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Full text of "Nouveau dictionnaire de medecine et de chirurgie pratiques"

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University  of  Toronto 


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NOUVEAU    DICTIONNAIRE 

DE  MÉDECINE  ET  DE  CHIRURGIE 

PRATIQUES 


r^pis. 


SIMON    r.AÇO.N    ET  COMP.,    HUE    D'id  -FL  (' TU ,    1   , 


NOUVEAU  DICTIONNAIRE 


DE  MÉDECINE  ET  DE  CHIRURGIE 


PRATIQUES 


ILLUSTRÉ  DE  FIGURES  INTERCALÉES   DANS  LE  TEXTE 

T.  É  D  I G  É      l'A  R 

E.  BAILLY,  A.  M.  BARRALLIER,  BERNUTZ,  P.  BERT,  BŒCKEL,  BUIGNET,  CUSCO,  DEMARQUAY, 

DENUCÉ,   DESNOS,    DESORMEAUX,  DEVILLIERS,  Alf.  FOURNIE!'.,  T.  GALLARD,   II.  G1NTRAC,   GOSSELIN, 

Alpii.GUÉRIN,  A.  HARDY,  HÉRARD,   HIRTZ,  JACCOUD,  JACQUEMET, 

KŒBERLÉ,  S.  LAUGIER,  LIEBREICH,  P.  LORAIN,  LUNIER,  MARCÉ,  A.  NÉLATON, 

ORÉ,  PANAS,  PÉAN,  V.  A.  RACLE,  M.  RAYNAUD,  RICHET,  Pu.  RICORD,  Jules  ROCHARD  (deLorient), 

Z.  ROUSSIN,  SAINT -GERMAIN,  Cil.  SARAZIN,    Germain  SÉE,  Jules  SIMON', 

SIREDEY,  STOLTZ,  A.  TARD1EU,   S.  TARN1ER,  TROUSSEAU,  VALETTE,  Arc.  VOISIN. 

Directeur  de  la    rédaction   :   le  docteur  JACCOUD 


TOME   GINQUIÈM  E 

«IL     —     K  II  S 

AVEC    CU     FKIU  It  i:  S    !  \  T  V.  R  C  A  L  V.  V.  S     l>  A  N  S    t.  K       I  I    \  M 

BIBLIOTHECA 

.Qftaviensjg, 

PARIS 
J.  H.  BAILLIÈRE  et  FILS 

1. 1  R  K  A  I  R  E  S     I)  E     L  '  A  G  A  D  É  M  I  E     I  M  P  É  R  I  A  L  E     DE     M  É  D  K  C  I  N  E 

Rue  Ilautcfcuille,  19 


ï.ondres 

Madrid 

New   York 

lll'P.    1IAII.L1ÈI1E 

C.    DAILLY-IIAILLIÈRF. 

BAILLIÈRE    RROTIIKRS 

l.  El  P2IG, 

F. 

JUNG-TREUTTEL,     10, 

186  6 

QU ERSTR ASSE 

Tous  droits  réservés 


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NOUVEAU  DICTIONNAIRE 


DE 


MEDECINE  ET  DE  CHIRURGIE 

PRATIQUES 


IIII.i:  —  Produit  de  la  sécrétion  du  foie,  la  bile  (xoXfy  &i/îs),  n'est 
pas  connue  à  l'état  de  pureté  parfaile  ;  c'est  toujours  le  liquide  renfermé 
dans  la  vésicule  ou  provenant  des  canaux  hépatiques,  qui  sert  à  l'analyse, 
et  ce  liquide  est  un  mélange,  qui  contient  à  la  fois  le  produit  des  cellules 
hépatiques  (la  bile  proprement  dite),  et  celui  des  glandes  en  grappe  an- 
nexées aux  voies  biliaires.  Comme  ces  glandes  se  montrent  déjà  dans  les 
caualicules  qui  n'ont  que  0"1,n,7  de  diamètre,  on  conçoit  qu'il  n'est  pas 
possible  d'éviter  le  mélange;  au  surplus,  cette  inexactitude  est  sans  im- 
portance: c'est  coproduit  mixte  qui  est  versé  dans  l'intestin,  c'est  lui 
qui  sert  à  l'accomplissement  du  rôle  physiologique,  c'est  lui  qui  est  ré- 
sorbé à  l'état  de  santé  et  à  l'état  de  maladie.  Il  suffit  donc  d'être  pré- 
venu du  fait,  et  d'être  lixé  sur  la  double  provenance  du  liquide  désigné 
sous  le  nom  de  bile.  Cela  dit,  voyons  les  caractères  physiques  et  les  ca- 
ractères chimiques  de  cette  humeur. 

Caractères  piaysiciucs.  — La  bile  fraîche  est  un  liquide  filant,  légè- 
rement visqueux,  jaune-brunàtre  chez  les  herbivores,  d'un  vert  plus  ou 
moins  foncé  chez  les  carnivores;  il  a  une  saveur  douce-amère,  qui  laisse 
un  arrière-goût  d'une  amertume  très-prononcée;  l'odeur,  nauséabonde, 
sui  (jeneris,  se  rapproche  de  celle  du  musc  sous  l'influence  de  la  chaleur. 
La  réaction  est  neutre;  la  densité  spécifique,  chez  l'homme,  varie  entre 
1020  et  1052.  Versée  dans  l'eau,  la  bile  gagne  d'abord  le  fond  du  vase  ; 
si  on  l'agite,  elle  se  dissout  presque  totalement  en  formant  une  liqueur 
mousseuse. 

D'après  Pflùger,  les  dissolutions  de  la  bile  dans  l'acide  sulfurique  con- 
centré présentent  à  un  haut  degré  le  phénomène  de  la  fluorescence  ;  elles 
sont  d'un  rouge  foncé  par  transparence,  et  du  plus  beau  vert  par  ré- 
flexion. 

Platner,  le  premier,  puis  d'autres  expérimentateurs,  entre  autres  Dalton 

NOUV.    DICT.    WÉD.    ET   CHIR.  V.    1 


2  BILE.     CARACTÈRES    CHIMIQUES. 

et  Lionel  Bealc,  ont  montré  que  la  bile  est  susceptible  de  cristallisation  : 
voici  le  procédé  auquel  ce  dernier  savant  donne  la  préférence.  De  la  bile 
de  bœuf,  parfaitement  fraîche,  est  évaporée  rapidement  au  bain-marie 
jusqu'à  siccité;  le  résidu  sec,  pulvérisé,  est  repris  avec  de  l'alcool  absolu. 
Cette  solution  alcoolique,  d'un  vert  foncé,  est  iillrée  dans  un  petit  flacon, 
et  l'on  ajoute  alors  de  Téther  jusqu'à  ce  que  le  précipité  blanc,  formé 
d'abord,  ne  se  dissolve  plus  par  l'agitation.  L'addition  de  l'éther  doit  être 
lente  et  graduelle,  sinon  un  précipité  en  masse  se  forme  quine  peut  plus  se 
cristalliser.  Le  flacon  est  légèrement  bouché  et  laissé  en  repos.  Au  bout  de 
quelques  jours  apparaissent  des  groupes  étoiles  de  beaux  cristaux  presque 
incolores,  qui  s'accroissent  jusqu'à  former  des  houppes  considérables.  Pour 
l'examen  microscopique,  on  plonge  ces  cristaux  dans  une  goutte  de  la  solu- 
tion mère  ;  si  on  veut  les  conserver,  il  faut  les  laver  soigneusement  avec 
de  l'alcool,  additionné  d'un  dixième  de  son  volume  d'éther,  puis  les  des- 
sécher rapidement  dans  le  vide.  Cela  fait,  il  faut  les  enfermer  dans  une 
enveloppe  de  verre  privée  d'air;  au  contact  de  ce  fluide,  ils  tombent  en 
déliquescence.  Avec  ces  précautions,  Beale  a  pu  conserver  ces  cristaux 
pendant  plusieurs  mois  ;  ils  sont  formés  de  glycocholate  de  potasse  et  de 
glycocholate  de  soude. 

La  cristallisation  réussit  également  bien  avec  la  bile  de  bœuf  et  celle 
de  cochon  ;  toutes  les  tentatives  faites  jusqu'ici  pour  obtenir  des  cristaux 
avec  la  bile  de  l'homme  sont  restées  infructueuses. 

La  bile  normale  et  fraîche  est  tout  à  l'ait  limpide,  et  l'examen  micro- 
scopique n'y  fait  découvrir  d'ordinaire  aucun  élément  morphologique  ; 
quelquefois,  cependant,  on  y  trouve  des  cellules  d'épithélium  provenant 
de  la  vésicule  ou  des  grands  canaux  biliaires.  Il  est  d'autres  éléments  qui 
apparaissent  beaucoup  plus  fréquemment  dans  la  bile,  mais  leur  présence 
n'appartient  déjà  plus  à  l'état  complètement  normal;  ce  sont  des  gout- 
telettes de  graisse,  des  granulations  plus  ou  moins  volumineuses  for- 
mées par  la  matière  colorante,  plus  rarement  des  cristaux  de  cholestérine, 
et  des  cristaux  rouges  aciculés  de  bilifulvine  signalés  par  Virchow.  Les 
granulations  solides  et  les  masses  d'épithélium  peuvent  devenir  le  noyau 
et  le  point  de  départ  de  calculs  biliaires. 

Les  propriétés  physiques  que  je  viens  de  passer  en  revue  appartiennent 
à  la  bile  fraîche  ;  pour  peu  qu'elle  ait  séjourné  dans  la  vésicule,  elle  de- 
vient plus  épaisse,  de  couleur  plus  foncée,  se  concentre  de  plus  en  plus 
par  la  perte  d'une  certaine  quantité  d'eau,  et  prend  une  réaction  franche- 
ment alcaline.  La  proportion  de  mucus  y  est  en  outre  notablement  aug- 
mentée. Le  liquide  biliaire  s'altère  promptement  à  l'air,  et  en  se  putré- 
fiant dégage  une  odeur  repoussante. 

Caractères  cfiBïMaiqBacs — L'étude  de  la  composition  chimique  delà 
bile  a  donné  lieu  à  une  quantité  considérable  de  travaux  ;  leur  nombre  n'est 
égalé  (pie  par  la  diversité  des  conclusions.  Si  je  devais  les  reproduire  ici, 
ou  seulement  les  principaux  d'entre  eux,  je  pourrais  réunir  en  colonnes 
serrées  les  chiffres  les  plus  disparates  et  me  perdre  avec  le  lecteur  dans 
la  confusion  d'une  terminologie  inextricable.  Mais  à  quoi  bon  se  con- 


BILE.    CARACTÈRES    CïJIMIQUFi.  5 

damner  à  un  travail  rétrospectif  dont  l'inutilité  est  surabondamment  dé- 
montrée? Ce  n'est  pas,  que  je  sache,  un  e  obligation  absolue  que  de  re- 
prendre toute  question  ab  ovo;  cette  méthode  n'est  opportune  que  là  où 
l'étude  des  errements  passés  emporte  avec  elle  un  enseignement  positif; 
autrement  la  méthode  devient  un  abus,  pour  ne  pas  dire  un  artifice,  des- 
tiné à  voiler  sous  la  richesse  apparente  des  documents  entassés  l'igno- 
rance trop  réelle  du  sujet  en  litige.  Sachons  donc  bénéficier  des  progrès 
accomplis,  et  puisque  les  analyses  sans  cesse  citées  dcBerzelius,  Thenard, 
Tiedemann  et  Gmelin  sont  toutes  erronées  à  divers  points  de  vue,  puis- 
que les  raisons  mômes  de  ces  erreurs  sont  dégagées,  de  telle  sorte  que  le 
retour  en  est  impossible,  laissons  enfin  dans  l'ombre  ces  travaux  frappés 
de  stérilité,  et  commençons  l'histoire  chimique  de  la  bile  où  elle  prend 
vraiment  naissance,  c'est-à-dire  au  travail  de  Demarçay  et  aux  recherches 
célèbres  entreprises  par  Strecker,  en  1847,  dans  le  laboratoire  de  Liebig. 
Ces  derniers  travaux,  dont  les  conclusions  ont  été  universellement  accep- 
tées, et  qui  ont  été  poursuivis  par  l'auteur  jusqu'en  ces  derniers  temps, 
ont  assigné  à  l'humeur  biliaire  la  composition  suivante. 

La  bile  est  composée  d'éléments  organiques  et  d'éléments  minéraux. 
Les  prerniers  sont  de  trois  ordres,  savoir  :  deux  acides  copules  unis  à 
un  alcali,  —  une  matière  colorante  spéciale,  —  une  substance  lipoïde, 
la  cholestérine. 

Les  deux  acides  copules,  désignés  d'abord  par  Strecker,  sous  les 
noms  d'acide  cholique  et  à'acide  choléique,  sont  plus  connus  depuis  les 
travaux  de  Lehmann  sous  les  désignations  à! acide  glycocholique  et  d' acide 
taurocholique.  L'acide  glycocholique  (cholique  de  Strecker)  a  pour  for- 
mule C52H42AzOu, 110,  le  taurocholique  (choléique  de  Strecker)  est  représenté 
par  C68H45Az014S2.  Ces  deux  corps  son!  loi  niés  par  un  même  acide  orga- 
nique non  azoté,  l'acide  cholique  C48Hs909,H0,  combiné  avec  deux:  sub- 
stances azotées  différentes  jouant  le  rôle  d'alcaloïdes;  dans  l'acide  gly- 
cocholique, l'acide  cholique  est  uni  à  la  glycine  (glycocolle  ClH5AzO*), 
dans  le  taurocholique,  l'acide  cholique  est  composé  avec  la  taurine 
C*H706S2Az,  qui  diffère  de  la  glycine,  surtout  par  le  soufre  qu'elle  con- 
tient ;  en  outre,  la  glycine  a  des  propriétés  basiques  et  forme  avec  les 
acides  des  sels  cristallisables,  tandis  que  la  taurine  ne  peut  contracter  de 
combinaison  ni  avec  les  acides  ni  avec  un  autre  corps.  La  taurine  peut 
être  préparée  artificiellement;  l'isathionate  d'ammoniaque  chauffé  à  200°, 
perd  deux  équivalents  d'eau  et  se  transforme  en  taurine;  aussi,  selon  la 
remarque  de  Funke,  ce  corps  peut  être  considéré  comme  l'amide  de  l'acide 
isath  ionique. 

On  a  longuement  discuté,  sans  la  résoudre  encore  d'une  manière  défi- 
nitive, la  question  de  la  préexistence  de  la  taurine  et  de  la  glycine  dans  les 
acides  copules  tauro  et  glycocholique.  Si  l'on  ne  consulte  que  l'analogie, 
on  sera  porté  à  admettre  que  ces  substances,  unies  à  l'acide  cholique, 
sont  simplement  des  agrégats  atomiques  qui  ne  se  transforment  en  tau- 
rine ou  en  glycine  que  par  élimination  de  l'acide  copule;  cette  sépara- 
tion, en  effet,  s'opère  par  absorption  d'un  certain  nombre  d'équivalents 


4  BILE.  CARACTÈRES  CHIMIQUES. 

d'eau,  exactement  comme   pour  la  séparation-  de  l'acide  hippurique  en 
acide  benzoïque  et  en  glycine. 

D'après  Gorup  von  Besanez,  la  bile  de  l'homme  ne  contiendrait  pas 
d'acide  glycocholique,  et  il  fonde  son  opinion  sur  l'absence  de  glycine 
dans  les  produits  de  décomposition  de  cette  humeur.  Mais  cette  hypo- 
thèse est  renversée  par  la  présence  de  l'acide  hippurique  dans  l'urine, 
puisque  Kùhne  et  Halhvachs  ont  montré  que  cet  acide  se  forme  dans  le 
sang  au  moyen  de  la  glycine  de  l'acide  glycocholique. 

Les  acides  copules  sont  unis,  pour  la  plus  grande  partie,  à  de  la  soude, 
de  sorte  qu'en  résumé  le  glycocholate  et  le  taurocholatc  de  soude  sont  les 
éléments  essentiellement  caractéristiques  du  fluide  biliaire. 

C'est  à  eux  qu'il  doit  ses  propriétés  de  cristallisation,  c'est  d'eux  aussi, 
comme  nous  le  verrons,  qu'il  tire  son  action  pathogénique.  C'est  de  ces 
sels  qu'il  sera  toujours  question  dans  la  suite  de  cet  article,  lorsque 
j'emploierai,  pour  la  rapidité  du  langage,  l'expression  de  sels  biliaires. 

L'acide  cholique,  les  acides  copules,  les  sels  qu'ils  forment  et  leurs  pro- 
duits métamorphiques  les  plus  immédiats  présentent  une  réaction  carac- 
téristique ;  ils  communiquent  une  coloration  d'un  rouge  violet  éclatant  à 
un  mélange  formé  d'acide  sulfurique  et  d'une  solution  de  sucre  de  canne. 
C'est  sur  ce  fait  qu'est  basée  la  méthode  diagnostique  de  Pettcnkofer 
que  nous  étudierons  bientôt  dans  tous  ses  détails. 

Ces  mêmes  substances  dévient  à  droite  la  lumière  polarisée  ;  la  connais- 
sance de  ce  fait  est  due  à  Hoppe-Seyler,  qui  a  créé  une  méthode  d'ana- 
lyse des  sels  biliaires  fondée  précisément  sur  l'action  qu'ils  exercent  sur 
la  lumière  polarisée.  Je  ne  puis  l'exposer  dans  tous  ses  détails,  je  dirai 
seulement  que  d'après  les  recherches  du  professeur  de  Tùbingen,  la  ro- 
tation spécifique  du  taurocholate  de  soude  en  dissolution  alcoolique  est 
de  25,5°  pour  la  lumière  jaune,  tandis  que  dans  les  mêmes  conditions  la 
rotation  du  glycocholate  est  de  27,6°.  En  appliquant  cette  méthode  déli- 
cate à  l'analyse  de  la  bile  du  chien,  Hoppe  a  constaté  comme  Strecker 
qu'elle  ne  renferme  que  de  l'acide  taurocholique. 

Bouillis  avec  des  alcalis  caustiques,  les  sels  biliaires  se  séparent  en 
acide  cholique  et  en  glycine  ou  taurine  ;  mais  si  on  les  fait  bouillir  avec 
des  acides  minéraux,,  le  chlorhydrique  par  exemple,  ils  donnent  d'une 
part  de  la  glycine  ou  de  la  taurine,  et  d'autre  part  un  acide  isomère  avec 
l'acide  cholique,  savoir  l'acide  choloïdique.  Si  l'on  pousse  l'ébullition  plus 
loin,  ou  si  l'on  chauffe  seulement  ce  produit  jusqu'à  295°,  il  se  transforme 
par  absorption  de  trois  équivalents  d'eau  en  un  corps  qui  n'est  plus  acide 
et  qui  est  insoluble  dans  l'eau,  l'alcool,  les  acides  et  les  alcalis  ;  ce  corps 
c'est  la  dyslysine,  dernier  terme  du  métamorphisme  des  sels  biliaires  sous 
l'influence  combinée  de  la  chaleur  et  des  acides  puissants. 

Passons  maintenant  au  second  ordre  des  composés  organiques  de  la 
bile,  les  matières  colorantes. 

Ces  matières,  que  je  désignerai  dans  leur  ensemble  sous  le  nom  de 
pigments  biliaires,  sont  au  nombre  de  deux:  la  cholépyrrhine  ou  bili- 
phéine,  et  la  biliverdine,  que  Berzclius  regardait  comme  identique  à  la 


BILE.    CARACTÈRES    CHIMIQUES.  5 

chlorophylle  des  végétaux.  La  biliphéine  est  une  matière  colorante  d'un 
jaune  brunâtre,  unie  à  de  la  soude  et  à  de  la  chaux  ;  elle  se  trouve  dans 
la  bile  hépatique  fraîche  chez  l'homme  et  chez  la  plupart  des  mammi- 
fères; mais  déjà  par  son  séjour  dans  la  vésicule  et  plus  encore  au  con- 
tact de  l'air,  elle  subit  une  modification  et  se  transforme,  au  moins  en 
partie,  en  une  matière  d'un  vert  plus  ou  moins  foncé,  la  biliverdine. 

Le  savant  physiologiste  de  Vienne,  Brùcke,  a  montré  que  l'on  peut  sé- 
parer les  deux  substances  au  moyen  du  chloroforme;  cet  agent  ne  dissout 
que  la  cholépyrrhine  ou  biliphéine,  et  la  bile  qui  reste  après  l'élimination 
de  cette  dissolution  chlorol'ormique  présente  encore,  avec  l'acide  nitrique, 
la  réaction  caractéristique  de  la  biliverdine  ;  ce  fait,  contesté  par  Valen- 
tiner,  a  été  mis  hors  de  doute  par  les  observations  de  Brùcke  et  de  Funke. 
Tout  récemment  Maly  (de  Gratz)  ,  reprenant  cette  étude,  a  obtenu  des 
résultats  intéressants  qui  méritent  d'être  exposés  dans  leurs  principaux 
détails. 

Extraite  de  la  bile  par  le  chloroforme,  selon  la  méthode  de  Brùcke  et 
de  Valentiner,  et  cristallisée  deux  fois,  la  cholépyrrhine  a  présenté  les  ca- 
ractères suivants.  Déjà,  à  la  température  ordinaire,  les  alcalis  cau>tiques 
en  dégagent  de  l'ammoniaque  et  la  solution  d'abord  rouge  devient  d'un 
vert  jaunâtre.  A  froid,  l'eau  de  chaux  et  l'eau  de  baryte  sont  sans  action, 
mais  par  l'ébullition,  elles  donnent  lieu  à  une  production  d'ammoniaque 
et  il  se  dépose  des  flocons  verts  d'une  combinaison  de  baryte  ou  de  chaux. 
Lorsqu'on  fait  bouillir  avec  un  excès  d'acide  acétique  la  cholépyrrhine 
dissoute  dans  le  chloroforme,  aucune  réaction  n'a  lieu;  mais  si  l'on  chauffe 
le  mélange  pendant  huit  à  douze  heures  dans  des  tubes  de  verre  fermés, 
alors  la  solution  orangée  passe  au  vert  foncé,  la  cholépyrrhine  est  trans- 
formée en  biliverdine.  Versc-t-on  dans  Peau  le  contenu  d'un  de  ces  tubes 
la  couche  chloroformique  d'un  vert  foncé  se  dépose  au  fond,  et  l'eau  dis- 
sout l'acide  acétique.  Cette  dernière  dissolution  laisse  par  évaporation  di 
l'acétate  d'ammoniaque,  tandis  que  le  chloroforme,  lavé  avec  de  l'eau  eV 
évaporé,  donne  un  résidu  de  biliverdine  d'un  vert  presque  noir.  Les  réac- 
tions sont  semblables  avec  l'acide  chlorhydriquc  et  l'acide  tartrique  ; 
elles  sont  seulement  moins  nettes  et  moins  complètes. 

De  cette  première  série  de  recherches,  Maly  conclut  que  la  cholépyr- 
rhine est  une  amide  qui  se  dédouble  en  ammoniaque  et  en  biliverdine. 

Quant  à  la  biliverdine  qui  reste  après  l'élimination  du  chloroforme, 
elle  se  dissout  dans  l'alcool  avec  une  belle  couleur  verte;  cette  solution 
alcoolique  est  précipitée  par  l'eau  avec  séparation  de  la  biliverdine  ;  avec 
l'acide  nitrique,  elle  donne  les  réactions  caractéristiques;  la  solution 
aqueuse  de  potasse  ne  les  trouble  pas,  elle  lui  donne  une  couleur  d'un 
vert  herbacé,  et  plus  tard  jaune;  l'ammoniaque  liquide  ne  la  trouble 
pas  non  plus,  ce  qui  montre  qu'il  s'est  formé  un  composé  soluble  dans 
l'eau;  la  combinaison  avec  la  soude  est  également  soluble  dans  l'eau, 
mais  les  composés  obtenus  avec  le  baryte,  la  chaux  et  le  plomb  sont  inso- 
lubles; le  nitrate  d'argent  produit  une  coloration  d'un  brun  foncé. 

Tar  une  série  d'opérations  inverses,  Maly  a  montré  que  l'on  peut  repro- 


6  I31LE.    CARACTÈRES    CHIMIQUES. 

duirc  avec  de  la  biliverdine  les  cristaux  primitifs  de  cholépyrrhine.  Ces 
recherches  remarquables  qui  fixent  les  caractères  propres  de  cette  der- 
nière substance,  nous  apprennent  en  outre  qu'elle  présente  une  étroite 
affinité  avec  la  biliverdine,  et  que  la  transformation  réciproque  de  ces 
matières  en  est  un  des  traits  distinctifs. 

Ainsi  est  jugée  la  question  souvent  débattue  de  la  dualité  des  pigments 
biliaires;  un  seul  est  préformé  dans  la  bile,  c'est  la  cholépyrrhine;  la  bi- 
liverdine n'est  que  le  produit  de  la  transformation  de  cette  dernière.  Se- 
lon Heintz,  cette  transformation  est  simplement  le  résultat  d'une  oxyda- 
tion ;  un  équivalent  de  cholépyrrhine  (C32H18Az209)  absorbe  un  équivalent 
d'oxygène  et  donne  deux  équivalents  de  biliverdine  (C1GII9Az05). 

D'après  les  recherches  récentes  de  Stadeler,  les  pigments  biliaires  se- 
raient bien  plus  nombreux  qu'on  ne  l'avait  cru  jusqu'ici.  En  soumettant  à 
une  analyse  complète  des  calculs  biliaires,  ce  chimiste  a  pu  isoler  cinq 
matières  colorantes  distinctes  dont  il  a  pratiqué  l'analyse  élémentaire  ;  il 
les  a  ainsi  désignées:  bilirubine  C52Hl8Az2Q6 ;  —  biliverdine  (?2IP°AzH)10; 
—  bilifuscine  C52H20Az208;  —  biliprasine  Crj2Il22Az2012  ;  —  bilihumine. 

Cette  dernière  substance  est  le  produit  final  de  la  décomposition  de 
toutes  les  autres  matières  colorantes  de  la  bile,  lorsque  celles-ci  sont 
abandonnées  au  contact  de  l'air  dans  une  solution  sodique.  Le  schéma 
ci- dessous  indique  les  relations  très-simples  qui  unissent  ces  divers  corps 
les  uns  aux  autres: 

+  2110=       c52H20Az208 

Bilifuscine 

(+2HO  +  20=)  (+2H0+.20=) 

C32H2°Az2010  -4-  2110         C52H22Az2012 

Biliverdine  Biliprasine 

Bilihumine 


La  formule  de  cette  dernière  substance  n'a  pas  été  déterminée,  mais 
Stadeler  ne  doute  pas  qu'elle  ne  soit,  avec  la  biliprasine,  dans  les  mêmes 
rapports  réciproques  que  les  autres  matières  colorantes  entre  elles.  Si  l'on, 
compare  la  formule  assignée  à  la  biliverdine  dans  le  tableau  précédent 
avec  celle  qui  a  été  donnée  par  Heintz,  on  constate  une  différence  qui 
provient,  d'après  Stadeler,  de  ce  que  la  biliverdine  analysée  par  Heintz 
n'était  pas  parfaitement  pure.  Comme  je  Lai  dit,  c'est  dans  des  calculs  bi- 
liaires que  Stadeler  a  trouvé  ces  diverses  matières  colorantes  ;  il  infère 
naturellement  de  là  qu'elles  existent  aussi  dans  la  bile,  et  cette  conclu- 
sion, logiquement  déduite,  est  acceptable  ;  mais  ces  cinq  matières  sont- 
elles  préformées  dans  la  bile,  y  existent-elles  toutes  ensemble  comme  pig- 
ments distincts?  c'est  là  une  autre  question  dont  la  solution  doit  encore 
être  réservée,  jusqu'au  moment  où,  appliquant  à  la  bile  fraîche  le  procédé 
analytique  de  Stadeler,  on  aura  retrouvé  dans  ce  liquide  les  mêmes  ma- 
tières colorantes.  Celte  réserve  est  d'autant  plus  légitime  que  l'étude  des 


BILE.  —  CARACTÈRES  CHIMIQUES.  7 

formules  précédentes  révèle  d'étroites  affinités  entre  tous  ces  pigments, 
de  sorte  que  les  quatre  derniers  pourraient  bien  n'être  que  les  produits 
de  la  transformation  successive  du  premier. 

Dans  ses  recherches  dialytiques  sur  la  diffusion  des  éléments  de  la 
bile,  Antisell  a  constaté  que  la  matière  colorante  possède  le  coefficient 
de  diffusibilité  le  plus  élevé,  elle  passe  avec  une  grande  facilité  dans 
P esprit-de-vin,  Péther,  le  chloroforme;  elle  entraîne  toujours  une  cer- 
taine quantité  de  graisse,  et  se  présente  sous  la  forme  de  granules  en- 
tourés d'une  enveloppe  albumineuse. 

La  cholépyrrhine  est  susceptible  de  cristallisation,  propriété  qui  a  été 
découverte  par  Valentincr.  D'après  lui,  ces  cristaux  seraient  différents  de 
la  matière  colorante  génératrice  et  identiques  à  l'hématoïdine  ;  mais 
Brùcke,  tout  en  constatant  P  affinité  intime  qui  les  rapproche  de  cette  der- 
nière substance,  a  reconnu  qu'ils  présentent  toutes  les  propriétés  fonda- 
mentales et  essentielles  de  la  biliphéine.  J'ai  dit  que  cette  matière  forme 
avec  la  chaux  des  composés  insolubles,  c'est  là  ce  qui  explique  la  fré- 
quence des  concrétions  de  cholépyrrhine  dans  la  vésicule  biliaire. 

La  cholestérine  (C2jII220)  existe  en  très-petite  quantité  dans  la  bile 
normale;  mais,  dans  certaines  conditions  pathologiques,  elle  augmente 
notablement  de  proportion,  se  précipite  et  fui  nie  des  concrétions  solides; 
souvent  aussi  elle  se  précipite  après  la  mort  par  suite  de  la  décomposi- 
tion de  l'acide  taurocholique  qui  la  tient  en  dissolution.  Cette  substance 
qui  présente  quelques-unes  des  propriétés  des  corps  gras,  mais  qui  en 
diffère  essentiellement  parce  qu'elle  n'est  pas  saponifiée  par  les  alcalis, 
cristallise  en  écailles  blanches,"  brillantes,  inodores,  insipides,  rhomboïda- 
les,  fusibles  à  137°,  insolubles  dans  l'eau,  solubles  dans  Féther  et  l'alcool; 
par  l'action  de  l'acide  azotique,  clic  se  convertit  en  acide  cholestérique. 
Elle  se  distingue  en  outre  par  la  série  de  colorations  remarquables  qu'elle 
présente  lorsqu'on  la  traite  par  l'acide  sulfurique  ou  bien  par  l'acide  sul- 
furique  et  l'iode;  enfin  lloppe  a  trouvé  qu'elle  dévie  à  gauche  la  lumière 
polarisée. 

Indépendamment  de  ces  trois  ordres  de  matières  organiques,  la  bile 
contient  en  proportions  variables  de  la  graisse,  des  graisses  saponifiées, 
et  une  certaine  quantité  de  mucus.  Enfin  Stokvis  et  Frcrichs  ont  trouvé 
du  sucre  dans  la  bile  humaine  parfaitement  fraîche,  mais  Cl.  Bernard 
attribue  le  fait  à  une  diffusion  post  mort  cm. 

Les  éléments  minéraux  de  la  bile  sont  le  chlorure  de  sodium  ,  le 
carbonate  de  soude,  des  phosphates  de  soude,  de  chaux  et  de  magnésie, 
des  traces  de  fer,  de  manganèse  et  parfois  du  cuivre.  Yoici  trois  analyses 
quantitatives  dues  l'une  à  Frerichs  et  les  deux  autres  à  Gorup  Bcsanez  : 


FREIUCIIS.  GORUP. 

Eau 85,92  89,81  —  82,27 

Glycocholatc  cl  laurocholatc  de  soude. .              9,14  5,05  —  10,79 

Cholestérine 0,20  )                    „  ari           ,  n- 

„         .        ,    ,,,                                                A'no  )                   5,09  —    4,7o 

Margarine  et  oléine 0,92  ) 


BILE.    ORIGINE    ET    MODE    DE    PRODUCTION. 

FRERICHS.  GORUF. 

Mucus  et  matière  colorante 2,98                           1,45  — 

Chlorure  de  sodium 0,20 

Phosphate  de  soude  tribasique 0,25 

-  de  magnésie  tribasique.    .    .  )          Q  2g 

—  de  chaux  tribasique.     .    .    .  ) 

Sulfate  de  chaux 0,04 

Oxyde  de  fer Traces 


Au  surplus,  ces  proportions  présentent  des  oscillations  souvent  consi- 
dérables ;  tandis  que  la  proportion  d'eau  varie  déjà  entre  82  et  90 
pour  100,  celle  des  matériaux  solides  est  bien  plus  mobile  encore.  En 
réunissant  les  résultats  obtenus  par  divers  expérimentateurs,  on  voit  que 
cette  quantité  est  contenue  chez  l'homme  entre  9  et  17  pour  100.  Bidder 
et  Schmidt  qui,  chez  des  mammifères,  ont  examiné  à  part  la  bile  obtenue 
par  le  canal  hépatique  et  celle  de  la  vésicule  biliaire,  ont  trouvé  pour  la 
première  5  pour  100  chez  des  chats,  des  chiens  et  des  moutons,  tandis 
que  dans  la  vésicule  la  proportion  montait  à  10  et  20  pour  100  pour  les 
chats  et  les  chiens,  à  8  pour  100  seulement  pour  les  moutons.  —  D'après 
Nasse  ces  oscillations  dépendent  surtout  de  la  mobilité  des  composants 
organiques  delà  bile,  et  la  proportion  centésimale  des  sels  minéraux  est 
à  peu  près  constante;  enfin  Ludwig  a  fait  remarquer  que  la  richesse  de 
la  bile  en  matériaux  solides  n'offre  aucun  rapport  nécessaire  avec  la  rapi- 
dité de  la  sécrétion. 

Origine  et  motle  tîe  production.  —  Plusieurs  questions  sont  ici 
soulevées  qui  offrent  un  grand  intérêt.  Le  foie  reçoit  deux  ordres  de  vais- 
seaux afférents,  la  veine  porte  et  l'artère  hépatique  :  quel  est  de  ces  deux 
vaisseaux  celui  qui  préside  à  la  sécrétion  de  la  bile?  C'est  là  le  premier 
point  à  examiner. 

La  bile  est-elle  apportée  toute  faite  à  la  glande,  et  l'action  du  foie  con- 
siste-t-elle  en  une  simple  séparation  ;  ou,  au  contraire,  l'organe  ne  reçoit-il 
du  sang  que  les  matériaux  générateurs,  et  son  action  est-elle  une  fabri- 
cation véritable?  Telle  est  la  seconde  question. 

Enfin  si  la  seconde  alternative  est  la  vraie,  quels  sont  les  élémenls  du 
sang  qui  jouent  le  rôle  de  matériaux  générateurs  et  qui  sont  transformés  en 
bile  par  les  cellules  hépatiques?  Voilà  un  troisième  problème  à  résoudre. 
La  question  du  rôle  respectif  de  l'artère  hépatique  et  de  la  veine  porte 
dans  la  production  de  la  bile  a  été  grandement  controversée,  et  l'expéri- 
mentation directe  a  donné,  entre  les  mains  des  divers  observateurs,  des 
résultats  contradictoires. 

Laissant  de  côté  les  expériences  incomplètes  de  Malpighi  et  l'assertion 
surprenante  de  Bichat  qui  donne  l'artère  hépatique  comme  la  source  de 
la  bile,  quoiqu'il  n'ait  jamais  pu  réussir,  de  son  propre  aveu,  à  lier  con- 
venablement ce  vaisseau,  je  rappellerai  que  la  question  n'a  été  soumise  à 
une  expérimentation  régulière  qu'en  1828  par  Simon  (de  Metz)  ;  il  opéra 
sur  des  lapins  et  sur  des  pigeons  ;  sur  les  premiers,  les  recherches  ne 
donnèrent  aucun  résultat  positif;  sur  les  seconds,  la  ligature  de  l'artère 


BILE.    ORIGLNE    ET    MODE    DE    PRODUCTION.  9 

hépatique  n'empêcha  pas  la  bile  de  couler  dans  le  duodénum  comme  à 
l'état  normal.  Ce  résultat  si  concluant  en  apparence  est  pourtant  non 
avenu,  ou  du  moins  n'est  pas  applicable  aux  mammifères  ;  chez  les  oi- 
seaux, il  y  a  toujours  un  grand  nombre  d'artères  hépatiques,  et  Simon  ne 
parle  jamais  que  de  l'artère  hépatique;  il  est  donc  fort  douteux  qu'il 
ait  réellement  et  totalement  supprimé  l'abord  du  sang  artériel  dans  la 
glande. 

Un  peu  plus  tard,  en  1853,  B.  Philip  agissant  sur  des  chiens  vit  la  sé- 
crétion biliaire  continuer  également,  après  la  ligature  de  l'artère  hépati- 
que, et  après  celle  de  la  veine  porte;  toutefois,  dans  ce  dernier  cas,  la 
quantité  produite  était  moins  considérable.  Malheureusement,  dans  deux 
autres  cas  où  il  lia  à  la  fois  la  veine  porte  et  l'artère  hépatique,  la  sécré- 
tion continua  encore?  Ce  fait  inacceptable  jette  du  doute  sur  l'ensemble 
des  recherches  et  autorise  à  admettre  que  l'expérimentateur  n'avait  lié 
qu'une  portion  de  la  veine  porte.  Du  reste  la  question  n'allait  pas  se  sim- 
plifiant,  car  Valentin  faisait  remarquer  avec  raison  que  toutes  ces  liga- 
tures de  la  veine  porte  ne  pouvaient  avoir  aucune  signification,  parce  que 
les  veines  de  la  vésicule  et  des  canaux  biliaires  s'abouchent  dans  les  ra- 
meaux supérieurs  delà  veine  porte,  et  que  le  réseau  vasculaire  sécréteur 
n'est  formé  que  dans  l'intérieur  du  foie. 

Tel  était  l'état  des  choses,  on  voit  qu'il  n'était  rien  moins  que  satisfaisant, 
lorsque  Gintrac  et  Oré  tentèrent  d'éclaircir  enlin  ce  sujet.  Gintrac  réunit 
une  série  d'observations,  montrant  que  des  malades  avaient  présenté,  pen- 
dant un  temps  plus  ou  moins  long,  une  oblitération  de  la  veine  porte 
sans  modification  appréciable  de  la  sécrétion  biliaire,  et  il  attribua  avec 
toute  raison  les  résultats  différents  que  présente  l'expérimentation  chez  les 
animaux,  à  la  soudaineté  de  l'oblitération  dans  ce  dernier  cas;  chez  l'homme, 
elle  se  fait  plus  lentement,  une  circulation  collatérale  peut  s'établir;  chez 
l'animal,  la  suppression  subite  et  totale  de  ce  vaisseau  amène  la  mort  pres- 
que immédiate.  Oré  prit  soin  de  se  mettre  à  l'abri  de  cette  cause  d'erreur, 
et  pour  cela,  il  produisit  l'obstruction  de  la  veine  au  moyen  d'une  inflam- 
mation lente.  Chez  des  chiens,  il  entoura  la  veine  porte  d'un  lil  sans 
étreindre  le  vaisseau  ;  au  bout  de  cinq  ou  six  jours,  le  contact  du  lil  ayant 
dû  déterminer,  suivant  lui,  l'inflammation  des  parois  vasculaircs  et  l'ob- 
struction de  la  cavité,  il  enlève  le  lien  et  abandonne  les  animaux  à  eux- 
mêmes  ;  plusieurs  succombèrent  rapidement  à  une  péritonite,  d'autres 
survécurent;  la  veine  porte  fut  trouvée  réellement  oblitérée,  et  la  sécré- 
tion de  la  bile  avait  continué  à  se  faire  ;  le  foie  contenait  encore  du 
sucre,  il  était  un  peu  atrophié  et  plus  paie  qu'à  l'état  normal.  De  ces  re- 
cherches remarquables,  Oré  conclut  que  la  production  de  la  bile  est  indé- 
pendante de  la  veine  porte;  il  aurait  dû  dire  peut  être  indépendante  de  la 
veine  porte,  car,  dans  sa  forme  absolue,  la  conclusion  n'est  légitime 
qu'après  une  contre-épreuve  sur  l'artère  hépatique. 

L'année  suivante,  en  1&57,  Kottmeier  observait  l'arrêt  de  la  sécrétion 
après  la  ligature  de  l'artère,  et  ne  pouvait  obtenir  de  résultats  précis  en 
agissant  sur  la  veine;  or,  comme  le  l'ait  remarquer  Funke,  l'arrêt  dans  la 


10  BILE. 


origim;  et  mode  de  production. 


production  de  la  bile,  après  la  ligature  d'un  des  vaisseaux,  est  beaucoup 
moins  probant  que  la  persistance  de  la  sécrétion  après  la  ligature  de  l'autre 
vaisseau,  parce  que  l'opération  est  par  elle-même  assez  grave  pour  arrêter 
court  toute  sécrétion.  Enfin,  tandis  que  Chassagne  soutenait  l'opinion 
d'Oré,  Kùthe  concluait  de  ses  recherches  que  la  veine  porte  est  la  source 
exclusive  de  la  bile.  Les  expériences  de  Moos  sur  les  lapins  ont  aussi  la 
même  signification,  mais  comme  l'auteur  leur  en  a  assigné  une  précisé- 
ment opposée,  j'ai  dû  laisser  ces  faits  de  côté. 

Toutes  ces  incertitudes  tenaient-elles  à  la  question  elle-même,  ou  bien 
étaient-elles  imputables  au  mode  expérimental?  c'est  ce  qu'il  est  bon 
d'examiner;  en  cela  est  l'utilité  de  cette  revue  rétrospective.  Or  bon 
nombre  de  ces  expériences,  nous  l'avons  vu,  sont  incomplètes  ou  mal 
instituées,  et  il  n'y  pas  à  chercher  ailleurs  la  raison  des  contradictions  et 
de  l'obscurité  qu'elles  présentent.  Mais  ce  reproche  ne  peut  atteindre  les 
recherches  d'un  physiologiste  habile  tel  qu'Oré,  et  pourtant  la  conclusion 
qu'il  a  formulée  n'est  pas  absolument  acceptable;  où  donc  est  ici  l'erreur? 
Kùthe  l'a  révélée,  et  c'est  peut-être  le  fruit  le  plus  précieux  de  son  travail  ; 
les  veines  biliaires  de  Yalentin  sont  restées  perméables. 

Fort  heureusement  en  1862,  Moritz  Schiff  a  repris  ces  éludes,  et  avec 
cette  sagacité  et  cette  habileté  expérimentales  dont  il  a  donné  tant  de 
preuves,  il  est  parvenu  enfin  à  terminer  le  débat.  Comme  on  ne  peut  lier 
l'artère  hépatique  sans  étreindre  en  même  temps  quelques-uns  des  nerfs 
qui  l'accompagnent,  Schiff  s'est  occupé  avant  tout  de  constater  les  effets 
de  cette  lésion  des  nerfs  sur  la  sécrétion  de  la  bile  ;  des  épreuves  répétées 
ont  montré  que  la  paralysie  des  nerfs  hépatiques  est  sans  influence  appré- 
ciable, au  moins  pendant  tout  le  temps  nécessaire  a  l'étude  des  expériences 
sur  les  vaisseaux. 

Ce  premier  point  établi,  l'auteur  a  cherché  comment  l'on  doit  pro- 
céder à  la  ligature  de  l'artère  hépatique,  pour  être  certain  d'interrompre 
complètement  l'abord  du  sang  artériel;  la  simple  ligature  derrière  l'esto- 
mac n'est  point  suffisante,  il  faut  lier  les  trois  branches  du  plexus  cœ- 
liaque,  et  de  plus  l'artère  diaphragmatique  inférieure.  Il  faut  ensuite  éta- 
blir une  fistule  biliaire  et  ne  tenir  compte  que  de  la  bile  jaune  ;  celle-là 
seule  est  le  produit  d'une  sécrétion  actuelle,  la  bile  verte  est  celle  qui 
était  contenue  dans  la  vésicule  ou  dans  les  canaux  au  moment  de  l'expé- 
rience; c'est  donc  un  reliquat  de  l'état  normal,  il  doit  être  négligé.  Sur 
trois  chats  ainsi  opérés,  la  sécrétion  de  la  bile  a  continué,  et  comme 
Schiff  s'est  assuré  à  l'autopsie  que  toutes  les  ligatures  avaient  bien  tenu, 
il  a  pu  conclure  sans  réserve  aucune,  cette  fois,  qu'après  la  cessation  com- 
plète du  courant  artériel,  la  production  de  la  bile  persiste,  et  en  compa- 
rant les  quantités  obtenues  avec  les  chiffres  qui  expriment  la  proportion 
normale  (voyez  plus  bas),  il  a  pu  s'assurer  en  outre  que  la  sécrétion  n'est 
pas  diminuée. 

L'épreuve  sur  la  veine  porte  n'est  pas  moins  délicate,  elle  n'exige  pas 
moins  de  précautions.  Ce  qu'il  faut  obtenir,  c'est  que  toutes  les  petites 
branches  qui  se  rendent  au  foie,  soient  oblitérées  comme  le  tronc  même  de 


BILE.    ORIGINE    ET    MODE    DE    PRODUCTION.  il 

la  veine.  Dans  ce  but,  Schiff  a  ou  recours  alternativement  à  l'un  des  deux 
procédés  suivants  :  il  comprime  le  tronc  de  la  veine,  les  branches  deve- 
nant turgides  sont  plus  visibles,  et  il  les  lie  avant  de  lier  le  tronc;  ou 
bien  il  isole  dans  le  ligament  bépato-duodénal  l'artère  hépatique,  et  lie 
tout  le  reste  en  bloc,  le  canal  cholédoque  compris  ;  puis  il  établit  une 
listule  biliaire.  Cinq  expériences  ont  été  faites  ;  la  survie  n'a  pas  dépassé 
une  heure  et  demie,  pas  une  goutte  de  bile  n'a  été  produite;  les  chats 
sont  morts  dans  le  coma  ,  deux  ont  eu  de  légères  convulsions.  Ainsi  donc 
la  ligature  soudaine  et  totale  du  système  porte  supprime  instantané- 
ment la  sécrétion  biliaire,  et  les  animaux  meurent  empoisonnés  par  les 
matériaux  générateurs  de  la  bile. 

Cependant  les  faits  pathologiques  et  les  recherches  d'Oré  nécessitaient 
une  autre  série  d'expériences,  afin  d'élucider  les  effets  d'une  oblitération 
graduelle  de  la  veine  porte  ;  il  fallait  déterminer  si  une  obstruction  de  ce 
genre  entrave  la  circulation  dans  les  branches  hépatiques  du  système 
veineux  afférent,  au  point  (pie  le  foie  ne  reçoive  plus  du  tout  de  sang 
porte.  Schiff  a  fait  l'expérience  sur  des  chats  et  des  chiens  ;  les  expé- 
riences n'ont  pu  être  prolongées  au  delà  de  six  jours  et  demi,  mais  elles 
ont  montré  que  l'oblitération  lente  du  tronc  porte  produit  une  augmen- 
tation graduelle  de  pression  dans  le  système  de  la  veine  cave,  d'où  ré- 
sulte dans  les  parties  supérieures  de  la  veine  porte  un  nouvel  afflux  de 
sang;  ce  liquide,  joint  au  sang  encore  présent  dans  les  branches  intra- 
hépatiques  de  la  veine  porte,  y  entretient  la  circulation  et  la  sécrétion  de  la 
bile.  Ces  faits  expliquent  à  merveille  la  persistance  de  la  sécrétion  biliaire 
dans  certains  cas  pathologiques,  notamment  dans  cette  oblitération  lente 
et  partielle  de  la  veine  porte,  que  produit  la  cirrhose  du  foie.  Ces  recher- 
ches de  Schiff  ont  eu  encore  pour  résultat  de  confirmer  l'existence  de 
ces  veines  biliaires  (désignées  par  Sappey  sous  le  nom  de  veines  portes  ac- 
cessoires), et  surtout  de  la  principale  d'entre  elles,  la  veine  parombilicale, 
déjà  signalée  par  Bertrandi  en  1718,  et  décrite  plus  complètement  chez  le 
fœtus  par  Burow,  en  1838  (Schiff).  Ce  sont  ces  canaux  qui  se  dilatent 
dans  le  cas  d'oblitération  graduelle  du  tronc  porte,  et  appellent  aux 
vaisseaux  intra-liépatiqucs  les  éléments  nécessaires  à  la  fabrication  de  la 
bile.  Quant  aux  dispositions  anatomiques  de  ces  veines  accessoires,  elles 
sont  étrangères  à  mon  sujet  et  trouveront  leur  place  ailleurs  (voy.  Veine 
porte). 

On  remarquera  que,  dans  ces  dernières  expériences,  le  sang  qui  four- 
nissait à  la  sécrétion  biliaire  venait  eu  grande  partie  de  la  circulation 
veineuse  générale.  L'opinion  dos  anciens,  qui  attribuaient  la  production 
de  la  bile  aux  qualités  particulières  du  sang  porte,  est  donc  complètement 
erronée.  Dans  d'autres  expériences,  le  tronc  porte  étant  oblitéré,  Schiff 
a  vu  la  sécrétion  de  la  bile  se  faire  aux  dépens  du  sang  fourni  par  l'artère 
hépatique  aux  ramuscules  intra-hépatiques  de  la  veine  porte  (anastomoses 
de  Glisson,  Locquct  et  Wallcr);  enfin,  après  quelques  essais  très-difliciles 
de  transfusion  du  sang  de  l'artère  rénale  dans  la  veine  porte,  le  célèbre 
physiologiste  est  porté  à  croire  que  le  sang  artériel  proprement  dit  peut 


12  BILE.    —    ORIGINE    ET    MODE    DE    PRODUCTION. 

aussi  fournir  à  la  sécrétion  biliaire,  mais  ce  n'est  là,  en  tout  cas,  qu'un 
fait  complètement  exceptionnel,  qui  n'a  plus  rien  de  commun  avec  la 
source  physiologique  de  la  bile.  L'oblitération  soudaine  ou  lente  du 
système  porte  n'a  jamais  produit  la  dilatation  de  Tarière  hépatique. 

Tel  est  dans  ses  éléments  principaux  le  travail  de  Schiff  ;  il  me  paraît 
clore  la  discussion  et  autoriser  les  conclusions  suivantes,  qui  sont  la  ré- 
ponse à  notre  première  question. 

La  sécrétion  de  la  bile,  à  l'état  normal,  est  sous  la  dépendance  exclusive 
du  système  porte. 

L'oblitération  totale  et  soudaine  de  ce  système  supprime  instantanément 
la  production  de  la  bile,  et  les  animaux  (mammifères)  meurent  empoi- 
sonnés par  les  matériaux  générateurs  de  ce  liquide;  tout  comme  après 
l'extirpation  des  reins,  ils  meurent  empoisonnés  par  les  matériaux  de 
l'urine. 

