IN
1
1
sf%%ït7
i .Ma
r«/
Bulletin des Musées
de France
ARCHIVES DES MUSÉES NATIONAUX
ET DE L'ÉCOLE DU LOUVRE % % ®
BULLETIN h m h
g DES MUSÉES
DE FRANCE ■ n
publié sous la direction de
PAUL VITRY
1910
LIBRAIRIE CENTRALE D'ART ET D'ARCHITECTURE
ANCIENNE MAISON MOREL, CH. EGGIMANN, SUCCESSEUR
106, Boulevard Saint-Germain -- PARIS 53 52 55 5? SS 55
TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE
Pages
I. Deux lansquenets provenant du château
de Mogneville. Pierre. — Ecole fran-
çaise, xvi5 siècle (Musée du Louvre) . . 3
II. Portrait de Mlle Tallard, par David (Musée
du Louvre) 23
III. Le roi de Rome (181 1). Aquarelle, par
J.-B. Isabey (Musée du Louvre) 39
Pages
IV. Buste d'Antoine Coypel. Marbre, par Coyze-
vox (Musée du Louvre).
Buste de Noël-Nicolas Coypel. Terre cuite,
par J.-B. Lemoyne (Musée du Louvre). 5 1
V. Le cardinal de Lorraine ; réplique d'un ta-
bleau de Georges Boba (Musée de Reims) 7 1
VI. Portrait de d'Alembert par La Tour
(Musée du Louvre).
Les différents articles ont été en outre illustrés de 3^ figures dans le texte.
TABLE DES ARTICLES
t ? *
N° I.
André Michel. — Les lansquenets du château
de Mogneville (acquisition récente du Musée
du Louvre) I
J.-J. Marquet de Vasselot. — Quelques car-
reaux du château de Mantoue, au Musée du
Louvre 2
Jean Locquin. — Le portrait de Philippe Cayeux
avec sa femme, au Musée d' Arras 7
Raymond Koechlin. — Exposition d'estampes
japonaises au Musée des Arts décoratifs. Haro-
nubu, Koriusaï et son groupe 8
Paul Vitry. — A propos du buste de Mme Réca-
mier, par Chinard, au Musée de Lyon 10
N° 2.
A. Héron de Villefosse. — Un kouros, figure
virile d'ancien style grec, au Musée du Louvre. 17
Paul Vitry. • — Le buste de l'astronome Pingre,
par J.-J. Caiheri au Musée du Louvre 20
Paul Leprieur. — Un portrait de jeune femme
par David (acquisition du Musée du Louvre). 22
Le pavillon de Flore 23
C. D. — Le legs Piet-Latauderie au Musée du
Louvre 24
Henri Stein. — Un tableau italien du Musée du
Puy 27
Gaston Migeon. — Un meuble et un émail cham-
plevé, du Musée Dobrée, à Nantes 29
N° 3.
Georges Lecomte. — Les collections de la
mission Pelliot, au Musée du Louvre 33
L. D. — Une 1 rii d'œuvres d'Isabey, léguée au
Musée du Louvre 38
Henri Chabeuf. — Les pleurants des tombeaux
des ducs de Bourgogne 43
N° 4.
André Michel. — Bustes des deux frères Coypel 49
Paul Leprieur. — Dessins nouvellement acquis
par le Musée du Louvre 50
Décret relatif au personnel des Musées Nationaux
et de l'Ecole du Louvre 55
P. V. — Le Musée de la Société des Amis du
Vieux Reims 60
Léon Deshairs. — Objets chinois anciens et chi-
noiseries du xvme siècle au Musée des Arts
décoratifs 61
N° 5.
Marcel Raymond. — Le buste du cardinal de
Richelieu par Le Bernin, au Musée du Louvre . 65
E. Pottier. — Les accroissements du département
de la céramique antique au Musée du Louvre . 65
L. Dimier. — Un peintre du Musée de Reims,
Georges Boba 71
Décret relatif au dépôt d'œuvres d'art dans les
Musées départementaux 74
No 6.
Louis Gonse. — Le portrait de d'Alembert par
La Tour, au Musée du Louvre 81
Gaston Brière. — La statue de Washington par
Houdon et sa reproduction au Musée de Ver-
sailles 82
L. Dimier. — Un nouveau tableau de Toussaint
Dubreuil à Fontainebleau S5
Henri Guerlin. — Les Le Sueur de Marmoutier
au Musée du Louvre et au Musée de Tours ... 90
Henri Chabeuf. — Attiret au Musée de Dijon. 93
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MUSÉES
°? y
Arras, 7.
aurillac, 27.
AUTUN, l6.
avranches, 79.
Bayeux, 15.
Besançon, 79.
Chalons, 14.
Chantilly, 79.
Chateauroux, 96.
Chartres, 14, 31, 78.
Dijon, 43 (fig.), 47, 93 (fig)-
Digne, 16.
Falaise, 48.
Fontainebleau, 79, 85.
Grenoble, 13, 27.
Lille, 47.
Longwy, 77.
Louviers, 16.
Lyon, 10, 11 (fig.), 79, 95-
Malmaison, 95.
Moulins, 15.
Nantes, 27, 29 (fig.). 31.
Niort, 30.
Paris. — Louvre.
Antiquités, 4, 16, 18, 26, 68 (fig.), 74.
Peintures, 4, 5, 6, 25, 32, 38 (fig.), 40, 74, 22 (fig.)
74. 50-52 (fig.), 81 (fig.), 88, 92.
Sculptures, 1, 4, 5 (fig.), 25, 26, 41, 49-50 (fig.),
55. 65-67 (fig.), 79.
Objets d'art, 2, 4, 24, 26, 33 (fig.), 41, 55, gÇ>-
Chalcographie, 6.
Musée de l'Armée, 31, 64.
Arts décoratifs, 8, 13, 30, 46, 61-63, 7^. 95-
Musée des Beaux-Arts de la ville, 13, 76, 16, 47,
76.
Luxembourg, 6, 35, 41. 89.
Bibliothèque Nationale, 30.
Cluny, 42, 44, 89.
Musée Guimet, 45, 64.
Carnavalet, 46.
Galliera, 41, 46.
Bibliothèque de la Ville de Paris, 46.
Musée Cernuschi, 47.
Musée de sculpture comparée, 76, 96.
Ecole du Louvre, 6, 64, 80, 96.
Pau, 79.
Pithiviers, 15.
Le Puy, 15, 27 (fig).
Reims, 47, 71-73 (fig), 60-61 (fig.).
Rodez, 78.
Rouen, 77.
Saint-Germain, 42.
Sèvres, 41.
Toulouse, 31.
Tours, 78, 90 (fig.). — ■ Musée archéologique, 15.
Tulle, 15.
Uzès, 31.
Valenciennes, 77.
Versailles, 6, 25, 26, 42, 74, 82 (fig.). 89.
Bulletin des Musées
de France
LES LANSQUENETS DU CHATEAU DE MOGNEVILLE
(Acquisition récente du Musée du Louvre)
Le musée du Louvre a acquis ces deux hauts
reliefs comme provenant de l'ancien château
(aujourd'hui détruit) de Mogneville, canton de
Rumigny sur l'Ornain, Meuse. En attendant
qu'une enquête plus approfondie nous ait mis à
même d'en reconstituer l'histoire, nous devons nous
borner à quelques simples observations.
Ils représentent deux de ces « gens de pié » ori-
ginaires d'Allemagne, que les Guise passaient pour
av< >ir introduits, sous Charles VIII, dans l'infanterie
royale et dont ( Hivierde la Marche dans ses mémoires
mentionne la présence : « Et ceux qui crioyent le
plus haut, c'estoyent les lansquenets et les gens de
pié. » Louis XII les avait employés et on les signale
sous François Ier comme une des principales forces
de l'armée de Marignan. « Le roi de France avait
gros nombre de lansquenets et voulurent faire une
hardiesse de passer un fossé pour aller trouver les
Suisses, qui en laissèrent passer sept ou huit rangs,
puis vous les poussèrent de sorte que tout ce qui
estoit passé fut jeté dans le fossé, et furent fort
effrayés lesdits lansquenets et n'eust esté le sei-
gneur de Guise..., ils eussent faict grosse fascherie,
car il estoit ja nuyt et la nuyt n'a point de honte. »
Robert de Lamarck, seigneur de Fleuranges, estime
leur nombre à 26.000. Pierre Bontemps, qui s'était
engagé envers Philibert Delorme, par devant
notaire, à figurer avec la plus scrupuleuse exac-
titude tout l'appareil militaire des batailles de
Marignan et de Cérisoles sur les bas reliefs du tom-
beau de François Ier, les a représentés à peu près
comme nous les voyons ici, et on retrouve leurs
« chausses bigarrées, découpées, déchiquetées et
balafrées » comme dit Brantôme, dans le cortège
des rois de France et d'Angleterre, près du cheval
de l'archevêque au Camp du drap d'or, tel qu'il
est représenté à l'hôtel Bourgtheroulde à Rouen.
Mais, aucune des représentations jusqu'à prési ni
connues ne saurait être, tant pour la précision
documentaire du costume et de l'armement que
pour les dimensions des figures, comparée aux deux
haut-reliefs qui viennent d'être exposés dans nos
salles de la Renaissance. Les spécialistes de l'histoire
de l'armement les ont déjà catalogués comme des
pièces d'importance exceptionnelle et je ne saurais
mieux faire que de rapporter ici ce que m'en écri-
vait récemment M. Ch. Buttin, qui a acquis en la
matière, — par ses travaux sur La Masse d'armes
de Bavard. Lit Cinquedea
aux armes d'Esté et celle
de la collection Gols-
chmidt, Le Guet de Genève
au x\-t' siècle et l'arme-
ment de ses gardes (paru
il y a quelques jours à
peine) — , une notoriété
et une autorité de bon
aloi : « L'armement est
nettement italien. La
large dague qui pend
sur la cuisse droite de
l'un des lansquenets est
du type des cinquedeas italiennes dont vous
avez deux magnifiques exemplaires au I, ouvre:
la lame, le fourreau, le batardeau et les quillons
se rattachent nettement à ce type et si la
poignée s'en écarte un peu, le rivel qui traverse la
fusée et la rive sur la soie rappelle suffisamment la
poignée des cinquedeas pom que toute hésitation
soit impossible. C'est là un document iconographi-
que des plus précieux sur les cinquedeas. car ils
sont extrêmement rares et je n'en connais que trois
ou quatre.
«L'épée de l'autre lansquenet est moins caractéris-
tique; elle est OU italienne ou française; mais, à coup
sûr, elle n'est pas du type des lansquenettes alli -
Fig. 1 . Tête 1 asi [Uc
de même provenance.
l'.l 1 LETIN DES MUSEES DE FRANCE
les qui avaient la garde en S et la fusée tronco-
nique sans pommeau... Cet armement italien ne doit
pas surprendre Les guerres du Milanais avaient
tout mêlé et les armes italiennes étaient presque
aussi répandues chez nous que de l'autre côté des
Alpes. Il y avait du reste des lansquenets en France,
en Allemagne et en Italie, le costume militaire à
• rêvés était usité partout et les belles armures ita-
liennes à imitation de crevés au musée d'artillerie
montrent que l'Italie avait aussi ce type de
costume. »>
Si l'armure est italienne et les deux lansquenets
peut-être allemands, le sculpteur est incontesta-
blement français, — d'un réalisme franc et
savoureux dans l'observation des figures autant
qu'exael dans la représentation de l'armement,
marquant, sans appuyer lourdement, avec une
netteté expressive, toutes les particularités indivi-
duelles des figures ; le menton proéminent et carré de
l'homme à la toque empennée, sa moustache épaisse
recouvrant la lèvre supérieure, dont une mèche
brusquement rabattue vient rentrer dans la bou-
che, ont la double évidence caractéristique d'un por-
trait et d'un type.
.Si l'on trouve ce costume usité dès le début du
règne de François Ier, on le retrouve aussi à Céri-
soles et les sculpteurs du tombeau d ; Saint-Denys
l'ont encore eu sous les yeux. On peut donc, en
considérant surtout le caractère de la sculpture,
dater ces deux morceaux de la première moitié et
plus vraisemblablement du milieu du xvie siècle.
André Michel.
QUELQUES CARREAUX DU CHATEAU DE MANTOUE
au Musée du Louvre
Les six carreaux de pavage, en faïence émaillée (i)
(v. fi;?. 2) que le Musée du Louvre a récemment
acquis, appartiennent à un ensemble qui offre,
pour l'histoire de la céramique italienne vers la
fin du xve siècle, un intérêt indiscutable.
Ils ont été exécutés pour un membre de la maison
de Gonzague, comme le prouve leur décoration,
formée des armoiries et des emblèmes de cette
illustre maison.
L'un des carreaux présente — (avec quelques
modifications de couleurs, dues à l'insuffisance de
la palette des faïenciers à cette époque) — les ar-
moiries que les marquis de Mantoue portaient
depuis 1433 : d'argent à la croix pattée de gueules,
cantonnée de quatre aigles de sable, becquées et
membrées de gueules (Mantoue) ; sur le tout :
écartelé aux 1 et 4 de gueules au lion d'argent
rampant, couronné d'or ; et aux 2 et 3, d'or à
trois fasces de sable (Gonzague).
Les cinq autres ont chacun une des nombreuses
« imprese ». ou devises, que les Gonzague ont affec-
tionnées, et au sujet desquelles M. Vriarte a re-
dis (2) les recherches des savants italiens.
1 ■ ' m. 24 ; largeur, o m. 24 ; le iv\ 1 ; |
muni il. * ncentriqui en relief, destinés à faci-
nci 1 11 Mil.
Este et les artistes
Beau 1 ■■ , 1 . 1 1 .
I,e chien muselé remonte au xi\Tt' siècle ; le soleil,
avec la légende « per un dexir » (pour un désir),
date de Louis, second marquis de Gonzague (f 1478) ;
la montagne en triple plate-forme, entourée de b an-
dons enflammés et accompagnée de la devise
<• amumos » (sans reproche), a été adoptée par lé
troisième marquis, Frédéric (f 1484) ; la bourse,
appelée aussi muselière ou panier, avec la devise
« cautius », est l'emblème du quatrième marquis,
Jean-François, le grand condottiere (7 1519) ; le
brandon surmonté d'une colombe, avec les mots
<• vrai amour ne se change », viendrait aussi de lui,
ou de sa femme, la célèbre Isabelle d'Esté (7 1539).
Ces beaux carreaux ne sont d'ailleurs point les
seuls débris connus d'un ensemble qui, lorsqu'il
était intact, devait produire grand effet. Plusieurs
collections publiques ou privées en ont également
recueilli, qui permettent de reconstituer presque
tous les éléments dont le pavage devait se com-
poser. Le Museo Civico de Milan a sept de ces car-
reaux (1), dont deux apportent à notre liste deux
emblèmes nouveaux : un chien de profil, marchant,
et un gantelet de fer. Le Victoria and Albert Mu-
séum de Londres en possède six, qui ajoutent aux
nuit ils de ceux du Louvre une biche regardant le
(1) II. Wallis, The maiolica parement tiles 0/ the XVth
century ; London, t902, in 12; fig. 89 el 90. Cinq car-
,, aux a ni' ment » ont reproduit .
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE, 1910.
Deux Lansquenets provenant du Château de Mogneville.
Pierre. — Ecole française XVI* siècle.
[Musêi du 1
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
soleil, avec la légende « Bidergraft », et le gantelet
de fer. Au Kunstgewerb Muséum de Berlin on en
voit également six, dont deux différents de ceux
du Louvre : la biche et le gantelet, comme à Lon-
dres (i). La collection de Madame Edouard André,
à Paris, en contient douze, qui répètent ceux du
Louvre, plus deux variantes du gantelet de fer.
D'autres pièces isolées de ce même pavage font
partie des collections de M. le docteur Bode, à
Berlin, de M. Albert Figdor, à Vienne, de M. Manzi,
gue, le style du dessin et le choix des emblèmes
suffisent à le démontrer. Qu'il provienne de Man-
toue, c'est ce qu'affirme une tradition constante.
Mais on a cru possible de préciser encore davantage.
Des témoignages anciens attestent qu'il y eut
jadis dans un appartement d'Isabelle d'Esté au
« Castello vecchio » de Mantoue un pavage en faïence
émaillée, qui fut dispersé durant la domination
autrichienne. M. Yriarte en a conclu que les car-
reaux que nous venons d'énumérer (il ne les con-
Fig.
à Paris ; une a figuré à la vente de la collection
Lanna, de Prague (2) ; et six ont récemment été
vendus par un antiquaire de Francfort à un ama-
teur américain.
Soit un total de plus de quarante carreaux, qui
répètent plus ou moins souvent une dizaine de
motifs. Ils ont formé jadis un ensemble impor-
tant, dont on a essayé de reconstituer l'histoire.
Que ce pavage ait été fabriqué vers la fin du
xve siècle, pour un membre de la maison de Gonza-
(1) Ils sont reproduits dans V Illustricrtc Geschichte des
Kunstgeiverbes Berlin (1908). I, p. 513.
(2) Sammlung des Freiherrn Adalbert von Lanna,
Prag, Berlin, 1909, in-40 pi. (Catalogue de la vente) ;
n° 466 et pi. 43.
naissait pas tous) proviennent de cette partie du
palais.
Il semble pourtant difficile d'être aussi affir-
matif. Le pavage dispersé — dont on n'a aucune
description — décorait une partie de l'apparte-
ment d'Isabelle d'Esté appelée le « Cortile » ; or
ce Cortile fut bâti en 1522. Nos carreaux date-
raient-ils donc de cette époque ? Cela semble peu
probable, pour diverses raisons.
D'abord parce que leur style les ferait croire
plus anciens. Ensuite parce qu'en 1522 Isabelle
d'Esté, veuve depuis trois ans, n'aurait pas man-
qué de témoigner par quelques-uns des em-
blèmes (comme elle l'a fait dans son fameux ser-
vice de faïence, attribué à Nicola da Urbino),
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
la très vive douleur que lui causai! la mort de son
mari : or aucun des carreaux actuellement connus
ne fait allusion à ce deuil. Enfin, parce que les ar-
moiries peinte-, sur le pavage (elles y sont toujours
répétées de façon identique, à Milan, à Berlin,
a Londres. .1 Paris) sont celles de Jean-François
seul. Isabelle aurait écartelé de ses armoiries
celles de son mari, sur un ouvrage commandé par
elle, comme elle l'a lait pour son service, dont une
pièce porte la date de 15111.
Si ces carreaux proviennent vraiment du Cor-
tile, il faut supposer que la marquise aurait rem-
ployé en 1522 un pavage plus ancien, ce qui ne
sérail d'ailleurs pas inadmissible. Des documents
d'archives prouvent eneffet qu'un potier dePesaro
livra au marquis Jean-François, en 141 14. un carre-
lage en faïence.
( lu serait tente'' d'en déduire que les carreaux au-
jourd'hui dispersés sont ceux mêmes que les textes
mentionnent. Mais cette opinion, acceptée par
M. Wallis avec une prudente réserve, ne saurait
devenir une certitude, car les lettres de 140)4 ne
décrivent pas le pavage auquel elles se rapportent,
et on ignore le style des ateliers de Pesaro à cette
époque.
Pour conclure, on peut affirmer que les carreaux
du Louvre ont été fabriqués pour Jean-François
de Gonzague ; mais il serait téméraire de vouloir
préciser leur date et leur emplacement primitif.
Ces curieuses faïences augmentent le nombre
des œuvres d'art qui sont venues, de Mantoue,
trouver un asile sur les bords de la Seine. C'est en
effet au goût raffiné des Gonzague que nous de-
vons, outre les tableaux célèbres de Mantegna,
du I'érugin, de L. Costa, du Corrège. la statuette
en bronze du marquis Jean-François, par Spe-
randio, et la dague de ce même prince, sur laquelle
on reconnaît justement deux des « imprese » des
carreaux.
J.-J. MAKQl'ET de Yasselot.
MUSÉES NATIONAUX
Acquisitions et Dons
MUSÉE DU LOUVRE •e<t°{°ê°t<f°t°$°t
°g <f •$ Antiquités grecques et romaines. —
La Société des Amis du Louvre a offert en don au
Musée un; belle plaque de bronze incrustée d'ar-
gent représentant un sujet de chasse; ce très inté-
ressant document d'art industriel gréco-romain
provient de la collection Campe de Hambourg.
°if if •{? Le même département a acquis récem-
ment une importante statue grecque archaïque
qui date du \ V siècle et représente un homme mar-
chant dans l'attitude traditionnelle des figures
désignées sous le nom à'Apollons. Nous revien-
drons très prochainement sur cette acquisition.
f Tf f Peintures. — Le département des pein-
tures a reçu en don de M. Félix Bracquemond deux
peintures ; l'une est un portrait d'Alexandre
Dumas père, pai Guichard, élève d'Ingres et
inaiiie d> M. Bracquemond; l'autre, est le por-
trait d' Au vertot, doyen des maîtres de forges par
Bonhomme.
L'- même département a récemment acquis une
petite toile- de Corot représentant une Vue de
et tout un lot de dessins et d'études d'Al-
fred Dehodei q
f f f Départements des objets d'Art. —
M. le ministre du Commerce a récemment autorisé
le retour au Louvre pour être joints aux collections
des objets mobiliers des xvne et xvnie siècle de
deux beaux bronzes français de l'époque Louis XIV
représentant Silène et Flore. Ces bronzes, qui por-
tent les marques de l'inventaire du garde-meuble
royal ont été placés dans la première salle du Mo-
bilier sur le bureau de Boulle rentré des Archives
nationales. C'est la suite très heureuse de la con-
centration de cette admirable collection dispersée
jadis au hasard des résidences et administrations
diverses.
°# °ç °f Sculptures du moyen âge et de la Re-
naissance. — Le département des sculptures du
moyen âge et de la Renaissance a acquis dans
les derniers mois de l'année dernière et vient d'ex-
poser trois morceaux qui, sans être de première
importance, complètent utilement les séries qui
représentent au Louvre l'art français si riche et si
varié de la tin du XVe et du commencement du
XVI'' siei le,
C'est d'abord un médaillon quadrilobé qui re-
présente, dans un décor gothique, un l'ère Eternel
bénissant, en pierre polychrome. Ce médaillon
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
décorait jadis une clef de voûte dans une cha-
pelle démolie de la région de Chaumont (Haute-
Marne).
— Une figure en pierre petite nature appartient
évidemment, quoi qu'on n'en connaisse paï la
provenance exacte, à l'école champenoise de la
première moitié du XVIe siècle. Le visage à l'ex-
pression très douce, peut-être un peu fade, la dra-
perie, très gothique encore, la rapprochent des
Vierges publiées par MM. Koechlin et Marquet de
Vasselot, de Brienne-la- Vieille et de Saint- Rémy-
sous-Barbuise. Mais elle nous présente un type ico-
nographique assez peu fréquent dans la série, qui
paraît être celui de la Vierge de l'Annonciation.
(Voir fig. 3.)
— Enfin, une petite Vierge à l'Enfant plus tar-
dive, et qui ne rappelle que d'assez loin la formule
champenoise, provient vraisemblablement des pro-
vinces de l'Est de la France et appartient avec son
allure dansante et gracieuse jusqu'au maniérisme,
son costume compliqué et son enfant très mouve-
menté à l'époque qui, en Champagne, est celle
des Julliot.
t? V °£ Sculptures Modernes. — Un arrête du
Ministère de l'Instruction publique a permis de
faire rentrer au Louvre un admirable buste de
Caffieri représentant l'astronome Pingre. Ce buste,
exposé dès maintenant dans la salle Coustou, fera
l'objet prochaine-
ment d'une note
et d'une repro-
duction dans le
Bulletin.
V °if °i? Un legs
de Mme Dinah
Félix a mis le
Louvre en pos-
session d'une sta-
tuette de Rachel,
sœur de la dona-
trice, par Barre.
Cette statuette en
ivoire, est datée
de 1849. Rachel y
est représentée en
costume classique
à peu près comme
dans la statue de
Duret qui est au
Théâtre-Français ,
celle au moins
où l'actrice est
11 . . c. Fie. \. — Vierge d'Annonciation.
debout et figure ,-. , , v,,t, 1
& Ecole champenoise. X\ Ie siècle.
la Tragédie (Musée du Louvre.)
Documents et Nouvelles
y ^ V M. Eugène Ledrain, conservateur des an-
tiquités orientales au Musée du Louvre et pro-
fesseur d'épigraphie orientale à l'Ecole du Louvre,
est décédé à Paris le 16 février.
Ancien oratorien, il avait abandonné la car-
rière ecclésiastique pour se consacrer à l'étude
de l'orientalisme. Il y débuta par de savantes
recherches sur l'histoire religieuse et l'épigraphie
de l'ancienne Egypte et publia en 1882 une-
Histoire du peuple d'Israël. Il publia aussi, en
1897, un Dictionnaire de la langue de l'ancienne
Chaldée.
Après avoir été attaché pendant quelques an-
nées au département des manuscrits de la Biblio-
thèque Nationale, il était entre au Musée du Lou-
vre, il y a une trentaine d'années il avait été
nommé, en 1908, lors de la retraite de M. Heuzey,
conservateur du département de la céramique
antique et des antiquités orientales.
V y y Société des Amis du Louvre. — L'assem-
blée générale des Amis du Louvre a eu lieu le 20 jan-
vier dernier au Pavillon de Marsan sous la prési-
dence de M. Jules Maciet, vice-président de la
Société. Après avoir approuvé le compte-rendu
financier annuel, les membres présents ont entendu
le rapport de M. Raymond Koechlin sur l'état delà
Société qui compte actuellement pies de 3. ooo mem-
bres et sur son activité pendant l'année : M. Koechlin
a notamment relaté les nombreux dons faits en
1909 au Musée par des personnes appartenant ou
non aux Amis du Louvre.
M. Paul Vitry a donne ensuite lecture d'une notice
sur Louis Courajod et sur l'œuvre qu'il :
plit au Louvre de 1S74 à 1896 dans le département
de la Scultpture du moyen âge, de la Renaissance
el des temps modernes.
y y "f La Collection Chauchard. Pans les
dernières semaines de l'année iooq, le Conseil des
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
Musées nationaux a définitivement accepté le
legs de la collection Chauchard, c'est-à-dire de
tous les tableaux de l'Ecole de 1830, qui forment
de beaucoup l'ensemble le plus considérable et le
plus précieux de la collection, d'un certain nombre
de tableaux anciens et de plusieurs tableaux
modernes, dont quatre toiles de Ziem. Parmi les
sculptures, les bronzes de Barye seuls viendront au
Louvre. ( )n compte toujours présenter provisoi-
rement la collection au public dans le bâtiment du
Jeu de Paume aménagé à cet effet.
f if V La protection des Musées. — Un décret,
paru au Journal officiel du 22 janvier dernier, a
rapporté trois décrets et ordonnances portant con-
cessions de logements dans le palais du Louvre
et des Tuileries et dans l'hôtel de Cluny, aux
directeurs et chefs du secrétariat, à l'inspecteur
des bâtiments, au gardien du service d'architec-
ture, au chef «les gardiens et au gardien chef du
matériel des Musées nationaux et enfin au conser-
vateur du musée de Cluny.
On a commencé de plus l'installation d'un appa-
reil de chauffage unique qui sera placé eu dehors
des bâtiments sous les jardins de la rue de Rivoli
et supprimera les divers calorifères actuellement en
service.
•V °£ °e M. Girault, architecte du Musée du
Louvre. — Par arrêté du ministre de l'Instruc-
tion publique et des Beaux- Arts, sur la proposi-
sion de M. Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire
d'Etat, M. Redon, architecte du Louvre, est
nommé architecte du palais de Fontainebleau,
et M. Girault, architecte du Palais de Fontai-
nebleau est nommé architecte du Musée du Lou-
vre, eu remplacement de M. Redon.
if f tt Expositioii des nouvelles acquisitions
du département de la peinture. — On vient
de renouveler et d'inaugurer dans la Salle des
portraits d'artistes l'exposition temporaire des
dernières acquisitions du département de la pein-
tun « 1 des dessins. ( >n peut y voir en place d'hon-
neur le petit portrait d'enfant qui a été publié dans
le dernier Bulletin entouré des divers morceaux
dont non- avons signalé l'achal ou le don au cours
de l'année dernière : les panneaux primitifs de la
< ollei tion Gaj . la □ itun morte de Gainsborough
donnée par M. Nardus, le portrait de Paméla La-
rivière légué par M. Maignan, le portrait de jeune
fille de David, les paysages de Ravier, etc. Il y
faut ajouter un portrait d'enfant attribué à Lenain
et un portrait d'homme de la suite de Rembrandt
d'un très beau caractère.
Parmi les dessins notons les cinq préparations
de Latour, don des Amis du Louvre, et des dessins
ou aquarelles d'Hervier, Dehodencq, Claudius La-
vergne et du P. Besson.
°$ °$ V Chalcographie. — Parmi les nouvelles
planches entrées à la chalcographie et dont les
épreuves sont maintenant en vente au Louvre,
nous citerons la Pitié d'Avignon gravée par
Achille Jacquet, — les deux volets de Y Adoration
(/«'s Bergers de Van der Goes, gravés par L. Fla-
meng, — ['Adoration des Mages de Durer gravée
par Coppier, — la Judith de Botticelli, gravée par
Deblois, la Descente de Croix de Rubens gravée
par Jamas, les portraits de Delacroix, d'Alexandre
Dumas, de Théodore de Banville, de Jules Ferry,
gravés par Desmoulin, etc.
f t if Au futur Musée du Luxembourg. —
Par décret en date du 18 novembre rendu sur le
rapport du Ministre de l'Instruction Publique et
des Beaux-Arts, les bâtiments de l'ancien sémi-
naire de Saiut-Sulpice ont été définitivement affec-
tés à l'administration des Beaux-Arts pour servir
à l'installation des collections d'ouvrages d'artistes
vivants actuellement groupés dans les salles du
Musée du Luxembourg.
°t °£ <f Grand Trianon. — Déjà des poêles
qui enlaidissaient de 1 elles cheminées de marbre
ont été démolis, des meubles et des colifichets ridi-
cules soustraits aux regards des visiteurs; la
galerie, reliant Trianon à Trianon-sous-Bois est
actuellement vide, tous les médiocres tableaux
enlèves, ainsi que les consoles, vases de Sèvres,
petites statuettes, pendules. La conservation du
Musée étudie les moyens de réinstaller aux tru-
meaux de la galerie la suite des tableaux de Cotelle
représentant des vues du Parc, qui s'y trouvaient
jadis qui en furent maladroitement arrachés à
l'époque de la Restauration et depuis exposés au
Musée de Versailles.
LE PORTRAIT DE PHILIPPE CAYEUX AVEC SA FEMME
au Musée d'Arras
Il existe au Musée d'Arras, sous le n° 433 (cata
logue de 1907), une excellente peinture à l'huile
classée parmi les auteurs anonymes, et représen-
tant Philippe Cayeux cl sa jaunie. Ce tableau
donné, en 1899, au Musée, par M. Braquehaye, pro
vient de la succession d'un tu mimé Philippe
Michel Lesage-
Cléry, qui, vers
la fin du xvme
siècle et au dé-
but du xix°, vi-
vait prèsdeMon-
treuil - sur - Mer.
Au dos, sur la
toile, on peut lire
l'originale et pré-
cieuse inscription
suivante, tracée
au pinceau, et
vraisemblable-
ment contempo-
raine de la pein-
ture :
PHILIPPE
DE CAYEUX, NATf
in Vie d'huMIÈRE
SCI 1 ' en ORNEMENS
RENOMÉ A PAkls
CHÉRI ET TRÈS BIEN
VENU CÉANS
EN SUS MADe
HONESTA SA TRÈS
AIMÉE ET TRÈS
DIGNE ÉPOUSE
Fig. 4. — l 'hilippe Ca\ eux 1
[Musét
Philippe Ca-
yeux, né à Hu-
mières (Picardie), en 1688, était, en effet, un
sculpteur d'ornements, de bordures et boiseries spé-
cialement, très réputé à Paris au XVIIIe siècle (1).
(1) Sur Philippe Cayeux, sculpteur d'ornements et ama-
teur (1688-1769), voy. l'article très substantiel de M. Ad-
vielle (Victor), dans les Réunions des Sociétés de Beau*
Arts des Départements, [895, p. 824.
Sa femme était née Marguerite-Françoise Hourbez. Le
nom à'Honesta, qui lui est donné dans l'inscription citée,
semble avoir été le sobriquet d'usage, vers le milieu du
xvme siècle, pour désigner une femme excessivement nié
Installé de très bonne heure dans la capitale, pa-
roisse Saint-Roch, il habita d'abord dans la rue
Saint-Honoré, ensuite rue Villedo (près de la rue
de Richelieu), où il est mort en 1769. Il avait été
officier de l'Académie de Saint-Luc. Continuel-
lement eu relation avec les meilleurs, artistes de
sou temps, aux-
quels il fournis-
sait des cadres et
prêtait parfois de
l'argent, il était
très achalandé
et il avait com-
mencé tout jeune
à former, écrit
Rémy, le mar-
chand de ta-
bleaux, «une des
belles collections
(principalement
de dessins et
d'esl ampes) qu'il
y ait à Paris •>.
Diderot aussi
cite quelque part
« l'immense et ri-
che collection du
vieux Cayeux » ;
il l'avait « cou-
chée en joue,
mais infructueu-
sement », pour le
compte de l'im-
pératrice Cathe-
rine (1).
Artiste de ta-
lent, ami serviable et amateur avisé, Philippe
Cayeux était presque un personnage dans le
ticuleuse et rangée, une gouvernante un peu rigide.
d Madame Honesta ». c'était le surnom lancé par les jeunes
dames de la Cour contre la stricte duchesse de Mouchy.
qui fut la gouvernante de Marie Lesczinska et de Marie-
Antoinette (jusqu'en 1775). Cette dernière l'appelait elle-
ni' Madame l'Etiquette ». Voy. Prince de Mont-
barey : Mémoires, l'.ins, [827, 11, 353; III, 262.
(1) Lett. à Falconet, jnill. 1767 (Ed. Assézat et Tour-
neux, XVII I, 24 ,.
^,1 femm
d'Arras.)
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
monde artistique et, bien qu'il fût d'une famille
bourgeoise apparentée à des « maîtres-rôtisseurs »
et à des « marchands-pâtissiers », il détenait un
assez joli cabinet pour donner le change, et mériter
la particule de fantaisie que lui octroie l'inscrip-
tion ci-dessus. Il connaissait sans doute person-
nellement Noël-Nicolas Coypel, Charles Parrocel,
Carie Van Loo, Boucher, Xatoire, Taraval, Chasle,
dont il possédait quelques œuvres. Cochin, Des-
friches, étaient de ses intimes. Le premier nous a
même laissé un beau dessin, gravé par Lempe-
reur et représentant Cayeux vu de profil. Ailleurs,
il trace en deux mots le portrait physique et moral
de Sun vieil ami : « Le P. Cayeux est toujours gros
et gras, et nullement triste, comme vous savez... (i) »
Enfin, il y a tout lieu de supposer que Perronneau.
l'ami commun de Cochin et de Desfriches, comp-
tait également parmi les familiers du « P. Cayeux ».
Le tableau d'Arras, — haut de o m. 75, large de
o m. 65. — nous montre Philippe Cayeux en buste,
vêtu d'un habit marron, assis devant une table,
les mains posées l'une sur l'autre. Il tourne la tète
de trois quarts à droite, en souriant à sa femme,
penchée au-dessus de son épaule, coiffée d'un bon-
net blanc et d'une bagnolette noire. Dans ses doigts,
il tient un porte-crayon, attribut de l'artiste.
La récente Exposition des << Cent Pastels » nous
a permis de découvrir, dans la collection Groult,
une réplique au pastel de cette peinture. Les di-
mensions sont sensiblement identiques : Hauteur,
0 m. 71 ; largeur, o m. 57. On l'attribue communé-
ment à Perronneau (1). Et, en effet, on y reconnaît
assez facilement la manière du maître pastelliste ,
qui. par surcroît, (témoins les superbes portraits
à l'huile de J.-B. Oudry et du sculpteur Adam,
au Louvre), savait prestigieusement manier le pin-
ceau.
Le pastel de la collection Groult et la peinture
du Musée d'Arras sont ainsi amenés à se rendre
mutuellement service. Car, si, jusqu'à présent, la
toile du Musée d'Arras fut classée parmi les auteurs
anonymes, en revanche le pastel de la collection
Groult a donné lieu aux identifications les plus
diverses. Les uns y voyaient « Perronneau et sa
femme », les autres, « Mme Desfriches et Perron-
neau » (2). Et, en dernier lieu, on affirmait que les
deux sympathiques personnages si tendrement
unis ne pouvaient être qu' « Oudry et sa femme » (3).
Il est maintenant établi, d'une façon définitive,
croyons-nous, qu'il s'agit des époux Cayeux et
l'attribution de l'une et l'autre œuvre à Perron-
neau reste absolument plausible.
Jean Locquin.
EXPOSITION D'ESTAMPES JAPONAISES
au Musée des Arts Décoratifs
Harunobu, Koriusaï, Shunsho et son groupe
La première Exposition d'Estampes japonaises
organisée en 1909 au Musée des Arts Décoratifs
avait fait connaître au public parisien les Primitifs.
' ta appelle de ce nom, nous l'avons dit. les maîtres
de la première moitié du xvnie siècle environ,
inventeurs du <• style populaire » et dessinateurs
(l'une raie puissance, mais dont les procédés de
(taient encore rudimentaires. Les premiers
avaient imprimé leurs ligures en noir et les retou-
ches de couleur étaient ajoutées au pinceau : puis
La couleur imprimée apparut, mais timidement
d'abord, et pendant d'assez longues années, semble-
1 Letl Cochin à Desfrii he [4 octobn [758 pu
Ihst. /tes f'in 1 1 '. ,111), il, m s franc.,
Pari vol. m S", Il I
t-il. l'on se contenta de deux teintes, le rose et le
vert d'ordinaire ; une troisième s'y ajouta plus
tard et c'est aux maîtres qui réalisèrent ce dernier
progrès, aux Kiyomitsu et aux Shighenaga, que
nous nous étions arrêtés. Avec Harunobu, auquel
nous arrivons, toute incertitude de métier cesse et
l'on peut dire que ses estampes ont atteint une
perfection technique qui n'a jamais été dépassée.
Harunobu a vécu vers le milieu du xvnie siècle.
Elève de Shighenaga, il commença, lui aussi, par
1,1) Voy. L. Vaillat et E. Ratouis .le Limay : J.-B. !',•-
ronneau, Paris, 190g, in-40, .'4 et 94.
(2) Roger-Miles Le Livt l'Or d Cent Pastels, Paris,
1 <ii 18 i". planche 84.
(3) Bull. 1I1 la Soc. de V hist. de V art français, 1909, p. 60
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
produire des estampes tirées en deux et trois tons,
dans le style des derniers primitifs : l'exposition en
montre plusieurs ; mais son originalité ne tarda
pas d'apparaître et, dès 1765 (l'Exposition pré-
sente plusieurs pièces portant cette date), jusqu'à
sa mort, en 1770, il ne cessa de créer les plus
délicats et les plus ingénieux chefs-d'œuvre. Sur
des feuilles carrées et de médiocre dimension,
il se plut à retracer la vie de la femme, de la femme
dans son intérieur, ou à sa toilette, jouant avec son
enfant ou causant avec son amoureux, se promenant
au bord d'un ruisseau, sous des arbres en fleurs, ou
luttant gentiment contre la neige et la pluie, et,
dans ces scènes si aimables, il marqua une grâce ini-
mitable ; le type qu'il affectionne se rapproche d'ail-
leurs d'assez près de la réalité, ses femmes sont un
peu courtes, avec un visage rond, et c'est dans le
moindre de leurs gestes le plus charmant naturel.
Il est assez curieux d'ailleurs que la plupart de ces
sujets, qui, pour nous, ne représentent que des
scènes de la vie intime, évoquent dans l'esprit de tout
Japonais des allusions à des légendes anciennes,
poétiques ou mythologiques que l'auteur se plaît à
rappeler par d'ingénieuses allusions.
Toutefois, il sut aussi élever sou style et ses
estampes en hauteur, qu'on accrochait, à la manière
des peintures, dans les chambres des petites gens,
ont souvent une admirable grandeur. La quantité
d'estampes de Harunobu exposées — il y en a
près de 300 — permettra sans doute, grâce à des
rapprochements avec des livres et à quelques
pièces datées, d'établir une chronologie approxima-
tive de son œuvre et on le verra sans cesse s'efforcer
vers plus de noblesse. Kn vérité, on ne saurait le
nier, une partie du charme de Harunobu tient à
l'habileté de ses graveurs ; on sait que chaque
ton exige une planche et c'est une singulière diffi-
culté que leur repérage pour peu qu'il y en ait
plusieurs ; dans l'interprétation des dessins d'Haru-
nobu, les graveurs en employèrent parfois jusqu'à
sept ou huit, les couleurs demeurant toujours, dans
les tirages anciens, d'une parfaite harmonie et leur
ingénieuse variété contribuant à la délicatesse de
l'effet général. Certaines pièces des collections
Vever, Haviland, Rouart, Mutiaux, et tant
d'autres sont à ce seul point de vue de véritables
chefs-d'œuvre.
Koriusaï fut le contemporain un peu plus jeune
de Harunobu et vécut jusque vers 1780 ; il traita
les mêmes sujets, se rapprochant parfois du style de
cet artiste, mais se montra souvent aussi singuliè-
rement personnel, soit dans ses jolies petites feuilles
carrées où le rouge domine, soit dans ses estampes
en hauteur d'un si noble caractère, soit dans ses
grandes pièces qui figurent presque toujours les
promenades ou les occupations de courtisanes
drapées dans les plus somptueux et les plus écla-
tants costumes. Ici encore, le rapprochement de
Fig. 5. — Estampe de Harunobu.
1 \l a , 1 du I ouvri .}
très nombreuses pièces donnera lieu .1 des observa-
tions nouvelles.
Shunsho au contraire et son groupe, Shunyei,
Shi nko et quelques autres, lurent presque exclusi-
vement des peintres d'acteurs. < >n sait quelle place le
théâtre tient au Japon : c'est un des grands divertis-
sements du peuple, il n'est si petit personnage qui
ne le fréquente assidûment el les acteurs jouissent
d'une popularité singulière. Les peintres d'estampes,
qui travaillaient |>ou- le peuple, n'eurent garde de
négliger cette passion populaire: les primitifs avaient
donné d'innombrables scènes de théâtre et, à leur
exemple, l'école de Shunsho lit vivre dans sou ouvre
tout le inonde des eoniei liens de la lin du XVIIIe siècle.
Assurément, nous ignorons presque tout des
acteurs représentés et des 1 liâmes où ils jouent , mais
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
les dessinateurs ont su mettre dans leurs images une
vie si intense et si merveilleusement pittoresque, que
nous ne sentons vraiment pas le besoin d'en savoir
davantage et qu'il suffit à notre plaisir de voir la
troupe gesticuler, grimacer, se pourfendre, se déses-
pérer dans les tôles innombrables que les auteurs
imaginaient pour elle. Dans ces représentations
d'acteurs, où chacun est figuré seul sur une étroite
feuille en hauteur, les peintres ont déployé une verve
merveilleuse, toujours tempérée encore à la fin du
xviii'' siècle par un goût parfait, et c'est à peine
s'ils se sont permis le grotesque dans les Scènes de
Lutteurs, où d'étranges géants se heurtent demi-nus
dans des combats épiques et peu sanglants.
D'autres ateliers que celui de Shuusho ont, à la
même époque, traité les mêmes scènes de théâtre :
Sharaku et Buntcho y ont pris les modèles de leurs
compositions ; nous les rencontrerons à l'Exposition
de 191 1, où ils voisineront avec celui que l'on peut
considérer vraisemblablement comme ayant porté à
son apogée l'art de l'estampe japonaise, avec
Kiyonaga (1). Raymond Kof.chlin'.
A PROPOS DU BUSTE DE MADAME RÉCAMIER, PAR CHINARD
au Musée de Lyon
On a célébré un peu partout, comme il convenait,
l'année dernière la belle acquisition de la Com-
mission des Musées de Lyon qui a fait entrer dans
les collections lyonnaises ce morceau de sculpture
qui est peut-être le chef-d'œuvre d'un enfant de
Lyon et qui représente une Lyonnaise d'origine,
illustre entre toutes pour sa beauté, la divine Ju-
liette Récamier. Nous l'avons enregistrée nous
même ici au mois de Janvier dernier, tandis que
M. Emile Bertaux consacrait à l'œuvre, dont il
avait activement contribué à assurer l'acquisition,
une étude approfondie et délicate dans la Revue
de l'Art ancien et moderne (novembre 190g).
Depuis lors, l'exposition des ceuvres de Chinard
au Pavillon de Marsan a ramené bien des fois les
yeux et les esprits vers cette gracieuse et célèbre
effigie d'un arrangement si pittoresque, d'un charme
si prenant, dont le principal exemplaire, il est vrai,
manquait à la réunion, par une prudence légitime
de ses nouveaux possesseurs, mais dont on admi-
rail une aimable répétition en terre cuite appar-
tenant à une collection parisienne et un moulage
du curieux plâtre appartenant à la famille Brillât-
Savarin qui en est comme la première pensée (1).
Aujourd'hui, l'exposition dispersée, le buste de
Lyon en possession de la renommée qu'il mérite,
son auteur reconnu et quasi célèbre, en partie
grâi 1 1 la éduction d< 51 m modèle.
-ou doute i encore 1 l'elli .
Nous sommes heureux néanmoins de pouvoir
1 mm figurer dans notre recueil la reproduction
11 1 .\ et 59 du Catali
d'un excellent cliché que nous devons à M. Bertaux
et de revenir pour les compléter et les confirmer
sur certaines indications données par lui dans son
étude, à propos de l'exécution de l'œuvre et de sa
date exacte.
M. Bertaux avait rappelé d'abord l'opinion de
M. Herriot. dont la signature se trouve à la fois
comme historien en tète d'un ouvrage considérable
et définitif sur Madame Récamier et, comme maire
de Lyon, au bas de l'arrêté qui a décidé du sort
de son image. M. Herriot plaçait l'exécution du
buste en 1812. lors du séjour que Mme Récamier
fit à Lyon. M. Bertaux. d'autre part, relevait l'in-
dication fournie par une note que publia M. Can-
tinelli dans la Gazette des Beaux-Arts en 1905. note
rédigée par Chinard lui-même en 1808, où celui-
ci déclare que « l'on peut voir chez M. Récamier,
banquier à Paris», plusieurs œuvres de lui, dont un
plâtre de son Persée e! Andromède, exposé au Salon
de l'an VIII ou IX et «le buste de la belle Mme Ré-
camier qui a été aussi exposé au Salon ».
Cette dernière assertion est malheureusement
impossible à vérifier d'après les livrets des Salons
du temps dont la rédaction est souvent fort vague.
(1) Un catalogue contenant près de 200 illustrations a
paru, de la première exposition d'estampes japonaises
(prix 100 tr., tiré à [OO exemplaires, en vente à la conser-
vation du Musée des Arts décoratifs) ; le catalogue de la
seconde exposition est sous presse aux mêmes condi-
tions, mais avec 5 planches en couleur. Le Musée
des Arts décoratifs compte épuiser en quatre prochaines
expositions, l'histoire des estampes japonaises, et des
catalogues en seront régulièrement publiés, qui formeront
le plus considérable 1 e. ueil qui soit de cet art, et le meil-
leui instrument de travail pour son étude.
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
Mais, pour des raisons très ingénieuses tirées de la
présentation même du buste, dont la demi-nudité
reporte son imagination vers les années du Direc-
toire et du Consulat , vers les fantaisies de
Madame Tallien, dont l'écharpe à glands, a:usi que
le foulard de soie disposé en turban cachant
en partie un diadème à l'antique, peuvent être
rapprochés des modes et des coiffures de la même
époque, M. Bertaux inclinait à penser que le por-
trait de Mme Récamier avait dû être exécuté vers
sa vingt-cinquième année, au temps du Consulat.
La seule difficulté était, selon lui, qu'il fallait sup-
poser que Chinard aurait fait vers celte époque
le voyage de Paris pour rejoindre son modèle qui
s'y trouvait depuis sa sortie du couvent lyonnais
de la Déserte, voyage dont on ne trouvait jusqu'ici,
disait-il, aucune trace dans la biographie du sculp-
teur.
Ce voyage cependant, d'après des documents qui
ont échappé à M. Bertaux et quelques autres qu'a
suscités la récente exposition, est un fait absolu-
ment certain. Chinard le renouvela même sûrement
à plusieurs reprises. Il vint à Paris une première fois
en 1795, peu de temps après la fondation de l'Institut
dont il avait été nommé associé; il fit des démarches
auprès du Directoire pour obtenir, à Lyon, la con-
cession d'un « local national où il devait installer
son atelier et ouvrir une école gratuite »(i) et c'est
pendant ce temps et au cours de ces négociations
qu'il modela le médaillon de Ginguené, directeur
de L'Instruction publique qui est signé Chinard â
Paris l'an IV (2). Ce médaillon précieux et du reste
de grand caractère appartient aujourd'hui à
M. Paul Marmottan et c'est précisément le même
érudit amateur qui avait retrouvé aussi et publié, il y
a plusieurs années (3), quelques témoignages décisifs
eu la matière qui nous occupe. Il s'agit des mentions
rencontrées en l'an X et en l'an XI (1801 à 1803).
dans un Almanach du Commerce de La Tynna, de
l'adresse à Paris du sculpteur Chinard; il demeurait.
12, rue d'Orléans, quartier de la Halle au Blé, (plus
tard, en 1808, il descendra, lors d'un nouveau séjour
à Paris, d'après des renseignements de même na-
ture : Hôtel Rivoli, rue de la Convention) : ce sont là.
dira-t-on, de bien menus faits. En voici encore un
autre qui ne paraît guère plus considérable et qui
(1) Pièces publiées par Salomon île la Chape) le Revue du
Lyonnais 1896-97.
(2) M" 97 .In Catalogue de l'Exposition.
(3) Les arts en toscane -uns Napoléon. Paris 1901, p. <S4.
est cependant bien instructif : M. Marmottan a eu
la bonne fortune de mettre la main sur une bande
de journal imprimée qui nous prouve que Chinard
recevait lors d'un de ses séjours à Paris celui de
1801-1N".;. une gazette quotidienne et littéraire,
historique et économique qui s'appelait la Clef
Fig. — Madame Récamier (marbre).
par Chinard
(Musèi de Lyon.)
du cabinet des Souverains rédigée pai Garât, Fon-
tanes et Gérard de Nerval, sous cette adresse :
Ai citoyen Chinard. rue Basse-du-Rempart,
Maison- dtj citoyen Récamier, a Paris.
Il est ainsi prouvé par ce document inattendu
que Chinard était reçu sous le Consulat elle/. le
banquier Récamier, sou compatriote, qu'il y avait
sans doute un pied à telle et nous ne saurions nous
étonner qu'il y ait déposé, ainsi que nous l'apprend
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
sa note de 1808 citée plus haut, les plâtres qu'il
1 ail fait amener à Paris pour le Salon; il devient
infinime it vraisemblable enfin, que ce fut à cette
date des environs de 1802 qu'il exécuta le fameux
buste de son hôtesse alors dans tout l'éclat de sa
radieuse beauté.
1 In sait, en dehors du buste, qu'il fit un médaillon
d'après Madame Récamier. De nombreuses épreuves
en courent les collections qui sont assez suspectes, le
creux ayant été conservé et... utilisé. M. le Comte
de Penha-Longa en possède un plâtre qui paraît
ancien et ne porte que la signature Chinard (1).
.Mais M. Marmottait déclare, dans l'ouvrage que
nous avons déjà cité, avoir vu une terre cuite de
ce médaillon qui porte la signature : Chinard de
l'Institut à Paris, ce qui nous donnerait encore une
preuve de plus de ce que nous cherchons à établir.
< Mi pourrait aussi inférer de ce séjour de Chi-
nard à Paris vers 1802 que c'est dans la société
parisienne qu'il faut chercher le nom de la déli-
cieuse personne dont Chinard a modelé le buste
récemment acheté par le Musée du Louvre et signe
Messidor an X. L'identification avec Mme de Ver-
ninac, femme du préfet du Rhône, dont le portrait
fut exposé seulement deux ans plus tard et « sous
les attributs de Liane » en devient encore plus
improbable.
