ce  Temple  il  y  avait  beaucoup  de  sta- 
»  tues.  (8)  »  Nous  reconnaissons  à  cela  les  figu- 
res des  Chérubins  dont  les  parois  intérieures 
du  Temple  de  Salomon  étaient  ornées. 

«  Il  y  avait  dans  le  Temple  un  Char  attelé  de 
»  six  chevaux  ailés  ,  lequel  était  le  siège  de  la 
»  Divinité.  »  Rien  n'est  si  propre  pour  nous  re- 
présenter l'Arche  de  l'Alliance  ;  l'Ecriture  elle- 
même  donne  à  cette  Arche  le  nom  de  Char.  (9) 
Elle  était ,  comme  on  sait ,  entourée  de  Chéru- 
bins ailés  ,  et  surmontée  d'une  nuée  qui  annon- 
çait la  présence  de  la  Divinité ,  et  qui  touchait 
jusqu'au  haut  de  l'édifice.  (10) 

(7)  KXicç ,  veut  dire  gloire  :  dans  la  nuée  qui  reposait  au- 
dessus  de  l'arche  était  la  gloire  du  Seigneur.  Cette  nuée  était  ap- 
pelée Sliechinali ,  H ÏP2V}  •  Ce  mot  est  féminin  ,  et  de  là  , 
selon  toutes  les  apparences  ,  la  fable  du  mariage  de  Neptune 
avec  Clito. 

(8)  1.  Reg.  vi.  29. 

(9)  Î"DZHQ  5  carras.  Voy.   1.  Parai,  xxix.  18.    , 

(10)  L'Arche  n'avait  à  ses  côtés  que  deux  Chérubins  ;  Platon 
parle  de  sis  chevaux  ailés.  11  était  aisé  qu'on  se  trompât  sur  le 
nombre  et  sur  la  figure  des  Chérubins.  La  dernière  n'est  connue 
de  personne  ;  le  premier  nous  est  donné  dans  l'Ecriture.  Personne 
n'entrait  dans  le  lieu  trè3-saint  où  l'Arche  reposait.  Le  Grand- 


70  sur  l'atlantique  des  anciens. 

«L'Autel  du  Temple  des  Atlantiques  était  au- 
»  dehors  de  l'édifice.  »  Celui  du  Temple  de  Jéru- 
salem était  également  dans  le  Parvis. 

§.  2.     Culte  des  atlantiques. 

Passons  de  la  description  du  Temple  à  celle 
du  Culte  qu'on  y  rendait  à  la  Divinité.  «  Dans 
»  ce  Temple  ,  dit  Platon ,  les  descendans  des  dix 
»  familles  Atlantiques  s'assemblaient  annuelle- 
»  ment  une  fois  pour  y  faire  un  Service  solen- 
»  nel  selon  leur  coutume,  (i  i)  »  C'est  la  Pâque 
des  Israélites. 

«  Les  Lois  des  Atlantiques  étaient  gravées 
»  sur  une  Colonne  d'airain  pour  en  perpétuer  la 
»  mémoire ,  et  elles  furent  déposées  dans  le  Tem- 
»  pie.  »  Que  l'on  substitue  à  la  Colonne  d'airain 
les  Tables  de  Moïse  et  le  Livre  de  la  Loi ,  dont 
les  premières  ont  été  déposées  dans  l'Arche  de 
l'Alliance ,  et  l'autre  à  côté  d'elle ,  et  tout  sera 
d'accord. 

«  Sur  cette  même  Colonne  était  gravé  un  ser- 
»  ment  qui  annonçait  les  malédictions  les  plus 

Prêtre  seul  y  avait  accès  ;  encore  n'était-ce  qu'une  fois  par 
an.  Est-il  étonnant  que  les  étrangers  aient  varié  dans  la  descrip- 
tion de  ce  lieu  mystérieux  ?  Il  en  est  de  même  des  Néréides 
dont  il  est  fait  mention  dans  Platon ,  et  dont  cet  Auteur  dit 
qu'elles  entouraient  le  Char.  Si  cet  endroit  était  inaccessible , 
comme  les  Egyptiens  le  disent  eux-mêmes ,  comment  pouvait- 
on  en  donner  une  description  exacte  ? 
(u)  Extraits  du  Critias  ,  n°  84  et  suiv. 


SECTION    QUATRIEME.       §.    a.  *J f 

»  terribles  à  ceux  qui  désobéiraient.  »  On  peut 
lire  ce  serment  au  Deutéronome  (  c.  xxvn. 
v.  ii  et  suivans)  :  après  une  longue  suite  de 
malédictions  ,  ce  serment  finit  enfin  par  ces 
paroles  :  «  Maudit  soit  celui  qui  ne  demeure 
»  pas  fermement  dans  les  ordonnances  de  cette 
»  Loi ,  et  qui  ne  les  pratique  pas  ;  et  tout  le 
»  peuple    dira ,  Amen. 

«  Les  Atlantiques  ,  poursuit  Platon  ,  après 
»  avoir  immolé  ,  selon  leur  Loi ,  et  sanctifié  les 
»  membres  de  la  victime ,  versaient  sur  chaque 
»  partie  un  peu  de  sang.  Ensuite  ils  jetaient  une 
»  partie  de  ces  membres  au  feu ,  en  faisant  des 
»  aspersions  autour  de  la  Colonne  (Autel).  Après 
»  cela  ils  prenaient ,  avec  des  bassins ,  du  sang 
»  hors  du  vase  ,  et  en  faisaient  des  libations 
»  dans  le  feu ,  et  en  même  temps  ils  juraient 
»  qu'ils  jugeraient  selon  la  Loi  gravée  sur  la 
»  Colonne  ;  qu'ils  puniraient  celui  qui  oserait 
»  l'enfreindre;  qu'eux-mêmes  ne  la  transgresse- 
»  raient  jamais  de  propos  délibéré  ;  qu'ils  n'or- 
»  donneraient  rien  qui  lui  fût  contraire  ,  ni 
»  n'obéiraient  si  quel  qu'autre  leur  commandait 
»  une  chose  semblable.  (12)  »  En  lisant  ce  pas- 
sage ,  on  dirait  qu'il  est  transcrit  du  Chapitre 
xxiv  de  l'Exode.  Il  y  est  dit  que  «  Moïse  en- 
»  voyades  jeunes  gens,  des  Enfans  d'Israël ,  qui 
»  offrirent  des  holocaustes  et  qui  sacrifièrent  des 

(12)  Extraits  du  Crilias  ,  n°  90  et  suiv. 


^1  SUR   L  ATLANTIQUE   DES    ANCIENS. 

»  veaux  à  l'Eternel  en  sacrifices  de  prospérité; 
»  et  Moïse  prit  la  moitié  du  sang  et  la  mit  dans 
»  des  bassins  ,  et  il  répandit  l'autre  moitié  sur 
»  l'Autel.  Ensuite  il  prit  le  Livre  de  l'Alliance , 
»  et  le  lut  ;  le  Peuple  écouta  ,  et  y  répondit  en 
»  disant  :  Nous  ferons  tout  ce  que  l'Eternel  a 
»  dit ,  et  nous  obéirons.  Moïse  prit  alors  le  sang , 
»  et  le  répandit  sur  le  peuple  ,  en  disant  :  Voici 
»  le  sang  de  l'Alliance  que  l'Eternel  a  faite  avec 
»  vous  selon  toutes  ces  paroles.  (i3)  » 

Ces  deux  passages  n'ont  besoin  d'aucun  com- 
mentaire. Je  me  contenterai  donc  ,  avant  que  de 
finir  mes  observations  sur  le  Culte  des  Atlanti- 
ques ,  d'ajouter  une  seule  remarque  au  sujet  de 
la  pluralité  des  Temples  dont  Platon  fait  men- 
tion ,  laquelle  paraît  contraire  à  l'Histoire  des 
Juifs  ,  auxquels,  comme  nous  savons,  il  était 
défendu  d'avoir  d'autres  Temples  que  celui  de 
Jérusalem.  Cette  difficulté  tombera  d'elle-même, 
si  nous  faisons  attention  aux  circonstances  sui- 
vantes ;  savoir  :  i°  Quoique  Platon  fasse  mention 
de  plusieurs  Temples  ,  il  parle  pourtant  de  celui 
de  la  Capitale  ,  comme  du  Temple  par  excel- 
lence ,  et  où  il  fallait  que  tous  les  Chefs  de  fa- 
mille se  rendissent  au  moins  une  fois  par  an. 
i°  Il  est  vrai  que  Dieu  avait  défendu  aux  Juifs 
d'avoir  plusieurs  Temples  ;  mais  il  leur  était  per- 
mis d'avoir  partout  des  Oratoires  ou  des  Syna- 
gogues. L'on  sait  en  outre  que  cette  défense  a 

(i3)  Exode,  xxiv.   4 — 8. 


SECTION    QUATRIÈME.       §.    1.  j3 

été  fort  mal  observée  de  leur  part.  Déjà  ,  du 
temps  des  Juges,  plusieurs  ont  commencé  de 
sacrifier  chez  eux  (i4);  Salomon  même  sacrifia 
sur  les  hauts  lieux  (i5)  ;  après  sa  mort  et  lors 
de  la  fameuse  division  des  Tribus  ,  Jéroboam 
bâtit  un  Temple  sur  le  Mont  Garizim.  (16)  Plu- 
sieurs autres  Rois  de  Juda  sacrifièrent  tantôt 
sur  les  hauts  lieux  et  tantôt  à  Baal  même.  (17) 
Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  de  la  multiplicité 
des  Temples  dont  il  est  question  dans  Platon. 
Ce  n'était  pas  aux  étrangers  à  distinguer  le 
culte  ordonné  de  Dieu ,  d'avec  les  abus  qui  s'y 
étaient  glissés.  Ils  ont  rapporté  ce  qu'ils  ont  vu , 
et  cela  doit  nous  suffire. 

§.  3.     Gouvernement  et  Mœurs  des  Atlantiques. 

Les  Anciens  nous  ont  transmis  si  peu  de  lu- 
mières au  sujet  du  Gouvernement,  des  Mœurs  et 
des  Usages  des  Atlantiques  ,  que  nous  pourrions 
nous  dispenser  d'en  faire  mention ,  si  nous  ne 
croyions  nécessaire  de  montrer  que  le  sentiment 
que  nous  proposons  s'y  trouve  encore  confirmé. 
Nous  ferons  donc  quelques  remarques  sur  la 
manière  de  vivre  des  Atlantiques  ,  sur  leur  Gou- 
vernement et  sur  leur  Langue. 

Quant  au  premier  article  ,  Diodore  de  Sicile 

(i4)  Juges  ,  11.    12, 

(i5)  3.  Rois.  xi.  4  et  suiv. 

(16)  3.  Rois.  xii.   28  et  suiv. 

(17)  4.  Rois.  vin.   17  ,  18  ,  etc. 


74  sur  l'atlantique  des  anciens. 

nous  apprend  que  «  les  premiers  Chefs  des 
»  Atlantiques  étaient  des  Pasteurs  ,  et  qu'ils  vi- 
»  vaient  principalement  des  productions  de  leurs 
»  troupeaux.  (18)  »  Personne  n'ignore  que  c'était 
là  la  principale  occupation  des  Patriarches  et  des 
premiers  Israélites  ;  nous  en  trouvons  des  preu- 
ves dans  presque  toutes  les  pages  de  la  Genèse. 

Cette  vie  pastorale  endurcissait  les  Atlanti- 
ques au  métier  de  la  guerre  dans  lequel  ils  ex- 
cellaient ,  puisque  non-seulement  par  la  force 
des  armes  ils  se  sont  emparés  du  pays  qu'ils 
habitaient ,  mais  que  par  la  suite  ils  ont  encore 
soutenu  plusieurs  guerres  difficiles.  La  même 
chose  nous  est  rapportée  du  Peuple  de  Dieu , 
qui  non-seulement  a  vaincu  par  les  armes  les 
habitans  du  pays  dont  il  s'était  mis  en  posses- 
sion ,  mais  qui  par  la  suite  du  temps  a  très- 
souvent  été  en  guerre  avec  les  Nations  voisines. 

Le  Gouvernement  des  Atlantiques  était  mo- 
narchique, mais  au  commencement  il  était  beau- 
coup mitigé  ,  et  il  ressemblait  plutôt  à  une  aris- 
tocratie. Platon  ,  qui  dit  d'abord  que  la  puis- 
sance suprême  avait  été  donnée  à  l'aîné  des 
Atlantiques  ,  lequel ,  par  la  suite  ,  l'avait  trans- 
mise à  son  fils ,  nous  assure  bientôt  après ,  qu'au 
commencement  chacun  des  dix  Chefs  de  famille 
régnait  d'une  certaine  manière  en  Souverain 
dans  les  Villes  et  dans  les  Provinces  de  sa  domi- 

(18)  Diodore  de  Sicile  ,  1.  iv. 


SECTION    QUATRIÈME.       §.    3.  ^5 

nation  ,  et  que  cette  forme  de  Gouvernement 
leur  avait  été  prescrite  par  la  Loi  que  Dieu  leur 
avait  donnée.  (19)  Or  ,  telle  était  précisément  la 
forme  de  Gouvernement  chez  les  Juifs  ,  après  la 
prise  de  possession  de  la  Terre  de  Chanaan.  Cha- 
que Tribu  se  gouvernait  par  ses  Chefs ,  et  tel 
était  Tordre  que  Dieu  même  y  avait  établi.  Les 
Juges  ne  furent  nommés  que  dans  des  occasions 
extraordinaires ,  et  ce  ne  fut  que  près  de  quatre 
siècles  après  leur  entrée  dans  la  Terre  promise , 
que  les  Tribus  ont  été  réunies  sous  un  seul  chef 
qui  porta  le  nom  de  Roi.  Encore  ce  changement , 
(  à  cause  du  motif  qui  l'avait  inspiré  )  a-t-il  été 
désapprouvé  par  l'Eternel  ,  comme  on  peut  le 
voir  dans  le  premier  Livre  des  Rois.  (20) 

Au  reste  ,  suivant  Platon  ,  «  les  Rois  Atlan- 
»  tiques  possédaient  tant  de  richesses  ,  qu'il  y 
»  eut  un  temps  où  ils  n'eurent  point  leurs  pa- 
»  reils.  (21)  »  C'est  comme  si  Platon  avait  lu  les 
paroles  que  Dieu  adressa  à  Salomon  ,  en  di- 
»  sant  :  «  Je  t'ai  donné  des  richesses  et  de  la 
»  gloire  ,  de  sorte  qu'il  n'y  aura  point  de  sem- 
ï>  blable  à  toi  entre  les  Rois  ,  tant  que  tu 
»  vivras.  (11)  » 

«  Les  Rois  Atlantiques  possédaient  non-seu- 
»  lement  leur  Pays ,  mais  leur  pouvoir  s  eten- 

(19)  Extraits  du  Crltias  ,  n°  30  et  suiv. 

(20)  1.  Reg.  vin.  7  ,  8. 

(21)  Extraits  du  Crltias,  n°  42. 

(22)  5.  Reg.  m.  3. 


76  sur  l'atlantique  des  anciens. 