L'oblitération  lente  du  tronc  de  la  veine  porte  n'interrompt  pas  néces- 
sairement la  sécrétion  biliaire;  lorsque  celle-ci  persiste,  elle  est  entre- 
tenue par  les  veines  portes  accessoires. 

Dans  certaines  conditions,  que  réalise  l'expérimentation,  le  sang  arté- 
riel peut  fournir  à  la  production  de  la  bile;  mais  ces  conditions  purement 
artificielles,  ne  sont  observées  ni  à  l'état  sain,  ni  à  l'état  morbide  ;  ce 
fait  est  donc  sans  intérêt  pratique. 

La  bile  préformée  dans  le  sang,  est-elle  simplement  séparée  par  le 
foie,  ou  bien  est-elle  fabriquée  par  l'organe  au  moyen  d'éléments  généra- 
teurs contenus  dans  le  sang  porte?  C'est  la  seconde  question  que  nous 
devons  examiner;  elle  nous  retiendra  moins  longtemps  que  la  précé- 
dente. 

Bien  que  Monro,  Eller,  Reil,  Saunders,  eussent  combattu  depuis  long- 
temps déjà  l'idée  de  ia  préformation  de  la  bile  dans  le  sang  (théorie  an- 
cienne de  Glisson,  V.  Swieten,  Boerhaave,  Darwin,  etc.),  cependant  la 
discussion  resta  ouverte  aussi  longtemps  qu'on  ne  put  invoquer  à  l'appui 
des  idées  nouvelles  que  des  preuves  indirectes,  telles  que  le  défaut  d'ictère 
dans  certaines  maladies  chroniques  du  foie,  ou  dans  le  cas  d'oblitération 
de  la  veine  porte.  Aujourd'hui  les  démonstrations  directes  ont  été  données, 
et  il  n'est  pas  en  physiologie  de  proposition  plus  certaine  que  celle-ci  :  la 
bile  n'est  pas  préformée  dans  le  sang,  elle  n'est  pas  séparée  par  le  foie, 
elle  est  fabriquée  par  lui  au  moyen  des  matériaux  qui  lui  arrivent  par  le 
sang  porte.  Les  preuves  sont  de  deux  ordres  ;  elles  sont  également  pé- 
remptoires.  Les  analyses  de  Lehmann,  répétées  par  Scherer,  Frerichs, 
Gorup  vonBesanez,  et  d'autres  physiologistes,  ont  établi  que  les  éléments 
de  la  bile  font  totalement  défaut  dans  le  sang  de  la  veine  porte.  D'un 
autre  côté,  chez  les  animaux  (grenouilles)  qui  survivent  un  certain 
temps  à  l'ablation  du  foie,  il  n'est  pas  possible,  au  bout  de  plusieurs 
jours,  de  trouver  dans  le  sang,  ni  les  sels,  ni  la  matière  colorante  de  la 
bile,  même  en  réunissant  en  une  seule  masse  le  sang  de  plusieurs  gre- 
nouilles ainsi  opérées  (Kunde,  Moleschott). 

Puisque  les  éléments  caractéristiques  de  la  bile  ne  sont  pas  préformés 


BILE.    ORIGINE    ET    MODE    DE    PliODUCTIOX.  13 

dans  le  sang,  puisque  celui-ci  n'apporte  au  foie  que  les  matériaux  néces- 
saires à  cette  fabrication,  il  importe  de  déterminer,  ou  tout  au  inoins  de 
rechercher  quels  sont  les  éléments  du  sang  qui  jouent  le  rôle  de  matériaux 
générateurs  de  la  bile.  Question  hérissée  de  difficultés,  obscure  encore 
sur  bien  des  points,  mais  sur  laquelle  cependant  nous  savons  déjà  quelque 
chose. 

C'est  Lehmann  qui  a  ouvert  la  voie,  c'est  à  lui  qu'est  due  la  seule 
méthode  qui  peut  conduire  à  la  vérité.  Cette  méthode  consiste  dans 
l'analyse  comparative  du  sang  de  la  veine  porte  et  du  sang  des  veines 
sus-hépatiques.  Le  principe  est  aussi  simple  que  l'application  est  difficile; 
si  certains  matériaux  contenus  dans  la  veine  porte  ne  se  retrouvent  plus  en 
proportion  égale  dans  le  sang  des  veines  elférentes,  c'est-à-dire  dans  le 
sang  qui  a  traversé  le  foie,  il  est  clair  que  ces  matériaux  ont  été  employés  à 
la  fabrication  de  la  bile  et  de  la  matière  glycogène.  Or,  voici  les  résultats 
fournis  par  cette  méthode  (je  laisse  de  côté  la  matière  glycogène,  dont  je 
n'ai  pas  à  m'occuper  ici). 

Le  sang  des  veines  sus-hépatiques  diffère  du  sang  de  la  veine  porte  par 
l'absence  de  fibrine  coagulable,  par  la  diminution  de  la  graisse  et  de  l'al- 
bumine, par  l'abaissement  considérable  de  la  proportion  d'eau  et  des  sels 
du  sérum  (chez  le  cheval  la  perte  des  sels  va  jusqu'à  31,2  pour  100).  En 
revanche  la  quantité  des  matières  dites  extractives  est  notablement 
accrue;  elle  va  au  double  et  même  au  triple  de  la  proportion  contenue 
dans  la  veine  porte.  Le  chiffre  des  globules  présente  aussi  une  élévation 
considérable,  mais  cette  modification  si  intéressante  au  point  de  vue  de 
l'hématopoïèse  est  sans  rapport  direct  avec  la  sécrétion  biliaire.  En 
résumé  le  sang  de  la  veine  porte  en  traversant  le  foie  perd  de  l'eau,  des 
sels  minéraux,  de  la  graisse,  de  l'albumine  et  de  la  fibrine;  il  est  clair 
que  c'est  aux  dépens  de  ces  substances  perdues  qu'a  lieu  la  formation  de 
la  bile,  et  les  matières  extractives  en  excès  sont  le  reliquat,  le  résidu  de 
cette  opération  organique. 

Tels  sont  les  faits  fondamentaux;  creusons  la  question  plus  profondé- 
ment, nous  pourrons  peut-être  préciser  mieux  encore  les  rapports  des 
générateurs  au  produit.  L'eau  et  les  sels  minéraux  de  la  bile  sont  des 
éléments  non  modifiés  du  sang;  il  en  est  de  mémo  de  la  eholestérine, 
ceci  ne  présente  aucune  difficulté;  occupons-nous  des  éléments  vraiment 
caractéristiques  de  la  bile,  les  acides  copules  et  la  matière  colorante. 

Les  acides  copules  se  composent,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  d'un  acide 
simple,  l'acide  eholique  et  d'un  élément  eopulatcur,  la  glycine  ou  la 
taurine.  La  provenance  de  ces  divers  composants  n'est  point  la  même. 
En  ce  qui  touche  l'acide  eholique,  il  est  extrêmement  vraisemblable  qu'il 
résulte  de  la  transformation  de  la  graisse  contenue  dans  les  cellules 
hépatiques.  En  effet  celte  proportion  de  graisse  est  en  rapport  direct  avec 
la  quantité  de  cette  substance  puisée  dans  le  canal  intestinal  ;  Funke, 
chez  des  individus  qui  s'étaient  suicidés  en  état  de  santé,  a  trouvé  plu- 
sieurs fois,  avec  les  chylifères  turgides,  les  cellules  hépatiques  remplies 
d'une   grande  quantité  de  fines  gouttelettes  de  graisse,  et  Laue,  sur  des 


14  BILE.    OP.IGLNE    ET    MODE    DE    PRODUCTION. 

lapins,  a  constaté  que  la  réplétion  graisseuse  des  cellules  du  foie  présente 
son  maximum  quelques  heures  après  l'ingestion  de  substances  grasses. 
D'un  autre  côté  on  ne  retrouve  dans  la  bile  qu'une  très-petite  quantité 
de  graisse,  soit  en  nature,  soit  saponifiée;  le  reste  a  disparu,  c'est  cette 
portion-là,  qui,  élaborée  dans  les  cellules,  devient  libre  et  passe  dans  les 
canaliculcs  excréteurs  sous  forme  d'acide  cliolique.  Les  produits  d'oxyda- 
tion de  cet  acide  témoignent  en  faveur  de  cette  origine,  et  Lehmann  croit 
môme  qu'on  peut  rapporter  l'acide  cliolique  exclusivement  à  l'acide 
oléique,  combiné  avec  le  complexus  atomique  C12II60s.  Si  l'on  ajoute  cette 
formule  à  celle  de  l'acide  oléique  on  obtient  en  effet  la  formule  de  l'acide 
eholique  (C56H5505-j-II0)  -f-(C12IP06)=  (C48H5909 -+- HO)  acide  cliolique. 
Lehmann  s'appuie  en  outre  sur  les  recherches  de  Redtenbaclier  qui  a 
montré  qu'en  agissant  au  moyen  de  l'acide  azotique  sur  l'acide  eholique 
on  obtient  tous  les  membres  de  la  série  (C2H2)  AzO4,  aussi  bien  que  lors- 
qu'on agit  sur  l'acide  oléique. 

Que  cette  provenance  soit  exclusive  ou  non,  on  peut  admettre  aujour- 
d'hui que  l'acide  eholique  de  la  bile  a  pour  origine  les  matières  grasses 
contenues  dans  les  cellules  du  foie  ;  et  cette  conclusion  basée  sur  l'obser- 
vation et  l'analyse  ne  me  semble  pas  permettre  d'accepter  la  théorie  de 
notre  célèbre  micrographe,  le  professeur  Robin,  qui  attribue  la  sécrétion 
biliaire  aux  glandes  en  grappe,  contenues  dans  les  canaux  excréteurs. 
Acceptée  par  Morel,  cette  théorie,  il  est  vrai,  a  conquis  tout  récemment 
l'appui  de  Ilcnlc,  mais  elle  me  paraît  difficilement  conciliable  avec  les 
faits  (pli  viennent  d'être  exposés.  Tout  au  moins  n'est-on  pas  encore  auto- 
risé à  diviser  le  foie  en  deux  appareils  anatomiquement  distincts,  l'un 
destiné  à  la  sécrétion  de  la  bile  (foie  cholégénique),  l'autre  à  la  produc- 
tion du  sucre  (foie  glycogénique). 

Quant  aux  éléments  copulateurs,  la  glycine  et  la  taurine,  ils  ont  pour 
matériaux  générateurs  les  substances  albuminoïdes  laissées  dans  le  foie 
par  le  sang  de  la  veine  porte.  Une  plus  grande  précision  ne  paraît  pas 
possible  pour  le  moment.  Lehmann  a  regardé  comme  substance  généra- 
trice la  fibrine,  en  se  fondant  sur  son  absence  dans  les  veines  efférentes  ; 
mais  on  ne  sait  pas  encore  aujourd'hui  si  cette  substance  manque  réelle- 
ment dans  les  veines  sus-hépatiques,  ou  si  elle  a  seulement  perdu  la 
propriété  qui  la  fait  reconnaître  entre  toutes,  la  coagulabilité.  Frerichs 
et  Stàdeler  pensent  que  la  glycine  provient  de  la  tyrosine,  un  des  pro- 
duits de  décomposition  des  matières  albuminoïdes;  l'équation  suivante 
exprime  cette  dérivation.  Tyrosine  (C18HllAz06)  =  (C4Il5Az04-}-2HO 
H-C14ir04).  On  sait  qu'on  trouve  de  la  tyrosine  dans  le  foie  lorsque  la 
sécrétion  biliaire  est  suspendue,  fait  qui  vient  à  l'appui  de  l'opinion  pré- 
cédente. Si  ces  questions  de  détail  ne  sont  pas  encore  suffisamment  éluci- 
dées; il  n'en  est  pas  de  même  du  tait  fondamental  :  la  formation  de  la 
glycine  et  de  la  taurine  aux  dépens  des  matières  albuminoïdes  apportées 
au  foie.  Déjà  l'on  a  pu  obtenir  directement  la  glycine  en  traitant  par  les 
alcalis  les  matières  protéiques  azotées,  et  il  est  bien  certain  a  priori  qu'on 
pourrait   obtenir  de  môme    la  taurine,   en   agissant  sur   les  matières 


BILE.    ORIGINE    ET    MODE    D"    PRODUCTION.  15 

protéiqûes  sulfurées.  Je  rappellerai  avant  de  quitter  ce  sujet  un  fait  qui 
démontre  positivement  que  la  glycine  se  forme  dans  le  foie  et  non  pas 
ailleurs.  L'acide  hippurique  peut  être  considéré  comme  de  l'acide  benzoï- 
que  combiné  avec  la  glycine  ;  or  lorsqu'on  introduit  de  l'acide  benzoïque 
dans  l'organisme,  il  ne  se  change  en  acide  hippurique  qu'à  la  condition 
de  traverser  avec  le  sang  la  glande  hépatique  (Kùhne,  ÏTalhvachs);  c'est 
donc  là  seulement  qu'il  trouve  la  glycine  nécessaire  à  sa  transformation  ; 
nouveau  fait  difficile  à  concilier  avec  la  théorie  du  professeur  Robin. 

Gomme  tous  les  pigments,  tant  normaux  que  pathologiques,  la  ma- 
tière colorante  de  la  bile  provient  du  contenu  des  cellules  colorées  du 
sang.  Ce  fait  est  hors  de  doute.  Déjà  nous  avons  vu  plus  haut  que  la  bili- 
phéine  cristallisée  de  Valentiner  et  de  Brûcke,  est  très-voisine  de  l'héma- 
toïdine, le  produit  cristallisé  du  pigment  sanguin  ;  une  observation  faite 
en  commun  par  Funke  et  Zcnker,  démontre  encore  cette  identité,  j'en 
emprunte  la  relation  au  professeur  Funke.  Dans  certaines  conditions 
pathologiques,  Virchow  avait  trouvé  dans  la  bile  en  stagnation,  une 
matière  colorante  d'un  rouge  jaunâtre,  cristallisée  en  aiguilles  brisées 
ou  groupées,  et  la  tenant  pour  différente  de  la  biliphéine  et  de  la  bi- 
liverdine,  il  l'avait  nommée  bilifulvine,  mais  il  appelait  lui-même  l'at- 
tention sur  la  ressemblance  de  celte  bilifulvine  avec  l'hématoïdine  sous 
l'action  des  réactifs.  Or  Funke  et  Zenker  ont  montré  que  celte  bilifulvine 
se  transforme  spontanément  ou  par  Faction  de  l'éther  en  gros  cristaux, 
qui  ont  toutes  les  propriétés  de  l'hématoïdine;  ces  observations  unies  à 
celles  de  Brùcke,  prouvent  que  la  bilifulvine  de  Virchow,  n'est  autre  chose 
que  de  la  biliphéine  cristallisée.  En  somme,  la  matière  colorante  jaune 
de  la  bile  (cholépyrrhinc  ou  biliphéine)  qui  passe  par  F  oxydation  à  la 
modification  verte,  est  identique  avec  le  produit  que  donne  le  contenu  dc> 
cellules  sanguines  colorées  dans  le  sang  en  stagnation,  et  le  pigment  bi- 
liaire provient  du  pigment  sanguin,  d'où  cette  conséquence  intéres- 
sante, qu'une  certaine  quantité  de  globules  rouges  sont  détruits  dans 
le  foie. 

Jusqu'ici  tout  est  net  et  précis  ;  mais  les  remarquables  expériences 
de  mon  savant  ami,  le  professeur  Frerichs,  ne  permettent  plus  de  s'en 
tenir  à  cette  conclusion  absolue;  en  fait,  le  pigment  sanguin  est  bien 
certainement  la  source  principale  du  pigment  biliaire,  mais  il  n'est  pas 
prouvé  qu'il  en  soit  la  source  unique.  Après  avoir  injecté  dans  le  sang  de 
plusieurs  chiens,  de  la  bile  parfaitement  décolorée,  ou  bien  les  sels  bi- 
liaires purs,  Frerichs  a  vu  l'urine  de  ces  animaux  se  charger  de  pigment 
biliaire.  Le  fait,  en  lui-même,  est  positif,  l'expérience  a  été  répétée  avec 
le  même  résultat  (Neukomm-Kùhne)  ;  l'interprétation  varie,  elle  n'est  pas 
sans  difficultés.  Frerichs  a  conclu  de  ses  observations  que  les  arides  de  la 
bile  se  métamorphosent  directement  dans  le  sang  en  pigment  biliaire,  il  y 
aurait  donc  là  pour  cette  matière  colorante  une  source  nouvelle,  indépen- 
dante du  pigment  sanguin.  Le  professeur  de  berlin  invoque,  à  l'appui  de 
sa  manière  de  voir  trois  ordres  de  faits,  qui  n'ont  pas  tous  subsisté.  En 
faisant  digérer   des  sels  biliaires  dans  de  l'acide  sulfurique,  la  transfor- 


16  BILE.    ORIGINE    ET    MODE    DE    PRODUCTION. 

mation  de  ces  sels  en  pigment  biliaire  est  produite.  —  2°  En  traitant  l'a- 
cide glycocholique  par  l'acide  sulfurique,  on  obtient  un  corps  (substance 
chromogène)  qui  présente  à  l'air  le  même  jeu  de  couleurs  que  le  pigment 
biliaire  avec  l'acide  azotique.  Depuis  que  Stàdeler  a  montré  que  l'acide 
chohque,  non  azoté,  traité  de  la  même  manière,  fournit  des  résultats 
identiques,  cet  argument  n'en  est  plus  un.  —  3°  Chez  les  chiens  en 
expérience  ,  l'urine  qui  renfermait  la  matière  colorante  de  la  bile  ne 
contenait  point  d'acide  biliaire.  Ce  dernier  argument  doit  être  modifié; 
l'absence  des  acides  biliaires  n'était  qu'apparente,  elle  tenait  à  l'insuffi- 
sance du  procédé  réactif,  ainsi  que  l'ont  montré  les  recherches  subsé- 
quentes de  Hoppc  et  de  Kùhne.  Il  faut  noter  cependant  que  la  quantité 
d'acides  biliaires  retrouvée  dans  l'urine  est  toujours  hors  de  toute 
proportion  avec  la  quantité  injectée  dans  le  sang.  On  voit  donc  qu'au 
point  de  vue  de  la  question  en  litige,  le  lait  conserve  une  grande  valeur, 
et  s'il  n'y  avait  pas  d'autre  élément  à  faire  intervenir  dans  le  débat,  l'in- 
terprétation de  Frerichs  ne  serait  pas  douteuse  ;  il  serait  positivement  dé- 
montré que  le  pigment  biliaire  peut  provenir  de  deux  sources  distinctes  : 
du  pigment  du  sang,  ce  qui  est  le  fait  ordinaire,  et  de  la  transformation 
des  acides  biliaires  lorsque,  pour  une  raison  quelconque,  ces  acides  exis- 
tent dans  le  sang. 

Malheureusement,  les  expériences  de  Frerichs,  il  nous  l'apprend  lui- 
même,  n'ont  pas  toujours  donné  les  mêmes  résultats,  et,  dans  un  certain 
nombre  de  cas,  l'injection  des  sels  choliques  n'a  pas  été  suivie  de  l'ap- 
parition du  pigment  biliaire  dans  l'urine.  L'auteur  n'a  pas  manqué  de  te- 
nir compte  de  ces  faits  négatifs,  et  tout  en  admettant  en  principe,  ainsi 
que  je  l'ai  dit,  la  transformation  des  sels  en  pigment,  il  a  eu  soin  d'ajou- 
ter que  cette  métamorphose  exige  le  concours  de  certaines  conditions  qui, 
inconnues  encore,  ne  se  trouvent  pas  toujours  réalisées.  Sur  ces  entre- 
faites, Kùhne  a  répété  ces  expériences  ;  il  a  obtenu  les  mêmes  résultats, 
mais  il  a  proposé  une  explication  toute  différente;  simple  et  précise  en  ap- 
parence, cette  explication  a  été  accueillie  avec  empressement,  il  me  sera  fa- 
cile cependant,  de  montrer,  en  m'appuyant  sur  les  recherches  mêmes  de 
Kùhne,  qu'elle  soulève  des  objections  plus  graves  encore  que  la  théorie 
de  Frerichs. 

D'après  Kùhne,  le  pigment  biliaire  proviendrait  encore  ici  de  la  matière 
colorante  du  sang  ;  la  bile  ou  les  sels  biliaires  injectés  ont  pour  effet 
de  dissoudre  une  certaine  quantité  de  globules  rouges,  ou  d'en  mettre 
le  pigment  en  liberté,  et  c'est  ce  pigment  qui  apparaît  dans  l'urine  sous 
forme  de  chlolépyrrhine.  Cette  explication  me  paraît  ruinée  d'avance, 
qu'on  en  juge  :  Kùhne  a  injecté  plusieurs  fois  dans  les  veines  une  dissolu- 
tion d'hématoglobuline,  et  il  n'a  jamais  vu  alors  le  pigment  de  la  bile 
apparaître  dans  l'urine  ;  l'effet  n'était  produit  que  lorsqu'il  ajoutait  à  la 
solution  d'hématine  une  certaine  quantité  d'acides  biliaires.  S'inclinant 
devant  les  faits,  l'auteur  convient  lui-même  qu'une  fois  l'hématine  dis- 
soute dans  le  sang,  les  acides  de  la  bile  ont  une  influence  nécessaire  sur 
sa  métamorphose  ultérieure  en  biliphéinc;  par  quoi  il  se  rapproche  déjà 


BILE.    ÉVALUATION    QUANTITATIVE    DE    LA    SÉCRÉTION    BILIAIRE.  17 

notablement  de  l'opinion  de  Frerichs.  Au  surplus,  ilya  d'autres  difficul- 
tés encore  ;  avec  la  théorie  de  Kûhne,  il  est  impossible  de  comprendre  que 
l'urine  contienne  si  souvent  de  l'hématine  sans  être  chargée  en  même 
temps  de  pigment  biliaire  ;  cette  objection  est  d'autant  plus  grave  qu'on 
peut  faire  apparaître  dans  l'urine  la   matière  colorante  du  sang,  précisé- 
ment en  injectant  dans  ce  liquide  les  acides  de  la  bile  (Dusch,  Frerichs, 
Hùnet'eld).  Enfin,  il  ne  faut  pas  oublier  que  le  pouvoir  dissolvant  des  sels 
choliques  sur  les  globules  sanguins  a  été  fort  exagéré;  c'est  un  point  sur 
lequel  je  reviendrai  en  étudiant  l'action  toxique  de  la  bile.  Pour  toutes  ces 
raisons,  la  théorie  de  Frerichs,  malgré  les  lacunes  que  le  savant  professeur 
y  a  lui-même  signalées,  me  paraît  plus  satisfaisante  et  mieux  établie,  et  je 
n'hésite  pas  à  conclure  par  la  proposition  suivante  :  Le  pigment  biliaire 
provient  ordinairement  de  la  matière  colorante  du  sang,  mais  lorsque  le  sang 
contient  une  certaine  proportion  de  sels  choliques,  la  cholépyrrhine  peut 
provenir  aussi  de  ces  sels.  Quel  est  le  mode  de  cette  provenance  toujours 
exceptionnelle,  nous  le  saurons  peut-être  quelque  jour,  mais  aujourd'hui 
il  est  sage  de  ne  pas  se  prononcer;  il  est  peu  probable  en  tout  cas  qu'il  y 
ait  une  transformation  directe;  les  troubles  de  circulation  déterminés  par 
la  présence  des  sels  choliques  dans  le  sang  sont  assez  considérables  pour 
altérer  les  métamorphoses  organiques,  c'est  là  le  seul  fait  certain. 

Évaluai  ion  quantitative  cïe  la  sécrétion  niliaêre.  —  Il  en 
est  des  expériences  anciennes  sur  ce  sujet  comme  des  premières  analyses 
chimiques  de  la  bile  ;  elles  sont  entachées  d'erreurs,  qui  tiennent  pour  la 
plupart  au  procédé  expérimental,  nous  ne  devons  plus  y  voir  que  des 
•souvenirs  historiques.  Cette  remarque  n'atteint  pas  seulement  les  évalua- 
tions de  llaller  et  deMagendie  ;  elle  frappe  également  les  recherches  plus 
récentes  de  Schultz  et  de  Blondlot. 

Les  résultats  obtenus  par  Nasse  et  Arnold  au  moyen  de  la  méthode 
des  fistules  biliaires  permanentes,  indiquées  par  Schwann,  sont  déjà  beau- 
coup plus  exacts,  mais  c'est  principalement  aux  expériences  répétées  de 
Bidder  et  Schmidt,  de  Stackmann, et  aux  recherches  plus  récentes  encore 
de  Kôlliker  et  de  Millier  que  nous  devons  les  notions  précises  que  nous 
possédons  aujourd'hui  sur  ce  sujet  intéressant.  Je  ne  puis  exposer  ici  les 
détails  et  les  précautions  innombrables  du  mode  expérimental,  et  je  me 
borne  à  faire  connaître  les  résultats  obtenus.  Afin  que  les  chiffres  soient 
exactement  comparables,  ils  ont  toujours  été  rapportés  à  un  kilogramme 
de  l'animal  en  expérience  ;  la  durée  de  l'observation  a  varié  de  vingt- 
quatre  heures  à  huit  semaines  (un  chien,  de  Bidder  et  Schmidt);  l'expé- 
rimentation a  été  pratiquée  au  moyen  de  la  méthode  des  fistules  bi- 
liaires, soit  temporaires,  soit  permanentes. 

D'après  Arnold,  un  kilogramme  de  chien  produit  en  vingt-quatre 
heures  une  quantité  de  bile  qui  varie  de  8gr,lf2,  à  llgr,642;  chez  des 
chiens  alimentés  exclusivement  avec  de  la  viande,  Nasse  avait  trouvé  des 
chiffres  plus  élevés  compris  entre  12gr,2  et  28gr,4.  Bien  que  supérieure  aux 
résultats  annoncés  par  les  anciens  observateurs,  cette  évaluation  est  en- 
core au-dessous  de  la  vérité.  Bidder  et  Schmidt,  opérant  sur  des  chiens, 

NOUV.    DICT.    MLD.    ET    CUIR.  Y.    —    '2 


18  BILE.    ÉVALUATION    QUANTITATIVE    DE    LA    SÉCRÉTION    BILIAIRE. 

ont  obtenu  des  chiffres  qui  se  rapprochent  sensiblement  de  ceux  de  Nasse, 
15  à  28  gr.  en  vingt-quatre  heures,  par  kilogramme  de  l'animal;  mais- 
Kôllikcr  et  Mùller,  en  perfectionnant,  non  le  procédé  expérimental,  mais 
la  méthode  de  calcul  par  laquelle  on  déduit  des  observations  isolées  le 
total  de  la  sécrétion  pour  vingt-quatre  heures,  sont  arrivés  au  chiffre  de 
52gr,7  et  32gr,19.  Tenons-nous  à  oO  grammes  et  nous  verrons,  en  appli- 
quant à  l'homme  les  résultats  fournis  par  le  chien  ,  qu'un  homme  du 
poids  de  soixante  kilogrammes  sécrète  en  vingt-quatre  heures  1800  gr. 
de  bile;  le  même  calcul  pratiqué  avec  la  moyenne  de  Bidder  et  Schmidt, 
qui  est  de  20  grammes,  donne  1200  grammes.  A  supposer  même  qu'on 
s'arrête  à  ce  dernier  total  qui  est  certainement  trop  faible,  on  voit  com- 
bien étaient  inexactes  les  conclusions  de  Blondlot,  qui  évaluait  à  200  gr. 
la  quantité  quotidienne  de  la  sécrétion  biliaire  chez  l'homme. 

La  production  de  la  bile  n'est  pas  également  abondante  à  tous  les  mo- 
ments de  la  journée;  elle  présente  son  maximum  quelque  heures  après  le 
repas;  immédiatement  après  l'ingestion  des  aliments,  la  sécrétion  est 
très-réduite;  à  partir  de  la  troisième  heure  elle  commence  à  s'accroître, 
et  atteint  son  maximum  entre  la  troisième  et  la  cinquième  heure,  dans 
d'autres  cas,  entre  la  sixième  et  la  huitième;  puis  elle  s'abaisse  lente- 
ment, et  s'il  n'y  a  pas  de  nouvelle  alimentation,  elle  présente,  vers  la 
dix-huitième  ou  la  vingtième  heure,  le  minimum  constaté  après  le  repas. 
Ces  chiffres  sont  ceux  de  Kolliker  et  de  Mùller,  mais  d'après  les  recherches 
d'Arnold  et  de  Voit,  le  maximum  de  la  sécrétion  pourrait  déjà  se  mon- 
trer de  une  à  quatre  heures  après  le  repas  ;  ces  variétés  dépendent  sans 
doute  en  grande  partie  de  la  nature  des  aliments  ingérés,  et  de  l'énergie 
des  fonctions  digestives.  Comme  moyenne  générale,  les  chiffres  de  Kolli- 
ker sont  seuls  acceptables;  Bidder  et  Schmidt  ont  même  trouvé  que  le 
maximum  pouvait  être  encore  plus  tardif. 

Entre  toutes  les  conditions  qui  modifient  la  quantité  de  la  sécrétion 
biliaire,  l'alimentation  est  de  beaucoup  la  plus  influente.  La  suppression 
complète  des  aliments  a  pour  résultat  une  diminution  de  plus  en  plus 
marquée,  et  dans  la  proportion  totale  de  la  bile  et  dans  la  proportion  re- 
lative des  matériaux  solides;  toutefois  les  animaux  (chats)  peuvent  suc- 
comber à  l'inanition  avant  que  la  production  de  la  bile  soit  entièrement 
suspendue.  Chez  des  chiens  privés  d'aliments  depuis  dix-huit  heures  et 
observés  heure  par  heure  jusqu'à  la  quarante-deuxième  heure,  Arnold  a 
constaté  que  la  quantité  du  résidu  solide  présentait  de  nombreuses  oscil- 
lations, de  telle  sorte  qu'il  y  avait  un  maximum  le  matin  et  le  soir,  un 
minimum  à  midi  et  à  minuit.  L'ingestion  d'une  grande  quantité  d'eau 
augmente  la  sécrétion  biliaire  ;  cet  accroissement  dure  une  heure  environ 
après  la  dernière  ingestion  du  liquide,  puis  la  sécrétion  retombe  à  son 
chiffre  normal  ;  il  est  remarquable  que  cette  expérience  n'ait  pas  d'effet 
constant  sur  la  proportion  des  matériaux  solides  ;  tantôt  ils  présentent 
une  diminution  absolue  et  relative,  tantôt,  au  contraire,  ils  augmentent 
comme  la  sécrétion  elle-même. 

La  nature  des   aliments   doit   surtout  être  prise  en   considération  en 


BILE.    ÉVOLUTION    ET    RÉSORPTION    PHYSIOLOGIQUES.  19 

raison  des  conséquences  pratiques  qui  découlent  de  ces  notions  expéri- 
mentales. 

Le  régime  animal  pur  produit  une  augmentation  considérable  de  la 
sécrétion  biliaire;  l'effet  reste  à  peu  près  le  même  lorsqu'on  joint  à  la 
viande  une  petite  quantité  de  pain,  mais  l'augmentation  cesse  de  se  pro- 
duire avec  un  régime  végétal,  composé  uniquement  de  pain  et  de  pommes 
de  terre  ;  Bidder  et  Schmidt  ont  montré  que  l'usage  exclusif  des  matières 
grasses  n'a  aucune  influence  sur  la  sécrétion  de  la  bile,  qui  présente 
alors  les  mêmes  caractères  que  dans  l'inanition  complète.  Enfin  les  re- 
cherebcs  nouvelles  de  Ritter  et  de  Nasse  nous  ont  appris  que  l'addi- 
tion d'une  petite  quantité  de  graisse  au  régime  animal  augmente  encore 
la  proportion  de  la  bile,  et  qu'un  mélange  de  graisse  et  de  matières  amy- 
lacées paraît  avoir  un  résultat  analogue.  —  Lorsqu'on  substitue  un  ré- 
gime à  un  autre,  l'influence  du  dernier  sur  la  bile  ne  se  montre  pas 
aussitôt,  elle  n'apparaît  d'ordinaire  qu'un  jour  après  la  substitution. 

Indépendamment  de  l'alimentation,  il  est  quelques  autres  circonstances 
qui  modifient  la  production  quotidienne  de  la  bile,  et  dont  les  effets  mé- 
ritent d'être  signalés.  L'usage  du  bicarbonate  de  soude  diminue  la  quan- 
tité totale  de  la  bile  et  la  proportion  des  matériaux  solides  qui  y  sont 
contenus;  ce  fait  intéressant  a  été  établi  par  Nasse,  il  nous  rend  compte 
des  bons  effets  de  la  médication  alcaline  contre  la  polyeliolie  ;  cette  in- 
fluence du  bicarbonate  de  soude  est  assez  puissante  pour  atténuer  l'ac- 
tion opposée  d'un  régime  cbolagogue,  et  pour  ralentir  l'excrétion,  par  la 
bile,  de  l'eau  ingérée.  D'après Kôlliker  et  Mùller,  le  biclilorurede  mercure 
produit  des  effets  analogues. 

Quant  à  l'influence  des  nerfs  sur  la  production  de  la  bile,  elle  est  peu 
connue  encore;  à  la  suite  de  nombreuses  expériences,  Goldschmidt, 
Haussmanu  et  Lissa  ont  reconnu  que  les  nerfs  pneumogastriques  n'ont 
aucune  action  immédiate  sur  la  sécrétion  biliaire  ;  d'un  autre  côté,Freund 
et  Graupe,  sous  la  direction  de  Heidenhain,  ont  constaté  que  cette  sécré- 
tion n'est  pas  modifiée  par  la  piqûre  diabétique  du  quatrième  ventricule 
cbez  les  cochons  de  mer,  et  Davidson  est  arrivé  à  une  conclusion  iden- 
tique. En  dehors  de  ces  faits,  dont  l'acquisition  est  toute  récente,  nous 
ne  savons  rien  de  positif  sur  cette  question. 

Évolution  et  ré&orpaïoiî  nfiyaloflogMiiscN.  —  Avant  étudié  dans 
tous  leurs  détails  les  caractères  physiques  et  chimiques  de  la  bile,  la  source 
et  le  mécanisme  de  la  sécrétion,  enfin  les  oscillations  quantitatives  de  ce 
travail  physiologique,  je  devrais,  pour  me  conformer  à  Tordre  logique, 
suivre  maintenant  la  bile  dans  le  trajet  qu'elle  parcourt  du  foie  à  la  cavité 
duodénale,  après  quoi  je  devrais  aborder  l'étude  des  usages  de  ce  liquide 
dans  l'organisme  ;  mais  le  premier  chef  comprend  tout  simplement  l'his- 
toire de  l'excrétion  biliaire,  et  cette  portion  est  complètement  traitée  dans 
le  remarquable  article  que  mon  savant  collaborateur  Luton  a  consacré 
aux  voies  biliaires  (voy.  l'art,  suivant);  je  n'ai  pas  à  m'y  arrêter.  Quant 
au  second  cbef,  il  comprend  deux  questions  distinctes  ;  d'une  part,  le 
rôle  de  la  bile  dans  l'accomplissement  des  phénomènes  de  la  digestion,  et 


20  BILE.    —    ÉVOLUTION    LT    RÉSORPTION    PHYSIOLOGIQUES. 

de  l'absorption  intestinale  ;  d'autre  pari,  le  rôle  de  ce  liquide  dans  l'éli- 
mination des  médicaments  et  des  poisons.  La  première  de  ces  questions, 
inséparable  de  l'histoire  de  la  digestion  (voy.  ce  mot),  ne  saurait  être 
traitée  ici  :  toutefois,  afin  de  ne  pas  laisser  sans  réponse  un  problème 
qui  a  donné  lieu  à  tant  de  controverses,  je  rappellerai  que  les  travaux  de 
Vurtinghauscn,  Bidder  et  Scbmidt,  ont  définitivement  établi  et  précisé  le 
rôle  delà  bile,  dans  la  digestion  et  l'absorption  alimentaire;  étranger  aux 
transformations  chimiques  qui  constituent  la  digestion  proprement  dite, 
ce  liquide  est  l'agent  principal  de  l'absorption  des  graisses  à  la  surface  de 
l'intestin  grêle.  On  sait  aussi  que  cette  action  de  la  bile  n'est  point  indis- 
pensable «à  l'accomplissement  régulier  du  processus  nutritif,  puisque  des 
chiens,  porteurs  de  fistules  biliaires  permanentes,  peuvent  vivre  pendant 
des  années.  Cette  même  circonstance  prouve  en  outre  que  l'on  avait  fort 
exagéré  à  un  autre  point  de  vue  l'importance  de  la  bile,  en  la  regardant 
comme  un  agent  antiseptique,  dont  la  présence  serait  nécessaire  pour  pré- 
venir la  putridité  du  contenu  de  l'intestin.  Tels  sont  les  faits  fondamen- 
taux. On  trouvera  aux  articles  Absorption  et  Digestion,  les  nombreux  dé- 
tails qui  se  rattachent  à  ce  sujet.  Un  mot  maintenant  du  rôle  de  la  bile 
dans  l'élimination  des  substances  médicamenteuses  et  toxiques. 

C'est  aux  recherches  de  Mosler  que  nous  devons  les  quelques  notions 
précises  que  nous  possédons  sur  ce  sujet  ;  elles  peuvent  être  ainsi  résu- 
mées :  après  l'injection  dans  le  sang  d'une  quantité  notable  d'eau,  la  bile 
se  charge  d'une  certaine  proportion  d'albumine.  L'abaissement  de  la  den- 
sité du  sang,  et,  par  suite,  les  modifications  dans  la  diffusibilité  de  l'albu- 
mine ,  rendent  compte  de  ce  phénomène  intéressant.  Lorsque  le  sang 
renferme  une  proportion  considérable  de  sucre  de  raisin,  cette  substance 
apparaît  dans  la  bile,  mais  elle  se  montre  toujours  beaucenp  plus  tôt  dans 
l'urine  ;  le  sucre  de  canne  passe  plus  facilement  que  le  sucre  de  raisin 
dans  le  produit  delà  sécrétion  hépatique.  L'iodure  de  potassium,  les  sels 
de  cuivre,  absorbés  même  en  petite  quantité,  sont  retrouvés  dans  la  bile  ; 
en  revanche,  le  nitrate  de  potasse,  la  quinine,  le  calomel  n'y  apparaissent 
jamais.  En  ce  qui  concerne  le  calomel,  ces  résultats  négatifs  sont  d'autant 
plus  remarquables  qu'en  thérapeutique  le  calomel  est  regardé  comme  un 
puissant  excitant  de  la  sécrétion  biliaire.  On  peut  rapprocher  de  ce  fait 
l'observation  de  Scott  qui,  chez  des  chiens  porteurs  de  fistules  biliaires,  a 
vu  la  sécrétion  de  la  bile  diminuer  après  l'ingestion  du  calomel.  L'acide 
benzoïque  ne  passe  pas  non  plus  dans  la  bile,  et  Mosler  s'est  assuré  qu'il 
ne  s'y  montre  pas  sous  forme  d'acide  hippurique. 

11  résulte  enfin  des  expériences  de  Chrzonszczewsky,  que  les  diverses 
matières  colorantes  ne  sont  pas  toutes  également  éliminées  par  la  bile. 
Une  solution  de  carminate  d'ammoniaque  étant  injectée  dans  la  veine  ju- 
gulaire, on  ne  retrouve  pas  de  matière  colorante  dans  la  bile,  même 
après  la  ligature  des  deux  artères  rénales  ;  le  bleu  de  Berlin,  le  bleu  d'a- 
niline ne  passent  pas  davantage.  La  fuchsine,  l'indigo  sulfate  de  soude,  et 
l'indigo  carmin  du  commerce  sont  éliminés  à  la  fois  par  le  foie  et  par  les 
reins.  Lorsqu'on  injecte  dans  les  veines  une  solution  aqueuse  de  rouge 


B1LM    —    ÉVOLUTION    LT    RKS0RPTI03    PHYSIOLOGIQUES.  21 

d'aniline,  additionnée  d'une  petite  quantité  d'alcool,  les  animaux  meurent 
très-rapidement;  mais  si  la  solution  est  ingérée  dans  l'estomac,  ils  survi- 
vent deux  ou  trois  heures,  et  une  demi-heure  après  l'ingestion,  la  matière 
colorante  apparaît  dans  la  hile  et  dans  l'urine. 

Suivant  la  bile  dans  son  évolution  physiologique,  je  dois  examiner  la 
destination  ultérieure  de  ce  liquide  qui  est  versé  en  si  grande  abondance 
dans  l'intestin.  Passe-t-il  dans  les  matières  fécales?  Est-il  résorbé  totale- 
ment ou  en  partie?  S'il  est  résorbé,  sous  quelle  forme  l'est-il?  Quelle  est 
la  portée  de  cette  résorption  dans  le  processus  nutritif  normal?  Telles 
sont  les  diverses  questions  afférentes  à  ce  sujet. 

Mulder  avait  avancé  que  la  totalité  de  la  bile  versée  dans  l'intestin, 
passe  dans  les  matières  fécales;  Frerichs,  que  ses  recherches  ont  conduit 
plus  près  de  la  vérité,  admet,  dans  son  remarquable  travail  sur  la  diges- 
tion, que  la  plus  grande  partie  de  ce  liquide  est  excrétée  avec  les  fèces,  après 
avoir  subi  diverses  modifications  dans  son  trajet  intra-intestinal.  Même 
sous  cette  lorme  atténuée,  cette  proposition  n'est  plus  acceptable  aujour- 
d'hui ;  ce  n'est  qu'une  très-petite  portion  de  la  bile  qui  est  évacuée  avec 
les  matières  intestinales.  Quelques  chiffres  empruntés  à  Bidder  et  Schmidt 
donneront  une  juste  idée  de  cette  proportion  :  un  chien  fut  nourri  pen- 
dant cinq  jours  avec  de  la  viande;  les  matières  fécales  excrétées  durant 
cette  période  furent  réunies  et  analysées;  on  y  trouva  4  grammes  d'élé- 
ments biliaires;or,  d'après  le  chiffre  de  la  sécrétion  normale  chez  le  chien, 
il  avait  dû  en  arriver  dans  l'intestin  59gr,52  ;  d'un  autre  coté,  les  fèces, 
quoique  mêlées  à  l'urine,  ne  contenaient  que  0gr,384  de  soufre,  tandis  que 
ces  39gr,52  d'éléments  biliaires  solides  représentent  2, .17  de  cette  der- 
nière substance.  Les  expériences  plus  récentes  du  professeur  lloppe-Seyler 
(de  Tubinguc)  ont  donné  des  résultats  analogues.  11  ne  reste  donc  pas  de 
doute  sur  cette  première  proposition  :  une  certaine  quantité  de  bile  est 
excrétée  avec  les  matières  fécales,  mais  celte  partie  ne  représente  qu'une 
très-faible  proportion  (1/5-1/9)  de  la  quantité  totale  qui  est  versée  à  la  sur- 
face de  l'intestin.  De  là  cette  autre  proposition,  corollaire  légitime  de  la 
précédente  :  la  plus  grande  partie  de  la  bile  produite  disparaît  dans  l'in- 
testin, elle  repasse  dans  le  sang. 

Une  objection  doit  ici  être  prévenue  :  on  pourrait  dire  que  la  dispari- 
tion de  la  bile  dans  l'intestin  n'implique  point  nécessairement  sa  résorp- 
tion dans  le  sang,  et  que  si  l'on  ne  retrouve  pas  dans  les  matières  fécales 
une  proportion  suffisante  d'éléments  biliaires,  c'est  que  ceux-ci  ont  été 
tellement  transformés  dans  leur  migration  intestinale  qu'ils  ne  sont  plus 
reconnaissables  à  l'analyse.  Cette  objection,  qui  repose  d'ailleurs  sur  une 
pure  hypothèse,  trouve  sa  réfutation  dans  les  expériences  de  lloppe- 
Seyler.  Ce  savant  a  constaté  que  les  excréments  de  la  vache  contiennent 
de  l'acide  glycocholiquc  non  altéré  ;  il  devient  donc  très-difficile  d'ad- 
mettre qu'une  partie  de  cet  acide  arrive  intacte  dans  les  matières  fé- 
cales, tandis  que  le  reste  est  tellement  transformé  que  les  produits  de 
métamorphose  ne  sont  plus  reconnaissables.  Je  le  répète,  la  résorption 
physiologique  de  la  bile  dans  l'intestin  est  un  fait  contre  lequel  ne  s'élève 


22  BILE.   ÉVOLUTION   ET   résorption,  physiologiques. 

aucune  objection  sérieuse;  en  nous  occupant  dans  un  instant  de  l'in- 
fluence de  cette  résorption  sur  le  processus  nutritif  normal,  nous  en 
trouverons  une  démonstration  indirecte  mais  positive.  Quant  à  la  pro- 
portion de  bile,  qui  repasse  ainsi  dans  le  sang,  elle  peut  être  évaluée  au 
bas  mot  aux  quatre  cinquièmes  de  la  production  totale. 

Avant  d'examiner  sous  quelle  forme  la  bile  est  résorbée,  indiquons  ra- 
pidement, pour  n'avoir  pas  à  y  revenir,  quels  sont  les  éléments  biliaires 
qu'on  retrouve  dans  les  matières  fécales  :  ce  sont  principalement  l'acide 
glycocholique  et  l'acide  cholalique,  lesquels  résultent  évidemment  de  la 
dissociation  des  sels  copules  biliaires.  Hoppe-Seyler  a  parfaitement  établi 
que  la  décomposition  porte  surtout  sur  l'acide  taurocholique,  tandis  que 
l'acide  glycocholique,  beaucoup  plus  tenace,  passe  souvent  intact  dans 
les  selles.  Celles-ci  contiennent  en  outre  (chez  le  chien)  des  pigments  bi- 
liaires et  de  la  cholestérine.  Frerichs  avait  signalé  également  la  présence 
de  l'acide  choloïdique  et  de  la  dyslysine;  ces  substances  n'ont  pas  été 
retrouvées  par  Hoppe-Seyler. 

D'après  Flint,  ce  n'est  pas  à  l'état  de  cholestérine  que  cette  substance 
arriverait  dans  les  matières  fécales;  elle  serait  transformée  en  un  corps 
qui  présente  tous  les  caractères  de  la  séroline,  et  auquel  le  physiologiste 
américain  a  donné  le  nom  de  stercorine.  Lorsque  le  processus  digestif  n'a 
pas  lieu,  alors  c'est  de  la  cholestérine  qui  apparaît  dans  les  fèces,  et  non 
plus  de  la  stercorine.  Aussi  trouve-t-on  toujours  de  la  cholestérine  dans 
le  méconium  et  dans  les  excréments  des  animaux  hibernants.  Selon  le 
même  observateur,  les  fèces  décolorées  des  malades  atteints  d'ictère  simple 
ne  renferment  pas  non  plus  de  stercorine. 

Le  mode  de  la  résorption  physiologique  de  la  bile  présente  encore  bien 
des  obscurités;  il  est  un  point  toutefois  qui  est  parfaitement  élucidé,  et 
c'est,  à  vrai  dire,  le  point  fondamental,  celui  qui  présente  le  plus  d'impor- 
tance pour  l'étude  pathologique  de  l'ictère.  Les  acides  biliaires  caracté- 
ristiques ne  passent  pas  en  nature  dans  le  sang;  ils  sont  décomposés 
complètement,  et  cette  décomposition  a  déjà  lieu  vraisemblablement  dès 
le  début  de  l'absorption,  car  on  ne  retrouve  aucune  trace  de  ces  acides  ni 
dans  les  veines  intestinales,  ni  dans  la  veine  porte,  ni  dans  les  vaisseaux 
chylifères.  On  n'en  constate  pas  davantage  la  présence  dans  le  sang  de  la 
circulation  générale  ;  en  revanche,  on  rencontre  dans  certains  tissus 
des  éléments  qui  peuvent  être  considérés  comme  les  résidus  de  cette  dé- 
composition :  la  taurine,  par  exemple,  dans  les  poumons  et  dans  les 
reins  (Clôtta).  L'apparition  de  l'acide  hippurique  dans  l'urine,  après 
absorption  de  l'acide  benzoïque,  révèle  encore  ce  travail  de  décomposi- 
tion; car  c'est  en  ce  combinant  avec  la  glycine  résultant  de  la  dissocia- 
tion de  l'acide  glycocholique  que  l'acide  benzoïque  se  transforme  en  acide 
hippurique  (Wôliler,  Frerichs,  Kùhne,  Hallwachs).  Quant  cà  l'acide  cho- 
iique  provenant  de  la  dissociation  des  acides  copules  glyco  et  taurocho- 
liques,  il  est  probable  qu'il  reste  uni  à  la  soude  et  se  transforme  ulté- 
rieurement en  carbonate  de  cette  base  (Kùhne).  Au  résumé,  les  sels 
caractéristiques  de  la  bile  au  moment  de  leur  arrivée  dans  le  sang  sont 


BILE.  —  de  l'action  tathogénique  dp;  la  bile.  23 

immédiatement  décomposés;  on  n'en  retrouve  aucune  trace  dans  le  li- 
quide en  circulation.  Cette  décomposition  rapide,  qui  fait  disparaître  les 
acides  biliaires  à  mesure  qu'ils  arrivent  dans  le  sang,  est  d'ailleurs  un 
lait  constant.  Dans  l'ictère  par  oblitération  des  voies  cbolédoques,  la  ré- 
sorption des  éléments  de  la  bile  est  bien  autrement  active  qu'à  l'état  nor- 
mal, et  cependant  la  quantité  d'acides  biliaires,  déceléc  par  l'analyse  du 
sang,  est  si  peu  considérable  relativement  à  l'absorption  totale,  qu'il  faut 
admettre  encore  ici  la  décomposition  presque  immédiate  de  ces  acides 
soit  dans  le  sang,  soit  dans  l'intimité  des  tissus.  Ce  fait  si  intéressant  pour 
l'histoire  de  l'ictère  a  été  vu  par  plusieurs  expérimentateurs,  et  il  a  été 
positivement  établi  parles  recherches  nouvelles  de  Huppeit  (1864)  sur  ce 
point  spécial. 

Dans  la  résorption  physiologique  de  la  bile,  une  certaine  quantité  de 
matière  colorante  repasse  dans  le  sang,  mais  il  est  évident  qu'elle  est  aussi 
immédiatement  transformée,  car  s'il  en  était  autrement,  nous  serions  tous 
ictériques.  Enfin  les  éléments  minéraux,  principalement  l'eau,  le  chlo- 
rure de  sodium,  le  phosphate  de  chaux,  le  fer,  le  soufre,  la  soude,  le 
phosphate  et  le  lactate  de  soude,  sont  résorbés  en  nature  (Bidder  et 
Schmidl);  il  en  est  de  même  du  mucus  redissous  dans  l'intestin,  et  des 
graisses  biliaires  (Ludwig). 