Quant au buste de Madame Récamier, les répé-
titions en sont innombrables. Voici, pour ne parler
que de celles que nous connaissons et qui en valent
la peine, comment nous les classerions à peu près,
sans entrer dans une critique approfondie de cha-
( mie d'elles.
Le plâtre conservé à Belley, dans la famille
Brillât-Savarin et dont un moulage en médiocre
état figurait à l'Exposition, prêté par le Musée de
Lyon, semble être le plâtre original reproduisant
1 œuvre telle qu'elle jaillit de l'ébauchoir de l'artiste.
Celui-ci, avant la traduction en marbre, reprit
et modifia légèrement ce premier jet. notamment
en ce < j u i concerne l'arrangement de la coiffure et
de l'écharpe.
mplaire en marbre appartint à Mme Rc-
eaniier elle-même. Mais, à une date que l'on ne
saurait préi iser,elle le lit couper à la naissance des
épauli Le geste charmant des bras, le précieux
h Catalo Le cre ux f ig lirait ou 1 1
arrangement du voile aux plis symétriques, l'ad-
mirable poitrine disparurent dans cet accès de
pudeur rétrospective. Passé par les mains de lanièce
de Mme Récamier, vendu en 1893 à M. le Marquis
de Biron, ce buste est aujourd'hui en Amérique.
Le marbre de Lyon reproduit ci-contre et dont
nous ne saurions dire s'il est antérieur ou posté-
rieur au précédent, avait appartenu au père de
Mme Récamier, le notaire Jean Bernard, et avait
été légué par lui en 1828 au fils d'un de ses amis,
M. Simonard, qui avait connu dans son enfance
Mme Récamier. C'est la fille de celui-ci, Mada ne
Petit -Dcssari . qui l'a cédé au Musée de Lyon. La
suite des possessions est absolument nette, la pro-
venance indiscutable : on a contesté la qualité de
l'œuvre, à tort, selon nous: car si nous ne connais-
sons le buste mutilé que par ses reproductions, et
ne pouvons affirmer s'il est supérieur ou non. la
qualité du travail de celui de Lyon est éclatante,
précise et fine, sans presque de sécheresse, malgré
la mode ambiante et les habitudes courantes de
Chinard lui-même. La figure, enfin, de grandeur
naturelle, y est complète et s'y présente avec tous
ses avantages.
Il peut exister d'autres marbres, anciens ou
modernes (on nous en a signalé un récemment
dans une collection parisienne qui passe pour con-
temporain des précédents). Il ne semble pas qu'au-
cun puisse réunir des qualités supérieures à celui
que nous venons d'étudier.
Quant aux exemplaires à une échelle réduite,
nous n'en saxons pas l'origine : plusieurs peuvent
être sortis de l'atelier de Chinard. peut-être de sa
main : ce sont en général des reproductions, le plus
souvent en terre cuite, aux deux tiers de la nature.
presque sans autre changement que celle de leur
taille, du type du buste de Lyon; on peut citer en
première ligne la terrecuite de la collection de M. le
comte Cahen d'Anvers qui figurait à l'Exposition,
un autre qui avait figuré à la rétrospective de IQOO,
aujourd'hui à M. Gaston Bernheim, une autre à
M. Lefebvre, au château de Valmer (Indre-et-
Loire), etc.
Les petites réductions, au contraire, dont nous
connaissons plusieurs en bronze paraissent s'être
rapprochées du modèle premier qui figurait sans
doute toujours dans l'atelier de l'artiste et qu'il
exploitait lui-même. Paul Yitkv.
MUSÉES DE PARIS & DE PROVINCE
Notes et informations
MUSEE DES ARTS DÉCORATIFS > •* °f y
if f V A l'exposition d' œuvres du Premier Em-
pire terminée le 15 janvier a succédé immédiate-
ment au Pavillon de Marsan une exposition d'Es-
tampes japonaises qui comprend environ 500 pièces
de choix tirées des collections parisiennes et fait
suite à celle dite des Primitifs organisée l'année
dernière.
On en trouvera dans ce même numéro du Bulle-
tin le thème exposé par M. Raymond Koechlin
qui en a été l'initiateur et l'organisateur.
Une exposition de gardes de sabres accompagnait
cette série d'estampes.
D'autre part les panneaux du grand hall ont
été consacrés à une exposition de peintures et d'es-
tampes de Toulouse-Lautrec relatives au théâtre.
MUSÉE DE L'ARMÉE f-^fff^VVf
H °P °f Le général Niox. directeur du Musée de
l'armée, vient d'ouvrir au public la « chapelle Napo-
léon » où sont exposés tous les souvenirs relatifs
au tombeau de l'empereur à Sainte-Hélène
et au transfert des cendres en France.
On a également ouvert une nouvelle salle consa-
crée aux uniformes des armées étrangères.
MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE LA VILLE
DE PARIS °?°t°t°t°t¥°£°£°t°£°e°{°£
tÇ, °jf y Mme Soyer, née Ehrler, a offert au con-
seil municipal, pour être placé au Petit Palais, un
petit groupe en terre cuite d'un très grand intérêt
artistique : la Bacchante entourée de ses cinq en-
fants, par Joseph-Charles Marin. Ce groupe est
signé et daté de 1793, l'année du Salon où il fut
exposé.
MUSÉE DE GRENOBLE tt°t1-*,°t°t°e
°£ •$ °{ Le Musée de Grenoble vient de s'enrichir
d'une nouvelle statue d'origine dauphinoise, qui
complète très heureusement la collection d'art
local exposée dans la première salle de sculpture.
Cette statue représente un saint Christophe en
pierre, dont la peinture s'est conservée presque
intacte ; cette circonstance lui donne un intérêt
tout à fait exceptionnel. La rigidité de la pose, la
sobriété des détails, doivent la faire classer parmi
les œuvres du xme siècle.
Notre Musée possède actuellement, comme sta-
tues dauphinoises, en pierre ou en bois, les pièces
suivantes :
— Une Vierge et l'Enfant-Jésus en buis, du
xne siècle, provenant du Château de Bressieu :
— Le saint Christophe en pierre, nouvellement
acquis, du xme siècle, provenant du Champsaur ;
— Une statue eu bois peint, du XXVe siècle, re-
présentant une Donatrice, qui provient de Virieu ;
— Trois statues du xva siècle ; un saint Jean-
Baptiste et une sainte Catherine (pierre coloriée),
provenant du couvent des Carmes de I'inet, près
Vienne et un saint Roch en bois, provenant du Châ-
teau de Bressieu.
Enfin, du début du xvie siècle (daté de 1501),
un saint Christophe en bois, provenant d'Echi-
rolles.
Il est curieux de trouver dans notre pays plu-
sieurs statues de saint Christophe, patron des voya-
geurs traversant les rivières.
Au moyen âge, le passage des torrents devait
être particulièrement périlleux en Dauphiné, et
l'on comprend que les gens d'Echirolles et ceux
du Champsaur, tous aux prises avec les dangers de
la traversée du Drac, se soient mis sous la protec-
tion de saint Christophe et lui aient érigé des sta-
tues.
Il est très instructif, au point de vue de l'Histoire
de l'Art, de comparer les deux saints Christophe de
notre musée, celui du xnie et celui du XVIe. L'artiste
du XVIe siècle cherche déjà les effets naturalistes.
les attitudes qui expriment avec vérité le mouve-
ment et l'action, il témoigne plus de recherche-
dans l'agencement des draperies et, en découvrant
les jambes, il peut montrer sa science dans l'étude
du nu. Par contre, celui du xine a une naïveté qu'il
manifeste par la simplicité des lignes et le calme
de l'attitude. Quoique son saint traverse un torrent ,
l'artiste ne cherche pas à relevei la robe, n'ayant
aucune tendance à représenter les formes nues. C'est
à peine si l'on voit un pied dépassant la robe qui
enveloppe toute la statue.
Cette réunion d'œuvres dauphinoises, si pré-
cieuse pour nous, est due à l'initiative du général
de Bevlié. grâce à la générosité duquel nous pos-
sédons les trois statues de Bressieu et de Virieu.
1 1
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
POUR LE MUSEE DE CHARTRES f y f f
°f t °f yi. Roger Durand a fait, à l'une des
dernières séances de la Société Archéologique, la
communication suivante :
<• Notre Musée de Chartres manque d'espace :
c'esl une vérité tellement évidente que le visiteur
le moins prévenu ne peut s'y méprendre.
1 >epuis de longues années, nous nous préoccupons
de l'encombrement des salles et de la défectuosité
de leur éclairage. Un agrandissement a été tenté :
une partie de l'immeuble Louvancour a été aménagée
en salles de Musée, mais cette adjonction, qui a été
onéreuse, ne nous a donné satisfaction à aucun point
de vue.
Dans cette annexe, deux salles sont suffisamment
éclairées pour l'exposition des tableaux, mais leur
conservation s'y trouve compromise; en effet, si
le chauffage de l'ancien Musée est défectueux,
celui de l'annexe est déplorable. Nos toiles se dis-
tendent, se recouvrent de moisissures ; bref, si
l'état de choses actuel se perpétuait, nous cour-
rions à un désastre.
Les donateurs ne se rebutant pas, nous avons des
offres qui méritent un accueil empressé et recon-
naissant, que nous ne pouvons, faute de place, ac-
cepter.
Parmi ces présents se trouvent dix merveilleuses
tapisseries des Flandres du xviie siècle, mesurant
chacune environ 5 mètres sur 3 m. 50, donnant un
développement de 67 mètres.
Vous pouvez apprécier la valeur artistique de ce
présent inestimable, quatre de ces superbes ten-
tures ayant été exposées, pendant la durée des
fêtes de notre cinquantenaire, dans notre antique
salle basse.
Ces tapisseries, tissées d'or, proviennent originaire-
ment du Palais archiépiscopal de Gênes-la-Superbe.
L'acceptation de l'offre du Palais épiscopal de
Chartres faite à notre ville par le Conseil général
d'Eure-et-Loir, à condition de l'aménager en Musée,
en donnant satisfaction à tous les besoins d'agran-
it. assurerait en outre la conservation du
grandiose Palais, auquel est liée l'histoire entière
de notre petite Patrie.
Ainsi placé dans une situation remarquable,
dominant la vallée et la campagne qui l'enserre,
abrité par la merveilleuse basilique qui fait la gloire
1 1 I ne cesse d'attirer les ama-
teurs du Beau de toutes les nations, notre Musée ne
manquerait pas de- \ isiti
L'éventualité d'une restauration, étant donné
le mauvais état d'entretien du Palais, mise jus-
qu'ici en avant, ne fait plus question, maintenant
que les Monuments historiques prennent à leur
charge la restauration du monument historique
qu'est le Palais.
D'autre part, d'importants subsides étant offerts
au Musée, le sacrifice d'argent à consentir par la
ville serait des plus restreints.
Digne du cadre qui le sertirait, notre Musée ne
serait pas un des moindres attraits de notre ville,
si remarquable, admirée entre toutes, sauf par un
trop grand nombre de ses enfants qui affichent le
plus profond dédain pour tout ce qui se rattache
aux Peaux-Arts et à l'Archéologie. »
Cette communication très judicieuse a été assez
fraîchement accueillie par une partie de la presse
chartraine et la Société Archéologique elle-même a
évité de se prononcer. Il eut peut-être été p udent de
laisser celle-ci eu dehors de la question puisqu'aussi
bien il s'agit des collections municipales accrues
par les dépôts de l'Etat et non des collections parti-
culières de la Société. L'utilisation rationnelle et
nécessaire des anciens locaux épiscopaux ou autres
n'ira pas toujours sans froisser quelques suscepti-
bilités respectables. C'est aux pouvoirs publics,
c'est aux assemblées municipales en particulier
qu'il appartient de prendre les décisions opportunes
dans l'intérêt général de l'art ou de l'éducation
nationale. Devant les faits accomplis et les résul-
tats obtenus les protestations s'apaiseront, les bou-
deries s'atténueront : le nombre n'est plus très
grand aujourd'hui des gens qui s'obstinent à
attendre le retour de Louis XVII ou de Henri V!
MUSÉE DE CHALONS -e-f-f-^ff-f-t
y °f °t Le Musée de Châlons vient de recueillir
une statue tombale du moyen âge d'un grand in-
térêt historique.
Sur une dalle longue de plus de deux mètres est
représentée en relief, gisant accostée de deux anges
qui manient des encensoirs, une femme vêtue d'une
ample robe. Elle porte une ceinture ornée de trèfles
à quatre feuilles à laquelle pend une escarcelle.
Ce monument, du treizième siècle, marquait la
sépulture historique d'un souverain de la Cham-
pagne qui n'est autre que Planche de Navarre,
comtesse de Champagne et de Brie, Palatine : la
mère de Thibaut le chansonnier, la reine Blanche
des légendes champenoises.
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
La comtesse Blanche reposait dans l'abbaye
d'Argensolles qu'elle avait fondée. C'est là que le
tombeau princier a subi pendant la Révolution les
mutilations déplorables qui le défigurent aujour-
d'hui. Il importait pourtant d'en sauver les ves-
tiges, et le musée de Châlons en doit l'acquisition
au désintéressement généreux de M. Pierre Per-
rier, propriétaire des ruines d'Argensolles.
MUSÉE DE BAYEUX t-etf-f^tt-?
V °? "f La célèbre « tapisserie de Baveux » a
été l'objet récemment en Angleterre d'une intéres-
sante étude de M. Charles Dawson (Londres. Elliot
■S") qui s'est attaché en particulier à déterminer
les restaurations qui lui furent infligées en 1842,
altérations d'inscription ou de figures, adjonctions
ou suppressions injustifiées. Des figures compara-
tives complètent très utilement ce travail critique
dont il sera bon de tenir compte avant toute nou-
velle interprétation ou commentaire de ce célèbre
monument.
MUSÉE DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE
DE TOURAINE °f°{°{°f°f°t't°e°{°{°t
°f ■£ Y La Société archéologique de Touraine a
acquis tout récemment une belle porte en bois
sculpté d'époque Louis XIII provenant de la
chapelle du château de Chavigny (Indre-et-Loire).
Elle a reçu en don, de la même provenance, un bon
spécimen de grille en fer forgé de la même époque.
Elle a recueilli également en dépôt la cloche de
l'ancienne église de Fleuray qui porte une inscription
et des armoiries qui permettent de la dater du
début du XVIIe siècle.
Ces monuments, malheureusement, les premiers
surtout, sont presque impossibles à exposer dans
l'état actuel des locaux dont la Société dispose pour
son musée et font souhaiter d° plus en plus la réa-
lisation de l'espérance que nous avons enregistrée
il y a quelques mois pour son logement futur.
MUSÉE DE PITHIVIERS y f °f H °f f Y
&, &, $« Ce musée dont nous avons annoncé l'inau-
guration récente est installé dans l'ancien hospice
dont la chapelle qui a conservé des peintures
murales dues à Ravot peintre orig'naire de Mon-
targis est devenue la grande salle. Des vitrines y
ont été installées pour les collections d'objets préhis-
toriques, et gallo-romains, pour les armes du moyen
âge, les sceaux, etc.. quelques statuettes mais un
petit nombre de tableaux, des documents gra-
phiques sur l'histoire de Pithiviers et des collec-
tions ethnographiques qui sont inévitables, pa-
raît-il.
MUSÉE DE MOULINS ^^^^^^^^^
°ï? °jf °f La ville de Moulins possède d'abon-
dantes collections de toute nature mais dispersées
en plusieurs endroits et généralement assez mal
installées, notamment dans les combles du Palais de
Justice. Un legs de M. Martin, ancien secrétaire de
la préfecture, a mis à la disposition de la muni-
cipalité non seulement ses collections artistiques
mais encore une très belle maison d'habitation
voisine du Pavillon d'Anne de Beaujeu. Le testa-
teur mettait comme condition à son legs que ce
bâtiment historique, occupé actuellement par la
Gendarmerie, serait affecté à l'usage du Musée et
relié à sa propre maison. Le Conseil municipal
s'est entendu avec le Cons il général pour réaliser
le projet très intelligent qui va enfin doter Moulins
d'un excellent Musée, dont on espère voir l'instal-
lation complète au cours de l'année prochaine.
MUSÉE DE TULLE °e<f°e°t-i:°ë°{°f°t
•f Y "f La ville de Tulle vient d'acheter à l'Etat
au prix de 15.000 francs le palais épiscopal de-
cette ville pour y installer le musée et la biblio-
thèque municipale.
MUSÉE D'ART RELIGIEUX DU PUY °f °£
°S °f °Ç Ce Musée vient de recueillir un portrait
abandonné depuis longtemps dans les greniers de
l'église Notre-Dame qui représente M. Olier, le
fondateur de la Compagnie de Saint-Sulpice, l'ami
de saint Vincent de Paul, dont le rôle est si impor-
tant et si connu dans l'histoire religieuse du
XVIIe siècle. M. Olier fut aussi le fondateur du
séminaire du Puy où il se rendit en 1652. Il avait
été auparavant, dès 1626, abbé du monastère de
Pébrac, dans la vallée de l'Allier et était aussi
chanoine de Saint- Julien de Brioude.
PUBLICATIONS RELATIVES AUX MUSÉES DE FRANCE
¥ ¥ ¥ Le Palais du Louvre. Architecture. Mobi-
lier. Objets, par G. Geffroy. Paris Per I.ainin.
in-4".
Après une rapide histoire des bâtiments du
Louvre, M. Geffro) passe en revue dans ce troi-
sième volume consacré au Louvre de la collection
des Musées d' Europe, les diverses séries autres que
celles de la peinture et de la sculpture. L'examen
de chacune d'elles, depuis la plus haute antiquité
jusqu'au xvme siècle est forcément très rapide.
Mais au mérite des impressions toujours justes et
personnelles de l'auteur, se joint celui d'une abon-
dante et peu commune documentation graphique
qui comprend près de 300 figures.
¥ ¥ ¥ Le Palais des Beaux-Arts de la Ville
de Paris, par Henry Lapauze, Paris. Lucien
Laveur, in-40 .
Ce volume, illustré de 28 reproductions hors
texte et de 218 illustrations dans le texte, contient
une description et une histoire sommaire des col-
lections d'art de la Ville de Paris, réunies au Petit
Palais, y compris les multiples séries de la collec-
tion Dutuit et les ensembles, constitués plus récem-
ment, de portraits, de dessins et de gravures qui
complètent l'exposition des peintures et de sculp-
tures municipales.
¥ ¥ ¥ Jehan Cousin père, sculpteur. La
statue de l'amiral Chahut et le jubé de la chapelle
de Pagny, par Maurice Roy. Sens. 1909, 14 p. in-12.
M. Maurice Roy, qui a apporté récemment une
importante contribution à la biographie des deux
Jean Cousin, revient sur l'attribution déjà défendue
par lui dans son premier travail de la statue de
l'amiral Chabot à Jean Cousin le père. Il insiste
sur le témoignage de l'historien Taveau qui écrivait
.1 Sens vers 1590 et enregistre nettement cette
attribution. Il relate un texte nouvellement dé-
couvert par M. Bapst qui qualifie Cousin de
painctre et tailleur d'ymaiges » et établit
textes nouveaux que l'artiste fut en rapport
a 1 1 la famille de Philippe Chabot. Le texte décisif
malheureusement, qui serait relatif à l'ouvrage
même du tombeau de celui-ci. fait toujours défaut
et il reste prudent de n'accepter que sous réserve
l'attribution jadis traditionnelle.
¥ ¥ ¥ Revue de l'Art ancien et moderne,
t. XXVI. p. 409 et t. XXVII (1910). p. 39 et suiv.
- Les Sumériens de la Chaldêe d'après les monu-
ments du Louvre, par Edmond Pottier.
¥ ¥ ¥ Les Arts (septembre 1909). — La sculp-
ture du XIVe siècle français au Musée du Louvre.
par Paul Vitry.
(Janvier iqio). — Les accroissements des Mu-
sées [Musée du Louvre). Département des objets
d'art du moyeu âge et de la Renaissance, par Gaston
Migeon.
¥ ¥ ¥ Bulletin de l'Art ancien et moderne
(22 janvier 1910). — Le Musée de Louviers, par
Etienne Deville.
Revue d'ensemble rapide des différentes séries
qui composent ce Musée que l'auteur affirme orga-
nisé avec beaucoup de goût et de soin : séries de
céramique, de peinture et de sculpture sans oublier
les meubles et les panoplies. Lne collection léguée
par M. Constant Roussel l'a enrichi en 1904. Un
morceau capital est un bas-relief funéraire grec
du IVe siècle donné par le baron Pichon.
¥ ¥ ¥ Le Journal des Arts du 5 février 1910
a consacré tout un article de M. A. Richaud au
nouveau Musée de Digne dont nous avons ici même
annoncé récemment l'ouverture et aux diverses
collections qu'y a réunies Etienne Martin.
¥ ¥ ¥ Gazette des Beaux-Arts. Xovembre 1909.
Les œuvres régionales du Musée Rolin, à Au/un.
par M. Alphonse Germain. — L'auteur expose
dans cet article le résultat de ce qu'il appelle lui-
même une exploration. Peut-être aurait-il pu in-
diquer que certaines des œuvres de sculpture bour-
guignonne qu'il énumère. sans rien nous apprendre
de nouveau à leur sujet, n'étaient plus à décou-
vrir et avaient déjà été publiées. Certaines
autres sont de bien médiocres morceaux archéolo-
giques qu'une grande revue d'art pouvait se dis-
penser de reproduire. C'est enfin une singulière idée
que de déclarer <- procéder de Jean Goujon ». le
masque gothique d'un sire de Montperroux.
aux-Roses. — [mp. L. Bi 1 lenand.
Le Gérant : G. Létard.
Bulletin des Musées
de France
UN KOUROS, FIGURE VIRILE D'ANCIEN STYLE GREC
au Musée du Louvre
Pendant longtemps, on adonné le nom « d'Apol-
lon >> à des figures viriles, de style grec archaïque,
qu'aucun attribut spécial ne désignait comme repré-
sentations de ce dieu. Ces figures qui remontent,
pour la plupart, au VIe siècle avant notre ère, nous
montrent un personnage jeune, imberbe, robuste,
entièrement nu. dans une attitude rigide, paré
d'une chevelure généralement longue et soigneuse-
ment disposée. Sa jambe gauche est avancée ; les
pieds reposent à plat sur le sol ; ses liras descen-
dent le long du corps, plus ou moins détachés
du torse : les mains sont fermées, le pouce restant
toujours en dehors. Tel est l'Apollon d'Orchomène,
tel est celui de Théra.
Les découvertes de ces figures se multipliant, on
éprouva des doutes sur l'exactitude de cette déno-
mination et on s'avisa de rechercher avec plus de
circonspection les circonstances dans lesquelles ces
statues avaient été trouvées. Les doutes se préci-
Qt : on constata que plusieurs provenaient
de monuments funéraires et que le nom d'Apollon
n'était pas applicable à toutes ces statues. Et comme
cette série masculine où le type nu est si commun
it exactement pendant à la série contempo-
raine des jeunes femmes richement vêtues, dési-
- sous le nom de Korés, on adopta pour les
hommes le nom de Kouroi c'est-à-dire de jeunes
hommes. M. Deor.na, ancien membre de l'I
française d'Athènes, a rassemblé avec beaucoup
de diligence les matériaux épars sur ces « Apollons
an haïques » ; il en a recherché tous les exemplaires
connus, il en a dressé le catalogue, réuni la biblio-
graphie et tenté la classification en accompagnant
ses recherches de dessins et de phototypies. De
cette entreprise courageuse est sorti un instrument
de travail très précieux pour les historiens de la
sculpture grecque (i).
(i) W. Deonna, Les Apollons archaïques avec une préface
de II. Lechat. Genève, 1909.
Depuis l'année 1874, le Louvre possède deux
torses archaïqu* s de < ette série, provenant vraisem-
blablement de l'ancien sanctuaire d'Apollon Actien.
vis-à-vis de Prévéza (1). Envoyés à Paris par
M. Dozon, consul de France à Janina (2), ces torses
sont exposés au centre de la Salle grecque, à droite
et à gauche de la Héra de Samos.
L'un remonte au second quart, l'autre à la se-
conde moitié du VIe siècle : ils présentent entre
eux de notables différences de facture. Par sa taille
étroite et son aspect élancé, l'un rappelle la statue
de Théra : l'autre, d'une tournure plus lourde, a
été rapproché d'un Kouros du Ptoion, conservé au
Musée national d'Athènes. Chez l'un, les pectoraux
sont développés, les clavicules très accusées, les
deux avant-bras sont encore collés le long des
cuisses ; la chevelure formant une masse quadrillée,
retombe librement entre les épaules et se termine
sur une ligne horizontale. Chez l'autre, le torse a
plus d'élégance, les pectoraux sont aplatis, les bras
ne tiennent plus au corps que par la main ; la che-
velure, serrée par un lien, tombe assez bas au milieu
du dos. L'absence des têtes rend d'ailleurs la classi-
fication des torses d'Actium assez difficile et nous
prive d'un élément d'étude du plus haut intérêt.
Des acquisitions postérieures ont enrichi notre
Salle grecque de plusieurs autres fragments impor-
tants, ayant également appartenu à des Kouroi.
En 1886, une tête, un fragment de jambe gauche
et une main, en marbre du Pentélique, trois débris
certains d'uni l'ancienne école attique,
antérieure aux guerres médiques, lurent apportes
à Paris (3). Les dimensions étaient plus petites que
Deonna, n. 1 2.
(2) Ils ont été trouvi ; : assi grande profondes
dans les fouilles entreprises à Actium
( h. ni s < li, unpoiseau, auquel mu: toire
de Samothrace, pendant qu'il était lui-même consul à
Janina.
;i Deonna, n. 23.
[8
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
nature. La tête étail endommagée; cependant, on
pouvait encore admirer le soin apporté par l'artiste
dans le modelé des chairs et l'habileté avec laquelle
il avait su rendre certains détails du visage, no-
tamment les yeux. La chevelure serrée par un ruban
se composait de bandeaux ondulés sur le front
et de mèches bouclées tombant derrière les oreilles ;
elle avait dû recevoir une coloration qui en dissi-
mulait les parties inachevées. La nudité de la
jambe indiquait bien qu'elle ne pouvait être que
celle d'un jeune homme. La main nerveuse et
Une était fermée comme les mains des torses d'Ac-
tium. Ces indices permettaient donc de reconnaître
avec certitude que les fragments en question pro-
venaient d'une statue analogue à celles que l'on
désignait encore sous le nom d'Apollons archaïques.
Le Louvre s'empressa d'acquérir ces trois morceaux.
Cinq ans plus tard, une seconde tête en marbre
de Paros, aussi d'origine attique, vint s'ajouter
à ces premiers documents (i). La partie droite de
la ligure est bien conservée. La chevelure, serrée
par un lien, s'étage par devant eu deux rangées
de boucles et descend par derrière jusqu'à la nais-
sance des épaules ; la partie entourée par le lien
est traitée d'une façon très sommaire, mais l'ar-
tiste a réservé tous ses soins pour les boucles du
Iront. L'oreille aplatie reste encore comme engagée
dans la chevelure. La bouche est souriante et
légèrement relevée dans les coins. L'œil ouvert,
au globe saillant, présente de grandes analogies,
comme l'a constaté M. Collignon, avec la tête
Rayet, aujourd'hui à Copenhague. Une telle
acquisition ne pouvait pas nous consoler du départ
de la tête Rayet ; elle a du moins adouci les regrets
que nous éprouvions de son exode.
Ces documents précieux, tout en enrichissant
le Musée, tout en favorisant les études des archéo-
logues ne fournissaient au public que des indica-
tions qui ne pouvaient donner aux visiteurs du
Louvre l'impression exacte d'une statue de Kou-
ros. Différents entre eux par les dimensions, par
la matière et par la facture, ces morceaux ne
lient être appréciés que dans leur isolement.
tail dune une lacune à combler. Malgré les
ultés que présente, à l'heure actuelle, une
pareille recherche, il fallait faire effort pour décou-
vrir une ligure d'ensemble, encore pourvue de sa
capabli par sa conservation relative, de
retenir l'attention et de fixer les idées du publie,
(i) Deonna, n. 24.
L'œuvre tant désirée est enfin venue à Paris
et le Conseil des Musées a jugé qu'elle devait entrer
dans nos collections nationales. Chacun pourra
maintenant comprendre l'importance de ces figures
viriles archaïques et en saisir mieux l'intérêt.
Trouvée en 1902, dans l'île de Paros, à l'angle
N.-O. du sanctuaire d'Esculape, au milieu d'un
mur ruiné où elle avait été déposée à une époque
ancienne, cette statue faisait partie d'une collection
particulière (1). Dans son état actuel, elle mesure
encore 1 m. 03 de hauteur. Elle a été sculptée sur
place, dans un bloc de marbre tiré des carrières
de l'île, marbre à très gros graitis et à nombreuses
paillettes.
Les proportions du corps sont à peu près celles
que l'on observe le plus habituellement. La figure
est debout, dans la position ordinaire, la jambe
gauche en avant. D'une façon générale, la partie
antérieure a souffert. Le visage, en particulier, a été
fort abîmé : il est imberbe ; le nez a en grande
partie disparu ; la place des narines reste encore
reconnaissable. Les lèvres, moins mutilées et rele-
vées dans les coins, esquissent un sourire discret ;
la lèvre inférieure est épaisse ; une dépression
marquée part d'un des coins de la bouche et
remonte vers l'autre en séparant la lèvre inférieure
du menton et en accentuant la contraction du vi-
sage. Les gros yeux ronds sont caractéristiques ; le
globe de l'œil en relief formait une saillie assez
forte. Sur le front, les joues et le cou on cherche
en vain quelques traces de modelé ; le marbre très
grenu ne se prêtait guère à des finesses d'exécu-
tion. Les clavicules ne sont pas indiquées. Je par-
lerai plus loin de la chevelure.
Du côté droit, le bras manque ; il est cassé au-
dessous de l'épaule. Du côté gauche, le bras a été
brisé à peu près à la même place mais les morceaux
existent et ont été rajustés : à l'épaule, encore
intacte, avec une partie du biceps, a été rattachée
l'autre moitié du biceps formant pièce avec le
coude et l'avant -bras ; la main fermée constitue
une seconde pièce qui a été rattachée à l'extrémité
de l'avant-bras et réappliquée sur le côté de la
cuisse. A demi-pliés, les bras n'ont plus leur rigi-
dité primitive et sont détachés du corps. Les deux
jambes manquent au-dessous des genoux comme
dans les torses d'Actium et comme dans la plupart
(1) Peu de temps après sa découverte elle a été décrite
par O. Rubensohn, Athen. Mittheil., XXVII (1902), p. 230
et reproduite sur la pi. XI ; cf. Deonna, n. t22.
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
19
des autres statues de Kouroi ; les rotules des genoux
sont indiquées avec un peu d'exagération. Les
épaules sont fortes et arrondies ; les pectoraux
bien développés sont placés assez haut et vigou-
reusement contour-
nés. La taille assez
allongée se dessine
nettement et les han-
ches apparaissent à
leur place. Le nom-
bril, placé très bas,
est indiqué par un
bouton réservé dans
un creux ; le sexe est
fort petit. Quant aux
cuisses elles sont vi-
goureuses, mais apla-
ties sur le côté ; leur
épaisseur à l'endroit
où la main est appli-
quée n'est pas infé-
rieure à 0,20 ; elles
portent sur le côté
extérieur de petits sil-
lons, restes des trous
de mèche et de nom-
breux témoins des
dernières tentatives
du sculpteur pour ar-
river à détacher com-
plètement les bras.
Le revers du marbre est dans un état de conser-
vation bien meilleur. Seule, la partie proéminente
des fesses présente des traces d'usure par suite d'un
frottement. La cambrure du dos est très prononcée
et la ligne médiane du torse fortement accentuée.
La ligne qui sépare les fesses est tracée avec rai-
deur. Les jambes ne commencent à se détacher
l'une de l'autre qu'au milieu des cuisses ; quant
aux bras, ils sont, comme je viens de le dire, entiè-
rement séparés du corps. Les formes en général
sont pleines et fondues dans des contours arrondis ;
la chair est abondante et l'armature osseuse ne se
laisse pas deviner.
Certains procédés conventionnels, adoptés par
les sculpteurs archaïques pour représenter l'ana-
tomie humaine, sont dignes d'être notés : ils nous
apportent comme les témoignages de leurs efforts
pour rendre avec plus de fidélité la nudité virile.
Ils consistent en certains traits plus ou moins
Fig. 7. — Kouros.
Marbre grec du VIe siècle.
[Musée du Louvre.)
profonds, destinés à souligner la musculature. Mais
ici la musculature n'a pas été très accentuée ; cer-
tains de ces traits sont légers et à peine visibles. Au-
dessous des pectoraux, le bas de la cage thoracique
est faiblement marqué par un angle incisé que tra-
verse une ligne descendant du milieu de la poitrine
et finissant au nombril. Les plis inguinaux sont
indiqués plus profondément par deux rainures qui
prennent naissance au sexe et vont se perdre dans
les hanches. Enfin le long de chaque cuisse un sillon
partant de la rotule remonte à la hauteur de la
main où il vient expirer.
Il reste à parler de la chevelure d< >nt l'arrangement
donne à toutes ces figures une physionomie curieuse
et particulièrement intéressante ; elle nous par-
vient dans un état de fraîcheur vraiment exception-
nel. Le front est garni de dix boucles dont huit
sont stylisées en forme de volutes allongées, sépa-
rées au milieu du front en deux groupes, cinq à
droite et cinq à gau-
che ; les deux boucles
les plus voisines des
oreilles ne sont pas
en spirales. Une ban-
delette de métal, po-
sée sur la tête comme
un diadème, isole
cette portion de la
chevelure. Le reste
est rejeté en arrière
et retombe sur le
dos en une nappe
quadrillée qui se ter-
mine par seize peti-
tes mèches pointues
dont l'étalage forme
une ligne courbe. 1 "ne
seconde bandelette de
métal, un serre-tête
allant d'une oreille à
l'autre, forme un an-
gle avec le diadème
et maintient par der-
rière la portion tom-
bante des cheveux.
C'est de ce enté que
la chevelure se présente dans toute sa largeur
et produit l'effet K- plus frappant. Depuis le sommet
de la tête jusqu'à son extrémité, elle ne mesure pas
moins de 0,30 de longueur ; les rainures horizontales
M. m bre gn 1 du VI"
I
20
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
qui la divisent, forment au-dessous du serre-tête
onze registres parallèles; on en compte dix entre
le serre-tête el le sommet du crâne. Les oreilles
repoussées par la massf des cheveux sont légère-
I ramenées en avant.
La chevelure de notre statue de Paros et celle
d'un Kouros du Ptoion (i) présentent entre elles
une similitude évidente. On observe les mêmes
détails dans la disposition des cheveux, notamment
l'absence de spirales, de chaque côté du visage,
dans la boucle la plus rapprochée des oreilles ; le
diadème et le serre-tête occupent exactement la
même place. Ce rapprochement, légitime pour la
chevelure, ne semble pas pouvoir cire tentée pour
le \ isage.
Telle est la nouvelle statue qui vient d'entrer
dans Ils collections du Louvre et qui présente un
lien aussi complet que possible de la sculp-
ture archaïque insulaire pendant la seconde moitié
du vie siècle. Exposée près des torses d'Actium,
à côté des autres morceaux ayant appartenu à
des Kouroi, elle nous apporte un document parti-
culièrement utile pour étudier avec profit le déve-
loppement d'un type familier à la scuplture
grecque archaïque, pour suivre les progrès de ce
développement et constater l'effort heureux tenté
par les sculpteurs grecs contemporains afin de
saisir et de fixer la forme réelle.
Avec cette statue, le vendeur nous a remis trois
fragments, aussi en marbre de Paros, trouvés au
même endroit, qui appartiennent à la partie pos-
térieure de la jambe droite d'une statue analogue
mais de plus grandes dimensions. Réunis ils me-
surent 0,41.
C'est pour moi une grande joie de constater
que la Salle grecque, depuis quelques mois, s'est
enrichie d'oeuvres importantes, véritables têtes
de séries, dont on ne saurait saluer l'entrée avec
trop de satisfaction. Le Kouros de Parcs et la sta-
tuette féminine de style crétois. cédée par le Musée
d'Auxerre, tiennent la première place dans ces
heureuses acquisitions. M. Etienne Michon s'est
chargé de présenter aux lecteurs du Bulletin la
statuette d'Auxerre (1). d'en souligner finement
l'intérêt et de rappeler les bases de l'accord équi-
table à la suite duquel cette statuette est entrée
au Louvre.
A. HÉRON DE YlLLEFOSSE.
LE BUSTE DE L' ASTRONOME PINGRE, PAR J.-J. CAFFIERI
au Musée du Louvre.
Une récente décision ministérielle a autorisé
le dépôt au Louvre d'un buste en terre cuite de
Caffieri qui figurait assez obscurément jusqu'ici
à l'Observatoire de Paris. C'est le portrait que nous
reproduisons ci-contre de l'abbé Pingre, géographe
du roi, membre de l'Académie des Sciences, cha-
noine régulier et bibliothécaire de Sainte-Gene-
viève. Caffieri exposa cette terre cuite au salon
[789 ; mais il est probable qu'il avait déjà à
o moment fait hommage à la bibliothèque de
1 plâtre original de ce buste.
( hi lit en effet au revers de notre terre cuite connue
au revers du buste en plâtre que conserve encore
la Bibliothèque cette inscription :
Ire Gre Pingre chanoine de Sainte Gene-
ographe du Roy, de l'ai
Paris le 4 septembre 171 1.
J.-J. Caffieri en 1788 à la
Bibliothec (sic) de Sainte-Gene
' ■ Hendel, 1 <rr. ht lien., [907, p. [87,
1 1 XVIII ; Di onna, p. 157, fig. 3;
M. Jules Guiffrey dans son beau livre sur les
Caffieri (p. 394) mentionne le buste d'après l'exem-
plaire de la Sainte-Geneviève qu'il suppose, n'ayant
pu l'examiner de près, être la terre cuite du Salon.
Celle-ci ne figura jamais à la Bibliothèque. Un inven-
taire de 1790 où sont énumérées les diverses œuvres
d'art qui étaient conservées avant la Révolution
dans ce dépôt et qui. par une exception presque
unique, y figurent encore presque toutes, sans
l'avoir quitté jamais, l'indique à son rang, mais
sans préciser la matière ainsi que le même inven-
taire ne manque pas de le faire toutes les fois qu'il
s'agit de marbres, terres cuites ou bronzes. C'est
donc bien le plâtre qui figurait à la Sainte-Gene-
\ iève. Quant à la terre cuite, nous ignorons com-
ment elle parvint à l'Observatoire : achat, cadeau
de l'artiste, ou dépôt de la famille du personnage
après la mort de celui-ci qui arriva en 1798 ?
Assez dédaignée et maltraitée par des badigeons
(1) Bulletin des Musées, 1909. "■ 5. ?• 66-67.
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
successifs au cours du xixe siècle, elle est parve-
nue au Louvre dans un état qui ne laissait aper-
cevoir qu'une partie de sa beauté. Un nettoyage
scrupuleux a permis de remettre en lumière les
finesses de son modelé et les délicatesses du travail
de l'ébaucho'r qui en a précisé les traits avant la
cuisson. Toute-
fois, si le fait
de la présence
de cette terre
cuite au Salon
eu 178g et les
qualités mêmes
qui y éclatent
permettent
bien d'affirmer
y reconnaître
une œuvre ori-
ginale où Caf-
fieri a mis tout
son talent, ces
observations
ne sauraient
nous rendre in-
justes pour le
plâtre. Celui-ci,
de dimensions
supérieures à la
terre cuite (0.53
pour le buste
sans le piédou-
che qui est dif-
férent, au lieu
de o m. 47) et
ne pou v an t
avoir été moulé
sur celle-ci, est,
lui aussi, d'une
qualité rare
dans l'accen-
tuation et la précision des détails. On y constate un
travail de reprise à l'outil extrêmement soigné sur
le plâtre même ; aucune trace de coutures n'y appa-
raît et ce buste peut passer sans conteste pour le
plâtre original lui-même, c'est-à-dire pour l'exem-
plaire primitif moulé sur le modèle en terre qui
servit à l'exécution du buste. Un moule à lion
creux dut être exécuté par Caffieri d'après ce mo-
dèle ; car un autre exemplaire moins bon, mais
certainement ancien se voit à la Bibliothèque
I luste de l'a stronom
[Mu sée du
Sainte-Geneviève et de même proportion que le
premier.
Notre terre cuite elle-même ne serait-elle qu'un
simple estampage tiré «le ce creux ? Il est assez
difficile de le penser, étant donné sa qualité et,
si l'on peut dire, sa densité : le buste du Louvre
est extrême-
ment lourd et
à p eu près
plein ; si nous
ne connaissions
l'existence du
plâtre de Sain-
te - Geneviève ,
nous affirme-
rions volontiers
avoir sous les
yeux la terre
même que mo-
dela en pré-
sence du vieil
abbé aux yeux
clignotants,
aux chairs mol-
les, à la lèvre
gourmande le
prestigieux ma-
nieur de glaise
qu'était Caf-
fieri. Si < 'esl
une épreuve
exécutée d'a-
près le modèle
01 i ,inal. et for-
cément moin-
dre de propor-
tions, comme
du reste les
plus 1 telles ter-
res cuites (lu
XVIIIe siècle, le Diderot ou les enfants Brongniard
de Houdon, par exemple, il faut reconnaître que
de même que celles-ci, elle a été reprise et retou-
chée par l'auteur et porte valeur d'original.
Quoiqu'il en soit, le buste est un chef-d'œuvre
dans l'un comme dans l'autre de ses exemplaires.
Jamais Caffieri n'a mis dans une de ses figures,
plus de bonhomie, de malice et de vie. < >n sait
du reste que les plus eeleliles de ces bustes, le
Rotrou, le La Chaussée, l'Helvétius. sont des
s Pingre, par J.-J. Cafj m ri.
Louvre.)
22
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
effigi tives; par une faculté singulière, il
arrivait à vivifier ces travaux souvent si tristes
en d'autres mains. Mais cette fois, en présence de la
nature, il s'est laissé aller à toute sa verve. Le mo-
dèle y prêtait sans doute et lui fournissait une admi-
rai île occasion de réalisme spirituel. Mais la photo-
graphie reproduite ci-contre nous dispense de tout
autre commentaire de cette physionomie si expres-
sive et nous ne pouvons que nous féliciter en termi-
nant que le Louvre ait pu recueillir cet admirable
morceau d'un artiste jusqu'ici assez peu représenté
dans ses collections.
Paul Vitky.
UN PORTRAIT DE JEUNE FEMME, PAR DAVID
(Acquisition du Musée du Louvre.)
La magnifique série de peintures, qui représentent
au Louvre David comme portraitiste et mieux
que les ambitieuses compositions classiques, jadis
si réputées, y assurent solidement sa gloire, vient
de recevoir une heureuse addition nouvelle. Il
ne s'agit pas sans doute d'une œuvre d'impor-
tance égale à certains chefs-d'œuvre consacrés, tels
que les admirables portraits de Mme Récamier,
de Mme Sériziat ou de Mme Chalgrin, qui dominent
tout le groupe par la splendeur incontestée de
leur grâce. Le tableau est de dimensions plus mo-
destes. Le modèle même semble appartenir à
une famille de plus humble petite bourgeoisie, qui
justifiait moins de solennité. A bien des égards,
ce n'est presque qu'une simple étude librement
enlevée devant la nature, mais d'une fraîcheur,
d'une spontanéité et d'un charme tout à fait rares.
David, qui ne montra jamais mieux son génie
que dans l'ébauche magistrale, apparaît ici en son
plus franc naturel, comme s'il avait peint unique-
ment pour sa propre délectation. Ce portrait
intime et familier s'il en fut, qui était reste ignoré
jusqu'alors, apporte ainsi dans la glorieuse réunion
d'oeuvres du maître une note spéciale, d'un accent
déjà presque moderne.
Sur un de ces fonds brouillés, à peine couverts
d'un semis de taches brun roux rapidement jetées,
dont David eut l'habitude en ses esquisses, se dé-
tache en buste une jeune femme, en robe rosée.
un fichu de linge blanc s' entrecroisant sur la
poitrine. Elle esl coiffée d'un bonnet blanc au bord
ité. Mrs boucles d'oreille d'or pendent à ses
oreilles. Ea pose est curieusement surprise en su
eux bruns, timides et doux, sem-
blent si- tourner vers le peintre avec une ingénuité
candide, et le visage, modelé dans toute son indi-
vidualité vivante comme par une main de sculp-
teur, resplendit d'un éclat laiteux délicieusement
frais, parmi l'harmonie des vêtements clairs. On
est étonné de l'alerte vivacité dont témoigne la
facture. Le morceau, tout pénétré pourtant de force
profonde, pourrait rivaliser de séduction extérieure
avec les brillantes, quoique souvent superficielles,
improvisations des maîtres anglais. Mais il reste
dans la pure tradition française toujours sagement
équilibrée, et n'est pas sans acheminer d'avance,
par la simplicité du réalisme et la limpidité de la
lumière, aux tendances futures de l'impressionnisme
ou à l'exquise et tendre naïveté du divin Corot
dans la figure. C'est une surprise que de sentir
ainsi l'austère David en contact direct avec ses
successeurs et de découvrir en lui les germes
mêmes de l'art dont nous vivons.
Nous savons le nom du jeune modèle et l'époque
à laquelle il a été peint. L'œuvre, qui est encore sur
sa toile originale, porte, en effet, l'inscription sui-
vante collée au revers : « Ce Présent Portrait a été
peint par Mr Louis David, premier peintre de france
à cette époque, dans l'année mille sept cents (sic)
quatre vingt quinze (i), être présente demoiselle
Catherine Marie Jeanne Tallard, à l'âge de 22 ans, per-
S( unie pieuse, charitable et célèbre par ses peine (sic)
et par ces (sic) malheurs, morte en Bourgogne en
l'an 1825. — Ecrit par Tallard. son frère, à paris
le 20 mars 1830. (Signé) : Tallard rue de longchamps
n" 29 à Chaillot ». La note est faite pour piquer notre
curiosité sur la jeune fille ou jeune femme représen-
tée, dont on voudrait connaître l'histoire, si briève-
ment indiquée comme tragique par la piété fra-
ternelle. Nous n'avons réussi à découvrir jusqu'ici
que son acte de décès, qui offre, au moins, quelques
(1) La toile a été d'ailleurs, signée, mais non datée
par le peintre, sur le fond, vers le bas, à gauche de la figure
l'.t J i. Cette signature, d'écriture cursive, semble comme
gravéi ii a" isi e rapidement dans la pâte fraîche, avec le
bois du pinceau.
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE, 1910.
^m&;\&^va&&\mi;vm^ ... ,, ,=
Portrait de Mademoiselle Tallard, par David
I \tuste du Louvre.)
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
23
données sur sa situation sociale et sur le pays où
elle vécut. C'est dans les registres de la paroisse
de Sougères (Yonne) qu'il se trouve inscrit, comme
suit : « Le huit mars mil huit cent vingt cinq,
Catherine Marie Jeanne Tallard, femme Lamy,
décédée hier en cette paroisse, au hameau de Pes-
selières, âgée de cinquante trois ans, femme de
François Lamy, maire de Sougères, a été inhumée
dans le cimetière de cette paroisse avec les céré-
monies ordinaires par nous, desservant de ladite
paroisse, soussigné, en présence de Pierre Ledoux
et de Julien Guenot qui ont signé avec nous.
(Signé) : Philippi desservant de Sougères » (1). Les
deux documents confirment l'un l'autre, tout en
laissant subsister seulement un peu d'incertitude sur
la date de naissance, qui paraît pouvoir se placer, soit
en 1772. soit en 1773. Mais l'énigme reste entière,
quant aux « peines » et aux « malheurs » de la jeune
Bourguignonne, qui avait épousé quelque notable de
village, cultivateur cossu peut-être, et dont l'exis-
tence semblerait ainsi tout unie. Eut-elle à subir
des aventures antérieures, des deuils ou des cha-
grins d'amour ? Fut-elle prise de quelque façon
clans la tourmente révolutionnaire ? Aucune indi-
cation n'est là pour nous guider. Nous ne pouvons
conjecturer même exactement où et comment
David l'a connue, si c'est à Paris ou en Bourgogne,
par suite d'un hasard quelconque ou de relations
d'amitié avec un membre de sa famille. Elle
n'était sans doute pas encore mariée alors, en tout
cas, mais dans l'innocent épanouissement de la
jeunesse en fleur.
Quoi qu'il en soit de ces points problématiques,
l'œuvre est de la plus belle époque du maître, du
temps où il venait de peindre M. et Mme Sérizial
(Salon de 1705). avant d'avoir pour modèle l'il-
lustre beauté à la mode, Mme Récamier. Il ne sera
pas sans intérêt de trouver désormais, près de
peintures plus importantes et plus célèbres, mais
aussi plus apprêtées, un exemplaire imprévu de sa
manière la plus fraîche et la plus légère, vraie confi-
dence d'artiste qui se livre en toute ingénuité au
seul plaisir de peindre et révèle d'autant mieux
la franchise naturelle de son merveilleux génie.
Le Louvre se devait à lui-même autant qu'à la
gloire de David de recueillir ce morceau de qualité
rare et dont les peintres seront, à coup sûr, particu-
lièrement charmés
Paul Leprieur
LE PAVILLON DE FLORE
Les premières semaines d'avril auront vu le dé-
part définitif et complet du Ministère des Colo-
nies. Depuis tant d'années que l'on souhaite et que
l'on promet ce départ, on peut à peine croire
qu'il soit enfin chose accomplie. Les locaux qui
s'étendent depuis l'ancienne salle des Etats occupée
aujourd'hui par les Rubens jusqu'à l'extrémité du
bâtiment vont être prochainement livrés au ser-
vice d'architecture qui devra commencer par faire
disparaître un certain nombre d'aménagements
postiches, cloisons, planches, etc., pour que l'on
puisse se rendre un compte exact des locaux uti-
lisables.
Des informations prématurées ont annoncé çà
et là de quelle façon seront utilisés ces locaux ; des
prétentions et des suggestions plus ou moins légi-
times se sont déjà fait jour, comme celle des parti-
(1) Ce précieux document, récemment retrouvé, nous .1
été aimablement communiqué par M. l'abbé Pautrat, curé
de Lainsecq et desservant actuel de la paroisse de Sougères,
par l'intermédiaire de la iamille qui a vendu au Louvre
le portrait, vraisemblablement conservé en Bourgogne
depuis l'origine.
sans d'une galerie d'estampes anciennes. En réalité,
aucune détermination définitive n'a encore été
prise, et l'on peut dire seulement que la question
est à l'étude. Tout ce que l'on peut assurer, c'est
que cette extrémité de l'aile du Louvre devra
comprendre d'abord un grand escalier, qui existe du
reste déjà, et qui rendra le plus grand service pour
desservir les parties du Musée de peinture les plus
éloignées du Salon Carré, la salle des Rubens, eu
particulier où l'on n'accède actuellement qu'après
une course interminable à travers les salles les
plus diverses.
De plus, il est naturel que les grandes salles du
premier étage qui feront suite aux galeries de pein-
ture soient consacrées au développement de celles-
ci. La collection Chauchard devra y trouver place.
On sait, que l'installation projetée de celle-ci dans
le bâtiment du Jeu-de-Paume a été abandonnée
à la suite d'un rapport de M. Girault, le nouvel
architecte du Louvre. La collection Thomy-Thiéry
devra venir l'y rejoindre. C'est à peu près tout
ce qu'on peut dire pour le moment.
LE LEGS PIET-LATAUDRIE AU MUSÉE DU LOUVRE
L'important legs que M. Piet-Lataudrie a fait
aux Musées du Louvre, de Cluny, des Arts décora-
tifs, de Sèvres el de Niort, ainsi qu'à la Bibliothèque
nationale, a été annoncé ici au moment de l'instal-
lation de ces objets précieux dans une des salles
de la Colonnade. Chaque établissement vient de
prendre possession des objets qui lui ont été légués.
Le département îles objets d'art du moyen âge
la Renaissance va enrichir tout particulière-
ment quelques-unes de ses plus belles séries.