»  dait  sur  les  Pays  contigus  et  jusqu'aux  fron- 
»  tières  d'Egypte.  (23)  »  Selon  le  rapport  de  l'Ecri- 
ture ,  «  Salomon  dominait  sur  tous  les  Rois , 
w  depuis  le  Fleuve ,  jusqu'au  Pays  Philistin ,  et 
»  jusqu'aux  frontières  d'Egypte.  (24)  » 

Pour  preuve  de  la  puissance  des  Atlantiques , 
Platon  rapporte  «  que  dans  l'enceinte  exté- 
»  Heure  de  la  Capitale  il  y  avait  un  cirque  , 
»  et  que  dans  d'autres  endroits  il  y  avait  des 
»  YUJ^VttCFMG  ,  gymnases,  pour  les  hommes  et 
»  pour  les  chevaux ,  (c'est-à-dire  ,  des  logemens 
»  et  des  lieux  d'exercice  pour  l'Infanterie  et  pour 
»  la  Cavalerie,)  et  qu'à  l'entour  du  Château  il  y 
»  avait  des  logemens  pour  les  gardes  du  Roi.  (25)  » 
De  Salomon  il  est  dit,  «  qu'il  a  eu  i4oo  cha- 
»  riots  de  guerre  ,  et  12000  hommes  de  che- 
»  val  ;  qu'il  avait  ceux-ci  en  quartier  dans  les 
»  Villes  où  étaient  les  chariots  ,  à  l'exception  de 
»  ceux  qu'il  avait  fait  rester  à  Jérusalem  pour  la 
»  garde  de  sa  personne  ;  et  qu'enfin  il  avait  eu 
»  des  écuries  pour  40000  chevaux.  (26)  » 

Quant  enfin  à  la  Langue  de  ce  Peuple ,  nous 
n'en  avons  que  très-peu  de  vestiges  ;  mais  dans 
cette  disette  même,  c'est  beaucoup  de  voir  que 
ce  qui  nous  reste  annonce  l'idiome  des  anciens 
Israélites.  Pour  prouver  ce  fait ,  je  ne  répéterai 

(23)  Extraits  du  Crltlas ,  n°  40. 

(24)  2.  Parai,  ix.   26. 

(25)  Extraits  du  Crltlas ,  n°  72  ,  73. 

(26)  3.  Ileg.  ix.   19.  x.  26. 


SECTION    QUATRIÈME.       §.    3.  77 

pas  ici  ce  que  j'ai  dit  plus  haut  au  sujet  d'un 
des  Chefs  Atlantiques  ,  que  dans  la  Langue  du 
pa}rs  on  l'appelait  Gadir ,  qui  revient  au  Gad 
des  Hébreux  ;  mais  je  citerai  deux  autres  exem- 
ples qui  serviront  à  prouver  la  même  chose. 

Diodore  de  Sicile  nous  apprend  (3o)  que  l'on 
donnait  aux  Nymphes  le  nom  d'Atlantides  , 
parce  que  clans  la  langue  de  ce  peuple  le  mot 
Nymphe  ,  vûjJLCpv)  ,  désignait  une  femme.  Or  , 
ce  mot  est  sûrement  Hébreu.  De  la  racine  rpj 
Nuph  ,  dérive  non-seulement  le  mot  de  n££)JJ 
ou  *£}Q3  ,  Nimphé  ,  qui  dans  le  langage  Rabbi- 
nique  signifie  une  nouvelle  mariée  (3i);  mais 
la  signification  de  la  racine  même  rend  très-bien 
l'idée  que  les  Anciens  s'étaient  formée  des  Nym- 
phes ;  celles-ci  étaient  regardées  comme  les  Di- 
vinités des  fontaines  et  des  sources,  et  Fp^, 
Nuph  ,  en  Hébreu,  veut  dire,  distiller ,  tomber 
en  gouttes.  (3s) 

Selon  le  même  Auteur  ,  un  certain  Jupiter , 
oncle  paternel  d'Atlas  ,  avait  dix  fils  ,  qu'on  ap- 
pelait Kouqtîtocç  ,  Curetés.  Ce  mot  est  encore 
tout-à-fait  Hébreu  ,  étant  formé  de  celui  de 
ÏVIp?  Kiriath  ,  qui  veut  dire  district ,  famille; 
de  manière  que  les  dix  Curetés  ne  sont  encore 
autre  chose  que  dix  Chefs  de  famille. 

(3o)  Diodore  de  Sicile  ,  1.  m.  c.  3i. 

(3i)  Buxtoriï  ,  Lexic.  Rabbinic. 

(32)  Par  la  même  raison  nous  voyons  dans  le  »Canlique  des 
cantiques ,  ces  expressions  si  connues ,  où  l'Épouse  du  Messie  est 
appelée  ,  Scaturigo  clausa  ,  Fons  obsignatus ,  une  Source  close  , 
une  Fontaine  scellée. 


78  sur  l'atlantique  des  anciens. 

Telles  sont  en  peu  de  mots  les  recherches  que 
j'ai  pu  faire  sur  le  Gouvernement ,  les  Mœurs 
et  la  Langue  des  Atlantiques.  Si  elles  ne  sont 
pas  abondantes ,  elles  servent  du  moins  à  con- 
firmer les  preuves  que  j'ai  déjà  citées.  Il  ne  me 
reste  plus  que  quelques  mots  à  dire  sur  le  sort 
de  ce  Peuple  ,  et  c'est  par  là  que  je  finirai  le 
parallèle  que  j'ai  fait  entre  l'Histoire  des  Atlan- 
tiques et  celle  des  Enfans  d'Israël. 


SUR    L  ATLANTIQUE    DES    ANCIENS.  79 

SECTION    V. 

Sort  des  Atlantiques. 

i^ET  Article  n'a  pas  besoin  de  discussions  ;  aussi 
ne  nous  y  arrêterons-nous  pas  long-temps.  Pla- 
ton en   fait  mention  à  la  fin  du  fragment  du 
Dialogue  intitulé   Critias.  Il   est  bien  fâcheux 
que  nous  n'ayons  pas  ce  Dialogue  en  entier. 
Le  défaut  commence   précisément  à   l'endroit 
où  Platon  parle  de  la  fin  des  Atlantiques.  Peut- 
être  que  ce  qui  en  est  perdu  aurait  épargné 
à   beaucoup    de  personnes    la   peine  de   faire 
de  fausses  conjectures  à  ce  sujet ,  puisqu'il  est 
certain  que  le  peu  qui  nous  en  reste,  dépeint 
tellement  le  sort  du  Peuple  Juif ,  qu'il   sem- 
blerait que  Platon  l'a  copié  sur  les  Ecrits  des 
Prophètes.  Voici  ce  qu'il  en  dit  (i)  :  «  Telle  est 
»  la  puissance  qui  était  alors  en  ces  lieux ,  et  que 
»  Dieu,  dans  un  certain  ordre  par  lui  établi, a 
»  ramenée  ici  de  la  manière  suivante ,  à  ce  que 
»  l'on  dit  :  Pendant  beaucoup  de  générations ,  et 
»  pendant  tout  le  temps  que  la  Nature  Divine 
»  était  efficace  en  eux ,  ils  obéirent  aux  lois,  et 
»  ils  s'attachèrent  sagement  à  ce  qui  leur  était 
»  inné  de  divin.  Car  ils  n'avaient  que  des  pen- 
»  sées  vraies  et  élevées  ;   et  ils  se  préparaient 

(0  Extraits  du  Critias,  n°  93  et  suiv. 


80  sur  l'atlantique  des  anciens. 

»  avec  modestie  et  avec  prudence  à  tous  les  évé- 
»  nemens  de  la  fortune.  En  méprisant  ainsi  tout , 
»  excepté  la  vertu  ,  ils  regardaient  les  choses 
»  présentes  comme  frivoles.  Loin  de  s'enfler  par 
»  la  possession  de  l'or ,  de  l'argent  et  des  autres 
»  choses  précieuses  ,  ils  les  regardaient  plutôt 
»  comme  un  pesant  fardeau.  Ils  ne  s'enivraient 
»  point  de  l'abondance  de  ces  délices  ,  et  ce 
»  breuvage  ne  les  rendit  ni  furieux  ni  insolens. 
»  Mais  sobres  et  prudens,  ils  remarquaient  que 
»  toutes  ces  choses  augmentaient  chez  eux  par 
»  leur  amitié  commune  et  par  leur  vertu  ;  et 
»  qu'au  contraire,  en  les  recherchant  avec  trop 
»  d'empressement  et  trop  de  passion ,  en  leur 
»  attribuant  un  trop  grand  prix  ,  elles  dimi- 
»  nuaient  et  se  flétrissaient  d'elles-mêmes  ;  que 
»  les  admirateurs  de  ces  choses  périssables 
»  périssaient  avec  elles  ;  tandis  que  par  la  même 
»  raison  ils  eurent  en  abondance  tout  ce  dont 
»  nous  venons  de  parler,  tant  que  la  Nature  Di- 
»  vine  agissait  en  eux.  Mais  la  partie  Divine 
»  ayant  été  opprimée  en  eux  par  les  passions , 
»  elle  y  devint  faible  et  languissante  ;  l'homme 
»  prévalut ,  et  ne  pouvant  plus  supporter  leur 
»  état  présent ,  ils  succombèrent  honteusement. 
»  Alors  Jupiter  ,  le  Dieu  des  dieux ,  vengeur  et  r 
»  gardien  des  lois  par  lesquelles  il  règne  sur  les 
»  hommes ,  et  qui  voit  tout  ce  qui  se  passe , 
»  observa  la  dépravation  de  ces  hommes  autre- 
»  fois  si  illustres,  et  voulant  faire  vengeance, 


SECTION    CINQUIEME.  8l 

»  afin  de  les  faire  rentrer  en  eux-mêmes ,  et 
»  les  rendre  plus  modestes  ,  assembla  tous  les 
»  Dieux  ,  etc .  etc.  »  Ici  le  Dialogue  de  Critias  fi- 
nit :  mais  ce  que  nous  venons  d'en  communi- 
quer au  Lecteur  suffit  pour  faire  entrevoir  l'His- 
toire d'un  Peuple  qui ,  comblé  de  bénédictions , 
méconnut  l'Auteur  de  son  bonheur ,  et  qui  pré- 
férant l'empire  des  passions ,  foula  aux  pieds  les 
lois  que  Dieu  lui  avait  données ,  et  subit  enfin 
la  juste  punition  de  ses  iniquités. 

Il  n'est  pas  nécessaire  d'avertir  ici  le  Lecteur, 
que  ce  récit  est  l'abrégé  de  l'Histoire  du  Peuple 
Juif,  depuis  son  entrée  dans  la  Palestine  jus- 
qu'à sa  Captivité.  Nous  nous  contenterons 
d'ajouter  la  Prophétie  de  Moïse  à  ce  sujet.  (Deut. 
xxix.  19.)  :  «  Qu'aucun  de  vous  ne  se  flatte,  en 
»  disant  en  soi-même ,  Je  vivrai  en  paix  et  je 
»  m'abandonnerai  à  la  dépravation  de  mon  coeur; 
»  de  peur  que  celui  qui  est  comme  enivré  n'at- 
»  tire  la  perte  de  celui  qui  est  dans  la  soif.  Le 
»  Seigneur  ne  pardonnera  point  à  cet  homme , 
»  mais  sa  fureur  s'allumera  d'une  terrible  ma- 
»  nière  ,  et  sa  colère  éclatera  contre  lui.  Il  se 
»  trouvera  accablé  de  toutes  les  malédictions 
»  qui  sont  écrites  dans  ce  Livre ,  et  le  Seigneur 
»  effacera  la  mémoire  de  son  nom  de  dessous  le 

»  ciel La  postérité  et  tous  les  peuples  diront, 

»  en  voyant  ces  choses  :  Pourquoi  le  Seigneur 
»  a-t-il  ainsi  traité  ce  Pays  ?  d'où  vient  qu'il  a  fait 
»  éclater  sa  fureur  avec  tant  de  violence  ?  et  on 

6 


8a  sur  l'atlantique  des  anciens, 

»  leur  répondra  :  Parce  qu'ils  ont  abandonné 
»  l'alliance  que  le  Seigneur  avait  faite  avec  leurs 
»  pères  ,  lorsqu'il  les  tira  d'Egypte  ,  etc.  » 

Il  suffit  d'avoir  allégué  cette  Prophétie ,  et  il 
serait  superflu  de  dire  qu'elle  a  été  accomplie , 
personne  ne  l'ignore  ,  et  nous  voyons  ainsi  que 
le  parallèle  des  deux  Peuples  se  soutient  exacte- 
ment jusqu'à  la  fin.  Que  le  Lecteur  en  décide 
maintenant. 

Si  des  Juges  éclairés  approuvent  le  sentiment 
que  nous  proposons  ,  nous  serons  au  comble  de 
nos  vœux  d'avoir  contribué  à  l'éclaircissement 
d'une  partie  aussi  essentielle  de  l'Histoire  an- 
cienne. Ce  sera  un  surcroît  de  preuves  de  la 
vérité  des  Saintes  Ecritures.  Ce  sera  un  nouvel 
encouragement  d'approfondir  de  plus  en  plus  les 
Antiquités  Egyptiennes  et  Grecques.  Ce  sera  peut- 
être  une  nouvelle  clef  qui  servira  à  débrouiller 
plusieurs  autres  parties  de  la  Mythologie.  Si ,  au 
contraire  ,  on  juge  que  nous  nous  sommes  trom- 
pés, nous  espérons  que  nos  juges  approuveront 
du  moins  notre  zèle ,  et  qu'ils  avoueront  que 
jamais  erreur  n'a  été  revêtue  d'une  plus  grande 
apparence  de  vérité. 


FIN. 


EXTRAITS 

DE  CE   QUI   RESTE   DE  PLATON 

AU  SUJET  DE  L'ISLE  ATLANTIQUE. 


TA  TOY  IIAATQN02 
IIEPI    TH2    ATAANTIA02    NH20X 


AEinOMENA. 


Ces  Extraits  contiennent  tout  ce  que  Platon 
rapporte  de  plus  essentiel  au  sujet  de  l'Atlan- 
tique. Ils  ont  été  pris  de  ses  Dialogues  intitulés 
Timée ,  et  Critias ,  en  conservant  Tordre  du 
discours.  Nous  avons  placé  la  Traduction  Fran- 
çaise en  regard  du  Texte ,  et  pour  la  commo- 
dité du  Lecteur  nous  avons  divisé  ces  Extraits 
en  plusieurs  Alinéas  numérotés  ,  auxquels  se 
rapportent  les  diverses  citations  qui  en  sont 
faites  dans  le  présent  Ouvrage. 


EXTRAITS  DU  TIMÉE. 


1.  Ecoutez ,  Socrate  ,  un  récit  très-peu  vraisemblable , 
et  cependant  très-vrai ,  comme  Solon ,  le  plus  sage  des 
sept  Sages ,  disait  autrefois. 