Les  matériaux  de  la  bile  résorbés  dans  l'intestin,  constituent  pour  l'or- 
ganisme un  appoint  nécessaire  à  l'intégrité  du  processus  nutritif.  Lors- 
qu'au moyen  d'une  fistule  biliaire  on  supprime  cet  apport,  l'entretien  de 
l'animal  (chien,  lapin)  ne  reste  en  équilibre  que  si  Ton  a  soin  de  com- 
penser par  un  excès  d'aliments  la  spoliation  qu'on  lui  fait  subir  ;  dans  ce 
cas,  la  survie  peut  durer  des  mois  et  des  années  sans  perte  notable  de 
poids.  Si,  au  contraire,  l'alimentation  est  la  même  avant  et  après  l'opé- 
ration, l'animal  ne  tarde  pas  à  présenter  peu  à  peu  tous  les  signes  d'une 
réparation  insuffisante,  et  cette  inanition  relative  est  la  cause  de  la  mort. 
Ces  expériences  si  ingénieuses  ont  été  faites  d'abord  par  Bidder,  Schmidt 
et  Schellbach,  et  répétées  avec  des  résultats  identiques  par  Arnold,  Kol- 
liker  et  II.  Mùller. 

Me  l'action  putliogëiiiqtse  «le  la  bile.  —  Durant  des  siècles, 
cette  question  fut  tenue  pour  l'une  des  plus  importantes  et  des  plus  consi- 
dérables qu'on  puisse  se  proposer;  c'était  alors  les  beaux  jours  de  l'hu- 
morisme;  la  bile  et  l'atrabilc  régnaient  en  physiologie,  et  les  altérations 
de  ces  humeurs  étaient  la  cause  directe,  antécédente,  selon  le  langage  de 
Galicn,  d'une  foule  de  maladies;  à  la  putridité  de  la  bile  était  due  îa 
fièvre  tierce,  la  putrescence  de  l'atrabile  engendrait  la  fièvre  quarte,  c'est 
encore  la  bile  qui  était  coupable  de  l'érysipèle,  sans  parler  île  la  caco- 
chymie  mélancolique  qui  venait  heureusement  brocher  sur  le  tout.  Sin- 
gulières assertions!  L'hypothèse  en  était  la  base,  une  adroite  pétition 
de  principe  servait  de  démonstration;  voici  l'artifice  :  théoriquement 
et  a  priori,  on  attribue  certains  effets  à  la  bile  ou  à  l'atrabilc,  puis, 
lorsqu'on  observe  ces  effets  chez  un  malade,  on  en  conclut  l'influence  de 
1  humeur  mélancolique,  de  sorte  que  l'humeur  sert  de  preuve  aux  condi- 


24  BILE.  —  de  l'action  pathogénique  de  la  eïle. 

lions  mélancoliques  du  corps,  et  que  ces  conditions  servent  de  preuve  à 
l'existence  de  l'humeur.  Laissons  de  côté  ces  rêveries  d'un  autre  âge.  Qui 
croirait,  à  en  ouïr  le  récit,  qu'elles  ont  pu  trouver  un  instant  de  crédit? 
Et  cependant  elles  ont  pesé  sur  la  médecine  du  poids  écrasant  d'une  do- 
mination vingt  fois  séculaire.  Etrange  égarement  de  l'esprit  de  système^ 
tristes  résultats  d'une  aveugle  crédulité! 

En  fait,  cette  question  de  l'influence  patliogénique  de  la  bile  est  des 
plus  simples  à  résoudre,  et  pour  quiconque  sait  rapporter  les  phénomènes 
à  leur  véritable  cause,  elle  a  perdu  toute  son  importance.  Rien  de  plus 
facile  à  établir.  Les  modifications  quantitatives  et  les  altérations  qualita- 
tives de  la  bile,  ont  été  tour  à  tour  invoquées  comme  les  causes  efficaces 
de  désordres  plus  ou  moins  graves.  Mais,  à  regarder  la  chose  de  près, 
cela  n'est  pas  admissible;  il  en  est  de  ces  altérations  de  la  bile  comme 
des  altérations  humorales  en  général,  elles  ne  sont  jamais  spontanées. 
Elles  sont  le  résultat  d'une  perturbation  antérieure  dans  les  organes  de  la 
sécrétion,  parmi  lesquels  il  faut  compter  non-seulement  le  foie,  mais 
aussi  le  sang  qui  apporte  à  la  glande  les  matériaux  à  élaborer.  Lors  donc 
que  ces  altérations  de  la  bile  sont  accompagnées  de  phénomènes  mor- 
bides, il  ne  peut  y  avoir  là  qu'une  coïncidence,  et  non  point  une  relation 
de  causalité  ;  l'altération  de  la  bile  et  les  phénomènes  morbides  sont  tous 
deux  les  effets  contemporains  d'une  cause,  qui,  directement  ou  indirec- 
tement, a  troublé  le  processus  cholépoïétique.  Ainsi,  dans  la  polychoiie, 
ce  qui  constitue  l'état  morbide,  ce  qui  est  important  à  considérer,  ce 
n'est  point  l'augmentation  de  la  quantité  de  bile  produite,  c'est  l'état  du 
foie  (irritation  sécrétoire,  hypercrinie)  ou  l'état  des  fonctions  digestives, 
d'où  résulte  cette  augmentation    de    sécrétion.  Celle-ci,  au  contraire, 
tombe-t-elle  au-dessous  du  niveau  normal,  sans  cependant  cesser  com- 
plètement, cette  condition  n'est  rien  par  elle-même,  elle  n'a  d'importance 
que  comme  signe  de  désordres  plus  ou  moins  profonds  dans  l'organe 
sécréteur.   Même  remarque   pour  l'acholie  complète  ;  que  se  passe-t-il 
alors?  Pour  une  raison  quelconque  le  foie  ne  fabrique  plus  de  bile;  ce 
n'est  donc  pas  la  bile  qui  est  la  cause  des  phénomènes  si  graves  observés 
alors,  et  comment  en  serait-elle  la  cause,  puisqu'elle  n'existe  pas;  ces 
phénomènes  résultent  de  la  rétention  et  de  raccumulation  dans  le  sang 
des  matériaux  qui  auraient  dû  servir  à  la  sécrétion  biliaire  ;  l'arrêt  de  la 
fonction  du  foie  et  l'altération  du  sang  peuvent  être  ici  légitimement  mis 
en  cause,  mais  quant  à  une  influence  patliogénique  de  la  bile,  il  n'en 
saurait  être  question.  Le  même   raisonnement  est   applicable,  avec  la 
même  justesse,  à  l'interprétation  des  altérations  qualitatives,  peu  con- 
nues, d'ailleurs,  que  la  bile  présente  dans  un  certain  nombre  de  mala- 
dies graves,  telles  que  le  typhus,  la  fièvre  jaune,  le  choléra,  etc.  Au  ré- 
sumé, la  bile  n'a  d'influence  pathologique  réelle  que  dans  les  circonstances 
suivantes  :  lorsqu'au  lieu  d'être  résorbée  dans  ses  éléments  dissociés  à  la 
surface  de  l'intestin,  comme  à  l'état  normal,  elle  est  résorbée  en  nature 
dans  le  foie  ou  dans  l'appareil  excréteur,  elle  produit  directement  une 
coloration  spéciale  des  téguments  (ictère)  et  un  ralentissement  plus  ou 


BILE.    DE    L'ACTION    PATHOGÉiNIQUE    DE    LA    BILE.  25 

moins  marqué  du  pouls,  lequel  est  dû  à  l'action  exercée  sur  le  cœur  par- 
les sels  biliaires,  qui  arrivent  dans  le  sang  en  trop  grande  quantité  à  la 
l'ois  pour  pouvoir  être  immédiatement  et  totalement  décomposés. 

Lorsque  la  bile  produite  par  le  foie  ne  peut  plus  arriver  dans  l'intestin, 
et  que  cette  condition  persiste  pendant  un  certain  temps,  il  en  résulte, 
comme  nous  l'avons  vu,  un  déficit  notable  dans  l'apport  nutritif;  si  cette 
perte  n'est  pas  compensée,  l'amaigrissement,  et  tous  les  signes  d'une  ina- 
nition relative,  peuvent  apparaître.  Mais  nous  avons  vu  aussi  qu'il  suffit 
d'élever  l'alimentation  dans  une  proportion  convenable  pour  éviter  ces 
conséquences  fâcheuses,  la  digestion  étant  supposée  normale.  Enfin, 
lorsque  pour  une  raison  quelconque,  la  proportion  d'eau  diminue  dans  la 
bile,  ou,  d'une  manière  plus  générale,  lorsque  la  bile  est  épaisse  et  vis- 
queuse, la  formation  des  calculs  biliaires  est  certainement  favorisée; 
mais  cette  circonstance  ne  suffit  point  à  elle  seule  pour  en  déterminer  la 
production  (voy.  dans  l'article  suivant  le  chapitre  consacré  aux  calculs 
biliaires). 

En  dehors  de  ces  diverses  catégories  de  faits,  il  n'y  a  rien  de  positif, 
rien  de  démontré  quant  à  l'action  pathogénique  de  la  bile.  Nous  voilà 
bien  loin  de  l'omnipotence  (pie  les  anciens  se  plaisaient  à  assigner  à  cette 
humeur. 

La  rénovation  n'est  pas  moins  complète  en  ce  qui  touche  l'action  toxique 
■  de  ce  liquide.  Les  principes  colorants  de  la  bile  peuvent  être  d'emblée 
éliminés;  leur  innocuité  complète,  journellement  démontrée  par  l'ictère 
simple,  l'a  été  dès  longtemps  par  l'expérimentation  ;  il  nie  suffira  de  rap- 
peler à  ce  sujet  les  remarquables  expériences  de  notre  savant  professeur 
Monneret.  Restent  les  sels  caractéristiques,  giycocholate  et  taurocholate 
de  soude.  Deux  ordres  de  phénomènes  suivent  l'injection  artificielle  de 
ces  sels,  unis  ou  isolés,  dans  le  sang.  Le  plus  constant,  c'est  le  ralentisse- 
ment des  battements  du  cœur  (chez  le  lapin,  une  injection  suffisamment 
concentrée  peut  amener  la  mort  par  arrêt  complet  et  définitif  de  l'organe). 
Les  expériences  de  Landois  sur  les  grenouilles,  les  recherches  plus  com- 
plètes de  Rôhrig,  sur  des  lapins  et  des  chiens,  ont  parfaitement  établi  ce 
fait.  Ce  dernier  observateur  essayant  successivement  la  glycine,  la  taurine 
et  l'acide  cholique,  a  constaté  que  cette  dernière  substance  est  seule  effi- 
cace sous  ce  rapport,  et  que  l'influence  moins  marquée  du  glyco  et  du 
taurocholate  de  soude  est  entièrement  due  à  l'acide  cholique  qu'ils 
contiennent.  Rôhrig  a  démontré,  en  outre,  que  cette  action  des  sels  bi- 
liaires sur  le  cœur  persiste  après  la  section  des  nerfs  pneumogastriques, 
fait  intéressant  qui  ne  permet  pas  de  rapprocher  l'action  de  ces  sels  de 
celle  de  la  digitale,  car  cette  dernière  n'agit  plus  sur  le  cœur  après  la 
section  des  nerfs  vagues. 

L'autre  effet  des  sels  biliaires  porte  sur  les  éléments  du  sang  ;  nous  en 
devons  la  connaissance  aux  expériences  de  von  Dusch,  lesquelles  ont 
démontré  l'influence  dissolvante  du  giycocholate,  du  taurocholate  de  soude 
et  de  l'acide  cholique  seul  sur  les  globules  rouges.  Après  l'injection 
de  ces  substances  dans  le  sang,  on  voit  survenir  des  urines  sanguino- 


26  BILE.    DIAGNOSTIC    DE    LA    MATIÈRE    COLORANTE. 

lentes,  parfois  des  infiltrations  hémorrhagiques,  phénomènes  dus  à  la 
dissolution  de  i'hératine.  Les  recherches  ultérieures  de  Frerichs,  Kùhne 
Neukomm,  tout  en  confirmant  ces  résultats,  ont  montré  en  outre  qu'ils 
peuvent  manquer,  de  sorte  que,  selon  la  juste  remarque  de  Huppert, 
l'hématurie,  comme  l'apparition  du  pigment  biliaire  dans  l'urine,  après 
l'injection  artificielle  des  sels  de  la  bile,  pourrait  bien  tenir  à  des  circon- 
stances accessoires  plutôt  qu'à  cette  injection  même;  ainsi  la  concen- 
tration du  liquide  injecté  a  une  importance  capitale  qui  prime  même  celle 
de  la  dose.  Huppert  injecte  chez  des  lapins  quelques  centimètres  cubes  de 
glycérine  de  consistance  sirupeuse;  la  dissolution  des  globules  rouges  a 
lieu,  l'urine  devient  sanglante;  il  injecte  la  même  quantité  de  glycérine 
diluée  avec  de  l'eau,  l'hématurie  n'a  plus  lieu. 

A  cela  se  borne  l'action  toxique  des  sels  biliaires  ;  de  ces  deux  ordres 
d'effets,  le  premier  est  seul  constant,  c'est  le  ralentissement  parétique  du 
cœur;  l'influence  dissolvante  de  ces  substances  sur  les  globules  rouges  est 
réelle,  mais  elle  a  été  certainement  exagérée.  Enfin  ces  sels  ne  produisent 
ni  accidents  cérébraux  ou  nerveux,  ni  phénomènes  adynamiques.  Ainsi  est 
jugée  par  l'expérimentation  la  théorie  qui  attribue  les  accidents  formida- 
bles de  l'ictère  hémorrhagique  et  de  l'atrophie  aiguë  du  foie  à  la  présence 
dans  le  sang  d'une  quantité  anormale  de  sels  biliaires;  sans  compter 
que  l'existence  de  ces  sels  dans  le  sang,  en  pareille  circonstance,  n'est 
rien  moins  que  constante. 

RÉACTIFS   DE   LA  BILE. 

Diagnostic  de  la  matière  colorante.  —  Le  diagnostic  de  l'exis- 
tence de  la  bile  dans  les  liquides  de  l'organisme  (urine,  sérum  du 
sang,  etc.)  présente  deux  parties  bien  distinctes;  selon  qu'il  s'agit  sim- 
plement de  la  matière  colorante  ou  bien  au  contraire  des  sels  biliaires. 
Autant  la  première  constatation  est  facile  et  rapide,  autant  la  seconde 
est  compliquée  et  délicate  ;  il  importe  cependant  que  le  clinicien  soit  fa- 
miliarisé avec  cette  opération,  je  l'exposerai  donc  avec  assez  de  détails 
pour  que  la  pratique  n'offre  aucune  difficulté. 

Deux  mots  d'abord  de  la  matière  colorante  (cholépyrrhine,  biliphéine). 
L'acide  nitrique  contenant  une  petite  proportion  d'acide  nitreux(par  suite 
de  l'action  de  la  lumière)  en  est  le  réactif  le  plus  ordinaire.  On  verse  le 
liquide  à  essayer,  l'urine  par  exemple,  dans  un  verre  à  pied,  puis  quand 
le  repos  est  complet,  on  ajoute  goutte  par  goutte  un  peu  d'acide  ;  il  faut 
faire  en  sorte  que  les  gouttes  coulent  le  long  de  la  paroi  du  verre,  il  faut 
en  outre  éviter  toute  secousse,  toute  agitation.  Si  le  liquide  examiné 
contient  de  la  cholépyrrhine,  il  se  forme  dans  le  fond  du  verre  et  prin- 
cipalement au  niveau  du  contact  des  deux  liqueurs  une  zone  verte,  qui 
passe  successivement  par  le  bleu,  le  violet  et  le  rouge,  pour  aboutir  au 
jaune.  Malgré  sa  sensibilité,  cette  réaction  peut  cependant  induire  en 
erreur;  si  la  quantité  de  cholépyrrhine,  contenue  dans  le  liquide  suspect, 
est  extrêmement  faible,  elle  peut  n'être  pas  décelée  par  le  procédé  précé- 


BILE.    DIAGNOSTIC    DE    LA    MATIÈRE    COLORANTE.  27 

dent;  tant  qu'on  n'a  employé  que  celui-là,  on  n'est  donc  pas  en  droit 
d'affirmer  l'absence  du  pigment  biliaire,  il  faut  recourir  alors  à  l'un  des 
procédés  suivants  : 

Procédé  de  Neubaaer.  —  Au  lieu  d'acide  nitrique,  on  emploie  un  mé- 
lange à  parties  égales  d'acide  nitrique  et  d'acide  sulfurique. 

Procédé  de  Bruche.  —  On  n'ajoute  au  liquide  que  quelques  gouttes 
d'acide  azotique,  de  manière  à  lui  donner  une  coloration  verte  ;  puis  on 
fait  tomber  le  long  de  la  paroi  du  vase  vingt  à  trente  gouttes  d'acide 
sulfurique  concentré  ;  celui-ci  tombe  tout  à  fait  au  fond,  sans  se  mêler 
au  liquide,  et  la  réaction  se  produit. 

Procédé  de  Kiïline.  —  On  verse  dans  un  verre  à  expérience  de  l'acide 
nitrique  contenant  de  l'acide  nitreux,  de  manière  que  cet  acide  forme 
au  fond  du  verre  une  couche  haute  de  quelques  centimètres  ;  puis 
avec  une  pipette  on  fait  arriver  à  la  surface  de  l'acide  une  certaine  quan- 
tité du  liquide  à  examiner  ;  s'il  contient  de  la  cholépyrrhine  le  jeu  des 
couleurs  se  manifeste  d'abord,  au  contact  des  deux  liqueurs,  par  un 
anneau  d'un  beau  vert  ;  cette  coloration  gagne  peu  à  peu  de  bas  en  haut, 
en  même  temps  la  zone  inférieure  de  l'anneau  tourne  au  bleu,  au  violet 
et  enfin  au  jaune. 

Procédé  de  Relier.  —  Ce  procédé,  qui  m'a  été  montré  à  Tienne  par  le 
savant  professeur  Heller,  donne  des  résultats  très-nets.  On  ajoute  au 
liquide  une  petite  quantité  d'albumine  liquide,  et  l'on  agite  avec  soin 
pour  obtenir  un  mélange  intime;  cela  fait,  on  verse  une  petite  quantité 
de  cette  liqueur,  rendue albumineuse,  sur  une  assiette  de  porcelaine,  et  l'on 
ajoute  quelques  gouttes  d'acide  nitrique  ;  l'albumine  se  coagule  en 
entraînant  une  partie  de  la  cholépyrrhine  et  les  flocons  solidifiés  tran- 
chent nettement  par  leur  coloration  verte  sur  le  fond  blanc  de  l'assiette. 
Il  va  sans  dire  que  si  le  liquide  est  par  lui-même  albuniincux  (urine 
pathologique,  sérum  du  sang),  la  première  partie  de  l'opération  devient 
inutile. 

Procédé  par  le  chloroforme.  — Le  chloroforme  dissout  la  cholépyrrhine 
en  prenant  une  coloration  d'un  beau  jaune;  ce  fait  bien  connu  depuis  les 
travaux  de  Ihùckc,  Valcntiner  et  Funke  sur  le  pigment  biliaire,  a  servi 
de  point  de  départ  au  procédé  suivant,  qui  est  le  plus  sensible  de  tous. 
On  épuise  le  liquide  à  examiner  avec  du  chloroforme  en  quantité  suffi- 
sante, pour  que  la  dernière  portion  ajoutée  reste  incolore  ;  c'est  l'indice  que 
toute  la  cholépyrrbine  contenue  dans  le  liquide  a  passé  dans  le  chloro- 
forme ;  alors  la  liqueur  présente  deux  zones  ;  l'inférieure  est  formée  par 
le  chloroforme,  coloré  en  jaune  par  le  pigment  biliaire  ;  la  supérieure 
c'est  le  liquide  primitif  privé  de  cholépyrrhine;  on  décante  cette  partie 
supérieure  de  manière  à  ne  conserver  que  le  chloroforme,  et  on  le 
recouvre  d'une  légère  couche  d'acide  nitrique,  contenant  un  peu  d'acide 
nitreux;  le  jeu  des  couleurs  se  produit  alors  de  haut  en  bas,  de  la 
manière  la  plus  brillante,  même  avec  de  très-petites  quantités  de 
cholépyrrhine.  Avant  d'ajouter  l'acide  on  peut  mettre  de  côté  une  partie 
de  la  solution  chloroformique,  la  laisser  évaporer  à  l'air,  et  examiner  le 


28  BILE. DIAGNOSTIC    DES    SELS    BILIAIRES.     ANALYSE    QUALITATIVE. 

résidu  au  microscope  ;  on  y  trouvera  quelques  cristaux  d'un  rouge  jaunâtre; 
c'est  la  cholépyrrhine  (Valentiner) . 

Je  rappelle,  à  ce  propos,  que  le  chloroforme  ne  dissout  que  la  cholépyr- 
rhine; si  le  liquide  contient  aussi  de  la  biliverdine,  ce  qui  est  l'ordinaire, 
elle  reste  dans  la  liqueur;  c'est  pour  cela  que  l'urine  ictérique  convena- 
blement privée  de  cholépyrrhine  par  le  chloroforme,  donne  encore,  avec 
l'acide  nitrique,  la  coloration  verte  caractéristique  :  je  ne  sais  si  ce  fait  a 
déjà  été  signalé,  mais  je  l'ai  constaté  plusieurs  fois. 

Lorsqu'on  veut  appliquer  à  l'urine  ictérique  le  procédé  par  le  chloro- 
forme, il  importe  de  faire  couler  lentement  le  chloroforme  le  long  de  la 
paroi  du  verre  qui  contient  l'urine;  on  voit  alors  le  chloroforme  traverser 
de  haut  en  bas  l'épaisseur  de  l'urine,  et  lorsqu'il  arrive  au  fond  du  vase, 
il  est  coloré  en  jaune;  la  cholépyrrhine  est  totalement  épuisée  lorsque  la 
dernière  portion  versée  reste  incolore.  Il  faut  avoir  soin  également  de  ne 
pas  agiter  le  mélange  d'urine  et  de  chloroforme,  sinon  il  se  produit  une 
sorte  d'émulsion  jaunâtre  due  à  la  précipitation  des  matières  albumi- 
noides  ;  la  séparation  des  deux  liquides  est  alors  beaucoup  plus  lente,  et 
les  résultats  offrent  beaucoup  moins  de  netteté.  De  là  le  conseil  pratique 
précédent;  il  résulte  d'observations  que  j'ai  maintes  fois  répétées. 

Toutes  les  fois  que  l'on  procède  à  la  recherche  du  pigment  biliaire  au 
moyen  de  l'acide  nitrique,  il  faut  se  mettre  en  garde  contre  une  cause 
d'erreur  qui  a  été  récemment  signalée  par  Huppert.  Lorsqu'on  verse  de 
l'aîcool  pur  avec  précaution  sur  de  l'acide  nitrique,  il  se  produit  un  jeu 
de  couleurs  analogue  à  celui  qui  résulte  de  la  présence  des  matières  colo- 
rantes de  la  bile.  Il  faut  donc,  sous  peine  d'erreur,  que  le  liquide  examiné 
ne  contienne  pas  d'alcool,  et  conséquemment,  toutes  les  expériences  faites 
avec  les  extraits  alcooliques  des  substances  sont  sans  valeur  aucune. 

Dans  l'exposé  précédent  j'ai  indiqué  la  transformation  successive  des 
couleurs  comme  la  réaction  ordinaire  de  la  cholépyrrhine;  il  importe 
d'ajouter  que  l'on  n'obtient  pas  toujours  la  série  complète  ;  une  ou  plu- 
sieurs de  ces  colorations  peuvent  manquer  sans  que  les  conclusions  de 
l'expérience  soient  par  là  modifiées  ;  le  violet  et  le  vert  sont  les  couleurs 
qui  persistent  le  plus  longtemps,  et  cette  coloration  verte  qui  apparaît 
la  première  est,  à  vrai  dire,  la  seule  qui  caractérise  exclusivement  la 
cholépyrrhine,  car,  selon  la  remarque  de  Neubauer,  les  teintes  rouges 
et  violettes  peuvent  être  aussi  produites  par  l'uroxanthine  (indican),  et 
les  produits  de  sa  métamorphose.  Notons  enfin  que  si  l'acide  nitrique 
contient  trop  d'acide  nitreux,  la  réaction  est  tumultueuse  et  les  couleurs 
sont  rapidement  détruites. 

Voyons  maintenant  comment  l'on  décèle  la  présence  des  sels  bi- 
liaires. 

Diagsiosfic  dew  sels  ijIUatres».  —  Analyse  <inaïâiati%re.  — 
L'opération  diffère  selon  qu'il  s'agit  de  constater  simplement  la  présence 
des  sels  biliaires  dans  un  liquide,  ou  de  les  isoler,  pour  en  apprécier  la 
quantité.  La  première  est  celle  qui  offre  le  plus  d'intérêt  au  point  de  vue 
clinique,  c'est  celle-là  que  j'exposerai  d'abord;  cette  analyse,  purement 


CILE.    ANALYSE    QUANTITATIVE.  29 

qualitative,  se  fait  par  la  méthode  de  Pettenkofer,  à  laquelle  se  rattachent 
plusieurs  procédés  ;  celui  de  Neukomm  est  le  plus  usité. 

Méthode  de  Pettenkofer. —  Procédé  de  Neukomm. —  On  évapore  au  bain- 
marie  une  certaine  quantité  du  liquide  à  examiner,  soit  de  1  urine;  cette 
évaporation  est  prolongée  presque  jusqu'à  siccité,  le  résidu  est  repris  par 
de  l'alcool  ordinaire  ;  cette  première  dissolution  alcoolique  est  de  nouveau 
évaporée,  et  le  résidu  extrait  par  l'alcool  absolu.  Nouvelle  évaporation 
pour  chasser  l'alcool  :  le  résidu  est  repris  par  de  l'eau  en  petite  quantité, 
et  la  solution  traitée  par  l'acétate  de  plomb,  qui  détermine  un  précipité 
plus  ou  moins  abondant;  après  douze  heures,  ce  précipité  est  réuni,  lavé 
et  séché  dans  du  papier  à  filtre.  C'est  ce  précipité  plombique  qui  contient 
les  sels  biliaires.  On  le  dissout  dans  l'alcool  bouillant,  on  ajoute  à  la  solu- 
tion du  carbonate  de  soude,  et  l'on  évapore  à  siccité;  le  résidu  qui  ren- 
ferme les  sels  biliaires  unis  à  la  soude  est  repris  par  l'alcool  absolu;  après 
l'évaporation  de  celui-ci,  on  fait  une  solution  aqueuse  du  résidu.  Cette 
solution  doit  être  aussi  concentrée  que  possible.  Cela  fait,  on  évapore  la 
liqueur  dans  une  capsule  de  porcelaine,  jusqu'à  ce  qu'il  n'en  reste  plus 
que  quelques  gouttes  ;  on  ajoute  à  ce  reste  quelques  gouttes  d'acide  sul- 
furique  bien  pur,  mais  dilué  (quatre  parties  d'eau  pour  une  partie  d'acide 
sulfurique  monohydraté),  et  une  trace  d'une  solution  sucrée,  faite  avec 
une  partie  de  sucre  de  canne,  pour  quatre  parties  d'eau.  On  porte  le  mé- 
lange au-dessus  d'une  petite  lampe,  et  l'on  évapore  à  une  douce  chaleur. 
La  réaction  apparaît  nettement,  alors  même  que  le  mélange  ne  contient 
que  six  centièmes  de  milligramme  d'acide  cholique.  Voici  en  quoi  con- 
siste cette  réaction  :  s'il  y  a  des  sels  biliaires  ou  de  l'acide  cholique,  ou 
l'un  de  ses  premiers  produits  métamorphiques,  la  liqueur  se  trouble 
d'abord,  puis  elle  s'éclaircit  et  devient  jaune,  et  passant  successivement 
par  le  rouge  cerise  et  le  rouge  carmin,  se  fixe  à  une  belle  teinte  de  pourpre 
violet;  c'est  cette  dernière  teinte  qui  seule  est  caractéristique;  on  ne  peut 
pas  conclure  si  la  liqueur  reste  au  rouge. 

Comme  on  le  voit,  l'opération,  bien  que  délicate,  ne  présente  aucune 
difficulté  réelle. 

Analyse  quantitative.  —  Les  méthodes  d'analyse  quantitative  sont 
au  nombre  de  trois  principales  :  la  première  n'est  autre  que  la  méthode 
de  Neukomm,  exposée  ci-dessus;  une  fois  obtenue  la  solution  de  cholate 
de  soude,  on  en  évalue  le  poids,  et  l'on  déduit  la  quantité  d'acide  cholique 
contenue  dans  la  liqueur.  Cette  méthode  est  assez  exacte,  si  l'on  a  soin, 
selon  le  conseil  de  Huppert,  de  n'ajouter  que  la  quantité  d'acétate  de 
plomb  strictement  nécessaire  pour  la  précipitation  des  sels  biliaires;  avec 
cette  précaution  (inutile  pour  l'analyse  qualitative),  la  perte  totale  ne 
dépasse  guère  cinq  pour  100;  elle  augmente  comme  l'excès  d'acétate 
plombique.  Les  deux  autres  méthodes  sont  ducs  à  Hoppe  et  à  Huppert. 

Méthode  de  Hoppe.  —  Il  faut  avoir  à  sa  disposition  une  grande  quan- 
tité de  liquide;  l'auteur  agissait  sur  trente  litres  d'urine  ictérique.  L'urine 
est  précipitée  avec  du  lait  de  chaux,  puis  filtrée;  le  liquide  filtré  est  éva- 
poré, et  le  résidu  repris  par  l'acide  chlorhydriquc;  on  porte  à  l'ébullition, 


50  BILE.    ANALYSE    QUANTITATIVE. 

on  laisse  digérer  au  bain  -marie  en  ajoutant  de  l'eau,  puis  on  laisse  re- 
froidir, on  filtre  et  on  lave  le  résidu  aussi  longtemps  que  le  liquide  filtré 
reste  coloré.  On  fait  bouillir  avec  de  l'alcool,  on  filtre  et  l'on  décolore 
par  le  charbon  animal;  cet  extrait  alcoolique  ainsi  décoloré,  donne  par 
évaporation  un  dépôt  résineux  de  couleur  jaunâtre.  Celui-ci  est  repris  par 
une  très-petite  quantité  d'alcool  absolu,  et  précipité  par  l'éther;  celui-ci 
étant  décanté,  on  dissout  le  précipité  dans  une  solution  de  carbonate  de 
soude,  et  l'on  évapore  a  siccité  ;  le  résidu  est  extrait  par  l'alcool  absolu, 
et  l'on  filtre.  Traitée  par  l'acétate  de  baryte,  la  liqueur  filtrée  donne  un 
précipité  floconneux  abondant,  qui  lavé  avec  l'alcool,  puis  avec  l'eau,  est 
décomposé  enfin  par  l'acide  chlorhydrique  et  l'alcool.  Après  évaporation 
et  extraction  par  l'eau  bouillante,  on  obtient  une  substance  que  Hoppe 
crut  être  d'abord  de  l'acide  choloïdinique,  et  qu'il  rapporte  aujourd'hui  à 
lacide  cholonique.  Ce  produit  donne  la  réaction  de  Pettenkofer,  mais  elle 
n'est  ni  aussi  rapide,  ni  aussi  nette  qu'avec  les  sels  copules  contenus  dans 
la  bile.  Du  reste,  l'auteur  recommande  expressément  de  ne  pas  s'en  rap- 
porter à  cette  seule  réaction,  pour  juger  de  la  nature  de  ce  produit;  il 
faut  prendre  en  considération  son  action  sur  la  lumière  polarisée  et  l'en- 
semble de  ses  propriétés.  C'est  en  opérant  de  la  sorte  que  Hoppe  a  pu 
déceler  la  véritable  origine  de  cette  substance,  et  formuler  la  conclusion 
suivante  :  «  En  traitant  l'urine  ictérique  selon  la  méthode  que  je  viens  de 
décrire,  dit-il,  on  obtient  en  petite  quantité  une  substance  qui  provient, 
sans  aucun  doute,  des  acides  biliaires,  et  dont  la  composition  chimique 
montre  que  dans  l'ictère  l'urine  contient  encore  des  acides  biliaires 
azotés.  » 

Quant  à  l'action  de  cette  substance  sur  la  lumière  polarisée,  elle  a  été 
ainsi  déterminée  par  Hoppe  :  une  solution  contenant  dans  20cc.  gr. 
0,2297  d'acide,  a  donné  dans  un  tube  long  de  200""n,  pour  la  lumière 
rouge  une  déviation  du  plan  de  polarisation  égale  à  H-  1,  5  de  l'échelle 
du  saccharimètre  de  Ventzke.  La  rotation  spécifique  de  ce  corps  est  donc 
(a)  r  =  -+-  50°. 

Les  recherches  comparatives  dcHuppcrt  ont  montré  que  cette  méthode 
si  compliquée  n'est  cependant  pas  favorable  à  une  évaluation  quantitative 
exacte;  elle  expose  à  des  pertes  considérables,  et  l'ébullition  avec  l'acide 
chlorhydrique  produit  un  mélange  de  composés  qui  obscurcissent  les  ré- 
sultats. 

Méthode  de  Huppert.  —  Huppert  traite  Purine  à  la  manière  de  Neu- 
komm,  et  de  plus,  il  la  dépouille  des  matières  grasses  et  la  précipite  par 
le  nitrate  de  baryte.  Le  liquide  filtré  et  l'eau  de  lavage  du  précipité  bary- 
tique  sont  précipités  par  l'acétate  de  plomb;  le  précipité  plombique  bien 
lavé  est  ensuite  traité  comme  dans  la  méthode  de  Neukomm.  Les  autres 
différences  portent  sur  les  derniers  temps  de  l'opération.  La  dernière  so- 
lution alcoolique  (celle  qui  contient  le  cholate  de  soude)  est  évaporée,  le 
résidu  dissous  dans  l'eau  ;  cette  solution  est  filtrée  dans  une  capsule  d'un 
poids  connu,  puis  évaporée  ;  le  résidu  est  desséché  longuement  au  bain- 
marie,  ou  dans  le  vide  sur  du  sable  chaud. 


BILE.    BIBLIOGRAPHIE.  51 

Pour  le  sang,  il  laut  d'abord  coaguler  par  l'alcool  les  matières  alhumi- 
noïdes;  le  coagulum  doit  être  soigneusement  épuisé  par  de  nouvelles 
portions  d'alcool;  la  liqueur  est  évaporée,  le  résidu  est  dissout  dans 
l'eau;  on  agite  avec  de  l'éther  pour  éliminer  les  matières  grasses;  le 
liquide  est  évaporé  à  siccité,  le  résidu  redissout  dans  l'eau;  cette  solu- 
tion aqueuse  est  neutralisée  si  besoin  est,  et  on  la  précipite  par  le  nitrate 
de  baryte,  afin  d'éliminer  les  acides  gras,  et  les  albuminoïdes  qui 
auraient  pu  rester.  Aussi  n'obtient-on  pas  toujours  de  précipité.  Cela 
fait,  la  liqueur  est  traitée  comme  l'urine. 

Cette  méthode,  perfectionnement  de  celle  de  Neukomm,  paraît  être  la 
plus  exacte.  C'est  celle  qu'a  employée  Huppert  dans  ses  intéressantes 
recherches  sur  iesort  des  acides  biliaires  dans  l'ictère. 

Les  dernières  méthodes  que  je  viens  de  passer  en  revue  sont  diffici- 
lement conciliables  avec  les  exigences  de  la  clinique  médicale  ;  mais 
l'analyse  qualitative  plus  simple,  mérite  d'être  vulgarisée;  caries  lon- 
gueurs de  l'expérience  sont  largement  compensées  par  l'intérêt  qui  se 
rattache,  dans  certains  cas,  à  la  notion  de  la  présence  des  sels  biliaires 
dans  l'urine,  et  partant  dans  le  sang.  Si  l'étude  précédente  avait  pour 
résultat  de  généraliser  parmi  nous  ce  genre  de  recherches,  je  croirais 
avoir  rendu  par  là  un  véritable  service. 


L'index  suivant  ne  comprend  pis  toute  la  bibliographie  de  la  bile,  il  renferme  seulement  l'in- 
dication des  travaux  cités  dans  cet  article;  conséquemment  les  indications  sont  données  dans 
l'ordre  même  des  citations. 

Pfluger,  Uebcr  die  Fluorescenz  von  Gallenlosungen  [Allg.med.  Centralzeitung  1860). 

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Strecker,  Untersuchungen  ùber  die  chemische  Constitution  der  Hauptbestandtheile  der  Ochsen- 

galle.  Giessen,  18i8. —  L'auteur  a  poursuivi  ses  recherches  jusqu'en  ces  derniers  temps.  Ses  mé- 
moires sont  contenus  pour  la  plupart  dans  les  Annales  de  Liebig. 
Gorup  von  Besanez,  Untersuchungen  iïber  die  Galle,  Frankfurt,  1847.  —  Prager  Vierteljahrs- 

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32  BILE.    BIBLIOGRAPHIE. 

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Freund  und  Grause,  Aendert  «ich  die  Gallensecretion  bei  kùnstlichen  Diabètes?  (Heidenbain's 

Studien  des  physiol.  Ïnstitutes  zu  Breslau,  1865.) 
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BILIAIRES  (voies).  —  anatomie.  55 

Beneke,  Sludien  iibcr  das  Vorkommcn,  etc.,  von  GallcnbcstandUieilen  in  thierischen  und  pflanz- 

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Consultez  en  outre  les  Traités  de  physiologie  de  Longet  et  de  Beclard,  et  le  grand  travail  de 
Bouisson,  De  la  Bile.  Montpellier,  1843. 

Jaccold. 

BIJLïAIItES  (voles).  —  Le  foie,  en  sa  qualité  de  glande  parfaite, 
est  pourvu  d'un  appareil  d'excrétion  des  plus  complets.  Cet  appareil,  dé- 
signé habituellement  sous  le  nom  collectif  de  voies  biliaires,  est  distinct 
de  la  glande  elle-même  ;  et,  comme  les  voies  urinaires  auxquelles  les 
hommes  les  plus  célèbres,  J.  L.  Petit,  Morgagni  et  Bordeu,  entre  autres, 
se  sont  complus  à  les  comparer,  elles  peuvent,  sous  le  triple  rapport  ana- 
tomique,  physiologique  et  pathologique,  donner  lieu  à  une  histoire  tout  à 
fait  séparée. 

I.     ANATOMIE    ET     PHYSIOLOGIE. 

AimtoniSc.  —  Les  voies  biliaires,  chez  l'homme,  se  composent  d'un 
système  de  canaux  qui,  nés  par  des  racines  innombrables  dans  l'épaisseur 
du  parenchyme  hépatique,  vont,  d'autre  part,  par  convergence  succes- 
sive, aboutir  à  un  canal  unique  et  déboucher,  par  son  intermédiaire,  dans 
le  premier  segment  de  l'intestin  grêle.  Sur  la  partie  latérale  droite  de  ce 
conduit,  on  observe  une  sorte  de  diverticulum,  d'abord  canaliculé,  puis 
renflé  en  ampoule  pyriforme,  dans  lequel  la  bile  s'accumule  et  séjourne 
pendant  l'intervalle  des  digestions.  La  portion  des  voies  biliaires  encore 
contenue  dans  le  foie  constitue  les  conduits  biliaires;  le  canal  unique 
auquel  ceux-ci  donnent  naissance  s'appelle  canal  hépatique  jusqu'au  ni- 
veau de  l'insertion  du  diverticulum  latéral,  et  canal  cholédoque  dans  le 
reste  de  son  étendue.  Quant  au  diverticulum  lui-même,  il  se  compose  du 
canal  cystique  et  de  la  vésicule  du  fiel.  Chacune  de  ces  sections  demande 
quelques  détails  anatomiques. 

1°  Conduits  biliaires.  —  La  connaissance  des  rapports  exacts  qu'offrent 
les  radicules  biliaires  avec  l'élément  sécréteur  du  foie  importe  plus  à  la 
structure  du  lobule  hépatique  lui-même  qu'à  notre  sujet  (voy.  Foie), 
Il  nous  suffit  de  savoir  que  de  chaque  lobule  émergent  environ  dix 
ou  douze  canalicules  qui  se  réunissent  bientôt  avec  ceux  qui  sont  à 
leur  proximité  et  avec  ceux  des  lobules  voisins.  En  plongeant  dans  les 
espaces  interlobulaires,  ils  se  grossissent  peu  à  peu  des  conduits  qu'ils 
recueillent  sur  leur  passage;  et,  lorsqu'ils  ont  fini  par  constituer  des  ca- 
naux d'un  calibre  assez  notable,  on  les  voit  cheminer  dans  l'épaisseur  de 
la  capsule  de  Glisson,  accolés  aux  ramifications  correspondantes  de  l'ar- 
tère hépatique  et  s'appuyant  avec  celles-ci  sur  les  divisions  de  la  veine 
porte  qui  s'en  distinguent  par  leur  volume  beaucoup  plus  considérable. 
Tous  ces  conduits  aboutissent,  en  définitive,  à  deux  troncs  principaux  qui 
se  réunissent  ensuite  à  un  angle  aigu  et  forment  le  canal  hépatique  par  leur 
jonction.  Ces  deux  troncs  apparaissent  dans  le  fond  du  sillon  transverse 
du  foie,  où  ils  sont  recouverts  par  le  sinus  de  la  veine  porte  et  par  1 
branches  provenant  de  la  bifurcation   de  l'artère  hépatique.   La  racine 

NOUV.    D1CT.    MÉD.    ET    CUIR.  V.    —   O 


es 


54  BILIAIRES  (voies).  —  anatomie. 

gauche  du  canal  hépatique  est  ordinairement  un  peu  plus  longue  que  la 
racine  droite;  elle  reçoit  plus  particulièrement  les  radicules  biliaires  du 
lobe  gauche,  du  lobe  carré,  du  lobe  de  Spigel  et  même  du  bile  du  l'oie. 

La  plupart  des  anatoinistes  signalent  des  anastomoses  nombreuses  entre 
les  conduits  biliaires  ;  mais  tandis  que  le  plus  grand  nombre,  et  Kôlliker 
notamment,  n'admettent  guère  ces  anastomoses  que  vers  l'origine  des 
conduits  et  dans  les  espaces  interlobulaires  où  ils  forment  des  réseaux 
très-serrés,  Sappey  les  décrit  et  les  représente  comme  existant  dans  toute 
l'étendue  du  foie;  il  reconnaît,  cependant,  qu'elles  sont  plus  rares  chez 
l'homme  (pic  chez  le  chien,  le  chat,  le  cheval,  le  bœuf  et  surtout  le  cochon. 
E.  II.  AVcber  avait  déjà  indiqué  les  anastomoses  qui  existent  entre  les 
deux  racines  du  canal  hépatique  dans  la  scissure  transverse  du  foie. 

Indépendamment  des  conduits  biliaires  proprement  dits,  on  trouve  dans 
certaines  régions  du  foie  un  système  de  canaux  qui  n'offrent  point  à  leur 
origine  de  connexions  avec  les  lobules  hépatiques  et  qui  pourtant  viennent 
se  jeter  dans  les  conduits  biliaires  véritables  :  ils  ont  été  désignés,  par 
E.  II.  Weber,  sous  le  nom  àevasaaberrantia.  On  les  rencontre  particuliè- 
rement dans  le  ligament  triangulaire  gauche,  dans  le  mésentère  qui  réunit 
le  lobe  Spigel  au  lobe  droit,  dans  le  sillon  transverse  et  dans  d'autres 
parties  du  foie  où  les  lobules  ont  été  atrophiés  par  une  circonstance 
accidentelle  (Sappey).  Les  vasa  aberrantia  sont  évidemment  de  môme  na- 
ture que  les  conduits  biliaires  eux-mêmes  :  ils  communiquent  avec  ceux-ci, 
et  les  injections  poussées  dans  les  voies  biliaires  les  pénètrent  en  même 
temps;  comme  les  conduits  de  la  bile,  ils  s'anastomosent  fréquemment 
entre  eux;  enfin,  ils  n'ont  point  une  structure  différente. 

2°  Canal  hépatique.  —  Le  canal  hépatique  est  formé  par  la  réunion  des 
deux  racines  dans  lesquelles  se  résument,  en  définitive,  tous  les  conduits 
biliaires.  Prenant  son  origine  vers  l'extrémité  droite  du  sillon  transverse, 
il  se  dirige  en  bas  et  à  droite  jusqu'au  niveau  de  l'insertion  du  canal  cys- 
tique  qui  marque  sa  limite  inférieure.  Il  offre  une  longueur  d'environ  2  à  o 
centimètres;  mais  lorsque  la  réunion  de  ses  deux  racines  est  plus  tardive, 
comme  cela  a  été  vu,  il  est  beaucoup  plus  court  et  paraît  même  ne  pas 
exister  :  il  semble  alors  que  le  canal  cholédoque  ait  une  triple  origine. 
Le  diamètre  du  canal  hépatique  est  de  quatre  millimètres  ;  suivant 
Glisson,  il  est  de  la  grosseur  d'une  petite  plume  d'oie.  Contenu  dans 
l'épaisseur  de  l'épiploon  gastro-hépatique,  il  est  situé  en  avant  de  la  veine 
porte  et  est  côtoyé  à  gauche  par  le  tronc  de  l'artère  hépatique;  il  est  en- 
touré de  nombreux  ganglions  lymphatiques  et  d'un  tissu  cellulaire  séreux 
abondant. 

5°  Canal  cholédoque.  —  Le  canal  cholédoque  est  la  continuation  du  canal 
hépatique,  sous  le  double  rapport  de  la  direction  et  du  calibre.  Nous  avons 
vu  en  effet  que  la  ligne  de  démarcation  entre  ces  deux  conduits  était  tout 
arbitraire  et  n'était  indiquée  que  par  l'origine  du  diverticulum  latéral  des 
voies  biliaires.  Le  canal  cholédoque  se  dirige  un  peu  obliquement  en  bas 
et  à  droite,  et  d'avant  en  arrière,  et  vient  aboutir  d'autre  part  à  la  paroi 
interne  de  la  deuxième  portion  du  duodénum  où  il  s'ouvre  par  un  orilice 


BILIAIRES  (voies).  —  anatomie.  35 

qui  lui  est  commun  avec  le  canal  pancréatique.  Sa  longueur  est  de  six  à 
huit  centimètres;  son  diamètre  est  seulement  un  peu  supérieur  à  celui  du 
'canal  hépatique  et  atteint  quelquefois  les  proportions  d'une  grosse  plume 
d'oie.  Le  canal  cholédoque  offre  des  rapports  qui  varient  suivant  les  diffé- 
rents points  de  son  trajet.  Contenu  d'abord  dans  l'épiploon  gastro-hépa- 
tique, il  est  situé  en  avant  de  la  veine  porte  et  répond  au  bord  droit  de 
cette  veine;  l'artère  hépatique,  dont  les  rapports  avec  lui  sont  plus  va- 
riables, est  ordinairement  placée  à  sa  gauche;  dans  la  même  direction,  il 
est  côtoyé  par  l'artère  gastro-épiploïque  droite  ;  il  est  entouré  par  des 
ganglions  lymphatiques  et  par  un  tissu  cellulaire  abondant.  Puis  le  canal 
cholédoque  atteint  le  bord  supérieur  de  la  tète  du  pancréas,  pénètre  dans 
une  gouttière,  et  quelquefois  dans  un  canal  complet,  que  cette  glande  lui 
ménage,  rencontre  le  conduit  pancréatique  qui  répond  à  son  côté  gauche, 
atteint  ensuite  la  paroi  intestinale,  la  traverse  suivant  un  trajet  oblique 
de  15  à  16  millimètres  de  longueur,  et  vient  enfin  déboucher  dans  l'am- 
poule de  Vater.  Cette  ampoule  est  située  sur  la  paroi  interne  de  la  deuxième 
portion,  ou  portion  verticale,  du  duodénum,  au  niveau  de  sa  partie 
moyenne  et  sur  un  point  plus  rapproché  de  la  paroi  postérieure  que  de 
l'antérieure  ;  elle  est  distante  de  14  à  15  eenliniètrcs  du  pylore,  elle  se 
traduit  du  côté  de  la  membrane  muqueuse  par  un  mamelon  ou  tubercule, 
un  peu  incliné  en  bas.  Souvent  caché  par  une  valvule  conni vente,  ce 
mamelon  est  quelquefois  difficile  à  découvrir  et  on  ne  peut  alors  le  re- 
connaître qu'en  examinant  les  parties  sous  l'eau.  11  présente  à  son  sommet 
une  fente  verticale  par  laquelle  on  pénètre  dans  une  petite  cavité,  déforme 
ovoïde,  qui  reçoit  les  embouchures  isolées  du  canal  cholédoque  et  du 
conduit  pancréatique  ;  la  première,  située  au-dessus,  est  la  plus  grande 
et  est  séparée  de  la  seconde  par  un  éperon.  Telle  est  la  disposition  la  plus 
commune;  mais,  dans  quelques  cas,  on  a  vu  le  canal  cholédoque  s'ouvrir 
directement  dans  l'intestin  par  un  orifice  circulaire,  tandis  que  l'ampoule 
de  Vater  ne  recevait  que  l'insertion  du  conduit  pancréatique. 

4°  Canal  cystique.  —  Le  canal  cystique  naît  au  niveau  du  point  où 
«'établi  la  continuité  entre  le  canal  hépatique  et  le  canal  cholédoque  ; 
il  se  porte  de  là  en  haut  et  à  doite  jusqu'à  la  vésicule  du  fiel  qui  semble 
produite  par  son  rendement  ;  d'abord  rectiligne,  il  devient  un  peu  llexucux 
vers  sa  terminaison,  et  ses  flexuosités  semblent  continuer  celles  du  col 
de  la  vésicule.  Il  offre  une  longueur  de  2  à  5  centimètres;  son  calibre 
est  inférieur  à  celui  du  canal  hépatique;  Glisson  le  compare,  pour  la  gros- 
seur, à  une  plume  de  coq.  Le  conduit  cystique  est  contenu  dans  Tépiploon 
gastro-hépatique  ;  il  répond  à  la  veine  porlc  qui  est  en  arrière  et  à  l'artère 
cystique  qui  est  à  sa  gauche. 

L'ensemble  des  trois  conduits,  cholédoque,  cystique  et  hépatique,  re- 
présente assez  bien,  suivant  la  remarque  de  Glisson,  la  lettre  Y. 

5°  Vésicule  du  fiel.  —  Le  canal  cystique  par  son  extrémité  supérieure 
aboutit  à  un  petit  réservoir  membraneux  qui  est  la  vésicule  du  fiel.  Cet 
organe  est  situé  à  la  face  inférieure  du  foie  dans  une  fossette  qui  lui  es*, 
destinée  et  qui  reçoit  pour  cette  raison  le  nom  de  fossette  cystique.  C'est 


3G  BILIAIRES  (voies).  —  akatomie. 

à  droite  du  sillon  antéro-postérieur,  donl  elle  est  séparée  par  l'éminence 
porte  antérieure,  et  en  avant  du  sillon  transverse,  qu'est  placée  cette  fos- 
sette. La  vésicule  y  est  lixée  par  le  péritoine  qui  passe  au-dessous  d'elle  ; 
d'autres  fois  la  séreuse  forme  à  la  vésicule  une  sorte  de  petit  mésentère  ; 
celle-ci  devient  alors  plus  mobile  et  le  canal  cystique  s'allonge  en  propor- 
tion pour  se  prêter  aux  déplacements  possibles  du  réservoir  biliaire. 