Voici rapidement décrits, les vingt-six objets
que le Musée doit à la générosité de M. Piet-
Lataudrie et qui ont été étudiés par M. Migeon
dans les Arts (août 10,09) :
Petite aiguière piriforme en cuivre gravé portant
une inscription au nom du propriétaire Uthmân,
fils de Sulaïman de Nakhtchiwan (l'erse) et la
date, du mois de Châ ban 586 (septembre 1190).
Art persan XIIe siècle.
Grand chandelier en cuivre avec lions et oiseaux
en ronde-bosse. — Mossoul xnr siècle.
Grand bassin circulaire en cuivre gravé portant
sur le rebord l'inscription : gravure de Ali, fils
de Hursaïn, de Mossoul. Fait au Caire l'année 684
(1285-1286). Art égyptien XIIIe siècle.
Grand chandelier en cuivre gravé portant l'ins-
cription : Voici ce qui a été lait pout le cheikh
auguste vénéré, le maître Izz-ad-dîn Ali. fils d'Al-
Masûd, le ... (ancien esclave) du (sultan Malik)
Mudjàhid Ali. (Sultan rassoulide du Yémen, début
du xive siècle). - Art égyptien, xiv siècle.
Grande plaque de revêtement en faïence à reflets
métalliques, à décor en relief formé d'une lampe de
mosquée. - Art persan, xvie siècle.
Ensemble de /mit étoiles et de sept croix en faïence
a reflets métalliques, décorés de personnages on
d'animaux. Art persan, xme-xive siècle.
Plat en faïence à fond d'écaillés bleu-gris avec
tiois sortes di croissants blancs et trois branches
fleuries. l'amas. xve-xvie siècle.
P/a/en faïence à inscription coufique et rinceaux
en blanc sur fond bleu. Kutavehs. XVIe siècle.
B 1 11 flets métalliques, à bandes.
vertical' partie bleu clair, partie blanche. — Art
pet .m evi1 iècL
( hopt en faïence munie d'une ans< droite. I »écor
de fleurs et feuillages sur fond blanc. Asie-
Mineure. xvie-xvne siè( le.
Chope en faïence munie d'une anse droite.
bandes horizontales blanches, bleues et vertes
avec cercles bleus et rouges et croissants. — Asie-
Mineure. XYi'-xvne siècle.
Coupe à pied en faïence avec fleurs sur fond rose.
— Asie-Mineure, xvie siècle.
Aquamanile en faïence en forme de chien cou-
vert d'un décor de fleurs et d'ornements en blanc
et manganèse sur fond jaune. -- Andalousie,
XVIe siècle.
Plat rond en faïence à ombilic saillant : un cerf
à demi couché sur une sorte de boule ronde se voit
dans un médaillon rond au centre sur l'ombilic. —
Italie du Nord, fin du xvc siècle.
Assiette creuse en faïence à décor en bleu, man-
ganèse et jaune sur fond blanc, avec un damier
dans le creux. — Art italien, début du XVIe siècle.
Assiette creuse en faïence à décor en bleu, violet
jaune et vert sur fond blanc. Dans le creux un
écu à fond quadrillé, chargé de trois bandes blan-
ches à rinceaux bleus. — Art italien, début du
xvie siècle.
Vase de pharmacie en faïence. Dans un médaillon
rond sur la face, le buste de Bellone casquée et
au revers dans un cartouche la date de 1548. —
Faenza, xvie siècle.
Quatre plaques d'ivoire provenant sans doute
d'une couverture de livre et représentant quatre
évangélistes. — Art allemand. xe-xie siècle.
I.ti Vierge el l'Enfant, statuette en ivoire. La
Vierge assise, voilée, couronnée, vêtue d'une robe
et d'un manteau, tient debout sur son genou gauche
l'enfant Jésus qui de la main gauche porte un fruit
et étend la main droite vers une fleur que sa mère
lui présente. - Art français. XIVe siècle.
L 'a ti pi 'ire. statuette en bronze doré. Il est del mut .
vêtu d'une robe et d'un manteau, nu-tête et barbu.
Il a les jambes croisées et les pieds nus. Il porte le
livre de la main gauche et ramène la droite sur sa
poitrine. — Art français. XIIe siècle.
Boîte ttitx saintes huiles de forme rectangulaire,
munie d'un couvercle en forme de toit à quatre
lampants. I,a face et les cotés sont ornés de quatre
médaillons ronds émaillés représentant des anges
eu bustes. I.e revers est décoré de figures d'applique
- maillées et de cabochons. — Limoges, xine siècle.
Boîte aux saintes huiles, de forme rectangulaire
munie d'un couvercle en forme de toit à quatre
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
25
rampants. Sur chaque grand côté, trois comparti-
ments renfermant des plaques entaillées champ-
levées à fond alternativement bleu et rouge.
Sur la face : la Vierge et l'ange de l'Annonciation.
Au revers : trois apôtres assis. Sur les côtés : saint
Pierre, saint Paul et deux apôtres assis. Inscription
au couvercle. — Art viennois (?), XIVe siècle.
Bijou, rosace hexagonale en émail cloisonné
translucide jaune sur fond vert, entourée de pierres
en cabochons. — Art français. XIVe siècle.
Coupe ronde en bronze, décorée à l'extérieur
de bêtes et de motifs décoratifs en relief. — Art
allemand (?), XVIe siècle.
Bassin en étain. Hercule portant le lion au
centre est entouré d'une zone de personnages nus.
de mascarous et de rinceaux. Au marli, des chi-
mères et des mascarons. — Lorraine (?), tin du
xvi1' siècle.
Devant de coffre en noyer sculpté décoré de trois
médaillons renfermant chacun un personnage. —
Art français. iIV moitié du XVIe siècle.
N'oublions pas d'ajouter à cette incomparable
série d'objets le portrait de Charles Piet-Lataudrie
peint par Bastien-Lepage, qui prendra sa place au
milieu des grands donateurs du département des
objets d'art du moyen âge, de la Renaissance et des
temps modernes du Musée du Louvre.
C. D.
MUSÉES NATIONAUX
Acquisitions et Dons
MUSEE DU LOUVRE °t°e°ë°e°t°ttt¥
°ç °ç °ç Peintures et Dessins. — Le Louvre
vient de recevoir un très important ensemble d'œu-
vres de J.-B. Isabey qui lui ont été léguées par
Mme veuve Rolle née Maneeaux. Cet ensemble ap-
partenait jadis à Mme veuve Wey-Isabey de qui les
tenait Mme Rolle. Celle-ci se considérait seulement
comme la dépositaire des œuvres d'Isabey et elle
a exprimé le désir que le portrait de Mme Wey-
Isabey soit placé sur le même panneau (pie les
toiles du maitre.
Un certain nombre de pièces, aquarelles, dessins,
crayons, pastels ou miniatures sont déjà connus
pour avoir ligure en diverses circonstances dans des
expositions rétrospectives. Ce sont pour la plupart
des pièces d'un intérêt historique et iconographique
considérable et il en est plusieurs d'un charme artis-
tique très séduisant. Nous donnerons prochaine-
ment la liste complète dudit ensemble.
V V °$ Sculptures du Moyen Age et de la Re-
naissance. — Aux quelques pièces de sculpture
religieuse du xvie siècle français que nous signalions
dans notre dernier numéro, une rencontre heureuse
nous a permis d'en joindre une de première impor-
tance qui tiendra une place d'honneur dans cette
série. C'est une grande Vierge en pierre provenant
de l'Est de la France et que l'on attribuail à Ligier
Richier. Rien ne nous autorise à maintenir cette
attribution à l'artiste lorrain. Cependant, c'est bien
des environs de 1540-1550 que nous datons cette
figure mouvementée et gracieuse dont le costume et
la parure encore réels et de tradition gothique
sont déjcà d'une complication et d'une agitation
pour le manteau, où se fait sentir l'influence ita-
lianisante. Le bambin nu, potelé et rieur, est une
ligure d'une rare souplesse de modèle et le geste
de sa main qui plonge dans le corsage de la Vierge
est d'une invention tout à fait amusante et pitto-
resque.
MUSÉE DU LUXEMBOURG y H °t H °? °t
°£ °j? "t? Le Conseil des Musées nationaux avait
voté l'acquisition, à la vente Jean Dolent, du célèbre
portrait de Verlaine par Carrière et, malgré l'en-
chère considérable de 22.000 lianes qu'a atteint
cette œuvre importante du maître, elle reste défini-
tivement assurée à nos collections nationales où
elle avait sa place marquée, grâce au concours pécu-
niaire de la Société des Amis du Luxembourg,
grâce aussi à la généreuse initiative de deux des
meilleurs amis de nos Musées, sans qui les fonds
mis à la disposition de l'administration eus
insuffisants.
MUSÉE DE VERSAILLES f f f V °t V f
°jf °$ °jf M. le baron Malouet. récemment décédé.
a, entre autres dispositions testamentaires, légué
aux Musées nationaux un portrait du poète Cha-
banon, l'auteur d'Eponine, qui fut l'ami de Vol-
taire. Ce portrait, daté de 1774, est une œuvre de
26
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
Duplessis. M. Malouet a légué aussi un très beau
portrait de son bisaïeul, Victor Malouet, qui.
comme homme d'Etat, fut conseiller intime de
Louis XVI. commissaire général de la marine sous
le Consulat, et plus tard ministre de la Marine. Ces
deux peintures ont été, sur l'avis du Conseil des
Musées nationaux, affectées au Musée de Ver-
sailles.
Documents et Nouvelles
°ç Tf "$ La Mission Pelliot au Musée du Lou-
vre.— On a inauguré dans les premières semaines
de mars les collections rapportées du Turkestan chi-
nois par M. Paul Pelliot. L'installation provisoire
en a été organisée dans une salle du rez-de-chaussée
de la galerie qui va rejoindre le Pavillon de Flore :
l'entrée s'ouvre sur le Carrousel, tout près de
l'ancienne entrée du Ministère des Colonies.
Ces collections, auxquelles ont été joints les
objets rapportés de l'Extrême-Orient il y a quelque
temps par M. Chavannes et qui ont été publiés ici
même, ont été recueillies par M. Pelliot de 1906 à
1909 au cours d'une mission à travers l'Asie cen-
trale. Elles renferment des peintures et des sculp-
tures du haut moyen âge qui nous apportent les
révélations les plus curieuses sur la transmission
«les types et des formules de l'art hellénique tra-
duisant les conceptions du bouddhisme indien,
jusque vers les pays d'Extrême-Orient. On y voit
aussi un certain nombre de spécimens de ces ma-
nuscrits chinois antérieurs au xie siècle, dont M. Pel-
liot a recueilli plusieurs milliers et qui vont cons-
tituer un fond extrêmement nouveau et précieux
à la Bibliothèque Nationale. Nous reviendrons du
reste prochainement dans le Bulletin sur les résul-
tats fructueux de cette belle campagne qui vient
d'apporter à nos établissements scientifiques et
artistiques tant de nouveautés suggestives et d'élé-
ments de futurs travaux.
H °( H Musée égyptien. — On vient de rouvrir
au public la grande salle du milieu de l'ancien
musée Charles X qui termine la série des salles
du Musée égyptien au premier étage et précède les
salles <le la céramique grecque. Toute une nouvelle
installation de vitrines y a pris place, présentant en
particulier, de façon plus somptueuse, les vases en
pierre dure et les objets d'usage, en bois, en métal
ou en céramique.
■^ °ç <f Sculpture moderne. — Après la vitrine
contenant les maquettes de Carpeaux, une autre
vitrine du même genre vient d'être consacrée dans
l'une des salles de la sculpture moderne à l'exposi-
tion des maquettes et petites sculptures du milieu
du XIXe siècle. On y voit en particulier quelques
esquisses de Barye ; une série de modèles de David
d'Angers et la statuette de Rachel, en ivoire par
Barre, dont nous annoncions récemment l'entrée
au Musée.
■f °<f °t Musée de Versailles. — La conserva-
tion du Musée prépare pour la fin du mois de mai
un nouvel aménagement de la « galerie basse »
dans laquelle seront désormais exposés les tableaux
de batailles du règne de Louis XV, peints par
Lenfant pour l'Hôtel de la Guerre de Versailles.
°jf °jf V Orand Trianon. — Les transformations
décidées par M. le Sous-Secrétaire d'Etat des Beaux-
Arts s'accomplissent au palais du Grand Trianon.
Le service d'architecture vient d'achever l'enlève-
ment des vitrages et des cloisons qui, depuis le
premier Empire, fermaient le péristyle. Par cette
simple suppression, l'œuvre de Mansart a repris
toute la beauté et l'élégance de ses proportions. Il
reste à enlever les persiennes en délabre qui aveu-
glent les fenêtres pour rendre à ce palais, au moins
à l'extérieur, sa grâce primitive.
A l'intérieur, la conservation du Musée a fait
déplacer les sculptures qui encombraient le péri-
stvle et la Société des Amis de Versailles a décidé
de faire les frais de la réinstallation des tableaux
de C< (telle aux trumeaux de la Galerie. On peut
souhaiter encore pour l'embellissement des salles
le déménagement de quelques meubles et vases de
Sèvres, dont la vue est blessée et l'introduction
de quelques belles tentures des Gobelins du
XVIIe siècle.
UN TABLEAU ITALIEN DU MUSÉE DU PU Y
Une récente visite au Puy m'a permis d'aller
admirer, au Musée de la capitale du Velay, un pan-
neau peint sur fond doré qui mérite de retenir l'at-
tention. Ce primitif italien, la Vierge et l'Enfant
Jésus, est classé sous le n° ic)4 au
catalogue, avec cette indication de
provenance peu satisfaisante en son
laconisme : « Don ».
V œuvre est charmante, la com-
position harmonieuse, les poses gra-
cieuses, la finesse des tons clairs par-
ticulièrement bien rendue. Le fond
d'or a conservé des traces indiscu-
tables du travail original, et si, de
ci de là, on remarque quelques dé-
fectuosités dues à un maladroit res-
taurateur, les parties principales, les
figures, les mains, les pieds, les dé-
tails du voile de la Vierge, n'ont
nullement souffert et conservent
toute la délicatesse et toute l'ex-
pression qu'a su donner l'artiste à
sa composition.
Le tableau a déjà été remarqué :
dans la Revue archéologique (i),
Mary Logan-Berenson en a signalé
les mérites, et le qualifie d'oeuvre
maîtresse où la douceur alliée à
l'élégance lui fit trouver une des
plus complètes et des plus exquises
madones aux tendances mystiques
que nous ait léguées l'art siennois.
Pour cet auteur, l'attribution à
Taddeo di Bartolo est évidente; il
en rapproche, à titre de comparai-
son, deux peintures du Louvre
(n° 1152, attribué à Lippodi Memmo,
et n° 1622, un inconnu), un intéres-
sant fragment du musée de Nantes
(n° 306, donné à Simone di Martino),
à un tableau du musée de Grenoble (11" 372, repro-
duit page 7 du récent ouvrage du général de Beylié),
et une Crucifixion très repeinte du musée d'Au-
rillac (n° 28). Il est certain que des affinités
indiscutables existent entre le panneau du Puy
et tel de ces tableaux que Mary Logan-Berenson
met ainsi en lumière pour les grouper autour d'un
nom que les catalogues de musées français ne con-
naissent guère. Encore faudrait-il être assuré que
sans contestation Taddeo di Bartolo doit être consi-
déré comme l'auteur de l'une ou de l'autre de ces
(1) ne
1 ht ologique, 191 16, 1 . I , p.
t-Jésus.
[Musée du Puy.)
peintures. Or la preuve manque : el toutes ces affir-
mations, corroborées seulement par la similitude
de certaines poses OU de certains détails, n'ont
qu'une base extrêmement fragile. Il me paraîl
qu'il y a, entre les œuvres ainsi comparées, une
différence de style assez, évidente, dans le modelé
et dans le dessin, qui se distinguent dans le pan-
neau du Puy par un caractère plus archaïque.
Plus récemment, un amateur d'art qui réside au
--
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
Puy et à qui je dois la communication de la photo-
hie de la Vierge en question, M. Gautheron,
a proposé (i) une attribution non moins intéres-
sante el dont il convient de tenir compte. Selon
uteur, l'affinité est bien plus précise et plus
étroite avec la Vierge de Majesté, si belle par sa
pureté de lignes, par sa noble simplicité, que Si-
mone di Martino, le célèbre rival de Giotto, a peint
à la fresque dans l'une des salles du palais coin-'
munal de Sienne. A bien considérer cette Vierge
indépendamment de toul ce qui l'environne (2),
morceau détaché' d'un grand ensemble, on voit
les ileux peintures d'identiques procédés,
une délicatesse de tons et une grâce merveilleuse,
qui sont les témoins indiscutables d'une origine
voisine. L'œuvre de Simone di Martino à
Sienne est de 1315. Faut-il voir dans la Vierge
du Musée du Puy un travail aussi primitif, et
devons-nous accepter sans discussion la proposi-
tion de M. Gautheron ? Et Simone di Martino
doit-il être préféré à Taddeo di Bartolo ?
En une pareille matière, et en l'absence d'un
précis qui dégagerait la vérité et mettrait
tout le monde d'accord, il importe d'être prudent
et de ne pas hasankr des hypothèses, même les
plus séduisantes, qui ne reposent sur aucun point
d'appui. Assurément je me rallierais bien volon-
tiers à la proposition de M. Gautheron. Simone
di Martino est venu travailler de son art à Avignon,
en 133g, avec un essaim d'élèves qui peignirent
de nombreux sujets religieux pour les chapelles
pontificales ou cardinalices d'Avignon, ou pour
des églises que le pape recommandait spécialement
à leur talent (3). On lui a longtemps attribué la
décoration de deux charmantes chapelles du Palais
des Papes qui sont l'icuvrc de Matteo di Ciova-
netto, peintre favori de Clément VI, originaire de
Viterbe. D'autre part, on sait que, pendant son
séjour à Avignon, Simone di Martino fut chargé
d'exécutei en [350 huit tableaux pour l'église de-
là Chaise-Dieu, et que, l'année suivante, il alla
lui-même dans ce monastère pour y peindre des
fresques : en 1 re, il préparail les dessins
d'un reliquaire précieux où les bénédictins de ce
1 ultur, dit Pin ' vo
irection d'André
Mil hel, 1. 1 ., de M. Vndré
'. di VI. VI m
I
lieu se proposaient d'enfermer les restes de saint
Robert leur patron et fondateur, après une solen-
nelle translation.
Ces relations des peintres italiens établis à Avi-
gnon avec la Chaise-Dieu s'expliquent d'elles-
mêmes. Nous sommes à une époque où le pape
Clément VI est un enfant du monastère ; il y avait
vécu comme novice et comme prof es ; en souvenir
de ces jeunes années qu'il n'oubliera jamais, il
se préoccupa de reconstruire l'abbaye de fond en
comble et lui accorda dans ce but de très larges
subsides qui se continuèrent sans interruption
jusqu'à sa mort (eu 1352) ; c'est là enfin que, en
conformité d'intentions nettement exprimées sans
doute, il eut sa sépulture et son tombeau.
Si l'on veut bien constater que l'abbaye de la
Chaise-Dieu est située en pleines montagnes d'Au-
vergne et que cette localité se trouve comprise,
depuis la formation des départements, dans celui
de la Haute-Loire dont le Puy est le chef-lieu, on en
arrive à se demander si la Vierge du Musée du Puy
n'est pas venue, directement ou indirectement,
du monastère pour lequel avaient travaillé, au
milieu du xive siècle, Simone di Martino, Matteo
di Giovanetto et tant d'autres compatriotes attirés
par le pape Clément VI.
Il y a, du moins, des circonstances historiques qu1
militent en faveur de l'attribution de ce panneau
au pinceau de Simone di Martino. Il n'était pas
inutile de les rappeler pour donner plus de consis-
tance à l'opinion purement technique de M. Gau-
theron. Mais convient-il de citer le nom du maître
ou celui d'un disciple ? Les éléments manquent
pour permettre de se prononcer. Le style rappelle
bien le faire de Simone di Martino ; mais était-il
seul capable d'exécuter une telle œuvre? Et
n'avait-il pas dans ses études, dans ses cartons, des
dessins de ses premières œuvres exécutées à Sienne,
que tel élève a pu copier fidèlement eu changeant
la pose du Christ ou en adoptant de légères modi-
fications de détail ?
Quelle que soit la réponse que l'on jugera à
propos de faire à ces points d'interrogation, nous
voici bien loin de Taddeo di Bartolo. Je suis assez
disposé à chercher l'auteur de la Vierge du Puy
dans l'entourage de Simone di Martino et des
peintres siennois qui, conviés par Clément VI,
sont venus travailler à l'abbaye de la Chaise-Dieu.
Henki Stein.
UN MEUBLE ET UN ÉMAIL CHAMPLEVÉ
du Musée Dobrée, à Nantes
Il existe au Musée Dobrée, à Nantes, une remar-
quable châsse d'émail champlevé de Limoges, dont
les avatars successifs sont assez curieux à rappeler.
Elle appartenait en 1841 à l'église de Laguenne
(Corrèze) quand le curé reçut en même temps des
Fig. 11. — Châsse en émail limousin.
[Musée Dobrée à Nantes.)
propositions d'achat direct de son collègue l'abbé
Texier, archéologue, et de M. Minier, quincaillier
à Limoges ; ce dernier finit par vaincre les hésita-
tions du curé de Laguenne, moyennant la somme
de 250 francs. Il la revendait peu de temps après
à M. Joyan, orfèvre à Paris, pour la somme de
2.955 francs. Le garde des sceaux, avisé de la
vente de la châsse par Didron. le directeur des
Annales archéologiques, auquel l'abbé Texier
frustré avait dénoncé la vente, faisait poursuivre,
et le Tribunal de Tulle par jugement de juin 1842,
condamnait Minier à payer à la fabrique de La-
guenne la somme de 2.955 francs qu'il avait tou-
chée de Joyan. Il fit appel, et un arrêt intervenant
ne le condamnait plus eu définitive qu'à payer à
la fabrique la somme de 250 francs, prix accepté
d'un commun accord entre Minier et la fabrique.
Ceci se passait en 1842 ; quelques années après
le prince Soltykoff acquérait la châsse de Laguenne
pour 8.106 francs, et à la vente de sa collection
qui eut lieu à Paris en avril 1861, elle figurait au
Catalogue sous le n° 280.
Quand Ernest Rupin publia en 1890 son œuvre
de Limoges, il ignorait eu quelles mains était passée
la chasse de Laguenne qui fait à l'heure actuelle
si grand honneur au Musée qu'a fondé à Nantes la
généreuse initiative de M. Dobrée.
La belle chasse vouée à saint Calmiue. un air)
limousin, est de grande dimension (o m. 60 de hau-
teur — o m. 69 de longueur) ; il y est représenté un
moine, les pieds nus, et encapuchonné, debout
sépare de saint Martin, debout aussi, par un grand
Christ assis et bénissant. Figures en relief doré, et
rapportées sur un beau fond d'émaux champlevés
à rinceaux. C'est une admirable châsse du xine siè-
cle limousin.
Fig. 12.
Dressoir. Travail français fin du X ,
[Musée Dobrée à Nantes.)
Le dressoii que possède le Musée de Nantes, et
qui y est parvenu dans l'ensemble des collections
,1e M. Dobrée, provient lui aussi de l'ancienn<
collection Soltykoff; c'est le type du dressoir de la
tin du xve siècle qu'un a continué à exécuter au
début du xvie; il est vide dans sa partie inférieure,
avec un corps supérieur saillant, présente des pans
30
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
ax el s'ouvre en deux étages; les
vantaux d'une décoration sculptée vraiment admi-
rable sont garnis de motifs gothiques et d'écussons
aux armes de Louis XII et d'Anne de Bretagne. Le
meuble est en beau bois de chêne d'un grain serré
et il est orné de plus de deux superbes serrures,
de la plus remarquable exécution qu'on trouve
bien rarement authentiques sur les meubles de la
Renaissance.
Gaston Migeon.
MUSÉES DE PARIS & DE PROVINCE
Notes et informations
MUSEE DES ARTS DECORATIFS f f f f
°t °? V Le mois de mars a été consacré au Musée
des Arts décoratifs à l'exposition annuelle de la
Société des Artistes Décorateurs.
A cette exposition a succédé en avril un ensemble
des peintures décoratives exécutées par le maître
Albert Besnard, en même temps qu'une exposition
rétrospective de l'œuvre du regretté céramiste
Chaplet.
En ce moment le comité des Dames expose dans
la salle qui lui est réservée de charmantes boîtes et
des éventails délicatement décorés par Mme Leone
George, des œuvres de Mlle O'Kin, des brochures
du Licem de Stockholm, etc.
Dans une des grandes salles du XVIIIe. on peut
voir l'admirable ensemble de porcelaines de Sèvres
qu'a bien voulu prêter M. Hodgkins, et dans un
salon voisin un charmant plafond décoré de singe-
ries et provenant d'un ancien hôtel du Marais prêté
par M. Maurice Fenaille.
Parmi les récents enrichissements du Musée
nous noterons enfin que les collections de porce-
laines françaises, nouvellement remaniées, se sont
augmentées d'un magnifique cabaret en porcelaine
tendre de Saint-Cloud, et d'un groupe en biscuit
de Sèvres donnés par M. Fitzhenry ainsi que
de nombreuses pièces de diverses manufactures
acquises à la vente du même amateur.
BIBLIOTHÈQUE NATIONALE f ■* °£ f °? °ç
°t °f -g La Bibliothèque nationale vient de rece-
voir, par suite d'un legs à elle fait par la fille du
luHs, toutes les œuvres de ce dernier.
Parmi ces œu- >uv< une collection de por-
' ' i lèbres du temps de la Restau-
ration qui lui avaient été demandés par Louis
XVIII, [jour lequel il avait exécuté déjà une
eilleuse tabatière. Cette collection était, des
le principe, di i cabinet des médailles.
L'empereur Alexandre Ier en avait obtenu les « dou-
bles », qui figurent actuellement dans les Musées
impériaux de Russie. Après la Restauration, la
collection des portraits commandés par Louis XVIII
avait été oubliée, et elle était restée entre les mains
de la fille de l'artiste qui vient de lui rendre sa pre-
mière destination.
MUSÉE DE NIORT ^^^<^^VVV^^
f f V il. Henri Clouzot a fait récemment à la
Société d'histoire de l'art français la communica-
tion suivante au sujet d'un des tableaux les plus
réputés du Musée de Xiort :
Le catalogue des œuvres de Chardin qui accom-
pagne la récente étude de M. Edmond Pilon,
parue dans la collection des Maîtres de l'art,
donne au peintre de l'Enfant au toton le Por-
trait d'un ancien seigneur de la Mothe Saint-
Héraye conservé au Musée de Niort.
L'attribution n'est pas nouvelle. Charles Blanc,
dans sa Vie des peintres, les Goncourt, dans leur
notice sur Chardin, Bellier de la Chavignerie et
bien d'autres font honneur au grand artiste de cet
important morceau (haut : i m. 28 ; larg. : i mètre),
point du tout, à vrai dire, indigne de son talent.
Jean-Baptiste Martin d'Artaguette, marquis de
la Mothe Saint-Héraye (si, comme le veut la tradi-
tion, c'est bien lui que le peintre a voulu représenter)
est à table soulevant de la main droite un flacon
de vin qu'il contemple amoureusement. Il est vêtu
d'un habit marron tout uni, ce qui lui donne l'air
d'un modeste bourgeois plutôt que d'un riche sei-
gneur terrien.
La toile se trouvait au château de la Mothe
Saint-Héraye dans la chambre dite de Madame
et la joie expansive de ce vrai gastronome faisait
envie à tous les visiteurs au moment où le château
allait tomber sous la pioche des démolisseurs, en
1840. La Société de statistique, lettres, sciences
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
31
et arts du département des Deux-Sèvres réussit
à sauver quelques débris du naufrage. A force de
persévérance, elle obtint ces curieuses boiseries
du xviie siècle qui décoraient la chapelle, œuvre de
quelque artiste flamand de passage en Poitou, et
plusieurs peintures, dont le prétendu Chardin.
Depuis lors, les catalogues du Musée de Niort,
en 1858 comme en 1865, donnèrent sans hésitation
ce portrait à Chardin.
Mais, en 1873, après une restauration, malheureu-
sement confiée à un artiste inexpérimenté qui enleva
tous les glacis et diminua considérablement l'in-
térêt de l'œuvre, on put lire la signature Alexis
Grimou et la date 1720. Ce n'est plus un Chardin,
mais c'est encore un très bon Grimou. La pose
adoptée par le peintre lui plaisait sans doute tout
particulièrement, car on la retrouve dans son propre
portrait, exposé par M. Paul Lesourd à l'exposi-
tion rétrospective de Tours en 1S90.
POUR LE MUSÉE DE CHARTRES ? t °t °?
°ç °j? °( La proposition, que nous avons soutenue
nous-même dans notre dernier numéro, du transfert
du Musée à l'Evêché semble rallier de plus en plus
de suffrages. Un article très judicieux et très modéré
de M. Blondel, conseiller municipal, paru dans la
Dépêche d'Eure-et-Loir du 24 février, en expose
tous les avantages moraux et matériels. Une somme
de 150.000 francs serait, paraît-il, suffisante d'après
les études de M. Mouton, architecte municipal, pour
y réaliser tous les aménagements désirables.
Un autre correspondant du même journal insiste
pour que l'on n'omette pas dans ces aménagements
l'éclairage des salles par le haut et signale la possi-
bilité de constituer grâce à quelques pièces de mo-
bilier en usage dans les bureaux de l'hôtel de ville,
une amorce de Musée de l'ameublement. Toutes ces
idées sont bonnes à retenir, mais le principe surtout
de l'utilisation de cette demeure large et spacieuse
de préférence à toute autre bâtisse dispendieuse
à construire pour loger les collections chartraines
est à ne pas abandonner. M. Dujardin-Beaurnetz,
sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts, a, dans une
récente visite à Chartres, parcouru les salles de
l'Evêché et appuyé de son autorité la solution pré-
conisée.
MUSÉE DE NANTES °e°tt1"e°t°t°e-$
if if if M. Catroux, conservateur-adjoint de la
Bibliothèque, a été nommé récemment conservateur
du Musée des Beaux-Arts. Il a exposé dans un ar-
ticle paru dans le Petit Phare de Nantes du 17 février
ses intentions de remaniement, de classement
logique des œuvres, de création de. nouvelles séries,
etc., etc. La matière ne manque pas à Nantes pour
ces travaux, le cadre est ample et nous enregistre-
rons avec plaisir le résultat de l'activité du nou-
veau directeur des collections nantaises.
f f °f Le Musée vient de s'enrichir d'une impor-
tante mosaïque romaine datant des premiers
siècles de l'ère chrétienne. Cette mosaïque provient
d'Oudna, en Tunisie, Utina, comme on disait autre-
fois, située à quelques kilomètres de Tunis; elle a été
donnée au Musée par M. Sibille, l'un des députés
de Nantes. Bien que morcelée, mais très réparable,
cette mosaïque offre un très précieux spécimen des
mosaïques de l'architecture romaine à l'époque
qu'on lui assigne. Le dessin en est sobre, fait de
lignes entrelacées et de figures géométriques : au
centre, des cubes de marbre de différentes couleurs
représentent un poisson et un cormoran. L'ensemble
est des plus harmonieux. La ville où elle a été trouvée,
Utina, était une cité importante de haute civili-
sation et où abondaient les monuments.
MUSÉE DE TOULOUSE °f-f:°£°e°t-t:°e°e
°f? °f °$ La ville de Toulouse a acquis du liquida-
teur des biens de la congrégation dissoute des
Pères du Calvaire un grand groupe en terre cuite
de la Descente de Croix exécutée vers 1847 Par Ie
sculpteur toulousain Griffoul-Dorval. La Commis-
sion du vieux Toulouse et la Société archéologique
du Midi s'étaient intéressées à la conservation de
cette œuvre importante de l'art local et avaient
appuyé les efforts de M. Rachou, conservateur au
Musée des antiquités, qui en avait proposé l'achat
à la municipalité et va être chargé de l'installer dans
le Musée des Augustins.
UN MUSÉE A UZÈS (Gard) ^ y X ¥ f °t
°£ V °? M. José Belon vient de prendre l'initia-
tive «le la formation à Uzès (Gard), d'un musée de
peinture et de sculpture. Déjà un certain nombre
d'artistes ont bien voulu promettre au fondateui
leur généreux concours. En outre, un comité de
patronage vient de se constituer pour assurer le
succès définitif de l'œuvre.
-> «j- ->
PUBLICATIONS RELATIVES AUX MUSÉES DE FRANCE
°t f f La Commission du Muséum et la
Création du Musée du Louvre. - Documents
illis et annotés par Alexandre Chetey et Jean
Guiffrey. Archives de l'art français. Nouv. période,
T. III (1909). Paris. Schemit.
Le dernier volume des Archives de l'art français
est entièrement consacré aux pièces relatives à l'ac-
tivité de la première commission instituée en vertu
du décret du il août 1792 pour préparer et diri-
i création du Muséum central des Arts qui fut
ouvert le 10 août de l'année suivante. Cette coin-
ion se composait des peintres J.-B. Regnault
et Vincent, de Jollain, l'ancien garde des tableaux
du roi, du géomètre Boussut et de deux minia-
turistes assez obscurs, Pasquier et Cossart. C'est
Roland, ministre de l'Intérieur, qui présida à
institution; elle fut violemment attaquée
'abord par le marchand de tableaux Lebrun,
qui n'avait pu y entrer, puis par David qui, en
1704. lit nommer de nouveaux commissaires.
La présente publication tend plutôt à réhabiliter
cette première commission qui, d'après Lebrun
et David, a été généralement assez mal jugée. Elle
montre son activité réelle, qui s'employa à faire
rentrer au Louvre les tableaux provenant de l'ancien
Cabinet royal ou des saisies révolutionnaires, à
Ks classer, à les restaurer, à les faire graver. La
commission fit ce qu'elle put pour maintenir et
agrandir la place que l'assemblée avait fait accorder
pour les collections dans le Louvre encore en-
combré d'administrations et d'habitants privi-
légiés envahisseurs, et elle organisa en moins d'un
ce qui est aujourd'hui le Salon Carré et
tie de la grande galerie, alors éclairée
latéralement, une réunion de 537 tableaux et
ulptures.
avec Al. Lenoir qui ne mettait qu'un
lui livrer les tableaux ra-
les Petits-Augustins, ses préoc-
de l'entretien des tableaux, de la police
la rédaction d'un cata-
logue- qui parut dès 170.;. sont très curieux à suivre
rchives qui permettront de la
d( cause et sur des
pièces irrécusables non sur des racontars ou sur
des impressions.
°( °$ °ç Inventaire général des dessins du Mu-
sée du Louvre. — Ecole française. Tome IV,
par Jean Guiffrey et Pierre Marcel. Librairie
centrale d'art et d'architecture, Paris, 1909,
I vol. in-40.
Ce quatrième volume continue la belle et solide
publication entreprise par MM. Guiffrey et Marcel.
II comprend 610 illustrations d'excellente qualité
pour 825 dessins décrits ; mais cette fois l'in-
flexible ordre alphabétique amène des numéros
d'un intérêt que l'on peut dire exceptionnel, avec
l'œuvre de Corot et de Daubigny, de David et
de Delacroix qui est assez abondamment repré-
senté au Louvre. 1 hitre les grands dessins connus.
esquisses de se-- tableaux célèbres, David figure avec
une abondante série de croquis archéologiques qui
témoignent de sa forte documentation archéologi-
que. Delacroix termine le volume avec le précieux
carnet de voyage au Maroc dont 38 feuillets sont
reproduits. Mais c'est l'art, classique encore,
quoique déjà touché par la grâce du XVIIIe siècle,
d'Antoine Coypel qui y tient la plus grande place,
la tradition voulant, sous l'ancien régime, que tous
les dessins du premier peintre fissent retour à sa
mort aux collections royales. Une introduction
érudite est consacrée précisément à Antoine Coypel
et à ses dessins.
°t ^ °( Gazette des Beaux-Arts, avril iqio.
— Très important article de M. Loris Batiffol
qui établit que les plans du Louvre, conçus par
Lescot sous Henri II comprenaient déjà tout le
développement futur de la Cour carrée ainsi que le
prolongement des bâtiments vers les Tuileries.
M. Batiffol retrouve ses plans dans deux dessins
de la collection Destailleurs au Cabinet des Es-
tampes regardés jadis par M. Babeau comme des
projets contemporains de Henri IV.
— Les Emaux de Mônvaerni au Musée du
Louvre, par M. J.-J. Marqcet de Vasselot. ■ —
Etude approfondie sur la série d'émaux publiée ici
dès son entrée au Musée par M. C. Dreyfus.
Erratum, — Dat ernier numéro, au bas de la reproduction du Portrait de Cireux, du
ls, devait figurei la mention suivante, omise par erreur :
■ Phot. Accart, communiquée par XL }. Doucet. »
Fontenay-aux-Roses. — Imp. L. Bellenand.
Le Gérant : G. Létard.
Bulletin des Musées
de France
LES COLLECTIONS DE LA MISSION PELLIOT
au Musée du Louvre
Dans son précédent numéro, le Bulletin avail
annoncé qu'il reviendrait sur la belle exploration
de M. Pelliot au Turkestan. C'est en effet une des
plus importantes auxquelles, depuis longtemps,
se soit employé un Français et une des plus fruc-
tueuses auksi par les documents de tous genres,
tant historiques qu'archéologiques et artistiques
dont elle a enrichi nos collections de la Biblio-
thèque Nationale et du musée du Louvre. Joints
à ceux qu'ont rapportés M. Foucher de l'Inde du
Nord-Ouest et M. Chavannes de la vallée du fleuve
Jaune, ils précisent grandement nos connais-
sances sur la civilisation de l'Asie centrale et la
relient par des témoignages précis et tangibles à
celle de la Grèce qui a rayonné sur elle d'une
lumière un peu lointaine et qui va s' affaiblissant,
mais dont l'origine éclate aux yeux néanmoins.
L'influence du bouddhisme au moyen âge dans
ces régions apparaît surtout dans toute son ampli-
tude, grâce aux documents apportés par M. Pel-
liot.
La France avait paru se désintéresser trop
longtemps des recherches qui, depuis une quin-
zaine d'années ont constitué peu à peu l'archéo-
logie de l'Asie centrale. Les explorateurs qui
avaient traversé ces pays maintenant déserts, les
Prjevalsky, les Sveii Hedin y avaient signalé des
restes de villes aux trois quarts détruites el
émergeant à peine des sables où se reconnais-
saient des traces indéniables du culte boud-
dhique.
En 1889, le capitaine Bower rapporta de Kout-
char un manuscrit en sanscrit d'origine boud-
dhique, qui constituait un monument des plus
précieux. ' )n sait en effet que la disparition du
bouddhisme de l'Inde a entraîné celle des textes
originaux sanscrits qui constituent le canon de-
cette religion, et nous ne le connaissons plus que
par des traductions chinoises ou tbibétaines : c'est
en Chine et au Thibet en effet que le bouddhisme,
chassé de sa patrie d'origine, s'est transplanté :
il y a repris une vigueui sans cesse accrue et sa
doctrine s'y est maintenue intacte jusqu'à nos
jours.
La découverte du capitaine Bower faisait
espérer que l'on pourrait retrouver au Turkestan
des textes originaux, en même temps que l'on
Clit .Y lit.
Fig. 13. — Têtes provenant de Toumi houq.
[Musée tlu I
pensait découvrir au son île ces - villes m rtes»
des traces d'une civilisation qui avail dû être
très brillante à l'époque bouddhique, si nous en
jugeons encore pai les témoignages des pèlerins
chinois qui, pendanl la période de la dynastie
T'ang (620-907 ap. J.-C), les ont traversé poui
aller chercher dans l'Inde Ks textes bouddhiques
en sanscrit qu'ils ont rapportés en Chine.
34
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
Les premières recherches furent entreprises
en 1S97 sur l'initiative de l'Académie des Sciences
de Saint-Pétersbourg par le Dr Klementz, dans la
région de Tourfan sur la route dite de la Kachgarie,
celle par laquelle le pèlerin chinois Hiuentsang
se rendit dans l'Inde. C'est dans la même région
que le professeur Grunwedel en 1902, puis le
professeur von Lecoq furent envoyés par l'Alle-
magne pour continuer les recherches du Dr Kle-
mentz.
D'un autre côté, le Dr Stein était envoyé en 1900-
1901 par le gouvernement des Indes le long de la
route méridionale qui longe le Turkestan chinois
vers le Sud pour aller dans l'Inde. C'est la route
qui vit passer le pèlerin Song Yun à l'aller et Hiuen-
tsang au retour.
Le succès de ces différentes missions activa
la réalisation d'un vœu déjà présenté au Congrès
archéologique de Rome en 1890. En 1902, fut
fondée « l'Association Internationale pour l'explo-
ration historique, archéologique, linguistique et
ethnographique de l'Asie centrale et de l'Ex-
trême-Orient. »
C'est seulement en 1905, sur l'initiative de
M. Sénart, président du Comité français de l'Asso-
ciation dont nous venons de parler que fut orga-
nisée la mission qui, sous la direction de M. Paul
Pelliot, professeur de chinois à l'Ecole d'Extrême-
Orient (Hanoï) a, pendant trois ans (de 1906 à
1909), exploré le Turkestan chinois et la Chine
du Nord avec un succès dont font foi les docu-
ments exposés au musée du Louvre. C'était une
bonne fortune pour la science française de pou-
voir confier une tâche de ce genre à l'ardeur et
à la probité scientifique d'un jeune savant que
ses travaux antérieurs et un séjour déjà long en
Extrême-Orient qualifiaient tout particulière-
ment pour l'entreprendre et la mener à bien.
M. Pelliot s'adjoignit pour la partie scientifique
de son expédition le médecin-major Louis Vail-
lant de l'armée coloniale et M. Charles Nouette
qui fut chargé de la documentation photogra-
phique.
Ce que tut ce voyage, ce n'est pas ici le lieu
de k- ilii\- en détail; nous renverrons les lecteurs
qui en seuil curieux, soit au Bulletin du Comité
de V Asie française qui a tenu régulièrement ses
licteurs au Courant des étapes de la mission, soit
;m i.t^i ieule .\ (les Annales dr la Société de Géo-
graphie commerciale (section indo-chinoise), année
1909, ou même au numéro de l'Illustration
(12 mars 1910) où le voyageur a raconté lui-même
ses pérégrinations.
Peut-être quelques renseignements historiques
ne paraîtront-ils pas superflus, qui feront mieux
comprendre l'intérêt des documents rapportés
par M. Pelliot et en particulier l'origine des monu-
ments picturaux ou sculpturaux qui sont exposés
au visiteur de la collection.
Entre l'Indus et l'Hindoukouch en Bactriane
ont régné pendant près de trois siècles après la
mort .d'Alexandre des dynasties soit purement
grecques héritières du conquérant, soit gréco-
indiennes. Quand ces dynasties eurent été renversées
par des peuplades de race hunnique ou turque,
au début du premier siècle, avant notre ère, le
pays était tellement imprégné de la civilisation
grecque que celle-ci gagna jusqu'aux vainqueurs.
Mais vers le milieu de ce siècle, toute cette ré-
gion fut convertie au bouddhisme et couverte de
sanctuaires et de monuments pieux élevés au Boud-
dha ou à ses disciples par la piété de ses souverains
dont le plus illustre fut le fameux Kaniska. Tout
naturellement, les artistes appliquèrent aux idées
nouvelles les formes grecques ou plutôt hellénis-
tiques empruntées aux monuments qu'ils connais-
saient ; et ce n'est pas une des moindres singula-
rités de cet art que la déformation ou plus exac-
tement l'adaptation qu'il subit pour se plier aux
types nouveaux qu'il dut servir à représenter.
Les premiers savants qui l'ont étudié, s'y sont
même mépris et ont souvent pris pour des scènes
grecques, les représentations de personnages
bouddhiques vêtus et groupés comme le sont
les dieux et les héros grecs sur les oeuvres qui
nous sont familières.
Cet art est dit du Gandhâra, du nom que por-
tait alors le district actuel de Peshawer sur la
frontière N.-O. de l'Inde, où l'on en a trouvé
les plus nombreux spécimens et d'où M. Foucher
a rapporté les exemplaires exposés au musée du
Louvre.
La Bactriane a donc été le point de contact
des civilisations hellénique, indienne et aussi
chinoise par le Turkestan qui avait été conquis
par les Chinois au Ier siècle avant J.-C. Au cours
de l'histoire chinoise, le Turkestan passa entre
les mains de différents maîtres, mais en restant
toujours soumis plus ou moins fortement à l'in-
fluence du bouddhisme, avec laquelle lutte au
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
35
cours du moyeu âge celle de l'islamisme et du chris-
tianisme nestorien. Mais la victoire resta à l'isla-
misme avec Tamerlan qui conquit la Kachgarie
et la dévasta complètement.
C'est par le Turkestan chinois que l'art gréco-
bouddhique s'introduisit en Chine et s'y déve-
loppa brillamment sous la dynastie étrangère
des Wei (386-550) et sous la dynastie nationale
des T'ang (620-907), cette dernière période est
cipalement des têtes furent exhumées. Modelées
ou plus souvent moulées, puis séchées au soleil,
ces sculptures polychromes subirent lors de l'in-
cendie du temple une sorte de cuisson où les cou-
leurs disparurent. Leur style les apparente très
évidemment à cet art gréco-bouddhique du
Gandhâra dont nous avons parlé plus haut. On
les trouvera réunies dans une petite vitrine à
droite de l'entrée ; quelques-unes sont d'un mo-
Fig. 14.
Fragments de sculptures provenant île Toumchouq.
[Musée du Louvre.)
précisément celle à laquelle se rapportent la plu-
part des documents rapportés par M. Pelliot.
La mission commença ses travaux au village
de Toumchouq à mi-chemin entre Kachgar et
Koutchar où elle put déblayer intégralement
les ruines d'un monastère bouddhique. Certaines
parties de ce monastère dataient du VIIIe siècle,
mais d'autres paraissaient beaucoup plus an-
ciennes (1). T'n ^raiid nombre de figurines prin-
(1) Nous empruntons la plupart des détails qui sui-
vront à une brochure distribuée le jour de l'inauguration
de la collection l'elliot signée par MM. Pelliot, Docteur
Vaillant et Charles Nouette.
delé tout à fait délicat telles que cette tête de
personnage à moustache que relèvent deux pe-
tites cornes ou ce petit personnage de type chi-
nois coiffé d'un bonnet historié. On les trouvera
toutes deux reproduites ci-contre. Notons encore
un fragment de statuette des plus intéressants
par la souplesse avec laquelle est traitée la draperie.
Mais le morceau capital est cette belle tête de
femme qui figure sur notre photographie entre
les deux plus petites. Nous nous trouvons là eu
présence d'une œuvre vraiment remarquable par
l'expression donnée à ce visage asiatique un peu
trop gras presque bouffi qu'éclairent deux grands
36
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
yeux calmes, et par l'habileté avec laquelle est
traitée la coiffure étrange et compliquée qui la
surmonte. Ce n'est pas là seulement une pièce
intéressante pour les archéologues, c'est vraiment
une œuvre d'art.
Nous trouverons encore sur le mur faisant
face à la porte ileux bas-reliefs assez endommagés
également en terre séchée de fort belle allure,
en particulier celui où se trouve un personnage
couronné et auréolé à taille longue et mince,
'l'ont près de là nous rencontrons deux beaux
spécimens de décoration florale et animale.
De Tomncliouq, la mission se rendit à Kout-
char où elle resta près de huit mois. Il s'agissait
de visiter des grottes artificielles aménagées en
sanctuaires bouddhiques appelés en turc « ming
ni » ( m « mille maisons >> et en chinois « T sien Fotong »
on grotte des mille Bouddhas. Mais l'emplacement
avait iiyî zti diblay: et explor; par la mission
Griïnwedel et on se contenta d'y prendre des
photographies qui sont exposées au milieu de-
là salle. En revanche, des fouilles furent entre-
prises dans d'anciens temples de plein air, princi-
palement aux ruines de Douldour-âqour et de
Soubachi ; elles révélèrent des manuscrits, des
bois sculptés, des sceaux, des monnaies.
i in retrouve à Koutchar les mêmes influences
artistiques qu'à Toumchouq. Mais certaines par-
ties des grottes révèlent cependant la main d'ar-
tisans chinois.
A gauche de la salle du Louvre au milieu sont
exposés des fragments de fresque provenant
d'un temple de Douldour Aquour ; les couleurs
en sont encore très vives ; une tète de vieillard
est particulièrement intéressante par la façon
aisée dont sont traitées la barbe et la cheve-
lure.
Mais c'est à Toen-houang où se rendit la mis-
sion Pelliot après Koutchar que la moisson fut
particulièrement fructueuse. On savait devoir
rencontrer là un groupe de 500 grottes dont quel-
ques-unes avaient été visitées par des voyageurs
européens, mais l'étude systématique eu était
. faire. I.a disposition de ces grottes aussi
bien (pie leur décoration picturale et sculpturale
est du plus haut intérêt, comme on peut s'en
rendre 1 pti en regardant les belles photogra-
phie pri - pal M. Nouette dans des conditions
matérielles des plus difficiles et qui n'ont rien
laissé- de côté. On retrouve là cet ait des YVci
(ve et viie siècle) dont nous avons parlé plus haut,
répandu dans la Chine du Nord à l'époque où
y régnait la dynastie de ce nom et que l'on com-
mence à connaître, grâce à la mission de M. Cha-
vannes dans la vallée du fleuve Jaune et en parti-
culier dans les deux capitales de cette dynastie
Ta-t'ong-fou et Honan-fou.
Les plus anciens monuments de ces grottes
datent de l'an 500 ; d'autres sont du VIIe et du
IXe siècles, d'autres grottes furent aménagées
au vnc et au Xe siècles, ce sont les plus impor-
tantes.
M. Pelliot avait entendu parler d'une niche
où M. Stein avait trouvé et acheté quelques ma-
nuscrits hindous. L'histoire de cette grotte a un
peu l'air d'un conte de fées. A l'approche d'enva-
hisseurs venus de l'est en l'an 1035, les moines
avaient enfoui à la hâte dans une cachette tous
leurs livres et leurs peintures : ils en avaient bouché
l'ouverture et l'avaient décorée de façon à la faire
passer inaperçue. Puis ces moines avaient sans doute
tous péri, car nul ne vint déblayer la cachette qui
ne fut mise au jour tout à fait par hasard qu'en
1900. Quand notre compal riote put se la faire ouvrir,
quelle ne fut pas sa stupéfaction de trouver là toute
une bibliothèque médiévale dont l'inventaire som-
maire lui prit trois semaines. Il y avait là 15 à
20.000 rouleaux que M. Pelliot examina un à
un et dont il put acquérir la plus grande partie.
Tous les manuscrits étaient antérieurs au XIe siècle,
et dans un état surprenant de conservation.
1 in en jugera par les quelques spécimens expo-
sés dans la salle du Louvre qui comprennent
des textes bouddhiques, taoistes et manichéens
et aussi des textes historiques, littéraires et phi-
losophiques et des pièces de chancellerie qui nous
renseigneront sur ce qu'était la vie administra-
tive de cette région à l'époque des T'ang (vme
siècle). Les plus importants de ces rouleaux ont
ilé déposés à la Bibliothèque Nationale. La plu-
part d'entre eux étaient enveloppés dans du
papiei recouvert d'étoffe. Ces étoffes ont été
patiemment décollées et remontées par les soins
minutieux et intelligents de M. Isaac ; elles for-
ment dans la salle Pelliot une collection des plus
i uni uses pour la variété de la décoration et des
couleurs.
La mission a encore découvert à Toen-houang
des peintures sur soie antérieures à ce que nous
avions au Louvre, d'une fraîcheur de coloris
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
37
inouie, des estampages anciens et des imprimés
xylographiques du vnr et du Xe siècles, le tout
dans un état de conservation qui fait rêver, sans
compter des bois sculpté.-, et des statuettes de
bronze, également exposés au Louvre.
En se rendant à Péking, la mission passa par
Si-ngan-fou, la capitale de la dynastie des T'ang
sous laquelle furent creusés les sanctuaires dont
nous venons de parler. Elle y acquit des céra-
miques dites des « Han » et des bronzes exposés
dans la grande vitrine en face de la porte de la
salle Pelliot. Nous avons remarqué en particulier
un charmant petit bronze représentant un oiseau
qui se penche vers la terre pour y picorer, d'une
vérité d'attitude frappante et modelé de la façon
la plus exquise. C'est également «le Si-ngan-fou
que provient la belle cloche en bronze que nous
reproduisons ici.