2.  Celui-ci  était  parent  et  intime  ami  de  Dropidas ,  notre 
bisaïeul,  comme  il  l' assure  lui-même  dans  plusieurs 
endroits  de  son  Poème  ; 

S.  Et  c'est  lui  qui  dit  àCritias  ,  notre  grand-père  ,  ainsi 
que  ce  vieillard  nous  l'a  rapporté  ,  que  les  Athéniens 
avaient  fait  de  grandes  et  merveilleuses  actions,  qui, 
par  la  longueur  du  temps  et  la  destruction  des  hommes 
sont  tombées  dans  l'oubli 

4.  Je  vous  raconterai  cette  ancienne  histoire  que  j'ai 
entendue  moi-même ,  et  qui  ne  vient  pas  d'un  jeune 
homme. 

5.  Critias  ,  comme  il  le  dit  lui-même ,  était  alors  déjà 
âgé  de  près  de  quatre-vingt-dix  ans,  pendant  que  je 
n'en  avais  que  dix 

6.  Il  y  a  dans  l'Egypte  un  Nome ,  appelle  Saïtique ,  situé 
dans  le  Delta ,  à  l'endroit  où  le  Nil  commence  à  se 
diviser. 

7.  La  plus  grande  ville  de  ce  Nome'  était  nommée  Sais, 
Le  joi  Amasis  en  tirait  son  origine. 

8.  La  divinité  protectrice  de  cette  ville ,  s'appelle  Neïtfi 
en  Egyptien ,  ce  que  les  Grecs  ont  rendu  par  Athené 
(  Minerve.  ) 

9.  Par  cette  raison  les  peuples  de  cette  ville  aiment 
encore  beaucoup  les  Athéniens ,  et  se  disent  même 
en  être  parens. 

10.  Aussi  Solon  rapporte-t-il  que  dans  son  voyage  il  avait 
été  comblé  d'honneurs  par  ces  habitans. 

11.  11  s'entretenait  quelquefois  avec  eux  sur  des  événe- 
mens  anciens ,  et  il  discourait  surtout  avec  les  Prêtres 
qui  étaient  les  personnes  les  plus  instruites  parmi  eux. 

12.  Il  s'aperçut  pour  lors  ,  que  ni  lui  ni  aucun  autre  Grec 
ne  savait ,  comme  on  a  coutume  de  dire,  rien  du  tout 
à  cet  égard 


EK.   TOY  TIMAIOY. 


1.  ''  Akxi  èï)y  Z  "ZaKpctrts,  Xoyx  fA.k'K»  peu  utÔtfh  ,  7rctv}oi7raffi 
yt  pwv  âxtâxçy  as  ^it  lav  \7f\0\  roÇav  cvÇeLrcfloç  2oA»v  %or  V'^jy. 

2.  7Hv  fci)v  âv  oIkuoç ku)  e-Cplfycc  ÇtXos  ijfuv  Açair&is  72  fF^o%k%7F}t , 
xot$-U7rtp  >!tya  TroAA^aw  y^  etvros  h  ly   7roti)rtt. 

3.  nfoç  £\  Kçilîotv  rov  ùpireçov  irânTrov  %i%iv  (  as  ci7riftvt}ftôvtvti 
aZ  %p\s  hf^S  «  y'epw  )  ort  ptiyâXct  j£  B-ctupctçu  rijs  e%  un 
vretXettcc  eçyct  Iks  TfôXtus  5  v7Fo  %çôva  t§  tyboçcis  âvjfa^af 
yÇcivto'pivci. ..... 

4«   'Eya  tyekra  irahcttoi  âxtjKoas  Xoyov  ,  ov  veS  àvfyos» 

5.  yHv  fwv  yup  $t)  Tort  Kptriets  (  as  ÏÇ>v  )  %t$*6i>  tyylç  vfo 
1m  mtvijKo/let  trcoV)  \ya  £i  Trtj  pk'hiça.  èexelys 

6.  vEf*  ris  x»T  AYyu7rrov9  h  1%  Aétflei  ,  vrtfi  0  xcflct  xopvÇKv 
%{ÇtTCtt  to  t2  Né/a»  pivota  5   2#ïr<xW    èjnxcfA^MÊVo?  vo^og-. 

jr.   Toutou  â\  tS  vexées  f^iyUi}  woXts  'Zciïs  '    o$tv  £*>  *$  ''  Af^ctatç 

jjv  0  ficteitevs. 
8.    Oi    tZs  ttÔMcùs   Stos   ctp%qyoç   eçtv  ,   Aïyv^rrtii  pàv  rovvofttt 

N>?i'3-,  'EXXqvw   J^g ,   as   0  tKilvm   Xoyos ,    'AS-yva. 

g.  M«A«6  J*e  ÇiXctS-iiVoitot  kmI  Itvot  toottov  oîxiïot  tmP  thaï 
tycurlv. 

10.  Oi  $j  SoXav  %q>ij  7roptvB-ùs  cr^o^px  n  yin<&xt  wap  avroïs 
tvlipos. 

11.  Kct)  ^«  ^  7#  iraXaia  knpulm 3  7»?  fc&Xtça  irtp\  luvrx 
1m  «péav  Ipirupus. 

1 2.  2#e J"<?v  «ré  esyTo»  are  «AAov  c/EAAj;v«  »^év«  »^éi>  (  »*  èVoy 
«Vêî»  )   iï^ôrx   Trep)  1m  lotûlm  ùviuptlv 


86  EXTRAITS    DU    TIMÉE. 

13.  Un  jour  un  des  plus  anciens  Prêtres  lui  adressa  la 
parole  et  lui  dit  :  «  O  Solon  ,  Solon  ,  vous  autres 
»  Grecs  vous  êtes  toujours  enfans  ;  il  n'y  a  pas  un  Grec 
»  vieillard » 

14.  Car  vous  êtes  tous  des  novices  pour  ce  qui  regarde 
l'antiquité ,  et  vous  ignorez  tout  ce  qui  s'est  passé  an- 
ciennement ,  soit  ici ,  soit  chez  vous 

15.  Vous  ne  savez  pas  quelle  était  dans  votre  pays  la  plus 
belle  et  la  meilleure  génération  d'hommes  qui  ait  ja- 
mais existé,  et  de  laquelle  il; n'est  échappé  qu'une 
faible  semence  dont  vous  êtes  les  descendans 

16.  Je  veux  ,  ô  Solon ,  sans  vous  rien  dissimuler  ,  vous 
raconter  tous  ces  événemens,  pour  l'amour  de  vous, 
et  surtout  pour  l'amour  de  cette  Déesse  qui  eut  votre 
ville/et  la  nôtre  en  partage,  qui  a  nourri  et  instruit 
l'une  et  l'autre,  et  même  la  vôtre  pendant  mille  ans  , 
en  vous  formant  de  la  Terre  et  de  Vulcain ,  ainsi  que 
nous. 

17.  Tout  ce  qui  s'est  passé  dans  notre  Gouvernement, 
depuis  huit  mille  ans ,  est  écrit  dans  nos  Livres  sacrés  ; 
mais  je  vous  exposerai  en  abrégé  ce  qui  est  arrivé  à 
ces  Citoyens  pendant  neuf  mille  ans ,  ainsi  que  leurs 
lois  et  leurs  actions  les  plus  éclatantes 

18.  Nos  écrits  rapportent  comment  votre  République  a 
résisté  aux  efforts  d'une  grande  puissance ,  qui,  sortie 
de  la  mer  Atlantique ,  avait  injustement  envahi  toute 
l'Europe  et  l'Asie  ;  car  pour  lors  cette  mer  étaitguéable. 

19.  Sur  ses  bords  était  une  isle ,  vis-à-vis  de  l'embou- 
chure ,  que  dans  votre  langue  vous  nommez  Colonnes 
d'Hercule. 

20.  Cette  isle  était  plus  étendue  que  la  Libye  et  l'Asie 
ensemble. 

21.  De  là  les  voyageurs  pouvaient  passer  à  d'autres  isles, 
desquelles  on  pouvait  se  rendre  dans  tout  le  Continent 
situé  à  l'opposite  et  sur  les  bords  de  la  mer,  qui  pro- 
prement est  appelée  Pontus. 

22.  Quant  au  côté  qui  est  au-dedans  de  l'embouchure 
dont  nous  parlons  ,  il  y  a  un  port  dont  l'entrée  est  fort 
étroite. 


EK  TOT  TIMAIOT.  87 

10.    K«/  Itvct  £<Vé7v  t5v  \ipm  iv  ft»Xet  7rethoitav  3  a>  ZoA»y  2cA»*> 
"EAAgytt  cet*  7Fotïhs  tçt3   yïpm  ^"EA^v  ix  èf/J» 


l4-  "iîsre  7T*A/y  yeo*  è|  «p^«ff  yin&i ,  a^y  ùMres  ovn  loti 
lôh  ,   «Vê  7«Jv   TTflîp'  v^îy  ,    oow  «v  h  lois  7ret^etto7s  fflôvois. ... 

15.  'Et*  J^e  t<>  x#AA<r<»y  ?£  Uptçov  yivoç  Itt  ccvJpaTFtss  h  ly 
XVÇO&  1y  7Fecft'  vuïv  èx  \çi  ytyovos  '  ê£  #y  cw  re  ?£  w«o*«  *i 
noXis  Ici  lavuv  vpw  ,  trtptteiÇS-èvloç  iro?e  o-7rippctlos  fy*%îoç.... 

16.  Q>B-ovoç  ù^itÇy  à  SoAay  *  âXXci  c-S  ri  tvtxa  ipa  »£7«V  vrôteaç 
vpm  '  f-ckhiça,  $*i   k)  Iks   3-eS  %hyw  ,  13  7*jy  re  vpilipciv  9$  rw 

vfttv  ïricrt  %(Xiot$ ,   ix  Tî}Ç  ri  j£  *H<p«*Vs  ,  to  <r%ipfA&  irctpccXd- 

17.  TijV  J^ê  hB-â^i  iïictKOtrp.ifo-iaiç  Trctp  q/wv  h  lois  tipoîç 
ypuft/Lcetiriv  oxlaxifttXiav  trm  ùptS-ftoç  yiypct7rloii.  îlifi  ête  lav 
hvctxi%lhict  irq  yiyovôrav  noXirw  <ro\  àyXéva  ^ict  fipei%iaf 
vo/lws  ri ,   *£  lav   'igycùv   ctùro7$   0  xâhXt?ov   t7rpu%S-fj 

18.  Aïyu  loi  yiyoufifAivti,  ,  o<njy  >}  %oXiç  vpZv  wctvo-i  ttoIi 
Mvctfctv  iï fiait  Tropivofcivqv  upot,  îiri  %k<r#,v  EôpaiTrqv  t§  'Aoiuvy 
i^aB-iv  opj&qS-iïo-eiv  ix  75  ' ArXoivrtxts  TFiXkyas.  r'on  yc&p  Tropivtrt- 
/uov    «y  %    ixu  TTiXctyoç. 

ig.  N^ç-ûy  yap  7rfo  7»  çépctlos  ii%iv ,  «  xttXiîn  {as  <j?«rï  v/nuç) 
'HpetxXiiaç   çfaetç. 

20.  'H    J"è   vtjtroç    'âpu,   Atfiùt)ç    «y   ^    'Anus   pil^m-. 

21.  'E|  i)?  bn,G#Tûy  l?r<  7«?  uXXetç  VK<nss  roi?  %r  lyiynrt 
iropiuopcivots  ,  ix  ^e  7Sy  vt/învy  é5T<  7«y  xetravl txpv  •xé.vm 
it7rupov  y  7«v    îrepi  7ày   «A^S-/yoy    txeTyoy    irôvlov. 

22.  Tctoe  ^ey  y«p  otrct  ivros  tS  çopctros  cù  hiyoftw y  (patvtrett 
ùi/wv  nviv  rtva   uçttXovv  i%eov. 


88  EXTRAITS    DU    TIMEE. 

23.  Là  est  la  mer  qui  proprement  est  appelée  Pelagus  ; 
et  la  terre  qui  de  tous  côtés  l'environne  réellement 
est  justement  appelée  Continent,  {a) 

24.  Dans  cette  isle  Atlantide ,  il  y  avait  des  Rois  dont  la 
puissance  était  très-grande. 

25.  Elle  s'étendait  sur  cette  isle  ainsi  que  sur  beaucoup 
d'autres  isles  et  parties  du  Continent. 

26.  Ils  régnaient  en  outre,  d'une  part ,  sur  tous  les  pays 
du  côté  de  la  Libye  jusqu'en  Egypte ,  et  de  l'autre , 
savoir  du  côté  de  l'Europe ,  jusqu'à  Tyrrhénia. 

27.  Ces  forces  réunies  ont  tenté  de  soumettre  votre  pays , 
le  nôtre  et  toutes  les  Provinces  qui  se  trouvent  en-deçà 
de  ladite  embouchure. 

28.  Alors ,  ô  Solon ,  la  puissance  de  votre  République 
acquit  une  réputation  de  force  et  de  vertu  supérieure 
à  celle  de  tous  les  autres  mortels. 

29.  Car  en  surpassant  toutes  les  autres  en  génie  et  dans 
l'art  militaire ,  elle  commandait  à  une  partie  des  Grecs, 
tandis  que  forcés  de  se  retirer ,  les  autres  l'avaient 
abandonnée. 

30.  Mais  quoique  réduite  à  une  pareille  extrémité ,  elle 
triompha  cependant  de  ses  agresseurs  ,  et  en  érigea 
des  trophées  ;  elle  garantit  de  la  servitude  ceux  qui  en 
étaient  menacés. 

SI.  Et  quant  à  nous  autres  qui  demeurons  au-dedans  des 
frontières  d'Hercule  (6) ,  elle  nous  rendit  à  tous  le  salut 
et  la  liberté. 

32.  Mais  lorsque  dans  les  derniers  temps  il  arriva  des 
tremblemens  de  terre  et  des  inondations  ,  tous  vos 


[a)  Que  l'on  substitue  au  mot  d'Zs/e  celui  de  Province ,  qui  signifie 
la  même  chose  chez  les  Orientaux ,  et  que  l'on  suppose  que  l'embou- 
chure dont  les  Prêtres  Egyptiens  parlent,  soit  l'embouchure  du 
Nil,  que  leg%"ecs  avaient  coutume  de  nommer  embouchure  d'Her- 
cule ;  ce  récit ,  en  lui-même  si  obscur ,  deviendra  très-intelligible. 
Le  voici  :  A  L'embouchure ,  que  vous  nommez  Colonnes  d'Hercule  ,  il  y 
avait  une  Province  plus  étendue  que  la  Libye  et  l'Asie  ensemble.  La 
Phénicie  touche ,  pour  ainsi  dire  ,  la  rive  droite  des  embouchures  du 
Nil ,  et  son  commerce  ,  ses  établissemens  ,  ses  colonies  s'étendaient 
bien  au-delà  de  la  Libye  et  de  l'Asie.  De  cette  Province  les  voyageurs 
pouvaient  se  rendre  dans  d'autres  qui  conduisaient  au  Continent ,  situa 
à  l'opposite  de  cette  embouchure ,  et  sur  les  bords  de  cette  Mer  qui  pro- 
prement est  appelée  Pontus.  De  la  Phénicie  on  passe  aux  Provinces  de 


EK  TOY  TIMAIOY.  gg 

23.  'Ekuvo  £*t  %'iXuyoç  Ïvtcûs  ,  îl  rt  niptiftovo-oi,  oivtx  yy  navriXois 
ùXtjèais  5  o^ôretr    ccv  XiyovTO   *)7retpoç. 