La  vésicule  du  fiel  représente  assez  bien  la  forme  d'une  poire;  sa 
grosse  extrémité  est  dirigée  en  bas,  en  avant  et  à  droite,  et  sa  partie  ré- 
trécie  en  arrière,  en  haut  et  à  gauche  ;  son  axe  par  conséquent  se  porto 
d'avant  en  arrière,  de  droite  à  gauche  et  de  bas  en  haut.  Elle  a  environ 
8  à  10  centimètres  de  longueur,  sur  25  à  50  millimètres  dans  son  plus 
grand  diamètre.  Sa  capacité  moyenne  lui  permet  de  contenir  50  à  40 
grammes  de  bile. 

La  forme  de  la  vésicule  montre,  comme  régions  distinctes,  un  corpsy 
un  fond  et  un  col. 

Le  corps  de  la  vésicule  est  en  rapport,  par  sa  face  supérieure  et  anté- 
rieure, avec  la  fossette  cystique  à  laquelle  elle  est  unie  par  du  tissu  cellu- 
laire et  par  quelques  veinules  qui  pénètrent  dans  l'épaisseur  du  foie;  par 
sa  face  inférieure  et  postérieure,  avec  la  première  portion  du  duodénum  et 
avec  l'extrémité  droite  du  côlon  transverse.  Ces  derniers  rapports  peu- 
vent varier,  et  on  voit  souvent  la  vésicule  entrer  en  contact,  soit  avec  la 
région  pylorique  de  l'estomac,  soit  avec  le  côlon  ascendant,  soit  enfin 
avec  le  rein  droit.  La  vésicule  est  quelquefois  fixée  dans  ces  rapports  par 
des  adhérences;  dans  les  autopsies,  ils  sont  indiqués  par  une  teinte 
verdâtre  des  parties  qui  est  due  à  la  transsudation  de  la  bile. 

Le  fond  de  la  vésicule  déborde  ordinairement  le  bord  tranchant  du 
foie;  il  est  recouvert  entièrement  par  le  péritoine  ;  il  répond  à  la  paroi 
abdominale  antérieure,  vers  le  bord  externe  du  muscle  droit  et  à  peu 
près  au  niveau  de  l'extrémité  antérieure  de  la  dixième  côte  droite.  Mais 
ces  rapports  sont  sujets  à  varier  beaucoup,  et  le  fond  de  la  vésicule  s'a- 
baisse plus  ou  moins,  suivant  le  degré  de  distension  de  ce  réservoir. 

Le  col  de  la  vésicule  marque  assez  nettement  la  séparation  entre  cet 
organe  et  le  canal  cystique.  Il  est  remarquable  par  sa  direction  sinueuse 
et  par  la  disposition  spiroïde  des  deux  courbures  de  l'S,  l'une  par  rapport 
à  l'autre;  ces  sinuosités  sont  maintenues  par  des  replis  du  péritoine.  La 
longueur  totale  du  col  est  de  15  à  18  millimètres  et  son  diamètre  le  plus 
étendu  de  8  millimètres  environ.  Il  répond,  en  avant,  à  l'extrémité  droite 
du  sillon  transverse,  et,  en  arrière,  soit  à  la  première  portion  du  duodé- 
num, soit  au  pylore. 

La  structure  des  voies  biliaires  rappelle  celle  de  tous  les  canaux  mem- 
braneux: c'est-à-dire  qu'on  peut  y  distinguer  trois  tuniques  principales  : 
une  tunique  interne  de  la  nature  des  membranes  muqueuses,  une  tuni- 
que moyenne,  ou  tunique  propre,  qui  est  cellulo-musculaire,  et  une  tu- 
nique externe  formée  par  du  tissu  conjonctif  pur.  Ces  divers  éléments  se 
modifient  un  peu  suivant  les  diverses  sections  des  voies  biliaires  où  on  les 
examine. 


BILIAIRES  (voies).  —  anatomie.  57 

La  membrane  interne,  ou  muqueuse,  offre  à  peu  près  les  mêmes  carac- 
tères dans  les  différents  conduits.  Elle  est  ordinairement  colorée  en  jaune 
parla  bile;  sa  surface  interne  paraît  comme  criblée  par  une  multitude 
de  petites  dépressions- qui  correspondent  à  l'ouverture  des  glandes  mu- 
cipares.  Dans  le  canal  cystique  et  seulement  vers  sa  partie  supérieure, 
la  surface  muqueuse  présente  de  petits  replis  valvulaires,  au  nombre 
de  trois  ou  quatre  principaux,  qui  continuent  le  repli  spiral  du  col  de 
la  vésicule.  Dans  la  vésicule,  la  muqueuse  a  une  disposition  toute  par- 
ticulière ;  elle  est  hérissée  de  petits  plis  entre-croisés  dans  tous  les  sens  et 
lui  donnant  un  aspect  réticulé  qui  ressemble  à  celui  du  bonnet  chez  les 
ruminants.  Ces  plis  ont  un  aspect  villeux  qui  permet  de  les  rapprocher  des 
villosités  lamelliformes  de  l'intestin  grêle;  ils  sont  très-vasculaires.  Sui- 
vant Huschke,  les  espaces  limités  par  les  plis  réticulés  reproduiraient  la 
disposition  des  glandes  muqueuses  agrégées  comme  les  amygdales,  par 
exemple  ;  tandis  que  Sappey  leur  donne  pour  fonction  d'exercer  une  ab- 
sorption énergique  sur  la  bile  contenue  dans  la  vésicule. 

La  muqueuse  des  voies  biliaires  est  abondamment  pourvue  de  petites 
glandes  en  grappes.  On  peut  en  juger  par  les  figures  remarquables  que 
Sappey  en  a  données.  Ricss,  qui  les  a  étudiées  tout  récemment,  les  a  trou- 
vées plus  nombreuses  dans  les  canaux  hépatiques  du  sillon  transverse  ; 
elles  diminuent  à  mesure  qu'on  approche  du  parenchyme  du  foie;  elles 
.  sont  plus  rares  et  moins  développées  dans  la  vésicule  du  liel  et  dans  les 
conduits  excréteurs  définitifs.  L'épithélium  de  cette  muquese  est  cylin- 
drique, comme  dans  l'intestin  ;  il  devient  pavimenteux  dans  les  canaux 
qui  ont  moins  de  0n,m,09  à  0,U'",11  (Kolliker). 

La  tunique  moyenne  des  voies  biliaires  est  constituée  par  du  tissu  fibro- 
conjonctif,  dans  lequel  existent  des  libres-cellules  musculaires.  En  géné- 
ral, ces  libres  musculaires  sont  peu  abondantes,  surtout  dans  le  canal  hépa- 
tique, dans  le  canal  cystique  et  dans  le  canal  cholédoque.  Dans  la  vésicule, 
il  y  a  une  mince  couche  musculeuse  dont  les  fibres  offrent  une  double  di- 
rection, en  long  et  en  travers.  L'état  pathologique  peut  singulièrement 
développer  cette  structure  musculaire,  qui  est  quelquefois  très-incertaine 
chez  l'homme  à  l'état  normal. 

Enfin  la  tunique  externe  est  de  nature  purement  celluleusc  et  renferme 
de  nombreuses  fibres  élastiques  fines.  C'est  à  cette  tunique  que  se  rédui- 
sent les  conduits  biliaires  qui  n'ont  pas  au  moins  0"'m,22  de  diamètre.  Sur 
la  vésicule  du  fiel,  elle  est  en  grande  partie  doublée  par  une  enveloppe 
péritonéale. 

Les  artères  des  voies  biliaires  sont  fournies,  soit  par  l'artère  hépatique 
elle-même,  soit  par  l'artère  cystique  qui  se  rend  particulièrement  à  la  vé- 
sicule. Les  veines  se  jettent,  pour  la  plupart,  dans  la  branche  droite  de 
la  veine  porte;  mais  quelques-unes  vont  directement  sur  les  lobules 
hépatiques  où  elles  se  distribuent  à  la  façon  des  ramuscules  de  la  veine 
porte,  avant  d'atteindre  la  veine  intra-lobulairc  ou  sus-hépatique.  Les 
vaisseaux  lymphatiques,  qui  sont  quelquefois  très-évidents  sur  la  surface 
de  la  vésicule  dans  les  cas  de  rétention  de  la  bile,  se  rendent  aux  ganglions 


58  BILIAIRES  (voies).  —  physiologie. 

qui  existent  en  abondance  vers  le  hilc  du  foie.  Les  nerfs  proviennent 
du  plexus  solaire  et  suivent  dans  leur  distribution  les  artères  destinées 
aux  mêmes  parties. 

Les  voies  biliaires  semblent,  dans  leur  développement,  procéder  de 
l'intestin  par  bourgeonnement  et  par  ramifications  successives;  tandis  que 
les  lobules  du  foie  se  forment  isolément  dans  le  feuillet  vasculaire  du 
blastoderme  :  les  connexions  entre  ces  deux  éléments  ne  s'établiraient 
que  plus  tard.  L'existence  des  vasa  aberrantia  donne  raison  à  cette  ma- 
nière de  voir,  en  nous  montrant  des  canaux  biliaires  qui  ne  sont  pas  en- 
trés en  contact  avec  l'élément  sécréteur  du  foie.  Le  diverticulum  latéral 
du  conduit  excréteur  de  la  bile,  c'est-à-dire  le  canal  cystique  et  la  vésicule 
du  fiel,  doit  être  considéré  comme  un  vas  aberrans  considérablement 
développé.  Cbez  l'homme,  où  les  conduits  hépato-cystiques,  c'est-à-dire 
des  conduits  qui  se  portent  directement  du  foie  à  la  vésicule,  n'existent 
pas,  l'interprétation  précédente  est  très-légitime.  Pour  les  animaux  qui  en 
sont  pourvus,  la  vésicule  n'est  autre  chose  qu'un  renflement  situé  sur  le 
trajet  de  l'un  des  conduits  biliaires  qui  contribuent  à  former  le  canal 
cholédoque  :  ce  qui  reproduit  en  partie  la  disposition  de  la  vessie  urinaire. 
La  manière  d'envisager  le  développement  des  voies  biliaires,  telle  que  nous 
venons  de  l'exposer,  nous  rendra  un  compte  facile  des  anomalies  que 
nous  aurons  à  signaler. 

Physiologie.  —  L'appareil  excréteur  de  la  bile,  bien  que  ne  jouant 
qu'un  rôle  secondaire  dans  les  fonctions  du  foie,  a  néanmoins  lixé  d'une 
façon  particulière  l'attention  des  physiologistes.  On  doit  le  considérer 
sous  un  double  aspect,  comme  cavité  de  réception  pour  la  bile  et  comme 
voie  de  transport  de  cette  humeur  jusqu'à  l'intestin. 

L'écoulement  de  la  bile  dans  le  tube  digestif  n'est  pas  continu.  Dans 
l'intervalle  des  digestions,  la  sécrétion  biliaire  se  ralentit  très-probable- 
ment, et  ce  qui  s'en  forme  s'accumule  dans  le  système  de  canaux  que 
nous  connaissons,  et  particulièrement  dans  la  vésicule  qui  semble  avoir 
précisément  pour  fonctions  de  servir  de  réservoir  à  l'humeur  sécrétée. 
C'est  la  réplétion  de  cette  cavité  quia  semblé  le  plus  difficile  à  expliquer, 
en  l'absence  des  conduits  hépato-cystiques,  et  à  cause  de  sa  situation  en 
dehors  du  courant  direct  suivi  par  la  bile.  Il  est  probable,  il  est  certain 
même,  que  la  continuité  de  la  sécrétion,  avec  l'occlusion  momentané  de 
l'orifice  duodénal  du  canal  cholédoque  et  la  distension  progressive  des  con- 
duits biliaires,  est  la  vraie  cause  de  la  réplétion  delà  vésicule;  la  bile  y  pé- 
nètre par  la  force  a  lergo,  et  sans  qu'on  soit  obligé  de  faire  intervenir,  avec 
Amussat,  l'action  d'une  valvule  spiroïde  existant  dans  le  canal  cystique  et 
le  transformant  en  une  sorte  de  vis  d'Archimède.  L'existence  de  cette 
valvule  est  au  moins  douteuse,  et  la  disposition  qu'affectent  les  replis  qui 
ont  donné  lieu  à  l'hypothèse  que  nous  examinons  empêche  autant  qu'elle 
facilite  la  progression  de  la  bile.  La  théorie  d'Amussat  n'a  été  reproduite 
par  tous  les  auteurs  que  pour  se  donner  le  facile  plaisir  de  la  réfuter,  en 
faisant  observer  qu'une  vis  d'Archimède  n'élève  les  liquides  qu'autant 
qu'elle  est  animée  d'un  mouvement  giratoire.  Il  reste  pourtant  acquis,. 


BILIAIRES  (voies).  —  physiologie.  59 

grâce  aux  expériences  d'Amussat,  qu'un  liquide  poussé  par  le  canal  hé- 
patique et  dans  la  direction  de  l'intestin  a  plus  de  tendance  à  passer 
d'abord  dans  le  canal  cystique,  et  de  là  dans  la  vésicule,  qu'à  s'écouler 
par  le  canal  cholédoque  :  ce  qui  paraît  tenir  à  l'étroitesse  relative  de 
l'embouchure  de  ce  canal  dans  le  duodénum. 

Quant  à  la  nature  des  modifications  qu'éprouve  la  bile  à  la  suite  de 
son  séjour  dans  la  vésicule,  celles-ci  ne  sont  point  telles  qu'on  puisse  en 
conclure  à  l'existence  indispensable  de  ce  réservoir.  Il  fait  défaut  cbez 
bon  nombre  d'espèces  animales;  nous  verrons  qu'il  manque  quelquefois 
chez  riiomme  ;  et  cela  sans  que  les  fonctions  du  foie  soient  radicalement 
différentes  dans  les  deux  cas.  On  a  pensé  que  la  présence  de  la  vési- 
cule impliquait  une  intermittence  normale  dans  l'acte  digestif,  comme 
cela  a  lieu  chez  les  animaux  dont  les  repas  sont  éventuels,  et  que  son 
absence,  au  contraire,  témoignait  de  la  continuité  de  la  digestion,  comme 
chez  la  plupart  des  herbivores  ;  de  telle  sorte  que  l'anomalie,  qui  consiste 
dans  le  manque  de  la  vésicule  chez  l'homme,  semblerait  devoir  entraîner 
comme  conséquence  une  grande  voracité  de  la  part  de  l'individu  qui  la 
porte.  Mais  ni  la  présence  ni  l'absence  de  la  vésicule  du  fiel,  dans  les  diverses 
espèces  animales,  ne  se  prêtent  rigoureusement  à  aucune  des  lois  qu'on  a 
mises  en  avant.  En  somme,  la  bile,  par  son  séjour  dans  la  vésicule  et 
dans  les  canaux  hépatiques,  subit  un  certain  degré  de  concentration  par 
résorption  de  sa  partie  la  plus  aqueuse,  et  se  charge  d'une  grande  quan- 
tité de  mucus  qui  la  rend  plus  filante  que  la  bile  qui  s'écoule  directement 
et  activement  dans  l'intestin.  Aussi  il  est  d'observation  que  la  stagna- 
tion du  fluide  biliaire  dans  ses  cavités  naturelles  est  une  prédisposition 
très-réelle  aux  calculs. 

L'écoulement  delà  bile,  au  moment  où  commence  la  digestion  intesti- 
nale, s'opère  par  un  mécanisme  des  plus  simples.  La  cause  la  plus  évi- 
dente de  cet  écoulement  réside  dans  la  présence  des  fibres  musculaires 
que  nous  avons  signalées  à  propos  de  la  structure  des  voies  biliaires.  L'ir- 
ritabilité de  la  vésicule  et  des  conduits  de  la  bile,  admise  par  Glisson,  a 
été,  du  reste,  mise  hors  de  doute  parles  expériences  directes  de  Haller;  et 
J.  L.  Petit,  dans  une  opération  qu'il  entreprenait  sur  la  région  de  la  vési- 
cule du  fiel,  a  vu  celle-ci  se  contracter  et  se  vider  sous  ses  yeux.  Comme 
moyens  accessoires  de  cette  action,  il  faut  signaler  la  continuité  de  la 
sécrétion  qui,  de  proche  en  proche,  fait  cheminer  la  bile,  les  mouve- 
ments respiratoires  du  diaphragme  qui  compriment  le  foie  contre  la  paroi 
abdominale  et  contre  la  masse  des  intestins,  puis  enfin,  dans  l'état  patho- 
logique, les  secousses  du  vomissement  qui  finissent  souvent  par  faire 
apparaître  la  bile  au  milieu  des  matières  vomies. 

On  notera  que  la  disposition  de  l'orifice  du  canal  cholédoque  ne 
permet  guère  le  reflux  des  matières  intestinales  dans  les  voies  bi- 
liaires ;  il  se  passe  ici  quelque  chose  d'analogue  à  ce  qui  a  lieu  à  l'em- 
bouchure des  uretères  dans  la  vessie.  Pour  le  même  motif,  le  liquide 
pancréatique  et  la  bile  ne  sauraient  se  mélanger  dans  leurs  conduits 
respectifs.  Nous  verrons  cependant  que  certains  corps  étrangers,  comme 


•4  0  BILIAIRES  (voies).  —  anomalies  et  vices  de  conformation. 

les  entozoaires,  peuvent  franchir  cet  obstacle  et  envahir  les  conduits  bi- 
liaires. 

Glisson    F.':.  Analomia  hepatis,  etc.  Londini,  1G54,   in-8.   Amstelodami,  1659,  in-12.  Hagaeco- 

mitis.  1661,  in-12. 
H  allé  n,  Dissertation  sur  les  parties  irritables  et  sensibles  des  animaux.  Trad.  de  Tissot.  Lausanne, 

1755. 
Bordeu  (Th.).  Œuvres  complètes.  Èdit.  de  Richerand.  Paris,  1818,  p.  179  et  98i<. 
Amussat,  Bull,  de  l'Acad.  de  méd.  182 ï  et  1827. 
Hischke  (E.),  Traité  de  splanelmologie  et  des  organes  des   sens  [Encijcl.  analom  ,  t.  V.,  Paris, 

1845). 
Vickam,  Vésicule  pourvue  d'un  mésentère  [Bull,  delà  Soc   analom.  18iG). 
Weber  (ë.  H.)  et  Keclam,  Sur  les  vasa  aberrantia  hepatis  [Bull,  de  la  Soc.  phîlorriatique,  1847, 

p.  21), 
Bérard  (Ph.),  Cours  de  physiologie.  Paris,  1849,  t.  II,  p.  542. 

Pcech  (A.)',  Note  sur  les  canaux  biliaires  [Comptes  rendus  des  séances  de  l'Ac.  des  se,  1854). 
Kôlliker   (A  ),   Éléments  d'histologie  humaine.  Trad.   de  J.    Béclard  et  M.  Sée.  Paris,    1856, 

p.  478. 
Sappey(P1i.  C),  Traité  d'anatomie  descriptive.  Paris,  1859,  t.  III,  p.  273  et  301. 
Riess  (L.),  De  la  structure  des  conduits  hépatiques  dans  le  foie  de  l'homme.  Archiv  fur  Anato- 

mic,  Physiologie  und  Wissenschaftliche  Medicin.  1803. 

IL    ANOMALIES    ET    VICES    DE    CONFORMATION. 

Aaiomsïlifi1»    et    îic^s    de   conformation    «le   la    vésicule.  — 

1°  Absence  congénitale  de  la  vésicule.  —  Les  faits  d'absence  congénitale 
de  la  vésicule  ont  été  bien  réellement  observés  chez  l'homme;  il  n'y  a  pas 
lieu  de  les  mettre  sur  le  compte  de  l'atrophie  pathologique  de  cet  organe, 
ainsi  qu'on  l'a  tenté.  Ollivier  (d'Angers)   mentionne  les  principaux  faits 
connus  de  cette  anomalie,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  partager  les  doutes 
de  Hallersurle  sens  véritable  qu'elle  doit  recevoir  et  de  croire  qu'il  s'agit 
plus  souvent  d'une  atrophie  morbide  que  d'une  agénésie  proprement  dite. 
Depuis  lors  d'assez  nombreux  exemples  en  ont  été  rapportés  par  divers 
auteurs.  Nous  signalerons  celui  de  Follet  (de  Bourbon)  et  ceux  qu'à  son 
occasion  Ghomel,  Honoré  et  Nacquart  ont  mentionnés,  puis  les  faits  de 
Montaut,  d'Amussat,  de  Ph.  Bérard,  etc.  Meckel  admet  également  la  réa- 
lité de  cette  anomalie.  Le  plus  ordinairement,  la  disposition  générale  des 
voies  biliaires  n'en  est  pas  altérée  :  le  diverticulum  latéral  seul  est  sup- 
primé ;  on  voit  alors  un  conduit  unique,  représentant  le  canal  cholédoque 
et  formé  par  la  réunion  des  deux  racines  du  canal  hépatique  normal. 
Quelquefois  il  existe  sur  le  trajet  de  l'un  des  conduits  biliaires  une  dila- 
tation partielle  qui  représente  la  vésicule  absente.  On  a  même  cru,  lorsque 
cette  dilatation  occupe  l'épaisseur  du  foie  et  siège  sous  la  capsule  de 
Glisson,  que  la  vésicule  n'était  que  déplacée  (J.  Frank);    elle  est  réduite 
alors  à  l'état  rudimentaire.  L'anomalie  qui  nous  occupe  ne  se  traduit  du- 
rant la  vie  par  aucun  signe  appréciable;  elle  est  compatible  avec  une  santé 
parfaite  et  elle  réduit  à  néant  les  suppositions  que  l'on  a  faites  sur  une 
élaboration  nécessaire  que  subirait  la  bile  dans  la  vésicule.  Du  reste  ce 
cas  de  tératologie  ne  fait  que  reproduire  l'état  normal  chez  certains  ani- 
maux, et  particulièrement  chez  le  cheval. 

2°  Duplicité  de  la   vésicule.   —  Cette   duplicité    s'établit  ordinaire- 
ment par  un  cloisonnement  dans  le  sens  longitudinal  d'une  vésicule  qui 


BILIAIRES  (voies).  —  anomalies  et  vices  de  conformation.  41 

parait  unique  extérieurement;  d'autres  fois  il  y  a  deux  vésicules  tout 
à  l'ait  séparées.  J.  Frank,  Huschke  et  Meckel  citent  des  exemples  de  ces 
différents  cas.  L'un  des  faits  les  plus  remarquables  de  duplicité  de  la  vési- 
cule a  été  observé  par  Ed.  Cruveilhier  et  rapporté  par  lui  dans  les  bulle- 
tins de  la  Société  anatomique  :  il  y  avait  deux  vésicules  séparées  dans  la 
plus  grande  partie  de  leur  étendue  et  aboutissant  à  un  col  unique;  de  ce 
col  naissaient  deux  conduits  cystiques  qui  allaient  se  jeter  isolément  dans 
le  canal  cholédoque.  On  conçoit  facilement  cette  anomalie  en  considérant 
la  vésicule  du  fiel  et  le  canal  cystique  comme  un  conduit  biliaire  ou  un 
vas  aberrans  offrant  une  tendance  à  se  ramifier. 

Il  ne  serait  plus  aussi  légitime  de  regarder  comme  une  anomalie  con- 
génitale les  faits  dans  lesquels  la  vésicule  paraît  double  par  suite  d'un 
resserrement  portant  sur  sa  partie  moyenne.  Ici  il  s'agit,  ou  bien  d'un 
diverticulum  de  la  vésicule  et  d'une  sorte  de  soufflure,  produits  par  un 
amincissement  de  ses  parois  dans  une  circonstance  pathologique,  ou  bien 
d'un  resserrement  amené  par  quelque  moyen  mécanique.  Bartb  rapporte 
le  cas  d'une  vésicule  ainsi  étranglée  à  sa  partie  moyenne,  et  qui,  ayant 
été  recueillie  chez  une  femme,  a  pu  être  rapporté  à  l'usage  du  corset. 

5°  Déplacements  congénitaux  de  la  vésicule.  —  Lorsque  la  vésicule 
est  très-intimement  unie  au  foie,  elle  ne  peut  guère  se  déplacer  qu'avec 
cet  organe  lui-même  :  c'est  ainsi  qu'on  l'a  vue  faire  partie  des  hernies 
ombilicales  congénitales.  Cependant  on  cite  des  faits  où  la  vésicule  n'oc- 
cupait plus  la  fossette  cystique,  et  dans  lesquels  elle  était,  ou  bien  dirigée 
en  travers,  ou  bien  placée  dans  le  sillon  de  la  veine  ombilicale,  etc. 
Lorsque  la  vésicule  est  pourvue  d'un  mésentère,  ainsi  que  nous  l'avons 
indiqué  à  propos  de  l'anatomie  normale,  ses  déplacements  sont  rendus 
beaucoup  plus  faciles  et  elle  peut  alors  entrer  en  contact  avec  la  plupart 
des  viscères  de  l'abdomen. 

AnoiMuluNS  et  vice*  de  cobb formation  dea  coosduifs  l>i- 
liafres.  —  Ces  altérations  du  type  normal  portent  le  plus  souvent  sur 
la  répartition  des  conduits  biliaires  dans  le  sillon  transverse  du  foie,  et 
consistent,  tantôt  dans  l'existence  de  trois  racines  pour  le  canal  hépa- 
tique, tantôt  dans  le  fait  d'un  conduit  biliaire  qui  se  rend  directement, 
soit  dans  le  canal  cystique,  soit  dans  la  vésicule  elle-même,  et  figure  ainsi 
une  sorte  de  conduit  hépato-cystique,  tantôt  enfin  dans  la  pluralité  du 
canal  cholédoque.  Les  deux  cas  suivants  méritent  une  mention  à  part. 

1°  Variétés  d'insertion  du  canal  cholédoque.  —  Nous  avons  vu  que  le 
canal  cholédoque  s'ouvrait  dans  le  duodénum  à  une  distance  de  14  à 
15  centimètres  du  pylore.  Cette  insertion  ne  varie,  à  l'état  normal,  que 
dans  des  limites  assez  restreintes.  Mais,  dans  quelques  circonstances,  on  a 
vu  l'embouchure  de  ce  conduit  se  rapprocher  davantage  de  l'estomac, 
s'ouvrir  dans  cette  cavité  (observé  par  A.  Yésale)  et  être  reportée  même 
jusque  dans  l'œsophage  (cas  cité  par  Huschke).  Le  plus  ordinairement  il 
s'agit  de  faits  de  pluralité  du  canal  cholédoque  :  l'une  des  embouchures 
reste  à  l'endroit  ordinaire,  et  l'autre  est  située  plus  haut  dans  le  voisinage 
du  pylore.  Morgagni  mentionne  les  exemples  qui  ont  été  observés  par 


42  BILIAIRES   (voies).  —  lésions  traumatjques. 

Fallope,  par  Abrah.  Vater,par  Vesling,  par  Bezoldus  et  par  Diemerbrœck. 
D'après  J.  Frank,  Paw  aurait  vu  le  canal  cholédoque  se  terminer  par  deux 
branches,  dont  une  s'ouvrait  dans  le  jéjunum  et  l'autre  dans  le  côlon. 
Il  arrive  quelquefois  que  ces  conduits  supplémentaires  proviennent  direc- 
tement de  la  vésicule  biliaire,  comme  il  en  existe  un  exemple  dans  les 
collections  de  l'université  de  Naples  (lluschke). 

2°  Oblitération  congénitale  des  conduits  biliaires.  —  Les  exemples  de 
cette  anomalie  sont  rares.  Nous  citerons  particulièrement  les  faits  de 
Blasius  et  de  Lhommeau.  Le  cas  de  Blasius,  tel  que  le  rapporte  J.  Frank, 
manque  des  détails  les  plus  essentiels  :  l'enfant  avait  vécu  huit  mois  ;  il  y 
avait  une  énorme  distension  de  la  vésicule  et  une  suffusion  de  bile  dans 
l'abdomen.  L'observation  de  Lhommeau  est  plus  circonstanciée  :  l'enfant 
avait  vécu  trois  mois  ;  il  était  ictérique  ;  il  n'avait  pas  rendu  de  méco- 
nium;  le  canal  cholédoque  était  imperforé,  et  il  existait  un  engorgement 
biliaire  de  tout  le  foie  et  une  dilatation  générale  des  conduits  hépatiques. 
Il  est  probable  que  quelques  cas  d'ictère  chez  les  nouveau-nés  doivent 
reconnaître  pour  cause  une  oblitération  de  la  nature  de  celle  que  nous 
indiquons  ici. 

Morgagni,  De  sedibus  et  causis  morborum,  etc.  Lettres  XXXVII,  n°  54,  et  XLVIII,  n*  55.  Ve- 
ndus, 17G0). 

Ollivier  (d'Angers),  Note  sur  l'atrophie  de  la  vésicule  biliaire  [Archives  gén.  de  méd.  Juin, 
1824). 

Frank  (J.),  Traité  de  pathologie  interne.  Trad.  de  Bayle.  Paris,  1857,  t.  VI,  p.  258. 

Follet  (de  Bourbon),  Absence  de  la  vésicule  biliaire  (Séances  de  l'Ac.  roy.  des  sc.}  25  mars 
1828). 

Montault,  Cas  d'absence  de  la  vésicule  du  fiel  (Bull,  de  la  Soc.  anatom.,  1829). 

Amussat,  Foie  sans  vésicule  [Séances  deïAcad.  roy.  de  méd.,  22  mars  1851). 

Lhommeau,  Imperforation  du  canal  cholédoque  [Bull,  de  la  Soc.  anatom.,  1842). 

Barth,  Vésicule  étranglée  par  le  corset  [Bull,  de  la  Soc.  anatom.,  1849). 

Cruveilhier  (Ed.),  Duplicité  de  la  vésicule  biliaire  (Bull,  delà  Soc.  anatom.,  18G0). 

III.    PATHOLOGIE    MÉDICO-CHIRURGICALE. 

Lésions  traainiatiqQies.  —  1°  Plaies.  —  On  trouve  dans  la 
science  quelques  exemples  de  plaies  des  voies  biliaires,  et  notamment 
de  la  vésicule.  L'un  des  premiers  faits  qui  aient  été  bien  observés  a 
été  recueilli  par  Stewart  et  est  rapporté  par  Van  Swieten  dans  ses  com- 
mentaires sur  les  apborismes  de  Boerhaave.  Il  s'agit  d'un  militaire  qui, 
dans  une  plaie  pénétrante  de  l'abdomen,  eut  le  fond  de  la  vésicule  per- 
foré par  l'instrument  vulnérant.  L'épancbement  de  bile  dans  la  cavité 
du  péritoine  fut  indiqué  par  le  ballonnement  du  ventre,  par  une  consti- 
pation opiniâtre,  par  des  nausées,  par  le  hoquet;  le  pouls  resta  d'abord 
fort,  régulier  et  lent;  il  devint  intermittent  peu  de  temps  avant  la 
mort;  il  y  eut  de  l'insomnie,  mais  point  de  délire;  la  plaie  extérieure 
ne  traduisit  en  rien  la  nature  de  la  lésion  interne.  Le  malade  mourut  le 
septième  jour  après  l'accident.  Sabatier  observa  avec  Morand  un  cas  du 
même  genre  :  chez  un  invalide,  la  vésicule  avait  été  percée  d'un  coup 
d'épée;  il  y  eut  des  douleurs  vives,  de  la  lièvre,  de  la  constipation,  une 
soif  inextinguible;  le  ventre  se  ballonna.  Le  troisième  jour,  il  se  mani- 


BILIAIRES  (voies).  —  lésions  trabmatiques.  45 

['esta  a  l'aine  une  tumeur  qu'on  ouvrit  à  l'aide  d'un  trocart;  il  en  sortit 
90  grammes  de  bile  pure.  Le  malade  mourut  bientôt  après.  Comme 
exemple  de  plaie  de  la  vésieulc  par  arme  à  feu,  nous  mentionnerons  le 
fait,  observé  par  Paroisse,  d'un  militaire  qui  avait  reçu  un  coup  de  feu 
dans  la  région  bypocbondriaque  droite,  et  qui  en  guérit;  étant  mort  deux 
ans  plus  tard  d'une  pneumonie,  on  trouva,  à  l'autopsie,  une  balle  ren- 
fermée dans  la  vésicule  du  fiel  :  il  n'y  avait  pas  sur  celle-ci  de  cicatrice 
apparente  (cité  par  Follin).  Il  résulte  de  ce  fait  et  de  ceux  qui  précèdent, 
que  si  une  plaie  des  voies  biliaires  n'est  pas  nécessairement  mortelle,  elle 
offre  néanmoins  un  très-grand  danger.  L'épanchement  de  bile  dans  la 
cavité  du  péritoine  en  constitue  toute  la  gravité,  non-seulement  en  raison 
de  la  quantité  qui  s'en  épancbe  immédiatement,  mais  aussi  par  suite  de 
la  continuité  incessante  de  l'écoulement  qui  se  fait  à  l'intérieur.  Des  chi- 
rurgiens ont  cependant  entrepris  de  traiter  des  accidents  de  cette  sorte, 
en  ayant  surtout  pour  but  de  prévenir  l'effusion  ultérieure  de  la  bile  dans 
l'abdomen,  llerlin  a  proposé  de  porter  une  ligature  sur  le  col  même  de 
la  vésicule  et  de  réséquer  cet  organe.  Campaignac  se  contente  de  poser 
la  ligature  entre  la  plaie  faite  à  la  vésicule  et  le  canal  cystique,  de  ma- 
nière à  conserver  le  réservoir  de  la  bile.  Enfin  Amussat  et  Yilardebo  ont 
montré,  par  quelques  expériences  faites  sur  les  animaux,  qu'il  suffirait. 
lorsque  la  plaie  n'est  pas  trop  étendue,  d'appliquer  le  cautère  actuel  sur 
l'orifice  même  produit  par  l'instrument  vulnérant.  Mais  aucun  de  ces 
procédés,  qui  ont  réussi  sur  des  animaux  mis  en  expérience,  n'a  encore 
été  employé  chez  l'homme,  où  l'on  a  rarement  l'occasion  de  constater  la 
lésion  que  nous  étudions.  De  toute  façon,  la  certitude  d'une  plaie  des 
voies  biliaires  n'existerait  que  si  la  bile  venait  à  s'écouler  au  dehors; 
or  il  arrive  que  l'épanchoincnt  se  fait  presque  toujours  à  l'intérieur;  et  il 
en  doit  être  ainsi,  à  moins  de  supposer  une  large  plaie  des  téguments. 
Dans  un  fait  rapporté  par  Civialc,  on  voit  un  officier  qui  reçut,  en  1812, 
un  coup  de  lance  dans  le  côté  droit  de  l'abdomen,  à  deux  pouces  de  l'om- 
bilic. Il  en  guérit  d'abord;  mais,  en  1851,  un  abcès,  suivi  de  fistule 
biliaire,  se  montra  dans  cette  région  :  il  s'écoulait  environ  un  verre  de 
bile  dans  les  vingt-quatre  heures  ;  les  matières  fécales  étaient  blanches  ; 
l'appétit  était  perdu. 

c2  Rupture.  —  Cet  accident  s'observe  plus  fréquemment  que  le  pré- 
cédent. Il  est  babituellement  produit  par  un  coup  porté  dans  la  région 
du  foie,  ou  par  le  passage  d'une  roue  de  voiture  sur  l'abdomen.  Nous 
mettons  à  part  les  ruptures  spontanées  qui  supposent  une  lésion  préalable 
des  voies  biliaires,  et  dont  il  sera  question  plus  tard.  Pâtissier,  dans  le 
Dictionnaire  des  sciences  médicales,  et  Velpeau,  dans  son  Anatomie  chi- 
rurgicale, mentionnent  les  faits  connus  de  rupture  des  conduits  de  la 
bile.  Le  cas  le  plus  remarquable  est  celui  de  Campaignac,  dans  lequel  il  y 
eut  une  rupture  de  la  branche  gauche  du  canal  hépatique  par  la  pression 
d'une  roue  de  voiture  sur  l'abdomen  :  le  malade  mourut  au  bout  de  dix- 
huit  jours  d'une  péritonite  généralisée.  Il  semble  que,  dans  un  fait  observé 
par  Fryer  et  rapporté  par  Littré,  la  guérison  ait  eu  lieu  à  la  suite  d'un 


44  BILIAIRES  (voies).  —  inflammation. 

accident  de  cette  nature;  il  est  certain  qu'après  plusieurs  pondions  de 
l'abdomen,  dans  lesquelles  on  évacua  de  la  bile  presque  pure,  le  malade 
se  rétablit.  Enfin  Littré  note  encore  une  observation  de  J.  P.  Frank,  qui 
vit  la  vésicule  distendue  et  adbérente  à  l'utérus,  chez  une  femme  grosse, 
se  rompre  pendant  les  efforts  de  l'accouchement. 

Les  conséquences  de  la  lésion  qui  nous  occupe  sont  peut-être  encore 
plus  graves  que  lorsqu'il  s'agit  d'une  plaie  proprement  dite  des  voies 
biliaires  ;  car  ici  il  n'y  a  plus  de  chance  possible  d'une  fistule  biliaire 
extérieure  et  l'épanchement  se  fait  forcément  dans  la  cavité  du  péritoine, 
à  moins  que  des  adhérences  rapides  ne  préviennent  la  diffusion  de  la 
bile.  Nous  ne  voyons  qu'un  précepte  commun  à  appliquer  dans  ces  cir- 
constances, c'est  que,  le  diagnostic  fût- il  assuré,  il  n'y  a  lieu  de  se  com- 
porter que  comme  lorsqu'on  est  en  présence  de  toute  péritonite  par  per- 
foration. 

Van  Swieten  (G.),  Commentafia  in  H.  Boerhaave  Aphorismos.  Parisiis,  17G9,  t.  I,  p.  474. 

Herlin,  Expériences  sur  l'ouverture  de  la  vésicule  du  bel  (Journ.  de  m  éd.,  1776,  t.  XXVII). 

Sabatier,  Médecine  opératoire.  Paris,  1796.  — 4e  édit.  1852,  t.  II,  p.  159. 

Pâtissier,  Art.  Vésicule  biliaire  (Dict.  des  se.  médic.,  1821,  t.  LVIIj. 

Campaigxac,  Des  plaies  des  voies  biliaires,  etc.  (Journ.  hebdomadaire,  1829,  t.  II,  p.  204;. 

Vilardebo,  De  la  cautérisation  appliquée  au  traitement  des  p'aies  de  la  vessie  et  de  la  vésicule  bi- 
liaire. Thèse  de  Paris,  183). 

Civiale,  Observation  de  fistule  biliaire  (Bullet.  de  V Acad.  des  se,  Janvier  1852). 

Littré  (E.)  (Dict.  de  méd.,  2e  éd.,  t.  V,  Paris,  1855). 

Velpeau  (A.),  Traité  complet  d'anatomie  chirurgicale.  Paris,  1857,  t.  II,  p.  134. 

Follin  (E.),  Plaies  des  voies  biliaires  (Dict.  encyclop.  des  se.  médicales.  Paris,  1864,  t.  I, 
p.  161). 

inflammation.  —  L'inflammation  des  voies  biliaires  n'a  reçu  de 
dénomination  particulière  que  lorsqu'elle  occupe  exclusivement  la  vési- 
cule du  fiel  :  elle  prend  alors  le  nom  de  cholécystite.  On  pourrait  de 
même,  dans  le  cas  où  la  maladie  est  étendue  à  tous  les  conduits  de  la 
bile,  se  servir,  pour  la  désigner,  du  mot  angéiocholéite. 

Cette  affection  se  présente  rarement  à  l'état  de  simplicité;  presque 
toujours  elle  vient  compliquer  d'autres  maladies,  soit  du  foie,  et  par- 
ticulièrement les  calculs  biliaires,  soit  même  de  parties  qui  sont  en 
relation  directe  ou  sympathique  avec  cet  organe.  De  sorte  que  les  lé- 
sions anatomiques  et  les  symptômes  qui  sont  propres  à  Ya/igéiocho- 
léite  viennent  le  plus  souvent  se  perdre  et  se  confondre  au  milieu  des 
désordres  plus  accusés  qui  existent  concurremment.  Il  suffit,  pour  s'en 
convaincre,  de  consulter  les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  ce  sujet,  depuis 
Littré  qui  a,  le  premier,  essayé  de  donner  une  description  métho- 
dique de  l'inflammation  des  voies  biliaires,  jusqu'à  Monneret,  à  qui  l'on 
doit  le  travail  le  plus  récent  sur  cette  question.  Aucun  d'eux  n'est  par- 
venu ta  la  dégager  entièrement  des  éléments  étrangers  qui  la  rendent  si 
complexe.  Frerichs  est  celui  qui  a  le  plus  contribué  à  élucider  le  sujet, 
grâce  à  sa  division  de  la  maladie  en  deux  formes  :  la  catarrhale  et  Yex- 
sudative.  Cette  division  n'est  avantageuse  que  parce  qu'elle  correspond 
assez  exactement  aux  deux  groupes  que  constitue  l'affection  considérée 
au  point  de  vue  étiologique,  et  qui  comprennent  l'inflammation  idiopa- 


BILIAIRES  (voies).  —  inflammation.  45 

thique  et  l'inflammation  symptomatique  des  voies  biliaires.  Nous  revien- 
drons souvent  sur  cette  distinction;  mais  les  limites  entre  les  deux  for- 
mes n'étant  point  assez  tranchées,  il  ne  nous  parait  pas  possible  d'en 
{'aire  des  descriptions  séparées.  Il  n'est  pas  à  dire  qu'une  phlegmasie  ca- 
tarrhale  ne  puisse  être  exsudative  et  même  ulcéreuse,  ni  réciproquement 
qu'une  phlegmasie  symptomatique  ne  puisse  se  borner  h  la  simple  rou- 
geur de  la  membrane  muqueuse,  avec  hypersécrétion  de  mucus. 

Anatomie  pathologique.  —  Toutes  les  formes  de  l'inflammation  ont  été 
observées  dans  les  conduits  biliaires.  Au  degré  le  plus  simple  on  trouve 
une  rougeur  érythémateuse  de  la  membrane  qui  tapisse  l'intérieur  des 
conduits  ;  souvent  cette  rougeur  a  disparu  au  moment  de  l'autopsie;  mais 
la  muqueuse  reste  pâle  ou  livide,  mollasse  et  boursouflée.  Un  mucus  assez 
abondant,  transparent  ou  puriforme,  quelquefois  très-concret,  tapisse 
les  conduits.  On  a  rarement  occasion  de  constater  ces  altérations;  mais 
il  faut  en  tenir  compte,  car  la  présence  de  ce  bouchon  de  mucus  a  servi 
à  expliquer,  soit  la  production  de  l'ictère  simple,  en  oblitérant  le  canal 
cholédoque,  soit  la  formation  des  calculs,  en  facilitant  la  stagnation  de  la 
bile  ou  en  servant  lui-même  de  noyau  à  la  concrétion.  Cette  phlegmasie 
superficielle  est  ordinairement  étendue  à  la  presque  totalité  des  voies 
biliaires;  elle  peut  être  limitée  à  la  vésicule;  plus  rarement  elle  occupe 
des  ramiheations  isolées  des  conduits  de  la  bile  :  dans  ce  cas  on  trouve 
dans  le  foie  des  îlots  colorés  par  la  bile  et  les  canaux  correspondants 
dilatés  (Frerichs). 

Dans  des  formes  plus  avancées  et  plus  graves  de  la  maladie,  les  produits 
inflammatoires  peuvent  devenir  purulents  et  même  diphthéritiques. 

La  présence  du  pus  dans  les  voies  biliaires  est  signalée  par  un  très- 
grand  nombre  d'observateurs,  et  notamment  lorsqu'il  s'agit  d'une  angéio- 
choléite  calculeuse  ayant  déjà  une  certaine  durée  et  à  tendance  ulcéreuse. 
Louis  a  noté  la  suppuration  des  voies  biliaires  dans  certains  cas  de  lièvre 
typhoïde,  et  Frerichs  l'a  observée  trois  fois  dans  cette  même  circonstance. 
Ordinairement  le  pus  est  versé  dans  l'intérieur  des  conduits  biliaires,  ou 
delà  vésicule,  et  se  mélange  avec  la  bile  dont  il  modifie  l'apparence;  quel- 
quefois il  forme  des  collections  sur  certains  points  et  constitue  des  espèces 
d'abcès  qui  ont  été  considérés  comme  des  abcès  du  foie  (Cruveilhier,  01- 
liifc).  Ce  qu'on  a  appelé  l'abcès  de  la  vésicule  n'est  souvent  qu'une  collec- 
tion de  cette  nature  (Boudet).  D'autres  fois,  ainsi  que  Gubler  l'a  observé 
dans  la  vésicule,  le  pus  forme  de  petits  abcès  sous-muqueux  et  comme 
des  pustules  ;  lorsque  ces  abcès  se  rompent,  ils  deviennent  le  point  de 
départ  d'ulcérations  en  tout  comparables  à  certaines  altérations  du 
même  genre  qui  existent  dans  l'estomac.  Enfin  l'abcès  peut  occuper  les 
parois  de  la  vésicule  et  être  même  tout  à  fait  extérieur  à  cette  cavité 
(Barth,  Leudet);  c'est  ainsi  que  s'établissent,  par  cette  inflammation 
phlegmoneusc,  des  communications  entre  la  vésicule  et  différentes  par- 
ties, telles  que  la  peau,  l'estomac,  le  duodénum  ou  le  côlon. 

L'existence  de  l'inflammation  diphthéritique  des  voies  biliaires  ne  se 
trouve  établie  que  parles  faits  que  Frerichs  en  a  rapportés.  Il  les  emprunte 


46  BILIAIRES  (voies).  —  inflammation. 

pour  la  plupart  à  Rokitansky  qui,  à  la  suite  du  typhus,  du  choléra,  de  la 
pyémie,  aurait  vu  des  exsudats  fibrineux  sur  les  parois  de  la  vésicule;  dans 
les  conduits  biliaires,  ces  exsudats  forment  des  tuhes  complets.  Cette  altéra- 
tion, qui  ne  se  manifeste  que  dans  le  cours  de  maladies  déjà  graves  par  elles- 
mêmes,  ne  se  révèlent,  durant  la  vie,  par  aucun  symptôme  appréciable. 

L'existence  d'ulcères  dans  les  voies  biliaires,  et  surtout  dans  la  vésicule, 
n'est  pas  rare.  Le  plus  souvent  ces  ulcères  se  rencontrent  dans  l'angéio- 
choléitc  symptomatique;  ils  sont  produits  et  entretenus  par  la  présence 
de  calculs;  ils  donnent  lieu  à  une  suppuration  franche  ou  ichoreuse 
qui  se  mélange  à  la  bile.  D'autres  fois,  ils  sont  le  résultat  de  l'ouverture 
d'abcès  sous-muqueux,  provenant  de  l'inflammation  phlegmoneuse  des 
parois  de  la  vésicule;  enfin  ils  peuvent  encore  succéder  à  une  sorte 
d'éruption  furonculeuse,  ou  à  des  petites  folliculites,  ayant  leur  siège  dans 
les  glandes  mucipares  des  voies  biliaires.  De  toute  façon,  ces  ulcères  ont 
pour  inconvénient  de  présenter  une  tendance  a  l'accroissement,  surtout 
en  profondeur.  De  là  résultent  des  perforations  de  la  vésicule,  des  abcès 
péricystiques,  des  épanchements  de  bile  dans  le  péritoine  et  des  commu- 
nications listuleuses  des  voies  biliaires  avec  la  peau,  ou  avec  les  canaux 
muqueux  qui  les  avoisinent.  Il  y  a  un  fait  remarquable  à  signaler  ici, 
c'est  lorsque,  en  vertu  de  cette  tendance  ulcéreuse,  la  destruction,  après 
avoir  dépassé  les  parois  des  conduits  delà  bile,  atteint  la  parenchyme  du 
foie  et  y  creuse  des  excavations  aux  dépens  de  la  substance  glandulaire 
elle-même.  Rayer  a  rapporté  une  observation  relative  à  ce  cas  et  dans 
laquelle  on  a  noté  une  hémorrhagie  mortelle  produite  par  l'érosion  d'une 
branche  de  la  veine  porte.  On  voit  combien  il  y  a  d'analogie  entre  ce  qui 
se  passe  ici  et  ce  qui  a  lieu  dans  l'ulcère  perforant  de  l'estomac. 

Enfin,  l'altération  des  voies  biliaires  peut  aller  jusqu'à  la  gangrène. 
Sestier  a  publié  un  fait  de  cette  nature  recueillie  chez  un  individu  qui 
présentait  un  anévrysme  de  la  branche  droite  de  l'artère  hépatique;  il  y 
avait  en  même  temps  une  gastrite  chronique. 

Pour  compléter  ce  que  nous  avons  à  dire  des  lésions  propres  à  l'in- 
flammation de  l'appareil  excréteur  de  la  bile,  il  nous  suffira  d'énumé- 
rer  :  Vépaississement  par  infiltration  plastique  des  parois  de  la  vésicule 
et  des  conduits  biliaires  ou  leur  ramollissement,  le  développement  exa- 
géré, dans  certains  cas,  de  la  tunique  musculaire  de  ces  organes,  leur 
dilatation  générale  ou  partielle,  leur  rétrécissement  et  leur  oblitération, 
leur  atrophie,  leur  ossification,  leur  dégénérescence  graisseuse,  leurs  adhé- 
rences aux  parties  voisines,  etc.  Il  est  facile  de  voir  que  parmi  ces  lésions 
le  plus  grand  nombre  sont  des  conséquences  plus  ou  moins  éloignées  de 
l'inflammation  qui  a  atteint  ces  parties,  mais  le  caractère  inflammatoire 
de  quelques-unes  d'entre  elles  n'est  pas  toujours  très-évident. 

Du  coté  du  parenchyme  hépatique,  on  note  souvent  de  l'hypérémie, 
des  inflammations  partielles,  quelquefois  la  cirrhose  et  le  cancer.  On  si- 
gnale aussi,  dans  les  cas  où  la  phlegmasie  des  voies  biliaires  amène  une 
rétention  trop  prolongée  ou  trop  complète  de  la  bile,  l'atrophie  des  cel- 
lules hépatiques.  Des  altérations  coexistantes  sont  parfois  observées  du 


BILIAIRES  (voies).  —  inflammation.  47 

côté  du  pancréas,  de  l'estomac,  du  duodénum,  et  même  dans  toute  l'éten- 
due du  tube  digestif,  et  viennent  ainsi  témoigner  que  les  lésions  des  voies 
biliaires  ne  sont  souvent  que  le  produit  de  l'extension  d'une  phlegmasie  des 
parties  énumérées  plus  haut  qui,  par  continuité  de  tissu,  s'est  portée  jus- 
qu'à la  vésicule  et  jusqu'aux  plus  fines  ramifications  des  conduits  de  la  bile. 