( )n voit (pie nous n'exagérions pas au début
de cet article l'importance de la mission Pelliot.
Elle a rapporté en France une collection de manus-
crits chinois anciens sans rivale même en Chine
et des documents artistiques et archéologiques
du plus haut intérêt pour l'étude de l'Asie cen-
trale dans ses relations avec l'Inde et avec la
Chine.
La conservation du Louvre a eu l'heureuse
idée de réunir dans la salle Pelliot les différentes
pièces se rapportant à l'art ou à l'archéologie
chinoise provenant soit d'un voyage antérieur
de M. Pelliot à Pékin, soit de la mission de
M. Chavannes, soit de dons de particuliers. Il est
regrettable que la salle provisoire, prise sur les
anciens locaux des Colonies, que l'on a affectée
à eette exposition n'ait pas toute l'ampleur ni
toute la lumière désirable et que quelques-unes des
peintures aient du être placées d'une façon qui
rend leur examen difficile. Nous espérons qu'un
catalogue au moins sommaire, plus nécessaire là
- Cloche en bronze provenant de Si-ngan-fou.
(Musée du Louvre.)
(pie partout ailleurs, pourra permettre au grand
public de mieux se rendre compte de l'intérêt des
collections qui lui sont présentées.
Georges Lecomte.
UNE SÉRIE D'ŒUVRES O'ISABEY léguée au Musée du Louvre
Nous donnons aujourd'hui la liste complète
des œuvres de J. B. Isabey dont nous avons an-
noncé dernièrement le legs fait au Louvre par
Mme Veuve Rolle, née Manceaux. L'ensemble de
ces œuvres permet de suivre l'artiste depuis
son arrivée à Paris presque jusqu'aux dernières
années de sa longue existence.
i° Portrait de l'artiste à 18 ans, coiffé du cha-
peau qu'adopta plus tard Bonaparte. Ce crayon fut
Fig. 16. — Mathi
de Staël, par Isabey.
exécuté en 1786, l'année où Isabey arriva à Paris.
20 La mère de l'artiste; 1787; miniature sur
tabatière.
3° Le peintre David, dans l'atelier duquel tra-
vailla Isabey ; crayon exécuté en 1789.
4" Retour de la promenade de Mgr le Dauphin
au vieux château de Meudon en 1791. Dessin très
soigné, lavé à l'encre de Chine, dans la tradition
des vignettistes du xvme siècle.
5° La baronne de Staël, à 30 ans ; vers 1797.
(Voir la fig. 16.)
6° La Barque, très grand dessin au crayon pour
la fameuse gravure, où Isabey s'est représenté
av& sa femme Mlle de Salienne, e1 ses trois
enfants, dont le futur peintre romantique Eugène,
et la future Mme Ciceri. Date : 1797.
70 Le Dr Duchanoy écrivant une ordonnance,
1798, crayon.
8° Sophie Gay, mère de Delphine, la future
Mme de Girardin, crayon rehaussé de gouache.
Ce portrait doit dater d'environ 1801. Sophie
Gay y paraît âgée d'à peu près vingt-cinq ans.
90 La princesse Pauline Borghèse, vers 1802 ;
miniature, où Isabey a inscrit : « ce portrait n'est
pas terminé ».
io° Sacre de Napoléon Ier à Notre-Dame, le
2 décembre 1804 ; sépia.
ii° Le grand duc de Bade en uniforme, avec le cor-
don de la Légion d'honneur, 1805 ; petite miniature.
12° Le sculpteur Houdon, vers 1805. Miniature.
130 L'impératrice Joséphine devant sa psyché,
1808 ; aquarelle.
140 Buste de l'impératrice Joséphine, miniature
sur tabatière.
150 Buste de la reine Hortense, miniature sur
tabatière.
160 Tête de Laetitia Ramolino-Bonaparte, Ma-
dame Mère, vers 1810 ; miniature sur tabatière.
170 Profil de Redouté, le célèbre peintre de
fleurs ; grande miniature en imitation de camée,
d'après Louis Bertin Parant. Redouté y paraît
âgé de 50 ans ; ce qui daterait l'œuvre de Parant
de 1810 environ. Dans le même cadre : une étude
de fleurs par P. J. Redouté.
180 Le chanteur Elleviou. Cette grande miniature
doit dater aussi d'à peu près 1810. Elleviou 3' semble
proche de la quarantaine.
190 Buste de Napoléon Ier; sépia datée : iSii-
20° Le roi de Rome après sa naissance, mars 181 1.
L'enfant est étendu à l'ombre d'un casque, parmi des
drapeaux. Isabey a joint à cette belle aquarelle la
note manuscrite suivante : « 15 jours après la nais-
sance du roi de Rome, l'Empereur me donna l'ordre
d'en faire le portrait ». (Voir la planche ci-contre).
2i° Evariste Parny, 1811, sépia.
22° Cherubini, vers 1811, aquarelle miniature.
230 Napoléon Ier, en uniforme des chasseurs de
la garde, 1812, grande miniature.
240 L'impératrice Marie-Louise, 1812 ; aqua-
relle-miniature.
250 M. de Talleyrand, sépia exécutée à Prague
en juillet 1812.
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE, 1910.
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
39
260 Le prince de Metternich, sépia exécutée
en 1812 à Vienne.
270 La princesse Bagration, aquarelle-minia-
ture 22 septembre 1812 à Vienne. (Voir fig. 18.)
Fig. 17. — Henri Isabey, p ir J.-B. IsAisiiv.
280 Portrait de Goetz, daté de Vienne, 12 sep-
tembre 1812, sépia.
290 Portrait de la comtesse de Maleyssie en
profil perdu. Sépia exécutée à Vienne en 1812.
Isabey y a joint cette note : << C'est à Mme la cha-
noinesse comtesse de Maleissé, que je dois l'idée
de joindre les portraits aux autographes. Voul-
lant commencer par le Sien, sa modestie ci refusa
et ne me permit que l'esquisse de Sa taille Elé-
gante. J. B ».
300 Tabatière avec miniature représentant Na-
poléon Ier, remise à Isabey par l'Empereur, le
jour des Adieux à Fontainebleau.
310 Autre tabatière avec miniature représen-
tant l'empereur en 1813.
320 L'impératrice Joséphine en 1813, grande
miniature.
330 L'archiduc Frédéric-Charles, 1814, grande
miniature.
340 Le prince Eugène, 1814, grande miniature.
35° Le roi de Rome en 1815, petite miniature
sur tabatière.
360 Louis XVIII, 1815, grande miniature.
370 Louis XVIII, sépia.
380 Paul Ier, empereur de Russie, grande minia-
ture exécutée à Vienne en 1815.
390 L'impératrice de Russie, grande minia-
ture, Vienne, 1815.
400 Le grand-duc Alexandre, grande minia-
ture, Vienne, 1815.
410 Le congrès de Vienne, grande sépia, Vienne,
1815.
420 Desaugiers, sépia, 1816.
430 Arnault, aquarelle-miniature.
440 Népomucène Lemercier, aquarelle-miniature.
45" Le Dr Dubois, d'après Gérard, 1818, grande
miniature.
460 La marquise d'Osmond, grand pastel.
470 Baptême du duc de Bordeaux à Notre-
Dame, 1820 ; crayon, plume et sépia.
480 Le vicomte d'Arlincourt, tenant un carnet
où se lisent les titres de ses ouvrages : « La
Caroléide, le Solitaire, le Renégat, Ipsiboé ! » 1824,
miniature.
( Cliché GirauJon.J
Fig. 18. — Princesse Bagration, par Isabey.
490 Le duc de Bordeaux, 1830, miniature.
500 La duchesse de Parme, 1830, miniature.
510 Henri Isabey, fils de J.-B. Isabey et de
sa seconde femme, Eugénie Maistre ; portrait
4°
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
dit <■ l'enfant à la collerette ■ [834, aquarelle.
(Voir la fig. 17.)
5_'" Portrait du peintre Jean-Baptiste Paulin
Guérin, 1837, sépia.
530 Horace Vernel peignant dans son atelier,
1 S 19, aquarelle.
540 Le général Drouot avec un bandeau sur
les yeux : sépia faite à Nancy en 1840.
550 J.-B. [sabey, par lui-même, 1841, aquarelle.
560 M. Dufaure, ancien ministre. 1844, sépia.
A cette liste il faut joindre deux portraits d'in-
connus.
57" Une miniature sur tabatière représentant
ua personnage de la fin du xvin1' siècle.
580 Une miniature représentant peut-être Collot
d'Herbois.
Plus : une sépia.
590 L'allée des tombeaux, illustration pour
Paul et Virginie.
— Le legs de Mme Rolle comprend encore, en
dehors de; œuvres d'Isabey, divers morceaux
appartenant à d'autres artistes :
De Mme Isabey, née Eugénie Maistre :
Portrait du peintre Jeaurat, d'après le tableau
du Louvre, grande miniature.
D'Eugène Lamy :
Une aquarelle de 1818 (-J) représentant l'auteur
et Horace Vernet en uniformes militaires dans
un bal costumé.
D'Hébert :
Le portrait de MmeWey Isabey, d; qui la dona-
trice tenait l'ensemble des œuvres que nous venons
d; décrire et dont elle a désiré associer la mémoire
à sa libéralité. L. D.
MUSÉES NATIONAUX
Acquisitions et Dons
MUSEE DU LOUVRE H°?°ç°?°?°?S°$°$
<$ -$ °ç Peintures et dessins. — Lés 6 et 7 mai
derniers, le Louvre a eu la bonne fortune de pouvoir
acquérir à Stuttgart à la vente de la collection
de Lanna plusieurs dessins importants :
1° Un beau dessin français de la 2e moitié du
XIVe siècle, ayant fait anciennement partie des
collections Posonyi et Gsell. Il représente trois
nobles dames dont l'une tient un faucon sur le
poing. Il est finement exécuté à l'encre de Chine sur
parchemin : les visages sont légèrement colories.
20 Une feuille d'études, attribuée à Gérard
David. Ce sont quatre têtes de femmes et deux mains
exécutées à la punie d'argent. Au revers : l'on
voit une tête d'homme barbu, coiffé d'une bar-
rette au crayon noir (n° 1407 du recueil <},■ l'Alber-
tin 1).
3° Un dessin à la plume attribué à Holbein le
ieu: et autrefois donné à Wolgemut, daté de
1470 : c'esl le double portrail à mi-corps d'un
ci d'une femme. Ancienne collection \V< ig< 1
In" 1 1 1 1 du reçu* il de l'Albi rtina).
4" Un ■ couple faisant de la musique sous un
arbre ■ que M. Rœttinger a étudié dans le Jahrbuch
de Vienne, t. XXVII, p. 23 et qu'il donne à Hans
W echtlin en li ituanl pendant le séjour de l'artiste
à Stra 1 > • ■ 1 ; 1 ■ Ci I un dessin à la plume et à l'encre
de Chine, rehaussé de blanc sur un fond brun.
Ancienne collection Lippaiann (n° 1386 du recueil
de l'Albertina).
¥' °i? °î? Le Louvre s'est également rendu acqué-
reur à la vente de la comtesse A. Mniszeeh
d'un portrait d'homme par Jean de Bray signé à
droite en toute, lettres et daté 1650.
°t °t °$ Legs de Mlle Lepailleur. — La levée du
séquestre qui pesait sur les tableaux légués par
Mlle Lepailleur ayant eu lieu, le Louvre est entré
en possession des pièces suivantes :
i° Le serment d' amour tableau attribué à Honoré
Fragonard. Ce n'est qu'une partie de la composi-
tion conservée dans la collection Gustave de
Rothschild, et dont il existe une réplique réduite
au Musée de Tours.
2° Le portrait de Mme Fragonard par Mlle Gérard.
3 et 4" Les portraits en pied de M. et Mme Gérard,
par la même.
5° Le portrait d'un enfant blond par la même.
6° La lecture de la Bible, d'après Greuze, par
la même.
I.a provenance de ce legs est intéressante,
Mlle Lepailleur ('tant petite-fille d'Henri Gérard,
le graveur, frère de Mlle Marguerite Gérard et de
Mme Fragonard.
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
4'
f y y La veuve du peintre Bellery-L>esfoiitaines,
exécutant une volonté de son mari, si déplorable-
ment enlevé, comme on sait, l'an dernier, vient de
remettre au Musée du Louvre le portrait au fusain
d'une tante de Bellery-Desfontaines exécuté par
Cals en 1876.
-f °$ V Objets d'art du Moyen Age et de la
Renaissance. — Céramique italienne : Les col-
lections du Musée se fout accrues d'un alba-
rello de la fin du xve siècle italien, avec un décor
de branchettes à feuilles de vignes bleues sur
fond blanc, à l'imitation des faïences à reflets
hispano-moresques que l'on commençait à importer
en Italie ;
D'une coupe fragmentaire d'un atelier de Faenza
vers 1450 avec une tête d'homme coiffé d'une
toque dans le fond, et des tiges feuillues sur les
bords ;
De deux pots à décors de fleurs stylisées, ou
d'oiseaux picorant, de la lin du xive siècle, pro-
venant de fouilles faites antérieurement à Orvieto
(Italie).
V °? °£ Les collections de l'Extrême-Orient se
sont récemment enrichies de deux stèles commé-
moratives avec figures sculptées et inscriptions
au revers, qui dépendent de cette sculpture funé-
raire de la dynastie des Weï en Chine (<>e et 7'' siè-
les), si riche en monuments demeurées encore dans
les sanctuaires chinois. L'une en marbre blanc
donnée par M. Bouasse-Lebel qui l'avait acquise
à Pékin au cours d'un récent voyage, l'autre en
pierre grise avec un bouddha les jambes croisées
à la taçon des sculptures romanes du Languedoc,
donnée par Mme Langweil.
°f °f °$ Sculptures modernes. — Le Conseil des
Musées dans ^a séance du mois de juin a voté à
l'unanimité l'acquisition des deux bustes des frères
Antoine Coypel et Noël-Nicolas Coypel, le premier
par Coysevox, le second par J.-li. Lemoyne. Ces
deux magnifiques morceaux n'avaient pas quitté
depuis ileux siècles la famille des Dumont, héri-
tiers des Coypel. Nous reviendrons très prochaine-
ment sur cette magnifique acquisition qui enrichira
si notablement nos séries de sculptures françaises.
MUSÉE DU LUXEMBOURG f f °f °? f °f
V V if La conservation du Musée du Luxem-
bourg encouragée particulièrement par le Conseil
des Musées, s'est préoccupée de compléter plus
méthodiquement sa section étrangère. Elle a pu>
ainsi l'an dernier, à l'occasion de l'Exposition de
Venise faire l'acquisition de neuf tableaux des-
tinés à la série italienne. En voici la nomenclature :
Tito, le Bain. — Nono, Première pluie (tempera). —
Bezzi, Paysage. — G. Ciardi, Paysage. — Pasini,
Trois études d'Orient. — Pellizza, Fior recisô. -
Grubù v di Dragon, Paysage.
Il faut mentionner encore comme devant com-
pléter cette série de peintures italiennes une Nature
Morte de Mancini provenant de la collection
Landelle, don de M. C. Stryienski, qui s'ajoutera
aux œuvres de de Nittis, Morbelli, Carcano, Tito,
Boldini. Mancini, Chialiva que possédait déjà le
Musée où l'on peut voir également une statue
et des plaquettes de TrentacosU, des petits bronzes
de Gemito et de Fontana, une tête de Grosso, etc.
°$ "f °$ Le Musée du Luxembourg a pu acqué-
rir également à l'exposition de Venise une figure
nue du peintre suédois, .1. Zorn, Paysanne se
peignant.
°r °r °r Les cartons de la décoration de la chapelle
de l'hôpital Cazin-Perrochaud, à Berck-sur-Mer,
qui ont été exposes récemment au Musée des Arts
Décoratifs viennent d'être acquis par un groupe
d'amateurs constitué à l'instigation de M. J. Maciet :
il se propose d'offrir au Musée du Luxembourg 1 1 1
ensemble capital dans l'ieuvre de l'artiste et essen-
tiel pour l'étude de la peinture décorative contem-
poraine.
°f °ç °sf Le Legs Chaplet. - - Le musée du
Luxembourg, ainsi que le musée de Sèvres, le
musée des Arts Décoratifs, le MUsée Galiera et le
Musée des Arts et Métiers, viennent de bénéficier
d'un legs fait en leur faveur par le potier Ernest
Chaplet, décédé en juin E909. MM. Olivier Sainsère,
conseiller d'Etat, e1 Gaston Migeon, conservateur
au Musée du Louvre, ont réparti entre ces cinq
établissements les belles pièces de poterie, barbo-
tines, grès, porcelaines flammées que le maître
potier avait conservées jusqu'à sa mort dans sa
petite maison de Choisy-le-Roi.
Le Musée du Luxembourg y recueillera
tnenl une peinture (nature morte) de Gauguin, la
première œuvre de cet artiste qui entrera au Musée
des Artistes Contemporains, ainsi qu'un bas-relief
d'une tête modelée par Dalou el émaillée par
Chaplet.
4?
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
Le Musée des Ails Décoratifs recevra de son
côti une chope à anse en grosse poterie avec
des reliefs qu'avait tournée Gauguin lui-même,
qui ne dédaigna pas à certaines heures le métier du
potier.
Cette répartition a été précédée d'une Exposi-
tion d'ensemble de l'œuvre céramique de Chapletj
empruntée aux collections publiques et privées,
organisée par M. Gaston Migeon au Musée des
Arts Décoratifs et qui a pu donner une large idée
de la grande place qui doit rester à Chaplet dans
le renouveau de la Céramique moderne.
MUSÉE DE CLUNY <-?°$°t°e«?°t°t°$°$
°ç °f °£ Le Musée a acquis récemment un curieux
morceau de sculpture décorative populaire du
xvesiècle. C'est un saint Christophe en pierre poly-
chrome portant l'enfant Jésus sur ses épaules, les
jambes nues à demi enfoncées dans la rivière qu'il
traverse. La statuette est rjlacée dans nue niche
couronnée par un dais de style gothique flam-
boyant. L'ensemble décorait jadis un angle de
maison dans un village de la Côte-d'Or. S'il est
fâcheux évidemment que de tels morceaux quit-
tent le lieu pour lequel ils ont été crées, il faut se
féliciter quand, les hasards de la spéculation les
ayant déplacés, un de nos musées se trouve averti
à temps pour les recueillir et les empêcher de
passer les frontières.
MUSÉE DE VERSAILLES f f V °f °f °f f
°£ °£ °£ Le Musée de Versailles vient d'acquérir
un portrait peint par Danloux de l'architecte
Lenoir dit le Romain qui fut l'architecte de Vol-
taire à Ferney et construisit à Paris le théâtre de
la Porte Saint-Martin.
MUSÉE DE SAINT GERMAIN y °? t f f f
°f °f °f M. Jacques de Morgan a fait don au
Musée de sa collection d'objets préhistoriques pro-
venant de France, de Perse, du Caucase et d'Egypte.
Cette collection sera groupée dans une salle spé-
ciale.
Documents et Nouvelles
°$ °ç °? Le Journal officiel du Ier janvier a publié
deux décrets rendus sur le rapport du ministre de
l'Instruction publique et des Beaux-Arts, l'un
« fixant les cadres du personnel des Musées natio-
naux et de l'Ecole du Louvre », l'autre v détermi-
nant les attributions du personnel des Musées na-
tionaux et de l'Ecole du Louvre ». Nous en donne-
rons le texte dans notre prochain numéro.
-f •? -? Par décret en date du 18 avril 1910,
rendu sur la proposition du Ministre de l'Instruc-
tion publique et des Beaux-Arts, M. E. Pottier,
membre de l'Institut, conservateur adjoint au
1 du Louvre, a été nommé conservateur du
département des antiquités orientales et de la
céramique antique au même musée, en remplace-
ment de M. Ledrain dé< édé.
l'ai un autre décret rendu sur la proposition
du ministre «le l'Instruction publique et des
Beaux-Arts, M. René Dussaud, diplômé de
pratique des Hautes-Etudes, professeur
suppléant au Collège de France, est nommé
conservateur-adjoint au départemenl des anti-
orientales et de la céramique antique au
Musée du Louvre en 1 ment de M. Pottier,
membre de l'Institut, qui est promu conservateur.
M. René Dussaud a été nommé également pro-
fesseur à l'Ecole du Louvre en remplacement de
M. Ledrain, décédé.
°$ V °? Par décrets du président de la République
eu date du 30 mai :
M. Ravaisson-Mollien (Charles), conservateur-
adjoint des musées nationaux, a été admis, pour an-
cienneté d'âge et de services, à faire valoir ses droits
à une pension de retraite, à partir du icr juin 1910.
M. Vérel (Fernand), chef du secrétariat des mu-
sées nationaux, agent comptable, a été admis,
pour ancienneté' d'âge et de services, à faire valoir
ses droits à une pension de retraite, à partir du
Ier juin 1910.
°t? ~? ■<& Par autres décrets du Présidentde la Répu-
blique, en date du 30 mai, ont été nommés profes-
seurs à l'Ecole du Louvre, à partir du Ier juin 1910 :
M. de Nolhac (Pierre), conservateur du musée de
Versailles et des Trianons.
M. Bénédite (Léonce), conservateur du musée du
Luxembourg.
M. Michon (Etienne), conservateur-adjoint au
Musée du Louvre.
LES PLEURANTS DES TOMBEAUX DES DUCS DE BOURGOGNE
Parmi les statuettes dites de « Pleurants »,
que les xive et xve siècles ont prodiguées sous les
gisants des tombeaux, circulant sous les galeries
de cloîtres feints ou inscrites immobiles dans des
arcatures décoratives, il n'en est pas de plus
célèbres que celles des tombeaux des ducs Phi-
lippe le Hardi et Jean sans Peur, à la Chartreuse
de Dijon, aujourd'hui au musée de la ville. C'est
à coup sûr la marque la plus renommée, et Dijon
possède sans doute les types les plus parfaits
du genre.
D'histoire de ces monuments et «les ateliers
d'où ils sont sortis, a été faite une fois pour toutes,
par feu M. Cyprien Monget, dans
son ouvrage en trois volumes, La
Chartreuse de Dijon . D'auteur a
dépouillé article par article le fonds
de la Chartreuse aux Archives de
la Côte-d'Or, et tout ce qui depuis
douze ans a été écrit sur ces monu-
ments, sur Clans Sluter notam-
ment, le grand homme de l'ima-
gerie bourguignonne sous Philippe
le Hardi, a été puisé à cette source
abondante et sûre.
On ne refera pas ici l'histoire de
ces deux tombeaux dont h- premier,
surtout, marque une date, une évo-
lnlioii dans l'histoire de la sculpture
en France. Je ne «lis pas, pour être
tout à l'ait exact, de la sculpture française, puisque
Claus Slutei el son neveu, Claus de Werve, qui fut le
continuateur de l'œuvre, étaient originaires du comté
'I' Gueldre. Je rappellerai seulement que le tom-
beau de Philippe le Hardi fut conçu par Jehan
di M. h ville à qui succéda en 1389, comme hua-
giei valel de chambre du due, Clans Sluter. Mais
quand celui-ci mourut à la lin de 1404 ou au com-
mencement de 1405, le tombeau liait si peu
avancé qu'il restait à Faire le gisant, les deux
anges portant le casque et toutes les statuettes
du pourtour, sauf deux. Très probablement il
existait des modèles en terre pour les grandes
figures, en cire ou en plâtre pour les petites, mais
Claus de Werve n'en est pas moins, pour l'exé-
cution, et e'est bien quelque chose, le véritable
auteur du tombeau de Philippe le Hardi, qui
fut achevé en 1410. Clans de Werve mourut le
8 octobre 1439, et fut inhumé en l'église abbati.de
Saint-Etienne de Dijon, où reposait déjà son oncle,
le grand Claus Sluter.
Quant au tombeau de Jean sans Peur et de
Marguerite de Bavière, il fut commandé par
Philippe le Bon, le n août 1443 — le duc Jean
avait été assassine'' à Montereau, le 10 août 1419,
et Marguerite de Bavière était morte le 23 janvier
1423 — à un imagier étranger, Jehan de la
Huerta, natif de Daroca, m Aragon, alors établi
à Dijon el dont l'histoire antérieure nous est
inconnue. En tous cas, cet Aragonais venu de
si loin en Bourgogne, va faire à Dijon de l'art
0 cy
\° °/
\° °/
\o
°l
a\~° °
/°\
/o\
/o\
/
A\
É
0^-
<°
o\
.^o
0^
\0
<o
°>
\. "
^0
\o/
W
\o/
\°/ /
0 oN
/o o\
/ô o\
/o
o\
V /o
Fig. 19.
Plan schématique du tombeau de Philippe le Hardi, montrant
le nombre et la disposition des pleurants.
bourguignon, et d'ailleurs e'est un pendant du
premier tombeau que lui demande le due.
Dans un essai publié par l'Académie de Dijon
[Mémoires, quatrième série — tome II — an-
nées 1890-1891) antérieur par conséquent à
l'ouvrage de mon confrère et ami Cyprien Monget,
j'ai raconté l'histoire du tombeau de Jean sans
Peur. Je n'ai pas à la refaire iei, ni à donner de
nouveau h- portrait de cet artiste bohème, fan-
tasque et batailleur, l'esquisse d'un Benvenuto
Cellini du xve siècle, qui fut Jehan de la Huerta.
En [461, l'imagerie est complète on à peu près,
mais 1rs « gisants » sont rompus et non recevables.
Jehan de la Huerta se fâche et disparaît. Aussi
fit-on tnarehé, le 1 ; novembre 1462, avec un nouvel
imagier du dehors, Antoine Le Moiturier, qui
en 1469 achève enfin le tombeau dont la
lion a lieu le 7 juillet 1470.
44
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
A la suppression de la Chartreuse en 1790, les
monuments lurent transportés en l'église abba-
tiale Saint-Benigne de Dijon désignée pour être
la nouvelle cathédrale, el remontés dans les cha-
pelles sous les tours. Mais le 8 août 1793, une déli-
bération du Conseil général de la Commune, en
ordonna la destruction, à laquelle eut la faiblesse
de consentir le directoire du département. Tou-
tefois, il s'agit en fait «l'une dispersion, non d'un
anéantissement, et les « pleurants » furent déposés
au musée. Mais un procès-verbal de septembre
[794, constate qu'il n'en existait plus que 70,
au lieu de 80, 40 pour chaque tombeau. Que
sonl devenues les dix autres ? C'est ce qu'étudie
M. Charles Oursel, archiviste et bibliothécaire
municipal à Dijon, dans une communication
insérée au Bulletin archéologique année 1909.
Lorsque en 1818, commença par MM. de Saint-
Mémin, conservateur du musée, et Saint- Père,
architecte, la restauration des tombeaux, œuvre
de neuf années, les 70 statuettes lurent tout
d'abord employées, puis on en racheta deux :
restait à huit, qui furent refaites, sept par J.-B.
Louis-Joseph Moreau, de Dijon, le père de M. Ma-
thurin Moreau, une par un autre Dijonnais, Cou-
ehery ; trois de ces figurines prirent place dans
le tombeau de Philippe le Hardi, les cinq autres
dans celui de Jean sans Peur. L'une de ces der-
nières représente, vêtu en moine et tenant un frag-
ment de dais, le sculpteur Marion, de Semur, qui
avait restauré les détails d'architecture. Si cette
statuette passe inaperçue, il n'en est pas de même
de sa voisine qui se prélasse à l'angle inférieur
de gauche. <• Il n'y a que trente-neuf figurines,
dit Victor Hugo dans une lettre du 19 octobre
l839,(i)la quarantième est remplacée par un mon-
sieur en redingote le plus plaisant du monde..
Qui est ce monsieur? » C'est l'architecte Saint-
Père, à demi-drapé dans un manteau et le col
dégagi comme dans les portraits familiers du
ièi le.
I' papiers de M. de Saint-Mémin, dont le
témoignage est considérable puisque, né en 1770,
il avait pu voit en place les tombeaux complets
's avant la Révolution, sont conservés
a la bibliothèque publique de Dijon; ils ont fourni
M. Oursel des rei en1 sur les statuettes
Deux, est-il dit. furent rachetées tout
i' .I 892 p. 284.
aussitôt à un amateur lyonnais, M. de Saint-
Thomas ; trois appartenaient à un M. Hocquart.
de Dijon, mais elles étaient en trop mauvais état
pour être utilisées ; le sort en est inconnu, peut-
être ont-elles passé d'abord dans la famille de
Broissia. Deux autres étaient entre les mains d'un
brocanteur dijonnais, Bartholomé, qui eut soin
<le les jaire disparaître au moment où l'on entre-
prit la restauration, et les revendit un peu
avant sa mort (1842) à un inconnu.
Une huitième appartenant à la riche collec-
tion de M. le comte Richard de Vesvrotte fut
obstinément refusée par lui à M. de Saint-Mesmin.
Les collections de Vesvrotte ont été l'objet de
ventes successives et la trace de la statuette se
perdit. Notons que cette figurine, et le fa:t est
important à retenir, était un «aspergeant», non
un deutllant.
La neuvième faisait partie du cabinet de M. Jac-
quinot-Pampelune, procureur général à la Cour
royale de Paris, mort en 1835. Qu'est-elle devenue?
Sur la dixième. M. de Saint-Mémin n'a pu ob-
tenir aucun renseignement. Peut-être fût-elle
brisée.
Mon objet n'est pas d'étudier la question de
l'identification des deuillants qui courent le
monde — il y en a au moins une lionne douzaine
— et qui, avec plus ou moins de vraisemblance, sont
donnes comme provenant des célèbres tombeaux
dijonnais. Mais une question sur le nombre des
figurines ayant été soulevée dans le Journal des
Débats du 5 avril dernier, par M. Alexandre
Masseron, j'estime qu'il y a lieu de réfuter une
thèse selon moi erronée.
M. Masseron invoque le marché fait avec Clans
Sluter, texte donné par feu Bernard Prost et cité
dans le Catalogue du musée de sculpture comparée
(moulages), du palais du Trocadéro, 1892, p. 93.
Et il arrive à cette conclusion qu'il y avait non
pas 40 mais 4J figurines pour chaque tombeau.
On lit, en effet, dans l'acte, qu'il y aura « 40
ymages pleurants, semblables aux deux qui sont
déjà fais! es •>. Donc, dit M. Masseron, du moment
qu'il s'agit de faire 40 figurines et qu'il en existe
déjà 2, cela fait bien compté 42, el. comme les
deux tombeaux étaient de structure semblable,
il devait y avoir en tout 84 statuettes et non 80.
Je crois que c'est là une erreur d'interprétation ;
le marché énumère l'ensemble de l'imagerie, et
exprime seulement, mal, je le veux bien, mais
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
45
d'une manière certaine qu'il y aura 40 pleurants
dont 2 smit déjà exécutés et serviront de modèles.
11 n'y a pas d'autre sens à donner aux conventions
du n juillet 1404. puisque aussi bien les monuments
sont là pour en témoigner. La plantation géomé-
trique et rigoureuse de l'arcature ne comporte
pas une figure de plus ou de moins. Et que l'on ne
vienne pas dire que la restauration a pu modifier
l'état, l'aspect de chaque monument : si des détails
ont dû être refaits, la structure est bien celle de
la conception primitive ; or, je défie que l'on en
enlève ou que l'on en ajoute une seule figure.
D'ailleurs, si l'on veut des documents graphiques
donnant l'état du tombeau avant 1789, voici les
huit grands dessins du peintre dijonnais Gilquin,
pri entés au prince de Coudé gouverneur de
Bourgogne, passés de Chantilly à la bibliothèque
du château de Compiègne et venus de celle-ci à la
Nationale. J'accorde que ces dessins, qui repro-
duisent les quatre face; de chaque tombeau, sont
d'un caractère archéologique assez médiocre et
que Ks proportions sont mal observées ; toutefois
il faut bien reconnaître que Gilquin s'est conscien-
1 n usi ment appliqué à être exact. El si un jour on
voulait rétablir l'ordre de la procession si outra-
geusement interverti, attribuer aussi à chaque
tombeau ce qui lui revient, grâce à Gilquin, l'iden-
tification de chaque statuette ne serait nullement
impossible. Eh bien, il n'y a place que pour
40 figurines, et cela me parait péremptoire.
Un mot encore; en fait il y a 41 statuettes poui
chaque tombeau et voici comment. En tète de la
procession marche l'aspergeant — celui du tom-
beau de Jean sans Peur a été conservé mais mis
au beau milieu de la marche — puis viennent,
conjugués, deux enfants de chœur portant (Us
cierges, seulement ils sont hauts de o m. 25 à
peine et comptait pour une seule figure de la
hauteur ordinaire, o in. 41.
Maintenant, il y aurait à étudier chacun des
deu'llants épars dans les collections publiques ou
privées, et qui aspirent à l'honneur de porter la
marque de la Chartreuse: aies confrontei avec
les 72 de Dijon, comparer le style, la matière,
les dimensions, faire des comparaisons pai le
rapprochement, sinon des originaux, du moins des
moulages. Il y a là un joli thème à traiterpour les
érudits et les raffinés, mais je n'aspire pas si haut
et lire borne à poser en fait qu'il n'y a jamais eu
que quarante et une figurines par tombeau, encore
deux comptant pour une.
Henri Chaheuf.
MUSÉES DE PARIS & DE PROVINCE
Notes et informations
f -f f Une exposition de peintures chinoises
au Musée Guimet. — Une exposition de peintures
chinoises s'est ouverte le mois dernier au Musée
Guimet. Outre l'intérêt propre qu'elle présente
par la qualité des œuvres qui y sont exposées, elle
sera pour beaucoup une révélation. En dehors
des peintures anciennes rapportées de Chine par
M. Pelliot et que l'on peut admirer au Musée du
Louvre, c'est la première fou, que l'on présente au
public un ensemble d'œuvres qui lui permette de
se faire une idée de la Variété d'inspiration des
peintres chinois, et je ne serais pas surpris que la
peinture japonaise perdîl un peu aux yeux des
amateurs de l'originalité qu'on lui prêtait, faute
d'avoir vu les œuvres des maîtres chinois dont elle
s'est inspirée. On sait d'ailleurs combien sont appré-
ciés les trésors de l'art chinois au pays du Soleil
Levant, et que c'est dans les musées et Us collec-
tions particulières du Japon qu'il est seulement
possible d'admirer et d'étudier des spécimens nom-
breux, authentiques et de tout premier ordre des
œuvres des peintres chinois, à moins que l'on ne
supplé à la connaissance directe en feuilletanl
la collection des admirables reproductions données
dans la grande revue d'Art japonaise, la Kokiia.
M. Guimet m- pouvait prétendre à nous offrir
une pareille collection de chefs-d'œuvre. Mais du
moins la qualité supplée-t-elle au nombre. Parmi
les œuvres exposées, il en est peu d'indifférentes
et plusieurs d'entre elles s,, ut .les plus remarqua-
bles.
Mentionnons d'abord les peintures offertes à
M. Guimel par feu Sa Majesté l'Impératrice douai;
rien Tseu-hi deux paysages, l'un deTchao Po-kiu
(xie siècle) représentant un .eu. h. r de : 1< il der-
rière une inouï, ign< m bord de l'< tu, d'un charme
46
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
d'impression tout à fait exquis, avec le bas de la
montagne noyé dans les brumes qui commencent
à s'élever du sol, pendant que le sommet se dore
du refiel de l'astre qui s'abaisse sur l'horizon,
l'autre de Ma-lin est aussi beau et d'un état de
conservation aussi parfait que celui de Tchao
Po-kiu. Mais peut-être préférons-nous encore la
peinture exécutée par l'empereur Siuan-ho au
XIIe siècle qui représente une scène de cour. Elle est
d'une finesse et d'une grâce merveilleuse : en par-
ticulier le personnage assis sur une estrade avec
sa barbe longue et fine est d'une exécution tout
à fait charmante.
Après ces pièces de choix, nous indiquerons
une scène champêtre de Hou-tshm, des fleurs de
Yun Cheou-p'ing, l'image d'un vieillard tendant les
mains vers le ciel, d'un peintre dont nous n'avons
pu connaître le nom. d'une dignité et d'une séré-
nité si frappantes, un magnifique guerrier s'ap-
puyant fièrement sur son épée de Chang Houan-
tcheou (xvne siècle), des paysages de T'ang-hi
(xive siècle). Citons encore, au hasard de notre pro-
menade une peinture représentant des personnages
bouddhiques ou taoistes de Tcheou-t'ing (xvne
siècle) d'un coloris charmant, des peintures en
camaieu de Tchao-Mongfou (xme siècle), un très
curieux album de lavis sur fonds d'or représentant
des paysages de montagne, composé sur ordre-
impérial par Tao-tchou, un phénix de Li-fan, des
scènes inspirées de la poésie chinoise par Tcheou-
yin de la dynastie des Ming, un épisode de roman
OU de théâtre de Wang Tch'en-p'ong, des oiseaux
de Si-yuan, un superbe paysage sans nom d'auteur
prêti pai M. Vever, etc.
Parmi les pièces les plus curieuses figurent dé-
cès esquisses faites d'après nature dont s'inspirent
les artistes chinois pour peindre les portraits
officiels qui figurent dans la salle des ancêtres de
toute maison chinoise : quelques-uns sont saisissants
de vérité d'expression et de finesse de rendu.
Il est beaucoup d' œuvres de peintres célèbres qui
ne nous sont pas parvenues et que nous ne connais-
sons plus ([lie par la reproduction qui en a été
gravée sur pierre, et dont on peut se procurer des
estampages: M. Guimel a exposé plusieurs de ces
estampages, deux «l'entre eux nous permettent de
nous rendre compte de l'art du peintre Wou-Tao-
tseti du vine siècle de notre fie. ils représentent un
poitrail de Confucius et une déesse Kouan-yin.
D'autres estampages reproduisent les sculptures
de l'époque des Han qui se trouvent au Chantong
et qui ont été étudiées par M. Chavannes dans son
beau livre sur la Sculpture Chinoise sur pierre.
Il nous reste à exprimer un regret, celui que le
défaut d'espace n'ait pas permis à M. Guimet d'expo-
ser eu bonne place toutes les peintures qu'il nous
a présentées. On aurait aimé de plus que le beau
catalogue explicatif, qui vient de paraître et dont
nous rendrons compte prochainement, ait pu être
prêt à temps pour permettre aux visiteurs empressés
de se rendre mieux compte dès l'abord de ce qu'ils
voyaient et d'en garder un souvenir précis. G. L.
MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS -f f f f f
f f if Ou a organisé au Pavillon de Marsan et
inauguré le 31 mai dernier une exposition consacrée
à l'art chinois ancien et aux imitations de style et
de sujets chinois dans l'art français du xvnie siècle.
Nous reviendrons prochainement sur cette curieuse
manifestation qui se prolongera pendant tout l'été.
MUSÉE CARNAVALET -tff-f-tfti:
°? tf °f Ce Musée vient d'acquérir trois curieuses
esquisses du peintre Subleyras, représentant les
portraits du duc de Saint -Aignan, du prince ro-
main Vaini et du chevalier qui assista à la remise
par le duc au prince de l'ordre du Saint-Esprit
donné par Louis XIV. Le musée Carnavalet a reçu
récemment : un dessin de Boilly, ou du moins qui
lui est très vraisemblablement attribué, représen-
tant une « Rixe » entre sectionnaires du temps de
la Révolution (I, 'auteur de ce don est Mme Roba-
Deutsch de la Meurthe) : une Vue de la Seine au
pont des Saints-Pères, par J.-B. 'frayer, qui vécut
de 1824 à 1909, offerte au Musée par M. Trayer fils ;
enfui, diverses poupées habillées, d'époque LouisXV
don de M. Rodmann Vanamarker, à qui Carnavalet
est déjà redevable de plusieurs dons importants.
On annonce qu'une exposition rétrospective des
sports, de la typographie parisienne et de portraits
de gens de théâtre sera prochainement inaugurée
à Carnavalet.
MUSÉE GALIERA fffTff^fff^
°if °t °t L'exposition de cet été sera consacrée à la
verrerie et comprendra notamment une rétrospec-
1 ive des œuvres de < '.allé-.
BIBLIOTHÈQUE DE LA VILLE DE PARIS ?
■f °? f On a installé à la Bibliothèque Saint-
Fargeau, 2Q, lue de Sévigné, une exposition de
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
47
plans, gravures, dessins et photographies représen-
tant les travaux exécutés pendant le second
Empire sous la direction du baron Haussmann,
pour transformer la Ville de Paris. Cette très
intéressante et gratuite exposition, organisée par
MM. Marcel Poëte, Clouzot et Henriot, avec le
concours d'autres membres des amis de la Biblio-
thèque, sera ouverte tous les jours, de dix à cinq
heures, jusqu'au 2 octobre. Des conférences y seront
faites tous les vendredis à quatre heures du 20 mai
au 23 juillet.
PALAIS DES BEAUX-ARTS DE LA VILLE
DE PARIS -f -( -t f V ■>" °t °$ °? ¥ °t V °i
¥ °t? °s? Exposition de médailles anciennes et
modernes. — ■ Le conseil municipal de Paris, sur
la proposition de sa quatrième Commission, celle
des beaux-arts, ayant décidé l'installation, au Petit
Palais des Champs-Elysées, d'une galerie de mé-
dailles anciennes et modernes, cette galerie, dont
les éléments ont été fournis par des amateurs, des
descendants d'anciens graveurs et des graveurs
contemporains a été récemment inaugurée. L'expo-
sition contient environ douze cents œuvres, dont
les principales ont été fournies, par Mines Grisain,
Ponscarme, Waldeck- Rousseau, 'Levillaiu, Pierre
Baudin, Deloye, Chapu et Mme Vve Jeanne Paquin,
qui à elle seule a offert plus de six cents médailles
du xve au xx° siècle; par MM. Bonnat, Frémiet,
Pozzi, Georges Lecomte, Raoul Barre, Oudiné,
H. Dubois, Dupuis et autres. La réunion de ces
médailles formera une véritable histoire de l'art
du médailleur français depuis ses origines, c'est-à-
dire les anonymes d'avant la Renaissance jusqu'à
notre époque. ( In y trouve des médailles de Warin,
Guillaume Dupré, Duvivier, Augustin Dupré ; puis
celles des artistes de la fin de la monarchie, de la
Révolution, de l'Empire et des régimes qui ont
suivi et parmi lesquelles on rencontre entre autres
noms ceux de Gatteaux, Oudiné, Eugène Dubois,
Barre, Tiollier, Galle, Andrieu, Depaulis, Caunois,
Bovy, Dantan aîné, Gayard, Domard, Borrel,
Wauthier-Galle, Farochon, David d'Angers,
Rude, Barye, Levillain, Dumont, Cavelier, Chapu,
Crauk, Degeorge, Deloye, Carpeaux, etc., et
plus près de nous ceux de Chaplain, Roty,
Vernon, Daniel Dupuis, Alphée Dubois, Injalbert,
Frémiel e( autres. Cette galerie de médailles com-
prend aussi quelques cires de Clodion et de Nini
ainsi que de nombreux biscuits de Sèvres, bustes de
personnages connus et autres ; la salle en est
tendue d'anciennes tapisseries des Gobelins prêtées
par le Garde-Meuble national.
MUSÉE CERNUSCHI tff^t-f^ff
¥ °t °t? Conformément au désir exprimé par
Mlle Tarn sa sœur, Mme H. Antoinette Alston
vient d'offrir à la Ville de Paris pour être placée
dans le Musée Cernuschi une collection de 77 piè-
ces recueillies en Extrême-Orient : bois sculptés et
laqués, bronzes. La collection est complétée par
divers objets d'art musulman.
MUSÉE DE LILLE °t°t¥¥°$°t°ê°(°$-{
°f -( ■>$ Le Musée de Lille s'est enrichi au cours de
cette année de la collection des antiques de M. Géry
Legrand offerte par ses deux filles, Mme veuve
Curey et Mme Bellanger. La plupart de ces objets
proviennent de fouilles faites à Bavai, marbres ou
terres cuites avec quelques petits ustensiles de
bronze. Mais la donation comporte également un
très beau buste en marbre blanc du xvie siècle
trouvé dans un puits à Houplin. C'est un buste
d'homme en cuirasse avec des insignes d'ordres de
chevalerie qui représente sans doute un seigneur
à Houplin.
MUSÉE DE REIMS <* -? -$ -„" f •$ ¥ t f ¥
f f f Ce Musée va bénéficier du legs de M. Vic-
tor Diaucourt, ancien maire de la ville et ancien
sénateur, décédé le il mai 1910, dans sa 85e année.
Par son testament du 2g septembre 1904, il laisse
sa riche bibliothèque à la ville, et, en outre, une
centaine de tableaux, dessins, miniatures, gravures,
bronzes et objets d'art divers que recueillera le
Musée.
Citons, parmi les portraits, celui de Baron, dans
le rôle d'Harpagon, celui de Lamartine par Cou-
derc, celui de Proudhon, par Mme O'Connelle,
celui de Cazotle, et surtout une peinture du xvr' siè-
cle représentant un personnage (pie l'on a cru être
Rabelais. Citons, parmi les tableaux : Les boulevards
de Paris au matin, par Hector de Callias ; un Pay-
sage de Léon Richet ; Gambctta à Belleville par
André Gill. Signalons aussi une gouache ancienne
que l'on croit représe tter Madame de Grignan,
enfin des dessins de Grandville, Rochegrosse, Le-
loir, Lematte, Reimbeau, etc.
I.a série des bronzes énumère un Hercule lançant
Lycas à la mer par Canova, la Lecture par Clia-
rousse, Philopcemen par David d'Angers, les
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
Massacres de Gallicie par le même, Chateaubriand par
Aimé Millet, etc. Il y a un buste en cire de Vol-
taire, et Voltaire ci sa table de travail, également en
ciiv. .lu XVIIIe siècle.
Les otampes comprennent les portraits enca-
drés de Savart et Ficquet, et plusieurs belles gra-
vures modernes ; des médaillons s'y joignent
en assez grand nombre, notamment quatre terres
cuites de Nini et d'autres ieuvres qui seront étu-
diées et décrites plus tard. j^ T\d\rt
PUBLICATIONS RELATIVES AUX MUSÉES DE FRANCE
Le Musée des arts décoratifs. - Le Métal, z partie.
Le Bronze, le Cuivre l'Étain, le Plomb, par
Louis Mktmax et J.-L. Vaudoyer, Ier album.
Paris, M. -A. Longuet, éditeur.
I.a série des albums du Musée des Arts décora-
tifs publiés sous la direction de M. Louis Metman
se poursuit avec ce nouveau fascicule dont les
qualités de présentation dépassent encore celle des
précédents, consacrés au Bois et au Fer. Le classe-
ment logique par matières que l'on reproche
parfois aux organisateurs du Musée de n'avoir
pas suivi dans la disposition des objets eux-mêmes,
se restitue dans ce précieux répertoire, et d'une
façon, suivant nous, plus légitime et indispensable
que dans la realite. Il faut dans le Musée même
songer axant tout à son harmonie et ne rebuter per-
sonne par la rigueur d'un classement que le tra-
vailleur opère de lui-même et dans lequel il sera
aide par la publication abondante et presque totale
de ces documents à laquelle s'emploie activement
la conservation du Musée.
Quatre-vingt planches reproduisant pues de
huit cents objets nous mènent, dans cet album
du Bron • îles origines jusque vers le milieu du
xvm'siècle. en plein épanouissement dustyle rocaille.
Léon Deshairs. — - Dijon. Architecture et déco-
ration aux xvne et xvine siècles.- - Paris, Cala-
i - diteur, fol.
Le bel album de 120 planches en phototypie
qui continue la série de ceux consacrés par le
même auteur et le même éditeur à Bordeaux et à
Aix csl conçu suivant le même principe et illustre
d'admirables documents peu connus ou complète-
ment inédits l'art di i époques. Une introduc-
tion, pleine de pénétration et de sens historique,
souligne les caractères particulier de l'art clas-
sique dans le milieu particulier et des notices
.'ment les renseignements nécessaires
i mi des monuments étudiés.
Parmi ces il en est nu qui nous
intéresse ici tout spécialement, c'est la partie du Pa-
lais des Etats de Bourgogne qui fut consacré en 1783
au Muséum créé sur la proposition de Devosge pour
compléter l'enseignement de son école de dessin.
La grande salle d'honneur dite 1 salle des Statues » qui
subsiste encore fut entreprise vers 17S5, le plafond
en fut exécuté par Prudhon, la boiserie par Jérôme
Marlet ; mais on ignorait jusqu'ici que la direction
architecturale en avait été confiée à un architecte
parisien nommé Jean Bellu dont M. Deshairs à
retrouvé aux archives de Dijon des mémoires et des
projets dessines.
On trouvera également reproduit dans les
dernières planches de cet album plusieurs des plus
belles pièces de boiserie et de mobilier qui conserve
le Musée de Dijon ainsi que six bas-reliefs du
sculpteur Attiret.
"■? °t °£ Dans la Revue Je l'Art Ancien et Moderne
(mai 1910). M. T. de Wyzewa, à propos d'une Des-
cente de croix de Si gnorelli conservée aux environs
de Péronne dont il a retrouvé une belle étude ori-
ginale au fusain, étudie les dessins du maître conser-
vés au Louvre et les tableaux qui lui sont attribués.
Les Casques de bronze, dits de Falaise, leui
origine et leur âge, par le comte Olivier
Costa de Beauregard. Congrès archéologique
de Caen 1908. — Paris 1909.
L'auteur étudie dans ce mémoire qui vient de
paraître avec le compte rendu du congrès archéo-
logique de Caen de 1908 une série de six casques en
bronze trouvé à Bernières d'Ailly (Calvados) en
1832 et qui sont déposés au Musée de Falaise où
il réclame pour eux une place plus honorable que
celle qui leur est attribuée. Ce sont. Selon lui, d'après
de nombreuses comparaisons avec des documents
réels ou figurés, des monuments qui remontent
jusqu'au premier âge de fer et non des coiffures de
pirates normands du XIe siècle comme on croit géné-
ralement dans le pays et comme l'avait affirmé
Ch. de Linas dans un mémoire daté de 1869.
Fontenay-aux-Koses. — Imp. L. Biïllenand.
Le Gérant : G. Létard.
Bulletin des Musées
de France
BUSTES DES DEUX FRÈRES COYPEL
(Acquisitions récentes du Musée du Louvre.)
Par leur provenance, leur valeur historique,
iconographique et artistique, ces deux bustes méri-
tent de prendre place parmi les plus intéressantes
acquisitions de la sculpture moderne au Musée du
Louvre. Ils n'étaient jamais sortis de la famille qui,
depuis bientôt deux siècles, les avait fidèlement
gardés et beaucoup d'artistes de notre temps les
avaient vus et admirés dans le cabinet du vieux
sculpteur Augustin Dumont (1801-1884) dont le
Louvre conserve, fondu en bronze, le modèle
original du Génie de la Liberté pour la colonne de la
Bastille ; il les tenait de Jacques Edme Dumont
(1761-1844) qui les avait reçus d'Edme Dumont
(1720-1775), lequel les avait trouvés dans l'héritage
de François Dumont (1687-1726), mari d'Anne
Coypel, sœur d'Antoine et de Noël Nicolas, les
originaux des deux bustes.