24«  *-E"  ^e  Tj)  'ATXcwrlfo  leivTvi  vaVa  ftiyâxy  cuveçfj  «j  S-ctvficirIt 
^uvapiç   ficto-tXiav. 

25.  Kp««r5<r<J6  ^2v   cwrurqç  l^s   vqo~ou  ,    ttcAASv    J"é    ècXXav    vqcrw 

*)    ftipÔûV     Tt]Ç    YlXilfOV. 

26.  ITpW  ^é  tovtoiç,  tri  rm  lyfcs  rtjiïi  AtÇvqç  /ttev  vp%ov  ct%pt 
-zrpoç  AYyu-zrlov  *    tkç   «Te   Eùçaïnis ,   f*t%pi  TvppyvUç. 

27.  Allrtj   £\  Tetra   %uvct$-pct<&t7<rœ  ùç   tv  '4  ^vvetptç  t'ov  tê  veuf 

VftlV      7§     TOV    7TClf    VfUV    j£    TOV    tVTOS     TOV    Ç-OftClTOS    7Ï01VTCC    TO7T0V 

fiicé    tvot    \%i%dçYt(nv   ôpfâjj    êouXov&at. 

28.  Tore  ovv  vyJoùv  ,  à  ZoXm ,  r^V  ttoXios  yj  iï~ùvcty*tç  tU  a.Tta,VTaç 
*vjpa)7nsç    foettyaims  àpiTy    té  x)  p&fty   lyiviTO. 

2Q.  Hcl'jtuv  yup  •zs-poçacra,  iù-^/v^iee.  5  x)  re%mts  oral  kxtu 
çroXiftov  ,  la  [Àiv  toùv  'EXXwav  yyovyAvvi  3  let  Jh*  uvrn  fcoveo- 
^■tio-ec,  y  1%   âvkyKYjç  toùv  caXXm  ùnoç&VTûùv. 

30.  'E%)  Toiç  \o£Utoiç  àtyty.opkv'/}  Ktviïuvotç  y  »p«TJjW<r<j*  piv  tcûv 
Îtfiovtm  3  Tf>o7rcitoi  âviçsTi  ,  to7s  ^e  fifao  frifovXoptvotç 
hiKûûXVTi    ^aXo^vat. 

31.  TÛç  <^£   ccXXisç  5    ocot    KdTOtKouf4.lv    Ivtos    opuv  'HpuKXueov  9 

ùqflôvcos  eiieeivlois  vXtvB-èpaoïv. 

32.  'fçéoa  ^e  %pova  a-îtcrjuav  \%ot,ioJa>v  £  Kc&TciKXvo'ftaiv  yivopkvw , 
fztccç   yjpcipets    x)    vvktoç  %oiXt7rfïç    eXS-ovs-qç ,    t'oti    wap'    v/aZv 


l'Asie  mineure  qui  est  située  à  l'opposite  de  l'Egypte.  L'Asie  mineure 
conduit  dans  la  Phrygie  qui  est  située  sur  les  bords  du  Pont-Euxin 
qui  est  le  véritable  Pontus  des  Anciens.  Du  côté  qui  est  au-dedans  de 
l'embouchure  d'Hercule  il  y  a  une  entrée  étroite.  C'est  l'entrée  du  port 
d'Alexandrie.  Là  est  la  mer  qui  véritablement  est  appelée  Pelagus,  et 
la  terre  qui  de  tous  côtés  l'environne  réellement ,  est  justement  appelée 
Continent.  Ce  Pelagus  est  la  Méditerranée  qui  de  tous  côtés  est  envi- 
ronnée d'un  vrai  Continent. 

(b)  Les  Grecs ,  selon  ce  récit ,  étaient  au-dcfiors  des  Colonnes  d'Her- 
cule, les  Egyptiens  au-dedans.  Ce  passage  seul  suffît  pour  prouver 
incontestablement  qu'il  n'est  point  question  ici  du  Détroit  de  Gi- 
braltar, mais  d'un  endroit  situé  entre  l'Egypte  et  la  Grèce.  Voyezla 
Note  (rf). 


90  EXTRAITS    DU    TIMEE. 

guerriers  ont  été  engloutis  dans  la  terre ,  dans  le  mal- 
heureux espace  d'un  seul  jour  et  d'une  seule  nuit,  et 
l'isle  Atlantide  disparut  ainsi  dans  la  mer. 
33.  Par  cette  raison  aussi  la  mer  qui  se  trouve  là ,  n'est 
ni  navigable  ni  reconnue  par  personne ,  puisqu'il  s'y 
est  formé  peu  à  peu  un  limon ,  provenant  de  cette  isle 
submergée  (c). 


[c)  Si ,  selon  notre  sentiment ,  cette  mer  innavigable  est  le  Lac 
Asphaltide ,  il  s'ensuivra  que  Platon  confond  ici  les  temps  ;  chose 
très-commune  aux  Grecs  lorsqu'ils  parlent  des  siècles  antérieurs. 
Les  Grecs  étaient  des  en  fans.  Si  le  Lecteur  n'approuve  pas  cette  idée, 
il  pourra  substituer  au  Lac  Asphaltide  celui  de  Siràon ,  situé  entre 


EK  TOT  TIMAIOY.  g, 

/nâ%t/u,dv   7ruv  ,    ù&pôov   e<h>  Ketru  yîtç  ,    *t  rt    'ArXotvriç  vtj<roç 

53.   Ato   t£  vuv   et7ropo)i    j£   ctiïitptvvvTov    yiyovi  toÙku   TreXwyoç , 


l'Egypte  et  la  Phénicie  ,  sur  les  bords  de  la  Méditerranée.  La  des- 
cription que  les  Toyageurs  anciens  et  modernes  en  donnent ,  con- 
vient très-bien  à  ce  que  Platon  en  dit  ici ,  tant  par  rapport  à  sa 
nature ,  que  par  rapport  à  sa  situation. 


EXTRAITS  DU  CRITIAS, 


1»  Il  faut  avant  tout  nous  rappeler  qu'il  y  a  neuf  mille 
ans  depuis  le  temps  qu'il  s'est  élevé  une  guerre  entre 
ceux  qui  demeuraient  au-dessus  et  hors  des  Colon- 
nes d'Hercule ,  et  tous  ceux  qui  habitent  les  pays  en- 
deçà  {d), 

2.  On  dit  que  notre  République  avait  le  commandement 
sur  ces  derniers,  et  qu'elle  conduisait  toute  la  guerre. 

3.  Les  autres  étaient  gouvernés  par  les  Rois  de  i'isle 
Atlantide,  que  nous  avons  déjà  dit  avoir  été  plus  éten- 
due ]que  la  Libye  et  l'Asie ,  et  que  maintenant  c'était 
un  limon  impraticable ,  produit  par  les  tremblemens 
de  terre. 

h.  De  manière  que  ceux  qui  voudraient  le  traverser  en 
venant  d'ici  pour  se  rendre  dans  la  mer  appelée  Pela- 
gus  [é) ,  en  seraient  empêchés  par  des  obstacles  invin- 
cibles. .... 

5.  Les  Dieux  avaient  autrefois  partagé  la  terre  entr'  eux... 

6.  Vulcain  et  Minerve  étant  de  même  nature ,  sortant 
d'un  même  Père  et  ayant  les  mêmes  inclinations  pour 
les  sciences  et  pour  les  arts ,  ont  eu  aussi  la  même 
portion  en  partage,  savoir  cette  contrée ,  qui  par  sa 
nature  est  le  siège  de  la  vertu  et  de  la  sagesse ,  et  qui 
est  faite  pour  elles. 

7.  Ayant  donc  rendu  gens  de  biens  les  habitans  qui  y 
étaient  nés  ,  ils  leur  ont  inspiré  la  forme  de  gouverne- 
ment de  cette  République. 

8.  Les  noms  de  ces  hommes  ont  été  conservés  ;  mais 
la  mémoire  de  leurs  actions  a  péri  par  la  destruction 
de  ceux  à  qui  elle  avait  été  transmise  et  par  la  lon- 
gueur du  temps 


[d)  Dans  le  Timée  ,  c'était  un  Egyptien  qui  parlait  ;  ici  c'est  un 
Grec;  par  conséquent  celui-ci  nomme  le  pays  en-deçà ,  ce  que  l'au- 
tre avait  appelé  le  pays  en-dehors.  Cette  observation  est  nécessaire 
pour  ne  point  s'égarer  ici. 


EK   TOY   KPITIOY. 


1.  Uuvlm  JSj  TrpcoTov  fivq£-à)uîv  ,  on  to  tctçâhatov  *iv  hvetKts 
èT*l  Xl^lei  **<?'  *  ytyovcoç  l^vù^ij  Troteftos  to7s  a~'  hmp  Hpu- 
xXuus  ç^Xus  e|«  xuTotx^o-t  x)  rois  Ivtos  naotv ,  ov  ou  vv» 
è^temepuivuv. 

2.  T5v  fàv  èv  «^e  h  "ssrôxis  up%ov<ru  x)  kuvtu  rov  7FoM/xov 
ostot7roXi[AK<rct,o'c&    tXiyiTO, 

3.  Tcov  â*  ol  t%s  'AtXuvJi^os  vnrz  fiavt'Kus ,  >jv  iïyj  AtÇutjs 
x)  'Artois  (til^a  vîjo~ov  ètrav  ttpuptv  tivut  Tort  ,  vov  è^s  v%6 
owrfcw  è\soivu7ropov  nqXo'v. 

4»  Tots  è*  hB-ivé^i  IxTrxéooffiv  Itt)  to  ttuv  KiXuyos ,  asrt  /Ltyx'eTt 
vropivt&ut  xaXvTKV   7rupu%t7v 


5.   Geo)  uzruo-uv   ytj»   tfotï  xutu  rus  l'osas  ^tiXuyxuvov. 


6.  'iKpaUos  à\  xotvijv  xj'Aèqvu  tyvo-iv  s%ôv]ës3  eifieb  fàv  àhXQw 

tX.    luVTif     JJUTpOS  5     Uf~U    à%    <§lX.0Q~0$tU    QlXOTlXVtU    t     tvt    TU 
UVTCC     l^B-ÔvltS    3       OUTOÙ    fllOiV     Ufttyûù      tâ%tV    ,     TJjV^Ê     TJJV     ftâpa* 

etXtï%UTov  3   as  otxnœv  t£  nposÇopov  ùpily  x^  <PpovK<ni  7ri<pvx,u7uv. 

7.  ''Avéras  o^e  ùyuB-ovs  \[&7rotiio-uvTis  uvtÔ%Sovcis  >  \%i  v%v  'l&eo-uit 

T«V     T>}S    ItoXtTitUS   TutlV. 

8.  '  Slv  tu  pàv  ovéfiUTct  citraçui  ,    tu  è\  %pyu  3   iïtu   tus  tZv 
7rupuXu/&j2cLvoyTM  <p$opus  j  t£  tu  fcvxa  tcùv  %pôvav  5  iityuvicB-q. . . 


[e)  Cette  situation  d'un  lac  situé  entre  l'Egypte  et  la  Méditerra- 
née confient  encore  très-bien  au  Lac  Sirbon. 


94  EXTRAITS    DU    CRITIA.S. 

9.  Je  vous  dis  ceci,  en  observant  que  Solon  a  rapporté, 
que  les  Prêtres,  en  lui  racontant  l'histoire  de  cette 
guerre,  et  en  parlant  de  ceux  qui  en  étaient  les  chefs  , 
leur  donnaient  les  noms  de  Cécrops ,  d'Erechthée  , 
d'Erichthonius ,  d'Erisichthon ,  et  de  la  plupart  de  ceux 
que  l'Histoire  rapporte  avoir  vécu  avant  Thésée.  Les 
noms  des  femmes  de  ce  temps  étaient  également  les 
mêmes  [f). 

10.  Maintenant  je  vais  vous  exposer  quel  a  été  au  com- 
mencement l'état  de  ceux  contre  qui  ils  ont  fait  la 
guerre ,  si  la  mémoire  ne  me  trompe  pas  sur  des  faits 
que  j'ai  entendus  dans  ma  grande  jeunesse  ;  afin  que 
vous  ,  comme  mes  amis,  le  sachiez  aussi. 

11.  Mais  avant  que  d'entrer  en  matière ,  il  faut  en  peu  de 
mots  vous  donner  un  avertissement  ,  afin  que  quand 
vous  entendrez  souvent  nommer  ces  étrangers  par  des 
noms  Grecs  ,  vous  n'en  soyez  point  étonnés  ;  car  vous 
allez  en  savoir  la  raison. 

12.  Solon  ayant  voulu  employer  ce  récit  dans  son  Poème , 
et  recherchant  le  sens  littéral  des  noms ,  a  trouvé  que 
ces  premiers  Egyptiens  qui  ont  écrit  cette  histoire ,  les 
avaient  traduits  dans  leur  langue. 

13.  Lui  donc ,  en  prenant  à  son  tour  le  sens  littéral  de 
chacun  d'eux ,  les  a  tous  traduits  dans  notre  idiome. 

14.  Ces  écrits  étaient  autrefois  chez  mon  grand-père , 
maintenant  ils  sont  chez  moi ,  et  je  les  ai  lus  dans 
mon  enfance. 

15.  Si  donc  vous  entendez  les  mêmes  noms  comme  les 
nôtres ,  n'en  soyez  point  surpris  ;  car  je  viens  de  vous 
en  dire  la  raison. 

16.  Or ,  il  y  aurait  à  faire  un  discours  bien  long ,  s'il  fallait 
remonter  jusqu'à  l'origine ,  pour  vous  rapporter  ce 
que  j'ai  déjà  dit  au  sujet  du  partage  que  les  Dieux  ont 
fait  entr'eux  delà  terre ,  en  donnant  aux  uns  de  grands 
districts,  à  d'autres  de  moindres  ,  et  en  instituant  leur 
culte. 

17.  L'Isle  Atlantide  étant  donc  tombée  en  partage  à  Nep- 


[f]  Quelle  présomption  en  faveur  de  l'explication  que  nous  pro- 
posons ,  que  cette  conformité  de  noms  !  Thésée  vivait  environ  vers 
l'an  du  monde  2700.  Les  Israélites  sortirent  d'Egypte  vers  l'année 


EK  TOY  KPITIOY.  g5 

g.  Aiya  S*i  aura  ,  TtK/uectpéfctvoç  ort  yAk^uvoç  rt  ^  'Epe;ç9-Ê6>î 
j£  'EptfcS-oviii  *j  'EçhAxPovoç  y  rm  £t  aXXcov  ru  nXiiçu  ocra  nfo 
t£  Qqrias  lav  uvoù  7rtf>i  rm  ovô/uâruv  ttcâçav  Ù7roftv})ftovttJtlut 9 

T4UTM     iKilvtSS   la    TTûXXà    l^OVOfCU^OvlctÇ  TOVÇ    UfiCtS    ZoAtfV    tÇt 

Tov  rôrt  hqyiï&cu  iroteftov  ,  x}  la.  luv  yvvutKav  tÇluuru..,. 


air 
if  i 


10.  Tâyt    £ti  lav   àvlixoXe/^fjo-âvlcov   uvro7ç  ota  «v ,    m   rt 
àpxfîç   iyévtro    (  [avv[*.*jç  av   pu   çi^^wpvt   m  %ri  nt/Aoïç  ovltç 
VKov<rcifc(v  )    ùs  7o   picov    aura    vov    àTTo^ao-optv  ,    vpclv    rois 
ÇiAots   tivut  Kotva. 

