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Full text of "Les Musées de France bulletin"

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Bulletin   des   Musées 


de   France 


ARCHIVES     DES     MUSÉES     NATIONAUX 

ET     DE     L'ÉCOLE     DU     LOUVRE     %     %     ® 


BULLETIN  h  m  h 
g  DES  MUSÉES 
DE  FRANCE  ■  n 


publié   sous  la   direction   de 

PAUL  VITRY 


1910 


LIBRAIRIE  CENTRALE  D'ART  ET  D'ARCHITECTURE 
ANCIENNE  MAISON  MOREL,  CH.  EGGIMANN,  SUCCESSEUR 
106,    Boulevard    Saint-Germain    --    PARIS     53     52     55     5?     SS     55 


TABLE    DES    PLANCHES    HORS    TEXTE 


Pages 
I.  Deux   lansquenets   provenant   du   château 
de  Mogneville.   Pierre.  —  Ecole  fran- 
çaise, xvi5  siècle  (Musée  du  Louvre) .  .        3 

II.  Portrait  de  Mlle  Tallard,  par  David  (Musée 

du  Louvre) 23 

III.  Le    roi    de    Rome    (181 1).    Aquarelle,    par 

J.-B.   Isabey  (Musée  du  Louvre) 39 


Pages 

IV.  Buste  d'Antoine  Coypel.  Marbre,  par  Coyze- 
vox  (Musée  du  Louvre). 
Buste  de  Noël-Nicolas  Coypel.  Terre  cuite, 

par  J.-B.  Lemoyne  (Musée  du  Louvre).     5 1 

V.  Le  cardinal  de  Lorraine  ;  réplique  d'un  ta- 
bleau de  Georges  Boba  (Musée  de  Reims)     7 1 

VI.  Portrait    de     d'Alembert     par     La    Tour 
(Musée  du  Louvre). 


Les  différents  articles  ont  été  en  outre  illustrés  de  3^  figures  dans  le  texte. 


TABLE    DES    ARTICLES 
t    ?    * 


N°  I. 

André  Michel.  —  Les  lansquenets  du  château 
de  Mogneville  (acquisition  récente  du  Musée 
du  Louvre) I 

J.-J.  Marquet  de  Vasselot.  —  Quelques  car- 
reaux du  château  de  Mantoue,  au  Musée  du 
Louvre  2 

Jean  Locquin.  —  Le  portrait  de  Philippe  Cayeux 
avec  sa  femme,  au  Musée  d' Arras 7 

Raymond  Koechlin.  —  Exposition  d'estampes 
japonaises  au  Musée  des  Arts  décoratifs.  Haro- 
nubu,  Koriusaï  et  son  groupe 8 

Paul  Vitry.  —  A  propos  du  buste  de  Mme  Réca- 
mier,  par  Chinard,  au  Musée  de  Lyon 10 

N°  2. 

A.  Héron  de  Villefosse.  —  Un  kouros,  figure 

virile  d'ancien  style  grec,  au  Musée  du  Louvre.  17 
Paul  Vitry.  • —  Le  buste  de  l'astronome  Pingre, 

par  J.-J.  Caiheri  au  Musée  du  Louvre 20 

Paul  Leprieur.  —  Un  portrait  de  jeune  femme 

par  David  (acquisition  du  Musée  du  Louvre).      22 

Le  pavillon  de  Flore 23 

C.   D.  —  Le  legs  Piet-Latauderie  au  Musée  du 

Louvre 24 

Henri  Stein.  —  Un  tableau  italien  du  Musée  du 

Puy 27 

Gaston  Migeon.  —  Un  meuble  et  un  émail  cham- 

plevé,  du  Musée  Dobrée,  à  Nantes 29 

N°  3. 

Georges    Lecomte.    —    Les    collections    de    la 

mission  Pelliot,  au  Musée  du  Louvre 33 

L.  D.  —  Une    1  rii   d'œuvres  d'Isabey,  léguée  au 

Musée  du  Louvre 38 

Henri  Chabeuf.  —  Les  pleurants  des  tombeaux 
des  ducs  de  Bourgogne 43 


N°  4. 

André  Michel.  —  Bustes  des  deux  frères  Coypel  49 
Paul  Leprieur.  —  Dessins  nouvellement  acquis 

par  le  Musée  du  Louvre 50 

Décret  relatif  au  personnel  des  Musées  Nationaux 

et  de  l'Ecole  du  Louvre 55 

P.  V.  —  Le  Musée  de  la  Société  des  Amis  du 
Vieux  Reims 60 

Léon  Deshairs.  —  Objets  chinois  anciens  et  chi- 
noiseries du  xvme  siècle  au  Musée  des  Arts 
décoratifs 61 

N°  5. 

Marcel  Raymond.  —  Le  buste  du  cardinal  de 

Richelieu  par  Le  Bernin,  au  Musée  du  Louvre .  65 
E.  Pottier.  —  Les  accroissements  du  département 

de  la  céramique  antique  au  Musée  du  Louvre  .  65 
L.  Dimier.  —  Un  peintre  du  Musée  de  Reims, 

Georges  Boba 71 

Décret  relatif  au  dépôt  d'œuvres  d'art  dans  les 

Musées  départementaux 74 


No  6. 

Louis  Gonse.  —  Le  portrait  de  d'Alembert  par 
La  Tour,  au  Musée  du  Louvre 81 

Gaston  Brière.  —  La  statue  de  Washington  par 
Houdon  et  sa  reproduction  au  Musée  de  Ver- 
sailles        82 

L.  Dimier.  —  Un  nouveau  tableau  de  Toussaint 
Dubreuil  à  Fontainebleau S5 

Henri  Guerlin.  —  Les  Le  Sueur  de  Marmoutier 
au  Musée  du  Louvre  et  au  Musée  de  Tours ...     90 

Henri  Chabeuf.  —  Attiret  au  Musée  de  Dijon.     93 


TABLE    ALPHABÉTIQUE    DES    MUSÉES 


°?    y 


Arras,  7. 
aurillac,  27. 

AUTUN,     l6. 

avranches,  79. 

Bayeux,  15. 

Besançon,  79. 

Chalons,   14. 

Chantilly,  79. 

Chateauroux,    96. 

Chartres,   14,   31,   78. 

Dijon,  43  (fig.),  47,  93  (fig)- 

Digne,  16. 

Falaise,  48. 

Fontainebleau,  79,  85. 

Grenoble,  13,  27. 

Lille,  47. 

Longwy,  77. 

Louviers,  16. 

Lyon,  10,  11  (fig.),  79,  95- 

Malmaison,  95. 

Moulins,   15. 

Nantes,  27,  29  (fig.).  31. 

Niort,  30. 

Paris.  —  Louvre. 

Antiquités,  4,   16,   18,  26,  68  (fig.),  74. 

Peintures,  4,  5,  6,  25,  32,  38  (fig.),  40,  74,  22  (fig.) 
74.  50-52  (fig.),  81  (fig.),  88,  92. 

Sculptures,   1,  4,  5  (fig.),  25,  26,  41,  49-50  (fig.), 
55.  65-67  (fig.),  79. 


Objets  d'art,  2,  4,  24,  26,  33  (fig.),  41,  55,  gÇ>- 

Chalcographie,  6. 

Musée  de  l'Armée,  31,   64. 

Arts  décoratifs,   8,    13,   30,  46,   61-63,   7^.  95- 

Musée  des  Beaux-Arts  de  la  ville,  13,  76,  16,  47, 
76. 

Luxembourg,  6,   35,  41.   89. 

Bibliothèque  Nationale,   30. 

Cluny,  42,  44,  89. 

Musée  Guimet,  45,  64. 

Carnavalet,  46. 

Galliera,  41,  46. 

Bibliothèque  de  la   Ville  de  Paris,  46. 

Musée  Cernuschi,  47. 

Musée  de  sculpture  comparée,  76,  96. 

Ecole  du  Louvre,  6,   64,   80,  96. 
Pau,  79. 
Pithiviers,  15. 
Le  Puy,  15,  27  (fig). 
Reims,  47,  71-73  (fig),  60-61  (fig.). 
Rodez,  78. 
Rouen,  77. 
Saint-Germain,  42. 
Sèvres,  41. 
Toulouse,  31. 

Tours,  78,  90  (fig.).  — ■  Musée  archéologique,   15. 
Tulle,  15. 
Uzès,  31. 

Valenciennes,  77. 
Versailles,  6,  25,  26,  42,  74,  82  (fig.).  89. 


Bulletin    des    Musées 
de    France 


LES     LANSQUENETS     DU     CHATEAU     DE     MOGNEVILLE 

(Acquisition    récente   du   Musée   du    Louvre) 


Le  musée  du  Louvre  a  acquis  ces  deux  hauts 
reliefs  comme  provenant  de  l'ancien  château 
(aujourd'hui  détruit)  de  Mogneville,  canton  de 
Rumigny  sur  l'Ornain,  Meuse.  En  attendant 
qu'une  enquête  plus  approfondie  nous  ait  mis  à 
même  d'en  reconstituer  l'histoire,  nous  devons  nous 
borner  à  quelques  simples  observations. 

Ils  représentent  deux  de  ces  «  gens  de  pié  »  ori- 
ginaires d'Allemagne,  que  les  Guise  passaient  pour 
av<  >ir  introduits,  sous  Charles  VIII,  dans  l'infanterie 
royale  et  dont  (  Hivierde  la  Marche  dans  ses  mémoires 
mentionne  la  présence  :  «  Et  ceux  qui  crioyent  le 
plus  haut,  c'estoyent  les  lansquenets  et  les  gens  de 
pié.  »  Louis  XII  les  avait  employés  et  on  les  signale 
sous  François  Ier  comme  une  des  principales  forces 
de  l'armée  de  Marignan.  «  Le  roi  de  France  avait 
gros  nombre  de  lansquenets  et  voulurent  faire  une 
hardiesse  de  passer  un  fossé  pour  aller  trouver  les 
Suisses,  qui  en  laissèrent  passer  sept  ou  huit  rangs, 
puis  vous  les  poussèrent  de  sorte  que  tout  ce  qui 
estoit  passé  fut  jeté  dans  le  fossé,  et  furent  fort 
effrayés  lesdits  lansquenets  et  n'eust  esté  le  sei- 
gneur de  Guise...,  ils  eussent  faict  grosse  fascherie, 
car  il  estoit  ja  nuyt  et  la  nuyt  n'a  point  de  honte.  » 
Robert  de  Lamarck,  seigneur  de  Fleuranges,  estime 
leur  nombre  à  26.000.  Pierre  Bontemps,  qui  s'était 
engagé  envers  Philibert  Delorme,  par  devant 
notaire,  à  figurer  avec  la  plus  scrupuleuse  exac- 
titude tout  l'appareil  militaire  des  batailles  de 
Marignan  et  de  Cérisoles  sur  les  bas  reliefs  du  tom- 
beau de  François  Ier,  les  a  représentés  à  peu  près 
comme  nous  les  voyons  ici,  et  on  retrouve  leurs 
«  chausses  bigarrées,  découpées,  déchiquetées  et 
balafrées  »  comme  dit  Brantôme,  dans  le  cortège 
des  rois  de  France  et  d'Angleterre,  près  du  cheval 
de  l'archevêque  au  Camp  du  drap  d'or,  tel  qu'il 
est  représenté  à  l'hôtel  Bourgtheroulde  à   Rouen. 

Mais,  aucune  des  représentations  jusqu'à  prési  ni 


connues  ne  saurait  être,  tant  pour  la  précision 
documentaire  du  costume  et  de  l'armement  que 
pour  les  dimensions  des  figures,  comparée  aux  deux 
haut-reliefs  qui  viennent  d'être  exposés  dans  nos 
salles  de  la  Renaissance.  Les  spécialistes  de  l'histoire 
de  l'armement  les  ont  déjà  catalogués  comme  des 
pièces  d'importance  exceptionnelle  et  je  ne  saurais 
mieux  faire  que  de  rapporter  ici  ce  que  m'en  écri- 
vait récemment  M.  Ch.  Buttin,  qui  a  acquis  en  la 
matière,  —  par  ses  travaux  sur  La  Masse  d'armes 
de  Bavard.  Lit  Cinquedea 
aux  armes  d'Esté  et  celle 
de  la  collection  Gols- 
chmidt,  Le  Guet  de  Genève 
au  x\-t'  siècle  et  l'arme- 
ment de  ses  gardes  (paru 
il  y  a  quelques  jours  à 
peine)  — ,  une  notoriété 
et  une  autorité  de  bon 
aloi  :  «  L'armement  est 
nettement  italien.  La 
large  dague  qui  pend 
sur  la  cuisse  droite  de 
l'un  des  lansquenets  est 
du  type  des  cinquedeas  italiennes  dont  vous 
avez  deux  magnifiques  exemplaires  au  I, ouvre: 
la  lame,  le  fourreau,  le  batardeau  et  les  quillons 
se  rattachent  nettement  à  ce  type  et  si  la 
poignée  s'en  écarte  un  peu,  le  rivel  qui  traverse  la 
fusée  et  la  rive  sur  la  soie  rappelle  suffisamment  la 
poignée  des  cinquedeas  pom  que  toute  hésitation 
soit  impossible.  C'est  là  un  document  iconographi- 
que des  plus  précieux  sur  les  cinquedeas.  car  ils 
sont  extrêmement  rares  et  je  n'en  connais  que  trois 
ou  quatre. 

«L'épée  de  l'autre  lansquenet  est  moins  caractéris- 
tique; elle  est  OU  italienne  ou  française;  mais,  à  coup 
sûr,  elle  n'est  pas  du  type  des  lansquenettes  alli  - 


Fig.    1 .  Tête   1  asi  [Uc 

de  même  provenance. 


l'.l  1  LETIN   DES  MUSEES   DE   FRANCE 


les  qui  avaient  la  garde  en  S  et  la  fusée  tronco- 
nique  sans  pommeau...  Cet  armement  italien  ne  doit 
pas  surprendre  Les  guerres  du  Milanais  avaient 
tout  mêlé  et  les  armes  italiennes  étaient  presque 
aussi  répandues  chez  nous  que  de  l'autre  côté  des 
Alpes.  Il  y  avait  du  reste  des  lansquenets  en  France, 
en  Allemagne  et  en  Italie,  le  costume  militaire  à 
•  rêvés  était  usité  partout  et  les  belles  armures  ita- 
liennes à  imitation  de  crevés  au  musée  d'artillerie 
montrent  que  l'Italie  avait  aussi  ce  type  de 
costume.    »> 

Si  l'armure  est  italienne  et  les  deux  lansquenets 
peut-être  allemands,  le  sculpteur  est  incontesta- 
blement français,  —  d'un  réalisme  franc  et 
savoureux  dans  l'observation  des  figures  autant 
qu'exael    dans   la    représentation    de   l'armement, 


marquant,  sans  appuyer  lourdement,  avec  une 
netteté  expressive,  toutes  les  particularités  indivi- 
duelles des  figures  ;  le  menton  proéminent  et  carré  de 
l'homme  à  la  toque  empennée,  sa  moustache  épaisse 
recouvrant  la  lèvre  supérieure,  dont  une  mèche 
brusquement  rabattue  vient  rentrer  dans  la  bou- 
che, ont  la  double  évidence  caractéristique  d'un  por- 
trait et  d'un  type. 

.Si  l'on  trouve  ce  costume  usité  dès  le  début  du 
règne  de  François  Ier,  on  le  retrouve  aussi  à  Céri- 
soles  et  les  sculpteurs  du  tombeau  d ;  Saint-Denys 
l'ont  encore  eu  sous  les  yeux.  On  peut  donc,  en 
considérant  surtout  le  caractère  de  la  sculpture, 
dater  ces  deux  morceaux  de  la  première  moitié  et 
plus  vraisemblablement  du  milieu  du  xvie  siècle. 
André  Michel. 


QUELQUES     CARREAUX     DU     CHATEAU     DE     MANTOUE 
au    Musée    du    Louvre 


Les  six  carreaux  de  pavage,  en  faïence  émaillée  (i) 
(v.  fi;?.  2)  que  le  Musée  du  Louvre  a  récemment 
acquis,  appartiennent  à  un  ensemble  qui  offre, 
pour  l'histoire  de  la  céramique  italienne  vers  la 
fin  du  xve  siècle,  un  intérêt  indiscutable. 

Ils  ont  été  exécutés  pour  un  membre  de  la  maison 
de  Gonzague,  comme  le  prouve  leur  décoration, 
formée  des  armoiries  et  des  emblèmes  de  cette 
illustre  maison. 

L'un  des  carreaux  présente  —  (avec  quelques 
modifications  de  couleurs,  dues  à  l'insuffisance  de 
la  palette  des  faïenciers  à  cette  époque)  —  les  ar- 
moiries que  les  marquis  de  Mantoue  portaient 
depuis  1433  :  d'argent  à  la  croix  pattée  de  gueules, 
cantonnée  de  quatre  aigles  de  sable,  becquées  et 
membrées  de  gueules  (Mantoue)  ;  sur  le  tout  : 
écartelé  aux  1  et  4  de  gueules  au  lion  d'argent 
rampant,  couronné  d'or  ;  et  aux  2  et  3,  d'or  à 
trois  fasces  de  sable  (Gonzague). 

Les  cinq  autres  ont  chacun  une  des  nombreuses 
«  imprese  ».  ou  devises,  que  les  Gonzague  ont  affec- 
tionnées, et  au  sujet  desquelles  M.  Vriarte  a  re- 
dis (2)  les  recherches  des  savants  italiens. 

1    ■  ' m.    24  ;   largeur,   o   m.    24  ;   le   iv\  1  ;  | 

muni  il.    * ncentriqui      en   relief,  destinés  à  faci- 

nci     1 11  Mil. 

Este  et    les   artistes 
Beau      1  ■■  ,      1 .   1 1 . 


I,e  chien  muselé  remonte  au  xi\Tt'  siècle  ;  le  soleil, 
avec  la  légende  «  per  un  dexir  »  (pour  un  désir), 
date  de  Louis,  second  marquis  de  Gonzague  (f  1478)  ; 
la  montagne  en  triple  plate-forme,  entourée  de  b  an- 
dons  enflammés  et  accompagnée  de  la  devise 
<•  amumos  »  (sans  reproche),  a  été  adoptée  par  lé 
troisième  marquis,  Frédéric  (f  1484)  ;  la  bourse, 
appelée  aussi  muselière  ou  panier,  avec  la  devise 
«  cautius  »,  est  l'emblème  du  quatrième  marquis, 
Jean-François,  le  grand  condottiere  (7  1519)  ;  le 
brandon  surmonté  d'une  colombe,  avec  les  mots 
<•  vrai  amour  ne  se  change  »,  viendrait  aussi  de  lui, 
ou  de  sa  femme,  la  célèbre  Isabelle  d'Esté  (7  1539). 

Ces  beaux  carreaux  ne  sont  d'ailleurs  point  les 
seuls  débris  connus  d'un  ensemble  qui,  lorsqu'il 
était  intact,  devait  produire  grand  effet.  Plusieurs 
collections  publiques  ou  privées  en  ont  également 
recueilli,  qui  permettent  de  reconstituer  presque 
tous  les  éléments  dont  le  pavage  devait  se  com- 
poser. Le  Museo  Civico  de  Milan  a  sept  de  ces  car- 
reaux (1),  dont  deux  apportent  à  notre  liste  deux 
emblèmes  nouveaux  :  un  chien  de  profil,  marchant, 
et  un  gantelet  de  fer.  Le  Victoria  and  Albert  Mu- 
séum de  Londres  en  possède  six,  qui  ajoutent  aux 
nuit  ils  de  ceux  du  Louvre  une  biche  regardant  le 

(1)  II.  Wallis,  The  maiolica  parement  tiles  0/  the  XVth 
century  ;  London,  t902,  in  12;  fig.  89  el  90.  Cinq  car- 
,,  aux    a  ni'  ment    »     ont   reproduit  . 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE,  1910. 


Deux    Lansquenets    provenant    du    Château    de    Mogneville. 

Pierre.  —  Ecole  française  XVI*  siècle. 
[Musêi   du  1 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


soleil,  avec  la  légende  «  Bidergraft  »,  et  le  gantelet 
de  fer.  Au  Kunstgewerb  Muséum  de  Berlin  on  en 
voit  également  six,  dont  deux  différents  de  ceux 
du  Louvre  :  la  biche  et  le  gantelet,  comme  à  Lon- 
dres (i).  La  collection  de  Madame  Edouard  André, 
à  Paris,  en  contient  douze,  qui  répètent  ceux  du 
Louvre,  plus  deux  variantes  du  gantelet  de  fer. 
D'autres  pièces  isolées  de  ce  même  pavage  font 
partie  des  collections  de  M.  le  docteur  Bode,  à 
Berlin,  de  M.  Albert  Figdor,  à  Vienne,  de  M.  Manzi, 


gue,  le  style  du  dessin  et  le  choix  des  emblèmes 
suffisent  à  le  démontrer.  Qu'il  provienne  de  Man- 
toue,  c'est  ce  qu'affirme  une  tradition  constante. 
Mais  on  a  cru  possible  de  préciser  encore  davantage. 
Des  témoignages  anciens  attestent  qu'il  y  eut 
jadis  dans  un  appartement  d'Isabelle  d'Esté  au 
«  Castello  vecchio  »  de  Mantoue  un  pavage  en  faïence 
émaillée,  qui  fut  dispersé  durant  la  domination 
autrichienne.  M.  Yriarte  en  a  conclu  que  les  car- 
reaux que  nous  venons  d'énumérer  (il  ne  les  con- 


Fig. 


à  Paris  ;  une  a  figuré  à  la  vente  de  la  collection 
Lanna,  de  Prague  (2)  ;  et  six  ont  récemment  été 
vendus  par  un  antiquaire  de  Francfort  à  un  ama- 
teur américain. 

Soit  un  total  de  plus  de  quarante  carreaux,  qui 
répètent  plus  ou  moins  souvent  une  dizaine  de 
motifs.  Ils  ont  formé  jadis  un  ensemble  impor- 
tant, dont  on  a  essayé  de  reconstituer  l'histoire. 

Que  ce  pavage  ait  été  fabriqué  vers  la  fin  du 
xve  siècle,  pour  un  membre  de  la  maison  de  Gonza- 

(1)  Ils  sont  reproduits  dans  V Illustricrtc  Geschichte  des 
Kunstgeiverbes  Berlin    (1908).    I,  p.   513. 

(2)  Sammlung  des  Freiherrn  Adalbert  von  Lanna, 
Prag,  Berlin,  1909,  in-40  pi.  (Catalogue  de  la  vente)  ; 
n°  466  et  pi.  43. 


naissait  pas  tous)  proviennent  de  cette  partie  du 
palais. 

Il  semble  pourtant  difficile  d'être  aussi  affir- 
matif.  Le  pavage  dispersé  —  dont  on  n'a  aucune 
description  —  décorait  une  partie  de  l'apparte- 
ment d'Isabelle  d'Esté  appelée  le  «  Cortile  »  ;  or 
ce  Cortile  fut  bâti  en  1522.  Nos  carreaux  date- 
raient-ils  donc  de  cette  époque  ?  Cela  semble  peu 
probable,   pour  diverses   raisons. 

D'abord  parce  que  leur  style  les  ferait  croire 
plus  anciens.  Ensuite  parce  qu'en  1522  Isabelle 
d'Esté,  veuve  depuis  trois  ans,  n'aurait  pas  man- 
qué de  témoigner  par  quelques-uns  des  em- 
blèmes (comme  elle  l'a  fait  dans  son  fameux  ser- 
vice  de   faïence,    attribué    à    Nicola   da    Urbino), 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


la  très  vive  douleur  que  lui  causai!  la  mort  de  son 
mari  :  or  aucun  des  carreaux  actuellement  connus 
ne  fait  allusion  à  ce  deuil.  Enfin,  parce  que  les  ar- 
moiries peinte-,  sur  le  pavage  (elles  y  sont  toujours 
répétées  de  façon  identique,  à  Milan,  à  Berlin, 
a  Londres.  .1  Paris)  sont  celles  de  Jean-François 
seul.  Isabelle  aurait  écartelé  de  ses  armoiries 
celles  de  son  mari,  sur  un  ouvrage  commandé  par 
elle,  comme  elle  l'a  lait  pour  son  service,  dont  une 

pièce    porte    la    date    de    15111. 

Si  ces  carreaux  proviennent  vraiment  du  Cor- 
tile,  il  faut  supposer  que  la  marquise  aurait  rem- 
ployé en  1522  un  pavage  plus  ancien,  ce  qui  ne 
sérail  d'ailleurs  pas  inadmissible.  Des  documents 
d'archives  prouvent  eneffet  qu'un  potier  dePesaro 
livra  au  marquis  Jean-François,  en  141 14.  un  carre- 
lage en  faïence. 

(  lu  serait  tente''  d'en  déduire  que  les  carreaux  au- 
jourd'hui dispersés  sont  ceux  mêmes  que  les  textes 
mentionnent.    Mais    cette    opinion,    acceptée    par 


M.  Wallis  avec  une  prudente  réserve,  ne  saurait 
devenir  une  certitude,  car  les  lettres  de  140)4  ne 
décrivent  pas  le  pavage  auquel  elles  se  rapportent, 
et  on  ignore  le  style  des  ateliers  de  Pesaro  à  cette 
époque. 

Pour  conclure,  on  peut  affirmer  que  les  carreaux 
du  Louvre  ont  été  fabriqués  pour  Jean-François 
de  Gonzague  ;  mais  il  serait  téméraire  de  vouloir 
préciser  leur  date   et   leur   emplacement   primitif. 

Ces  curieuses  faïences  augmentent  le  nombre 
des  œuvres  d'art  qui  sont  venues,  de  Mantoue, 
trouver  un  asile  sur  les  bords  de  la  Seine.  C'est  en 
effet  au  goût  raffiné  des  Gonzague  que  nous  de- 
vons, outre  les  tableaux  célèbres  de  Mantegna, 
du  I'érugin,  de  L.  Costa,  du  Corrège.  la  statuette 
en  bronze  du  marquis  Jean-François,  par  Spe- 
randio,  et  la  dague  de  ce  même  prince,  sur  laquelle 
on  reconnaît  justement  deux  des  «  imprese  »  des 
carreaux. 

J.-J.  MAKQl'ET  de  Yasselot. 


MUSÉES     NATIONAUX 
Acquisitions   et  Dons 


MUSÉE  DU  LOUVRE  •e<t°{°ê°t<f°t°$°t 
°g  <f  •$  Antiquités  grecques  et  romaines.  — 
La  Société  des  Amis  du  Louvre  a  offert  en  don  au 
Musée  un;  belle  plaque  de  bronze  incrustée  d'ar- 
gent représentant  un  sujet  de  chasse;  ce  très  inté- 
ressant document  d'art  industriel  gréco-romain 
provient  de  la  collection  Campe  de  Hambourg. 

°if  if  •{?  Le  même  département  a  acquis  récem- 
ment une  importante  statue  grecque  archaïque 
qui  date  du  \  V  siècle  et  représente  un  homme  mar- 
chant dans  l'attitude  traditionnelle  des  figures 
désignées  sous  le  nom  à'Apollons.  Nous  revien- 
drons très  prochainement  sur  cette  acquisition. 

f  Tf  f  Peintures.  —  Le  département  des  pein- 
tures a  reçu  en  don  de  M.  Félix  Bracquemond  deux 

peintures  ;  l'une  est  un  portrait  d'Alexandre 
Dumas  père,  pai  Guichard,  élève  d'Ingres  et 
inaiiie  d>  M.  Bracquemond;  l'autre,  est  le  por- 
trait d' Au vertot,  doyen  des  maîtres  de  forges  par 
Bonhomme. 

L'-  même  département   a  récemment   acquis  une 
petite    toile-    de    Corot     représentant     une     Vue    de 

et  tout  un  lot  de  dessins  et  d'études  d'Al- 
fred   Dehodei    q 


f   f   f    Départements     des    objets    d'Art.    — 

M.  le  ministre  du  Commerce  a  récemment  autorisé 
le  retour  au  Louvre  pour  être  joints  aux  collections 
des  objets  mobiliers  des  xvne  et  xvnie  siècle  de 
deux  beaux  bronzes  français  de  l'époque  Louis  XIV 
représentant  Silène  et  Flore.  Ces  bronzes,  qui  por- 
tent les  marques  de  l'inventaire  du  garde-meuble 
royal  ont  été  placés  dans  la  première  salle  du  Mo- 
bilier sur  le  bureau  de  Boulle  rentré  des  Archives 
nationales.  C'est  la  suite  très  heureuse  de  la  con- 
centration de  cette  admirable  collection  dispersée 
jadis  au  hasard  des  résidences  et  administrations 
diverses. 

°#  °ç  °f  Sculptures  du  moyen  âge  et  de  la  Re- 
naissance. —  Le  département  des  sculptures  du 
moyen  âge  et  de  la  Renaissance  a  acquis  dans 
les  derniers  mois  de  l'année  dernière  et  vient  d'ex- 
poser trois  morceaux  qui,  sans  être  de  première 
importance,  complètent  utilement  les  séries  qui 
représentent  au  Louvre  l'art  français  si  riche  et  si 
varié  de   la   tin   du   XVe  et   du  commencement   du 

XVI''  siei  le, 

C'est  d'abord  un  médaillon  quadrilobé  qui  re- 
présente, dans  un  décor  gothique,  un  l'ère  Eternel 
bénissant,    en    pierre    polychrome.    Ce    médaillon 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


décorait  jadis  une  clef  de  voûte  dans  une  cha- 
pelle démolie  de  la  région  de  Chaumont  (Haute- 
Marne). 

—  Une  figure  en  pierre  petite  nature  appartient 
évidemment,  quoi  qu'on  n'en  connaisse  paï  la 
provenance  exacte,  à  l'école  champenoise  de  la 
première  moitié  du  XVIe  siècle.  Le  visage  à  l'ex- 
pression très  douce,  peut-être  un  peu  fade,  la  dra- 
perie, très  gothique  encore,  la  rapprochent  des 
Vierges  publiées  par  MM.  Koechlin  et  Marquet  de 
Vasselot,  de  Brienne-la- Vieille  et  de  Saint- Rémy- 
sous-Barbuise.  Mais  elle  nous  présente  un  type  ico- 
nographique assez  peu  fréquent  dans  la  série,  qui 
paraît  être  celui  de  la  Vierge  de  l'Annonciation. 
(Voir  fig.  3.) 

—  Enfin,  une  petite  Vierge  à  l'Enfant  plus  tar- 
dive, et  qui  ne  rappelle  que  d'assez  loin  la  formule 
champenoise,  provient  vraisemblablement  des  pro- 
vinces de  l'Est  de  la  France  et  appartient  avec  son 
allure  dansante  et  gracieuse  jusqu'au  maniérisme, 
son  costume  compliqué  et  son  enfant  très  mouve- 
menté à  l'époque  qui,  en  Champagne,  est  celle 
des  Julliot. 

t?  V  °£  Sculptures  Modernes.  —  Un  arrête  du 
Ministère  de  l'Instruction  publique  a  permis  de 
faire  rentrer  au  Louvre  un  admirable  buste  de 
Caffieri  représentant  l'astronome  Pingre.  Ce  buste, 


exposé  dès  maintenant  dans  la  salle  Coustou,  fera 
l'objet  prochaine- 
ment d'une  note 
et  d'une  repro- 
duction dans  le 
Bulletin. 

V  °if  °i?  Un  legs 
de  Mme  Dinah 
Félix  a  mis  le 
Louvre  en  pos- 
session d'une  sta- 
tuette de  Rachel, 
sœur  de  la  dona- 
trice, par  Barre. 
Cette  statuette  en 
ivoire,  est  datée 
de  1849.  Rachel  y 
est  représentée  en 
costume  classique 
à  peu  près  comme 
dans  la  statue  de 
Duret  qui  est  au 
Théâtre-Français , 
celle      au     moins 

où    l'actrice     est 

11        .        .     c.  Fie.  \.  — Vierge  d'Annonciation. 

debout     et     figure  ,-.     ,  ,  v,,t,  1 

&  Ecole  champenoise.     X\  Ie    siècle. 

la  Tragédie  (Musée  du  Louvre.) 


Documents   et  Nouvelles 


y  ^  V  M.  Eugène  Ledrain,  conservateur  des  an- 
tiquités orientales  au  Musée  du  Louvre  et  pro- 
fesseur d'épigraphie  orientale  à  l'Ecole  du  Louvre, 
est  décédé  à  Paris  le  16  février. 

Ancien  oratorien,  il  avait  abandonné  la  car- 
rière ecclésiastique  pour  se  consacrer  à  l'étude 
de  l'orientalisme.  Il  y  débuta  par  de  savantes 
recherches  sur  l'histoire  religieuse  et  l'épigraphie 
de  l'ancienne  Egypte  et  publia  en  1882  une- 
Histoire  du  peuple  d'Israël.  Il  publia  aussi,  en 
1897,  un  Dictionnaire  de  la  langue  de  l'ancienne 
Chaldée. 

Après  avoir  été  attaché  pendant  quelques  an- 
nées au  département  des  manuscrits  de  la  Biblio- 
thèque Nationale,  il  était  entre  au  Musée  du  Lou- 
vre, il  y  a  une  trentaine  d'années  il  avait  été 
nommé,  en  1908,  lors  de  la  retraite  de  M.  Heuzey, 
conservateur  du  département  de  la  céramique 
antique  et  des  antiquités  orientales. 


V  y  y  Société  des  Amis  du  Louvre. —  L'assem- 
blée générale  des  Amis  du  Louvre  a  eu  lieu  le  20  jan- 
vier dernier  au  Pavillon  de  Marsan  sous  la  prési- 
dence de  M.  Jules  Maciet,  vice-président  de  la 
Société.  Après  avoir  approuvé  le  compte-rendu 
financier  annuel,  les  membres  présents  ont  entendu 
le  rapport  de  M.  Raymond  Koechlin  sur  l'état  delà 
Société  qui  compte  actuellement  pies  de  3. ooo  mem- 
bres et  sur  son  activité  pendant  l'année  :  M.  Koechlin 
a  notamment  relaté  les  nombreux  dons  faits  en 
1909  au  Musée  par  des  personnes  appartenant  ou 
non  aux  Amis  du  Louvre. 

M.  Paul  Vitry  a  donne  ensuite  lecture  d'une  notice 

sur   Louis   Courajod   et    sur   l'œuvre   qu'il    : 

plit  au  Louvre  de  1S74  à  1896  dans  le  département 
de  la  Scultpture  du  moyen  âge,  de  la  Renaissance 
el  des  temps  modernes. 

y    y    "f    La  Collection   Chauchard.  Pans  les 

dernières  semaines  de  l'année  iooq,  le  Conseil  des 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


Musées  nationaux  a  définitivement  accepté  le 
legs  de  la  collection  Chauchard,  c'est-à-dire  de 
tous  les  tableaux  de  l'Ecole  de  1830,  qui  forment 
de  beaucoup  l'ensemble  le  plus  considérable  et  le 
plus  précieux  de  la  collection,  d'un  certain  nombre 
de  tableaux  anciens  et  de  plusieurs  tableaux 
modernes,  dont  quatre  toiles  de  Ziem.  Parmi  les 
sculptures,  les  bronzes  de  Barye  seuls  viendront  au 
Louvre.  (  )n  compte  toujours  présenter  provisoi- 
rement la  collection  au  public  dans  le  bâtiment  du 
Jeu  de  Paume  aménagé  à  cet  effet. 

f  if  V  La  protection  des  Musées. — Un  décret, 
paru  au  Journal  officiel  du  22  janvier  dernier,  a 
rapporté  trois  décrets  et  ordonnances  portant  con- 
cessions de  logements  dans  le  palais  du  Louvre 
et  des  Tuileries  et  dans  l'hôtel  de  Cluny,  aux 
directeurs  et  chefs  du  secrétariat,  à  l'inspecteur 
des  bâtiments,  au  gardien  du  service  d'architec- 
ture, au  chef  «les  gardiens  et  au  gardien  chef  du 
matériel  des  Musées  nationaux  et  enfin  au  conser- 
vateur du  musée  de  Cluny. 

On  a  commencé  de  plus  l'installation  d'un  appa- 
reil de  chauffage  unique  qui  sera  placé  eu  dehors 
des  bâtiments  sous  les  jardins  de  la  rue  de  Rivoli 
et  supprimera  les  divers  calorifères  actuellement  en 
service. 

•V    °£  °e   M.  Girault,    architecte    du    Musée    du 

Louvre.  —  Par  arrêté  du  ministre  de  l'Instruc- 
tion publique  et  des  Beaux- Arts,  sur  la  proposi- 
sion  de  M.  Dujardin-Beaumetz,  sous-secrétaire 
d'Etat,  M.  Redon,  architecte  du  Louvre,  est 
nommé  architecte  du  palais  de  Fontainebleau, 
et  M.  Girault,  architecte  du  Palais  de  Fontai- 
nebleau est  nommé  architecte  du  Musée  du  Lou- 
vre,   eu  remplacement  de  M.  Redon. 

if  f  tt  Expositioii  des  nouvelles  acquisitions 
du  département  de  la  peinture.  —  On  vient 
de  renouveler  et  d'inaugurer  dans  la  Salle  des 
portraits  d'artistes  l'exposition  temporaire  des 
dernières  acquisitions  du  département  de  la  pein- 
tun  «  1  des  dessins.  (  >n  peut  y  voir  en  place  d'hon- 
neur le  petit  portrait  d'enfant  qui  a  été  publié  dans 
le  dernier  Bulletin  entouré  des  divers  morceaux 
dont  non-  avons  signalé  l'achal  ou  le  don  au  cours 
de  l'année  dernière  :  les  panneaux  primitifs  de  la 
<  ollei  tion  Gaj .  la   □  itun    morte  de  Gainsborough 


donnée  par  M.  Nardus,  le  portrait  de  Paméla  La- 
rivière  légué  par  M.  Maignan,  le  portrait  de  jeune 
fille  de  David,  les  paysages  de  Ravier,  etc.  Il  y 
faut  ajouter  un  portrait  d'enfant  attribué  à  Lenain 
et  un  portrait  d'homme  de  la  suite  de  Rembrandt 
d'un  très  beau  caractère. 

Parmi  les  dessins  notons  les  cinq  préparations 
de  Latour,  don  des  Amis  du  Louvre,  et  des  dessins 
ou  aquarelles  d'Hervier,  Dehodencq,  Claudius  La- 
vergne  et  du  P.  Besson. 

°$  °$  V  Chalcographie.  —  Parmi  les  nouvelles 
planches  entrées  à  la  chalcographie  et  dont  les 
épreuves  sont  maintenant  en  vente  au  Louvre, 
nous  citerons  la  Pitié  d'Avignon  gravée  par 
Achille  Jacquet,  —  les  deux  volets  de  Y  Adoration 
(/«'s  Bergers  de  Van  der  Goes,  gravés  par  L.  Fla- 
meng,  —  ['Adoration  des  Mages  de  Durer  gravée 
par  Coppier, —  la  Judith  de  Botticelli,  gravée  par 
Deblois,  la  Descente  de  Croix  de  Rubens  gravée 
par  Jamas,  les  portraits  de  Delacroix,  d'Alexandre 
Dumas,  de  Théodore  de  Banville,  de  Jules  Ferry, 
gravés  par  Desmoulin,  etc. 

f  t   if    Au    futur  Musée  du  Luxembourg.   — 

Par  décret  en  date  du  18  novembre  rendu  sur  le 
rapport  du  Ministre  de  l'Instruction  Publique  et 
des  Beaux-Arts,  les  bâtiments  de  l'ancien  sémi- 
naire de  Saiut-Sulpice  ont  été  définitivement  affec- 
tés à  l'administration  des  Beaux-Arts  pour  servir 
à  l'installation  des  collections  d'ouvrages  d'artistes 
vivants  actuellement  groupés  dans  les  salles  du 
Musée  du  Luxembourg. 

°t  °£  <f  Grand  Trianon.  —  Déjà  des  poêles 
qui  enlaidissaient  de  1  elles  cheminées  de  marbre 
ont  été  démolis,  des  meubles  et  des  colifichets  ridi- 
cules soustraits  aux  regards  des  visiteurs;  la 
galerie,  reliant  Trianon  à  Trianon-sous-Bois  est 
actuellement  vide,  tous  les  médiocres  tableaux 
enlèves,  ainsi  que  les  consoles,  vases  de  Sèvres, 
petites  statuettes,  pendules.  La  conservation  du 
Musée  étudie  les  moyens  de  réinstaller  aux  tru- 
meaux de  la  galerie  la  suite  des  tableaux  de  Cotelle 
représentant  des  vues  du  Parc,  qui  s'y  trouvaient 
jadis  qui  en  furent  maladroitement  arrachés  à 
l'époque  de  la  Restauration  et  depuis  exposés  au 
Musée  de  Versailles. 


LE    PORTRAIT    DE    PHILIPPE    CAYEUX    AVEC    SA    FEMME 

au   Musée   d'Arras 


Il  existe  au  Musée  d'Arras,  sous  le  n°  433  (cata 
logue  de  1907),  une  excellente  peinture  à  l'huile 
classée  parmi  les  auteurs  anonymes,  et  représen- 
tant Philippe  Cayeux  cl  sa  jaunie.  Ce  tableau 
donné,  en  1899,  au  Musée,  par  M.  Braquehaye,  pro 
vient  de  la  succession  d'un  tu  mimé  Philippe 
Michel  Lesage- 
Cléry,  qui,  vers 
la  fin  du  xvme 
siècle  et  au  dé- 
but du  xix°,  vi- 
vait prèsdeMon- 
treuil  -  sur  -  Mer. 
Au  dos,  sur  la 
toile,  on  peut  lire 
l'originale  et  pré- 
cieuse inscription 
suivante,  tracée 
au  pinceau,  et 
vraisemblable- 
ment contempo- 
raine de  la  pein- 
ture   : 

PHILIPPE 
DE  CAYEUX,  NATf 
in      Vie    d'huMIÈRE 
SCI    1  '  en  ORNEMENS 

RENOMÉ   A    PAkls 

CHÉRI   ET  TRÈS  BIEN 

VENU  CÉANS 

EN     SUS     MADe 

HONESTA    SA    TRÈS 

AIMÉE   ET   TRÈS 

DIGNE  ÉPOUSE 


Fig.  4.  —  l 'hilippe  Ca\  eux  1 
[Musét 


Philippe  Ca- 
yeux, né  à  Hu- 
mières  (Picardie),  en  1688,  était,  en  effet,  un 
sculpteur  d'ornements,  de  bordures  et  boiseries  spé- 
cialement, très  réputé  à  Paris  au  XVIIIe  siècle  (1). 

(1)  Sur  Philippe  Cayeux,  sculpteur  d'ornements  et  ama- 
teur (1688-1769),  voy.  l'article  très  substantiel  de  M.  Ad- 
vielle  (Victor),  dans  les  Réunions  des  Sociétés  de  Beau* 
Arts  des  Départements,   [895,  p.  824. 

Sa  femme  était  née  Marguerite-Françoise  Hourbez.  Le 
nom  à'Honesta,  qui  lui  est  donné  dans  l'inscription  citée, 
semble  avoir  été  le  sobriquet  d'usage,  vers  le  milieu  du 
xvme  siècle,  pour  désigner  une  femme  excessivement  nié 


Installé  de  très  bonne  heure  dans  la  capitale,  pa- 
roisse Saint-Roch,  il  habita  d'abord  dans  la  rue 
Saint-Honoré,  ensuite  rue  Villedo  (près  de  la  rue 
de  Richelieu),  où  il  est  mort  en  1769.  Il  avait  été 
officier  de  l'Académie  de  Saint-Luc.  Continuel- 
lement  eu   relation   avec   les  meilleurs,  artistes  de 

sou  temps,  aux- 
quels il  fournis- 
sait des  cadres  et 
prêtait  parfois  de 
l'argent,  il  était 
très  achalandé 
et  il  avait  com- 
mencé tout  jeune 
à  former,  écrit 
Rémy,  le  mar- 
chand de  ta- 
bleaux, «une  des 
belles  collections 
(principalement 
de  dessins  et 
d'esl  ampes)  qu'il 
y  ait  à  Paris  •>. 
Diderot  aussi 
cite  quelque  part 
«  l'immense  et  ri- 
che collection  du 
vieux  Cayeux  »  ; 
il  l'avait  «  cou- 
chée en  joue, 
mais  infructueu- 
sement »,  pour  le 
compte  de  l'im- 
pératrice Cathe- 
rine (1). 

Artiste  de  ta- 
lent, ami  serviable  et  amateur  avisé,  Philippe 
Cayeux    était    presque    un    personnage    dans    le 

ticuleuse  et  rangée,  une  gouvernante  un  peu  rigide. 
d  Madame  Honesta  ».  c'était  le  surnom  lancé  par  les  jeunes 
dames  de  la  Cour  contre  la  stricte  duchesse  de  Mouchy. 
qui  fut  la  gouvernante  de  Marie  Lesczinska  et  de  Marie- 
Antoinette  (jusqu'en  1775).  Cette  dernière  l'appelait  elle- 

ni' Madame   l'Etiquette    ».    Voy.    Prince   de   Mont- 

barey  :  Mémoires,   l'.ins,    [827,   11,  353;  III,  262. 

(1)   Lett.  à  Falconet,   jnill.   1767   (Ed.   Assézat  et  Tour- 
neux,  XVII I,  24  ,. 


^,1  femm 
d'Arras.) 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


monde  artistique  et,  bien  qu'il  fût  d'une  famille 
bourgeoise  apparentée  à  des  «  maîtres-rôtisseurs  » 
et  à  des  «  marchands-pâtissiers  »,  il  détenait  un 
assez  joli  cabinet  pour  donner  le  change,  et  mériter 
la  particule  de  fantaisie  que  lui  octroie  l'inscrip- 
tion ci-dessus.  Il  connaissait  sans  doute  person- 
nellement Noël-Nicolas  Coypel,  Charles  Parrocel, 
Carie  Van  Loo,  Boucher,  Xatoire,  Taraval,  Chasle, 
dont  il  possédait  quelques  œuvres.  Cochin,  Des- 
friches, étaient  de  ses  intimes.  Le  premier  nous  a 
même  laissé  un  beau  dessin,  gravé  par  Lempe- 
reur  et  représentant  Cayeux  vu  de  profil.  Ailleurs, 
il  trace  en  deux  mots  le  portrait  physique  et  moral 
de  Sun  vieil  ami  :  «  Le  P.  Cayeux  est  toujours  gros 
et  gras,  et  nullement  triste,  comme  vous  savez...  (i)  » 
Enfin,  il  y  a  tout  lieu  de  supposer  que  Perronneau. 
l'ami  commun  de  Cochin  et  de  Desfriches,  comp- 
tait également  parmi  les  familiers  du  «  P.  Cayeux  ». 

Le  tableau  d'Arras, — haut  de  o  m.  75,  large  de 
o  m.  65. —  nous  montre  Philippe  Cayeux  en  buste, 
vêtu  d'un  habit  marron,  assis  devant  une  table, 
les  mains  posées  l'une  sur  l'autre.  Il  tourne  la  tète 
de  trois  quarts  à  droite,  en  souriant  à  sa  femme, 
penchée  au-dessus  de  son  épaule,  coiffée  d'un  bon- 
net blanc  et  d'une  bagnolette  noire.  Dans  ses  doigts, 
il  tient  un  porte-crayon,  attribut  de  l'artiste. 

La  récente  Exposition  des  <<  Cent  Pastels  »  nous 


a  permis  de  découvrir,  dans  la  collection  Groult, 
une  réplique  au  pastel  de  cette  peinture.  Les  di- 
mensions sont  sensiblement  identiques  :  Hauteur, 
0  m.  71  ;  largeur,  o  m.  57.  On  l'attribue  communé- 
ment à  Perronneau  (1).  Et,  en  effet,  on  y  reconnaît 
assez  facilement  la  manière  du  maître  pastelliste , 
qui.  par  surcroît,  (témoins  les  superbes  portraits 
à  l'huile  de  J.-B.  Oudry  et  du  sculpteur  Adam, 
au  Louvre),  savait  prestigieusement  manier  le  pin- 
ceau. 

Le  pastel  de  la  collection  Groult  et  la  peinture 
du  Musée  d'Arras  sont  ainsi  amenés  à  se  rendre 
mutuellement  service.  Car,  si,  jusqu'à  présent,  la 
toile  du  Musée  d'Arras  fut  classée  parmi  les  auteurs 
anonymes,  en  revanche  le  pastel  de  la  collection 
Groult  a  donné  lieu  aux  identifications  les  plus 
diverses.  Les  uns  y  voyaient  «  Perronneau  et  sa 
femme  »,  les  autres,  «  Mme  Desfriches  et  Perron- 
neau »  (2).  Et,  en  dernier  lieu,  on  affirmait  que  les 
deux  sympathiques  personnages  si  tendrement 
unis  ne  pouvaient  être  qu'  «  Oudry  et  sa  femme  »  (3). 
Il  est  maintenant  établi,  d'une  façon  définitive, 
croyons-nous,  qu'il  s'agit  des  époux  Cayeux  et 
l'attribution  de  l'une  et  l'autre  œuvre  à  Perron- 
neau reste  absolument  plausible. 

Jean  Locquin. 


EXPOSITION     D'ESTAMPES     JAPONAISES 
au  Musée  des  Arts  Décoratifs 


Harunobu,  Koriusaï,  Shunsho  et  son  groupe 


La  première  Exposition  d'Estampes  japonaises 
organisée  en  1909  au  Musée  des  Arts  Décoratifs 
avait  fait  connaître  au  public  parisien  les  Primitifs. 
'  ta  appelle  de  ce  nom,  nous  l'avons  dit.  les  maîtres 
de  la  première  moitié  du  xvnie  siècle  environ, 
inventeurs  du  <•  style  populaire  »  et  dessinateurs 
(l'une  raie  puissance,  mais  dont  les  procédés  de 
(taient  encore  rudimentaires.  Les  premiers 
avaient  imprimé  leurs  ligures  en  noir  et  les  retou- 
ches de  couleur  étaient  ajoutées  au  pinceau  :  puis 
La  couleur  imprimée  apparut,  mais  timidement 
d'abord,  et  pendant  d'assez  longues  années,  semble- 

1    Letl Cochin  à   Desfrii  he      [4  octobn    [758    pu 

Ihst.  /tes  f'in     1  1  '.   ,111), il,  m  s   franc., 
Pari  vol.   m  S",   Il  I 


t-il.  l'on  se  contenta  de  deux  teintes,  le  rose  et  le 
vert  d'ordinaire  ;  une  troisième  s'y  ajouta  plus 
tard  et  c'est  aux  maîtres  qui  réalisèrent  ce  dernier 
progrès,  aux  Kiyomitsu  et  aux  Shighenaga,  que 
nous  nous  étions  arrêtés.  Avec  Harunobu,  auquel 
nous  arrivons,  toute  incertitude  de  métier  cesse  et 
l'on  peut  dire  que  ses  estampes  ont  atteint  une 
perfection  technique  qui  n'a  jamais  été  dépassée. 
Harunobu  a  vécu  vers  le  milieu  du  xvnie  siècle. 
Elève  de  Shighenaga,  il  commença,  lui  aussi,  par 

1,1)  Voy.  L.  Vaillat  et  E.  Ratouis  .le  Limay  :  J.-B.  !',•- 
ronneau,  Paris,   190g,  in-40,  .'4  et  94. 

(2)  Roger-Miles      Le  Livt      l'Or  d      Cent  Pastels,   Paris, 
1  <ii  18    i".  planche  84. 

(3)  Bull.  1I1   la  Soc.  de  V hist.  de  V art  français,  1909,  p.  60 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


produire  des  estampes  tirées  en  deux  et  trois  tons, 
dans  le  style  des  derniers  primitifs  :  l'exposition  en 
montre  plusieurs  ;  mais  son  originalité  ne  tarda 
pas  d'apparaître  et,  dès  1765  (l'Exposition  pré- 
sente plusieurs  pièces  portant  cette  date),  jusqu'à 
sa  mort,  en  1770,  il  ne  cessa  de  créer  les  plus 
délicats  et  les  plus  ingénieux  chefs-d'œuvre.  Sur 
des  feuilles  carrées  et  de  médiocre  dimension, 
il  se  plut  à  retracer  la  vie  de  la  femme,  de  la  femme 
dans  son  intérieur,  ou  à  sa  toilette,  jouant  avec  son 
enfant  ou  causant  avec  son  amoureux,  se  promenant 
au  bord  d'un  ruisseau,  sous  des  arbres  en  fleurs,  ou 
luttant  gentiment  contre  la  neige  et  la  pluie,  et, 
dans  ces  scènes  si  aimables,  il  marqua  une  grâce  ini- 
mitable ;  le  type  qu'il  affectionne  se  rapproche  d'ail- 
leurs d'assez  près  de  la  réalité,  ses  femmes  sont  un 
peu  courtes,  avec  un  visage  rond,  et  c'est  dans  le 
moindre  de  leurs  gestes  le  plus  charmant  naturel. 
Il  est  assez  curieux  d'ailleurs  que  la  plupart  de  ces 
sujets,  qui,  pour  nous,  ne  représentent  que  des 
scènes  de  la  vie  intime,  évoquent  dans  l'esprit  de  tout 
Japonais  des  allusions  à  des  légendes  anciennes, 
poétiques  ou  mythologiques  que  l'auteur  se  plaît  à 
rappeler  par  d'ingénieuses  allusions. 

Toutefois,  il  sut  aussi  élever  sou  style  et  ses 
estampes  en  hauteur,  qu'on  accrochait,  à  la  manière 
des  peintures,  dans  les  chambres  des  petites  gens, 
ont  souvent  une  admirable  grandeur.  La  quantité 
d'estampes  de  Harunobu  exposées  —  il  y  en  a 
près  de  300  —  permettra  sans  doute,  grâce  à  des 
rapprochements  avec  des  livres  et  à  quelques 
pièces  datées,  d'établir  une  chronologie  approxima- 
tive de  son  œuvre  et  on  le  verra  sans  cesse  s'efforcer 
vers  plus  de  noblesse.  Kn  vérité,  on  ne  saurait  le 
nier,  une  partie  du  charme  de  Harunobu  tient  à 
l'habileté  de  ses  graveurs  ;  on  sait  que  chaque 
ton  exige  une  planche  et  c'est  une  singulière  diffi- 
culté que  leur  repérage  pour  peu  qu'il  y  en  ait 
plusieurs  ;  dans  l'interprétation  des  dessins  d'Haru- 
nobu,  les  graveurs  en  employèrent  parfois  jusqu'à 
sept  ou  huit,  les  couleurs  demeurant  toujours,  dans 
les  tirages  anciens,  d'une  parfaite  harmonie  et  leur 
ingénieuse  variété  contribuant  à  la  délicatesse  de 
l'effet  général.  Certaines  pièces  des  collections 
Vever,  Haviland,  Rouart,  Mutiaux,  et  tant 
d'autres  sont  à  ce  seul  point  de  vue  de  véritables 
chefs-d'œuvre. 

Koriusaï  fut  le  contemporain  un  peu  plus  jeune 
de  Harunobu  et  vécut  jusque  vers  1780  ;  il  traita 
les  mêmes  sujets,  se  rapprochant  parfois  du  style  de 


cet  artiste,  mais  se  montra  souvent  aussi  singuliè- 
rement personnel,  soit  dans  ses  jolies  petites  feuilles 
carrées  où  le  rouge  domine,  soit  dans  ses  estampes 
en  hauteur  d'un  si  noble  caractère,  soit  dans  ses 
grandes  pièces  qui  figurent  presque  toujours  les 
promenades  ou  les  occupations  de  courtisanes 
drapées  dans  les  plus  somptueux  et  les  plus  écla- 
tants costumes.   Ici  encore,  le  rapprochement    de 


Fig.  5. —  Estampe  de  Harunobu. 

1  \l a  ,  1   du  I  ouvri .} 

très  nombreuses  pièces  donnera  lieu  .1  des  observa- 
tions nouvelles. 

Shunsho  au  contraire  et  son  groupe,  Shunyei, 
Shi  nko  et  quelques  autres,  lurent  presque  exclusi- 
vement des  peintres  d'acteurs.  <  >n  sait  quelle  place  le 
théâtre  tient  au  Japon  :  c'est  un  des  grands  divertis- 
sements du  peuple,  il  n'est  si  petit  personnage  qui 
ne  le  fréquente  assidûment  el  les  acteurs  jouissent 
d'une  popularité  singulière.  Les  peintres  d'estampes, 
qui  travaillaient  |>ou-  le  peuple,  n'eurent  garde  de 
négliger  cette  passion  populaire:  les  primitifs  avaient 
donné  d'innombrables  scènes  de  théâtre  et,  à  leur 

exemple,  l'école  de  Shunsho  lit  vivre  dans  sou  ouvre 
tout  le  inonde  des  eoniei liens  de  la  lin  du  XVIIIe  siècle. 

Assurément,     nous    ignorons     presque     tout     des 
acteurs  représentés  et  des  1  liâmes  où  ils  jouent ,  mais 


BULLETIN    DES    MUSEES    DE    FRANCE 


les  dessinateurs  ont  su  mettre  dans  leurs  images  une 
vie  si  intense  et  si  merveilleusement  pittoresque,  que 
nous  ne  sentons  vraiment  pas  le  besoin  d'en  savoir 
davantage  et  qu'il  suffit  à  notre  plaisir  de  voir  la 
troupe  gesticuler,  grimacer,  se  pourfendre,  se  déses- 
pérer dans  les  tôles  innombrables  que  les  auteurs 
imaginaient  pour  elle.  Dans  ces  représentations 
d'acteurs,  où  chacun  est  figuré  seul  sur  une  étroite 
feuille  en  hauteur,  les  peintres  ont  déployé  une  verve 
merveilleuse,  toujours  tempérée  encore  à  la  fin  du 
xviii''  siècle  par  un  goût  parfait,  et  c'est  à  peine 


s'ils  se  sont  permis  le  grotesque  dans  les  Scènes  de 
Lutteurs,  où  d'étranges  géants  se  heurtent  demi-nus 
dans  des  combats  épiques  et  peu  sanglants. 

D'autres  ateliers  que  celui  de  Shuusho  ont,  à  la 
même  époque,  traité  les  mêmes  scènes  de  théâtre  : 
Sharaku  et  Buntcho  y  ont  pris  les  modèles  de  leurs 
compositions  ;  nous  les  rencontrerons  à  l'Exposition 
de  191 1,  où  ils  voisineront  avec  celui  que  l'on  peut 
considérer  vraisemblablement  comme  ayant  porté  à 
son  apogée  l'art  de  l'estampe  japonaise,  avec 
Kiyonaga  (1).  Raymond  Kof.chlin'. 


A  PROPOS  DU    BUSTE   DE   MADAME   RÉCAMIER,   PAR    CHINARD 

au  Musée   de  Lyon 


On  a  célébré  un  peu  partout,  comme  il  convenait, 
l'année  dernière  la  belle  acquisition  de  la  Com- 
mission des  Musées  de  Lyon  qui  a  fait  entrer  dans 
les  collections  lyonnaises  ce  morceau  de  sculpture 
qui  est  peut-être  le  chef-d'œuvre  d'un  enfant  de 
Lyon  et  qui  représente  une  Lyonnaise  d'origine, 
illustre  entre  toutes  pour  sa  beauté,  la  divine  Ju- 
liette Récamier.  Nous  l'avons  enregistrée  nous 
même  ici  au  mois  de  Janvier  dernier,  tandis  que 
M.  Emile  Bertaux  consacrait  à  l'œuvre,  dont  il 
avait  activement  contribué  à  assurer  l'acquisition, 
une  étude  approfondie  et  délicate  dans  la  Revue 
de   l'Art  ancien  et  moderne  (novembre  190g). 

Depuis  lors,  l'exposition  des  ceuvres  de  Chinard 
au  Pavillon  de  Marsan  a  ramené  bien  des  fois  les 
yeux  et  les  esprits  vers  cette  gracieuse  et  célèbre 
effigie  d'un  arrangement  si  pittoresque,  d'un  charme 
si  prenant,  dont  le  principal  exemplaire,  il  est  vrai, 
manquait  à  la  réunion,  par  une  prudence  légitime 
de  ses  nouveaux  possesseurs,  mais  dont  on  admi- 
rail  une  aimable  répétition  en  terre  cuite  appar- 
tenant à  une  collection  parisienne  et  un  moulage 
du  curieux  plâtre  appartenant  à  la  famille  Brillât- 
Savarin  qui  en  est  comme  la  première  pensée  (1). 

Aujourd'hui,  l'exposition  dispersée,  le  buste  de 
Lyon  en  possession  de  la  renommée  qu'il  mérite, 
son  auteur  reconnu  et  quasi  célèbre,  en  partie 
grâi  1     1   la     éduction  d<    51  m  modèle. 

-ou    doute  i  encore  1  l'elli  . 

Nous   sommes   heureux    néanmoins   de   pouvoir 

1  mm     figurer    dans    notre    recueil    la    reproduction 

11  1  .\  et  59  du  Catali 


d'un  excellent  cliché  que  nous  devons  à  M.  Bertaux 
et  de  revenir  pour  les  compléter  et  les  confirmer 
sur  certaines  indications  données  par  lui  dans  son 
étude,  à  propos  de  l'exécution  de  l'œuvre  et  de  sa 
date  exacte. 

M.  Bertaux  avait  rappelé  d'abord  l'opinion  de 
M.  Herriot.  dont  la  signature  se  trouve  à  la  fois 
comme  historien  en  tète  d'un  ouvrage  considérable 
et  définitif  sur  Madame  Récamier  et,  comme  maire 
de  Lyon,  au  bas  de  l'arrêté  qui  a  décidé  du  sort 
de  son  image.  M.  Herriot  plaçait  l'exécution  du 
buste  en  1812.  lors  du  séjour  que  Mme  Récamier 
fit  à  Lyon.  M.  Bertaux.  d'autre  part,  relevait  l'in- 
dication fournie  par  une  note  que  publia  M.  Can- 
tinelli  dans  la  Gazette  des  Beaux-Arts  en  1905.  note 
rédigée  par  Chinard  lui-même  en  1808,  où  celui- 
ci  déclare  que  «  l'on  peut  voir  chez  M.  Récamier, 
banquier  à  Paris»,  plusieurs  œuvres  de  lui,  dont  un 
plâtre  de  son  Persée  e!  Andromède,  exposé  au  Salon 
de  l'an  VIII  ou  IX  et  «le  buste  de  la  belle  Mme  Ré- 
camier qui  a  été  aussi  exposé  au  Salon  ». 

Cette  dernière  assertion  est  malheureusement 
impossible  à  vérifier  d'après  les  livrets  des  Salons 
du  temps  dont  la  rédaction  est  souvent  fort  vague. 

(1)  Un  catalogue  contenant  près  de  200  illustrations  a 
paru,  de  la  première  exposition  d'estampes  japonaises 
(prix  100  tr.,  tiré  à  [OO  exemplaires,  en  vente  à  la  conser- 
vation du  Musée  des  Arts  décoratifs)  ;  le  catalogue  de  la 
seconde  exposition  est  sous  presse  aux  mêmes  condi- 
tions, mais  avec  5  planches  en  couleur.  Le  Musée 
des  Arts  décoratifs  compte  épuiser  en  quatre  prochaines 
expositions,  l'histoire  des  estampes  japonaises,  et  des 
catalogues  en  seront  régulièrement  publiés,  qui  formeront 
le  plus  considérable  1  e.  ueil  qui  soit  de  cet  art,  et  le  meil- 
leui  instrument  de  travail  pour  son  étude. 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


Mais,  pour  des  raisons  très  ingénieuses  tirées  de  la 
présentation  même  du  buste,  dont  la  demi-nudité 
reporte  son  imagination  vers  les  années  du  Direc- 
toire et  du  Consulat ,  vers  les  fantaisies  de 
Madame  Tallien,  dont  l'écharpe  à  glands,  a:usi  que 
le  foulard  de  soie  disposé  en  turban  cachant 
en  partie  un  diadème  à  l'antique,  peuvent  être 
rapprochés  des  modes  et  des  coiffures  de  la  même 
époque,  M.  Bertaux  inclinait  à  penser  que  le  por- 
trait de  Mme  Récamier  avait  dû  être  exécuté  vers 
sa  vingt-cinquième  année,  au  temps  du  Consulat. 
La  seule  difficulté  était,  selon  lui,  qu'il  fallait  sup- 
poser que  Chinard  aurait  fait  vers  celte  époque 
le  voyage  de  Paris  pour  rejoindre  son  modèle  qui 
s'y  trouvait  depuis  sa  sortie  du  couvent  lyonnais 
de  la  Déserte,  voyage  dont  on  ne  trouvait  jusqu'ici, 
disait-il,  aucune  trace  dans  la  biographie  du  sculp- 
teur. 

Ce  voyage  cependant,  d'après  des  documents  qui 
ont  échappé  à  M.  Bertaux  et  quelques  autres  qu'a 
suscités  la  récente  exposition,  est  un  fait  absolu- 
ment certain.  Chinard  le  renouvela  même  sûrement 
à  plusieurs  reprises.  Il  vint  à  Paris  une  première  fois 
en  1795,  peu  de  temps  après  la  fondation  de  l'Institut 
dont  il  avait  été  nommé  associé;  il  fit  des  démarches 
auprès  du  Directoire  pour  obtenir,  à  Lyon,  la  con- 
cession d'un  «  local  national  où  il  devait  installer 
son  atelier  et  ouvrir  une  école  gratuite  »(i)  et  c'est 
pendant  ce  temps  et  au  cours  de  ces  négociations 
qu'il  modela  le  médaillon  de  Ginguené,  directeur 
de  L'Instruction  publique  qui  est  signé  Chinard  â 
Paris  l'an  IV  (2).  Ce  médaillon  précieux  et  du  reste 
de  grand  caractère  appartient  aujourd'hui  à 
M.  Paul  Marmottan  et  c'est  précisément  le  même 
érudit  amateur  qui  avait  retrouvé  aussi  et  publié,  il  y 
a  plusieurs  années  (3),  quelques  témoignages  décisifs 
eu  la  matière  qui  nous  occupe.  Il  s'agit  des  mentions 
rencontrées  en  l'an  X  et  en  l'an  XI  (1801  à  1803). 
dans  un  Almanach  du  Commerce  de  La  Tynna,  de 
l'adresse  à  Paris  du  sculpteur  Chinard;  il  demeurait. 
12,  rue  d'Orléans,  quartier  de  la  Halle  au  Blé,  (plus 
tard,  en  1808,  il  descendra,  lors  d'un  nouveau  séjour 
à  Paris,  d'après  des  renseignements  de  même  na- 
ture :  Hôtel  Rivoli,  rue  de  la  Convention)  :  ce  sont  là. 
dira-t-on,  de  bien  menus  faits.  En  voici  encore  un 
autre  qui  ne  paraît  guère  plus  considérable  et  qui 

(1)  Pièces  publiées  par  Salomon  île  la  Chape) le  Revue  du 
Lyonnais  1896-97. 

(2)  M"  97  .In  Catalogue  de  l'Exposition. 

(3)  Les  arts  en  toscane  -uns  Napoléon.  Paris  1901,  p.  <S4. 


est  cependant  bien  instructif  :  M.  Marmottan  a  eu 
la  bonne  fortune  de  mettre  la  main  sur  une  bande 
de  journal  imprimée  qui  nous  prouve  que  Chinard 
recevait  lors  d'un  de  ses  séjours  à  Paris  celui  de 
1801-1N".;.  une  gazette  quotidienne  et  littéraire, 
historique    et   économique    qui    s'appelait    la  Clef 


Fig. —  Madame  Récamier  (marbre). 

par  Chinard 

(Musèi    de    Lyon.) 

du  cabinet  des  Souverains  rédigée  pai  Garât,  Fon- 
tanes  et  Gérard  de  Nerval,  sous  cette  adresse  : 

Ai  citoyen  Chinard.  rue  Basse-du-Rempart, 
Maison-  dtj  citoyen  Récamier,  a  Paris. 

Il  est  ainsi  prouvé  par  ce  document  inattendu 
que  Chinard  était  reçu  sous  le  Consulat  elle/.  le 
banquier  Récamier,  sou  compatriote,  qu'il  y  avait 
sans  doute  un  pied  à  telle  et  nous  ne  saurions  nous 
étonner  qu'il  y  ait  déposé,  ainsi  que  nous  l'apprend 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


sa  note  de  1808  citée  plus  haut,  les  plâtres  qu'il 
1  ail  fait  amener  à  Paris  pour  le  Salon;  il  devient 
infinime  it  vraisemblable  enfin,  que  ce  fut  à  cette 
date  des  environs  de  1802  qu'il  exécuta  le  fameux 
buste  de  son  hôtesse  alors  dans  tout  l'éclat  de  sa 
radieuse  beauté. 

1  In  sait,  en  dehors  du  buste,  qu'il  fit  un  médaillon 
d'après  Madame  Récamier.  De  nombreuses  épreuves 
en  courent  les  collections  qui  sont  assez  suspectes,  le 
creux  ayant  été  conservé  et...  utilisé.  M.  le  Comte 
de  Penha-Longa  en  possède  un  plâtre  qui  paraît 
ancien  et  ne  porte  que  la  signature  Chinard  (1). 
.Mais  M.  Marmottait  déclare,  dans  l'ouvrage  que 
nous  avons  déjà  cité,  avoir  vu  une  terre  cuite  de 
ce  médaillon  qui  porte  la  signature  :  Chinard  de 
l'Institut  à  Paris,  ce  qui  nous  donnerait  encore  une 
preuve  de  plus  de  ce  que  nous  cherchons  à  établir. 

<  Mi  pourrait  aussi  inférer  de  ce  séjour  de  Chi- 
nard à  Paris  vers  1802  que  c'est  dans  la  société 
parisienne  qu'il  faut  chercher  le  nom  de  la  déli- 
cieuse personne  dont  Chinard  a  modelé  le  buste 
récemment  acheté  par  le  Musée  du  Louvre  et  signe 
Messidor  an  X.  L'identification  avec  Mme  de  Ver- 
ninac,  femme  du  préfet  du  Rhône,  dont  le  portrait 
fut  exposé  seulement  deux  ans  plus  tard  et  «  sous 
les  attributs  de  Liane  »  en  devient  encore  plus 
improbable. 

Quant  au  buste  de  Madame  Récamier,  les  répé- 
titions en  sont  innombrables.  Voici,  pour  ne  parler 
que  de  celles  que  nous  connaissons  et  qui  en  valent 
la  peine,  comment  nous  les  classerions  à  peu  près, 
sans  entrer  dans  une  critique  approfondie  de  cha- 

(  mie    d'elles. 