Causes.  —  Il  semble,  au  premier  abord,  que  les  causes  extérieures  ne 
puissent  jamais  produire  directement  l'inflammation  des  voies  biliaires 
et  que  celle-ci  ne  soit  toujours  que  le  résultat  secondaire  d'influences 
placées  dans  leur  voisinage  ou  dans  leur  intérieur  même.  Cependant  lorsque 
l'angéiocholéite  n'est  produite,  ni  par  un  calcul  qui  irrite  les  conduits  bi- 
liaires, ni  par  un  entozoaire  qui  s'est  introduit  dans  leur  cavité,  ni  par 
aucune  cause  très-appréciable,  et  qu'elle  coïncide  d'autre  part  avec  des 
pblegmasies  du  tube  digestif  ou  avec  quelque  maladie  générale,  il  est 
tout  aussi  naturel  de  la  considérer  comme  primitive  que  l'affection  qu'elle 
paraît  compliquer  et  dont  elle  n'est  plus  alors  qu'une  nouvelle  localisa- 
tion. Nous  nous  retrouvons  donc  en  présence  de  la  division  que  nous 
avons  admise  de  l'angéiocholéite  en  idiopathique  et  en  symptomatique  : 
ce  qui  implique  pour  ces  deux  formes  une  étiologie  toute  différente. 

1°  Anyéiocholéite  idiopathique.  —  En  première  ligne,  nous  devons 
mentionner  les  relations  qui  existent  entre  l'ictère  dit  simple  ou  essentiel 
et  la  phlegmasie  des  voies  biliaires.  Il  arrive  en  effet  que  le  plus  souvent 
l'ictère  n'est  que  le  résultat  d'une  inflammation  très-supcrlicielle  de  la 
muqueuse  des  conduits  de  la  bile  et  d'une  occlusion  momentanée  de  ces 
conduits  par  un  bouchon  de  mucus  :  c'est  dans  ce  cas  qu'il  mérite  surtout 
le  nom  d'ictère  catarrhal  qu'on  lui  applique  souvent.  Cet  état  catarrhal 
des  voies  biliaires  coïncide  presque  toujours  avec  une  affection  correspon- 
dante de  l'estomac  et  du  duodénum,  troussais,  Gendrin,  Bouillaud  ont 
insisté  sur  les  rapports  qui  unissent  la  gastro-duodénile  à  l'ictère.  Sur 
41  cas  de  la  maladie  qui  nous  occupe,  Frerichs  a  constaté  34  fois  les  sym- 
ptômes du  catarrhe  gastro-intestinal  comme  précurseur  de  l'ictère.  Il  ré- 
sulte de  cela  que  les  causes  attribuées  à  l'ictère  simple  sont  applicables  à 
rime  des  formes  de  l'angéiocholéite  idiopathique  (voy.  Ictère).  Mention- 
nons rapidement:  le  refroidissement,  V indigestion,  Y  abus  des  alcooliques, 
l'usage  immodéré  des  purgatifs,  l'influence  des  saisons  et  des  climats  qui 
prédisposent  à  l'embarras  gastrique,  une  disposition  épidémique,  etc. 

Plusieurs  observateurs  ont  signalé  la  cholécystite  dans  le  cours  de  la 
fièvre  typhoïde  et  des  divers  autres  typhus.  Louis,  Amiral,  Rokitansky, 
Blane  (cité  par  Frerichs),  Budd,  Leudet  en  rapportent  des  exemples.  On 
en  trouve  quelques-uns  dans  les  Bulletins  de  la  Société  anatomique.  Ici  la 
phlegmasie  est  ordinairement  exsudative  et  même  ulcéreuse.  On  sait  jus- 
qu'à quel  point  les  inflammations  des  membranes  muqueuses  en  général 
sont  étendues  dans  le  cours  de  la  fièvre  typhoïde;  l'angéiocholéite  peut 
donc  exister  ici  au  même  titre  que  la  gastro-entérite,  que  la  bronchite,  etc. 
Budd  attribue  l'inflammation  des  voies  biliaires  à  une  action  irritante  oc- 
casionnée par  la  bile  altérée  :  cela  rappelle  l'opinion  de  Beau  sur  la  cause 
immédiate  des  ulcérations  intestinales  dans  la  fièvre  typhoïde. 


48  BILIAIRES  (voies).  —  inflammation. 

Les  causes  que  nous  avons  indiquées  jusqu'ici  ne  suffisent  pas  encore 
pour  expliquer  tous  les  cas  d'angéiocholéite  idiopathique.  On  trouve  dans 
la  science  quelques  faits  d'inflammation  spontanée  de  la  vésicule  du  fiel, 
avec  perforation  de  cette  cavité,  et  sans  aucune  autre  lésion  concomittante. 
Curry  (cité  par  Littré),  Andral,  Cruveilhier  et  Durand-Fardel  ont  publié 
des  observations  de  ces  cas  si  graves  qui  semblent  prouver  l'existence 
d'une  véritable  cholécystite  essentielle.  La  cause  en  est  tout  à  fait  inconnue 
et  elle  se  développe  souvent  au  milieu  de  la  santé  la  plus  parfaite.  Nous 
voyons  un  fait,  cité  par  Labbé,  de  perforation  gangreneuse  de  la  vésicule 
produite  sous  l'influence  de  Y  inanition. 

2°  Angéiocholéite  symptomatique.  —  L'étiologie  de  cette  forme  est  éta- 
blie sur  des  bases  plus  certaines  que  celle  de  la  précédente.  Nous  indi- 
querons en  premier  lieu  la  plupart  des  maladies  du  parenchyme  du  foiey 
inflammatoires  ou  cancéreuses,  qui  déterminent  souvent  une  phlegmasie 
des  voies  biliaires  par  influence  très-directe.  Il  nous  suffit  ensuite  de 
mentionner  la  présence  des  calculs  et  des  entozoaires  dans  les  voies  bi- 
liaires :  nous  aurons,  en  effet,  à  revenir  sur  ce  sujet.  Certaines  altéra- 
tions de  la  bile,  qui  sont  de  nature  à  lui  communiquer  des  qualités  ir- 
ritantes, pourraient,  à  plus  juste  titre,  figurer  ici  que  parmi  les  causes  de 
l'angéiocholéite  idiopathique.  Enfin  la  présence  du  sang  dans  les  con- 
duits de  la  bile  (cas  rapporté  par  Fauvel)  semble  quelquefois  produire 
leur  inflammation. 

Symptômes.  — La  symptomatologiedc  l'inflammation  des  voies  biliaires 
doit  nécessairement  se  ressentir  de  la  difficulté  que  l'on  a  à  isoler  cette 
affection  sous  le  double  rapport  anatomo-pathologique  et  étiologique. 
Dans  un  travail  déjà  ancien  sur  les  maladies  de  l'appareil  excréteur  de  la 
bile,  Bouillaud  avait  déclaré  que  celles-ci  ne  sont  pas  en  général  suscep- 
tibles d'être  spécifiées  durant  la  vie.  Monneret,  au  contraire,  a  affirmé, 
dans  ces  derniers  temps,  que  ces  affections  offrent  une  clarté  qui  ne  le 
cède  en  rien  à  la  description  des  autres  maladies.  Il  ne  nous  semble  pas 
que  cet  auteur  ait  justifié  son  assertion  ;  son  exposition  ne  comprend  que 
très-peu  de  signes  qui  soient  propres  à  la  maladie  qui  nous  occupe,  et 
elle  en  renferme  beaucoup  d'autres  qui  lui  sont  étrangers  et  qui  prouvent 
d'une  façon  péremptoirc  la  grande  complexité  du  sujet.  D'ailleurs  nous 
ne  pensons  pas  qu'on  puisse  tenter  une  description  commune  à  tous  les 
cas  qui  se  présentent,  et  il  faut  de  toute  nécessité  établir  des  catégories 
de  faits  en  rapport  avec  les  notions  anatomiques  et  étiologiques  que  nous 
possédons  déjà  sur  la  matière. 

La  première  forme  qui  s'offre  à  nous  est  celle  qui  correspond  au  groupe 
symptomatique  de  l'ictère  simple  et  qui  constitue,  par  excellence,  l'an- 
géiocholéite catarrhale.  Indépendamment  des  manifestalions  si  caracté- 
ristiques de  Y  ictère,  il  faut  noter  les  signes  évidents  de  l'embarras  gastro- 
instestinal  :  Yélat  saburral  de  la  langue}  la  sensibilité  à  Pépigastre,  la 
perte  de  l'appétit,  la  constipation  ;  puis  du  côté  du  foie,  une  sensibilité 
marquée  à  la  pression  vers  le  rebord  des  côtes,  quelquefois  même  une 
douleur  spontanée  très-vive  en  cette  région,  une  rénitence  duc  à  la  con- 


BILIAIRES  (voies).  —  inflammation.  49 

traction  du  ventre  supérieur  du  muscle  droit  et  pouvant  faire  croire  à 
une  tuméfaction  du  foie  ou  à  une  dilatation  de  la  vésicule  du  fiel  ;  mais, 
en  général,  la  percussion  témoigne  qu'il  n'en  est  rien.  Dans  certains  cas 
plus  intenses,  il  y  a  réellement  congestion  du  foie  qui  alors  déborde  les 
fausses  côtes,  et  même  réplétion  exagérée  de  la  vésicule  qui  forme  une 
tumeur  appréciable  par  le  palper  et  par  la  percussion.  La  marche  de  cette 
maladie  est  en  général  assez  rapide;  et,  après  une  durée  de  quinze  jours 
à  trois  semaines,  on  voit  les  principaux  symptômes  se  calmer;  la  sensi- 
bilité de  l'hypocliondre  et  la  contraction  tonique  du  muscle  droit  cessent, 
et  l'ictère  lui-môme  finit  par  disparaître.  Le  pronostic  d'une  semblable  af- 
fection est  presque  toujours  très-bénin,  et  il  n'est  pas  prouvé  que  l'ictère 
grave  offre  des  relations  avec  elle. 

Les  signes  de  Y  angéiocholéite  typhoïde  sont  constamment  masqués  par 
l'importance  des  désordres  qui  sont  propres  à  la  maladie  générale.  Une 
perforation  de  la  vésicule  elle-même  ne  serait  pas  remarquée  ;  en  voyant 
se  développer  une  péritonite  suraiguë,  on  songerait  plutôt  à  une  perfora- 
tion intestinale. 

Quant  à  ces  cas  de  eholécystite  essentielle  dont  nous  avons  parlé  et  qui 
sont  si  graves,  il  faut  convenir  qu'il  se  produisent  habituellement  d'une 
façon  latente  et  que  la  perforation  subite  de  la  vésicule  vient  seule  en 
révéler  l'existence.  Aux  faits  rapportés  par  Littré,  nous  devons  joindre 
celui  que  J.  Cruveilhier  a  observé  sur  la  nourrice  de  ses  enfants  ;  la  malade 
succomba  à  une  péritonite  suraiguë  ;  la  vésicule  était  enflammée,  perforée 
et  présentait  même  sur  ses  parois  des  plaques  gangreneuses.  Des  obser- 
vations de  ce  genre  infirment  un  peu  la  valeur  de  toute  symptomatologie 
méthodique  de  l'inflammation  des  voies  biliaires  ;  ils  ont  inspiré  à  Contour 
des  réflexions  très -justes  dans  un  rapport  qu'il  fit  à  la  Société  anatomique 
sur  un  fait  de  cette  nature.  Certains  exemples  d'ulcère  simple  de  l'esto- 
mac offrent  beaucoup  d'analogie  avec  cette  forme  de  eholécystite;  notre 
travail  sur  l'ulcère  stomacal  permet  de  s'édifier  à  cet  égard. 

Il  est  bien  évident  que,  lorsqu'au  lieu  de  la  rupture  dans  le  péritoine, 
il  s'établit  des  communications,  à  l'aide  d'un  ulcère,  entre  la  vésicule  et 
le  tube  digestif,  le  diagnostic  devient  encore  plus  obscur.  Dans  le  cas  où 
Youverture  se  fait  du  côté  de  la  peau,  par  l'intermédiaire  d'un  abcès  ex- 
térieur à  la  vésicule,  la  nature  de  la  maladie  est  établie  par  l'écoulement 
de  la  bile  au  dehors;  mais  alors  il  s'agit  presque  toujours  d'une  eholé- 
cystite calculeuse. 

Des  hématémèses  peuvent  être  observées  dans  le  cours  de  l'angéiocho- 
léite  ulcéreuse.  Budd  rapporte  une  observation  relative  à  ce  cas  ;  il  s'agit 
d'un  jeune  homme  de  dix-huit  ans,  qui  fut  pris,  sans  malaise  précurseur, 
d'un  vomissement  de  sang  et  de  douleurs  à  l'épigastre  ;  le  malade  ayant 
succombé,  non  pas  à  ces  accidents,  mais  au  choléra,  on  trouva  la  mu- 
queuse de  la  vésicule  détruite  par  une  large  ulcération  ;  il  n'y  avait  pas 
de  calculs  biliaires.  Il  est  évident  que,  dans  le  cas  d'érosion  des  vais- 
seaux intra-hépatiques  par  des  ulcères  profonds  des  canaux  biliaires,  le 
même  symptôme  pourrait  se  produire  et  surtout  le  mehvna. 

NOIIV.   DICT.   MÉD.    ET   CHIP..  V.    —    't 


50  BILIAIRES  (voies).  —  inflammation. 

L'angéiocholéite  symptomatique  se  distingue  des  formes  que  nous  avons 
étudiées  jusqu'ici  par  des  caractères  assez  tranchés.  Les  calculs  biliaires, 
par  lesquels  elle  est  le  plus  souvent  produite,  ont  quelquefois  révélé  déjà 
leur  existence  par  des  accès  subits  de  colique  hépatique  ;  et  il  est  difficile 
d'admettre  qu'à  la  suite  de  ces  attaques  si  violentes,  il  ne  reste  pas  un  cer- 
tain degré  d'irritation  des  voies  biliaires.  L'ictère  qui  se  manifeste  alors  est 
aussi  bien  le  signe  de  cette  irritation  que  de  l'obstruction  du  canal  cholé- 
doque par  le  calcul.  Le  même  symptôme  conserve  la  même  signification 
dans  les  maladies  du  parenchyme  hépatique  et  dans  les  différents  cas  où 
le  liquide  qui  parcourt  les  voies  biliaires  a  acquis  des  qualités  irritantes. 

Les  autres  caractères  propres  au  cas  actuel  sont  :  Sa  durée  de  la   mala- 
die, se  révélant,  soit  par  l'ictère,  soit  par  la  sensibilité  à  la  pression  de 
la  région  de  la  vésicule  du  fiel,  soit  par  la  tumeur  biliaire  ;  puis  la  dispo- 
sition à  la  récidive  de  ces  symptômes  lorsqu'ils  ont  disparu  une  première 
fois.  L'exploration  du  ])Oids  a  paru  fournir  à  Monneret  des  indices  précieux 
dans  le  diagnostic  de  l'inflammation  des  voies  biliaires  et  l'existence  d'une 
fièvre  rémittente  particulière  est,  suivant  lui,  aussi  constante  ici  que  dans 
les  phlegmasies du  foie  lui-même.  Le  sens  de  cette  fièvre  mérite  d'être  ana- 
lysé. Elle  n'existe  pas  habituellement  dans   l'angéiocholéite  catarrhale 
qui  est  presque  toujours  apyrétiqueet  dans  laquelle  on  observe  même  le 
ralentissement  du  pouls  propre  à  l'ictère  simple»  Elle  serait    donc  d'un 
secours    utile    pour  distinguer  cette  dernière  forme  de  l'angéiocholéite 
symptomatique.  En  dehors  des  cas  où  il  ne  s'agit  pas  d'une  véritable  fiè- 
vre paludéenne  qui  s'accompagne  souvent,  on  le   sait,  de  complications 
du  côté  du  foie,  la  fièvre   rémittente  hépatique  correspond  assez   bien  à 
la  fièvre  urineuse  :  celle-ci  indique  ordinairement  une  cystite  entretenue 
par  la  présence  d'un  calcul,  ou  bien  elle  est  la  conséquence  du  cathété- 
risme  de  l'urèthre.  De  même,  l'existence  de  tout  corps  étranger  dans  les 
voies  biliaires,  et  y  déterminant  une  irritation  habituelle,  peut  très-bien 
occasionner  une  fièvre  pseudo-intermittente  ;  mais,  en  l'absence  de  l'ictère 
et  d'une  douleur  localisée  vers  le  rebord  des  fausses  côtes  droites,  nous 
ne  pensons  pas  qu'on  soit  en  droit  de  mettre  cette  fièvre  sur  le  compte  de 
la  phlegmasic  des  canaux  de  la  bile.  C'est  donc  un  caractère  inférieur 
aux  deux   autres  et  qui  ne  fait  que  compléter  leur  signification.  Nous 
noierons  en  terminant  que  l'inflammation  bornée  à  la  vésicule,  ne  Rac- 
compagnant pas  forcément  d'ictère,  est  d'un  diagnostic  encore  plus  in- 
certain peut-être  que  celle  qui  s'étend  à  la  généralité  des  conduits  biliaires; 
il  ne  resle  plus  pour  elle,  comme  signes  probables,  que  la  douleur  et  la 
tuméfaction  correspondant  au  siège  anatomique  de  l'organe. 

Telle  est  la  mesure  dans  laquelle  doivent  se  tenir  la  symptomatologie  et 
le  diagnostic  de  l'angéiocholéite  avec  ses  formes  diverses.  Au  delà  de  ces 
limites,  l'incertitude  commence;  et  bien  souvent  encore,  malgré  la  préci- 
sion que  nous  avons  cherché  à  apporter  ici,  on  confondra  cette  phlegina- 
sie  avec  une  affection  de  l'estomac  ou  du  duodénum,  ou  avec  une 
péritonite  localisée,  ou  avec  une  douleur  intercostale,  ou  enfin  avec  une 
maladie  du  foie  lui-même. 


BILIAIRES  (voies).  —  inflammation.  51 

Traitement.  —  Le  traitement  de  l'angéiocholôite  sera  subordonné  à  la 
forme  qu'affecte  la  maladie  et  à  la  prédominance  de  tel  ou  tel  symptôme. 

L'angéiocboléite  idiopatliique  ,  à  forme  catarrhale  simple,  n'a  pas 
d'autre  traitement  que  l'ictère  dit  essentiel;  et,  à  vrai  dire,  celte  ma- 
ladie si  bénigne  ne  comporte  pas  de  médication  bien  active.  On  doit  se 
borner  à  combattre  l'embarras  gastro-intestinal,  soit  par  un  éméto-ca- 
thartique,  soit  par  un  purgatif  salin  ;  le  calomel  obtient  souvent  la  pré- 
férence en  raison  des  vertus  cholagogucs  qu'on  lui  attribue.  Lorsque  la 
douleur  sous-hépatique  est  trop  marquée,  on  fait  une  application  locale 
de  sangsues,  ou  d'un  vésicatoire  volant.  Puis  si  la  maladie  persiste  au  delà 
d'un  certain  temps,  comme  dix  à  quinze  jours,  on  commence  l'emploi 
des  boissons  alcalines  et  des  bains  additionnés  de  carbonate  de  soude. 
William  Wallace  a  préconisé  l'usage  du  chlore  en  fumigations  générales 
dans  la  plupart  des  maladies  du  foie  accompagnées  d'ictère  et  par  consé- 
quent dans  l'inflammation  des  voies  biliaires.  Les  observations  qu'il  rap- 
porte n'ont  rien  de  concluant,  et  il  ne  semble  pas  que,  dans  le  choix  du 
médicament  en  question,  on  ait  eu  égard  à  autre  ebose  qu'à  un  rappro- 
chement de  couleurs.  Gcrhardt  a  indiqué  un  traitement  direct  de  l'ictère 
catarrbal,  (fui  consiste  dans  la  malaxation  de  la  vésicule  pour  ebasser  le 
bouebon  de  mucus  qui  obstrue  le  canal  cholédoque.  Sans  ions  porter  ga- 
rant de  cette  médication  toute  mécanique,  nous  ferons  remarquer  que 
les  efforts  du  vomissement  remplissent  à  peu  près  le  même  but.  On  de- 
vra d'ailleurs  se  reporter  au  traitement  de  l'ictère  pour  compléter  ce  sujet 
que  nous  n'avons  fait  qu'effleurer. 

Quant  au  traitement  de  Pangéiocholéite  symptomatique,  il  doit  parti- 
ticiper  à  la  fois  de  la  nature  de  la  cause  et  de  l'effet  produit. 
Cette  cause  étant  le  plus  souvent  des  calculs  qui  irritent  les  voies 
biliaires,  c'est  au  traitement  de  l'affection  calculeuse  du  foie  qu'il 
faudra  toujours  revenir  (voy.  p.  80).  Mais  au  moment  des  exacer- 
bations  inflammatoires,  on  appliquera  un  traitement  antiphlogistique 
local  ;  ou  ne  craindra  pas  non  plus  d'avoir  recours  aux  calmants  em- 
ployés à  assez  haute  dose,  lorsque  la  douleur  hépatique  sera  trop  ac- 
cusée; la  morphine,  introduite  par  les  méthodes  endermique  ou  hypo- 
dermique, rendra  de  véritables  services.  Bien  entendu  il  ne  s'agit  pas  ici 
du  traitement  de  la  colique  hépatique  :  cette  complication  n'est  pas  de 
nature  inflammatoire  et  comporte  une  médication  à  part  sur  laquelle 
nous  aurons  à  insiterplus  loin. 

Pour  certaines  formes  particulières  d'angéiocholéile,  le  traitement  est 
moins  indiqué  par  l'affection  des  voies  biliaires  elles-mêmes  que  par  la  na- 
ture des  accidents  qui  surgissent  ;  nous  voulons  parler  des  perforations, 
des  péritonites  suraigues,  des  communications  listuleuses,  des  bémor- 
rbagics,  complications  pour  lesquelles  il  n'y  a  pas  de  médication  qui  ait 
le  moindre  rapport  avec  la  cause  productrice. 

Stoll  (Max),  Médecine  pratique.  Trad.  de  Mahon.  Paris,  1809. 
Martin-Soi.on  [Bull,  delà  Faculté  de  méd.  de  Paris,  n°  11,  1821). 


m 


BILIAIRES  (voies).  —  dégénérescekces  diverses. 


YYaliace  (W.),  Recherches  sur  las  propriétés  médicales  du  chlore,  particulièrement  dans  les  ma- 
ladies du  foie.  —  Exlr.  par  Bailly  [E.  M.)  (Arch.  gén.  deméd.  Mai  1824; . 
Rayer  (P.),  Ohscrvations  sur  les  hémorrhagies  veineuses  du  foie,  qui  surviennent  à  la  suite  de 

l'hépatite  ulcéreuse  (Arch.  gén.  de  méd.  Février  1825). 
BoriLLAiiD  (J.),  Recherches  cliniques  sur  les  maladies  tic  l'appareil  excréteur  de  la  bile  (Jouru. 

complémentaire  du  Dict.  des  se.  med.,  t.  XXIX,  1827,  p.  150). 
Littré  (E.),   Inflammation  des   voies   biliaires  {Dictionnaire  de  méd.  en  50  vol.  2e  éd.,  t.  V. 

Paris'  1855,  p.  251). 
Broussais    F.  J.  V.)  Coursde  pathologie  et  de  thérapeutique  générales.  2e  éd.,  t.  II.  Paris,  1854, 

p.  210.  —  De  la  cystite  biliaire  associée  à  la  présence  des  calculs. 
Sestiek.  Ex.  de  gangrène  delà  vésicule  biliaire  [Bail,  de  la  Soc.  anat.  1855). 
Hussox,  Ulcère  perforant  et  ecchymose  de  la  vésicule  chez  un  enfant  de  huit  ans  (Bull,  de  la 

Soc.  anat.  1855). 
Fauvei.,  Observations  de  cancer  de  foie,  avec  inflammation  de  la  vésicule  et  sang  coagulé  dans  les 

conduits  biliaires  [Bull,  de  laSoc.  anat.  1855). 
Boudet,  Inflammation  calculeuse  des  voies  biliaires;  mort  subile  (Bull,  de  la  Soc.  anat.  1857). 
Cruvi  iluier,  Observation  de  cholécystitc  essentielle;  perforation  de  la  vésicule  [Bull,  de  la  Soc. 

anat.  1858). 
Duiuxn-FAUDEL.  Vésicule  biliaire  dont  la  membrane   interne   était  enflammée,  ramollie,   ulcérée 

[Bull,  de  la  Soc.  anat.  1858). 
Andhal  (G.),  Clinique  médicale  de  la  Charité.  4e  édit.,  t.  II.  Paris,  1859,  p.  520. 
Lons,  Recherches  sur  la  lièvre  typhoïde.  2e  édit.  Paris,  1841,  t.  I,  p.  28. 
Contour,  Rapport  sur  une  observation  de  cholécystitc  calculeuse  (Bull,  de  laSoc.  anat.  1845). 
Gulceh,  Pustules  de  la  vésicule  biliaire,    abcès  sous-muqueux.    Clapiers  (Bull,  de  la  Soc.  anat. 

1848). 
Ollifte  (F.),  Inflammation  des  conduits  biliaires  (Dublin  Quaterly  Journal  of  med.  Août  1848. 

et  Arch.  yen.  de  méd.  1 8 49) . 
Bartii,  Observation  d'abcès  extérieur  à  la   vésicule  et  faisant  communiquer  cette  cavité  avec  le 

côlon  transverse  (Bull,  de  la  Soc.  anat.  1851). 
Leudet.  Inflammation  de  la  vésicule  dans  le  cours  d'une  fièvre  typhoïde  [Bull,  de  la  Soc.  anat. 

1855). 
Budd  (G  ),  Diseases  of  the  Liver.  5e  édit.  London,  1857. 
Cruveiliiiek  (.T.),  Observations   sur  les  abcès  multiples  du  foie  dont   le  point  de  départ  est  dans 

une  inflammation  des  radicules  biliaires  distendues  par  la  bile  (Arch.  gén.  deméd.  1857). 
Labbé,  Abcès  furonculeux  de  la  vésicule,  ulcération  et  perforation  de  cette  cavité,  dans  un    cas 

d'inanition  (Bull,  de  la  Soc.  anat.  1858). 
Fheuichs,  Traité  pratique  des   maladies  du  foie.  Traduit  de  l'allemand  par  Duménil  et  Pellagot. 

Paris,  1802.— 2e  édit.  Paris,  1806. 
Gebiiardt,  Traitement  direct  de  l'ictère  catarrhal  (Wùrzburger  medicinisclie  Zeitschrift,  t.  I  ', 

1863  . 
Moxneret  (Ed.),  Traité  élémentaire  de  pathologie  interne.  Paris,  1804,  t.  Ier,  p.  659. 


DôgênôB-csccBtceii  diverses,  —  1°  Atrophie  de  la  vésicule.  —  Il 
importe  de  ne  pas  confondre  l'atrophie  de  la  vésicule  biliaire  avec  son 
absence  congénitale.  Nous  avons  vu,  à  propos  de  cette  dernière  anomalie, 
que  sa  réalité  n'était  pas  contestable  ;  les  laits  d'atropbic  proprement  dite 
ne  sont  pas  moins  certains.  Ils  se  groupent  naturellement  en  trois  caté- 
gories, suivant  que  l'atrophie  existe  en  dehors  de  toute  complication  de  cal- 
culs biliaires  ou  d'occlusion  du  canal  cystique,  suivant  qu'elle  accompagne 
la  présence  des  calculs  dans  la  cavité  même  de  la  vésicule,  suivant  enfin 
qu'elle  est  consécutive  à  une  obstruction  du  canal  hépatique  et  surtout  du 
canal  cystique.  Dans  le  premier  cas,  l'atrophie  de  Torgane  peut  aller  jusqu'à 
sa  disparition  complète.  Ollivier  (d'Angers)  rapporte  une  observation  dans 
laquelle  la  vésicule  était  réduite  au  volume  d'une  noisette,  et  une  autre 
où  clic  ne  dépassait  pas  la  grosseur  d'un  pois  ordinaire.  Le  plus  souvent 
une  dissection  attentive  fait  reconnaître  ses  traces  vers  son   siège  habi- 


JilLlAlilES    (VOIES).    DÉGÉKKIIESCEXCES    DIVERSES.  55 

tucl ,  sous  (orme  d'un  petit  amas  do  tissu  cicatriciel  ;  il  semble  que 
L'atrophie  soit  ici  la  conséquence  ultime  d'une  inflammation  qui  aurait  au- 
trefois frappé  la  vésicule  en  passant  par  les  intermédiaires  de  L'infiltration 
plastique  et  de  la  dégénérescence  graisseuse  ou  lardacée  :  ces  états  ana- 
tomiques  ont  en  réalité  été  observés  (voy.  Frerichs).  Lorsque  la  vésicule 
contient  des  calculs,  son  atrophie  ne  peut  plus  être  aussi  complète.  On 
voit  alors  les  parois  de  l'organe  revenues  sur  elles-mêmes  et  appliquées 
exactement  sur  les  concrétions  ;  elles  sont  ordinairement  épaissies  et  pré- 
sentent quelquefois  très-nettement  une  apparence  musculaire  (obs.  de 
Jacquemet).  Il  faut,  dans  la  circonstance  actuelle,  admettre  la  double  in- 
fluence de  l'inflammation  atrophique  et  de  l'empêchement  à  l'arrivée  de 
la  bile  dans  son  réservoir.  Eniin ,  dans  le  troisième  et  dernier  cas, 
l'atrophie  succède  à  l'obstruction ,  par  des  calculs  ,  du  canal  cystique  et 
Quelquefois  aussi  du  canal  hépatique;  elle  peut  aller  jusqu'à  la  disparition 
complète  de  la  vésicule,  comme  dans  un  fait  rapporté  par  Richard.  Le  cas 
actuel  paraît,  au  premier  abord,  donner  raison  à  Ollivier  (d'Angers),  qui 
attribue  l'atrophie  du  réservoir  de  la  bile  à  une  diminution  delà  sécrétion 
hépatique,  tenant  à  un  état  morbide  du  foie  ou  à  toute  autre  circonstance, 
et  le  rendant  ainsi  inutile.  Mais  les  mêmes  lésions  pourraient  tout  aussi 
bien  donner  naissance  à  l'hydropisie  de  la  vésicule,  car  la  sécrétion  mu- 
queuse continue;  et  Durand-Fardel  a  eu  raison  de  combattre  l'explication 
d'Ollivier  et  de  rendre  à  l'inflammation  le  rôle  qui  lui  est  du. 

L'atrophie  de  la  vésicule  ne  parait  pas  en  général  avoir  d'inconvénients 
pour  la  santé.  Les  faits  d'absence  congénitale  de  cet  organe  prouvent  que 
son  utilité  n'est  que  secondaire.  Nous  n'admettrons  donc  pas  que  la  pré- 
sente altération  produise  un  développement  excessif  de  L'appétit,  par  suite 
de  l'écoulement  continuel  de  la  bile  dans  l'intestin  ;  car  rien  ne  prouve 
que  celle  continuité  soit  la  conséquence  du  manque  de  réservoir,  et  que 
les  canaux  hépatiques  dilatés  en  ampoule  ne  puissent  lui  suppléer.  Nous 
croirons  encore  moins  avec  Graz ,  et  avec  Littré  qui  semble  accorder 
quelque  valeur  aux  faits  rapportés  par  le  premier,  que  l'atrophie  de  la 
vésicule  ait  pu  avoir  le  moindre  rapport  avec  certains  désordres  cérébraux 
qui  Font  quelquefois  accompagnée,  mais  à  titre  de  pure  coïncidence. 

2°  Ossification.  —  La  dégénérescence  osseuse  ou  calcaire  de  l'appareil 
excréteur  de  la  bile  reconnaît  presque  toujours  une  origine  pathologique. 
On  sait  qu'en  général  les  conduits  pourvus  d'une  membrane  muqueuse 
subissent  moins  facilement  que  les  vaisseaux  la  transformation  calcaire, 
dite  sénile  ou  physiologique.  La  plupart  des  observations  d'ossification  des 
voies  biliaires  mentionnent,  en  effet,  dans  ces  organes,  des  traces  d'an- 
ciennes phlegmasies,  entretenues  habituellement  par  des  calculs.  La  cin- 
quante-deuxième  observation  d'Amiral  signale  à  la  fois  l'inflammation  de 
la  vésicule,  des  concrétions  osseuses  dans  ses  parois  et  un  développement 
inusité  des  fibres  musculaires.  Dans  un  cas  où  il  y  avait  des  lésions  très- 
complexes  de  l'appareil  biliaire,  Fabre  dit  que  la  vésicule  du  fiel  ne  cédait 
que  très-difficilement  à  une  pression  très-forte;  sa  surface  interne,  très- 
inégale,  ressemblait  exactement  à  celle  des  artères  ossiliées  des  vieillards; 


54  BILIAIRES  (voies).   —  dégénérescences  diverses. 

ses  parois  avaient  plus  d'une  ligue  d'épaisseur;  elles  présentaient  des 
plaques  osseuses  et  cartilagineuses.  Topinard  a  montré  à  la  Société  anato- 
mique  une  vésicule  biliaire  ossifiée,  dont  les  parois  offraient  5  millimètres 
d'épaisseur,  et  qui  fut  trouvée  chez  une  femme  morte  de  gangrène  sentie^ 
c'est-à-dire  dont  les  artères  présentaient  une  altération  de  même  nature. 
Frerichs  a  vu  deux  fois  la  transformation  calcaire  de  la  vésicule  si  com- 
plète, que  la  vésicule  vide  conservait  sa  forme,  grâce  à  des  plaques  osseuses 
irrégulières  de  la  grandeur  d'un  thaler,  qui  s'étaient  développées  dans 
ses  parois.  A  ces  faits,  il  faut  joindre  ceux  que  Littré  a  réunis  et  qui  sont 
dus  pour  la  plupart  à  des  auteurs  plus  anciens.  La  nature  de  cette  ossi- 
lication  n'a  élé  bien  précisée  par  aucun  des  observateurs  qui  l'ont  constatée; 
les  mots  ossification  et  concrétion  calcaire  sont  employés  indifféremment 
par  eux.  Il  est  probable  que  les  deux  formes  existent  ici  comme  dans  les 
vaisseaux.  Pour  compléter  l'analogie,  il  suffit  de  rappeler  que  les  dégéné- 
rescences graisseuse  et  athéromateuse  ont  également  été  observées  dans 
les  parois  des  conduits  biliaires  et  de  la  vésicule  (Virchow  et  Boettclier, 
cités  par  Frerichs) .  Quant  à  l'altération  tuberculeuse  proprement  dite,  elle 
n'a  pas  été  signalée  dans  les  voies  biliaires  elles-mêmes;  mais  il  n'est  pas 
rare  d'observer  des  lésions  de  ces  organes  chez  des  tuberculeux.  On  les  a 
particulièrement  vus  détruits  en  partie  par  des  tumeurs  tuberculeuses 
provenant  de  la  dégénérescence  des  ganglions  qui  occupent  le  hile  du  foie 
(Bouillaud,  Brière  de  Boismont). 

5°  Cancer.  —  ïl  n'est  pas  rare  de  voir  des  cancers  du  foie,  de  l'estomac 
ou  du  petit  épiploon  s'étendre  jusqu'aux  voies  biliaires,  les  comprimer  et 
se  les  assimiler;  on  voit  quelquefois  aussi  le  cancer  de  la  tête  du  pancréas 
s'étendre  jusqu'à  l'embouchure  du  canal  chlolédoque  et  l'oblitérer.  Mais 
nous  voulons  ici  parler  exclusivement  du  cancer  primitif  de  l'appareil 
excréteur  de  la  bile;  il  a  été  observé  avec  ses  différentes  formes.  Durand- 
Fardel  en  a  fait  l'objet  d'une  étude  spéciale  et  en  rapporte  six  cas  bien  dé- 
taillés :  l'encéphaloïde,  le  squirrhe  et  le  cancer  colloïde  y  sont  représentés; 
presque  toujours  le  cancer  occupe  la  vésicule  du  liel  ;  une  seule  fois,  il 
siégeait  dans  le  canal  cholédoque.  Les  Bulletins  de  la  Société  anatomïque 
renferment  sept  observations  de  cancer  primitif  des  voies  biliaires;  cinq 
fois  celui-ci  avait  atteint  la  vésicule  et  deux  fois  le  canal  cystique.  En 
général,  l'espèce  de  cancer  n'y  est  pas  indiquée  ;  les  deux  seules  formes 
dont  il  est  question  sont  l'encéphaloïde  et  le  squirrhe.  On  doit  à  Stokes  une 
observation  de  tumeur  fongueuse  du  canal  cholédoque  avec  dilatation  des 
canaux  biliaires  et  ictères.  Aux  formes  de  cancer  signalées  plus  haut,  il 
faut  joindre  les  végétations  en  chou-fleur,  ou  cancer  villeux  de  Ilokitansky. 
Sauf  un  seul  cas,  où  le  cancer  de  la  vésicule  fut  rencontré  chez  une  femme 
de  vingt-huit  ans  (Markham),  cette  affection  se  rencontre  surtout  chez 
les  vieillards  de  soixante-dix  à  quatre-vingts  ans  (Durand-Fardel).  Un  fait 
remarquable  qui  est  signalé  par  beaucoup  d'observateurs,  c'est  la  fré- 
quente coïncidence  du  cancer  des  voies  biliaires  et  des  calculs.  Frerichs  a  vu 
ce  cas  se  présenter  neuf  fois  dans  onze  observations.  Dans  les  sept  faits  que 
nous  avons  empruntés  aux  Bulletins  de  la  Société  anatomique,  il  y  en  a 


BILIAIRES  (voies).  —  dégénérescences  diverses,  05 

cinq  où  des  calculs  biliaires  existaient  en  même  temps.  Il  est  probable  que 
le  cancer  agit  surtout  comme  obstacle  au  cours  de  la  bile  et  favorise  la 
production  des  calculs  en  opérant  le  stagnation  de  ce  liquide. 

Le  cancer  ne  s'accuse  ordinairement  que  par  les  ciTeis  mécaniques 
qu'il  détermine  sur  ces  parties  et  particulièrement  par  fY  ictère.  Lorsqu'il 
occupe  la  vésicule  et  qu'il  prend  un  grand  développement,  il  forme,  dans 
la  région  occupée  par  cet  organe,  une  tumeur  appréciable  au  toucher. 
Mais  on  comprend  que  ces  signes  sont  plutôt  de  nature  à  fournir  un  dia- 
gnostic erroné.  Dans  la  marche  naturelle  de  l'affection  cancéreuse ,  on 
voit  quelquefois  la  dégénérescence  atteindre  les  parties  voisines,  souder 
la  vésicule  au  côlon,  par  exemple,  et  établir  en  définitive  une  communi- 
cation entre  les  deux  cavités.  Chez  l'un  des  malades  de  Durand-Fardel, 
cette  complication  eut  pour  effet  de  produire  des  vomissements  opiniâtres 
et  de  la  diarrhée  qui  hâtèrent  sa  fin.  Quant  aux  manifestations  de  la 
cachexie  cancéreuse,  elles  apparaîtront  ici  comme  dans  les  autres  locali- 
sations de  la  même  maladie.  En  somme,  le  diagnostic  n'aura  jamais,  dans 
le  cas  actuel,  une  grande  précision.  Cela  ne  sera  regrettable  que  lorsque 
l'erreur  aura  pour  résultat  de  faire  négliger  une  maladie  curable,  et  no- 
tamment l'affection  calculcuse;  car,  pour  le  cancer  lui-même,  il  est  au- 
dessus  de  toute  ressource. 

4°  Hydatides. —  Les  faits  d'hydatides  développées  primitivement  dans  les 
parois  des  conduits  biliaires  sont  très-rares.  Nous  ne  connaissons,  comme 
authentique  que  l'observation  de  Gadet  de  Gassicourt.  Il  s'agissait  d'un 
jeune  garçon  de  dix-sept,  ans  qui  était  affecté  d'ictère,  cl  qui  succomba 
à  des  hémorrhagies  répétées  par  le  nez,  par  les  selles  et  par  les  vomisse- 
ments. Entre  autres  lésions  à  l'autopsie,  on  trouva  sur  le  trajet  du  canal 
•cholédoque  une  poche  de  la  grosseur  d'un  œuf  de  poule  à  peu  près.  Cette 
poche  s'était  en  partie  vidée  par  une  double  ouverture1  dans  la  cavité  même 
du  conduit;  elle  contenait  un  peu  de  bile  et  une  autre  poche  plus  petite 
affaissée  sur  elle-même,  qui  fut  aussitôt  reconnue  pour  une  hydatide.  Le 
canal  cholédoque  avait  été  comprimé  et  assez  altéré  pour  qu'on  ne  pût  pas 
reconnaître  sa  communication  avec  le  duodénum. 

Les  exemples  de  kystes  hydatiques  du  foie  rompus  dans  les  canaux  bi- 
liaires sont  plus  fréquents.  Nous  aurons  à  revenir  sur  cette  question,  soit 
à  l'occasion  des  enlozoaires  trouvés  dans  les  voies  biliaires,  soit  à  propos 
de  l'occlusion  des  conduits  de  la  bile. 


Olli'vier  (d'Angers),  Note  sur  l'atrophie  de  la  vésicule  biliaire  [Àrch.  gén.  de  m  d.  Juin  1824  . 

Fabre  (J.  A.), Ossification  de  la  vésicule  biliaire  [Bull,  delà  Soc.  anat.  1831V 

Littré  (E.),  Ossification  de  la  vésicule  biliaire  [Dict.  de  m  il .  en  50  vol.  2eédil.,   t.  V.  Paris, 

1835,  p.  230). 
Andral    (G.),  Clinique  médicale  de  la  Chant.',  i"  édit.,  t.  11.  Taris.  1839.  52°  observatii  n. 
Bouillaud  (J.),  Recherches  cliniques  sur  les  maladies  de  l'appareil  excréteur  de  la  bile.  LTaobs. 

[Jonrn.  complémentaire  du  Dict.  des  se.  med  .,  t.  XXIX,  1827). 
Biuère  de  Boismont  (A.),  Observations  sur  quelques  maladies  du  l'oie.  8e  ohscrv.    Arch.  gén.  de 

med.  1828). 
Durand-Fardel  (Marc),  Recherches  analoma-palhologïques  sur  la  vésicule  et  les  canaux  bilhires 

[Arch.  gén.  de  med.  1840). 


56  ■    BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse. 

RiciiAitD  (X.),  Oblitération  et  disparition  complète  de  la  vésicule  biliaire  (Bull,  de  la  Soc.  anat. 

1846  . 
Stokes  (AV.),  Observation  d'ictère  produit  par  une  tumeur  fongueuse  du  canal  cholédoque  [Dublin 

Quartcr!!/  Journal  ofmedicine.  Novembre,  1846). 
Jacquemet,  Observation  de  vésicule  biliaire  atrophiée  [Bull,  de  la  Soc.  anat.  1850). 
Capet  Gassicourt,  Observation  de  kyste  hydatique  développé  sur  le  trajet  du  canal  cholédoque 

llull.de  la  Soc.  anat.  1855). 
Topinard  (P.),  Observation  de  vésicule  biliaire  ossifiée  [Bull,  de  la  Soc.  anat.  1850). 
Freiuciis,  Traité   pratique  des  maladies  du   foie.  Trad.   de  Duméml  et  Pellagot.  2e  édit.  Paris, 

1866. 


Affection  calcesieuse. —  Historique.  — Les  calculs  biliaires  et  les 
accidents  qu'ils  déterminent  n'ont  commencé  à  être  de  notion  courante 
que  vers  le  milieu  du  seizième  siècle.  Avant  cette  époque,  on  ne  possé- 
dait aucune  donnée  certaine,  ni  sur  la  nature,  ni  même  sur  l'existence  de 
ces  productions.  Malgré  l'affirmation  de  Portai,  Hippocrate  ni  Galien  n'en 
ont  fait  mention  dans  leurs  ouvrages.  Il  est  probable  cependant  que  les 
pierres  de  la  bile  étaient  souvent  trouvées  sur  les  animaux  et  particulière- 
ment cliez  les  bœufs,  où  elles  sont  assez  communes.  Rhazès,  qui  les  avait 
observées  dans  ce  dernier  cas,  ne  dit  pas  qu'elles  existent  cbez  l'homme. 
Vers  la  fin  du  quinzième  siècle  et  dans  la  première  moitié  du  seizième, 
Gentilis  de  Foligno,  André  Vésale,  et  surtout  Fernel,  pour  ne  rappeler 
que  les  noms  les  plus   connus,  rapportent  non-seulement  des  faits  de 
calculs  biliaires  constatés  chez  l'homme,  mais  aussi  s'inquiètent  de  leurs 
causes  et  de  leurs  symptômes.  En  1565,  Kentmann,  dans  un  travail  que 
le  célèbre  Conrad  Gesner  inséra  dans  son  ouvrage  sur  les  fossiles,  range 
les  calculs  biliaires  parmi  les  douze  espèces  de  concrétions  qui  peuvent 
se  développer  dans  le  corps  de  l'homme.  Une  fois  le  fait  démontré,  la 
plupart  des  médecins  qui  écrivirent  sur  les  maladies  du  foie,  sur  l'ictère 
et  sur  les  douleurs  hépatiques,  firent  implicitement  l'histoire  des  calculs 
biliaires.  Des  hommes  illustres  ont  consacré  des  études  spéciales  à  cette 
question.  A  leur  tête,  il  faut  placer  Fr.  Hoffmann,  Morgagni  et  Haller 
lui-même  qui  reproduit  toutes  les  observations  relatives  à  cette  maladie 
et  publiées  jusqu'en  1764.  Mais  ce  n'est  qu'à  partir  du  moment  où  l'on 
fut  définitivement  fixé  sur  la  véritable  nature  des  concrétions  biliaires, 
que  l'on  conçut  la  prétention  de  les  dissoudre  sur  le  vivant  et  que  Ion 
commença  à  les  traiter  efficacement.  En  1782,  Poulletier  de  la  Salle, 
agissant  d'après  le  conseil  de  Sénac,  constata  que  des  calculs  biliaires  se 
dissolvaient  à  chaud  dans  l'alcool  et  que  la  solution  laissait  précipiter  en 
se  refroidissant  des  lamelles  micacées  qu'il  compara  à  l'acide  borique. 
Fourcroy,  s'emparant  de  ce  fait,  rapprocha  la  matière  des  calculs  bi- 
liaires du  blanc  de  baleine  et  du  gras  de  cadavre,  et  considéra  toutes  ces 
substances  comme  un  seul  et  même  corps  qu'il  désigna  sous  le  nom  à'adi- 
pocire  (1791).  Mais,  en  1814,  Chevreul  sépara  la  première  substance  des 
deux  autres  et  lui  donna  le  nom  de  cholestérine  qu'elle  a  gardé  jusqu' 
nos  jours.  La  cholestérine  ne  constitue  pas  exclusivement  tous  les  calculs 
biliaires  et  nous  verrons  plus  loin  ce  qu'il  en  est  à  cet  égard  ;  mais  on  ne 
peut  méconnaître  que  la  notion  de  son  existence  n'ait  eu  la  plus  grande 


BILIAIRES    (VOIES).    AFFECTION    CALCULEUSE.  57 

influence  sur  la  thérapeutique  de  l'affection  calculeuse  du  foie,  qui  jus- 
qu'alors n'avait  guère  été  qu'empirique.  Cependant,  il  ne  faut  pas  oublier 
que  les  essais  deEtmùller,  deVallisnieri  et  surtout  ceux  deDurande(177ô) 
ont  précédé  les  recherches  plus  rigoureuses  de  la  chimie  moderne. 

Nous  terminerons  cet  aperçu  historique,  en  mentionnant  l'un  des  ou- 
vrages les  plus  récents  sur  les  calculs  biliaires,  celui  de  Franconneau- 
Dufresne  (1851)  qui,  sans  ajouter  aucune  donnée  nouvelle  au  sujet,  a 
cependant  le  mérite  de  l'envisager  sous  tous  ses  aspects  et  de  la  façon  la 
plus  complète.  Enfin  dans  le  traité  des  maladies  du  foie  de  Frerichs  (1862), 
on  trouve  des  détails  très-savants  sur  la  constitution  des  calculs  biliaires 
et  1  on  voit  comment  ceux-ci  offrent  des  rapports  de  composition  assez 
constants  avec  les  éléments  de  la  bile  à  l'état  normal. 

Relativement,  à  la  synonymie  de  l'affection  qui  va  nous  occuper,  nous 
ferons  remarquer  que  les  calculs  biliaires  sont  souvent  désignés  sous  le 
nom  de  cholélithes ;  et  que  l'ensemble  des  conditions  qui  leur  donnent 
naissance,  de  leurs  caractères  propres  et  des  effets  qu'ils  produisent  dans 
l'économie  est  quelquefois  compris  sous  le  titre  collectif  de  lithiase  bi- 
liaire. 

Anatomie  et  chimie  pathologiques.  —  A.  Calculs  biliaires  considérés 
en  eux-mêmes.  —  Ces  concrétions  sont  si  fréquentes  qu'il  en  existe  un 
très-grand  nombre  de  collections  publiques  et  particulières  et  qu'on  a 
tout  le  loisir  de  les  étudier  dans  leurs  caractères  extérieurs  et  sous  le  rap- 
port de  leur  structure  et  de  leur  composition  chimique. 

Caractères  extérieurs.  —  11  est  plus  rare  de  rencontrer  un  calcul  unique 
que  d'observer  un  assez  grand  nombre  de  ces  productions.  Elles  peuvent 
quelquefois  arriver  à  un  chiffre  prodigieux  :  Morgagni  cite  le  fait  d'un 
individu  dont  la  vésicule  agrandie  contenait  3646  petits  calculs  ;  Frerichs 
rapporte  (pie  la  collection  d'Otto  possède  une  vésicule  renfermant  7802 
calculs.  Le  plus  ordinairement  leur  nombre  est  de  2  à  10.  En  général, 
plus  ils  sont  multipliés,  moins  leur  volume  est  considérable;  celui-ci 
varie  depuis  la  grosseur  d'un  œuf  de  poule,  et  plus,  jusqu'au  degré  du 
sable  le  plus  fin.  L'un  des  plus  gros  connus  a  été  décrit  par  J.  F.  Meckel; 
il  mesure  cinq  pouces  de  longueur  et  quatre  pouces  de  circonférence. 
Nous  avons  sous  les  yeux  un  très-beau  calcul  ayant  3  centimètres  et 
demi  de  diamètre  et  pesant  14  grammes;  nous  possédons  d'autre  part 
une  collection  entière  de  ces  concrétions  trouvées  dans  une  seule  vésicule 
et  dont  beaucoup  ont  le  volume  d'un  gros  pois,  mais  dont  le  plus  grand 
nombre  sont  si  petits  que  nous  avons  renoncé  à  les  compter.  On  a,  d'après 
cela,  distingué  pour  les  voies  biliaires  comme  pour  les  voies  urinaires 
les  calculs  proprement  dits,  les  graviers  et  le  sable;  on  a  même  parlé 
d'une  boue  biliaire.  Souvent  ces  productions  ne  sont  que  des  débris  de  cal- 
culs dissociés  spontanément  ou  par  suite  des  frottements  qu'ils  exercent 
les  uns  contre  les  autres. 