11.  Ta  el^  \ri  fipa%v  "zrfo  roZ  Xoyôv  oit  àqXaxrœt  ,  pu  7roXXcCKtç 
ÙKouovTtç  'EAAfjvtKoi  fiotpÇupaiv  ùvfyav  hlpara  3-aupufyre.  ro 
yaa  a'tnov   aôrav  ■zs-iuey&s. 

12.  EoAâJv  IttivoZv  tU  rnv  aùroZ  7rcr^<riv  x.u,ra%çtyru<&ui  ru>  Xoya>9 
0Kta7ruv6uvôp,tvoç  rtiv  rm  hoparm  o^vvuptv  y  tùpt  ,  roùs  rt 
Aiyunliovs  rovç  -zrparovç   Ikuvovs   aura,   ypa^aptvovSy  tls  tqv 

aUTM     ÇaivilV    /LiiTtJVO^OTUÇ. 

13.  Auras  té  au  ttuXiv  iKaç-%  r\i>  o^iâvoiav  ovôparos  uvu\up£âvavy 
tls  tjjv   qptripuv   aym   Çmtiv  ù%tyya§iro. 

l4«  K#i  laura  yt  JSj  ra  yyupparu  Traça  t&J  7ra7r7ru>  r  h  ,  j£ 
tr  \<zt  7raf  tpo)  vïïv  5  o^taptptXtnjrai  rt  hit    tpou  nato^os  ovlos. 

15.  *Av  oùv  aKovijlè  rotaura  c'ia  j£  ryiï't  hvôpara  5  ftqiïh  vpiv 
ïça  B-aupa.    ro   yup  air  lot    aùrm  tp^ijt. 

16.  MuKpoîj  é^t  ^*i  Xoyou  vj  àç%*i  rôre  ,  tca^ra'Ki^  h  rciç  zrpoo9"£)» 
éAê^Ôjj  5  Ts-tfï  r%ç  rZv  $-tw  Afâiooç  ,  on  xartviiftuvro  yîfv  na- 
o-av  'ivôa  [tiv  putois  Xifétiç ,  m 6 a  ^e  ^  £A«4rr«3/?  ,  «pà,  Suo-ias 
rt  airùïs  x.aruo-x.ivaZfivrtç. 

17.  Owro»  J«  >^  r«v  vs>f<rôvIIo<rètê'M  rliv  ' ArXavrl&^a  Xa%&V)  ijcyovovs 


2A50.  Dans  l'espace  intermédiaire  l'histoire    des  Grecs  place  tous 
les  Héros  dont  Platon  rapporte  ici  les  noms. 


96  EXTRAITS    DU    CRITIAS. 

tune ,  il  y  établit  les  enfans  qu'il  avait  eus  d'une  femme 
mortelle,  et  il  les  fixa  dans  un  certain  canton  de  l'Isle. 

18.  Environ  vers  le  milieu  de  l'Isle  du  côté  de  la  mer ,  il 
y  avait  une  plaine  qui ,  à  ce  qu'on  dit ,  était  le  canton 
le  plus  beau  et  le  plus  fertile. 

19.  Proche  de  cette  plaine  9  encore  vers  le  milieu ,  et  à 
la  distance  d'environ  cinquante  stades  ,  il  y  avait  une 
petite  montagne. 

20.  Elle  était  habitée  par  un  de  ces  hommes  qui  dès  le 
commencement  avaient  été  formés  de  la  terre.  Evénor 
était  son  nom  :  sa  femme  s'appelait  Leucippe. 

21.  Et  ils  avaient  une  fille  unique  qui  portait  le  nom  de 
Clito  ;  celle-ci  étant  devenue  nubile  ,  son  père  et  sa 
mère  moururent. 

22.  Alors  Neptune  s' étant  senti  de  l'inclination  pour  elle , 
la  prit  pour  femme. 

23.  11  entoura  la  colline  qu'elle  habitait  d'une  bonne  cir- 
convallation ,  en  traçant  autour  d'elle  différens  fossés 
et  élévations  de  terre  grandes  et  moindres  alternative- 
ment ;  savoir  :  deux  élévations  de  terre ,  et  trois  fossés 
d'eau. 

1h.  Lesquels  formaient  des  espèces  de  cercles  dont  cet 
endroit  éîaitle  centre,  afin  de  le  rendre  inaccessible 
aux  hommes. 

25.  Car  il  n'y  avait  point  encore  de  navires  pour  lors  , 
et  l'on  ignorait  l'art  de  s'en  servir. 

26.  Et  comme  Dieu ,  il  orna  sans  peine  la  place  enfermée 
dans  cette  enceinte. 

27.  Il  y  fit  jaillir  de  dessous  terre  deux  sources  d'eau , 
dont  l'une  était  chaude  et  l'autre  froide. 

28.  Il  y  fit  aussi  produire  à  la  terre  des  fruits  de  diffé- 
rentes espèces  et  en  grande  quantité. 

29.  Et  il  y  éleva  cinq  couples  d' enfans  mâles  jumeaux 
qui  étaient  nés  de  lui. 

30.  Alors  il  divisa  toute  l'Isle  Atlantide  en  dix  parties. 

31.  Et  il  donna  à  l'aîné  de  ses  enfans  la  demeure  mater- 
nelle avec  le  canton  d'alentour ,  lequel  était  le  plus 
grand  et  le  meillenr  de  tous. 

32.  Il  le  nomma  Roi  des  autres ,  et  il  appella  ceux-ci  Ar- 
chontes. 

33.  Il  donna  à  chacun  d'eux  l'empire  sur  un  grand  dis- 
trict et  sur  un  grand  nombre  d'habitans. 


EK  TOY  KPITIOY.  gj 

utVTis   KUruKtmv    tx    S-vyrîïç    yvvuixos    ytmîcruç    tv    rtvt   totts* 

18.  IIçoç  $-ctXuTTVi  ftev  y  xuru  ^ê  pc'etrov  vraoyç  Trtiïtov  w  5  0  £t} 
ttuvtm  7rtMov  xuXXiço  ,   ùptTvj  re  txuvov  ytn&ut   XiytTUi. 

19.  Jlçbç   rJ  7Tî£ia)   c%    ult    xurèc  pi<rov  çuiïlovs   coç  irtvTKxovra 

20.  Toureà  c%  «y  tvotxoç  rav  ixii  xuru  ccf>%,ctç  \x  yîfs  âvfyav 
yèyoyôrav  y  Eù>ïvaç  fttvlovvofcci,  yvvutx)   £\  avvotxav  Aivxi7r7rv\. 

21.  KXura  £*e  pcovoytvfjî  B-uyuripu  l^fev^TuS-ijv  y  vfa  J[  tU 
àvfyos    iûf  uv    yxovcrqç     t>)$    xopqç ,  «    tê   fcttrijp   nXiuru  t§  0 

TTUryp. 

22.  AùrijÇ  ^e  tU  ïm&ufciuv  Tloa-it^m  tX&aVy   cvppiynuTUt. 

23.  Ku$  tov  yyXoÇov  h  u  xul aixtçut  y  tfotav  tvtpxî)  y  7Ttpipp>)yvvo~t 
xvxXa  y  BuXurrm  yî}$  re  huXXu%  îXuttovç  ftuÇouç  re  srepi 
àxXvXwç  ffûiav  rpo%és  '  Mo  fàv  y  y%s  9  S-uXurrqs  $\  y  rpiîç. 

24.  Oiov  ropvtvm  \x  fAto-qs  rîts  v«V»  5r<*yr#  Yroy  âÇiçarus  >  usli 
ecÇurov  ùvjpaffois  tivut. 

25.  IlXiuet   yup    x)   rb  wXt7v   0V7CCÙ   TOT     *)V. 

26.  Aùrôs  £e  rv»  Ti  h  ft!i<rat  v^tov  ,  oïu  £%  Bios  y  tvpupas 
£ïtxo<T/M]Tiv. 

27.  "fàu-rcf  [Àtv   ê^trru  v7ro  y$s    uvu   wqyeiïet   xoc-yvcruç  y  rà  pàv 

Btp/LCOV  y    "tyv%f0V     ^g    èK    XpWIS    OL7roj>pé0y  y     trtfOV. 

28.  Tpa^àv   $\   vruvlotuv  j£   ïxuvqv   tx   rîjç  yîjç  ùvuiïic^ês. 

2g.  HtVTi  è\  àppivm  îtévtê  ytWKo-etç  haifins ytvv/jo-ufctvos  Ityefym-ù. 

30.  Keà  Ttiv  v%<rdv  t»v  'AtXmti$cc  noio-av ,  è^ixot,  fiift]  xu.ruvuy.6ic. 

31.  TS  fjivt  Tsrçio£uTUTCjt  y  tu  'zrporépi»  yivcyJivn  y  tkv  ri  ftqrpwuit 
oUqtriv  3§  tm  xukXû)  XÎj^tVy    TrXuçqv   ^  âplçqv  oùcuv  â7révst/L&t. 

32.  BufftXiU,    TÊ   TOÎV   OXW  XUTtWVt  y    TÛVÇ    $%    uXXùVÇy    CtpfcOVTUÇ» 

33.  'Exuça  ^e  «p^«y  TroXXav  âvjpairw  t£  7CoXXt)Ç  %upuç  tiïtixtv. 

7 


98  EXTRAITS    DU    CMTÏA.S. 

34.  11  imposa  aussi  des  noms  à  tous.  A  l'aîné ,  c'est-â- 
dire  au  chef,  il  donna  un  nom ,  duquel  par  la  suite 
l'Isle  et  la  mer  furent  appelées  Atlantiques  ;  car  le  nom 
de  ce  premier  Roi  était  Atlas. 

35.  A  son  frère  jumeau  il  donna  le  nom  d'Eumélus  ,  en 
Grec ,  mais  dans  la  Langue  du  pays  ,  Gadirus.  Ce  frère 
eut  en  partage  une  des  extrémités  de  l'Isle  ,  savoir , 
celle  qui  est  située  vers  les  Colonnes  d'Hercule  ,  et 
dans  la  contrée,  qui  de  nos  jours  est  appelée  Gadirica 
d'après  le  nom  de  son  possesseur. 

56.  Des  seconds  jumeaux  qui  naquirent ,  il  appela  le  pre- 
mier Amphérès ,  et  l'autre  Eudaemon. 

37.  Des  troisièmes  ,  l'aîné  fut  appelé  JMnéseus  ,  et  l'autre 
eut  le  nom  d'Autochthon. 

38.  Le  premier  des  quatrièmes  eut  le  nom  d'Elasippus  , 
et  le  second  celui  de  Mestor. 

39.  Des  cinquièmes  le  premier  fut  nommé  Azaès  ,  et  le 
second  Diaprepès. 

40.  Or,  tous  ces  fils  ainsi  que  leurs  descendans  ont  de- 
meuré pendant  un  grand  nombre  de  générations  dans 
ce  pays ,  et  ont  régné  sur  beaucoup  d'autres  isles  si- 
tuées le  long  de  la  mer,  comme  il  a  déjà  été  dit ,  de 
manière  que  leur  puissance  s'étendait  sur  tous  les  pays 
situés  entre  l'Egypte  et  la  Tyrrhénia. 

41.  La  famille  d'Atlas  s'acquit  pendant  long-temps  une 
grande  gloire. 

42.  Le  plus  ancien  régnait  et  transmettait  toujours  le 
royaume  à  l'aîné  de  la  famille  ;  et  de  cette  manière  ils 
ont  conservé  la  royauté  pendant  beaucoup  de  généra- 
tions. Ils  ont  aussi  amassé  des  richesses  si  grandes , 
que  pas  un  Prince  n'en  eut  de  semblables  avant  eux, 
et  que  probablement  aucun  n'en  aura  de  pareilles  par 
la  suite. 

43.  Ils  avaient  à  leur  disposition  toutes  les  choses  néces- 
saires, qu'on  a  coutume  de  fabriquer  dans  les  villes,  ou 
que  l'on  fait  venir  des  autres  pays. 

44.  Plusieurs  choses  leur  arrivaient  au  [commencement 
du  dehors  ;  mais  quant  à  celles  qui  sont  nécessaires  à 
la  vie ,  l'Isle  leur  en  offrait  la  plupart. 

45.  D'abord  ils  avaient  en  plusieurs  endroits  de  l'Isle 
toutes  les  productions  des  mines  ,  soit  solides ,  soit 


EK  TOY  KPITIOY.  qq 

34*  'OvôftotTct  £\  7rccrtv  éS-éto,  rà  fàv  rrptoÇvrûrcd  kui  fiaoia.it 
lou]®  ,  où  £%  j£  nuira  y  vîjo-os  rort  7rtXuyos  \%tv  t7F  m  vf^lav  , 
'  ArXavriKov  Xt^jttv  y  ort  rovvojt  iv  rà  zrpcolca  fiucrttevo-uvTt 
rôrt    ArXas. 

35.  TJ  c^\  foiï'uptàl  ,  ju.tr  ikÎÎvov  rôrt  ytvoptiva  ,  tâliv  <Te 
ax.pas  rîfs  vqirou  -zs-pos  'UpanXtlav  ryXcûv  tiXtj^orty  \%t  %  %s 
Tuait  ptxSis  vvv  %apus  y  xur  ikuvov  rov  rortov  èvo/xu^opitvvis  y 
'EXXfjvtçt  [&tv  Evftqhov  ,  ro  c%  t7Ti%a>ptov  y  Tuchtpov.  o7rtp  uv  rw 
\7rUxww  luvrqv   ovofca   -zrupa%ot. 

36.  To7v  à^t  a^tvripotv  ytvofcivoiv  rov  pàv  ,  'ApQiïpti  y  rov  $\ , 
Evaui/^ovu   ikuXisi. 

3j7.   Tptrrols  0%  ,   Mvjjc-êes  ftkt  y   rd  irporipa  ytvofctva  y   tJ*  J"« 

^ét    ùvrov  y    Avrofcêovu. 
58.   TSv   à^t  rtruprm  y  '  EXuTtzrzrov  fàv  y  rov  vrpolepovy  Mtîçopa 

à^t ,    rov  vçtpov. 
3g.   *E7ni  ^ê  r??  7ri{t7flvis  y  rd  pcsv  ip.7ïpo<&iv*  AZjtyS  ovopct  trtêij  9 

rcS  rf  vçipa  y  Atu7cpt%ns. 

40.  Oùrot  è%  %uv\ts  y  uvrol  ri  ?£  ï>cyovot  rovrm  y  \ni  ytvtus 
7ru/u7roÀXus  ukovv  y  up%ov]is  fàv  ttoXXZv  uXXùùv  navet  ro  7ftXuyos 
vva-œv  y  tri  0^1  y  usietp  ^  Trpôrtpov  ippfài]  9  pi%pt  re  Aiyvnlov 
t£  Tvppyvius   rav   tvros  o~tvpo   t7rup%ovlis. 