Le  plâtre  conservé  à  Belley,  dans  la  famille 
Brillât-Savarin  et  dont  un  moulage  en  médiocre 
état  figurait  à  l'Exposition,  prêté  par  le  Musée  de 
Lyon,  semble  être  le  plâtre  original  reproduisant 
1  œuvre  telle  qu'elle  jaillit  de  l'ébauchoir  de  l'artiste. 
Celui-ci,  avant  la  traduction  en  marbre,  reprit 
et  modifia  légèrement  ce  premier  jet.  notamment 
en  ce  < j u i  concerne  l'arrangement  de  la  coiffure  et 
de  l'écharpe. 

mplaire  en  marbre  appartint  à  Mme  Rc- 
eaniier  elle-même.  Mais,  à  une  date  que  l'on  ne 
saurait  préi  iser,elle  le  lit  couper  à  la  naissance  des 
épauli       Le  geste  charmant   des  bras,  le  précieux 

h    Catalo  Le    cre ux   f ig lirait     ou     1 1 


arrangement  du  voile  aux  plis  symétriques,  l'ad- 
mirable poitrine  disparurent  dans  cet  accès  de 
pudeur  rétrospective.  Passé  par  les  mains  de  lanièce 
de  Mme  Récamier,  vendu  en  1893  à  M.  le  Marquis 
de  Biron,  ce  buste  est  aujourd'hui  en  Amérique. 

Le  marbre  de  Lyon  reproduit  ci-contre  et  dont 
nous  ne  saurions  dire  s'il  est  antérieur  ou  posté- 
rieur au  précédent,  avait  appartenu  au  père  de 
Mme  Récamier,  le  notaire  Jean  Bernard,  et  avait 
été  légué  par  lui  en  1828  au  fils  d'un  de  ses  amis, 
M.  Simonard,  qui  avait  connu  dans  son  enfance 
Mme  Récamier.  C'est  la  fille  de  celui-ci,  Mada  ne 
Petit -Dcssari  .  qui  l'a  cédé  au  Musée  de  Lyon.  La 
suite  des  possessions  est  absolument  nette,  la  pro- 
venance indiscutable  :  on  a  contesté  la  qualité  de 
l'œuvre,  à  tort,  selon  nous:  car  si  nous  ne  connais- 
sons le  buste  mutilé  que  par  ses  reproductions,  et 
ne  pouvons  affirmer  s'il  est  supérieur  ou  non.  la 
qualité  du  travail  de  celui  de  Lyon  est  éclatante, 
précise  et  fine,  sans  presque  de  sécheresse,  malgré 
la  mode  ambiante  et  les  habitudes  courantes  de 
Chinard  lui-même.  La  figure,  enfin,  de  grandeur 
naturelle,  y  est  complète  et  s'y  présente  avec  tous 
ses  avantages. 

Il  peut  exister  d'autres  marbres,  anciens  ou 
modernes  (on  nous  en  a  signalé  un  récemment 
dans  une  collection  parisienne  qui  passe  pour  con- 
temporain des  précédents).  Il  ne  semble  pas  qu'au- 
cun puisse  réunir  des  qualités  supérieures  à  celui 
que  nous  venons  d'étudier. 

Quant  aux  exemplaires  à  une  échelle  réduite, 
nous  n'en  saxons  pas  l'origine  :  plusieurs  peuvent 
être  sortis  de  l'atelier  de  Chinard.  peut-être  de  sa 
main  :  ce  sont  en  général  des  reproductions,  le  plus 
souvent  en  terre  cuite,  aux  deux  tiers  de  la  nature. 
presque  sans  autre  changement  que  celle  de  leur 
taille,  du  type  du  buste  de  Lyon;  on  peut  citer  en 
première  ligne  la  terrecuite  de  la  collection  de  M.  le 
comte  Cahen  d'Anvers  qui  figurait  à  l'Exposition, 
un  autre  qui  avait  figuré  à  la  rétrospective  de  IQOO, 
aujourd'hui  à  M.  Gaston  Bernheim,  une  autre  à 
M.  Lefebvre,  au  château  de  Valmer  (Indre-et- 
Loire),  etc. 

Les  petites  réductions,  au  contraire,  dont  nous 
connaissons  plusieurs  en  bronze  paraissent  s'être 
rapprochées  du  modèle  premier  qui  figurait  sans 
doute  toujours  dans  l'atelier  de  l'artiste  et  qu'il 
exploitait   lui-même.  Paul  Yitkv. 


MUSÉES  DE  PARIS  &  DE  PROVINCE 

Notes    et    informations 


MUSEE    DES    ARTS   DÉCORATIFS  >  •*   °f  y 

if  f  V  A  l'exposition  d' œuvres  du  Premier  Em- 
pire terminée  le  15  janvier  a  succédé  immédiate- 
ment au  Pavillon  de  Marsan  une  exposition  d'Es- 
tampes japonaises  qui  comprend  environ  500  pièces 
de  choix  tirées  des  collections  parisiennes  et  fait 
suite  à  celle  dite  des  Primitifs  organisée  l'année 
dernière. 

On  en  trouvera  dans  ce  même  numéro  du  Bulle- 
tin le  thème  exposé  par  M.  Raymond  Koechlin 
qui  en  a  été  l'initiateur  et  l'organisateur. 

Une  exposition  de  gardes  de  sabres  accompagnait 
cette  série  d'estampes. 

D'autre  part  les  panneaux  du  grand  hall  ont 
été  consacrés  à  une  exposition  de  peintures  et  d'es- 
tampes de   Toulouse-Lautrec  relatives  au  théâtre. 

MUSÉE  DE  L'ARMÉE   f-^fff^VVf 

H  °P  °f  Le  général  Niox.  directeur  du  Musée  de 
l'armée,  vient  d'ouvrir  au  public  la  «  chapelle  Napo- 
léon »  où  sont  exposés  tous  les  souvenirs  relatifs 
au  tombeau  de  l'empereur  à  Sainte-Hélène 
et  au  transfert  des  cendres  en  France. 

On  a  également  ouvert  une  nouvelle  salle  consa- 
crée aux  uniformes  des  armées  étrangères. 

MUSÉE  DES  BEAUX-ARTS  DE  LA  VILLE 
DE  PARIS  °?°t°t°t°t¥°£°£°t°£°e°{°£ 
tÇ,  °jf  y  Mme  Soyer,  née  Ehrler,  a  offert  au  con- 
seil municipal,  pour  être  placé  au  Petit  Palais,  un 
petit  groupe  en  terre  cuite  d'un  très  grand  intérêt 
artistique  :  la  Bacchante  entourée  de  ses  cinq  en- 
fants, par  Joseph-Charles  Marin.  Ce  groupe  est 
signé  et  daté  de  1793,  l'année  du  Salon  où  il  fut 
exposé. 

MUSÉE  DE  GRENOBLE   tt°t1-*,°t°t°e 

°£  •$  °{  Le  Musée  de  Grenoble  vient  de  s'enrichir 
d'une  nouvelle  statue  d'origine  dauphinoise,  qui 
complète  très  heureusement  la  collection  d'art 
local  exposée  dans  la  première  salle  de  sculpture. 
Cette  statue  représente  un  saint  Christophe  en 
pierre,  dont  la  peinture  s'est  conservée  presque 
intacte  ;  cette  circonstance  lui  donne  un  intérêt 
tout  à  fait  exceptionnel.  La  rigidité  de  la  pose,  la 
sobriété  des  détails,  doivent  la  faire  classer  parmi 
les  œuvres  du  xme  siècle. 


Notre  Musée  possède  actuellement,  comme  sta- 
tues dauphinoises,  en  pierre  ou  en  bois,  les  pièces 
suivantes  : 

—  Une  Vierge  et  l'Enfant-Jésus  en  buis,  du 
xne  siècle,  provenant  du  Château  de  Bressieu  : 

—  Le  saint  Christophe  en  pierre,  nouvellement 
acquis,  du  xme  siècle,  provenant  du  Champsaur  ; 

—  Une  statue  eu  bois  peint,  du  XXVe  siècle,  re- 
présentant une  Donatrice,  qui  provient  de  Virieu  ; 

—  Trois  statues  du  xva  siècle  ;  un  saint  Jean- 
Baptiste  et  une  sainte  Catherine  (pierre  coloriée), 
provenant  du  couvent  des  Carmes  de  I'inet,  près 
Vienne  et  un  saint  Roch  en  bois,  provenant  du  Châ- 
teau de  Bressieu. 

Enfin,  du  début  du  xvie  siècle  (daté  de  1501), 
un  saint  Christophe  en  bois,  provenant  d'Echi- 
rolles. 

Il  est  curieux  de  trouver  dans  notre  pays  plu- 
sieurs statues  de  saint  Christophe,  patron  des  voya- 
geurs traversant  les  rivières. 

Au  moyen  âge,  le  passage  des  torrents  devait 
être  particulièrement  périlleux  en  Dauphiné,  et 
l'on  comprend  que  les  gens  d'Echirolles  et  ceux 
du  Champsaur,  tous  aux  prises  avec  les  dangers  de 
la  traversée  du  Drac,  se  soient  mis  sous  la  protec- 
tion de  saint  Christophe  et  lui  aient  érigé  des  sta- 
tues. 

Il  est  très  instructif,  au  point  de  vue  de  l'Histoire 
de  l'Art,  de  comparer  les  deux  saints  Christophe  de 
notre  musée,  celui  du  xnie  et  celui  du  XVIe.  L'artiste 
du  XVIe  siècle  cherche  déjà  les  effets  naturalistes. 
les  attitudes  qui  expriment  avec  vérité  le  mouve- 
ment et  l'action,  il  témoigne  plus  de  recherche- 
dans  l'agencement  des  draperies  et,  en  découvrant 
les  jambes,  il  peut  montrer  sa  science  dans  l'étude 
du  nu.  Par  contre,  celui  du  xine  a  une  naïveté  qu'il 
manifeste  par  la  simplicité  des  lignes  et  le  calme 
de  l'attitude.  Quoique  son  saint  traverse  un  torrent , 
l'artiste  ne  cherche  pas  à  relevei  la  robe,  n'ayant 
aucune  tendance  à  représenter  les  formes  nues.  C'est 
à  peine  si  l'on  voit  un  pied  dépassant  la  robe  qui 
enveloppe  toute  la  statue. 

Cette  réunion  d'œuvres  dauphinoises,  si  pré- 
cieuse pour  nous,  est  due  à  l'initiative  du  général 
de  Bevlié.  grâce  à  la  générosité  duquel  nous  pos- 
sédons les  trois  statues  de  Bressieu  et  de  Virieu. 


1 1 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


POUR  LE  MUSEE  DE  CHARTRES  f   y  f  f 

°f  t  °f  yi.  Roger  Durand  a  fait,  à  l'une  des 
dernières  séances  de  la  Société  Archéologique,  la 
communication  suivante  : 

<•  Notre  Musée  de  Chartres  manque  d'espace  : 
c'esl  une  vérité  tellement  évidente  que  le  visiteur 
le  moins  prévenu  ne  peut  s'y  méprendre. 

1  >epuis  de  longues  années,  nous  nous  préoccupons 
de  l'encombrement  des  salles  et  de  la  défectuosité 
de  leur  éclairage.  Un  agrandissement  a  été  tenté  : 
une  partie  de  l'immeuble  Louvancour  a  été  aménagée 
en  salles  de  Musée,  mais  cette  adjonction,  qui  a  été 
onéreuse,  ne  nous  a  donné  satisfaction  à  aucun  point 
de  vue. 

Dans  cette  annexe,  deux  salles  sont  suffisamment 
éclairées  pour  l'exposition  des  tableaux,  mais  leur 
conservation  s'y  trouve  compromise;  en  effet,  si 
le  chauffage  de  l'ancien  Musée  est  défectueux, 
celui  de  l'annexe  est  déplorable.  Nos  toiles  se  dis- 
tendent, se  recouvrent  de  moisissures  ;  bref,  si 
l'état  de  choses  actuel  se  perpétuait,  nous  cour- 
rions à  un  désastre. 

Les  donateurs  ne  se  rebutant  pas,  nous  avons  des 
offres  qui  méritent  un  accueil  empressé  et  recon- 
naissant, que  nous  ne  pouvons,  faute  de  place,  ac- 
cepter. 

Parmi  ces  présents  se  trouvent  dix  merveilleuses 
tapisseries  des  Flandres  du  xviie  siècle,  mesurant 
chacune  environ  5  mètres  sur  3  m.  50,  donnant  un 
développement  de  67  mètres. 

Vous  pouvez  apprécier  la  valeur  artistique  de  ce 
présent  inestimable,  quatre  de  ces  superbes  ten- 
tures ayant  été  exposées,  pendant  la  durée  des 
fêtes  de  notre  cinquantenaire,  dans  notre  antique 
salle  basse. 

Ces  tapisseries,  tissées  d'or,  proviennent  originaire- 
ment du  Palais  archiépiscopal  de  Gênes-la-Superbe. 

L'acceptation  de  l'offre  du  Palais  épiscopal  de 
Chartres  faite  à  notre  ville  par  le  Conseil  général 
d'Eure-et-Loir,  à  condition  de  l'aménager  en  Musée, 
en  donnant  satisfaction  à  tous  les  besoins  d'agran- 
it.  assurerait  en  outre  la  conservation  du 
grandiose  Palais,  auquel  est  liée  l'histoire  entière 
de  notre  petite  Patrie. 

Ainsi  placé  dans  une  situation  remarquable, 
dominant  la  vallée  et  la  campagne  qui  l'enserre, 
abrité  par  la  merveilleuse  basilique  qui  fait  la  gloire 
1  1  I  ne  cesse  d'attirer  les  ama- 
teurs du  Beau  de  toutes  les  nations,  notre  Musée  ne 
manquerait   pas  de-  \  isiti 


L'éventualité  d'une  restauration,  étant  donné 
le  mauvais  état  d'entretien  du  Palais,  mise  jus- 
qu'ici en  avant,  ne  fait  plus  question,  maintenant 
que  les  Monuments  historiques  prennent  à  leur 
charge  la  restauration  du  monument  historique 
qu'est  le  Palais. 

D'autre  part,  d'importants  subsides  étant  offerts 
au  Musée,  le  sacrifice  d'argent  à  consentir  par  la 
ville  serait    des   plus   restreints. 

Digne  du  cadre  qui  le  sertirait,  notre  Musée  ne 
serait  pas  un  des  moindres  attraits  de  notre  ville, 
si  remarquable,  admirée  entre  toutes,  sauf  par  un 
trop  grand  nombre  de  ses  enfants  qui  affichent  le 
plus  profond  dédain  pour  tout  ce  qui  se  rattache 
aux  Peaux-Arts  et  à  l'Archéologie.  » 

Cette  communication  très  judicieuse  a  été  assez 
fraîchement  accueillie  par  une  partie  de  la  presse 
chartraine  et  la  Société  Archéologique  elle-même  a 
évité  de  se  prononcer.  Il  eut  peut-être  été  p  udent  de 
laisser  celle-ci  eu  dehors  de  la  question  puisqu'aussi 
bien  il  s'agit  des  collections  municipales  accrues 
par  les  dépôts  de  l'Etat  et  non  des  collections  parti- 
culières de  la  Société.  L'utilisation  rationnelle  et 
nécessaire  des  anciens  locaux  épiscopaux  ou  autres 
n'ira  pas  toujours  sans  froisser  quelques  suscepti- 
bilités respectables.  C'est  aux  pouvoirs  publics, 
c'est  aux  assemblées  municipales  en  particulier 
qu'il  appartient  de  prendre  les  décisions  opportunes 
dans  l'intérêt  général  de  l'art  ou  de  l'éducation 
nationale.  Devant  les  faits  accomplis  et  les  résul- 
tats obtenus  les  protestations  s'apaiseront,  les  bou- 
deries s'atténueront  :  le  nombre  n'est  plus  très 
grand  aujourd'hui  des  gens  qui  s'obstinent  à 
attendre  le  retour  de  Louis  XVII  ou  de  Henri  V! 

MUSÉE    DE    CHALONS   -e-f-f-^ff-f-t 

y  °f  °t  Le  Musée  de  Châlons  vient  de  recueillir 
une  statue  tombale  du  moyen  âge  d'un  grand  in- 
térêt historique. 

Sur  une  dalle  longue  de  plus  de  deux  mètres  est 
représentée  en  relief,  gisant  accostée  de  deux  anges 
qui  manient  des  encensoirs,  une  femme  vêtue  d'une 
ample  robe.  Elle  porte  une  ceinture  ornée  de  trèfles 
à  quatre  feuilles  à  laquelle  pend  une  escarcelle. 

Ce  monument,  du  treizième  siècle,  marquait  la 
sépulture  historique  d'un  souverain  de  la  Cham- 
pagne qui  n'est  autre  que  Planche  de  Navarre, 
comtesse  de  Champagne  et  de  Brie,  Palatine  :  la 
mère  de  Thibaut  le  chansonnier,  la  reine  Blanche 
des  légendes  champenoises. 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


La  comtesse  Blanche  reposait  dans  l'abbaye 
d'Argensolles  qu'elle  avait  fondée.  C'est  là  que  le 
tombeau  princier  a  subi  pendant  la  Révolution  les 
mutilations  déplorables  qui  le  défigurent  aujour- 
d'hui. Il  importait  pourtant  d'en  sauver  les  ves- 
tiges, et  le  musée  de  Châlons  en  doit  l'acquisition 
au  désintéressement  généreux  de  M.  Pierre  Per- 
rier,  propriétaire  des  ruines  d'Argensolles. 

MUSÉE  DE  BAYEUX  t-etf-f^tt-? 
V  °?  "f  La  célèbre  «  tapisserie  de  Baveux  »  a 
été  l'objet  récemment  en  Angleterre  d'une  intéres- 
sante étude  de  M.  Charles Dawson  (Londres.  Elliot 
■S")  qui  s'est  attaché  en  particulier  à  déterminer 
les  restaurations  qui  lui  furent  infligées  en  1842, 
altérations  d'inscription  ou  de  figures,  adjonctions 
ou  suppressions  injustifiées.  Des  figures  compara- 
tives complètent  très  utilement  ce  travail  critique 
dont  il  sera  bon  de  tenir  compte  avant  toute  nou- 
velle interprétation  ou  commentaire  de  ce  célèbre 
monument. 

MUSÉE  DE  LA  SOCIÉTÉ  ARCHÉOLOGIQUE 
DE  TOURAINE  °f°{°{°f°f°t't°e°{°{°t 
°f  ■£  Y  La  Société  archéologique  de  Touraine  a 
acquis  tout  récemment  une  belle  porte  en  bois 
sculpté  d'époque  Louis  XIII  provenant  de  la 
chapelle  du  château  de  Chavigny  (Indre-et-Loire). 
Elle  a  reçu  en  don,  de  la  même  provenance,  un  bon 
spécimen  de  grille  en  fer  forgé  de  la  même  époque. 
Elle  a  recueilli  également  en  dépôt  la  cloche  de 
l'ancienne  église  de  Fleuray  qui  porte  une  inscription 
et  des  armoiries  qui  permettent  de  la  dater  du 
début  du  XVIIe  siècle. 

Ces  monuments,  malheureusement,  les  premiers 
surtout,  sont  presque  impossibles  à  exposer  dans 
l'état  actuel  des  locaux  dont  la  Société  dispose  pour 
son  musée  et  font  souhaiter  d°  plus  en  plus  la  réa- 
lisation de  l'espérance  que  nous  avons  enregistrée 
il  y  a    quelques  mois  pour  son  logement  futur. 

MUSÉE    DE    PITHIVIERS     y   f  °f  H  °f  f  Y 

&,  &,  $«  Ce  musée  dont  nous  avons  annoncé  l'inau- 
guration récente  est  installé  dans  l'ancien  hospice 
dont  la  chapelle  qui  a  conservé  des  peintures 
murales  dues  à  Ravot  peintre   orig'naire   de    Mon- 


targis  est  devenue  la  grande  salle.  Des  vitrines  y 
ont  été  installées  pour  les  collections  d'objets  préhis- 
toriques, et  gallo-romains,  pour  les  armes  du  moyen 
âge,  les  sceaux,  etc..  quelques  statuettes  mais  un 
petit  nombre  de  tableaux,  des  documents  gra- 
phiques sur  l'histoire  de  Pithiviers  et  des  collec- 
tions ethnographiques  qui  sont  inévitables,  pa- 
raît-il. 

MUSÉE  DE  MOULINS  ^^^^^^^^^ 
°ï?  °jf  °f  La  ville  de  Moulins  possède  d'abon- 
dantes collections  de  toute  nature  mais  dispersées 
en  plusieurs  endroits  et  généralement  assez  mal 
installées,  notamment  dans  les  combles  du  Palais  de 
Justice.  Un  legs  de  M.  Martin,  ancien  secrétaire  de 
la  préfecture,  a  mis  à  la  disposition  de  la  muni- 
cipalité non  seulement  ses  collections  artistiques 
mais  encore  une  très  belle  maison  d'habitation 
voisine  du  Pavillon  d'Anne  de  Beaujeu.  Le  testa- 
teur mettait  comme  condition  à  son  legs  que  ce 
bâtiment  historique,  occupé  actuellement  par  la 
Gendarmerie,  serait  affecté  à  l'usage  du  Musée  et 
relié  à  sa  propre  maison.  Le  Conseil  municipal 
s'est  entendu  avec  le  Cons  il  général  pour  réaliser 
le  projet  très  intelligent  qui  va  enfin  doter  Moulins 
d'un  excellent  Musée,  dont  on  espère  voir  l'instal- 
lation  complète    au    cours   de   l'année   prochaine. 

MUSÉE  DE  TULLE  °e<f°e°t-i:°ë°{°f°t 
•f  Y  "f  La  ville  de  Tulle  vient  d'acheter  à  l'Etat 
au  prix  de  15.000  francs  le  palais  épiscopal  de- 
cette  ville  pour  y  installer  le  musée  et  la  biblio- 
thèque municipale. 

MUSÉE    D'ART    RELIGIEUX    DU    PUY     °f  °£ 

°S  °f  °Ç  Ce  Musée  vient  de  recueillir  un  portrait 
abandonné  depuis  longtemps  dans  les  greniers  de 
l'église  Notre-Dame  qui  représente  M.  Olier,  le 
fondateur  de  la  Compagnie  de  Saint-Sulpice,  l'ami 
de  saint  Vincent  de  Paul,  dont  le  rôle  est  si  impor- 
tant et  si  connu  dans  l'histoire  religieuse  du 
XVIIe  siècle.  M.  Olier  fut  aussi  le  fondateur  du 
séminaire  du  Puy  où  il  se  rendit  en  1652.  Il  avait 
été  auparavant,  dès  1626,  abbé  du  monastère  de 
Pébrac,  dans  la  vallée  de  l'Allier  et  était  aussi 
chanoine  de  Saint- Julien  de  Brioude. 


PUBLICATIONS     RELATIVES     AUX    MUSÉES     DE     FRANCE 


¥   ¥   ¥    Le  Palais  du  Louvre.  Architecture.  Mobi- 
lier.   Objets,    par    G.    Geffroy.    Paris  Per  I.ainin. 

in-4". 

Après  une  rapide  histoire  des  bâtiments  du 
Louvre,  M.  Geffro)  passe  en  revue  dans  ce  troi- 
sième volume  consacré  au  Louvre  de  la  collection 
des  Musées  d' Europe, les  diverses  séries  autres  que 
celles  de  la  peinture  et  de  la  sculpture.  L'examen 
de  chacune  d'elles,  depuis  la  plus  haute  antiquité 
jusqu'au  xvme  siècle  est  forcément  très  rapide. 
Mais  au  mérite  des  impressions  toujours  justes  et 
personnelles  de  l'auteur,  se  joint  celui  d'une  abon- 
dante et  peu  commune  documentation  graphique 
qui  comprend  près  de  300  figures. 

¥  ¥  ¥   Le  Palais  des  Beaux-Arts    de  la  Ville 

de  Paris,    par  Henry     Lapauze,    Paris.    Lucien 
Laveur,  in-40  . 

Ce  volume,  illustré  de  28  reproductions  hors 
texte  et  de  218  illustrations  dans  le  texte,  contient 
une  description  et  une  histoire  sommaire  des  col- 
lections d'art  de  la  Ville  de  Paris,  réunies  au  Petit 
Palais,  y  compris  les  multiples  séries  de  la  collec- 
tion Dutuit  et  les  ensembles,  constitués  plus  récem- 
ment, de  portraits,  de  dessins  et  de  gravures  qui 
complètent  l'exposition  des  peintures  et  de  sculp- 
tures municipales. 

¥  ¥  ¥  Jehan    Cousin     père,     sculpteur.      La 

statue  de   l'amiral  Chahut  et  le  jubé  de  la   chapelle 
de  Pagny,  par  Maurice  Roy.  Sens.  1909,  14  p.  in-12. 

M.  Maurice  Roy,  qui  a  apporté  récemment  une 
importante  contribution  à  la  biographie  des  deux 
Jean  Cousin,  revient  sur  l'attribution  déjà  défendue 
par  lui  dans  son  premier  travail  de  la  statue  de 
l'amiral  Chabot  à  Jean  Cousin  le  père.  Il  insiste 
sur  le  témoignage  de  l'historien  Taveau  qui  écrivait 
.1  Sens  vers  1590  et  enregistre  nettement  cette 
attribution.  Il  relate  un  texte  nouvellement  dé- 
couvert par  M.  Bapst  qui  qualifie  Cousin  de 
painctre  et  tailleur  d'ymaiges  »  et  établit 
textes  nouveaux  que  l'artiste  fut  en  rapport 
a  1  1  la  famille  de  Philippe  Chabot.  Le  texte  décisif 
malheureusement,  qui  serait  relatif  à  l'ouvrage 
même  du  tombeau  de  celui-ci.  fait  toujours  défaut 


et  il  reste  prudent  de  n'accepter  que  sous  réserve 
l'attribution  jadis  traditionnelle. 

¥  ¥  ¥  Revue  de  l'Art  ancien  et  moderne, 
t.  XXVI.  p.  409  et  t.  XXVII  (1910).  p.  39  et  suiv. 
-  Les  Sumériens  de  la  Chaldêe  d'après  les  monu- 
ments du  Louvre,  par  Edmond  Pottier. 

¥  ¥  ¥  Les  Arts  (septembre  1909).  —  La  sculp- 
ture du  XIVe  siècle  français  au  Musée  du  Louvre. 
par  Paul  Vitry. 

(Janvier  iqio).  —  Les  accroissements  des  Mu- 
sées [Musée  du  Louvre).  Département  des  objets 
d'art  du  moyeu  âge  et  de  la  Renaissance,  par  Gaston 
Migeon. 

¥  ¥  ¥  Bulletin  de  l'Art  ancien  et  moderne 
(22  janvier  1910).  —  Le  Musée  de  Louviers,  par 

Etienne   Deville. 

Revue  d'ensemble  rapide  des  différentes  séries 
qui  composent  ce  Musée  que  l'auteur  affirme  orga- 
nisé avec  beaucoup  de  goût  et  de  soin  :  séries  de 
céramique,  de  peinture  et  de  sculpture  sans  oublier 
les  meubles  et  les  panoplies.  Lne  collection  léguée 
par  M.  Constant  Roussel  l'a  enrichi  en  1904.  Un 
morceau  capital  est  un  bas-relief  funéraire  grec 
du  IVe  siècle  donné  par  le  baron  Pichon. 

¥  ¥  ¥  Le  Journal  des  Arts  du  5  février  1910 
a  consacré  tout  un  article  de  M.  A.  Richaud  au 
nouveau  Musée  de  Digne  dont  nous  avons  ici  même 
annoncé  récemment  l'ouverture  et  aux  diverses 
collections  qu'y  a  réunies  Etienne  Martin. 

¥  ¥  ¥  Gazette  des  Beaux-Arts.  Xovembre  1909. 
Les  œuvres  régionales  du  Musée  Rolin,  à  Au/un. 
par  M.  Alphonse  Germain.  —  L'auteur  expose 
dans  cet  article  le  résultat  de  ce  qu'il  appelle  lui- 
même  une  exploration.  Peut-être  aurait-il  pu  in- 
diquer que  certaines  des  œuvres  de  sculpture  bour- 
guignonne qu'il  énumère.  sans  rien  nous  apprendre 
de  nouveau  à  leur  sujet,  n'étaient  plus  à  décou- 
vrir et  avaient  déjà  été  publiées.  Certaines 
autres  sont  de  bien  médiocres  morceaux  archéolo- 
giques qu'une  grande  revue  d'art  pouvait  se  dis- 
penser de  reproduire.  C'est  enfin  une  singulière  idée 
que  de  déclarer  <-  procéder  de  Jean  Goujon  ».  le 
masque  gothique  d'un  sire  de  Montperroux. 


aux-Roses.  —   [mp.  L.  Bi  1  lenand. 


Le   Gérant  :   G.  Létard. 


Bulletin    des    Musées 
de    France 


UN     KOUROS,     FIGURE     VIRILE     D'ANCIEN     STYLE     GREC 
au    Musée    du    Louvre 


Pendant  longtemps,  on  adonné  le  nom  «  d'Apol- 
lon >>  à  des  figures  viriles,  de  style  grec  archaïque, 

qu'aucun  attribut  spécial  ne  désignait  comme  repré- 
sentations de  ce  dieu.  Ces  figures  qui  remontent, 
pour  la  plupart,  au  VIe  siècle  avant  notre  ère,  nous 
montrent  un  personnage  jeune,  imberbe,  robuste, 
entièrement  nu.  dans  une  attitude  rigide,  paré 
d'une  chevelure  généralement  longue  et  soigneuse- 
ment disposée.  Sa  jambe  gauche  est  avancée  ;  les 
pieds  reposent  à  plat  sur  le  sol  ;  ses  liras  descen- 
dent le  long  du  corps,  plus  ou  moins  détachés 
du  torse  :  les  mains  sont  fermées,  le  pouce  restant 
toujours  en  dehors.  Tel  est  l'Apollon  d'Orchomène, 
tel  est  celui  de  Théra. 

Les  découvertes  de  ces  figures  se  multipliant,  on 
éprouva  des  doutes  sur  l'exactitude  de  cette  déno- 
mination et  on  s'avisa  de  rechercher  avec  plus  de 
circonspection  les  circonstances  dans  lesquelles  ces 
statues  avaient  été  trouvées.  Les  doutes  se  préci- 
Qt  :  on  constata  que  plusieurs  provenaient 
de  monuments  funéraires  et  que  le  nom  d'Apollon 
n'était  pas  applicable  à  toutes  ces  statues.  Et  comme 
cette  série  masculine  où  le  type  nu  est  si  commun 

it   exactement  pendant  à  la  série  contempo- 
raine des  jeunes  femmes  richement   vêtues,   dési- 

-  sous  le  nom  de  Korés,  on  adopta  pour  les 
hommes  le  nom  de  Kouroi  c'est-à-dire  de  jeunes 
hommes.  M.  Deor.na,  ancien  membre  de  l'I 
française  d'Athènes,  a  rassemblé  avec  beaucoup 
de  diligence  les  matériaux  épars  sur  ces  «  Apollons 
an  haïques  »  ;  il  en  a  recherché  tous  les  exemplaires 
connus,  il  en  a  dressé  le  catalogue,  réuni  la  biblio- 
graphie et  tenté  la  classification  en  accompagnant 
ses  recherches  de  dessins  et  de  phototypies.  De 
cette  entreprise  courageuse  est  sorti  un  instrument 
de  travail  très  précieux  pour  les  historiens  de  la 
sculpture  grecque  (i). 

(i)  W.  Deonna,  Les  Apollons  archaïques  avec  une  préface 
de  II.  Lechat.  Genève,  1909. 


Depuis  l'année  1874,  le  Louvre  possède  deux 
torses  archaïqu*  s  de  <  ette  série,  provenant  vraisem- 
blablement de  l'ancien  sanctuaire  d'Apollon  Actien. 
vis-à-vis  de  Prévéza  (1).  Envoyés  à  Paris  par 
M.  Dozon,  consul  de  France  à  Janina  (2),  ces  torses 
sont  exposés  au  centre  de  la  Salle  grecque,  à  droite 
et  à  gauche  de  la  Héra  de  Samos. 

L'un  remonte  au  second  quart,  l'autre  à  la  se- 
conde moitié  du  VIe  siècle  :  ils  présentent  entre 
eux  de  notables  différences  de  facture.  Par  sa  taille 
étroite  et  son  aspect  élancé,  l'un  rappelle  la  statue 
de  Théra  :  l'autre,  d'une  tournure  plus  lourde,  a 
été  rapproché  d'un  Kouros  du  Ptoion,  conservé  au 
Musée  national  d'Athènes.  Chez  l'un,  les  pectoraux 
sont  développés,  les  clavicules  très  accusées,  les 
deux  avant-bras  sont  encore  collés  le  long  des 
cuisses  ;  la  chevelure  formant  une  masse  quadrillée, 
retombe  librement  entre  les  épaules  et  se  termine 
sur  une  ligne  horizontale.  Chez  l'autre,  le  torse  a 
plus  d'élégance,  les  pectoraux  sont  aplatis,  les  bras 
ne  tiennent  plus  au  corps  que  par  la  main  ;  la  che- 
velure, serrée  par  un  lien,  tombe  assez  bas  au  milieu 
du  dos.  L'absence  des  têtes  rend  d'ailleurs  la  classi- 
fication des  torses  d'Actium  assez  difficile  et  nous 
prive  d'un  élément  d'étude  du  plus  haut  intérêt. 

Des  acquisitions  postérieures  ont  enrichi  notre 
Salle  grecque  de  plusieurs  autres  fragments  impor- 
tants, ayant  également  appartenu  à  des  Kouroi. 
En  1886,  une  tête,  un  fragment  de  jambe  gauche 
et  une  main,  en  marbre  du  Pentélique,  trois  débris 
certains  d'uni  l'ancienne  école  attique, 

antérieure  aux  guerres  médiques,  lurent  apportes 
à  Paris  (3).  Les  dimensions  étaient  plus  petites  que 

Deonna,  n.  1  2. 

(2)   Ils  ont  été  trouvi  ; :  assi      grande  profondes 

dans  les  fouilles   entreprises  à  Actium 

(  h. ni   s  <  li, unpoiseau,  auquel  mu:  toire 

de   Samothrace,    pendant  qu'il    était    lui-même    consul  à 

Janina. 

;i    Deonna,  n.  23. 


[8 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


nature.  La  tête  étail  endommagée;  cependant,  on 
pouvait  encore  admirer  le  soin  apporté  par  l'artiste 
dans  le  modelé  des  chairs  et  l'habileté  avec  laquelle 
il  avait  su  rendre  certains  détails  du  visage,  no- 
tamment les  yeux.  La  chevelure  serrée  par  un  ruban 
se  composait  de  bandeaux  ondulés  sur  le  front 
et  de  mèches  bouclées  tombant  derrière  les  oreilles  ; 
elle  avait  dû  recevoir  une  coloration  qui  en  dissi- 
mulait les  parties  inachevées.  La  nudité  de  la 
jambe  indiquait  bien  qu'elle  ne  pouvait  être  que 
celle  d'un  jeune  homme.  La  main  nerveuse  et 
Une  était  fermée  comme  les  mains  des  torses  d'Ac- 
tium.  Ces  indices  permettaient  donc  de  reconnaître 
avec  certitude  que  les  fragments  en  question  pro- 
venaient d'une  statue  analogue  à  celles  que  l'on 
désignait  encore  sous  le  nom  d'Apollons  archaïques. 
Le  Louvre  s'empressa  d'acquérir  ces  trois  morceaux. 
Cinq  ans  plus  tard,  une  seconde  tête  en  marbre 
de  Paros,  aussi  d'origine  attique,  vint  s'ajouter 
à  ces  premiers  documents  (i).  La  partie  droite  de 
la  ligure  est  bien  conservée.  La  chevelure,  serrée 
par  un  lien,  s'étage  par  devant  eu  deux  rangées 
de  boucles  et  descend  par  derrière  jusqu'à  la  nais- 
sance des  épaules  ;  la  partie  entourée  par  le  lien 
est  traitée  d'une  façon  très  sommaire,  mais  l'ar- 
tiste a  réservé  tous  ses  soins  pour  les  boucles  du 
Iront.  L'oreille  aplatie  reste  encore  comme  engagée 
dans  la  chevelure.  La  bouche  est  souriante  et 
légèrement  relevée  dans  les  coins.  L'œil  ouvert, 
au  globe  saillant,  présente  de  grandes  analogies, 
comme  l'a  constaté  M.  Collignon,  avec  la  tête 
Rayet,  aujourd'hui  à  Copenhague.  Une  telle 
acquisition  ne  pouvait  pas  nous  consoler  du  départ 
de  la  tête  Rayet  ;  elle  a  du  moins  adouci  les  regrets 
que  nous  éprouvions  de  son  exode. 

Ces   documents   précieux,    tout    en   enrichissant 
le  Musée,  tout  en  favorisant  les  études  des  archéo- 
logues    ne  fournissaient  au  public  que  des  indica- 
tions qui   ne   pouvaient    donner   aux   visiteurs   du 
Louvre  l'impression  exacte  d'une  statue  de   Kou- 
ros.    Différents   entre   eux  par   les  dimensions,  par 
la    matière   et    par   la    facture,    ces   morceaux   ne 
lient  être  appréciés  que  dans  leur  isolement. 
tail    dune  une  lacune  à  combler.  Malgré  les 
ultés    que    présente,    à    l'heure    actuelle,    une 
pareille  recherche,  il  fallait  faire  effort  pour  décou- 
vrir une  ligure  d'ensemble,  encore  pourvue  de  sa 
capabli     par  sa  conservation  relative,  de 
retenir    l'attention   et    de   fixer  les  idées  du  publie, 
(i)   Deonna,  n.  24. 


L'œuvre  tant  désirée  est  enfin  venue  à  Paris 
et  le  Conseil  des  Musées  a  jugé  qu'elle  devait  entrer 
dans  nos  collections  nationales.  Chacun  pourra 
maintenant  comprendre  l'importance  de  ces  figures 
viriles  archaïques  et  en  saisir  mieux  l'intérêt. 
Trouvée  en  1902,  dans  l'île  de  Paros,  à  l'angle 
N.-O.  du  sanctuaire  d'Esculape,  au  milieu  d'un 
mur  ruiné  où  elle  avait  été  déposée  à  une  époque 
ancienne,  cette  statue  faisait  partie  d'une  collection 
particulière  (1).  Dans  son  état  actuel,  elle  mesure 
encore  1  m.  03  de  hauteur.  Elle  a  été  sculptée  sur 
place,  dans  un  bloc  de  marbre  tiré  des  carrières 
de  l'île,  marbre  à  très  gros  graitis  et  à  nombreuses 
paillettes. 

Les  proportions  du  corps  sont  à  peu  près  celles 
que  l'on  observe  le  plus  habituellement.  La  figure 
est  debout,  dans  la  position  ordinaire,  la  jambe 
gauche  en  avant.  D'une  façon  générale,  la  partie 
antérieure  a  souffert.  Le  visage,  en  particulier,  a  été 
fort  abîmé  :  il  est  imberbe  ;  le  nez  a  en  grande 
partie  disparu  ;  la  place  des  narines  reste  encore 
reconnaissable.  Les  lèvres,  moins  mutilées  et  rele- 
vées dans  les  coins,  esquissent  un  sourire  discret  ; 
la  lèvre  inférieure  est  épaisse  ;  une  dépression 
marquée  part  d'un  des  coins  de  la  bouche  et 
remonte  vers  l'autre  en  séparant  la  lèvre  inférieure 
du  menton  et  en  accentuant  la  contraction  du  vi- 
sage. Les  gros  yeux  ronds  sont  caractéristiques  ;  le 
globe  de  l'œil  en  relief  formait  une  saillie  assez 
forte.  Sur  le  front,  les  joues  et  le  cou  on  cherche 
en  vain  quelques  traces  de  modelé  ;  le  marbre  très 
grenu  ne  se  prêtait  guère  à  des  finesses  d'exécu- 
tion. Les  clavicules  ne  sont  pas  indiquées.  Je  par- 
lerai plus  loin  de  la  chevelure. 

Du  côté  droit,  le  bras  manque  ;  il  est  cassé  au- 
dessous  de  l'épaule.  Du  côté  gauche,  le  bras  a  été 
brisé  à  peu  près  à  la  même  place  mais  les  morceaux 
existent  et  ont  été  rajustés  :  à  l'épaule,  encore 
intacte,  avec  une  partie  du  biceps,  a  été  rattachée 
l'autre  moitié  du  biceps  formant  pièce  avec  le 
coude  et  l'avant -bras  ;  la  main  fermée  constitue 
une  seconde  pièce  qui  a  été  rattachée  à  l'extrémité 
de  l'avant-bras  et  réappliquée  sur  le  côté  de  la 
cuisse.  A  demi-pliés,  les  bras  n'ont  plus  leur  rigi- 
dité primitive  et  sont  détachés  du  corps.  Les  deux 
jambes  manquent  au-dessous  des  genoux  comme 
dans  les  torses  d'Actium  et  comme  dans  la  plupart 

(1)  Peu  de  temps  après  sa  découverte  elle  a  été  décrite 
par  O.  Rubensohn,  Athen.  Mittheil.,  XXVII  (1902),  p.  230 
et  reproduite  sur  la  pi.  XI  ;  cf.  Deonna,  n.   t22. 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


19 


des  autres  statues  de  Kouroi  ;  les  rotules  des  genoux 
sont    indiquées    avec    un    peu    d'exagération.    Les 
épaules  sont   fortes  et    arrondies   ;    les   pectoraux 
bien  développés  sont  placés  assez  haut  et  vigou- 
reusement    contour- 
nés.   La   taille   assez 
allongée    se     dessine 
nettement  et  les  han- 
ches   apparaissent    à 
leur  place.  Le   nom- 
bril, placé    très  bas, 
est    indiqué    par   un 
bouton  réservé  dans 
un  creux  ;  le  sexe  est 
fort  petit.  Quant  aux 
cuisses  elles  sont  vi- 
goureuses, mais  apla- 
ties sur  le  côté  ;  leur 
épaisseur  à  l'endroit 
où  la  main  est  appli- 
quée n'est   pas  infé- 
rieure à  0,20  ;    elles 
portent    sur   le    côté 
extérieur  de  petits  sil- 
lons, restes  des  trous 
de  mèche  et  de  nom- 
breux    témoins     des 
dernières     tentatives 
du  sculpteur  pour  ar- 
river à  détacher  com- 
plètement les  bras. 
Le  revers  du  marbre  est  dans  un  état  de  conser- 
vation bien  meilleur.  Seule,  la  partie  proéminente 
des  fesses  présente  des  traces  d'usure  par  suite  d'un 
frottement.  La  cambrure  du  dos  est  très  prononcée 
et  la  ligne  médiane  du  torse  fortement  accentuée. 
La  ligne  qui  sépare  les  fesses  est  tracée  avec  rai- 
deur.   Les  jambes  ne  commencent   à  se  détacher 
l'une  de   l'autre   qu'au  milieu  des  cuisses  ;   quant 
aux  bras,  ils  sont,  comme  je  viens  de  le  dire,  entiè- 
rement  séparés  du  corps.  Les  formes  en  général 
sont  pleines  et  fondues  dans  des  contours  arrondis  ; 
la  chair  est  abondante  et  l'armature  osseuse  ne  se 
laisse  pas  deviner. 

Certains  procédés  conventionnels,  adoptés  par 
les  sculpteurs  archaïques  pour  représenter  l'ana- 
tomie  humaine,  sont  dignes  d'être  notés  :  ils  nous 
apportent  comme  les  témoignages  de  leurs  efforts 
pour  rendre  avec  plus  de  fidélité  la  nudité  virile. 
Ils   consistent    en    certains  traits   plus    ou    moins 


Fig.  7.  —  Kouros. 

Marbre  grec  du  VIe  siècle. 

[Musée  du  Louvre.) 


profonds,  destinés  à  souligner  la  musculature.  Mais 
ici  la  musculature  n'a  pas  été  très  accentuée  ;  cer- 
tains de  ces  traits  sont  légers  et  à  peine  visibles.  Au- 
dessous  des  pectoraux,  le  bas  de  la  cage  thoracique 
est  faiblement  marqué  par  un  angle  incisé  que  tra- 
verse une  ligne  descendant  du  milieu  de  la  poitrine 
et  finissant  au  nombril.  Les  plis  inguinaux  sont 
indiqués  plus  profondément  par  deux  rainures  qui 
prennent  naissance  au  sexe  et  vont  se  perdre  dans 
les  hanches.  Enfin  le  long  de  chaque  cuisse  un  sillon 
partant  de  la  rotule  remonte  à  la  hauteur  de  la 
main  où  il  vient  expirer. 

Il  reste  à  parler  de  la  chevelure  d<  >nt  l'arrangement 
donne  à  toutes  ces  figures  une  physionomie  curieuse 
et   particulièrement    intéressante  ;    elle   nous  par- 
vient dans  un  état  de  fraîcheur  vraiment  exception- 
nel. Le  front  est  garni  de  dix  boucles  dont  huit 
sont  stylisées  en  forme  de  volutes  allongées,  sépa- 
rées au  milieu  du  front  en  deux  groupes,  cinq  à 
droite  et  cinq  à  gau- 
che ;  les  deux  boucles 
les  plus  voisines  des 
oreilles   ne    sont  pas 
en  spirales.  Une  ban- 
delette de  métal,  po- 
sée sur  la  tête  comme 
un     diadème,      isole 
cette  portion    de    la 
chevelure.     Le    reste 
est  rejeté   en    arrière 
et    retombe    sur     le 
dos    en    une    nappe 
quadrillée  qui  se  ter- 
mine par  seize   peti- 
tes mèches  pointues 
dont  l'étalage  forme 
une  ligne  courbe.  1  "ne 
seconde  bandelette  de 
métal,  un    serre-tête 
allant  d'une  oreille  à 
l'autre,  forme  un  an- 
gle   avec  le  diadème 
et  maintient  par  der- 
rière la  portion  tom- 
bante   des    cheveux. 
C'est    de    ce  enté  que 

la  chevelure  se  présente  dans  toute  sa  largeur 
et  produit  l'effet  K-  plus  frappant.  Depuis  le  sommet 
de  la  tête  jusqu'à  son  extrémité,  elle  ne  mesure  pas 
moins  de  0,30  de  longueur  ;  les  rainures  horizontales 


M. m  bre  gn  1    du  VI"    

I 


20 


BULLETIN    DES   MUSEES   DE   FRANCE 


qui  la  divisent,  forment  au-dessous  du  serre-tête 
onze  registres  parallèles;  on  en  compte  dix  entre 
le  serre-tête  el  le  sommet  du  crâne.  Les  oreilles 
repoussées  par  la  massf  des  cheveux  sont  légère- 
I    ramenées  en  avant. 

La  chevelure  de  notre  statue  de  Paros  et  celle 
d'un  Kouros  du  Ptoion  (i)  présentent  entre  elles 
une  similitude  évidente.  On  observe  les  mêmes 
détails  dans  la  disposition  des  cheveux,  notamment 
l'absence  de  spirales,  de  chaque  côté  du  visage, 
dans  la  boucle  la  plus  rapprochée  des  oreilles  ;  le 
diadème  et  le  serre-tête  occupent  exactement  la 
même  place.  Ce  rapprochement,  légitime  pour  la 
chevelure,  ne  semble  pas  pouvoir  cire  tentée  pour 
le  \  isage. 

Telle  est  la  nouvelle  statue  qui  vient  d'entrer 
dans  Ils  collections  du  Louvre  et  qui  présente  un 
lien  aussi  complet  que  possible  de  la  sculp- 
ture archaïque  insulaire  pendant  la  seconde  moitié 
du  vie  siècle.  Exposée  près  des  torses  d'Actium, 
à  côté  des  autres  morceaux  ayant  appartenu  à 
des  Kouroi,  elle  nous  apporte  un  document  parti- 
culièrement utile  pour  étudier  avec  profit  le  déve- 
loppement    d'un    type     familier    à    la    scuplture 


grecque  archaïque,  pour  suivre  les  progrès  de  ce 
développement  et  constater  l'effort  heureux  tenté 
par  les  sculpteurs  grecs  contemporains  afin  de 
saisir  et  de  fixer  la  forme  réelle. 

Avec  cette  statue,  le  vendeur  nous  a  remis  trois 
fragments,  aussi  en  marbre  de  Paros,  trouvés  au 
même  endroit,  qui  appartiennent  à  la  partie  pos- 
térieure de  la  jambe  droite  d'une  statue  analogue 
mais  de  plus  grandes  dimensions.  Réunis  ils  me- 
surent 0,41. 

C'est  pour  moi  une  grande  joie  de  constater 
que  la  Salle  grecque,  depuis  quelques  mois,  s'est 
enrichie  d'oeuvres  importantes,  véritables  têtes 
de  séries,  dont  on  ne  saurait  saluer  l'entrée  avec 
trop  de  satisfaction.  Le  Kouros  de  Parcs  et  la  sta- 
tuette féminine  de  style  crétois.  cédée  par  le  Musée 
d'Auxerre,  tiennent  la  première  place  dans  ces 
heureuses  acquisitions.  M.  Etienne  Michon  s'est 
chargé  de  présenter  aux  lecteurs  du  Bulletin  la 
statuette  d'Auxerre  (1).  d'en  souligner  finement 
l'intérêt  et  de  rappeler  les  bases  de  l'accord  équi- 
table à  la  suite  duquel  cette  statuette  est  entrée 
au  Louvre. 

A.    HÉRON  DE  YlLLEFOSSE. 


LE     BUSTE     DE     L' ASTRONOME     PINGRE,     PAR    J.-J.    CAFFIERI 

au    Musée   du   Louvre. 


Une  récente  décision  ministérielle  a  autorisé 
le  dépôt  au  Louvre  d'un  buste  en  terre  cuite  de 
Caffieri  qui  figurait  assez  obscurément  jusqu'ici 
à  l'Observatoire  de  Paris.  C'est  le  portrait  que  nous 
reproduisons  ci-contre  de  l'abbé  Pingre,  géographe 
du  roi,  membre  de  l'Académie  des  Sciences,  cha- 
noine régulier  et  bibliothécaire  de  Sainte-Gene- 
viève. Caffieri  exposa  cette  terre  cuite  au  salon 
[789  ;  mais  il  est  probable  qu'il  avait  déjà  à 
o  moment  fait  hommage  à  la  bibliothèque  de 
1  plâtre  original  de  ce  buste. 
(  hi  lit  en  effet  au  revers  de  notre  terre  cuite  connue 
au  revers  du  buste  en  plâtre  que  conserve  encore 
la  Bibliothèque  cette  inscription  : 

Ire  Gre  Pingre  chanoine  de  Sainte  Gene- 
ographe  du   Roy,   de   l'ai 

Paris  le  4  septembre  171 1. 
J.-J.   Caffieri  en   1788  à  la 
Bibliothec   (sic)   de   Sainte-Gene 

'  ■      Hendel,    1  <rr.    ht  lien.,     [907,    p.     [87, 

1  1  XVIII  ;   Di  onna,  p.   157,  fig.  3; 


M.  Jules  Guiffrey  dans  son  beau  livre  sur  les 
Caffieri  (p.  394)  mentionne  le  buste  d'après  l'exem- 
plaire de  la  Sainte-Geneviève  qu'il  suppose,  n'ayant 
pu  l'examiner  de  près,  être  la  terre  cuite  du  Salon. 
Celle-ci  ne  figura  jamais  à  la  Bibliothèque.  Un  inven- 
taire de  1790  où  sont  énumérées  les  diverses  œuvres 
d'art  qui  étaient  conservées  avant  la  Révolution 
dans  ce  dépôt  et  qui.  par  une  exception  presque 
unique,  y  figurent  encore  presque  toutes,  sans 
l'avoir  quitté  jamais,  l'indique  à  son  rang,  mais 
sans  préciser  la  matière  ainsi  que  le  même  inven- 
taire ne  manque  pas  de  le  faire  toutes  les  fois  qu'il 
s'agit  de  marbres,  terres  cuites  ou  bronzes.  C'est 
donc  bien  le  plâtre  qui  figurait  à  la  Sainte-Gene- 
\  iève.  Quant  à  la  terre  cuite,  nous  ignorons  com- 
ment elle  parvint  à  l'Observatoire  :  achat,  cadeau 
de  l'artiste,  ou  dépôt  de  la  famille  du  personnage 
après  la  mort   de  celui-ci   qui   arriva  en   1798  ? 

Assez  dédaignée  et  maltraitée  par  des  badigeons 

(1)   Bulletin   des   Musées,    1909.   "■    5.   ?•   66-67. 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


successifs  au  cours  du  xixe  siècle,  elle  est  parve- 
nue au  Louvre  dans  un  état  qui  ne  laissait  aper- 
cevoir qu'une  partie  de  sa  beauté.  Un  nettoyage 
scrupuleux  a  permis  de  remettre  en  lumière  les 
finesses  de  son  modelé  et  les  délicatesses  du  travail 
de  l'ébaucho'r  qui  en  a  précisé  les  traits  avant  la 
cuisson.  Toute- 
fois, si  le  fait 
de  la  présence 
de  cette  terre 
cuite  au  Salon 
eu  178g  et  les 
qualités  mêmes 
qui  y  éclatent 
permettent 
bien  d'affirmer 
y  reconnaître 
une  œuvre  ori- 
ginale où  Caf- 
fieri  a  mis  tout 
son  talent,  ces 
observations 
ne  sauraient 
nous  rendre  in- 
justes pour  le 
plâtre.  Celui-ci, 
de  dimensions 
supérieures  à  la 
terre  cuite  (0.53 
pour  le  buste 
sans  le  piédou- 
che  qui  est  dif- 
férent, au  lieu 
de  o  m.  47)  et 
ne  pou  v  an  t 
avoir  été  moulé 
sur  celle-ci,  est, 
lui  aussi,  d'une 
qualité  rare 
dans  l'accen- 
tuation et  la  précision  des  détails.  On  y  constate  un 
travail  de  reprise  à  l'outil  extrêmement  soigné  sur 
le  plâtre  même  ;  aucune  trace  de  coutures  n'y  appa- 
raît et  ce  buste  peut  passer  sans  conteste  pour  le 
plâtre  original  lui-même,  c'est-à-dire  pour  l'exem- 
plaire primitif  moulé  sur  le  modèle  en  terre  qui 
servit  à  l'exécution  du  buste.  Un  moule  à  lion 
creux  dut  être  exécuté  par  Caffieri  d'après  ce  mo- 
dèle ;  car  un  autre  exemplaire  moins  bon,  mais 
certainement    ancien    se    voit     à    la    Bibliothèque 


I  luste  de  l'a  stronom 
[Mu  sée  du 


Sainte-Geneviève  et  de  même  proportion  que  le 
premier. 

Notre  terre  cuite  elle-même  ne  serait-elle  qu'un 
simple  estampage  tiré  «le  ce  creux  ?  Il  est  assez 
difficile  de  le  penser,  étant  donné  sa  qualité  et, 
si  l'on   peut   dire,  sa   densité  :  le  buste  du  Louvre 

est  extrême- 
ment lourd  et 
à  p eu  près 
plein  ;  si  nous 
ne  connaissions 
l'existence  du 
plâtre  de  Sain- 
te -  Geneviève  , 
nous  affirme- 
rions volontiers 
avoir  sous  les 
yeux  la  terre 
même  que  mo- 
dela en  pré- 
sence du  vieil 
abbé  aux  yeux 
clignotants, 
aux  chairs  mol- 
les, à  la  lèvre 
gourmande  le 
prestigieux  ma- 
nieur de  glaise 
qu'était  Caf- 
fieri. Si  <  'esl 
une  épreuve 
exécutée  d'a- 
près le  modèle 
01  i  ,inal.  et  for- 
cément moin- 
dre de  propor- 
tions, comme 
du  reste  les 
plus  1  telles  ter- 
res    cuites     (lu 

XVIIIe siècle,  le  Diderot  ou  les  enfants  Brongniard 
de  Houdon,  par  exemple,  il  faut  reconnaître  que 
de  même  que  celles-ci,  elle  a  été  reprise  et  retou- 
chée par  l'auteur  et   porte   valeur  d'original. 

Quoiqu'il  en  soit,  le  buste  est  un  chef-d'œuvre 
dans  l'un  comme  dans  l'autre  de  ses  exemplaires. 
Jamais  Caffieri  n'a  mis  dans  une  de  ses  figures, 
plus  de  bonhomie,  de    malice  et   de  vie.  <  >n   sait 

du    reste    que    les     plus     eeleliles     de     ces     bustes,    le 

Rotrou,    le   La    Chaussée,    l'Helvétius.    sont    des 


s  Pingre,  par  J.-J.  Cafj  m  ri. 
Louvre.) 


22 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


effigi  tives;  par  une  faculté  singulière,  il 

arrivait  à  vivifier  ces  travaux  souvent  si  tristes 
en  d'autres  mains.  Mais  cette  fois,  en  présence  de  la 
nature,  il  s'est  laissé  aller  à  toute  sa  verve.  Le  mo- 
dèle y  prêtait  sans  doute  et  lui  fournissait  une  admi- 
rai île  occasion  de  réalisme  spirituel.  Mais  la  photo- 


graphie reproduite  ci-contre  nous  dispense  de  tout 
autre  commentaire  de  cette  physionomie  si  expres- 
sive et  nous  ne  pouvons  que  nous  féliciter  en  termi- 
nant que  le  Louvre  ait  pu  recueillir  cet  admirable 
morceau  d'un  artiste  jusqu'ici  assez  peu  représenté 


dans  ses  collections. 


Paul  Vitky. 


UN     PORTRAIT     DE    JEUNE     FEMME,     PAR     DAVID 

(Acquisition  du  Musée  du  Louvre.) 


La  magnifique  série  de  peintures,  qui  représentent 
au  Louvre  David  comme  portraitiste  et  mieux 
que  les  ambitieuses  compositions  classiques,  jadis 
si  réputées,  y  assurent  solidement  sa  gloire,  vient 
de  recevoir  une  heureuse  addition  nouvelle.  Il 
ne  s'agit  pas  sans  doute  d'une  œuvre  d'impor- 
tance égale  à  certains  chefs-d'œuvre  consacrés,  tels 
que  les  admirables  portraits  de  Mme  Récamier, 
de  Mme  Sériziat  ou  de  Mme  Chalgrin,  qui  dominent 
tout  le  groupe  par  la  splendeur  incontestée  de 
leur  grâce.  Le  tableau  est  de  dimensions  plus  mo- 
destes. Le  modèle  même  semble  appartenir  à 
une  famille  de  plus  humble  petite  bourgeoisie,  qui 
justifiait  moins  de  solennité.  A  bien  des  égards, 
ce  n'est  presque  qu'une  simple  étude  librement 
enlevée  devant  la  nature,  mais  d'une  fraîcheur, 
d'une  spontanéité  et  d'un  charme  tout  à  fait  rares. 
David,  qui  ne  montra  jamais  mieux  son  génie 
que  dans  l'ébauche  magistrale,  apparaît  ici  en  son 
plus  franc  naturel,  comme  s'il  avait  peint  unique- 
ment pour  sa  propre  délectation.  Ce  portrait 
intime  et  familier  s'il  en  fut,  qui  était  reste  ignoré 
jusqu'alors,  apporte  ainsi  dans  la  glorieuse  réunion 
d'oeuvres  du  maître  une  note  spéciale,  d'un  accent 
déjà  presque  moderne. 

Sur  un  de  ces  fonds  brouillés,  à  peine  couverts 
d'un  semis  de  taches  brun  roux  rapidement  jetées, 
dont  David  eut  l'habitude  en  ses  esquisses,  se  dé- 
tache  en    buste   une  jeune   femme,   en   robe   rosée. 

un  fichu  de  linge  blanc  s' entrecroisant  sur  la 
poitrine.  Elle  esl  coiffée  d'un  bonnet  blanc  au  bord 

ité.  Mrs  boucles  d'oreille  d'or  pendent  à  ses 
oreilles.  Ea  pose  est  curieusement  surprise  en  su 
eux  bruns,  timides  et  doux,  sem- 
blent si-  tourner  vers  le  peintre  avec  une  ingénuité 
candide,  et  le  visage,  modelé  dans  toute  son  indi- 
vidualité vivante  comme  par  une  main  de  sculp- 
teur, resplendit   d'un  éclat  laiteux  délicieusement 


frais,  parmi  l'harmonie  des  vêtements  clairs.  On 
est  étonné  de  l'alerte  vivacité  dont  témoigne  la 
facture.  Le  morceau,  tout  pénétré  pourtant  de  force 
profonde,  pourrait  rivaliser  de  séduction  extérieure 
avec  les  brillantes,  quoique  souvent  superficielles, 
improvisations  des  maîtres  anglais.  Mais  il  reste 
dans  la  pure  tradition  française  toujours  sagement 
équilibrée,  et  n'est  pas  sans  acheminer  d'avance, 
par  la  simplicité  du  réalisme  et  la  limpidité  de  la 
lumière,  aux  tendances  futures  de  l'impressionnisme 
ou  à  l'exquise  et  tendre  naïveté  du  divin  Corot 
dans  la  figure.  C'est  une  surprise  que  de  sentir 
ainsi  l'austère  David  en  contact  direct  avec  ses 
successeurs  et  de  découvrir  en  lui  les  germes 
mêmes  de  l'art  dont  nous  vivons. 

Nous  savons  le  nom  du  jeune  modèle  et  l'époque 
à  laquelle  il  a  été  peint.  L'œuvre,  qui  est  encore  sur 
sa  toile  originale,  porte,  en  effet,  l'inscription  sui- 
vante collée  au  revers  :  «  Ce  Présent  Portrait  a  été 
peint  par  Mr  Louis  David,  premier  peintre  de  france 
à  cette  époque,  dans  l'année  mille  sept  cents  (sic) 
quatre  vingt  quinze  (i),  être  présente  demoiselle 
Catherine  Marie  Jeanne  Tallard,  à  l'âge  de  22  ans,  per- 
S(  unie  pieuse,  charitable  et  célèbre  par  ses  peine  (sic) 
et  par  ces  (sic)  malheurs,  morte  en  Bourgogne  en 
l'an  1825.  —  Ecrit  par  Tallard.  son  frère,  à  paris 
le  20  mars  1830.  (Signé)  :  Tallard  rue  de  longchamps 
n"  29  à  Chaillot  ».  La  note  est  faite  pour  piquer  notre 
curiosité  sur  la  jeune  fille  ou  jeune  femme  représen- 
tée, dont  on  voudrait  connaître  l'histoire,  si  briève- 
ment indiquée  comme  tragique  par  la  piété  fra- 
ternelle. Nous  n'avons  réussi  à  découvrir  jusqu'ici 
que  son  acte  de  décès,  qui  offre,  au  moins,  quelques 

(1)  La   toile   a    été     d'ailleurs,    signée,    mais  non   datée 
par  le  peintre,  sur  le  fond,  vers  le  bas,  à  gauche  de  la  figure 
l'.t    J  i.  Cette  signature,  d'écriture  cursive,  semble  comme 
gravéi   ii  a"  isi  e  rapidement  dans  la  pâte  fraîche,  avec  le 
bois  du  pinceau. 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE,  1910. 


^m&;\&^va&&\mi;vm^  ... ,,  ,= 


Portrait  de   Mademoiselle  Tallard,   par  David 

I  \tuste  du  Louvre.) 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


23 


données  sur  sa  situation  sociale  et  sur  le  pays  où 
elle  vécut.  C'est  dans  les  registres  de  la  paroisse 
de  Sougères  (Yonne)  qu'il  se  trouve  inscrit,  comme 
suit  :  «  Le  huit  mars  mil  huit  cent  vingt  cinq, 
Catherine  Marie  Jeanne  Tallard,  femme  Lamy, 
décédée  hier  en  cette  paroisse,  au  hameau  de  Pes- 
selières,  âgée  de  cinquante  trois  ans,  femme  de 
François  Lamy,  maire  de  Sougères,  a  été  inhumée 
dans  le  cimetière  de  cette  paroisse  avec  les  céré- 
monies ordinaires  par  nous,  desservant  de  ladite 
paroisse,  soussigné,  en  présence  de  Pierre  Ledoux 
et  de  Julien  Guenot  qui  ont  signé  avec  nous. 
(Signé)  :  Philippi  desservant  de  Sougères  »  (1).  Les 
deux  documents  confirment  l'un  l'autre,  tout  en 
laissant  subsister  seulement  un  peu  d'incertitude  sur 
la  date  de  naissance,  qui  paraît  pouvoir  se  placer,  soit 
en  1772.  soit  en  1773.  Mais  l'énigme  reste  entière, 
quant  aux  «  peines  »  et  aux  «  malheurs  »  de  la  jeune 
Bourguignonne,  qui  avait  épousé  quelque  notable  de 
village,  cultivateur  cossu  peut-être,  et  dont  l'exis- 
tence semblerait  ainsi  tout  unie.  Eut-elle  à  subir 
des  aventures  antérieures,  des  deuils  ou  des  cha- 
grins d'amour  ?  Fut-elle  prise  de  quelque  façon 
clans  la  tourmente  révolutionnaire  ?  Aucune  indi- 


cation n'est  là  pour  nous  guider.  Nous  ne  pouvons 
conjecturer  même  exactement  où  et  comment 
David  l'a  connue,  si  c'est  à  Paris  ou  en  Bourgogne, 
par  suite  d'un  hasard  quelconque  ou  de  relations 
d'amitié  avec  un  membre  de  sa  famille.  Elle 
n'était  sans  doute  pas  encore  mariée  alors,  en  tout 
cas,  mais  dans  l'innocent  épanouissement  de  la 
jeunesse  en  fleur. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  points  problématiques, 
l'œuvre  est  de  la  plus  belle  époque  du  maître,  du 
temps  où  il  venait  de  peindre  M.  et  Mme  Sérizial 
(Salon  de  1705).  avant  d'avoir  pour  modèle  l'il- 
lustre beauté  à  la  mode,  Mme  Récamier.  Il  ne  sera 
pas  sans  intérêt  de  trouver  désormais,  près  de 
peintures  plus  importantes  et  plus  célèbres,  mais 
aussi  plus  apprêtées,  un  exemplaire  imprévu  de  sa 
manière  la  plus  fraîche  et  la  plus  légère,  vraie  confi- 
dence d'artiste  qui  se  livre  en  toute  ingénuité  au 
seul  plaisir  de  peindre  et  révèle  d'autant  mieux 
la  franchise  naturelle  de  son  merveilleux  génie. 
Le  Louvre  se  devait  à  lui-même  autant  qu'à  la 
gloire  de  David  de  recueillir  ce  morceau  de  qualité 
rare  et  dont  les  peintres  seront,  à  coup  sûr,  particu- 


lièrement charmés 


Paul  Leprieur 


LE    PAVILLON    DE    FLORE 


Les  premières  semaines  d'avril  auront  vu  le  dé- 
part définitif  et  complet  du  Ministère  des  Colo- 
nies. Depuis  tant  d'années  que  l'on  souhaite  et  que 
l'on  promet  ce  départ,  on  peut  à  peine  croire 
qu'il  soit  enfin  chose  accomplie.  Les  locaux  qui 
s'étendent  depuis  l'ancienne  salle  des  Etats  occupée 
aujourd'hui  par  les  Rubens  jusqu'à  l'extrémité  du 
bâtiment  vont  être  prochainement  livrés  au  ser- 
vice d'architecture  qui  devra  commencer  par  faire 
disparaître  un  certain  nombre  d'aménagements 
postiches,  cloisons,  planches,  etc.,  pour  que  l'on 
puisse  se  rendre  un  compte  exact  des  locaux  uti- 
lisables. 

Des  informations  prématurées  ont  annoncé  çà 
et  là  de  quelle  façon  seront  utilisés  ces  locaux  ;  des 
prétentions  et  des  suggestions  plus  ou  moins  légi- 
times se  sont  déjà  fait  jour,  comme  celle  des  parti- 

(1)  Ce  précieux  document,  récemment  retrouvé,  nous  .1 
été  aimablement  communiqué  par  M.  l'abbé  Pautrat,  curé 
de  Lainsecq  et  desservant  actuel  de  la  paroisse  de  Sougères, 
par  l'intermédiaire  de  la  iamille  qui  a  vendu  au  Louvre 
le  portrait,  vraisemblablement  conservé  en  Bourgogne 
depuis   l'origine. 


sans  d'une  galerie  d'estampes  anciennes.  En  réalité, 
aucune  détermination  définitive  n'a  encore  été 
prise,  et  l'on  peut  dire  seulement  que  la  question 
est  à  l'étude.  Tout  ce  que  l'on  peut  assurer,  c'est 
que  cette  extrémité  de  l'aile  du  Louvre  devra 
comprendre  d'abord  un  grand  escalier,  qui  existe  du 
reste  déjà,  et  qui  rendra  le  plus  grand  service  pour 
desservir  les  parties  du  Musée  de  peinture  les  plus 
éloignées  du  Salon  Carré,  la  salle  des  Rubens,  eu 
particulier  où  l'on  n'accède  actuellement  qu'après 
une  course  interminable  à  travers  les  salles  les 
plus  diverses. 

De  plus,  il  est  naturel  que  les  grandes  salles  du 
premier  étage  qui  feront  suite  aux  galeries  de  pein- 
ture soient  consacrées  au  développement  de  celles- 
ci.  La  collection  Chauchard  devra  y  trouver  place. 
On  sait,  que  l'installation  projetée  de  celle-ci  dans 
le  bâtiment  du  Jeu-de-Paume  a  été  abandonnée 
à  la  suite  d'un  rapport  de  M.  Girault,  le  nouvel 
architecte  du  Louvre.  La  collection  Thomy-Thiéry 
devra  venir  l'y  rejoindre.  C'est  à  peu  près  tout 
ce  qu'on  peut  dire   pour  le  moment. 


LE    LEGS     PIET-LATAUDRIE    AU     MUSÉE     DU     LOUVRE 


L'important  legs  que  M.  Piet-Lataudrie  a  fait 
aux  Musées  du  Louvre,  de  Cluny,  des  Arts  décora- 
tifs,  de  Sèvres  el  de  Niort,  ainsi  qu'à  la  Bibliothèque 
nationale,  a  été  annoncé  ici  au  moment  de  l'instal- 
lation de  ces  objets  précieux  dans  une  des  salles 
de  la  Colonnade.  Chaque  établissement  vient  de 
prendre  possession  des  objets  qui  lui  ont  été  légués. 
Le  département  îles  objets  d'art  du  moyen  âge 
la  Renaissance  va  enrichir  tout  particulière- 
ment quelques-unes  de  ses  plus  belles  séries. 

Voici  rapidement  décrits,  les  vingt-six  objets 
que  le  Musée  doit  à  la  générosité  de  M.  Piet- 
Lataudrie  et  qui  ont  été  étudiés  par  M.  Migeon 
dans  les  Arts  (août  10,09)  : 

Petite  aiguière  piriforme  en  cuivre  gravé  portant 
une  inscription  au  nom  du  propriétaire  Uthmân, 
fils   de   Sulaïman    de   Nakhtchiwan    (l'erse)   et    la 
date,  du  mois  de  Châ  ban  586  (septembre  1190). 
Art    persan   XIIe  siècle. 