Lorsqu'un  calcul  biliaire  est  unique,  il  affecte  habituellement  la  forme 
olivaire,  c'est-à-dire  avec  une  dimension  qui  l'emporte  sur  les  deux 
autres  et  avec  une  surface  régulièrement  arrondie  ou  légèrement  mûri- 


58  BILIAIRES  (voies).  —  affection  galculècse. 

forme;  cependant  le  calcul,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  est  polyédrique 
et  à  cinq  angles.  Quelquefois  la  concrétion  semble  s'être  moulée  sur  les 
cavités  qui  l'ont  contenue  :  un  calcul  du  réservoir  de  la  bile,  qui  empiète 
sur  le  canal  cystique,  présente  ordinairement  un  étranglement  correspon- 
dant au  rétrécissement  formé  par  le  col  de  la  vésicule.  On  voit  parfois 
dans  les  conduits  biliaires,  et  Glisson  a  signalé  ce  cas  chez  le  bœuf  où  il 
n'est  pas  rare,  des  concrétions  ramifiées  comme  les  branches  du  corail  et 
même  tubulées  à  l'intérieur.  Il  y  a  encore  bien  d'autres  dispositions  rela- 
lives  à  la  forme  des  calculs  biliaires.  Lorsque  ceux-ci  sont  multiples,  ils 
offrent  des  facettes  qui  sont  déterminées  par  le  frottement  qu'ils  ont 
exercé  l'un  contre  l'autre  et  dont  le  nombre  est  en  rapport  avec  celui  des 
corps  de  même  nature  avec  lesquels  ils  ont  pu  entrer  en  contact.  Dans 
certains  cas,  un  calcul  se  creuse  à  ce  frottement  et  finit  par  recevoir  celui 
qui  le  touche  comme  un  condyle  dans  une  cavité  glénoïdc. 

La  couleur  des  calculs  biliaires  n'est  pas  moins  variable  que  leur 
forme.  Il  faut  lire  dans  Morgagni  l'extrême  diversité  qu'ils  peuvent  pré- 
senter à  cet  égard.  On  comprend,  d'ailleurs,  l'importance  qu'on  accordait 
alors  aux  apparences  tout  extérieures  de  productions  dont  on  ignorait  la 
composition  chimique.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  qu'on  a  vu  des  calculs 
biliaires  tout  à  fait  noirs  et  d'autres  tout  a  fait  blancs;  qu'on  en  voit  qui 
sont  brillants  et  nacrés  comme  des  perles,  ou  demi-transparents  comme 
de  la  gomme  arabique.  Entre  ces  extrêmes,  on  a  signalé  toutes  les  nuances 
intermédiaires,  même  la  nuance  bleue.  Le  beau  calcul,  que  nous  avons  ob- 
servé et  auquel  nous  avons  déjà  fait  allusion  deux  fois,  offre  sur  certains 
points  une  couleur  rouge-grenat  très-accusée.  Mais,  en  général,  les  con- 
crétions biliaires,  malgré  des  lavages  répétés,  restent  teintées  par  la  bile  : 
c'est-à-dire  qu'elles  sont  d'un  jaune  verddtre  plus  ou  moins  foncé,  ou  d'un 
brun  sale. 

Leur  densité  est  ordinairement  assez  faible  et  on  est  surpris  de  leur 
légèreté  lorsqu'on  les  soupèse  dans  la  main;  cependant  elles  ne  surnagent 
jamais  lorsqu'on  les  jette  dans  l'eau,  même  lorsqu'elles  sont  exclusive- 
ment composées  de  cholestérine,  à  moins  qu'elfes  n'aient  été  conservées 
depuis  longtemps  et  qu'elles  ne  soient  complètement  desséchées.  On  a  vu 
des  calculs  biliaires  perdre  en  quelques  années  près  de  la  moitié  de  leur 
poids  sans  changer  de  volume;  c'est  l'eau  de  combinaison  qui  s'évapore  et 
qui  laisse  des  interstices  remplis  d'air,  en  rendant  le  calcul  poreux  et 
friable. 

Les  calculs  biliaires  sont  ordinairement  d'un  contact  doux  et  comme 
savonneux  ;  il  se  rayent  facilement  avec  l'ongle  et  se  dissocient  parfois  en 
fragments  nombreux  lorsqu'on  cherche  à  les  écraser.  Parmi  ces  produc- 
tions, il  en  est  un  grand  nombre  qui  sont  inflammables  et  qui  brûlent 
comme  de  la  graisse  (Cortesi  cité  par  Morgagni)  :  c'est  déjà  un  premier 
caractère  chimique  des  calculs  biliaires  et  qui  existe  en  dehors  de 
outc  condition  de  forme  et  de  couleur.  Mais  tous  les  calculs  biliaires  ne 
sont  pas  inflammables  :  nous  verrons  bientôt  à  quoi  cette  différence  cor- 
respond. 


BILIAIRES  (voies).  —  affection  calclleuse.  59 

Structure. — La  structure  delà  plupart  des  calculs  biliaires  est  celle 
d'un  agrégat  cristallin;  ils  sont  constitués  ^r^s^^^rw 

en  général  par  une  partie  («entralc  qu'on  /$L 
appelle  le  noyau,  par  une  couche  moyenne 
et  par  une  enveloppe  ou  écorce  (flg.  1). 
Le  noyau  est  presque  toujours  d'une 
nature  très -différente  des  deux  autres 
couches.  Le  plus  souvent,  c'est  un  peu 
de  bile  concrétée  qui  le  forme;  plus  rare-  Fig.  1.  -  Coupe  d'un  calcul  biliaire 
ment  il  est  représenté  par  un  corps  tout  ^MF™^  *"  "  """ 
à  fait  étranger  aux  voies  biliaires  :  par 

un  petit  caillot  sanguin  (Bouisson)  ;  par  un  lombric  mort  et  desséché 
(Lobstein),  ou  par  un  distome  (Bouisson,  chez  le  bœuf);  par  une  ai- 
guille qui  avait  traversé  la  paroi  de  la  vésicule  (Nauche);  par  des  <jlo- 
bules  (le  mercure,  comme  cela  a  été  observé  chez  des  individus  qui 
avaient  suivi  un  traitement  antisyphilitique  (  Lacarterie,  Beigel).  Entin 
dans  le  cas  le  plus  extraordinaire,  Frerichs  et  Fuchs  ont  vu  un  calcul 
biliaire,  pesant  quatre  onces,  qui  s'était  développé  dans  un  abcès  du 
foie,  occasionné  par  un  ulcère  perforant  de  l'estomac  et  dont  le  centre 
était  formé  par  un  noyau  de  prune.  La  couche  moyenne  et  Vécorce,  or- 
dinairement de  même  composition,  malgré  quelque  différence  de  colo- 
ration, présentent  des  stratifications  concentriques  et  des  stries  radiées 
qui  se  portent  du  centre  à  la  périphérie.  Dans  certains  calculs,  la  simple 
fragmentation  démontre  une  disposition  cristalline  évidente  cl  leur  donne 
l'aspect  d'une  géode  remplie  de  feuillets  micacés.  L'apparence  stratifiée 
de  la  couche  moyenne  témoigne  d'un  accroissement  intermittent  de  la 
part  du  calcul  ;  et  lorsque  celui-ci  est  très- volumineux,  l'accroissement 
s'étant  fait  d'une  manière  inégale,  le  noyau  au  lieu  d'être  central  est 
plus  ou  moins  rapproché  de  la  surface.  Quelques  calculs  possèdent  plu- 
sieurs noyaux  :  Fauconneau-Dufresne  en  a  constaté  quatre  sur  un  calcul 
de  forme  pyramidale,  et  Guilbcrt  jusqu'à  cinq.  Il  s'agit  évidemment  de 
plusieurs  calculs  qui,  après  s'être  développés  isolément,  ont  fini  par  se 
souder  entre  eux  et  par  être  englobés  sous  une  enveloppe  commune  :  Mor- 
gagni  parle  d'un  calcul  creux  en  dedans  et  en  renfermant  plusieurs  autres 
de  couleur  noire.  Les  différentes  parties  d'un  calcul  ont  parfois  un  aspect 
hétérogène  :  une  extrémité  sera  par  exemple  demi-transparente  et  cristal- 
line, et  l'autre  sera  opaque  et  évidemment  calcaire. 

C'est  d'après  l'ensemble  de  ces  caractères  extérieurs  qu'on  a  tenté  de 
soumettre  les  calculs  biliaires  à  une  classification  aussi  rigoureuse  que  les 
corps  qui  appartiennent  à  l'histoire  naturelle.  Celle  qui  est  restée  la  plus 
célèbre  sous  ce  rapport  est  due  à  A.  Walter,  qui  l'imagina  pour  la  col- 
lection du  musée  de  Berlin.  Mais,  en  dehors  de  la  constitution  chimique 
prise  pour  hase,  toute  classification  des  corps  de  cette  sorte  est  et  doit 
demeurer  stérile. 

Composition  chimique.  —  Les  calculs  biliaires  sont  presque  toujours 
formés  par  un  ou  plusieurs  des  éléments  qui  entrent  dans  la  constitution 


60  BILIAIRES  (voies).  —  affection  càlculeuse. 

de  la  bile  à  l'état  normal  ;  il  faut  donc  avoir  bien  présente  à  l'esprit  la 
composition  de  cette  humeur  pour  analyser  avec  méthode  les  concrétions 
qn'elle  laisse  déposer  (voy.  Bile).  Après  avoir  constaté  leurs  caractères 
extérieurs,  on  en  soumet  une  petite  portion  à  l'action  des  dissolvants,  et 
particulièrement  de  l'alcool  employé  à  chaud;  après  le  refroidissement  de 
la  solution  on  obtient  ordinairement  une  cristallisation  dont  on  déter- 
mine les  caractères  à  l'aide  du  microscope.  Cette  méthode  d'analyse  si 
simple,  à  laquelle  on  peut  ajouter  l'emploi  de  quelques  réactifs  sur  la 
lamelle  même  que  l'on  examine  avec  l'instrument  grossissant,  fournit  des 
résultats  très-satisfaisants.  Voyons  maintenant  quelle  part  prennent  à  la 
formation  des  calculs  les  principaux  éléments  de  la  bile. 

1°  Cholestérine.  —  La  cholestérine  forme  h  elle  seule  un  grand  nombre 
de  calculs  biliaires  et  elle  entre  dans  la  composition  de  presque  tous  ceux 
qui  sont  complexes.  C'est  elle  qui  se  rencontre  à  l'état  de  pureté  presque 
parfaite  dans  ces  concrétions  qui  ressemblent  à  des  perles  pour  l'éclat  et 
l'aspect  nacré,  ou  dans  celles  qui  offrent  la  demi-transparence  de  la  gomme 
ou  du  sucre  d'orge.  Les  calculs  biliaires  lui  doivent  leur  faible  pesanteur 
spécifique,  leur  contact  onctueux,  leur  combustibilité  et  leur  aspect  cris- 
tallin à  l'intérieur.  Elle  se  dissout  très-bien  dans  l'alcool  chaud  et  fournit 
par  le  refroidissement  des  cristaux  en  forme  de  tablettes  rhomboïdales. 
L'acide  sulfurique  la  colore  en  rouge  orangé,  même  à  la  température 
ordinaire. 

2°  Matières  colorantes.  —  Les  matières  colorantes  de  la  bile  paraî- 
traient très-multipliées  si  on  ne  les  considérait  pas  comme  des  dérivées 
d'une  seule  et  même  substance  assez  bien  définie  qui  est  la  cholépyrrhine 
de  Berzelius.  La  cholépyrrhine  se  rencontre  surtout  dans  le  noyau  et 
dans  l'écorce  des  calculs  qui  lui  doivent  leur  coloration  plus  foncée  que 
celle  de  la  couche  intermédiaire.  Elle  y  est  rarement  à  l'état  de  pureté, 
presque  toujours  elle  est  combinée  avec  des  sels  calcaires  qui  dénaturent 
un  peu  sa  véritable  nuance.  Par  elle-même  elle  est  soluble  clans  le  chlo- 
roforme, qui  par  l'évaporation  la  laisse  cristalliser  en  aiguilles,  en 
prismes  et  en  lamelles;  elle  est  d'une  couleur  brun-rouge  intense  ou 
grenat;  c'est  elle  qui,  sous  l'influence  de  l'acide  azotique,  passe  successi- 
vement au  vert,  au  bleu,  au  violet,  au  rouge,  au  jaune,  puis  enfin  se  dé- 
colore. Cette  réaction,  souvent  appliquée  aux  urines  ictériques,  est  bien 
connue. 

La  matière  colorante  verte  proprement  dite,  ou  choléchlorine,  n'entre 
que  rarement  dans  la  composition  des  calculs  biliaires  ;  elle  n'est  d'ail- 
leurs qu'un  dérivé  de  la  cholépyrrhine.  Comme  dérivés  encore  plus  éloi- 
gnés de  ces  substances,  nous  rappellerons  la  matière  pigmentaire  brune 
et  presque  noire  qui  colore  si  fortement  certains  calculs;  quelques  con- 
crétions semblent  même  formées  exclusivement  par  l'agrégation  d'une 
poussière  charbonneuse  sur  laquelle  les  réactifs  n'ont,  pour  ainsi  dire,  au- 
cune action  :  ce  sont  les  calculs  mélaniques  de  Fauconneau-Dufresnc.  Ils 
ne  sont,  du  reste,  jamais  composés  de  carbone  tout  à  fait  pur,  et  la  potasse 
leur  enlève,  comme  à  l'humus,  une  certaine  proportion  de  matière  soluble. 


BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse.  61 

5°  Acides  spéciaux  de  la  bile  libres  ou  combinés  à  la  chaux.  —  Le  cholate 
de  chaux  existe  surtout  dans  les  calculs  des  ruminants  ;  il  est  soluble  dans 
l'alcool  et  cristallise  en  aiguilles  allongées,  effilées  à  leurs  deux  extré- 
mités. Le  glycocholate  de  la  même  base,  obtenu  par  Frerichs  à  l'aide 
de  la  solution  alcoolique  d'un  calcul  de  l'homme,  se  montra  sous  forme 
de  petites  conglomérations  brillantes  et  semblables  à  la  leucine.  Les  deux 
acides  de  ces  sels  et  l'acide  taurocholique  existent  quelquefois  à  l'état 
libre  dans  les  calculs  biliaires  du  bœuf.  Dans  une  analyse  que  nous  avons 
faite  d'un  calcul  de  l'homme,  au  moyen  de  la  simple  dissolution  alcoo- 
lique, nous  avons  trouvé  deux  ordres  de  cristaux  très-distincts  (fig.  2), 


Fie.  2.  —  Analyse  microscopique  tFun  calcul  biliaire.  —  1.  Tablettes  rhomboïdales  de  choles- 
térine. —  '2.  Cristaux  aiguillés  de  cholate  de  chaux.  —  .">.  Cristaux  bacillaires  de  même  sub- 
stance. —  \.  Matière  grasse  cristallisée;  margarine?  —  à.  Substance  amorphe  colorée  eu  vert. 
(Obtenu  avec  la  solution  alcoolique). 


les  uns  sont  évidemment  des  tablettes  rhomboïdales  de  eholestérin<\  les 
autres  ayant  la  forme  d'aiguilles  à  deux  pointes  et  légèrement  arquées 
correspondent  assez  bien  aux  représentations  que  l'on  donne  du  cholate 
de  chaux.  On  remarquera  (pie  c'est  la  chaux  qui  ligure  surtout  comme 
base  dans  les  calculs,  tandis  que  dans  la  bile  normale  les  mômes  acides 
sont  combinés  à  la  soude. 

4°  Sels  calcaires.  —  On  a  décrit  des  calculs  exclusivement  composés 
de  carbonate  de  chaux  et  d'autres  où  cette  substance  existait  en  grande 
proportion.  Le  phosphate  de  chaux  ligure  aussi  dans  la  constitution  de  la 
plupart  de  ces  calculs.  Amiral  cite  un  fait  dans  lequel  il  a  constaté  plu- 
sieurs calculs  phosphatiques. 

5°  Substances  diverses.  —  On  a  trouvé  dans  certains  calculs  de  la 
margarine  et  du  margarate  de  chaux.  Frerichs  rapporte  l'analyse  d'un 
calcul  biliaire  de  l'homme,  dans  lequel  il  trouva  68  pour  100  de  marga- 
rate de  chaux.  On  reconnaît  les  caractères  de  cette  substance  en  isolant 


62  BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse. 

l'acide  gras  qui  cristallise  dans  l'alcool  sous  forme  de  lamelles  elliptiques. 

Des  mucus  et  des  lamelles  à'épithélium  se  rencontrent  souvent  dans  le 
noyau  des  calculs  biliaires. 

On  a  encore  constaté  dans  ces  concrétions  la  présence  du  fer,  du  mari* 
gmèse,  du  cuivre  et  des  sels  de  magnésie. 

Entin  on  y  aurait,  dans  quelques  cas  exceptionnels,  reconnu  l'existence 
de  V acide  urique.  Ce  fait  a-t-il  été  bien  vérifié,  ou  bien  faut-il,  avec  Fre- 
richs,  le  mettre  sur  le  compte  d'une  confusion  opérée  dans  une  collec- 
tion avec  des  calculs  urinaires? 

Quelques-uns  des  éléments  que  nous  venons  d'énumérer  hgurent  par- 
fois d'une  façon  dominante  dans  certains  calculs  biliaires  ;  mais  la  plu- 
part, à  l'exception  de  la  cholestérinc,  ne  s'y  trouvent  que  dans  une  pro- 
portion très-secondaire  et  surtout  éminemment  variable.  Il  en  résulte 
qu'il  est  impossible  d'exprimer  dans  un  tableau  synoptique  la  composition 
de  ces  concrétions. 

B.  Action  des  calculs  biliaires  sur  les  parties  qui  les  contiennent.  —  Des 
calculs  ont  été  rencontrés  dans  les  différents  points  des  voies  biliaires.  Ils 
se  développent  primitivement,  soit  dans  les  radicules  des  conduits  hépa- 
tiques, soit  surtout  dans  la  vésicule.  Ils  grossissent  sur  place,  ou  bien  de 
là  ils  cheminent  vers  les  autres  sections  de  l'appareil  excréteur  de  la  bile, 
vers  le  canal  hépatique,  ou  vers  le  canal  cystique,  et  en  définitive  vers  le 
canal  cholédoque.  Ils  s'arrêtent  souvent  en  route  et  vont  sans  cesse  en 
s'accroissant  par  l'addition  de  nouvelles  couches. 

La  présence  des  calculs  biliaires  dans  l'intérieur  du  foie  est  assez  excep- 
tionnelle pour  que  Morgagni  ait  pris  soin  de  rappeler  tous  les  auteurs 
qui  l'avaient  constatée.  Il  pense  que  ces  concrétions  occupent  toujours  les 
branches  même  du  conduit  hépatique  et  n'accorde  qu'avec  peine  à  Riedlin 
qu'elles  puissent  se  développer  dans  les  grains  glanduleux  du  foie.  Quoi 
qu'il  en  soit,  les  calculs  peuvent  acquérir  même  dans  ces  parties  un  vo- 
lume considérable  en  dilatant  sous  forme  de  kyste  le  canalicule  qui  les 
renferme.  Dans  certains  cas,  ils  sont  si  nombreux  qu'il  semble  que  tout 
le  foie  ait  été  injecté  par  ces  concrétions  et  qu'il  soit  impossible  de  le 
couper  avec  le  scalpel  (Chopart  cité  par  Fauconneau-Dufresne).  Parmi  les 
observateurs  plus  récents,  P.  Bérard,  Aubry,  Barth  et  Duménil  ont  rap- 
porté des  faits  de  cette  nature.  Quelquefois,  mais  surtout  cbez  les  ani- 
maux, on  trouve  dans  les  canaux  biliaires  de  véritables  incrustations  co- 
ralloïdes,  creusées  d'un  conduit  central.  Plater  et  Glisson  ont  signalé  cette 
disposition  chez  le  bœuf,  Reverhorst  l'a  également  trouvée  sur  le  cadavre 
d'un  homme.  Morgagni  la  compare  ingénieusement  aux  dépôts  calcaires 
qui  iinissent  par  obstruer  les  conduites  d'eau. 

Pour  les  autres  dépendances  des  voies  biliaires,  il  nous  suffira  de  dire 
qu'autant  les  calculs  intra-hépatiques  sont  rares,  autant  ceux  de  la  vési- 
cule sont  fréquents.  C'est  là  qu'ils  se  produisent  de  préférence;  ils  s'y 
multiplient  quelquefois  en  nombre  considérable  en  développant  les  dimen- 
sions de  l'organe  d'une  faeon  excessive.  On  voit  souvent  un  calcul  à 
moitié  engagé  dans  le  col  de  la  vésicule,  ou  dans  l'origine  du  canal  cys- 


BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse.  03 

tique  ;  il  peut  en  être  de  môme  à  l'embouchure  du  eaual  cholédoque  dans 
le  duodénum  :  ce  qui  démontre  très-clairement  la  tendance  de  la  part  des 
calculs  au  cheminement  dont  nous  parlions  plus  haut,  et  ce  qui  peut  les 
conduire  à  être  rcjctés  par  les  vomissements  ou  par  les  garde-robes. 

Souvent  un  calcul  se  lixe  sur  un  point  de  la  muqueuse  des  voies  biliai- 
res, y  prend  droit  de  domicile  et  finit  par  s'y  enchatonner.  Les  Bulletins 
de  la  Société  anatomique  renferment  plusieurs  exemples  de  cette  disposi- 
tion ;  Barth  en  rapporte  quatre  cas  pour  sa  part.  Ce  n'est  pas  seulement 
dans  la  vésicule  elle-même  qu'a  lieu  cet  enchatonnement,  mais  aussi 
dans  son  col  et  dans  le  canal  cystique.  11  arrive  parfois  que  le  calcul  sem- 
ble être  placé  tout  à  fait  en  dehors  de  la  vésicule  ;  il  est  enveloppé  de 
toutes  parts,  ne  communique  en  aucune  façon  avec  la  cavité  du  réservoir, 
et  cela  sans  qu'on  trouve  de  trace  d'ulcération  ni  de  cicatrice.  11  faut  ad- 
mettre alors  que  les  calculs  ont  pris  naissance  dans  les  glandules  de  la 
muqueuse  et  que  L'orifice  de  celles-ci  passe  inaperçu  ou  s'est  oblitéré. 
Dans  ces  conditions,  la  vésicule  semble  présenter  des  diverticulcums  ou 
bien  être  cloisonnée  par  des  replis  valvulaires  de  la  membrane  muqueuse: 
ce  qui  rappelle  la  disposition  des  vessies  dites  à  cellules  et  à  colonnes. 

Après  la  circonstance  de  l'enchatonnemeint  des  calculs,  nous  devrions 
mentionner  les  phénomènes  d'occlusion  qu'ils  déterminent  lorsqu'ils 
viennent  à  obstruer  complètement  le  conduit  où  ils  ont  pénétré.  Mais  les 
calculs  ne  sont  pas  la  seule  cause  qui  amène  l'occlusion  des  voies  biliaires; 
cet  accident  présente  du  reste  une  physionomie  assez  accusée  pour  que 
nous  en  fassions  l'objet  d'une  étude  spéciale  (voy.  p.  96). 

A  coté  de  la  dilatation  des  voies  biliaires  que  produit  parfois  l'obstruc- 
tion d'un  point  de  leur  parcours,  il  faut  placer,  en  opposition,  les  faits 
de  retrait  et  d'atrophie  de  lavésicule,  qui  se  montrent  lorsque  celle-ci  est 
entièrement  remplie  par  un  ou  plusieurs  calculs  et  (pie  la  bile  n'y  a  plus 
accès.  Nous  avons  étudié  ce  cas  en  un  autre  endroit  à  propos  de  l'atrophie 
de  la  vésicule  en  général  (voy.  p.  52). 

L'action  des  calculs  sur  les  voies  biliaires  détermine  souvent  leur  in- 
flammation :  celle-ci  s'y  manifeste  à  tous  les  degrés,  depuis  la  simple  rou- 
geur des  phlegmasies  catarrhales,  jusqu'à  la  suppuration,  l'ulcération  et  la 
gangrène.  En  faisant  l'histoire  anatomique  de  l'angéiocholéite  nous,  avons, 
à  vrai  dire,  eu  égard  surtout  à  celle  qui  est  occasionnée  par  la  présence 
des  calculs.  On  devra  donc  se  reporter  à  l'endroit  où  nous  avons  décrit 
les  lésions  propres  à  L'inflammation  des  voies  biliaires,  soit  existant  ac- 
tuellement, soit  étudiée  dans  ses  conséquences  (voy.  p.  45).  Nous  rap- 
pellerons seulement  que  l'inflammation  peut  dépasser  les  limites  de  la 
membrane  muqueuse,  devenir  phlegmoncuse  et  se  développer  même 
d'une  façon  indépendante  dans  le  tissu  cellulaire  extra-vrésiculaire  où  elle 
forme  des  abcès  de  voisinage.  D'autres  fois,  et  nous  n'avons  pas  cité  ce 
cas,  l'inflammation  s'étend  aux  branches  et  aux  rameaux  de  la  veine 
porte  et  l'on  voit  se  produire  une  phlébite  suppurative  avec  infection 
purulente.  (Obs.  de  Contesse.) 

L'inflammation  dans  sa  force  ulcéreuse  a  souvent  pour  effet  d'ouvrir 


64  BILIAIRES  (voies).  —  affectio.n  calculeuse. 

une  voie  nouvelle  aux  calculs,  et  de  permettre  l'épanchement  de  la  bile 
dans  le  péritoine.  L'évacuation  des  calculs  dans  ce  cas  se  fait  d'une  manière 
très-variable.  On  les  voit  tantôt  passer  dans  le  tissu  cellulaire  qui  unit  la 
vésicule  au  foie  (Barth);  tantôt  dans  une  excavation  ulcéreuse  du  foie 
lui-même  ;  tantôt,  à  la  suite  d'adhérences  établies  entre  les  voies  biliaires 
et  les  cavités  qui  les  avoisinent,  ils  se  dirigent  vers  le  côlon  transverse, 
vers  l'estomac,  vers  le  duodénum  ou  vers  le  tégument  externe.  Une  com- 
munication pourrait  même  s'établir  avec  les  voies  urinaires,  si  on  admet 
comme  démontrés  deux  faits  que  mentionne  Fauconneau-Dufresne.  Enfin 
on  a  encore  signalé  le  passage  des  calculs  biliaires  dans  la  veine  porte. 
Realdus  Columbus  nous  a  conservé  l'histoire  d'Ignace  de  Loyola,  chez 
lequel  trois  calculs  s'étaient  frayé  un  chemin  de  la  vésicule  jusqu'au  con- 
fluent de  ce  vaisseau.  Camicenus  a  rapporté  un  fait  de  même  genre  et 
Fr.  Deway  l'a  également  observé  de  nos  jours.  Ce  qui  prouve  que  les 
concrétions  trouvées  dans  la  veine  porte  ou  dans  ses  branches,  sont  bien 
d'origine  biliaire  et  ne  sont  point  des  phlébolithes,  c'est  leur  composition 
dans  laquelle  figure  la  cholestérine,  et  c'est  aussi,  comme  dans  les  cas  de 
Camicenus  et  de  Deway,  la  coexistence  de  semblables  productions  dans 
les  conduits  habituels  de  la  bile,  avec  des  lésions  intermédiaires  qui  té- 
moignent d'un  cheminement  opéré  à  l'aide  de  l'inflammation  et  de  l'ul- 
cération. 

Quelquefois  on  trouve  dans  le  tube  digestif  des  calculs  volumineux  qui 
ont  la  même  composition  que  les  calculs  biliaires,  sauf  peut-être  dans 
leurs  couches  extérieures  qui  ont  pu  être  ajoutées  après  leur  chute  pré- 
sumée dans  l'intestin.  Comme  ces  concrétions  n'ont  pu,  en  raison  de  leur 
volume,  être  évacuées  par  les  voies  ordinaires,  il  faut  admettre  qu'elles 
n'ont  pénétré  dans  le  canal  intestinal  que  par  une  communication  listu- 
leusc  établie  entre  celui-ci  et  la  vésicule.  Nous  verrons  que  ces  calculs 
ont  parfois  déterminé  des  accidents  d'iléus. 

Pour  compléter  le  tableau  des  lésions  variées  auxquelles  les  calculs  bi- 
liaires peuvent  donner  lieu,  nous  nous  contenterons d'énumérer  :  l'épaissis- 
sement  des  parois  de  la  vésicule  et  le  développement  de  ses  fibres  mus- 
culaires, la  coïncidence  fréquente  du  cancer  du  foie  ou  de  l'estomac,  et 
enfin,  dans  certains  cas  plus  rares,  les  altérations  propres  à  l'atrophie 
jaune  du  foie  et  la  cirrhose. 

Etiologie.  —  Les  causes  qui  président  à  la  formation  des  calculs  bi- 
liaires sont  assez  multipliées  en  apparence,  mais  en  somme  elles  se  rap- 
portent toujours  aux  conditions  qui  favorisent  la  précipitation  des  maté- 
riaux de  la  bile,  soit  à  leur  état  naturel,  soit  ayant  subi  des  altérations 
secondaires.  Nous  apprécierons  donc  d'abord  les  circonstances  de  cette 
précipitation,  c'est-à-dire  les  phénomènes  immédiats  de  la  formation  des 
calculs,  puis  ensuite  les  conditions  générales  et  particulières  qui  la  prépa- 
rent de  longue  main. 

A.  Phéno7nènes  immédiats  de  la  formation  des  calculs  biliaires.  —  Il 
faut  laisser  de  côté  la  théorie  du  tartre  de  Paracelse  et  d'autres  explica- 
tions bizarres  qui  avaient  cours  autrefois  sur  la  production  des  calcu's  bi- 


BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse.  G5 

liaires  et  en  arriver  tout  de  suite  aux  analyses  délicates  de  la  chimie 
moderne.  Chacun  des  principes  élémentaires  des  concrétions  hépatiques 
dérivant  de  l'une  des  substances  constituantes  de  la  bile,  voyons  comment 
il  se  fait  que  celles-ci,  plus  ou  moins  modifiées,  se  solidifient  et  se  grou- 
pent sous  lorme  de  calculs. 

La  cholestérine  existe  constamment  dans  la  bile  comme  élément  nor- 
mal :  Chevreul  l'a  démontré  pour  la  première  fois  en  1825  chez  un 
homme  qui  venait  de  se  tuer  par  accident.  Sa  proportion  paraît  y  être 
très-variable  et  elle  n'a  point  encore  été  fixée  par  des  chiffres.  Elle  y  est  à 
l'état  de  dissolution,  bien  que  Bouisson  ait  soutenu  l'opinion  contraire. 
Ce  sont  les  savons  biliaires  et  surtout  la  cholate  de  soude  qui  aident  à  la 
dissoudre  ;  en  effet  Berzelius  a  reconnu  qu'elle  se  précipite  lorsqu'après 
avoir  séparé  le  mucus  par  l'alcool  on  fait  agir  l'acide  sulfurique.  On  la 
voit  également  cristalliser  en  plus  grande  abondance  dans  la  bile  verte, 
c'est-à-dire  acide,  que  dans  la  bile  jaune  ou  alcaline.  Quant  à  l'origine  de 
la  cholestérine,  il  ne  paraît  pas  que  cette  substance  soit  formée  de  toutes 
pièces  dans  le  foie;  elle  est*  un  produit  de  la  dénutrition  de  certains 
tissus  et  le  foie  ne  serait  qu'un  organe  d'élimination  pour  ce  principe, 
comme  le  rein  pour  l'urée.  Cette  opinion,  soutenue  en  dernier  lieu  par 
Austin  Flint,  est  très-plausible  si  l'on  songe  dans  combien  de  tissus, 
d'humeurs  et  de  productions  pathologiques,  on  voit  ligurer  le  corps  en 
question.  11  suffit  pour  s'en  convaincre  de  consulter  le  tableau  qu'en  ont 
dressé  Robin  et  Verdeil  dans  leur  Traité  de  chimie  anatomique.  La  cho- 
lestérine circule  même  normalement  avec  le  sang.  On  conçoit  d'après  cela 
que  l'élimination  de  ce  produit  peut  varier  beaucoup  dans  son  activité  ; 
et,  comme  c'est  un  corps  insoluble  dans  l'eau,  la  moindre  circonstance 
peut  en  opérer  la  précipitation,  tandis  que  l'urée  s'évacue  en  quantité  in- 
déterminée et  sans  jamais  former  de  concrétions. 

Les  mêmes  conditions  de  solubilité  et  de  précipitation  se  rencontrent 
pour  la  cholépyrrhinc.  Cette  substance  ne  se  dissout  qu'à  l'aide  du  cho- 
late de  soude,  ou  de  toute  autre  liqueur  alcaline,  et  elle  critallise  dès  que 
la  bile  devient  acide.  Seulement,  comme  c'est  \m  composé  moins  stable 
(pie  la  cholestérine,  elle  donne  rapidement  des  dérivés  de  toute  nuance, 
surtout  en  se  combinant  à  la  chaux  dont  nous  indiquerons  tout  à  l'heure 
l'origine. 

Le  cholate  de  soude  subit  des  altérations  correspondantes  dans  un  milieu 
acide;  l'acide  cholique,ou  résine  biliaire,  devenu  libre,  reste  rarement  à 
l'état  de  pureté;  il  donne  rapidement  naissance  à  des  dérivés  nombreux, 
soit  en  séjournant  au  milieu  delà  bile  en  stagnation,  soit  dans  les  opéra- 
tions de  l'analyse  chimique.  L'acide  margarique  offre  beaucoup  plus  de 
stabilité  et  se  présente  toujours  avec  les  mêmes  caractères. 

Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  ces  cas,  c'est  "l'apparition  de 
la  chaux  qui  tixe  la  plupart  de  ces  produits  et  qui  entre  pour  une  si  large 
part  dans  la  constitution  des  calculs.  D'après  Frcriehs,  elle  ne  provien- 
drait pas  du  foie,  mais  de  la  muqueuse  de  la  vésicule.  Cet  observateur 
aurait  vu  sur  la  face  interne  de  cette  cavité   d'innombrables  cristaux  de 

NOl'V.    PICT.    MÉD.    ET    C.1III1.  V.    —    J 


GG  BILIAIRES  (voies).  —  affection  calcijleuse. 

carbonate  de  chaux;  et  dans  un  cas  où  un  calcul  adhérait  aux  parois  de  la 
cholécyste,  il  aurait  constaté  que  le  côté  adhérent  était  composé  de  carbo- 
nate de  chaux  et  le  côté  libre  de  cholestérine  pure. 

Toutes  ces  conditions  réunies  ne  suffiraient  pas  encore,  suivant  Fre- 
richs,  pour  expliquer  la  formation  des  calculs  biliaires,  car  les  précipités 
pourraient  être  entraînés  avec  la  bile  sans  cesse  aftluente.  Il  reconnaît,  avec 
Hein  et  avec  Meckel,  que  le  catarrhe  de  la  vésicule  joue  ici  un  rôle  essen- 
tiel, en  retenant  longtemps  les  dépôts  dans  ce  réservoir,  où  ils  éprouvent 
des  altérations  secondaires  et  où  le  mucus  les  réunit  et  les  cimente. 

B.  Conditions  générales  et  particulières  qui  favorisent  la  production  des 
calculs  biliaires.  —  Un  grand  nombre  de  causes  accessoires  préparent  et 
déterminent  la  précipitation  des  éléments  de  la  bile  et  leurs  métamor- 
phoses successives. 

En  premier  lieu,  nous  appellerons  l'attention  sur  les  conditions  anato- 
miques  des  voies  biliaires.  Il  est  clair  que  la  situation  de  la  vésicule  qui  est 
placée  en  dehors  du  courant  direct  de  la  bile  et  de  telle  sorte  que  celle-ci 
n'y  arrive  que  par  une  sorte  de  mouvement  rétrograde,  que  la  disposition 
de  son  fond  qui  est  déclive  par  rapport  à  son  col,  que  les  alvéoles  de  la 
muqueuse  qui  sont  des  moules  toujours  prêts  pour  les  calculs,  que  les 
sinuosités  de  son  col  qui  retardent  aussi  bien  la  sortie  de  la  bile  qu'elles 
en  gênent  l'entrée,  que  le  renouvellement  lent  et  incomplet  de  cette 
humeur  dans  son  réservoir  où  elle  séjourne  toujours  un  certain  temps, 
que  sa  viscosité  même,  forment  un  contraste  frappant  avec  ce  qui  se  passe 
pour  les  voies  urinaires.  Aussi  faut-il  reconnaître  la  fréquence  plus  grande 
des  calculs  biliaires  que  des  calculs  de  la  vessie.  Fabricius,  Haller  et  Mor- 
gagni  avaient  déjà  été  frappés  de  ce  fait  ;  et,  sans  qu'on  puisse  le  préciser 
par  des  chiffres  comparatifs ,  il  reste  encore  acquis  aujourd'hui  comme 
impression  générale.  On  retrouve  une  fois  de  plus  la  part  que  prend  la 
vésicule  à  la  formation  des  concrétions  biliaires,  en  rapprochant  la  fré- 
quence de  celles-ci  dans  sa  cavité  de  leur  rareté  dans  le  canal  hépatique 
et  dans  ses  branches. 

Tout  état  pathologique  qui  viendra  exagérer  les  conditions  que  nous 
venons  d'indiquer  sera  une  cause  active  de  calculs  biliaires.  Les  différents 
obstacles  qui  déterminent  mécaniquement  l'occlusion  des  conduits  de  la 
bile  et  que  nous  examinerons  plus  tard  en  détail  rentrent  dans  cette 
catégorie  d'influences.  Nous  avons  déjà  signalé  la  coïncidence  fréquente 
du  cancer  du  foie  ou  de  son  appareil  excréteur  et  des  concrétions  biliaires; 
nous  connaissons  également  le  rôle  du  catarrhe  de  la  vésicule  dans  leur 
formation. 

De  même,  une  vie  sédentaire,  un  séjour  prolongé  dans  les  prisons 
(Haller,  Sommering,  Bouisson),  la  profession  d'homme  de  lettres  (Tissot), 
une  longue  maladie  qui  condamne  à  un  repos  forcé  (S.  Gooper),  un  inter- 
valle trop  grand  entre  les  repas  ont  pour  effet  d'amener  une  stagnation 
habituelle  de  la  bile  dans  son  réservoir  et  d'agir  dans  le  même  sens  que 
les  obstacles  mécaniques  à  son  évacuation  en  provoquant  une  affection 
lithiasique. 


BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse.  07 

L'introduction  accidentelle  d'un  corps  étranger  dans  les  voies  biliaires 
détermine  ordinairement  la  formation  de  calculs,  soit  en  gênant  le  cours 
de  la  bile,  soit  en  servant  de  noyau  à  la  concrétion  qui  se  produit.  Nous 
connaissons  les  faits  qui  se  rattachent  à  cette  circonstance.  Ou  a  encore 
invoqué  le  passage  d'un  acide  qui,  de  l'estomac,  pénétrerait  jusque  dans  la 
vésicule.  Il  est  certain  que  cette  cause  serait  de  nature  à  provoquer  la 
formation  des  calculs,  si  l'on  se  rapporte  à  ce  que  nous  savons  au  sujet  de 
la  pathogénie  de  cette  affection;  mais  il  est  au  moins  douteux  que  cette 
pénétration  ait  jamais  lieu. 

Quant  à  Vâge  des  individus,  il  est  difficile  de  dire  si  la  part  qu'il  prend 
à  la  production  des  calculs  biliaires  tient  à  quelque  influence  d'ordre  mé- 
canique ou  à  une  certaine  disposition  physiologique.  Morgagni  met  en 
regard  soixante  et  un  vieux  sujets  et  huit  jeunes;  parmi  ceux-ci,  le  plus 
âgé  avait  vingt-neuf  ans  et  le  plus  jeune  douze  ans.  Mais  on  a  rencontré 
des  calculs  sur  des  enfants  d'un  âge  encore  moins  avancé;  Frerichs,  sur 
une  jeune  lille  de  sept  ans;  Portai,  Cruveilhier  et  Bouisson,  sur  des  nou- 
veau-nés. Dans  le  fait  de  Bouisson,  il  y  avait  un  rétrécissement  du  canal 
cholédoque  et  trois  calculs  dans  la  vésicule.  Ces  exemples  n'étonneront 
pas  si  Ton  songe  qu'à  cet  âge  la  production  de  la  cholestérine  se  fait  déjà 
très-activement,  que  le  méconium  en  renferme  de  notables  proportions, 
et  que  l'écoulement  de  la  bile  est  en  partie  empêché  par  son  défaut  d'em- 
ploi. Pour  les  autres  époques  de  la  vie,  on  voit  intervenir  une  foule  d'in- 
fluences accessoires,  de  sexe,  de  profession,  d'habitudes,  de  régime,  de 
maladies  accidentelles,  qui  ne  permettent  pas  d'apprécier  rigoureuscmenl 
la  part  qui  peut  être  attribuée  à  l'âge  seul.  Gomme  d'un  autre  côté  les 
calculs  biliaires  sont  souvent  compatibles  avec  une  santé  parfaite,  on  ne 
saurait  dire  au  juste  à  quel  moment  ils  ont  débuté  lorsqu'on  les  ren- 
contre chez  un  individu  qui  a  succombé  dans  un  âge  avancé.  Suivant  la 
statistique  de  Walter,  la  plus  grande  fréquence  des  calculs  biliaires  serait 
-de  trenle  à  quarante  ans;  tandis  que,  d'après  Fauconneau-Dufresne,  elle 
serait  reportée  de  cinquante  à  soixante  ans  et  de  soixante-dix  à  quatre- 
vingts  ans.  Une  pareille  variation  prouve  que  l'influence  de  l'âge,  dans  le 
cas  actuel,  n'a  peut-être  pas  la  valeur  qu'on  lui  a  accordée.  Ce  qui  paraît 
seulement  démontré,  c'est  l'augmentation  de  la  cholestérine  dans  le  sang 
des  vieillards. 

Le  sexe  a  aussi  sa  part  dans  l'étiologic  des  calculs  biliaires.  Taudis  que 
Morgagni  avait  admis  une  proportion  parfaitement  égale  pour  les  deux 
sexes,  puisqu'il  avait  trouvé  soixante  et  un  hommes  et  soixante  et  une 
femmes  atteints  de  celle  affection,  F.  Hoffmann,  Ilaller,  Sômmering, 
Pinel  et  Walter  ont  constaté  une  différence  marquée  dans  les  deux  cir- 
constances. Sur  un  relevé  de  six  cent  vingt  cas,  Hein  (cité  par  Frerichs) 
a  trouvé  trois  cent  soixante-dix-sept  femmes  et  deux  cent  quarante-trois 
hommes  :  ce  qui  donne  le  rapport  de  trois  à  deux  environ.  Ici  inter- 
viennent encore  les  conditions  peut-être  dominantes  de  la  vie  sédentaire, 
des  habitudes  et  du  régime.  Le  rôle  des  fonctions  sexuelles  reste  encore 
incertain. 


68  BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse. 

On  a  beaucoup  invoque  la  part  du  régime  dans  l'affection  calculeuse  du 
foie.  Depuis  longtemps  déjà,  Glisson  avait  remarqué  que,  chez  les  vaches, 
les  calculs  biliaires  étaient  plus  fréquents  pendant  l'hiver  que  l'été  :  ce  qu'il 
attribue  à  ce  que,  durant  la  première  de  ces  deux  saisons,  elles  sont  sou- 
mises à  une  alimentation  sèche,  tandis  que  pendant  l'été  elles  retournent 
aux  pâturages.  Il  est  évident  qu'ici  il  faut  tenir  compte  de  l'influence  de 
la  stabulation,  c'est-à-dire  d'un  repos  de  plusieurs  mois.  Quoi  qu'il  en 
soit,  on  a  pensé  que,  chez  l'homme,  une  nourriture  trop  animalisée  et 
dans  laquelle  figure  une  trop  grande  proportion  de  matières  grasses  pou- 
vait expliquer  l'apparition  des  calculs  biliaires.  On  a  attribué  le  même 
rôle  à  l'abus  des  boissons  alcooliques.  Il  y  a,  au  milieu  de  toutes  ces 
données  ince  taines,  un  lait  qui  paraît  admis  et  dont  Durande  avait  con- 
naissance, c'est  la  coïncidence  qui  existe  entre  l'obésité  et  la  fréquence  des 
calculs  biliaires  :  ce  qui  veut  dire  que  cette  affection  est  particulière  aux 
individus  chez  qui  le  travail  assimilateur  est  très-énergique  et  celui  de 
dénutrition  imparfait.  L'Héritier  et  Fauconneau-Dufrcsne  ont  confirmé 
cette  observation. 

On  a  cru  à  l'existence  d'une  diathèse  spéciale  présidant  au  dévelop- 
pement des  calculs  biliaires  ;  on  a  également  voulu  rattacher  ces  produc- 
tions à  la  diathèse  goutteuse  (Bianchi,  Vicq-d'Azyr).  Pour  cela,  on  s'est 
fondé  sur  la  coïncidence  fréquente  des  concrétions  biliaires  et  des  cal- 
culs de  la  vessie  ou  de  la  gravelle  urique.  Mais  il  n'y  a  ici  que  le  seul 
fait  de  la  coïncidence  qu'on  puisse  invoquer.  Faucon neau-Dufresne  fait 
remarquer  que  les  femmes  qui  sont  si  sujettes  aux  calculs  biliaires 
échappent  le  plus  souvent  aux  manifestations  de  la.  goutte.  Pour  ad- 
mettre un  rapport  quelconque  entre  l'affection  calculeuse  du  foie  et  la 
diathèse  urique,  c'est-à-dire  la  goutte,  il  faudrait  que  les  concrétions  bi- 
liaires fussent  formées  d'acide  urique  ou  d'urates,  comme  les  tophus  des 
articulations;  or  nous  avons  vu  que  ces  éléments  n'ont  peut-être  jamais 
ligure  dans  la  composition  d'un  calcul  hépatique  que  par  suite  d'une  con- 
fusion faite  avec  un  calcul  des  voies  urinaires. 

Enfin,  Petit  (de  Vichy),  a  pensé  que  Y  hérédité  pouvait  jouer  un  certain 
rôle  dans  l'affection,  calculeuse  du  foie.  Il  a  vu,  dans  un  cas,  tous  les 
enfants  d'une  même  famille  en  être  successivement  atteints,  et  pour  la 
plupart  dans  un  âge  peu  avancé. 

Mais,  en  résumé,  les  influences  générales  ne  s'exercent  que  d'une  façon 
très-accessoire  dans  l'apparition  des  calculs  biliaires,  et,  avec  Frcrichs, 
nous  reconnaissons  que  ces  productions  dépendent  plutôt  .de  troubles 
locaux  et  d'ordre  purement  mécanique. 

SvMrTÔMEs.  —  Il  faut  convenir  que  la  plupart  du  temps  les  calculs  bi- 
liaires ne  se  révèlent  par  aucun  symptôme  et  que  le  plus  grand  nombre 
sont  trouvés  dans  les  autopsies  d'individus  morts  d'autres  maladies.  Ils 
ont  pu  parfois  déterminer  de  vagues  douleurs  dans  la  région  hépatique, 
amener  quelques  troubles  digestifs,  provoquer  de  légers  accès  de  fièvre 
périodique  et  enfin  s'annoncer  par  un  ictère  fugace;  mais  le  diagnostic, 
dans  ces  cas  si  mal  accusés,  demeure  toujours   incertain  et  l'affection 


BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse.  69 

calculeuse  est  le  plus  souvent  méconnue.  D'ailleurs  le  siège  occupé  par 
le  calcul  n'est  pas  toujours  le  même;  et,  suivant  qu'il  se  trouve  dans  les 
conduits  biliaires,  dans  la  vésicule,  dans  le  canal  cystique  ou  danslecanal 
cholédoque,  la  symptomatologie  varie  sensiblement.  On  voit  encore  inter- 
venir le  volume  du  calcul,  sa  forme  plus  ou  moins  hérissée  d'aspérités,  sa 
tendance  à  l'évacuation  ou  sa  fixité.  Aussi  Morgagni  a-t-il  pu  dire  qu'aucun 
signe  de  ces  calculs  n'est  constant,  qu'aucun  ne  leur  est  propre.  Néan- 
moins il  peut,  dans  la  marche  de  cette  affection,  surgir  des  accidents 
assez  significatifs  pour  autoriser  un  diagnostic  précis,  et  de  telle  nature, 
au  point  de  vue  de  la  gravité,  qu'il  importe  de  les  apprécier  rigoureu- 
sement pour  les  traiter  avec  efficacité.  Tous  ces  accidents  paraissent  se 
rattacher  à  une  seule  cause,  la  tendance  au  cheminement  de  la  part  du 
calcul.  Sous  cette  influence,  il  se  produit  des  manifestations  symptoma- 
tiques  qui  sont  séparées  en  groupes  assez  bien  définis  pour  mériter  une 
description  particulière ,  comme  autant  de  maladies  distinctes.  Nous 
aurons  ainsi  à  étudier  :  1°  la  colique  hépatique,  comprenant  tous  les 
phénomènes  de  douleur  liés  à  la  présence  de  calculs  dans  les  conduits  de 
la  bile  ;  T  V ictère  calculeux  ;  5°  Vangéiocholéite  et  la  cholécystite  calcu- 
leuses;  4°  la  tumeur  biliaire;  5°  Y  évacuation  des  calculs  par  les  voies 
digestipes;  6°  les  fistules  bilaires  cutanées. 

1°  De  la  colique  hépatique.  —  On  désigne  sous  ce  nom  des  douleurs 
quelquefois  peu  intenses,  souvent  atroces,  qui  occupent  la  région  du  foie, 
qui  reviennent  par  accès,  qui  sont  suivies  ou  non  d'ictère  et  qui  parais- 
sent dues  à  la  présence  de  calculs  dans  les  voies  biliaires. 

C'est  lorsque  les  calculs  deviennent  mobiles,  se  déplacent  et  tendent  à 
s'engager  dans  une  partie  relativement  plus  étroite  de  l'appareil  excréteur 
de  la  bile,  que  l'on  voit  éclater  l'accès  de  colique  hépatique  ;  et  particu- 
lièrement lorsque  le  calcul  passe  de  la  vésicule  du  fiel  dans  le  canal  cys- 
tique, ou  bien  lorsqu'il  va  franchir  l'orifice  duodénal  du  canal  cholé- 
doque. Les  mêmes  conditions  se  reproduisent  lorsqu'un  calcul  des  conduits 
biliaires  abandonne  la  partie  qu'il  avait  élargie  par  sa  présence  pour  des- 
cendre vers  le  conduit  excréteur  définitif;  et  enfin  lorsqu'un  calcul  ovoïde, 
anguleux  ou  polyédrique  s'offre  à  la  lumière  du  canal  qui  le  contient  sui- 
vant son  plus  grand  diamètre.  On  conçoit  ce  qui  se  passe  dans  ces  diffé- 
rents cas  :  il  y  a  disproportion  enlre  le  contenant  et  le  contenu  ;  les  parois 
du  conduit  biliaire  sont  violemment  distendues,  quelquefois  déchirées; 
il  se  produit  en  un  mot  de  véritables  phénomènes  d'occlusion  et  même 
d'étranglement. 