41.  "ArXuvlos  ^*)  7FoXv  fàv   uXho  j£   ri^ttov   ylvtrat   yivos, 

42.  BuriXtvs   ai  0  rrptT-Qvruros  un  tu  %ptT%vrurca  rav  tKyôvav 

TTUpU&tfroVS    \"7Ct    ytViUS    7foXXuS  T«V    (Za<riXllUV    O^lKTOùLoV y  TCXovrOV 

ftiv  KiKTqpiVùi  TïX.fyti  rorourov  'otos  obre  7ra  ^pôS-tv  èv  ^uvetçtiettç 
li<rt  fiao-iXiCûv  yïyoni  y  zn  ttoté  vçtpov  ytvècQ-at  pxhoç. 


43.   KetrtirKtueta-fciva  £\   "arâvr»   w   uvrolç  oo-a  Iv   7r0h.ii  y   ?£  oaxe 
kc6tc&   rî}V   aXXijv   %a>pav   rcôv   -zs-pos  xpîjfo'iv    Çqrovfiivav  tçl* 

44*   K«<  7Coh.Xct  pàv  foet  Ttiv  ètp%*iv  etùro7ç  "zrpoçyu  t%ct)Qtv  y  tfXuça 
$\  tj  v%<ros  etùrols  7rctpu%tT0  ils  rus  rov   /3<»   KUruo~Kivuç. 

45.    Tlçarov  fttv  5   orot  ino  ptruXteUs  bpurrô/xtvot   çiptu  *£   ociu 
rtjKru  ytyovt  t£  ro  vvv  bvopatyfctvov  y   rort  «Te  nxiov  bvofturov 

7- 


100  EXTRAITS    DU    CRÎTIAS. 

fusibles ,  et  surtout  Forichalque ,  métal  que  l'on  ne 
connaît  plus  aujourd'hui  que  par  le  nom,  mais  qui 
chez  eux  était  très-connu ,  très-abondant ,  et  ce  qu'il  y 
avait  de  plus  précieux  après  l'or. 

46.  Les  forêts  produisaient  abondamment  toutes  'sortes 
de  bois  de  construction. 

47.  La  terre  nourrissait  une  très-grande  quantité  d'ani- 
maux tant  domestiques  que  sauvages.  Il  y  avait  même 
un  grand  nombre  d'éléphans. 

48.  Car  tous  les  animaux ,  tant  ceux  qui  vivent  dans  les 
marais ,  les  lacs  et  les  rivières  ,  que  ceux  qui  habitent 
les  montagnes  et  les  plaines ,  y  trouvaient  une  ample 
nourriture,  même  l'animal  le  plus  grand  et  le  plus 
vorace. 

49.  Elle  rapportait  en  outre  et  nourrissait  très-bien  tout 
ce  que  la  terre  partout  ailleurs  produit  aujourd'hui 
d'odoriférant ,  soit  racines ,  herbes  ,  bois  ,  liqueurs  , 
sucs ,  fleurs  ourfruits. 

53.  Il  y  avait  également  ce  fruit  doux  qu'on  fait  sécher 
et  qui  nous  sert  d'aliment,  de  même  que  ceux  que 
nous  mangeons  avec  le  pain  et  que  nous  comprenons 
sous  le  nom  général  de  légumes  ,  ainsi  que  ceux  que 
les  arbres  nous  offrent  pour  nourriture ,  pour  breuvage 
ou  pour  oindre;  les  noix  de  toute  espèce  qui ,  pour  être 
bonnes  et  agréables ,  sont  difficiles  à  garder  ;  les  fruits 
qui  servent  à  exciter  l'appétit  ou  à  récréer  agréable- 
ment les  malades. 

51.  Toutes  ces  choses  se  trouvaient  alors  dans  cette  Isle 
sainte ,  belle ,  merveilleuse  et  extrêmement  abondante. 

52.  Or,  les  habitans  de  cet  endroit  se  servaient  de  ces 
productions  pour  construire  des  Temples ,  des  Maisons 
Royales  ,  des  Ports,  des  Chantiers  et  d'autres  établis- 
semens  dans  l'ordre  suivant.  » 

53.  Ils  avaient  d'abord  un  Pont  sur  les  canaux ,  remplis 
d'eau  de  la  mer,  qui  environnaient  l'ancienne  Capi- 
tale ,  pour  pouvoir  se  rendre  de  là  dans  les  bâtimens 
Royaux. 

5£i.  Dès  le  commencement  ils  avaient  construit  la  rési- 
dence Royale  dans  cette  ancienne  demeure  de  la  Divi- 
nité et  de  leurs  Ancêtres. 

55.  Mais  dans  la  suite  se  succédant  les  uns  aux  autres , 


EK  TOY  KPITIOY.  J0I 

«V   TO  ytVOS  ,  tX   yî)Ç  opVTTOfCiVOV   OftÛxuXfCOV    X0&TC&  T07T0VÇ  7TOXXolf 
T>)S    VKPX  >    îTAljV    #p0<70y    Il/MUTCITQV     h     TOIÇ    TOTt    OV. 

46.  K»)    ov-œ  vXf)    "zrços    rcc    Ttxrovuv   ^«.leoy^Ara,   7rotpi%tTon , 

7FUVTCt    (pèpoVFX     Utp&OVOi. 

47.  Ta  re  uù  iFiçiTToi  ^aici  ixctvaç  tj/mpcc  ^  ccypict  TptÇxrct  } 
*£   «Te   jc}  iXtÇxvTM   «v    iv  ctôry  yivos  7rte7<rov. 

48.  Noftïi  yup  to7ç  re  èiXXois  Çaots  orct  xotè'  'tÀt)  ?£  Xi'fcvctç  t£ 
7roTctftovç ?  <5<r#  r  ejy  x#r  opq  x^  c<rct  iv  roiç  %%o  ioiç  vsftercu  , 
Iv^Trtftr*  Trctptïv.  #AA'  «v  «as/  touto  x#r#  t#vt<*  rsJ  £##  ^yV«> 

IFttyvXOTt    KCil    7ÏQ}wQoû0ûTCt,TCt>. 

49*  Hpo?  oé  lovroiSy  eret  ivâot)  rptÇei  7rov  yîj  Tctvvv  ,  f5<£5v  , 
«  ^Ao^j-,  à  %vXav  y  «  %vXm  y  h  çotxroùv  ,  em  àvêàv  y  ùrt 
X0tp7Tûi)V  ,    É^epg   té  laZrcc  xot)  tytpÇtv   tu, 

50.  Er<  J^e  r<sv  ijfttpov  xap7rov  5  rov  re  %qfbv ,  c?  ^tûv  ec«  rpoÇ^ç 
héxct ,  Kûf<  «roi?  #«p/v  rou  crtroy  •zrfoç%pa>/MQoi  (  xctXovftiv  3% 
ctvrov  tu  p&tçq  %upt7ruvTU  ,  otztoiu  )  «es*  rov  o^as-  %vXtvoç , 
nopuTU  xut  fi  pu  par  a,  xut  ùtel/œftUTU  Çepav  ttui^ius  té  os 
hixu  xut  qoàvîjiç  ytyovî  ovsfrqo-uvpifoç  âxpoopvav  Truoïïoç ' 
cTot,  re  Trupu/avôiu  %M<?poÛç  fAtru£o(>7rtu  ùyuTrqru  xuy*vovTi 
Itêéfcevu. 

51.  Tluvru  luuru  q    Tort   nori    ova-cc    Lq>'    yjXico  vîjroç    lipcc.  xaXct. 

Ti    KCtl    èuvpctÇU,     KO.I     TïXvièiTW    U7fil^    'tÇtpe. 

52.  ToiUros.  oùv  XctttÇâvovTts  Trâyra  'Ttu.^k  t%s  yfcy  xoiTtoTctvctCoi/To 
rcc  re  hfa,  km)  tuç  fiam'hixkç  oiKqriiç  ,  km  t%ç  Xiftevctç  kui 
rot   viaçtc&y   Koi)    %vp,7Ttt<roiv   t«v  «AAjjv  ^pesv  5   Totxiït    Iv  rk%n 

OlOt,X.0<jft001)llÇ. 

53.  Tohç  t%s  SaXaTrqç  rpo^oW  5  ot  -zrtçi  r»v  âp%aîoiv  v,<rcM 
ptilTpÔTroXtv  ,  ^p^rây  fàv  fyiQvpcûo-M  y  ciïov  \%a  xeù  \%i  tu 
fiotrttetoi  7rotovf&tvoi. 

54.  Tcî   o^h   fioHriXuct   tv   tuvtvi   tu  rS  &tov    xctt  rav   vrpoyévm 

XCtTQlX^TÎt    XOtT      Ùû^OiS    iTÏOlWOtVTQ    IvSvÇ. 

55.  '  EltpOÇ      £\      TTC&f      ITtÇOV      ^iftÔfAiVOÇ  ,      XtXÔFft}] fiiV A     XOCT^O^  y 


101  EXTRAITS    DU    CRITIAS. 

chacun  ajoutait  un  nouvel  embellissement  à  ceux  qu'il 
avait  trouvés ,  de  manière  que  ce  bâtiment  devint  un 
prodige  de  grandeur  et  de  beauté. 

56.  Car  ils  avaient  creusé  un  fossé  depuis  la  mer  jusqu'à 
l'enceinte  extérieure  de  la  Ville,  lequel  avait  trois 
plèthres  en  largeur ,  cent  pieds  de  profondeur ,  et  cin- 
quante stades  de  longueur 

57.  Au  milieu  du  Château  était  un  Temple  consacré  à 
Clito  et  à  Neptune ,  inaccessible  au  vulgaire ,  revêtu 
d'une  couverture  d'or  ,  et  situé  au  même  endroit ,  ac- 
cessible autrefois ,  où  les  dix  Chefs  de  la  famille  Royale 
avaient  reçu  le  jour. 

58.  Là  ils  s'assemblaient  aussi  tous  les  ans  pour  offrir 
chacun  des  sacrifices. 

59.  Ce  Temple  de  Neptune  avait  un  stade  en  longueur  et 
trois  plèthres  en  largeur  ;  son  élévation  était  propor- 
tionnée à  cette  étendue  ;  mais  sa  figure  était  d'un  goût 
étranger. 

60.  Toutes  les  parties  extérieures  du  Temple  étaient  ar- 
gentées ,  excepté  les  sommets  ;  ceux-ci  étaient  cou- 
verts d'or. 

61.  Pour  ce  qui  regarde  l'intérieur,  les  voûtes  en  étaient 
d'ivoire  ciselé,  et  couvertes  d'or,  d'argent  et  d'orichal- 
que  ;  le  reste ,  savoir  les  parois ,  les  colonnes  et  le  pavé 
étaient  revêtus  d'orichalque. 

62.  Us  y  avaient  aussi  placé  des  Statues  d'or. 

63.  Ils  y  avaient  représenté  la  Divinité ,  se  tenant  debout 
sur  un  char ,  attelé  de  six  chevaux  ailés  ,  et  d'une  hau- 
teur si  grande,  que  la  figure  louchait  à  la  voûte  de 
l'édifice. 

6ft.  Al'entour  du  Dieu  il  y  avait  cent  Néréides  ,  assises 
sur  des  Dauphins.  Car  alors  en  croyait  que  c'était  là 
leur  nombre. 

65.  Il  y  avait  en  outre  plusieurs  autres  images  consacrées 
par  des  particuliers. 

66.  A  l'entour  de  l'édifice  au-dehors  on  avait  placé  les 
images  des  femmes  et  de  tous  les  Rois  descendus  des 
dix  Chefs  ,  toutes  [fabriquées  d'or ,  ainsi  que  beaucoup 
d'autres  présens  considérables  tant  des  Rois  que  des 
particuliers ,  soit  de  la  Ville  même ,  soit  d'ailleurs. 


EK  TOT  KPITIOÏ.  iq3 

lirtpiÇhx\iTû    ùs  Mvctfttv  àù  rov   "kp.'xyo&iv  ,   eW   iU  'U^Xri%tv 
fayiS-to-i  KctXXîtA   t%  epyav  ïo^uv   t\v  o'ikvjo-iv    Ù7ritpyarxvTo. 

56.   Aiû>fiv%ct,    fttv    yup    ix.   rîfç  B-uXârrrjS    âp%ô{*tvoç    Tpi7rXtèpov 

TO    7ïXcCT0Ç  ,     tKOtTOV    <J"ê     TTO^ûJV     fict.§0Ç   y     [MKOÇ    $\     7TîVTi)X0VTCi 
ÇOi^liOV  ,     €7?)    TOV     \%0)T(lTCù    TpOfcOV    CUVéTOfJO'XV 

5^.  'Ev  fci<rM  pcev  hfbv  étytov  auront  rqs  re  KXutxç  km  râ 
Hoo'Uoûùvoç  uÇaTOV  âçitro  3  •zrtptooXco  %pvo~a>  'zriûiZiÇxqpîvov  y 
tout  iv  à  kcct  àpftus  eÇuèTov  tytvvq<râvTO  rav  iï'iKot  ficto-iXi^aiv 
ytvoç. 

58.  "EvB-u.   ku)    kut    Iviuvtov  ex   %ct,râv   tcov   a^éxct  x4%iaov  açoiïot 

âvTOO-i    CC7T£TiX0VV    Uf)C&    iXllvUV    txkçM, 

59.  T5  û^î  Ho<rii£ûùvoç  ctvTii  vicùç  iv  y  çafriov  f/Àv  [Mjxoç  ,  tùpoç 
J"e,rp«r;7rA£.9-pi5;?  •  iï-fyoç  J[  IxiToùroiç  vùf&ftèlfM  ï^elv'  eî^oç  èi 

71    fiolpÇclptZOV     'iftOVTOÇ. 

60.  TlâvTct  è^e  "î%û)S-£v  'Ki^tixn-^'CM  tov  vtav  ùpyùpa  ,  ttXviv  tm 
âxpoTViyiav  '    tcc  et   âxpcoTiiptoi  Xfv<rf' 

61.  Toc  $\  hrog  ?  t\v  ptv  opotptiv  iXityavTivqv  làiïv  nao-cw  %pv<rf 
fccii  âpyvpct)  xoti  hùU%aXx®  7T£7rotxtX^sv^v  *  tos   os  uXXca  ttccvtc* 

TCOV    TOtfcM    Ti    XO,i     XlOVOùV    XXI    tOXÇoUÇ  j    hpitftC&Xlt'jp   7TtpleX</.oOV. 

62.  Xpuc-5    è^e  âyâXfictTci   eviç^trav, 

63.  Tov  pzv  S-ebv  t(p'  cïpf&ctToç  tçaTot  ê|  v7T07r}iÇûùv  'Imtav  r,vio%ov  , 
âvTov    r£    b%o  piiyîtiùvs   Tij   xopvtyvi    Tiïs  ôpoQîjjç  ltyct.7rluy.tv09. 


64*    Nqpijtàcis     £z    t7ri     cïiXtyivw     'éxxtov    xùxXa.    totxvtus    ykp 

hôpifyv    CCÙTCiÇ    01     TOTi     ûvc&i. 