Grand  chandelier  en  cuivre  avec  lions  et  oiseaux 
en  ronde-bosse.  —  Mossoul  xnr  siècle. 

Grand  bassin  circulaire  en  cuivre  gravé  portant 
sur  le  rebord  l'inscription  :  gravure  de  Ali,  fils 
de  Hursaïn,  de  Mossoul.  Fait  au  Caire  l'année  684 
(1285-1286).         Art   égyptien  XIIIe  siècle. 

Grand  chandelier  en  cuivre  gravé  portant  l'ins- 
cription :  Voici  ce  qui  a  été  lait  pout  le  cheikh 
auguste  vénéré,  le  maître  Izz-ad-dîn  Ali.  fils  d'Al- 
Masûd,  le  ...  (ancien  esclave)  du  (sultan  Malik) 
Mudjàhid  Ali.  (Sultan  rassoulide  du  Yémen,  début 
du  xive  siècle).  -     Art  égyptien,  xiv  siècle. 

Grande  plaque  de  revêtement  en  faïence  à  reflets 
métalliques,  à  décor  en  relief  formé  d'une  lampe  de 
mosquée.     -  Art  persan,  xvie  siècle. 

Ensemble  de  /mit  étoiles  et  de  sept  croix  en  faïence 
a  reflets  métalliques,  décorés  de  personnages  on 
d'animaux.  Art  persan,  xme-xive  siècle. 

Plat  en  faïence  à  fond  d'écaillés  bleu-gris  avec 
tiois  sortes  di  croissants  blancs  et  trois  branches 
fleuries.         l'amas.  xve-xvie  siècle. 

P/a/en  faïence  à  inscription  coufique  et  rinceaux 
en  blanc  sur  fond  bleu.  Kutavehs.    XVIe  siècle. 

B  1  11  flets  métalliques,  à  bandes. 

vertical'     partie  bleu  clair,  partie  blanche.  —  Art 
pet   .m     evi1     iècL 

(  hopt  en  faïence  munie  d'une  ans<  droite.  I  »écor 
de    fleurs   et    feuillages   sur    fond    blanc.  Asie- 

Mineure.  xvie-xvne  siè(  le. 


Chope  en  faïence  munie  d'une  anse  droite. 
bandes  horizontales  blanches,  bleues  et  vertes 
avec  cercles  bleus  et  rouges  et  croissants.  —  Asie- 
Mineure.  XYi'-xvne  siècle. 

Coupe  à  pied  en  faïence  avec  fleurs  sur  fond  rose. 
—  Asie-Mineure,  xvie  siècle. 

Aquamanile  en  faïence  en  forme  de  chien  cou- 
vert d'un  décor  de  fleurs  et  d'ornements  en  blanc 
et  manganèse  sur  fond  jaune.  --  Andalousie, 
XVIe  siècle. 

Plat  rond  en  faïence  à  ombilic  saillant  :  un  cerf 
à  demi  couché  sur  une  sorte  de  boule  ronde  se  voit 
dans  un  médaillon  rond  au  centre  sur  l'ombilic.  — 
Italie  du  Nord,  fin  du  xvc  siècle. 

Assiette  creuse  en  faïence  à  décor  en  bleu,  man- 
ganèse et  jaune  sur  fond  blanc,  avec  un  damier 
dans  le  creux.  —  Art  italien,  début  du  XVIe  siècle. 

Assiette  creuse  en  faïence  à  décor  en  bleu,  violet 
jaune  et  vert  sur  fond  blanc.  Dans  le  creux  un 
écu  à  fond  quadrillé,  chargé  de  trois  bandes  blan- 
ches à  rinceaux  bleus.  —  Art  italien,  début  du 
xvie  siècle. 

Vase  de  pharmacie  en  faïence.  Dans  un  médaillon 
rond  sur  la  face,  le  buste  de  Bellone  casquée  et 
au  revers  dans  un  cartouche  la  date  de  1548.  — 
Faenza,  xvie  siècle. 

Quatre  plaques  d'ivoire  provenant  sans  doute 
d'une  couverture  de  livre  et  représentant  quatre 
évangélistes.  —  Art  allemand.  xe-xie  siècle. 

I.ti  Vierge  el  l'Enfant,  statuette  en  ivoire.  La 
Vierge  assise,  voilée,  couronnée,  vêtue  d'une  robe 
et  d'un  manteau,  tient  debout  sur  son  genou  gauche 
l'enfant  Jésus  qui  de  la  main  gauche  porte  un  fruit 
et  étend  la  main  droite  vers  une  fleur  que  sa  mère 
lui   présente.       -   Art    français.   XIVe  siècle. 

L 'a  ti  pi 'ire.  statuette  en  bronze  doré.  Il  est  del  mut . 
vêtu  d'une  robe  et  d'un  manteau,  nu-tête  et  barbu. 
Il  a  les  jambes  croisées  et  les  pieds  nus.  Il  porte  le 
livre  de  la  main  gauche  et  ramène  la  droite  sur  sa 
poitrine.  —  Art  français.  XIIe  siècle. 

Boîte  ttitx  saintes  huiles  de  forme  rectangulaire, 
munie  d'un  couvercle  en  forme  de  toit  à  quatre 
lampants.  I,a  face  et  les  cotés  sont  ornés  de  quatre 
médaillons  ronds  émaillés  représentant  des  anges 
eu  bustes.  I.e  revers  est  décoré  de  figures  d'applique 
-  maillées  et  de  cabochons.  —   Limoges,  xine  siècle. 

Boîte  aux  saintes  huiles,  de  forme  rectangulaire 
munie   d'un    couvercle   en    forme   de   toit    à    quatre 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


25 


rampants.  Sur  chaque  grand  côté,  trois  comparti- 
ments renfermant  des  plaques  entaillées  champ- 
levées  à  fond  alternativement  bleu  et  rouge. 
Sur  la  face  :  la  Vierge  et  l'ange  de  l'Annonciation. 
Au  revers  :  trois  apôtres  assis.  Sur  les  côtés  :  saint 
Pierre,  saint  Paul  et  deux  apôtres  assis.  Inscription 
au  couvercle.  —  Art  viennois  (?),  XIVe  siècle. 

Bijou,  rosace  hexagonale  en  émail  cloisonné 
translucide  jaune  sur  fond  vert,  entourée  de  pierres 
en  cabochons.  —  Art  français.  XIVe  siècle. 

Coupe  ronde  en  bronze,  décorée  à  l'extérieur 
de  bêtes  et  de  motifs  décoratifs  en  relief.  —  Art 
allemand    (?),    XVIe   siècle. 

Bassin   en    étain.    Hercule    portant    le    lion    au 


centre  est  entouré  d'une  zone  de  personnages  nus. 
de  mascarous  et  de  rinceaux.  Au  marli,  des  chi- 
mères et  des  mascarons.  —  Lorraine  (?),  tin  du 
xvi1'  siècle. 

Devant  de  coffre  en  noyer  sculpté  décoré  de  trois 
médaillons  renfermant  chacun  un  personnage.  — 
Art  français.   iIV  moitié  du  XVIe  siècle. 

N'oublions  pas  d'ajouter  à  cette  incomparable 
série  d'objets  le  portrait  de  Charles  Piet-Lataudrie 
peint  par  Bastien-Lepage,  qui  prendra  sa  place  au 
milieu  des  grands  donateurs  du  département  des 
objets  d'art  du  moyen  âge,  de  la  Renaissance  et  des 
temps  modernes  du  Musée  du  Louvre. 

C.  D. 


MUSÉES     NATIONAUX 
Acquisitions   et   Dons 


MUSEE  DU  LOUVRE  °t°e°ë°e°t°ttt¥ 
°ç  °ç  °ç  Peintures  et  Dessins.  —  Le  Louvre 
vient  de  recevoir  un  très  important  ensemble  d'œu- 
vres  de  J.-B.  Isabey  qui  lui  ont  été  léguées  par 
Mme  veuve  Rolle  née  Maneeaux.  Cet  ensemble  ap- 
partenait jadis  à  Mme  veuve  Wey-Isabey  de  qui  les 
tenait  Mme  Rolle.  Celle-ci  se  considérait  seulement 
comme  la  dépositaire  des  œuvres  d'Isabey  et  elle 
a  exprimé  le  désir  que  le  portrait  de  Mme  Wey- 
Isabey  soit  placé  sur  le  même  panneau  (pie  les 
toiles  du  maitre. 

Un  certain  nombre  de  pièces,  aquarelles,  dessins, 
crayons,  pastels  ou  miniatures  sont  déjà  connus 
pour  avoir  ligure  en  diverses  circonstances  dans  des 
expositions  rétrospectives.  Ce  sont  pour  la  plupart 
des  pièces  d'un  intérêt  historique  et  iconographique 
considérable  et  il  en  est  plusieurs  d'un  charme  artis- 
tique  très  séduisant.  Nous  donnerons  prochaine- 
ment la  liste  complète  dudit  ensemble. 

V  V  °$  Sculptures  du  Moyen  Age  et  de  la  Re- 
naissance. —  Aux  quelques  pièces  de  sculpture 
religieuse  du  xvie  siècle  français  que  nous  signalions 
dans  notre  dernier  numéro,  une  rencontre  heureuse 
nous  a  permis  d'en  joindre  une  de  première  impor- 
tance qui  tiendra  une  place  d'honneur  dans  cette 
série.  C'est  une  grande  Vierge  en  pierre  provenant 
de  l'Est  de  la  France  et  que  l'on  attribuail  à  Ligier 
Richier.  Rien  ne  nous  autorise  à  maintenir  cette 
attribution  à  l'artiste  lorrain.  Cependant,  c'est  bien 


des  environs  de  1540-1550  que  nous  datons  cette 
figure  mouvementée  et  gracieuse  dont  le  costume  et 
la  parure  encore  réels  et  de  tradition  gothique 
sont  déjcà  d'une  complication  et  d'une  agitation 
pour  le  manteau,  où  se  fait  sentir  l'influence  ita- 
lianisante. Le  bambin  nu,  potelé  et  rieur,  est  une 
ligure  d'une  rare  souplesse  de  modèle  et  le  geste 
de  sa  main  qui  plonge  dans  le  corsage  de  la  Vierge 
est  d'une  invention  tout  à  fait  amusante  et  pitto- 
resque. 

MUSÉE  DU  LUXEMBOURG    y    H    °t    H    °?    °t 

°£  °j?  "t?  Le  Conseil  des  Musées  nationaux  avait 
voté  l'acquisition,  à  la  vente  Jean  Dolent,  du  célèbre 
portrait  de  Verlaine  par  Carrière  et,  malgré  l'en- 
chère considérable  de  22.000  lianes  qu'a  atteint 
cette  œuvre  importante  du  maître,  elle  reste  défini- 
tivement assurée  à  nos  collections  nationales  où 
elle  avait  sa  place  marquée,  grâce  au  concours  pécu- 
niaire de  la  Société  des  Amis  du  Luxembourg, 
grâce  aussi  à  la  généreuse  initiative  de  deux  des 
meilleurs  amis  de  nos  Musées,  sans  qui  les  fonds 
mis  à  la  disposition  de  l'administration  eus 
insuffisants. 

MUSÉE    DE  VERSAILLES  f  f  f  V   °t  V   f 

°jf  °$  °jf  M.  le  baron  Malouet.  récemment  décédé. 
a,  entre  autres  dispositions  testamentaires,  légué 
aux  Musées  nationaux  un  portrait  du  poète  Cha- 
banon,  l'auteur  d'Eponine,  qui  fut  l'ami  de  Vol- 
taire. Ce  portrait,  daté  de  1774,  est  une  œuvre  de 


26 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


Duplessis.  M.  Malouet  a  légué  aussi  un  très  beau 
portrait  de  son  bisaïeul,  Victor  Malouet,  qui. 
comme  homme  d'Etat,  fut  conseiller  intime  de 
Louis  XVI.  commissaire  général  de  la  marine  sous 


le  Consulat,  et  plus  tard  ministre  de  la  Marine.  Ces 
deux  peintures  ont  été,  sur  l'avis  du  Conseil  des 
Musées  nationaux,  affectées  au  Musée  de  Ver- 
sailles. 


Documents   et  Nouvelles 


°ç  Tf  "$  La  Mission  Pelliot  au  Musée  du  Lou- 
vre.—  On  a  inauguré  dans  les  premières  semaines 
de  mars  les  collections  rapportées  du  Turkestan  chi- 
nois par  M.  Paul  Pelliot.  L'installation  provisoire 
en  a  été  organisée  dans  une  salle  du  rez-de-chaussée 
de  la  galerie  qui  va  rejoindre  le  Pavillon  de  Flore  : 
l'entrée  s'ouvre  sur  le  Carrousel,  tout  près  de 
l'ancienne  entrée  du  Ministère  des  Colonies. 

Ces  collections,  auxquelles  ont  été  joints  les 
objets  rapportés  de  l'Extrême-Orient  il  y  a  quelque 
temps  par  M.  Chavannes  et  qui  ont  été  publiés  ici 
même,  ont  été  recueillies  par  M.  Pelliot  de  1906  à 
1909  au  cours  d'une  mission  à  travers  l'Asie  cen- 
trale. Elles  renferment  des  peintures  et  des  sculp- 
tures du  haut  moyen  âge  qui  nous  apportent  les 
révélations  les  plus  curieuses  sur  la  transmission 
«les  types  et  des  formules  de  l'art  hellénique  tra- 
duisant les  conceptions  du  bouddhisme  indien, 
jusque  vers  les  pays  d'Extrême-Orient.  On  y  voit 
aussi  un  certain  nombre  de  spécimens  de  ces  ma- 
nuscrits chinois  antérieurs  au  xie siècle, dont  M.  Pel- 
liot a  recueilli  plusieurs  milliers  et  qui  vont  cons- 
tituer un  fond  extrêmement  nouveau  et  précieux 
à  la  Bibliothèque  Nationale.  Nous  reviendrons  du 
reste  prochainement  dans  le  Bulletin  sur  les  résul- 
tats fructueux  de  cette  belle  campagne  qui  vient 
d'apporter  à  nos  établissements  scientifiques  et 
artistiques  tant  de  nouveautés  suggestives  et  d'élé- 
ments de  futurs  travaux. 

H  °(  H  Musée  égyptien.  —  On  vient  de  rouvrir 
au  public  la  grande  salle  du  milieu  de  l'ancien 
musée  Charles  X  qui  termine  la  série  des  salles 
du  Musée  égyptien  au  premier  étage  et  précède  les 
salles  <le  la  céramique  grecque.  Toute  une  nouvelle 
installation  de  vitrines  y  a  pris  place,  présentant  en 
particulier,  de  façon  plus  somptueuse,  les  vases  en 
pierre  dure  et  les  objets  d'usage,  en  bois,  en  métal 
ou   en  céramique. 


■^  °ç  <f  Sculpture  moderne.  —  Après  la  vitrine 
contenant  les  maquettes  de  Carpeaux,  une  autre 
vitrine  du  même  genre  vient  d'être  consacrée  dans 
l'une  des  salles  de  la  sculpture  moderne  à  l'exposi- 
tion des  maquettes  et  petites  sculptures  du  milieu 
du  XIXe  siècle.  On  y  voit  en  particulier  quelques 
esquisses  de  Barye  ;  une  série  de  modèles  de  David 
d'Angers  et  la  statuette  de  Rachel,  en  ivoire  par 
Barre,  dont  nous  annoncions  récemment  l'entrée 
au  Musée. 

■f  °<f  °t  Musée  de  Versailles.  —  La  conserva- 
tion du  Musée  prépare  pour  la  fin  du  mois  de  mai 
un  nouvel  aménagement  de  la  «  galerie  basse  » 
dans  laquelle  seront  désormais  exposés  les  tableaux 
de  batailles  du  règne  de  Louis  XV,  peints  par 
Lenfant   pour  l'Hôtel  de  la  Guerre  de  Versailles. 

°jf  °jf  V  Orand  Trianon.  —  Les  transformations 
décidées  par  M.  le  Sous-Secrétaire  d'Etat  des  Beaux- 
Arts  s'accomplissent  au  palais  du  Grand  Trianon. 
Le  service  d'architecture  vient  d'achever  l'enlève- 
ment des  vitrages  et  des  cloisons  qui,  depuis  le 
premier  Empire,  fermaient  le  péristyle.  Par  cette 
simple  suppression,  l'œuvre  de  Mansart  a  repris 
toute  la  beauté  et  l'élégance  de  ses  proportions.  Il 
reste  à  enlever  les  persiennes  en  délabre  qui  aveu- 
glent les  fenêtres  pour  rendre  à  ce  palais,  au  moins 
à  l'extérieur,  sa  grâce  primitive. 

A  l'intérieur,  la  conservation  du  Musée  a  fait 
déplacer  les  sculptures  qui  encombraient  le  péri- 
stvle  et  la  Société  des  Amis  de  Versailles  a  décidé 
de  faire  les  frais  de  la  réinstallation  des  tableaux 
de  C< (telle  aux  trumeaux  de  la  Galerie.  On  peut 
souhaiter  encore  pour  l'embellissement  des  salles 
le  déménagement  de  quelques  meubles  et  vases  de 
Sèvres,  dont  la  vue  est  blessée  et  l'introduction 
de  quelques  belles  tentures  des  Gobelins  du 
XVIIe    siècle. 


UN     TABLEAU     ITALIEN     DU     MUSÉE     DU     PU  Y 


Une  récente  visite  au  Puy  m'a  permis  d'aller 
admirer,  au  Musée  de  la  capitale  du  Velay,  un  pan- 
neau peint  sur  fond  doré  qui  mérite  de  retenir  l'at- 
tention. Ce  primitif  italien,  la  Vierge  et  l'Enfant 
Jésus,  est  classé  sous  le  n°  ic)4  au 
catalogue,  avec  cette  indication  de 
provenance  peu  satisfaisante  en  son 
laconisme  :  «  Don  ». 

V œuvre  est  charmante,  la  com- 
position harmonieuse,  les  poses  gra- 
cieuses, la  finesse  des  tons  clairs  par- 
ticulièrement bien  rendue.  Le  fond 
d'or  a  conservé  des  traces  indiscu- 
tables du  travail  original,  et  si,  de 
ci  de  là,  on  remarque  quelques  dé- 
fectuosités dues  à  un  maladroit  res- 
taurateur, les  parties  principales,  les 
figures,  les  mains,  les  pieds,  les  dé- 
tails du  voile  de  la  Vierge,  n'ont 
nullement  souffert  et  conservent 
toute  la  délicatesse  et  toute  l'ex- 
pression qu'a  su  donner  l'artiste  à 
sa  composition. 

Le  tableau  a  déjà  été  remarqué  : 
dans  la  Revue  archéologique  (i), 
Mary  Logan-Berenson  en  a  signalé 
les  mérites,  et  le  qualifie  d'oeuvre 
maîtresse  où  la  douceur  alliée  à 
l'élégance  lui  fit  trouver  une  des 
plus  complètes  et  des  plus  exquises 
madones  aux  tendances  mystiques 
que  nous  ait  léguées  l'art  siennois. 
Pour  cet  auteur,  l'attribution  à 
Taddeo  di  Bartolo  est  évidente;  il 
en  rapproche,  à  titre  de  comparai- 
son, deux  peintures  du  Louvre 
(n°  1152,  attribué  à  Lippodi  Memmo, 
et  n°  1622,  un  inconnu),  un  intéres- 
sant fragment  du  musée  de  Nantes 
(n°  306,  donné  à  Simone  di  Martino), 
à  un  tableau  du  musée  de  Grenoble  (11"  372,  repro- 
duit page  7  du  récent  ouvrage  du  général  de  Beylié), 
et  une  Crucifixion  très  repeinte  du  musée  d'Au- 
rillac  (n°  28).  Il  est  certain  que  des  affinités 
indiscutables  existent  entre  le  panneau  du  Puy 
et  tel  de  ces  tableaux  que  Mary  Logan-Berenson 
met  ainsi  en  lumière  pour  les  grouper  autour  d'un 


nom  que  les  catalogues  de  musées  français  ne  con- 
naissent guère.  Encore  faudrait-il  être  assuré  que 
sans  contestation  Taddeo  di  Bartolo  doit  être  consi- 
déré comme  l'auteur  de  l'une  ou  de  l'autre  de  ces 


(1)  ne 


1  ht  ologique,   191 16,  1 .   I ,  p. 


t-Jésus. 
[Musée  du  Puy.) 


peintures.  Or  la  preuve  manque  :  el  toutes  ces  affir- 
mations, corroborées  seulement  par  la  similitude 
de  certaines  poses  OU  de  certains  détails,  n'ont 
qu'une  base  extrêmement  fragile.  Il  me  paraîl 
qu'il  y  a,  entre  les  œuvres  ainsi  comparées,  une 
différence  de  style  assez,  évidente,  dans  le  modelé 
et  dans  le  dessin,  qui  se  distinguent  dans  le  pan- 
neau du  Puy  par  un  caractère  plus  archaïque. 
Plus  récemment,  un  amateur  d'art  qui  réside  au 


-- 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


Puy  et  à  qui  je  dois  la  communication  de  la  photo- 
hie  de  la  Vierge  en  question,  M.  Gautheron, 
a  proposé  (i)  une  attribution  non  moins  intéres- 
sante el  dont  il  convient  de  tenir  compte.  Selon 
uteur,  l'affinité  est  bien  plus  précise  et  plus 
étroite  avec  la  Vierge  de  Majesté,  si  belle  par  sa 
pureté  de  lignes,  par  sa  noble  simplicité,  que  Si- 
mone di  Martino,  le  célèbre  rival  de  Giotto,  a  peint 
à  la  fresque  dans  l'une  des  salles  du  palais  coin-' 
munal  de  Sienne.  A  bien  considérer  cette  Vierge 
indépendamment  de  toul  ce  qui  l'environne  (2), 
morceau  détaché'  d'un  grand  ensemble,  on  voit 
les  ileux  peintures  d'identiques  procédés, 
une  délicatesse  de  tons  et  une  grâce  merveilleuse, 
qui  sont  les  témoins  indiscutables  d'une  origine 
voisine.  L'œuvre  de  Simone  di  Martino  à 
Sienne  est  de  1315.  Faut-il  voir  dans  la  Vierge 
du  Musée  du  Puy  un  travail  aussi  primitif,  et 
devons-nous  accepter  sans  discussion  la  proposi- 
tion de  M.  Gautheron  ?  Et  Simone  di  Martino 
doit-il  être  préféré  à  Taddeo  di  Bartolo  ? 

En  une  pareille  matière,  et  en  l'absence  d'un 
précis  qui  dégagerait  la  vérité  et  mettrait 
tout  le  monde  d'accord,  il  importe  d'être  prudent 
et  de  ne  pas  hasankr  des  hypothèses,  même  les 
plus  séduisantes,  qui  ne  reposent  sur  aucun  point 
d'appui.  Assurément  je  me  rallierais  bien  volon- 
tiers à  la  proposition  de  M.  Gautheron.  Simone 
di  Martino  est  venu  travailler  de  son  art  à  Avignon, 
en  133g,  avec  un  essaim  d'élèves  qui  peignirent 
de  nombreux  sujets  religieux  pour  les  chapelles 
pontificales  ou  cardinalices  d'Avignon,  ou  pour 
des  églises  que  le  pape  recommandait  spécialement 
à  leur  talent  (3).  On  lui  a  longtemps  attribué  la 
décoration  de  deux  charmantes  chapelles  du  Palais 
des  Papes  qui  sont  l'icuvrc  de  Matteo  di  Ciova- 
netto,  peintre  favori  de  Clément  VI,  originaire  de 
Viterbe.  D'autre  part,  on  sait  que,  pendant  son 
séjour  à  Avignon,  Simone  di  Martino  fut  chargé 
d'exécutei  en  [350  huit  tableaux  pour  l'église  de- 
là Chaise-Dieu,  et  que,  l'année  suivante,  il  alla 
lui-même  dans  ce  monastère  pour  y  peindre  des 
fresques  :  en    1  re,  il   préparail   les  dessins 

d'un   reliquaire  précieux  où  les  bénédictins  de  ce 

1  ultur,    dit    Pin       '   vo 

irection  d'André 
Mil  hel,   1.    1  .,     de   M.    Vndré 

'.  di    VI.   VI  m 

I 


lieu  se  proposaient  d'enfermer  les  restes  de  saint 
Robert  leur  patron  et  fondateur,  après  une  solen- 
nelle translation. 

Ces  relations  des  peintres  italiens  établis  à  Avi- 
gnon avec  la  Chaise-Dieu  s'expliquent  d'elles- 
mêmes.  Nous  sommes  à  une  époque  où  le  pape 
Clément  VI  est  un  enfant  du  monastère  ;  il  y  avait 
vécu  comme  novice  et  comme  prof  es  ;  en  souvenir 
de  ces  jeunes  années  qu'il  n'oubliera  jamais,  il 
se  préoccupa  de  reconstruire  l'abbaye  de  fond  en 
comble  et  lui  accorda  dans  ce  but  de  très  larges 
subsides  qui  se  continuèrent  sans  interruption 
jusqu'à  sa  mort  (eu  1352)  ;  c'est  là  enfin  que,  en 
conformité  d'intentions  nettement  exprimées  sans 
doute,  il  eut  sa  sépulture  et  son  tombeau. 

Si  l'on  veut  bien  constater  que  l'abbaye  de  la 
Chaise-Dieu  est  située  en  pleines  montagnes  d'Au- 
vergne et  que  cette  localité  se  trouve  comprise, 
depuis  la  formation  des  départements,  dans  celui 
de  la  Haute-Loire  dont  le  Puy  est  le  chef-lieu,  on  en 
arrive  à  se  demander  si  la  Vierge  du  Musée  du  Puy 
n'est  pas  venue,  directement  ou  indirectement, 
du  monastère  pour  lequel  avaient  travaillé,  au 
milieu  du  xive  siècle,  Simone  di  Martino,  Matteo 
di  Giovanetto  et  tant  d'autres  compatriotes  attirés 
par  le  pape  Clément  VI. 

Il  y  a,  du  moins,  des  circonstances  historiques  qu1 
militent  en  faveur  de  l'attribution  de  ce  panneau 
au  pinceau  de  Simone  di  Martino.  Il  n'était  pas 
inutile  de  les  rappeler  pour  donner  plus  de  consis- 
tance à  l'opinion  purement  technique  de  M.  Gau- 
theron. Mais  convient-il  de  citer  le  nom  du  maître 
ou  celui  d'un  disciple  ?  Les  éléments  manquent 
pour  permettre  de  se  prononcer.  Le  style  rappelle 
bien  le  faire  de  Simone  di  Martino  ;  mais  était-il 
seul  capable  d'exécuter  une  telle  œuvre?  Et 
n'avait-il  pas  dans  ses  études,  dans  ses  cartons,  des 
dessins  de  ses  premières  œuvres  exécutées  à  Sienne, 
que  tel  élève  a  pu  copier  fidèlement  eu  changeant 
la  pose  du  Christ  ou  en  adoptant  de  légères  modi- 
fications de  détail  ? 

Quelle  que  soit  la  réponse  que  l'on  jugera  à 
propos  de  faire  à  ces  points  d'interrogation,  nous 
voici  bien  loin  de  Taddeo  di  Bartolo.  Je  suis  assez 
disposé  à  chercher  l'auteur  de  la  Vierge  du  Puy 
dans  l'entourage  de  Simone  di  Martino  et  des 
peintres  siennois  qui,  conviés  par  Clément  VI, 
sont  venus  travailler  à  l'abbaye  de  la  Chaise-Dieu. 

Henki  Stein. 


UN     MEUBLE     ET     UN     ÉMAIL     CHAMPLEVÉ 
du    Musée    Dobrée,    à    Nantes 


Il  existe  au  Musée  Dobrée,  à  Nantes,  une  remar- 
quable châsse  d'émail  champlevé  de  Limoges,  dont 
les  avatars  successifs  sont  assez  curieux  à  rappeler. 

Elle  appartenait  en  1841  à  l'église  de  Laguenne 
(Corrèze)  quand  le  curé  reçut  en  même  temps  des 


Fig.   11.  —  Châsse  en  émail  limousin. 
[Musée  Dobrée  à  Nantes.) 

propositions  d'achat  direct  de  son  collègue  l'abbé 
Texier,  archéologue,  et  de  M.  Minier,  quincaillier 
à  Limoges  ;  ce  dernier  finit  par  vaincre  les  hésita- 
tions du  curé  de  Laguenne,  moyennant  la  somme 
de  250  francs.  Il  la  revendait  peu  de  temps  après 
à  M.  Joyan,  orfèvre  à  Paris,  pour  la  somme  de 
2.955  francs.  Le  garde  des  sceaux,  avisé  de  la 
vente  de  la  châsse  par  Didron.  le  directeur  des 
Annales  archéologiques,  auquel  l'abbé  Texier 
frustré  avait  dénoncé  la  vente,  faisait  poursuivre, 
et  le  Tribunal  de  Tulle  par  jugement  de  juin  1842, 
condamnait  Minier  à  payer  à  la  fabrique  de  La- 
guenne la  somme  de  2.955  francs  qu'il  avait  tou- 
chée de  Joyan.  Il  fit  appel,  et  un  arrêt  intervenant 
ne  le  condamnait  plus  eu  définitive  qu'à  payer  à 
la  fabrique  la  somme  de  250  francs,  prix  accepté 
d'un  commun  accord  entre  Minier  et  la  fabrique. 
Ceci  se  passait  en  1842  ;  quelques  années  après 
le  prince  Soltykoff  acquérait  la  châsse  de  Laguenne 
pour  8.106  francs,  et  à  la  vente  de  sa  collection 
qui  eut  lieu  à  Paris  en  avril  1861,  elle  figurait  au 
Catalogue  sous  le  n°  280. 


Quand  Ernest  Rupin  publia  en  1890  son  œuvre 
de  Limoges,  il  ignorait  eu  quelles  mains  était  passée 
la  chasse  de  Laguenne  qui  fait  à  l'heure  actuelle 
si  grand  honneur  au  Musée  qu'a  fondé  à  Nantes  la 
généreuse  initiative  de  M.  Dobrée. 

La  belle  chasse  vouée  à  saint  Calmiue.  un  air) 
limousin,  est  de  grande  dimension  (o  m.  60  de  hau- 
teur —  o  m.  69  de  longueur)  ;  il  y  est  représenté  un 
moine,  les  pieds  nus,  et  encapuchonné,  debout 
sépare  de  saint  Martin,  debout  aussi,  par  un  grand 
Christ  assis  et  bénissant.  Figures  en  relief  doré,  et 
rapportées  sur  un  beau  fond  d'émaux  champlevés 
à  rinceaux.  C'est  une  admirable  châsse  du  xine  siè- 


cle limousin. 


Fig.  12. 


Dressoir.  Travail  français  fin  du  X  , 
[Musée  Dobrée  à  Nantes.) 


Le  dressoii  que  possède  le  Musée  de  Nantes,  et 
qui  y  est  parvenu  dans  l'ensemble  des  collections 
,1e  M.  Dobrée,  provient  lui  aussi  de  l'ancienn< 
collection  Soltykoff;  c'est  le  type  du  dressoir  de  la 
tin  du  xve  siècle  qu'un  a  continué  à  exécuter  au 
début  du  xvie;  il  est  vide  dans  sa  partie  inférieure, 
avec  un  corps  supérieur  saillant,  présente  des  pans 


30 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


ax  el  s'ouvre  en  deux  étages;  les 
vantaux  d'une  décoration  sculptée  vraiment  admi- 
rable sont  garnis  de  motifs  gothiques  et  d'écussons 
aux  armes  de  Louis  XII  et  d'Anne  de  Bretagne.  Le 
meuble  est  en  beau  bois  de  chêne  d'un  grain  serré 


et  il  est  orné  de  plus  de  deux  superbes  serrures, 
de  la  plus  remarquable  exécution  qu'on  trouve 
bien  rarement  authentiques  sur  les  meubles  de  la 
Renaissance. 

Gaston  Migeon. 


MUSÉES     DE     PARIS     &     DE     PROVINCE 
Notes    et    informations 


MUSEE   DES   ARTS    DECORATIFS   f  f   f  f 

°t  °?  V  Le  mois  de  mars  a  été  consacré  au  Musée 
des  Arts  décoratifs  à  l'exposition  annuelle  de  la 
Société  des  Artistes  Décorateurs. 

A  cette  exposition  a  succédé  en  avril  un  ensemble 
des  peintures  décoratives  exécutées  par  le  maître 
Albert  Besnard,  en  même  temps  qu'une  exposition 
rétrospective  de  l'œuvre  du  regretté  céramiste 
Chaplet. 

En  ce  moment  le  comité  des  Dames  expose  dans 
la  salle  qui  lui  est  réservée  de  charmantes  boîtes  et 
des  éventails  délicatement  décorés  par  Mme  Leone 
George,  des  œuvres  de  Mlle  O'Kin,  des  brochures 
du  Licem  de  Stockholm,  etc. 

Dans  une  des  grandes  salles  du  XVIIIe.  on  peut 
voir  l'admirable  ensemble  de  porcelaines  de  Sèvres 
qu'a  bien  voulu  prêter  M.  Hodgkins,  et  dans  un 
salon  voisin  un  charmant  plafond  décoré  de  singe- 
ries et  provenant  d'un  ancien  hôtel  du  Marais  prêté 
par  M.  Maurice  Fenaille. 

Parmi  les  récents  enrichissements  du  Musée 
nous  noterons  enfin  que  les  collections  de  porce- 
laines françaises,  nouvellement  remaniées,  se  sont 
augmentées  d'un  magnifique  cabaret  en  porcelaine 
tendre  de  Saint-Cloud,  et  d'un  groupe  en  biscuit 
de  Sèvres  donnés  par  M.  Fitzhenry  ainsi  que 
de  nombreuses  pièces  de  diverses  manufactures 
acquises  à  la  vente  du  même  amateur. 

BIBLIOTHÈQUE  NATIONALE   f  ■*   °£   f   °?  °ç 

°t   °f   -g    La  Bibliothèque  nationale  vient  de  rece- 
voir, par  suite  d'un  legs  à  elle  fait  par  la  fille  du 
luHs,  toutes  les  œuvres  de  ce  dernier. 
Parmi  ces  œu-  >uv<    une  collection  de  por- 

'     '  i  lèbres  du  temps  de  la  Restau- 
ration     qui   lui    avaient    été   demandés   par   Louis 
XVIII,     [jour    lequel     il     avait     exécuté    déjà     une 
eilleuse  tabatière.  Cette  collection   était,    des 
le    principe,    di  i    cabinet    des    médailles. 


L'empereur  Alexandre  Ier  en  avait  obtenu  les  «  dou- 
bles »,  qui  figurent  actuellement  dans  les  Musées 
impériaux  de  Russie.  Après  la  Restauration,  la 
collection  des  portraits  commandés  par  Louis  XVIII 
avait  été  oubliée,  et  elle  était  restée  entre  les  mains 
de  la  fille  de  l'artiste  qui  vient  de  lui  rendre  sa  pre- 
mière destination. 

MUSÉE  DE  NIORT  ^^^<^^VVV^^ 
f  f  V  il.  Henri  Clouzot  a  fait  récemment  à  la 
Société  d'histoire  de  l'art  français  la  communica- 
tion suivante  au  sujet  d'un  des  tableaux  les  plus 
réputés  du  Musée  de  Xiort   : 

Le  catalogue  des  œuvres  de  Chardin  qui  accom- 
pagne la  récente  étude  de  M.  Edmond  Pilon, 
parue  dans  la  collection  des  Maîtres  de  l'art, 
donne  au  peintre  de  l'Enfant  au  toton  le  Por- 
trait d'un  ancien  seigneur  de  la  Mothe  Saint- 
Héraye  conservé  au  Musée  de  Niort. 

L'attribution  n'est  pas  nouvelle.  Charles  Blanc, 
dans  sa  Vie  des  peintres,  les  Goncourt,  dans  leur 
notice  sur  Chardin,  Bellier  de  la  Chavignerie  et 
bien  d'autres  font  honneur  au  grand  artiste  de  cet 
important  morceau  (haut  :  i  m.  28  ;  larg.  :  i  mètre), 
point  du  tout,  à  vrai  dire,  indigne  de  son  talent. 

Jean-Baptiste  Martin  d'Artaguette,  marquis  de 
la  Mothe  Saint-Héraye  (si,  comme  le  veut  la  tradi- 
tion, c'est  bien  lui  que  le  peintre  a  voulu  représenter) 
est  à  table  soulevant  de  la  main  droite  un  flacon 
de  vin  qu'il  contemple  amoureusement.  Il  est  vêtu 
d'un  habit  marron  tout  uni,  ce  qui  lui  donne  l'air 
d'un  modeste  bourgeois  plutôt  que  d'un  riche  sei- 
gneur terrien. 

La  toile  se  trouvait  au  château  de  la  Mothe 
Saint-Héraye  dans  la  chambre  dite  de  Madame 
et  la  joie  expansive  de  ce  vrai  gastronome  faisait 
envie  à  tous  les  visiteurs  au  moment  où  le  château 
allait  tomber  sous  la  pioche  des  démolisseurs,  en 
1840.    La   Société   de   statistique,  lettres,  sciences 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


31 


et  arts  du  département  des  Deux-Sèvres  réussit 
à  sauver  quelques  débris  du  naufrage.  A  force  de 
persévérance,  elle  obtint  ces  curieuses  boiseries 
du  xviie  siècle  qui  décoraient  la  chapelle,  œuvre  de 
quelque  artiste  flamand  de  passage  en  Poitou,  et 
plusieurs  peintures,  dont  le  prétendu  Chardin. 

Depuis  lors,  les  catalogues  du  Musée  de  Niort, 
en  1858  comme  en  1865,  donnèrent  sans  hésitation 
ce  portrait  à  Chardin. 

Mais,  en  1873,  après  une  restauration,  malheureu- 
sement confiée  à  un  artiste  inexpérimenté  qui  enleva 
tous  les  glacis  et  diminua  considérablement  l'in- 
térêt de  l'œuvre,  on  put  lire  la  signature  Alexis 
Grimou  et  la  date  1720.  Ce  n'est  plus  un  Chardin, 
mais  c'est  encore  un  très  bon  Grimou.  La  pose 
adoptée  par  le  peintre  lui  plaisait  sans  doute  tout 
particulièrement,  car  on  la  retrouve  dans  son  propre 
portrait,  exposé  par  M.  Paul  Lesourd  à  l'exposi- 
tion rétrospective  de  Tours  en  1S90. 

POUR  LE  MUSÉE  DE  CHARTRES  ?  t  °t  °? 

°ç  °j?  °(  La  proposition,  que  nous  avons  soutenue 
nous-même  dans  notre  dernier  numéro,  du  transfert 
du  Musée  à  l'Evêché  semble  rallier  de  plus  en  plus 
de  suffrages.  Un  article  très  judicieux  et  très  modéré 
de  M.  Blondel,  conseiller  municipal,  paru  dans  la 
Dépêche  d'Eure-et-Loir  du  24  février,  en  expose 
tous  les  avantages  moraux  et  matériels.  Une  somme 
de  150.000  francs  serait,  paraît-il,  suffisante  d'après 
les  études  de  M.  Mouton,  architecte  municipal,  pour 
y  réaliser  tous  les  aménagements  désirables. 

Un  autre  correspondant  du  même  journal  insiste 
pour  que  l'on  n'omette  pas  dans  ces  aménagements 
l'éclairage  des  salles  par  le  haut  et  signale  la  possi- 
bilité de  constituer  grâce  à  quelques  pièces  de  mo- 
bilier en  usage  dans  les  bureaux  de  l'hôtel  de  ville, 
une  amorce  de  Musée  de  l'ameublement.  Toutes  ces 
idées  sont  bonnes  à  retenir,  mais  le  principe  surtout 
de  l'utilisation  de  cette  demeure  large  et  spacieuse 
de  préférence  à  toute  autre  bâtisse  dispendieuse 
à  construire  pour  loger  les  collections  chartraines 
est  à  ne  pas  abandonner.  M.  Dujardin-Beaurnetz, 
sous-secrétaire  d'Etat  aux  Beaux-Arts,  a,  dans  une 
récente  visite  à  Chartres,  parcouru  les  salles  de 
l'Evêché  et  appuyé  de  son  autorité  la  solution  pré- 
conisée. 

MUSÉE  DE  NANTES   °e°tt1"e°t°t°e-$ 

if  if  if   M.    Catroux,    conservateur-adjoint    de   la 


Bibliothèque,  a  été  nommé  récemment  conservateur 
du  Musée  des  Beaux-Arts.  Il  a  exposé  dans  un  ar- 
ticle paru  dans  le  Petit  Phare  de  Nantes  du  17  février 
ses  intentions  de  remaniement,  de  classement 
logique  des  œuvres,  de  création  de.  nouvelles  séries, 
etc.,  etc.  La  matière  ne  manque  pas  à  Nantes  pour 
ces  travaux,  le  cadre  est  ample  et  nous  enregistre- 
rons avec  plaisir  le  résultat  de  l'activité  du  nou- 
veau directeur  des  collections  nantaises. 

f  f  °f  Le  Musée  vient  de  s'enrichir  d'une  impor- 
tante mosaïque  romaine  datant  des  premiers 
siècles  de  l'ère  chrétienne.  Cette  mosaïque  provient 
d'Oudna,  en  Tunisie,  Utina,  comme  on  disait  autre- 
fois, située  à  quelques  kilomètres  de  Tunis;  elle  a  été 
donnée  au  Musée  par  M.  Sibille,  l'un  des  députés 
de  Nantes.  Bien  que  morcelée,  mais  très  réparable, 
cette  mosaïque  offre  un  très  précieux  spécimen  des 
mosaïques  de  l'architecture  romaine  à  l'époque 
qu'on  lui  assigne.  Le  dessin  en  est  sobre,  fait  de 
lignes  entrelacées  et  de  figures  géométriques  :  au 
centre,  des  cubes  de  marbre  de  différentes  couleurs 
représentent  un  poisson  et  un  cormoran.  L'ensemble 
est  des  plus  harmonieux.  La  ville  où  elle  a  été  trouvée, 
Utina,  était  une  cité  importante  de  haute  civili- 
sation et  où  abondaient  les  monuments. 

MUSÉE  DE  TOULOUSE  °f-f:°£°e°t-t:°e°e 
°f?  °f  °$  La  ville  de  Toulouse  a  acquis  du  liquida- 
teur des  biens  de  la  congrégation  dissoute  des 
Pères  du  Calvaire  un  grand  groupe  en  terre  cuite 
de  la  Descente  de  Croix  exécutée  vers  1847  Par  Ie 
sculpteur  toulousain  Griffoul-Dorval.  La  Commis- 
sion du  vieux  Toulouse  et  la  Société  archéologique 
du  Midi  s'étaient  intéressées  à  la  conservation  de 
cette  œuvre  importante  de  l'art  local  et  avaient 
appuyé  les  efforts  de  M.  Rachou,  conservateur  au 
Musée  des  antiquités,  qui  en  avait  proposé  l'achat 
à  la  municipalité  et  va  être  chargé  de  l'installer  dans 
le  Musée  des  Augustins. 

UN  MUSÉE  A  UZÈS  (Gard)  ^  y  X  ¥  f  °t 
°£  V  °?  M.  José  Belon  vient  de  prendre  l'initia- 
tive «le  la  formation  à  Uzès  (Gard),  d'un  musée  de 
peinture  et  de  sculpture.  Déjà  un  certain  nombre 
d'artistes  ont  bien  voulu  promettre  au  fondateui 
leur  généreux  concours.  En  outre,  un  comité  de 
patronage  vient  de  se  constituer  pour  assurer  le 
succès  définitif  de  l'œuvre. 


->      «j-       -> 


PUBLICATIONS     RELATIVES     AUX     MUSÉES     DE     FRANCE 


°t  f  f  La  Commission  du  Muséum  et  la 
Création  du  Musée  du  Louvre.  -  Documents 
illis  et  annotés  par  Alexandre  Chetey  et  Jean 
Guiffrey.  Archives  de  l'art  français.  Nouv.  période, 
T.  III  (1909).  Paris.  Schemit. 

Le  dernier  volume  des  Archives  de  l'art  français 
est  entièrement  consacré  aux  pièces  relatives  à  l'ac- 
tivité de  la  première  commission  instituée  en  vertu 
du  décret  du  il  août    1792   pour  préparer   et    diri- 
i  création  du  Muséum  central  des  Arts  qui  fut 
ouvert  le  10  août  de  l'année  suivante.  Cette  coin- 
ion  se  composait   des  peintres  J.-B.  Regnault 
et  Vincent,  de  Jollain,  l'ancien  garde  des  tableaux 
du  roi,  du  géomètre  Boussut    et    de    deux   minia- 
turistes assez  obscurs,   Pasquier  et  Cossart.   C'est 
Roland,    ministre    de    l'Intérieur,  qui    présida    à 
institution;  elle    fut    violemment    attaquée 
'abord  par  le  marchand  de  tableaux  Lebrun, 
qui   n'avait   pu   y  entrer,   puis  par   David  qui,  en 
1704.  lit   nommer  de  nouveaux  commissaires. 

La  présente  publication  tend  plutôt  à  réhabiliter 
cette  première  commission  qui,  d'après  Lebrun 
et  David,  a  été  généralement  assez  mal  jugée.  Elle 
montre  son  activité  réelle,  qui  s'employa  à  faire 
rentrer  au  Louvre  les  tableaux  provenant  de  l'ancien 
Cabinet  royal  ou  des  saisies  révolutionnaires,  à 
Ks  classer,  à  les  restaurer,  à  les  faire  graver.  La 
commission  fit  ce  qu'elle  put  pour  maintenir  et 
agrandir  la  place  que  l'assemblée  avait  fait  accorder 
pour  les  collections  dans  le  Louvre  encore  en- 
combré d'administrations  et  d'habitants  privi- 
légiés envahisseurs,  et  elle  organisa  en  moins  d'un 
ce  qui  est  aujourd'hui  le  Salon  Carré  et 
tie  de  la  grande  galerie,  alors  éclairée 
latéralement,  une  réunion  de  537  tableaux  et 
ulptures. 

avec  Al.  Lenoir  qui  ne  mettait  qu'un 
lui  livrer  les  tableaux  ra- 
les  Petits-Augustins,  ses  préoc- 
de  l'entretien  des  tableaux,  de  la  police 
la  rédaction  d'un  cata- 
logue- qui  parut  dès  170.;.  sont  très  curieux  à  suivre 
rchives  qui   permettront  de  la 
d(    cause  et  sur  des 


pièces  irrécusables  non  sur  des  racontars  ou  sur 
des  impressions. 

°(  °$  °ç  Inventaire  général  des  dessins  du  Mu- 
sée du  Louvre.  —  Ecole  française.  Tome  IV, 
par  Jean  Guiffrey  et  Pierre  Marcel.  Librairie 
centrale     d'art     et     d'architecture,     Paris,     1909, 

I  vol.  in-40. 

Ce  quatrième  volume  continue  la  belle  et  solide 
publication  entreprise  par  MM.  Guiffrey  et  Marcel. 

II  comprend  610  illustrations  d'excellente  qualité 
pour  825  dessins  décrits  ;  mais  cette  fois  l'in- 
flexible ordre  alphabétique  amène  des  numéros 
d'un  intérêt  que  l'on  peut  dire  exceptionnel,  avec 
l'œuvre  de  Corot  et  de  Daubigny,  de  David  et 
de  Delacroix  qui  est  assez  abondamment  repré- 
senté au  Louvre.  1  hitre  les  grands  dessins  connus. 
esquisses  de  se--  tableaux  célèbres,  David  figure  avec 
une  abondante  série  de  croquis  archéologiques  qui 
témoignent  de  sa  forte  documentation  archéologi- 
que. Delacroix  termine  le  volume  avec  le  précieux 
carnet  de  voyage  au  Maroc  dont  38  feuillets  sont 
reproduits.  Mais  c'est  l'art,  classique  encore, 
quoique  déjà  touché  par  la  grâce  du  XVIIIe  siècle, 
d'Antoine  Coypel  qui  y  tient  la  plus  grande  place, 
la  tradition  voulant,  sous  l'ancien  régime,  que  tous 
les  dessins  du  premier  peintre  fissent  retour  à  sa 
mort  aux  collections  royales.  Une  introduction 
érudite  est  consacrée  précisément  à  Antoine  Coypel 
et  à  ses  dessins. 

°t  ^  °(  Gazette  des  Beaux-Arts,  avril  iqio. 
—  Très  important  article  de  M.  Loris  Batiffol 
qui  établit  que  les  plans  du  Louvre,  conçus  par 
Lescot  sous  Henri  II  comprenaient  déjà  tout  le 
développement  futur  de  la  Cour  carrée  ainsi  que  le 
prolongement  des  bâtiments  vers  les  Tuileries. 

M.  Batiffol  retrouve  ses  plans  dans  deux  dessins 
de  la  collection  Destailleurs  au  Cabinet  des  Es- 
tampes regardés  jadis  par  M.  Babeau  comme  des 
projets  contemporains  de  Henri  IV. 

—  Les  Emaux  de  Mônvaerni  au  Musée  du 
Louvre,  par  M.  J.-J.  Marqcet  de  Vasselot.  ■ — 
Etude  approfondie  sur  la  série  d'émaux  publiée  ici 
dès  son  entrée  au  Musée  par  M.  C.  Dreyfus. 


Erratum, —  Dat  ernier  numéro,  au  bas  de  la   reproduction  du  Portrait  de  Cireux,  du 

ls,  devait   figurei   la  mention  suivante,  omise  par  erreur  : 

■    Phot.  Accart,  communiquée  par  XL  }.  Doucet.  » 


Fontenay-aux-Roses.  —  Imp.  L.  Bellenand. 


Le  Gérant  :  G.  Létard. 


Bulletin    des    Musées 
de    France 


LES    COLLECTIONS    DE    LA    MISSION    PELLIOT 
au    Musée    du    Louvre 


Dans  son   précédent   numéro,   le  Bulletin  avail 

annoncé  qu'il  reviendrait  sur  la  belle  exploration 
de  M.  Pelliot  au  Turkestan.  C'est  en  effet  une  des 
plus  importantes  auxquelles,  depuis  longtemps, 
se  soit  employé  un  Français  et  une  des  plus  fruc- 
tueuses auksi  par  les  documents  de  tous  genres, 
tant  historiques  qu'archéologiques  et  artistiques 
dont  elle  a  enrichi  nos  collections  de  la  Biblio- 
thèque Nationale  et  du  musée  du  Louvre.  Joints 
à  ceux  qu'ont  rapportés  M.  Foucher  de  l'Inde  du 
Nord-Ouest  et  M.  Chavannes  de  la  vallée  du  fleuve 
Jaune,  ils  précisent  grandement  nos  connais- 
sances sur  la  civilisation  de  l'Asie  centrale  et  la 
relient  par  des  témoignages  précis  et  tangibles  à 
celle  de  la  Grèce  qui  a  rayonné  sur  elle  d'une 
lumière  un  peu  lointaine  et  qui  va  s' affaiblissant, 
mais  dont  l'origine  éclate  aux  yeux  néanmoins. 
L'influence  du  bouddhisme  au  moyen  âge  dans 
ces  régions  apparaît  surtout  dans  toute  son  ampli- 
tude, grâce  aux  documents  apportés  par  M.  Pel- 
liot. 

La  France  avait  paru  se  désintéresser  trop 
longtemps  des  recherches  qui,  depuis  une  quin- 
zaine d'années  ont  constitué  peu  à  peu  l'archéo- 
logie de  l'Asie  centrale.  Les  explorateurs  qui 
avaient  traversé  ces  pays  maintenant  déserts,  les 
Prjevalsky,  les  Sveii  Hedin  y  avaient  signalé  des 
restes  de  villes  aux  trois  quarts  détruites  el 
émergeant  à  peine  des  sables  où  se  reconnais- 
saient des  traces  indéniables  du  culte  boud- 
dhique. 

En  1889,  le  capitaine  Bower  rapporta  de  Kout- 
char  un  manuscrit  en  sanscrit  d'origine  boud- 
dhique, qui  constituait  un  monument  des  plus 
précieux.  '  )n  sait  en  effet  que  la  disparition  du 
bouddhisme  de  l'Inde  a  entraîné  celle  des  textes 


originaux  sanscrits  qui  constituent  le  canon  de- 
cette  religion,  et  nous  ne  le  connaissons  plus  que 
par  des  traductions  chinoises  ou  tbibétaines  :  c'est 
en  Chine  et  au  Thibet  en  effet  que  le  bouddhisme, 
chassé  de  sa  patrie  d'origine,  s'est  transplanté  : 
il  y  a  repris  une  vigueui  sans  cesse  accrue  et  sa 
doctrine  s'y  est  maintenue  intacte  jusqu'à  nos 
jours. 

La  découverte  du  capitaine  Bower  faisait 
espérer  que  l'on  pourrait  retrouver  au  Turkestan 
des    textes    originaux,  en    même    temps    que    l'on 


Clit       .Y      lit. 
Fig.    13.  —  Têtes  provenant  de  Toumi  houq. 
[Musée  tlu  I 

pensait  découvrir  au  son  île  ces  -  villes  m  rtes» 
des  traces  d'une  civilisation  qui  avail  dû  être 
très  brillante  à  l'époque  bouddhique,  si  nous  en 
jugeons  encore  pai  les  témoignages  des  pèlerins 
chinois  qui,  pendanl  la  période  de  la  dynastie 
T'ang  (620-907  ap.  J.-C),  les  ont  traversé  poui 
aller  chercher  dans  l'Inde  Ks  textes  bouddhiques 
en  sanscrit   qu'ils  ont   rapportés  en  Chine. 


34 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


Les  premières  recherches  furent  entreprises 
en  1S97  sur  l'initiative  de  l'Académie  des  Sciences 
de  Saint-Pétersbourg  par  le  Dr  Klementz,  dans  la 
région  de  Tourfan  sur  la  route  dite  de  la  Kachgarie, 
celle  par  laquelle  le  pèlerin  chinois  Hiuentsang 
se  rendit  dans  l'Inde.  C'est  dans  la  même  région 
que  le  professeur  Grunwedel  en  1902,  puis  le 
professeur  von  Lecoq  furent  envoyés  par  l'Alle- 
magne pour  continuer  les  recherches  du  Dr  Kle- 
mentz. 

D'un  autre  côté,  le  Dr  Stein  était  envoyé  en  1900- 
1901  par  le  gouvernement  des  Indes  le  long  de  la 
route  méridionale  qui  longe  le  Turkestan  chinois 
vers  le  Sud  pour  aller  dans  l'Inde.  C'est  la  route 
qui  vit  passer  le  pèlerin  Song  Yun  à  l'aller  et  Hiuen- 
tsang au  retour. 

Le  succès  de  ces  différentes  missions  activa 
la  réalisation  d'un  vœu  déjà  présenté  au  Congrès 
archéologique  de  Rome  en  1890.  En  1902,  fut 
fondée  «  l'Association  Internationale  pour  l'explo- 
ration historique,  archéologique,  linguistique  et 
ethnographique  de  l'Asie  centrale  et  de  l'Ex- 
trême-Orient. » 

C'est  seulement  en  1905,  sur  l'initiative  de 
M.  Sénart,  président  du  Comité  français  de  l'Asso- 
ciation dont  nous  venons  de  parler  que  fut  orga- 
nisée la  mission  qui,  sous  la  direction  de  M.  Paul 
Pelliot,  professeur  de  chinois  à  l'Ecole  d'Extrême- 
Orient  (Hanoï)  a,  pendant  trois  ans  (de  1906  à 
1909),  exploré  le  Turkestan  chinois  et  la  Chine 
du  Nord  avec  un  succès  dont  font  foi  les  docu- 
ments exposés  au  musée  du  Louvre.  C'était  une 
bonne  fortune  pour  la  science  française  de  pou- 
voir  confier  une  tâche  de  ce  genre  à  l'ardeur  et 
à  la  probité  scientifique  d'un  jeune  savant  que 
ses  travaux  antérieurs  et  un  séjour  déjà  long  en 
Extrême-Orient  qualifiaient  tout  particulière- 
ment pour  l'entreprendre  et  la  mener  à  bien. 
M.  Pelliot  s'adjoignit  pour  la  partie  scientifique 
de  son  expédition  le  médecin-major  Louis  Vail- 
lant de  l'armée  coloniale  et  M.  Charles  Nouette 
qui  fut  chargé  de  la  documentation  photogra- 
phique. 

Ce  que  tut  ce  voyage,  ce  n'est  pas  ici  le  lieu 
de  k-  ilii\-  en  détail;  nous  renverrons  les  lecteurs 
qui  en  seuil  curieux,  soit  au  Bulletin  du  Comité 
de  V Asie  française  qui  a  tenu  régulièrement  ses 
licteurs  au  Courant  des  étapes  de  la  mission,  soit 
;m  i.t^i  ieule  .\  (les  Annales  dr  la  Société  de  Géo- 
graphie commerciale  (section  indo-chinoise),  année 


1909,  ou  même  au  numéro  de  l'Illustration 
(12  mars  1910)  où  le  voyageur  a  raconté  lui-même 
ses  pérégrinations. 

Peut-être  quelques  renseignements  historiques 
ne  paraîtront-ils  pas  superflus,  qui  feront  mieux 
comprendre  l'intérêt  des  documents  rapportés 
par  M.  Pelliot  et  en  particulier  l'origine  des  monu- 
ments picturaux  ou  sculpturaux  qui  sont  exposés 
au  visiteur  de  la  collection. 

Entre  l'Indus  et  l'Hindoukouch  en  Bactriane 
ont  régné  pendant  près  de  trois  siècles  après  la 
mort  .d'Alexandre  des  dynasties  soit  purement 
grecques  héritières  du  conquérant,  soit  gréco- 
indiennes.  Quand  ces  dynasties  eurent  été  renversées 
par  des  peuplades  de  race  hunnique  ou  turque, 
au  début  du  premier  siècle,  avant  notre  ère,  le 
pays  était  tellement  imprégné  de  la  civilisation 
grecque  que  celle-ci  gagna  jusqu'aux  vainqueurs. 
Mais  vers  le  milieu  de  ce  siècle,  toute  cette  ré- 
gion fut  convertie  au  bouddhisme  et  couverte  de 
sanctuaires  et  de  monuments  pieux  élevés  au  Boud- 
dha ou  à  ses  disciples  par  la  piété  de  ses  souverains 
dont  le  plus  illustre  fut  le  fameux  Kaniska.  Tout 
naturellement,  les  artistes  appliquèrent  aux  idées 
nouvelles  les  formes  grecques  ou  plutôt  hellénis- 
tiques empruntées  aux  monuments  qu'ils  connais- 
saient ;  et  ce  n'est  pas  une  des  moindres  singula- 
rités de  cet  art  que  la  déformation  ou  plus  exac- 
tement l'adaptation  qu'il  subit  pour  se  plier  aux 
types  nouveaux  qu'il  dut  servir  à  représenter. 
Les  premiers  savants  qui  l'ont  étudié,  s'y  sont 
même  mépris  et  ont  souvent  pris  pour  des  scènes 
grecques,  les  représentations  de  personnages 
bouddhiques  vêtus  et  groupés  comme  le  sont 
les  dieux  et  les  héros  grecs  sur  les  oeuvres  qui 
nous  sont  familières. 

Cet  art  est  dit  du  Gandhâra,  du  nom  que  por- 
tait alors  le  district  actuel  de  Peshawer  sur  la 
frontière  N.-O.  de  l'Inde,  où  l'on  en  a  trouvé 
les  plus  nombreux  spécimens  et  d'où  M.  Foucher 
a  rapporté  les  exemplaires  exposés  au  musée  du 
Louvre. 

La  Bactriane  a  donc  été  le  point  de  contact 
des  civilisations  hellénique,  indienne  et  aussi 
chinoise  par  le  Turkestan  qui  avait  été  conquis 
par  les  Chinois  au  Ier  siècle  avant  J.-C.  Au  cours 
de  l'histoire  chinoise,  le  Turkestan  passa  entre 
les  mains  de  différents  maîtres,  mais  en  restant 
toujours  soumis  plus  ou  moins  fortement  à  l'in- 
fluence   du    bouddhisme,    avec    laquelle    lutte    au 


BULLETIN    DES   MUSEES   DE    FRANCE 


35 


cours  du  moyeu  âge  celle  de  l'islamisme  et  du  chris- 
tianisme nestorien.  Mais  la  victoire  resta  à  l'isla- 
misme avec  Tamerlan  qui  conquit  la  Kachgarie 
et  la  dévasta  complètement. 

C'est  par  le  Turkestan  chinois  que  l'art  gréco- 
bouddhique  s'introduisit  en  Chine  et  s'y  déve- 
loppa brillamment  sous  la  dynastie  étrangère 
des  Wei  (386-550)  et  sous  la  dynastie  nationale 
des   T'ang    (620-907),    cette   dernière   période   est 


cipalement  des  têtes  furent  exhumées.  Modelées 
ou  plus  souvent  moulées,  puis  séchées  au  soleil, 
ces  sculptures  polychromes  subirent  lors  de  l'in- 
cendie du  temple  une  sorte  de  cuisson  où  les  cou- 
leurs disparurent.  Leur  style  les  apparente  très 
évidemment  à  cet  art  gréco-bouddhique  du 
Gandhâra  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  On 
les  trouvera  réunies  dans  une  petite  vitrine  à 
droite  de  l'entrée  ;   quelques-unes  sont   d'un  mo- 


Fig.  14. 


Fragments  de  sculptures  provenant  île  Toumchouq. 
[Musée  du  Louvre.) 


précisément  celle  à  laquelle  se  rapportent  la  plu- 
part des  documents  rapportés  par  M.  Pelliot. 

La  mission  commença  ses  travaux  au  village 
de  Toumchouq  à  mi-chemin  entre  Kachgar  et 
Koutchar  où  elle  put  déblayer  intégralement 
les  ruines  d'un  monastère  bouddhique.  Certaines 
parties  de  ce  monastère  dataient  du  VIIIe  siècle, 
mais  d'autres  paraissaient  beaucoup  plus  an- 
ciennes (1).   T'n   ^raiid   nombre  de  figurines  prin- 

(1)  Nous  empruntons  la  plupart  des  détails  qui  sui- 
vront à  une  brochure  distribuée  le  jour  de  l'inauguration 
de  la  collection  l'elliot  signée  par  MM.  Pelliot,  Docteur 
Vaillant  et  Charles  Nouette. 


delé  tout  à  fait  délicat  telles  que  cette  tête  de 
personnage  à  moustache  que  relèvent  deux  pe- 
tites cornes  ou  ce  petit  personnage  de  type  chi- 
nois coiffé  d'un  bonnet  historié.  On  les  trouvera 
toutes  deux  reproduites  ci-contre.  Notons  encore 
un  fragment  de  statuette  des  plus  intéressants 
par  la  souplesse  avec  laquelle  est  traitée  la  draperie. 
Mais  le  morceau  capital  est  cette  belle  tête  de 
femme  qui  figure  sur  notre  photographie  entre 
les  deux  plus  petites.  Nous  nous  trouvons  là  eu 
présence  d'une  œuvre  vraiment  remarquable  par 
l'expression  donnée  à  ce  visage  asiatique  un  peu 
trop  gras  presque  bouffi  qu'éclairent  deux  grands 


36 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


yeux  calmes,  et  par  l'habileté  avec  laquelle  est 
traitée  la  coiffure  étrange  et  compliquée  qui  la 
surmonte.  Ce  n'est  pas  là  seulement  une  pièce 
intéressante  pour  les  archéologues,  c'est  vraiment 
une  œuvre  d'art. 

Nous  trouverons  encore  sur  le  mur  faisant 
face  à  la  porte  ileux  bas-reliefs  assez  endommagés 
également  en  terre  séchée  de  fort  belle  allure, 
en  particulier  celui  où  se  trouve  un  personnage 
couronné  et  auréolé  à  taille  longue  et  mince, 
'l'ont  près  de  là  nous  rencontrons  deux  beaux 
spécimens  de  décoration  florale  et  animale. 

De  Tomncliouq,  la  mission  se  rendit  à  Kout- 
char  où  elle  resta  près  de  huit  mois.  Il  s'agissait 
de  visiter  des  grottes  artificielles  aménagées  en 
sanctuaires  bouddhiques  appelés  en  turc  «  ming 
ni  »  (  m  «  mille  maisons  >>  et  en  chinois  «  T sien  Fotong  » 
on  grotte  des  mille  Bouddhas.  Mais  l'emplacement 
avait  iiyî  zti  diblay:  et  explor;  par  la  mission 
Griïnwedel  et  on  se  contenta  d'y  prendre  des 
photographies  qui  sont  exposées  au  milieu  de- 
là salle.  En  revanche,  des  fouilles  furent  entre- 
prises dans  d'anciens  temples  de  plein  air,  princi- 
palement aux  ruines  de  Douldour-âqour  et  de 
Soubachi  ;  elles  révélèrent  des  manuscrits,  des 
bois  sculptés,  des  sceaux,  des  monnaies. 

i  in  retrouve  à  Koutchar  les  mêmes  influences 
artistiques  qu'à  Toumchouq.  Mais  certaines  par- 
ties des  grottes  révèlent  cependant  la  main  d'ar- 
tisans chinois. 

A  gauche  de  la  salle  du  Louvre  au  milieu  sont 
exposés  des  fragments  de  fresque  provenant 
d'un  temple  de  Douldour  Aquour ;  les  couleurs 
en  sont  encore  très  vives  ;  une  tète  de  vieillard 
est  particulièrement  intéressante  par  la  façon 
aisée  dont  sont  traitées  la  barbe  et  la  cheve- 
lure. 

Mais  c'est  à  Toen-houang  où  se  rendit  la  mis- 
sion Pelliot  après  Koutchar  que  la  moisson  fut 
particulièrement  fructueuse.  On  savait  devoir 
rencontrer  là  un  groupe  de  500  grottes  dont  quel- 
ques-unes avaient  été  visitées  par  des  voyageurs 
européens,  mais  l'étude  systématique  eu  était 
.  faire.  I.a  disposition  de  ces  grottes  aussi 
bien  (pie  leur  décoration  picturale  et  sculpturale 
est  du  plus  haut  intérêt,  comme  on  peut  s'en 
rendre  1 pti  en  regardant  les  belles  photogra- 
phie pri  -  pal  M.  Nouette  dans  des  conditions 
matérielles    des    plus    difficiles    et     qui     n'ont     rien 

laissé-   de   côté.    On    retrouve  là   cet    ait    des   YVci 


(ve  et  viie  siècle)  dont  nous  avons  parlé  plus  haut, 
répandu  dans  la  Chine  du  Nord  à  l'époque  où 
y  régnait  la  dynastie  de  ce  nom  et  que  l'on  com- 
mence à  connaître,  grâce  à  la  mission  de  M.  Cha- 
vannes  dans  la  vallée  du  fleuve  Jaune  et  en  parti- 
culier dans  les  deux  capitales  de  cette  dynastie 
Ta-t'ong-fou  et  Honan-fou. 

Les  plus  anciens  monuments  de  ces  grottes 
datent  de  l'an  500  ;  d'autres  sont  du  VIIe  et  du 
IXe  siècles,  d'autres  grottes  furent  aménagées 
au  vnc  et  au  Xe  siècles,  ce  sont  les  plus  impor- 
tantes. 

M.  Pelliot  avait  entendu  parler  d'une  niche 
où  M.  Stein  avait  trouvé  et  acheté  quelques  ma- 
nuscrits hindous.  L'histoire  de  cette  grotte  a  un 
peu  l'air  d'un  conte  de  fées.  A  l'approche  d'enva- 
hisseurs venus  de  l'est  en  l'an  1035,  les  moines 
avaient  enfoui  à  la  hâte  dans  une  cachette  tous 
leurs  livres  et  leurs  peintures  :  ils  en  avaient  bouché 
l'ouverture  et  l'avaient  décorée  de  façon  à  la  faire 
passer  inaperçue.  Puis  ces  moines  avaient  sans  doute 
tous  péri,  car  nul  ne  vint  déblayer  la  cachette  qui 
ne  fut  mise  au  jour  tout  à  fait  par  hasard  qu'en 
1900.  Quand  notre  compal  riote  put  se  la  faire  ouvrir, 
quelle  ne  fut  pas  sa  stupéfaction  de  trouver  là  toute 
une  bibliothèque  médiévale  dont  l'inventaire  som- 
maire lui  prit  trois  semaines.  Il  y  avait  là  15  à 
20.000  rouleaux  que  M.  Pelliot  examina  un  à 
un  et  dont  il  put  acquérir  la  plus  grande  partie. 
Tous  les  manuscrits  étaient  antérieurs  au  XIe  siècle, 
et  dans  un  état  surprenant  de  conservation. 
1  in  en  jugera  par  les  quelques  spécimens  expo- 
sés dans  la  salle  du  Louvre  qui  comprennent 
des  textes  bouddhiques,  taoistes  et  manichéens 
et  aussi  des  textes  historiques,  littéraires  et  phi- 
losophiques et  des  pièces  de  chancellerie  qui  nous 
renseigneront  sur  ce  qu'était  la  vie  administra- 
tive de  cette  région  à  l'époque  des  T'ang  (vme 
siècle).  Les  plus  importants  de  ces  rouleaux  ont 
ilé  déposés  à  la  Bibliothèque  Nationale.  La  plu- 
part d'entre  eux  étaient  enveloppés  dans  du 
papiei  recouvert  d'étoffe.  Ces  étoffes  ont  été 
patiemment  décollées  et  remontées  par  les  soins 
minutieux  et  intelligents  de  M.  Isaac  ;  elles  for- 
ment dans  la  salle  Pelliot  une  collection  des  plus 
i  uni  uses  pour  la  variété  de  la  décoration  et  des 
couleurs. 

La  mission  a  encore  découvert  à  Toen-houang 
des  peintures  sur  soie  antérieures  à  ce  que  nous 
avions    au     Louvre,     d'une    fraîcheur    de    coloris 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


37 


inouie,  des  estampages  anciens  et  des  imprimés 
xylographiques  du  vnr  et  du  Xe  siècles,  le  tout 
dans  un  état  de  conservation  qui  fait  rêver,  sans 
compter  des  bois  sculpté.-,  et  des  statuettes  de 
bronze,  également   exposés  au   Louvre. 

En  se  rendant  à  Péking,  la  mission  passa  par 
Si-ngan-fou,  la  capitale  de  la  dynastie  des  T'ang 
sous  laquelle  furent  creusés  les  sanctuaires  dont 
nous  venons  de  parler.  Elle  y  acquit  des  céra- 
miques dites  des  «  Han  »  et  des  bronzes  exposés 
dans  la  grande  vitrine  en  face  de  la  porte  de  la 
salle  Pelliot.  Nous  avons  remarqué  en  particulier 
un  charmant  petit  bronze  représentant  un  oiseau 
qui  se  penche  vers  la  terre  pour  y  picorer,  d'une 
vérité  d'attitude  frappante  et  modelé  de  la  façon 
la  plus  exquise.  C'est  également  «le  Si-ngan-fou 
que  provient  la  belle  cloche  en  bronze  que  nous 
reproduisons  ici. 