Le premier, celui d'Antoine Coypel, en mar-
bre, est l'œuvre de Coyzevox. Le vieux maître
avait été l'ami de Noël Coypel le père, mort
depuis cinq ans, quand sa fille Anne épousa le sculp-
teur François Dumont (12 novembre 1712). Le frère
aîné de la mariée, Antoine (fils d'un premier ma-
riage) avait alors cinquante ans sonnés et le puiné
Noël Nicolas, qui devait mourir à peine quadra-
génaire en 1734, n'était encore qu'un garçon de
20 ans. C'est Antoine qui remplaça le père disparu
et Coyzevox, assisté de Robert de Cotte, servit de
témoin à l'heureuse épousée (heureuse, n'est point
ici une banale épithète ; elle était fort éprise de
son mari qui l'aimait tendrement et la correspon-
dance des deux époux, conservée dans la famille,
prouve que leur tendresse conjugale fut aussi
vive que leur bonheur devait être court). Si l'on en
juge par l'âge apparent d'Antoine Coypel dans le
véridique portrait taillé par son vieil ami, c'est à
peu près au moment du mariage de sa sœur qu'il
convient de placer l'exécution du buste. Coyzevox
a donc 70 ans environ et touche au terme de sa glo-
rieuse carrière; (il mourut en 1720 à 80 ans), mais
il n'a rien perdu de sa verdeur, la main qui, en
1678, avait modelé sa propre effigie avec tant de
bonhomie, pour l'académie-royale, et en 1688
l'admirable buste du grand Condé, venait, en
170b, de montrer par l'héroïque figure du Rhin,
en 17 10 par la délicieuse statue décorative de
la duchesse de Bourgogne, que les années ne lui
avaient rien enlevé de sa souplesse et de sa fer-
meté. Fermelhuis pouvait à bon droit le louer,
après sa mort, d'avoir dû se renouveler sans cesse
« parce qu'il s'assujettissait sans cesse à imiter la
riche variété de la nature ». Les portraits que nous
possédons d'Antoine Coypel par lui-même permet-
tent de vérifier la sincérité de celui-ci. La nature
lui avait donné de beaux traits, réguliers et nobles,
qui n'étaient pas sans rappeler un peu ceux de
M. Racine qu'il avait eu le grand honneur de
connaître et qui lui avait témoigné, comme M. I «es-
préaux, la plus flatteuse estime. Celui-ci, qui vécut
jusqu'en 1711, avait même eu la plus grande
influence sur la vocation littéraire d'Antoine Coypel.
C'est sur les encouragements formels du vieux
critique qu'il avait publié (1708) son Epitre à
mou /ils sur la peinture, monotone et ennuyeux
pastiche de l'Art poétique. < )n comprend trop bien
pourquoi Despréaux avait approuvé des vers
comme ceux-ci :
Mais n'allez pas pourtant prompt a vous sali sfaire,
Pour quelques /aux lui Hauts sottement vous complaire :
Puisez dans le vrai seul , le solide et le beau.
Que la raison partout guide -entre pinceau
et d'abondants discours académiques avaient par
la suite commenté cel te épil re.
Tel qu'il apparaît dans le marbre de Coyzevox,
50
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
Coypel est donc à l'apogée de sa fortune ; garde des
tableaux et dessins du roi (en attendant d'être promu
sous la régence à la dignité de premier peintre de Sa
Majesté), premier peintre de Mgr. la duc d'Orléans
qui lui a donné à décorer la grande galerie du
palais royal, où triomphait cette Enéide, si malheu-
reusement détruite mais dont le Louvre conserve
une importante série de charmants dessins légués
par Charles Antoine, le fils, au Roi (i). L'art de
Coypel s'y révèle déjà comme annonciateur de
celui de Boucher et il est piquant de comparer à
l'effigie si complètement Louis quatorzième du
maître, cet art où le « rubénisme » et le sensualisme
du xvine siècle ont déjà mis leur empreinte... Mais
c'est bien encore l'homme du xvne, l'ami de Boileau,
que Coyzevox a représenté sous la lourde et céré-
monieuse perruque ; dessinant avec autant de
fermeté que de souplesse la bouche fine, vivante et
un peu dédaigneuse, mettant en un relief saisissant
l'intelligence et la volonté qui caractérisaient cette
noble figure, tempérant seulement par la familia-
rité de la chemise déboutonnée sur le col nu (comme
il avait fait dans son propre buste) ce que la per-
ruque pourrait lui donner d'un peu trop solennel.
Vingt ans, à peu près, plus tard, en 1730, un
jeune sculpteur de bel avenir mais qui débutait
à peine, n'ayant encore que 26 ans, J. B. Lemoyne,
modelait en terre le buste du frère puiné d'An-
toine. Noël Nicolas. Rien n'est plus instructif et
amusant que la brusque confrontation de ces
deux bustes ; une génération, un idéal nouveaux
sont entrés dans la vie et dans l'art, et, à regarder
la terre cuite de Lemoyne, les survivants du «grand
siècle » durent éprouver les mêmes étonnements que
leur causèrent, en 1737, les œuvres exposées au nou-
veau Salon, rouvert au Louvre après trente trois ans
d'interruption... Mais ce brillant cavalier, dont la
perruque poudrée est nouée d'un large ruban chif-
fonné avec une fringante virtuosité, qui retourne
vivement par-dessus son épaule sa tête un peu dédai-
gneuse, porte déjà les stigmates du mal dont il
mourra et des soucis, du désenchantement précoce
qui assombrissent sa vie. Tandis que tout semblait
sourire à Charles Coypel son neveu, il se vit frustré
des récompenses auxquelles il avait droit ; les com-
mandes qu'il obtint donnèrentlieu à des procès absor-
bants et ruineux ; le système de Law lui enleva le
peu de fortune qu'il avait pu garder et quand il
mourut, à 43 ans, le 14 décembre 1734, au cloître '
Saint-Germain l'Auxerrois, dans une mansarde
du quai de l'Ecole, la misère avait devancé la mort
dans son humble logis... Et l'on s'explique mieux,
quand on connaît ces détails de sa triste biographie,
la nuance d'amertume, presque d'angoisse qui,
par dessus l'élégance fringante de son accoutre-
ment, vient jeter une ombre sur ce maigre visage
et colorer d'on ne sait quel romantisme précurseur
l'expression de ce brillant morceau.
André Michel.
DESSINS NOUVELLEMENT ACQUIS PAR LE MUSÉE DU LOUVRE
La vente de la célèbre collection de dessins du
baron Adalbert de Lanna, de Prague, qui a eu lieu à
Stuttgart le 6 et le 7 Mai dernier, a été pour le
Louvre une occasion de s'enrichir de quelques
pièces infiniment précieuses, dans des séries qui lui
manquaient ou qu'on ne saurait trop abondamment
développer. Il a eu, notamment, la joie de pouvoir
s'emparer, malgré des enchères très disputées, de
deux morceaux purement exquis et de toute rareté,
qui figuraient au premier rang parmi les joyaux
( 1 j Voii 1 dans quels termes il disposait dans son testa-
ment, de ses iIi".mhs ; « J'ose supplier le Roy d'accepter
:i 'I- 1 .11 1 .h h. el ceux de feu mon père, qui se
trouvent proprement collés et rangés dans un porte-
feuille).. 1 tra I el collationm pai li conseille! du Roy,
notaire au Chatelei di Paris... sur la minute... en la
li 1 1I1 ette, i.| juin 1752. (A. X. ( i'. 1925).
de la vente et excitaient justement les plus ardentes
convoitises de quelques amateurs et de divers
grands musées. C'est contre le musée de Berlin que
le Louvre a finalement triomphé dans la lutte, et
il était de son honneur qu'il en fût ainsi. Car ces
minuscules feuillets, que nous reproduisons — le
plus petit dans les dimensions mêmes de l'original,
le plus grand un peu réduit — seml dent bien, malgré
les attributions qu'ils portaient, avoir toute chance
d'émaner directement de notre art et de notre pays.
C'est donc une conquête doublement nationale,
dont nous sommes en droit de nous féliciter.
Le premier de ces dessins par l'importance et
par la date (n° 19 de la vente de Lanna) (1)
(1) Il mesure 0mlO5 de haut sur onliS7 de large.
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
51
représente, sur un fond de parchemin préparé eu
blanc, trois figures debout, en riches atours de la
fin du XIVe siècle, déeorativement espacées sur une
bande de terrain rapidement indiquée. Elles sont
dessinées à la plume, avec léger lavis d'encre de
Chine affirmant plus ou moins fortement les ombres
et modelant les formes, tout à fait dans l'esprit des
grisailles aimées de ce temps. Une teinte à peine
marquée de vermillon colore doucement les mains
ou les visages, dont l'expression est soulignée de
la façon la plus fine par l'acuité nette et ferme des
à la société élégante et raffinée de ce temps, et les
trois nobles dames rappellent la façon dont s'amu-
sent beaucoup de leurs compagnes dans les mi-
niatures ou dans les ivoires. C'est ici le chien
familier qu'on caresse ; le faucon qu'on tient
par son lacet sur la main gantée, avant de partir
en chasse, ou (détail imprévu) la fantaisie capri-
cieuse de jongler avec deux pommes.
Ce très précieux dessin, qui provient de la col-
lection A. Posonyi (1858) et qui a figuré à Vienne,
en mars 1872, à la vente F. J. Gsell (n° 627), sous
;
O 1;':'.T^
\ .
mes.
du XIVe sièt le.
yeux ou des lèvres, d'un noir ou d'un rouge intense.
Les costumes nous reportent aux modes du règne
de Charles VI, entre 1300 et 1410 environ : longues
poulaines démesurément effilées ; vastes houppe-
landes traînantes, à haut collet montant, serrées
parfois à la taille courte par une ceinture, faites de
draps épais généralement fourrés, et dont les
amples manches ouvertes ou fermées comme un
sac semblent prêtes à balayer le sol ; enfin cha-
perons en forme de bourrelets, que portaient alors
hommes et femmes, avec courte « patte » et longue
« cornette » d'étoffe rejetée sur les épaules, ou
étrange coiffure tailladée et découpée en lanières,
à l'imitation d'un feuillage. Les sujets mêmes
rentrent dans le genre de divertissements habituels
le bizarre nom de •• Martin Sin (XIVe siècle) », était
attribué à la vente de Launa à un anonyme de la
Basse-Allemagne (« niederdeutsch »). Bien que,
dans la conformité alors à peu près générale en
Europe, des modes, des goûts, des habitudes de la
vie sociale et mondaine, dont la brillante cour de
France paraît avoir essentiellement donné le branle,
il soit souvent difficile de discerner l'apport exact
de chaque pays, el qu'entre la France el les ré-
gions limitrophes d'Allemagne, notamment, les
points de contact et les rapports aient été incessants,
nous croyons discerner ici un raffinement dans
l'élégance, une simplicité dans la grâce, une logique
mesurée dans les plis, en même temps qu'un sens
vrai de la forme et une fine subtilité d'expression.
52
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
qui sont l'esprit même de la statuaire, de la
peinture et de la miniature française de ce temps.
On chercherait vainement, dans les œuvres alleman-
des contemporaines même les plus délicates, une
telle perfection d'art. Si l'on compare, par exemple
à ce charmant feuillet, soit le curieux jeu de cartes
du .Musée des antiquités nationales de Stuttgart,
soil le petit livre de dessins et patrons appartenant
aux musées impériaux de Vienne qu'a publié M.
Julius von Schlosser (Jahrbuch de Vienne, t, XXIII,
i g o ,. p. 279 sq.), soit telle ou telle peinture rhénane,
ou se trouve à un niveau déjà inférieur, devant
des formules plus superficielles et plus vides ou
plus lourdement pesantes. Selon toutes probabilités,
c'est donc dans le milieu franco-flamand, alors si
actif et vivant à la cour de France, qu'un tel
dessin a vu le jour. Au même milieu paraît se ratta-
cher également, quoique non de la même main, un
dessin très analogue de style et de technique,
représentant un prophète, qui compte parmi les
anciens trésors du Louvre et que Reiset {Cat. des
dessins, t. I. 1866, n° 628) avait jadis classé à
l'école de Cologne.
Le second dessin (n° 199 de la vente de Lanna),
qui nous conduit à l'extrême fin du XVe siècle,
sinon même peut-être aux premières années du
XVIe, soulève un non moins intéressant problème
d'origine. C'est un feuillet détaché d'album, à fond
de papier préparé en blanc grisâtre (1), où se voient
au recto, esquissées à la pointe d'argent avec une
légèreté, une souplesse et une agilité de trait incroya-
ble, quatre têtes de jeunes femmes, qui semblent
inspirées deux par deux de modèles différents, et
deux études de mains. Au verso est indiquée, d'un
crayon noir plus gros et plus gras, à demi écrasé ou
effacé par le frottement, une tète d'homme à cha-
peau plat, portant la barbe entière, tourné de trois
quarts vers la droite. Au coin supérieur gauche de ce
côti e lit, à l'encre, d'une écriture qui paraît
contemporaine des dessins, le chiffre XXXIII,
répondant visiblement à un numérotage des pages
de l'album primitif. Car on retrouve sur deux
autres dessins du groupe, à l'Institut Staedel de
Francfort el dans la collection du baron Edmond
de Rothschild, U-s chiffres X et XXII, inscrits de
façon absolument analogue par la même main.
Même en admettant que le numérotage n'ait pas
été mis, suivant l'usage, le plus fréquent, d'un
(i) Il me li liant sur om098 de large.
seul côté, au recto des feuillets, il s'ensuit que ce
livre d'études et d'esquisses, probablement un petit
album de poche constitué par l'artiste pour son utilité
propre, avait originairement une certaine étendue.
Malheureusement, jusqu'ici tout au moins, nous
n'en connaissons plus sûrement que quelques
bribes.
Il y a une vingtaine d'années, le dessin de la col-
lection de Lanna constituait encore, avec cinq
autres feuilles similaires, un ensemble homogène,
fragment réduit de cet album. Jusqu'en 1874, ce
petit groupe, dont l'histoire antérieure nous est
inconnue, figura dans la collection du conseiller
aulique Philippe Dràchsler ou Drâxler von Carin,
de Vienne, où Waagen l'avait remarqué (1). Il
passa ensuite, avec la majorité des dessins de cette
collection, entre les mains d'un autre amateur
viennois, le chevalier J. C. von Klinkosch ; et
c'est à la vente après décès de ce dernier, qui eut
lieu à Vienne les 15 Avril 1889 et jours suivants,
qu'une nouvelle et définitive dispersion s'ac-
complit. Des six dessins de ce groupe, portés
au catalogue sous les nos 46S à 473, et dont quatre
sont reproduits, l'un passa dans la collection de
Lanna (n° 468, aujourd'hui au Louvre), un autre
dans celle du baron Edmond de Rothschild (n° 471),
un troisième à l'Institut Staedel de Francfort
(n° 473). Nous ne sommes pas exactement fixés
sur le sort actuel des trois derniers, qui furent
acquis à la vente par des marchands. En revanche,
nous avons retrouvé dans l'ancien fonds du Louvre
un septième feuillet, déjà apprécié à juste titre,
mais menant dès longtemps sa vie indépendante,
qui se rattache sûrement au même groupe et n'est
pas la pièce la moins importante ni la moins char-
mante de la série. C'est une délicieuse étude de
jeune femme à mi-corps, de trois quarts vers la
gauche, coiffée d'un bonnet de linge, devant un
fond où sont indiquées quelques violettes (2). Non
(1) Die vornehmsten Kuyistdenkmalev in Wien, t. Il,
p. 196 (Vienne, 1S66 67, 2 vol. m-S°).
(2) Ce dessin, classé par Reiset (Cat. des dessins, t. 1
1866, n° 629) parmi les anonymes de l'Ecole flamande du
xve siè( I , a figuré en 1904 à l'Exposition des Primitifs fran-
çais, sous le nom du Maître de Moulins (n° 363 du cat.).
Il mesure om095 de haut sur omo65 de large. Le feuillet
fortement rogné d'apparence, en particulier sur les côtés,
ne semble avoir gardé aucune trace de numérotage. Comme
il est collé en plein sur un papier assez épais, destiné à en
soutenir la fragilité, il est impossible, d'ailleurs, d'en entre-
voir autrement que vaguement par transparence le revers,
qui ne parait pas, tout au moins, contenir de croquis.
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
53
seulement le papier est identique, préparé de même
et du même ton ; mais ou voit s'y révéler, dans
le maniement de la pointe d'argent, par les moin-
dres accents et les détails les plus menus de fac-
ture, une identité absolue de main. Il n'est
même pas jusqu'à un dommage autrefois subi
par les feuillets de l'album, qui durent être forte-
ment mouillés du bas — on peut le constater sur-
tout dans les dessins de l'Institut Staedel et de-
là collection Edm. de Rothschild — dont on ne
retrouve également ici la trace, et dont le souvenir
atténué ne reparaisse aussi dans le des-
sin, d'ailleurs plus rogné en sa partie
inférieure, de la vente de Lanna. Le
dernier feuillet identifié permet d'af-
firmer, en outre, que l'accident s'était
produit et que le recueil fut dépecé à
une date très ancienne. Car, d'après
une note annexée à un inventaire de
Morel d'Arleux. conservateur des des-
sins du Louvre de 1798 à 1827. ce des-
sin proviendrait de la Collection du Roi,
sans qu'on puisse dire exactement à
quelle époque et comment il y était
entré. A supposer même qu'il n'ait pas
fait partie de la collection Jabach
acquise de 1(72 à 1676 — hypothèse
plausible, quoiqu'impossible à vérifier ( 1 )
— nous remontons ainsi, du moins, à
plus d'un siècle ou deux en arrière.
Puissent ces quelques indications aider
à faire retrouver, si elles subsistent en-
core, d'autres par celles de l'ensemble
depuis longemps détruit !
Les seuls feuillets jusqu'ici connus
nous montrent uniquement des études de figures,
simples têtes ou bustes tout au plus, où l'artiste,
ébauchant à peine parfois en leurs linéaments essen-
tiels les détails du costume, consacre surtout son
attention et son soin aux visages mêmes. Il nous
révèle ainsi des préoccupations toutes spéciales de
portraitiste délicat. Mais le mystère, qui entoure son
nom et son 1 >rigine, reste encore assez incomplètement
débrouillé. Waagen attribua jadis ces charmants
crayons à la première époque de Hans Holbein le
jeune, débutant à Augsbourg. C'est sous ce nom
(1) Le mystère restera, en effet, toujours assez grand
pour les 2911 dessins non collés, estimés « le rebut » de la
collection, bien que contenant encore beaucoup d'oeuvres
précieuses, qui ne lurent l'objet d'aucun inventaire détaillé.
qu'ils furent encore catalogués à la vente Klinkosch,
le rédacteur du catalogue émettant, toutefois,
l'hypothèse qu'ils pourraient bien être plutôt de
main flamande et y voyant assez bizarrement des
études de Rogier van der Weyden pour une Cruci-
fixion. On a depuis cherché à serrer de plus près
la vérité dans le même sens ; et c'est avec une plus
grande vraisemblance d'époque, tout au moins,
que M. Martin Conway, dans une courte note du
Burlington Magazine (t. xin, juin 1908, p. 155), où
sont réédités les quatre clichés du catalogue
~¥Wr\ Hf T<
Fig. 21. — Études de têtes et de mains.
École française, fui du AT'' siècle.
Klinkosch, de même que le Dr. Meder, reprodui-
sant le dessin de la collection de Lanna dans la
belle publication de l'Albertine, (1) ont prononcé
le nom de Gérard David. Cette attribution a été
adoptée comme sûre, soit dans le catalogue de
la vente de Lanna, soit dans l'excellente publica-
tion en cours des dessins de l'Institut Staedel
[Handzeichnungen aller Meister un Staedelschen
Kunstinstilut)
Une telle opinion est sans doute de celles qui
méritent un sérieux examen. L'esprit général de
calme douceur que reflètent ces dessins, de même
(i) Handzeichnungen <ilir> Mets tel me dei Mbertinaund
anderen Sammlungen, von ]. Schônbrun Sammlungen
lier und Dr J. Meder) Wien, F. Schertk, 1. xi, u" [407).
54
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
que certains détails de costumes, de coiffures ou de
poses, certains arrangements, ne sont pas sans
évoquer le souvenir, soit des Noces de Cana du
Louvre, soit de la Vierge entourée de Saintes du
i e de Rouen. ( >n croirait presque par moments
y voir même surgir dans l'analogie de leurs mou-
vements telle ou telle figure de ces tableaux. La
jeune mariée, par exemple, ou la sainte Godelive
aux yeux diversement baissés, du Louvre ou de
Rouen, seraient à comparer aux dessins de Franc-
fort et du Louvre. Avouons, toutefois, qu'après une
enquête attentive, ces similitudes d'apparence
séduisante nous ont paru plus extérieures et super-
ficielles que profondes. Une conformité d'époque et
de tendances peut suffire à les expliquer. Les
types ethniques semblent ici assez différents des
personnages de race flamande, généralement
figurés par Gérard David. Il y a, de plus, dans l'exé-
cution comme dans les modèles, une nuance
de fraîche ingénuité, une vivacité légère, un parfum
combiné de bonhomie et de grâce spontanée, donl
la manière plus froidement précise, plus sèche et
méticuleuse, même des plus habiles et plus souples
maîtres des Pays-Bas, n'offre guère l'équivalent.
Devant ces têtes à l'expression si fine, notamment
devant le jeune visage aux yeux baissés du dessin
nouvellement acquis, qui, bien que rappelant la pose
de sainte Godelive, est d'un sentiment tout autre,
on ne peut s'empêcher de songer aux filles de la
Touraine si délicieusement glorifiées par Fouquet,
tout en pressentant déjà aussi par avance, comme
un caractère éternel de l'esprit français, quelque-
chose de l'art d'un Watteau.
En somme, bien qu'il soit peut-être imprudent
de procéder en ces matières par affirmation trop
ique, nous ne serions pas loin départager
l'opinion de M. H. Bouchot qui, ne connaissant
qu'un unique élément du problème, la Jeune Fem-
me aux violettes de l'ancien fonds du Louvre, en
attribua la paternité au Maître de Moulins. Les
vraisemblances de date présumée ne font pas
obstacle a cette ingénieuse conjecture, que semble-
rail confirmer aussi l'esprit même des dessins en
leur particularité spéciale. Si l'on en étudie de près la
facture, en la comparant à celle des peintures du Maî-
tre de Moulins conservés au Louvre, on est étonné,
en tout cas, de voir s'y répéter des procédés singuliè-
rement pareils: soit pour modeler un œil, en réser-
vant toujours délicatement en lumière le bord
intérieur de la paupière inférieure ; soit pour
accentuer l'ouverture des narines ou la ligne de la
bouche, en éclairant aussi le bas des lèvres ; soit
même pour écarter dans une main le petit doigt
des autres, par une sorte de maniérisme délicat qui
fut une des habitudes constantes du maître. Avec
Gérard David, à ce point de vue comme aux
autres, les rapports semblent beaucoup moins
étroits. Il est donc très possible que nous nous
trouvions ici en face des débris d'un livre
d'esquisses du mystérieux successeur de Fouquet,
qui fut le peintre des Bourbons. Dût-on même ne
présenter et n'adopter, d'ailleurs, l'hypothèse
qu'avec une part de réserve, il est probable, au
moins, que ces précieuses feuilles d'études sont
l'œuvre d'un artiste originaire de France ou y tra-
vaillant vers la fin du xvc siècle.
A la vente de Lanna — nous n'avons qu'à le
rappeler, le fait ayant été signalé ici même (i) —
le Louvre a acquis également deux dessins de
pure souche allemande et d'excellente qualité, qui
auraient pu prêter, de leur côté, à un commentaire
spécial. Ce sont deux très rares spécimens de l'art
de la Haute-Allemagne, qui a préparé ou côtoyé
l'art de Durer à ses débuts. Ils ne peuvent être, à
ce titre, que les bienvenus dans les collections du
Louvre, où la série allemande n'est pas la plus
richement développée et où des œuvres de ce type
manquaient presque totalement. Mais, quel que
pût être l'intérêt de ce nouvel enrichissement, il a
paru plus utile de consacrer uniquement cette étu-
de aux deux pièces les plus capitales du lot et
qui avaient l'importance maîtresse pour un musée
français.
Paul Leprieur
(i) Bulletin des Musées de France, 1910, n° 3. p. 4".
MUSÉES NATIONAUX
Acquisitions et Dons
MUSÉE DU LOUVRE f t S 1 t V 1 <v" ¥
-£ °t °t Sculptures du Moyen Age de la Renais-
sance et des temps modernes. — Le département
a acquis récemment le buste d'un angelot en pierre
de l'école bourguignonne du XVe v/<Y/r qui paraît
appartenir à la même série que deux belles ligures
d'anges volants du musée de Semur.
Un autre morceau a été acquis, malheureuse-
ment aussi à l'état fragmentaire : c'est un Saint-
Georges équestre s'enlevant en haut relief sur un
fond de paysage montagneux. Le buste du Saint
manque et le dragon est mutilé. Mais ce qui reste
des figures, le cheval surtout est admirable de
mouvement et de vérité. La sculpture provient
d'une collection de Nevers et paraît appartenir
aux mêmes ateliers que certains grands reliefs
des chapelles de la cathédrale.
•f °? °jf Objets d'art du Moyen Age et de la
Renaissance. — Le Conseil des Musées a ratifié en
sa dernière séance l'acquisition de trois bronzes
de la Renaissance Italienne.
L'un d'eux est connu, mais ne se trouvait pas
dans les collections du musée, c'est 1' « Entant au
Coquillage », un enfant aux cheveux bouclés, vêtu
d'une simple tunique qui laisse les jambes nues ;
il porte sur son dos un gros coquillage qui devait
être à usage d'encrier.
Une petite Baigneuse, accroupie et s'essuyant
les pieds, par la courbe d'un dos charmant aux
lignes harmonieuses, par l'heureux croisement de
ses bras et de ses jambes fines, est une pièce exquise
en même temps que rare, il ne semble pas qu'il
en existe d'autre exemplaire, ce qui n'est pas fré-
quent parmi les bronzes italiens de la Renaissance.
La troisième pièce est la plus importante, c'est
une Victoire de vingt-cinq centimètres de hauteur,
à la marche légère et rapide qui entraîne derrière elle
les plis de sa souple tunique profondément creusés ;
elle a le bras droit levé, les ailes largement éployées,
et se retourne, ce qui fait obliquer légèrement le
mouvement du corps. C'est un bronze d'une très
grande élégance, d'une très noble allure, d'une fonte
et d'une patine admirables. La réplique se trouve
dans les collections du musée de South Kensington.
Documents et Nouvelles
J. £. £> En exécution des décrets dont nous avons
annoncé la publication et dont le texte suit,
ont été nommés conservateurs adjoints au dépar-
tement des peintures, M. Jean GuiffrEy, au dépar-
tement des objets d'art M. J.-J. MARQUET DE VAS-
OT.au Musée du Luxembourg M. Charles Mas-
son, au Musée de Saint-Germain M. Henri Hubert.
D'autre part, MM. Carie Dreyfus, Gaston
Brière, Charles Boreux, François Monod, attachés
libres ont été titularisés dans les conditions prévues
par les mêmes décrets.
Décrets relatifs au personnel des Musées
nationaux et de l'Ecole du Louvre
Le Président de la République française,
Sni le rapport du ministre de L'instruction publi-
que et des beaux-arts,
Vu les décrets des ->5 janvier et 4 mars 1.^74.
Ier mars 1879, -4 janvier r.882, 5 septembre 1888,
[2 décembre 1892, 23 et 28 juin 1893, .7 janviei
1898, 4 juin 1902, l<) janvier 1904, 6 mars 1906,
7 février 1907 et 22 décembre 1908.
I lécrète
Art. ier. I,es cadres du personnel de la direc-
tion des musées nationaux et de l'école du Louvre
sont fixés ainsi qu'il suit :
1 emploi de directeur ;
m emplois de conservateur ;
1 emploi de conservateur du musée de marine ;
14 emplois de conservateur adjoint ;
10 emplois de professeur à l'école du Louvre :
1 emploi de secrétaire de la direction des musées
nationaux :
1 emploi de secrétaire agent comptable de la
réunion des musées nationaux ;
1 emploi de secrétaire des musées de Versailles
et des Trianons ;
1 emploi de secrétaire du musée de Cluny ;
I emploi de rédacteur du secrétariat des musées
nationaux ;
.: emplois de commis du secrétariat des musées
nationaux ;
1 préposé à la vente des moulages :
1 préposé à la vente des chalcographies :
1 préposé adjoint à la vente îles chalcographies :
I garde de la bibliothèque.
_>4i) emplois d'agent du service de gardiennage,
savoir :
1 chefs gardiens :
5 sous-chefs gardiens ;
1-] brigadiers ;
215 gardiens :
56
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
i chef d'atelier au musée de Saint-Germain ;
I chef menuisier;
I encadreur ;
I réparateur d'objets d'art.
Art. 2. - Indépendamment des cadres fixés par
l'article ier, il peut être employé, suivant les besoins
du service et dans la limite des portions de crédit
affectées à leurs émoluments, des agents non commis-
sionnés ou auxiliaires :
Des gagistes, chefs ouvriers, ouvriers et apprentis ;
Des agents du service de surveillance auxiliaire,
au nombre maximum de dix ;
Une dame dactylographe.
Un arrêté du ministre détermine le mode de recru-
tement et les allocations de ces agents.
i II est opéré sur leurs émoluments, qui ne sont
pas soumis aux retenues prescrites par la loi du
9 juin 1853, un prélèvement de 4 p. 100 par an
qui est versé à leur profit à la caisse nationale des
retraites pour la vieillesse, en même temps qu'une
bonification de l'Etat égale au prélèvement.
Art. 3. — Les traitements et les classes du per-
sonnel sont fixés ainsi qu'il suit :
Personnel administratif et personnel
Je la conservation
Directeur des musées nationaux 12.500
Conservateurs :
De 6.000 à 8,000 fr. par avancements de 1.000 fr.
Conservateurs du musée de marine :
Classe unique 4 . ooo
Conservateurs ajdoints ;
1 »e 3,000 à 6,000 fr. par avancements de 1,000 fr.
Professeurs à l'école du Louvre :
Traitement fixe : 3,000 fr.
.Secrétaire de la direction des musées nationaux et
secrétaire agent comptable de la réunion des
musées nationaux, 5,000 à 7,000 fr.
Secrétaire du musée de Versailles et rédacteur du
secrétariat des musées nationaux :
6e classe 2 . 500
5e - 2 . 900
4" - 3-J1»'
3e - 3-700
2e - 4.100
}rL\ - - • 4-5uo
Secrétaire du musée de Cluny :
Classe unique 2 . 800
Commis du secrétariat des musées nationaux :
7e classe 2 . 000
6' - 2.300
5e - 2 . boo
4' - 2.900
!' - 3--2UO
2'' - 3.600
ir'' 4.000
Prépo 1 à la vente des chalcographies. Préposé
à la vente des moulages :
6e classe 2 .200
5'' 2.400
41' 2 .boo
;' - 2.800
- 3.000
I" .'). -'00
Préposé adjoint à la vente dis chalcographies.
1 '..h ' le de l.i biblii ithèque :
5e classe 2 . 000
4e - 2 . 200
3e - 2 . 400
2e — 2 . 600
ire - - 2.800
Personnel du service de gardiennage
MUSÉES NATIONAUX DE PARIS, DE VERSAILLES
ET DE SAINTGERMAIN-EN LAYE
Chefs gardiens :
Classe unique 2 .800
Sous-chefs gardiens :
Classe unique 2 . 600
Brigadiers :
Classe unique 2 . 500
Gardiens :
9e classe 1 . 600
8e - 1.700
7e - 1.800
6e - 1 . 900
5e — 2 . 000
4e — 2 . 100
3e - 2.200
2e — 2.300
Irc - 2 . 400
MUSÉE DES TRIANONS
Brigadier :
Classe unique 1 . 700
( Gardiens :
3e classe 1 . 200
2e' - 1 . 300
ire - 1.400
Personnel des ateliers
Chefs d'atelier du musée de Saint-Germain :
5e classe 2 . 400
4e - 2 . 700
3e - 3 ■ 000
■2e - 3-500
ire - - 4 . 000
Chef menuisier, encadreur, réparateur d'objets
d'art :
4e classe 2 . 400
3e - 2 . 700
2e - 3 . 000
iro - - 3.200
Art. 4. — Le service médical des musées natio-
naux est assuré par quatre docteurs qui reçoi-
vent une indemnité annuelle non soumise à rete-
nue pour le service des pensions civiles, savoir :
Le médecin des musées nationaux du Louvre, du
Luxembourg et de Cluny 1 .200
Le médecin adjoint desdits musées 400
Le médecin des musées nationaux de Ver-
sailles et des Trianons 500
Le médecin du musée national de Saint-Ger-
main 200
Art. 5. — Les professeurs de l'école du Louvre
autorises par le ministre à se faire suppléer dans
leur enseignement abandonnent à leurs suppléants
la moitié de leur traitement net.
I,e professeur qui, s'étant fait suppléer pendant
cinq années, consécutives, ne reprendra pas son
cours, scia remplacé comme professeur par un
conservateur adjoint.
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
57
DISPOSITIONS TRANSITOIRES
Art. 6. — Les emplois existant actuellement
et non maintenus par le présent décret seront sup-
primés par voie d'extinction.
Les cinq attachés libres actuellement en fonc-
tions conserveront leur emploi et auront droit
à un traitement fixe de 2,000 francs.
Art. 7. — Les traitements prévus au présent
décret ne seront attribués aux ayants droit que
dans la limite des crédits accordés par le Parle-
ment.
Art. 8. — Sont abrogés les décrets susvisés,
en ce qui concerne le personnel de la direction des
musées nationaux et de l'école du Louvre, et géné-
ralement toutes les dispositions contraires au
présent décret.
Art. 9. — Le ministre de l'instruction publique
et des beaux-arts et le ministre des finances
sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de
l'exécution du présent règlement, qui sera publié
au Journal officiel et inséré au Bulletin des lois.
Fait à Rambouillet, le 25 mai 1910.
A. Faîtières.
Par le Président de la République :
Le ministre de l'instruction publique
et des beaux-arts,
('.ASTON DOUMERGUE
Le ministre des finances,
Georges Cochery.
Le Président de la République française.
Sur le rapport du ministre de l'instruction
publique et des beaux-arts,
Vu les décrets des 25 janvier et 4 mars 1S74.
iL'r mars 1879, 24 janvier 1882, 5 septembre 1888,
12 décembre 1892, 23 et 28 juin 1893, 27 janvier
1898, 4 juin 1902, 19 janvier 1904, 6 mars 1906,
7 février 1907, 22 décembre 1908 et 25 mai 1910.
Décrète :
Art. Ier. — Les musées nationaux sont :
Le musée du Louvre ;
Le musée du Luxembourg ;
Le musée de Cluny ;
Les musées de Versailles et des Trianons ;
Le musée de Saint-Germain.
Des musées nationaux dépendent les peintures,
sculptures, objets d'art ou de curiosité inscrits
sur leurs inventaires qui ont été ou pourront être
placés à titre de dépôt soit dans les palais de Com-
piègne et de Fontainebleau, soit dans tous autres
palais, hôtels parcs et jardins ou immeubles quel-
conques appartenant à l'Etat, soit dans les musées
des départements et des villes.
Aux musées nationaux est rattaché une école
qui porte le nom d'école du Louvre et qui est des-
tinée à répandre la connaissance de l'histoire de
l'art et plus spécialement à former des conserva-
teurs de musées.
Art. 2. — L'administration des musées natio-
naux est confiée à un fonctionnaire qui porte le
titre de directeur des musées nationaux et de
l'école du Louvre.
Art. 3. — Le directeur est nommé et révoqué
par décret du Président de la République sur la pro-
position du ministre de l'instruction publique et
des beaux-arts.
Il dirige toutes les parties du service. Il a seul
la signature, sauf délégation confiée par lui, pour
toute la correspondance relative au service des
musées.
Il prend toutes les mesures relatives à l'acqui-
sition, à la garde, à la conservation, à l'installation
et au classement des œuvres d'art, à la publication
des catalogues, à l'organisation et au fonctionne-
ment de l'école du Louvre.
Il convoque et préside le comité consultatif des
musées nationaux et le conseil des études de l'école
du Louvre.
Il représente les musées dans le conseil de l'éta-
blissement de la réunion des musées nationaux dont
il est membre de droit.
Il correspond seul avec le ministre.
En cas d'absence ou de maladie, il est remplacé
par le plus ancien des conservateurs présents.
Art. 4. — Les catégories de personnel de la direc-
tion sont :
Un personnel scientifique ;
Un personnel administratif ;
Des gardiens ;
Des ouvriers.
Art. 5. — Le personnel scientifique comprend
outre les attachés, dont l'emploi est maintenu
provisoirement, des conservateurs et des conserva-
teurs adjoints.
Art. 6. — ■ Les conservateurs et les conservateurs
adjoints sont nommés et révoqués par décret.
Les conservateurs sont choisis de préférence
dans le personnel des conservateurs adjoints ou
parmi les savants et artistes qui se sont signalés
par leurs travaux sur l'art et l'archéologie.
Les conservateurs adjoints se recrutent de pré-
férence parmi les élèves diplômés de l'école du
Louvre, les anciens membres des écoles françaises
d'Athènes et de Rome, de l'institut français
d'archéologie orientale, de l'école française d'Ex-
trême-Orient, les agrégés de l'Université, les élèves
diplômés de l'école des chartes, de l'école pratique
des hautes études, les élèves de l'école normale supé-
rieure et des universités munis du doctorat ou du
diplôme supérieurs.
Chaque vacance sera annoncée par une inser-
tion au journal officiel et un délai d'un mois sera
accordé aux candidats pour produire leurs titres.
L'examen des titres sera fait par une commission
composée des conservateurs, des secrétaires per-
pétuels des académies des beaux-arts et des ins-
criptions et belles-lettres.
Cette commission, présidée par le directeur, sou-
mettra au ministre de l'instruction publique el
des beaux-arts une liste des candidats aptes à
l'emploi.
Art. 7. — Les conservateurs, et, sous leurs ordres,
les conservateurs adjoints, sont chargés de la
conservation, du classement et de l'entretien des
collections, des recherches et des négociations rela-
tives à leur accroissement, de la rédaction «les cata-
logues, de l'enseignement à l'école du Louvre.
Ils veillent, par des inspections régulières, à
l'ordre et à la sécurité des collections.
58
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
II- onl autorité sur le personnel des gardiens et
ouvriers.
[ls assurent, par un service de permanence, pen-
dant les heures d'ouverture des musées, les rela-
tions avec le public et avec le personnel de sur-
veillance. Les missions et congés sont réglés de
telle sorte qu'aucun département ne puisse res-
ter vacant.
Art. 8. — Le musée du Louvre est divisé en sept
départements, savoir :
Le département des antiquités égyptiennes ;
Le département des antiquités orientales et de
i unique antique :
Le département des antiquités grecques et romai-
nes ;
Le département des peintures, des dessins et de
la chalcographie :
Le département de la sculpture du moyen âge,
de la Renaissance et des temps modernes :
Le département des objets d'art du moyen âge,
de la Renaissance et des temps modernes (à ce
département sont rattachés les collections de l'art
musulman et de l'art de l'Extrême-Orient) ;
Le département de la marine.
Le musée du Luxembourg, le musée de Cluny
les musées de Versailles et des Trianons, le musée
de Saint-Germain constituent chacun un dépar-
tement des musées nationaux.
La répartition des collections entre ces départe-
ments, leur titre et leur constitution même, pour-
ront être modifiés suivant les besoins du service.
Ces modifications seront déterminées par arrêtés
ministériels sur la proposition du directeur.
Les emplois de conservateur adjoint et d'attaché
sont répartis entre les départements en raison
des nécessités du service.
Art. (). — Le directeur, le conservateur et les
conservateurs adjoints forment ensemble le comité
consultatif des musées nationaux. Le comité con-
sultant se reunit régulièrement deux fois par
mois, sauf en août et septembre.
Le directeur peut, toutes les fois que les cir-
constances le demandent, le convoquer en séance
extraordinaire.
Nul ne peut manquer d'assister au comité sans
excuse valable formulée par écrit avant l'ouverture
de la séance.
La présidence appartient au directeur, ou. à son
défaut au plu- ancien des conservateurs présents.
I tans les votes, en cas de partage, la voix du pré-
sident est prépondérante.
L dernier nommé des conservateurs adjoints
remplit les fonctions (le secrétaire.
Le comité délibère sur l'acquisition des œuvres
d'art (i l'acceptation des dons et legs et. en géné-
ral, sur toutes les questions qui lui sont soumises
p. ii le directeur.
Aucune acquisition, legs ou donation ne peut être
soumise à l'examen du conseil de l'établissement
■ le la réunion des musées nationaux ou proposée
a l'approbation du ministre sans un vote préa-
lable du comité.
Cependant, en cas d'urgence, et dans l'impOSSÎ-
bilité de réunir le comité, le direi teui et le conser-
vateur compétent peuvent , sous leur responsabilité,
■ i directement au conseil et au ministre.
Art. 10. — L'enseignement est donné, à l'école
du Louvre, par le personnel des conservations. Les
professeurs peuvent, avec l'approbation du direc-
teur et après avis du conseil des études, être auto-
risés par arrêtés à se faire suppléer par les conserva-
teurs adjoints.
La durée de la suppléance ne pourra excéder
une année et l'autorisation ne pourra être renouve-
lée pendant plus de cinq années consécutives.
Art. il. — LTne chaire est attribuée à chacun des
départements des musées nationaux, exception
faite pour le département des antiquités orientales
et de la céramique antique qui en comporte deux,
du musée de Cluny et du musée de marine qui
n'en comportent point.
Les enseignements qui y sont donnés sont fixés
par le ministre.
Art. 12. — Les professeurs forment, sous la pré-
sidence du directeur, un conseil des études qui se
réunit obligatoirement deux fois par an. au début
et à la clôture de l'année scolaire, et plus souvent
si le directeur juge opportun de le convoquer.
Les professeurs suppléants, pendant la durée de
leur suppléance, seront admis au conseil des étu-
des avec voix consultative.
Le conseil des études arrête le programme des
cours et conférences, délibère sur toutes les questions
concernant l'enseignement ou le personnel de l'école
du Louvre qui sont inscrites par le directeur à l'ordre
du jour.
Art. 13. — Le personnel des secrétariats est
nommé et révoqué par le ministre.
Il se compose :
i° Du secrétaire de la direction, qui a sous ses
ordres un rédacteur, des commis et une dame
dactylographe, chargée du service d'expédition et
de copie ;
2° Lu secrétaire agent comptable de l'établis-
sement de la réunion des musées nationaux de
qui relèvent les préposés à la vente de la chalcogra-
phie et du moulage et le préposé adjoint à la vente
de la chalcographie ;
30 D'un secrétaire au musée de Cluny :
40 D'un secrétaire au musée de Versailles ;
5° De médecins.
Le secrétaire de la direction est chargé, sous
l'autorité du directeur, de la préparation du bud-
get, de la liquidation et de l'ordonnancement des
dépenses, des marchés de travaux et de fournitures,
des mouvements dans le personnel et généralement
de l'étude de toutes les affaires concernant l'admi-
nistration des musées nationaux.
Le secrétaire agent comptable de la réunion des
musées nationaux est chargé sous sa responsabilité,
de tout le service financier de cet établissement.
Il est chargé, en outre, sous l'autorité du direc-
teur des musées nationaux, de l'étude et de la pré-
paration de toutes les affaires qui concernent la
gestion de l'établissement de la réunion des musées
nationaux.
Art. 14. — La surveillance des musées nationaux
est laite par des gardiens.
Les gardiens des musées nationaux sont nom-
més par arrêtés du ministre de l'instruction publi-
que et des beaUX-artS d'après des listes de classe-
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
59
ment dressées au ministère de la guerre, en exécu-
tion de la loi du 21 mars 1905. A défaut de can-
didats militaires, le choix appartient au ministre de
l'instruction publique.
Les gardiens peuvent être révoqués par arrêté
ministériel sur la proposition du directeur.
Les gardiens des musées nationaux sont répartis
en classes. Ils avancent à l'ancienneté sur l'ensem-
ble du corps, à quelque musée qu'ils appartiennent.
Les gardiens sont placés sous l'autorité du direc-
teur, des fonctionnaires de la conservation et du
secrétariat et commandés par des chefs, des sous-
chefs et des brigadiers.
Les grades sont donnés exclusivement au choix.
Art. 15. — Un personnel auxiliaire de surveil-
lance, recruté parmi des inspecteurs de police,
peut être chargé de renforcer dans les divers musées
nationaux, le personnel des gardiens.
Art. 16. — Les mesures disciplinaires applica-
bles aux gardiens sont, en dehors de celles qui
sont prévues par le règlement intérieur qui les con-
cerne :
1° La réprimande par le directeur, sur la propo-
sition du chef des gardiens ;
2° Le blâme, infligé par le ministre, avec ins-
cription au dossier pouvant entraîner l'inaptitude
à l'avancement pendant une année ;
30 La rétrogradation d'un ou plusieurs rangs
dans la classe ou la rétrogradation à la classe immé-
diatement inférieure de l'emploi occupé par
l'agent ;
40 La révocation.
L'application des trois dernières peines est
prononcée par le ministre sur l'avis d'un comité
composé d'un conservateur, du secrétaire de la
direction, du chef des gardiens et de deux délégués
non gradés désignés par le sort dans le personnel
des gardiens.
Dans tous les cas prévus ci-dessus et avant la
réunion du comité, le dossier est communiqué à
l'intéressé qui a le droit de présenter des observa-
tions écrites ou verbales.
Les arrêtés qui édictent les trois dernières
peines sont motivés et visent l'avis du comité.
Au cas où l'agent mis en cause serait passible
de la peine de révocation l'accès du musée pour-
rait lui être interdit par le directeur en atten-
dant que le ministre se prononce.
Art. 17. — Les musées nationaux sont pourvus
d'ateliers :
Au Louvre :
L'atelier de chalcographie, ■
L'atelier de moulage,
L'atelier des marbriers,
L'atelier de menuiserie,
L'atelier de montage et de restauration,
L'atelier d'encadrement,
L'atelier de la marine.
Au musée de Versailles : un atelier.
Au musée de Saint-Germain : un atelier.
L'atelier de moulage du Louvre est placé
sous les ordres immédiats des conservateurs des
départements de la sculpture antique et de la sculp-
ture moderne ; l'atelier de la chalcographie sous les
ordres immédiats du conservateur des peintures.
Les ateliers des musées de la marine, de Ver-
sailles et de Saint-Germain, relèvent respectivement
des conservateurs des musées auxquels ils sont
ratl achés.
Art. 18. — Le personnel des ateliers des musées
nationaux se compose de chefs d'ateliers, d'ou-
vriers, d'aides et d'apprentis.
Le chef de l'atelier de la chalcographie et le chef
de l'atelier de moulage portent le titre de chef de
service technique de ces ateliers.
Auprès de l'atelier de moulage est placé un pré-
posé à la vente des produits et à la garde du maté-
riel, auprès de l'atelier de la chalcographie sont
placés un préposé et un préposé adjoint à la vente
des estampes et à la garde du matériel.
Les deux préposés agissent comme régisseurs
de recettes pour le compte de l'établissement de-
là réunion des musées nationaux.
A la bibliothèque est attaché un préposé spécial.
Les préposés et le préposé adjoint sont choisis
dans le personnel des gardiens et nommés par
arrêtés ministériels.
L'atelier du musée de Saint-Germain est dirigé
par un chef d'atelier.
Les chefs d'ateliers sont nommés par arrêtés
ministériels sur la proposition du directeur et après
avis du conservateur du département ou musée
dont ils dépendent.
L'encadreur et le réparateur de vases et d'anti-
quités ont rang de chefs ouvriers.
Les ouvriers sont embauchés et congédies sur
la proposition des chefs d'ateliers par le directeur
des musées suivant les besoins du service et dans
les limites des crédits inscrits au budget.
Ils sont astreints à un stage payé d'un mois
avant leur engagement définitif.
Ils subissent chaque mois sur leur salaire un
prélèvement de 4 p. 100 au minimum qui est versé
à la caisse nationale des retraites pour la vieillesse,
l'Etat faisant, de son côté, un versement égal.
La bonification de l'État est placée à capital
aliéné.
DISPOSITIONS GÉNÉRAI.KS
Art. 19. — Nul ne pourra être promu à une classe
supérieure de traitemenl s'il ne compte au moins
deux années de services dans la classe où il est
placé.
Dans le personnel des gardiens, les promotions
de classes sont attribuées au Ier janvier et au Ier
juillet de chaque année, les promotions d'emploi
au fur et à mesure que les vacances se produisent.
Art. 20. — Toutes les dispositions antérieures
contraires à celles du présent décret sont abrogées.
Fait à Rambouillet, le 27 mai tgiO.
A. Fallières.
1 '.i! le Pn sident de la République
Le ministre de l'instruction publique
■ i . beaux arts.
( '. \si'< IN 1 lOUMERGUË.
LE MUSÉE DE LA SOCIÉTÉ DES AMIS DU VIEUX REIMS
I >e toute part dans les dernières années un mouve-
ment s'est dessiné plus ou moins efficace et actif
de protestation contre le vandalisme officiel ou
privé et de réunion entre les bonnes volontés
conservatrices de la parure historique et pittores-
que de nos vieilles cités. La jeune société des amis
du Vieux Reims, fondée en février 1909, est aujour-
d'hui l'une des plus prospères et l'une des plus viva-
ces de ces associations de défense, peut-être parce
que nulle part mieux qu'à Reims on n'a senti
menacé, dans
les derniers
temps, en
deux ou trois
spécimens de
premier or-
dre, le patri-
moine artisti-
que commun
d'une cité
d'ailleurs bien
vivante et
prospère. La
nécessité du
sauvetage de
la maison des
Musiciens a
montré la va-
leur de l'effort
collectif et
laissé grou-
pées les bon-
nes volontés qui s'étaient dressées contre sa dispari-
tion. Espérons que le succès ne se démentira pas dans
des occasions qui ne larderont pas, dit-on, à se pro-
duite bientôt. Contentons-nous d'ailleurs ici d'enre-
gistrer la création, parmi les autres institutions
dues à l'initiative des amis du Vieux Reims, d'un
musée auquel, des sa fondation, les concours n'ont
pas manqué et qui paraît devoir, si le mouvement
continue, s'enrichir rapidement et heureusement :
non pas, bien entendu, que l'on se propose de mo-
biliser artificiellement les parcelles encore en place
1] de la vieille ville; mais c'est bien ici le cas
où le musée, asile légitime des épaves dispersées,
peut aussi par des documents graphiques et des
reproductions fidèles contribuer à cette besogne de
Exposition des collections de la Société des Ami:
résurrection qui est celle de l'histoire et des musées.
Ce musée-bibliothèque a été assuré par la bonne
grâce libérale de M. Hugues Krafft, président de
la .Société, d'un local qui n'obérera pas le bud-
get de celle-ci, dans l'ancien logis des Coquebert,
une vieille maison familiale du temps de Louis XIII,
(5. rue Salin) qui a gardé son aspect extérieur et
garde encore à l'intérieur de nombreux vestiges du
passé.
Une exposition y a été organisée dès l'hiver der-
n i e r p 0 u r
montrer soit
diverses séries
d'aquarelles
et dessins eu
cours d'exé-
cution, soit
les dons faits
à la .Société
depuis son
origine par
ses adhérents
ou ses amis.
Une grande
salle de Réu-
nion, avec une
cheminée
Louis XIII et
un mobilier
sobrement re-
constitué
dans le même
goût, servait de salle principale à l'exposition. Une
autre salle dite salle de travail et plusieurs paliers
ou cabinets avaient pu recevoir des séries de do-
cuments groupés, ainsi qu'on peut le voir sur la
photographie que nous reproduisons ci-contre, avec
un ordre et un goût parfait, sans entassement,
ni allure de bric-à-brac, sans richesse super-
flue de présentation, ni indigence trop archéolo-
gique.
Les documents réunis, dont l' Annuaire-bulletin
de la société nous donne la nomenclature, consis-
tent en gravures anciennes, plans anciens, dessins
et peintures, sculptures sur pierre et sur bois, vitraux,
moulages, etc. Bibliothèques et cartons ont déjà
reçu quantité d'ouvrages et d'images précieuses
Cl. Rothicr.
du vieux Reims.
BULLETIN DES MUSEES DE ERANCE
pour le travailleur et pour le curieux. Mais
nous noterons surtout, parmi les achats faits
par la Société, outre 25 moulages choisis dans un
esprit éclectique depuis l'époque romaine jusqu'au
xvme siècle, un bas-relief en pierre du xve siècle
représentant Dieu le père bénissant, trouvé dans
une maison de la rue Laurent Dératny et une
porte cochère de l'époque Louis XV provenant de
l'ancien palais archiépiscopal.
Parmi les dons nous remarquons, par M. Henri
Mendel, deux médaillons de pierre sculptée, profil
d'homme et profil de femme, époque de François Ier,
provenant d'une maison rue Eugène-Destenque,
par M. Auguste Coutin une tête en pierre au
xme siècle trouvée rue de l'Arbalète, par M. H. Gar-
dez une tête en pierre d'époque gallo-romaine
découvertederrièrel'Arc-de-Triomphe, par M. Krafft
quatre panneaux de bois sculpté du xvie et du
xvme siècle, par M. Paul Simon deux spécimens
des vitraux en forme de médaillons de la grande
rose de la cathédrale, etc.