65.   ïloXXcc  d[   hrôs  ècXXa  âyoiXfMT»  ïharm  âvu^fAuroi 


tvyy. 


66.  Tlifi  o^é  rov  vtav  ï%oôîv  iIkÔvîç  U7s:kvTUv  Ïçutxv  îz  %pvrùiï  y 
tuv  yvvaiKaiv  ?  zut  uÙtm  'ûtoi  tcov  oacoi  tysyôvto'civ  ficto-iXîav* 
x-cct  yroXXcc  tTipa.  âvotSvpoLToi  fityaXei  tm  ti  (SatiXîoûv  xai 
iatarm  \%  xutkç  ti  tîjs  nôxias ,   xoii  tûov  \%ahv  crav  ifftïpxov. 


Io4  EXTRAITS    DU    CRITIAS. 

67.  Il  y  avait  aussi  là  un  Autel  (Tune  grandeur  et  d'une 
structure  proportionnées  au  reste. 

68.  Les  bâtimens  Royaux  étaient  également  conformes  à 
la  grandeur  de  l'Empire ,  et  répondaient  à  la  magnifi- 
cence du  Temple. 

69.  Ils  avaient  aussi  des  sources  abondantes  d'eau  chaude 
et  d'eau  froide  qui  ne  tarissaient  jamais  ,  et  qui  ser- 
vaient également  à  l'agrément  et  à  la  santé.  Aux  envi- 
rons de  ces  sources  on  avait  construit  des  bâtimens  et 
des  allées  d'arbres  pour  l'ornement  des  bains ,  et  on 
y  avait  établi  des  réservoirs  pour  des  bains  en  plein  air, 
et  d'autres  sous  des  toits  pour  l'hiver. 

70.  Les  bains  des  Rois  étaient  séparés  de  ceux  des  parti- 
culiers ;  les  femmes  en  avaient  aussi  de  particuliers 
pour  elles ,  de  même  que  les  chevaux  et  d'autres  ani- 
maux, chacun  comme  l'ordre  l'exigeait. 

71.  Pour  l'écoulement  des  eaux  on  avait  pratiqué  un 
Canal  qui  conduisait  dans  le  bois  consacré  à  Neptune. 
Ce  bois  était  rempli  d'arbres  de  toute  espèce ,  et  l'excel- 
lence du  terrain  les  avait  rendus  si  beaux  et  si  grands, 
qu'ils  offraient  quelque  chose  de  divin. 

72.  De  là  cette  eau  passait  au  moyen  des  aqueducs  et  des 
ponts  dans  les  enceintes  extérieures,  où  il  y  avait  beau- 
coup de  gymnases  pour  les  hommes  et  pour  les  che- 
vaux ,  alternativement  dans  les  isles  formées  par  les 
fossés. 

73.  Au  reste  et  dans  le  centre  de  la  plus  grande  de  ces 
Isles  ils  avaient  construit  un  Hippodrome  de  la  largeur 
d'un  stade  et  de  la  longueur  de  tout  le  cercle  pour  des 
combats  de  Cavalerie  ;  et  des  deux  côtés  ils  avaient 
bâti  des  logemens  pour  les  Gardes  du  Roi.  Mais  les 
plus  affîdés  de  ceux-ci  étaient  logés  dans  la  plus  petite 
enceinte ,  et  proche  du  Château ,  dont  la  garde  leur 
était  confiée 


Ih.  Nous  venons  de  rapporter  de  mémoire  à  peu  près 
tout  ce  qui  avait  été  dit  anciennement  concernant  la 
Ville  et  l'ancienne  demeure 

75.  Maintenant  nous  allons  tâcher  de  donner  également 
une  idée  du  reste  du  pays  et  de  son  arrangement. 


EK  TOY  KPITIOT.  io5 

67.  Bûùfcoç  rt  ê^ît   %vvi7rôftivoç  %v  ro  ftiytQos  xoti  ro  rns  tpyotariets 

IctVTV)     TJJ    KCtTCiTKtUtj. 

68.  Kcti  rot  fiatntetoi  y  xotrct   rot  etvrot  y   VFpiffoyrot   f&ty   tJ*  rîjs 

"PMS    fttytfct  y     7rp67T0VTK     $%     TfiT  -STÉff    T#    «/>*    X00JKAT. 

69.  T#7î  ^g  JSj  xpwotis  9  Tjj  row  •vf/y^pou  x#f  t»ï  tS  Qtpftov 
vctpotros  y  tcX^qs  fàv  ciçfavoy  6%ov<rctts ,  jj^byjj  ^"e  x#*  ««perjj 
tSj»  v^otray  7rpos  txotrtpou  r»v  %fî<riv  èetu^açùv  TTiÇuxoros , 
t^pmro-zs-tpt^o-otyrts  olxo$opv<rits xoti  Mvfym  tyvrivo~its  7rpv7roû<rots 
v^etrt  $il,otf&ivots  ri  B-tpfteis  fttv  v7rat6piovç  y  lois  ^t  %uptptvcts 
rois  Stppols  ùovrpols  vTrof'tyovs  mpir&ivrts. 

70.  Xaffs  fàvy  fictanXtxks  ,  %jajig  fày  Ihoonxots  '  tri  è\  yvvctfyv 
ctXXots  y  xoti  tripots  'iwcts  xoti  rois  kXXois  VTrofyyiots  9  ro 
'zrpôsÇopov   r%s  xoo-p{o~ias  txctfois  etvrovifMvres. 

71.  To  Fe  ci7roppiov  iyov  tiri  ro  tS  TloffU^mos  uXtos  y  oivopet 
^s  ircUTofebiret  xétXXos  v^os  n  hdpAUV»  V7rb  âptrtïs  rZs  yïs 
ï%oyret, 

J2.  Ka)  \m  rovs  %%cù  xvxXovs  JV  l%irav  xetrot  *]us  yityvpcts 
tTCOûXfirivov  '  ou  ^k  voXXot  pàv  Upot  xoti  ttoAAûjv  &tm  ,  tcoXXo) 
è\  xîj^oi  xoti  TrohXct  yvpyknot  txt^upovpysjro  y  rot  fÀv ,  oivfyw  3 
rot  è\  y  'iirsrtùv  y   %apis  h   txotripot  rîj  rm   rpo^m  vjjVw. 

J73.  Tôt  rt  etXXet  xoti  xotrct  pttrqv  tjjv  fcti^eo  rm  vq<rm  itypvjfttvos 
'wzr<>fyo[tùç  m  àtvrols  y  fot^lov  ro  irXotros  't%m  ,  ro  £\  pîïxos 
•znpi  rov  xvxXov  oXov  âÇtlro  ils  ctpiXXotv  rois  'm'srois.  iïopvÇopix») 
£*t  7ïtp)  etôrov  tvB-iy  rt  xoti  tv&tv  otxq<rus  iiroty  rJ°  TrXtîêtt 
rm  iïopvtyôpm'  rois  o~t  7riç-or£pots  h  ru  a-^ixporipca  rpo^a'xotï 
is-po  THS  ctxport'oXias  [AotXhov  ovri  ^itrirotxro  y  Qpovpu.  rois 
<^«  nhvrm  iïiotÇepovrt  nrpos  Triftv  y  tvros  r*is  uxpoTFÔMoos  nrtpi 
rovs   fistTiXiots   àvrovs  ito-av  olxvats  ^tâo/zivctl 

^4«  *ï*a  ptv  oùv  ctço  xoti  ro  nrtpi  rw  àp^otloty  o'/xyTty  y  %t^ov 
as   ror    ixi%&))  y  vvv    ^isftvypto'ytvrctt 

^5.  Tqs  c%  *tà'4S  X,<t>pa>$  as  g  Çutrts  t7%s3  ^st)  ro  r^s  ê'iotxorpwiùiS 
tiiïbs  âftopvtif.toyiuQ-oii  nupariov . 


lOÔ  EXTRAITS    DU    CR1TIA.S. 

76.  On  rapporte  qu'au  commencement  tout  le  pays  avait 
été  très-élevé  et  escarpé  du  côté  de  la  mer.  Mais  qu'au- 
tour de  la  Ville  il  y  avait  eu  une  petite  plaine ,  laquelle 
était  environnée  de  montagnes  qui  formaient  une  pente 
douce  et  aisée  jusques  à  la  mer. 

77.  Toute  la  longueur ,  d'une  extrémité  à  l'autre,  était 
de  trois  mille  stades  ;  mais  en  mesurant  du  milieu  de- 
puis la  mer  jusqu'en  haut,  il  y  avait  deux  mille  stades. 

78.  Tout  le  territoire  de  l'Isle  s'étendait  vers  le  Sud ,  et 
du  côté  du  Nord  il  était  bordé  par  des  montagnes.  On 
ajoute  que  ces  montagnes  surpassaient  toutes  celles 
d'aujourd'hui  en  quantité ,  en  grandeur  et  en  beauté. 

79.  Elles  étaient  couvertes  de  nombre  de  villages  et  d'ha- 
bitations très-riches.  Elles  abondaient  en  rivières  ,  en 
lacs  ,  en  prairies ,  qui  fournissaient  une  ample  nour- 
riture aux  animaux  domestiques  et  sauvages.  Il  y  avait 
des  forêts  qui  produisaient  abondamment  toutes  les  es- 
pèces de  bois  propres  pour  toutes  sortes  d'ouvrages. 
De  cette  manière  la  surface  du  pays  avait  été  formée 
par  la  nature  et  disposée  par  beaucoup  de  Rois  pendant 
une  longue  suite  de  temps. 

80.  La  figure  était  un  quarré  assez  régulier,  mais  oblong. 
Ce  qui  y  manquait  était  causé  parles  détours  du  canal 
qui  y  avait  étc  construit  s  et  dont  la  profondeur ,  la  lar- 
geur et  la  longueur  étaient  telles  qu'on  ne  pouvait  croire 
qu'il  eût  été  fait  de  mains  d'hommes 

81.  Pour  ce  qui  regarde  les  dignités  principales  ,  voici 
l'ordre  qui  y  avait  été  établi  au  commencement. 

82.  Tous  les  dix  Chefs  régnaient  chacun  dans  son  district 
et  dans  sa  ville  sur  ses  sujets  et  selon  ses  lois ,  punis- 
sant même  de  mort  celui  qu'il  voulait. 

83.  Celte  communauté  d'empire  entre  eux  était  établie 
en  conséquence  d'un  ordre  précis  de  Neptune ,  que  la 
Loi  leur  imposait.  Cette  Loi  avait  été  gravée  par  les 
premiers  sur  une  colonne  d'airain ,  placée  dans  le  Tem- 
ple de  Neptune ,  qui  était  au  centre  de  l'Isle. 

8Zu  Là  ils  s'assemblaient  alternativement  tous  les  cinq  et 
les  six  ans  ,  ayant  les  mêmes  égards  pour  le  nombre 
pair  et  impair. 


EK  TOY   KFITIOY.  IO7 

J76.    Uparov  fitv  oùv   à  t'otcos  unus  txiytlo  o~Çoûpu  rt  v-^/yXoç  ku) 

ùrtôropos    \k   SuXÛrlvis  '    ro    £\   %tpi   %v  7roXtv  ttuv  irtfriov  3 

Îku'v>]v  f&tv  zrtpii%ov  ,  uùro  è^t  iv  kvkXco  %tpit%optvov   optai  fti%pt 

7rpoç  r\v  SuXurluv  KuS-qpivois ,   AeTov   km  opuXts. 

J  J.     nûOfttJKÎç    J"S£     %UV  ,     17FI  fa*    &u]tpU ,     Tpt^XloùV  ÇU^ldV  KUTU 

è\  p.io~ov  ,  ùno  S-uXarjys  uva  o^i^iXiav. 

78.  'O  è^t  loftoç  oZ%s  oXtjs  lîfs  vjo-ov  rrpos  vorov  \rtrpW7f\o  y  ù%o 
Icùv  ukûùûv  KujuQoppos.  ru  aï  rrtpi  uvrov  opq  rort  vftvtt  ro  7rX^êos 
km  (tty&os  km   kuXXos   nupu  7ruvru  tu  yvv  ovru  ytyovtvut. 

79.  IIoXXus  (Àtv  xttfuts  km  irXove-Uç  niptoUav  iv  tuvloïs  t%ovluy 
TColupovs  a^t y  km  Xipcvus ,  km  Xttftcovus  y  IpoÇw  lots  nuo-lv 
vjp'ipois  km  âyptots  tKMtjv  B-peftfMttv  5  vXyv  km  ttAj/S-é/  km 
y'tvtct  irotKiXqv ,  %vft7rein  1t  lots  tpyots  km  ttços  \kuçu  uÇS-ovov. 
ac^t  olv  ro  vtiïtov  Qvo-ii  ku)  vtfo  %u<nXtm  noXXûv  iv  çroXXa 
Xpôvu  £it7rt7rà'v)iT0. 

80.  Ttrpuyavov  piv  ùv%  wf%p%£y  ru  TrXtïè  opSrbv  km  zrpo fiqKtf 
on  cfi'  htXa7nro  kut  tvBvs  rZ  luÇpov  kvkXco  irtptopv%S-uoys. 
ro  è^t  fiufros  km  %Xuros  y  rô  y  rt  [mjkos  avrils ,  uttiç-ov  ftiv 
Xt%$\v  ?  as  %upo7roisiToi  tpyov  ,  icpos  rois  uXXois  fociTrovtifActgi 
rocourov  tivui 

81.  Tu  et  %v  ùp%Zv  TtfAM  àè*  zi%evy  i%  ùpxfîs  è^tUKoerftqS-'evru. 

82.  Tav  o'tKU  fiuo~iXtuv  lis  tKUços  h  pàv  rat  ku&'  uvroy  ptptt 
Kuru  rîiv  uôrii  7roX.1v  rav  ùvfyav  km  tm  nXiiçav  viu&iv  kpx^y 
koXû^oùv  j£  U7T0K.rivvvç   ovliv    \S-tXvo~iity. 

83.  'H  è*i  h  àXXvXois  *fffl  km  koivuvÎu  ku}u  lus  tiriçoXu? 
W  lus  75  JJotruêayoSy  as  0  yopos  uhrôis  7rupiè\iKt  y  km  yçu/ttf/.uju 
v7ro  IZv  rtçajav  iv  çqXy  yiypuppivu  cgu^uXKiy^ ,  «  kuIu 
fAto-qv  Vkv  vîjrov    tKttro    h  Upat  Uoonia^avosi 

84.  0<  J"g  h'  hietvfê  veifAttlov  y  ro  ^t  \vuXXu\  £k]ou  ,  ovviXiyovIo y 
ru   rt  ùpria  km   tu  mpir\u  fjJtpos  'îo-ov   Ù7rovtftoylts» 


I08  EXTRAITS    DU    CRITIAS. 

85.  Assemblés ,  ils  délibéraient  des  affaires  publiques ,  ils 
s'informaient  si  quelqu'un  avait  transgressé  la  Loi ,  et 
ils  jugeaient  en  conséquence. 