(  )n  voit  (pie  nous  n'exagérions  pas  au  début 
de  cet  article  l'importance  de  la  mission  Pelliot. 
Elle  a  rapporté  en  France  une  collection  de  manus- 
crits chinois  anciens  sans  rivale  même  en  Chine 
et  des  documents  artistiques  et  archéologiques 
du  plus  haut  intérêt  pour  l'étude  de  l'Asie  cen- 
trale dans  ses  relations  avec  l'Inde  et  avec  la 
Chine. 

La  conservation  du  Louvre  a  eu  l'heureuse 
idée  de  réunir  dans  la  salle  Pelliot  les  différentes 
pièces  se  rapportant  à  l'art  ou  à  l'archéologie 
chinoise  provenant  soit  d'un  voyage  antérieur 
de  M.  Pelliot  à  Pékin,  soit  de  la  mission  de 
M.  Chavannes,  soit  de  dons  de  particuliers.  Il  est 
regrettable  que  la  salle  provisoire,  prise  sur  les 
anciens  locaux  des  Colonies,  que  l'on  a  affectée 
à  eette  exposition  n'ait  pas  toute  l'ampleur  ni 
toute  la  lumière  désirable  et  que  quelques-unes  des 
peintures   aient   du   être   placées   d'une   façon    qui 


rend   leur   examen  difficile.    Nous  espérons  qu'un 
catalogue  au   moins  sommaire,   plus  nécessaire  là 


-  Cloche  en  bronze  provenant  de  Si-ngan-fou. 
(Musée  du  Louvre.) 

(pie  partout  ailleurs,  pourra  permettre  au  grand 
public  de  mieux  se  rendre  compte  de  l'intérêt  des 
collections  qui  lui  sont  présentées. 

Georges  Lecomte. 


UNE  SÉRIE  D'ŒUVRES  O'ISABEY  léguée  au   Musée   du   Louvre 


Nous  donnons  aujourd'hui  la  liste  complète 
des  œuvres  de  J.  B.  Isabey  dont  nous  avons  an- 
noncé dernièrement  le  legs  fait  au  Louvre  par 
Mme  Veuve  Rolle,  née  Manceaux.  L'ensemble  de 
ces  œuvres  permet  de  suivre  l'artiste  depuis 
son  arrivée  à  Paris  presque  jusqu'aux  dernières 
années  de  sa  longue  existence. 

i°  Portrait  de  l'artiste  à  18  ans,  coiffé  du  cha- 
peau qu'adopta  plus  tard  Bonaparte.  Ce  crayon  fut 


Fig.  16.  —  Mathi 


de  Staël,  par  Isabey. 


exécuté  en  1786,  l'année  où  Isabey  arriva  à  Paris. 

20  La  mère  de  l'artiste;  1787;  miniature  sur 
tabatière. 

3°  Le  peintre  David,  dans  l'atelier  duquel  tra- 
vailla Isabey  ;  crayon  exécuté  en  1789. 

4"  Retour  de  la  promenade  de  Mgr  le  Dauphin 
au  vieux  château  de  Meudon  en  1791.  Dessin  très 
soigné,  lavé  à  l'encre  de  Chine,  dans  la  tradition 
des  vignettistes  du  xvme  siècle. 

5°  La  baronne  de  Staël,  à  30  ans  ;  vers  1797. 
(Voir  la  fig.  16.) 

6°  La  Barque,  très  grand  dessin  au  crayon  pour 
la  fameuse  gravure,  où  Isabey  s'est  représenté 
av&    sa   femme   Mlle    de   Salienne,    e1    ses    trois 


enfants,  dont  le  futur  peintre  romantique  Eugène, 
et  la  future  Mme  Ciceri.  Date  :  1797. 

70  Le   Dr   Duchanoy   écrivant  une   ordonnance, 
1798,  crayon. 

8°  Sophie  Gay,  mère  de  Delphine,  la  future 
Mme  de  Girardin,  crayon  rehaussé  de  gouache. 
Ce  portrait  doit  dater  d'environ  1801.  Sophie 
Gay  y  paraît  âgée  d'à  peu  près  vingt-cinq  ans. 
90  La  princesse  Pauline  Borghèse,  vers  1802  ; 
miniature,  où  Isabey  a  inscrit  :  «  ce  portrait  n'est 
pas  terminé  ». 

io°  Sacre  de  Napoléon  Ier  à  Notre-Dame,  le 
2  décembre  1804  ;  sépia. 

ii°  Le  grand  duc  de  Bade  en  uniforme,  avec  le  cor- 
don de  la  Légion  d'honneur,  1805  ;  petite  miniature. 
12°  Le  sculpteur  Houdon,  vers  1805.  Miniature. 
130  L'impératrice  Joséphine  devant  sa  psyché, 
1808  ;  aquarelle. 

140  Buste  de  l'impératrice  Joséphine,  miniature 
sur   tabatière. 

150  Buste  de  la  reine  Hortense,  miniature  sur 
tabatière. 

160  Tête  de  Laetitia  Ramolino-Bonaparte,  Ma- 
dame Mère,  vers  1810  ;  miniature  sur  tabatière. 
170  Profil  de  Redouté,  le  célèbre  peintre  de 
fleurs  ;  grande  miniature  en  imitation  de  camée, 
d'après  Louis  Bertin  Parant.  Redouté  y  paraît 
âgé  de  50  ans  ;  ce  qui  daterait  l'œuvre  de  Parant 
de  1810  environ.  Dans  le  même  cadre  :  une  étude 
de  fleurs  par  P.  J.  Redouté. 

180  Le  chanteur  Elleviou.  Cette  grande  miniature 
doit  dater  aussi  d'à  peu  près  1810.  Elleviou  3'  semble 
proche  de  la  quarantaine. 

190  Buste  de  Napoléon  Ier;  sépia  datée  :  iSii- 
20°  Le  roi  de  Rome  après  sa  naissance,  mars  181 1. 
L'enfant  est  étendu  à  l'ombre  d'un  casque,  parmi  des 
drapeaux.  Isabey  a  joint  à  cette  belle  aquarelle  la 
note  manuscrite  suivante  :  «  15  jours  après  la  nais- 
sance du  roi  de  Rome,  l'Empereur  me  donna  l'ordre 
d'en  faire  le  portrait  ».  (Voir  la  planche  ci-contre). 
2i°  Evariste  Parny,  1811,  sépia. 
22°   Cherubini,  vers    1811,   aquarelle    miniature. 
230  Napoléon  Ier,  en  uniforme  des  chasseurs  de 
la  garde,  1812,  grande  miniature. 

240  L'impératrice  Marie-Louise,  1812  ;  aqua- 
relle-miniature. 

250  M.  de  Talleyrand,  sépia  exécutée  à  Prague 
en  juillet  1812. 


BULLETIN   DES  MUSÉES  DE  FRANCE,   1910. 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


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260  Le  prince  de  Metternich,  sépia  exécutée 
en  1812  à  Vienne. 

270  La  princesse  Bagration,  aquarelle-minia- 
ture 22  septembre  1812  à  Vienne.   (Voir  fig.  18.) 


Fig.  17.  —  Henri  Isabey,  p  ir  J.-B.  IsAisiiv. 

280  Portrait  de  Goetz,  daté  de  Vienne,  12  sep- 
tembre 1812,  sépia. 

290  Portrait  de  la  comtesse  de  Maleyssie  en 
profil  perdu.  Sépia  exécutée  à  Vienne  en  1812. 
Isabey  y  a  joint  cette  note  :  <<  C'est  à  Mme  la  cha- 
noinesse  comtesse  de  Maleissé,  que  je  dois  l'idée 
de  joindre  les  portraits  aux  autographes.  Voul- 
lant  commencer  par  le  Sien,  sa  modestie  ci  refusa 
et  ne  me  permit  que  l'esquisse  de  Sa  taille  Elé- 
gante. J.  B  ». 

300  Tabatière  avec  miniature  représentant  Na- 
poléon Ier,  remise  à  Isabey  par  l'Empereur,  le 
jour  des  Adieux  à  Fontainebleau. 

310  Autre  tabatière  avec  miniature  représen- 
tant l'empereur  en  1813. 

320  L'impératrice  Joséphine  en  1813,  grande 
miniature. 

330  L'archiduc  Frédéric-Charles,  1814,  grande 
miniature. 

340  Le  prince  Eugène,   1814,  grande  miniature. 

35°  Le  roi  de  Rome  en  1815,  petite  miniature 
sur  tabatière. 


360  Louis  XVIII,   1815,  grande  miniature. 

370  Louis  XVIII,  sépia. 

380  Paul  Ier,  empereur  de  Russie,  grande  minia- 
ture exécutée  à  Vienne  en  1815. 

390  L'impératrice  de  Russie,  grande  minia- 
ture, Vienne,  1815. 

400  Le  grand-duc  Alexandre,  grande  minia- 
ture, Vienne,  1815. 

410  Le  congrès  de  Vienne,  grande  sépia,  Vienne, 
1815. 

420  Desaugiers,  sépia,  1816. 

430  Arnault,  aquarelle-miniature. 

440  Népomucène  Lemercier,  aquarelle-miniature. 

45"  Le  Dr  Dubois,  d'après  Gérard,  1818,  grande 
miniature. 

460  La  marquise  d'Osmond,  grand  pastel. 

470  Baptême  du  duc  de  Bordeaux  à  Notre- 
Dame,  1820  ;  crayon,  plume  et  sépia. 

480  Le  vicomte  d'Arlincourt,  tenant  un  carnet 
où  se  lisent  les  titres  de  ses  ouvrages  :  «  La 
Caroléide,  le  Solitaire,  le  Renégat,  Ipsiboé  !  »  1824, 
miniature. 


( Cliché  GirauJon.J 
Fig.  18.  —   Princesse  Bagration,  par  Isabey. 

490  Le  duc  de  Bordeaux,  1830,  miniature. 
500  La  duchesse  de  Parme,  1830,  miniature. 
510  Henri   Isabey,   fils    de   J.-B.    Isabey  et   de 
sa    seconde    femme,    Eugénie    Maistre  ;    portrait 


4° 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


dit  <■  l'enfant  à  la  collerette  ■  [834,  aquarelle. 
(Voir  la  fig.  17.) 

5_'"  Portrait  du  peintre  Jean-Baptiste  Paulin 
Guérin,  1837,  sépia. 

530  Horace  Vernel  peignant  dans  son  atelier, 
1  S  19,  aquarelle. 

540  Le  général  Drouot  avec  un  bandeau  sur 
les  yeux  :  sépia  faite  à  Nancy  en  1840. 

550  J.-B.  [sabey,  par  lui-même,  1841,  aquarelle. 

560    M.    Dufaure,   ancien    ministre.    1844,    sépia. 

A  cette  liste  il  faut  joindre  deux  portraits  d'in- 
connus. 

57"  Une  miniature  sur  tabatière  représentant 
ua  personnage  de  la  fin  du  xvin1'  siècle. 

580  Une  miniature  représentant  peut-être  Collot 
d'Herbois. 

Plus  :  une  sépia. 


590  L'allée  des  tombeaux,  illustration  pour 
Paul  et    Virginie. 

—  Le  legs  de  Mme  Rolle  comprend  encore,  en 
dehors  de;  œuvres  d'Isabey,  divers  morceaux 
appartenant  à  d'autres  artistes  : 

De  Mme  Isabey,  née  Eugénie  Maistre  : 

Portrait  du  peintre  Jeaurat,  d'après  le  tableau 
du  Louvre,  grande  miniature. 

D'Eugène  Lamy  : 

Une  aquarelle  de  1818  (-J)  représentant  l'auteur 
et  Horace  Vernet  en  uniformes  militaires  dans 
un  bal  costumé. 

D'Hébert    : 

Le  portrait  de  MmeWey  Isabey,  d;  qui  la  dona- 
trice tenait  l'ensemble  des  œuvres  que  nous  venons 
d;  décrire  et  dont  elle  a  désiré  associer  la  mémoire 
à  sa  libéralité.  L.  D. 


MUSÉES     NATIONAUX 
Acquisitions   et   Dons 


MUSEE  DU  LOUVRE  H°?°ç°?°?°?S°$°$ 
<$  -$  °ç  Peintures  et  dessins.  —  Lés  6  et  7  mai 
derniers,  le  Louvre  a  eu  la  bonne  fortune  de  pouvoir 
acquérir  à  Stuttgart  à  la  vente  de  la  collection 
de  Lanna  plusieurs  dessins    importants  : 

1°  Un  beau  dessin  français  de  la  2e  moitié  du 
XIVe  siècle,  ayant  fait  anciennement  partie  des 
collections  Posonyi  et  Gsell.  Il  représente  trois 
nobles  dames  dont  l'une  tient  un  faucon  sur  le 
poing.  Il  est  finement  exécuté  à  l'encre  de  Chine  sur 
parchemin  :  les  visages  sont  légèrement  colories. 

20  Une  feuille  d'études,  attribuée  à  Gérard 
David.  Ce  sont  quatre  têtes  de  femmes  et  deux  mains 
exécutées  à  la  punie  d'argent.  Au  revers  :  l'on 
voit  une  tête  d'homme  barbu,  coiffé  d'une  bar- 
rette au  crayon  noir  (n°  1407  du  recueil  <},■  l'Alber- 
tin  1). 

3°  Un   dessin   à  la  plume  attribué  à   Holbein  le 

ieu:  et  autrefois  donné  à  Wolgemut,  daté  de 
1470  :  c'esl  le  double  portrail  à  mi-corps  d'un 
ci  d'une  femme.  Ancienne  collection  \V<  ig<  1 
In"  1  1  1 1  du  reçu*  il  de  l'Albi  rtina). 

4"  Un  ■  couple  faisant  de  la  musique  sous  un 
arbre  ■  que  M.  Rœttinger  a  étudié  dans  le  Jahrbuch 
de  Vienne,  t.  XXVII,  p.  23  et  qu'il  donne  à  Hans 
W  echtlin  en  li  ituanl  pendant  le  séjour  de  l'artiste 
à  Stra  1  > •  ■  1  ;  1  ■   Ci    I  un  dessin  à  la  plume  et  à  l'encre 


de  Chine,  rehaussé  de  blanc  sur  un  fond  brun. 
Ancienne  collection  Lippaiann  (n°  1386  du  recueil 
de  l'Albertina). 

¥'  °i?  °î?  Le  Louvre  s'est  également  rendu  acqué- 
reur à  la  vente  de  la  comtesse  A.  Mniszeeh 
d'un  portrait  d'homme  par  Jean  de  Bray  signé  à 
droite  en  toute,  lettres  et   daté  1650. 

°t  °t  °$  Legs  de  Mlle  Lepailleur.  —  La  levée  du 
séquestre  qui  pesait  sur  les  tableaux  légués  par 
Mlle  Lepailleur  ayant  eu  lieu,  le  Louvre  est  entré 
en   possession   des   pièces  suivantes  : 

i°  Le  serment  d' amour  tableau  attribué  à  Honoré 
Fragonard.  Ce  n'est  qu'une  partie  de  la  composi- 
tion conservée  dans  la  collection  Gustave  de 
Rothschild,  et  dont  il  existe  une  réplique  réduite 
au  Musée  de  Tours. 

2°  Le  portrait  de  Mme  Fragonard  par  Mlle  Gérard. 

3  et  4"  Les  portraits  en  pied  de  M.  et  Mme  Gérard, 
par  la  même. 

5°   Le  portrait  d'un  enfant  blond  par    la    même. 

6°  La  lecture  de  la  Bible,  d'après  Greuze,  par 
la  même. 

I.a  provenance  de  ce  legs  est  intéressante, 
Mlle  Lepailleur  ('tant  petite-fille  d'Henri  Gérard, 
le  graveur,  frère  de  Mlle  Marguerite  Gérard  et  de 
Mme  Fragonard. 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


4' 


f  y  y  La  veuve  du  peintre  Bellery-L>esfoiitaines, 
exécutant  une  volonté  de  son  mari,  si  déplorable- 
ment  enlevé,  comme  on  sait,  l'an  dernier,  vient  de 
remettre  au  Musée  du  Louvre  le  portrait  au  fusain 
d'une  tante  de  Bellery-Desfontaines  exécuté  par 
Cals  en  1876. 

-f  °$  V  Objets  d'art  du  Moyen  Age  et  de  la 
Renaissance.  —  Céramique  italienne  :  Les  col- 
lections du  Musée  se  fout  accrues  d'un  alba- 
rello  de  la  fin  du  xve  siècle  italien,  avec  un  décor 
de  branchettes  à  feuilles  de  vignes  bleues  sur 
fond  blanc,  à  l'imitation  des  faïences  à  reflets 
hispano-moresques  que  l'on  commençait  à  importer 
en  Italie  ; 

D'une  coupe  fragmentaire  d'un  atelier  de  Faenza 
vers  1450  avec  une  tête  d'homme  coiffé  d'une 
toque  dans  le  fond,  et  des  tiges  feuillues  sur  les 
bords  ; 

De  deux  pots  à  décors  de  fleurs  stylisées,  ou 
d'oiseaux  picorant,  de  la  lin  du  xive  siècle,  pro- 
venant de  fouilles  faites  antérieurement  à  Orvieto 
(Italie). 

V  °?  °£  Les  collections  de  l'Extrême-Orient  se 
sont  récemment  enrichies  de  deux  stèles  commé- 
moratives  avec  figures  sculptées  et  inscriptions 
au  revers,  qui  dépendent  de  cette  sculpture  funé- 
raire de  la  dynastie  des  Weï  en  Chine  (<>e  et  7''  siè- 
les),  si  riche  en  monuments  demeurées  encore  dans 
les  sanctuaires  chinois.  L'une  en  marbre  blanc 
donnée  par  M.  Bouasse-Lebel  qui  l'avait  acquise 
à  Pékin  au  cours  d'un  récent  voyage,  l'autre  en 
pierre  grise  avec  un  bouddha  les  jambes  croisées 
à  la  taçon  des  sculptures  romanes  du  Languedoc, 
donnée  par  Mme  Langweil. 

°f  °f  °$  Sculptures  modernes.  —  Le  Conseil  des 
Musées  dans  ^a  séance  du  mois  de  juin  a  voté  à 
l'unanimité  l'acquisition  des  deux  bustes  des  frères 
Antoine  Coypel  et  Noël-Nicolas  Coypel,  le  premier 
par  Coysevox,  le  second  par  J.-li.  Lemoyne.  Ces 
deux  magnifiques  morceaux  n'avaient  pas  quitté 
depuis  ileux  siècles  la  famille  des  Dumont,  héri- 
tiers des  Coypel.  Nous  reviendrons  très  prochaine- 
ment sur  cette  magnifique  acquisition  qui  enrichira 
si  notablement  nos  séries  de  sculptures  françaises. 

MUSÉE  DU  LUXEMBOURG    f   f   °f   °?   f   °f 

V  V  if  La  conservation  du  Musée  du  Luxem- 
bourg encouragée  particulièrement  par  le  Conseil 
des   Musées,   s'est    préoccupée   de   compléter   plus 


méthodiquement  sa  section  étrangère.  Elle  a  pu> 
ainsi  l'an  dernier,  à  l'occasion  de  l'Exposition  de 
Venise  faire  l'acquisition  de  neuf  tableaux  des- 
tinés à  la  série  italienne.  En  voici  la  nomenclature  : 
Tito,  le  Bain.  —  Nono,  Première  pluie  (tempera).  — 
Bezzi,  Paysage.  —  G.  Ciardi,  Paysage.  —  Pasini, 
Trois  études  d'Orient.  —  Pellizza,  Fior  recisô.  - 
Grubù  v  di  Dragon,   Paysage. 

Il  faut  mentionner  encore  comme  devant  com- 
pléter cette  série  de  peintures  italiennes  une  Nature 
Morte  de  Mancini  provenant  de  la  collection 
Landelle,  don  de  M.  C.  Stryienski,  qui  s'ajoutera 
aux  œuvres  de  de  Nittis,  Morbelli,  Carcano,  Tito, 
Boldini.  Mancini,  Chialiva  que  possédait  déjà  le 
Musée  où  l'on  peut  voir  également  une  statue 
et  des  plaquettes  de  TrentacosU,  des  petits  bronzes 
de  Gemito  et  de  Fontana,  une  tête  de  Grosso,  etc. 

°$  "f  °$  Le  Musée  du  Luxembourg  a  pu  acqué- 
rir également  à  l'exposition  de  Venise  une  figure 
nue  du  peintre  suédois,  .1.  Zorn,  Paysanne  se 
peignant. 

°r  °r  °r  Les  cartons  de  la  décoration  de  la  chapelle 
de    l'hôpital    Cazin-Perrochaud,  à   Berck-sur-Mer, 

qui  ont  été  exposes  récemment  au  Musée  des  Arts 
Décoratifs  viennent  d'être  acquis  par  un  groupe 
d'amateurs  constitué  à  l'instigation  de  M.  J.  Maciet  : 
il  se  propose  d'offrir  au  Musée  du  Luxembourg  1  1  1 
ensemble  capital  dans  l'ieuvre  de  l'artiste  et  essen- 
tiel pour  l'étude  de  la  peinture  décorative  contem- 
poraine. 

°f  °ç  °sf  Le  Legs  Chaplet.  -  -  Le  musée  du 
Luxembourg,  ainsi  que  le  musée  de  Sèvres,  le 
musée  des  Arts  Décoratifs,  le  MUsée  Galiera  et  le 
Musée  des  Arts  et  Métiers,  viennent  de  bénéficier 
d'un  legs  fait  en  leur  faveur  par  le  potier  Ernest 
Chaplet,  décédé  en  juin  E909.  MM.  Olivier  Sainsère, 
conseiller  d'Etat,  e1  Gaston  Migeon,  conservateur 
au  Musée  du  Louvre,  ont  réparti  entre  ces  cinq 
établissements  les  belles  pièces  de  poterie,  barbo- 
tines,  grès,  porcelaines  flammées  que  le  maître 
potier  avait  conservées  jusqu'à  sa  mort  dans  sa 
petite  maison   de  Choisy-le-Roi. 

Le  Musée  du  Luxembourg  y  recueillera 
tnenl  une  peinture  (nature  morte)  de  Gauguin,  la 
première  œuvre  de  cet  artiste  qui  entrera  au  Musée 
des  Artistes  Contemporains,  ainsi  qu'un  bas-relief 
d'une  tête  modelée  par  Dalou  el  émaillée  par 
Chaplet. 


4? 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


Le  Musée  des  Ails  Décoratifs  recevra  de  son 
côti  une  chope  à  anse  en  grosse  poterie  avec 
des  reliefs  qu'avait  tournée  Gauguin  lui-même, 
qui  ne  dédaigna  pas  à  certaines  heures  le  métier  du 
potier. 

Cette  répartition  a  été  précédée  d'une  Exposi- 
tion d'ensemble  de  l'œuvre  céramique  de  Chapletj 
empruntée  aux  collections  publiques  et  privées, 
organisée  par  M.  Gaston  Migeon  au  Musée  des 
Arts  Décoratifs  et  qui  a  pu  donner  une  large  idée 
de  la  grande  place  qui  doit  rester  à  Chaplet  dans 
le  renouveau  de  la  Céramique  moderne. 

MUSÉE  DE  CLUNY  <-?°$°t°e«?°t°t°$°$ 
°ç  °f  °£  Le  Musée  a  acquis  récemment  un  curieux 
morceau  de  sculpture  décorative  populaire  du 
xvesiècle.  C'est  un  saint  Christophe  en  pierre  poly- 
chrome portant  l'enfant  Jésus  sur  ses  épaules,  les 
jambes  nues  à  demi  enfoncées  dans  la  rivière  qu'il 
traverse.  La  statuette  est  rjlacée  dans  nue  niche 
couronnée  par  un  dais  de     style    gothique    flam- 


boyant. L'ensemble  décorait  jadis  un  angle  de 
maison  dans  un  village  de  la  Côte-d'Or.  S'il  est 
fâcheux  évidemment  que  de  tels  morceaux  quit- 
tent le  lieu  pour  lequel  ils  ont  été  crées,  il  faut  se 
féliciter  quand,  les  hasards  de  la  spéculation  les 
ayant  déplacés,  un  de  nos  musées  se  trouve  averti 
à  temps  pour  les  recueillir  et  les  empêcher  de 
passer  les  frontières. 

MUSÉE    DE  VERSAILLES   f  f  V   °f  °f  °f  f 

°£  °£  °£  Le  Musée  de  Versailles  vient  d'acquérir 
un  portrait  peint  par  Danloux  de  l'architecte 
Lenoir  dit  le  Romain  qui  fut  l'architecte  de  Vol- 
taire à  Ferney  et  construisit  à  Paris  le  théâtre  de 
la  Porte  Saint-Martin. 

MUSÉE  DE  SAINT  GERMAIN   y   °?  t  f   f  f 

°f  °f  °f  M.  Jacques  de  Morgan  a  fait  don  au 
Musée  de  sa  collection  d'objets  préhistoriques  pro- 
venant de  France,  de  Perse,  du  Caucase  et  d'Egypte. 
Cette  collection  sera  groupée  dans  une  salle  spé- 
ciale. 


Documents   et  Nouvelles 


°$  °ç  °?  Le  Journal  officiel  du  Ier  janvier  a  publié 
deux  décrets  rendus  sur  le  rapport  du  ministre  de 
l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts,  l'un 
«  fixant  les  cadres  du  personnel  des  Musées  natio- 
naux et  de  l'Ecole  du  Louvre  »,  l'autre  v  détermi- 
nant les  attributions  du  personnel  des  Musées  na- 
tionaux et  de  l'Ecole  du  Louvre  ».  Nous  en  donne- 
rons le  texte  dans  notre  prochain  numéro. 

-f  •?  -?  Par  décret  en  date  du  18  avril  1910, 
rendu  sur  la  proposition  du  Ministre  de  l'Instruc- 
tion publique  et  des  Beaux-Arts,  M.  E.  Pottier, 
membre  de  l'Institut,  conservateur  adjoint  au 
1  du  Louvre,  a  été  nommé  conservateur  du 
département  des  antiquités  orientales  et  de  la 
céramique  antique  au  même  musée,  en  remplace- 
ment de  M.  Ledrain  dé<  édé. 

l'ai  un  autre  décret  rendu  sur  la  proposition 
du  ministre  «le  l'Instruction  publique  et  des 
Beaux-Arts,  M.  René  Dussaud,  diplômé  de 
pratique  des  Hautes-Etudes,  professeur 
suppléant  au  Collège  de  France,  est  nommé 
conservateur-adjoint  au  départemenl  des  anti- 
orientales et  de  la  céramique  antique  au 
Musée  du  Louvre  en  1  ment  de  M.  Pottier, 


membre  de  l'Institut,  qui  est  promu  conservateur. 
M.  René  Dussaud  a  été  nommé  également  pro- 
fesseur à  l'Ecole  du  Louvre  en   remplacement  de 
M.  Ledrain,  décédé. 

°$  V  °?  Par  décrets  du  président  de  la  République 
eu  date  du  30  mai  : 

M.  Ravaisson-Mollien  (Charles),  conservateur- 
adjoint  des  musées  nationaux,  a  été  admis,  pour  an- 
cienneté d'âge  et  de  services,  à  faire  valoir  ses  droits 
à  une  pension  de  retraite,  à  partir  du  icr  juin  1910. 

M.  Vérel  (Fernand),  chef  du  secrétariat  des  mu- 
sées nationaux,  agent  comptable,  a  été  admis, 
pour  ancienneté'  d'âge  et  de  services,  à  faire  valoir 
ses  droits  à  une  pension  de  retraite,  à  partir  du 
Ier  juin  1910. 

°t?  ~?  ■<&  Par  autres  décrets  du  Présidentde  la  Répu- 
blique, en  date  du  30  mai,  ont  été  nommés  profes- 
seurs à  l'Ecole  du  Louvre,  à  partir  du  Ier  juin  1910  : 

M.  de  Nolhac  (Pierre),  conservateur  du  musée  de 
Versailles  et  des  Trianons. 

M.  Bénédite  (Léonce),  conservateur  du  musée  du 
Luxembourg. 

M.  Michon  (Etienne),  conservateur-adjoint  au 
Musée  du  Louvre. 


LES   PLEURANTS   DES    TOMBEAUX   DES    DUCS   DE  BOURGOGNE 


Parmi  les  statuettes  dites  de  «  Pleurants  », 
que  les  xive  et  xve  siècles  ont  prodiguées  sous  les 
gisants  des  tombeaux,  circulant  sous  les  galeries 
de  cloîtres  feints  ou  inscrites  immobiles  dans  des 
arcatures  décoratives,  il  n'en  est  pas  de  plus 
célèbres  que  celles  des  tombeaux  des  ducs  Phi- 
lippe le  Hardi  et  Jean  sans  Peur,  à  la  Chartreuse 
de  Dijon,  aujourd'hui  au  musée  de  la  ville.  C'est 
à  coup  sûr  la  marque  la  plus  renommée,  et  Dijon 
possède  sans  doute  les  types  les  plus  parfaits 
du  genre. 

D'histoire  de  ces  monuments  et  «les  ateliers 
d'où  ils  sont  sortis,  a  été  faite  une  fois  pour  toutes, 
par  feu  M.  Cyprien  Monget,  dans 
son  ouvrage  en  trois  volumes,  La 
Chartreuse  de  Dijon .  D'auteur  a 
dépouillé  article  par  article  le  fonds 
de  la  Chartreuse  aux  Archives  de 
la  Côte-d'Or,  et  tout  ce  qui  depuis 
douze  ans  a  été  écrit  sur  ces  monu- 
ments, sur  Clans  Sluter  notam- 
ment, le  grand  homme  de  l'ima- 
gerie bourguignonne  sous  Philippe 
le  Hardi,  a  été  puisé  à  cette  source 
abondante  et   sûre. 

On  ne  refera  pas  ici  l'histoire  de 
ces  deux  tombeaux  dont  h-  premier, 
surtout,  marque  une  date,  une  évo- 
lnlioii  dans  l'histoire  de  la  sculpture 
en  France.  Je  ne  «lis  pas,  pour  être 
tout  à  l'ait  exact,  de  la  sculpture  française,  puisque 
Claus  Slutei  el  son  neveu,  Claus  de  Werve,  qui  fut  le 
continuateur  de  l'œuvre,  étaient  originaires  du  comté 
'I'  Gueldre.  Je  rappellerai  seulement  que  le  tom- 
beau de  Philippe  le  Hardi  fut  conçu  par  Jehan 
di  M. h  ville  à  qui  succéda  en  1389,  comme  hua- 
giei  valel  de  chambre  du  due,  Clans  Sluter.  Mais 
quand  celui-ci  mourut  à  la  lin  de  1404  ou  au  com- 
mencement de  1405,  le  tombeau  liait  si  peu 
avancé  qu'il  restait  à  Faire  le  gisant,  les  deux 
anges  portant  le  casque  et  toutes  les  statuettes 
du  pourtour,  sauf  deux.  Très  probablement  il 
existait  des  modèles  en  terre  pour  les  grandes 
figures,  en  cire  ou  en  plâtre  pour  les  petites,  mais 
Claus  de  Werve  n'en  est  pas  moins,  pour  l'exé- 
cution, et  e'est  bien  quelque  chose,  le  véritable 
auteur  du  tombeau  de  Philippe  le  Hardi,  qui 
fut    achevé  en   1410.  Clans  de  Werve  mourut    le 


8  octobre  1439,  et  fut  inhumé  en  l'église  abbati.de 
Saint-Etienne  de  Dijon,  où  reposait  déjà  son  oncle, 
le   grand  Claus   Sluter. 

Quant  au  tombeau  de  Jean  sans  Peur  et  de 
Marguerite  de  Bavière,  il  fut  commandé  par 
Philippe  le  Bon,  le  n  août  1443  — le  duc  Jean 
avait  été  assassine''  à  Montereau,  le  10  août  1419, 
et  Marguerite  de  Bavière  était  morte  le  23  janvier 
1423  —  à  un  imagier  étranger,  Jehan  de  la 
Huerta,  natif  de  Daroca,  m  Aragon,  alors  établi 
à  Dijon  el  dont  l'histoire  antérieure  nous  est 
inconnue.  En  tous  cas,  cet  Aragonais  venu  de 
si   loin   en    Bourgogne,  va   faire   à   Dijon   de  l'art 


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Fig.   19. 


Plan  schématique  du  tombeau  de  Philippe  le  Hardi,  montrant 
le  nombre  et  la  disposition  des  pleurants. 

bourguignon,  et  d'ailleurs  e'est  un  pendant  du 
premier  tombeau  que  lui  demande  le  due. 
Dans  un  essai  publié  par  l'Académie  de  Dijon 
[Mémoires,  quatrième  série  —  tome  II  —  an- 
nées 1890-1891)  antérieur  par  conséquent  à 
l'ouvrage  de  mon  confrère  et  ami  Cyprien  Monget, 
j'ai  raconté  l'histoire  du  tombeau  de  Jean  sans 
Peur.  Je  n'ai  pas  à  la  refaire  iei,  ni  à  donner  de 
nouveau  h-  portrait  de  cet  artiste  bohème,  fan- 
tasque   et     batailleur,     l'esquisse    d'un     Benvenuto 

Cellini  du  xve  siècle,  qui  fut  Jehan  de  la  Huerta. 
En  [461,  l'imagerie  est  complète  on  à  peu  près, 
mais  1rs  «  gisants  »  sont  rompus  et  non  recevables. 
Jehan  de  la  Huerta  se  fâche  et  disparaît.  Aussi 
fit-on  tnarehé,  le  1  ;  novembre  1462,  avec  un  nouvel 
imagier  du  dehors,  Antoine  Le  Moiturier,  qui 
en  1469  achève  enfin  le  tombeau  dont  la 
lion  a  lieu  le  7  juillet   1470. 


44 


BULLETIN   DES  MUSEES  DE   FRANCE 


A  la  suppression  de  la  Chartreuse  en  1790,  les 
monuments  lurent  transportés  en  l'église  abba- 
tiale Saint-Benigne  de  Dijon  désignée  pour  être 
la  nouvelle  cathédrale,  el  remontés  dans  les  cha- 
pelles sous  les  tours.  Mais  le  8  août  1793,  une  déli- 
bération du  Conseil  général  de  la  Commune,  en 
ordonna  la  destruction,  à  laquelle  eut  la  faiblesse 
de  consentir  le  directoire  du  département.  Tou- 
tefois, il  s'agit  en  fait  «l'une  dispersion,  non  d'un 
anéantissement,  et  les  «  pleurants  »  furent  déposés 
au  musée.  Mais  un  procès-verbal  de  septembre 
[794,  constate  qu'il  n'en  existait  plus  que  70, 
au  lieu  de  80,  40  pour  chaque  tombeau.  Que 
sonl  devenues  les  dix  autres  ?  C'est  ce  qu'étudie 
M.  Charles  Oursel,  archiviste  et  bibliothécaire 
municipal  à  Dijon,  dans  une  communication 
insérée    au      Bulletin    archéologique     année    1909. 

Lorsque  en  1818,  commença  par  MM.  de  Saint- 
Mémin,  conservateur  du  musée,  et  Saint- Père, 
architecte,  la  restauration  des  tombeaux,  œuvre 
de  neuf  années,  les  70  statuettes  lurent  tout 
d'abord  employées,  puis  on  en  racheta  deux  : 
restait  à  huit,  qui  furent  refaites,  sept  par  J.-B. 
Louis-Joseph  Moreau,  de  Dijon,  le  père  de  M.  Ma- 
thurin  Moreau,  une  par  un  autre  Dijonnais,  Cou- 
ehery  ;  trois  de  ces  figurines  prirent  place  dans 
le  tombeau  de  Philippe  le  Hardi,  les  cinq  autres 
dans  celui  de  Jean  sans  Peur.  L'une  de  ces  der- 
nières représente,  vêtu  en  moine  et  tenant  un  frag- 
ment de  dais,  le  sculpteur  Marion,  de  Semur,  qui 
avait  restauré  les  détails  d'architecture.  Si  cette 
statuette  passe  inaperçue,  il  n'en  est  pas  de  même 
de  sa  voisine  qui  se  prélasse  à  l'angle  inférieur 
de  gauche.  <•  Il  n'y  a  que  trente-neuf  figurines, 
dit  Victor  Hugo  dans  une  lettre  du  19  octobre 
l839,(i)la  quarantième  est  remplacée  par  un  mon- 
sieur en  redingote  le  plus  plaisant  du  monde.. 
Qui  est  ce  monsieur?  »  C'est  l'architecte  Saint- 
Père,  à  demi-drapé  dans  un  manteau  et  le  col 
dégagi  comme  dans  les  portraits  familiers  du 
ièi  le. 

I'  papiers  de  M.  de  Saint-Mémin,  dont  le 
témoignage  est  considérable  puisque,  né  en  1770, 
il  avait  pu  voit  en  place  les  tombeaux  complets 
's  avant  la  Révolution,  sont  conservés 
a  la  bibliothèque  publique  de  Dijon;  ils  ont  fourni 
M.    Oursel    des  rei  en1     sur    les  statuettes 

Deux,    est-il    dit.    furent     rachetées  tout 

i'  .I       892  p.  284. 


aussitôt  à  un  amateur  lyonnais,  M.  de  Saint- 
Thomas  ;  trois  appartenaient  à  un  M.  Hocquart. 
de  Dijon,  mais  elles  étaient  en  trop  mauvais  état 
pour  être  utilisées  ;  le  sort  en  est  inconnu,  peut- 
être  ont-elles  passé  d'abord  dans  la  famille  de 
Broissia.  Deux  autres  étaient  entre  les  mains  d'un 
brocanteur  dijonnais,  Bartholomé,  qui  eut  soin 
<le  les  jaire  disparaître  au  moment  où  l'on  entre- 
prit la  restauration,  et  les  revendit  un  peu 
avant    sa  mort  (1842)  à  un  inconnu. 

Une  huitième  appartenant  à  la  riche  collec- 
tion de  M.  le  comte  Richard  de  Vesvrotte  fut 
obstinément  refusée  par  lui  à  M.  de  Saint-Mesmin. 
Les  collections  de  Vesvrotte  ont  été  l'objet  de 
ventes  successives  et  la  trace  de  la  statuette  se 
perdit.  Notons  que  cette  figurine,  et  le  fa:t  est 
important  à  retenir,  était  un  «aspergeant»,  non 
un   deutllant. 

La  neuvième  faisait  partie  du  cabinet  de  M.  Jac- 
quinot-Pampelune,  procureur  général  à  la  Cour 
royale  de  Paris,  mort  en  1835.  Qu'est-elle  devenue? 
Sur  la  dixième.  M.  de  Saint-Mémin  n'a  pu  ob- 
tenir aucun  renseignement.  Peut-être  fût-elle 
brisée. 

Mon  objet  n'est  pas  d'étudier  la  question  de 
l'identification  des  deuillants  qui  courent  le 
monde  —  il  y  en  a  au  moins  une  lionne  douzaine 
—  et  qui,  avec  plus  ou  moins  de  vraisemblance,  sont 
donnes  comme  provenant  des  célèbres  tombeaux 
dijonnais.  Mais  une  question  sur  le  nombre  des 
figurines  ayant  été  soulevée  dans  le  Journal  des 
Débats  du  5  avril  dernier,  par  M.  Alexandre 
Masseron,  j'estime  qu'il  y  a  lieu  de  réfuter  une 
thèse  selon  moi  erronée. 

M.  Masseron  invoque  le  marché  fait  avec  Clans 
Sluter,  texte  donné  par  feu  Bernard  Prost  et  cité 
dans  le  Catalogue  du  musée  de  sculpture  comparée 
(moulages),  du  palais  du  Trocadéro,  1892,  p.  93. 
Et  il  arrive  à  cette  conclusion  qu'il  y  avait  non 
pas  40  mais  4J  figurines  pour  chaque  tombeau. 
On  lit,  en  effet,  dans  l'acte,  qu'il  y  aura  «  40 
ymages  pleurants,  semblables  aux  deux  qui  sont 
déjà  fais! es  •>.  Donc,  dit  M.  Masseron,  du  moment 
qu'il  s'agit  de  faire  40  figurines  et  qu'il  en  existe 
déjà  2,  cela  fait  bien  compté  42,  el.  comme  les 
deux  tombeaux  étaient  de  structure  semblable, 
il  devait  y  avoir  en  tout  84  statuettes  et  non  80. 

Je  crois  que  c'est  là  une  erreur  d'interprétation  ; 
le  marché  énumère  l'ensemble  de  l'imagerie,  et 
exprime    seulement,    mal,    je    le    veux    bien,    mais 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


45 


d'une  manière  certaine  qu'il  y  aura  40  pleurants 
dont  2  smit  déjà  exécutés  et  serviront  de  modèles. 
11  n'y  a  pas  d'autre  sens  à  donner  aux  conventions 
du  n  juillet  1404.  puisque  aussi  bien  les  monuments 
sont  là  pour  en  témoigner.  La  plantation  géomé- 
trique et  rigoureuse  de  l'arcature  ne  comporte 
pas  une  figure  de  plus  ou  de  moins.  Et  que  l'on  ne 
vienne  pas  dire  que  la  restauration  a  pu  modifier 
l'état,  l'aspect  de  chaque  monument  :  si  des  détails 
ont  dû  être  refaits,  la  structure  est  bien  celle  de 
la  conception  primitive  ;  or,  je  défie  que  l'on  en 
enlève  ou  que  l'on  en  ajoute  une  seule  figure. 
D'ailleurs,  si  l'on  veut  des  documents  graphiques 
donnant  l'état  du  tombeau  avant  1789,  voici  les 
huit  grands  dessins  du  peintre  dijonnais  Gilquin, 
pri  entés  au  prince  de  Coudé  gouverneur  de 
Bourgogne,  passés  de  Chantilly  à  la  bibliothèque 
du  château  de  Compiègne  et  venus  de  celle-ci  à  la 
Nationale.  J'accorde  que  ces  dessins,  qui  repro- 
duisent les  quatre  face;  de  chaque  tombeau,  sont 
d'un  caractère  archéologique  assez  médiocre  et 
que  Ks  proportions  sont  mal  observées  ;  toutefois 
il  faut  bien  reconnaître  que  Gilquin  s'est  conscien- 
1  n  usi  ment  appliqué  à  être  exact.  El  si  un  jour  on 
voulait  rétablir  l'ordre  de  la  procession  si  outra- 
geusement    interverti,    attribuer    aussi     à    chaque 


tombeau  ce  qui  lui  revient,  grâce  à  Gilquin,  l'iden- 
tification de  chaque  statuette  ne  serait  nullement 
impossible.  Eh  bien,  il  n'y  a  place  que  pour 
40 figurines,  et  cela  me  parait    péremptoire. 

Un  mot  encore;  en  fait  il  y  a  41  statuettes  poui 
chaque  tombeau  et  voici  comment.  En  tète  de  la 
procession  marche  l'aspergeant  —  celui  du  tom- 
beau de  Jean  sans  Peur  a  été  conservé  mais  mis 
au  beau  milieu  de  la  marche  —  puis  viennent, 
conjugués,  deux  enfants  de  chœur  portant  (Us 
cierges,  seulement  ils  sont  hauts  de  o  m.  25  à 
peine  et  comptait  pour  une  seule  figure  de  la 
hauteur   ordinaire,  o  in.  41. 

Maintenant,  il  y  aurait  à  étudier  chacun  des 
deu'llants  épars  dans  les  collections  publiques  ou 
privées,  et  qui  aspirent  à  l'honneur  de  porter  la 
marque  de  la  Chartreuse:  aies  confrontei  avec 
les  72  de  Dijon,  comparer  le  style,  la  matière, 
les  dimensions,  faire  des  comparaisons  pai  le 
rapprochement,  sinon  des  originaux,  du  moins  des 
moulages.  Il  y  a  là  un  joli  thème  à  traiterpour  les 
érudits  et  les  raffinés,  mais  je  n'aspire  pas  si  haut 
et  lire  borne  à  poser  en  fait  qu'il  n'y  a  jamais  eu 
que  quarante  et  une  figurines  par  tombeau,  encore 
deux  comptant  pour  une. 

Henri  Chaheuf. 


MUSÉES  DE  PARIS  &  DE  PROVINCE 


Notes     et     informations 


f   -f   f   Une  exposition  de  peintures  chinoises 

au  Musée  Guimet.  —  Une  exposition  de  peintures 
chinoises  s'est  ouverte  le  mois  dernier  au  Musée 
Guimet.  Outre  l'intérêt  propre  qu'elle  présente 
par  la  qualité  des  œuvres  qui  y  sont  exposées,  elle 
sera  pour  beaucoup  une  révélation.  En  dehors 
des  peintures  anciennes  rapportées  de  Chine  par 
M.  Pelliot  et  que  l'on  peut  admirer  au  Musée  du 
Louvre,  c'est  la  première  fou,  que  l'on  présente  au 
public  un  ensemble  d'œuvres  qui  lui  permette  de 
se  faire  une  idée  de  la  Variété  d'inspiration  des 
peintres  chinois,  et  je  ne  serais  pas  surpris  que  la 
peinture  japonaise  perdîl  un  peu  aux  yeux  des 
amateurs  de  l'originalité  qu'on  lui  prêtait,  faute 
d'avoir  vu  les  œuvres  des  maîtres  chinois  dont  elle 
s'est  inspirée.  On  sait  d'ailleurs  combien  sont  appré- 
ciés les  trésors  de  l'art  chinois  au  pays  du  Soleil 
Levant,  et  que  c'est  dans  les  musées  et  Us  collec- 


tions particulières  du  Japon  qu'il  est  seulement 
possible  d'admirer  et  d'étudier  des  spécimens  nom- 
breux, authentiques  et  de  tout  premier  ordre  des 
œuvres  des  peintres  chinois,  à  moins  que  l'on  ne 
supplé  à  la  connaissance  directe  en  feuilletanl 
la  collection  des  admirables  reproductions  données 
dans   la  grande   revue  d'Art  japonaise,  la    Kokiia. 

M.  Guimet  m-  pouvait  prétendre  à  nous  offrir 
une  pareille  collection  de  chefs-d'œuvre.  Mais  du 
moins  la  qualité  supplée-t-elle  au  nombre.  Parmi 
les  œuvres  exposées,  il  en  est  peu  d'indifférentes 
et  plusieurs  d'entre  elles  s,, ut  .les  plus  remarqua- 
bles. 

Mentionnons  d'abord  les  peintures  offertes  à 
M.  Guimel  par  feu  Sa  Majesté  l'Impératrice  douai; 
rien  Tseu-hi  deux  paysages,  l'un  deTchao  Po-kiu 
(xie  siècle)  représentant  un  .eu.  h.  r  de  :  1<  il  der- 
rière une  inouï,  ign<     m  bord  de  l'<  tu,  d'un  charme 


46 


BULLETIN    DES   MUSEES    DE   FRANCE 


d'impression  tout  à  fait  exquis,  avec  le  bas  de  la 
montagne  noyé  dans  les  brumes  qui  commencent 
à  s'élever  du  sol,  pendant  que  le  sommet  se  dore 
du  refiel  de  l'astre  qui  s'abaisse  sur  l'horizon, 
l'autre  de  Ma-lin  est  aussi  beau  et  d'un  état  de 
conservation  aussi  parfait  que  celui  de  Tchao 
Po-kiu.  Mais  peut-être  préférons-nous  encore  la 
peinture  exécutée  par  l'empereur  Siuan-ho  au 
XIIe  siècle  qui  représente  une  scène  de  cour.  Elle  est 
d'une  finesse  et  d'une  grâce  merveilleuse  :  en  par- 
ticulier le  personnage  assis  sur  une  estrade  avec 
sa  barbe  longue  et  fine  est  d'une  exécution  tout 
à  fait  charmante. 

Après  ces  pièces  de  choix,  nous  indiquerons 
une  scène  champêtre  de  Hou-tshm,  des  fleurs  de 
Yun  Cheou-p'ing,  l'image  d'un  vieillard  tendant  les 
mains  vers  le  ciel,  d'un  peintre  dont  nous  n'avons 
pu  connaître  le  nom.  d'une  dignité  et  d'une  séré- 
nité si  frappantes,  un  magnifique  guerrier  s'ap- 
puyant  fièrement  sur  son  épée  de  Chang  Houan- 
tcheou  (xvne  siècle),  des  paysages  de  T'ang-hi 
(xive  siècle).  Citons  encore,  au  hasard  de  notre  pro- 
menade une  peinture  représentant  des  personnages 
bouddhiques  ou  taoistes  de  Tcheou-t'ing  (xvne 
siècle)  d'un  coloris  charmant,  des  peintures  en 
camaieu  de  Tchao-Mongfou  (xme  siècle),  un  très 
curieux  album  de  lavis  sur  fonds  d'or  représentant 
des  paysages  de  montagne,  composé  sur  ordre- 
impérial  par  Tao-tchou,  un  phénix  de  Li-fan,  des 
scènes  inspirées  de  la  poésie  chinoise  par  Tcheou- 
yin  de  la  dynastie  des  Ming,  un  épisode  de  roman 
OU  de  théâtre  de  Wang  Tch'en-p'ong,  des  oiseaux 
de  Si-yuan,  un  superbe  paysage  sans  nom  d'auteur 
prêti    pai   M.  Vever,  etc. 

Parmi  les  pièces  les  plus  curieuses  figurent  dé- 
cès esquisses  faites  d'après  nature  dont  s'inspirent 
les  artistes  chinois  pour  peindre  les  portraits 
officiels  qui  figurent  dans  la  salle  des  ancêtres  de 
toute  maison  chinoise  :  quelques-uns  sont  saisissants 
de    vérité    d'expression  et  de  finesse  de  rendu. 

Il  est  beaucoup  d' œuvres  de  peintres  célèbres  qui 
ne  nous  sont  pas  parvenues  et  que  nous  ne  connais- 
sons plus  ([lie  par  la  reproduction  qui  en  a  été 
gravée  sur  pierre,  et  dont  on  peut  se  procurer  des 
estampages:  M.  Guimel  a  exposé  plusieurs  de  ces 
estampages,  deux  «l'entre  eux  nous  permettent  de 
nous  rendre  compte  de  l'art  du  peintre  Wou-Tao- 
tseti  du  vine  siècle  de  notre  fie.  ils  représentent  un 
poitrail  de  Confucius  et  une  déesse  Kouan-yin. 

D'autres  estampages  reproduisent  les  sculptures 


de  l'époque  des  Han  qui  se  trouvent  au  Chantong 
et  qui  ont  été  étudiées  par  M.  Chavannes  dans  son 
beau  livre  sur  la  Sculpture  Chinoise  sur  pierre. 

Il  nous  reste  à  exprimer  un  regret,  celui  que  le 
défaut  d'espace  n'ait  pas  permis  à  M.  Guimet  d'expo- 
ser eu  bonne  place  toutes  les  peintures  qu'il  nous 
a  présentées.  On  aurait  aimé  de  plus  que  le  beau 
catalogue  explicatif,  qui  vient  de  paraître  et  dont 
nous  rendrons  compte  prochainement,  ait  pu  être 
prêt  à  temps  pour  permettre  aux  visiteurs  empressés 
de  se  rendre  mieux  compte  dès  l'abord  de  ce  qu'ils 
voyaient  et  d'en  garder  un  souvenir  précis.     G.  L. 

MUSÉE  DES  ARTS  DÉCORATIFS  -f  f  f  f  f 

f  f  if  Ou  a  organisé  au  Pavillon  de  Marsan  et 
inauguré  le  31  mai  dernier  une  exposition  consacrée 
à  l'art  chinois  ancien  et  aux  imitations  de  style  et 
de  sujets  chinois  dans  l'art  français  du  xvnie  siècle. 
Nous  reviendrons  prochainement  sur  cette  curieuse 
manifestation  qui  se  prolongera  pendant  tout  l'été. 

MUSÉE  CARNAVALET  -tff-f-tfti: 
°?  tf  °f  Ce  Musée  vient  d'acquérir  trois  curieuses 
esquisses  du  peintre  Subleyras,  représentant  les 
portraits  du  duc  de  Saint -Aignan,  du  prince  ro- 
main Vaini  et  du  chevalier  qui  assista  à  la  remise 
par  le  duc  au  prince  de  l'ordre  du  Saint-Esprit 
donné  par  Louis  XIV.  Le  musée  Carnavalet  a  reçu 
récemment  :  un  dessin  de  Boilly,  ou  du  moins  qui 
lui  est  très  vraisemblablement  attribué,  représen- 
tant une  «  Rixe  »  entre  sectionnaires  du  temps  de 
la  Révolution  (I, 'auteur  de  ce  don  est  Mme  Roba- 
Deutsch  de  la  Meurthe)  :  une  Vue  de  la  Seine  au 
pont  des  Saints-Pères,  par  J.-B.  'frayer,  qui  vécut 
de  1824  à  1909,  offerte  au  Musée  par  M.  Trayer  fils  ; 
enfui,  diverses  poupées  habillées,  d'époque  LouisXV 
don  de  M.  Rodmann  Vanamarker,  à  qui  Carnavalet 
est  déjà  redevable  de  plusieurs  dons  importants. 

On  annonce  qu'une  exposition  rétrospective  des 
sports,  de  la  typographie  parisienne  et  de  portraits 
de  gens  de  théâtre  sera  prochainement  inaugurée 
à  Carnavalet. 

MUSÉE  GALIERA  fffTff^fff^ 
°if  °t  °t  L'exposition  de  cet  été  sera  consacrée  à  la 
verrerie  et  comprendra  notamment  une  rétrospec- 
1  ive  des  œuvres  de  <  '.allé-. 

BIBLIOTHÈQUE  DE  LA  VILLE   DE  PARIS   ? 

■f  °?  f  On  a   installé  à    la    Bibliothèque    Saint- 

Fargeau,    2Q,    lue  de    Sévigné,     une     exposition    de 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


47 


plans,  gravures,  dessins  et  photographies  représen- 
tant les  travaux  exécutés  pendant  le  second 
Empire  sous  la  direction  du  baron  Haussmann, 
pour  transformer  la  Ville  de  Paris.  Cette  très 
intéressante  et  gratuite  exposition,  organisée  par 
MM.  Marcel  Poëte,  Clouzot  et  Henriot,  avec  le 
concours  d'autres  membres  des  amis  de  la  Biblio- 
thèque, sera  ouverte  tous  les  jours,  de  dix  à  cinq 
heures,  jusqu'au  2  octobre.  Des  conférences  y  seront 
faites  tous  les  vendredis  à  quatre  heures  du  20  mai 
au  23  juillet. 

PALAIS  DES  BEAUX-ARTS  DE  LA  VILLE 
DE  PARIS  -f  -(  -t  f  V  ■>"  °t  °$  °?  ¥  °t  V  °i 
¥   °t?   °s?    Exposition   de  médailles  anciennes   et 

modernes.  — ■  Le  conseil  municipal  de  Paris,  sur 
la  proposition  de  sa  quatrième  Commission,  celle 
des  beaux-arts,  ayant  décidé  l'installation,  au  Petit 
Palais  des  Champs-Elysées,  d'une  galerie  de  mé- 
dailles anciennes  et  modernes,  cette  galerie,  dont 
les  éléments  ont  été  fournis  par  des  amateurs,  des 
descendants  d'anciens  graveurs  et  des  graveurs 
contemporains  a  été  récemment  inaugurée.  L'expo- 
sition contient  environ  douze  cents  œuvres,  dont 
les  principales  ont  été  fournies,  par  Mines  Grisain, 
Ponscarme,  Waldeck- Rousseau,  'Levillaiu,  Pierre 
Baudin,  Deloye,  Chapu  et  Mme  Vve  Jeanne  Paquin, 
qui  à  elle  seule  a  offert  plus  de  six  cents  médailles 
du  xve  au  xx°  siècle;  par  MM.  Bonnat,  Frémiet, 
Pozzi,  Georges  Lecomte,  Raoul  Barre,  Oudiné, 
H.  Dubois,  Dupuis  et  autres.  La  réunion  de  ces 
médailles  formera  une  véritable  histoire  de  l'art 
du  médailleur  français  depuis  ses  origines,  c'est-à- 
dire  les  anonymes  d'avant  la  Renaissance  jusqu'à 
notre  époque.  (  In  y  trouve  des  médailles  de  Warin, 
Guillaume  Dupré,  Duvivier,  Augustin  Dupré  ;  puis 
celles  des  artistes  de  la  fin  de  la  monarchie,  de  la 
Révolution,  de  l'Empire  et  des  régimes  qui  ont 
suivi  et  parmi  lesquelles  on  rencontre  entre  autres 
noms  ceux  de  Gatteaux,  Oudiné,  Eugène  Dubois, 
Barre,  Tiollier,  Galle,  Andrieu,  Depaulis,  Caunois, 
Bovy,  Dantan  aîné,  Gayard,  Domard,  Borrel, 
Wauthier-Galle,  Farochon,  David  d'Angers, 
Rude,  Barye,  Levillain,  Dumont,  Cavelier,  Chapu, 
Crauk,  Degeorge,  Deloye,  Carpeaux,  etc.,  et 
plus  près  de  nous  ceux  de  Chaplain,  Roty, 
Vernon,  Daniel  Dupuis,  Alphée  Dubois,  Injalbert, 
Frémiel  e(  autres.  Cette  galerie  de  médailles  com- 
prend aussi  quelques  cires  de  Clodion  et  de  Nini 
ainsi  que  de  nombreux  biscuits  de  Sèvres,  bustes  de 


personnages  connus  et  autres  ;  la  salle  en  est 
tendue  d'anciennes  tapisseries  des  Gobelins  prêtées 
par  le  Garde-Meuble  national. 

MUSÉE  CERNUSCHI   tff^t-f^ff 

¥  °t  °t?  Conformément  au  désir  exprimé  par 
Mlle  Tarn  sa  sœur,  Mme  H.  Antoinette  Alston 
vient  d'offrir  à  la  Ville  de  Paris  pour  être  placée 
dans  le  Musée  Cernuschi  une  collection  de  77  piè- 
ces recueillies  en  Extrême-Orient  :  bois  sculptés  et 
laqués,  bronzes.  La  collection  est  complétée  par 
divers  objets  d'art  musulman. 

MUSÉE  DE  LILLE  °t°t¥¥°$°t°ê°(°$-{ 
°f  -(  ■>$  Le  Musée  de  Lille  s'est  enrichi  au  cours  de 
cette  année  de  la  collection  des  antiques  de  M.  Géry 
Legrand  offerte  par  ses  deux  filles,  Mme  veuve 
Curey  et  Mme  Bellanger.  La  plupart  de  ces  objets 
proviennent  de  fouilles  faites  à  Bavai,  marbres  ou 
terres  cuites  avec  quelques  petits  ustensiles  de 
bronze.  Mais  la  donation  comporte  également  un 
très  beau  buste  en  marbre  blanc  du  xvie  siècle 
trouvé  dans  un  puits  à  Houplin.  C'est  un  buste 
d'homme  en  cuirasse  avec  des  insignes  d'ordres  de 
chevalerie  qui  représente  sans  doute  un  seigneur 
à  Houplin. 

MUSÉE  DE  REIMS   <*   -?  -$  -„"   f   •$  ¥  t  f  ¥ 

f  f  f  Ce  Musée  va  bénéficier  du  legs  de  M.  Vic- 
tor Diaucourt,  ancien  maire  de  la  ville  et  ancien 
sénateur,  décédé  le  il  mai  1910,  dans  sa  85e  année. 
Par  son  testament  du  2g  septembre  1904,  il  laisse 
sa  riche  bibliothèque  à  la  ville,  et,  en  outre,  une 
centaine  de  tableaux,  dessins,  miniatures,  gravures, 
bronzes  et  objets  d'art  divers  que  recueillera  le 
Musée. 

Citons,  parmi  les  portraits,  celui  de  Baron,  dans 
le  rôle  d'Harpagon,  celui  de  Lamartine  par  Cou- 
derc,  celui  de  Proudhon,  par  Mme  O'Connelle, 
celui  de  Cazotle,  et  surtout  une  peinture  du  xvr'  siè- 
cle représentant  un  personnage  (pie  l'on  a  cru  être 
Rabelais.  Citons,  parmi  les  tableaux  :  Les  boulevards 
de  Paris  au  matin,  par  Hector  de  Callias  ;  un  Pay- 
sage  de  Léon  Richet  ;  Gambctta  à  Belleville  par 
André  Gill.  Signalons  aussi  une  gouache  ancienne 
que  l'on  croit  représe  tter  Madame  de  Grignan, 
enfin  des  dessins  de  Grandville,  Rochegrosse,  Le- 
loir,  Lematte,  Reimbeau,  etc. 

I.a  série  des  bronzes  énumère  un  Hercule  lançant 
Lycas  à  la  mer  par  Canova,  la  Lecture  par  Clia- 
rousse,     Philopcemen    par     David    d'Angers,    les 


BULLETIN    DES   MUSEES   DE    FRANCE 


Massacres  de  Gallicie  par  le  même,  Chateaubriand  par 
Aimé  Millet,  etc.  Il  y  a  un  buste  en  cire  de  Vol- 
taire, et  Voltaire  ci  sa  table  de  travail,  également  en 
ciiv.  .lu  XVIIIe  siècle. 

Les   otampes   comprennent    les  portraits  enca- 


drés de  Savart  et  Ficquet,  et  plusieurs  belles  gra- 
vures modernes  ;  des  médaillons  s'y  joignent 
en  assez  grand  nombre,  notamment  quatre  terres 
cuites  de  Nini  et  d'autres  ieuvres  qui  seront  étu- 
diées et  décrites  plus  tard.  j^     T\d\rt 


PUBLICATIONS    RELATIVES   AUX   MUSÉES    DE   FRANCE 


Le  Musée  des  arts  décoratifs.  -    Le  Métal,  z    partie. 
Le   Bronze,   le  Cuivre    l'Étain,    le  Plomb,  par 

Louis   Mktmax  et   J.-L.  Vaudoyer,    Ier  album. 
Paris,    M. -A.   Longuet,   éditeur. 

I.a  série  des  albums  du  Musée  des  Arts  décora- 
tifs publiés  sous  la  direction  de  M.  Louis  Metman 
se  poursuit  avec  ce  nouveau  fascicule  dont  les 
qualités  de  présentation  dépassent  encore  celle  des 
précédents,  consacrés  au  Bois  et  au  Fer.  Le  classe- 
ment logique  par  matières  que  l'on  reproche 
parfois  aux  organisateurs  du  Musée  de  n'avoir 
pas  suivi  dans  la  disposition  des  objets  eux-mêmes, 
se  restitue  dans  ce  précieux  répertoire,  et  d'une 
façon,  suivant  nous,  plus  légitime  et  indispensable 
que  dans  la  realite.  Il  faut  dans  le  Musée  même 
songer  axant  tout  à  son  harmonie  et  ne  rebuter  per- 
sonne par  la  rigueur  d'un  classement  que  le  tra- 
vailleur opère  de  lui-même  et  dans  lequel  il  sera 
aide  par  la  publication  abondante  et  presque  totale 
de  ces  documents  à  laquelle  s'emploie  activement 
la  conservation  du  Musée. 

Quatre-vingt  planches  reproduisant  pues  de 
huit  cents  objets  nous  mènent,  dans  cet  album 
du  Bron  •  îles  origines  jusque  vers  le  milieu  du 
xvm'siècle.  en  plein  épanouissement  dustyle  rocaille. 

Léon   Deshairs.  — -  Dijon.  Architecture    et   déco- 
ration aux  xvne  et  xvine  siècles.-  -  Paris,  Cala- 
i      -  diteur,  fol. 

Le  bel  album  de  120  planches  en  phototypie 
qui  continue  la  série  de  ceux  consacrés  par  le 
même  auteur  et  le  même  éditeur  à  Bordeaux  et  à 
Aix  csl  conçu  suivant  le  même  principe  et  illustre 
d'admirables  documents  peu  connus  ou  complète- 
ment inédits  l'art  di  i  époques.  Une  introduc- 
tion, pleine  de  pénétration  et  de  sens  historique, 
souligne  les  caractères  particulier  de  l'art  clas- 
sique dans  le  milieu  particulier  et  des  notices 
.'ment  les  renseignements  nécessaires 
i  mi  des  monuments  étudiés. 

Parmi    ces  il  en  est    nu    qui    nous 


intéresse  ici  tout  spécialement,  c'est  la  partie  du  Pa- 
lais des  Etats  de  Bourgogne  qui  fut  consacré  en  1783 
au  Muséum  créé  sur  la  proposition  de  Devosge  pour 
compléter  l'enseignement  de  son  école  de  dessin. 
La  grande  salle  d'honneur  dite  1  salle  des  Statues  »  qui 
subsiste  encore  fut  entreprise  vers  17S5,  le  plafond 
en  fut  exécuté  par  Prudhon,  la  boiserie  par  Jérôme 
Marlet  ;  mais  on  ignorait  jusqu'ici  que  la  direction 
architecturale  en  avait  été  confiée  à  un  architecte 
parisien  nommé  Jean  Bellu  dont  M.  Deshairs  à 
retrouvé  aux  archives  de  Dijon  des  mémoires  et  des 
projets  dessines. 

On  trouvera  également  reproduit  dans  les 
dernières  planches  de  cet  album  plusieurs  des  plus 
belles  pièces  de  boiserie  et  de  mobilier  qui  conserve 
le  Musée  de  Dijon  ainsi  que  six  bas-reliefs  du 
sculpteur   Attiret. 

"■?  °t  °£  Dans  la  Revue  Je  l'Art  Ancien  et  Moderne 
(mai  1910).  M.  T.  de  Wyzewa,  à  propos  d'une  Des- 
cente de  croix  de  Si gnorelli  conservée  aux  environs 
de  Péronne  dont  il  a  retrouvé  une  belle  étude  ori- 
ginale au  fusain,  étudie  les  dessins  du  maître  conser- 
vés au  Louvre  et  les  tableaux  qui  lui  sont  attribués. 

Les  Casques  de  bronze,  dits  de  Falaise,  leui 
origine  et  leur  âge,  par  le  comte  Olivier 
Costa  de  Beauregard.  Congrès  archéologique 
de  Caen  1908.  —  Paris  1909. 

L'auteur  étudie  dans  ce  mémoire  qui  vient  de 
paraître  avec  le  compte  rendu  du  congrès  archéo- 
logique de  Caen  de  1908  une  série  de  six  casques  en 
bronze  trouvé  à  Bernières  d'Ailly  (Calvados)  en 
1832  et  qui  sont  déposés  au  Musée  de  Falaise  où 
il  réclame  pour  eux  une  place  plus  honorable  que 
celle  qui  leur  est  attribuée.  Ce  sont.  Selon  lui, d'après 
de  nombreuses  comparaisons  avec  des  documents 
réels  ou  figurés,  des  monuments  qui  remontent 
jusqu'au  premier  âge  de  fer  et  non  des  coiffures  de 
pirates  normands  du  XIe  siècle  comme  on  croit  géné- 
ralement dans  le  pays  et  comme  l'avait  affirmé 
Ch.  de  Linas  dans  un  mémoire  daté  de  1869. 


Fontenay-aux-Koses.  —   Imp.  L.  Biïllenand. 


Le  Gérant  :  G.  Létard. 


Bulletin    des    Musées 
de    France 


BUSTES  DES  DEUX  FRÈRES  COYPEL 


(Acquisitions  récentes  du  Musée  du  Louvre.) 


Par  leur  provenance,  leur  valeur  historique, 
iconographique  et  artistique,  ces  deux  bustes  méri- 
tent de  prendre  place  parmi  les  plus  intéressantes 
acquisitions  de  la  sculpture  moderne  au  Musée  du 
Louvre.  Ils  n'étaient  jamais  sortis  de  la  famille  qui, 
depuis  bientôt  deux  siècles,  les  avait  fidèlement 
gardés  et  beaucoup  d'artistes  de  notre  temps  les 
avaient  vus  et  admirés  dans  le  cabinet  du  vieux 
sculpteur  Augustin  Dumont  (1801-1884)  dont  le 
Louvre  conserve,  fondu  en  bronze,  le  modèle 
original  du  Génie  de  la  Liberté  pour  la  colonne  de  la 
Bastille  ;  il  les  tenait  de  Jacques  Edme  Dumont 
(1761-1844)  qui  les  avait  reçus  d'Edme  Dumont 
(1720-1775),  lequel  les  avait  trouvés  dans  l'héritage 
de  François  Dumont  (1687-1726),  mari  d'Anne 
Coypel,  sœur  d'Antoine  et  de  Noël  Nicolas,  les 
originaux  des  deux  bustes. 

Le  premier,  celui  d'Antoine  Coypel,  en  mar- 
bre, est  l'œuvre  de  Coyzevox.  Le  vieux  maître 
avait  été  l'ami  de  Noël  Coypel  le  père,  mort 
depuis  cinq  ans,  quand  sa  fille  Anne  épousa  le  sculp- 
teur François  Dumont  (12  novembre  1712).  Le  frère 
aîné  de  la  mariée,  Antoine  (fils  d'un  premier  ma- 
riage) avait  alors  cinquante  ans  sonnés  et  le  puiné 
Noël  Nicolas,  qui  devait  mourir  à  peine  quadra- 
génaire en  1734,  n'était  encore  qu'un  garçon  de 
20  ans.  C'est  Antoine  qui  remplaça  le  père  disparu 
et  Coyzevox,  assisté  de  Robert  de  Cotte,  servit  de 
témoin  à  l'heureuse  épousée  (heureuse,  n'est  point 
ici  une  banale  épithète  ;  elle  était  fort  éprise  de 
son  mari  qui  l'aimait  tendrement  et  la  correspon- 
dance des  deux  époux,  conservée  dans  la  famille, 
prouve  que  leur  tendresse  conjugale  fut  aussi 
vive  que  leur  bonheur  devait  être  court).  Si  l'on  en 
juge  par  l'âge  apparent  d'Antoine  Coypel  dans  le 
véridique  portrait  taillé  par  son  vieil  ami,  c'est  à 
peu  près  au  moment  du  mariage  de  sa  sœur  qu'il 


convient  de  placer  l'exécution  du  buste.  Coyzevox 
a  donc  70  ans  environ  et  touche  au  terme  de  sa  glo- 
rieuse carrière;  (il  mourut  en  1720  à  80  ans),  mais 
il  n'a  rien  perdu  de  sa  verdeur,  la  main  qui,  en 
1678,  avait  modelé  sa  propre  effigie  avec  tant  de 
bonhomie,  pour  l'académie-royale,  et  en  1688 
l'admirable  buste  du  grand  Condé,  venait,  en 
170b,  de  montrer  par  l'héroïque  figure  du  Rhin, 
en  17 10  par  la  délicieuse  statue  décorative  de 
la  duchesse  de  Bourgogne,  que  les  années  ne  lui 
avaient  rien  enlevé  de  sa  souplesse  et  de  sa  fer- 
meté. Fermelhuis  pouvait  à  bon  droit  le  louer, 
après  sa  mort,  d'avoir  dû  se  renouveler  sans  cesse 
«  parce  qu'il  s'assujettissait  sans  cesse  à  imiter  la 
riche  variété  de  la  nature  ».  Les  portraits  que  nous 
possédons  d'Antoine  Coypel  par  lui-même  permet- 
tent de  vérifier  la  sincérité  de  celui-ci.  La  nature 
lui  avait  donné  de  beaux  traits,  réguliers  et  nobles, 
qui  n'étaient  pas  sans  rappeler  un  peu  ceux  de 
M.  Racine  qu'il  avait  eu  le  grand  honneur  de 
connaître  et  qui  lui  avait  témoigné,  comme  M.  I  «es- 
préaux,  la  plus  flatteuse  estime.  Celui-ci,  qui  vécut 
jusqu'en  1711,  avait  même  eu  la  plus  grande 
influence  sur  la  vocation  littéraire  d'Antoine  Coypel. 
C'est  sur  les  encouragements  formels  du  vieux 
critique  qu'il  avait  publié  (1708)  son  Epitre  à 
mou  /ils  sur  la  peinture,  monotone  et  ennuyeux 
pastiche  de  l'Art  poétique.  <  )n  comprend  trop  bien 
pourquoi  Despréaux  avait  approuvé  des  vers 
comme  ceux-ci  : 

Mais  n'allez  pas  pourtant  prompt  a  vous  sali sfaire, 
Pour  quelques  /aux  lui  Hauts  sottement  vous  complaire  : 
Puisez  dans  le  vrai  seul ,  le  solide  et  le  beau. 
Que  la  raison  partout  guide  -entre  pinceau 
et   d'abondants  discours  académiques  avaient  par 
la  suite  commenté  cel  te  épil  re. 