Ces collections, si elles sont, comme il semble,
rigoureusement choisies parmi les fragments de toute
nature qui puissent évoquer la vie du vieux
Reims et son cadre aux époques antérieures, si
elles sont bien présentées et classées, comme on
paraît en avoir le dessein et le goût, peuvent former
des ensembles très intéressants et très curieux,
Cl. Rothier.
Fig. 23. — Salle de réunion
de la Société des Amis du vieux Remis.
qui ne doublent en aucune façon les collections
déjà existantes, pas plus que le Musée Carnavalet
ne fait double emploi avec Cluuy ou avec le Louvre.
P. V.
OBJETS CHINOIS ANCIENS ET CHINOISERIES DU XVIII' SIÈCLE
AU MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS
Nous nous intéressons de plus en plus aux arts
de l'Asie Orientale. Nos amateurs y trouvent des
plaisirs raffinés, quelques artistes un enseignement.
Mais cette curiosité ne date pas d'hier. Na-t-elle pas
été jusqu'à l'engouement du règne de Louis XIV
à la Révolution ? C'est ce que nous rappelle la dix-
huitième exposition temporaire du Musée des Arts
décoratifs (1) : à côté d'objets fabriqués en des
(i| Elle a été organisée par M. L. Metman avec le concours
d'un comité et de nombreux collectionneurs. M. Jacques
Guérin, attaché au Musée qui a pris une part très active
à cette exposition nous en conservera un souvenir dans
l'album La Chinoiserie en Europe au XVIII" siècle qu'il
publiera à la librairie centrale des Beaux-Arts.
temps lointains par les habitants du Céleste Em-
pire, gens « moult subtils de tous métiers », comme
disait le rédacteur du Livre de Marco-Polo, on y
voit une collection très variée et amusante de meu-
bles, d'étoffes, de bibelots... façon de Chine, exé-
cutés en Europe et particulièrement en France au
xviii1' siècle.
Dans la lumière adoucie des dernières travées de
la nef, c'est l'art chinois : terres-cuites trouvées dans
des tombeaux de l'époque clés Ilau. céramiques
de la dynastie des Song, céramiques émaillées mu
biscuit, stèles en pierre, vases et statues en bronze,
émaux cloisonnés du temps des Ming, laques rouges
.lits de Pékin... Il y a là d'inestimables trésors.
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
Il faudrait de Longues études spéciales pour en par-
ler dignement. Mais qui ne serait sensible à la beauté
des formes el des matières, à la perfection du tra-
vail 3 Dans les vitrines, des philosophes songent,
un vas élèv oc col d'un blanc laiteux, des coupes
s'ouvrenl comme des corolles : le bronze luit douce-
ment à côté des riches émaux bleus, rouges et verts.
Aux murs, des peintures graves et sans éclat, des
tapis, des plateaux dont les émaux forment des
paysages qui eussent enchanté Gauguin. Et tout
au fond de la nef se développe un paravent en laque
île Coromandel où des oiseaux volent ou se repo-
sent dans un ciel d'or, au milieu de lotus et
d'arbres en fleurs. Si l'on a la curiosité de regarder
le revers de ce paravent, on y verra un moins féerique
spsctacle : des cavaliers coiffés de hauts chapeaux
noirs à larges bords. Ce sont des Hollandais du
XVIIe siècle ; et voilà qui nous annonce les rapports
de l'Europe avec l'Extrême-Orient.
Ces rapports, dont l'histoire nous ferait remonter
jusqu'au temps des Romains, se multiplièrent
à partir du XVIe siècle, quand les Portugais eurent
découvert la route des Indes par le cap de Bonne-
Espérance, mais c'est au cours du xvne siècle,
lorsque furent fondées en Hollande, en Angleterre,
puis en France des compagnies des Indes Orien-
tales qu'ils devinrent fréquents et réguliers. D'Es-
pagne et de Portugal où il était né, le goût des objets
de la Chine se répand alors dans toute l'Europe (i).
< )n importe des étoffes brodées ou peintes, des
meubles et des coffrets en laque, des vases en
bronze et surtout des porcelaines. Souverains et
grands seigneurs les recherchent à l'envi. A côté des
chefs-d'œuvre de l'art italien, le cardinal Mazarin
montrait déjà dans son cabinet des objets d'Ex-
trême-Orient qui firent en 1658 l'admiration de
Mlle de Montpensier. Les Inventaires royaux, les
mémoires, les catalogues de collections célèbres,
comme celles de Gaignat, de Crozat, du duc d'Au-
mont, fournissent mille exemples _ île ce goût :
il dure sans s'affaiblir jusqu'à la Révolution.
Les étoffes étaient recherchées pour l'ameuble-
ment. Lorsqu< I..i Fontaine ei ses illustres amis
firent à Versailles la promenade si joliment racontée
dans les Amours de Psyché et de Cupidon (1669),
111 Mlle 11. Belevitch-Stankevitch a raconté cette
a dan un livre plein de renseignements nou-
!'■ 1 •• > 1. m de l'I oivei
itê de P 1 ■ ■ /'/11//1 e ,111 t, mps de
Kl V, Paris, [ouvi [910, in0 s. XI. 1 V j;j, pp.
ils « s'arrêtèrent longtemps à considérer le lit, la
tapisserie et les sièges dont on a meublé la chambre
et le cabinet du Roy ; c'est un tissu de la Chine plein
de figures qui contiennent toute la religion de ce
païs-là. Faute de Brachmane, nos quatre amis
n'y comprirent rien ». — Combien plus de temps leur
eût-il fallu pour considérer les trésors apportés
en présent à Louis XIV en 1686 par la fameuse
ambassade de Siam ! — : On servait le fruit et le
dessert dans des coupes de porcelaine, même à la
table royale, et l'on sait combien cette mode se
développa lorsque les dépenses de la guerre eurent
obligé le roi et la cour à envoyer à la Monnaie la
vaisselle d'or et d'argent. Dans les gravures de
Bérain et surtout dans celles de Daniel Marot, qui
travaillait en Hollande, on voit des vases en porce-
laine de Chine sur le manteau des cheminées et
jusque sur les corniches ; d'autres posés sur des
consoles d'applique mêlaient leurs couleurs à l'or des
lambris, et c'est ce qu'il y a de plus chinois dans
un « panneau à la chinoise », gravé par Mariette
d'après J.-F. Blondel. Les plus beaux recevaient
des montures en bronze dont l'art de nos ciseleurs
a fait de précieux chefs-d'œuvre. Les pièces de ce
genre, conservées au Musée du Louvre sont bien
connues. Il en est de fort remarquables parmi celles
qu'ont prêtées à l'exposition du Pavillon de Marsan
MM. Doistau, Hodgkins, Larcade et Lehmann.
Mais bien vite, l'art chinois provoque chez nous
des imitations. Ces objets apportés d'un pays loin-
tain à grands frais et au prix de voyages qui n'étaient
pas sans péril, il était inévitable qu'on essayât de
les faire en Europe, ou du moins, pour complaire au
goût du jour, d'en copier le décor. C'est ce que
montre l'histoire de la faïence et de la porcelaine.
Déjà, au xvie siècle, Venise avait essayé de sur-
prendre le secret des mystérieux produits de la
Chine ; dès le milieu du XVIIe, Delft, héritière du
privilège de la faïence fine de La Haye, se flatta
d'y avoir réussi, puisque ses produits, très recher-
chés, se vendaient sous le nom de « porcelaines de
Hollande ». Rouen imite à la fois Delft et la Chine.
Et tandis que les pâtes tendres de Saint-Cloud, —
fabrique chère au Régent, — deChantilly, — protégée
par le chef delà Maison de Condé, de Mennecy-Vil-
leroy, Vincennes, se rapprochaient des modèles tant
admirés et en reproduisaient les gaies couleurs; tandis
que la porcelaine dure était découverte en Saxe
vers ijoo.puisen France.et faisait la gloire de Sèvres,
on se plut dans toutes nos fabriques de faïence à
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
63
peindre aux flancs des vases ou sur les plats des
familles chinoises, des haies de bambou, des pagodes
aux toits retroussés, des fleurs étranges. La collec-
tion de M. Papillon nous montre de nombreux exem-
ples de ce fait, empruntés à Nevers, Sinceny, Lille,
Sceaux, Strasbourg, Saint-Omer, Les Islettes,
Aprey, Bordeaux, Marseille, Moustiers, Moulins,
Lyon... M. de Chavagnac a envoyé de délicieuses
pièces en porcelaine tendre de Chantilly.
L'histoire des laques et des vernis est analogue.
Un cartonnier du temps de Louis XV à décor d'oi-
seaux et de paysages appartenant à M. Hodgkins,
une commode de la même époque ornée de chimères
dans' des nuages (à M. Larcade) un secrétaire à
abattant, œuvre de Weiswiler, qui fut reçu maître
ébéniste en 1778... encadrent dans leurs bronzes
ciselés et dorés des panneaux en laque du Japon.
Mais la plupart des meubles réunis ici sont en imi-
tations de laques, quelquefois assez grossières. Les
frères Martin doivent leur renommée à ces vernis
« façon de Chine ». D'autres ébénistes en faisaient
bien avant eux et il y avait au milieu du xviii0 siècle
à la manufacture des Gobelins un artiste qui portait
le titre de « Directeur des ouvrages de la Chine en
peinture et dorure pour le Roy ».
Il se fit aussi de bizarres échanges. On comman-
dait des meubles en Extrême-Orient sur des mo-
dèles de chez nous ; on y envoyait des panneaux
pour les faire laquer. M. Arthur Martin a prêté à
l'Exposition des étoffes tissées à Lyon et peintes en
Chine. Toute une vitrine de la nef est remplie de
porcelaines plus curieuses que belles fabriquées
en Chine pour la Compagnie des Indes d'après des
dessins européens. Tandis que nos artistes s'effor-'
çaient, quelquefois bien maladroitement, de peindre
sur un panneau ou sur un vase des rochers et des
arbres qu'ils n'avaient jamais vus, sinon sur des
porcelaines ou des laques, des artistes chinois s'ap-
pliquaient sans plus de bonheur à copier au fond
d'une assiette nos guirlandes, nos perruques et
nos paniers.
Le plus souvent, sans prétendre à faire de véri-
tables contrefaçons des ouvrages chinois, nos artistes
se contentèrent d'emprunter à ces ouvrages îles
sujets d'inspiration, et c'est alors que la mode eut
les résultats les plus heureux. Quoi de plus char-
mant, par exemple, que les Chinois si peu Chinois
peints par Watteau au château de la Muette ou
ceux que dessinait Boucher pour les tapisseries
de Beauvais ? Avant eux, Bérain avait mêlé à ses
grotesques d'inspiration italienne quelques figures
aux chapeaux pointus : n'était-il pas l'ordonnateur
de la fête chinoise donnée en 1700 par Monsieur
dans ses appartements de Versailles ?
Peyrotte peindra des chinoiseries au château de
Choisy, Huet habillera quelquefois ses singes de
costumes chinois. Huquier et Pillement fourniront
de fleurs et de paysages chinois les manufactures.
Les gravures vulgarisèrent ces compositions et
l'on vit au xvine siècle des chinois partout : dans
les tentures de Beauvais et d'Aubusson, sur les
sièges, sur les étoffes tissées ou peintes, les papiers
peints, les panneaux en marqueterie, les pendules
et les cartels, les appliques, les éventails... — sans
parler des jardins où l'on élevait des pagodes.
Mais quelle fut l'influence d'une mode si pros-
père ? Profonde sur la céramique, puisqu'elle a
créé l'usage d'une matière nouvelle, de tons aux-
quels on n'était pas accoutumé, elle fut superfi-
cielle dans les étoffes et le mobilier. Les Chinois rem-
placèrent quelquefois dans le décor des amours ou
des nymphes; ils s'assirent sur des chenets à la place
de Pluton et de Proserpine, ouvrirent au haut d'une
pendule leur parasol à clochettes, mais ils ne modi-
fièrent ni la technique ni les formes essentielles. C'est
peut-être une des raisons pour lesquelles ils plurent
si longtemps, jusque dans les dernières années de
Louis XVI, en plein retour à l'antique. Ils ne parais-
sent pas avoir inquiété les réformateurs qui dès le
milieu du xvme siècle protestaient contre la rocaille.
C'étaient de pacifiques ambassadeurs d'un pays fabu-
leux ; leurs yeux rieurs, leurs façons cérémonieuses,
leurs longues robes à ramages, leurs pêcheurs à la
ligne et leurs clairs de lune amusaient.
LÉON Deshairs.
PUBLICATIONS RELATIVES AUX MUSÉES DE FRANCE
Annales du Musé,- Guimet (Tome IV). — La
Peinture chinoise au Musée Guimet, par
MM. Tchan Yi-TCHor et J. Hackin. Paris, Paul
Geuthne, éditeur.
Cet ouvrage présenté sous tonne d'album, avec
de nombreuses planches, comprend un catalogue
précis et détaillé des peintures exposées au Musée
Guimet dont nous avons parlé dans notre dernier
numéro. Plusieurs d'entre elles sont reproduites
d'une façon fort satisfaisante ; on aurait voulu
pouvoir se rendre compte mieux encore du mérite
de certaines autres, et en particulier de celles qui
proviennent d'un don du gouvernement Impérial
chinois.
Mais ce qui nous intéresse davantage dans ce
volume, c'est l'histoire sommaire de la peinture
Chinoise qui précède le catalogue. Si résumé soit-
il. il constitue pour les Français un complément
fort intéressant aux chapitres consacrés au même
sujet dans l'Art Chinois de Paléologue et dans
l'ouvrage de Bushell portant le même titre qui
vient d'être traduit dans notre langue, (Laurens,
éditeur). Les auteurs ne prétendent pas à l'originalité.
Us se sont contentés de résumer les livres anglais de
MM. Gileset Hirth, en mettant également à contribu-
tion les études particulières de M. Chavannes parues
dans le Toung-Pao. L'ouvrage est clair, et, nous
semble-t-il, exact. Les références y sont données
et par une innovation que l'on voudrait voir
imiter dans les volumes traitant de sujets rela-
tifs à l'Extrême-Orient. MM. Tchang Yi-Tchou
et Hackin ont mis à la fin de leur histoire un index
alphabétique des peintres en y joignant les carac-
tères chinois. G. L.
Petites monographies des grands édifiées de la France.
— L'Hôtel des Invalides, par Louis Dimier.
Le château de Vincennes, par le capitaine de
Foss*. Paris, Laurens avec 45 et 32 gravures.
Nous n'avons pas à apprécier ici au point de
vue historique et archéologique ces deux nouveaux
volumes de l'utile collection qu'a fondée, il y a peu
de temps, et que pousse activement à la librairie
Laurens M. Eugène Lefèvre-Pontalis. On pourrait
dire que c'est le catalogue qui se rédige du grand
musée des richesses architecturales de la France;
mais nous noterons plus précisément comme
rentrant dans notre programme les indications
très précises que M. Dimier donne dans sa notice
sur les divers musées contenus dans l'hôtel des
Invalides, musée ethnographique, musée de l'Armée,
musée d'Artillerie. Nous signalerons en particulier
sur ce dernier le chapitre de son livre qui consti-
tue un véritable guide sommaire à travers le
magnifique musée d'armes que l'on sait. D'autre
part nous nous associerons volontiers au vœu que
forme M. le capitaine de Fossa de la désaffectation
du donjon de Vincennes où quelques documents
anciens, discrètement arrangés, sur l'armement
du moyen âge remplaceraient utilement les amon-
cellements d'armes modernes qui y sont entassées.
ÉCOLE DU LOUVRE
°t V °t Le 8 juin dernier M. Louis Demonts a sou-
tenu une thèse qui lui a valu le diplôme de l'Ecole
devant un jury composé de MM. Homolle, direc-
teur, Leprieur et Reinach, professeurs à l'Ecole.
M. Demonts avait choisi comme sujet de travail
la série des dessiu\ allemands conservés au Musée.
Le cat dogue critique qu'il en a dressé en s'aidant
des travaux les plus récents de la science étrangère
et en y ajoutant de nombreuses observations et
comparaisons personnelles a été fort apprécié et
pourra faire l'objet d'une publication ultérieure
sur cette- série trop peu connue.
il, V Y Le z juillet, devant un jury présidé par
M, Homolle et composé de MM. Pottier et Mïchon.
M. JEAN MORIN a soutenu une thèse sur les
animaliers de la Grèce dont nous donnerons
prochainement ici les grandes lignes.
°£ °f °£ Conformément au nouveau décret dont
nous donnons le texte d'autre part, une assemblée
des professeurs de l'Ecole a eu lieu en juillet sous
la présidence de M. Homolle. Les sujets des cours
de l'année 1910-1911 y ont été proposés et acceptés.
Nous en donnerons prochainement la nomenclature.
Indiquons tout de suite que M. Dussaud remplacera
par un seul cours d'épigraphie et d'archéologie
orientale les deux cours de M. Ledrain, que
M. Leprieur compte faire cette année, le cours
d'histoire de la peinture, enfin que les trois profes-
seurs nouvellement nommés ouvriront leur cours,
M. Michon sur les antiquités grecques et romaines
en insistant plus particulièrement sur l'histoire des
collections du musée. M. de Nolhac sur l'art français
du xvrte et du xvin1' siècle, principalement à Ver-
sailles, M. Léonce Bénédite sur l'art du XIXe siècle.
Fontenay-aux-Roses. ' — Imp. L. Belienand.
Le Gérant : G. Létard.
Bulletin des Musées
de France
LE BUSTE DU CARDINAL DE RICHELIEU PAR LE BERNIN
au Musée du Louvre
Le buste que Le Bernin fit en 1642 pour le
cardinal de Richelieu passe pour être perdu (1).
Je voudrais essayer de démontrer qu'il existe
encore et qu'il n'est autre que le buste exposé
au Musée du Louvre, actuellement considéré
comme une sculpture française de la seconde
moitié du xvne siècle.
Ce qui a pu empêcher les connaisseurs de re-
connaître dans cette œuvre la main du Bernin,
c'est qu'elle n'est pas très significative de sa
manière, et cela tient à ce que Le Bernin fit son
buste, non d'après l'original, mais d'après trois
peintures de Philippe de Champagne représen-
tant le cardinal de face et de profil. Dans de telles
conditions l'artiste perd nécessairement une
partie de son individualité' : il n'est plus un créa-
teur personnel, n'ayant d'autre maître que lui-
même, pouvant faire preuve de ses qualités
d'observateur et de psychologue, il a un collabo-
rateur et dans son œuvre c'est ce collaborateur
qui aura la plus grande part. Ici c'est Ph. de
Champagne qui a le premier rang, qui met sa
marque, une marque dont sou interprète ne peut
que malaisément s'affranchir. Le Bernin qui était
un maître particulièrement hardi, qui excellait
à reproduire les mouvements les plus fugitifs
et qui semblait vouloir fixer l'instantané, devait
être très gêné lorsqu'il se trouvait réduit à copier
une attitude déjà arrêtée, et, d'autre part, son
tempérament ardent et sensuel devait être un peu
glacé par la sobriété, par la gravité sévère de
l'art de Ph. de Champagne (2).
(1) Courajod dit que le buste du Bernin figurait em ore
au xvne siècle dans l'inventaire de la Duchesse d'Aiguillon
sous le n0Qi7, et qu'il y fut prisé 1200 livres. Depuis lors
sa trace est perdue.
(2) « Le Bernin, dit Baldinucci, prétendait que dans
un portrait le tout consistait à mettre en lumière les qua-
lités propres de l'individu, ce que la nature avait mis en
Nous ne pouvons donc espérer trouver dans
le buste du cardinal les traits ordinaires qui sont
la marque du génie du Bernin et il n'est pas éton-
nant que l'on passe devant le buste du Louvre
sans reconnaître sa main.
C'est à la, suite d'une étude très attentive du
style du Bernin, et de ses caractères particuliers
aux diverses époques de sa vie, que je suis arrivé
à cette conclusion que le buste du Louvre était
son œuvre et ce sont de petits détails qui tout
d'abord ont éveillé mon attention. En l'absence
de caractères fondamentaux, ce sont des parti-
cularités secondaires, surtout du travail de l'outil,
des habitudes de main du sculpteur, que je vais
parler. Je fus frappé tout d'abord par la façon
dont la chevelure et la moustache étaient trai-
tées, avec ce travail de très fines ondulations
horizontales, l'ait comme par un tremblement du
ciseau, qui est caractéristique de la manière du
Bernin et que l'on remarque surtout dans les
œuvres faites avant 1640, par exemple, dans la
Daphiic et la Sainto-Bibiane, manière qui rend
d'une façon si heureuse la finesse et la souplesse
de la chevelure. C'était encore un trait non moins
particulier au Bernin, la recherche d'un autre
procédé pour achever de donner le plus de légè-
reté possible à la chevelure, en la perçant «le trous
et en détachant les mèches les unes des autres.
Le Bernin allait si loin dans ses recherches
de légèreté que ses œuvres devenaient de ce chef
lui spécialement, et non chez d'autres : mais qu'il impor-
tait dans cette rei tien he de s'attacher mm aux particula-
riti ei ondaires. mais au plus belles. \ cet effet il avait
une méthode <Ie travail toute ipéciale. Il m- voulait pas
que les personnages qui posaient devant lui restassent
immobiles, mais il les faisail marchei et causer. De > e 1 1 .
façon il découvrait mieux leur nature intime et il pouvait
li repn lentei tels qu'ils étaient. Un personnage qui se
tient immobile, disait il n'est jamais aussi ressemblant à
lui-même que lorsqu'il est en mouvement. »
66
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
très fragiles. C'est ainsi qu'il est facile de constater
que, dans la moustache et dans la chevelure
du buste du Louvre un certain nombre de petites
mè< lu s ont été brisées.
Dans le buste de Charles Pr. roi d'Angleterre,
que Le Bernin avait fait quelque temps aupara-
vant, non d'après nature, mais d'après des pein-
tures ci mime pour le buste de Richelieu, cette
recherche de la légèreté des boucles de la chevelure
avait été une de- ses grandes préoccupations,
et nous avons sur ce point un renseignement
très intéressant dans le journal d'un voyageur
anglais, Nicolas Stone, qui rapporte une conver-
sation qu'il eut avec Le Bernin en 1638 (1). Le
Bernin lui demanda s'il n'était arrivé aucun acci-
dent à son œuvre dans le voyage de Rome à Lon-
dres et en particulier si aucune mèche de la cheve-
lure n'avait été cassée et il se fit donner les plus
minutieux détails sur la manière dont son buste
avait été emballé.
Dans cette conversation Le Bernin ne manqua
pas de s'informer de ce que l'on avait pensé de son
œuvre à Londres. Et sur la réponse que tout le
monde l'admirait, non seulement pour la per-
fection, la délicatesse (exquisiteness) du travail,
mais pour sa ressemblance et la vérité de l'atti-
tude, il repondit qu'on le lui avait déjà dit mais
qu'il ne l'avait jamais cru. Il était le premier à
se rendre compte que des œuvres ainsi faites ne
pouvaient pas être très ressemblantes.
Ayant été mis en éveil par le caractère de la
chevelure, j'étudiai le buste avec plus d'attention
et il ne me fut pas difficile de retrouver d'autres
traits de l'art du Bernin. par exemple dans la ma-
nière d'indiquer les plis du vêtement et le frois-
sement de la soie. Des détails infimes peuvent.
dans des cas embarrassants comme celui-là. être
utilement remarqués, telle cette recherche pit-
toresque de représenter les boutons du camail,
tantôt complètement apparents, tantôt à moitié
engagés dans leur boutonnière comme on peut
le remarquer également dans le buste du cardinal
Scipion Eforghèse.
J'ajouterai enfin que, si l'on considère, à la Na-
tional Gallery, le triple Portrail peint par Ph. île
Champagne pour servir de modèle au Bernin,
ou est frappé de l'étroite analogie qui cxisU entre
ces peintures et le buste du Louvre, dans l'attitude
The 1 Bust "/ Charles 1. (-Burlington
Magazine, mars 1909.)
générale, dans la silhouette, dans le dessin de
la chevelure ; on peut noter un petit détail, fort
insignifiant en lui-même, mais ici singulièrement
suggestif, c'est la ressemblance absolue des deux
petits glands terminant le cordon d'attache
du camail. Il est probable que Le Bernin avait
poussé la témérité jusqu'au point de représenter
le cordon lui-même, tel qu'il se détachait en
saillie sur la peinture de Ph. de Champagne.
C'était un tour, de force bien fait pour le tenter.
Mais ici c'était trop de fragilité et cette partie
cassée n'existe plus.
Le catalogue du Musée du Louvre n'indique
comme provenance de ce buste que le Musée des
Monuments français, et il est assez difficile de
remonter plus haut. On sait qu'Alexandre Lenoir
reçut différents bustes de Richelieu, dont plusieurs
exemplaires du bronze de Varin qu'il distribua ou
sacrifia pour la fonte. Il ne conserva que notre
marbre qui semble avoir figuré avant la Révolu-
tion, dans la salle du chapitre de Notre-Dame.
Mais un renseignement très intéressant nous
est donné par un autre buste en bronze, conservé
à Postdam, qui me paraît une véritable réplique
de celui du Louvre et qui sort, sans doute, de
l'atelier même où a été sculpté le buste du Louvre.
Le buste de Postdam faisait partie de la collection
Polignac, collection qui vint en France en 1731
et qui fut achetée pour l'Allemagne en 1742. Or ce
buste, dans le catalogue de la collection Polignac,
alors que cette collection était encore à Rome,
était attribué au Bernin. Il est donc établi
qu'en 173 1, cinquante ans seulement après la mort
du Bernin. il y avait à Rome une tradition pour
lui attribuer ce buste. Cet argument venant
s'ajouter aux précédents leur donne une force
nouvelle.
Dans le Catalogue des Collections d'œuvres
d'art françaises du XVIIIe siècle appartenant
à Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne, catalogue
publié à Berlin en rgoo par M. Paul Seidel, ce-
buste, sans d'ailleurs qu'il soit fait mention de
sa ressemblance avec celui du Louvre, est attri-
bué à un sculpteur français, mais le rédacteur
du catalogue a eu la prudence d'indiquer ses
hésitations et de dire que M. Paul Vitry était
d'avis de maintenir l'attribution traditionnelle
au Bernin.
J'ai examiné très attentivement le buste du
Louvre avec MM. André Michel et Paul Yitry,
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
"7
conservateurs de la sculpture moderne. Tous deux,
ils ont accepté l'hypothèse de l'attribution au
Bernin et reconnu avec moi que ce buste n'avait
aucun des caractères de l'école française du milieu
du xviie siècle et que pour trouver son auteur
il fallait le chercher en Italie.
' Sans insister davantage, je rappellerai briève-
ment dans quelles conditions le
buste du Bernin a été fait. Les
relations de l'artiste avec le cardinal
de Richelieu ont été longuement
expliquées soit par Fraschetti dans
son volume sur le Bernin, soit sur-
tout par Courajod dans sa brochure
sur Warin.
Lorsque Le Bernin fit le buste du
cardinal, il était déjà dans toute
l'apogée de sa gloire et les plus
grands personnages se disputaient
l'honneur d'avoir leurs traits repro-
duits par son1] ciseau. Il surfit de
citer le buste du cardinal Scipion
Borghèse fait en 1632, et le buste
de Charles Ier, roi d'Angleterre, fait
en 1639.
Ce n'avait pas été une chose
facile à ce moment d'obtenir un
buste du Bernin. Dans ses démar-
ches le cardinal de Richelieu avait
eu Mazarin pour intermédiaire et
c'est le légat du pape, le cardinal
Antonio Barberini . neveu d'Ur-
bain VIII, qui avait obtenu l'adhé-
sion du Bernin.
Le Bernin avait vu le cardinal
de Richelieu lorsque celui-ci, en
1638, était allé à Rome pour prendre
le chapeau de cardinal, mais il ne
pouvait avoir qu'un souvenir très
vague de sa physionomie, lorsque le
cardinal en 1641 lui commanda
son portrait, et il dut le luire, non d'après nature,
mais d'après des peintures. Dans la lettre d'envoi
du buste au cardinal, pour s'excuser des imper-
fections que pouvait présenter son oeuvre, il
croit devoir faire allusion à cet inconvénient d'exé-
cuter une œuvre sans avoir le modèle sous les yeux.
Dès la réception du buste, Mazarin écrivit au
cardinal Barberini (12 août 1641) pour le remercier,
« Les jeunes gens du Cav. Bernin sont arrivés,
dit-il. Ils m'ont fait voir aussitôt la merveille
qu'ils apportaient : c'est le nom dont il me paraît
qu'on peut l'appeler ; car l'œuvre dépasse abso-
lument toute idée qu'on en pourrait faire. Et
sans excepter les anciens, je crois que jamais une
tête si belle et si parfaite n'a été exécutée ».
Cela, les termes de cette lettre, c'est la formule
Fis- 24. —
Cl. Giraudon.
Buste du < .ud111.il de Richelieu attribui lu Bi rnin.
[Musée du 1 ouvre.
de politesse obligée lorsqu'on écrit pour remer-
cier un grand artiste et ceux qui onl été vos inter-
médiaires auprès de lui. Mais dans nue lettre
du ; septembre 1641, que Mazarin écrit .'1 son
frère, il dit plus nettement sa pensée. Et l'opi-
nion vraie de Mazarin était que l'œuvre du Bernin
était très belle, mais qu'elle n'était pas très res-
semblante. « Je vous dirai confidentiellement
que le buste ne ressemble pas. Cela me déplaît
68
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
extrêmement parce que l'excellence de cette
œuvre qui vraiment surpasse toute attente, ne
sera pas universellement admirée ici, comme
irrail eu lieu si elle avait été très ressem-
blante. Je ne manquerai pas toutefois de faire
valoir cette œuvre et déjà j'en ai fait remarquer
la perfection à son Excellence et j'ai persuadé
la plus grande partie de la Cour qu'elle devait
la trouver très ressemblante. »
Quoiqu'il en soit que l'œuvre fut considérée
ou non comme très ressemblante, elle plut beau-
coup au Cardinal de Richelieu qui ne voulut pas
se contenter de n'avoir qu'un buste de la main
du Bernin et qui lui demanda de faire sa statue
en pied. Par une lettre du 24 mai 1642, adressée
.m cardinal, Le Bernin accepte cette commande.
mais la statue ne fut pas faite, ni peut-être
même commencée, par suite de la mort du car-
dinal survenue en 1642.
Pour conclure et revenir au buste du Louvre
nous dirons que ce n'est pas une des plus belles
œuvres du bernin. parce que. n'étant que la copie
de l'œuvre d'un autre, son génie ne pouvait pleine-
ment s'y manifester. Le Bernin était exception-
nellement habile et il pouvait plus que tout autre
réaliser ce tour de force de faire une sculpture
d'après des peintures, mais si son habileté pou-
vait se faire admirer il manquait toutefois dans
cette œuvre ses qualités les plus hautes, je veux
dire son étonnante faculté d'observation, ces qua-
lités de vie intense par lesquelles il a surpassé
tous ses prédécesseurs, et qui font des bustes du
cardinal Scipion Borghèse et du pape Innocent X
des œuvres sans prix.
On ne trouvera pas non plus dans ce buste
ces allures un peu théâtrales parfois, mais toujours
si hardies, si mouvementées, si vivantes, qui mar-
quent d'un trait tout à fait personnel les œuvres
du Bernin. Ici l'œuvre est simple, calme, comme
devait être inévitablement une œuvre inspirée
par une peinture de Ph. de Champagne.
Ce qui reste le plus dans ce buste comme marque
du Bernin, c'est sa manière de traiter le marbre,
la souplesse de son ciseau indiquant toutes les
nuances du modelé de la figure, c'est surtout,
et ici il faut bien se contenter de ces qualités
secondaires, son art d'exprimer les plus petits
détails, c'est son habileté à rendre l'apparence
des étoffes, son art d'évider le marbre, de le
fouiller et de lui donner une légèreté que personne
encore n'avait osé rechercher avant lui.
Marcel Reymono.
LES ACCROISSEMENTS
DU DÉPARTEMENT DE LA CÉRAMIQUE ANTIQUE
au Musée du Louvre — 1910
II. VASES PEINTS GRECS
Mon collègue M. Jamot a signalé dans un pré-
cédent numéro (190g, n" •') nos acquisitions les
plus intéressantes pour la série des figurines de
terre 1 uib . Je noterai ici quelques achats de vases
peints grecs, eu particulier ceux qui viennent de la
vente Canessa-Sambon, en dati du 10-21 niai rgio.
1" Fragment d'un revers de coupe à figures noires,
retouchées de blanc et de rouge. Haut. 0,05;
la i Provenance inconnue (Catalogue de
iv,). Bon style de la lin du vie siècle.
— Yon not re figure 25.
Ce joli morceau porte la signature incomplète
du fabricant de vases Nicosthènes,
œuvres sont représentées déjà dans notre
musée par la plus belle collection qui existe (voir
mon Catalogue des vases du Louvre, p. 751 et
suiv.). Ce nouveau spécimen est remarquable
Fig. Ji. — Fragment de coupe
portant la signature de Nicosthènks.
(Musée du Louvre.)
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
69
par la qualité du style, car Nicosthènes d'ordi-
naire exécute ou fait exécuter par ses ouvriers
dans une manière un peu rapide et lâchée, surtout
pour les figures noires. Celle-ci, au contraire, est
très soignée. C'est une représentation d'Artémis,
ramenant sa main droite par derrière et faisant
le geste de tirer une flèche de sou carquois sus-
pendu dans le dos ; la partie supérieure seule
est conservée à partir de la ceinture. L'œil de la
déesse est indiqué en couleur rouge, particu-
larité importante que j'ai déjà notée ailleurs
(Catalogue des vases du Louvre, p. 638), en par-
ticulier sur des vases du cycle d'Amasis. et qui
atteste l'influence de la grande sculpture peinte
sur la technique des vases.
20 A ce beau fragment était joint un lécythe
à figures noires, retouchées de blanc et de rouge
(haut. 0,25), dont le Catalogue louait le dessin
et qu'il attribuait à Nicosthènes. mais qui n'est
en réalité qu'un produit de la fabrication cou-
rante et ordinaire. Le sujet est banal et connu :
quatre femmes drapées viennent puiser l'eau
dans des hydries qu'elles présentent à deux fon-
taines figurées par deux mufles de lionnes
vues de face ; des branchages feuillus remplissent
le fond ; palmeltes noires sur l'épaule, languettes
à la base du col et quadrillé semé de points en petites
grenades sous le sujet principal.
3° Amphore à figures rouges. Haut 0.46. Pro-
venance, Grèce (Catalogue nu 185.) Style rapide
du milieu du Ve siècle. — Voir notre figure 26.
Deux hommes barbus, drapés se font face et
semblent se parler. L'un apporte une amphore
qu'il tend à son interlocuteur: l'autre, appuyé
sur sa canne noueuse, tient une bourse de la
main droite et tend l'autre main. De l'autre côté
du vase, en style plus négligé, un homme barbu,
drapé, sa canne à béquille tenue sous le bras gauche,
avance la main droite comme en parlant ; devant
lui un éphèbe drapé tient une amphore de la main
droite. Cette partie du vase a subi des restaura-
tions importantes, notamment dans les draperies
des deux personnages. — On peut penser que les
deux tableaux font suite l'un à l'autre. L'acheteur
de l'amphore vient en faire cadeau à l'éphèbe
dont il est l'ami.
Le sujet est assez rare. Quelques peintures
relatives au commerce des vases ont été signalées
par M. Hartwig, Meisterschalen, p. 173 et note 2,
pi. XVII, 1 ; voy aussi Walters-Rirch, Hisi. ofanc.
Potlery, 11, pp. 170-171; mon Catalogue dei vases
du Louvre, p. 688-689, et Douris, p. 38 pp. 61-62.
Fig. -6 — Amphore à ligures rouges.
(Musée du Louvre.)
4° Hydrie à figures rouges. Haut. 0,375- Prove-
nance, Cumes ou quelque autre localité de Campa-
nie, comme Capoue ou Nola. — Voir notre figure 27.
Style de la seconde moitié du Ve siècle, avec
des détails de technique assez rares tels que
la peau de lion, portée par Hercule, dont les
poils --ont incisés au burin, les yeux dont la
prunelle toute ronde est fortement marquée,
comme pour donner plus d'expression au regard
et ajouter à la scène une sorte d'émotion dra-
matique. Le sujet lui-même est un curieux mé-
lange de deux légendes connues et l'on y saisit
sur le vif comment travaillaient dans leur atelier
des fabricants peu consciencieux ou mal instruits.
faisant usage des croquis >■! des modèles de tout
genre qui circulaient de mains en mains.
On voit à gauche Hercule qui, ayant laissé
tomber sa massue à terre, a saisi une harpe, sorte
de faucille, avec laquelle il s'apprête à trancher
la tête d'un serpent que de la main gauche il a
yo
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
saisi pai le cou. Ce serpenl se dresse sur un autel
à volutes el L'un quadrillé sur la
face antérieure, et il a pour pendant symétrique
un autre serpenl également dressé et tourné à
droite. Entre les deux reptiles, cm voit la tête
d'un jeune enfant qui semble émerger, lui aussi.
de l'autel. A droite Athènè casquée (un serpent
dressé sert de soutien à son cimier), avec une égide
en damier, mais sans lance ni bouclier, s'éloigne
en retournant la tète, comme si elle avait peur
du second serpent dressé vers lequel elle tend
la main droite : près d'elle une autre femme
drapée se sauve aussi en retournant la tète avec
frayeur (voy. la fie,, ci-contre.) Le mot xala; est
Fig.
Développement d'une hydrie à figures
[Musée du 1 ••
inscrit deux lois en lettres effacées, au-dessus
d'Hercule et à rot,' d' Athènè.
Il me parait évident que l'artiste a confondu
el un 1' deux histoire'- distinctes : l° Hercule
coupant les têtes de l'hydre de Lerne. épisode
où il est souvent assisté' de son compagnon Iolaos
et de sa protectrice Athènè : 2° la naissance d'Eri-
chthonios; l'enfant est mis dans une ciste avec
deux serpents qui le gardent et confié- par Athènè
aux filles du roi Cécrops qui. malgré la défense,
ouvrent la boite, y découvrent l'enfant et •-'enfuient
devant les deux serpents qui les poursuivent.
Ce sujet est représenté sur une amphore ou péliké
du Musée Britannique (Annali. 1879, pi. F;
1 ■ : kon dei Mythologie t, p. L307 :
C. Smith ( italogue 0) the vase: Brit. Mus., m,
p |; F. .72) sons une forme si semblable à la
composition de notre hydrii que l'on ne peut
iuter de l'étroite parenté des deux types.
Je ne puis pas supposeï qu'Hercule se soit
trouvé réellement mêlé à la légende d'Erichtho-
nios ni qu'il ait jamais défendu les filles de
Cécrops contre les serpents d' Athènè : aucun
texte ne fait allusion à une fable pareille. Il est
donc beaucoup plus vraisemblable que le décora-
teur du vase, ayant à traiter la naissance d'E-
richthonios dont il ignorait les détails exacts,
a cru bon. en voyant deux serpents sur son
modèle d'atelier, d'y introduire, pour plus de va-
riété-, le grand tueur de monstres et le coupeur des
têtes de l'hydre. Une des Cécropides fuyant a été
remplacée par Athènè, mais on retrouve chez elle
la pose même et les gestes du modèle primitif, et
c'est pourquoi elle a l'air de prendre peur et de
se sauver, attitude incompatible
avec sa nature de déesse guerrière.
Cette très intéressante peinture a
déjà été publiée dans la revue ita-
lienne Alisnlllcl (I906, I. pi. i).
à laquelle nous avons emprunté
notre ligure, avec la gracieuse au-
torisation de M. G. Patroni qui l'a
fait connaître le premier et qui
avait pu l'étudier dans le com-
merce à Naples. Mais je dois dire
que son interprétation est fort
différente de la mienne. Il y voit
_,(.v une représentation nouvelle du
combat d'Hercule contre l'Hydre
de Lerne, assisté d'Athènè qui,
pour venir en aide au héros, distrairait l'attention
d'un des serpents en lui offrant un gâteau, acces-
soire dont il est impossible de voir la moindre
trace sur l'original. Quant à la tète d'enfant.
d'après M. Patroni, coupée et placée dans une
sorte de plat ou de phiale, elle serait un té-
moignage des sacrifices humains offerts à l'Hy-
dre, à l'imitation des victimes offertes à d'autres
monstres comme le Minotaure et le Sphinx.
Il m'est impossible, je l'avoue, d'admettre ces
explications, i° parce qu'aucun témoignage an-
tique, ni écrit, ni artistique, ne fait aucune allu-
sion à mi culte sanglant de l'Hydre de Lerne ;
2" parce que M. Patroni n'a pas vu la ressemblance
étroite qui existe entre cette peinture et celle
du vase du Musée Britannique, représentant la
naissance d'Erichtlionios, comparaison qui. à mon
,i\ is, esl la elet de l'énigme posée par cette
curieuse composition.
E. I'ottier.
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE 1910.
Le Cardinal de Lorraine.
Réplique d'un tableau de Georges Boba.
(Musée de Reims.)
UN PEINTRE DU MUSÉE DE REIMS, GEORGES BOB A
Il y a au musée de Reims plusieurs tableaux
attribués au peintre Boba.
L'ancien catalogue de M. Loriquet a joint
une notice sur ce peintre, que celui de Mme Sar-
tor répète en abrégé. Ni l'une, ni l'autre de ces
notices n'est satisfaisante, et c'est pour remédier
aux lacunes qu'elles maintiennent que je proposerai
les lignes suivantes.
La matière en a paru déjà au cours d'un ar-
ticle sur les Peintres de Portraits travaillant en
France à la fin du XVIe siècle (i). Mais elle y était
mêlée à d'autres choses dont il sera d'autant
moins inutile de la dégager, que les conclusions
qu'elle apporte sont omises dans le nouveau cata-
logue de Reims. Ainsi je ne crois pas trop faire
eu reprenant dans une revue consacrée aux collec-
tions publiques, une étude où l'une d'elles se
trouve spécialement concernée.
Van Mander nomme Boba dans son Livre des
Peintres (2), au nombre des élèves de Frank
Flore, eu ces termes : « Georges Boba, bon peintre
et compositeur. » Il est difficile d'être plus bref.
Mais des sources émanées de Reims viennent à
propos enrichir cette mention.
Dans ses Graveurs de Fontainebleau (3), M. Her-
bet le premier en a fait le rapprochement, le pre-
mier essayé une notice de l'artiste où le témoi-
gnage flamand parût à côté des remarques lais-
sées par les érudits de Reims. Seulement une
chose pouvait faire douter de la légitimité de ce
rapprochement : c'est que le Boba de Van Mander
est Flamand, et que les érudits de Reims n'ont
jamais cessé "de faire leur Boba Rémois. Le dernier
catalogue, fidèle à cette habitude, le maintient à
l'école Rémoise. Comment accorder l'un et l'autre ?
Il faut savoir que cette assertion de la part
des érudits de Reims a pour auteur M. Sutaine.
qui dans un article des Travaux de l'Académie
de Reims (4) a fourni tous les renseignements
que Loriquet reproduit dans son catalogue. Or
quel est le garant de M. Sutaine ? Lui-même l'in-
dique dans cet article : c'est Marlot compilé par
Maillefer. Marlot compilé par Maillefer est nu
(1) Les Arts anciens de Flandre et de Brabant, an. 1905
p. m.
(2) Trad. Hymans t. 1, p. 349.
(3) Annales de la Société Historique du Gatinais, an. 1901,
p. 22 de l'article.
(4) T. xxxi an. 1861, p. 183.
manuscrit de la bibliothèque de Reims. L'ouvrage
de Dom Marlot de l'ordre de saint Benoît, consis-
tant en une Histoire de Reims manuscrite égale-
ment, est perdu.. Seul cet abrégé signé de Maillefer
nous reste. A ces deux auteurs il faut joindre un
troisième, lequel a ajouté à l'abrégé susdit des
notes dont le fond ne paraît venir ni de Marlot
ni de Maillefer. Ceci soit dit pour l'exactitude, et
sans aucun dessein de diminuer le crédit que ces
additions méritent. C'est dans l'une d'elles qu'on
lit ce que voici.
« Le cardinal Charles de Lorraine attira aussi
dans Reims d'habiles ouvriers en sculpture et
en peinture, tels que Georges Boba, connu sous
le nom de Maître Georges, qui fut disciple du
Titien, dont il reste quelques tableaux d'histoire,
mais beaucoup plus de portraits, qui sont fort
estimés (1). »
Cette note est le seul passage du livre où soit
fait mention de Boba : quand Sutaine se réfère
de Boba chez Maillefer, il ne peut donc viser d'au-
tre passage. Or il est remarquable qu'on ne trouve
là nulle mention d'une origine rémoise du peintre.
Au contraire, on y lit que le cardinal avait attiré
Boba dans Reims : c'est une preuve que Boba n'en
était pas. Ainsi cette origine prétendue, répétée
d'après" M. Sutaine et dont celui-ci n'allègue de
garant que cette note, doit être tenue pour con-
trouvée.
Rien n'empêche donc de reconnaître le Boba
de Van Mander dans le Boba qui vécut à Reims.
Même on peut appuyer cette identité sur des do-
cuments rémois bien plus anciens que le manus-
crit de Maillefer. qui donnent à cet artiste la qua-
lité de Flamand. Chesneau, poète rémois, auteur *
de pièces latines en tête desquelles il prend le nom
de Querculus, nomme trois fois Boba dans un re-
cueil manuscrit de la Bibliothèque de Reims.
Peux de ces mentions portent la nation du peintre :
« Georgius Boba Flandrus pictorum nostrœ œtatis
nobilissimus. — Georgio Boba Flandro pictori nobi-
lissimo » (2). Ces témoignages sont péremptoiies.
Les recueils imprimés de Chesneau se placent
entre 1553 et 1562 : la reliure du manuscrit susdil
porte la date de [580 : voilà le temps où le Fla-
mand Boba viv:iil à Reims.
(1) T. 11 fol. 231 i".
{.!) Fol. 83 r", fol. 93 r».
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
La pièce d'archives suivante achève d'établir
le fait :
Année 1579. " A Georges Bauba peintre, demeu-
rant en ceste ville de Reims, la somme de six livres
deux sols tournois, a lui payée par ledict sieur
Le, pour son sallaire d'avoir faict la figure
de la devanture
dict 1 A-bel (1). »
Venons main-
tenant à d'antres
points.
Les plus pro-
chains doivent
être recherchés
dans un des ou-
vrages du musée
de Reims, un
portrait d'hom-
me (2) où se lit
cette signature :
.17e Georges pin-
xit. et dans un
inventaire de la
cathédrale de
Reims dressé en
166g, où se trou-
ve ce passage (3):
« Au-dessus de
la chaire archié-
piscopale, contre
le t;ros pilier, est
un grand tableau
ou portraict du-
dit seigneur car-
dinal de Lor-
raine, ouvrage de
maistre < . 1 11 ges
peintre dudit sei-
gneur cardinal,
fort 1 spérimenté
en son art - »
Que mait H' Georges nommé en ces deux endroits
suit le même peintre, c'est ce qui ne peut faire
de doute. Que ce Georges, rapporté comme peintre
impti d Chau éi rendu par Nicolas ( oguault
75-1579, fol. 264, r. Ce dessin du peintre était
requis pou: un pi [ui < plaidait à Paris.
(jj N° 40 du nouveau 1 atalogue. On .1 supposé qu'il
I ■ di bombardiers.
0
du cardinal de Lorraine, soit le même que Georges
Boba à qui l'annotateur de Maillefer donne la
même qualité, cela ne paraîtra pas moins certain,
surtout pour qui considérera que l'annotateur
de Maillefer lui-même prend soin de présenter
Boba à la fois sous son nom propre et sous celui de
« Maître Geor-
v
1 ig
ges ». Le portrait
du musée porte
au dos la date
de 1593, qui con-
vient parfaite-
ment à Boba.
Un autre té-
moignage tiré
d'un tout autre
lieu vient en
troisième. C'est
une note fournie
par Mariette et
relevant quel-
ques renseigne-
ments consignés
sur un portrait
au crayon qu'il
possédait. Ce
crayon portait ce
nom : Georges
Boribe. « Il était
Flamand. dit Ma-
riette, et exerçait
la peinture ainsi
ci ne la sculpture
vers l'an 1569.
I! avait appris
son art en Italie
sous le Titien et
le Tintoret, et il
avait été amené
en France par
le cardinal de
Lorraine pour
travailler à Meudon et autres lieux. Tout ceci se
trouve écrit au bas de son portrait dessiné que
j'ai dans un recueil de portraits de peintres la plu-
part copiés d'après ceux qui sont dans le Yasari (1) •>.
(il Al in i-dario t. 1, p. 152. Les éditeurs de l'Abecedario
ont porté cet article au nom de Bombare parce qu'ils
Croient que Bonbe désigne le peintre nommé Bombare sur
mi portrait au crayon du Cabinet des Estampes. Cela est
Portrait d'un inconnu, par Georges Boba (1593
(Musée de Reims.)
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
73
La protection du cardinal, la qualité de Fla-
mand, le prénom de Georges, suffisent pour recon-
naître notre Boba, dont Bonbe évidemment n'est
qu'une déformation. L'éducation vénitienne de
ce peintre, consignée dans la note de Mariette,
ne s'accorde pas moins avec cette idée : l'imitation
des peintres de Venise étant extrêmement sen-
sible dans le portrait du musée de Reims.
Or Mariette ajoute un point. Georges Bonbe
(notre Boba) doit être reconnu dans « Georges
le Vénitien », dont Jacques-Auguste de Thou fait
mention. C'est un autre précieux chaînon qui
s'offre à notre prise, en ces termes :
[J. A. de Thou] tel, dit cet historien., qu'on le
trouve peint à l'âge de sept ans par Georges le
Vénitien, qui était au cardinal de Lorraine et qui
logeait dans le voisinage à l'hôtel de Fécamp (i). >>
Qu'on ait appelé Boba Georges le Vénitien
parce qu'il avait habité Venise et qu'il en imitait
les peintres, c'est ce qui ne peut faire difficulté.
Ainsi Mignard fut appelé le Romain. D'autre part
le nom de Georges, toujours et toujours cette qua-
lité de peintre du cardinal, établit son identité.
« Georges le Vénitien dit Mariette, se nommait
Georges Bonbe >>; nous concluerons comme lui,
sauf qu'au lieu de Bonbe nous disons Boba.
Résumons-nous. Georges Boba, Flamand, élève
de Frank P'iore, disciple des maîtres Vénitiens,
qu'il étudia dans leur pays, se trouvait en France
dès 156g avec le surnom de Vénitien au service
du cardinal de Lorraine Charles, frère du duc
François, archevêque de Reims. En 1579 il habi-
tait cette dernière ville ; il y était célèbre et ho-
noré.
Les curieux de gravure ajoutent un autre
trait, consistant en quelques estampes, qui portent le
nom de Boba en monogramme. On en compte
six, dans le style du Primatice et de l'école de Fon-
tainebleau.
Faut-il ajouter à ces talents de peintre et de
graveur, la sculpture ? La note citée par Mariette
la mentionne. Lacatte-Joltrois, dans un manuscrit
de la bibliothèque de Reims (2), en fait autant.
Pour le reste, sa notice est visiblement tirée de
possible, mais aucun renseignement n'étant joint sur ce
Bombare, tout effort d'identification porte à vide. J'ai
voulu m'en tenir ici au certain.
(1) Ed. Michaud et Poujoulat, p. 272, col. 1. L'hôtel
de Fécamp est dans la rueHautefeuille, quartier St-André
des-Arts, où logeaient les De Thou.
(2) T. m p. 57.
l'annotateur de Maillefer ; quant à ce point parti-
culier, il cite Ponsludon, dont je n'ai pu retrou-
ver le témoignage. Ainsi on ne peut sortir du
doute à cet égard.
Voici maintenant la liste des ouvrages de Boba.
Les uns sont mentionnés aux textes déjà cités,
d'autres nous sont apportés d'ailleurs.
1. Le portrait de l'archidiacre Pierre Rémi
de Reims, au témoignage de Querculus (1).