86.  Avant  de  prononcer ,  ils  se  donnaient  mutuellement 
la  foi  de  la  manière  suivante. 

87.  Ils  lâchaient  d'abord  des  taureaux  en  liberté  dans  le 
Temple  de  Neptune  ,  et  n'y  restant  qu'eux  dix ,  ils 
priaient  le  Dieu  d'agréer  la  victime  qu'ils  allaient  pren- 
dre sans  employer  le  fer;  et  alors  ils  s'emparaient  de 
la  victime  avec  des  bâtons  et  des  cordeaux. 

88.  Quand  ils  avaient  pris  un  taureau ,  ils  le  conduisaient 
à  la  pointe  de  la  Colonne ,  et  là  ils  l'immolaient  selon 
qu'il  était 'écrit. 

89.  Or ,  il  y  avait  sur  cette  Colonne ,  outre  la  Loi  susdite, 
un  serment  -avec  des  imprécations  contre  ceux  qui 
désobéiraient. 

90.  Après  donc  avoir  immolé  ,  selon  leur  Loi ,  et  sanc- 
tifié les  membres  du  taureau ,  ils  remplissaient  un  vase 
du  sang  du  taureau,  en  vers  aient  une  goutte  sur  chacun 
d'eux,  et  après  avoir  jeté  tout  le  reste  au  feu ,  ils  net- 
toyaient la  Colonne  partout. 

91.  Ensuite  ils  puisaient  du  sang  du  vase  avec  des  phioles 
d'or ,  le  jetaient  dans  le  feu  ,  et  juraient  qu'ils  juge- 
raient selon  la  Loi  écrite  sur  la  Colonne  ;  qu'ils  puni- 
raient celui  qui  le  premier  la  transgresserait  ;  qu'eux- 
mêmes  n'enfreindraient  volontairement  taucune  des 
lois  écrites  ;  qu'ils  n'ordonneraient  rien  qui  fût  con- 
traire à  la  Loi  de  leur  père ,  ni  n'obéiraient  à  celui  qui 
leur  commanderait  de  les  transgresser. 

92.  Chacun  ayant  ainsi  fait  des  imprécations  sur  soi- 
même  et  sur  sa  famille',  buvait  de  la  phiole  ;  et  l'ayant 
déposée  dans  le  Temple  du  Dieu ,  il  s'en'  allaifensuite 
pour  prendre  le  repas  et  vaquer  à  ses  affaires 

93.  Telle  est  la  puissance  qui  était  alors  en  ces  lieux,  et 
que  Dieu ,  dans  un  certain  ordre  par  lui  établi ,  a  ra- 
menée] ici  de  la  manière  suivante ,  à  ce  que  l'on  dit. 

94.  Pendant  beaucoup  de  générations ,  et  pendant  tout  le 
temps  que  la  nature  divine  était  efficace  en  eux ,  ils 
obéirent  aux  lois ,  et  ils  s'attachèrent  sagement  à  ce 
qui  leur  était  inné  de  divin  :  car  ils  n'avaient  que  des 
pensées  vraies  et  élevées  ;  et  ils  se  préparaient  avec 


EK  TOY  KPITIOY.  IO9 

85.  EvXXtyôpivot  «Te,  Ts-ifl  rt  lav  xotvav  iÇovteuovTO  3  xcti  ê§jjt«Çov 
uns  n  'zrtt.çc&Za.lvai ,  xct)  to^ixu^ov. 

86.  "On  è^e  hxôt^uv  /LiiXXôttv  ,  %Uus  àXXqXots  rotaçh  i£i%<rctv. 

87.  nponpov  ù<p'îrav  ovlav  Ictùpav  ev  ra  toZ  Homo  avec  iepa> , 
fcovoi  ytyvopîvoi  è^ixa  ovres y  t7rèv%ufitvot  tu  $ta>  xt%ctpio-ptvov 
àtflcô  SùfAx  eteîv    ètvw    <r/<5Yp<jy,    %ÙXois   xct)    fipo%ots   tbvpiuov* 

88.  *Ov  a^\  eXottv  rav  lotvpm  y  npos  rh  çfaw  "zs-posayuyôvltSy 
xetrec  xopuÇtiv  etùrîïs  ïa-ty  cat]  01/  Kccrci   rav   ypappctlm. 

89.  *Ev  0%  7*j  «"«jAtj  TFfbs  lois  vopotç  opxos  t)V ,  piykxus  ctpus 
WivXop.vios  tois  Ù7rii3-ovo-tv. 

90.  c/Or  èv  xetTct  tovs  avrm  voyous  S-uo-œvrtç  xc&B-uyi'^ottv  ttuvtci 
T%1oiupou  7<as  p.i'kvi  y  xpoiTÎipos,  xtpâ<ravTts ,  hnip  èxâça  S-popÇov 
hî'oaÀXov  uiftctjos  '  la  6%  #AA*  ils  to  Wvp  ÏÇtçov  y  7rtpixoi6>îpuvTts 

TtjV    ÇTjAJfV. 

91.  Mtrcc  o^e  Titra  y  ^curais  ÇtâXats  \x  rS  xçctTyços  ccpvofttvoty 

XC&TCC   tS    TTOpOS    O~Sr'lV§0)>TiS     iTCQfMVQ-CV)  y    O^tKUFUV    TS    XOtTCt    TUS 

Iv  tÎ)  f^Aj!  vopouç  y  xet)  xoXucruv  n  uns  t\  'srpolipov  Trupct- 
Çtfôiixas  un  y  to  y  Tè  ctù  pctTct  txto  ftq^h  Taov  ypupphra» 
Ixôvles  7eu,ùct,Çii<n<8-(/A  '  piquet  <x,p%uv  y  ^0%  c£p%ov7t  vetot<B-ctt , 
çtAjjv  xetTct   tous  rS  vrctlpos  \%ito.t\ovti   VOfCOVS. 

92.  TetuTct  0%  l7rtv%oi/&tvos  exc&ços  ctùrm  totorw  xect  tu  oiqf  etùrov 
y'&vît  y  Trtav  y  xet)  âvctôeis  tkv  <ptkXi)v  ils  to  Upov  rS  Seau  , 
irep)  to  JefWvov  xeà  Totvctyxcttot  o^iirpti^/ev 

g3.   Trtwrj)  o^ïi  totcwtw  xot)  lotctuTyv  iïvvctpuv  h  îxuvois  totî  ovo~ctv 

TOtS    T07C0tS  0  B-iOS  17FI  TOUS  O^è  UÙtûVS  tÔtTOVS  %WTtt%ttS  y    iXOptO*» 

ex   Ttvos  roicis^i    (  as  Xoyos  )    "zs-çoÇote-ias. 
94.  'Eîh  7roXXots  piv  ytvtctSy  pt%pt  Tnf  h  lou  B-îou  Cutis  uvto7s 
Vzvpxity   xetTiixool  Tè   qcciv   rSv    vopcûv  y    xeti    7rfbs    to   %vyftns 
$t7ov   cv  (ptXoQpovas   ti%ov.    Ict    ycep    Çpovn'/xctTct    ctXqS-tvu   xetî 


ÏIO  EXTRAITS    DU    CRITIAS. 

modestie  et  avec  prudence  à  tous  les  événemens  de  la 
fortune. 

95.  En  méprisant  ainsi  tout,  excepté  la  vertu ,  ils  regar- 
daient les  choses  présentes  comme  frivoles.  Loin  de 
s'enfler  par  la  possession  de  l'or,  de  l'argent  et  des 
autres  choses  précieuses,  ils  les  regardaient  plutôt 
comme  un  pesant  fardeau. 

96.  ils  ne  s'enivraient  point  de  l'abondance  de  ces  déli- 
ces,  et  ce  breuvage  ne  les  rendit  ni  furieux  ni  insolens. 

97.  Mais  sobres  et  prudens ,  ils  remarquaient  que  toutes 
ces  choses  augmentaient  chez  eux  par  leur  amitié  com- 
mune et  leur  vertu  ;  et  qu'au  contraire ,  en  les  recher- 
chant avec  trop  d'empressement  et  trop  de  passion , 
et  en  leur  attribuant  un  trop  grand  prix,  elles  dimi- 
nuaient et  se  flétrissaient  d'elles-mêmes  ;  que  les  ad- 
mirateurs de  ces  choses  périssables  périssaient  avec 
elles  ;  tandis  que  par  la  même  raison  ils  eurent  en 
abondance  tout  ce  dont  nous  venons  de  parler ,  tant 
que  la  nature  divine  agissait  en  eux. 

98.  Mais  la  partie  divine  ayant  été  opprimée  en  eux 
par  les  passions  ,  elle  y  devint  faible  et  languissante, 
l'homme  prévalut,  et  ne  pouvant  plus  supporter  leur 
état  présent,  ils  succombèrent  honteusement.  Ceux 
qui  voyaient  juste  observaient  alors  qu'ils  avaient  perdu 
le  plus  précieux  de  leurs  avantages  ;  tandis  que  ceux 
qui  ne  connaissaient  pas  la  vie  qui  conduit  à  la  véri- 
table félicité,  les  estimaient  plus  parfaits  et  plus  heu- 
reux à  mesure  qu'ils  accumulaient  des  richesses  in- 
justes et  qu'ils  augmentaient  en  pouvoir. 

99.  Mais  Jupiter,  le  Dieu  des  dieux,  vengeur  et  gardien 
des  lois  par  lesquelles  il  règne  sur  les  hommes ,  et  qui 
voit  tout  ce  qui  se  passe ,  observa  la  dépravation  de 
ces  hommes  autrefois  si  illustres ,  et  voulant  leur  en 
faire  subir  le  châtiment ,  afin  de  les  faire  rentrer  en 
eux-mêmes ,  et  les  rendre  plus  modestes ,  convoqua 
tous  les  Dieux  dans  leur  plus  magnifique  demeure ,  de 
laquelle ,  comme  établie  dans  le  milieu  de  l'univers  , 
il  contemple  toutes  les  générations,  et  les  ayant  assem- 
blés  

La  fin  manque. 


EK  TOY  KHTIOY.  j  \  f 

7r*vr>]   f&iyxXcc  ÎkUt>)vto  ,   -zrpccoT>)Tt  fttrcc  Çpoviïcrtas    -zrpos  7e 
lus  ûet   %ufiÇottVi$<rKÇ  7v%uç   x.x)    zrfoç  âXXqXovç    %pa>/utvot. 
C)5.   Ato ,    7r\yiv    âperîïs    7tkv\ot,   v7npopmlîç ,    r/Mx.pct  qyouvro   tu, 
7roi^ôvlei  y    k»i  potà'ias    tÇtpov ,    oiov  c&fcêoSy   tov    tx   %pvovv   rt 

XXI    Tù)V    OiXXm   XTt]/XCtTCt)V    oyxov. 

q6.  *AAA'  où  [A&vovlis  l%o  TpvtpZs  5  oôe%  ùno  tS  àxpkrov 
àyJeXvérlovliÇ   t<r<ÇiciXXoflo. 

97.  NvÇovIiç  à^s  ,  ô|y  xotôtapav  oit  xott  lavlcc,  %kv\<*>  \x  tÎîs 
ÇiAttis  t%$  Kûtvfjiç  petiot  âptrijS  uù^civercit  y  tjj  oê  lovlcov  FTFOUOYÎ 
>£  riï  Ttpv\  (pêivet  letUTU  Tè  uÙToty  xxxtivq  %vvct7rôxXu]</A  rouroiç, 
tx  ê^tj  Xoyto-fcov  Tt  rotoùrov  xcà  tyû<rws  S"£<W  'sru.pa^tvo'Jtnjs 
irecvr    àulîjs  jjy|j/^  e*   ?rp<v    ê^oiX&Ofttv. 


98.  'Etté;  0^*  sj  tùu  S-tnv  pàv  {AOipet  i%itijXo$  tytyvtro  tv  uvroiSy 
•KqXXm  ru  3-vqra  xai  TroXXaxis  ccvaxtpeivvufitvij  ,  ra  et  àvôpa)7rivov 
qêos  t7Ttxpalu  y  rore  hd'ij  rct  7rctpôvrct  Çtpttv  cicïiïvoifiouvTts  h%*i- 
fcovouv  y  xcà  tZ  à~uvctfciva  êpâsv  fàv  etîfçpoï  xoiTtÇeitvovlo  ,  tcc 
xkxXtçat,  àfto  tcûv  '  rifAiurct.rm  ci7roXXuvlts.  tois  d^t  âdvvc&Touim 
àXtjSivov  irpos  tùooiif&ovtoiv  fiiov  opô&v  y  rort  on  paXiçot  7râyx<&- 
Xot  f&xxâpiol  tî  tfo%â£ofl$  tivaiy  nXtoviïUs  àêixov  xcti  fotwpiaï 
ifC7ri7rXxfitvot. 

9g.  Qtos  dt  0  &iû)i>  Ztvs  5  hvôpotç  fia,<riXivuv  y  ccTt  iïvvhptvoç 
KctQopa&vloiloiciiïToiy  ivvovo-oiç  yivos  \%iux\s  oïôXias  à'toiTifrt/Lttvov y 
dixtjv  ctvToïç  É7ri3-i7vcct  (ZûvXvjSiïs  y  llvet  yévotvjo  If&ft&xWeàot 
o-aÇpoviS-évTèÇy  ^uvriyitpt  S-eoî»?  ^âvluç  ih  tjjv  Tifueûrâr^v  otùrav 
o'ifctjo-iv  y  >}  d'il  KctTot  uirov  iretvroç  rS  xôo-poo  /ii^xv7ciy  xuôopôé, 
■x-oivjet  oTct  yinTiCùç  fAirtiXii^i  •  x»)  %wuyttpets  ûnvi , 


Asiiçet  xb  tïXoç» 


TABLE. 


Préface.  Page  1 

Remarques  préliminaires.  9 

Section  Pre  Origine  et  Chef  du  Peuple  Atlantique.  17 
Section  II.   Expédition  des  Atlantiques.  31 

§.   i.     Époque  du  commencement  de  l'Expédition 

des  Atlantiques.  32 

§.  2.     Pays  d'où  les  Atlantiques  sont  venus.  35 

§.  3.     Pays  occupé  par  les  Atlantiques.  38 

§.  4*     Colonnes  d'Hercule.  Ul 

Section  III.  Description  du  Pays  Atlantique.  û5 

§.   l.  Étendue  de  l'Atlantique.  û6 

§.  2.  Frontières  de  l'Atlantique.  U9 

§.  3.  Villes  de  l'Atlantique.  56 

§.  4«  Intérieur  du  Pays  Atlantique  ,  et  sa  fertilité.  61 

Section  IV.  Religion  et  Mœurs  des  Atlantiques.        65 

§.  i.     Temple  des  Atlantiques.  66 

§.  2.     Culte  des  Atlantiques.  70 

§.  3.     Gouvernement  et  Mœurs  des  Atlantiques.     73 

Section  V.    Sort  des  Atlantiques.  79 

Extraits  de  ce  qui  reste  de  Platon  au  sujet  de  l'Isle 
Atlantique ,  en  Grec ,  avec  la  Traduction 
Française ,  et  des  Notes.  83 

FIN  DE  LA  TABLE. 


«JAS/^DelTsIianis    ■*/.,..ï»& 


Ferra      1.  vi 


AïLATsTic.i    Tabula 


LIBRARY  OF  CONGRESS 

11111 

0  016  215  979  3