Tel  qu'il  apparaît  dans  le  marbre  de  Coyzevox, 


50 


BULLETIN    DES   MUSEES    DE    FRANCE 


Coypel  est  donc  à  l'apogée  de  sa  fortune  ;  garde  des 
tableaux  et  dessins  du  roi  (en  attendant  d'être  promu 
sous  la  régence  à  la  dignité  de  premier  peintre  de  Sa 
Majesté),  premier  peintre  de  Mgr.  la  duc  d'Orléans 
qui  lui  a  donné  à  décorer  la  grande  galerie  du 
palais  royal,  où  triomphait  cette  Enéide,  si  malheu- 
reusement détruite  mais  dont  le  Louvre  conserve 
une  importante  série  de  charmants  dessins  légués 
par  Charles  Antoine,  le  fils,  au  Roi  (i).  L'art  de 
Coypel  s'y  révèle  déjà  comme  annonciateur  de 
celui  de  Boucher  et  il  est  piquant  de  comparer  à 
l'effigie  si  complètement  Louis  quatorzième  du 
maître,  cet  art  où  le  «  rubénisme  »  et  le  sensualisme 
du  xvine  siècle  ont  déjà  mis  leur  empreinte...  Mais 
c'est  bien  encore  l'homme  du  xvne,  l'ami  de  Boileau, 
que  Coyzevox  a  représenté  sous  la  lourde  et  céré- 
monieuse perruque  ;  dessinant  avec  autant  de 
fermeté  que  de  souplesse  la  bouche  fine,  vivante  et 
un  peu  dédaigneuse,  mettant  en  un  relief  saisissant 
l'intelligence  et  la  volonté  qui  caractérisaient  cette 
noble  figure,  tempérant  seulement  par  la  familia- 
rité de  la  chemise  déboutonnée  sur  le  col  nu  (comme 
il  avait  fait  dans  son  propre  buste)  ce  que  la  per- 
ruque pourrait  lui  donner  d'un  peu  trop  solennel. 

Vingt  ans,  à  peu  près,  plus  tard,  en  1730,  un 
jeune  sculpteur  de  bel  avenir  mais  qui  débutait 
à  peine,  n'ayant  encore  que  26  ans,  J.  B.  Lemoyne, 
modelait  en  terre  le  buste  du  frère  puiné  d'An- 
toine. Noël  Nicolas.  Rien  n'est  plus  instructif  et 
amusant    que    la    brusque    confrontation    de    ces 


deux  bustes  ;  une  génération,  un  idéal  nouveaux 
sont  entrés  dans  la  vie  et  dans  l'art,  et,  à  regarder 
la  terre  cuite  de  Lemoyne,  les  survivants  du  «grand 
siècle  »  durent  éprouver  les  mêmes  étonnements  que 
leur  causèrent,  en  1737,  les  œuvres  exposées  au  nou- 
veau Salon,  rouvert  au  Louvre  après  trente  trois  ans 
d'interruption...  Mais  ce  brillant  cavalier,  dont  la 
perruque  poudrée  est  nouée  d'un  large  ruban  chif- 
fonné avec  une  fringante  virtuosité,  qui  retourne 
vivement  par-dessus  son  épaule  sa  tête  un  peu  dédai- 
gneuse, porte  déjà  les  stigmates  du  mal  dont  il 
mourra  et  des  soucis,  du  désenchantement  précoce 
qui  assombrissent  sa  vie.  Tandis  que  tout  semblait 
sourire  à  Charles  Coypel  son  neveu,  il  se  vit  frustré 
des  récompenses  auxquelles  il  avait  droit  ;  les  com- 
mandes qu'il  obtint  donnèrentlieu  à  des  procès  absor- 
bants et  ruineux  ;  le  système  de  Law  lui  enleva  le 
peu  de  fortune  qu'il  avait  pu  garder  et  quand  il 
mourut,  à  43  ans,  le  14  décembre  1734,  au  cloître  ' 
Saint-Germain  l'Auxerrois,  dans  une  mansarde 
du  quai  de  l'Ecole,  la  misère  avait  devancé  la  mort 
dans  son  humble  logis...  Et  l'on  s'explique  mieux, 
quand  on  connaît  ces  détails  de  sa  triste  biographie, 
la  nuance  d'amertume,  presque  d'angoisse  qui, 
par  dessus  l'élégance  fringante  de  son  accoutre- 
ment, vient  jeter  une  ombre  sur  ce  maigre  visage 
et  colorer  d'on  ne  sait  quel  romantisme  précurseur 
l'expression  de  ce  brillant  morceau. 

André  Michel. 


DESSINS  NOUVELLEMENT  ACQUIS  PAR  LE  MUSÉE  DU  LOUVRE 


La  vente  de  la  célèbre  collection  de  dessins  du 
baron  Adalbert  de  Lanna,  de  Prague,  qui  a  eu  lieu  à 
Stuttgart  le  6  et  le  7  Mai  dernier,  a  été  pour  le 
Louvre  une  occasion  de  s'enrichir  de  quelques 
pièces  infiniment  précieuses,  dans  des  séries  qui  lui 
manquaient  ou  qu'on  ne  saurait  trop  abondamment 
développer.  Il  a  eu,  notamment,  la  joie  de  pouvoir 
s'emparer,  malgré  des  enchères  très  disputées,  de 
deux  morceaux  purement  exquis  et  de  toute  rareté, 
qui  figuraient  au  premier   rang   parmi    les  joyaux 

(  1  j  Voii  1  dans  quels  termes  il  disposait  dans  son  testa- 
ment, de  ses  iIi".mhs  ;  «  J'ose  supplier  le  Roy  d'accepter 
:i  'I-  1  .11 1  .h  h.  el  ceux  de  feu  mon  père,  qui  se 
trouvent  proprement  collés  et  rangés  dans  un  porte- 
feuille).. 1  tra  I  el  collationm  pai  li  conseille!  du  Roy, 
notaire  au  Chatelei  di  Paris...  sur  la  minute...  en  la 
li     1  1I1     ette,  i.|  juin  1752.  (A.  X.  (  i'.  1925). 


de  la  vente  et  excitaient  justement  les  plus  ardentes 
convoitises  de  quelques  amateurs  et  de  divers 
grands  musées.  C'est  contre  le  musée  de  Berlin  que 
le  Louvre  a  finalement  triomphé  dans  la  lutte,  et 
il  était  de  son  honneur  qu'il  en  fût  ainsi.  Car  ces 
minuscules  feuillets,  que  nous  reproduisons  —  le 
plus  petit  dans  les  dimensions  mêmes  de  l'original, 
le  plus  grand  un  peu  réduit  —  seml  dent  bien,  malgré 
les  attributions  qu'ils  portaient,  avoir  toute  chance 
d'émaner  directement  de  notre  art  et  de  notre  pays. 
C'est  donc  une  conquête  doublement  nationale, 
dont  nous  sommes  en  droit  de  nous  féliciter. 

Le  premier  de  ces  dessins  par  l'importance  et 
par  la  date  (n°    19    de    la    vente    de   Lanna)    (1) 

(1)  Il  mesure  0mlO5    de  haut  sur  onliS7  de  large. 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


51 


représente,  sur  un  fond  de  parchemin  préparé  eu 
blanc,  trois  figures  debout,  en  riches  atours  de  la 
fin  du  XIVe  siècle,  déeorativement  espacées  sur  une 
bande  de  terrain  rapidement  indiquée.  Elles  sont 
dessinées  à  la  plume,  avec  léger  lavis  d'encre  de 
Chine  affirmant  plus  ou  moins  fortement  les  ombres 
et  modelant  les  formes,  tout  à  fait  dans  l'esprit  des 
grisailles  aimées  de  ce  temps.  Une  teinte  à  peine 
marquée  de  vermillon  colore  doucement  les  mains 
ou  les  visages,  dont  l'expression  est  soulignée  de 
la  façon  la  plus  fine  par  l'acuité  nette  et  ferme  des 


à  la  société  élégante  et  raffinée  de  ce  temps,  et  les 
trois  nobles  dames  rappellent  la  façon  dont  s'amu- 
sent beaucoup  de  leurs  compagnes  dans  les  mi- 
niatures ou  dans  les  ivoires.  C'est  ici  le  chien 
familier  qu'on  caresse  ;  le  faucon  qu'on  tient 
par  son  lacet  sur  la  main  gantée,  avant  de  partir 
en  chasse,  ou  (détail  imprévu)  la  fantaisie  capri- 
cieuse de  jongler  avec  deux  pommes. 

Ce  très  précieux  dessin,  qui  provient  de  la  col- 
lection A.  Posonyi  (1858)  et  qui  a  figuré  à  Vienne, 
en  mars  1872,  à  la  vente  F.  J.  Gsell  (n°  627),  sous 


; 


O      1;':'.T^ 


\  . 


mes. 
du  XIVe  sièt  le. 


yeux  ou  des  lèvres,  d'un  noir  ou  d'un  rouge  intense. 
Les  costumes  nous  reportent  aux  modes  du  règne 
de  Charles  VI,  entre  1300  et  1410  environ  :  longues 
poulaines  démesurément  effilées  ;  vastes  houppe- 
landes traînantes,  à  haut  collet  montant,  serrées 
parfois  à  la  taille  courte  par  une  ceinture,  faites  de 
draps  épais  généralement  fourrés,  et  dont  les 
amples  manches  ouvertes  ou  fermées  comme  un 
sac  semblent  prêtes  à  balayer  le  sol  ;  enfin  cha- 
perons en  forme  de  bourrelets,  que  portaient  alors 
hommes  et  femmes,  avec  courte  «  patte  »  et  longue 
«  cornette  »  d'étoffe  rejetée  sur  les  épaules,  ou 
étrange  coiffure  tailladée  et  découpée  en  lanières, 
à  l'imitation  d'un  feuillage.  Les  sujets  mêmes 
rentrent  dans  le  genre  de  divertissements  habituels 


le  bizarre  nom  de  ••  Martin  Sin  (XIVe  siècle)  »,  était 
attribué  à  la  vente  de  Launa  à  un  anonyme  de  la 
Basse-Allemagne  («  niederdeutsch  »).  Bien  que, 
dans  la  conformité  alors  à  peu  près  générale  en 
Europe,  des  modes,  des  goûts,  des  habitudes  de  la 
vie  sociale  et  mondaine,  dont  la  brillante  cour  de 
France  paraît  avoir  essentiellement  donné  le  branle, 
il  soit  souvent  difficile  de  discerner  l'apport  exact 
de  chaque  pays,  el  qu'entre  la  France  el  les  ré- 
gions limitrophes  d'Allemagne,  notamment,  les 
points  de  contact  et  les  rapports  aient  été  incessants, 
nous  croyons  discerner  ici  un  raffinement  dans 
l'élégance,  une  simplicité  dans  la  grâce,  une  logique 
mesurée  dans  les  plis,  en  même  temps  qu'un  sens 
vrai  de  la  forme  et  une  fine  subtilité  d'expression. 


52 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


qui  sont  l'esprit  même  de  la  statuaire,  de  la 
peinture  et  de  la  miniature  française  de  ce  temps. 
On  chercherait  vainement,  dans  les  œuvres  alleman- 
des contemporaines  même  les  plus  délicates,  une 
telle  perfection  d'art.  Si  l'on  compare,  par  exemple 
à  ce  charmant  feuillet,  soit  le  curieux  jeu  de  cartes 
du  .Musée  des  antiquités  nationales  de  Stuttgart, 
soil  le  petit  livre  de  dessins  et  patrons  appartenant 
aux  musées  impériaux  de  Vienne  qu'a  publié  M. 
Julius  von  Schlosser  (Jahrbuch  de  Vienne,  t,  XXIII, 
i  g o  ,.  p.  279  sq.),  soit  telle  ou  telle  peinture  rhénane, 
ou  se  trouve  à  un  niveau  déjà  inférieur,  devant 
des  formules  plus  superficielles  et  plus  vides  ou 
plus  lourdement  pesantes.  Selon  toutes  probabilités, 
c'est  donc  dans  le  milieu  franco-flamand,  alors  si 
actif  et  vivant  à  la  cour  de  France,  qu'un  tel 
dessin  a  vu  le  jour.  Au  même  milieu  paraît  se  ratta- 
cher également,  quoique  non  de  la  même  main,  un 
dessin  très  analogue  de  style  et  de  technique, 
représentant  un  prophète,  qui  compte  parmi  les 
anciens  trésors  du  Louvre  et  que  Reiset  {Cat.  des 
dessins,  t.  I.  1866,  n°  628)  avait  jadis  classé  à 
l'école  de  Cologne. 

Le  second  dessin  (n°  199  de  la  vente  de  Lanna), 
qui  nous  conduit  à  l'extrême  fin  du  XVe  siècle, 
sinon  même  peut-être  aux  premières  années  du 
XVIe,  soulève  un  non  moins  intéressant  problème 
d'origine.  C'est  un  feuillet  détaché  d'album,  à  fond 
de  papier  préparé  en  blanc  grisâtre  (1),  où  se  voient 
au  recto,  esquissées  à  la  pointe  d'argent  avec  une 
légèreté,  une  souplesse  et  une  agilité  de  trait  incroya- 
ble,  quatre  têtes  de  jeunes  femmes,  qui  semblent 
inspirées  deux  par  deux  de  modèles  différents,  et 
deux  études  de  mains.  Au  verso  est  indiquée,  d'un 
crayon  noir  plus  gros  et  plus  gras,  à  demi  écrasé  ou 
effacé  par  le  frottement,  une  tète  d'homme  à  cha- 
peau  plat,  portant  la  barbe  entière,  tourné  de  trois 
quarts  vers  la  droite.  Au  coin  supérieur  gauche  de  ce 
côti  e  lit,  à  l'encre,  d'une  écriture  qui  paraît 
contemporaine  des  dessins,  le  chiffre  XXXIII, 
répondant  visiblement  à  un  numérotage  des  pages 
de  l'album  primitif.  Car  on  retrouve  sur  deux 
autres  dessins  du  groupe,  à  l'Institut  Staedel  de 
Francfort  el  dans  la  collection  du  baron  Edmond 
de  Rothschild,  U-s  chiffres  X  et  XXII,  inscrits  de 
façon  absolument  analogue  par  la  même  main. 
Même  en  admettant  que  le  numérotage  n'ait  pas 
été  mis,  suivant    l'usage,    le   plus  fréquent,    d'un 

(i)  Il  me  li    liant  sur  om098  de  large. 


seul  côté,  au  recto  des  feuillets,  il  s'ensuit  que  ce 
livre  d'études  et  d'esquisses,  probablement  un  petit 
album  de  poche  constitué  par  l'artiste  pour  son  utilité 
propre,  avait  originairement  une  certaine  étendue. 
Malheureusement,  jusqu'ici  tout  au  moins,  nous 
n'en  connaissons  plus  sûrement  que  quelques 
bribes. 

Il  y  a  une  vingtaine  d'années,  le  dessin  de  la  col- 
lection de  Lanna  constituait  encore,  avec  cinq 
autres  feuilles  similaires,  un  ensemble  homogène, 
fragment  réduit  de  cet  album.  Jusqu'en  1874,  ce 
petit  groupe,  dont  l'histoire  antérieure  nous  est 
inconnue,  figura  dans  la  collection  du  conseiller 
aulique  Philippe  Dràchsler  ou  Drâxler  von  Carin, 
de  Vienne,  où  Waagen  l'avait  remarqué  (1).  Il 
passa  ensuite,  avec  la  majorité  des  dessins  de  cette 
collection,  entre  les  mains  d'un  autre  amateur 
viennois,  le  chevalier  J.  C.  von  Klinkosch  ;  et 
c'est  à  la  vente  après  décès  de  ce  dernier,  qui  eut 
lieu  à  Vienne  les  15  Avril  1889  et  jours  suivants, 
qu'une  nouvelle  et  définitive  dispersion  s'ac- 
complit. Des  six  dessins  de  ce  groupe,  portés 
au  catalogue  sous  les  nos  46S  à  473,  et  dont  quatre 
sont  reproduits,  l'un  passa  dans  la  collection  de 
Lanna  (n°  468,  aujourd'hui  au  Louvre),  un  autre 
dans  celle  du  baron  Edmond  de  Rothschild  (n°  471), 
un  troisième  à  l'Institut  Staedel  de  Francfort 
(n°  473).  Nous  ne  sommes  pas  exactement  fixés 
sur  le  sort  actuel  des  trois  derniers,  qui  furent 
acquis  à  la  vente  par  des  marchands.  En  revanche, 
nous  avons  retrouvé  dans  l'ancien  fonds  du  Louvre 
un  septième  feuillet,  déjà  apprécié  à  juste  titre, 
mais  menant  dès  longtemps  sa  vie  indépendante, 
qui  se  rattache  sûrement  au  même  groupe  et  n'est 
pas  la  pièce  la  moins  importante  ni  la  moins  char- 
mante de  la  série.  C'est  une  délicieuse  étude  de 
jeune  femme  à  mi-corps,  de  trois  quarts  vers  la 
gauche,  coiffée  d'un  bonnet  de  linge,  devant  un 
fond  où  sont  indiquées  quelques  violettes  (2).  Non 


(1)  Die  vornehmsten  Kuyistdenkmalev  in  Wien,  t.  Il, 
p.   196  (Vienne,   1S66  67,  2  vol.  m-S°). 

(2)  Ce  dessin,  classé  par  Reiset  (Cat.  des  dessins,  t.  1 
1866,  n°  629)  parmi  les  anonymes  de  l'Ecole  flamande  du 
xve  siè(  I  ,  a  figuré  en  1904  à  l'Exposition  des  Primitifs  fran- 
çais, sous  le  nom  du  Maître  de  Moulins  (n°  363  du  cat.). 
Il  mesure  om095  de  haut  sur  omo65  de  large.  Le  feuillet 
fortement  rogné  d'apparence,  en  particulier  sur  les  côtés, 
ne  semble  avoir  gardé  aucune  trace  de  numérotage.  Comme 
il  est  collé  en  plein  sur  un  papier  assez  épais,  destiné  à  en 
soutenir  la  fragilité,  il  est  impossible,  d'ailleurs,  d'en  entre- 
voir autrement  que  vaguement  par  transparence  le  revers, 
qui  ne  parait  pas,  tout  au  moins,  contenir  de  croquis. 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


53 


seulement  le  papier  est  identique,  préparé  de  même 
et  du  même  ton  ;  mais  ou  voit  s'y  révéler,  dans 
le  maniement  de  la  pointe  d'argent,  par  les  moin- 
dres accents  et  les  détails  les  plus  menus  de  fac- 
ture, une  identité  absolue  de  main.  Il  n'est 
même  pas  jusqu'à  un  dommage  autrefois  subi 
par  les  feuillets  de  l'album,  qui  durent  être  forte- 
ment mouillés  du  bas  —  on  peut  le  constater  sur- 
tout dans  les  dessins  de  l'Institut  Staedel  et  de- 
là collection  Edm.  de  Rothschild  —  dont  on  ne 
retrouve  également  ici  la  trace,  et  dont  le  souvenir 
atténué  ne  reparaisse  aussi  dans  le  des- 
sin, d'ailleurs  plus  rogné  en  sa  partie 
inférieure,  de  la  vente  de  Lanna.  Le 
dernier  feuillet  identifié  permet  d'af- 
firmer, en  outre,  que  l'accident  s'était 
produit  et  que  le  recueil  fut  dépecé  à 
une  date  très  ancienne.  Car,  d'après 
une  note  annexée  à  un  inventaire  de 
Morel  d'Arleux.  conservateur  des  des- 
sins du  Louvre  de  1798  à  1827.  ce  des- 
sin proviendrait  de  la  Collection  du  Roi, 
sans  qu'on  puisse  dire  exactement  à 
quelle  époque  et  comment  il  y  était 
entré.  A  supposer  même  qu'il  n'ait  pas 
fait  partie  de  la  collection  Jabach 
acquise  de  1(72  à  1676  —  hypothèse 
plausible,  quoiqu'impossible  à  vérifier  (  1  ) 
—  nous  remontons  ainsi,  du  moins,  à 
plus  d'un  siècle  ou  deux  en  arrière. 
Puissent  ces  quelques  indications  aider 
à  faire  retrouver,  si  elles  subsistent  en- 
core, d'autres  par  celles  de  l'ensemble 
depuis  longemps  détruit  ! 

Les  seuls  feuillets  jusqu'ici  connus 
nous  montrent  uniquement  des  études  de  figures, 
simples  têtes  ou  bustes  tout  au  plus,  où  l'artiste, 
ébauchant  à  peine  parfois  en  leurs  linéaments  essen- 
tiels les  détails  du  costume,  consacre  surtout  son 
attention  et  son  soin  aux  visages  mêmes.  Il  nous 
révèle  ainsi  des  préoccupations  toutes  spéciales  de 
portraitiste  délicat.  Mais  le  mystère,  qui  entoure  son 
nom  et  son  1  >rigine,  reste  encore  assez  incomplètement 
débrouillé.  Waagen  attribua  jadis  ces  charmants 
crayons  à  la  première  époque  de  Hans  Holbein  le 
jeune,   débutant  à  Augsbourg.   C'est  sous  ce  nom 

(1)  Le  mystère  restera,  en  effet,  toujours  assez  grand 
pour  les  2911  dessins  non  collés,  estimés  «  le  rebut  »  de  la 
collection,  bien  que  contenant  encore  beaucoup  d'oeuvres 
précieuses,  qui  ne  lurent  l'objet  d'aucun  inventaire  détaillé. 


qu'ils  furent  encore  catalogués  à  la  vente  Klinkosch, 
le  rédacteur  du  catalogue  émettant,  toutefois, 
l'hypothèse  qu'ils  pourraient  bien  être  plutôt  de 
main  flamande  et  y  voyant  assez  bizarrement  des 
études  de  Rogier  van  der  Weyden  pour  une  Cruci- 
fixion. On  a  depuis  cherché  à  serrer  de  plus  près 
la  vérité  dans  le  même  sens  ;  et  c'est  avec  une  plus 
grande  vraisemblance  d'époque,  tout  au  moins, 
que  M.  Martin  Conway,  dans  une  courte  note  du 
Burlington  Magazine  (t.  xin,  juin  1908,  p.  155),  où 
sont     réédités    les    quatre    clichés    du    catalogue 


~¥Wr\       Hf    T< 


Fig.  21.  —  Études  de  têtes  et  de  mains. 
École  française,  fui  du  AT''  siècle. 


Klinkosch,  de  même  que  le  Dr.  Meder,  reprodui- 
sant le  dessin  de  la  collection  de  Lanna  dans  la 
belle  publication  de  l'Albertine,  (1)  ont  prononcé 
le  nom  de  Gérard  David.  Cette  attribution  a  été 
adoptée  comme  sûre,  soit  dans  le  catalogue  de 
la  vente  de  Lanna,  soit  dans  l'excellente  publica- 
tion en  cours  des  dessins  de  l'Institut  Staedel 
[Handzeichnungen  aller  Meister  un  Staedelschen 
Kunstinstilut) 

Une  telle  opinion  est  sans  doute  de  celles  qui 
méritent  un  sérieux  examen.  L'esprit  général  de 
calme  douceur  que  reflètent  ces  dessins,  de  même 

(i)  Handzeichnungen  <ilir>  Mets  tel  me  dei  Mbertinaund 
anderen  Sammlungen,  von  ].  Schônbrun  Sammlungen 
lier  und  Dr  J.  Meder)  Wien,  F.  Schertk,  1.  xi,  u"  [407). 


54 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


que  certains  détails  de  costumes,  de  coiffures  ou  de 
poses,  certains  arrangements,  ne  sont  pas  sans 
évoquer  le  souvenir,  soit  des  Noces  de  Cana  du 
Louvre,  soit  de  la  Vierge  entourée  de  Saintes  du 
i  e  de  Rouen.  (  >n  croirait  presque  par  moments 
y  voir  même  surgir  dans  l'analogie  de  leurs  mou- 
vements telle  ou  telle  figure  de  ces  tableaux.  La 
jeune  mariée,  par  exemple,  ou  la  sainte  Godelive 
aux  yeux  diversement  baissés,  du  Louvre  ou  de 
Rouen,  seraient  à  comparer  aux  dessins  de  Franc- 
fort et  du  Louvre.  Avouons,  toutefois,  qu'après  une 
enquête  attentive,  ces  similitudes  d'apparence 
séduisante  nous  ont  paru  plus  extérieures  et  super- 
ficielles que  profondes.  Une  conformité  d'époque  et 
de  tendances  peut  suffire  à  les  expliquer.  Les 
types  ethniques  semblent  ici  assez  différents  des 
personnages  de  race  flamande,  généralement 
figurés  par  Gérard  David.  Il  y  a,  de  plus,  dans  l'exé- 
cution comme  dans  les  modèles,  une  nuance 
de  fraîche  ingénuité,  une  vivacité  légère,  un  parfum 
combiné  de  bonhomie  et  de  grâce  spontanée,  donl 
la  manière  plus  froidement  précise,  plus  sèche  et 
méticuleuse,  même  des  plus  habiles  et  plus  souples 
maîtres  des  Pays-Bas,  n'offre  guère  l'équivalent. 
Devant  ces  têtes  à  l'expression  si  fine,  notamment 
devant  le  jeune  visage  aux  yeux  baissés  du  dessin 
nouvellement  acquis,  qui,  bien  que  rappelant  la  pose 
de  sainte  Godelive,  est  d'un  sentiment  tout  autre, 
on  ne  peut  s'empêcher  de  songer  aux  filles  de  la 
Touraine  si  délicieusement  glorifiées  par  Fouquet, 
tout  en  pressentant  déjà  aussi  par  avance,  comme 
un  caractère  éternel  de  l'esprit  français,  quelque- 
chose  de  l'art  d'un  Watteau. 

En  somme,  bien  qu'il  soit  peut-être  imprudent 
de  procéder  en  ces  matières  par  affirmation  trop 
ique,  nous  ne  serions  pas  loin  départager 
l'opinion  de  M.  H.  Bouchot  qui,  ne  connaissant 
qu'un  unique  élément  du  problème,  la  Jeune  Fem- 
me aux  violettes  de  l'ancien  fonds  du  Louvre,  en 
attribua  la  paternité  au  Maître  de  Moulins.  Les 
vraisemblances  de  date  présumée  ne  font  pas 
obstacle  a  cette  ingénieuse  conjecture,  que  semble- 
rail    confirmer  aussi  l'esprit    même  des  dessins  en 


leur  particularité  spéciale.  Si  l'on  en  étudie  de  près  la 
facture,  en  la  comparant  à  celle  des  peintures  du  Maî- 
tre de  Moulins  conservés  au  Louvre,  on  est  étonné, 
en  tout  cas,  de  voir  s'y  répéter  des  procédés  singuliè- 
rement pareils:  soit  pour  modeler  un  œil,  en  réser- 
vant toujours  délicatement  en  lumière  le  bord 
intérieur  de  la  paupière  inférieure  ;  soit  pour 
accentuer  l'ouverture  des  narines  ou  la  ligne  de  la 
bouche,  en  éclairant  aussi  le  bas  des  lèvres  ;  soit 
même  pour  écarter  dans  une  main  le  petit  doigt 
des  autres,  par  une  sorte  de  maniérisme  délicat  qui 
fut  une  des  habitudes  constantes  du  maître.  Avec 
Gérard  David,  à  ce  point  de  vue  comme  aux 
autres,  les  rapports  semblent  beaucoup  moins 
étroits.  Il  est  donc  très  possible  que  nous  nous 
trouvions  ici  en  face  des  débris  d'un  livre 
d'esquisses  du  mystérieux  successeur  de  Fouquet, 
qui  fut  le  peintre  des  Bourbons.  Dût-on  même  ne 
présenter  et  n'adopter,  d'ailleurs,  l'hypothèse 
qu'avec  une  part  de  réserve,  il  est  probable,  au 
moins,  que  ces  précieuses  feuilles  d'études  sont 
l'œuvre  d'un  artiste  originaire  de  France  ou  y  tra- 
vaillant vers  la  fin  du  xvc  siècle. 

A  la  vente  de  Lanna  —  nous  n'avons  qu'à  le 
rappeler,  le  fait  ayant  été  signalé  ici  même  (i)  — 
le  Louvre  a  acquis  également  deux  dessins  de 
pure  souche  allemande  et  d'excellente  qualité,  qui 
auraient  pu  prêter,  de  leur  côté,  à  un  commentaire 
spécial.  Ce  sont  deux  très  rares  spécimens  de  l'art 
de  la  Haute-Allemagne,  qui  a  préparé  ou  côtoyé 
l'art  de  Durer  à  ses  débuts.  Ils  ne  peuvent  être,  à 
ce  titre,  que  les  bienvenus  dans  les  collections  du 
Louvre,  où  la  série  allemande  n'est  pas  la  plus 
richement  développée  et  où  des  œuvres  de  ce  type 
manquaient  presque  totalement.  Mais,  quel  que 
pût  être  l'intérêt  de  ce  nouvel  enrichissement,  il  a 
paru  plus  utile  de  consacrer  uniquement  cette  étu- 
de aux  deux  pièces  les  plus  capitales  du  lot  et 
qui  avaient  l'importance  maîtresse  pour  un  musée 
français. 

Paul  Leprieur 

(i)  Bulletin  des  Musées  de  France,  1910,  n°  3.  p.  4". 


MUSÉES     NATIONAUX 


Acquisitions   et   Dons 


MUSÉE  DU  LOUVRE  f  t  S  1  t  V  1  <v"  ¥ 
-£  °t  °t  Sculptures  du  Moyen  Age  de  la  Renais- 
sance et  des  temps  modernes.  —  Le  département 
a  acquis  récemment  le  buste  d'un  angelot  en  pierre 
de  l'école  bourguignonne  du  XVe  v/<Y/r  qui  paraît 
appartenir  à  la  même  série  que  deux  belles  ligures 
d'anges  volants  du  musée  de  Semur. 

Un  autre  morceau  a  été  acquis,  malheureuse- 
ment aussi  à  l'état  fragmentaire  :  c'est  un  Saint- 
Georges  équestre  s'enlevant  en  haut  relief  sur  un 
fond  de  paysage  montagneux.  Le  buste  du  Saint 
manque  et  le  dragon  est  mutilé.  Mais  ce  qui  reste 
des  figures,  le  cheval  surtout  est  admirable  de 
mouvement  et  de  vérité.  La  sculpture  provient 
d'une  collection  de  Nevers  et  paraît  appartenir 
aux  mêmes  ateliers  que  certains  grands  reliefs 
des  chapelles  de  la  cathédrale. 
•f  °?  °jf  Objets  d'art  du  Moyen  Age  et  de  la 
Renaissance. —  Le  Conseil  des  Musées  a  ratifié  en 
sa  dernière  séance  l'acquisition  de  trois  bronzes 
de  la  Renaissance  Italienne. 

L'un  d'eux  est  connu,  mais  ne  se  trouvait  pas 


dans  les  collections  du  musée,  c'est  1'  «  Entant  au 
Coquillage  »,  un  enfant  aux  cheveux  bouclés,  vêtu 
d'une  simple  tunique  qui  laisse  les  jambes  nues  ; 
il  porte  sur  son  dos  un  gros  coquillage  qui  devait 
être  à  usage  d'encrier. 

Une  petite  Baigneuse,  accroupie  et  s'essuyant 
les  pieds,  par  la  courbe  d'un  dos  charmant  aux 
lignes  harmonieuses,  par  l'heureux  croisement  de 
ses  bras  et  de  ses  jambes  fines,  est  une  pièce  exquise 
en  même  temps  que  rare,  il  ne  semble  pas  qu'il 
en  existe  d'autre  exemplaire,  ce  qui  n'est  pas  fré- 
quent parmi  les  bronzes  italiens  de  la  Renaissance. 

La  troisième  pièce  est  la  plus  importante,  c'est 
une  Victoire  de  vingt-cinq  centimètres  de  hauteur, 
à  la  marche  légère  et  rapide  qui  entraîne  derrière  elle 
les  plis  de  sa  souple  tunique  profondément  creusés  ; 
elle  a  le  bras  droit  levé,  les  ailes  largement  éployées, 
et  se  retourne,  ce  qui  fait  obliquer  légèrement  le 
mouvement  du  corps.  C'est  un  bronze  d'une  très 
grande  élégance,  d'une  très  noble  allure,  d'une  fonte 
et  d'une  patine  admirables.  La  réplique  se  trouve 
dans  les  collections  du  musée  de  South  Kensington. 


Documents  et  Nouvelles 


J.  £.  £>  En  exécution  des  décrets  dont  nous  avons 
annoncé  la  publication  et  dont  le  texte  suit, 
ont  été  nommés  conservateurs  adjoints  au  dépar- 
tement des  peintures,  M.  Jean  GuiffrEy,  au  dépar- 
tement des  objets  d'art  M.  J.-J.  MARQUET  DE  VAS- 
OT.au  Musée  du  Luxembourg  M.  Charles  Mas- 
son,  au  Musée  de  Saint-Germain  M.  Henri  Hubert. 
D'autre  part,  MM.  Carie  Dreyfus,  Gaston 
Brière,  Charles  Boreux,  François  Monod,  attachés 
libres  ont  été  titularisés  dans  les  conditions  prévues 
par  les  mêmes  décrets. 

Décrets     relatifs    au     personnel    des     Musées 
nationaux    et   de    l'Ecole    du    Louvre 

Le  Président  de  la  République  française, 
Sni  le  rapport  du  ministre  de  L'instruction  publi- 
que et  des  beaux-arts, 

Vu  les  décrets  des  ->5  janvier  et  4  mars  1.^74. 
Ier  mars  1879,  -4  janvier  r.882,  5  septembre  1888, 
[2  décembre  1892,  23  et  28  juin  1893,  .7  janviei 
1898,  4  juin  1902,  l<)  janvier  1904,  6  mars  1906, 
7  février  1907  et  22  décembre  1908. 

I  lécrète 
Art.  ier.        I,es  cadres  du  personnel  de  la  direc- 


tion des  musées  nationaux  et  de  l'école  du  Louvre 
sont  fixés  ainsi  qu'il  suit  : 

1  emploi  de  directeur  ; 

m  emplois  de  conservateur  ; 

1  emploi  de  conservateur  du  musée  de  marine  ; 

14  emplois    de    conservateur    adjoint  ; 

10  emplois  de  professeur  à  l'école  du  Louvre  : 

1  emploi  de  secrétaire  de  la  direction  des  musées 
nationaux  : 

1  emploi  de  secrétaire  agent  comptable  de  la 
réunion  des  musées  nationaux  ; 

1  emploi  de  secrétaire  des  musées  de  Versailles 
et  des  Trianons  ; 

1   emploi  de  secrétaire  du  musée  de  Cluny  ; 

I  emploi  de  rédacteur  du  secrétariat  des  musées 
nationaux  ; 

.:  emplois  de  commis  du  secrétariat  des  musées 
nationaux  ; 

1   préposé  à  la  vente  des  moulages  : 

1  préposé  à  la  vente  des  chalcographies  : 

1  préposé  adjoint  à  la  vente  îles  chalcographies  : 

I    garde  de  la  bibliothèque. 

_>4i)  emplois  d'agent  du  service  de  gardiennage, 
savoir  : 

1   chefs  gardiens  : 

5  sous-chefs  gardiens  ; 

1-]  brigadiers  ; 

215  gardiens  : 


56 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


i  chef  d'atelier  au  musée  de  Saint-Germain  ; 

I  chef   menuisier; 

I  encadreur  ; 

I   réparateur  d'objets  d'art. 

Art.  2.  -  Indépendamment  des  cadres  fixés  par 
l'article  ier,  il  peut  être  employé,  suivant  les  besoins 
du  service  et  dans  la  limite  des  portions  de  crédit 
affectées  à  leurs  émoluments,  des  agents  non  commis- 
sionnés  ou  auxiliaires  : 

Des  gagistes,  chefs  ouvriers,  ouvriers  et  apprentis  ; 

Des  agents  du  service  de  surveillance  auxiliaire, 
au  nombre  maximum  de  dix  ; 

Une  dame  dactylographe. 

Un  arrêté  du  ministre  détermine  le  mode  de  recru- 
tement et  les  allocations  de  ces  agents. 
i  II  est  opéré  sur  leurs  émoluments,  qui  ne  sont 
pas  soumis  aux  retenues  prescrites  par  la  loi  du 
9  juin  1853,  un  prélèvement  de  4  p.  100  par  an 
qui  est  versé  à  leur  profit  à  la  caisse  nationale  des 
retraites  pour  la  vieillesse,  en  même  temps  qu'une 
bonification  de  l'Etat  égale  au  prélèvement. 

Art.  3.  —  Les  traitements  et  les  classes  du  per- 
sonnel sont  fixés  ainsi  qu'il  suit  : 

Personnel  administratif  et  personnel 
Je  la  conservation 

Directeur  des  musées  nationaux 12.500 

Conservateurs  : 

De  6.000  à  8,000  fr.  par  avancements  de  1.000  fr. 
Conservateurs  du  musée  de  marine  : 

Classe  unique 4 .  ooo 

Conservateurs  ajdoints  ; 

1  »e  3,000  à  6,000  fr.  par  avancements  de  1,000  fr. 
Professeurs  à  l'école  du  Louvre  : 

Traitement  fixe  :  3,000  fr. 
.Secrétaire  de  la  direction  des  musées  nationaux  et 
secrétaire    agent    comptable    de   la    réunion    des 
musées  nationaux,  5,000  à  7,000  fr. 
Secrétaire  du  musée  de     Versailles  et   rédacteur  du 
secrétariat  des  musées  nationaux  : 

6e  classe 2 .  500 

5e         -     2 .  900 

4"         -     3-J1»' 

3e         -     3-700 

2e         -     4.100 

}rL\    -  -     • 4-5uo 

Secrétaire  du  musée  de  Cluny  : 

Classe  unique 2 .  800 

Commis  du  secrétariat  des  musées  nationaux  : 

7e  classe 2  .  000 

6'  -     2.300 

5e         -     2 .  boo 

4'  -     2.900 

!'  -     3--2UO 

2''         -     3.600 

ir''  4.000 

Prépo  1    à   la   vente   des  chalcographies.    Préposé 
à  la  vente  des  moulages  : 

6e  classe 2 .200 

5''  2.400 

41'  2  .boo 

;'        -    2.800 

-     3.000 

I"  .').  -'00 

Préposé    adjoint    à   la    vente    dis    chalcographies. 
1  '..h ' le  de  l.i  biblii ithèque  : 


5e  classe 2 .  000 

4e         -     2 .  200 

3e         -     2 .  400 

2e      —     2 .  600 

ire     -  -     2.800 

Personnel  du  service  de  gardiennage 

MUSÉES    NATIONAUX   DE   PARIS,    DE  VERSAILLES 
ET    DE    SAINTGERMAIN-EN  LAYE 

Chefs  gardiens  : 

Classe  unique 2 .800 

Sous-chefs  gardiens  : 

Classe  unique 2 .  600 

Brigadiers  : 

Classe  unique 2 .  500 

Gardiens  : 

9e  classe 1 .  600 

8e        -     1.700 

7e        -     1.800 

6e         -     1 .  900 

5e       — 2 .  000 

4e       — 2 .  100 

3e         -     2.200 

2e       —      2.300 

Irc  -      2 .  400 

MUSÉE   DES    TRIANONS 

Brigadier  : 

Classe  unique 1 .  700 

( Gardiens  : 

3e  classe 1 .  200 

2e'         -     1 .  300 

ire        -     1.400 

Personnel  des  ateliers 
Chefs  d'atelier  du  musée  de  Saint-Germain  : 

5e  classe 2 .  400 

4e  -     2 .  700 

3e         -     3  ■  000 

■2e         -     3-500 

ire     -  -     4 .  000 

Chef    menuisier,    encadreur,     réparateur    d'objets 
d'art  : 

4e  classe 2 .  400 

3e         -     2 .  700 

2e         -     3 .  000 

iro     -  -     3.200 

Art.  4.  —  Le  service  médical  des  musées  natio- 
naux  est    assuré    par   quatre   docteurs   qui    reçoi- 
vent   une   indemnité   annuelle   non  soumise  à  rete- 
nue pour  le  service  des  pensions  civiles,  savoir  : 
Le  médecin  des  musées  nationaux  du  Louvre,  du 

Luxembourg  et  de  Cluny 1 .200 

Le  médecin  adjoint  desdits  musées 400 

Le  médecin  des  musées  nationaux  de  Ver- 
sailles et  des  Trianons 500 

Le  médecin  du  musée  national  de  Saint-Ger- 
main    200 

Art.  5.  —  Les  professeurs  de  l'école  du  Louvre 
autorises  par  le  ministre  à  se  faire  suppléer  dans 
leur  enseignement  abandonnent  à  leurs  suppléants 
la  moitié  de  leur  traitement  net. 

I,e  professeur  qui,  s'étant  fait  suppléer  pendant 
cinq  années,  consécutives,  ne  reprendra  pas  son 
cours,  scia  remplacé  comme  professeur  par  un 
conservateur  adjoint. 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


57 


DISPOSITIONS    TRANSITOIRES 

Art.  6.  —  Les  emplois  existant  actuellement 
et  non  maintenus  par  le  présent  décret  seront  sup- 
primés par  voie  d'extinction. 

Les  cinq  attachés  libres  actuellement  en  fonc- 
tions conserveront  leur  emploi  et  auront  droit 
à  un  traitement  fixe  de  2,000  francs. 

Art.  7.  —  Les  traitements  prévus  au  présent 
décret  ne  seront  attribués  aux  ayants  droit  que 
dans  la  limite  des  crédits  accordés  par  le  Parle- 
ment. 

Art.  8.  —  Sont  abrogés  les  décrets  susvisés, 
en  ce  qui  concerne  le  personnel  de  la  direction  des 
musées  nationaux  et  de  l'école  du  Louvre,  et  géné- 
ralement toutes  les  dispositions  contraires  au 
présent  décret. 

Art.  9.  —  Le  ministre  de  l'instruction  publique 
et  des  beaux-arts  et  le  ministre  des  finances 
sont  chargés,  chacun  en  ce  qui  le  concerne,  de 
l'exécution  du  présent  règlement,  qui  sera  publié 
au  Journal  officiel  et  inséré  au  Bulletin  des  lois. 

Fait  à  Rambouillet,  le  25  mai  1910. 

A.  Faîtières. 

Par  le  Président  de  la  République  : 
Le  ministre  de  l'instruction  publique 
et  des  beaux-arts, 
('.ASTON    DOUMERGUE 

Le  ministre  des  finances, 

Georges  Cochery. 


Le  Président  de  la  République  française. 

Sur  le  rapport  du  ministre  de  l'instruction 
publique  et  des  beaux-arts, 

Vu  les  décrets  des  25  janvier  et  4  mars  1S74. 
iL'r  mars  1879,  24  janvier  1882,  5  septembre  1888, 
12  décembre  1892,  23  et  28  juin  1893,  27  janvier 
1898,  4  juin  1902,  19  janvier  1904,  6  mars  1906, 
7  février  1907,  22  décembre  1908  et  25  mai  1910. 

Décrète  : 

Art.  Ier.  —  Les  musées  nationaux  sont  : 

Le  musée  du  Louvre  ; 

Le  musée  du  Luxembourg  ; 

Le  musée  de  Cluny  ; 

Les  musées  de  Versailles  et  des  Trianons  ; 

Le  musée  de  Saint-Germain. 

Des  musées  nationaux  dépendent  les  peintures, 
sculptures,  objets  d'art  ou  de  curiosité  inscrits 
sur  leurs  inventaires  qui  ont  été  ou  pourront  être 
placés  à  titre  de  dépôt  soit  dans  les  palais  de  Com- 
piègne  et  de  Fontainebleau,  soit  dans  tous  autres 
palais,  hôtels  parcs  et  jardins  ou  immeubles  quel- 
conques appartenant  à  l'Etat,  soit  dans  les  musées 
des  départements  et  des  villes. 

Aux  musées  nationaux  est  rattaché  une  école 
qui  porte  le  nom  d'école  du  Louvre  et  qui  est  des- 
tinée à  répandre  la  connaissance  de  l'histoire  de 
l'art  et  plus  spécialement  à  former  des  conserva- 
teurs de  musées. 

Art.  2.  —  L'administration  des  musées  natio- 
naux est  confiée  à  un  fonctionnaire  qui  porte  le 
titre  de  directeur  des  musées  nationaux  et  de 
l'école  du  Louvre. 

Art.    3.   —   Le   directeur   est    nommé   et  révoqué 


par  décret  du  Président  de  la  République  sur  la  pro- 
position du  ministre  de  l'instruction  publique  et 
des  beaux-arts. 

Il  dirige  toutes  les  parties  du  service.  Il  a  seul 
la  signature,  sauf  délégation  confiée  par  lui,  pour 
toute  la  correspondance  relative  au  service  des 
musées. 

Il  prend  toutes  les  mesures  relatives  à  l'acqui- 
sition, à  la  garde,  à  la  conservation,  à  l'installation 
et  au  classement  des  œuvres  d'art,  à  la  publication 
des  catalogues,  à  l'organisation  et  au  fonctionne- 
ment de  l'école  du  Louvre. 

Il  convoque  et  préside  le  comité  consultatif  des 
musées  nationaux  et  le  conseil  des  études  de  l'école 
du  Louvre. 

Il  représente  les  musées  dans  le  conseil  de  l'éta- 
blissement de  la  réunion  des  musées  nationaux  dont 
il  est  membre  de  droit. 

Il  correspond  seul  avec  le  ministre. 

En  cas  d'absence  ou  de  maladie,  il  est  remplacé 
par  le  plus  ancien  des  conservateurs  présents. 

Art.  4.  —  Les  catégories  de  personnel  de  la  direc- 
tion sont  : 

Un  personnel  scientifique  ; 

Un  personnel  administratif  ; 

Des  gardiens  ; 

Des  ouvriers. 

Art.  5.  —  Le  personnel  scientifique  comprend 
outre  les  attachés,  dont  l'emploi  est  maintenu 
provisoirement,  des  conservateurs  et  des  conserva- 
teurs adjoints. 

Art.  6.  — ■  Les  conservateurs  et  les  conservateurs 
adjoints  sont  nommés  et  révoqués  par  décret. 

Les  conservateurs  sont  choisis  de  préférence 
dans  le  personnel  des  conservateurs  adjoints  ou 
parmi  les  savants  et  artistes  qui  se  sont  signalés 
par  leurs  travaux  sur  l'art  et  l'archéologie. 

Les  conservateurs  adjoints  se  recrutent  de  pré- 
férence parmi  les  élèves  diplômés  de  l'école  du 
Louvre,  les  anciens  membres  des  écoles  françaises 
d'Athènes  et  de  Rome,  de  l'institut  français 
d'archéologie  orientale,  de  l'école  française  d'Ex- 
trême-Orient, les  agrégés  de  l'Université,  les  élèves 
diplômés  de  l'école  des  chartes,  de  l'école  pratique 
des  hautes  études,  les  élèves  de  l'école  normale  supé- 
rieure et  des  universités  munis  du  doctorat  ou  du 
diplôme  supérieurs. 

Chaque  vacance  sera  annoncée  par  une  inser- 
tion au  journal  officiel  et  un  délai  d'un  mois  sera 
accordé  aux  candidats  pour  produire  leurs  titres. 

L'examen  des  titres  sera  fait  par  une  commission 
composée  des  conservateurs,  des  secrétaires  per- 
pétuels des  académies  des  beaux-arts  et  des  ins- 
criptions et  belles-lettres. 

Cette  commission,  présidée  par  le  directeur,  sou- 
mettra au  ministre  de  l'instruction  publique  el 
des  beaux-arts  une  liste  des  candidats  aptes  à 
l'emploi. 

Art.  7.  — Les  conservateurs,  et,  sous  leurs  ordres, 
les  conservateurs  adjoints,  sont  chargés  de  la 
conservation,  du  classement  et  de  l'entretien  des 
collections,  des  recherches  et  des  négociations  rela- 
tives à  leur  accroissement,  de  la  rédaction  «les  cata- 
logues, de  l'enseignement  à  l'école  du  Louvre. 

Ils  veillent,  par  des  inspections  régulières,  à 
l'ordre  et  à  la  sécurité  des  collections. 


58 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


II-  onl  autorité  sur  le  personnel  des  gardiens  et 
ouvriers. 

[ls  assurent,  par  un  service  de  permanence,  pen- 
dant les  heures  d'ouverture  des  musées,  les  rela- 
tions avec  le  public  et  avec  le  personnel  de  sur- 
veillance. Les  missions  et  congés  sont  réglés  de 
telle  sorte  qu'aucun  département  ne  puisse  res- 
ter vacant. 

Art.  8.  —  Le  musée  du  Louvre  est  divisé  en  sept 
départements,   savoir   : 

Le  département  des  antiquités  égyptiennes  ; 

Le  département  des  antiquités  orientales  et  de 
i     unique  antique  : 

Le  département  des  antiquités  grecques  et  romai- 
nes ; 

Le  département  des  peintures,  des  dessins  et  de 
la  chalcographie  : 

Le  département  de  la  sculpture  du  moyen  âge, 
de  la  Renaissance  et  des  temps  modernes  : 

Le  département  des  objets  d'art  du  moyen  âge, 
de  la  Renaissance  et  des  temps  modernes  (à  ce 
département  sont  rattachés  les  collections  de  l'art 
musulman  et  de  l'art  de  l'Extrême-Orient)  ; 

Le  département  de  la  marine. 

Le  musée  du  Luxembourg,  le  musée  de  Cluny 
les  musées  de  Versailles  et  des  Trianons,  le  musée 
de  Saint-Germain  constituent  chacun  un  dépar- 
tement des  musées  nationaux. 

La  répartition  des  collections  entre  ces  départe- 
ments, leur  titre  et  leur  constitution  même,  pour- 
ront être  modifiés  suivant  les  besoins  du  service. 

Ces  modifications  seront  déterminées  par  arrêtés 
ministériels  sur  la  proposition  du  directeur. 

Les  emplois  de  conservateur  adjoint  et  d'attaché 
sont  répartis  entre  les  départements  en  raison 
des  nécessités  du  service. 

Art.  ().  —  Le  directeur,  le  conservateur  et  les 
conservateurs  adjoints  forment  ensemble  le  comité 
consultatif  des  musées  nationaux.  Le  comité  con- 
sultant se  reunit  régulièrement  deux  fois  par 
mois,  sauf  en  août  et  septembre. 

Le  directeur  peut,  toutes  les  fois  que  les  cir- 
constances le  demandent,  le  convoquer  en  séance 
extraordinaire. 

Nul  ne  peut  manquer  d'assister  au  comité  sans 
excuse  valable  formulée  par  écrit  avant  l'ouverture 
de  la  séance. 

La  présidence  appartient  au  directeur,  ou.  à  son 
défaut    au  plu-  ancien  des  conservateurs  présents. 

I  tans  les  votes,  en  cas  de  partage,  la  voix  du  pré- 
sident est  prépondérante. 

L  dernier  nommé  des  conservateurs  adjoints 
remplit  les  fonctions  (le  secrétaire. 

Le  comité  délibère  sur  l'acquisition  des  œuvres 
d'art  (i  l'acceptation  des  dons  et  legs  et.  en  géné- 
ral, sur  toutes  les  questions  qui  lui  sont  soumises 
p. ii  le  directeur. 

Aucune  acquisition,  legs  ou  donation  ne  peut  être 
soumise  à  l'examen  du  conseil  de  l'établissement 
■  le  la  réunion  des  musées  nationaux  ou  proposée 
a  l'approbation  du  ministre  sans  un  vote  préa- 
lable du  comité. 

Cependant,   en    cas   d'urgence,   et    dans   l'impOSSÎ- 

bilité  de  réunir  le  comité,  le  direi  teui  et  le  conser- 
vateur compétent  peuvent ,  sous  leur  responsabilité, 
■  i  directement  au  conseil  et  au  ministre. 


Art.  10.  —  L'enseignement  est  donné,  à  l'école 
du  Louvre,  par  le  personnel  des  conservations.  Les 
professeurs  peuvent,  avec  l'approbation  du  direc- 
teur et  après  avis  du  conseil  des  études,  être  auto- 
risés par  arrêtés  à  se  faire  suppléer  par  les  conserva- 
teurs adjoints. 

La  durée  de  la  suppléance  ne  pourra  excéder 
une  année  et  l'autorisation  ne  pourra  être  renouve- 
lée pendant   plus  de  cinq  années  consécutives. 

Art.  il.  —  LTne  chaire  est  attribuée  à  chacun  des 
départements  des  musées  nationaux,  exception 
faite  pour  le  département  des  antiquités  orientales 
et  de  la  céramique  antique  qui  en  comporte  deux, 
du  musée  de  Cluny  et  du  musée  de  marine  qui 
n'en  comportent  point. 

Les  enseignements  qui  y  sont  donnés  sont  fixés 
par  le  ministre. 

Art.  12.  —  Les  professeurs  forment,  sous  la  pré- 
sidence du  directeur,  un  conseil  des  études  qui  se 
réunit  obligatoirement  deux  fois  par  an.  au  début 
et  à  la  clôture  de  l'année  scolaire,  et  plus  souvent 
si  le  directeur  juge  opportun  de  le  convoquer. 

Les  professeurs  suppléants,  pendant  la  durée  de 
leur  suppléance,  seront  admis  au  conseil  des  étu- 
des avec  voix  consultative. 

Le  conseil  des  études  arrête  le  programme  des 
cours  et  conférences,  délibère  sur  toutes  les  questions 
concernant  l'enseignement  ou  le  personnel  de  l'école 
du  Louvre  qui  sont  inscrites  par  le  directeur  à  l'ordre 
du  jour. 

Art.  13.  —  Le  personnel  des  secrétariats  est 
nommé  et  révoqué  par  le  ministre. 

Il  se  compose  : 

i°  Du  secrétaire  de  la  direction,  qui  a  sous  ses 
ordres  un  rédacteur,  des  commis  et  une  dame 
dactylographe,  chargée  du  service  d'expédition  et 
de  copie  ; 

2°  Lu  secrétaire  agent  comptable  de  l'établis- 
sement de  la  réunion  des  musées  nationaux  de 
qui  relèvent  les  préposés  à  la  vente  de  la  chalcogra- 
phie et  du  moulage  et  le  préposé  adjoint  à  la  vente 
de  la  chalcographie  ; 

30  D'un  secrétaire  au  musée  de  Cluny  : 

40  D'un  secrétaire  au  musée  de  Versailles  ; 

5°  De  médecins. 

Le  secrétaire  de  la  direction  est  chargé,  sous 
l'autorité  du  directeur,  de  la  préparation  du  bud- 
get, de  la  liquidation  et  de  l'ordonnancement  des 
dépenses,  des  marchés  de  travaux  et  de  fournitures, 
des  mouvements  dans  le  personnel  et  généralement 
de  l'étude  de  toutes  les  affaires  concernant  l'admi- 
nistration des  musées  nationaux. 

Le  secrétaire  agent  comptable  de  la  réunion  des 
musées  nationaux  est  chargé  sous  sa  responsabilité, 
de  tout  le  service  financier  de  cet  établissement. 

Il  est  chargé,  en  outre,  sous  l'autorité  du  direc- 
teur des  musées  nationaux,  de  l'étude  et  de  la  pré- 
paration de  toutes  les  affaires  qui  concernent  la 
gestion  de  l'établissement  de  la  réunion  des  musées 
nationaux. 

Art.  14.  —  La  surveillance  des  musées  nationaux 
est  laite  par  des  gardiens. 

Les  gardiens  des  musées  nationaux  sont  nom- 
més par  arrêtés  du  ministre  de  l'instruction  publi- 
que et    des   beaUX-artS  d'après  des  listes   de  classe- 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


59 


ment  dressées  au  ministère  de  la  guerre,  en  exécu- 
tion de  la  loi  du  21  mars  1905.  A  défaut  de  can- 
didats militaires,  le  choix  appartient  au  ministre  de 
l'instruction  publique. 

Les  gardiens  peuvent  être  révoqués  par  arrêté 
ministériel  sur  la  proposition  du  directeur. 

Les  gardiens  des  musées  nationaux  sont  répartis 
en  classes.  Ils  avancent  à  l'ancienneté  sur  l'ensem- 
ble du  corps,  à  quelque  musée  qu'ils  appartiennent. 

Les  gardiens  sont  placés  sous  l'autorité  du  direc- 
teur, des  fonctionnaires  de  la  conservation  et  du 
secrétariat  et  commandés  par  des  chefs,  des  sous- 
chefs  et  des  brigadiers. 

Les  grades  sont  donnés  exclusivement  au  choix. 

Art.  15.  —  Un  personnel  auxiliaire  de  surveil- 
lance, recruté  parmi  des  inspecteurs  de  police, 
peut  être  chargé  de  renforcer  dans  les  divers  musées 
nationaux,  le  personnel  des  gardiens. 

Art.  16.  —  Les  mesures  disciplinaires  applica- 
bles aux  gardiens  sont,  en  dehors  de  celles  qui 
sont  prévues  par  le  règlement  intérieur  qui  les  con- 
cerne : 

1°  La  réprimande  par  le  directeur,  sur  la  propo- 
sition du  chef  des  gardiens  ; 

2°  Le  blâme,  infligé  par  le  ministre,  avec  ins- 
cription au  dossier  pouvant  entraîner  l'inaptitude 
à  l'avancement  pendant  une  année  ; 

30  La  rétrogradation  d'un  ou  plusieurs  rangs 
dans  la  classe  ou  la  rétrogradation  à  la  classe  immé- 
diatement inférieure  de  l'emploi  occupé  par 
l'agent  ; 

40  La  révocation. 

L'application  des  trois  dernières  peines  est 
prononcée  par  le  ministre  sur  l'avis  d'un  comité 
composé  d'un  conservateur,  du  secrétaire  de  la 
direction,  du  chef  des  gardiens  et  de  deux  délégués 
non  gradés  désignés  par  le  sort  dans  le  personnel 
des  gardiens. 

Dans  tous  les  cas  prévus  ci-dessus  et  avant  la 
réunion  du  comité,  le  dossier  est  communiqué  à 
l'intéressé  qui  a  le  droit  de  présenter  des  observa- 
tions écrites  ou  verbales. 

Les  arrêtés  qui  édictent  les  trois  dernières 
peines  sont  motivés  et  visent  l'avis  du  comité. 

Au  cas  où  l'agent  mis  en  cause  serait  passible 
de  la  peine  de  révocation  l'accès  du  musée  pour- 
rait lui  être  interdit  par  le  directeur  en  atten- 
dant que  le  ministre  se  prononce. 

Art.  17.  —  Les  musées  nationaux  sont  pourvus 
d'ateliers  : 

Au  Louvre  : 

L'atelier  de  chalcographie,   ■ 

L'atelier  de  moulage, 

L'atelier  des  marbriers, 

L'atelier  de  menuiserie, 

L'atelier  de  montage  et  de  restauration, 

L'atelier  d'encadrement, 

L'atelier  de  la  marine. 

Au  musée  de  Versailles  :  un  atelier. 

Au  musée  de  Saint-Germain  :  un  atelier. 

L'atelier  de  moulage  du  Louvre  est  placé 
sous  les  ordres   immédiats   des   conservateurs    des 


départements  de  la  sculpture  antique  et  de  la  sculp- 
ture moderne  ;  l'atelier  de  la  chalcographie  sous  les 
ordres  immédiats  du  conservateur  des  peintures. 

Les  ateliers  des  musées  de  la  marine,  de  Ver- 
sailles et  de  Saint-Germain,  relèvent  respectivement 
des  conservateurs  des  musées  auxquels  ils  sont 
ratl  achés. 

Art.  18.  —  Le  personnel  des  ateliers  des  musées 
nationaux  se  compose  de  chefs  d'ateliers,  d'ou- 
vriers, d'aides  et  d'apprentis. 

Le  chef  de  l'atelier  de  la  chalcographie  et  le  chef 
de  l'atelier  de  moulage  portent  le  titre  de  chef  de 
service  technique  de  ces  ateliers. 

Auprès  de  l'atelier  de  moulage  est  placé  un  pré- 
posé à  la  vente  des  produits  et  à  la  garde  du  maté- 
riel, auprès  de  l'atelier  de  la  chalcographie  sont 
placés  un  préposé  et  un  préposé  adjoint  à  la  vente 
des  estampes  et  à  la  garde  du  matériel. 

Les  deux  préposés  agissent  comme  régisseurs 
de  recettes  pour  le  compte  de  l'établissement  de- 
là réunion  des  musées  nationaux. 

A  la  bibliothèque  est  attaché  un  préposé  spécial. 

Les  préposés  et  le  préposé  adjoint  sont  choisis 
dans  le  personnel  des  gardiens  et  nommés  par 
arrêtés  ministériels. 

L'atelier  du  musée  de  Saint-Germain  est  dirigé 
par  un  chef  d'atelier. 

Les  chefs  d'ateliers  sont  nommés  par  arrêtés 
ministériels  sur  la  proposition  du  directeur  et  après 
avis  du  conservateur  du  département  ou  musée 
dont  ils  dépendent. 

L'encadreur  et  le  réparateur  de  vases  et  d'anti- 
quités ont  rang  de  chefs  ouvriers. 

Les  ouvriers  sont  embauchés  et  congédies  sur 
la  proposition  des  chefs  d'ateliers  par  le  directeur 
des  musées  suivant  les  besoins  du  service  et  dans 
les  limites  des  crédits  inscrits  au  budget. 

Ils  sont  astreints  à  un  stage  payé  d'un  mois 
avant   leur  engagement   définitif. 

Ils  subissent  chaque  mois  sur  leur  salaire  un 
prélèvement  de  4  p.  100  au  minimum  qui  est  versé 
à  la  caisse  nationale  des  retraites  pour  la  vieillesse, 
l'Etat  faisant,  de  son  côté,  un  versement  égal. 

La  bonification  de  l'État  est  placée  à  capital 
aliéné. 

DISPOSITIONS   GÉNÉRAI.KS 

Art.  19.  —  Nul  ne  pourra  être  promu  à  une  classe 
supérieure  de  traitemenl  s'il  ne  compte  au  moins 
deux  années  de  services  dans  la  classe  où  il  est 
placé. 

Dans  le  personnel  des  gardiens,  les  promotions 
de  classes  sont  attribuées  au  Ier  janvier  et  au  Ier 
juillet  de  chaque  année,  les  promotions  d'emploi 
au  fur  et  à  mesure  que  les  vacances  se  produisent. 

Art.  20.  —  Toutes  les  dispositions  antérieures 
contraires  à  celles  du  présent  décret  sont  abrogées. 

Fait  à  Rambouillet,  le  27  mai  tgiO. 

A.  Fallières. 

1  '.i!   le  Pn  sident  de  la  République 

Le    ministre    de    l'instruction    publique 

■   i  .  beaux  arts. 

(  '.  \si'<  IN    1  lOUMERGUË. 


LE   MUSÉE    DE    LA   SOCIÉTÉ   DES   AMIS   DU    VIEUX   REIMS 


I  >e  toute  part  dans  les  dernières  années  un  mouve- 
ment s'est  dessiné  plus  ou  moins  efficace  et  actif 
de  protestation  contre  le  vandalisme  officiel  ou 
privé  et  de  réunion  entre  les  bonnes  volontés 
conservatrices  de  la  parure  historique  et  pittores- 
que de  nos  vieilles  cités.  La  jeune  société  des  amis 
du  Vieux  Reims,  fondée  en  février  1909,  est  aujour- 
d'hui l'une  des  plus  prospères  et  l'une  des  plus  viva- 
ces  de  ces  associations  de  défense,  peut-être  parce 
que  nulle  part  mieux  qu'à  Reims  on  n'a  senti 
menacé,  dans 
les  derniers 
temps,  en 
deux  ou  trois 
spécimens  de 
premier  or- 
dre, le  patri- 
moine artisti- 
que commun 
d'une  cité 
d'ailleurs  bien 
vivante  et 
prospère.  La 
nécessité  du 
sauvetage  de 
la  maison  des 
Musiciens  a 
montré  la  va- 
leur de  l'effort 
collectif  et 
laissé  grou- 
pées les  bon- 
nes volontés  qui  s'étaient  dressées  contre  sa  dispari- 
tion. Espérons  que  le  succès  ne  se  démentira  pas  dans 
des  occasions  qui  ne  larderont  pas,  dit-on,  à  se  pro- 
duite bientôt.  Contentons-nous  d'ailleurs  ici  d'enre- 
gistrer la  création,  parmi  les  autres  institutions 
dues  à  l'initiative  des  amis  du  Vieux  Reims,  d'un 
musée  auquel,  des  sa  fondation,  les  concours  n'ont 
pas  manqué  et  qui  paraît  devoir,  si  le  mouvement 
continue,  s'enrichir  rapidement  et  heureusement  : 
non  pas,  bien  entendu,  que  l'on  se  propose  de  mo- 
biliser artificiellement  les  parcelles  encore  en  place 
1]  de  la  vieille  ville;  mais  c'est  bien  ici  le  cas 
où  le  musée,  asile  légitime  des  épaves  dispersées, 
peut  aussi  par  des  documents  graphiques  et  des 
reproductions  fidèles  contribuer  à  cette  besogne  de 


Exposition  des  collections  de  la  Société  des  Ami: 


résurrection  qui  est  celle  de  l'histoire  et  des  musées. 
Ce  musée-bibliothèque  a  été  assuré  par  la  bonne 
grâce  libérale  de  M.  Hugues  Krafft,  président  de 
la  .Société,  d'un  local  qui  n'obérera  pas  le  bud- 
get de  celle-ci,  dans  l'ancien  logis  des  Coquebert, 
une  vieille  maison  familiale  du  temps  de  Louis  XIII, 
(5.  rue  Salin)  qui  a  gardé  son  aspect  extérieur  et 
garde  encore  à  l'intérieur  de  nombreux  vestiges  du 
passé. 

Une  exposition  y  a  été  organisée  dès  l'hiver  der- 

n  i  e  r  p  0  u  r 
montrer  soit 
diverses  séries 
d'aquarelles 
et  dessins  eu 
cours  d'exé- 
cution, soit 
les  dons  faits 
à  la  .Société 
depuis  son 
origine  par 
ses  adhérents 
ou  ses  amis. 
Une  grande 
salle  de  Réu- 
nion, avec  une 

cheminée 
Louis  XIII  et 
un  mobilier 
sobrement  re- 
constitué 
dans  le  même 
goût,  servait  de  salle  principale  à  l'exposition.  Une 
autre  salle  dite  salle  de  travail  et  plusieurs  paliers 
ou  cabinets  avaient  pu  recevoir  des  séries  de  do- 
cuments groupés,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  sur  la 
photographie  que  nous  reproduisons  ci-contre,  avec 
un  ordre  et  un  goût  parfait,  sans  entassement, 
ni  allure  de  bric-à-brac,  sans  richesse  super- 
flue de  présentation,  ni  indigence  trop  archéolo- 
gique. 

Les  documents  réunis,  dont  l' Annuaire-bulletin 
de  la  société  nous  donne  la  nomenclature,  consis- 
tent en  gravures  anciennes,  plans  anciens,  dessins 
et  peintures,  sculptures  sur  pierre  et  sur  bois,  vitraux, 
moulages,  etc.  Bibliothèques  et  cartons  ont  déjà 
reçu    quantité   d'ouvrages  et    d'images  précieuses 


Cl.    Rothicr. 
du  vieux  Reims. 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  ERANCE 


pour  le  travailleur  et  pour  le  curieux.  Mais 
nous  noterons  surtout,  parmi  les  achats  faits 
par  la  Société,  outre  25  moulages  choisis  dans  un 
esprit  éclectique  depuis  l'époque  romaine  jusqu'au 
xvme  siècle,  un  bas-relief  en  pierre  du  xve  siècle 
représentant  Dieu  le  père  bénissant,  trouvé  dans 
une  maison  de  la  rue  Laurent  Dératny  et  une 
porte  cochère  de  l'époque  Louis  XV  provenant  de 
l'ancien  palais  archiépiscopal. 

Parmi  les  dons  nous  remarquons,  par  M.  Henri 
Mendel,  deux  médaillons  de  pierre  sculptée,  profil 
d'homme  et  profil  de  femme,  époque  de  François  Ier, 
provenant  d'une  maison  rue  Eugène-Destenque, 
par  M.  Auguste  Coutin  une  tête  en  pierre  au 
xme  siècle  trouvée  rue  de  l'Arbalète,  par  M.  H.  Gar- 
dez une  tête  en  pierre  d'époque  gallo-romaine 
découvertederrièrel'Arc-de-Triomphe,  par  M.  Krafft 
quatre  panneaux  de  bois  sculpté  du  xvie  et  du 
xvme  siècle,  par  M.  Paul  Simon  deux  spécimens 
des  vitraux  en  forme  de  médaillons  de  la  grande 
rose  de  la  cathédrale,  etc. 

Ces  collections,  si  elles  sont,  comme  il  semble, 
rigoureusement  choisies  parmi  les  fragments  de  toute 
nature  qui  puissent  évoquer  la  vie  du  vieux 
Reims  et  son  cadre  aux  époques  antérieures,  si 
elles  sont  bien  présentées  et  classées,  comme  on 
paraît  en  avoir  le  dessein  et  le  goût,  peuvent  former 
des    ensembles    très    intéressants  et  très  curieux, 


Cl.  Rothier. 