Ces  diverses  circonstances  sont  amenées,  soit  par  de  violents  efforts  ou 
par  les  secousses  d'une  voiture  mal  suspendue,  soit  à  la  suite  d'une  émo- 
tion vive,  soit  après  une  purgation  intempestive  et  surtout  après  un  excès 
de  table.  Cette  dernière  influence  est  la  mieux  démontrée.  C'est  quelques 
heures  après  le  repas  qu'arrive  l'accès  de  douleur  et  au  moment  où  la 
bile  afflue  dans  l'intestin  pour  la  seconde  période  de  la  digestion,  alors 
que  la  vésicule  se  contracte  pour  l'expulser  et  en  même  temps  les  calculs 
qu'elle  peut  contenir.  Il  semble  enfin  que,  dans  quelques  cas,  l'évacua- 


70  BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse. 

tion  des  calculs  biliaires  se  lasse  périodiquement,  tantôt  tous  les  ans, 
tantôt  tous  les  mois.  Cliomel  et  Fauconneau-Dufresne  ont  rapporté  chacun 
une  observation  d'accès  de  coliques  hépatiques  chez  des  femmes  et 
revenant  aux  époques  menstruelles. 

La  colique  hépatique  débute  presque  toujours  subitement;  rarement 
elle  est  précédée  et  annoncée  par  quelques  malaises,  par  un  sentiment 
de  tension  et  de  pesanteur  dans  l'hypochondre  droit,  par  de  la  consti- 
pation, par  un  goût  d'amertume  dans  la  bouche,  par  des  urines  ictériques 
et  par  un  commencement  d'ictère  général. 

La  douleur,  élément  essentiel  de  la  colique  hépatique,  occupe  la  moitié 
droite  de  l'épigastre  et  siège  vers  le  rebord  des  fausses  côtes,  derrière  le 
ventre  supérieur  du  muscle  droit.  Wepfer  la  plaçait  au  niveau  de  l'appen- 
dice xyphoïde,  dans  une  étendue  que  le  pouce  couvrirait;  mais  elle 
s'étend  souvent  bien  au  delà  de  son  foyer  primitif,  vers  l'abdomen,  vers 
les  hypochondres,  dans  le  dos,  au  sein,  à  l'épaule  droite,  au  bras  et  au 
cou.  Elle  consiste  quelquefois  en  une  sensation  de  resserrement  doulou- 
reux ;  mais  le  plus  ordinairement  elle  est  tellement  violente  qu'elle  ar- 
rache des  plaintes  continuelles  au  patient  et  qu'elle  peut  aller  jusqu'à 
provoquer  le  syncope  et  môme  la  mort  subite  (cas  cités  par  Portai).  Pour 
l'intensité  d'une  pareille  douleur ,  il  n'y  a  de  terme  de  comparaison  que 
dans  la  colique  néphrétique  qui  est  produite  par  des  causes  analogues  et 
que  dans  la  colique  de  plomb.  Les  malades  la  comparent  à  un  pincement, 
à  un  déchirement,  à  l'action  d'un  corps  térébrant,  à  une  brûlure,  etc. 
Sous  l'influence  d'une  sensation  aussi  cruelle,  ceux-ci  sont  en  proie  à 
l'anxiété,  à  l'agitation,  prennent  les  attitudes  les  plus  variées,  sont  le  plus 
souvent  courbés  en  deux  et  peuvent  même  être  atteints  de  mouvements 
eonvulsifs.  Ce  dernier  symptôme  prend  parfois  une  forme  remarquable 
sur  laquelle  Duparcque  a  le  premier  appelé  l'attention,  et  qui  serait  re- 
présentée par  une  sorte  àliémi-épilepsie  du  côté  droit;  à  la  convulsion 
on  voit  même  succéder  une  période  de  sterteur  et  de  coma.  On  a  encore 
:ndiqué,  comme  possibles,  le  délire  et  les  hallucinations. 

Du  côté  du  tube  digestif,  on  note  du  hoquet  et  des  vomissements,  soit 
d'aliments  à  demi  digérés,  soit  de  mucosités  dans  lesquelles  la  présence 
de  la  bile  est  quelquefois  observée.  Il  y  a  le  plus  souvent  de  la  constipation  ; 
mais  on  a  vu  aussi  se  produire  quelquefois  des  selles  bilieuses  assez  abon- 
dantes. On  constate  un  méléorisme  borné,  en  général,  à  l'estomac  et 
assez  marqué  pour  que  Strack  (cité  par  J.  Frank)  en  ait  fait  un  caractère 
essentiel  de  la  colique  hépatique. 

La  palpation  de  la  région  épigastrique  est  habituellement  intolérable, 
bien  qu'on  ait  prétendu,  comme  pour  la  colique  de  plomb,  qu'elle  sou- 
lageait parfois  le  malade.  En  employant  ce  mode  d'exploration  avec 
ménagement,  on  sent  une  rénitenec  correspondant  au  siège  de  la  dou- 
leur et  même  se  prolongeant  dans  une  étendue  plus  considérable  ;  cette 
rénitence  qui  peut  faire  croire,  soit  à  une  tuméfaction  du  foie,  soit  à  un 
développement  exagéré  de  la  vésicule,  est  due  à  la  contraction  spasmo- 
dique  des  muscles  qui  prennent  leurs  attaches  aux  fausses  côtes  droites  ; 


BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeise.  71 

elle  cesse  avec  la  douleur,  et  c'est  alors  seulement  qu'on  peut  se  rendre 
compte  de  l'état  physique  de^  organes  sous-jacents. 

Les  caractères  du  pouls  ne  sont  pas  toujours  en  rapport  avec  l'intensité 
des  symptômes  que  nous  venons  de  décrire.  Celui-ci  reste  souvent  calme, 
régulier  et  peu  fréquent.  Quelques  observateurs  ont  même  attaché  une 
certaine  importance  à  ce  ralentissement  du  pouls  dans  la  colique  hépatique. 
Mais  le  plus  ordinairement  le  pouls  est  petit,  concentré,  assez  rapide, 
comme  toutes  les  fois  que  se  manifestent  des  accidents  abdominaux  graves. 
Frerichs  a  remarqué,  dans  certains  cas,  que  la  colique  hépatique  débutait 
par  un  accès  de  frisson  intense,  pouvant  se  reproduire  à  chaque  recrudes- 
cence de  la  douleur;  à  ce  frisson  succédait  de  la  chaleur  et  de  la  sueur; 
la  température  s'élevait  de  57°, 5  à  40°, 5,  et  le  pouls  de  92  à  120. 

Victère  est  loin  d'être  une  conséquence  forcée  de  l'accès  de  colique 
hépatique.  Il  se  produit  fréquemment  ;  mais  il  fait  aussi  défaut  quelque- 
fois. Nous  aurons  bientôt  l'occasion  d'apprécier  ce  symptôme  en  lui-même 
et  comme  résultat  de  l'obstruction  des  voies  biliaires. 

La  douleur  ne  persiste  pas  longtemps  avec  la  même  intensité  ;  elle  pré- 
sente des  exacerbations  à  certains  moments  ;  puis  se  calme  pour  revenir 
ensuite.  Un  accès  tout  entier  se  compose  de  ces  reprises  successives  et  a 
une  durée  variable  de  vingt-quatre  ou  quarante-huit  heures.  Quelques 
malades  sont  assez  heureux  pour  voir  leur  accès  se  terminer  à  la  suite 
d'une  seule  reprise,  c'est-à-dire  en  quelques  heures;  d'autres  voient  leurs 
souffrances  se  prolonger  pendant  plusieurs  jours,  en  offrant  une  sorte 
d'accès  quotidien  assez  régulier.  La  lin  de  l'accès  coïncide  toujours  avec 
le  déplacement  du  calcul  qui  est  définitivement  tombé  dans  l'intestin, 
ou  qui  est  remonté  dans  la  vésicule  ;  chaque  pas  qu'a  fait  celui-ci  a  été, 
pour  ainsi  dire,  marqué  par  une  exacerbation  douloureuse,  et  de  cette 
façon  on  a  pu  suivre,  par  la  pensée,  le  cheminement  du  corps  étranger. 

Lorsque  tout  est  terminé,  le  malade  reste  accablé  et  tombe  dans  un 
assoupissement  profond;  les  divers  symptômes  accessoires  se  dissipent 
lentement;  l'ictère  et  les  troubles  digestifs  sont  ceux  qui  persistent  le  plus 
longtemps. 

La  colique  hépatique  pourrait  donner  lieu  à  un  diagnostic  différentiel  ; 
mais,  outre  que  ses  caractères  sont  en  général  assez  tranchés  pour  ne  pas 
laisser  de  doute  dans  l'esprit,  on  trouvera  les  éléments  de  ce  diagnostic 
à  propos  de  la  colique  néphrétique,  de  la  colique  de  plomb,  de  l'empoi- 
sonnement, de  l'iléus,  des  perforations  intestinales,  etc.  Le  diagnostic 
absolu  de  l'accident  qui  nous  occupe  sera  fondé  sur  l'intensité  même  de 
la  douleur,  sur  son  siège,  sur  ses  irradiations  qui  se  portent  de  préférence 
vers  le  côté  droit  et  vers  les  parties  supérieures  du  tronc,  et  surtout  sur 
l'apparition  de  l'ictère  lorsque  celui-ci  sera  dans  le  cas  de  se  manifes- 
ter. Mais  ce  qu'il  nous  importe  de  décider  ici,  c'est  à  savoir  si  la  co- 
lique hépatique  est  un  signe  certain  de  calcul  biliaire  ou  bien  si  elle 
n'est  qu'une  hépatalgie  pouvant  être  produite  par  toute  autre  cause.  Nous 
ne  voulons  pas  faire  allusion  ici  à  cette  hépatalgie,  ou  affection  nerveuse 
du  foie,  dont  la  cause  est  indéterminée  et  qui  a  des  caractères  si   peu 


72  BILIAIRES  (voies).  —  affection  c.uculeuse. 

définis;  mais  à  cette  affection,  en   tout  calquée  sur  la  colique  hépatique 
càlculeuse  et  dont  la  cause  serait  due  au  transport  de  matières  irritantes 
de  l'intestin  jusqu'au  foie  par  l'intermédiaire  de  la   veine   porte.  Déjà 
JBouillaud,  en  1827,  avait  signalé  ce  l'ait  et  exprimé  des  doutes  sur  la 
signification  clinique  trop   absolue  qu'on  accordait  à  la  colique  hépa- 
tique. Mais  c'est  Beau,  surtout,  qui   dans  une  analyse  approfondie  des 
fonctions   de    l'appareil   spléno-hépatiquc,   a   élevé   les   doutes  les   plus 
graves  sur  la  valeur  de  ce  symptôme.  Beau  fait  remarquer  que  rarement 
on  voit,  à  la  suite  d'un  accès  dit  de  colique  hépatique,  des  calculs  rejetés 
au  dehors;  puis  il  montre  comment  beaucoup  à'ingesta,  aliments,  bois- 
sons alcooliques,  médicaments  et  principes  morbides  puisés   dans  l'in- 
testin, vont  avec  le  sang  de  la  veine  porte  irriter  la  substance  même  du 
foie.  11  se  base  même  sur  le  fait  que  nous  connaissons,  que  c'est  deux  ou 
trois  heures  après  le  repas  que  débute  l'accès  douloureux,  pour  montrer 
que  c'est  justement  à  l'instant  où  se  fait  l'absorption  dans  l'intestin.  Cette 
idée  si  séduisante,  et  développée  avec  ce  talent  toujours  remarquable  que 
l'auteur  dont  nous  parlons  a  mis  en  usage  pour  défendre  ses  opinions, 
tombe  devant  l'observation  des  faits.  Tout  s'explique  :  les  calculs  sont 
plus  souvent  rejetés  au  dehors  que  Beau  ne  l'a  cru;   d'autres  fois  ils 
peuvent  être  retenus  dans  l'intestin,  s'y  dissocier,  ou  enfin  n'avoir  pas 
franchi  l'embouchure  du  canal  cholédoque  dans  le  duodénum.  Ajoutons 
à  cela  que  souvent  on  néglige  de  les  chercher  dans  les  selles,  ou  qu'on 
ne  fait  pas  cette  recherche  avec  les  précautions  convenables.  Nous  savons 
que  l'époque  où  débute  l'accès  douloureux  par  rapport  aux  repas  tient 
surtout  à  ce  que  c'est  alors  que  la  vésicule  se  contracte  pour  chasser  la 
bile  dans  l'intestin.  Si  donc  on  ne  peut  nier  absolument  l'influence  des 
ingesta,  on  doit  reconnaître  qu'elle  ne  s'exerce  que  très-rarement   en 
comparaison  de  l'action  des  calculs  ;   aussi  Trousseau  a-t-il  pu  dire  que 
99  ibis  sur  100  on  pourra  diagnostiquer  une  colique  hépatique  propre- 
ment dite  plutôt  qu'une  hépatalgie  produite  par  des  matières  irritantes 
puisées  dans  l'intestin.  Il  importe  peu,  du  reste,  que  le  diagnostic  soit 
nettement  posé  au  moment  où  éclate  l'accès  douloureux,  car  il  s'agit 
moins  alors  de  combattre  l'affection  càlculeuse  elle-même  que  de  calmer 
la  violence  de  la  douleur. 

2°  De  l'ictère  calculeux.  —  Il  ne  saurait  être  question,  en  ce  moment, 
d'autre  chose  que  de  montrer  les  rapports  qui  existent  entre  l'ictère  et 
les  calculs  biliaires,  et  que  de  rechercher  si  l'ictère,  dit  calculeux,  a  des 
caractères  qui  lui  sont  propres. 

Nous  avons  vu  que  l'ictère  n'était  pas  constant  à  la  suite  de  la  colique 
hépatique.  Lorsqu'il  vient  à  manquer,  il  faut  supposer,  ou  que  le  calcul 
est  dans  le  canal  cystique,  ou  bien  qu'il  a  été  promptement  évacué  dans 
l'intestin  avant  que  les  phénomènes  d'occlusion  aient  eu  le  temps  de  se 
produire.  Si,  au  contraire  le  même  symptôme  est  très-accusé  et  se  ma- 
nifeste très-rapidement,  on  est  en  droit  d'admettre  que  le  calcul  est  en- 
gagé, soit  dans  le  canal  hépatique,  soit  surtout  dans  le  canal  cholédoque. 
Du  temps  de  Morgagni  cette  donnée  si  simple  n'était  pas  hors  de  doute, 


BILIAIRES  (voies).  —  affection  calcuî-euse.  73 

et  cet  auteur  s'est  cru  obligé  de  dire  :  «  Pour  que  j'avoue  que  l'ictère  est 
produit  par  un  vice  des  grandes  voies  de  la  bile,  j'exige  une  obstruction 
non  pas  du  conduit  cystique,  mais  du  conduit  commun  (hépatique  et  cho- 
lédoque). Il  existe  cependant  des  faits  qui  ne  permettent  pas  d'accepter 
rigoureusement  la  réciproque  de  cette  proposition.  Nous  voyons,  dans 
les  Bulletins  de  la  Société  anatomique,  une  observation  où  il  est  dit  qu'un 
calcul  biliaire  volumineux  obstruait  le  canal  cholédoque  à  son  embou- 
chure et  qu'il  n'y  avait  pas  eu  d'ictère  pendant  la  vie  (Dariste).  Faut-il 
admettre  ici  que  la  lumière  du  conduit  n'était  pas  complètement  bou- 
chée? ou  bien  que  le  canal  cholédoque  avait  une  double  insertion,  comme 
nous  en  avons  rapporté  des  exemples,  à  l'occasion  des  anomalies  des 
voies  biliaires  (p.  41).  On  comprend,  enfin,  qu'une  phlegmasie  de  la 
vésicule  produite  par  la  présence  des  calculs  et  propagée  aux  conduits  bi- 
liaires peut  amener  un  ictère,  sans  qu'il  y  ait  obstruction  du  canal 
cholédoque  par  un  calcul. 

L'ictère  peut  être  dit  calculeux  sans  qu'il  succède  forcément  à  une  atta- 
que de  colique  hépatique  ;  il  se  présente  alors,  soit  sous  la  forme  chro- 
nique, soit  avec  une  tendance  à  la  périodicité.  C'est  surtout  dans  ce  der- 
nier cas  que  le  diagnostic  prend  une  certaine  précision  et  qu'on  peut 
supposer  qu'un  calcul,  formant  soupape,  ou  que  plusieurs  calculs  évacués 
à  des  intervalles  plus  ou  moins  rapprochés,  viennent  d'une  façon  inter- 
mittente faire  arrêt  au  cours  de  la  bile;  car,  pour  l'ictère  chronique,  ii 
est  aussi  bien  produit  par  toute  cause  d'obstruction  permanente  du  canal 
cholédoque  que  par  un  calcul  qui  aurait  pris  droit  de  domicile  dans  ce 
conduit  et  qui  aurait  cessé  d'en  irriter  les  parois. 

5°  Derangéiucholéite  et  de  la  cholécystite  calculeuses.  —  On  se  reportera 
à  l'histoire  que  nous  avons  donnée  de  l'inflammation  des  voies  biliaires 
considérée  dans  sa  forme  symptomatique  et  comme  résultant  surtout  de 
la  présence  des  calculs  à  l'intérieur  de  ces  organes  (p.  50).  A  moins 
qu'elle  ne  succède  à  une  attaque  de  colique  hépatique,  le  caractère  calcu- 
leux de  l'affection  reste  toujours  un  peuineertain.  En  dehors  de  cri  indice, 
nous  n'avons  guère,  pour  nous  éclairer,  que  la  forme  rémittente  de  la 
lièvre,  la  douleur  sous-hépatique,  l'apparition  de  la  tumeur  biliaire  et 
surtout  l'ictère;  et  encore  ce  dernier  signe  l'ait-il  défaut  lorsque  la  vési- 
cule seule  est  enflammée.  Quelquefois  il  n'y  a  que  des  signes  négatifs  : 
Bouillaud  rapporte  l'histoire  d'une  femme  de  soixante-huit  ans  chez  la- 
quelle on  trouva  la  vésicule  enflammée,  épaissie  et  contenant  90  calculs; 
il  n'y  avait  eu  pendant  la  vie  aucun  symptôme  en  rapport  avec  ces  lésions. 
Souvent  aussi  la  phlegmasie  ne  se  révèle  que  par  des  accidents  rapidement 
mortels,  sans  même  qu'il  y  ait  perforation  des  voies  biliaires.  Boudet  a 
donné  l'observation  d'un  homme  de  soixante-quinze  ans  qui  lit  une  chute; 
il  se  déclara  une  douleur  dans  l'hypochondrc  droit,  de  la  lièvre,  des 
vomissements,  de  l'ictère,  et  le  malade  mourut  en  trente-six  heures.  Il  y 
avait  des  calculs  biliaires, et  un  entre  autres  à  l'orifice  duodénal  du  canal 
cholédoque,  et  une  inflammation  aiguë  des  canaux  biliaires.  On  connaît 
plusieurs  autres  observations  du  même  genre.  Nous   avons  parlé  d'une 


BILIAIRES  (voies).  —  affec 


CTION    CALCULE USE, 


phlegmasie  propagée  jusqu'aux  ramifications  de  la  veine  porte  et  qui 
avait  marché  avec  toutes  les  apparences  de  l'ictère  grave  (obs.  de  Coutesse) . 
Mais  les  faits  de  rupture  et  de  perforation  de  la  vésicule  ou  des  conduits 
de  la  bile  sont  de  tous  les  plus  fréquents.  Amussat  parle  de  calculs  bi- 
liaires qui  obstruaient  le  canal  cholédoque  et  le  canal  hépatique;  ce  der- 
nier s'ulcéra;  il  y  eut  un  épanchement  de  bile  dans  l'abdomen  et  une 
péritonite  mortelle.  Wolf  (de  Bonn),  observa  un  fait  analogue  chez  une 
femme  de  soixante  ans  ;  la  mort  survint  en  vingt-quatre  heures  ;  il  y  avait 
une  déchirure  du  canal  hépatique  en  travers  et  huit  calculs  dans  la  vési- 
cule. C'est  cependant  le  réservoir  de  la  bile  qui  s'ulcère  et  se  perfore  le 
plus  souvent  dans  ces  circonstances.  Duplay,  Durand-Fardel,  Bercioux  et 
Potain,  ont  rapporté  plusieurs  exemples  de  cette  complication.  Un  pareil 
accident  est  toujours  imprévu  ;  il  s'annonce  avec  tout  le  cortège  de  sym- 
ptômes propres  à  la  péritonite  par  perforation  et  il  est  constamment 
mortel. 

4"  De  la  tumeur  biliaire.  —  Ce  symptôme  se  rapporte  au  développe- 
ment exagéré  de  la  vésicule  et  peut  recevoir  une  double  signification. 
Tantôt,  en  effet,  il  est  produit  par  une  accumulation  de  calculs  dans  le 
réservoir  de  la  bile  et  tantôt  il  dépend  d'une  obstruction  du  canal  cystique 
par  une  concrétion  ou  par  toute  autre  cause.  La  première  forme  nous 
occupera  seule,  car  il  sera  question  de  la  seconde  à  propos  de  l'occlusion 
des  voies  biliaires  en  général.  L'ampliation  de  la  vésicule  par  des  calculs 
n'atteint  pas  ordinairement  des  proportions  considérables  ;  nous  avons  vu 
qu'en  effet  il  se  produit  plutôt  alors  une  sorte  de  retrait  des  parois  de 
l'organe  par  suite  de  l'empêchement  à  l'arrivée  de  la  bile  dans  sa  cavité. 
Lorsque  la  tumeur  est  accessible  au  palper,  elle  n'est  point  fluctuante; 
elle  est  d'une  dureté  pierreuse;  en  même  temps  on  perçoit  en  la  malaxant 
une  sensation  que  J.  L.  Petit  comparait  à  celle  qu'on  éprouve  en  remuant 
un  sac  de  noisettes.  Cette  sensation  est  produite  par  la  collision  des  calculs 
entre  eux;  l'auscultation  la  rend  encore  plus  nette  et  plus  complète  (Mar- 
tin-Solon);  si  elle  faisait  défaut,  les  autres  caractères  de  la  tumeur  étant 
bien  tranchés  pour  le  cas  actuel,  on  admettrait  que  le  calcul  est  unique. 
Dans  les  mêmes  circonstances,  la  tumeur  ne  subit  pas  les  variations  de 
volume  comme  lorsqu'il  s'agit  d'une  obstruction  momentanée  du  canal 
cystique  et  telle  qu'elle,  se  produit  dans  une  attaque  de  colique  hépatique. 
Il  faut  savoir  encore  que  les  calculs  volumineux  de  la  vésicule  ont  moins 
de  part  à  la  production  de  cet  accident  que  des  calculs  moindres  qui 
peuvent  s'engager  quelque  peu  dans  le  canal  cystique.  Enfin  la  tumeur 
biliaire  calculeuse  est  parfois  le  siège  d'une  perforation  spontanée  qui  est 
suivie  d'une  péritonite  suraiguë;  elle  précède  presque  toujours  la  forma- 
tion des  fistules  biliaires  internes  et  externes;  mais  alors  des  adhérences 
salutaires  ont  prévenu  toute  chance  d'effusion  dans  le  péritoine.  Dans  ce 
dernier  cas,  la  tumeur  al'fecte  souvent  la  marche  d'un  abcès  phlegmoneux 
qui  finit  par  s'ouvrir  au  dehors  en  rejetant  à  la  fois  du  pus,  de  la  bile  al- 
térée et  des  calculs. 

5°  De  l'évacuation  des  calculs  biliaires  par  les  voies  digestives.  — 


BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse.  75 

Lorsque  des  calculs  biliaires  sont  rendus,  soit  par  les  vomissements,  soil 
par  les  garde-robes,  le  diagnostic  prend  une  précision  très-grande;  mais 
encore  faut-il  que  ces  calculs  aient  un  rapport  de  composition  avec  ceux 
qu'on  trouve  habituellement  dans  les  voies  de  la  bile.  Ils  sont  rejetés  ainsi 
le  plus  souvent  à  la  suite  d'une  attaque  de  colique  hépatique  et  leur  ap- 
parition coïncide  avec  une  cessation  brusque  des  douleurs;  quelquefois, 
mais  exceptionnellement,  ils  sont  rendus  sans  efforts  marqués. 

Le  rejet  des  calculs  biliaires  par  le  vomissement  est  assez  rare.  Faucon- 
neau-Dufresne  n'a  pu  en  réunir  que  huit  cas  empruntés  à  divers  auteurs. 
Nous  avons  vu  dans  le  musée  de  l'École  de  Reims  un  calcul  qui  est  indi- 
qué comme  ayant  été  rendu  par  la  bouche  ;  il  est  de  forme  pyramidale, 
de  couleur  vert  foncé  et  du  volume  d'une  assez  grosse  noisette.  Ce  n'est, 
en  général,  qu'après  de  violentes  coliques  hépatiques  et  dans  les  efforts 
de  vomissement  que  celles-ci  déterminent  que  des  concrétions  biliaires 
sont  ainsi  expulsées.  Le  calcul  rendu  est  ordinairement  unique;  dans  le 
l'ait  de  Petit  (de  Vichy)  on  en  a  compté  six.  L'observation  de  Uouisson 
mentionne  le  rejet  d'une  matière  noire  charbonneuse  analogue  à  celle 
qui  constitue  la  gravelle  mélanique  des  voies  biliaires. 

Il  est  plus  commun  de  voir  les  calculs  biliaires  rendus  avec  les  gatde- 
robes.  Ceux-ci  se  représentent  ici  avec  tous  les  caractères  extérieurs  et 
avec  la  composition  intime  que  nous  leur  connaissons.  Ils  peuvent  être 
expulsés  en  très-grand  nombre  à  la  fois,  comme  dans  le  fait  observé  par 
Bermond  où  la  malade  rendit  par  les  selles  une  masse  de  calculs  du  vo- 
lume des  deux  poings.  Lorsque  les  dimensions  de  ces  productions  sont 
par  trop  considérables  et  qu'elles  égalent,  par  exemple,  la  grosseur  d'une 
noix  ou  d'un  œuf  de  poule,  il  est  difficile  d'admettre  qu'elles  ont  pu  tra- 
verser le  canal  cholédoque.  11  est  plus  probable,  ainsi  qu'on  Ta  constaté 
plusieurs  fois  directement,  que  c'est  à  la  suite  d'une  communication  fis- 
tulcuse  établie  entre  la  vésicule  et  le  duodénum  ou  le  colon  transverse 
que  l'expulsion  est  devenue  possible.  C'est  ce  qui  a  eu  lieu  sans  doute  dans 
le  cas  de  Fricdler  où  le  malade  rendit  par  l'anus  deux  calculs  de  cholesté- 
rine  du  poids  total  de  445  grains.  Pour  un  calcul  de  2  centimètres  de 
long  sur  1  centimètre  et  demi  de  diamètre,  observé  par  llérard  et  rejeté 
par  l'anus,  Cruveilhicr  admit  la  perforation  de  la  vésicule. 

La  présence  d'une  facette  sur  un  calcul  expulsé  de  cette  façon  permet 
de  conjecturer  qu'il  en  existe  d'autres  provenant  de  la  même  origine  : 
Van  Svvieten  rapporte  (pie  sa  belle-mère  était  sujette  à  un  ictère  pério- 
dique et  qu'après  un  accès  de  colique  hépatique  elle  rendit  parles  selles 
un  calcul  du  volume  de  la  première  phalange  du  pouce.  Sur  ce  calcul 
étaient  taillées  deux  facettes  correspondant  à  deux  autres  calculs  qui 
furent  en  elfet  rejetés  ensuite  par  la  même  voie;  ils  avaient  à  peu  près  le 
volume  du  premier.  Le  fait  de  Friedler  présente  quelque  chose  d'ana- 
logue. 

On  a  dû  prendre  quelquefois  pour  des  calculs  biliaires  des  masses 
graisseuses  parfaitement  arrondies,  demi-molles,  et  qui  sont  rendues  par 
les  garde-robes.  Fauconncau-Dufresnc  signale  deux  cas  de  cette  nature 


76  BILIAIRES  (voies).  —  affection  calcoleuse>. 

empruntés  à  Fujol  et  à  Bourdois.  Foucart  a  étudié  avec  soin  ces  produc- 
tions et  a  reconnu  qu'elles  étaient  le  résultat  d'une  sorte  de  saponifi- 
cation opérée  par  la  bile  des  matières  grasses  ingérées.  Il  suffit  de  signaler 
cette  cause  d'erreur  pour  l'éviter. 

iNous  avons  supposé  jusqu'ici  que  l'expulsion  du  calcul  suivait  d'assez 
près  l'accès  de  colique  hépatique;  mais  il  arrive  quelquefois  que  celui-ci 
après  être  tombé  dans  l'intestin  y  séjourne,  s'y  développe  par  l'addition 
de  couches  nouvelles  et  finit  par  provoquer  des  accidents  graves  d'obstruc- 
tion et  d'iléus.  L'arrêt  peut  avoir  lieu  dans  les  différentes  sections  du 
tube  intestinal  ;  il  est  opéré  par  l'enclavement  du  calcul  dans  un  repli  de 
la  membrane  muqueuse  ;  on  a  vu  souvent  ces  productions  figurer  parmi 
les  corps  étrangers  qui  déterminent  la  gangrène  et  l'ulcération  du  cœcum 
et  de  son  appendice.  Elles  sont  quelquefois  fixées  dans  des  parties  aussi 
élargies  que  l'S  iliaque.  Lorsque  les  calculs  biliaires  ont  ainsi  séjourné 
quelque  temps  au  milieu  des  matières  qui  traversent  sans  cesse  l'intestin, 
ils  s'accroissent  ordinairement  par  l'addition  de  nouvelles  couches,  soit 
de  sels  calcaires,  soit  de  matières  fécales  desséchées,  et  finissent  par  for- 
mer le  noyau  d'un  calcul  beaucoup  plus  volumineux. 

La  présence,  dans  les  intestins,  de  calculs  biliaires  ainsi  grossis,  et 
même  parfois  tels  qu'ils  ont  dû  y  pénétrer  par  une  perforation  de  la  vési- 
cule, n'est  pas  toujours  inoffensive.  Bs  déterminent  une  constipation  opi- 
niâtre et  même  des  accidents  mortels  d'étranglement.  Nous  ajouterons 
quelques  faits  à  ceux  que  Fauconneau-Dufresne  a  rapportés.  Howship  parle 
d'une  lemme  de  cinquante-deux  ans  qui  était  sujette  à  une  constipation 
habituelle;  elle  Unit  par  mourir  en  présentant  des  vomissements  sterco- 
raux;  la  vésicule  et  le  duodénum  avaient  été  perforés  par  un  calcul  biliaire 
de  deux  pouces  de  long  sur  un  pouce  et  quart  de  large  et  du  poids  de 
440  grains;  il  y  avait  occlusion  complète  de  l'intestin  par  le  calcul.  Neil 
mentionne  un  cas  de  colique  hépatique  suivie  d'occlusion  intestinale  ;  on 
trouva  le  calcul  arrêté  à  la  valvule  iléo-cœcale.  On  doit  encore  une  obser- 
vation à  Peeble  et  une  autre  à  H.  Bourdon.  Dans  cette  dernière,  le  calcul, 
du  volume  d'un  œuf  de  poule  et  du  poids  de  62  grammes,  occupait  l'S 
iliaque.  On  conçoit  tout  de  suite  à  quel  genre  de  confusion  pourrait  don- 
ner lieu  une  pareille  complication;  mais  il  convient  de  ne  discuter  le 
diagnostic  qu'à  propos  de  toutes  les  causes  qui  provoquent  l'iléus  (voij. 
Intestinales  (occlusions).  Le  seul  indice  qui  mérite  d'être  mentionné  ici, 
c'est  lorsque  le  calcul  étant  arrêté  au-dessus  du  sphincter  de  l'anus  le 
doigt  peut  le  sentir  à  l'aide  du  toucher  rectal. 

ë°  Des  fistules  biliaires  cutanées.  —  Il  n'est  pas  rare  de  voir  l'évacua- 
tion spontanée  de  calculs  biliaires  se  faire  au  travers  de  la  paroi  abdomi- 
nale. Ces  calculs  proviennent  particulièrement  de  la  vésicule  du  tiel  qui 
formant  tumeur  vient  adhérer  au  feuillet  pariétal  du  péritoine  et  se  comporte 
comme  un  véritable  abcès  qui  finit  par  s'ouvrir  à  la  surface  des  téguments. 
Il  arrive  qu'en  présence  de  cette  marche  on  croit  à  un  abcès  du  foie,  ou 
même  à  un  abcès  superficiel,  et  qu'on  ouvre  la  vésicule  du  fiel.  Dans  un 
cas  de  cette  nature  dont  J.  L.  Petit  fut  témoin,  le  liquide  qui  s'écoula  fut 


BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse.  77 

reconnu  pour  être  de  la  bile  pure;  et  plus  tard,  la  fistule  ayant  été  dilatée, 
il  en  sortit  une  pierre  biliaire.  C'est  ordinairement  dans  Vhypochondre 
droit  et  au  niveau  de  la  région  occupée  par  la  vésicule  que  s'ouvre  ainsi 
la  tumeur  biliaire.  Les  exemples  de  ce  cas  sont  si  nombreux  que  nous 
ne  pouvons  en  mentionner  que  quelques-unes.  Parmi  les  deux  observa- 
tions de  fistule  biliaire  que  Morand  a  rapportées  et  qui  semblent  avoir 
été  laissées  dans  l'oubli,  il  en  est  une  qui  est  relative  à  la  présente  cir- 
constance. Une  femme  portait  une  tumeur  dans  la  région  hépatique;  la 
peau  rougit  à  son  niveau  et  elle  s'ouvrit  comme  un  abcès;  il  sortit  d'abord 
du  pus  sans  mélange  de  bile  ;  l'ouverture  ayant  été  dilatée,  il  y  eut  issue 
d'une  pierre  biliaire  grosse  comme  un  gland  de  chêne.  A  la  suite  de 
cela  il  resta  une  fistule,  mais  la  santé  se  rétablit  complètement.  Faucon- 
neau-Dufresne  a  reproduit  les  plus  célèbres  faits  de  cette  nature.  L'un 
des  plus  remarquables  est  bien  certainement  celui  de  Grand-Claude. 
Chez  une  femme  de  81  ans,  il  se  fit,  en  1816,  une  ouverture  spon- 
tanée de  l'hypochondre  droit,  et  il  en  sortit  un  calcul  du  volume  d'un 
petit  œuf  de  poule;  il  en  résulta  une  fistule  permanente  qui,  en  1821, 
laissa  échapper  un  autre  calcul  gros  comme  une  aveline;  en  1827,  issue 
d'un  nouveau  calcul  du  poids  de  34  grammes  ;  la  fistule  persista  et  la 
malade  mourut  en  1829  d'une  pleuro-pneumonie  :  la  vésicule  contenait 
encore  un  calcul  de  même  aspect  que  le  dernier  rendu.  On  a  vu  ainsi 
un  très-grand  nombre  de  concrétions  expulsées  pendant  la  vie  chez  un 
même  individu.  Le  vacher  a  compté  seize  calculs  éliminés  de  cette  façon 
et  Hoffmann  quatre-vingts. 

Les  fistules  biliaires,  de  nature  calculeuse,  se  montrent  ensuite  le  plus 

souvent  à  Yombilie.  Dans  le  second  fait  de  Morand,  il  s'agit  d'un  officier 

du  régiment  du  roi,  chez  lequel  se  manifesta  au-dessus  de  l'ombilic  une 

tumeur  fluctuante  :  cette  tumeur  s'ouvrit,  il  en  sortit  d'abord  du  pus  fé- 

lide,  puis  un  calcul  gros  comme  le  pouce,  et  deux  autres  plus  petits.  11 

resta  un  écoulement  permanent  de  matières  bilieuses.  Buettner  vit  ainsi 

sortir  58  calculs  par  la  région  ombilicale.  Drouineau  parle  d'une  femme 

de  soixante-cinq  ans  qui  rendit,  pendant  six  mois,    des   calculs    par  la 

même  voie  ;  elle  mourut  à  la  fin  avec  les  symptômes  de  l'ictère  grave. 

Une  femme  de  soixante-sept  ans,  observée  par  Leclerc,  de  Caen,  rendit 

par  la  région  ombilicale,  un  calcul  de  cholestérine  du  poids  de  18  grammes 

et  guérit  sans  fistule  consécutive.  Dans  un  cas  mentionné  par  Cruveilhier, 

il  s'établit  une  fistule  biliaire  sous-ombilicale;  et,  malgré  l'existence  de 

celle-ci,  le  calcul  fut  rendu  par  les  selles. 

Enfin,  Mackinder  a  vu  un  calcul  biliaire  s'échapper  parla  région  iliaque 
droite;  Siry,  au  niveau  du  pli  de  Faine;  et  lluguier,  près  du  pubis. 

Ces  divers  modes  de  terminaison  peuvent,  en  général,  être  considérés 
comme  favorables.  Souvent  la  fistule  s'oblitère  après  l'élimination  du 
calcul,  et  la  guérison  devient  définitive.  La  persistance  de  la  fistule  elle- 
même  n'offre  pas  beaucoup  d'inconvénients  pour  la  santé.  Il  résulterait 
des  observations  de  Dassit  (pie,  par  suite  de  l'écoulement  incessant  de 
bile  au  dehors,  l'appétit  dv^  malades  s'exagère,  comme  chez  les  animaux 


78  BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse. 

auxquels  on  a  pratiqué  des  fistules  biliaires  artificielles.  L'oblitération  de 
la  fistule  offre  même,  dans  certains  cas,  plus  de  danger  que  d'avantages  ; 
c'est  lorsqu'il  s'agit  d'une  obstruction  permanente  du  canal  cbolédoque 
par  un  calcul,  car  la  bile  n'ayant  plus  aucun  écoulement,  il  s'ensuit  un 
engorgement  rapide  des  voies  biliaires  et  des  accidents  fàcbeux  dus  à  leur 
réplétion  excessive. 

Notons,  en  terminant,  que  la  nature  de  ces  fistules  est  nettement  indi- 
quée par  la  bile  qui  s'écoule  au  dehors  et  qu'elles  devront  être  explorées 
à  l'aide  du  stylet,  alin  de  savoir  s'il  n'y  a  pas  quelque  calcul  engagé  dans 
leur  trajet  et  prêt  à  sortir. 

Diagnostic.  —  Le  diagnostic  des  calculs  biliaires  est  une  question  extrê- 
mement complexe.  Reconnaître  l'existence  de  ces  concrétions,  en  debors 
des  complications  auxquelles  elles  donnent  lieu,  est  souvent  impossible. 
Nous  savons  que  bon  nombre  de  cas  passent  inaperçus  durant  toute  la  vie 
des  individus  et  qu'on  ne  trouve  les  calculs  chez  eux  qu'au  moment  de 
l'autopsie.  Les  véritables  symptômes  de  l'affection  calculeuse  sont  donc 
ceux  des  désordres  que  produisent  les  calculs.  Le  groupe  symptomatique 
qui  se  manifeste  le  plus  souvent  se  compose  de  la  colique  hépatique,  de 
l'ictère  et  de  l'apparition  de  la  tumeur  biliaire;  celui-là  laisse,  en  général, 
peu  de  doutes  dans  l'esprit. 

Lorsque  la  tuméfaction  de  la  vésicule  est  très-évidente  et  qu'au  lieu 
d'une  simple  fluctuation  on  perçoit  la  sensation  tactile  et  le  bruit  de  col- 
lision, il  en  résulte  une  certitude  plus  grande  encore,  bien  qu'un  kyste 
hydatique  puisse  quelquefois  produire  un  phénomène  analogue.  Le  rejet 
d'un  calcul  par  le  vomissement  ou  par  les  garde-robes  est  un  signe  patho- 
gnomonique  ;  mais  le  fait  est  exceptionnel,  et  encore  faudra-t-il  bien  s'as- 
surer qu'il  s'agit  d'un  calcul  biliaire  et  non  d'une  autre  espèce  de  con- 
crétion ;  la  présence  de  la  cholestérine  en  grandes  proportions  et  de  la 
matière  colorante  verte  sont  des  caractères  propres  aux  concrétions  hépa- 
tiques. La  recherche  d'un  calcul  au  milieu  des  selles  n'est  pas  une  chose 
indifférente;  on  ne  devra  pas  se  contenter  d'examiner  les  matières  qui 
surnagent,  comme  on  le  faisait  autrefois,  mais  aussi  celles  qui  se  sont  dé- 
posées; quelquefois  même  on  sera  obligé  de  les  tamiser.  On  reconnaîtra 
ainsi,  non-seulement  des  calculs  entiers,  mais  aussi  des  fragments  de 
calculs,  des  parcelles  brillantes  de  cholestérine,  les  graviers  biliaires  et 
la  poussière  charbonneuse  de  la  gravelle  mélanique. 

L'établissement  d'une  fistule  cutanée  et  l'évacuation  au  dehors  par  cette 
fistule  de  calculs  ayant  la  composition  indiquée  plus  haut,  sont  des  signes 
tout  aussi  absolus.  Mais  l'apparition  de  symptômes  inflammatoires  du  côté 
de  l'appareil  excréteur  de  la  bile,  ou  la  manifestation  pure  et  simple  d'un 
ictère  persistant,  et  encore  moins  les  accidents  propres  à  l'iléus  ou  à  la 
péritonite  par  perforation,  ne  seront  guère  de  nature  à  éclairer  le  dia- 
gnostic et  devront  tout  au  plus  faire  mettre  en  question  l'existence  des 
calculs  biliaires  comme  cause  possible  de  ces  complications. 

Pronostic  —  Le  pronostic  de  la  lithiase  biliaire  est  très-bénin  ou  très- 
grave,  suivant  que  la  maladie  reste  latente  ou  qu'elle  provoque  l'un  des 


BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse.  79 

accidents  que  nous  connaissons.  Depuis  l'apparition  fugace  d'un  ictère  qui 
s'accompagne  à  peine  de  quelques  douleurs  sourdes  dans  la  région  hépa- 
tique jusqu'à  la  rupture  de  la  vésicule  dans  le  péritoine,  il  y  a  tous  les 
degrés  intermédiaires  de  danger.  Une  attaque  de  colique  hépatique  n'est 
pas  forcément  très-inquiétante;  cependant  nous  avons  vu  que  l'intensité 
de  la  douleur  pouvait  déterminer  la  mort  à  elle  seule.  L'existence  d'une 
iistule  biliaire  cutanée  est  parfaitement  compatible  avec  la  vie  et  doit 
dans  certains  cas,  être  considérée  comme  un  mode  de  guérison  spon- 
tanée; la  fistule  elle-même  finit  quelquefois  par  s'oblitérer,  sans  qu'il  en 
résulte  aucun  autre  inconvénient.  L'occlusion  intestinale  par  un  calcul 
est  un  cas  grave,  mais  elle  n'est  presque  jamais  diagnostiquée.  L'inflam- 
mation des  voies  biliaires,  occasionnée  par  la  présence  des  calculs,  com- 
porte toutes  les  conséquences  fâcheuses  que  nous  connaissons  ;  et,  parmi 
celles-ci,  le  fait  de  la  perforation  des  canaux  de  la  bile,  avec  effusion  de 
ce  liquide  dans  le  péritoine,  est  le  plus  redoutable. 

L'affecLon  calculeuse  du  foie,  considérée  en  dehors  de  toutes  ses  com- 
plications, peut  guérir  radicalement,  sous  l'influence  d'un  traitement  long- 
temps continué  et  d'un  régime  approprié  ;  mais  on  devra  toujours  crain- 
dre les  récidives. 

Tuaitement.  —  Celte  question  importante  comprend  deux  choses  bien 
distinctes,  le  traitement  des  calculs  considérés  en  eux-mêmes  et  le  trai- 
tement des  accidents  qu'entraîne  leur  présence. 

A.  Traitement  des  calculs  biliaires.  — De  l'aveu  de  tous  les  praticiens, 
on  ne  doit  entreprendre  le  traitement  radical  de  l'affection  calculeuse  du 
foie  que  dans  les  intervalles  que  laissent  entre  elles  les  attaques  de  colique 
hépatique,  que  lorsque  les  phénomènes  d'irritation  ont  été  calmés  et 
qu'en  un  mot  la  maladie  est  devenue  pour  ainsi  dire  silencieuse;  autre- 
ment on  ne  ferait  qu'exaspérer  des  accidents  qui  réclament  chacun  un 
traitement  particulier.  Les  divers  moyens  qui  sont  conseillés  contre  les 
calculs  eux-mêmes  forment  trois  groupes  séparés  :  les  uns  ont  la  préten- 
tion d'aller  dissoudre  directement  le  calcul,  comme  s'il  était  dans  levais- 
seau  du  chimiste;  avec  l'emploi  des  autres,  on  cherche  à  l'aire  évacuer  le 
calcul  par  les  voies  naturelles;  et  enfin,  à  l'aide  de  certaines  méthodes,  et 
particulièrement  du  régime,  on  essaye  de  combattre  la  disposition  à  pro- 
duire des  calculs  et  de  prévenir  les  récidives.  Étudions  donc  successi- 
vement l'action  des  dissolvants,  celle  des  évacuants,  et  enfin  celle  du 
régime. 

1°  Dissolvants  on  lithontriptiques .  —  L'idée  d'attaquer  les  calculs 
biliaires  au  moyen  des  dissolvants  portés  plus  ou  moins  directement  jus- 
qu'à leur  contact,  est  antérieure  à  la  connaissance  de  leur  véritable 
composition  ;  elle  est,  par  conséquent,  d'origine  tout  empirique.  Après 
avoir  observé  les  effels  de  certains  réactifs  sur  des  calculs  mis  directe- 
ment eu  expérience,  on  administra  à  l'intérieur  ces  substances  convena- 
blement préparées  :  c'est  ainsi  que  prirent  naissance  la  médication  alca- 
line, et  l'usage  des  liquides  éthérés  ou  des  huiles  essentielles  dans  le 
traitement  des  concrétions  biliaires.  On  peut  dire  que  la  même  méthode 


80  BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse. 

fait  encore,  de  nos  jours,  le  fond  de  la  thérapeutique  de  cette  affection. 

Pour  expliquer  le  mode  d'action  de  ces  moyens,  les  uns,  et  Durande  est 
de  ce  nombre,  pensent  que  le  dissolvant  est  porté  en  nature  par  l'intestin 
et  le  canal  cholédoque  jusqu'au  contact  de  la  concrétion  ;  les  autres,  res- 
suscitant avec  Magendie  la  doctrine  galénique  des  fonctions  de  la  veine 
porte,  admettent  que  la  substance  lithontriptique,  absorbée  par  les  ra- 
dicules de  cette  veine,  est  immédiatement  éliminée  par  la  sécrétion 
hépatique  et  vient  encore,  par  conséquent,  attaquer  directement  le 
calcul. 

Enfin,  on  peut  supposer  que  l'emploi  de  certains  moyens  imprime  à  la 
masse  totale  des  humeurs  et  aux  produits  de  sécrétion  une  réaction  très- 
favorable  à  la  destruction  des  calculs  qui  obstruent  les  conduits  des 
glandes  :  cette  circonstance  rentre  en  partie  dans  la  précédente.  Il  est 
presque  inutile  de  dire  que  la  première  explication  est  antiphysiologique 
et  que  le  reflux  des  matières  intestinales  dans  les  voies  biliaires  est  im- 
possible; quant  aux  deux  autres,  elles  peuvent  tour  à  tour  être  invoquées 
suivant  la  nature  du  remède  employé.  Sur  ces  données,  entrons  dans  le 
détail  des  médications  particulières. 

Médication  alcaline.  —  Cette  médication  parait  avoir  été  inaugurée  par 
Fr.  Hoffmann.  Elle  semblera  très-rationnelle,  dès  le  premier  abord,  si 
l'on  se  reporte  à  ce  que  nous  avons  dit  de  la  formation  des  calculs  bi- 
liaires. Les  alcalins  empêchent  non-seulement  la  précipitation  de  la  cho- 
lestérine  et  des  matières  colorantes  de  la  bile,  et,  par  suite,  peuvent 
arrêter  le  développement  ultérieur  des  calculs;  mais  ils  exercent  encore 
une  action  dissolvante  sur  certains  éléments  des  calculs  définitivement 
formés.  On  a  dit  que  les  alcalins,  en  complétant  la  combustion  respira- 
toire, s'opposaient  à  la  production  de  la  cholestérine,  comme  à  celle  de 
l'acide  urique  ;  ce  qui  est  conforme  à  la  signification  de  la  première 
de  ces  substances  qui  semble  être  le  ternie  extrême  des  métamor- 
phoses que  les  corps  gras  peuvent  éprouver  dans  1* économie  à  l'abri  du 
contact  de  l'air.  En  réalité  la  médication  alcaline  est  celle  dont  l'effica- 
cité contre  les  calculs  biliaires  est  le  mieux  démontrée,  et  elle  a  toujours 
été  plus  ou  moins  en  honneur. 

On  l'a  employée  sous  les  formes  les  plus  variées  :  alcalis  fixes,  lessive  des 
savonniers,  carbonate  de  potasse,  sel  de  soude,  carbonate  d'ammoniaque, 
savon  médicinal,  etc.  On  a  aussi  recommandé  (Durande,  Sômmering,  Bou- 
chardat)  les  sels  alcalins  à  acides  végétaux,  citrates,  tartrates,  acétates, 
malates,  etc. ,  qui ,  comme  on  le  sait ,  se  transforment  rapidement  par 
l'acte  respiratoire  en  carbonates  de  la  même  base  et  qui  sont  très-bien 
supportés.  Mais  le  moyen  le  plus  usité  consiste  dans  l'administration  du 
bicarbonate  de  soude  donné  pur,  en  solution,  ou  tel  que  nous  le  pré- 
sentent certaines  eaux  minérales  naturelles,  comme  celles  de  Vichy,  de 
Vais,  de  Carlsbad,  d'Ems,  etc.  Ces  eaux  seront  prises  en  boisson  et  en  bain  ; 
elles  devront  être  employées  avec  une  certaine  persévérance  et  à  diffé- 
rentes reprises  pendant  plusieurs  années  de  suite  ;  les  doses  en  seront 
réglées  suivant  la  susceptibilité  des  organes  digestifs  et  suivant  d'autres 


BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse.  ôJ 

,ii constances  particulières.  Il  faut  cependant  savoir  qu'ici  c'est  la  sub- 
stance alcaline  elle-même  qui  est  le  véritable  agent  thérapeutique,  et  que 
l'abondance  du  véhicule  aqueux  est  loin  de  jouer  le  même  rôle  que  dans 
l'affection  calculeuse  des  voies  urinaires,  car  le  foie  n'est  pas  comme  le 
rein  un  organe  d'élimination  pour  l'eau. 

Sous  l'influence  du  traitement  alcalin,  des  guérisons  certaines  et  du- 
rables des  concrétions  biliaires  ont  été  obtenues.  Tantôt  les  calculs  sont  dis- 
sociés, ou  dissous  réellement,  et  disparaissent  sans  qu'on  en  retrouve  les 
traces;  mais,  le  plus  souvent,  ils  sont  rendus  intacts  au  milieu  d'éva- 
cuations bilieuses  abondantes.  Cette  crise  est  souvent  précédée  par  une 
attaque  de  colique  hépatique  que  provoquent  les  eaux  alcalines  elles- 
mêmes.  A  ce  titre,  il  faut  savoir  que  la  présente  médication  n'est  pas 
toujours  inoffensive,  et  qu'elle  met  parfois  en  mouvement,  d'une  façon 
fâcheuse,  des  calculs  qui  n'exerçaient  auparavant  aucune  influence  mau- 
vaise sur  les  voies  biliaires.  Cette  réserve  faite,  nous  nous  rattachons  en- 
tièrement à  l'idée  de  la  prééminence  du  traitement  par  les  alcalins  dans 
l'affection  calculeuse  du  foie. 