2. Un portrait anonyme signé, au musée de
Reims, cité plus haut.
3. Celui du Cardinal de Lorraine, au témoignage
de l'inventaire ci-dessus.
4. Celui de Jacques- Auguste de Thou à sept
ans.
5. Un tableau de la France désolée, au té-
moignage du peintre rémois Baussonnet, dans
un recueil de dessins de la Bibliothèque de
Reims (2}.
6. Une représentation de la Sainte Ampoule
au témoignage de Querculus (3).
7. Un dessin de l'Ile Saint-Barthélémy à Rome,
au témoignage de Mariette, qui sans doute y lisait
la signature du maître.
De ces sept ouvrages uii seul, le n° 2 est con-
servé. Du n" 5 uu fragment minime, consistant
en une tête d'ange, se trouve copié au livre de Baus-
sonnet, avec indication de la provenance et de
l'auteur (4).
Quant au 11" î, il n'y a quasi point de doute
que nous en possédions un grand nombre de co-
pies dans les répétitions d'un même type du car-
dinal de Lorraine, dispersées dans les collections.
Le musée de Reims en expose un échantillon,
qui pourrait bien être de la main du maître. Le
Lycée et l'Hôtel-Dieu de la même ville possèdent
deux de ces copies en pied, telles vraisemblable-
ment qu'était l'original de la cathédrale. Au
musée c'est un buste, du reste rigoureusement
conforme pour toute la partie qu'il reproduit.
La qualité en est lionne, et il a passé autrefois
pour ouvrage du Titien lui-même. Il y a une copie
de ce buste à Roehampton chez lord Leven et Mel-
ville, une autre en miniature chez le marquis de
Chennevières (Voir notre pi. V).
(1) Ouv. cit. fol. 92 r".
(2) Fol. S r°.
(3) Fol. s-' ■".
! Vutre peinture imitée après le grand peintre maître
Georges Bobas. Cet ange est au tableau de la France
désolée. » pass. cit.
74
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
01 trait du musée porte l'inscription sui-
vante : Carolus Cardinaîis a Lotharingia archie-
piscopus dux Remensis anno 1572 MtaUs 48.
Sur celui de l'Hôtel-Dieu est inscrite la même
date ■ An" D MDLXXII -F XLVIII. L'ouvrage
est gravé par Granthomme avec celle-ci (qu'il
convient de corriger) : Anno domini 1575 œtatis
50 ; et aux Hommes Illustres de Thevet avec
les mains changées.
L. Pimikk.
MUSÉES NATIONAUX
Documents et Nouvelles
MUSÉE DU LOUVRE ¥f°e°ft°ft°t
°t H -f Peintures et dessins. — M. Jules Maciert
a offert au musée du Louvre dans le courant de
l'année dernière une très belle miniature de l'Ecole
de Tours du début du xvie siècle qui provient de
la vente de M A. Cruyer.
°t °f °s? Sculptures gréco-romaines. — Le dépar-
tement des antiquités gréco-romaines a reçu du
service des antiquités tunisiennes le moulage
patiné d'un Hermès trouvé dans les fouilles sous-
marines de Madicha. Ce moulage sera placé dans
la salle du Manège.
MUSÉE DE VERSAILLES ET DES TRIANONS
H °£ "<? Sur l'ordre de M. le Sous-Secrétaire de
l'Etat des Beaux-Arts le garde meuble a organisé
cette année dans la galerie des Batailles l'expo-
sition de deux séries de tapisseries des Gobelins.
La première suite est celle qui fut exécutée d'après
les peintures de Mignard dans la galerie de Saint -
Cloud ; la seconde, dite de Y Ancien testament, est de
l'invention d'Antoine Coypel. Il est à regretter
seulement que l'administration du Garde-Meuble
continue à encadrer ces tentures pâlies de draperies
d'un rouge vif.
La Société des Amis de Versailles a entendu au
mois de juin une conférence de M. Frédéric Masson
faite au Grand Trianon : les Trianons pendant
l'Empire. Au mois de juillet M. H. Roujon a fait
pour la même société, au château, une autre con-
férence sur Une visite de poètes à Versailles sous
Louis XIV (Versailles décrit par La Fontaine).
Enfin on a solennellement inauguré au mois
de juillet dernier l'installation de la statue de
Washington, réplique moderne en bronze de celle
que Houdon exécuta pour les Etats-Unis, offerte
à la France par la libéralité américaine. Nous
reviendrons prochainement sur cet intéressant
document.
DÉCRET
Relatif au Dépôt d'Œuvres d'Art appartenant à l'État
Dans les Musées départementaux
ou communaux qui ne sont pas investis de la Personnalité civile
Le Président de la République française,
Sur les rapports du ministre de l'Instruction
(ublique et des Beaux-Arts et du ministre de
'Intérieur,
Vu la loi du m frimaire de l'an III ;
Vu le décret du j.^ mars 1852, article 5, n° il ;
Le Conseil d'Etal entendu
Décrète :
CHAPITRE Ier
CONDI'l [I INS I>t' M l'( IT
Histil général on un
Article r r. Lorsqu'un
conseil imnin ipal
pour le musée
dont 1(
département ou la commune est propriétaire, le
dépôt d'oeuvres d'art appartenant à l'Etat, la déli-
bération qu'il prend à ce sujet doit contenir l'en-
gagement de supporter les frais de toute nature
qu'occasionnera l'expédition desdits objets. Ladite
délibération esl transmise au ministre de l'Ins-
truction publique et des Beaux-Arts par le préfet,
qui y joint avec son avis les pièces suivantes :
i° Le catalogue, ou, à défaut, l'inventaire de
tous les objets d'art qui se trouvent dans le musée,
soit à titre de propriété départementale ou com-
munale, soit à titre de dépôts effectués par des
particuliers ou antérieurement consentis par
l'Etal :
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
75
2° Le règlement du musée ;
3° La description, avec plan à l'appui, des locaux
qui sont ou seront affectés à l'exposition des ob-
jets dont la remise est demandée ;
4° Le montant des allocations annuellement por-
tées au budget, tant pour le personnel et le maté-
riel du musée que pour les acquisitions destinées
à augmenter les collections et rénumération de
toutes autres ressources ayant la même affectation,
telles que dons, legs de particuliers ou subven-
tions d'autres communes.
Art. 2. — Le ministre des Beaux-Arts provoque
le rapport de l'inspecteur de la circonscription el
prend toutes autres mesures d'inscription qu'il
juge utiles.
vSur le vu des pièces, il détermine, s'il y a lieu,
les modifications à apporter à la construction et à
la distribution des bâtiments, soit pour éviter les
détériorations et les pertes par incendie, humidité
ou chaleur excessives, soit pour donner aux gale-
ries l'étendue, l'aération et l'éclairage suffisants.
Il indique également les dispositions à prendre pour
faciliter les études des amateurs et des artistes,
ainsi que toutes autres modifications à introduire
dans le règlement du musée.
Il communique ensuite le plan des travaux
qu'il vient d'arrêter au ministre de l'Intérieur et,
sur son avis conforme, il invite le département
ou la commune à opérer les modifications pres-
crites avant l'achèvement desquelles aucun dépôt
n'est effectué.
Art. 3. — Aucun changement à la disposition
des lieux ainsi arrêtée ne peut être entrepris, sauf
le cas de réparation urgente, sans que le ministre
des Beaux-Arts en ait été informé.
Art. 4. — Même à l'égard des musées au sujet
desquels il aura été procédé, à raison d'une pre-
mière attribution, conformément à l'article 2 ci-
dessus, le ministre conserve le droit, lorsque de
nouveaux dépôts seront sollicités, de prescrire
pour l'exposition et la conservation des œuvres
d'art demandées les mêmes précautions que celles
qui ont été ordonnées pour les envois anté-
rieurs.
Art. 5. — Pour tous les musées actuellement
détenteurs d'objets appartenant à l'Etat, il sera,
dans le délai d'un an, à partir de la publication
du présent décret, procédé, conformément à l'ar-
ticle 2 ci-dessus, à l'examen des galeries d'exposi-
tion et, s'il y a lieu, le département ou la commune
auxquels ces musées appartiennent seront mis en
demeure, s'ils entendent conserver les dépots ,|iti
leur ont été confiés, d'effectuer les travaux qui
seront jugés nécessaires par le ministre des Beaux-
Arts. L'arrêté qui portera à leur connaissance la
liste de ces travaux et les invitera à les exécuter
fixera, suivant les circonstances, le délai dans
lequel ils devront être achevés.
CHAPITRK II
CONSERVATION, DÉPLACEMENT PROVISOIRE,
RETRAIT DÉFINITIF DES OBJETS DÉPOSÉS
Art. 6. — La gestion des musées dépositaires
d'œuvres appartenant à l'Etat est confiée à un
conservateur assisté, s'il y a lieu, d'un ou plusieurs
conservateurs adjoints.
Le conservateur et les conservateurs adjoints
sont nommés par le préfet, conformément à l'ar-
ticle 5, n° 11, du décret du 25 mars 1852, sur une
liste portant présentation de trois noms, dressée
par le conseil général, si le musée est départemen-
tal, par le maire, s'il est communal.
Dans les musées auxquels plus de vingt œuvres d'art
ont été confiées par l'Etat, les conservateurs et les
conservateurs adjoints seront choisis parmi les can-
didats qui ont justifié, devant une commission nom-
mée par le ministre, de leur aptitude à ces fonctions.
Art. 7. — Ces conservateurs et ces conserva-
teurs adjoints sont spécialement chargés de la sur-
veillance et de la garde des dépôts effectués par
l'Etat. Ils doivent veiller à leur conservation et,
notamment, s'opposer à ce qu'il soit procédé à
leur restauration par toute autre personne que celle
désignée par le ministre.
Ils tiennent à jour un inventaire des dépôts de
l'Etat sur un modèle uniforme arrêté par le mi-
nistre, auquel ils font, en outre, parvenir, à chaque
publication qui en est faite, quatre exemplaires du
catalogue général du musée.
Art. 8. — L'exécution des dispositions qui pré-
cèdent est assurée par les visites périodiques de
l'inspection locale et. au besoin, par des visites
extraordinaires de l'inspection générale.
Art. g. — Le ministre des Beaux-Arts reste tou-
jours maître d'ordonner soit le déplacement, soit
le retrait définitif des dépôts consentis par l'Etat.
Art. 10. — Le déplacement a lieu pour raisons
de service, soit pour opérer un échange autorisé
par le ministre entre deux musées, soit pour per-
mettre à l'Etat de reprendre momentanément et
dans un intérêt public, la disposition de l'objet.
Dans ce dernier cas. les autorités locales sont
préalablement consultées.
La reconstitution du dépôt esl effectuée dans
l'année aux frais de l'Etat.
Art. 11. — Le retrait du dépôt est prononcé si
l'œuvre n'est pas exposée ou pour insuffisance de
soins, insécurité on transfert sans autorisation à
un autre établissement que le musée affectataire.
Art. 12. Le ministre de l'Instruction publique
et des BeaUX-ArtS et le ministre de l'Inteiu m
sont chargés,, chacun en ce qui le concerne, de
l'exécution du présent décret, qui sera publie .m
Journal Officiel et inséré au Bulletin des I
Fait à Rambouillet, le 24 juillet [910.
A. Fallières.
MUSÉES DE PARIS & DE PROVINCE
Notes et informations
Ml SÉE DES BU \UX-ARTS DE LA VILLE
de paris yyyyyyyyyyyyy
if if if La nouvelle section de la médaille an-
cienne et moderne dont nous avons annoncé pré-
cédemment (n° 3, p. 471 la composition a été
inaugurée le 27 mai dernier.
MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS y y y y
y y y A l'Exposition des chinoiseries de cet
été va succéder en novembre une exposition du
maille dessinateur Paul Renouard.
pourra voir également avant l'exposition
annuelle des Artistes Décorateurs diverses séries
nouvellement entrées au musée, notamment les
collections léguées par Mlle Grandjean à l'Union
Centrale des Arts Décoratifs, et celles qui lui
viennent de Mlle Mimant.
MUSÉE DE SCULPTURE COMPARÉE y y y
y y y Depuis 1908 le Musée de Sculpture com-
parée a acquis d'importants moulages.
Il y a bientôt deux ans qu'un très gracieux
petit monument des dernières années du XIIIe ou
du début du xive siècle, l'édicule funéraire du cœur
Thibaut V de Champagne, roi de Navarre, conservé
a Provins a pris place dans nos galeries.
Ce charmant reliquaire de pierre à six faces ornées
de moines priants encadrés d'arcatures se cou-
ronne d'une pyramide de bronze doré, gravé de
dessins délicieux qui jadis encadraient des blasons
émaillés.
1 mii été moulés en même temps des détails du
portai! sud de l'église de Saint-Denis, exécuté vers
[240 sous la direction de Pierre de Montereau; ces
détails, d'autant plus intéressants que le public
1 admis à visiter cette partie de l'édifice,
consistent eu ornements végétaux d'une grande ori-
ginalité' et d'un admirable effet décoratif, évidés
te surprenante habileté, et en quelques très
belles figurines des voussures malheureusement
mutilées au xvine siècle.
■ ion du xine siècle s'est
enrichie du moulage du tombeau d'une comtesse de
Joigny, conseï ette ville el provenant de
l'abbaye de Dilo. Le monument comprend une
belle statue couchée sur un socle dont les arcatures
encadrent d'intéressantes figurines. L'une d'elles,
logée dans les ramures d'un arbre (légende de Bar-
laam), est particulièrement originale et gracieuse.
En 1909 encore, des détails du XIIIe siècle ont
été moulés à l'église de Semur et à Notre-Dame de
Dijon. Dans la première, une travée et quelques
motifs du triforium bien caractéristique de l'école
bourguignonne, avec ses arcades tréflées et les
bustes variés qui en ornent les sommiers. Dans
la même église on a choisi des figurines ornant
l'intérieur et l'extérieur des fenêtres et une
originale gargouille à décoration végétale. A
Notre-Dame de Dijon, on a moulé deux chapi-
teaux, une puissante petite cariatide qui, seule
de toute la statuaire du portail, a été épargnée
par les iconoclastes, on y a moulé enfin un dais
curieux par ses frontons et ses amphores copiés
sur des modèles antiques. La fin de la période gothi-
que est représentée dans les moulages de 1909 par
les bustes des trois Maries et de Joseph d'Arima-
thie du Saint-Sépulcre de Tonnerre. On sait que
ces admirables figures ont été sculptées en 1453 par
les niait res Jean Michel et Georges de la Sonnette.
Différents dons sont venus compléter les séries
de la Renaissance, grâce à la générosité de M. Fe-
naille, une belle frise s'est ajoutée aux moulages que
le musée possédait déjà du château de Montai :
le musée de Versailles a donné la reproduction du
mausolée de Ferdinand V et d'Isabelle à Grenade ;
M. Carie Dreyfus deux figurines d'enfants du
musée de Berlin, l'une de Donatello, provenant de
la cathédrale de Sienne, l'autre d'auteur inconnu du
XVe siècle italien.
Le musée s'enrichit cette année de plusieurs
autres œuvres non moins intéressantes : chapiteau
roman de Mozat (Puy-de-Dôme) jambage de
portai] du xme siècle à la cathédrale de Cler-
mont-Ferrand, pour la même période, la magni-
fique statue d'argent, dite le Roi de Bourges, dont
M. Pierpont Morgan, son heureux possesseur, a la
généreuse pensée d'offrir un moulage ; pouj
la fin de la période gothique, la non moins
belle statue de Notre-Dame de Marthuret à Riom ;
un choix de détails de Bro, la porte de la Maison
des Centaures à Montferrand, et la balustrade de
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
77
la chapelle des Bourbons à la cathédrale de Lyon,
ornée de cerfs-volants et de monogrammes, enfin
pour la Renaissance, les figures des Vertus et les
délicieux médaillons de la cour de l'Hôtel du
Montât à Riom. C. Encart.
MUSÉE DE ROUEN ^f^^f^f^-f
°é °f °$ Le graveur Chauvel, récemment décédé,
a légué au Musée de Rouen un exemplaire complet
en feuilles de toutes ses gravures et lithographies
avec tous les états et planches des gravures.
Il a légué d'autre part à la Société des Artistes
français une partie de sa fortune à
charge de fonder un Musée de gra-
vures au burin, eaux-fortes, etc.
°ç °? °S On peut signaler égale-
ment, outre l'ouverture de la salle
Depeaux dont nous avons indiqué
précédemment la composition, l'ins-
tallation toute récente au bout de
la grande salle du rez-de-chaussée,
d'une petite salle tout entière cou-
sacrée à Géricault dont le musée
possède un important ensemble de
peintures et de dessins. Ces der-
niers provenant en partie d'un don
de M. Lebreton.
MUSÉE DE LONGWY f V f f
°f °i? °t? Le Musée de Longwy,
d'après des renseignements qui nous
sont communiqués par M. Maurice
Nicloux, son conservateur, a recueilli un mois de
mars dernier un pilier trapu avec chapiteau
d'époque romane qui a été retrouvé dans la fouille
d'une maison au lieu dit « Belhure ». Ce fragment
curieux composé de six blocs de pierre taillée n'a
que o m. 96 de haut, le diamètre de la base est de
o m. 70, celui du chapiteau de o 111. 74. On sup-
pose que ce pilier cylindrique recevait les retom-
bées des arcs d'une voûte assez liasse, située suit
au rez-de-chaussée, soit plutôt au sous-sol d'une
construction dont on ignore la nature exacte.
Le Musée possédait déjà un intéressant frag-
ment de sculpture décorative retrouvé en iN<S_j
dans des conditions analogues, mais sur l'emplace-
ment de l'ancien château. C'est un tympan demi-
circulaire qui paraît remonter à la fin du règne de
René IL La pierre mesure environ 1 mètre de lar-
geur. Elle est décorée de deux écussons : l'un à
gauche soutenu par deux angelots long vêtus est aux
armes de Lorraine, L'autre à droite est aux armes
de Philippe de Gueldre épouse de René II. il est
soutenu par deux griffons. Entre les deux se voit
une croix à longue tige et à double traverse, c'est
la croix dite de Lorraine adoptée par le roi René
qui en aurait emprunté le modèle à une relique
de la vraie croix conservée dans ses domaines
d'Anjou. Son petit-fils René II de Lorraine s'en
servit comme signe île ralliement pendant la guerre
de l'indépendance contre Charles le Téméraire
pour l'opposer à la croix de Saint-André des Bour-
proven.mt de
eau de Longwy.
guignons et à la croix simple des Français. Elle
est restée depuis lors l'emblème constant de la
Lorraine.
MUSÉE DE VALENCIENNES % f S °? t °$
°$ °£ °£ Dans une de ses dernières réunions le Conseil
municipal de Valenciennes a eu à s'occuper de di-
verses questions intéressanl le Musée. Tout d'abord,
il a dû statuer sur une demande, que lui avait faite,
au nom du Gouvernement belge, M. le Baron Ker-
vyn de Lettenhove, qui sollicitait le prêt de plu-
sieurs tableaux du Musée, qu'il désirerail voii figurer
à l'Exposition d'Art Ancien qui s'est tenue au Pa-
lais du Cinquantenaire, à Bruxelles, de juin à
octobre de cette année.
Il s'agissail de la Descente de Croix, et du Trip-
tyque de Rubens, dont les quatre sujets repré-
sentent la Prédication dt saint Etienne, saint
78
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
Etienne lapidé, saint Etienne mis au tombeau, et
nonciation : du Roi boit, de Jordaens, de l'In-
térieur d'un cabaret flamand, de Brauwer, de /ésus
chez Marthe et Marie, de Van Utrecht et Erasme
Quellyn, de saint Pierre pénitent, de Graver et
de deux toiles de François Pourbus, Portrait en
pied de Dorothée de Croy, duchesse d'Alsehot, prin-
cesse du Saint-Empire, grande d'Espagne, etc. et
Portrait en pied de Philippe-Emmanuel de Croy,
de Sobre, et de sa sœur Marie.
Sur la demande de M. Charles Bevillers, maire.
le Conseil a autorisé le prêt de toutes ces œuvres,
sauf le triptyque de Rubens, dont le transport
lemment diffieultueux pourrait être domina-
geable pour l'œuvre, dont le panneau central me-
sure 4 m. 37 sur 2 m. No.
I.> Conseil a également décidé d'envoyer a
Venise la Grève de^ m meurs pour figurer dans une
exposition que son auteur. M. Roll, y a organisée
de s^s œuvres. Ensuite, il a voté un crédit pour la
restauration de la Passion de notre Seigneur,
d'Abraham Janssens, et du Triomphe du Clins/
de Crayer. Le travail sera confié à M. Bueso, de
Bruxelles, qui, l'an dernier, a été chargé de l'amé-
nagement du nouveau Palais des Beaux-Arts et
de la restauration de nombreux tableaux.
D'autres crédits ont été également votés pour
la construction de vitrines destinées à recevoir les
collections de céramiques de MM. de Preaudeau
et d'armes anciennes de M. Laurent d'Haspres
et pour l'acquisition d'un fusain de Jouas, les
Deuillants ; suivant le désir exprimé par l'artiste
une moitié du prix sera versée au Bureau de Bien-
faisance et l'autre à l'Association des Anciens
Elèves «Us Académies.
Communication a et. donnéed'une lettre de M. le
marquis de Piernes, qui fait au Musée Carpeaux de
nouveaux dons de sculptures, peintures et dessins
du génial statuaire.
MUSÉE DE RODEZ V^ff-t'etf?
°f °$ °i On a annoncé il y a quelques mois l'inau-
guration solennelle d'un nouveau musée construit
sur les boulevards de Rodez, grâce aux libéralités
de M. Denys Puech. Vérification faite, le musée,
solennellement inauguré, est loin d'être prêt.
Le bâtiment est à peine terminé et les collections
de la ville augmentées des dépôts de l'Etat sont
toujours conservées dans les locaux du Palais
de Justice. Il semble même qu'on ne songe guère
à les en retirer de sitôt !
MUSÉE DE TOURS t>e-e?tttt°t
f V f Les collections du musée de Tours fer-
mées au public depuis le ig septembre vont lui
être de nouveau accessibles dès les premiers jours
de novembre. Elles viennent d'être en effet réins-
tallées très heureusement et surtout très rapide-
ment dans l'ancien palais archiépiscopal dont
M. le sénateur Pic-Paris, maire de Tours, a obtenu
la cession à la ville, il y a quelques mois.
MUSÉE DE CHARTRES °f °ç -f °{ f f t
°$ °t °i Nous avons déjà fait connaître et pré-
conisé ici même la solution si heureuse pour le
musée de Chartres du transfert dans l'ancien
évecllé.
Appelé à discuter une première fois cette pro-
position, qui lui était faite par le Conseil général,
le Conseil municipal de Chartres, pour des raisons
financières, et malgré la subvention de 70.000 fr.
promise par M. Dujardin-Beaumetz, avait repoussé
l'offre.
Mais un donateur offrit alors 100.000 francs,
couvrant ainsi les frais avec la subvention gou-
vernementale. Le conseil municipal délibéra de
nouveau, et, cette lois, vient d'accepter l'offre
du conseil général par i_' voix contre 9.
PUBLICATIONS RELATIVES AUX MUSÉES DE FRANCE
Recueil général des bas-reliefs, statues et
bustes de la Gaule Romaine, par Emile
Espérandieu (Tome III). Lyonnaise, ire partie.
Imprimerie nationale. 1910.
Nous avons déjà signalé le mérite de ce recueil
que poursuit avec une admirable conscience dans
la collection des Documents inédits M. le comman-
dant Espérandieu. D'abondantes illustrations enri-
chissent ce catalogue minutieux qui arrive au
n° 2755- Le présent volume comprend en particu-
lier les riches séries de Lyon, d'Autunet de plusieurs
autres centres bourguignons avec de nombreuses
additions qui complètent la publication en ce qui
concerne Arles, Aix, Avignon, etc.
Bulletin de l'Art ancien et moderne,
.Septembre 1910.
Un Musée qui se transforme. Le Musée de
Besançon.
Note de M. Henry Lapanze sur les nouvelles
installations qui ont été ou vont être réalisées
au Musée de Besançon pour la conservation
M. Chudant.
Bulletin de la Société de l'Histoire de
l'art français Ier fascicule.
L'illustration décorative du Mythe de Psy-
ché à l'époque de Raphaël. Communication
de M. Max Petit-Delchet, à propos des vitraux
du musée Condé à Chantilly, de deux plaques
d'émail du musée du Louvre et des six tapisseries
des Musées de Pau et de Fontainebleau dont le pro-
totype serait une série de fresques du château
Saint-Ange à Rome.
Ibid. — Un fragment du tombeau du musi-
cien Henry Dumont au Musée du Louvre,
par M. Paul Vitry.
Catalogue descriptif d'une série de
médailles romaines du musée d'Avranches,
par H.Dalimier, professeur au collège d'Avranches,
conservateur du musée.
La belle série des médailles décrites dans cet
opuscule a été donnée à la ville eu 1904 par
Mme Vve Guérin. Elle comprend près de 150 types
différents en exemplaires dont la plupart sont
fort beaux. Il était intéressant de cataloguer
cette série importante tant au point de vue de la
science numismatique que de l'éducation histo-
rique et l'on ne saurait que féliciter le conserva-
teur du musée pour le soin avec lequel il s'est
acquitté de cette tâche.
Les Collections de l'Académie royale de
Peinture et de Sculpture, par André Fon-
taine. Paris. Laurens. 1910.
Voici une très complète et très consciencieuse
étude sur les collections de peinture et de sculpture
que l'ancienne académie avait constituée princi-
palement à l'aide des morceaux de réception (lè-
ses membres. Parti de la publication d'un inven-
taire dressé en l'an II au moment de la suppression
des académies, M. Fontaine a recherché le sort
des divers morceaux dont l'ensemble ne fut mal-
heureusement pas laissé groupé à ce moment et
ne figure qu'en partie au Louvre. Il s'est donné
également la peine dans une copieuse introduc-
tion de retracer l'histoire de la formation de ce
dépôt si précieux pour l'histoire de l'art fran-
çais.
Deux Heures au Musée du Louvre (peinture).
Collection des guides express pratiques publics
sous la direction de A. KEIM et L. LujiKT. Paris.
Commaille, éditeur.
On ne mettra jamais trop de guides et de cata-
logues à la disposition du public qui visite nos
musées, lui voici un qui sous une forme originale
et pratique, rédigé en deux langues, anglaiset i lan-
çais, donne une très bonne description salle par
salle du musée de peinture. Peut-être aurait-on
pu se dispenser de certaine appréciations ou cita-
tions, choisies parfois de façon assez étrange,
dans un livre qui vise surtout à être un guide
précis et sur.
ÉCOLE DU LOUVRE
Programme des Cours de la vingt-neuvième année (1910-1911).
Archéologie Nationale et Préhistorique.
M. Salomon ReinaCH, membre de l'Institut.
ervateui «lu musée de Saint-Germain, pro-
fesseur.
M. H. Hubert, conservateur adjoint du musée
de Saint-Germain, suppléant étudiera, pendant
le premier semestre, les nouvelles découvertes
relatives à la chronologie des temps paléolithiques,
et pendant le deuxième semestre, l'archéologie
de la Gaule romaine, tous les vendredis, à io heures
el demie du matin.
La première leçon aura lieu le vendredi g décembre.
Archéologie Égyptienne.
M. Georges Bénédite, conservateur des an-
tiquités égyptiennes, étudiera la formation et le
développement de la sculpture égyptienne pen-
dant toute la durée de l'ancien Empire tous les
mardis à io heures et demie du matin.
La première leçon aura lieu le mardi 6 décembre.
Archéologie Orientale et Céramique antique.
M. E. Pottier, membre de l'Institut, conser-
vateur des antiquités orientales et de la céra-
mique antique, étudiera dans le premier semestre,
les vases peints à la fin du Ve siècle et du IVe com-
parés aux grandes peintures de la même période :
dans le second semestre, il continuera l'étude
des petits monuments de la série orientale. (Dans
les salles de la mission de Sarzec et de la mission
Dieulafoy), tous les samedis, à 10 heures et demie
du matin.
La première leçon aura lieu le samedi io décembre.
Antiquités Sémitiques.
M. R. Dussaud, conservateur adjoint des an-
tiquités orientales étudiera les influences baby-
lonienne, égyptienne, égéenne et hittite sur la
civilisation cananéenne tous les mardis à 2 heures
du soir.
nière leçon aura lien le mardi <> décembre.
Archéologie (irecque et Romaine.
M. Etienne VIichon, conservateur adjoint
des antiquités grecques et romaines, étudiera
l'histoire de la collection des sculptures antiques
du Louvre, tous les jeudis à ro heures et demie
du malin.
titra lieu le jeudi 8 décembre
Histoire de la Sculpture du Moyen-Age,
de la Renaissance et des Temps Modernes.
M. André Michel,, conservateur de la sculpture
du moyen âge de la Renaissance et des temps
modernes, continuera d'étudier l'histoire de la sculp-
ture aux XVe et au xvie siècles principalement
en France et en Italie, tous les mercredis à dix
heures et demie du matin.
La première leçon aura lien le mercredi 14 décembre.
Histoire des Arts appliqués à l'Industrie.
M. Gaston Migeon, conservateur des objets
d'art du moyen âge, de la Renaissance et des
temps modernes, étudiera l'histoire du métal
et particulièrement du bronze, de la Renaissance
au XVIIIe siècle, dans ses applications à l'archi-
tecture et au mobilier, tous les vendredis à 2 heures
et demie du soir.
La première leçon aura lieu le vendredi 9 décembre.
Histoire de la Peinture.
M. Paul LepriElîr, conservateur des peintures,
des dessins et de la chalcographie, professeur.
M. L. Demonts, attaché au département, suppléant,
fera des conférences sur l'histoire de la peinture
allemande, d'après les dessins et en particulier
ceux du Louvre.
La première leçon aura lieu le jeudi 12 janvier 1911.
Histoire de l'Art Français
au XVIP et XVIIP Siècles
M. Pierre de Nolhac, conservateur des musées
de Versailles et des Trianons, étudiera l'histoire
du château de Versailles, ses œuvres d'art et l'en-
semble de sa décoration au temps de Louis XIV,
tous les lundis à 2 heures et demie du soir au
Musée de Versailles. (Entrée par la cour de la < 'lia-
pelle).
La première leçon aura lieu an Louvre le lundi
() janvier 1911.
Histoire des Arts au XIXe Siècle.
M. LÉONCE BÉNÉDITE, conservateur du musée
national du Luxembourg traitera de la méthode
à apporter au point de vue historique, dans l'étude
des arts et des artistes modernes. Il examinera
à cet effet, certaines personnalités telles que celles
de Chassériau, Paul Huet et Méryon, tous les
lundis à 3 heures et demie du soir, dans les locaux
de l'ancien séminaire de Saini-Sulpice.
La première leçon aura lieu au Louvre le lundi
12 décembre.
Fontenay-aux Roses. — Imp. L. Bellenand.
Le Gérant : G. Létard
Bulletin des Musées
de France
LE PORTRAIT DE D'ALEMBERT, PAR LA TOUR
au Musée du Louvre
La Tour aimait à portraiturer ses amis. Il eut
cela, d'ailleurs, de commun avec beaucoup d'autres
peintres, et les plus parfaits chef s-d' œuvres ico-
niques sont toujours les œuvres du cœur. Mais,
chez La Tour, interprète acharné de l'expression
vivante et du sourire, cette loi naturelle du por-
trait devient une sorte de tyrannie. Ses plus beaux
portraits, ceux qui vous obsèdent par la magie du
rendu spontané et en dehors, par la mobilité de la
bouche et des yeux, sont des portraits intimes.
On sait que le maître pastelliste souffrait de toute
contrainte et qu'il avait horreur de la pose du
modèle. De là son habitude de procéder à l'étude
du masque par des préparations rapides. L'attrait
merveilleux du Musée de Saint-Quentin réside, eu
majeure partie, dans le groupement de toutes ces
préparations léguées par La Tour à sa ville natale.
Le Louvre, qui a d'admirables pastels d'apparat.
était assez pauvre en morceaux de ce genre. Il
avait laissé échapper le portrait de l'Abbé Pommier,
dont s'enorgueillit maintenant M. Pierre Decour-
celle, et, antérieurement, le La Tour par lui-même.
qui est un des fleurons du Musée d'Amiens. Cette
lacune vient d'être comblée par l'entremise heu-
reuse de l'auteur de ces lignes.
J'ai eu l'honneur, l'honneur très émouvant, de rece-
voir des mains de la famille Danjou, pour le porter
au Louvre, un des La Tour les plus parfaits, un
de ceux précisément où le caractère de vie est
marqué des traits les plus incisifs : le portrait de
D'Alembert. Depuis de longues années je me pré-
occupais de la destinée de cette icuvre; j'y pensais
sans cesse. La place de cette image souvent citée,
mais peu connue, du célèbre encyclopédiste, — sa
trace ayant pour un temps disparu, — n'était-elle
pas au Louvre, non loin des effigies de Voltaire, île
Rousseau et de Diderot ? C'est là maintenant (pa-
les dévots du passé iront interroger la physionomie
expressive du mathématicien illustre dont le
génie brilla entre ceux d'Euler et de Newton, de
l'ami très tendre de Mlle de Lespinasse, de
l'homme excellent et désintéressé dont la vie sim-
ple et facile s'acheva dans le modeste logis qu'il
occupait au Palais du Louvre, en qualité de Secré-
taire perpétuel de l'Académie des Sciences.
Grâce à la magnifique libéralité de M. Danjon
le D'Alembert, exécuté au Louvre même par La
Tour, est revenu à sa demeure primitive pour y
trouver un asile définitif. Ce don, d'ordre sentimen-
tal, n'en est que plus touchant et plus précieux. Il a
été fait en mémoire d'un fils profondément épris d'art
et à jamais regretté. Malgré la réserve qui s'impose,
j'ai le pieux devoir de citer les termes de la lettre
si belle que M. Danjon m'écrivait le 5 août dernier :
« Avec le plein assentiment de ma femme, de
ma fille et de mon gendre, M. Paul Lavalley, je
donne au Louvre le D'Alembert, au nom du fils
et frère que nous avons perdu, et dont la trop courte
jeunesse avait été embellie par le culte des arts.
« La place du D'Alembert de La Tour est au
Louvre, et nous comptons qu'il y aura une place
digne de sa valeur artistique comme œuvre, de sa
valeur historique comme portrait.
« A ce don, je ne mets qu'une 'seule condition :
le maintien au bas du cadre — qui est le cadre
authentique et non retouché — d'un cartouche
analogue à celui actuellement existant, et qui indi-
quera la filiation du tableau, avec la mention :
<< Donné au Louvre en mémoire de René Danjon ».
L'histoire de ce pastel n'offre pas de mystère.
M. Armand ('.asti', professeur à la Faculté de Caen,
a établi son étal civil dans une note parue, en
1896, dans k-s comptes-rendus des Réunions t/e^
se. iétês des Beaux-. Iris îles Départements. Le portrait
82
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
de D'Alembert figura au fumeux Salon de 1753.
où dix-sept pastels consacraient la renommée
du <• grand magicien », selon l'expression de
Diderot. Il voisinait avec le Rousseau, le Syl-
vestre, le Wattelet, le Manelli, le Nollct et la déli-
cieuse Mme de Mondonville appuyée sur un clave-
cin, aujourd'hui dans la collection de Mme Jahan-
Marcille. Grimm le proclama <• surprenant » et
Fréron <• étonnant pour la ressemblance ». D'Alem-
bert le légua à son ami et exécuteur testamentaire
Condorcel : de Mme de Condorcet. il entra en la
possession de M. Jean Romain, architecte du dépar-
tement du Calvados, et grand-père maternel de
M. Danjon (Mme de Condorcet était la marraine
de Mme Jean Romain).
Voici, du reste, ce qu'on lit dans un fragment de
lettre de M. Jean Romain, adressée à sa fille, le
30 mai 1819 : « Il y a dans mon bureau quelques
bosses eu plâtre, c'est-à-dire des tètes d'après l'an-
tique, à Mme de Condorcet ; elle m'a donné dans
le temps un petit tableau qui est dans le salon :
c'est un paysage au-dessus du sopha... : elle me
donna encore un portrait en pastel de D'Alembert.
Je te dis ces choses-là pour (ta) gouverne et répondre
en cas de réclamation (si l'on) avait oublié ce qui
s'est passé ». M. Danjon m'a chargé de remettre
aux archives du Louvre une photographie de cette
lettre ; elle complétera le procès-verbal des scellés
apposés au Palais du Louvre, après le décès de
D'Alembert et où on lit ce qui suit : « En exécution
de la susdite ordonnance, avons procédé à l'appo-
sition des scellés et à la description sommaire des
meubles et effets en évidence. Dans l'appartement
où est décédé le dit sieur d'Alembert, le portrait
du défunt sieur d'Alembert clans son cadre doré (1).
C'est le cadre sans prétention que nous lui voyons
encore et dont l'or apaisé fait si bien valoir les
nuances délicates de l'œuvre de La Tour.
Pour une fois, le portrait achevé surpassa la
préparation. C'est un des chefs-d'œuvre de La
Tour ; un chef-d'œuvre d'intimité et de bonne hu-
meur. Le temps, d'ordinaire si inclément au pastel,
a respecté dans celui-ci sa rieur première et cette
harmonie des valeurs qui unit à ravir le mauve de
l'habit aux bleus opalisés du fond.
Louis Gonse.
Membre du Conseil des
Musées Nationaux.
LA STATUE DE WASHINGTON, PAR HOUDON
et sa reproduction au Musée de Versailles
Au mois de juin 1784, les membres de l'Assem-
blée générale de la Virginie, voulant offrir un
témoignage de reconnaissance à leur illustre
compatriote George Washington, alors rentré dans
la vie privée, décidèrent de lui élever une statue.
devant être, disait la résolution, « du plus beau mar-
bre et du meilleur travail » (1). Le gouverneur de la
Virginie, Harrison, chargé de la réalisation du pro-
jet, s'adressa pour le choix d'un sculpteur à Tho-
mas Jefferson représentant la nouvelle République
auprès de la Cour de France et à Benjamin Franklin,
leur demandant d'indiquer •• un très habile artiste »,
selon K- vœu des députés. En même temps, le
Gouverneur mandait au peintre Charles Wïlson
- ki 1 llenti de la Notii e éi 1 ite par A. de
on et G.Duplessi ft vue universelle des Irts, 1855),
lu 1 ■ Sherwin Me Rae : Washing-
ai les artistes, lu statue ai Houdon, son his-
• valeur, publié en [873 par ordre du Sénat de
- 1 1 raduit par M. Félix Ri | imi \ I <i statue
: |l . .111 S").
Peale de retracer les traits de Washington afin
d'envoyer ce portrait au sculpteur comme modèle.
Jefferson et Franklin désignèrent Houdon. L'artiste
était alors célèbre, sa renommée grandissait ; le
« Voltaire » du Salon de 1781 avait rendu son nom
populaire par toute l'Europe. Soucieux de conser-
ver les traits des hommes illustres et des personna-
ges en renom, Houdon n'avait pas manqué de mode-
ler les portraits des Américains venus en France,
dont la société d'alors raffolait. En 1779. il expo-
sait le buste de Benjamin Franklin, en 1781, celui
de l'amiral Paul Jones. Les relations de l'artiste
avec les Américains expliquent suffisamment leur
choix. Toujours désireux de traduire la réalité
vivante, Houdon ne pouvait se résoudre à créer
une statue d'après un simple tableau, il voulut
contempler les traits du héros de l'Indépendance et
résolut d'entreprendre le voyage. Le S juillet 1785,
(1) Ch. Henry. Œuvres inédites de d'Alembert, Appen-
dice II. (Archives Nationales, section judiciaire, V ;<i4).
BULLETIN" DES MUSÉES DE FRANCE, 1910.
Portrait de d'Alembert.
Pastel, par La Pi h r,
(Musée du Louvre.)
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
83
Houdon signait un traité avec Jefferson, aux con-
ditions suivantes : l'artiste recevrait 20.000 livres
ou mille guinées pour la statue et son piédestal en
marbre, toutes les dépenses du voyage lui seraient
remboursées ; enfin, s'il venait à mourir en route,
une somme de 10 000 livres serait versée à sa
famille. Cette dernière clause faillit faire rompre
les négociations, mais
Houdon y tenait ab-
solument . Jefferson
prit pour lui une as-
surance sur la vie en
Angleterre. Le départ
de Houdon eut lieu le
22 juillet de cette an-
née; il s'embarqua au
Havre, sur le même
navire que Franklin.
En se rendant en
Amérique, Houdon
avait l'espérance
d'obtenir la com-
mande d'une œuvre
plus considérable que
la statue votée par la
Virginie; il avait l'am-
bition d'entreprendre
une statue équestre.
« L'objet le plus im-
portant de ce voyage,
écrira Jefferson aux
délégués de l'Etat de
Virginie (lettre du
12 juillet 1785), est
d'être chargé de faire
la statue équestre du
général Washington
pour le Congrès. C'est
l'espoir d'obtenir ce
travail qui seul a pu le
décider à entreprendre le voyage, car la statue en
pied pour l'Etat de Virginie ne lui produira pas, à
beaucoup près, ce qu'il perd en s'absentant de chez
lui ; je fus donc obligé de lui promettre formelle-
ment une recommandation pour la statue éques-
tre, œuvre d'une bien plus grande importance »>.
En effet, le Congrès des Etats-Unis avait déjà voté,
le 7 août 1783, qu'une statue du général serait éri-
gée au lieu où serait établie la résidence du Con-
grès. La statue devait être de bronze le général
m ^- ^w
W ■ l 'P^^
é
m, V
1
nu finit ~lS
1 hl2- îujfl
HBIkVjI
t 4. . ir "'
D'après le marbre du_Capitole de Ru lin, ml.
représenté en costume romain, la tête laurée, tenant
de la main droite le bâton de commandement ;
sur le socle, divers bas-reliefs auraient retracé des
épisodes des victoires de la guerre de l'Indépendance.
Une telle entreprise eût permis à Houdon de riva-
liser avec les œuvres célèbres de Lemoyne, Bouchar-
don ou Falconet. Pour motiver le choix du sculp-
teur français, Jeffer-
son déclare, dans la
même lettre, que
Houdon est en pos-
session de « l'atelier,
des fourneaux et de
tout le matériel qui
a servi pour exécu-
ter la statue de
Louis XV », faisant
allusion à l'atelier du
Roule où avait été ac-
complie la fonte du
monument de Bou-
chardon et Pigalle, et
que par conséquent,
les frais seraient
moindres pour une
nouvelle statue de
bronze ; il ajoute quel-
ques réflexions assez
curieuses sur les sta-
tues équestres qu'il
trouve généralement
difformes par leur
trop grande dimen-
sion et propose que
celle projetée par le
Congrès soit le plus
près possible de la
nature, afin d'être
plus belle et moins
chère. La résolution
du Congrès fut alors oubliée et aucunes proposi-
tions ne furent laites à Houdon, semble-t-il, du
moins nul document n'en porte témoignage.
Houdon fut revu par Washington, dans sa retraite
de Mount-Vernon, le 3 octobre 17S5 ; il y demeura
deux semaines observant silencieusement son
modèle esquissant son buste et prenant de sa per-
sonne des mesurations d'une exactitude rigoureuse,
avec le concours des deux praticiens qu'il avait
amenés. Il obtint même l'autorisation de prendre
M
BULLETIN DES MUSÉES DE ERANCE
(Ks moulages sur nature ; Washington souffrit
qu'un moulage soil exécuté de son visage et des
empreintes, de la partie supérieure du corps. Quand
Houdon revint à Taris, au début de l'année 1786,
il se mit à l'œuvre à l'aide des documents qu'il rap-
portait a); mais une grave question n'avait pas
iolue, celle du costume dont il revêtirait le
h. 'ois.
Houdon songeait probablement à des draperies
à l'antique : la préoccupation des moulages du
corps de Washington semble l'indiquer. Washington
consulté, donna modestement son sentiment (Ier
août 17S6), inclinant vers le costume moderne ;
avis dont Jefferson s'empara avec joie pour faire
triompher son opinion ; car ce fut lui, sans doute,
qui imposa à l'artiste le vêtement militaire ; il se
moquait, avec bon sens, des nudités héroïques,
déclarant qu'il trouvait un moderne en costume
antique « tout aussi ridicule que le serait Hercule
ou Marins avec une perruque et un chapeau sous
le bras ».
Houdon acheva son modèle en plâtre en 1788.
si l'on en croit la date inscrite à la suite de sa signa-
ture. (_»). Le marbre fut lentement sculpté, son
envoi, peut-être retardé par les événements n'eut
lieu qu'en 1796 ; au mois de janvier, la statue et
son piédestal étaient embarqués au Havre à bord
du navire « le Planteur » ; l'érection solennelle
s'accomplissait au Capitole de Richmond le 14 mai
1796.
Vêtu de m m costume militaire habituel, l'habit
bleu foncé à revers chamois, la culotte jaune, les
jambes moulées en de hautes bottes de cuir, les
mains gantées, tête nue, Washington s'avance, une
canne à la main, en une attitude noble et hère.
A sa gauche s'élève une sorte de haut faisceau
symbolisant les Etats confédérés, son épée au four-
reau >■ est suspendue, un soc de charrue pacifique
achève le symbolisme de ces accessoires dissimulés
< nt par un manteau aux plis amples
-m lequel le général appuie la main gauche.
(1) L'épreuve en terre-cuite du buste de Washington,
qui se trouve au VI u ée du I ouvre, est datée di [786; ,111
Salon di 178; l'artiste exposait le buste du général en
ire avei cette menl ion Fait pai l'auteui dans la
tern di ci général, en Virginie ».
(2) Si u la lu ;e, .1 la droite du personnage, se lit la signa
turc -
pai houdon, citoyen français, 178S
Sur le dc\ anl en 1 apitali - l'in -< 1 1 1 > t n > [ 1
1 11 ,1 Washington.
Ii lai m nu m i- 1 m. S ; de hauteur.
Il serait intéressant de connaître les divers pro-
jets de Houdon qui chercha longtemps. Dans ses
souvenirs parisiens, l'allemand Meyer a décrit une
maquette qu'il vit dans l'atelier de l'artiste, repré-
sentant un Washington laboureur, vêtu d'une
veste à moitié boutonnée, des sandales aux pieds,
un grand manteau couvrant les épaules et le dos.
Houdon avait probablement exécuté une sorte de
compromis entre le costume contemporain et la
draperie antique !i). Il est heureux que pareil
projet n'ait pas été exécuté. En copiant fidèlement
le costume qu'il avait vu, Houdon a donné du
fondateur de la République américaine une image
certes plus vivante, plus émouvante qu'en le tra-
vestissant ou l'idéalisant ; il a gardé pour les géné-
rations futures la représentation de la personne
même, un << véritable fac-similé », suivant le mot
célèbre de La Fayette (z).
Cette statue devrait être vue de près, presque
de plain-pied, elle paraîtrait plus saisissante de
réalité, aussi Houdon avait -il longtemps sollicité
l'autorisation de modifier ou de réduire les inscrip-
tions commémoratives qui devaient être gravées
sur la base ; il ne put obtenir gain de cause et
le marbre se voit à Richmond élevé sur un haut
piédestal (3).
Dans la seconde moitié du xixe siècle, l'image du
Washington de Houdon fut répandue par la repro
duction pour orner des édifices publics : moulages
de plâtre et répliques de bronze. Depuis de longues
années, il était question d'offrir à la France une
copie de l'œuvre célèbre du maître français. M. Félix
Régamey, en 187g, au cours d'une mission, plus
tard en 1905, en traduisant la notice officielle de
Sherwin Me Rae, puis M. Henry Jouin, s'effor-
cèrent de faire venir en France une réplique de la
(1) la, ■ne universelle des Arts, I, 1855, p. 326; voir éga-
leraent un témoignage du même genre dans: Paris en
[790. Voyage de Halem, traduit et annote par A. Chuquet .
p. 235 (Paris, [896, in-8°). Nous ne savons quel était
l'aspect de la petite maquette exposée au Salon, en
i79.v
(2) On a )>u récemment s'assurer de la rigoureuse
exactitude anatomique d'un buste de Houdon, celui de
l'amiral Paul Jones (conservé à l'Académie îles Beaux-
Axts de Philadelphie) en le comparant au squelette retrouvé
a Paris. Voir le rapport du I >r l'apillault et les planches
curieuses publiées dans les Procès-verbaux de la Commis-
sion Un Vieux Paris, année 1905, p. 152-153.
i;) Notre gravure reproduit l'original tel qu'il se pré-
sente .m 1 ,1] ni oie il,- Richmond, mais le piédestal supprimé.
Notons que la lumière est très favorablement distribuée
.m Capiti île, éclairant Ii marbre par en haut.
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
statue (i); c'est l'Assemblée de la Virginie, qui, en
signe d'amitié et en témoignage de reconnaissance
pour la France, vota le 17 mars 1910, le don d'une
réplique de bronze (2). La statue, placée au Musée
de Versailles, fut inaugurée en une cérémonie solen-
nelle, le 18 août 1910 (3).
La traduction du marbre en métal trahit les
intentions de l'artiste et diminue la beauté de
la sculpture. Tout le modelé révèle le travail
du marbre. En préparant sa statue pour la fonte,
Houdon eût certainement donné plus de précision
aux détails et l'eût allégée, en supprimant des
attributs encombrants qui forment dans le bronze
des masses lourdes et sombres. Nous devons néan-
moins remercier les Américains de nous permettre de
mieux connaître une des œuvres importantes de la
sculpture française du xvnr' siècle, un des rares
exemples de statue commémorât ive où le personnage
ait été vêtu du costume moderne. Une curieuse com-
paraison peut s'établir désormais, à Versailles
même, entre deux statues du maître exécutées
à peu d'années d'intervalle : Tourville (1781) et
Washington; il y a un singulier contraste entre
l'emphase du théâtral Tourville et la gravité,
la sincérité, la noblesse calme du général amé-
ricain. G. Brièrk.
UN NOUVEAU TABLEAU DE TOUSSAINT DUBREUIL
à Fontainebleau
Dans une communication faite à la Société des
Antiquaires et recueillie depuis dam; un volume
de Critique et Controverse, j'ai démontré qu'un
tableau du Louvre attribué à Ambroise Dubois et
qui passait pour venir de la chambre de Théagène
et Chariclée à Fontainebleau, venait en réalité de
.Saint-Germain et était l'ieuvre de Toussaint
Dubreuil (4). C'était le premier tableau qu'on eût
retrouvé de ce peintre, connu jusque là par desdes-
sins seulement. Je ne sais si l'avenir nous réserve
la surprise d'en reconnaître beaucoup d'autres ;
on peut le souhaiter à cause du rang que Dubreuil
a tenu dans l'art français ; en attendant un plus
grand nombre, voici du moins un second tableau
de sa main.
Je le trouve à Fontainebleau, dans la galerie
d'Ulysse, entre plusieurs toiles appartenant au
Louvre et qui y sont en dép t. Il est au catalogue
(i) Voir l'introduction de M. Félix Régamey à sa tra
duction; voir au^si 1 ne note parue dans Musées et Monu-
n ents de France 1906, p. m. Il s'agissait alors de l'offre
faite à titre privé par un citoyen américain, M. Jeffer-
son-Lévy.
(2) Ce bronze provient de la maison Gorham et Cie,
fondeurs, à New-York.
(3) La cérémonie fut présidée par M. le général Brun,
ministre de la Guerre, qui prononça un discours, ainsi que
M. Jusserand, ambassadeur de France aux Etats Unis
en réponse à ceux des délégués améri< nus.
(4) Dimier, Critique et Controverse touchant différents
points de l'Histoire des Arts. Schemit 1909, )>. vi- Il est
difficile de deviner la cause qui fait maintenir depuis iin«|
ans sur la pancarte du tableau du Louvre une mention de
sujet et une attribution reconnues fausses.
de ce dépôt (1) sous ce titre : Adieux d'un GUER-
RIER A UNE REINE. Suit la description en ces ter-
mes : «Un guerrier, la tête couverte de son casque,
s'approche d'une reine et lui tend la main. »
J'avais souvent relu cette mention, regardé
plusieurs fois le tableau, sans soupçonner que d'an-
ciens inventaires, imprimés cependant, en portas-
sent la mention. Aussi cette mention n'est-elle
reconnaissable que moyennant des remarques sug-
gérées par des pièces moins répandues.