Fig.  23.  —  Salle  de  réunion 
de  la  Société  des  Amis  du  vieux  Remis. 

qui  ne  doublent  en  aucune  façon  les  collections 
déjà  existantes,  pas  plus  que  le  Musée  Carnavalet 
ne  fait  double  emploi  avec  Cluuy  ou  avec  le  Louvre. 

P.  V. 


OBJETS  CHINOIS  ANCIENS  ET  CHINOISERIES  DU   XVIII'  SIÈCLE 
AU    MUSÉE   DES   ARTS    DÉCORATIFS 


Nous  nous  intéressons  de  plus  en  plus  aux  arts 
de  l'Asie  Orientale.  Nos  amateurs  y  trouvent  des 
plaisirs  raffinés,  quelques  artistes  un  enseignement. 
Mais  cette  curiosité  ne  date  pas  d'hier.  Na-t-elle  pas 
été  jusqu'à  l'engouement  du  règne  de  Louis  XIV 
à  la  Révolution  ?  C'est  ce  que  nous  rappelle  la  dix- 
huitième  exposition  temporaire  du  Musée  des  Arts 
décoratifs  (1)   :  à  côté  d'objets  fabriqués  en  des 


(i|  Elle  a  été  organisée  par  M.  L.  Metman  avec  le  concours 
d'un  comité  et  de  nombreux  collectionneurs.  M.  Jacques 
Guérin,  attaché  au  Musée  qui  a  pris  une  part  très  active 
à  cette  exposition  nous  en  conservera  un  souvenir  dans 
l'album  La  Chinoiserie  en  Europe  au  XVIII"  siècle  qu'il 
publiera  à  la  librairie  centrale  des  Beaux-Arts. 


temps  lointains  par  les  habitants  du  Céleste  Em- 
pire, gens  «  moult  subtils  de  tous  métiers  »,  comme 
disait  le  rédacteur  du  Livre  de  Marco-Polo,  on  y 
voit  une  collection  très  variée  et  amusante  de  meu- 
bles, d'étoffes,  de  bibelots...  façon  de  Chine,  exé- 
cutés en  Europe  et  particulièrement  en  France  au 
xviii1'  siècle. 

Dans  la  lumière  adoucie  des  dernières  travées  de 
la  nef,  c'est  l'art  chinois  :  terres-cuites  trouvées  dans 
des  tombeaux  de  l'époque  clés  Ilau.  céramiques 
de  la  dynastie  des  Song,  céramiques  émaillées  mu 
biscuit,  stèles  en  pierre,  vases  et  statues  en  bronze, 
émaux  cloisonnés  du  temps  des  Ming,  laques  rouges 
.lits  de   Pékin...   Il  y  a  là  d'inestimables  trésors. 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


Il  faudrait  de  Longues  études  spéciales  pour  en  par- 
ler dignement.  Mais  qui  ne  serait  sensible  à  la  beauté 
des  formes  el  des  matières,  à  la  perfection  du  tra- 
vail 3  Dans  les  vitrines,  des  philosophes  songent, 
un  vas  élèv  oc  col  d'un  blanc  laiteux,  des  coupes 
s'ouvrenl  comme  des  corolles  :  le  bronze  luit  douce- 
ment à  côté  des  riches  émaux  bleus,  rouges  et  verts. 
Aux  murs,  des  peintures  graves  et  sans  éclat,  des 
tapis,  des  plateaux  dont  les  émaux  forment  des 
paysages  qui  eussent  enchanté  Gauguin.  Et  tout 
au  fond  de  la  nef  se  développe  un  paravent  en  laque 
île  Coromandel  où  des  oiseaux  volent  ou  se  repo- 
sent dans  un  ciel  d'or,  au  milieu  de  lotus  et 
d'arbres  en  fleurs.  Si  l'on  a  la  curiosité  de  regarder 
le  revers  de  ce  paravent,  on  y  verra  un  moins  féerique 
spsctacle  :  des  cavaliers  coiffés  de  hauts  chapeaux 
noirs  à  larges  bords.  Ce  sont  des  Hollandais  du 
XVIIe  siècle  ;  et  voilà  qui  nous  annonce  les  rapports 
de  l'Europe  avec  l'Extrême-Orient. 

Ces  rapports,  dont  l'histoire  nous  ferait  remonter 
jusqu'au  temps  des  Romains,  se  multiplièrent 
à  partir  du  XVIe  siècle,  quand  les  Portugais  eurent 
découvert  la  route  des  Indes  par  le  cap  de  Bonne- 
Espérance,  mais  c'est  au  cours  du  xvne  siècle, 
lorsque  furent  fondées  en  Hollande,  en  Angleterre, 
puis  en  France  des  compagnies  des  Indes  Orien- 
tales qu'ils  devinrent  fréquents  et  réguliers.  D'Es- 
pagne et  de  Portugal  où  il  était  né,  le  goût  des  objets 
de  la  Chine  se  répand  alors  dans  toute  l'Europe  (i). 
<  )n  importe  des  étoffes  brodées  ou  peintes,  des 
meubles  et  des  coffrets  en  laque,  des  vases  en 
bronze  et  surtout  des  porcelaines.  Souverains  et 
grands  seigneurs  les  recherchent  à  l'envi.  A  côté  des 
chefs-d'œuvre  de  l'art  italien,  le  cardinal  Mazarin 
montrait  déjà  dans  son  cabinet  des  objets  d'Ex- 
trême-Orient qui  firent  en  1658  l'admiration  de 
Mlle  de  Montpensier.  Les  Inventaires  royaux,  les 
mémoires,  les  catalogues  de  collections  célèbres, 
comme  celles  de  Gaignat,  de  Crozat,  du  duc  d'Au- 
mont,  fournissent  mille  exemples  _  île  ce  goût  : 
il  dure  sans  s'affaiblir  jusqu'à  la  Révolution. 

Les  étoffes  étaient  recherchées  pour  l'ameuble- 
ment. Lorsqu<  I..i  Fontaine  ei  ses  illustres  amis 
firent  à  Versailles  la  promenade  si  joliment  racontée 
dans  les  Amours  de  Psyché  et  de  Cupidon   (1669), 

111     Mlle    11.     Belevitch-Stankevitch     a    raconté    cette 
a    dan     un    livre   plein  de    renseignements  nou- 

!'■    1  ••  >  1.  m    de  l'I  oivei 

itê  de   P  1  ■    ■  /'/11//1 e  ,111    t,  mps   de 

Kl V,  Paris,    [ouvi     [910,  in0  s.   XI. 1 V  j;j,  pp. 


ils  «  s'arrêtèrent  longtemps  à  considérer  le  lit,  la 
tapisserie  et  les  sièges  dont  on  a  meublé  la  chambre 
et  le  cabinet  du  Roy  ;  c'est  un  tissu  de  la  Chine  plein 
de  figures  qui  contiennent  toute  la  religion  de  ce 
païs-là.    Faute    de    Brachmane,   nos   quatre   amis 
n'y  comprirent  rien  ».  —  Combien  plus  de  temps  leur 
eût-il   fallu   pour   considérer    les    trésors    apportés 
en  présent  à  Louis  XIV  en   1686  par  la  fameuse 
ambassade  de  Siam  !   — :  On  servait  le  fruit  et  le 
dessert  dans  des  coupes  de  porcelaine,  même  à  la 
table  royale,  et  l'on  sait  combien  cette  mode  se 
développa  lorsque  les  dépenses  de  la  guerre  eurent 
obligé  le  roi  et  la  cour  à  envoyer  à  la  Monnaie  la 
vaisselle    d'or    et    d'argent.   Dans  les  gravures  de 
Bérain  et  surtout  dans  celles  de  Daniel  Marot,  qui 
travaillait  en  Hollande,  on  voit  des  vases  en  porce- 
laine de  Chine  sur  le  manteau  des  cheminées  et 
jusque  sur  les  corniches  ;   d'autres  posés  sur  des 
consoles  d'applique  mêlaient  leurs  couleurs  à  l'or  des 
lambris,  et  c'est  ce  qu'il  y  a  de  plus  chinois  dans 
un  «  panneau  à  la  chinoise  »,  gravé  par  Mariette 
d'après  J.-F.   Blondel.  Les  plus  beaux   recevaient 
des  montures  en  bronze  dont  l'art  de  nos  ciseleurs 
a  fait  de  précieux  chefs-d'œuvre.  Les  pièces  de  ce 
genre,  conservées  au  Musée  du  Louvre  sont  bien 
connues.  Il  en  est  de  fort  remarquables  parmi  celles 
qu'ont  prêtées  à  l'exposition  du  Pavillon  de  Marsan 
MM.    Doistau,    Hodgkins,    Larcade    et    Lehmann. 
Mais  bien  vite,  l'art  chinois  provoque  chez  nous 
des  imitations.  Ces  objets  apportés  d'un  pays  loin- 
tain à  grands  frais  et  au  prix  de  voyages  qui  n'étaient 
pas  sans  péril,  il  était  inévitable  qu'on  essayât  de 
les  faire  en  Europe,  ou  du  moins,  pour  complaire  au 
goût  du  jour,   d'en  copier  le  décor.  C'est   ce  que 
montre  l'histoire  de  la  faïence  et  de  la  porcelaine. 
Déjà,   au  xvie  siècle,   Venise  avait  essayé  de  sur- 
prendre   le    secret    des    mystérieux    produits    de    la 
Chine  ;   dès  le   milieu   du   XVIIe,   Delft,  héritière  du 
privilège  de  la  faïence  fine  de  La  Haye,  se  flatta 
d'y  avoir  réussi,  puisque  ses  produits,  très  recher- 
chés, se  vendaient  sous  le  nom  de  «  porcelaines  de 
Hollande  ».  Rouen  imite  à  la  fois  Delft  et  la  Chine. 
Et  tandis  que  les  pâtes  tendres  de  Saint-Cloud,  — 
fabrique  chère  au  Régent, —  deChantilly, —  protégée 
par  le  chef  delà  Maison  de  Condé,     de  Mennecy-Vil- 
leroy,  Vincennes,  se  rapprochaient  des  modèles  tant 
admirés  et  en  reproduisaient  les  gaies  couleurs;  tandis 
que   la   porcelaine   dure   était   découverte   en  Saxe 
vers  ijoo.puisen  France.et  faisait  la  gloire  de  Sèvres, 
on  se  plut  dans  toutes  nos  fabriques  de  faïence  à 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


63 


peindre  aux  flancs  des  vases  ou  sur  les  plats  des 
familles  chinoises,  des  haies  de  bambou,  des  pagodes 
aux  toits  retroussés,  des  fleurs  étranges.  La  collec- 
tion de  M.  Papillon  nous  montre  de  nombreux  exem- 
ples de  ce  fait,  empruntés  à  Nevers,  Sinceny,  Lille, 
Sceaux,  Strasbourg,  Saint-Omer,  Les  Islettes, 
Aprey,  Bordeaux,  Marseille,  Moustiers,  Moulins, 
Lyon...  M.  de  Chavagnac  a  envoyé  de  délicieuses 
pièces  en  porcelaine  tendre  de  Chantilly. 

L'histoire  des  laques  et  des  vernis  est  analogue. 
Un  cartonnier  du  temps  de  Louis  XV  à  décor  d'oi- 
seaux et  de  paysages  appartenant  à  M.  Hodgkins, 
une  commode  de  la  même  époque  ornée  de  chimères 
dans'  des  nuages  (à  M.  Larcade)  un  secrétaire  à 
abattant,  œuvre  de  Weiswiler,  qui  fut  reçu  maître 
ébéniste  en  1778...  encadrent  dans  leurs  bronzes 
ciselés  et  dorés  des  panneaux  en  laque  du  Japon. 
Mais  la  plupart  des  meubles  réunis  ici  sont  en  imi- 
tations de  laques,  quelquefois  assez  grossières.  Les 
frères  Martin  doivent  leur  renommée  à  ces  vernis 
«  façon  de  Chine  ».  D'autres  ébénistes  en  faisaient 
bien  avant  eux  et  il  y  avait  au  milieu  du  xviii0  siècle 
à  la  manufacture  des  Gobelins  un  artiste  qui  portait 
le  titre  de  «  Directeur  des  ouvrages  de  la  Chine  en 
peinture  et  dorure  pour  le  Roy  ». 

Il  se  fit  aussi  de  bizarres  échanges.  On  comman- 
dait des  meubles  en  Extrême-Orient  sur  des  mo- 
dèles de  chez  nous  ;  on  y  envoyait  des  panneaux 
pour  les  faire  laquer.  M.  Arthur  Martin  a  prêté  à 
l'Exposition  des  étoffes  tissées  à  Lyon  et  peintes  en 
Chine.  Toute  une  vitrine  de  la  nef  est  remplie  de 
porcelaines  plus  curieuses  que  belles  fabriquées 
en  Chine  pour  la  Compagnie  des  Indes  d'après  des 
dessins  européens.  Tandis  que  nos  artistes  s'effor-' 
çaient,  quelquefois  bien  maladroitement,  de  peindre 
sur  un  panneau  ou  sur  un  vase  des  rochers  et  des 
arbres  qu'ils  n'avaient  jamais  vus,  sinon  sur  des 
porcelaines  ou  des  laques,  des  artistes  chinois  s'ap- 
pliquaient sans  plus  de  bonheur  à  copier  au  fond 
d'une  assiette  nos  guirlandes,  nos  perruques  et 
nos  paniers. 

Le  plus  souvent,  sans  prétendre  à  faire  de  véri- 
tables contrefaçons  des  ouvrages  chinois,  nos  artistes 


se  contentèrent  d'emprunter  à  ces  ouvrages  îles 
sujets  d'inspiration,  et  c'est  alors  que  la  mode  eut 
les  résultats  les  plus  heureux.  Quoi  de  plus  char- 
mant, par  exemple,  que  les  Chinois  si  peu  Chinois 
peints  par  Watteau  au  château  de  la  Muette  ou 
ceux  que  dessinait  Boucher  pour  les  tapisseries 
de  Beauvais  ?  Avant  eux,  Bérain  avait  mêlé  à  ses 
grotesques  d'inspiration  italienne  quelques  figures 
aux  chapeaux  pointus  :  n'était-il  pas  l'ordonnateur 
de  la  fête  chinoise  donnée  en  1700  par  Monsieur 
dans  ses  appartements  de  Versailles  ? 

Peyrotte  peindra  des  chinoiseries  au  château  de 
Choisy,  Huet  habillera  quelquefois  ses  singes  de 
costumes  chinois.  Huquier  et  Pillement  fourniront 
de  fleurs  et  de  paysages  chinois  les  manufactures. 
Les  gravures  vulgarisèrent  ces  compositions  et 
l'on  vit  au  xvine  siècle  des  chinois  partout  :  dans 
les  tentures  de  Beauvais  et  d'Aubusson,  sur  les 
sièges,  sur  les  étoffes  tissées  ou  peintes,  les  papiers 
peints,  les  panneaux  en  marqueterie,  les  pendules 
et  les  cartels,  les  appliques,  les  éventails...  —  sans 
parler  des  jardins  où  l'on  élevait  des  pagodes. 

Mais  quelle  fut  l'influence  d'une  mode  si  pros- 
père ?  Profonde  sur  la  céramique,  puisqu'elle  a 
créé  l'usage  d'une  matière  nouvelle,  de  tons  aux- 
quels on  n'était  pas  accoutumé,  elle  fut  superfi- 
cielle dans  les  étoffes  et  le  mobilier.  Les  Chinois  rem- 
placèrent quelquefois  dans  le  décor  des  amours  ou 
des  nymphes;  ils  s'assirent  sur  des  chenets  à  la  place 
de  Pluton  et  de  Proserpine,  ouvrirent  au  haut  d'une 
pendule  leur  parasol  à  clochettes,  mais  ils  ne  modi- 
fièrent ni  la  technique  ni  les  formes  essentielles.  C'est 
peut-être  une  des  raisons  pour  lesquelles  ils  plurent 
si  longtemps,  jusque  dans  les  dernières  années  de 
Louis  XVI,  en  plein  retour  à  l'antique.  Ils  ne  parais- 
sent pas  avoir  inquiété  les  réformateurs  qui  dès  le 
milieu  du  xvme  siècle  protestaient  contre  la  rocaille. 
C'étaient  de  pacifiques  ambassadeurs  d'un  pays  fabu- 
leux ;  leurs  yeux  rieurs,  leurs  façons  cérémonieuses, 
leurs  longues  robes  à  ramages,  leurs  pêcheurs  à  la 
ligne  et  leurs  clairs  de  lune  amusaient. 

LÉON  Deshairs. 


PUBLICATIONS   RELATIVES   AUX   MUSÉES   DE   FRANCE 


Annales  du  Musé,-  Guimet  (Tome  IV).  —  La 
Peinture  chinoise  au  Musée  Guimet,  par 
MM.  Tchan  Yi-TCHor  et  J.  Hackin.  Paris,  Paul 
Geuthne,  éditeur. 

Cet  ouvrage  présenté  sous  tonne  d'album,  avec 
de  nombreuses  planches,  comprend  un  catalogue 
précis  et  détaillé  des  peintures  exposées  au  Musée 
Guimet  dont  nous  avons  parlé  dans  notre  dernier 
numéro.  Plusieurs  d'entre  elles  sont  reproduites 
d'une  façon  fort  satisfaisante  ;  on  aurait  voulu 
pouvoir  se  rendre  compte  mieux  encore  du  mérite 
de  certaines  autres,  et  en  particulier  de  celles  qui 
proviennent  d'un  don  du  gouvernement  Impérial 
chinois. 

Mais  ce  qui  nous  intéresse  davantage  dans  ce 
volume,  c'est  l'histoire  sommaire  de  la  peinture 
Chinoise  qui  précède  le  catalogue.  Si  résumé  soit- 
il.  il  constitue  pour  les  Français  un  complément 
fort  intéressant  aux  chapitres  consacrés  au  même 
sujet  dans  l'Art  Chinois  de  Paléologue  et  dans 
l'ouvrage  de  Bushell  portant  le  même  titre  qui 
vient  d'être  traduit  dans  notre  langue,  (Laurens, 
éditeur).  Les  auteurs  ne  prétendent  pas  à  l'originalité. 
Us  se  sont  contentés  de  résumer  les  livres  anglais  de 
MM.  Gileset  Hirth,  en  mettant  également  à  contribu- 
tion les  études  particulières  de  M.  Chavannes  parues 
dans  le  Toung-Pao.  L'ouvrage  est  clair,  et,  nous 
semble-t-il,  exact.  Les  références  y  sont  données 
et  par  une  innovation  que  l'on  voudrait  voir 
imiter  dans  les   volumes    traitant    de   sujets   rela- 


tifs   à   l'Extrême-Orient.    MM.    Tchang    Yi-Tchou 
et  Hackin  ont  mis  à  la  fin  de  leur  histoire  un  index 
alphabétique  des  peintres  en  y  joignant  les  carac- 
tères chinois.  G.  L. 
Petites  monographies  des  grands  édifiées  de  la  France. 
—  L'Hôtel  des  Invalides,  par   Louis   Dimier. 
Le  château  de  Vincennes,  par  le  capitaine  de 
Foss*.   Paris,  Laurens  avec  45  et  32  gravures. 

Nous  n'avons  pas  à  apprécier  ici  au  point  de 
vue  historique  et  archéologique  ces  deux  nouveaux 
volumes  de  l'utile  collection  qu'a  fondée,  il  y  a  peu 
de  temps,  et  que  pousse  activement  à  la  librairie 
Laurens  M.  Eugène  Lefèvre-Pontalis.  On  pourrait 
dire  que  c'est  le  catalogue  qui  se  rédige  du  grand 
musée  des  richesses  architecturales  de  la  France; 
mais  nous  noterons  plus  précisément  comme 
rentrant  dans  notre  programme  les  indications 
très  précises  que  M.  Dimier  donne  dans  sa  notice 
sur  les  divers  musées  contenus  dans  l'hôtel  des 
Invalides,  musée  ethnographique,  musée  de  l'Armée, 
musée  d'Artillerie.  Nous  signalerons  en  particulier 
sur  ce  dernier  le  chapitre  de  son  livre  qui  consti- 
tue un  véritable  guide  sommaire  à  travers  le 
magnifique  musée  d'armes  que  l'on  sait.  D'autre 
part  nous  nous  associerons  volontiers  au  vœu  que 
forme  M.  le  capitaine  de  Fossa  de  la  désaffectation 
du  donjon  de  Vincennes  où  quelques  documents 
anciens,  discrètement  arrangés,  sur  l'armement 
du  moyen  âge  remplaceraient  utilement  les  amon- 
cellements d'armes  modernes  qui  y  sont  entassées. 


ÉCOLE     DU     LOUVRE 


°t  V  °t  Le  8  juin  dernier  M.  Louis  Demonts  a  sou- 
tenu une  thèse  qui  lui  a  valu  le  diplôme  de  l'Ecole 
devant  un  jury  composé  de  MM.  Homolle,  direc- 
teur, Leprieur  et  Reinach,  professeurs  à  l'Ecole. 
M.  Demonts  avait  choisi  comme  sujet  de  travail 
la  série  des  dessiu\  allemands  conservés  au  Musée. 
Le  cat  dogue  critique  qu'il  en  a  dressé  en  s'aidant 
des  travaux  les  plus  récents  de  la  science  étrangère 
et  en  y  ajoutant  de  nombreuses  observations  et 
comparaisons  personnelles  a  été  fort  apprécié  et 
pourra  faire  l'objet  d'une  publication  ultérieure 
sur  cette-  série  trop  peu  connue. 
il,  V  Y  Le  z  juillet,  devant  un  jury  présidé  par 
M,  Homolle  et  composé  de  MM.  Pottier  et  Mïchon. 
M.  JEAN  MORIN  a  soutenu  une  thèse  sur  les 
animaliers  de  la  Grèce  dont  nous  donnerons 
prochainement  ici  les  grandes  lignes. 


°£  °f  °£  Conformément  au  nouveau  décret  dont 
nous  donnons  le  texte  d'autre  part,  une  assemblée 
des  professeurs  de  l'Ecole  a  eu  lieu  en  juillet  sous 
la  présidence  de  M.  Homolle.  Les  sujets  des  cours 
de  l'année  1910-1911  y  ont  été  proposés  et  acceptés. 
Nous  en  donnerons  prochainement  la  nomenclature. 
Indiquons  tout  de  suite  que  M.  Dussaud  remplacera 
par  un  seul  cours  d'épigraphie  et  d'archéologie 
orientale  les  deux  cours  de  M.  Ledrain,  que 
M.  Leprieur  compte  faire  cette  année,  le  cours 
d'histoire  de  la  peinture,  enfin  que  les  trois  profes- 
seurs nouvellement  nommés  ouvriront  leur  cours, 
M.  Michon  sur  les  antiquités  grecques  et  romaines 
en  insistant  plus  particulièrement  sur  l'histoire  des 
collections  du  musée.  M.  de  Nolhac  sur  l'art  français 
du  xvrte  et  du  xvin1'  siècle,  principalement  à  Ver- 
sailles, M.  Léonce  Bénédite  sur  l'art  du  XIXe  siècle. 


Fontenay-aux-Roses.  ' —  Imp.  L.  Belienand. 


Le  Gérant  :  G.  Létard. 


Bulletin    des    Musées 
de    France 


LE  BUSTE  DU   CARDINAL    DE    RICHELIEU    PAR  LE   BERNIN 

au   Musée    du   Louvre 


Le  buste  que  Le  Bernin  fit  en  1642  pour  le 
cardinal  de  Richelieu  passe  pour  être  perdu  (1). 
Je  voudrais  essayer  de  démontrer  qu'il  existe 
encore  et  qu'il  n'est  autre  que  le  buste  exposé 
au  Musée  du  Louvre,  actuellement  considéré 
comme  une  sculpture  française  de  la  seconde 
moitié  du  xvne  siècle. 

Ce  qui  a  pu  empêcher  les  connaisseurs  de  re- 
connaître dans  cette  œuvre  la  main  du  Bernin, 
c'est  qu'elle  n'est  pas  très  significative  de  sa 
manière,  et  cela  tient  à  ce  que  Le  Bernin  fit  son 
buste,  non  d'après  l'original,  mais  d'après  trois 
peintures  de  Philippe  de  Champagne  représen- 
tant le  cardinal  de  face  et  de  profil.  Dans  de  telles 
conditions  l'artiste  perd  nécessairement  une 
partie  de  son  individualité'  :  il  n'est  plus  un  créa- 
teur personnel,  n'ayant  d'autre  maître  que  lui- 
même,  pouvant  faire  preuve  de  ses  qualités 
d'observateur  et  de  psychologue,  il  a  un  collabo- 
rateur et  dans  son  œuvre  c'est  ce  collaborateur 
qui  aura  la  plus  grande  part.  Ici  c'est  Ph.  de 
Champagne  qui  a  le  premier  rang,  qui  met  sa 
marque,  une  marque  dont  sou  interprète  ne  peut 
que  malaisément  s'affranchir.  Le  Bernin  qui  était 
un  maître  particulièrement  hardi,  qui  excellait 
à  reproduire  les  mouvements  les  plus  fugitifs 
et  qui  semblait  vouloir  fixer  l'instantané,  devait 
être  très  gêné  lorsqu'il  se  trouvait  réduit  à  copier 
une  attitude  déjà  arrêtée,  et,  d'autre  part,  son 
tempérament  ardent  et  sensuel  devait  être  un  peu 
glacé  par  la  sobriété,  par  la  gravité  sévère  de 
l'art  de  Ph.  de  Champagne    (2). 

(1)  Courajod  dit  que  le  buste  du  Bernin  figurait  em  ore 
au  xvne  siècle  dans  l'inventaire  de  la  Duchesse  d'Aiguillon 
sous  le  n0Qi7,  et  qu'il  y  fut  prisé  1200  livres.  Depuis  lors 
sa  trace  est  perdue. 

(2)  «  Le  Bernin,  dit  Baldinucci,  prétendait  que  dans 
un  portrait  le  tout  consistait  à  mettre  en  lumière  les  qua- 
lités propres  de  l'individu,  ce  que  la  nature  avait  mis  en 


Nous  ne  pouvons  donc  espérer  trouver  dans 
le  buste  du  cardinal  les  traits  ordinaires  qui  sont 
la  marque  du  génie  du  Bernin  et  il  n'est  pas  éton- 
nant que  l'on  passe  devant  le  buste  du  Louvre 
sans  reconnaître  sa  main. 

C'est  à  la,  suite  d'une  étude  très  attentive  du 
style  du  Bernin,  et  de  ses  caractères  particuliers 
aux  diverses  époques  de  sa  vie,  que  je  suis  arrivé 
à  cette  conclusion  que  le  buste  du  Louvre  était 
son  œuvre  et  ce  sont  de  petits  détails  qui  tout 
d'abord  ont  éveillé  mon  attention.  En  l'absence 
de  caractères  fondamentaux,  ce  sont  des  parti- 
cularités secondaires,  surtout  du  travail  de  l'outil, 
des  habitudes  de  main  du  sculpteur,  que  je  vais 
parler.  Je  fus  frappé  tout  d'abord  par  la  façon 
dont  la  chevelure  et  la  moustache  étaient  trai- 
tées, avec  ce  travail  de  très  fines  ondulations 
horizontales,  l'ait  comme  par  un  tremblement  du 
ciseau,  qui  est  caractéristique  de  la  manière  du 
Bernin  et  que  l'on  remarque  surtout  dans  les 
œuvres  faites  avant  1640,  par  exemple,  dans  la 
Daphiic  et  la  Sainto-Bibiane,  manière  qui  rend 
d'une  façon  si  heureuse  la  finesse  et  la  souplesse 
de  la  chevelure.  C'était  encore  un  trait  non  moins 
particulier  au  Bernin,  la  recherche  d'un  autre 
procédé  pour  achever  de  donner  le  plus  de  légè- 
reté possible  à  la  chevelure,  en  la  perçant  «le  trous 
et  en  détachant  les  mèches  les  unes  des  autres. 

Le  Bernin  allait  si  loin  dans  ses  recherches 
de  légèreté  que  ses  œuvres  devenaient   de  ce  chef 

lui  spécialement,  et  non  chez  d'autres  :  mais  qu'il  impor- 
tait dans  cette  rei  tien  he  de  s'attacher  mm  aux  particula- 
riti  ei  ondaires.  mais  au  plus  belles.  \  cet  effet  il  avait 
une  méthode  <Ie  travail  toute  ipéciale.  Il  m-  voulait  pas 
que  les  personnages  qui  posaient  devant  lui  restassent 
immobiles,  mais  il  les  faisail  marchei  et  causer.  De  >  e 1 1 . 
façon  il  découvrait  mieux  leur  nature  intime  et  il  pouvait 
li  repn  lentei  tels  qu'ils  étaient.  Un  personnage  qui  se 
tient  immobile,  disait  il  n'est  jamais  aussi  ressemblant  à 
lui-même  que   lorsqu'il   est  en  mouvement.  » 


66 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


très  fragiles.  C'est  ainsi  qu'il  est  facile  de  constater 
que,  dans  la  moustache  et  dans  la  chevelure 
du  buste  du  Louvre  un  certain  nombre  de  petites 
mè<  lu  s  ont   été  brisées. 

Dans  le  buste  de  Charles  Pr.  roi  d'Angleterre, 
que  Le  Bernin  avait  fait  quelque  temps  aupara- 
vant, non  d'après  nature,  mais  d'après  des  pein- 
tures ci  mime  pour  le  buste  de  Richelieu,  cette 
recherche  de  la  légèreté  des  boucles  de  la  chevelure 
avait  été  une  de- ses  grandes  préoccupations, 
et  nous  avons  sur  ce  point  un  renseignement 
très  intéressant  dans  le  journal  d'un  voyageur 
anglais,  Nicolas  Stone,  qui  rapporte  une  conver- 
sation qu'il  eut  avec  Le  Bernin  en  1638  (1).  Le 
Bernin  lui  demanda  s'il  n'était  arrivé  aucun  acci- 
dent à  son  œuvre  dans  le  voyage  de  Rome  à  Lon- 
dres et  en  particulier  si  aucune  mèche  de  la  cheve- 
lure n'avait  été  cassée  et  il  se  fit  donner  les  plus 
minutieux  détails  sur  la  manière  dont  son  buste 
avait  été  emballé. 

Dans  cette  conversation  Le  Bernin  ne  manqua 
pas  de  s'informer  de  ce  que  l'on  avait  pensé  de  son 
œuvre  à  Londres.  Et  sur  la  réponse  que  tout  le 
monde  l'admirait,  non  seulement  pour  la  per- 
fection, la  délicatesse  (exquisiteness)  du  travail, 
mais  pour  sa  ressemblance  et  la  vérité  de  l'atti- 
tude, il  repondit  qu'on  le  lui  avait  déjà  dit  mais 
qu'il  ne  l'avait  jamais  cru.  Il  était  le  premier  à 
se  rendre  compte  que  des  œuvres  ainsi  faites  ne 
pouvaient  pas  être  très  ressemblantes. 

Ayant  été  mis  en  éveil  par  le  caractère  de  la 
chevelure,  j'étudiai  le  buste  avec  plus  d'attention 
et  il  ne  me  fut  pas  difficile  de  retrouver  d'autres 
traits  de  l'art  du  Bernin.  par  exemple  dans  la  ma- 
nière d'indiquer  les  plis  du  vêtement  et  le  frois- 
sement de  la  soie.  Des  détails  infimes  peuvent. 
dans  des  cas  embarrassants  comme  celui-là.  être 
utilement  remarqués,  telle  cette  recherche  pit- 
toresque de  représenter  les  boutons  du  camail, 
tantôt  complètement  apparents,  tantôt  à  moitié 
engagés  dans  leur  boutonnière  comme  on  peut 
le  remarquer  également  dans  le  buste  du  cardinal 
Scipion    Eforghèse. 

J'ajouterai  enfin  que,  si  l'on  considère,  à  la  Na- 
tional Gallery,  le  triple  Portrail  peint  par  Ph.  île 
Champagne  pour  servir  de  modèle  au  Bernin, 
ou  est  frappé  de  l'étroite  analogie  qui  cxisU  entre 
ces  peintures  et  le  buste  du  Louvre,  dans  l'attitude 

The  1         Bust  "/  Charles  1.  (-Burlington 
Magazine,  mars  1909.) 


générale,  dans  la  silhouette,  dans  le  dessin  de 
la  chevelure  ;  on  peut  noter  un  petit  détail,  fort 
insignifiant  en  lui-même,  mais  ici  singulièrement 
suggestif,  c'est  la  ressemblance  absolue  des  deux 
petits  glands  terminant  le  cordon  d'attache 
du  camail.  Il  est  probable  que  Le  Bernin  avait 
poussé  la  témérité  jusqu'au  point  de  représenter 
le  cordon  lui-même,  tel  qu'il  se  détachait  en 
saillie  sur  la  peinture  de  Ph.  de  Champagne. 
C'était  un  tour,  de  force  bien  fait  pour  le  tenter. 
Mais  ici  c'était  trop  de  fragilité  et  cette  partie 
cassée  n'existe  plus. 

Le  catalogue  du  Musée  du  Louvre  n'indique 
comme  provenance  de  ce  buste  que  le  Musée  des 
Monuments  français,  et  il  est  assez  difficile  de 
remonter  plus  haut.  On  sait  qu'Alexandre  Lenoir 
reçut  différents  bustes  de  Richelieu,  dont  plusieurs 
exemplaires  du  bronze  de  Varin  qu'il  distribua  ou 
sacrifia  pour  la  fonte.  Il  ne  conserva  que  notre 
marbre  qui  semble  avoir  figuré  avant  la  Révolu- 
tion, dans  la  salle  du  chapitre  de  Notre-Dame. 

Mais  un  renseignement  très  intéressant  nous 
est  donné  par  un  autre  buste  en  bronze,  conservé 
à  Postdam,  qui  me  paraît  une  véritable  réplique 
de  celui  du  Louvre  et  qui  sort,  sans  doute,  de 
l'atelier  même  où  a  été  sculpté  le  buste  du  Louvre. 
Le  buste  de  Postdam  faisait  partie  de  la  collection 
Polignac,  collection  qui  vint  en  France  en  1731 
et  qui  fut  achetée  pour  l'Allemagne  en  1742.  Or  ce 
buste,  dans  le  catalogue  de  la  collection  Polignac, 
alors  que  cette  collection  était  encore  à  Rome, 
était  attribué  au  Bernin.  Il  est  donc  établi 
qu'en  173 1,  cinquante  ans  seulement  après  la  mort 
du  Bernin.  il  y  avait  à  Rome  une  tradition  pour 
lui  attribuer  ce  buste.  Cet  argument  venant 
s'ajouter  aux  précédents  leur  donne  une  force 
nouvelle. 

Dans  le  Catalogue  des  Collections  d'œuvres 
d'art  françaises  du  XVIIIe  siècle  appartenant 
à  Sa  Majesté  l'Empereur  d'Allemagne,  catalogue 
publié  à  Berlin  en  rgoo  par  M.  Paul  Seidel,  ce- 
buste,  sans  d'ailleurs  qu'il  soit  fait  mention  de 
sa  ressemblance  avec  celui  du  Louvre,  est  attri- 
bué à  un  sculpteur  français,  mais  le  rédacteur 
du  catalogue  a  eu  la  prudence  d'indiquer  ses 
hésitations  et  de  dire  que  M.  Paul  Vitry  était 
d'avis  de  maintenir  l'attribution  traditionnelle 
au  Bernin. 

J'ai  examiné  très  attentivement  le  buste  du 
Louvre   avec   MM.   André   Michel   et    Paul   Yitry, 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


"7 


conservateurs  de  la  sculpture  moderne.  Tous  deux, 
ils  ont  accepté  l'hypothèse  de  l'attribution  au 
Bernin  et  reconnu  avec  moi  que  ce  buste  n'avait 
aucun  des  caractères  de  l'école  française  du  milieu 
du  xviie  siècle  et  que  pour  trouver  son  auteur 
il  fallait  le  chercher  en  Italie. 
'  Sans  insister  davantage,  je  rappellerai  briève- 
ment dans  quelles  conditions  le 
buste  du  Bernin  a  été  fait.  Les 
relations  de  l'artiste  avec  le  cardinal 
de  Richelieu  ont  été  longuement 
expliquées  soit  par  Fraschetti  dans 
son  volume  sur  le  Bernin,  soit  sur- 
tout par  Courajod  dans  sa  brochure 
sur  Warin. 

Lorsque  Le  Bernin  fit  le  buste  du 
cardinal,  il  était  déjà  dans  toute 
l'apogée  de  sa  gloire  et  les  plus 
grands  personnages  se  disputaient 
l'honneur  d'avoir  leurs  traits  repro- 
duits par  son1]  ciseau.  Il  surfit  de 
citer  le  buste  du  cardinal  Scipion 
Borghèse  fait  en  1632,  et  le  buste 
de  Charles  Ier,  roi  d'Angleterre,  fait 
en  1639. 

Ce  n'avait  pas  été  une  chose 
facile  à  ce  moment  d'obtenir  un 
buste  du  Bernin.  Dans  ses  démar- 
ches le  cardinal  de  Richelieu  avait 
eu  Mazarin  pour  intermédiaire  et 
c'est  le  légat  du  pape,  le  cardinal 
Antonio  Barberini .  neveu  d'Ur- 
bain VIII,  qui  avait  obtenu  l'adhé- 
sion du  Bernin. 

Le  Bernin  avait  vu  le  cardinal 
de  Richelieu  lorsque  celui-ci,  en 
1638,  était  allé  à  Rome  pour  prendre 
le  chapeau  de  cardinal,  mais  il  ne 
pouvait  avoir  qu'un  souvenir  très 
vague  de  sa  physionomie,  lorsque  le 
cardinal  en  1641  lui  commanda 
son  portrait,  et  il  dut  le  luire,  non  d'après  nature, 
mais  d'après  des  peintures.  Dans  la  lettre  d'envoi 
du  buste  au  cardinal,  pour  s'excuser  des  imper- 
fections que  pouvait  présenter  son  oeuvre,  il 
croit  devoir  faire  allusion  à  cet  inconvénient  d'exé- 
cuter une  œuvre  sans  avoir  le  modèle  sous  les  yeux. 

Dès  la  réception  du  buste,  Mazarin  écrivit  au 
cardinal  Barberini  (12  août  1641)  pour  le  remercier, 
«    Les  jeunes  gens  du   Cav.    Bernin   sont    arrivés, 


dit-il.  Ils  m'ont  fait  voir  aussitôt  la  merveille 
qu'ils  apportaient  :  c'est  le  nom  dont  il  me  paraît 
qu'on  peut  l'appeler  ;  car  l'œuvre  dépasse  abso- 
lument toute  idée  qu'on  en  pourrait  faire.  Et 
sans  excepter  les  anciens,  je  crois  que  jamais  une 
tête  si  belle  et  si  parfaite  n'a  été  exécutée  ». 
Cela,  les  termes  de  cette  lettre,  c'est  la  formule 


Fis-  24.  — 


Cl.  Giraudon. 
Buste  du  <  .ud111.il  de  Richelieu  attribui     lu    Bi  rnin. 
[Musée  du  1  ouvre. 

de  politesse  obligée  lorsqu'on  écrit  pour  remer- 
cier un  grand  artiste  et  ceux  qui  onl  été  vos  inter- 
médiaires auprès  de  lui.  Mais  dans  nue  lettre 
du  ;  septembre  1641,  que  Mazarin  écrit  .'1  son 
frère,  il  dit  plus  nettement  sa  pensée.  Et  l'opi- 
nion vraie  de  Mazarin  était  que  l'œuvre  du  Bernin 
était  très  belle,  mais  qu'elle  n'était  pas  très  res- 
semblante. «  Je  vous  dirai  confidentiellement 
que  le  buste  ne  ressemble  pas.   Cela  me  déplaît 


68 


BULLETIN    DES    MUSEES   DE    FRANCE 


extrêmement  parce  que  l'excellence  de  cette 
œuvre  qui  vraiment  surpasse  toute  attente,  ne 
sera  pas  universellement  admirée  ici,  comme 
irrail  eu  lieu  si  elle  avait  été  très  ressem- 
blante. Je  ne  manquerai  pas  toutefois  de  faire 
valoir  cette  œuvre  et  déjà  j'en  ai  fait  remarquer 
la  perfection  à  son  Excellence  et  j'ai  persuadé 
la  plus  grande  partie  de  la  Cour  qu'elle  devait 
la  trouver  très  ressemblante.  » 

Quoiqu'il  en  soit  que  l'œuvre  fut  considérée 
ou  non  comme  très  ressemblante,  elle  plut  beau- 
coup au  Cardinal  de  Richelieu  qui  ne  voulut  pas 
se  contenter  de  n'avoir  qu'un  buste  de  la  main 
du  Bernin  et  qui  lui  demanda  de  faire  sa  statue 
en  pied.  Par  une  lettre  du  24  mai  1642,  adressée 
.m  cardinal,  Le  Bernin  accepte  cette  commande. 
mais  la  statue  ne  fut  pas  faite,  ni  peut-être 
même  commencée,  par  suite  de  la  mort  du  car- 
dinal survenue  en  1642. 

Pour  conclure  et  revenir  au  buste  du  Louvre 
nous  dirons  que  ce  n'est  pas  une  des  plus  belles 
œuvres  du  bernin.  parce  que.  n'étant  que  la  copie 
de  l'œuvre  d'un  autre,  son  génie  ne  pouvait  pleine- 
ment s'y  manifester.  Le  Bernin  était  exception- 
nellement habile  et  il  pouvait  plus  que  tout  autre 
réaliser   ce    tour   de    force   de   faire   une   sculpture 


d'après  des  peintures,  mais  si  son  habileté  pou- 
vait se  faire  admirer  il  manquait  toutefois  dans 
cette  œuvre  ses  qualités  les  plus  hautes,  je  veux 
dire  son  étonnante  faculté  d'observation,  ces  qua- 
lités de  vie  intense  par  lesquelles  il  a  surpassé 
tous  ses  prédécesseurs,  et  qui  font  des  bustes  du 
cardinal  Scipion  Borghèse  et  du  pape  Innocent  X 
des    œuvres  sans  prix. 

On  ne  trouvera  pas  non  plus  dans  ce  buste 
ces  allures  un  peu  théâtrales  parfois,  mais  toujours 
si  hardies,  si  mouvementées,  si  vivantes,  qui  mar- 
quent d'un  trait  tout  à  fait  personnel  les  œuvres 
du  Bernin.  Ici  l'œuvre  est  simple,  calme,  comme 
devait  être  inévitablement  une  œuvre  inspirée 
par  une  peinture  de  Ph.  de  Champagne. 

Ce  qui  reste  le  plus  dans  ce  buste  comme  marque 
du  Bernin,  c'est  sa  manière  de  traiter  le  marbre, 
la  souplesse  de  son  ciseau  indiquant  toutes  les 
nuances  du  modelé  de  la  figure,  c'est  surtout, 
et  ici  il  faut  bien  se  contenter  de  ces  qualités 
secondaires,  son  art  d'exprimer  les  plus  petits 
détails,  c'est  son  habileté  à  rendre  l'apparence 
des  étoffes,  son  art  d'évider  le  marbre,  de  le 
fouiller  et  de  lui  donner  une  légèreté  que  personne 
encore  n'avait  osé  rechercher  avant  lui. 

Marcel  Reymono. 


LES    ACCROISSEMENTS 
DU    DÉPARTEMENT    DE    LA    CÉRAMIQUE    ANTIQUE 

au    Musée    du    Louvre    —    1910 


II.  VASES  PEINTS  GRECS 

Mon  collègue  M.  Jamot  a  signalé  dans  un  pré- 
cédent numéro  (190g,  n"  •')  nos  acquisitions  les 
plus  intéressantes  pour  la  série  des  figurines  de 
terre  1  uib  .  Je  noterai  ici  quelques  achats  de  vases 
peints  grecs,  eu  particulier  ceux  qui  viennent  de  la 
vente  Canessa-Sambon, en  dati   du  10-21  niai  rgio. 

1"  Fragment  d'un  revers  de  coupe  à  figures  noires, 
retouchées  de    blanc    et    de    rouge.    Haut.    0,05; 

la i      Provenance    inconnue    (Catalogue    de 

iv,).  Bon  style  de  la  lin  du  vie  siècle. 
—   Yon  not  re  figure  25. 

Ce  joli   morceau  porte  la  signature  incomplète 

du    fabricant    de    vases    Nicosthènes, 

œuvres  sont  représentées  déjà  dans  notre 

musée  par  la  plus  belle  collection  qui  existe  (voir 


mon   Catalogue   des    vases    du   Louvre,   p.    751    et 
suiv.).    Ce     nouveau    spécimen    est    remarquable 


Fig.  Ji.  —  Fragment  de  coupe 

portant    la   signature  de  Nicosthènks. 

(Musée  du  Louvre.) 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


69 


par  la  qualité  du  style,  car  Nicosthènes  d'ordi- 
naire exécute  ou  fait  exécuter  par  ses  ouvriers 
dans  une  manière  un  peu  rapide  et  lâchée,  surtout 
pour  les  figures  noires.  Celle-ci,  au  contraire,  est 
très  soignée.  C'est  une  représentation  d'Artémis, 
ramenant  sa  main  droite  par  derrière  et  faisant 
le  geste  de  tirer  une  flèche  de  sou  carquois  sus- 
pendu dans  le  dos  ;  la  partie  supérieure  seule 
est  conservée  à  partir  de  la  ceinture.  L'œil  de  la 
déesse  est  indiqué  en  couleur  rouge,  particu- 
larité importante  que  j'ai  déjà  notée  ailleurs 
(Catalogue  des  vases  du  Louvre,  p.  638),  en  par- 
ticulier sur  des  vases  du  cycle  d'Amasis.  et  qui 
atteste  l'influence  de  la  grande  sculpture  peinte 
sur  la  technique  des  vases. 

20  A  ce  beau  fragment  était  joint  un  lécythe 
à  figures  noires,  retouchées  de  blanc  et  de  rouge 
(haut.  0,25),  dont  le  Catalogue  louait  le  dessin 
et  qu'il  attribuait  à  Nicosthènes.  mais  qui  n'est 
en  réalité  qu'un  produit  de  la  fabrication  cou- 
rante et  ordinaire.  Le  sujet  est  banal  et  connu  : 
quatre  femmes  drapées  viennent  puiser  l'eau 
dans  des  hydries  qu'elles  présentent  à  deux  fon- 
taines figurées  par  deux  mufles  de  lionnes 
vues  de  face  ;  des  branchages  feuillus  remplissent 
le  fond  ;  palmeltes  noires  sur  l'épaule,  languettes 
à  la  base  du  col  et  quadrillé  semé  de  points  en  petites 
grenades  sous  le  sujet   principal. 

3°  Amphore  à  figures  rouges.  Haut  0.46.  Pro- 
venance, Grèce  (Catalogue  nu  185.)  Style  rapide 
du    milieu    du    Ve    siècle.    —  Voir  notre  figure  26. 

Deux  hommes  barbus,  drapés  se  font  face  et 
semblent  se  parler.  L'un  apporte  une  amphore 
qu'il  tend  à  son  interlocuteur:  l'autre,  appuyé 
sur  sa  canne  noueuse,  tient  une  bourse  de  la 
main  droite  et  tend  l'autre  main.  De  l'autre  côté 
du  vase,  en  style  plus  négligé,  un  homme  barbu, 
drapé,  sa  canne  à  béquille  tenue  sous  le  bras  gauche, 
avance  la  main  droite  comme  en  parlant  ;  devant 
lui  un  éphèbe  drapé  tient  une  amphore  de  la  main 
droite.  Cette  partie  du  vase  a  subi  des  restaura- 
tions importantes,  notamment  dans  les  draperies 
des  deux  personnages.  —  On  peut  penser  que  les 
deux  tableaux  font  suite  l'un  à  l'autre.  L'acheteur 
de  l'amphore  vient  en  faire  cadeau  à  l'éphèbe 
dont  il  est  l'ami. 

Le  sujet  est  assez  rare.  Quelques  peintures 
relatives  au  commerce  des  vases  ont  été  signalées 
par  M.  Hartwig,  Meisterschalen,  p.   173  et  note  2, 


pi.  XVII,  1  ;   voy  aussi  Walters-Rirch,  Hisi.  ofanc. 
Potlery,   11,   pp.  170-171;  mon  Catalogue  dei   vases 

du  Louvre,  p.  688-689,  et  Douris,  p.  38  pp.  61-62. 


Fig.  -6   —  Amphore  à  ligures  rouges. 
(Musée  du  Louvre.) 

4°  Hydrie  à  figures  rouges.  Haut.  0,375-  Prove- 
nance, Cumes  ou  quelque  autre  localité  de  Campa- 
nie, comme  Capoue  ou  Nola.  —  Voir  notre  figure  27. 

Style  de  la  seconde  moitié  du  Ve  siècle,  avec 
des  détails  de  technique  assez  rares  tels  que 
la  peau  de  lion,  portée  par  Hercule,  dont  les 
poils  --ont  incisés  au  burin,  les  yeux  dont  la 
prunelle  toute  ronde  est  fortement  marquée, 
comme  pour  donner  plus  d'expression  au  regard 
et  ajouter  à  la  scène  une  sorte  d'émotion  dra- 
matique. Le  sujet  lui-même  est  un  curieux  mé- 
lange de  deux  légendes  connues  et  l'on  y  saisit 
sur  le  vif  comment  travaillaient  dans  leur  atelier 
des  fabricants  peu  consciencieux  ou  mal  instruits. 
faisant  usage  des  croquis  >■!  des  modèles  de  tout 
genre   qui    circulaient    de   mains  en    mains. 

On  voit  à  gauche  Hercule  qui,  ayant  laissé 
tomber  sa  massue  à  terre,  a  saisi  une  harpe,  sorte 
de  faucille,  avec  laquelle  il  s'apprête  à  trancher 
la  tête  d'un  serpent   que  de  la  main  gauche  il  a 


yo 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


saisi  pai  le  cou.  Ce  serpenl  se  dresse  sur  un  autel 
à   volutes  el  L'un  quadrillé  sur  la 

face  antérieure,  et  il  a  pour  pendant  symétrique 
un  autre  serpenl  également  dressé  et  tourné  à 
droite.  Entre  les  deux  reptiles,  cm  voit  la  tête 
d'un  jeune  enfant  qui  semble  émerger,  lui  aussi. 
de  l'autel.  A  droite  Athènè  casquée  (un  serpent 
dressé  sert  de  soutien  à  son  cimier),  avec  une  égide 
en  damier,  mais  sans  lance  ni  bouclier,  s'éloigne 
en  retournant  la  tète,  comme  si  elle  avait  peur 
du  second  serpent  dressé  vers  lequel  elle  tend 
la  main  droite  :  près  d'elle  une  autre  femme 
drapée  se  sauve  aussi  en  retournant  la  tète  avec 
frayeur    (voy.    la   fie,,    ci-contre.)    Le    mot    xala;   est 


Fig. 


Développement  d'une  hydrie  à  figures 
[Musée  du  1     •• 


inscrit    deux    lois    en     lettres     effacées,      au-dessus 
d'Hercule  et  à  rot,'  d' Athènè. 

Il  me  parait  évident  que  l'artiste  a  confondu 
el  un  1'  deux  histoire'-  distinctes  :  l°  Hercule 
coupant  les  têtes  de  l'hydre  de  Lerne.  épisode 
où  il  est  souvent  assisté'  de  son  compagnon  Iolaos 
et  de  sa  protectrice  Athènè  :  2°  la  naissance  d'Eri- 
chthonios;  l'enfant  est  mis  dans  une  ciste  avec 
deux  serpents  qui  le  gardent  et  confié-  par  Athènè 
aux  filles  du  roi  Cécrops  qui.  malgré  la  défense, 
ouvrent  la  boite,  y  découvrent  l'enfant  et  •-'enfuient 
devant  les  deux  serpents  qui  les  poursuivent. 
Ce  sujet  est  représenté  sur  une  amphore  ou  péliké 
du  Musée  Britannique  (Annali.  1879,  pi.  F; 
1  ■  :  kon  dei  Mythologie  t,  p.  L307  : 
C.  Smith  (  italogue  0)  the  vase:  Brit.  Mus.,  m, 
p  |;  F.  .72)  sons  une  forme  si  semblable  à  la 
composition  de  notre  hydrii  que  l'on  ne  peut 
iuter  de  l'étroite  parenté  des  deux  types. 
Je    ne    puis    pas    supposeï      qu'Hercule     se     soit 


trouvé  réellement  mêlé  à  la  légende  d'Erichtho- 
nios  ni  qu'il  ait  jamais  défendu  les  filles  de 
Cécrops  contre  les  serpents  d' Athènè  :  aucun 
texte  ne  fait  allusion  à  une  fable  pareille.  Il  est 
donc  beaucoup  plus  vraisemblable  que  le  décora- 
teur du  vase,  ayant  à  traiter  la  naissance  d'E- 
richthonios  dont  il  ignorait  les  détails  exacts, 
a  cru  bon.  en  voyant  deux  serpents  sur  son 
modèle  d'atelier,  d'y  introduire,  pour  plus  de  va- 
riété-, le  grand  tueur  de  monstres  et  le  coupeur  des 
têtes  de  l'hydre.  Une  des  Cécropides  fuyant  a  été 
remplacée  par  Athènè,  mais  on  retrouve  chez  elle 
la  pose  même  et  les  gestes  du  modèle  primitif,  et 
c'est  pourquoi  elle  a  l'air  de  prendre  peur  et  de 
se  sauver,  attitude  incompatible 
avec  sa  nature  de  déesse  guerrière. 
Cette  très  intéressante  peinture  a 
déjà  été  publiée  dans  la  revue  ita- 
lienne     Alisnlllcl      (I906,      I.      pi.       i). 

à  laquelle  nous  avons  emprunté 
notre  ligure,  avec  la  gracieuse  au- 
torisation de  M.  G.  Patroni  qui  l'a 
fait  connaître  le  premier  et  qui 
avait  pu  l'étudier  dans  le  com- 
merce à  Naples.  Mais  je  dois  dire 
que  son  interprétation  est  fort 
différente  de  la  mienne.  Il  y  voit 
_,(.v  une     représentation     nouvelle      du 

combat  d'Hercule  contre  l'Hydre 
de  Lerne,  assisté  d'Athènè  qui, 
pour  venir  en  aide  au  héros,  distrairait  l'attention 
d'un  des  serpents  en  lui  offrant  un  gâteau,  acces- 
soire dont  il  est  impossible  de  voir  la  moindre 
trace  sur  l'original.  Quant  à  la  tète  d'enfant. 
d'après  M.  Patroni,  coupée  et  placée  dans  une 
sorte  de  plat  ou  de  phiale,  elle  serait  un  té- 
moignage des  sacrifices  humains  offerts  à  l'Hy- 
dre, à  l'imitation  des  victimes  offertes  à  d'autres 
monstres  comme  le  Minotaure  et  le  Sphinx. 
Il  m'est  impossible,  je  l'avoue,  d'admettre  ces 
explications,  i°  parce  qu'aucun  témoignage  an- 
tique, ni  écrit,  ni  artistique,  ne  fait  aucune  allu- 
sion à  mi  culte  sanglant  de  l'Hydre  de  Lerne  ; 
2"  parce  que  M.  Patroni  n'a  pas  vu  la  ressemblance 
étroite  qui  existe  entre  cette  peinture  et  celle 
du  vase  du  Musée  Britannique,  représentant  la 
naissance  d'Erichtlionios,  comparaison  qui.  à  mon 
,i\  is,  esl  la  elet  de  l'énigme  posée  par  cette 
curieuse  composition. 

E.   I'ottier. 


BULLETIN    DES    MUSÉES    DE    FRANCE    1910. 


Le  Cardinal  de  Lorraine. 

Réplique  d'un  tableau  de  Georges  Boba. 

(Musée  de  Reims.) 


UN   PEINTRE  DU   MUSÉE  DE  REIMS,  GEORGES   BOB  A 


Il  y  a  au  musée  de  Reims  plusieurs  tableaux 
attribués  au  peintre   Boba. 

L'ancien  catalogue  de  M.  Loriquet  a  joint 
une  notice  sur  ce  peintre,  que  celui  de  Mme  Sar- 
tor  répète  en  abrégé.  Ni  l'une,  ni  l'autre  de  ces 
notices  n'est  satisfaisante,  et  c'est  pour  remédier 
aux  lacunes  qu'elles  maintiennent  que  je  proposerai 
les  lignes  suivantes. 

La  matière  en  a  paru  déjà  au  cours  d'un  ar- 
ticle sur  les  Peintres  de  Portraits  travaillant  en 
France  à  la  fin  du  XVIe  siècle  (i).  Mais  elle  y  était 
mêlée  à  d'autres  choses  dont  il  sera  d'autant 
moins  inutile  de  la  dégager,  que  les  conclusions 
qu'elle  apporte  sont  omises  dans  le  nouveau  cata- 
logue de  Reims.  Ainsi  je  ne  crois  pas  trop  faire 
eu  reprenant  dans  une  revue  consacrée  aux  collec- 
tions publiques,  une  étude  où  l'une  d'elles  se 
trouve  spécialement  concernée. 

Van  Mander  nomme  Boba  dans  son  Livre  des 
Peintres  (2),  au  nombre  des  élèves  de  Frank 
Flore,  eu  ces  termes  :  «  Georges  Boba,  bon  peintre 
et  compositeur.  »  Il  est  difficile  d'être  plus  bref. 
Mais  des  sources  émanées  de  Reims  viennent  à 
propos  enrichir  cette  mention. 

Dans  ses  Graveurs  de  Fontainebleau  (3),  M.  Her- 
bet  le  premier  en  a  fait  le  rapprochement,  le  pre- 
mier essayé  une  notice  de  l'artiste  où  le  témoi- 
gnage flamand  parût  à  côté  des  remarques  lais- 
sées par  les  érudits  de  Reims.  Seulement  une 
chose  pouvait  faire  douter  de  la  légitimité  de  ce 
rapprochement  :  c'est  que  le  Boba  de  Van  Mander 
est  Flamand,  et  que  les  érudits  de  Reims  n'ont 
jamais  cessé  "de  faire  leur  Boba  Rémois.  Le  dernier 
catalogue,  fidèle  à  cette  habitude,  le  maintient  à 
l'école  Rémoise.  Comment  accorder  l'un  et  l'autre  ? 

Il  faut  savoir  que  cette  assertion  de  la  part 
des  érudits  de  Reims  a  pour  auteur  M.  Sutaine. 
qui  dans  un  article  des  Travaux  de  l'Académie 
de  Reims  (4)  a  fourni  tous  les  renseignements 
que  Loriquet  reproduit  dans  son  catalogue.  Or 
quel  est  le  garant  de  M.  Sutaine  ?  Lui-même  l'in- 
dique dans  cet  article  :  c'est  Marlot  compilé  par 
Maillefer.    Marlot     compilé    par    Maillefer    est     nu 

(1)  Les  Arts  anciens  de  Flandre  et  de  Brabant,  an.  1905 
p.  m. 

(2)  Trad.  Hymans  t.  1,  p.  349. 

(3)  Annales  de  la  Société  Historique  du  Gatinais,  an.  1901, 
p.  22  de  l'article. 

(4)  T.  xxxi  an.  1861,  p.  183. 


manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Reims.  L'ouvrage 
de  Dom  Marlot  de  l'ordre  de  saint  Benoît,  consis- 
tant en  une  Histoire  de  Reims  manuscrite  égale- 
ment, est  perdu..  Seul  cet  abrégé  signé  de  Maillefer 
nous  reste.  A  ces  deux  auteurs  il  faut  joindre  un 
troisième,  lequel  a  ajouté  à  l'abrégé  susdit  des 
notes  dont  le  fond  ne  paraît  venir  ni  de  Marlot 
ni  de  Maillefer.  Ceci  soit  dit  pour  l'exactitude,  et 
sans  aucun  dessein  de  diminuer  le  crédit  que  ces 
additions  méritent.  C'est  dans  l'une  d'elles  qu'on 
lit  ce  que  voici. 

«  Le  cardinal  Charles  de  Lorraine  attira  aussi 
dans  Reims  d'habiles  ouvriers  en  sculpture  et 
en  peinture,  tels  que  Georges  Boba,  connu  sous 
le  nom  de  Maître  Georges,  qui  fut  disciple  du 
Titien,  dont  il  reste  quelques  tableaux  d'histoire, 
mais  beaucoup  plus  de  portraits,  qui  sont  fort 
estimés   (1).   » 

Cette  note  est  le  seul  passage  du  livre  où  soit 
fait  mention  de  Boba  :  quand  Sutaine  se  réfère 
de  Boba  chez  Maillefer,  il  ne  peut  donc  viser  d'au- 
tre passage.  Or  il  est  remarquable  qu'on  ne  trouve 
là  nulle  mention  d'une  origine  rémoise  du  peintre. 
Au  contraire,  on  y  lit  que  le  cardinal  avait  attiré 
Boba  dans  Reims  :  c'est  une  preuve  que  Boba  n'en 
était  pas.  Ainsi  cette  origine  prétendue,  répétée 
d'après" M.  Sutaine  et  dont  celui-ci  n'allègue  de 
garant  que  cette  note,  doit  être  tenue  pour  con- 
trouvée. 

Rien  n'empêche  donc  de  reconnaître  le  Boba 
de  Van  Mander  dans  le  Boba  qui  vécut  à  Reims. 
Même  on  peut  appuyer  cette  identité  sur  des  do- 
cuments rémois  bien  plus  anciens  que  le  manus- 
crit de  Maillefer.  qui  donnent  à  cet  artiste  la  qua- 
lité de  Flamand.  Chesneau,  poète  rémois,  auteur  * 
de  pièces  latines  en  tête  desquelles  il  prend  le  nom 
de  Querculus,  nomme  trois  fois  Boba  dans  un  re- 
cueil manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  Reims. 
Peux  de  ces  mentions  portent  la  nation  du  peintre  : 
«  Georgius  Boba  Flandrus  pictorum  nostrœ  œtatis 
nobilissimus.  —  Georgio  Boba  Flandro  pictori  nobi- 
lissimo  »  (2).  Ces  témoignages  sont  péremptoiies. 
Les  recueils  imprimés  de  Chesneau  se  placent 
entre  1553  et  1562  :  la  reliure  du  manuscrit  susdil 
porte  la  date  de  [580  :  voilà  le  temps  où  le  Fla- 
mand  Boba  viv:iil   à  Reims. 

(1)  T.  11  fol.  231  i". 
{.!)  Fol.  83  r",  fol.  93  r». 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


La  pièce  d'archives  suivante  achève  d'établir 
le  fait  : 

Année  1579.  "  A  Georges  Bauba  peintre,  demeu- 
rant en  ceste  ville  de  Reims,  la  somme  de  six  livres 
deux  sols  tournois,  a  lui  payée  par  ledict  sieur 
Le,  pour  son  sallaire  d'avoir  faict  la  figure 
de   la  devanture 

dict    1  A-bel   (1).  » 

Venons  main- 
tenant à  d'antres 
points. 

Les  plus  pro- 
chains doivent 
être  recherchés 
dans  un  des  ou- 
vrages du  musée 
de  Reims,  un 
portrait  d'hom- 
me (2)  où  se  lit 
cette  signature  : 
.17e  Georges  pin- 
xit.  et  dans  un 
inventaire  de  la 
cathédrale  de 
Reims  dressé  en 
166g,  où  se  trou- 
ve ce  passage  (3): 

«  Au-dessus  de 
la  chaire  archié- 
piscopale, contre 
le  t;ros  pilier,  est 
un  grand  tableau 
ou  portraict  du- 
dit  seigneur  car- 
dinal de  Lor- 
raine, ouvrage  de 
maistre  < .  1 11  ges 
peintre  dudit  sei- 
gneur cardinal, 
fort  1  spérimenté 
en  son  art  -  » 

Que  mait H'  Georges  nommé  en  ces  deux  endroits 
suit  le  même  peintre,  c'est  ce  qui  ne  peut  faire 
de  doute.  Que  ce  Georges,  rapporté  comme  peintre 

impti     d      Chau    éi      rendu   par  Nicolas  (  oguault 
75-1579,  fol.  264,   r.   Ce   dessin   du    peintre  était 

requis  pou:   un  pi [ui    <    plaidait   à  Paris. 

(jj  N°  40  du    nouveau    1  atalogue.  On   .1    supposé  qu'il 
I  ■  di     bombardiers. 

0 


du  cardinal  de  Lorraine,  soit  le  même  que  Georges 
Boba  à  qui  l'annotateur  de  Maillefer  donne  la 
même  qualité,  cela  ne  paraîtra  pas  moins  certain, 
surtout  pour  qui  considérera  que  l'annotateur 
de  Maillefer  lui-même  prend  soin  de  présenter 
Boba  à  la  fois  sous  son  nom  propre  et  sous  celui  de 

«    Maître    Geor- 


v 


1  ig 


ges  ».  Le  portrait 
du  musée  porte 
au  dos  la  date 
de  1593,  qui  con- 
vient parfaite- 
ment à  Boba. 

Un  autre  té- 
moignage tiré 
d'un  tout  autre 
lieu  vient  en 
troisième.  C'est 
une  note  fournie 
par  Mariette  et 
relevant  quel- 
ques renseigne- 
ments consignés 
sur  un  portrait 
au  crayon  qu'il 
possédait.  Ce 
crayon  portait  ce 
nom  :  Georges 
Boribe.  «  Il  était 
Flamand. dit  Ma- 
riette, et  exerçait 
la  peinture  ainsi 
ci  ne  la  sculpture 
vers  l'an  1569. 
I!  avait  appris 
son  art  en  Italie 
sous  le  Titien  et 
le  Tintoret,  et  il 
avait  été  amené 
en  France  par 
le  cardinal  de 
Lorraine  pour 
travailler  à  Meudon  et  autres  lieux.  Tout  ceci  se 
trouve  écrit  au  bas  de  son  portrait  dessiné  que 
j'ai  dans  un  recueil  de  portraits  de  peintres  la  plu- 
part copiés  d'après  ceux  qui  sont  dans  le  Yasari  (1)  •>. 

(il  Al  in  i-dario  t.  1,  p.  152.  Les  éditeurs  de  l'Abecedario 
ont  porté  cet  article  au  nom  de  Bombare  parce  qu'ils 
Croient  que  Bonbe  désigne  le  peintre  nommé  Bombare  sur 
mi  portrait   au   crayon  du  Cabinet  des  Estampes.  Cela  est 


Portrait  d'un  inconnu,  par  Georges  Boba  (1593 
(Musée  de  Reims.) 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


73 


La  protection  du  cardinal,  la  qualité  de  Fla- 
mand, le  prénom  de  Georges,  suffisent  pour  recon- 
naître notre  Boba,  dont  Bonbe  évidemment  n'est 
qu'une  déformation.  L'éducation  vénitienne  de 
ce  peintre,  consignée  dans  la  note  de  Mariette, 
ne  s'accorde  pas  moins  avec  cette  idée  :  l'imitation 
des  peintres  de  Venise  étant  extrêmement  sen- 
sible dans  le  portrait  du  musée  de  Reims. 

Or  Mariette  ajoute  un  point.  Georges  Bonbe 
(notre  Boba)  doit  être  reconnu  dans  «  Georges 
le  Vénitien  »,  dont  Jacques-Auguste  de  Thou  fait 
mention.  C'est  un  autre  précieux  chaînon  qui 
s'offre  à  notre  prise,  en  ces  termes  : 

[J.  A.  de  Thou]  tel,  dit  cet  historien.,  qu'on  le 
trouve  peint  à  l'âge  de  sept  ans  par  Georges  le 
Vénitien,  qui  était  au  cardinal  de  Lorraine  et  qui 
logeait  dans  le  voisinage  à  l'hôtel  de  Fécamp  (i).  >> 

Qu'on  ait  appelé  Boba  Georges  le  Vénitien 
parce  qu'il  avait  habité  Venise  et  qu'il  en  imitait 
les  peintres,  c'est  ce  qui  ne  peut  faire  difficulté. 
Ainsi  Mignard  fut  appelé  le  Romain.  D'autre  part 
le  nom  de  Georges,  toujours  et  toujours  cette  qua- 
lité de  peintre  du  cardinal,  établit  son  identité. 
«  Georges  le  Vénitien  dit  Mariette,  se  nommait 
Georges  Bonbe  >>;  nous  concluerons  comme  lui, 
sauf  qu'au  lieu  de  Bonbe  nous  disons  Boba. 

Résumons-nous.  Georges  Boba,  Flamand,  élève 
de  Frank  P'iore,  disciple  des  maîtres  Vénitiens, 
qu'il  étudia  dans  leur  pays,  se  trouvait  en  France 
dès  156g  avec  le  surnom  de  Vénitien  au  service 
du  cardinal  de  Lorraine  Charles,  frère  du  duc 
François,  archevêque  de  Reims.  En  1579  il  habi- 
tait cette  dernière  ville  ;  il  y  était  célèbre  et  ho- 
noré. 

Les  curieux  de  gravure  ajoutent  un  autre 
trait,  consistant  en  quelques  estampes,  qui  portent  le 
nom  de  Boba  en  monogramme.  On  en  compte 
six,  dans  le  style  du  Primatice  et  de  l'école  de  Fon- 
tainebleau. 

Faut-il  ajouter  à  ces  talents  de  peintre  et  de 
graveur,  la  sculpture  ?  La  note  citée  par  Mariette 
la  mentionne.  Lacatte-Joltrois,  dans  un  manuscrit 
de  la  bibliothèque  de  Reims  (2),  en  fait  autant. 
Pour  le  reste,  sa  notice  est   visiblement   tirée  de 

possible,  mais  aucun  renseignement  n'étant  joint  sur  ce 
Bombare,  tout  effort  d'identification  porte  à  vide.  J'ai 
voulu  m'en  tenir  ici  au  certain. 

(1)  Ed.  Michaud  et  Poujoulat,  p.  272,  col.  1.  L'hôtel 
de  Fécamp  est  dans  la  rueHautefeuille,  quartier  St-André 
des-Arts,  où  logeaient  les  De  Thou. 

(2)  T.  m  p.  57. 


l'annotateur  de  Maillefer  ;  quant  à  ce  point  parti- 
culier, il  cite  Ponsludon,  dont  je  n'ai  pu  retrou- 
ver le  témoignage.  Ainsi  on  ne  peut  sortir  du 
doute  à  cet  égard. 

Voici  maintenant  la  liste  des  ouvrages  de  Boba. 
Les  uns  sont  mentionnés  aux  textes  déjà  cités, 
d'autres  nous  sont  apportés  d'ailleurs. 

1.  Le  portrait  de  l'archidiacre  Pierre  Rémi 
de  Reims,  au  témoignage  de  Querculus  (1). 

2.  Un  portrait  anonyme  signé,  au  musée  de 
Reims,   cité  plus  haut. 

3.  Celui  du  Cardinal  de  Lorraine,  au  témoignage 
de  l'inventaire  ci-dessus. 

4.  Celui  de  Jacques- Auguste  de  Thou  à  sept 
ans. 

5.  Un  tableau  de  la  France  désolée,  au  té- 
moignage du  peintre  rémois  Baussonnet,  dans 
un  recueil  de  dessins  de  la  Bibliothèque  de 
Reims  (2}. 

6.  Une  représentation  de  la  Sainte  Ampoule 
au  témoignage  de  Querculus  (3). 

7.  Un  dessin  de  l'Ile  Saint-Barthélémy  à  Rome, 
au  témoignage  de  Mariette,  qui  sans  doute  y  lisait 
la  signature  du  maître. 

De  ces  sept  ouvrages  uii  seul,  le  n°  2  est  con- 
servé. Du  n"  5  uu  fragment  minime,  consistant 
en  une  tête  d'ange,  se  trouve  copié  au  livre  de  Baus- 
sonnet, avec  indication  de  la  provenance  et  de 
l'auteur  (4). 

Quant  au  11"  î,  il  n'y  a  quasi  point  de  doute 
que  nous  en  possédions  un  grand  nombre  de  co- 
pies dans  les  répétitions  d'un  même  type  du  car- 
dinal de  Lorraine,  dispersées  dans  les  collections. 
Le  musée  de  Reims  en  expose  un  échantillon, 
qui  pourrait  bien  être  de  la  main  du  maître.  Le 
Lycée  et  l'Hôtel-Dieu  de  la  même  ville  possèdent 
deux  de  ces  copies  en  pied,  telles  vraisemblable- 
ment qu'était  l'original  de  la  cathédrale.  Au 
musée  c'est  un  buste,  du  reste  rigoureusement 
conforme  pour  toute  la  partie  qu'il  reproduit. 
La  qualité  en  est  lionne,  et  il  a  passé  autrefois 
pour  ouvrage  du  Titien  lui-même.  Il  y  a  une  copie 
de  ce  buste  à  Roehampton  chez  lord  Leven  et  Mel- 
ville,  une  autre  en  miniature  chez  le  marquis  de 
Chennevières  (Voir  notre  pi.  V). 

(1)  Ouv.  cit.  fol.  92  r". 

(2)  Fol.  S  r°. 

(3)  Fol.  s-'  ■". 

!  Vutre  peinture  imitée  après  le  grand  peintre  maître 
Georges  Bobas.  Cet  ange  est  au  tableau  de  la  France 
désolée.   »  pass.  cit. 


74 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


01  trait  du  musée  porte  l'inscription  sui- 
vante :  Carolus  Cardinaîis  a  Lotharingia  archie- 
piscopus  dux  Remensis  anno  1572  MtaUs  48. 
Sur  celui  de  l'Hôtel-Dieu  est  inscrite  la  même 
date    ■    An"    D   MDLXXII   -F  XLVIII.  L'ouvrage 


est  gravé  par  Granthomme  avec  celle-ci  (qu'il 
convient  de  corriger)  :  Anno  domini  1575  œtatis 
50  ;  et  aux  Hommes  Illustres  de  Thevet  avec 
les  mains  changées. 

L.  Pimikk. 


MUSÉES     NATIONAUX 
Documents   et  Nouvelles 


MUSÉE     DU     LOUVRE    ¥f°e°ft°ft°t 

°t  H  -f  Peintures  et  dessins.  —  M.  Jules  Maciert 
a  offert  au  musée  du  Louvre  dans  le  courant  de 
l'année  dernière  une  très  belle  miniature  de  l'Ecole 
de  Tours  du  début  du  xvie  siècle  qui  provient  de 
la  vente  de  M    A.  Cruyer. 

°t  °f  °s?  Sculptures  gréco-romaines.  —  Le  dépar- 
tement des  antiquités  gréco-romaines  a  reçu  du 
service  des  antiquités  tunisiennes  le  moulage 
patiné  d'un  Hermès  trouvé  dans  les  fouilles  sous- 
marines  de  Madicha.  Ce  moulage  sera  placé  dans 
la  salle  du  Manège. 

MUSÉE  DE  VERSAILLES  ET  DES  TRIANONS 

H  °£  "<?  Sur  l'ordre  de  M.  le  Sous-Secrétaire  de 
l'Etat  des  Beaux-Arts  le  garde  meuble  a  organisé 
cette  année  dans  la  galerie  des  Batailles  l'expo- 
sition de  deux  séries  de  tapisseries  des  Gobelins. 
La  première  suite  est  celle  qui  fut  exécutée  d'après 


les  peintures  de  Mignard  dans  la  galerie  de  Saint - 
Cloud  ;  la  seconde,  dite  de  Y  Ancien  testament,  est  de 
l'invention  d'Antoine  Coypel.  Il  est  à  regretter 
seulement  que  l'administration  du  Garde-Meuble 
continue  à  encadrer  ces  tentures  pâlies  de  draperies 
d'un  rouge  vif. 

La  Société  des  Amis  de  Versailles  a  entendu  au 
mois  de  juin  une  conférence  de  M.  Frédéric  Masson 
faite  au  Grand  Trianon  :  les  Trianons  pendant 
l'Empire.  Au  mois  de  juillet  M.  H.  Roujon  a  fait 
pour  la  même  société,  au  château,  une  autre  con- 
férence sur  Une  visite  de  poètes  à  Versailles  sous 
Louis  XIV  (Versailles  décrit  par  La  Fontaine). 

Enfin  on  a  solennellement  inauguré  au  mois 
de  juillet  dernier  l'installation  de  la  statue  de 
Washington,  réplique  moderne  en  bronze  de  celle 
que  Houdon  exécuta  pour  les  Etats-Unis,  offerte 
à  la  France  par  la  libéralité  américaine.  Nous 
reviendrons  prochainement  sur  cet  intéressant 
document. 


DÉCRET 
Relatif  au  Dépôt  d'Œuvres  d'Art  appartenant  à  l'État 

Dans  les  Musées  départementaux 
ou  communaux  qui  ne  sont  pas  investis  de  la  Personnalité  civile 


Le  Président  de  la  République  française, 

Sur  les  rapports  du  ministre  de  l'Instruction 
(ublique  et  des  Beaux-Arts  et  du  ministre  de 
'Intérieur, 

Vu  la  loi  du  m  frimaire  de  l'an  III  ; 

Vu  le  décret   du   j.^  mars   1852,  article  5,  n°  il  ; 

Le  Conseil  d'Etal  entendu 

Décrète    : 

CHAPITRE  Ier 

CONDI'l  [I  INS    I>t'    M  l'(  IT 

Histil  général  on  un 


Article   r  r.         Lorsqu'un 

conseil    imnin  ipal 


pour   le   musée 


dont     1( 


département  ou  la  commune  est  propriétaire,  le 
dépôt  d'oeuvres  d'art  appartenant  à  l'Etat,  la  déli- 
bération qu'il  prend  à  ce  sujet  doit  contenir  l'en- 
gagement de  supporter  les  frais  de  toute  nature 
qu'occasionnera  l'expédition  desdits  objets.  Ladite 
délibération  esl  transmise  au  ministre  de  l'Ins- 
truction publique  et  des  Beaux-Arts  par  le  préfet, 
qui  y  joint  avec  son  avis  les  pièces  suivantes  : 

i°  Le  catalogue,  ou,  à  défaut,  l'inventaire  de 
tous  les  objets  d'art  qui  se  trouvent  dans  le  musée, 
soit  à  titre  de  propriété  départementale  ou  com- 
munale, soit  à  titre  de  dépôts  effectués  par  des 
particuliers  ou  antérieurement  consentis  par 
l'Etal  : 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


75 


2°  Le  règlement  du  musée  ; 

3°  La  description,  avec  plan  à  l'appui,  des  locaux 
qui  sont  ou  seront  affectés  à  l'exposition  des  ob- 
jets dont  la  remise  est  demandée  ; 

4°  Le  montant  des  allocations  annuellement  por- 
tées au  budget,  tant  pour  le  personnel  et  le  maté- 
riel du  musée  que  pour  les  acquisitions  destinées 
à  augmenter  les  collections  et  rénumération  de 
toutes  autres  ressources  ayant  la  même  affectation, 
telles  que  dons,  legs  de  particuliers  ou  subven- 
tions d'autres  communes. 

Art.  2.  —  Le  ministre  des  Beaux-Arts  provoque 
le  rapport  de  l'inspecteur  de  la  circonscription  el 
prend  toutes  autres  mesures  d'inscription  qu'il 
juge   utiles. 

vSur  le  vu  des  pièces,  il  détermine,  s'il  y  a  lieu, 
les  modifications  à  apporter  à  la  construction  et  à 
la  distribution  des  bâtiments,  soit  pour  éviter  les 
détériorations  et  les  pertes  par  incendie,  humidité 
ou  chaleur  excessives,  soit  pour  donner  aux  gale- 
ries l'étendue,  l'aération  et  l'éclairage  suffisants. 
Il  indique  également  les  dispositions  à  prendre  pour 
faciliter  les  études  des  amateurs  et  des  artistes, 
ainsi  que  toutes  autres  modifications  à  introduire 
dans  le  règlement  du  musée. 

Il  communique  ensuite  le  plan  des  travaux 
qu'il  vient  d'arrêter  au  ministre  de  l'Intérieur  et, 
sur  son  avis  conforme,  il  invite  le  département 
ou  la  commune  à  opérer  les  modifications  pres- 
crites avant  l'achèvement  desquelles  aucun  dépôt 
n'est   effectué. 

Art.  3.  —  Aucun  changement  à  la  disposition 
des  lieux  ainsi  arrêtée  ne  peut  être  entrepris,  sauf 
le  cas  de  réparation  urgente,  sans  que  le  ministre 
des  Beaux-Arts  en  ait  été  informé. 

Art.  4.  —  Même  à  l'égard  des  musées  au  sujet 
desquels  il  aura  été  procédé,  à  raison  d'une  pre- 
mière attribution,  conformément  à  l'article  2  ci- 
dessus,  le  ministre  conserve  le  droit,  lorsque  de 
nouveaux  dépôts  seront  sollicités,  de  prescrire 
pour  l'exposition  et  la  conservation  des  œuvres 
d'art  demandées  les  mêmes  précautions  que  celles 
qui  ont  été  ordonnées  pour  les  envois  anté- 
rieurs. 

Art.  5.  —  Pour  tous  les  musées  actuellement 
détenteurs  d'objets  appartenant  à  l'Etat,  il  sera, 
dans  le  délai  d'un  an,  à  partir  de  la  publication 
du  présent  décret,  procédé,  conformément  à  l'ar- 
ticle 2  ci-dessus,  à  l'examen  des  galeries  d'exposi- 
tion et,  s'il  y  a  lieu,  le  département  ou  la  commune 
auxquels  ces  musées  appartiennent  seront  mis  en 
demeure,  s'ils  entendent  conserver  les  dépots  ,|iti 
leur  ont  été  confiés,  d'effectuer  les  travaux  qui 
seront  jugés  nécessaires  par  le  ministre  des  Beaux- 
Arts.  L'arrêté  qui  portera  à  leur  connaissance  la 
liste  de  ces  travaux  et  les  invitera  à  les  exécuter 
fixera,  suivant  les  circonstances,  le  délai  dans 
lequel  ils  devront  être  achevés. 


CHAPITRK   II 

CONSERVATION,      DÉPLACEMENT     PROVISOIRE, 

RETRAIT    DÉFINITIF    DES   OBJETS    DÉPOSÉS 

Art.  6.  —  La  gestion  des  musées  dépositaires 
d'œuvres  appartenant  à  l'Etat  est  confiée  à  un 
conservateur  assisté,  s'il  y  a  lieu,  d'un  ou  plusieurs 
conservateurs    adjoints. 

Le  conservateur  et  les  conservateurs  adjoints 
sont  nommés  par  le  préfet,  conformément  à  l'ar- 
ticle 5,  n°  11,  du  décret  du  25  mars  1852,  sur  une 
liste  portant  présentation  de  trois  noms,  dressée 
par  le  conseil  général,  si  le  musée  est  départemen- 
tal, par  le  maire,  s'il  est  communal. 

Dans  les  musées  auxquels  plus  de  vingt  œuvres  d'art 
ont  été  confiées  par  l'Etat,  les  conservateurs  et  les 
conservateurs  adjoints  seront  choisis  parmi  les  can- 
didats qui  ont  justifié,  devant  une  commission  nom- 
mée par  le  ministre,  de  leur  aptitude  à  ces  fonctions. 

Art.  7.  —  Ces  conservateurs  et  ces  conserva- 
teurs adjoints  sont  spécialement  chargés  de  la  sur- 
veillance et  de  la  garde  des  dépôts  effectués  par 
l'Etat.  Ils  doivent  veiller  à  leur  conservation  et, 
notamment,  s'opposer  à  ce  qu'il  soit  procédé  à 
leur  restauration  par  toute  autre  personne  que  celle 
désignée  par  le  ministre. 

Ils  tiennent  à  jour  un  inventaire  des  dépôts  de 
l'Etat  sur  un  modèle  uniforme  arrêté  par  le  mi- 
nistre, auquel  ils  font,  en  outre,  parvenir,  à  chaque 
publication  qui  en  est  faite,  quatre  exemplaires  du 
catalogue  général  du  musée. 

Art.  8.  —  L'exécution  des  dispositions  qui  pré- 
cèdent est  assurée  par  les  visites  périodiques  de 
l'inspection  locale  et.  au  besoin,  par  des  visites 
extraordinaires   de   l'inspection    générale. 

Art.  g.  —  Le  ministre  des  Beaux-Arts  reste  tou- 
jours maître  d'ordonner  soit  le  déplacement,  soit 
le  retrait  définitif  des  dépôts  consentis  par  l'Etat. 

Art.  10.  —  Le  déplacement  a  lieu  pour  raisons 
de  service,  soit  pour  opérer  un  échange  autorisé 
par  le  ministre  entre  deux  musées,  soit  pour  per- 
mettre à  l'Etat  de  reprendre  momentanément  et 
dans  un  intérêt  public,  la  disposition  de  l'objet. 

Dans  ce  dernier  cas.  les  autorités  locales  sont 
préalablement    consultées. 

La  reconstitution  du  dépôt  esl  effectuée  dans 
l'année  aux  frais  de  l'Etat. 

Art.  11.  —  Le  retrait  du  dépôt  est  prononcé  si 
l'œuvre  n'est  pas  exposée  ou  pour  insuffisance  de 
soins,  insécurité  on  transfert  sans  autorisation  à 
un  autre  établissement   que  le  musée  affectataire. 

Art.  12.  Le  ministre  de  l'Instruction  publique 
et  des  BeaUX-ArtS  et  le  ministre  de  l'Inteiu m 
sont  chargés,,  chacun  en  ce  qui  le  concerne,  de 
l'exécution  du  présent  décret,  qui  sera  publie  .m 
Journal  Officiel  et  inséré  au  Bulletin  des  I 

Fait   à  Rambouillet,  le  24  juillet    [910. 

A.  Fallières. 


MUSÉES     DE     PARIS     &     DE     PROVINCE 

Notes    et    informations 


Ml  SÉE    DES    BU  \UX-ARTS    DE   LA    VILLE 

de  paris  yyyyyyyyyyyyy 

if  if  if  La  nouvelle  section  de  la  médaille  an- 
cienne  et  moderne  dont  nous  avons  annoncé  pré- 
cédemment (n°  3,  p.  471  la  composition  a  été 
inaugurée  le  27  mai  dernier. 

MUSÉE    DES   ARTS    DÉCORATIFS   y   y   y   y 

y  y  y  A  l'Exposition  des  chinoiseries  de  cet 
été  va  succéder  en  novembre  une  exposition  du 
maille  dessinateur  Paul  Renouard. 

pourra  voir  également  avant  l'exposition 
annuelle  des  Artistes  Décorateurs  diverses  séries 
nouvellement  entrées  au  musée,  notamment  les 
collections  léguées  par  Mlle  Grandjean  à  l'Union 
Centrale  des  Arts  Décoratifs,  et  celles  qui  lui 
viennent   de  Mlle  Mimant. 

MUSÉE  DE  SCULPTURE  COMPARÉE   y   y  y 

y  y  y  Depuis  1908  le  Musée  de  Sculpture  com- 
parée a  acquis  d'importants  moulages. 

Il  y  a  bientôt  deux  ans  qu'un  très  gracieux 
petit  monument  des  dernières  années  du  XIIIe  ou 
du  début  du  xive  siècle,  l'édicule  funéraire  du  cœur 
Thibaut  V  de  Champagne,  roi  de  Navarre,  conservé 
a  Provins  a  pris  place  dans  nos  galeries. 

Ce  charmant  reliquaire  de  pierre  à  six  faces  ornées 
de  moines  priants  encadrés  d'arcatures  se  cou- 
ronne d'une  pyramide  de  bronze  doré,  gravé  de 
dessins  délicieux  qui  jadis  encadraient  des  blasons 
émaillés. 

1  mii  été  moulés  en  même  temps  des  détails  du 
portai!  sud  de  l'église  de  Saint-Denis,  exécuté  vers 
[240  sous  la  direction  de  Pierre  de  Montereau;  ces 
détails,  d'autant  plus  intéressants  que  le  public 
1  admis  à  visiter  cette  partie  de  l'édifice, 
consistent  eu  ornements  végétaux  d'une  grande  ori- 
ginalité' et  d'un  admirable  effet  décoratif,  évidés 
te  surprenante  habileté,  et  en  quelques  très 
belles  figurines  des  voussures  malheureusement 
mutilées  au  xvine  siècle. 

■  ion  du  xine  siècle  s'est 
enrichie  du  moulage  du  tombeau  d'une  comtesse  de 
Joigny,  conseï  ette  ville  el   provenant  de 

l'abbaye   de    Dilo.    Le    monument    comprend    une 


belle  statue  couchée  sur  un  socle  dont  les  arcatures 
encadrent  d'intéressantes  figurines.  L'une  d'elles, 
logée  dans  les  ramures  d'un  arbre  (légende  de  Bar- 
laam),  est  particulièrement  originale  et  gracieuse. 

En  1909  encore,  des  détails  du  XIIIe  siècle  ont 
été  moulés  à  l'église  de  Semur  et  à  Notre-Dame  de 
Dijon.  Dans  la  première,  une  travée  et  quelques 
motifs  du  triforium  bien  caractéristique  de  l'école 
bourguignonne,  avec  ses  arcades  tréflées  et  les 
bustes  variés  qui  en  ornent  les  sommiers.  Dans 
la  même  église  on  a  choisi  des  figurines  ornant 
l'intérieur  et  l'extérieur  des  fenêtres  et  une 
originale  gargouille  à  décoration  végétale.  A 
Notre-Dame  de  Dijon,  on  a  moulé  deux  chapi- 
teaux, une  puissante  petite  cariatide  qui,  seule 
de  toute  la  statuaire  du  portail,  a  été  épargnée 
par  les  iconoclastes,  on  y  a  moulé  enfin  un  dais 
curieux  par  ses  frontons  et  ses  amphores  copiés 
sur  des  modèles  antiques.  La  fin  de  la  période  gothi- 
que est  représentée  dans  les  moulages  de  1909  par 
les  bustes  des  trois  Maries  et  de  Joseph  d'Arima- 
thie  du  Saint-Sépulcre  de  Tonnerre.  On  sait  que 
ces  admirables  figures  ont  été  sculptées  en  1453  par 
les  niait  res  Jean  Michel  et  Georges  de  la  Sonnette. 

Différents  dons  sont  venus  compléter  les  séries 
de  la  Renaissance,  grâce  à  la  générosité  de  M.  Fe- 
naille,  une  belle  frise  s'est  ajoutée  aux  moulages  que 
le  musée  possédait  déjà  du  château  de  Montai  : 
le  musée  de  Versailles  a  donné  la  reproduction  du 
mausolée  de  Ferdinand  V  et  d'Isabelle  à  Grenade  ; 
M.  Carie  Dreyfus  deux  figurines  d'enfants  du 
musée  de  Berlin,  l'une  de  Donatello,  provenant  de 
la  cathédrale  de  Sienne,  l'autre  d'auteur  inconnu  du 
XVe  siècle  italien. 

Le  musée  s'enrichit  cette  année  de  plusieurs 
autres  œuvres  non  moins  intéressantes  :  chapiteau 
roman  de  Mozat  (Puy-de-Dôme)  jambage  de 
portai]  du  xme  siècle  à  la  cathédrale  de  Cler- 
mont-Ferrand,  pour  la  même  période,  la  magni- 
fique statue  d'argent,  dite  le  Roi  de  Bourges,  dont 
M.  Pierpont  Morgan,  son  heureux  possesseur,  a  la 
généreuse  pensée  d'offrir  un  moulage  ;  pouj 
la  fin  de  la  période  gothique,  la  non  moins 
belle  statue  de  Notre-Dame  de  Marthuret  à  Riom  ; 
un  choix  de  détails  de  Bro,  la  porte  de  la  Maison 
des  Centaures  à  Montferrand,  et  la  balustrade  de 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


77 


la  chapelle  des  Bourbons  à  la  cathédrale  de  Lyon, 
ornée  de  cerfs-volants  et  de  monogrammes,  enfin 
pour  la  Renaissance,  les  figures  des  Vertus  et  les 
délicieux  médaillons  de  la  cour  de  l'Hôtel  du 
Montât  à  Riom.  C.  Encart. 

MUSÉE  DE  ROUEN  ^f^^f^f^-f 
°é  °f  °$  Le  graveur  Chauvel,  récemment  décédé, 
a  légué  au  Musée  de  Rouen  un  exemplaire  complet 
en  feuilles  de  toutes  ses  gravures  et  lithographies 
avec  tous  les  états  et  planches  des  gravures. 

Il  a  légué  d'autre  part  à  la  Société  des  Artistes 
français  une  partie  de  sa  fortune  à 
charge  de  fonder  un  Musée  de  gra- 
vures au  burin,  eaux-fortes,  etc. 

°ç  °?  °S  On  peut  signaler  égale- 
ment, outre  l'ouverture  de  la  salle 
Depeaux  dont  nous  avons  indiqué 
précédemment  la  composition,  l'ins- 
tallation toute  récente  au  bout  de 
la  grande  salle  du  rez-de-chaussée, 
d'une  petite  salle  tout  entière  cou- 
sacrée  à  Géricault  dont  le  musée 
possède  un  important  ensemble  de 
peintures  et  de  dessins.  Ces  der- 
niers provenant  en  partie  d'un  don 
de   M.  Lebreton. 

MUSÉE  DE  LONGWY  f   V   f   f 

°f   °i?   °t?   Le     Musée     de     Longwy, 
d'après  des  renseignements  qui  nous 
sont  communiqués  par  M.  Maurice 
Nicloux,   son   conservateur,   a  recueilli  un  mois  de 
mars    dernier    un     pilier    trapu     avec    chapiteau 
d'époque  romane  qui  a  été  retrouvé  dans  la  fouille 
d'une  maison  au  lieu  dit  «  Belhure  ».  Ce  fragment 
curieux   composé  de  six  blocs  de  pierre  taillée  n'a 
que  o  m.  96  de  haut,  le  diamètre  de  la  base  est  de 
o  m.  70,  celui  du  chapiteau  de  o  111.   74.  On  sup- 
pose que  ce  pilier  cylindrique  recevait  les  retom- 
bées   des  arcs  d'une  voûte  assez  liasse,  située  suit 
au    rez-de-chaussée,  soit  plutôt    au  sous-sol  d'une 
construction  dont  on  ignore  la  nature  exacte. 

Le  Musée  possédait  déjà  un  intéressant  frag- 
ment de  sculpture  décorative  retrouvé  en  iN<S_j 
dans  des  conditions  analogues,  mais  sur  l'emplace- 
ment de  l'ancien  château.  C'est  un  tympan  demi- 
circulaire  qui  paraît  remonter  à  la  fin  du  règne  de 
René  IL  La  pierre  mesure  environ  1  mètre  de  lar- 
geur.   Elle   est    décorée  de  deux  écussons  :   l'un   à 


gauche  soutenu  par  deux  angelots  long  vêtus  est  aux 
armes  de  Lorraine,  L'autre  à  droite  est  aux  armes 
de  Philippe  de  Gueldre  épouse  de  René  II.  il  est 
soutenu  par  deux  griffons.  Entre  les  deux  se  voit 
une  croix  à  longue  tige  et  à  double  traverse,  c'est 
la  croix  dite  de  Lorraine  adoptée  par  le  roi  René 
qui  en  aurait  emprunté  le  modèle  à  une  relique 
de  la  vraie  croix  conservée  dans  ses  domaines 
d'Anjou.  Son  petit-fils  René  II  de  Lorraine  s'en 
servit  comme  signe  île  ralliement  pendant  la  guerre 
de  l'indépendance  contre  Charles  le  Téméraire 
pour  l'opposer  à  la  croix  de  Saint-André  des  Bour- 


proven.mt  de 


eau  de  Longwy. 


guignons  et  à  la  croix  simple  des  Français.  Elle 
est  restée  depuis  lors  l'emblème  constant  de  la 
Lorraine. 

MUSÉE  DE  VALENCIENNES  %  f  S  °?  t  °$ 
°$  °£  °£  Dans  une  de  ses  dernières  réunions  le  Conseil 
municipal  de  Valenciennes  a  eu  à  s'occuper  de  di- 
verses questions  intéressanl  le  Musée.  Tout  d'abord, 
il  a  dû  statuer  sur  une  demande,  que  lui  avait  faite, 
au  nom  du  Gouvernement  belge,  M.  le  Baron  Ker- 
vyn  de  Lettenhove,  qui  sollicitait  le  prêt  de  plu- 
sieurs tableaux  du  Musée,  qu'il  désirerail  voii  figurer 
à  l'Exposition  d'Art  Ancien  qui  s'est  tenue  au  Pa- 
lais du  Cinquantenaire,  à  Bruxelles,  de  juin  à 
octobre  de  cette  année. 

Il  s'agissail  de  la  Descente  de  Croix,  et  du  Trip- 
tyque de  Rubens,  dont  les  quatre  sujets  repré- 
sentent    la    Prédication    dt    saint    Etienne,    saint 


78 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


Etienne  lapidé,  saint  Etienne  mis  au  tombeau,  et 
nonciation  :  du  Roi  boit,  de  Jordaens,  de  l'In- 
térieur d'un  cabaret  flamand,  de  Brauwer,  de  /ésus 
chez  Marthe  et  Marie,  de  Van  Utrecht  et  Erasme 
Quellyn,  de  saint  Pierre  pénitent,  de  Graver  et 
de  deux  toiles  de  François  Pourbus,  Portrait  en 
pied  de  Dorothée  de  Croy,  duchesse  d'Alsehot,  prin- 
cesse du  Saint-Empire,  grande  d'Espagne,  etc.  et 
Portrait  en  pied  de  Philippe-Emmanuel  de  Croy, 
de  Sobre,  et  de  sa  sœur  Marie. 

Sur  la  demande  de  M.  Charles  Bevillers,  maire. 
le  Conseil  a  autorisé  le  prêt  de  toutes  ces  œuvres, 
sauf  le  triptyque  de  Rubens,  dont  le  transport 
lemment  diffieultueux  pourrait  être  domina- 
geable  pour  l'œuvre,  dont  le  panneau  central  me- 
sure 4  m.  37  sur  2  m.  No. 

I.>  Conseil  a  également  décidé  d'envoyer  a 
Venise  la  Grève  de^  m  meurs  pour  figurer  dans  une 
exposition  que  son  auteur.  M.  Roll,  y  a  organisée 
de  s^s  œuvres.  Ensuite,  il  a  voté  un  crédit  pour  la 
restauration  de  la  Passion  de  notre  Seigneur, 
d'Abraham  Janssens,  et  du  Triomphe  du  Clins/ 
de  Crayer.  Le  travail  sera  confié  à  M.  Bueso,  de 
Bruxelles,  qui,  l'an  dernier,  a  été  chargé  de  l'amé- 
nagement du  nouveau  Palais  des  Beaux-Arts  et 
de  la  restauration  de  nombreux  tableaux. 

D'autres  crédits  ont  été  également  votés  pour 
la  construction  de  vitrines  destinées  à  recevoir  les 
collections  de  céramiques  de  MM.  de  Preaudeau 
et  d'armes  anciennes  de  M.  Laurent  d'Haspres 
et  pour  l'acquisition  d'un  fusain  de  Jouas,  les 
Deuillants ;  suivant  le  désir  exprimé  par  l'artiste 
une  moitié  du  prix  sera  versée  au  Bureau  de  Bien- 
faisance et  l'autre  à  l'Association  des  Anciens 
Elèves  «Us  Académies. 

Communication  a  et.  donnéed'une  lettre  de  M.  le 
marquis  de  Piernes,  qui  fait  au  Musée  Carpeaux  de 
nouveaux  dons  de  sculptures,  peintures  et  dessins 
du  génial  statuaire. 


MUSÉE     DE    RODEZ    V^ff-t'etf? 

°f  °$  °i  On  a  annoncé  il  y  a  quelques  mois  l'inau- 
guration solennelle  d'un  nouveau  musée  construit 
sur  les  boulevards  de  Rodez,  grâce  aux  libéralités 
de  M.  Denys  Puech.  Vérification  faite,  le  musée, 
solennellement  inauguré,  est  loin  d'être  prêt. 
Le  bâtiment  est  à  peine  terminé  et  les  collections 
de  la  ville  augmentées  des  dépôts  de  l'Etat  sont 
toujours  conservées  dans  les  locaux  du  Palais 
de  Justice.  Il  semble  même  qu'on  ne  songe  guère 
à  les  en  retirer  de  sitôt  ! 

MUSÉE    DE    TOURS    t>e-e?tttt°t 

f  V  f  Les  collections  du  musée  de  Tours  fer- 
mées au  public  depuis  le  ig  septembre  vont  lui 
être  de  nouveau  accessibles  dès  les  premiers  jours 
de  novembre.  Elles  viennent  d'être  en  effet  réins- 
tallées très  heureusement  et  surtout  très  rapide- 
ment dans  l'ancien  palais  archiépiscopal  dont 
M.  le  sénateur  Pic-Paris,  maire  de  Tours,  a  obtenu 
la  cession  à  la  ville,  il  y  a  quelques  mois. 

MUSÉE    DE    CHARTRES      °f   °ç  -f  °{  f   f  t 

°$  °t  °i  Nous  avons  déjà  fait  connaître  et  pré- 
conisé ici  même  la  solution  si  heureuse  pour  le 
musée    de    Chartres    du    transfert    dans    l'ancien 

évecllé. 

Appelé  à  discuter  une  première  fois  cette  pro- 
position, qui  lui  était  faite  par  le  Conseil  général, 
le  Conseil  municipal  de  Chartres,  pour  des  raisons 
financières,  et  malgré  la  subvention  de  70.000  fr. 
promise  par  M.  Dujardin-Beaumetz,  avait  repoussé 
l'offre. 

Mais  un  donateur  offrit  alors  100.000  francs, 
couvrant  ainsi  les  frais  avec  la  subvention  gou- 
vernementale. Le  conseil  municipal  délibéra  de 
nouveau,  et,  cette  lois,  vient  d'accepter  l'offre 
du  conseil  général  par  i_'  voix  contre  9. 


PUBLICATIONS   RELATIVES   AUX   MUSÉES   DE   FRANCE 


Recueil  général  des  bas-reliefs,  statues  et 
bustes  de  la  Gaule  Romaine,  par  Emile 
Espérandieu  (Tome  III).  Lyonnaise,  ire  partie. 
Imprimerie  nationale.  1910. 

Nous  avons  déjà  signalé  le  mérite  de  ce  recueil 
que  poursuit  avec  une  admirable  conscience  dans 
la  collection  des  Documents  inédits  M.  le  comman- 
dant Espérandieu.  D'abondantes  illustrations  enri- 
chissent ce  catalogue  minutieux  qui  arrive  au 
n°  2755-  Le  présent  volume  comprend  en  particu- 
lier les  riches  séries  de  Lyon,  d'Autunet  de  plusieurs 
autres  centres  bourguignons  avec  de  nombreuses 
additions  qui  complètent  la  publication  en  ce  qui 
concerne  Arles,  Aix,  Avignon,  etc. 

Bulletin  de  l'Art  ancien  et  moderne, 
.Septembre  1910. 

Un  Musée  qui  se  transforme.  Le  Musée  de 
Besançon. 

Note  de  M.  Henry  Lapanze  sur  les  nouvelles 
installations  qui  ont  été  ou  vont  être  réalisées 
au  Musée  de  Besançon  pour  la  conservation 
M.  Chudant. 

Bulletin  de  la  Société  de  l'Histoire  de 
l'art  français   Ier  fascicule. 

L'illustration  décorative  du  Mythe  de  Psy- 
ché à  l'époque  de  Raphaël.  Communication 
de  M.  Max  Petit-Delchet,  à  propos  des  vitraux 
du  musée  Condé  à  Chantilly,  de  deux  plaques 
d'émail  du  musée  du  Louvre  et  des  six  tapisseries 
des  Musées  de  Pau  et  de  Fontainebleau  dont  le  pro- 
totype serait  une  série  de  fresques  du  château 
Saint-Ange  à  Rome. 

Ibid.  —  Un  fragment  du  tombeau  du  musi- 
cien Henry  Dumont  au  Musée  du  Louvre, 
par  M.  Paul  Vitry. 

Catalogue  descriptif  d'une  série  de 
médailles    romaines    du    musée  d'Avranches, 

par  H.Dalimier,  professeur  au  collège  d'Avranches, 
conservateur  du  musée. 


La  belle  série  des  médailles  décrites  dans  cet 
opuscule  a  été  donnée  à  la  ville  eu  1904  par 
Mme  Vve  Guérin.  Elle  comprend  près  de  150  types 
différents  en  exemplaires  dont  la  plupart  sont 
fort  beaux.  Il  était  intéressant  de  cataloguer 
cette  série  importante  tant  au  point  de  vue  de  la 
science  numismatique  que  de  l'éducation  histo- 
rique et  l'on  ne  saurait  que  féliciter  le  conserva- 
teur du  musée  pour  le  soin  avec  lequel  il  s'est 
acquitté  de  cette  tâche. 

Les  Collections  de  l'Académie  royale  de 
Peinture  et  de  Sculpture,  par  André  Fon- 
taine.  Paris.  Laurens.   1910. 

Voici  une  très  complète  et  très  consciencieuse 
étude  sur  les  collections  de  peinture  et  de  sculpture 
que  l'ancienne  académie  avait  constituée  princi- 
palement à  l'aide  des  morceaux  de  réception  (lè- 
ses membres.  Parti  de  la  publication  d'un  inven- 
taire dressé  en  l'an  II  au  moment  de  la  suppression 
des  académies,  M.  Fontaine  a  recherché  le  sort 
des  divers  morceaux  dont  l'ensemble  ne  fut  mal- 
heureusement pas  laissé  groupé  à  ce  moment  et 
ne  figure  qu'en  partie  au  Louvre.  Il  s'est  donné 
également  la  peine  dans  une  copieuse  introduc- 
tion de  retracer  l'histoire  de  la  formation  de  ce 
dépôt  si  précieux  pour  l'histoire  de  l'art  fran- 
çais. 

Deux  Heures  au  Musée  du  Louvre  (peinture). 
Collection  des  guides  express  pratiques  publics 
sous  la  direction  de  A.  KEIM  et  L.  LujiKT.  Paris. 
Commaille,  éditeur. 

On  ne  mettra  jamais  trop  de  guides  et  de  cata- 
logues à  la  disposition  du  public  qui  visite  nos 
musées,  lui  voici  un  qui  sous  une  forme  originale 
et  pratique,  rédigé  en  deux  langues,  anglaiset  i lan- 
çais, donne  une  très  bonne  description  salle  par 
salle  du  musée  de  peinture.  Peut-être  aurait-on 
pu  se  dispenser  de  certaine  appréciations  ou  cita- 
tions, choisies  parfois  de  façon  assez  étrange, 
dans  un  livre  qui  vise  surtout  à  être  un  guide 
précis  et  sur. 


ÉCOLE    DU    LOUVRE 

Programme   des    Cours   de   la    vingt-neuvième   année    (1910-1911). 


Archéologie  Nationale  et  Préhistorique. 

M.    Salomon    ReinaCH,    membre    de    l'Institut. 
ervateui    «lu    musée   de   Saint-Germain,    pro- 
fesseur. 

M.  H.  Hubert,  conservateur  adjoint  du  musée 
de  Saint-Germain,  suppléant  étudiera,  pendant 
le  premier  semestre,  les  nouvelles  découvertes 
relatives  à  la  chronologie  des  temps  paléolithiques, 
et  pendant  le  deuxième  semestre,  l'archéologie 
de  la  Gaule  romaine,  tous  les  vendredis,  à  io  heures 
el  demie  du  matin. 
La  première  leçon  aura  lieu  le  vendredi  g  décembre. 

Archéologie  Égyptienne. 

M.  Georges  Bénédite,  conservateur  des  an- 
tiquités égyptiennes,  étudiera  la  formation  et  le 
développement  de  la  sculpture  égyptienne  pen- 
dant toute  la  durée  de  l'ancien  Empire  tous  les 
mardis  à  io  heures  et  demie  du  matin. 
La  première  leçon  aura  lieu  le  mardi  6  décembre. 

Archéologie  Orientale   et   Céramique  antique. 

M.  E.  Pottier,  membre  de  l'Institut,  conser- 
vateur des  antiquités  orientales  et  de  la  céra- 
mique antique,  étudiera  dans  le  premier  semestre, 
les  vases  peints  à  la  fin  du  Ve  siècle  et  du  IVe  com- 
parés aux  grandes  peintures  de  la  même  période  : 
dans  le  second  semestre,  il  continuera  l'étude 
des  petits  monuments  de  la  série  orientale.  (Dans 
les  salles  de  la  mission  de  Sarzec  et  de  la  mission 
Dieulafoy),  tous  les  samedis,  à  10  heures  et  demie 
du  matin. 
La  première  leçon  aura  lieu  le  samedi  io  décembre. 

Antiquités  Sémitiques. 

M.  R.  Dussaud,  conservateur  adjoint  des  an- 
tiquités orientales  étudiera  les  influences  baby- 
lonienne, égyptienne,  égéenne  et  hittite  sur  la 
civilisation  cananéenne  tous  les  mardis  à  2  heures 
du  soir. 

nière  leçon  aura  lien  le  mardi  <>  décembre. 

Archéologie  (irecque  et  Romaine. 

M.  Etienne  VIichon,  conservateur  adjoint 
des  antiquités  grecques  et  romaines,  étudiera 
l'histoire  de  la  collection  des  sculptures  antiques 
du  Louvre,  tous  les  jeudis  à  ro  heures  et  demie 
du   malin. 

titra   lieu   le  jeudi   8  décembre 


Histoire  de  la  Sculpture  du  Moyen-Age, 
de    la    Renaissance   et   des   Temps   Modernes. 

M.  André  Michel,,  conservateur  de  la  sculpture 
du  moyen  âge  de  la  Renaissance  et  des  temps 
modernes,  continuera  d'étudier  l'histoire  de  la  sculp- 
ture aux  XVe  et  au  xvie  siècles  principalement 
en  France  et  en  Italie,  tous  les  mercredis  à  dix 
heures  et  demie  du  matin. 
La  première  leçon  aura  lien  le  mercredi  14  décembre. 

Histoire  des  Arts  appliqués  à  l'Industrie. 

M.  Gaston  Migeon,  conservateur  des  objets 
d'art  du  moyen  âge,  de  la  Renaissance  et  des 
temps  modernes,  étudiera  l'histoire  du  métal 
et  particulièrement  du  bronze,  de  la  Renaissance 
au  XVIIIe  siècle,  dans  ses  applications  à  l'archi- 
tecture et  au  mobilier,  tous  les  vendredis  à  2  heures 
et  demie  du  soir. 
La  première  leçon  aura  lieu  le  vendredi  9  décembre. 

Histoire  de  la  Peinture. 
M.  Paul  LepriElîr,  conservateur  des  peintures, 
des  dessins  et  de  la  chalcographie,  professeur. 
M.  L.  Demonts,  attaché  au  département,  suppléant, 
fera  des  conférences  sur  l'histoire  de  la  peinture 
allemande,  d'après  les  dessins  et  en  particulier 
ceux  du  Louvre. 
La  première  leçon  aura  lieu  le  jeudi  12  janvier  1911. 

Histoire  de  l'Art  Français 
au   XVIP  et   XVIIP  Siècles 

M.  Pierre  de  Nolhac,  conservateur  des  musées 
de  Versailles  et  des  Trianons,  étudiera  l'histoire 
du  château  de  Versailles,  ses  œuvres  d'art  et  l'en- 
semble de  sa  décoration  au  temps  de  Louis  XIV, 
tous  les  lundis  à  2  heures  et  demie  du  soir  au 
Musée  de  Versailles.  (Entrée  par  la  cour  de  la  < 'lia- 
pelle). 

La    première    leçon    aura    lieu    an    Louvre    le    lundi 
()  janvier  1911. 

Histoire  des  Arts  au  XIXe  Siècle. 

M.  LÉONCE  BÉNÉDITE,  conservateur  du  musée 
national  du  Luxembourg  traitera  de  la  méthode 
à  apporter  au  point  de  vue  historique,  dans  l'étude 
des  arts  et  des  artistes  modernes.  Il  examinera 
à  cet  effet,  certaines  personnalités  telles  que  celles 
de  Chassériau,  Paul  Huet  et  Méryon,  tous  les 
lundis  à  3  heures  et  demie  du  soir,  dans  les  locaux 
de  l'ancien  séminaire  de  Saini-Sulpice. 
La  première  leçon  aura  lieu  au  Louvre  le  lundi 
12  décembre. 


Fontenay-aux  Roses.    —  Imp.  L.  Bellenand. 


Le  Gérant  :  G.  Létard 


Bulletin    des    Musées 
de    France 


LE    PORTRAIT    DE    D'ALEMBERT,    PAR    LA    TOUR 
au  Musée  du  Louvre 


La  Tour  aimait  à  portraiturer  ses  amis.  Il  eut 
cela,  d'ailleurs,  de  commun  avec  beaucoup  d'autres 
peintres,  et  les  plus  parfaits  chef s-d' œuvres  ico- 
niques  sont  toujours  les  œuvres  du  cœur.  Mais, 
chez  La  Tour,  interprète  acharné  de  l'expression 
vivante  et  du  sourire,  cette  loi  naturelle  du  por- 
trait devient  une  sorte  de  tyrannie.  Ses  plus  beaux 
portraits,  ceux  qui  vous  obsèdent  par  la  magie  du 
rendu  spontané  et  en  dehors,  par  la  mobilité  de  la 
bouche  et  des  yeux,  sont  des  portraits  intimes. 
On  sait  que  le  maître  pastelliste  souffrait  de  toute 
contrainte  et  qu'il  avait  horreur  de  la  pose  du 
modèle.  De  là  son  habitude  de  procéder  à  l'étude 
du  masque  par  des  préparations  rapides.  L'attrait 
merveilleux  du  Musée  de  Saint-Quentin  réside,  eu 
majeure  partie,  dans  le  groupement  de  toutes  ces 
préparations  léguées  par  La  Tour  à  sa  ville  natale. 

Le  Louvre,  qui  a  d'admirables  pastels  d'apparat. 
était  assez  pauvre  en  morceaux  de  ce  genre.  Il 
avait  laissé  échapper  le  portrait  de  l'Abbé  Pommier, 
dont  s'enorgueillit  maintenant  M.  Pierre  Decour- 
celle,  et,  antérieurement,  le  La  Tour  par  lui-même. 
qui  est  un  des  fleurons  du  Musée  d'Amiens.  Cette 
lacune  vient  d'être  comblée  par  l'entremise  heu- 
reuse de  l'auteur  de  ces  lignes. 

J'ai  eu  l'honneur,  l'honneur  très  émouvant,  de  rece- 
voir des  mains  de  la  famille  Danjou,  pour  le  porter 
au  Louvre,  un  des  La  Tour  les  plus  parfaits,  un 
de  ceux  précisément  où  le  caractère  de  vie  est 
marqué  des  traits  les  plus  incisifs  :  le  portrait  de 
D'Alembert.  Depuis  de  longues  années  je  me  pré- 
occupais de  la  destinée  de  cette  icuvre;  j'y  pensais 
sans  cesse.  La  place  de  cette  image  souvent  citée, 
mais  peu  connue,  du  célèbre  encyclopédiste,  —  sa 
trace  ayant  pour  un  temps  disparu,  —  n'était-elle 
pas  au  Louvre,  non  loin  des  effigies  de  Voltaire,  île 
Rousseau  et  de  Diderot  ?  C'est  là  maintenant  (pa- 


les dévots  du  passé  iront  interroger  la  physionomie 
expressive  du  mathématicien  illustre  dont  le 
génie  brilla  entre  ceux  d'Euler  et  de  Newton,  de 
l'ami  très  tendre  de  Mlle  de  Lespinasse,  de 
l'homme  excellent  et  désintéressé  dont  la  vie  sim- 
ple et  facile  s'acheva  dans  le  modeste  logis  qu'il 
occupait  au  Palais  du  Louvre,  en  qualité  de  Secré- 
taire perpétuel  de  l'Académie  des  Sciences. 

Grâce  à  la  magnifique  libéralité  de  M.  Danjon 
le  D'Alembert,  exécuté  au  Louvre  même  par  La 
Tour,  est  revenu  à  sa  demeure  primitive  pour  y 
trouver  un  asile  définitif.  Ce  don,  d'ordre  sentimen- 
tal, n'en  est  que  plus  touchant  et  plus  précieux.  Il  a 
été  fait  en  mémoire  d'un  fils  profondément  épris  d'art 
et  à  jamais  regretté.  Malgré  la  réserve  qui  s'impose, 
j'ai  le  pieux  devoir  de  citer  les  termes  de  la  lettre 
si  belle  que  M.  Danjon  m'écrivait  le  5  août  dernier  : 

«  Avec  le  plein  assentiment  de  ma  femme,  de 
ma  fille  et  de  mon  gendre,  M.  Paul  Lavalley,  je 
donne  au  Louvre  le  D'Alembert,  au  nom  du  fils 
et  frère  que  nous  avons  perdu,  et  dont  la  trop  courte 
jeunesse  avait  été  embellie  par  le  culte  des  arts. 

«  La  place  du  D'Alembert  de  La  Tour  est  au 
Louvre,  et  nous  comptons  qu'il  y  aura  une  place 
digne  de  sa  valeur  artistique  comme  œuvre,  de  sa 
valeur  historique  comme  portrait. 

«  A  ce  don,  je  ne  mets  qu'une  'seule  condition  : 
le  maintien  au  bas  du  cadre  —  qui  est  le  cadre 
authentique  et  non  retouché  —  d'un  cartouche 
analogue  à  celui  actuellement  existant,  et  qui  indi- 
quera la  filiation  du  tableau,  avec  la  mention  : 
<<  Donné  au  Louvre  en  mémoire  de  René  Danjon  ». 

L'histoire  de  ce  pastel  n'offre  pas  de  mystère. 
M.  Armand  ('.asti',  professeur  à  la  Faculté  de  Caen, 
a  établi  son  étal  civil  dans  une  note  parue,  en 
1896,  dans  k-s  comptes-rendus  des  Réunions  t/e^ 
se.  iétês  des  Beaux-.  Iris  îles  Départements.  Le  portrait 


82 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


de  D'Alembert  figura  au  fumeux  Salon  de  1753. 
où  dix-sept  pastels  consacraient  la  renommée 
du  <•  grand  magicien  »,  selon  l'expression  de 
Diderot.  Il  voisinait  avec  le  Rousseau,  le  Syl- 
vestre, le  Wattelet,  le  Manelli,  le  Nollct  et  la  déli- 
cieuse Mme  de  Mondonville  appuyée  sur  un  clave- 
cin, aujourd'hui  dans  la  collection  de  Mme  Jahan- 
Marcille.  Grimm  le  proclama  <•  surprenant  »  et 
Fréron  <•  étonnant  pour  la  ressemblance  ».  D'Alem- 
bert le  légua  à  son  ami  et  exécuteur  testamentaire 
Condorcel  :  de  Mme  de  Condorcet.  il  entra  en  la 
possession  de  M.  Jean  Romain,  architecte  du  dépar- 
tement du  Calvados,  et  grand-père  maternel  de 
M.  Danjon  (Mme  de  Condorcet  était  la  marraine 
de  Mme  Jean  Romain). 

Voici,  du  reste,  ce  qu'on  lit  dans  un  fragment  de 
lettre  de  M.  Jean  Romain,  adressée  à  sa  fille,  le 
30  mai  1819  :  «  Il  y  a  dans  mon  bureau  quelques 
bosses  eu  plâtre,  c'est-à-dire  des  tètes  d'après  l'an- 
tique, à  Mme  de  Condorcet  ;  elle  m'a  donné  dans 
le  temps  un  petit  tableau  qui  est  dans  le  salon  : 
c'est  un  paysage  au-dessus  du  sopha...  :  elle  me 
donna  encore  un  portrait  en  pastel  de  D'Alembert. 
Je  te  dis  ces  choses-là  pour  (ta)  gouverne  et  répondre 


en  cas  de  réclamation  (si  l'on)  avait  oublié  ce  qui 
s'est  passé  ».  M.  Danjon  m'a  chargé  de  remettre 
aux  archives  du  Louvre  une  photographie  de  cette 
lettre  ;  elle  complétera  le  procès-verbal  des  scellés 
apposés  au  Palais  du  Louvre,  après  le  décès  de 
D'Alembert  et  où  on  lit  ce  qui  suit  :  «  En  exécution 
de  la  susdite  ordonnance,  avons  procédé  à  l'appo- 
sition des  scellés  et  à  la  description  sommaire  des 
meubles  et  effets  en  évidence.  Dans  l'appartement 
où  est  décédé  le  dit  sieur  d'Alembert,  le  portrait 
du  défunt  sieur  d'Alembert  clans  son  cadre  doré  (1). 
C'est  le  cadre  sans  prétention  que  nous  lui  voyons 
encore  et  dont  l'or  apaisé  fait  si  bien  valoir  les 
nuances  délicates  de  l'œuvre  de  La  Tour. 

Pour  une  fois,  le  portrait  achevé  surpassa  la 
préparation.  C'est  un  des  chefs-d'œuvre  de  La 
Tour  ;  un  chef-d'œuvre  d'intimité  et  de  bonne  hu- 
meur. Le  temps,  d'ordinaire  si  inclément  au  pastel, 
a  respecté  dans  celui-ci  sa  rieur  première  et  cette 
harmonie  des  valeurs  qui  unit  à  ravir  le  mauve  de 
l'habit  aux  bleus  opalisés  du  fond. 

Louis  Gonse. 

Membre  du  Conseil  des 
Musées  Nationaux. 


LA    STATUE    DE    WASHINGTON,    PAR    HOUDON 

et  sa  reproduction  au  Musée  de  Versailles 


Au  mois  de  juin  1784,  les  membres  de  l'Assem- 
blée générale  de  la  Virginie,  voulant  offrir  un 
témoignage  de  reconnaissance  à  leur  illustre 
compatriote  George  Washington,  alors  rentré  dans 
la  vie  privée,  décidèrent  de  lui  élever  une  statue. 
devant  être,  disait  la  résolution,  «  du  plus  beau  mar- 
bre et  du  meilleur  travail  »  (1).  Le  gouverneur  de  la 
Virginie,  Harrison,  chargé  de  la  réalisation  du  pro- 
jet, s'adressa  pour  le  choix  d'un  sculpteur  à  Tho- 
mas Jefferson  représentant  la  nouvelle  République 
auprès  de  la  Cour  de  France  et  à  Benjamin  Franklin, 
leur  demandant  d'indiquer  ••  un  très  habile  artiste  », 
selon  K-  vœu  des  députés.  En  même  temps,  le 
Gouverneur    mandait    au    peintre    Charles    Wïlson 

-  ki  1  llenti    de  la  Notii  e  éi  1  ite  par   A.  de 

on  et  G.Duplessi     ft  vue  universelle  des  Irts,  1855), 

lu  1  ■     Sherwin    Me    Rae  :  Washing- 

ai  les  artistes,  lu  statue  ai   Houdon,  son  his- 

•  valeur,   publié  en    [873   par  ordre  du  Sénat   de 

-  1    1  raduit   par    M.    Félix     Ri  |   imi  \        I  <i    statue 

:    |l  .  .111  S"). 


Peale  de  retracer  les  traits  de  Washington  afin 
d'envoyer  ce  portrait  au  sculpteur  comme  modèle. 
Jefferson  et  Franklin  désignèrent  Houdon.  L'artiste 
était  alors  célèbre,  sa  renommée  grandissait  ;  le 
«  Voltaire  »  du  Salon  de  1781  avait  rendu  son  nom 
populaire  par  toute  l'Europe.  Soucieux  de  conser- 
ver les  traits  des  hommes  illustres  et  des  personna- 
ges en  renom,  Houdon  n'avait  pas  manqué  de  mode- 
ler les  portraits  des  Américains  venus  en  France, 
dont  la  société  d'alors  raffolait.  En  1779.  il  expo- 
sait le  buste  de  Benjamin  Franklin,  en  1781,  celui 
de  l'amiral  Paul  Jones.  Les  relations  de  l'artiste 
avec  les  Américains  expliquent  suffisamment  leur 
choix.  Toujours  désireux  de  traduire  la  réalité 
vivante,  Houdon  ne  pouvait  se  résoudre  à  créer 
une  statue  d'après  un  simple  tableau,  il  voulut 
contempler  les  traits  du  héros  de  l'Indépendance  et 
résolut  d'entreprendre  le  voyage.  Le  S  juillet  1785, 

(1)  Ch.  Henry.  Œuvres  inédites  de  d'Alembert,  Appen- 
dice  II.  (Archives  Nationales,  section  judiciaire,  V   ;<i4). 


BULLETIN"    DES    MUSÉES    DE     FRANCE,     1910. 


Portrait  de  d'Alembert. 

Pastel,  par   La   Pi  h  r, 
(Musée  du  Louvre.) 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


83 


Houdon  signait  un  traité  avec  Jefferson,  aux  con- 
ditions suivantes  :  l'artiste  recevrait  20.000  livres 
ou  mille  guinées  pour  la  statue  et  son  piédestal  en 
marbre,  toutes  les  dépenses  du  voyage  lui  seraient 
remboursées  ;  enfin,  s'il  venait  à  mourir  en  route, 
une  somme  de  10  000  livres  serait  versée  à  sa 
famille.  Cette  dernière  clause  faillit  faire  rompre 
les  négociations,  mais 
Houdon  y  tenait  ab- 
solument .  Jefferson 
prit  pour  lui  une  as- 
surance sur  la  vie  en 
Angleterre.  Le  départ 
de  Houdon  eut  lieu  le 
22  juillet  de  cette  an- 
née; il  s'embarqua  au 
Havre,  sur  le  même 
navire  que  Franklin. 
En  se  rendant  en 
Amérique,  Houdon 
avait  l'espérance 
d'obtenir  la  com- 
mande d'une  œuvre 
plus  considérable  que 
la  statue  votée  par  la 
Virginie;  il  avait  l'am- 
bition d'entreprendre 
une  statue  équestre. 
«  L'objet  le  plus  im- 
portant de  ce  voyage, 
écrira  Jefferson  aux 
délégués  de  l'Etat  de 
Virginie  (lettre  du 
12  juillet  1785),  est 
d'être  chargé  de  faire 
la  statue  équestre  du 
général  Washington 
pour  le  Congrès.  C'est 
l'espoir  d'obtenir  ce 
travail  qui  seul  a  pu  le 

décider  à  entreprendre  le  voyage,  car  la  statue  en 
pied  pour  l'Etat  de  Virginie  ne  lui  produira  pas,  à 
beaucoup  près,  ce  qu'il  perd  en  s'absentant  de  chez 
lui  ;  je  fus  donc  obligé  de  lui  promettre  formelle- 
ment une  recommandation  pour  la  statue  éques- 
tre, œuvre  d'une  bien  plus  grande  importance  »>. 
En  effet,  le  Congrès  des  Etats-Unis  avait  déjà  voté, 
le  7  août  1783,  qu'une  statue  du  général  serait  éri- 
gée au  lieu  où  serait  établie  la  résidence  du  Con- 
grès. La  statue  devait  être  de   bronze    le    général 


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D'après  le  marbre  du_Capitole  de  Ru  lin, ml. 


représenté  en  costume  romain,  la  tête  laurée,  tenant 
de  la  main  droite  le  bâton  de  commandement  ; 
sur  le  socle,  divers  bas-reliefs  auraient  retracé  des 
épisodes  des  victoires  de  la  guerre  de  l'Indépendance. 
Une  telle  entreprise  eût  permis  à  Houdon  de  riva- 
liser avec  les  œuvres  célèbres  de  Lemoyne,  Bouchar- 
don  ou  Falconet.  Pour  motiver  le  choix  du  sculp- 
teur français,  Jeffer- 
son déclare,  dans  la 
même  lettre,  que 
Houdon  est  en  pos- 
session de  «  l'atelier, 
des  fourneaux  et  de 
tout  le  matériel  qui 
a  servi  pour  exécu- 
ter la  statue  de 
Louis  XV  »,  faisant 
allusion  à  l'atelier  du 
Roule  où  avait  été  ac- 
complie la  fonte  du 
monument  de  Bou- 
chardon  et  Pigalle,  et 
que  par  conséquent, 
les  frais  seraient 
moindres  pour  une 
nouvelle  statue  de 
bronze  ;  il  ajoute  quel- 
ques réflexions  assez 
curieuses  sur  les  sta- 
tues équestres  qu'il 
trouve  généralement 
difformes  par  leur 
trop  grande  dimen- 
sion et  propose  que 
celle  projetée  par  le 
Congrès  soit  le  plus 
près  possible  de  la 
nature,  afin  d'être 
plus  belle  et  moins 
chère.  La  résolution 
du  Congrès  fut  alors  oubliée  et  aucunes  proposi- 
tions ne  furent  laites  à  Houdon,  semble-t-il,  du 
moins  nul  document  n'en  porte  témoignage. 

Houdon  fut  revu  par  Washington,  dans  sa  retraite 
de  Mount-Vernon,  le  3  octobre  17S5  ;  il  y  demeura 
deux  semaines  observant  silencieusement  son 
modèle  esquissant  son  buste  et  prenant  de  sa  per- 
sonne des  mesurations  d'une  exactitude  rigoureuse, 
avec  le  concours  des  deux  praticiens  qu'il  avait 
amenés.  Il  obtint  même  l'autorisation  de  prendre 


M 


BULLETIN    DES   MUSÉES    DE    ERANCE 


(Ks  moulages  sur  nature  ;  Washington  souffrit 
qu'un  moulage  soil  exécuté  de  son  visage  et  des 
empreintes,  de  la  partie  supérieure  du  corps.  Quand 
Houdon  revint  à  Taris,  au  début  de  l'année  1786, 
il  se  mit  à  l'œuvre  à  l'aide  des  documents  qu'il  rap- 
portait a);  mais  une  grave  question  n'avait  pas 
iolue,  celle  du  costume  dont  il  revêtirait  le 
h. 'ois. 

Houdon  songeait  probablement  à  des  draperies 
à  l'antique  :  la  préoccupation  des  moulages  du 
corps  de  Washington  semble  l'indiquer.  Washington 
consulté,  donna  modestement  son  sentiment  (Ier 
août  17S6),  inclinant  vers  le  costume  moderne  ; 
avis  dont  Jefferson  s'empara  avec  joie  pour  faire 
triompher  son  opinion  ;  car  ce  fut  lui,  sans  doute, 
qui  imposa  à  l'artiste  le  vêtement  militaire  ;  il  se 
moquait,  avec  bon  sens,  des  nudités  héroïques, 
déclarant  qu'il  trouvait  un  moderne  en  costume 
antique  «  tout  aussi  ridicule  que  le  serait  Hercule 
ou  Marins  avec  une  perruque  et  un  chapeau  sous 
le  bras  ». 

Houdon  acheva  son  modèle  en  plâtre  en  1788. 
si  l'on  en  croit  la  date  inscrite  à  la  suite  de  sa  signa- 
ture. (_»).  Le  marbre  fut  lentement  sculpté,  son 
envoi,  peut-être  retardé  par  les  événements  n'eut 
lieu  qu'en  1796  ;  au  mois  de  janvier,  la  statue  et 
son  piédestal  étaient  embarqués  au  Havre  à  bord 
du  navire  «  le  Planteur  »  ;  l'érection  solennelle 
s'accomplissait  au  Capitole  de  Richmond  le  14  mai 
1796. 

Vêtu  de  m  m  costume  militaire  habituel,  l'habit 
bleu  foncé  à  revers  chamois,  la  culotte  jaune,  les 
jambes  moulées  en  de  hautes  bottes  de  cuir,  les 
mains  gantées,  tête  nue, Washington  s'avance,  une 
canne  à  la  main,  en  une  attitude  noble  et  hère. 
A  sa  gauche  s'élève  une  sorte  de  haut  faisceau 
symbolisant  les  Etats  confédérés,  son  épée  au  four- 
reau >■  est  suspendue,  un  soc  de  charrue  pacifique 
achève  le  symbolisme  de  ces  accessoires  dissimulés 
<  nt  par  un  manteau  aux  plis  amples 
-m  lequel  le  général  appuie  la  main  gauche. 

(1)  L'épreuve   en    terre-cuite  du    buste    de  Washington, 

qui  se  trouve  au   VI u  ée  du  I  ouvre,  est  datée  di    [786;  ,111 

Salon   di     178;     l'artiste  exposait   le   buste  du  général     en 

ire    avei   cette   menl  ion         Fait    pai    l'auteui  dans  la 

tern    di   ci    général,  en  Virginie  ». 

(2)   Si  u  la  lu  ;e,  .1  la  droite  du  personnage,  se  lit  la  signa 
turc  - 

pai    houdon,    citoyen    français,    178S 
Sur  le  dc\  anl   en  1  apitali  -   l'in  -<  1 1 1  > t  n  > [  1 

1 11 ,1    Washington. 

Ii     lai  m    nu    m  i-   1   m.  S  ;  de  hauteur. 


Il  serait  intéressant  de  connaître  les  divers  pro- 
jets de  Houdon  qui  chercha  longtemps.  Dans  ses 
souvenirs  parisiens,  l'allemand  Meyer  a  décrit  une 
maquette  qu'il  vit  dans  l'atelier  de  l'artiste,  repré- 
sentant un  Washington  laboureur,  vêtu  d'une 
veste  à  moitié  boutonnée,  des  sandales  aux  pieds, 
un  grand  manteau  couvrant  les  épaules  et  le  dos. 
Houdon  avait  probablement  exécuté  une  sorte  de 
compromis  entre  le  costume  contemporain  et  la 
draperie  antique  !i).  Il  est  heureux  que  pareil 
projet  n'ait  pas  été  exécuté.  En  copiant  fidèlement 
le  costume  qu'il  avait  vu,  Houdon  a  donné  du 
fondateur  de  la  République  américaine  une  image 
certes  plus  vivante,  plus  émouvante  qu'en  le  tra- 
vestissant ou  l'idéalisant  ;  il  a  gardé  pour  les  géné- 
rations futures  la  représentation  de  la  personne 
même,  un  <<  véritable  fac-similé  »,  suivant  le  mot 
célèbre  de  La  Fayette  (z). 

Cette  statue  devrait  être  vue  de  près,  presque 
de  plain-pied,  elle  paraîtrait  plus  saisissante  de 
réalité,  aussi  Houdon  avait -il  longtemps  sollicité 
l'autorisation  de  modifier  ou  de  réduire  les  inscrip- 
tions commémoratives  qui  devaient  être  gravées 
sur  la  base  ;  il  ne  put  obtenir  gain  de  cause  et 
le  marbre  se  voit  à  Richmond  élevé  sur  un  haut 
piédestal  (3). 

Dans  la  seconde  moitié  du  xixe  siècle,  l'image  du 
Washington  de  Houdon  fut  répandue  par  la  repro 
duction  pour  orner  des  édifices  publics  :  moulages 
de  plâtre  et  répliques  de  bronze.  Depuis  de  longues 
années,  il  était  question  d'offrir  à  la  France  une 
copie  de  l'œuvre  célèbre  du  maître  français.  M.  Félix 
Régamey,  en  187g,  au  cours  d'une  mission,  plus 
tard  en  1905,  en  traduisant  la  notice  officielle  de 
Sherwin  Me  Rae,  puis  M.  Henry  Jouin,  s'effor- 
cèrent  de  faire  venir  en  France  une  réplique  de  la 

(1)  la, ■ne  universelle  des  Arts,  I,  1855,  p.  326;  voir  éga- 
leraent  un  témoignage  du  même  genre  dans:  Paris  en 
[790.  Voyage  de  Halem,  traduit  et  annote  par  A.  Chuquet . 
p.  235  (Paris,  [896,  in-8°).  Nous  ne  savons  quel  était 
l'aspect    de   la    petite    maquette    exposée    au   Salon,    en 

i79.v 

(2)  On  a  )>u  récemment  s'assurer  de  la  rigoureuse 
exactitude  anatomique  d'un  buste  de  Houdon,  celui  de 
l'amiral  Paul  Jones  (conservé  à  l'Académie  îles  Beaux- 
Axts  de  Philadelphie)  en  le  comparant  au  squelette  retrouvé 
a  Paris.  Voir  le  rapport  du  I  >r  l'apillault  et  les  planches 
curieuses  publiées  dans  les  Procès-verbaux  de  la  Commis- 
sion Un  Vieux  Paris,  année  1905,  p.   152-153. 

i;)  Notre  gravure  reproduit  l'original  tel  qu'il  se  pré- 
sente .m  1  ,1]  ni  oie  il,-  Richmond,  mais  le  piédestal  supprimé. 
Notons  que  la  lumière  est  très  favorablement  distribuée 
.m  Capiti  île,  éclairant   Ii    marbre  par  en  haut. 


BULLETIN    DES   MUSÉES   DE    FRANCE 


statue  (i);  c'est  l'Assemblée  de  la  Virginie,  qui,  en 
signe  d'amitié  et  en  témoignage  de  reconnaissance 
pour  la  France,  vota  le  17  mars  1910,  le  don  d'une 
réplique  de  bronze  (2).  La  statue,  placée  au  Musée 
de  Versailles,  fut  inaugurée  en  une  cérémonie  solen- 
nelle, le  18  août  1910  (3). 

La  traduction  du  marbre  en  métal  trahit  les 
intentions  de  l'artiste  et  diminue  la  beauté  de 
la  sculpture.  Tout  le  modelé  révèle  le  travail 
du  marbre.  En  préparant  sa  statue  pour  la  fonte, 
Houdon  eût  certainement  donné  plus  de  précision 
aux  détails  et  l'eût  allégée,  en  supprimant  des 
attributs  encombrants  qui  forment  dans  le  bronze 


des  masses  lourdes  et  sombres.  Nous  devons  néan- 
moins remercier  les  Américains  de  nous  permettre  de 
mieux  connaître  une  des  œuvres  importantes  de  la 
sculpture  française  du  xvnr'  siècle,  un  des  rares 
exemples  de  statue  commémorât  ive  où  le  personnage 
ait  été  vêtu  du  costume  moderne.  Une  curieuse  com- 
paraison peut  s'établir  désormais,  à  Versailles 
même,  entre  deux  statues  du  maître  exécutées 
à  peu  d'années  d'intervalle  :  Tourville  (1781)  et 
Washington;  il  y  a  un  singulier  contraste  entre 
l'emphase  du  théâtral  Tourville  et  la  gravité, 
la  sincérité,  la  noblesse  calme  du  général  amé- 
ricain. G.  Brièrk. 


UN    NOUVEAU    TABLEAU    DE    TOUSSAINT    DUBREUIL 
à  Fontainebleau 


Dans  une  communication  faite  à  la  Société  des 
Antiquaires  et  recueillie  depuis  dam;  un  volume 
de  Critique  et  Controverse,  j'ai  démontré  qu'un 
tableau  du  Louvre  attribué  à  Ambroise  Dubois  et 
qui  passait  pour  venir  de  la  chambre  de  Théagène 
et  Chariclée  à  Fontainebleau,  venait  en  réalité  de 
.Saint-Germain  et  était  l'ieuvre  de  Toussaint 
Dubreuil  (4).  C'était  le  premier  tableau  qu'on  eût 
retrouvé  de  ce  peintre,  connu  jusque  là  par  desdes- 
sins seulement.  Je  ne  sais  si  l'avenir  nous  réserve 
la  surprise  d'en  reconnaître  beaucoup  d'autres  ; 
on  peut  le  souhaiter  à  cause  du  rang  que  Dubreuil 
a  tenu  dans  l'art  français  ;  en  attendant  un  plus 
grand  nombre,  voici  du  moins  un  second  tableau 
de  sa  main. 

Je  le  trouve  à  Fontainebleau,  dans  la  galerie 
d'Ulysse,  entre  plusieurs  toiles  appartenant  au 
Louvre  et  qui  y  sont  en  dép  t.  Il  est  au  catalogue 

(i)  Voir  l'introduction  de  M.  Félix  Régamey  à  sa  tra 
duction;  voir  au^si  1  ne  note  parue  dans  Musées  et  Monu- 
n  ents  de  France  1906,  p.  m.  Il  s'agissait  alors  de  l'offre 
faite  à  titre  privé  par  un  citoyen  américain,  M.  Jeffer- 
son-Lévy. 

(2)  Ce  bronze  provient  de  la  maison  Gorham  et  Cie, 
fondeurs,  à  New-York. 

(3)  La  cérémonie  fut  présidée  par  M.  le  général  Brun, 
ministre  de  la  Guerre,  qui  prononça  un  discours,  ainsi  que 
M.  Jusserand,  ambassadeur  de  France  aux  Etats  Unis 
en  réponse  à  ceux  des  délégués  améri<  nus. 

(4)  Dimier,  Critique  et  Controverse  touchant  différents 
points  de  l'Histoire  des  Arts.  Schemit  1909,  )>.  vi-  Il  est 
difficile  de  deviner  la  cause  qui  fait  maintenir  depuis  iin«| 
ans  sur  la  pancarte  du  tableau  du  Louvre  une  mention  de 
sujet  et  une  attribution  reconnues  fausses. 


de  ce  dépôt  (1)  sous  ce  titre  :  Adieux  d'un  GUER- 
RIER A  UNE  REINE.  Suit  la  description  en  ces  ter- 
mes :  «Un  guerrier,  la  tête  couverte  de  son  casque, 
s'approche  d'une  reine  et  lui  tend  la  main.  » 

J'avais  souvent  relu  cette  mention,  regardé 
plusieurs  fois  le  tableau,  sans  soupçonner  que  d'an- 
ciens inventaires,  imprimés  cependant,  en  portas- 
sent la  mention.  Aussi  cette  mention  n'est-elle 
reconnaissable  que  moyennant  des  remarques  sug- 
gérées  par    des   pièces   moins   répandues. 