I.,i pièce décisive est ici l'Inventaire des Tableaux
de Saint-Germain et de Maisons, assez récemment
imprimé par la Société de l'Histoire de Taris (2).
Cet inventaire est de 1788 ; il nomme des tableaux
remis alors par Chalgrin, intendant des bâtiments
du Comte d'Artois, à Briasse inspecteur des bâti-
ments à Saint-Germain, Ces tableaux venaient de
passer par la réparation, et cette réparation avait
donné matière à un inventaire préalable (en 17S2)
où quelques pièces de plus paraissent. La partie
d'inventaire qui concerne Saint-Germain se compose
de 22 numéros.
M. Bruel, qui publie le document, n'a pu recon-
naître qu'un seul tableau. 1 eu vie de Vouet, con-
servé au Louvre. Il sera je crois difficile d'en recon-
naître un beaucoup plus grand nombre ; mais une
(les causes de cette difficulté scia au mollis levée
(1) Henry de Chennevières, Notice des tableaux appar
/, -1111111 au Louvre exposés au château de Fontainebleau,
1SS1 , n" 1 ; !.
(2) Mémoires de 1 ette Soi iété, ann. [90 i.
86
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
ici. Cette cause consiste dans l'attribution fausse de
la plupart de ces toiles à un peintre qu'on s'étonne
de rencontrer en cette affaire : c'est Van Aaken,
dont les ouvrages ne sont communs nulle part,
et dont la renommée, une fois passé le temps où
l'empereur Rodolphe II l'employa à Prague avec
Spranger, n'a jamais jeté beaucoup d'éclat.
Cette rencontre a de quoi nous instruire des
erreurs imprévues qu'on risque de trouver dans de
pièces de ce genre. Qui croirait qu'un inventaire
dressé à la fin du xvnie siècle, de tableaux conservés
dans un château du roi de France, pût s'embarras-
ser gratuitement, par voie de simple conjecture,
<le Van Aaken ? Cela est ainsi pourtant ; l'auteur de
l'inventaire a cru devoir attribuer à Van Aaken
des tableaux qui n'en étaient certainement pas.
Pour réfuter cette attribution il suffira de com-
parer les mentions confrontées dans le tableau
qui va suivre. Les unes sont tirées de l'inventaire
de 1788, les autres de celui de la collection du Roi
dressé par Bailly en 17 10 (1).
Il est certain que d'un côté et de l'autre nous
avons affaire aux mêmes peintures. D'abord, Bailly
aussi bien que Chalgrin leur assigne pour endroit
le château de Saint-Germain ; de plus les sujets
sont les mêmes, et ce que la description contient
de détail concorde de part et d'autre. Les dimen-
sions sont identiques autant qu'on doit l'attendre
de ces vieux inventaires, toujours approximatifs
à cet égard. Enfin ces concordances constatées à dix
reprises sur dix tableaux de ces inventaires, font foi.
J'ai suivi l'ordre de l'inventaire de 1788.
Inventaire de 178S.
1. Deux tableaux peints
sur toile par Hans Van
Achene 1 lé\ e 'In Parmesan,
représentant l'un l'Assem-
blée des Mu'
et le pendant, les Muses
attentives à la chute de
Pirennée : les fonds île ces
deux tableaux sont termi-
ne pai des paysages. Leur
ui 1 t de 7 i' eds sur
6 pieds ; pou es.
2. 1 11 tableau du même
,1. nit -m toile repré
ni.. m 1. - (ici d'Iphi-
génie. Sa hauteur e: 1 de
6 pieds m | pied io pou-
! es d''
Inventaire de Bailly.
52. Minerve qui va trou-
ver les Muses assemblées sur
le Parna ■ se, figui 1 3 de 3
pieds un quart, ayant de
hauteur 6 pieds -• poui es
sur 7 pied- ' le large.
52. Les Muses et dans
le lointain un homme qui
se précipite du haut d'une
tour, de même dimensions
que le précédent.
411. Iphigénie enlevée du
sacrifice pai l 'iani . 1 1 \ ga
un nui. m qui a un genou eu
telle au pied de l'autel en
action de grâces, figures
de ; pieds un quai 1 ayant
de hauteui <> pieds un pouce
sur t pied i •> pnuces de
large!
65. Une Femme qui offre
un sacrifice et sur le devant
un homme qui tient un
bœuf par une corne, figures
de 3 pieds, ayant de hau-
teur 5 pieds 5 pouces sur
4 pieds 4 pouces de large.
35. L'Assemblée des
Dieux, figures de 2 pieds ou
environ, ayant de hauteur
4 pieds 8 pouces sur 6 pieds
et demi de large.
(1 ) Pub. p. m Engerand Lerouj 19 , ■ 1 suiv.
9. Par A. Van Achene,
un tableau peint sur toile
représentant un Sacrifice
offert par une femme aux
idoles. Sa hauteur est de
5 pieds 9 pouces sur 4 pieds
6 pouces de large (1).
11. Un autre tableau
peint sur toile par le même
maître représentant l'As-
semblée des Dieux. Sa lon-
gueur est de 6 pieds 7 pouces
sur 4 pieds 1 pouce de
haut.
12. Un tableau peint par
Van Achene représentant
1 lybèle descendue chez Mor-
phée. Différents spectres
v sont représentés. Sa lon-
gueur est de 7 pieds sur
; pieds 9 pouces de haut.
(2).
15. Par le même un
tableau peint sur toile repré-
sentant Alexandre prêt à
monter Bucéphale en pré-
sence de Philippe son père
et des grands de la cour de
ce prince. Sa hauteur est de
<; pieds 6 pouces sur 3 pieds
7 pouces de large.
16. Par le même m litre
un tableau peint sur toile
représentant à l'entrée d'un
appartement une Vieille
Femme présentant une lettre
à un guerrier qui paraît
In m. evoir avec l'air le
plus amoureux, mais sur
le devant du tableau ce
même homme paraît avoir
dm hue la lettre que l'on
voit s. .us ses pieds et dans
l'action de tirer l'épée sur
cette femme qui s'enfuit
saisie de la plus grande
frayeur. Sa largeur est de
6 [)ieds sur 3 pieds 9 pou-
ces de haut.
17. Deux tableaux pen-
dants peints sur toile par
le même maître, représen-
tant, l'un un Festin.
et l'autre deux Combat-
tants dont le succès paraît
intéresser deux parties en-
nemies. A droite est une
tente dans laquelle sont
plusieurs guerriers et dans
le fond une ville sur les
remparts de laquelle pa-
i.ut une grande quantité de
spectateurs. Leur longueur
est de 5 pieds 6 pouces sur
3 pieds 9 pouces de haut.
Il suffit de comparer ces mentions deux à deux
pour voir que les tableaux qu'elles désignent sont les
mêmes. A quatre-vingts ans de distance c'est le
1 , C'e 1 I. tableau qui est au Louvre faussement attri-
bué à I >iil.. 'i 5.
(2) I. Dessin esl dans les cartons du Loavre, n° 26.264
73. Vne Femme descen-
dant de son char allant
trouver l'Envie dans son
antre, figures de 3 pieds,
ayant de hauteur 3 pieds
7 pouces sur 6 pieds 9 pou-
ces de large.
59. Un Arc de Triomphe
et sur le devant un grand
cheval blanc qu'un jeune
homme veut monter en
présence de plusieurs figu-
res de 3 pieds un quart,
ayant de hauteur 5 pieds
4 pouces sur 3 pieds et demi
de large.
75. Une Femme habillée
de blanc, effrayée à la vue
d'un homme qui tire son
sabre, figures de 3 pieds,
ayant de hauteur 3 pieds
7 pouces sur 6 pieds 9 pou-
ces de large.
41 >. Un Festin, figures de
2 pieds, ayant de hauteur
3 pieds 10 pouces sur 5 p eds
et demi de large.
41. Un Combat de trou-
pes de guerre, figures d'envi-
ron deux pieds, ayant de
hauteur 3 pieds 9 pouces
sur s pieds et demi de
large.
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
87
même fonds dont on fait l'inventaire. Dans le
second inventaire ce fonds n'est plus entier,
comme on pourra le voir en recourant aux textes
originaux ; le temps a été cause qu'une partie des
tableaux signalés dans l'inventaire ancien a dis-
paru ; mais l'identité ne fait pas de doute. Or
Bailly donne le nom de l'auteur de ces tableaux :
son témoignage doit l'emporter ici. Ce n'est pas
Van Aaken, c'est Dubreuil. Le nom de Dubreuil
et la mention de «Saint-Germain sont inscrits sur
tout ce chapitre.
Ainsi ceux qui chercheront l'identité de ces toi-
les, devront simplifier leur besogne en oubliant le
peintre de Prague pour ne tenir compte que du
Français ; de plus ils auront pour s'aider dans
ces recherches et reconnaître ces tableaux, le
secours des mentions de Bailly correspondantes.
Voici maintenant une autre remarque.
J'ai dit que dans le second inventaire plusieurs
pièces du premier avaient disparu. Il y a entre les
deux une autre différence encore : c'est que quel-
ques pièces conservées ne l'ont été qu'en débri;.
Un certain nombre de tableaux paraissent dans
l'inventaire de 1788 avec la mention « mutilé »,
« mutilé et coupé », « partie d'un tableau ». etc.
Ces tableaux quoique endommagés avaient appa-
remment été jugés dignes d'être réparés, et la répa-
ration avait eu pour effet de supprimer la partie
de la toile irrémédiablement gâtée afin de régula-
riser le reste.
En voici un exemple :
Inventaire de 1788. Inventaire de Bailly
21. Cinq fragments de
tableaux peints sur toile
dont l'un représente une
Figure nue et dans l'eau,
un autre Adonis s'y 55. Narcisse .1111 se mire
mirant... dans l'eau, figuresde 5 pieds
un quart, ayant de hauteui
6 pieds 2 pouces sur 22 pou-
ces de large.
Ce fait a naturellement pour conséquence de
changer les dimensions du tableau, comme il paraît
dans ce qui suit :
Inventaire de 1788.
19. Par le même, un
tableau pareillement mu-
tilé et coupé, représentant
un Homme nu et debout,
un autre baissé contre terre
tenant un réchaud plein
de feu, le fond est une
forêt. Sa hauteur est de
5 pieds 9 pouces sur 4 pieds
9 pouces de large.
Inventaire Bailly.
17. Un Homme debout
ayant simplement une dra-
perie sur les épaules accom-
pagné d'une autre figure
baissée qui allume du feu
dans un bassin, ayant de
hauteur 5 pieds 1 1 poui es
sur 10 pieds m pouces de
large.
La différence de dimensions qui empêcherait
de reconnaître le même tableau des deux côtés,
est suffisamment expliquée par le fait que l'un des
inventaires le représente comme mutilé.
Le même fait peut expliquer aussi des change-
ments dans la description, quand des figures se
trouvaient dans la partie enlevée. Ainsi c'est le
même tableau qu'on trouve de part et d'autre
ici :
Inventaire de 1788. Inventaire Bailly
18. Par le même maître, 15. Une Séparaton d'un
une partie de tableau pe'nt homme armé d'avec une
sur toile, représentant un femme, et six autres femmes
Guerrier invitant une femme dans le coin du tableau,
à le suivre, le tond est une ayant de hauteur 5 pie 1s
forêt. Sa hauteur est de onze pouces sur 10 pieds
5 pieds sur 3 pieds de large. 10 pouces de large.
Il est évident que les « six autres femmes dans
le coin du tableau » mentionnées chez Bailly ont
pu soit être négligées dans la description de 1788,
soit avoir réellement disparu.
Cela étant, venons à notre fait. Le tableau dont on
vient délire en dernier la double mention d'inventaire
est le tableau de Fontainebleau. Pour le reconnaître
dans l'inventaire de 1788, il ne faut que comparer
i° le sujet, 2° les dimensions. Celles-ci sont portées
au catalogue de M. de Chennevières : « hauteur
1 m. 62, largeur 0 m. 98 », qui correspondent exacte-
ment.
Jamais, n'ayant en main que l'inventaire Bailly.
l'identité n'aurait pu s'établir à cause des dimen-
sions et du groupe disparu. Grâce à l'inventaire de
1788. cette difficulté s'évanouit. A si m tour l'in-
ventaire Bailly permet de connaître le nom du
peintre, que l'autre inventaire ne donne pas.
Ainsi le tableau de Fontainebleau est de Dubreuil
et provient de la décoration de Saint-Germain.
Cette atribution à Dubreuil n'est pas seulement
la conclusion à laquelle tend tout ceci, elle est à
sa manière garant de la vérité de l'induction. En
effet, rienn'est si semblable à la manière de Dubreuil
relevée et dans ses dessins et dans le tableau du Lou-
vre, que la manière de ce tableau, lui l'absence de
tout renseignement je l'avais déjà (1) mis au
compte d'un maître français du temps de Henri IV.
Autre chose veut encore être considéré : c'est
que le passage de ce tableau de Saint-Germain à
Fontainebleau est rendu probable pris en soi par
un second fait que voici. Il n'a pas fait seul ce
1 ontainebleau (Collei tion des Villes i
I " édition, l.alllens 191 iS, p. 1 cil.
88
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
voyage. Un autre tableau du dépôt de Fontaine-
bleau se reconnaît dans l'inventaire Chalgrin. Il
décrit en ces term s :
26. Par le Parmesan, un tableau peint sur toile et
trouVl mt < yrbèle descendue chez
Morphée. Ce dieu est endormi, cette déesse paraît tout
employée pour le réveiller, plusieurs spectres s'envolent
dans les airs le fond est un paysage. Ce tableau est très
précieux et sa composition très intéressante. Sa largeur
. st de ; pieds 6 pouces 6 lignes, haut de j pieds.
Dans le catalogue du dépôt de Fontainebleau
ce talile. 'ai est ainsi décrit sous le n° 2\ :
24. Ecole du Primatice. La Terre réveillant Morphée.
Morph endormi est couché par terre appuyé sur des cous-
hiis Cybèle la tête coiffée d'un diadème formé de tours et
desi 1 ndm d< son 1 har attelé '\'\i^ lion dont on n'aperçoit
<|ue la tête, pose une mon sur l'épaule de Morphée et
montre de l'autre le Temps s'efforçant de retenir la Nuit
qui s'envole. Hauteur o m. ç.6. largeur 1 m. 17. Toile.
De qui ce tableau-là fut réellement, il n'importe.
On ne le trouve pas dans l'inventaire Bailly. et
toute ouverture manque quant à l'attribution.
Aussi ne veux-je retenir qu'un point. Cette ren-
contre dans le mê.ue dépôt de deux tableaux pro-
venant d'un même inventaire, n'est sans doute pas
le fait du hasard.
L'inventaire de Chalgrin montre ces vieilles
peintures connue oubliées à Saint-Germain ; il
constate qu'elles passèrent eu 1788 des mains du
Comte d'Artois dans celles du Roi. Le Comte d'Artois
possédait Maisons, il avait l'usufruit de Saint -
Germain ; ce document nous le fait voir se débarras-
sant des tableaux trouvés en ces deux endroits :
ils ne purent aller qu'aux magasins. Que les deux
dont il s'agit aient passé de là à Fontainebleau,
c'est la chose la plus naturelle du monde.
Une remarque curieuse pour finir. M. de Chenue-
vières avait ajouté dans le catalogue de Fontaine-
bleau, parlant du tableau que j'étudie : « Ce tableau
a été considéré à tort comme faisant partie de la
suite de l'histoire de Clorinde, par Ambroise
Dubois. » Ainsi la même erreur qu'on a faite au
sujet du tableau du Louvre, on la fai;ait aussi
sur celui-là. Le style de Dubreuil était méconnu, et
on avait perdu le souvenir des décorations dont
ces tableaux sont le reste.
Souhaitons qu'on les rassemble enfin, autant
en témoignage de ces décorations, qu'afin de per-
mettre une étude plus facile de la manière de
Dubreuil, hier presque inconnu, maintenant abor-
dable dans deux peintures. j tjimier
MUSEES NATIONAUX
Documents et Nouvelles
MUSÉE DU LOUVRE ?°t'f°f°tt°?t°?
-f i °f Société des Amis du Louvre. — Le
conseil de la Société des Amis du Louvre a
désigné pour succéder au regretté < 'reorges Berger,
à la présidence de la Société, M. Jules Maciet qui
occupait la vice-présidence depuis la fondation
de la Société. ( >n sait les nombreuses et intelligentes
libéralités que doivent à M. Maciet nos musées de
Paris et même ceux de province. * >n connaît la lar-
geur de ses goûts et l'intérêt actif et éclairé qu'il
porte à nos collections. ( )n ne saurait trop se ré-
jouir de ce choix, ni trop remercier M. Maciet
d'avoir bien voulu accepter une tache dans l'ac-
complissement de laquelle il est appelé à rendre de
si grands services.
nx places qui étaient vacantes au Conseil
en remplacement de MM. Georges Berger et Louis
Legrand seronl occupées d'après [a désignation
du Conseil pai MM. Jeuniette et Walter Gay.
La Société veut décerne] deux dons de 10.000 fr.
chacun, l'un de Mme Alexandre Weill, l'autre de
M. David Weill. Ces sommes s'ajoutent à celles
fournies l'an dernier par deux dons anonymes et
serviront à acheter pour le Louvre une œuvre qui
risquerait de quitter la France.
°if ■>" °t . La collection Chauchr.rd. — Les ta-
bleaux de la collection Chauchard. ainsi que les
bronzes de Barye légués au Musée du Louvre ont
été installés, comme nous l'avions annoncé, dans les
salles de la galerie du bord de l'eau qui fait suite à
la salle des Rubens. C'est la première conquête sur
les anciens locaux du Ministère des Colonies. L'en-
semble de ces salles présentées avec luxe et avec
goût, bien que l'installation doive être considérée
comme provisoire, a été inauguré le 15 décembre
dernier par M. le Président de la République Fran-
çaise. Nous reviendrons certainement sur cet enri-
chissement considérable de nos séries de peintures
modernes.
>" t? -f Les dessins du XIXe siècle. — I, 'installa-
tion de l'ensemble des miniatures et dessins d'Isa-
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
89
bey, légués au Louvre par Mme Rolle, dans le
cabinet voisin de la salle des Pastels occupé
jusqu'ici par les dessins d'Ingres a entraîné d'assez
importants remaniements dans la présentation des
dessins français du xixe siècle. La série qui est ex-
posée dans le couloir voisin de l'escalier Thomy
Thiery a été modifiée et complétée par quelques in-
téressants documents (aquarelles de Cabat, de
Granet, d'Isabey, de Paul Huet). Mais c'est au
second étage, dans une salle qui s'ouvre sur le
même palier que les salles de peintures modernes
qu'une exposition d'ensemble a été tentée, réunis-
sant les œuvres d'Ingres à celles de Delacoix, à
côté de quelques beaux dessins de Millet et de
Corot et de curieuses esquisses de Ravier ou d'Her-
vier. On connaît bien la belle série des dessins d'In-
gres que possède le Musée, études et portraits :
elle est là au complet dominée par la collection
qu'on a pu réexposer dans leur ensemble des car-
tons de vitraux pour la chapelle Saint-Ferdinand
des Ternes ou pour celle de Dreux. Moins célèbre
et plus récemment composée par des acquisitions
et des dons est la série des Delacroix, mais non
moins attachante.
On pourra voir aussi dans cette nouvelle salle une
brillante aquarelle de Lami, le Souper de la Reine
d'Angleterre, dans la salle de spectacle de Ver-
sailles, ainsi que des dessins d'Henri Regnault et
de Carpeaux.
<*r °f °f Objets d'art du moyen age et de la
Renaissance. — Les bijoux de la Renaissance,
dont le fonds véritable provient de la généreuse
donation du baron Davillier, étaient demeurés
peu connus du Musée du Louvre, dans une des
vitrines plates et profondes de la galerie d'Apollon.
LTne heureuse présentation dans la première vitrine
centrale de la même galerie les révélera au public.
Les bijoux, presque tous en pendentifs, faits de
perles baroques et d'émaux, se présentent beaucoup
mieux sous leurs deux faces, sur de petites potences
gainées de velours. Quelques gemmes montées en
vases et ornées d'émaux en rompent l'uniformité
d'effet ; quelques orfèvreries, les beaux bijoux go-
thiques, les émaux translucides sur or y apportent
leur éclat et leur richesse d'aspect. Il y aura peu de
visiteuses qui ne s'y arrêtent longuement.
musée de cluny ^t-e-g-e-a-et-t
°ç °f °ç Les collections archéologiques réunies
dans les Thermes de Julien vont s'enrichir de deux
beaux morceaux de sculpture décorative de l'époque
romane qui avaient été retrouvés récemment en
démolissant une maison de la petite ville de
Cluny. On serait assez tenté d'y voir des fragments
de la décoration de la célèbre abbatiale ; mais on
sait aussi que de nombreuses maisons s'étaient
élevées à Cluny au xne siècle, abondamment et
élégamment ornées, dont quelques-unes sont encore
intactes ; il est très probable que c'est de l'une
d'elles que viennent le beau linteau et la charmante
petite fenêtre acquise par le Musée de Cluny.
°jf °f °j? Le Musée a reçu récemment en don de
MM. Isaac et Moïse de Camondo un certain nombre
d'objets du culte hébraïque destinés à être joints
à la section spéciale constituée déjà grâce aux libé-
ralités de la baronne Nathaniel de Rothschild.
MUSÉE DU LUXEMBOURG f f V f f f
H % "? Te portrait de Lenepveu, par Machard,
daté de 1868 qui a été légué à la mort du musicien
aux Musées nationaux, sera exposé au Musée du
Luxembourg.
°$ >° -.f Le Musée a acquis d'autre part un portrait
au pastel de Théodore de Banville, par Renoir,
qui appartint à Mme Catulle Mendès.
MUSÉE DE VERSAILLES -f t f f 1 f H
-f °f V Le 31 octobre, la Société des Amis de Ver-
sailles a inauguré le nouvel aménagement de la
« Galerie liasse ». transformée en •< Galerie des ba-
tailles de Louis XV ». par l'installation des tableaux
de Lenfant et J.-Ii. Martin commémorant des vic-
toires du règne. Les peintures de Pierre Lenfant
furent exécutées pour la décoration de 1' « Hôtel de
la Guerre », à Versailles, construit de 1759 à 1762.
Elles ornaient un salon d'honneur où elles furent
placées en 1771, comme nous l'apprend une note au
livret du Salon de cette année. Les cinq grandes
peintures qui représentent : le siège de Menin,
le siège de Fribourg, la bataille de Fontenoy, le
siège de Tournai et la bataille de Lawfeldt, s'ac-
compagnaient d'autres plus petites, probablement
des dessus de portes, qui n'ont pas toutes été
recueillies au Musée. Un grand portrait équestre du
Roi, œuvre de Charles Cozette, daté de 1763, qui
figurait dans la même pièce du Ministère, est venu
également prendre place dans la « Galerie basse ».
Le Musée historique de l'année conserve une suite
9°
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
de dessins ]>;tr P. Lenfant (crayon et plume avec
rehauts d'aquarelle), représentant des épisodes de
combats, de sièges de villes, des campements de
troupes, qui doivent être rapprochés des peintures
île Versailles; plusieurs esquisses sont très remar-
quables par la vivacité et la justesse des traits,
il semble bien que l'artiste ait suivi des armées
en marche et ait assisté à des actions militaires.
Charles Cozette travaillait avec Lenfant, certains
dessins leur sont attribués en collaboration.
Les peintures, nouvellement exposées à Versailles
ont reçu des encadrements somptueux qui les met-
tent en valeur ; ces travaux ont été exécutés à
l'aide de la donation faite par M. Gordon-Bennet.
D'autres améliorations de ce genre se préparent,
grâce à des libéralités de généreux amis du Musée.
LES LE SUEUR DE MARMOUTIER
au Musée du Louvre et au Musée de Tours
Le 29 août 1785, le comte d'Angiviller, direc-
teur des bâtiments du roi, demanda aux moines de
Marmoutier de vouloir bien soumettre à l'examen
d'un expert ceux de leurs tableaux qui étaient attri-
bués à Le Sueur, afin de les placer dans la collection
de Sa Majesté. Xous verrons par la suite que ces
tableaux étaient au nombre de dix. Cette requête
était un ordre, et les religieux s'empressèrent d'y
faire droit. Un des gardes de la collection royale,
le sieur Jollain se rendit donc à Marmoutier, et il ne
retint que quatre tableaux qui furent transportés
à Paris pour un examen plus approfondi (1).
C'étaient : i° Un saint Sebastien expirant et du
corps duquel les saintes femmes arrachent les flèches.
2" Saint-Louis pansant les malades et baisant
leurs plaies.
;" Une apparition de la s, mite Vierge, de saint
Pierre et de saint Paul, de sainte Agnès et de sainte
Tkècle à saint Martin.
4° L'apparition d'un globe de jeu sur la tête de
saint Martin, vitrant le Saint Sacrifiée. Ce tableau.
beaucoup plus petit que Les précédents était enea-
dré dans la boiserie- d'une des chambres de l'hôtelle-
rie appelée de saint Martin.
La chronique à laquelle nous devons ces préci-
sions, nous apprend également que Marmoutier
possédait chacun de ces tableaux en double exem-
plaire. Il y avait donc apparemment, de chaque
sujet, un original et une copie — ou plutôt une
réplique due aux élèves de Le Sueur et à laquelle
' rensi ign< mi m nous sont fournis par un manus-
I libliol hèque de I oui s \ enani de M u moutier et
/ morabilium monasterii Liber. ■ Y.
■ : arts en Vouraine
Ce doi ument ont 1 omplc
tés pai 'lie 1 publiée dans les '■
' pagi 1 4 5 - 3 48 .
celui-ci aurait à peine mis la main. Dans quelle
mesure le maître avait-il participé à l'exécution
des originaux eux-mêmes ? C'était la question que
les experts de Paris allaient se charger de résoudre.
Elle était d'autant plus délicate que Le Sueur, on
le sait, se faisait généralement aider par des colla-
borateurs. Et cela explique, en partie, l'inégalité
de facture que l'on remarque dans ses oeuvres.
Il y avait en outre à Marmoutier, deux autres
tableaux qui étaient attribués à Le .Sueur, et,
ajoute la chronique « qui étoient généralement
prisés au-dessus des autres ». C'était une Descente
de croix et un saint Benoît. Le sieur Jollain les
repoussa comme apocryphes. Eut-il raison ? En ce
qui concerne le saint Benoît, comme on le verra,
cela est plus que discutable.
Quant aux quatre tableaux, retenus par lui,
son choix s'était-il porté sur les répliques ou sur
les originaux ? Ceux-ci d'ailleurs étaient-ils d'une
facture supérieure à celles-là ? En vérité il nous
est impossible de formuler une opinion à ce sujet,
et nous voulons bien croire à la perspicacité du
sieur Jollain. Ce qui est certain, c'est que les moi-
nes de Marmoutier durent éprouver une certaine
stupéfaction en recevant de M. d'Angiviller en Oc-
tobre 1785 la lettre dont voici les passages essentiels :
« J'ai été conduit, mes R. R. P. P., par différentes
circonstances à différer de m'expliquer avec vous
sur les tableaux dont vous avés, avec tant d'hon-
nêteté, consenti l'abandonnemetit au Roi, et que
vous avés en conséquence livrés à M. Jollain, que
j'avais députe vers vous pour les recevoir. L'estime
que vous en faisiés vous laissera toute lasurprisede
ce que je vais vous annoncer, c'est que ces mêmes
tableaux ne sont point de cette exécution absolu-
ment supérieure qui seule peut leur mériter place
BULLETIN DES MUSEES DE ERANCE
91
dans la collection du Roi. Ainsi, comme ce serait
vous priver sans utilité, et sans objet, je vous ferai
repasser ces tableaux mis en état, et comme ils le
méritent, leur infériorité ne les rejetant pas dans
la dernière classe. »
Environ un mois après la réception de cette
lettre, on trouva par hasard le marché passé entre
D. Cyrille Congnault, procureur de l'abbaye, et le
peintre Le Sueur pour
quatre tableaux dont
deux mentionnés ci-des-
sus, à savoir : le saint
Sébastien et le saint Loui\
commandés le 18 février
1654. Les tableaux
furent livrés dans le
cours de la même année.
Ils avaient coûté six
cents livres. Le comte
d'Angiviller auquel on
fit part de ces docu-
ments, n'en fut pas
ébranlé dans son opinion
et « répondit qu'au juge-
ment des artistes, ces
tableaux avaient proba-
blement été faits par des
élèves de Le Sueur, et
tout au plus esquissés
et retouchés par lui,
d'autant mieux que ce
grand homme mourut
l'année suivante après
avoir traîné pendant
longtemps une vie faible
et languissante ».
Dans une lettre du 11
septembre 1786, le direc-
teur des bâtiments du
roi déclare que sur les quatre tableaux qui avaient
été envoyés à Paris, il va en retourner trois « res-
taurés suivant les besoins » (1). Il « se flatte que l'on
ne trouvera pas mauvais » qu'il garde pour lui le
quatrième. Insista-t-on pour lui en faire conserver
(1) Ce sont les numéros 562 et 563 du Catalo
maire des Peintures. Il faut noter que jusqu'à la dernière
édition de ce catalogue (19C8) une fausse désignation
avait été adoptée et maintenue pour le n° 562 que l'un
qualifiait d'Apparition de Sainte Scolastique ,i S.1111I Benoît.»
Voir L. Demonts. Bulletin de la Société de l'histoire de
de l'art français 1908 p. 239.
F'g- 31-
davantage ? Se ravisa-t-il de lui-même ? Toujours
est-il que deux des tableaux désignés ci-dessus
figurent aujourd'hui au Musée du Louvre (1), c'est
la messe de saint Marti 11, et {'Apparition de la
Vierge. Et, en vérité, ce choix témoigne d'un
jugement éclairé. Par la belle ordonnance de la
composition , par l'harmonie générale de la colo-
ration et l'absence d'emphase dans la mise en
scène, ces deux tableaux
nous semblent considé-
rablement supérieurs
aux deux autres.
Quant à la réplique de
la messe de saint Martin,
qui a été conservée au
Musée de Tours, et qui
est de plus petite dimen-
sion, la gaucherie avec
laquelle sont traités les
accessoires, une facture
hésitante et timide, nous
feraient croire à une co-
pie. Ce qui est. dans
tous les cas, certain,
c'est que ce panneau a
subi de fâcheuses retou-
ches. On distingue net-
tement un grattage de
l'œuvre primitive, et
une reprise malheureuse
par une main inexperte.
Ht c< ci est dommage ;
car, original ou copie,
cette réplique avait été
brossée, à fleur de toile,
ou plutôt à fleur de pan-
neau, dans une gamme
joyeuse et charmante
assez agréable, et cer-
taines têtes présentaient un caractère «le dévotion
assez remarquable.
Le saint Louis et le saint Sébastien, figurent
également aujourd'hui au Musée de Tours ; il
faut convenir qu'ils sont bien loin d'avoir le même
charme. Et l'on doit saisir cette occasion pour
rendre hommage au discernement qui présidait en
ce temps-là déjà à la constitution de notre collec-
tion nationale. CEuvres d'élèves ou d'un artiste
déjà affaibli, il nous est assez difficile de nous
prononcer ici en toute certitude de cause. La
- Saint Louis, par Lesueur.
[Musée de Touis.)
92
BULLETIN DKS MUSEES DE FRANCE
facture de Le Sueur, même dans ses bonnes choses,
n'est pas assez caractéristique, pour qu'on puisse
en toute sécurité reconnaître sa touche et préciser
ce qui est ou non l'œuvre de sa main. Ce qui nous
semble évident c'est que ces deux toiles ne méri-
taient guère l'honneur d'entrer au Louvre. La
composition en est conventionnelle, la coloration
quelconque, la facture
molle et sans agrément,
enfin le dessin lui-même
en est dépourvu de ca-
ractère. La tête et le
torse du saint Sébas-
tien, par exemple, sont
construits d'une façon
si expéditive et si in-
consistante que l'on a
peine à retrouver ici la
main qui a donné tant
de reliei au Christ à la
colonne du Musée du
Louvn .
Bref on ne peut blâ-
mer M. d'Angiviller
d'avoir écarté ces deux
toiKs comme « n'étant
pas de cette exécution
absi dûment supérieure,
qui Seulement peut leur
mériter place dans la
collection du Roi •>. Tout
au plus peut-on se de-
mander si ce sont bien
les originaux qui nous
si ml parvenus. En vérité,
il serait assez étonnant
que le choix de l'expeit
se soit poi té sur de sim-
ples copies. Mai. si l'on
admettait que nous nous trouvons en présence de
répliques, d'œuvres d'élèves de Le Sueur <• tout au
plus esquissées et retouchées par lui, ». Selon la
conclu ion de M d'Angiviller il resterait que les
compositions originales devaient être médiocres
cl par la disposition et par le sentiment.
Si
l'églis
Saint-Benoit
Radéi
existi
pn
encore dans
M.u un lutiei
— est réellement, comme nous croyons l'avoir
démontré dans une étude récente (i), une œuvre
de L? Sueur, celle-là même qui jusqu'en 1785,
était, avec la Descente de Croix « généralement
prisée au-dessus des autres ■>. il faut avouer que le
Sieur Jollain avait été mal inspiré de lui préférer le
Saint-Sébastien ou le Saint-Louis. Car la ligne
en est plus belle, et le
sentiment plus simple et
moins emphatique. Il
est juste d'ajouter que
l'état où se trouve ce
tableau, et où il devait
se trouver déjà, explique
et excuse son erreur. La
couleur s'est craquelée
dans le bas de la com-
position tombant par
larges plaques, et lais-
sant voir la prépara-
tion, ou la toile, quand
celle-ci ne tombe pas en
lambeaux. De plus on
reconnaît du premier
coup d'oeil plusieurs res-
taurations successives,
dont la plus ancienne
par; il bien dater du
xviii0 siècle.
Il reste néanmoins des
parties intactes, qui per-
mettent suffisamment,
croyons-nous, de resti-
tuer au maître la pater-
nité de cette icuvre.
Elle représente au pre-
mier plan, deux groupes.
Celui de gauche est com-
posé de moines revêtus
de la robe noire des bénédictins. A droite, de pauvres
gens se pressent autour du lit d'un enfant mori-
bond. Un moine — qui est évidemment le person-
nage principal - domine le groupe de gauche, et
semble prier Dieu pour qu'il rende la vie à l'enfant.
'l'ont cela a souffert de repeints évidents. Le fond
éti moins malmené par les restaurateurs. A tra-
vers la large baie d'une architecture classique, on
aperçoit un moine bénédictin qui fait la charité' à
111 Von I.- Bulletin de la Société archéologique de
ne : XVII. 1910.
Saint Sébastien par Lesueur
[Must 1 de 1 1 w
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
93
un pauvre. L'ordonnance générale de cette compo-
sition, la couleur blonde de ce fond, ces gris bleu-
tés rompus d'ocre rouge, cette architecture même
que nous avons déjà vue, presque identique, dans
le Jésus à Bélhanie, dans le saint Paul à Ephèse,
cette porte du fond qui sert à encadrer une nouvelle
scène comme dans la mort de Raymond Diocrès ou
le saint Bruno en prière, tous ces caractères réunis,
portent tellement la marque de Le Sueur que selon
nous, ils équivalent à une signature.
De plus nous savons que ce tableau vient de
Marmoutier (i), où il figurait depuis 1715 dans la
chapelle de Saint-Benoit. Mais représente-t-il bien
un saint Benoît ? Dans l'inventaire de la paroisse,
il figure sous la mention : « Guérissant le /ils du
jardinier de Marmoutier ». De sorte qu'en réalité,
il s'agirait d'un miracle de saint Martin. Et la toile
en question ferait partie de la même suite que la
messe de saint Martin. Lorsque le tableau servit
à décorer la chapelle de Saint-Benoit en 1 7 1 5 . la
confusion s'établit peut-être volontairement.
Mais, nous dira-t-on. le peintre était mort en [655,
comment le tableau attendit-il jusqu'en 1715 pour
être mis en place ? Ici nous sommes bien obligé de
recourir à une hypothèse.
L'artiste fut-il surpris par la mort en plein
travail et laissa-t-il la toile inachevée ? L'état
actuel de la toile, où la préparation apparaît encore
par endroits dans le bas du tableau, semble justi-
fier cette supposition. Cette toile fut-elle envoyée
au couvent à la mort de Le Sueur dans l'état où
l'artiste l'avait laissée et les moines jugeant impos-
sible d'exposer une œuvre ainsi inachevée, la relé-
guèrent-ils dans quelque coin, jusqu'à ce qu'ils trou-
vassent parmi eux le restaurateur audacieux qui
entreprit de terminer l'œuvre du maître de sorte
que l'on pût enfin lui donner place dans quelque
chapelle ?
Nous voyons justement que dans cette même
année 1 715, deux moines artistes (?) les frères Gué-
ri'n et Salambier travaillaient à la décoration du
couvent et terminaient les tableaux du réfectoire.
Faut-il les soupçonner d'être les auteurs respon-
sables des maladroites restaurations qui ont dés-
honoré l'œuvre du maître. Il nous semble qu'il y a
là tout au moins une coïncidence qui constitue à
l'endroit de ces deux moines peintres, une présomp-
tion assez sérieuse.
L'œuvre qu'ils ont ainsi gâchée, sans être à pro-
prement parler un chef-d'œuvre était cependant
honorable. C'était, peut-être, après la Messe de saint
Martin i_t ['Apparition de la Vierge, la meilleure
de cette série, la dernière qui ait été exécutée par
Le Sueur. Les peintures de Marmoutier empruntent
à cette circonstance un intérêt d'émotion. Sans
les réelles qualités des toiles que nous venons de
mentionner, il serait difficile d'affirmer qu'elles
présentent au point de vue de l'art un intérêt aussi
grand, on pourrait se demander si elles ne trahissent
pas un affaiblissement dans les facultés de Le
Sueur. Mais avant d'adopter cette conclusion, il
faudrait démontrer que le saint Louis et le saint
istien sont bien des originaux. Et, à notre avis,
un léger doute subsiste. Henri GuERLIN.
ATTIRET AU MUSÉE DE DIJON
Le xvme siècle français est vraiment inépuisable
en talents, et peut-être, ce qui est dire beaucoup,
ses sculpteurs dépassent-ils encore ses peintres.
Voici, par exemple, un artiste provincial qui jus-
qu'aujourd'hui n'a pas eu les honneurs du Louvre
et mérite cependant mieux qu'une réputation de
clocher. Claude-François Attiret n'a que ces quatre
lignes de M. Louis Gonse, La Sculpture française
depuis !c XIVe siècle, l8q5 : « El je n'ai rien dit des
(1) Selon l'inventaire île la paroisse de S. uni.' Radé-
gonde, \1111 aussi le Dictionnaire géographique, historique
et biographiqut d'Indre-ei Loire pat V Carré de Busse
rolles. (L'article concernant < e tableau est emprunté
à la semaine religieuse du diocèse e1 l'aul 1 VIgr. 1 lie
valier).
inconnus, de cet Attiret, par exemple, quiafaitle
ravissant buste de jeune fille de la collection Mar-
cille ». Dans une conférence. L'Art et les Artistes
à Dijon, faite à Fribourg en Brisgau le 3 novembre
1904, un professeur de l'Université, M. Cari Sutter,
parle du •• sculpteur Attiret. de Dôle, un maître
trop peu connu dont les œuvres distinguées rap-
pellent dans le meilleur sens le genre de Bouchar-
don, de Clodion et de Hotidon. et font l'ornement
du musée de I (ijon ».
Ne à l'oie le 1 | décembre r.728, Attiret y mou-
rut le 13 juillet [804 : on ne sait rien de sa première
formation et on le retrouve à l'.uis élève de Pigalle.
II résida longtemps à Dijon où il a laissé ses œuvres
"4
BULLETIN DES MUSÉES DE FRANCE
les plus importantes, fit partie des jurys de l'école
des Beaux- Arts, puis pendant la Révolution de cette
Commission des Arts qui sauva beaucoup de
monuments du grand naufrage. La cathédrale
Saint-Benigne a de lui deux statues en pierre, saint
Fîl;. 3 ?. — La Clercheuse d'esprit.
I rnc c uite, pal \ l i [RET.
Musi i de Dijon.)
• I saint Lan l'Evangéliste, provenant de
la Sainte-Chapelle, ainsi que le maître-autel en mar-
bre, où est encastré un bas-relief en bronze doré,
1' <• Assomption ». qui est aussi de sa main. Ce
sont des morceaux de mérite, surtout le bas-relief.
Le musée possède de lui un plâtre original, buste
i touz de < '.nlaïul, un des plus
insignes bienfaiteurs de sa ville natale, mort à
Dijon en 1774 ; ce buste est très beau, et l'épreuve
en bronze se voit au Jardin botanique. Les quatre
bas-reliefs en pierre les « Saisons », avaient été
exécutés pour la maison de campagne des évêques
de I (ijon à Plombières, près de Dijon. Ils sont tout
à fait dans le style de Bouchardon et j'y vois de
très agréables exemplaires de ce type qu'a multiplié
l'art charmant du XVIIIe siècle, des enfants nus et
potelés jouant aux petits travailleurs.
M. Gaston Joliet a récemment donné au musée
un buste de jeune femme, plâtre original d'un
charmant caractère; mais je tiens pour le chef-
d'œuvre de l'artiste et digne du Louvre, cette
exquise terre cuite, n° 929, modèle, je crois, du
marbre appartenant à M. E. Marcille, à Paris, la
< Chercheuse d'esprit », dont la reproduction accom-
pagne cet article. C'est manifestement un portrait,
celui d'une jeune fille aux yeux baissés, point
régulièrement jolie, peut-être, mais mieux que cela,
je ne dirai pas « pire », bien qu'il y ait dans cette
expression là un rien de ce mélange de sensualité et
de candeur qui faisait les délices du libertin XVIIIe
siècle. C'est une innocente qui a bien la mine de cher-
cher comment l'esprit vient aux filles. Maintenant
avons-nous ici un portrait ordinaire ou celui d'une
actrice ayant joué le fameux opéra comique de
Favart, la Chercheuse d'esprit, sinon même une
image de Mme Favart, elle-même, morte à 44 ans en
1772 ? Qui le pourrait dire ? Nous ne savons pas
non plus d'où vient ce morceau de fine bouche, bien
d'émigré, sans doute, qui aura conservé une déno-
mination consacrée par la tradition. Quoi qu'il en
soit, il serait intéressant de rapprocher la terre
cuite du marbre ; peut-être la première modelée
par le pouce même de l'artiste en présence du
modèle, soutiendrait-elle honorablement, avec
avantage, qui sait ? la comparaison avec le marbre
travaillé à loisir dans l'atelier.
Pour conclure, Attiret ne me paraît pas avoir
été un de ces artistes médiocres qui ont eu dans
leur vie une heure d'inspiration et de talent. Ses
œuvres conservées à Dijon le mettent à un niveau
très distingué, et la «Chercheuse d'esprit » l'a pour
une fois fait atteindre au premier rang.
Le musée de 1 lijon possède un bon portrait d'Atti-
rct. par Lenoir ; encore un quasi inconnu à mettre
en demi-lumière.
Henri Chabeuf.
MUSÉES DE PARIS ET DE PROVINCE
Notes et Informations
MUSÉE DES ARTS DECORATIFS ■* f -f f
°£ °g °ç On expose eu ce moment au Musée des
Arts décoratifs, la séiie les « Seize figures d'un
ballet idéal ». du peintre P. Renouard, études, es-
quisses, et projets dont quelques-uns déjà réalisés
à grandeur et prêts pour une traduction en tapis-
serie rêvée par l'artiste. On a réuni à l'entour, des-
sins, croquis et gravures qui montrent presque tout
l'ensemble de l'œuvre de cet artiste. '
On y verra, saisis sur le vif et dans leurs gestes
habituels orateurs et hommes politiques et on y
retrouve avec un plaisir très vif les délicieuses pe-
tites figurantes de Drury-Lane et les danseuses
de ses albums déjà anciens, aussi bien que les cor-
tèges officiels des fêtes belges et britanniques.
Dans les salles voisines on a exposé de façon
temporaire la collection laissée par Mlle Grandjean
et dont le Musée des Arts décoratifs a été nommé
séquestre.
Cette collection comprend une grande variété
d'objets d'art et de bronzes de toutes les époques
depuis la Renaissance jusqu'à la fin du xvme siècle.
La partie la plus importante est formée d'un ad-
mirable ensemble de porcelaines de Sèvres et de
Vincennes où figurent des pièces importantes comme
le vase rose qu'on avait admiré au Petit-Palais à
l'Exposition de 1900 et un bon choix de pièces de
service. La porcelaine étrangère est représentée
par une belle série de .Saxe où on compte quelques
très beaux groupes ; et une importante réunion de
porcelaines de la Chine du xviii0 siècle.
Quelques belles pièces de Delft, d'Alcora, de
Nevers et de Rouen, des faïences de Palissy et
quelques belles assiettes de Gubbio et de Deruta
complètent l'ensemble de la céramique.
On trouve encore un choix de beaux émaux de
Limoges avec une admirable « adoration des
mages », de Nardon Pénicaud et quelques assiettes
de Pierre Raymond; un beau diptyque d'ivoire du
xive ; des bijoux du xvie siècle ; des étains de Briot
des bronzes italiens du XVIe et du XVIIe siècles, de
belles fontes de Jean de Bologne et du Bernin, et
en bronzes français du xvme siècle, une importante
réunion de pendules, chenets et flambeaux, une
très belle paire d'appliques dans le style de Gou-
thïère, de beaux lustres en bronzedoré du commen-
cement du xme siècle, dans le style de J.-Ch. Boulle,
quelques pièces d'argenterie de la même époque,
enfin quelques bijoux et une fort rare montre
émaillée de Huant.
Le mobilier comprend quelques beaux frag-
ments de bois sculptés et deux beaux meubles de
l'Ile-de-France du xvie siècle ; deux commodes
et un secrétaire de Riesener et deux charmantes
petites tables.
Quelques peintures ornent les murs ; la plus im-
portante est un charmant groupe — une femme tt
ses deux enfants — par Vestier. Quelques bons por-
traits du xvme siècle et deux paysages hollandais,
l'un de S. Ruysdael, l'autre de Pynacker l'accom-
pagnent.
Enfin deux vitrines de dentelles avec un très beau
volant d'Argentan et quelques pièces d'Alençon
et de Flandres.
Dans une dernière salle, on a réuni le legs reçu
récemment par le Musée et provenant de Mlle Mi-
mant ; c'est un agréable ensemble de pots de phar-
macie de diverses fabriques et de verreries alle-
mandes.
MUSÉE DE LA MALMAISON f ? f f «ç H
°ë °£ °t L'Institut Pasteur, légataire universel
de M. Usiris. a envoyé à la Malmaison les collec-
tions particulières de M. ( )siris, sur lesquelles il
;i été retenu environ cent cinquante tableaux et
dessins, quelques pièces de sculpture, de céramique
et quatre grandes tapisseries qui formeront un
« Musée Osiris » annexé à la Malmaison.
D'autre part, M. et Mme Edouard Tuck, pro-
priétaires du domaine de Vermont, qui appartint à
l'impératrice Joséphine, ont enrichi la Malmaison
de plusieurs précieux souvenirs napoléoniens ; une
couverture au chiffre de l'impératrice, son buste
par Bosia, des ombrelles, des dentelles, des coffrets,
etc., etc.. un tableau peint par Hortense de Beau-
harnais.
musée de lyon Y°£t°e°f°e°e°e°e°e
•f ^ -f M. J.-I5. Giraud, conservateur des mu-
sées de Lyon, est mort le mois dernier et la perte de
ce galant homme, de cet excellent, modeste et scr-
viable érudit sera ressentie vivement par tous ceux
96
BULLETIN DES MUSEES DE FRANCE
qui l'ont connu. Il avait contribué pour sa grande
part à la création et à l'enrichissement, sous la
haute direction de M. Aynard, «les départements de
la sculpture du moyen âge et des objets d'art de
son musée et ces collections sont aujourd'hui
parmi les plus importantes de celles que conservent
les galeries provinciales : nulle assurément n'a
été constituée avec plus de tact. Mais M. Giraud
s'était formé pour lui-même au cours de patientes
investigations dans les arrière-boutiques, un fort
joli cabinet, et il a voulu que le public profitât
après lui <le ces aubaines. Dans la chambre de malade
où il a langui de longues années, il n'a oublié per-
sonne, ni ses amis, ni les musées. C'est naturelle-
ment à Lyon qu'il a fait la part la plus belle, lais-
sant à la galerie de peinture des tableaux italiens
du XVe siècle dont plusieurs sont de grands prix,
un saint Jean-Baptiste et saint Georges qui a figuré
avec honneur dans diverses expositions ; au musée
des Tissus, un choix excellent de broderies et de
dentelles, et à la Bibliothèque tous ses livres et
documents. Mais Paris n'a pas été oublié non plus
et tandis que le Luxembourg recevra une plaque
d'or émaillée par Falize, il donnera aux Arts déco-
ratifs un excellent fauteuil brodé. Ce sont là de très
nobles générosités.
PUBLICATIONS RELATIVES AUX MUSÉES DE FRANCE
Monuments et Mémoires publiés par l'Aca-
démie des Inscriptions. Tome XVII. Les
bas-reliefs historiques romains du Musée du
Louvre, par Etienne Michon.
Etude d'ensemble sur une série particuliè-
rement riche du fonds des sculptures antiques
du I. ouvre qui a été réunie il y a quelques
années dans la Salle de Mécène à l'entrée des
galeries d'iconographie romaine. L'auteur y
poursuit avec méthode et critique l'origine et l'his-
toire de la plupart des morceaux de cette série
dont quelques-uns étaient restés inédits ou n'a-
vaient pas encore été publiés de façon suffisante.
Catalogue général illustré du Musée de
sculpture comparée du Trocadéro, par
Camille Exi.art et Jlles Roussel. Paris,
Alphonse Picard. 205 p. ill. de phototypies
Meurdeir.
La direction du Musée du Trocadéro vient de pu-
blier une nouvelle édition entièrement refondue de
son catalogue, augmentée des nombreux enrichis-
sements qui ont accru le Musée depuis 10 ans. La
présence à la tête de cet établissement d'un érudit
tel que M. Enlart lui a donné une activité et une
utilité plus grande encore. In catalogue détaillé,
à la fois descriptif et historique, comme celui-ci
en était le complément nécessaire et attendu. Si
quelques partis pris dans les divisions et les clas-
sements peuvent en être discutés, quelques détails
améliorés aux éditions subséquentes, ce travail n'en
est pas moins appelé à rendre de très grands ser-
vices aux archéologues et aux historiens.
Catalogue du Musée de Chàteauroux, par
Joseph Beulay. Chàteauroux, Imp. Badel,
227 p.
Le Musée de Chàteauroux. dont l'existence re-
monte seulement à une cinquantaine d'pnnées, est
jusqu'ici très mal logé dans quatre mauvaises
salles de la Mairie. On espère l'en tirer prochaine-
ment ; mais, en attendant, le dévouement d'un
membre de sa Commission, M. Joseph Beulay vient
de le doter d'un catalogue consciencieusement
établi et joliment présenté qui aurait peut -et re-
gagné toutefois à être un peu allégé. Les collections
d'histoire naturelle et les curiosités exotiques n'ont
aucun intérêt à être décrites et énumérées dans le
même ouvrage que la peinture et la sculpture.
Elles devraient, autant que possible, constituer des
séries indépendantes. Si un guide populaire de quel-
ques pages peut à la rigueur ne pas omettre d'en
signaler l'intérêt aux visiteurs, il n'en est pas de
même d'un véritable catalogue.
ÉCOLE DU LOUVRE. L,' ouverture des cours, dont nous avions donné le programme dans notre
dernier numéro a éti retardée et s'est faite seulement à partir du Lundi ig Décembre; les jours, heures
! des différents cours restant les mêmes, sauf en ce qui concerne le cours d'histoire de la peinture,
poui lequel une affiche spéciale paraîtra ultérieurement.
I ontenay aux Roses. — Imp. L. Bellenand.
Le Gérant : R. Puzin.
>''»•*- -. , - es
\ ■ '.
*Jm ^*\
œ
n '
S&ïR
) H .
ft.'
\-K-.--
N Les Musées de France
2
M9
1910
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
„*»