I.,i  pièce  décisive  est  ici  l'Inventaire  des  Tableaux 
de  Saint-Germain  et  de  Maisons,  assez  récemment 
imprimé  par  la  Société  de  l'Histoire  de  Taris  (2). 
Cet  inventaire  est  de  1788  ;  il  nomme  des  tableaux 
remis  alors  par  Chalgrin,  intendant  des  bâtiments 
du  Comte  d'Artois,  à  Briasse  inspecteur  des  bâti- 
ments à  Saint-Germain,  Ces  tableaux  venaient  de 
passer  par  la  réparation,  et  cette  réparation  avait 
donné  matière  à  un  inventaire  préalable  (en  17S2) 
où  quelques  pièces  de  plus  paraissent.  La  partie 
d'inventaire  qui  concerne  Saint-Germain  se  compose 
de  22  numéros. 

M.  Bruel,  qui  publie  le  document,  n'a  pu  recon- 
naître qu'un  seul  tableau.  1  eu  vie  de  Vouet,  con- 
servé au  Louvre.  Il  sera  je  crois  difficile  d'en  recon- 
naître un  beaucoup  plus  grand  nombre  ;  mais  une 
(les   causes   de   cette   difficulté   scia    au    mollis   levée 


(1)  Henry  de  Chennevières,  Notice  des    tableaux    appar 
/, -1111111   au    Louvre    exposés   au   château   de    Fontainebleau, 

1SS1  ,    n"     1    ;  !. 

(2)  Mémoires  de  1  ette  Soi  iété,  ann.    [90  i. 


86 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


ici.  Cette  cause  consiste  dans  l'attribution  fausse  de 
la  plupart  de  ces  toiles  à  un  peintre  qu'on  s'étonne 
de  rencontrer  en  cette  affaire  :  c'est  Van  Aaken, 
dont  les  ouvrages  ne  sont  communs  nulle  part, 
et  dont  la  renommée,  une  fois  passé  le  temps  où 
l'empereur  Rodolphe  II  l'employa  à  Prague  avec 
Spranger,  n'a  jamais  jeté  beaucoup  d'éclat. 

Cette  rencontre  a  de  quoi  nous  instruire  des 
erreurs  imprévues  qu'on  risque  de  trouver  dans  de 
pièces  de  ce  genre.  Qui  croirait  qu'un  inventaire 
dressé  à  la  fin  du  xvnie  siècle,  de  tableaux  conservés 
dans  un  château  du  roi  de  France,  pût  s'embarras- 
ser gratuitement,  par  voie  de  simple  conjecture, 
<le  Van  Aaken  ?  Cela  est  ainsi  pourtant  ;  l'auteur  de 
l'inventaire  a  cru  devoir  attribuer  à  Van  Aaken 
des  tableaux  qui  n'en  étaient  certainement  pas. 

Pour  réfuter  cette  attribution  il  suffira  de  com- 
parer les  mentions  confrontées  dans  le  tableau 
qui  va  suivre.  Les  unes  sont  tirées  de  l'inventaire 
de  1788,  les  autres  de  celui  de  la  collection  du  Roi 
dressé  par  Bailly  en  17 10  (1). 

Il  est  certain  que  d'un  côté  et  de  l'autre  nous 
avons  affaire  aux  mêmes  peintures.  D'abord,  Bailly 
aussi  bien  que  Chalgrin  leur  assigne  pour  endroit 
le  château  de  Saint-Germain  ;  de  plus  les  sujets 
sont  les  mêmes,  et  ce  que  la  description  contient 
de  détail  concorde  de  part  et  d'autre.  Les  dimen- 
sions sont  identiques  autant  qu'on  doit  l'attendre 
de  ces  vieux  inventaires,  toujours  approximatifs 
à  cet  égard.  Enfin  ces  concordances  constatées  à  dix 
reprises  sur  dix  tableaux  de  ces  inventaires,  font  foi. 

J'ai  suivi  l'ordre  de  l'inventaire  de  1788. 


Inventaire   de    178S. 

1.  Deux  tableaux  peints 
sur  toile  par  Hans  Van 
Achene  1  lé\  e  'In  Parmesan, 
représentant  l'un  l'Assem- 
blée des  Mu' 

et  le  pendant,  les  Muses 
attentives  à  la  chute  de 
Pirennée  :  les  fonds  île  ces 
deux  tableaux  sont  termi- 
ne pai  des  paysages.  Leur 
ui  1  t  de  7  i'  eds  sur 
6  pieds  ;  pou  es. 

2.  1  11   tableau  du  même 

,1.  nit  -m  toile  repré 

ni.. m    1.     - (ici    d'Iphi- 

génie.  Sa  hauteur  e:  1  de 
6  pieds  m  |  pied  io  pou- 
!  es  d'' 


Inventaire   de  Bailly. 

52.  Minerve  qui  va  trou- 
ver les  Muses  assemblées  sur 
le  Parna  ■  se,  figui  1  3  de  3 
pieds  un  quart,  ayant  de 
hauteur  6  pieds  -•  poui  es 
sur   7  pied-  '  le  large. 

52.  Les  Muses  et  dans 
le  lointain  un  homme  qui 
se  précipite  du  haut  d'une 
tour,  de  même  dimensions 
que  le  précédent. 


411.  Iphigénie   enlevée  du 
sacrifice  pai    l 'iani  .  1  1    \  ga 

un  nui. m  qui  a  un  genou  eu 
telle    au    pied    de    l'autel    en 

action  de  grâces,  figures 
de  ;  pieds  un  quai  1  ayant 
de  hauteui  <>  pieds  un  pouce 
sur  t  pied  i  •>  pnuces  de 
large! 


65.  Une  Femme  qui  offre 
un  sacrifice  et  sur  le  devant 
un  homme  qui  tient  un 
bœuf  par  une  corne,  figures 
de  3  pieds,  ayant  de  hau- 
teur 5  pieds  5  pouces  sur 
4  pieds  4  pouces  de  large. 
35.  L'Assemblée  des 
Dieux,  figures  de  2  pieds  ou 
environ,  ayant  de  hauteur 
4  pieds  8  pouces  sur  6  pieds 
et  demi  de  large. 


(1  )   Pub.  p. m    Engerand    Lerouj         19  ,   ■  1  suiv. 


9.  Par  A.  Van  Achene, 
un  tableau  peint  sur  toile 
représentant  un  Sacrifice 
offert  par  une  femme  aux 
idoles.    Sa    hauteur    est    de 

5  pieds  9  pouces  sur  4  pieds 

6  pouces  de  large  (1). 

11.  Un  autre  tableau 
peint  sur  toile  par  le  même 
maître  représentant  l'As- 
semblée des  Dieux.  Sa  lon- 
gueur est  de  6  pieds  7  pouces 
sur  4  pieds  1  pouce  de 
haut. 

12.  Un  tableau  peint  par 
Van  Achene  représentant 
1  lybèle  descendue  chez  Mor- 
phée.  Différents  spectres 
v  sont  représentés.  Sa  lon- 
gueur   est    de    7    pieds    sur 

;  pieds  9  pouces  de  haut. 
(2). 

15.  Par  le  même  un 
tableau  peint  sur  toile  repré- 
sentant Alexandre  prêt  à 
monter  Bucéphale  en  pré- 
sence de  Philippe  son  père 
et  des  grands  de  la  cour  de 
ce  prince.  Sa  hauteur  est  de 
<;  pieds  6  pouces  sur  3  pieds 
7  pouces  de  large. 

16.  Par  le  même  m  litre 
un  tableau  peint  sur  toile 
représentant  à  l'entrée  d'un 
appartement  une  Vieille 
Femme  présentant  une  lettre 
à  un  guerrier  qui  paraît 
In  m.  evoir  avec  l'air  le 
plus  amoureux,  mais  sur 
le  devant  du  tableau  ce 
même  homme  paraît  avoir 
dm  hue  la  lettre  que  l'on 
voit  s. .us  ses  pieds  et  dans 
l'action  de  tirer  l'épée  sur 
cette  femme  qui  s'enfuit 
saisie  de  la  plus  grande 
frayeur.  Sa  largeur  est  de 
6  [)ieds  sur  3  pieds  9  pou- 
ces de  haut. 

17.  Deux  tableaux  pen- 
dants peints  sur  toile  par 
le  même  maître,  représen- 
tant, l'un  un  Festin. 

et  l'autre  deux  Combat- 
tants dont  le  succès  paraît 
intéresser  deux  parties  en- 
nemies. A  droite  est  une 
tente  dans  laquelle  sont 
plusieurs  guerriers  et  dans 
le  fond  une  ville  sur  les 
remparts  de  laquelle  pa- 
i.ut  une  grande  quantité  de 
spectateurs.  Leur  longueur 
est  de  5  pieds  6  pouces  sur 
3   pieds  9  pouces  de  haut. 

Il  suffit  de  comparer  ces  mentions  deux  à  deux 
pour  voir  que  les  tableaux  qu'elles  désignent  sont  les 
mêmes.  A  quatre-vingts  ans  de  distance  c'est    le 

1  ,  C'e  1  I.  tableau  qui  est  au  Louvre  faussement  attri- 
bué à   I  >iil.. 'i 5. 

(2)   I.    Dessin  esl  dans  les  cartons  du  Loavre,  n°  26.264 


73.  Vne  Femme  descen- 
dant de  son  char  allant 
trouver  l'Envie  dans  son 
antre,  figures  de  3  pieds, 
ayant  de  hauteur  3  pieds 
7  pouces  sur  6  pieds  9  pou- 
ces de  large. 

59.  Un  Arc  de  Triomphe 
et  sur  le  devant  un  grand 
cheval  blanc  qu'un  jeune 
homme  veut  monter  en 
présence  de  plusieurs  figu- 
res de  3  pieds  un  quart, 
ayant  de  hauteur  5  pieds 
4  pouces  sur  3  pieds  et  demi 
de  large. 

75.  Une  Femme  habillée 
de  blanc,  effrayée  à  la  vue 
d'un  homme  qui  tire  son 
sabre,  figures  de  3  pieds, 
ayant  de  hauteur  3  pieds 
7  pouces  sur  6  pieds  9  pou- 
ces de  large. 


41  >.   Un   Festin,  figures  de 

2  pieds,   ayant  de  hauteur 

3  pieds  10  pouces  sur  5  p  eds 
et  demi  de  large. 

41.  Un  Combat  de  trou- 
pes de  guerre,  figures  d'envi- 
ron deux  pieds,  ayant  de 
hauteur  3  pieds  9  pouces 
sur  s  pieds  et  demi  de 
large. 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


87 


même  fonds  dont  on  fait  l'inventaire.  Dans  le 
second  inventaire  ce  fonds  n'est  plus  entier, 
comme  on  pourra  le  voir  en  recourant  aux  textes 
originaux  ;  le  temps  a  été  cause  qu'une  partie  des 
tableaux  signalés  dans  l'inventaire  ancien  a  dis- 
paru ;  mais  l'identité  ne  fait  pas  de  doute.  Or 
Bailly  donne  le  nom  de  l'auteur  de  ces  tableaux  : 
son  témoignage  doit  l'emporter  ici.  Ce  n'est  pas 
Van  Aaken,  c'est  Dubreuil.  Le  nom  de  Dubreuil 
et  la  mention  de  «Saint-Germain  sont  inscrits  sur 
tout  ce  chapitre. 

Ainsi  ceux  qui  chercheront  l'identité  de  ces  toi- 
les, devront  simplifier  leur  besogne  en  oubliant  le 
peintre  de  Prague  pour  ne  tenir  compte  que  du 
Français  ;  de  plus  ils  auront  pour  s'aider  dans 
ces  recherches  et  reconnaître  ces  tableaux,  le 
secours  des  mentions  de  Bailly  correspondantes. 

Voici  maintenant  une  autre  remarque. 

J'ai  dit  que  dans  le  second  inventaire  plusieurs 
pièces  du  premier  avaient  disparu.  Il  y  a  entre  les 
deux  une  autre  différence  encore  :  c'est  que  quel- 
ques pièces  conservées  ne  l'ont  été  qu'en  débri;. 
Un  certain  nombre  de  tableaux  paraissent  dans 
l'inventaire  de  1788  avec  la  mention  «  mutilé  », 
«  mutilé  et  coupé  »,  «  partie  d'un  tableau  ».  etc. 
Ces  tableaux  quoique  endommagés  avaient  appa- 
remment été  jugés  dignes  d'être  réparés,  et  la  répa- 
ration avait  eu  pour  effet  de  supprimer  la  partie 
de  la  toile  irrémédiablement  gâtée  afin  de  régula- 
riser le  reste. 

En  voici  un  exemple  : 

Inventaire  de  1788.  Inventaire  de  Bailly 

21.  Cinq  fragments  de 
tableaux  peints  sur  toile 
dont  l'un  représente  une 
Figure  nue  et  dans  l'eau, 

un     autre      Adonis     s'y  55.    Narcisse  .1111  se  mire 

mirant...  dans  l'eau,  figuresde  5  pieds 

un  quart,  ayant  de  hauteui 
6  pieds  2  pouces  sur  22  pou- 
ces de  large. 

Ce  fait  a  naturellement  pour  conséquence  de 
changer  les  dimensions  du  tableau,  comme  il  paraît 
dans  ce  qui  suit  : 


Inventaire  de  1788. 

19.  Par  le  même,  un 
tableau  pareillement  mu- 
tilé et  coupé,  représentant 
un  Homme  nu  et  debout, 
un  autre  baissé  contre  terre 
tenant  un  réchaud  plein 
de  feu,  le  fond  est  une 
forêt.  Sa  hauteur  est  de 
5  pieds  9  pouces  sur  4  pieds 
9  pouces  de  large. 


Inventaire  Bailly. 

17.  Un  Homme  debout 
ayant  simplement  une  dra- 
perie sur  les  épaules  accom- 
pagné d'une  autre  figure 
baissée  qui  allume  du  feu 
dans  un  bassin,  ayant  de 
hauteur  5  pieds  1  1  poui  es 
sur  10  pieds  m  pouces  de 
large. 


La  différence  de  dimensions  qui  empêcherait 
de  reconnaître  le  même  tableau  des  deux  côtés, 
est  suffisamment  expliquée  par  le  fait  que  l'un  des 
inventaires  le  représente  comme  mutilé. 

Le  même  fait  peut  expliquer  aussi  des  change- 
ments dans  la  description,  quand  des  figures  se 
trouvaient  dans  la  partie  enlevée.  Ainsi  c'est  le 
même  tableau  qu'on  trouve  de  part  et  d'autre 
ici  : 

Inventaire    de    1788.  Inventaire  Bailly 

18.    Par  le  même  maître,  15.    Une   Séparaton  d'un 

une  partie  de  tableau  pe'nt  homme    armé    d'avec     une 

sur   toile,   représentant    un  femme,  et  six  autres  femmes 

Guerrier  invitant  une  femme  dans     le    coin    du    tableau, 

à  le  suivre,  le  tond   est  une  ayant    de    hauteur   5  pie  1s 

forêt.     Sa    hauteur    est   de  onze     pouces    sur    10  pieds 

5  pieds  sur  3  pieds  de  large.  10  pouces  de  large. 

Il  est  évident  que  les  «  six  autres  femmes  dans 
le  coin  du  tableau  »  mentionnées  chez  Bailly  ont 
pu  soit  être  négligées  dans  la  description  de  1788, 
soit  avoir  réellement  disparu. 

Cela  étant,  venons  à  notre  fait.  Le  tableau  dont  on 
vient  délire  en  dernier  la  double  mention  d'inventaire 
est  le  tableau  de  Fontainebleau.  Pour  le  reconnaître 
dans  l'inventaire  de  1788,  il  ne  faut  que  comparer 
i°  le  sujet,  2°  les  dimensions.  Celles-ci  sont  portées 
au  catalogue  de  M.  de  Chennevières  :  «  hauteur 
1  m.  62,  largeur  0  m.  98  »,  qui  correspondent  exacte- 
ment. 

Jamais,  n'ayant  en  main  que  l'inventaire  Bailly. 
l'identité  n'aurait  pu  s'établir  à  cause  des  dimen- 
sions et  du  groupe  disparu.  Grâce  à  l'inventaire  de 
1788.  cette  difficulté  s'évanouit.  A  si  m  tour  l'in- 
ventaire Bailly  permet  de  connaître  le  nom  du 
peintre,  que  l'autre  inventaire  ne  donne  pas. 

Ainsi  le  tableau  de  Fontainebleau  est  de  Dubreuil 
et  provient  de  la  décoration  de  Saint-Germain. 

Cette  atribution  à  Dubreuil  n'est  pas  seulement 
la  conclusion  à  laquelle  tend  tout  ceci,  elle  est  à 
sa  manière  garant  de  la  vérité  de  l'induction.  En 
effet,  rienn'est  si  semblable  à  la  manière  de  Dubreuil 
relevée  et  dans  ses  dessins  et  dans  le  tableau  du  Lou- 
vre, que  la  manière  de  ce  tableau,  lui  l'absence  de 
tout  renseignement  je  l'avais  déjà  (1)  mis  au 
compte  d'un  maître  français  du  temps  de  Henri  IV. 

Autre  chose  veut  encore  être  considéré  :  c'est 
que  le  passage  de  ce  tableau  de  Saint-Germain  à 
Fontainebleau  est  rendu  probable  pris  en  soi  par 
un  second  fait    que  voici.   Il  n'a  pas  fait  seul  ce 

1  ontainebleau   (Collei  tion  des    Villes    i 

I  "   édition,    l.alllens    191  iS,   p.    1  cil. 


88 


BULLETIN   DES  MUSEES  DE  FRANCE 


voyage.  Un  autre  tableau  du  dépôt  de  Fontaine- 
bleau se  reconnaît   dans  l'inventaire  Chalgrin.   Il 
décrit  en  ces  term  s  : 

26.  Par  le  Parmesan,  un  tableau  peint  sur  toile  et 
trouVl  mt  <  yrbèle  descendue  chez 

Morphée.  Ce  dieu  est  endormi,  cette  déesse  paraît  tout 
employée  pour  le  réveiller,  plusieurs  spectres  s'envolent 
dans  les  airs  le  fond  est  un  paysage.  Ce  tableau  est  très 
précieux  et  sa  composition  très  intéressante.  Sa  largeur 
.  st  de  ;  pieds  6  pouces  6  lignes,  haut  de  j  pieds. 

Dans  le  catalogue  du   dépôt    de   Fontainebleau 

ce  talile. 'ai  est  ainsi  décrit  sous  le  n°  2\  : 

24.  Ecole  du  Primatice.  La  Terre  réveillant  Morphée. 
Morph  endormi  est  couché  par  terre  appuyé  sur  des  cous- 
hiis  Cybèle  la  tête  coiffée  d'un  diadème  formé  de  tours  et 
desi  1  ndm  d<  son  1  har  attelé  '\'\i^  lion  dont  on  n'aperçoit 
<|ue  la  tête,  pose  une  mon  sur  l'épaule  de  Morphée  et 
montre  de  l'autre  le  Temps  s'efforçant  de  retenir  la  Nuit 
qui  s'envole.  Hauteur  o  m.  ç.6.  largeur  1  m.  17.  Toile. 

De  qui  ce  tableau-là  fut  réellement,  il  n'importe. 
On  ne  le  trouve  pas  dans  l'inventaire  Bailly.  et 
toute  ouverture  manque  quant  à  l'attribution. 
Aussi  ne  veux-je  retenir  qu'un  point.  Cette  ren- 
contre dans  le  mê.ue  dépôt  de  deux  tableaux  pro- 
venant d'un  même  inventaire,  n'est  sans  doute  pas 
le  fait  du  hasard. 

L'inventaire    de    Chalgrin    montre    ces    vieilles 


peintures  connue  oubliées  à  Saint-Germain  ;  il 
constate  qu'elles  passèrent  eu  1788  des  mains  du 
Comte  d'Artois  dans  celles  du  Roi.  Le  Comte  d'Artois 
possédait  Maisons,  il  avait  l'usufruit  de  Saint  - 
Germain  ;  ce  document  nous  le  fait  voir  se  débarras- 
sant des  tableaux  trouvés  en  ces  deux  endroits  : 
ils  ne  purent  aller  qu'aux  magasins.  Que  les  deux 
dont  il  s'agit  aient  passé  de  là  à  Fontainebleau, 
c'est  la  chose  la  plus  naturelle  du  monde. 

Une  remarque  curieuse  pour  finir.  M.  de  Chenue- 
vières  avait  ajouté  dans  le  catalogue  de  Fontaine- 
bleau, parlant  du  tableau  que  j'étudie  :  «  Ce  tableau 
a  été  considéré  à  tort  comme  faisant  partie  de  la 
suite  de  l'histoire  de  Clorinde,  par  Ambroise 
Dubois.  »  Ainsi  la  même  erreur  qu'on  a  faite  au 
sujet  du  tableau  du  Louvre,  on  la  fai;ait  aussi 
sur  celui-là.  Le  style  de  Dubreuil  était  méconnu,  et 
on  avait  perdu  le  souvenir  des  décorations  dont 
ces  tableaux  sont  le  reste. 

Souhaitons  qu'on  les  rassemble  enfin,  autant 
en  témoignage  de  ces  décorations,  qu'afin  de  per- 
mettre une  étude  plus  facile  de  la  manière  de 
Dubreuil,  hier  presque  inconnu,  maintenant  abor- 
dable dans  deux  peintures.  j     tjimier 


MUSEES     NATIONAUX 
Documents   et  Nouvelles 


MUSÉE  DU  LOUVRE  ?°t'f°f°tt°?t°? 
-f    i   °f   Société    des    Amis    du    Louvre.   —  Le 

conseil  de  la  Société  des  Amis  du  Louvre  a 
désigné  pour  succéder  au  regretté  < 'reorges  Berger, 
à  la  présidence  de  la  Société,  M.  Jules  Maciet  qui 
occupait  la  vice-présidence  depuis  la  fondation 
de  la  Société.  (  >n  sait  les  nombreuses  et  intelligentes 
libéralités  que  doivent  à  M.  Maciet  nos  musées  de 
Paris  et  même  ceux  de  province.  *  >n  connaît  la  lar- 
geur de  ses  goûts  et  l'intérêt  actif  et  éclairé  qu'il 
porte  à  nos  collections.  (  )n  ne  saurait  trop  se  ré- 
jouir de  ce  choix,  ni  trop  remercier  M.  Maciet 
d'avoir  bien  voulu  accepter  une  tache  dans  l'ac- 
complissement de  laquelle  il  est  appelé  à  rendre  de 
si  grands  services. 

nx  places  qui  étaient  vacantes  au  Conseil 
en  remplacement  de  MM.  Georges  Berger  et  Louis 
Legrand  seronl  occupées  d'après  [a  désignation 
du  Conseil  pai   MM.  Jeuniette  et  Walter  Gay. 

La  Société  veut  décerne]  deux  dons  de  10.000  fr. 
chacun,  l'un  de  Mme  Alexandre  Weill,  l'autre  de 


M.  David  Weill.  Ces  sommes  s'ajoutent  à  celles 
fournies  l'an  dernier  par  deux  dons  anonymes  et 
serviront  à  acheter  pour  le  Louvre  une  œuvre  qui 
risquerait  de  quitter  la  France. 

°if  ■>"  °t  .  La  collection  Chauchr.rd.  —  Les  ta- 
bleaux de  la  collection  Chauchard.  ainsi  que  les 
bronzes  de  Barye  légués  au  Musée  du  Louvre  ont 
été  installés,  comme  nous  l'avions  annoncé,  dans  les 
salles  de  la  galerie  du  bord  de  l'eau  qui  fait  suite  à 
la  salle  des  Rubens.  C'est  la  première  conquête  sur 
les  anciens  locaux  du  Ministère  des  Colonies.  L'en- 
semble de  ces  salles  présentées  avec  luxe  et  avec 
goût,  bien  que  l'installation  doive  être  considérée 
comme  provisoire,  a  été  inauguré  le  15  décembre 
dernier  par  M.  le  Président  de  la  République  Fran- 
çaise. Nous  reviendrons  certainement  sur  cet  enri- 
chissement considérable  de  nos  séries  de  peintures 
modernes. 

>"  t?  -f  Les  dessins  du  XIXe  siècle. —  I, 'installa- 
tion de  l'ensemble  des  miniatures  et  dessins  d'Isa- 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  FRANCE 


89 


bey,  légués  au  Louvre  par  Mme  Rolle,  dans  le 
cabinet  voisin  de  la  salle  des  Pastels  occupé 
jusqu'ici  par  les  dessins  d'Ingres  a  entraîné  d'assez 
importants  remaniements  dans  la  présentation  des 
dessins  français  du  xixe  siècle.  La  série  qui  est  ex- 
posée dans  le  couloir  voisin  de  l'escalier  Thomy 
Thiery  a  été  modifiée  et  complétée  par  quelques  in- 
téressants documents  (aquarelles  de  Cabat,  de 
Granet,  d'Isabey,  de  Paul  Huet).  Mais  c'est  au 
second  étage,  dans  une  salle  qui  s'ouvre  sur  le 
même  palier  que  les  salles  de  peintures  modernes 
qu'une  exposition  d'ensemble  a  été  tentée,  réunis- 
sant les  œuvres  d'Ingres  à  celles  de  Delacoix,  à 
côté  de  quelques  beaux  dessins  de  Millet  et  de 
Corot  et  de  curieuses  esquisses  de  Ravier  ou  d'Her- 
vier.  On  connaît  bien  la  belle  série  des  dessins  d'In- 
gres que  possède  le  Musée,  études  et  portraits  : 
elle  est  là  au  complet  dominée  par  la  collection 
qu'on  a  pu  réexposer  dans  leur  ensemble  des  car- 
tons de  vitraux  pour  la  chapelle  Saint-Ferdinand 
des  Ternes  ou  pour  celle  de  Dreux.  Moins  célèbre 
et  plus  récemment  composée  par  des  acquisitions 
et  des  dons  est  la  série  des  Delacroix,  mais  non 
moins  attachante. 

On  pourra  voir  aussi  dans  cette  nouvelle  salle  une 
brillante  aquarelle  de  Lami,  le  Souper  de  la  Reine 
d'Angleterre,  dans  la  salle  de  spectacle  de  Ver- 
sailles, ainsi  que  des  dessins  d'Henri  Regnault  et 
de  Carpeaux. 

<*r   °f  °f   Objets  d'art    du    moyen    age  et  de   la 

Renaissance.  —  Les  bijoux  de  la  Renaissance, 
dont  le  fonds  véritable  provient  de  la  généreuse 
donation  du  baron  Davillier,  étaient  demeurés 
peu  connus  du  Musée  du  Louvre,  dans  une  des 
vitrines  plates  et  profondes  de  la  galerie  d'Apollon. 
LTne  heureuse  présentation  dans  la  première  vitrine 
centrale  de  la  même  galerie  les  révélera  au  public. 
Les  bijoux,  presque  tous  en  pendentifs,  faits  de 
perles  baroques  et  d'émaux,  se  présentent  beaucoup 
mieux  sous  leurs  deux  faces,  sur  de  petites  potences 
gainées  de  velours.  Quelques  gemmes  montées  en 
vases  et  ornées  d'émaux  en  rompent  l'uniformité 
d'effet  ;  quelques  orfèvreries,  les  beaux  bijoux  go- 
thiques, les  émaux  translucides  sur  or  y  apportent 
leur  éclat  et  leur  richesse  d'aspect.  Il  y  aura  peu  de 
visiteuses  qui  ne  s'y  arrêtent   longuement. 

musée  de   cluny  ^t-e-g-e-a-et-t 

°ç  °f  °ç  Les  collections  archéologiques  réunies 
dans  les  Thermes  de  Julien  vont  s'enrichir  de  deux 


beaux  morceaux  de  sculpture  décorative  de  l'époque 
romane  qui  avaient  été  retrouvés  récemment  en 
démolissant  une  maison  de  la  petite  ville  de 
Cluny.  On  serait  assez  tenté  d'y  voir  des  fragments 
de  la  décoration  de  la  célèbre  abbatiale  ;  mais  on 
sait  aussi  que  de  nombreuses  maisons  s'étaient 
élevées  à  Cluny  au  xne  siècle,  abondamment  et 
élégamment  ornées,  dont  quelques-unes  sont  encore 
intactes  ;  il  est  très  probable  que  c'est  de  l'une 
d'elles  que  viennent  le  beau  linteau  et  la  charmante 
petite  fenêtre  acquise  par  le  Musée  de  Cluny. 

°jf  °f  °j?  Le  Musée  a  reçu  récemment  en  don  de 
MM.  Isaac  et  Moïse  de  Camondo  un  certain  nombre 
d'objets  du  culte  hébraïque  destinés  à  être  joints 
à  la  section  spéciale  constituée  déjà  grâce  aux  libé- 
ralités de  la  baronne  Nathaniel  de  Rothschild. 

MUSÉE  DU  LUXEMBOURG  f  f  V  f  f  f 
H  %  "?  Te  portrait  de  Lenepveu,  par  Machard, 
daté  de  1868  qui  a  été  légué  à  la  mort  du  musicien 
aux  Musées  nationaux,  sera  exposé  au  Musée  du 
Luxembourg. 

°$  >°  -.f  Le  Musée  a  acquis  d'autre  part  un  portrait 

au  pastel  de  Théodore  de  Banville,  par  Renoir, 
qui  appartint  à  Mme  Catulle  Mendès. 

MUSÉE  DE  VERSAILLES  -f  t  f  f  1  f  H 
-f  °f  V  Le  31  octobre,  la  Société  des  Amis  de  Ver- 
sailles a  inauguré  le  nouvel  aménagement  de  la 
«  Galerie  liasse  ».  transformée  en  •<  Galerie  des  ba- 
tailles de  Louis  XV  ».  par  l'installation  des  tableaux 
de  Lenfant  et  J.-Ii.  Martin  commémorant  des  vic- 
toires du  règne.  Les  peintures  de  Pierre  Lenfant 
furent  exécutées  pour  la  décoration  de  1'  «  Hôtel  de 
la  Guerre  »,  à  Versailles,  construit  de  1759  à  1762. 
Elles  ornaient  un  salon  d'honneur  où  elles  furent 
placées  en  1771,  comme  nous  l'apprend  une  note  au 
livret  du  Salon  de  cette  année.  Les  cinq  grandes 
peintures  qui  représentent  :  le  siège  de  Menin, 
le  siège  de  Fribourg,  la  bataille  de  Fontenoy,  le 
siège  de  Tournai  et  la  bataille  de  Lawfeldt,  s'ac- 
compagnaient d'autres  plus  petites,  probablement 
des  dessus  de  portes,  qui  n'ont  pas  toutes  été 
recueillies  au  Musée.  Un  grand  portrait  équestre  du 
Roi,  œuvre  de  Charles  Cozette,  daté  de  1763,  qui 
figurait  dans  la  même  pièce  du  Ministère,  est  venu 
également  prendre  place  dans  la  «  Galerie  basse  ». 
Le  Musée  historique  de  l'année  conserve  une  suite 


9° 


BULLETIN    DES   MUSEES    DE    FRANCE 


de  dessins  ]>;tr  P.  Lenfant  (crayon  et  plume  avec 
rehauts  d'aquarelle),  représentant  des  épisodes  de 
combats,  de  sièges  de  villes,  des  campements  de 
troupes,  qui  doivent  être  rapprochés  des  peintures 
île  Versailles;  plusieurs  esquisses  sont  très  remar- 
quables par  la  vivacité  et  la  justesse  des  traits, 
il  semble  bien  que  l'artiste  ait  suivi  des  armées 
en  marche  et   ait   assisté  à  des  actions  militaires. 


Charles  Cozette  travaillait  avec  Lenfant,  certains 
dessins  leur  sont  attribués  en  collaboration. 

Les  peintures,  nouvellement  exposées  à  Versailles 
ont  reçu  des  encadrements  somptueux  qui  les  met- 
tent en  valeur  ;  ces  travaux  ont  été  exécutés  à 
l'aide  de  la  donation  faite  par  M.  Gordon-Bennet. 
D'autres  améliorations  de  ce  genre  se  préparent, 
grâce  à  des  libéralités  de  généreux  amis  du  Musée. 


LES    LE    SUEUR   DE    MARMOUTIER 
au   Musée   du   Louvre   et  au  Musée  de  Tours 


Le  29  août  1785,  le  comte  d'Angiviller,  direc- 
teur des  bâtiments  du  roi,  demanda  aux  moines  de 
Marmoutier  de  vouloir  bien  soumettre  à  l'examen 
d'un  expert  ceux  de  leurs  tableaux  qui  étaient  attri- 
bués à  Le  Sueur,  afin  de  les  placer  dans  la  collection 
de  Sa  Majesté.  Xous  verrons  par  la  suite  que  ces 
tableaux  étaient  au  nombre  de  dix.  Cette  requête 
était  un  ordre,  et  les  religieux  s'empressèrent  d'y 
faire  droit.  Un  des  gardes  de  la  collection  royale, 
le  sieur  Jollain  se  rendit  donc  à  Marmoutier,  et  il  ne 
retint  que  quatre  tableaux  qui  furent  transportés 
à  Paris  pour  un  examen  plus  approfondi  (1). 

C'étaient  :  i°  Un  saint  Sebastien  expirant  et  du 
corps  duquel  les  saintes  femmes  arrachent  les  flèches. 

2"  Saint-Louis  pansant  les  malades  et  baisant 
leurs  plaies. 

;"  Une  apparition  de  la  s, mite  Vierge,  de  saint 
Pierre  et  de  saint  Paul,  de  sainte  Agnès  et  de  sainte 
Tkècle  à  saint  Martin. 

4°  L'apparition  d'un  globe  de  jeu  sur  la  tête  de 
saint  Martin,  vitrant  le  Saint  Sacrifiée.  Ce  tableau. 
beaucoup  plus  petit  que  Les  précédents  était  enea- 
dré  dans  la  boiserie-  d'une  des  chambres  de  l'hôtelle- 
rie  appelée  de  saint  Martin. 

La  chronique  à  laquelle  nous  devons  ces  préci- 
sions, nous  apprend  également  que  Marmoutier 
possédait  chacun  de  ces  tableaux  en  double  exem- 
plaire. Il  y  avait  donc  apparemment,  de  chaque 
sujet,  un  original  et  une  copie  —  ou  plutôt  une 
réplique  due  aux  élèves  de  Le  Sueur  et  à  laquelle 

'       rensi  ign<  mi  m    nous  sont  fournis  par  un  manus- 

I  libliol  hèque  de    I  oui  s  \  enani  de  M  u  moutier  et 

/  morabilium    monasterii    Liber.   ■  Y. 

■  :     arts  en  Vouraine 

Ce    doi  ument      ont  1  omplc 

tés    pai  'lie  1     publiée    dans    les     '■ 

'  pagi      1 4  5  -  3  48 . 


celui-ci  aurait  à  peine  mis  la  main.  Dans  quelle 
mesure  le  maître  avait-il  participé  à  l'exécution 
des  originaux  eux-mêmes  ?  C'était  la  question  que 
les  experts  de  Paris  allaient  se  charger  de  résoudre. 
Elle  était  d'autant  plus  délicate  que  Le  Sueur,  on 
le  sait,  se  faisait  généralement  aider  par  des  colla- 
borateurs. Et  cela  explique,  en  partie,  l'inégalité 
de  facture  que  l'on  remarque  dans  ses  oeuvres. 

Il  y  avait  en  outre  à  Marmoutier,  deux  autres 
tableaux  qui  étaient  attribués  à  Le  .Sueur,  et, 
ajoute  la  chronique  «  qui  étoient  généralement 
prisés  au-dessus  des  autres  ».  C'était  une  Descente 
de  croix  et  un  saint  Benoît.  Le  sieur  Jollain  les 
repoussa  comme  apocryphes.  Eut-il  raison  ?  En  ce 
qui  concerne  le  saint  Benoît,  comme  on  le  verra, 
cela  est  plus  que  discutable. 

Quant  aux  quatre  tableaux,  retenus  par  lui, 
son  choix  s'était-il  porté  sur  les  répliques  ou  sur 
les  originaux  ?  Ceux-ci  d'ailleurs  étaient-ils  d'une 
facture  supérieure  à  celles-là  ?  En  vérité  il  nous 
est  impossible  de  formuler  une  opinion  à  ce  sujet, 
et  nous  voulons  bien  croire  à  la  perspicacité  du 
sieur  Jollain.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  les  moi- 
nes de  Marmoutier  durent  éprouver  une  certaine 
stupéfaction  en  recevant  de  M.  d'Angiviller  en  Oc- 
tobre 1785  la  lettre  dont  voici  les  passages  essentiels  : 

«  J'ai  été  conduit,  mes  R.  R.  P.  P.,  par  différentes 
circonstances  à  différer  de  m'expliquer  avec  vous 
sur  les  tableaux  dont  vous  avés,  avec  tant  d'hon- 
nêteté, consenti  l'abandonnemetit  au  Roi,  et  que 
vous  avés  en  conséquence  livrés  à  M.  Jollain,  que 
j'avais  députe  vers  vous  pour  les  recevoir.  L'estime 
que  vous  en  faisiés  vous  laissera  toute  lasurprisede 
ce  que  je  vais  vous  annoncer,  c'est  que  ces  mêmes 
tableaux  ne  sont  point  de  cette  exécution  absolu- 
ment supérieure  qui  seule  peut  leur  mériter  place 


BULLETIN  DES  MUSEES  DE  ERANCE 


91 


dans  la  collection  du  Roi.  Ainsi,  comme  ce  serait 
vous  priver  sans  utilité,  et  sans  objet,  je  vous  ferai 
repasser  ces  tableaux  mis  en  état,  et  comme  ils  le 
méritent,  leur  infériorité  ne  les  rejetant  pas  dans 
la  dernière  classe.  » 

Environ  un  mois  après  la  réception  de  cette 
lettre,  on  trouva  par  hasard  le  marché  passé  entre 
D.  Cyrille  Congnault,  procureur  de  l'abbaye,  et  le 
peintre  Le  Sueur  pour 
quatre  tableaux  dont 
deux  mentionnés  ci-des- 
sus, à  savoir  :  le  saint 
Sébastien  et  le  saint  Loui\ 
commandés  le  18  février 
1654.  Les  tableaux 
furent  livrés  dans  le 
cours  de  la  même  année. 
Ils  avaient  coûté  six 
cents  livres.  Le  comte 
d'Angiviller  auquel  on 
fit  part  de  ces  docu- 
ments, n'en  fut  pas 
ébranlé  dans  son  opinion 
et  «  répondit  qu'au  juge- 
ment des  artistes,  ces 
tableaux  avaient  proba- 
blement été  faits  par  des 
élèves  de  Le  Sueur,  et 
tout  au  plus  esquissés 
et  retouchés  par  lui, 
d'autant  mieux  que  ce 
grand  homme  mourut 
l'année  suivante  après 
avoir  traîné  pendant 
longtemps  une  vie  faible 
et  languissante  ». 

Dans  une  lettre  du  11 
septembre  1786,  le  direc- 
teur   des   bâtiments  du 

roi  déclare  que  sur  les  quatre  tableaux  qui  avaient 
été  envoyés  à  Paris,  il  va  en  retourner  trois  «  res- 
taurés suivant  les  besoins  »  (1).  Il  «  se  flatte  que  l'on 
ne  trouvera  pas  mauvais  »  qu'il  garde  pour  lui  le 
quatrième.  Insista-t-on  pour  lui  en  faire  conserver 

(1)  Ce  sont  les  numéros  562  et  563  du  Catalo 
maire  des  Peintures.  Il  faut  noter  que  jusqu'à  la  dernière 
édition  de  ce  catalogue  (19C8)  une  fausse  désignation 
avait  été  adoptée  et  maintenue  pour  le  n°  562  que  l'un 
qualifiait  d'Apparition  de  Sainte  Scolastique  ,i  S.1111I  Benoît.» 
Voir  L.  Demonts.  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  de 
de  l'art  français    1908  p.  239. 


F'g-   31- 


davantage  ?  Se  ravisa-t-il  de  lui-même  ?  Toujours 
est-il  que  deux  des  tableaux  désignés  ci-dessus 
figurent  aujourd'hui  au  Musée  du  Louvre  (1),  c'est 
la  messe  de  saint  Marti  11,  et  {'Apparition  de  la 
Vierge.  Et,  en  vérité,  ce  choix  témoigne  d'un 
jugement  éclairé.  Par  la  belle  ordonnance  de  la 
composition  ,  par  l'harmonie  générale  de  la  colo- 
ration et  l'absence  d'emphase  dans  la  mise  en 
scène,  ces  deux  tableaux 
nous  semblent  considé- 
rablement supérieurs 
aux  deux  autres. 

Quant  à  la  réplique  de 
la  messe  de  saint  Martin, 
qui  a  été  conservée  au 
Musée  de  Tours,  et  qui 
est  de  plus  petite  dimen- 
sion, la  gaucherie  avec 
laquelle  sont  traités  les 
accessoires,  une  facture 
hésitante  et  timide,  nous 
feraient  croire  à  une  co- 
pie. Ce  qui  est.  dans 
tous  les  cas,  certain, 
c'est  que  ce  panneau  a 
subi  de  fâcheuses  retou- 
ches. On  distingue  net- 
tement un  grattage  de 
l'œuvre  primitive,  et 
une  reprise  malheureuse 
par  une  main  inexperte. 
Ht  c<  ci  est  dommage  ; 
car,  original  ou  copie, 
cette  réplique  avait  été 
brossée,  à  fleur  de  toile, 
ou  plutôt  à  fleur  de  pan- 
neau, dans  une  gamme 
joyeuse  et  charmante 
assez  agréable,  et  cer- 
taines têtes  présentaient  un  caractère  «le  dévotion 
assez  remarquable. 

Le  saint  Louis  et  le  saint  Sébastien,  figurent 
également  aujourd'hui  au  Musée  de  Tours  ;  il 
faut  convenir  qu'ils  sont  bien  loin  d'avoir  le  même 
charme.  Et  l'on  doit  saisir  cette  occasion  pour 
rendre  hommage  au  discernement  qui  présidait  en 
ce  temps-là  déjà  à  la  constitution  de  notre  collec- 
tion nationale.  CEuvres  d'élèves  ou  d'un  artiste 
déjà  affaibli,  il  nous  est  assez  difficile  de  nous 
prononcer    ici    en    toute    certitude    de   cause.   La 


-  Saint  Louis,  par  Lesueur. 
[Musée  de  Touis.) 


92 


BULLETIN    DKS  MUSEES   DE    FRANCE 


facture  de  Le  Sueur,  même  dans  ses  bonnes  choses, 
n'est  pas  assez  caractéristique,  pour  qu'on  puisse 
en  toute  sécurité  reconnaître  sa  touche  et  préciser 

ce  qui  est  ou  non  l'œuvre  de  sa  main.  Ce  qui  nous 
semble  évident  c'est  que  ces  deux  toiles  ne  méri- 
taient guère  l'honneur  d'entrer  au  Louvre.  La 
composition  en  est  conventionnelle,  la  coloration 
quelconque,  la  facture 
molle  et  sans  agrément, 
enfin  le  dessin  lui-même 
en  est  dépourvu  de  ca- 
ractère. La  tête  et  le 
torse  du  saint  Sébas- 
tien, par  exemple,  sont 
construits  d'une  façon 
si  expéditive  et  si  in- 
consistante que  l'on  a 
peine  à  retrouver  ici  la 
main  qui  a  donné  tant 
de  reliei  au  Christ  à  la 
colonne  du  Musée  du 
Louvn . 

Bref  on  ne  peut  blâ- 
mer M.  d'Angiviller 
d'avoir  écarté  ces  deux 
toiKs  comme  «  n'étant 
pas  de  cette  exécution 
absi  dûment  supérieure, 
qui  Seulement  peut  leur 
mériter  place  dans  la 
collection  du  Roi  •>.  Tout 
au  plus  peut-on  se  de- 
mander si  ce  sont  bien 
les  originaux  qui  nous 
si  ml  parvenus.  En  vérité, 
il  serait  assez  étonnant 
que  le  choix  de  l'expeit 
se  soit  poi  té  sur  de  sim- 
ples copies.  Mai.  si  l'on 

admettait  que  nous  nous  trouvons  en  présence  de 
répliques,  d'œuvres  d'élèves  de  Le  Sueur  <•  tout  au 

plus    esquissées    et     retouchées    par    lui,   ».    Selon    la 

conclu  ion  de  M  d'Angiviller  il  resterait  que  les 
compositions  originales  devaient  être  médiocres 
cl    par   la  disposition   et    par  le  sentiment. 


Si 
l'églis 


Saint-Benoit 
Radéi 


existi 
pn 


encore    dans 
M.u  un  lutiei 


—  est  réellement,  comme  nous  croyons  l'avoir 
démontré  dans  une  étude  récente  (i),  une  œuvre 
de  L?  Sueur,  celle-là  même  qui  jusqu'en  1785, 
était,  avec  la  Descente  de  Croix  «  généralement 
prisée  au-dessus  des  autres  ■>.  il  faut  avouer  que  le 
Sieur  Jollain  avait  été  mal  inspiré  de  lui  préférer  le 
Saint-Sébastien  ou  le  Saint-Louis.  Car  la  ligne 
en  est  plus  belle,  et  le 
sentiment  plus  simple  et 
moins  emphatique.  Il 
est  juste  d'ajouter  que 
l'état  où  se  trouve  ce 
tableau,  et  où  il  devait 
se  trouver  déjà,  explique 
et  excuse  son  erreur.  La 
couleur  s'est  craquelée 
dans  le  bas  de  la  com- 
position tombant  par 
larges  plaques,  et  lais- 
sant voir  la  prépara- 
tion, ou  la  toile,  quand 
celle-ci  ne  tombe  pas  en 
lambeaux.  De  plus  on 
reconnaît  du  premier 
coup  d'oeil  plusieurs  res- 
taurations successives, 
dont  la  plus  ancienne 
par;  il  bien  dater  du 
xviii0  siècle. 

Il  reste  néanmoins  des 
parties  intactes,  qui  per- 
mettent suffisamment, 
croyons-nous,  de  resti- 
tuer au  maître  la  pater- 
nité de  cette  icuvre. 

Elle  représente  au  pre- 
mier plan,  deux  groupes. 
Celui  de  gauche  est  com- 
posé de  moines  revêtus 
de  la  robe  noire  des  bénédictins.  A  droite,  de  pauvres 
gens  se  pressent  autour  du  lit  d'un  enfant  mori- 
bond. Un  moine  —  qui  est  évidemment  le  person- 
nage principal  -  domine  le  groupe  de  gauche,  et 
semble  prier  Dieu  pour  qu'il  rende  la  vie  à  l'enfant. 
'l'ont  cela  a  souffert  de  repeints  évidents.  Le  fond 
éti  moins  malmené  par  les  restaurateurs.  A  tra- 
vers la  large  baie  d'une  architecture  classique,  on 
aperçoit    un   moine   bénédictin   qui  fait   la  charité'  à 

111   Von    I.-    Bulletin    de    la    Société    archéologique    de 
ne  :  XVII.   1910. 


Saint  Sébastien    par  Lesueur 

[Must  1   de  1 1  w 


BULLETIN    DES   MUSÉES  DE    FRANCE 


93 


un  pauvre.  L'ordonnance  générale  de  cette  compo- 
sition, la  couleur  blonde  de  ce  fond,  ces  gris  bleu- 
tés rompus  d'ocre  rouge,  cette  architecture  même 
que  nous  avons  déjà  vue,  presque  identique,  dans 
le  Jésus  à  Bélhanie,  dans  le  saint  Paul  à  Ephèse, 
cette  porte  du  fond  qui  sert  à  encadrer  une  nouvelle 
scène  comme  dans  la  mort  de  Raymond  Diocrès  ou 
le  saint  Bruno  en  prière,  tous  ces  caractères  réunis, 
portent  tellement  la  marque  de  Le  Sueur  que  selon 
nous,  ils  équivalent  à  une  signature. 

De  plus  nous  savons  que  ce  tableau  vient  de 
Marmoutier  (i),  où  il  figurait  depuis  1715  dans  la 
chapelle  de  Saint-Benoit.  Mais  représente-t-il  bien 
un  saint  Benoît  ?  Dans  l'inventaire  de  la  paroisse, 
il  figure  sous  la  mention  :  «  Guérissant  le  /ils  du 
jardinier  de  Marmoutier  ».  De  sorte  qu'en  réalité, 
il  s'agirait  d'un  miracle  de  saint  Martin.  Et  la  toile 
en  question  ferait  partie  de  la  même  suite  que  la 
messe  de  saint  Martin.  Lorsque  le  tableau  servit 
à  décorer  la  chapelle  de  Saint-Benoit  en  1 7 1 5 .  la 
confusion  s'établit  peut-être  volontairement. 

Mais,  nous  dira-t-on.  le  peintre  était  mort  en  [655, 
comment  le  tableau  attendit-il  jusqu'en  1715  pour 
être  mis  en  place  ?  Ici  nous  sommes  bien  obligé  de 
recourir  à  une  hypothèse. 

L'artiste  fut-il  surpris  par  la  mort  en  plein 
travail  et  laissa-t-il  la  toile  inachevée  ?  L'état 
actuel  de  la  toile,  où  la  préparation  apparaît  encore 
par  endroits  dans  le  bas  du  tableau,  semble  justi- 
fier cette  supposition.  Cette  toile  fut-elle  envoyée 
au  couvent  à  la  mort  de  Le  Sueur  dans  l'état  où 
l'artiste  l'avait  laissée  et  les  moines  jugeant  impos- 


sible d'exposer  une  œuvre  ainsi  inachevée,  la  relé- 
guèrent-ils dans  quelque  coin,  jusqu'à  ce  qu'ils  trou- 
vassent parmi  eux  le  restaurateur  audacieux  qui 
entreprit  de  terminer  l'œuvre  du  maître  de  sorte 
que  l'on  pût  enfin  lui  donner  place  dans  quelque 
chapelle  ? 

Nous  voyons  justement  que  dans  cette  même 
année  1 715,  deux  moines  artistes  (?)  les  frères  Gué- 
ri'n  et  Salambier  travaillaient  à  la  décoration  du 
couvent  et  terminaient  les  tableaux  du  réfectoire. 
Faut-il  les  soupçonner  d'être  les  auteurs  respon- 
sables des  maladroites  restaurations  qui  ont  dés- 
honoré l'œuvre  du  maître.  Il  nous  semble  qu'il  y  a 
là  tout  au  moins  une  coïncidence  qui  constitue  à 
l'endroit  de  ces  deux  moines  peintres,  une  présomp- 
tion assez  sérieuse. 

L'œuvre  qu'ils  ont  ainsi  gâchée,  sans  être  à  pro- 
prement parler  un  chef-d'œuvre  était  cependant 
honorable.  C'était,  peut-être,  après  la  Messe  de  saint 
Martin  i_t  ['Apparition  de  la  Vierge,  la  meilleure 
de  cette  série,  la  dernière  qui  ait  été  exécutée  par 
Le  Sueur.  Les  peintures  de  Marmoutier  empruntent 
à  cette  circonstance  un  intérêt  d'émotion.  Sans 
les  réelles  qualités  des  toiles  que  nous  venons  de 
mentionner,  il  serait  difficile  d'affirmer  qu'elles 
présentent  au  point  de  vue  de  l'art  un  intérêt  aussi 
grand,  on  pourrait  se  demander  si  elles  ne  trahissent 
pas  un  affaiblissement  dans  les  facultés  de  Le 
Sueur.  Mais  avant  d'adopter  cette  conclusion,  il 
faudrait  démontrer  que  le  saint  Louis  et  le  saint 
istien  sont  bien  des  originaux.  Et,  à  notre  avis, 
un  léger  doute  subsiste.  Henri  GuERLIN. 


ATTIRET    AU     MUSÉE     DE     DIJON 


Le  xvme  siècle  français  est  vraiment  inépuisable 
en  talents,  et  peut-être,  ce  qui  est  dire  beaucoup, 
ses  sculpteurs  dépassent-ils  encore  ses  peintres. 
Voici,  par  exemple,  un  artiste  provincial  qui  jus- 
qu'aujourd'hui n'a  pas  eu  les  honneurs  du  Louvre 
et  mérite  cependant  mieux  qu'une  réputation  de 
clocher.  Claude-François  Attiret  n'a  que  ces  quatre 
lignes  de  M.  Louis  Gonse,  La  Sculpture  française 

depuis  !c  XIVe  siècle,  l8q5  :  «  El    je    n'ai  rien  dit   des 

(1)  Selon  l'inventaire  île  la  paroisse  de  S. uni.'  Radé- 
gonde,  \1111  aussi  le  Dictionnaire  géographique,  historique 
et  biographiqut  d'Indre-ei  Loire  pat  V  Carré  de  Busse 
rolles.     (L'article     concernant    <  e    tableau     est    emprunté 

à  la  semaine  religieuse  du  diocèse  e1   l'aul 1   VIgr.  1  lie 

valier). 


inconnus,  de  cet  Attiret,  par  exemple,  quiafaitle 
ravissant  buste  de  jeune  fille  de  la  collection  Mar- 
cille  ».  Dans  une  conférence.  L'Art  et  les  Artistes 
à  Dijon,  faite  à  Fribourg  en  Brisgau  le  3  novembre 
1904,  un  professeur  de  l'Université,  M.  Cari  Sutter, 
parle  du  ••  sculpteur  Attiret.  de  Dôle,  un  maître 
trop  peu  connu  dont  les  œuvres  distinguées  rap- 
pellent dans  le  meilleur  sens  le  genre  de  Bouchar- 
don,  de  Clodion  et  de  Hotidon.  et  font  l'ornement 
du  musée  de  I  (ijon  ». 

Ne  à  l'oie  le  1  |  décembre  r.728,  Attiret  y  mou- 
rut le   13  juillet    [804  :  on  ne  sait  rien  de  sa  première 

formation  et  on  le  retrouve  à  l'.uis  élève  de  Pigalle. 
II  résida  longtemps  à  Dijon  où  il  a  laissé  ses  œuvres 


"4 


BULLETIN  DES  MUSÉES  DE  FRANCE 


les  plus  importantes,  fit  partie  des  jurys  de  l'école 
des  Beaux- Arts,  puis  pendant  la  Révolution  de  cette 
Commission  des  Arts  qui  sauva  beaucoup  de 
monuments  du  grand  naufrage.  La  cathédrale 
Saint-Benigne  a  de  lui  deux  statues  en  pierre,  saint 


Fîl;.   3  ?.  —  La  Clercheuse  d'esprit. 

I  rnc  c  uite,   pal    \  l  i  [RET. 

Musi  i   de  Dijon.) 

•  I  saint  Lan  l'Evangéliste,  provenant  de 
la  Sainte-Chapelle,  ainsi  que  le  maître-autel  en  mar- 
bre, où  est  encastré  un  bas-relief  en  bronze  doré, 
1'  <•  Assomption  ».  qui  est  aussi  de  sa  main.  Ce 
sont  des  morceaux  de  mérite,  surtout  le  bas-relief. 
Le  musée  possède  de  lui  un  plâtre  original,  buste 
i  touz  de  <  '.nlaïul,  un  des  plus 
insignes    bienfaiteurs  de  sa   ville    natale,    mort    à 


Dijon  en  1774  ;  ce  buste  est  très  beau,  et  l'épreuve 
en  bronze  se  voit  au  Jardin  botanique.  Les  quatre 
bas-reliefs  en  pierre  les  «  Saisons  »,  avaient  été 
exécutés  pour  la  maison  de  campagne  des  évêques 
de  I  (ijon  à  Plombières,  près  de  Dijon.  Ils  sont  tout 
à  fait  dans  le  style  de  Bouchardon  et  j'y  vois  de 
très  agréables  exemplaires  de  ce  type  qu'a  multiplié 
l'art  charmant  du  XVIIIe  siècle,  des  enfants  nus  et 
potelés  jouant  aux  petits  travailleurs. 

M.  Gaston  Joliet  a  récemment  donné  au  musée 
un  buste  de  jeune  femme,  plâtre  original  d'un 
charmant  caractère;  mais  je  tiens  pour  le  chef- 
d'œuvre  de  l'artiste  et  digne  du  Louvre,  cette 
exquise  terre  cuite,  n°  929,  modèle,  je  crois,  du 
marbre  appartenant  à  M.  E.  Marcille,  à  Paris,  la 
<  Chercheuse  d'esprit  »,  dont  la  reproduction  accom- 
pagne cet  article.  C'est  manifestement  un  portrait, 
celui  d'une  jeune  fille  aux  yeux  baissés,  point 
régulièrement  jolie,  peut-être,  mais  mieux  que  cela, 
je  ne  dirai  pas  «  pire  »,  bien  qu'il  y  ait  dans  cette 
expression  là  un  rien  de  ce  mélange  de  sensualité  et 
de  candeur  qui  faisait  les  délices  du  libertin  XVIIIe 
siècle.  C'est  une  innocente  qui  a  bien  la  mine  de  cher- 
cher comment  l'esprit  vient  aux  filles.  Maintenant 
avons-nous  ici  un  portrait  ordinaire  ou  celui  d'une 
actrice  ayant  joué  le  fameux  opéra  comique  de 
Favart,  la  Chercheuse  d'esprit,  sinon  même  une 
image  de  Mme  Favart,  elle-même,  morte  à  44  ans  en 
1772  ?  Qui  le  pourrait  dire  ?  Nous  ne  savons  pas 
non  plus  d'où  vient  ce  morceau  de  fine  bouche,  bien 
d'émigré,  sans  doute,  qui  aura  conservé  une  déno- 
mination consacrée  par  la  tradition.  Quoi  qu'il  en 
soit,  il  serait  intéressant  de  rapprocher  la  terre 
cuite  du  marbre  ;  peut-être  la  première  modelée 
par  le  pouce  même  de  l'artiste  en  présence  du 
modèle,  soutiendrait-elle  honorablement,  avec 
avantage,  qui  sait  ?  la  comparaison  avec  le  marbre 
travaillé  à  loisir  dans  l'atelier. 

Pour  conclure,  Attiret  ne  me  paraît  pas  avoir 
été  un  de  ces  artistes  médiocres  qui  ont  eu  dans 
leur  vie  une  heure  d'inspiration  et  de  talent.  Ses 
œuvres  conservées  à  Dijon  le  mettent  à  un  niveau 
très  distingué,  et  la  «Chercheuse  d'esprit  »  l'a  pour 
une  fois  fait  atteindre  au  premier  rang. 

Le  musée  de  1  lijon  possède  un  bon  portrait  d'Atti- 
rct.  par  Lenoir  ;  encore  un  quasi  inconnu  à  mettre 
en  demi-lumière. 

Henri  Chabeuf. 


MUSÉES     DE     PARIS     ET     DE     PROVINCE 

Notes  et   Informations 


MUSÉE    DES   ARTS   DECORATIFS   ■*  f  -f  f 

°£  °g  °ç  On  expose  eu  ce  moment  au  Musée  des 
Arts  décoratifs,  la  séiie  les  «  Seize  figures  d'un 
ballet  idéal  ».  du  peintre  P.  Renouard,  études,  es- 
quisses, et  projets  dont  quelques-uns  déjà  réalisés 
à  grandeur  et  prêts  pour  une  traduction  en  tapis- 
serie rêvée  par  l'artiste.  On  a  réuni  à  l'entour,  des- 
sins, croquis  et  gravures  qui  montrent  presque  tout 
l'ensemble  de  l'œuvre  de  cet  artiste.     ' 

On  y  verra,  saisis  sur  le  vif  et  dans  leurs  gestes 
habituels  orateurs  et  hommes  politiques  et  on  y 
retrouve  avec  un  plaisir  très  vif  les  délicieuses  pe- 
tites figurantes  de  Drury-Lane  et  les  danseuses 
de  ses  albums  déjà  anciens,  aussi  bien  que  les  cor- 
tèges officiels  des  fêtes  belges  et  britanniques. 

Dans  les  salles  voisines  on  a  exposé  de  façon 
temporaire  la  collection  laissée  par  Mlle  Grandjean 
et  dont  le  Musée  des  Arts  décoratifs  a  été  nommé 
séquestre. 

Cette  collection  comprend  une  grande  variété 
d'objets  d'art  et  de  bronzes  de  toutes  les  époques 
depuis  la  Renaissance  jusqu'à  la  fin  du  xvme  siècle. 

La  partie  la  plus  importante  est  formée  d'un  ad- 
mirable ensemble  de  porcelaines  de  Sèvres  et  de 
Vincennes  où  figurent  des  pièces  importantes  comme 
le  vase  rose  qu'on  avait  admiré  au  Petit-Palais  à 
l'Exposition  de  1900  et  un  bon  choix  de  pièces  de 
service.  La  porcelaine  étrangère  est  représentée 
par  une  belle  série  de  .Saxe  où  on  compte  quelques 
très  beaux  groupes  ;  et  une  importante  réunion  de 
porcelaines  de  la  Chine  du  xviii0  siècle. 

Quelques  belles  pièces  de  Delft,  d'Alcora,  de 
Nevers  et  de  Rouen,  des  faïences  de  Palissy  et 
quelques  belles  assiettes  de  Gubbio  et  de  Deruta 
complètent  l'ensemble  de  la  céramique. 

On  trouve  encore  un  choix  de  beaux  émaux  de 
Limoges  avec  une  admirable  «  adoration  des 
mages  »,  de  Nardon  Pénicaud  et  quelques  assiettes 
de  Pierre  Raymond;  un  beau  diptyque  d'ivoire  du 
xive  ;  des  bijoux  du  xvie  siècle  ;  des  étains  de  Briot 
des  bronzes  italiens  du  XVIe  et  du  XVIIe  siècles,  de 
belles  fontes  de  Jean  de  Bologne  et  du  Bernin,  et 
en  bronzes  français  du  xvme  siècle,  une  importante 
réunion  de  pendules,  chenets  et  flambeaux,  une 
très  belle  paire  d'appliques  dans  le  style  de  Gou- 
thïère,  de  beaux  lustres  en  bronzedoré  du  commen- 


cement du  xme  siècle,  dans  le  style  de  J.-Ch.  Boulle, 
quelques  pièces  d'argenterie  de  la  même  époque, 
enfin  quelques  bijoux  et  une  fort  rare  montre 
émaillée  de  Huant. 

Le  mobilier  comprend  quelques  beaux  frag- 
ments de  bois  sculptés  et  deux  beaux  meubles  de 
l'Ile-de-France  du  xvie  siècle  ;  deux  commodes 
et  un  secrétaire  de  Riesener  et  deux  charmantes 
petites  tables. 

Quelques  peintures  ornent  les  murs  ;  la  plus  im- 
portante est  un  charmant  groupe  —  une  femme  tt 
ses  deux  enfants  —  par  Vestier.  Quelques  bons  por- 
traits du  xvme  siècle  et  deux  paysages  hollandais, 
l'un  de  S.  Ruysdael,  l'autre  de  Pynacker  l'accom- 
pagnent. 

Enfin  deux  vitrines  de  dentelles  avec  un  très  beau 
volant  d'Argentan  et  quelques  pièces  d'Alençon 
et  de  Flandres. 

Dans  une  dernière  salle,  on  a  réuni  le  legs  reçu 
récemment  par  le  Musée  et  provenant  de  Mlle  Mi- 
mant ;  c'est  un  agréable  ensemble  de  pots  de  phar- 
macie de  diverses  fabriques  et  de  verreries  alle- 
mandes. 

MUSÉE  DE  LA  MALMAISON   f  ?  f  f  «ç  H 

°ë  °£  °t  L'Institut  Pasteur,  légataire  universel 
de  M.  Usiris.  a  envoyé  à  la  Malmaison  les  collec- 
tions particulières  de  M.  (  )siris,  sur  lesquelles  il 
;i  été  retenu  environ  cent  cinquante  tableaux  et 
dessins,  quelques  pièces  de  sculpture,  de  céramique 
et  quatre  grandes  tapisseries  qui  formeront  un 
«  Musée  Osiris  »  annexé  à  la  Malmaison. 

D'autre  part,  M.  et  Mme  Edouard  Tuck,  pro- 
priétaires du  domaine  de  Vermont,  qui  appartint  à 
l'impératrice  Joséphine,  ont  enrichi  la  Malmaison 
de  plusieurs  précieux  souvenirs  napoléoniens  ;  une 
couverture  au  chiffre  de  l'impératrice,  son  buste 
par  Bosia,  des  ombrelles,  des  dentelles,  des  coffrets, 
etc.,  etc..  un  tableau  peint  par  Hortense  de  Beau- 
harnais. 

musée  de  lyon  Y°£t°e°f°e°e°e°e°e 

•f  ^  -f  M.  J.-I5.  Giraud,  conservateur  des  mu- 
sées de  Lyon,  est  mort  le  mois  dernier  et  la  perte  de 
ce  galant  homme,  de  cet  excellent,  modeste  et  scr- 
viable  érudit  sera  ressentie  vivement  par  tous  ceux 


96 


BULLETIN    DES   MUSEES    DE    FRANCE 


qui  l'ont  connu.  Il  avait  contribué  pour  sa  grande 

part  à  la  création  et  à  l'enrichissement,  sous  la 
haute  direction  de  M.  Aynard,  «les  départements  de 
la  sculpture  du  moyen  âge  et  des  objets  d'art  de 
son  musée  et  ces  collections  sont  aujourd'hui 
parmi  les  plus  importantes  de  celles  que  conservent 
les  galeries  provinciales  :  nulle  assurément  n'a 
été  constituée  avec  plus  de  tact.  Mais  M.  Giraud 
s'était  formé  pour  lui-même  au  cours  de  patientes 
investigations  dans  les  arrière-boutiques,  un  fort 
joli  cabinet,  et  il  a  voulu  que  le  public  profitât 
après  lui  <le  ces  aubaines.  Dans  la  chambre  de  malade 
où  il  a  langui  de  longues  années,  il  n'a  oublié  per- 


sonne, ni  ses  amis,  ni  les  musées.  C'est  naturelle- 
ment à  Lyon  qu'il  a  fait  la  part  la  plus  belle,  lais- 
sant à  la  galerie  de  peinture  des  tableaux  italiens 
du  XVe  siècle  dont  plusieurs  sont  de  grands  prix, 
un  saint  Jean-Baptiste  et  saint  Georges  qui  a  figuré 
avec  honneur  dans  diverses  expositions  ;  au  musée 
des  Tissus,  un  choix  excellent  de  broderies  et  de 
dentelles,  et  à  la  Bibliothèque  tous  ses  livres  et 
documents.  Mais  Paris  n'a  pas  été  oublié  non  plus 
et  tandis  que  le  Luxembourg  recevra  une  plaque 
d'or  émaillée  par  Falize,  il  donnera  aux  Arts  déco- 
ratifs un  excellent  fauteuil  brodé.  Ce  sont  là  de  très 
nobles   générosités. 


PUBLICATIONS   RELATIVES   AUX   MUSÉES   DE   FRANCE 


Monuments    et    Mémoires   publiés   par    l'Aca- 
démie   des    Inscriptions.    Tome    XVII.    Les 

bas-reliefs  historiques  romains  du  Musée  du 
Louvre,  par  Etienne  Michon. 
Etude  d'ensemble  sur  une  série  particuliè- 
rement riche  du  fonds  des  sculptures  antiques 
du  I. ouvre  qui  a  été  réunie  il  y  a  quelques 
années  dans  la  Salle  de  Mécène  à  l'entrée  des 
galeries  d'iconographie  romaine.  L'auteur  y 
poursuit  avec  méthode  et  critique  l'origine  et  l'his- 
toire de  la  plupart  des  morceaux  de  cette  série 
dont  quelques-uns  étaient  restés  inédits  ou  n'a- 
vaient pas  encore  été  publiés  de  façon  suffisante. 

Catalogue     général     illustré    du     Musée     de 
sculpture    comparée     du     Trocadéro,     par 

Camille    Exi.art    et    Jlles   Roussel.    Paris, 
Alphonse    Picard.    205    p.    ill.    de    phototypies 
Meurdeir. 
La  direction  du  Musée  du  Trocadéro  vient  de  pu- 
blier une  nouvelle  édition  entièrement  refondue  de 
son  catalogue,  augmentée  des  nombreux  enrichis- 
sements qui  ont  accru  le  Musée  depuis  10  ans.  La 
présence   à  la  tête  de  cet  établissement  d'un  érudit 
tel  que  M.  Enlart  lui  a  donné  une  activité  et  une 
utilité   plus  grande  encore.    In  catalogue  détaillé, 
à  la  fois  descriptif  et    historique,   comme   celui-ci 


en  était  le  complément  nécessaire  et  attendu.  Si 
quelques  partis  pris  dans  les  divisions  et  les  clas- 
sements peuvent  en  être  discutés,  quelques  détails 
améliorés  aux  éditions  subséquentes,  ce  travail  n'en 
est  pas  moins  appelé  à  rendre  de  très  grands  ser- 
vices aux  archéologues  et  aux  historiens. 

Catalogue     du    Musée    de    Chàteauroux,    par 

Joseph    Beulay.    Chàteauroux,    Imp.    Badel, 

227    p. 

Le  Musée  de  Chàteauroux.  dont  l'existence  re- 
monte seulement  à  une  cinquantaine  d'pnnées,  est 
jusqu'ici  très  mal  logé  dans  quatre  mauvaises 
salles  de  la  Mairie.  On  espère  l'en  tirer  prochaine- 
ment ;  mais,  en  attendant,  le  dévouement  d'un 
membre  de  sa  Commission,  M.  Joseph  Beulay  vient 
de  le  doter  d'un  catalogue  consciencieusement 
établi  et  joliment  présenté  qui  aurait  peut -et  re- 
gagné toutefois  à  être  un  peu  allégé.  Les  collections 
d'histoire  naturelle  et  les  curiosités  exotiques  n'ont 
aucun  intérêt  à  être  décrites  et  énumérées  dans  le 
même  ouvrage  que  la  peinture  et  la  sculpture. 
Elles  devraient,  autant  que  possible,  constituer  des 
séries  indépendantes.  Si  un  guide  populaire  de  quel- 
ques pages  peut  à  la  rigueur  ne  pas  omettre  d'en 
signaler  l'intérêt  aux  visiteurs,  il  n'en  est  pas  de 
même  d'un  véritable  catalogue. 


ÉCOLE  DU  LOUVRE.  L,' ouverture  des  cours,  dont  nous  avions  donné  le  programme  dans  notre 

dernier  numéro    a  éti    retardée  et  s'est  faite  seulement  à  partir  du  Lundi  ig  Décembre;  les  jours,  heures 
!     des  différents  cours  restant  les  mêmes,  sauf  en  ce  qui  concerne  le  cours  d'histoire  de  la  peinture, 
poui    lequel  une  affiche  spéciale  paraîtra  ultérieurement. 


I  ontenay  aux  Roses.    —  Imp.  L.  Bellenand. 


Le  Gérant  :  R.  Puzin. 


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N      Les  Musées  de  France 

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1910 


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UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


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