Remède  de  Durande.  —  Ce  remède  se  compose  de  trois  parties  d'éthei 
sulfurique  et  de  deux  parties  d'essence  de  térébenthine  :  ce  qui  peut  donner 
lieu  à  la  formule  suivante  : 

Éther  sulfurique 15  grammes 

Huile  essentielle  de  térébenthine 10      — 

Mêlez.  De  2  à  4  grammes  par  jour  dans  du  bouillon. 

Durande,  qui  était  un  praticien  habile,  donne  pour  le  bon  emploi  de 
son  remède  des  préceptes  qui  nous  paraissent  supérieurs  à  ce  remède 
lui-même.  11  commence  par  proscrire  l'usage  préalable  des  purgatifs, 
comme  pouvant  provoquer  rengagement  prématuré  des  calculs  dans  les 
conduits  biliaires  encore  irrités.  Après  un  long  usage  d'humectants,  de 
délayants,  d'apéritifs  doux,  il  prescrit  sa  mixture  à  la  dose  d'un  gros, 
tous  les  matins,  en  faisant  prendre  par-dessus  du  petit  lait,  du  bouillon 
de  veau  ou  de  l'eau  pure  édulcorée  avec  du  sirop  de  violettes.  En  général, 
les  malades  doivent  prendre  une  livre  du  remède  pour  que  le  traitement 
puisse  être  considéré  comme  complet.  Pendant  toute  la  durée  de  la  mé- 
dication, on  surveille  avec  soin  ce  qui  se  passe,  et  on  combat  toute  ten- 
dance à  l'irritation  par  la  saignée,  le  lait  d'ànesse,  le  petit-lait,  la  limo- 
nade et  un  régime  doux.  Ce  n'est  que  lorsque  le  cours  de  la  bile  est  libre 
et  que  Phypochondre  cesse  d'être  douloureux  qu'il  est  temps  d'empli  < 
un  purgatif  léger. 

Cette  médication  a  été  jugée  d'une  façon  très-contradictoire.  Des  faits, 
qui  lui  sont  favorables  ,  ont  été  rapportés  en  assez  grand  nombre,  soit 
par  Durande  lui-même,  soit  par  d'autres  observateurs.  Guy  ton  de  Mor- 
veau,  Fourcroy,  Ilallcr,  Sommering,  etc.,  lui  ont  donné  l'appui  de  leur 
haute  approbation.  La  plupart  des  praticiens  la  mettent  encore  en  usage 
de  nos  jours;  nous  avons  vu  Briquet  l'employer  avec  confiance  et  attribuer 


NOUV.    Dir.T.    !HÉ 


82  BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse. 

à  l'action  dissolvante  directe  du  remède  un  certain  degré  de  corrosion 
qu'un  calcul  biliaire  présentait  du  côté  par  lequel  il  regardait  l'intestin. 
Mais  il  faut  reconnaître  que  la  mixture  de  Dnrandc  est  difficilement 
supportée  par  le  plus  grand  nombre  des  malades,  et  qu'elle  provoque 
parfois  des  vomissements,  de  la  diarrhée  et  une  excitation  que  l'inven- 
teur cherchait  par-dessus  tout  à  éviter.  Aussi  a-t-on  tenté  de  modifier 
de  plusieurs  manières  la  formule  primitive  de  Durande.  Haller  l'associait 
à  l'opium;  Sômmering  supprimait  souvent  l'essence  de  térébenthine  et 
la  remplaçait  par  le  jaune  d'œuf  ;  Durande  lui-même,  d'après  le  conseil 
deGuyton  de  Morveau,  avait  quelquefois  employé  ce  mélange.  Duparcque^ 
dans  ces  derniers  temps,  a  substitué  l'huile  de  ricin  à  l'essence  de  téré- 
benthine, et  a  donné  la  formule  suivante  : 

Huile  de  ricin 00  grammes. 

Éther 4      — 

Mêlez.  A  prendre  en  24  heures,  par  cuillerée  à  bouche. 

En  sens  inverse,  nous  voyons  Martin-Solon  augmenter  la  proportion  d'es- 
sence de  térébenthine  par  rapport  à  l'éther.  Comme  dérivés  de  la  même 
médication,  nous  citerons  encore  l'emploi  du  savon  de  Starkey  et  d'une 
autre  formule  de  savon  térébenthine  que  donne  J.  Frank,  et  qu'il  regarde 
comme  un  remède  précieux  :  c'est  donc  ici  une  association  des  alcalins  et 
des  huiles  essentielles.  On  pourrait,  sans  porter  une  pareille  atteinte  à  l'idée 
de  Durande  et  pour  dissimuler  aux  malades  la  saveur  désagréable  du  re- 
mède, prescrire  à  la  fois  un  certain  nombre  de  capsules  d'essence  de 
térébenthine  et  de  perles  d'éther;  mais  c'est  moins  la  saveur  première 
de  ces  substances  que  les  renvois  consécutifs  auxquels  elles  donnent  lieu 
qui  déplaisent  par-dessus  tout. 

En  résumé,  le  remède  de  Durande  a  donné  des  succès;  mais  loin  que 
ces  succès  soient  dus  à  son  action  dissolvante,  il  se  trouve  que,  dans  les 
cas  où  il  a  réussi,  les  pierres  ont  été  plutôt  rejetées  par  les  selles  qu'elles 
n'ont  été  réellement  dissoutes.  Dételle  sorte  que  Je  médicament  ne  semble 
agir  qu'en  provoquant  des  évacuations,  et  qu'à  ce  titre  il  se  rattache  de 
préférence  au  groupe  de  moyens  expulsifs.  Quant  aux  modifications 
qu'on  a  apportées  à  cette  mixture  et  qui  la  dénaturent  plus  ou  moins, 
elles  ne  paraissent  avoir  aucune  utilité  directe  ;  la  formule  préconisée 
par  Duparcque  n'a  même  aucun  avantage  sur  l'huile  de  ricin  employée 
pure,  c'est-à-dire  sur  les  purgatifs  doux  en  général. 

Chloroforme.  —  Parmi  les  éthers,  il  en  est  un  qu'on  a  songé  récem- 
ment à  appliquer  au  traitement  des  calculs  biliaires,  c'est  le  chloro- 
forme. Il  résulte  des  expériences  directes  d'A.  Corlieu,  de  Bouchut  et 
de  Gobley,  que  le  chloroforme  est  le  meilleur  dissolvant  de  la  eholcs- 
térine;  il  se  place,  sous  ce  rapport,  avant  l'éther  et  bien  au-dessus  de 
l'essence  de  térébenthine  et  surtout  des  solutions  alcalines  qui  ne  pa- 
raissent avoir  aucun  effet  sur  les  calculs  biliaires  que  l'on  soumet  à  leur 
action  immédiate.  Nous  savons  d'autre  part  que  le  chloroforme  est  le  dis- 


BILIAIRES  (voies).  —  aitection  calculeuse:.  83 

solvant  naturel  de  la  choJépyrrhine.  Cependant  cette  puissance  dissol- 
vante ne  parait  pas  mieux  s'exercer  dans  l'économie  que  celle  du  remède 
de  Durande.  D'après  les  faits  observés  par  Corlieu  et  par  Bouchut,  et  qui 
sont  en  très-petit  nombre,  le  chloroforme,  employé  à  l'intérieur  sous 
forme  de  sirop  ou  à  la  dose  de  quelques  gouttes  dans  de  l'eau  sucrée,  n'a 
guère  modifié  que  l'élément  douleur.  Nous  retrouverons  ce  moyen  à  l'oc- 
casion du  traitement  de  la  colique  hépatique. 

2°  Moyens  destinés  à  favoriser  V évacuation  des  calculs.  — Nous  venons 
de  voir  qu'en  somme  les  prétendus  dissolvants  des  calculs  biliaires  agis- 
saient plutôt  à  titre  d'évacuants,  soit  en  exagérant  la  sécrétion  biliaire, 
ce  qui  détache  et  entraîne  les  concrétions,  soit  en  sollicitant  les  contrac- 
tions péristaltiques  de  la  vésicule  du  fiel  ;  et  que  les  agents  les  plus  effi- 
caces dans  l'affection  calculeuse  du  foie,  les  alcalins,  étaient  justement 
sans  effet  chimique  sur  la  cholestérine,  surtout  dans  l'état  de  dilution  où 
il  faut  les  administrer. 

Dans  le  même  ordre  d'idées,  on  emploie  des  moyens  dont  l'action  est 
moins  dissimulée  et  qui  ont  pour  but  d'expulser  les  calculs  par  les  voies  na- 
turelles et  d'une  façon  toute  mécanique.  En  tète  de  cette  catégorie  d'agents 
nous  devons  placer  les  purgatifs.  Durande  et  la  plupart  des  praticiens  de 
son  temps  en  excluaient  l'emploi  au  début  du  traitement  et  tant  que  (oui 
n'avait  pas  été  bien  préparé  pour  l'expulsion  du  calcul.  Bricheteau  a  plus 
récemment  rejeté  l'usage  des  purgatifs  tant  que  les  calculs  sont  dans  la  vé- 
sicule, c'est-à-dire  tant  qu'ils  sont  à  peu  près  sans  inconvénients.  Les  effets 
fâcheux  de  la  médication  évacuante  se  révèlent  par  l'explosion  de  la  colique 
hépatique  lorsqu'on  les  administre  d'une  manière  intempestive.  Après 
tout,  cet  accident  n'est  pas  seulement  sous  la  dépendance  de  la  médica- 
tion purgative  et  nous  avons  vu  que  l'administration  des  alcalins  pouvait 
aussi  le  provoquer.  Il  est  assez  difficile  de  concevoir  l'élimination  de 
certains  calculs  volumineux  sans  qu'il  eu  soit  ainsi;  la  colique  hépatique 
est  une  nécessité,  dans  certains  cas,  comme  les  douleurs  dues  à  la  con- 
traction utérine  pour  l'accouchement.  On  peut  juger  tout  à  la  fois  de 
l'utilité  et  de  l'insuffisance  des  purgatifs  contre  l'affection  calculeuse  de 
la  vésicule,  en  consultant  une  observation  rapportée  par  Bonnet  et  dans 
laquelle  on  voit  un  homme  de  soixante  ans  qui  faisait  abus  de  l'élixir  anti- 
glaireux et  chez  lequel  on  trouva,  à  l'autopsie,  deux  ou  trois  calculs 
biliaires  dans  le  jéjunum  et  la  vésicule  toute  remplie  des  mêmes  concré- 
tions. Ainsi  donc,  si  on  n'exclut  pas  entièrement  les  purgatifs  du  traite- 
ment des  calculs  biliaires,  il  faudra  faire  la  part  nécessaire  de  leur  mode 
d'action.  On  aura  surtout  recours  aux  purgatifs  doux  et  particulièrement 
à  l'huile  de  ricin  dont  les  observations  de  Duparcque  ont  démontré  les 
bons  effets,  ou  au  sulfate  de  soude.  Le  calomel,  non  plus  que  la  plupart 
des  cholagogues,  n'a  aucune  supériorité  marquée. 

Les  vomitifs  agissent  dans  le  même  sens,  mais  avec  plus  de  violence 
encore,  et  offrent,  par  conséquent,  plus  de  dangers  ;  on  ne  les  prescrit 
guère  que  lorsque  l'accès  de  colique  hépatique  est  déjà  déclaré  et  qu'on 
veut  hâter  sa  terminaison,  c'est-à-dire  l'expulsion  du  calcul. 


BILIAIRES  i  voies).  —  affection  calcule  use. 

C'est  encore  par  le  même  ordre  (l'action  qu'on  a  vu  des  secousses  im- 
primées an  corps,  les  cahots  d'une  voiture  mal  suspendue  dans  un  che- 
min raboteux,  une  longue  course  à  cheval  (Musgrave),  un  voyage  sur 
mer  par  les  nausées  et  les  vomissements  qu'il  peut  produire,  amener 
l'évacuation  d'un  calcul  biliaire,  après  avoir  quelquefois,  ainsi  que  nous 
l'avons  vu,  provoqué  d'abord  une  colique  hépatique. 

Pour  obéir  aux  mêmes  indications,  Pujol  recommandait  des  frictions 
aromatiques  et  des  mouvements  de  percussion  sur  l'hypochondre  droit, 
Barth  a  employé  des  douches  sur  la  même  région  et  le  message, 
Hall  et  Abeille  ont  appliqué  Y  électricité.  Abeille  a  même  publié  une 
observation  de  calcul  biliaire  extrêmement  volumineux  qui  aurait  été 
expulsé  après  quatre  mois  d'accidents  et  à  la  suite  de  deux  électrisa- 
tions. 

3°  Réfjime. — L'emploi  d'un  régime  approprié  a  autant  pour  but  de  préve- 
nir la  formation  de  nouveaux  calculs  que  d'éliminer  ceux  qui  existent  déjà. 
Les  notions  acquises  sur  la  nature  des  moyens  de  cet  ordre  qu'il  convient 
de  mettre  en  usage  sont  toutes  fondées  sur  l'ancienne  remarque  de 
Glisson  au  sujet  des  effets  de  la  stabulation  sur  les  bœufs  et  de  ce  qui  se 
passe  dès  qu'on  remet  ceux-ci  aux  pâturages.  Aussi  Glisson  lui-même,  puis 
après  lui  Sylvius,  Boerhaavc  et  Van  Swieten,  ont-ils  prescrit  contre  les 
calculs  biliaires  des  décoctions  de  gazon  frais,  de  chiendent,  de  pissenlit, 
et  ont-ils  cru  voir  dans  les  matières  rendues  des  calculs  ou  des  fragments 
de  calculs.  C'est  d'après  cela  qu'on  recommande  encore  des  boissons 
composées  surtout  avec  des  végétaux  frais  tirés  de  la  famille  des  chico- 
racées,  des  borraginées,  des  hépatiques ,  etc.  Il  faut  savoir  que  ces  herbes 
renferment  toujours  une  certaine  proportion  de  sels  alcalins  à  acides  or- 
ganiques qui  se  comportent  dans  l'économie  à  la  façon  des  carbonates  de 
la  même  base;  les  cures  de  raisin,  de  fruits  acides  et  de  petit-lait  sont 
également  fort  utiles.  Dans  l'emploi  de  ces  différents  remèdes,  il  faut 
tenir  compte  des  effets  laxatifs  et  des  selles  bilieuses  abondantes  qu'ils 
provoquent. 

On  excluera,  en  général,  du  régime  des  calculeux  les  corps  gras  qui  à 
tort  ou  à  raison  passent  pour  servir  d'origine  à  la  cholcstérine.  Le  lait, 
malgré  le  beurre  qu'il  contient,  est  cependant  un  aliment  très-convenable 
dans  l'affection  calculeuse  du  foie.  Le  régime,  de  toute  façon,  sera  doux 
et  modéré,  dit  Durande  ;  il  sera  composé  de  viande  de  volaille,  bouillie 
ou  rôtie,  d'herbages,  de  farineux,  de  fruits  bien  mûrs,  de  boissons  dé- 
layantes, de  limonades  au  citron,  à  l'orange,  à  la  crème  de  tartre,  de  lait 
d'ànesse,  etc.  L'exercice,  si  salutaire  dans  tous"les  cas,  aura  moins  pour 
but  de  compléter,  comme  on  l'a  dit,  la  combustion  de  la  graisse,  que  de 
favoriser  l'écoulement  de  la  bile  dans  l'intestin  et  d'empêcher  sa  stagna- 
non  dans  la  vésicule.  De  même  on  prescrira  de  temps  à  autre  quelque 
purgatif  doux5,  tel  que  la  rhubarbe  ou  l'huile  de  ricin. 

B.  Traitement,  des  accidents  causés  par  les  calculs  biliaires. —  Parmi 
ces  accidents,  il  n'en  est  que  deux,  la  colique  hépatique  et  la  tumeur 
biliaire,  qui  Fixeront  notre  attention;  car,  v<:"T  les  autres,  le  traitement 


BiiJ AIRES  (voies).   —  afiecîio*  calcilelse.  85 

nous  est  déjà  connu,  ou  no  se  déduit  en  aucune  façon  de  la  connaissance 
de  la  cause. 

1°  Traitement  de  la  colique  hépatique.  —  La  nature  de  cette  compli- 
cation et  l'intensité  des  douleurs  qui  la  caractérisent  exigent  un  traite- 
ment prompt  et  actif.  On  emploie  souvent  les  émissions  sanguines,  soit 
sous  l'orme  de  saignée  générale,  soit  surtout  en  applications  locales  à 
l'aide  des  sangsues  ou  des  ventouses  scarifiées.  On  a  principalement  égard 
ici  à  l'irritation  inflammatoire  causée  par  l'engagement  du  calcul  et  à  la 
contraction  tonique  qui  en  est  le  résultat.  Durande  rappelle  qu'Hippo- 
cratc  et  Galien  avaient  observé  que  l'hémorrhagie  de  la  narine  droite 
jugeait  avantageusement  l'ictère  avec  inflammation  du  foie,  et  que  Heberden 
a  vu  un  ictère  de  sept  semaines  guéri  par  une  hémorrhagie  qui  fut  portée 
à  un  tel  degré  qu'on  craignit  pour  la  vie  du  malade.  Il  est  possible  après 
tout  que  l'état  syncopal  qui  suit  toute  hémorrhagie  abondante  favorise 
le  dégagement  du  calcul,  comme  dans  le  cas  de  la  hernie  étranjrlée.  Ce 
même  elfet  était  recherché  par  Saunders  qui  prescrivait  les  émétiques  à 
dose  nauséeuse. 

Nous  avons  déjà  apprécié  le  mode  d'action  des  purgatifs  et  des  vomi- 
tifs dans  le  traitement  des  calculs  biliaires,  nous  n'y  reviendrons  pas  ici. 
Seulement  nous  rappellerons  que  l'emploi  de  ces  moyens,  au  moment  de 
l'accès  de  colique  hépatique,  peut  être  aussi  dangereux  que  leur  utilité 
est  contestable. 

Par-dessus  tout  c'est  aux  calmants  de  la  sensibilité  qu'on  devra  avoir 
recours.  V opium  et  ses  diverses  préparations  seront  ordonnés  avec  avan- 
tage; on  ne  craindra  pas  de  les  employer  à  hautes  doses,  comme  10,  15 
ou  20  centigrammes  d'extrait  gommeux,  ou  5  à  10  centigrammes  de 
chlorhydrate  de  morphine.  Mais  les  narcotiques  pris  à  l'intérieur  sont 
souvent  rejetés  en  raison  des  vomissements  qui  existent  déjà;  alors  il  sera 
préférable  de  pratiquer  des  injections  sous-cutanées  de  morphine,  ou  de 
l'aire  absorber  cette  substance  par  la  méthode  enderrnique. 

La  belladone  a  clé  surtout  vantée  par  Bretonneau  et  par  Lolalie.  On 
la  prescrit  à  la  fois  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur,  en  potion  et  sous  forme 
de  pommade.  On  a  de  même  pratiqué  des  injections  hypodermiques  avec 
la  solution  de  sulfate  d'atropine.  Les  lavements  de  tabac,  conseillés  par 
Craigie,  appartiennent  à  la  même  catégorie  de  moyens,  llufeland  préférait 
l'eau  de  laurier-cerise  et  Brichcteau  la  teinture  de  castor eum. 

Le  chloroforme,  employé  en  inhalations  jusqu'à  l'anesthésie,  est  un. 
moyen  précieux  au  moment  des  paroxysmes  les  plus  violents.  Son  action 
poussée  assez  loin  ne  se  contente  pas  de  calmer  la  douleur,  elle  peut  en- 
core faire  cesser  la  contraction  spasmodique  des  voies  biliaires  et  facili- 
ter l'expulsion  du  calcul. 

On  fait  en  même  temps  des  applications  émoUientes,  comme  des  cata- 
plasmes chauds,  sur  l'hypochondre  droit.  Il  est  encore  plus  utile  d'em- 
ployer des  vessies  remplies  de  glace,  ainsi  que  Ihicheteau  l'a  recommandé. 

Portai  prescrivait  des  bains  prolongés  dont  on  entretenait  la  tempéra- 
ture à  un  degré  convenable  et  en  laissant  les  malades  s'y  endormir.  Ce 


86  BILIAIRES  (voies).  —  affection  calculeuse. 

moyen,  à  la  suite  d'une  application  locale  de  sangsues,  pourrait  être  fort 
utile,  surtout  en  provoquant  la  syncope. 

Pour  combattre  les  vomissements  excessifs  qui  tourmentent  les  malades 
et  qui  ne  sont  pas  sans  danger,  on  prescrit  des  boissons  gazeuses  froides, 
l'eau  de  seltz,  la  limonade  et  par-dessus  tout  la  glace  prise  à  l'intérieur. 
(Bricheteau.) 

À  la  suite  de  l'accès,  les  malades  restent  épuisés  et  anéantis.  Il  ne  faut 
pas  se  hâter  d'employer  les  stimulants;  le  repos  et  un  long  sommeil,  que 
la  cessation  de  la  douleur  favorise,  sont  les  remèdes  les  plus  efficaces. 
Le  régime  sera  celui  que  nous  avons  indiqué  à  l'occasion  de  l'emploi  du 
remède  de  Durande. 

2°  Traitement  de  la  tumeur  et  de  la  fistule  biliaires.  —  La  connaissance 
de  ce  qui  se  passe  lorsque  les  calculs  biliaires  sont  éliminés  au  travers  de 
la  paroi  abdominale,  a  inspiré  à  J.  L.  Petit  l'idée  d'une  opération  ana- 
logue à  celle  de  la  taille  pour  les  calculs  de  la  vessie.  Mais  ici  les  condi- 
tions anatomiques  toutes  différentes  qui  existent,  et  la  nécessité  qu'il  y  a 
de  traverser  la  cavité  du  péritoine  pour  arriver  à  la  vésicule,  réduisent  Im- 
plication de  cette  espèce  de  lithotomie  aux  cas  où  les  adhérences  entre  les 
deux  feuillets  du  péritoine  sont  bien  évidentes,  et  surtout,  comme  le  veut 
Boyer,  lorsque  la  tumeur  prend  les  apparences  d'un  abcès  et  qu'elle  me- 
nace de  se  rompre  à  l'extérieur.  Dans  ces  conditions  l'opération  est  de  la 
dernière  simplicité.  Mais  on  a  aussi  tenté  de  provoquer  ces  adhérences 
quand  elles  n'existaient  pas  et  alors  on  se  comporte  comme  lorsqu'il  s'agit 
d'ouvrir  un  abcès  ou  un  kyste  hydatique  du  foie.  Leclerc  (de  Senlis)  rap- 
porte l'observation  d'une  femme  de  72  ans  qui  avait  une  tumeur  fluc- 
tuante dans  rhypochondre  droit;  cette  tumeur,  ouverte  à  l'aide  de  la  potasse 
caustique,  laissa  écouler  d'abord  de  la  sérosité,  puis  des  calculs  biliaires 
entassez  grand  nombre.  Il  resta  une  fistule  qui  même  tendait  à  la  cicatri- 
sation ;  la  malade  reprit  de  l'embonpoint  et  sa  santé.  Toutefois,  mal- 
gré quelques  succès  et  malgré  l'autorité  de  Chelius,  on  ne  saurait 
recommander  l'ouverture  de  la  vésicule  que  lorsque  l'indication  d'agir 
est  très-formelle  et  qu'il  y  a  déjà  tendance  à  l'élimination  spontanée  des 
calculs. 

Lorsqu'une  fistule  biliaire  s'établit  d'elle-même,  il  y  a  souvent  lieu 
d'élargir  son  orifice  et  son  trajet,  afin  de  faciliter  la  sortie  des  calculs  dont 
on  aura  reconnu  l'existence  à  l'aide  du  stylet.  On  fait  habituellement  usage, 
pour  ce  cas,  de  l'éponge  préparée. 

Il  y  a  deux  ans,  Demarquay  a  communiqué  à  la  Société  de  chirurgie 
le  fait  d'un  homme  de  trente-cinq  ans  qui  portait  à  la  partie  inférieure 
de  l'hypochondre  droit  une  plaie  fistuleuse  ayant  succédé  à  l'ouverture 
d'un  abcès  delà  vésicule  du  fiel.  Cette  plaie,  qui  datait  de  plusieurs  mois, 
donnait  issue  de  temps  en  temps  à  des  calculs  biliaires.  Un  examen  attentif 
fit  découvrir  que  le  trajet  fistuleux  et  la  vésicule  étaient  remplis  par  des 
concrétions  de  même  nature.  Il  fut  facile,  à  l'aide  d'une  longue  pince, 
d'enlever  toutes  celles  qui  occupaient  le  voisinage  de  l'orifice  fistuleux  et 
qui  offraient  un  petit  volume;  mais  il  y  en  avait  d'autres  plus  grosses  qui 


BILIAIRES  (voies).  —  bibliographie.  87 

ne  purent  être  amenées  au  dehors  qu'après  avoir  été  fragmentées  avec 
un  petit  brise-pierre.  Le  malade  a  parfaitement  guéri.  Ainsi  il  résulte  de 
ce  fait  que  la  lithotritie  a  été  et  peut  être  appliquée,  comme  la  lithotomie, 
au  traitement  des  calculs  biliaires. 

La  fistule  persistant,  il  ne  faut  pas  toujours  chercher  à  l'oblitérer,  car 
on  doit  supposer  que  de  nouveaux  calculs  pourront  se  présenter  à  l'orifice 
et  que  les  voies  biliaires  ne  sont  pas  libres.  Dans  le  cas  où  un  calcul  obs- 
truerait le  canal  cholédoque  et  où  la  bile  ne  s'écoulerait  pas  dans  l'intestin, 
l'occlusion  de  la  fistule  offrirait  des  dangers,  tandis  que  par  elle-même 
elle  n'a  que  très-peu  d'inconvénients.  11  est  d'observation  que  ces  sortes 
de  fistules  tendent  à  se  fermer  définitivement  lorsque  tous  les  calculs  ont 
été  évacués. 

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t3frcioux,  Perforation  de  la  vésicule  par  des  calculs  biliaires  [Bull,  de  la  Soc.  anat.  1858). 
Comtesse,  Phlébite  suppuralive  de  la  veine  porte  produite  par  une  inflammation  calculeuse  deï 

voies  biliaires  [Bull.de  la  Soc.  anat.  1858). 
Peebles.  Observations  d'iléus  causé  par  un  calcul  biliaire  [Edinhurgh  med.  Journ.  1858  . 
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BILIAIRES  (voies).  —  kxtozoaires.  m 

Duparcque,  Notice  sur  le  diagnostic  cl  io  traitement  îles  coliques  hépatiques  par  concrétions  bi- 
liaires [Gaz.  hebdom.  de  méd.  el  de  cJiir.  1859). 
Drouineau,  Calculs  biliaires  sortis pâ?  la  région  ombilicale  [Bull,  delà  Soc.  de  cïtir.  Jui  1  1859). 
Douchut  (E.),  Du  chloroforme  à  l'intérieur  contre  les  calculs  biliaires,  les  coliques  hépatiques  et 

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Gobley,  Note  sur  les  meilleurs  dissolvants  des  calculs  biliaires,   et  spécialement  du  chloroforme 

[Bull.  gén.  de  thérap.  1861). 
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1862). 
Trousseau  (A.),  Clinique  médicale  de  l'IIôtel-Dieu,   t.  II.  1862,  p.  519.  2e  édit.   Paris,   1865, 

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par  la  région  ombilicale  [Acad.  des  se.  Janvier  1865). 


ftntozoalres. — Plusieurs  espèces  d'entozoaires  ont  été  trouvées  dans 
les  voies  biliaires  de  l'homme.  De  ce  nombre  sont  les  ascarides  lombri- 
coules,  les  distomes  et  les  vésicules  à  échinocoques  ;  relativement  au 
taenia,  il  n'y  en  a  pas  d'exemple  bien  authentique.  Examinons  chacun 
de  ces  cas  en  particulier,  et  accessoirement  la  question  des  corps  ovi- 
formes. 

1°  Ascarides  lombricoïdes. —  L'histoire  de  la  science  renferme  des  faits 
nombreux  et  bien  observés  d'ascarides  lombricoïdes  rencontrés  dans  les 
diverses  dépendances  des  voies  biliaires.  Laennec,  Cruveilhier,  Guersant, 
Tonnelé,  Bonlils  et  Davaine,  ont  successivement  rapporté  les  principales 
observations  qui  en  ont  été  publiées.  Ces  vers  proviennent  évidemment 
de  l'intestin  où  ils  ont  leur  siège  habituel  ;  c'est  par  une  sorte  de  migra- 
tion ultérieure  qu'ils  pénètrent  dans  l'appareil  excréteur  de  la  bile, 
comme  ils  le  font  pour  plusieurs  autres  organes.  Ordinairement  il  y  en 
a  en  même  temps  dans  lciube  digestif  et  dans  les  conduits  de  la  bile  ;  on 
les  a  vus  à  demi-engagés  dans  le  canal  cholédoque,  avec  une  extrémité 
encore  libre  du  coté  du  duodénum.  Cette  pénétration  se  fait  durant  la 
vie.  Cruveilhier  a  pourtant  mis  en  doute  sa  possibilité,  et  a  cru  qu'elle 
n'avait  lieu  qu'après  la  mort  ou  pendant  l'agonie,  en  se  fondant  sur  ce 
que  les  orifices  muqueux  sont  doués  d'une  sensibilité  qui  ne  permet  pas 
aux  corps  étrangers  de  les  franchir  dans  une  certaine  direction.  Mais 
l'hypothèse  de  Cruveilhier  tombe  devant  l'observation  des  faits  :  toute  une 
symptomatologie  est,  ainsi  que  nous  le  verrons,  fondée  sur  la  présence  de 
ces  vers  dans  les  voies  de  la  bile  durant  la  vie  ;  et  beaucoup  d'autres  circon- 
stances, que  nous  aurons  l'occasion  de  mentionner,  le  prouvent  également, 
ïl  faut  supposer  que  les  vers,  qui  sont  des  corps  animés,  rencontrent 
dans  leurs  mouvements  de  progression,  et  par  hasard,  l'orifice  du  canal 
cholédoque  et  s'y  engagent.  Davaine  a  pensé  qu'une  dilatation  préalable 
de  ce  conduit,  par  un  calcul  ou  par  des  hydatides  évacués  récemment, 
devait  favoriser  cette  pénétration.  Il  est  vrai  que  dans  certaines  obser- 
vations on  a  signalé  la  coïncidence  des  calculs  biliaires  ou  des  hydatides 


90  BILIAIRES  (voies).  —  entozoaires. 

avec  la  présence  d'ascarides  dans  les  conduits  hépatiques;  mais  si  l'on 
considère,  d'après  Davaine  lui-même,  que  cette  coexistence  n'a  été  men- 
tionnée que  deux  fois  pour  le  premier  cas  et  qu'une  fois  pour  le  second  ; 
et  que,  d'une  autre  part,  le  même  auteur  n'a  pas  rapporté  moins  de 
trente-sept  observations  relatives  à  l'affection  verinineuse  des  voies  biliai- 
res, on  ne  sera  disposé  à  tenir  qu'un  faible  compte  de  la  précédente  ex- 
plication. Il  reste  cependant  démontré,  par  le  même  relevé,  que,  sous  le 
rapport  de  l'âge,  les  faits  de  pénétration  d'ascarides  dans  le  canal  cholé- 
doque sont  trois  fois  plus  fréquents  après  quinze  ans  qu'au-dessous  de 
cette  époque  de  la  vie  ;  ce  qui  tient  sans  doute  à  ce  que  les  dimensions  des 
conduits  de  la  bile,  et  surtout  de  leur  embouchure  dans  le  duodénum, 
deviennent  de  plus  en  plus  favorables  à  l'accident  que  nous  signalons. 

Les  ascarides  lombricoïdes  se  rencontrent  quelquefois  isolément  dans 
les  voies  biliaires;  mais,  dans  certains  cas,  ils  y  existent  en  très-grand 
nombre;  ils  se  portent  dans  toutes  les  directions,  soit  vers  la  vésicule  du 
fiel,  soit  jusque  dans  les  plus  fines  ramifications  des  conduits  biliaires 
qu'ils  ont  dilatés.  Ces  vers  s'y  montrent  avec  des  proportions  aussi  varia- 
bles que  ceux  qui  occupent  l'intestin;  et  tout  porte  à  croire  que  leur  dé- 
veloppement n'a  point  été  consécutif  à  leur  pénétration.  On  les  a  tantôt 
trouvés  vivants,  et  d'autres  fois  morts  et  plus  ou  moins  altérés  :  on  com- 
prend que,  dans  ce  dernier  cas,  ils  ont  dû  envahir  les  voies  biliaires 
durant  la  vie  du  malade,  et  y  séjourner  au  moins  quelque  temps.  Dans 
l'une  des  observations  de  Mattel,  des  œufs  d'ascarides  ont  été  constatés 
en  même  temps  que  deux  de  ces  vers  dans  l'épaisseur  du  foie. 

La  présence  des  ascarides  dans  l'appareil  excréteur  de  la  bile  s'accom- 
pagne souvent  d'altérations  des  conduits  qui  le  constituent.  Ils  offrent 
non-seulement  des  dilatations  en  rapport  avec  les  dimensions  du  ver,  mais 
aussi  des  indices  d'irritation,  des  ulcères,  des  perforations.  On  a  vu  des 
ascarides  occuper  des  foyers  purulents  creusés  aux  dépens  du  parenchyme 
du  foie  et  en  communication  avec  un  conduit  biliaire  plus  ou  moins 
élargi.  Rœderer  et  Wagler  en  ont  rencontré  dans  un  kyste  hydatique 
rompu  dans  les  voies  de  la  bile.  Par  suite  d'une  migration  encore  plus 
avancée,  des  ascarides  ont  perforé  le  canal  cholédoque  et  ont  pénétré 
dans  la  cavité  du  péritoine  ;  ils  peuvent  même  finir  par  se  montrer  au 
dehors,  au  moyen  d'un  abcès  du  foie  qui  se  rompt  à  l'extérieur  (fait  de 
Kirkland)  ;  ici  l'écoulement  simultané  du  pus  et  de  la  bile  et  l'apparition 
de  l'ascaride  ne  laissent  aucun  doute  sur  la  voie  qu'il  a  suivie.  Enfin, 
rappelons  le  cas  où  un  ascaride  mort  devient  le  noyau  d'un  calcul  biliaire 
(fait  de  Lobstein). 

Il  est  rare  que  la  présence  de  ces  entozoaires  dans  les  voies  biliaires 
ne  s'accompagne  pas  d'accidents  plus  ou  moins  inarqués.  Lorsqu'il  en  est 
autrement,  il  faut  nécessairement  admettre  que  c'est  pendant  les  derniers 
temps  de  la  vie,  ou  après  la  mort,  que  le  fait  de  la  pénétration  a  eu  lieu . 
Les  symptômes  par  lesquels  cette  circonstance  se  manifeste  habituelle- 
ment sont  de  différents  ordres.  Les  uns  se  rapportent  cà  l'occlusion  des 
voies  biliaires,  comme  l'ictère,   l'augmentation  du  volume  du  foie  et  le 


BILIAlPiKS  (voies).  —  entozoaires.  91 

développement  de  la  vésicule.  D'autres  témoignent  d'une  irritation  plus 
ou  moins  violente  des  parties  envahies  et  acquièrent  une  intensité  qui 
rappelle  les  accidents  de  la  colique  hépatique.  Enfin,  la  perforation  du 
conduit  cholédoque  ou  de  la  vésicule,  la  formation  d'un  abcès  dans  le 
parenchyme  hépatique,  ou  le  cheminement  de  cet  abcès  vers  l'extérieur, 
s'accusent  par  leurs  caractères  propres.  On  voit  combien  cette  sympto- 
matologie  est  peu  significative  ;  elle  reproduit  en  grande  partie  celle  des 
calculs  biliaires  et  le  diagnostic  entre  les  deux  affections  est  souvent  dif- 
ficile à  établir. 

Insistant  particulièrement  sur  les  indices  qui  peuvent  conduire  à  une 
distinction  entre  elles,  nous  ferons  remarquer  qu'on  a  assez  fréquemment 
signalé  des  convulsions  générales  dans  le  cas  d'affection  vermineuse  des 
voies  biliaires;  les  faits  de  Lorry,  de  Cruveilhier,  de  Guersant  et  de 
Broussais,  donnent  une  certaine  valeur  à  cette  remarque.  Puis  l'âge  du 
sujet  étant  donné,  on  soupçonnera  plutôt  des  vers  chez  un  individu  jeune 
encore,  et  plutôt  des  calculs  chez  un  malade  qui  aurait  atteint  l'âge  moyen 
de  la  vie.  L'expulsion  d'un  vers  par  le  vomissement  ou  par  les  selles  après 
des  attaques  réitérées  d'ictère  et  la  cessation  de  l'ictère  à  la  suite  de 
cette  évacuation,  auraient  pour  le  diagnostic  une  grande  importance; 
c'est  précisément  ce  qui  a  eu  lieu  dans  un  fait  rapporté  par  Schloss  :  un 
ictère  s'accompagnant  d'accidents  graves,  chez  une  femme  de  trente-six 
ans,  disparut  après  qu'un  ascaride  lombricoïde  eut  été  rejeté  par  le  vo- 
missement. Le  cas  de  Kirkland  est  encore  plus  significatif,  puisqu'il  y 
eut  issue,  par  un  abcès  ouvert  dans  l'hypochondre  droit,  d'un  ascaride, 
et  consécutivement  une  véritable  fistule  biliaire. 

11  est  impossible  de  formuler  un  traitement  fondé  sur  la  connaissance 
d'une  cause  qui  échappe  presque  toujours  à  l'observateur.  On  devra  se 
borner,  par  conséquent,  à  obéir  aux  indications  qui  se  présenteront. 
L'apparition  brusque  d'un  ictère  chez  un  jeune  sujet,  avec  des  phéno- 
mènes convulsifs  se  produisant  en  même  temps,  devrait  engager  à  em- 
ployer les  anthelminthiqucs,  parmi  lesquels  le  calomel  occuperait  le  pre- 
mier rang. 

2°  Distomes.  —  Tandis  que  les  ascarides  ne  se  rencontrent  qu'acciden- 
tellement dans  les  voies  biliaires,  les  distomes  ou  douves  y  ont  leur  siège 
habituel.  Ils  sont  très-fréquents  chez  les  ruminants  et  surtout  chez  le 
bœuf  et  le  mouton  où  ils  produisent  une  maladie  grave  et  épidémique 
connue  sous  le  nom  de  Cachexie  aqueuse.  Ils  existent  aussi  chez  le  che- 
val, le  lièvre,  le  lapin,  les  oiseaux  de  basse-cour,  etc.  Les  faits  de  dis- 
tomes dans  l'espèce  humaine  sont  si  rares  que  Bremser  cite  à  peine 
sept  observateurs  qui  en  ont  rencontré  dans  un  nombre  de  cas  très- 
restreints  et  que  pour  sa  part  il  n'en  a  jamais  vu  que  chez  les  animaux. 
Davaine  n'en  rapporte  que  neuf  observations  positives  ;  aucune  ne  lui  est 
personnelle. 

Les  deux  principales  espèces  de  distome,  le  distoma  hepaticum  et  le 
distoma  lanceolatùm,  se  trouvent  habituellement  réunies  en  même  temps 
dans  les  conduits  biliaires.  Pour  connaître  leurs  caractères  zoologiques, 


\%  B1LIA1KKS  (voi-es).  —  entozoaihès. 

on  devra  consulter  l'article  Ektozoaires,  groupe  des  Trématodes.  fi  nous 
suffira  de  savoir  que  ces  parasites  ont  toujours  été  vus  chez  les  animaux 
à  l'état  parfait.  Ils  pénètrent  sans  doute  avec  les  aliments  dans  le  tube 
digestif,  sous  la  forme  qui  leur  est  propre,  ou  sous  celli',  de  larve 
ou  de  cercaire,  et  éprouvent  rapidement  leur  dernière  transformation 
lorsque  celle-ci  ne  s'est  pas  déjà  accomplie  au  dehors.  Quant  à  la 
voie  qu'ils  suivent  pour  arriver  jusque  dans  les  conduits  biliaires,  elle  est 
encore  incertaine.  Il  est  probable  cependant  que  c'est  par  l'intermédiaire 
de  la  veine  porte,  car  on  en  a  trouvé  dans  cette  veine  à  l'état  de  complet, 
développement,  bien  distincts  du  distoma  hxmatobium,  et  sans  que  les 
parois  du  vaisseau  aient  offert  la  moindre  trace  d'ulcération  ni  de  commu- 
nication avec  les  canaux  de  la  bile.  (Observation  de  Duval.)  Le  torrent  de 
la  circulation  peut  même  les  porter  ailleurs  que  dans  le  foie,  puisque 
Giesker  et  Frey  en  ont  observé  dans  une  tumeur  de  la  plante  du  pied; 
Jean  Harris,  dans  un  abcès  situé  à  l'occiput  chez  un  enfant;  Fox,  dans 
une  tumeur  située  derrière  l'oreille;  Dionis  des  Carrières,  dans  une  tu- 
meur de  la  région  hypochondriaque  droite;  et  enfin,  Treutler,  dans  la 
veine  tibiale  antérieure.  Ces  faits,  rapportés  tout  au  long  par  Davaine, 
prouvent  non-seulement  le  mode  de  translation  de  ces  parasites,  mais 
démontrent  aussi  que  le  foie  n'est  pas  leur  lieu  exclusif  d'habitation  et  où 
ils  peuvent  seulement  acquérir  leur  développement  parfait. 

Les  altérations  anatomiques  produites  par  les  distomes  dans  les  voies 
biliaires  ont  été  surtout  constatées  chez  le  mouton.  Elles  consistent  dans 
la  dilatation  des  conduits  qui  renferment  les  parasites  et  avec  eux  une 
matière  visqueuse  et  plus  ou  moins  concrète  ;  ces  dilatations  sont  quel- 
quefois partielles  et  se  présentent  sous  l'apparence  de  kystes.  Les  parois 
épaissies  des  conduits  biliaires  finissent  par  s'incruster  de  phosphate  de 
chaux  et  par  se  transformer  en  tubes  rigides.  La  vésicule  ne  participe 
guère  à  ces  altérations.  Chez  l'homme,  du  reste,  elles  sont  toujours  moins 
prononcées  et  se  bornent  à  la  simple  dilatation  du  canal  envahi  ;  d'ailleurs 
les  distomes  s'y  trouvent  ordinairement  en  très-petit  nombre  ;  ils  se  pré- 
sentent, comme  chez  les  animaux,  sous  forme  d'une  petite  feuille  lancéo- 
lée, et  roulés  sur  eux-mêmes.  Quelquefois,  par  suite  d'une  migration  con- 
sécutive, les  distomes  se  rencontrent  dans  le  duodénum  et  dans  le  reste 
des  intestins,  de  telle  sorte  qu'ils  ont  pu  être  rendus,  pendant  la  vie,  par 
les  vomissements  ou  par  les  garde-robes. 

Les  symptômes,  causés  par  les  distomes,  sont  bien  connus  chez  les 
moutons  qu'ils  font  périr  en  grand  nombre  durant  certaines  années.  Les 
observations  de  cette  aflection  vermineuse  chez  l'homme  ne  font  mention 
que  de  signes  fort  incertains,  parmi  lesquels  nous  signalerons  Victère^ 
les  convulsions  et  Y  anémie.  Le  rejet  du  parasite,  parles  évacuations  alvi- 
nes  ou  parles  efforts  du  vomissement,  donnerait  au  diagnostic  une  valeur 
absolue,  P.  Franck  a  rapporté  l'histoire  d'une  jeune  fille  de  huit  ans 
qui  était  réduite  au  dernier  degré  de  marasme,  qui  avait  le  ventre  météo- 
risé  et  de  la  diarrhée  depuis  six  mois  ;  la  région  hépatique  était  doulou- 
reuse au  point  de  déterminer  de  l'agitation  et  une  anxiété  violente  ;  h 


BILIAIRES  (voies).  —  estozoaiiies.  93 

malade,  qui  n'avait  jamais  été  ictériquc,  mourut  au  milieu  des  convul- 
sions. Le  conduit  hépatique  renfermait,  dans  une  dilatation  qu'il  présen- 
tait, cinq  vers  roulés  en  peloton,  vivants  et  de  la  longueur  d'un  ver  à 
soie.  Cette  description,  de  l'aveu  de  tous  les  auteurs,  ne  peut  se  rappor- 
ter qu'à  la  douve  du  foie.  Dans  le  fait  de  Mehlis,  on  voit  une  femme  de 
trente  et  un  ans,  qui  paraissait  atteinte  de  maladie  du  foie  depuis  quel- 
que temps,  qui  rejeta  dans  une  première  circonstance,  par  le  vomissement 
etau  milieu  de  sang  coagulé,  des  distomes  encore  vivants,  et  qui  en  ren- 
dit ensuite  par  les  garde-robes.  L'année  suivante  cette  même  femme,  à  la 
suite  d'oppressions  de  poitrine,  d'une  toux  brève  et  sèche,  de  lassitude 
dans  tous  les  membres,  de  convulsions  réitérées  et  violentes,  d'aphonie, 
de  tension  de  l'abdomen  et  d'ictère,  rendit  encore  au  milieu  de  sang 
vomi  plusieurs  distomes  hépatiques  et  cinquante  distomes  lancéolés.  La 
santé  de  la  malade  fut  ensuite  entièrement  rétablie.  Mehlis,  qui  ne  con- 
stata jamais  ces  vomissements  par  lui-même,  a  soin  de  faire  observer  que 
la  femme  en  question  était  honnête  et  simple  ;  d'ailleurs  son  visage  pre- 
nait souvent  une  teinte  ictérique. 

D'après  des  données  aussi  incertaines  et  avec  un  diagnostic  toujours 
douteux,  hormis  le  cas  où  les  distomes  sont  rejetés  au  dehors,  ii  est  im- 
possible de  formuler  un  traitement  régulier.  Cependant  Chabert,  au  dire 
de  Rudolphi,  aurait  fait  rendre  à  une  jeune  fille  de  petites  distomes  hé- 
patiques, à  l'aide  de  son  huile  empyreumatique. 

5°  Hydatides.  —  Nous  connaissons  le  cas  des  hydatides  développées 
primitivement  dans  les  parois  des  conduits  biliaires.  Il  s'agit  ici  des  hy- 
datides qui  se  rencontrent  accidentellement  à  l'état  de  liberté  dans  la 
cavité  même  de  ces  conduits  et  qui  proviennent  de  kystes  hydatiques  du 
foie  qui  s'y  sont  rompus.  Laenneca  rapporté  le  fait  d  hydatides  trouvées 
dans  la  vésicule  du  fiel  et  provenant  vraisemblablement  d'un  kyste  à 
acéphalocvstes  qui  communiquait  avec  l'un  des  conduits  de  la  bile.  Le- 
roux mentionne  un  cas  semblable.  Charcclay  et  Charcot  ont  vu  les  hyda- 
tides dans  les  conduits  eux-mêmes.  Enfin  dans  une  remarquable  observa- 
tion de  Perrin,  il  est  dit  qu'un  malade  qui  portait  une  tumeur  dans  la 
région  du  foie  finit  par  rendre  des  hydatides  et  des  calculs  biliaires  avec  les 
selles  et  par  guérir  entièrement.  Tout  porte  à  croire  qu'ici  les  hydatides 
avaient  traversé  les  voies  biliaires  en  entraînant  avec  elles  les  calculs  qui 
s'y  étaient  iormés.  La  présence  de  ces  corps  dans  les  différentes  parties 
de  l'appareil  excréteur  de  la  bile  a  pour  effet  de  le  dilater  et  de  provoquer 
momentanément  des  phénomènes  d'occlusion,  des  douleurs  de  la  nature 
de  la  colique  hépatique  et  l'ictère.  Chez  le  malade  de  Charcclay,  on 
crut  d'abord  à  une  colique  de  plomb  et  on  le  soumit  au  traitement  de  la 
Charité;  il  mourut  le  cinquième  jour  en  présentant  un  ictère  assez  in- 
tense et  avec  la  face  grippée.  Il  y  avait  un  kyste  hydatique  du  lobe  droit 
du  foie  et  des  vésicules  libres  dans  la  racine  gauche  du  conduit  bépa- 
tique  et  dans  le  canal  cholédoque.  Le  malade  de  Charcot  eut  de  l'ictère 
et  des  douleurs  de  colique  hépatique;  on  découvrit  une  tumeur  dans 
l'hypochondre  droit,  et  la  mort  survint  au  milieu  de  phénomènes  res? 


94  BILIAIRES  (voies).  —  entozoaikes. 

semblant  à  ceux  de  la  période  algide  du  choléra.  Outre  les  altérations 
propres  aune  péritonite  généralisée,  on  trouva  un  kyste  hydatique  du 
foie  ouvert  dans  l'arrière-cavité  des  épiploons  et  dans  la  branche  droite 
du  canal  hépatique  ;  le  canal  cholédoque  était  rempli  par  un  grand  nom- 
bre de  débris  d'hydatides  baignés  dans  la  bile.  Ces  détails  suffisent  pour 
faire  apprécier  la  nature  de  l'accident  dont  nous  parlons,  ses  symptômes 
et  sa  gravité. 

4°  Taenia.  —  Il  n'y  a  pas  d'exemple  positif  qui  prouve  que  le  tamia 
puisse  s'engager  dans  les  voies  biliaires  de  l'homme.  Nous  ne  connais- 
sons qu'un  fait  observé  par  Morcau,  de  Vitry-le -François,  et  mentionné 
par  Fauconneau-Dufresne,  et  où  il  est  dit  qu'une  dame  de  56  ans,  qui 
rendait  des  fragments  de  tamia,  éprouvait,  tous  les  quinze  jours  environ, 
un  ictère  accompagné  de  douleur  et  de  gonflement  du  foie,  et  n'en  fut 
débarrassé  qu'après  qu'un  traitement  par  le  calomel  lui  eut  fait  rejeter 
le  parasite.  Pour  ce  qui  est  des  animaux,  nous  voyons  que  Jones,  de  Lon- 
dres, a  présenté  à  la  Société  anatomique  un  taenia  de  12  à  15  centi- 
mètres de  long,  trouvé  dans  le  foie  d'un  rat  pris  à  Montfaucon.  Ce  Uenia 
était  enkysté,  et  rien  ne  prouve  qu'il  provenait  de  l'intestin. 

5°  Corps  oviformes.  —  Ces  corps,  dont  la  nature  est  encore  un  pro- 
blème aujourd'hui,  s'observent  très-fréquemment  dans  le  foie  du  lapin, 
où  ils  forment  des  traînées  ou  des  amas  blanchâtres  visibles  à  la  surface 
de  la  glande  ;  ils  offrent  la  plus  grande  analogie  avec  les  ovules  de  cer- 
tains vers  intestinaux,  mais  sans  qu'on  ait  jamais  constaté  la  présence 
de  l'entozoaire  qui  les  aurait  déposés.  Ces  corps  oviformes  n'ont  été  ob- 
servés qu'une  seule  fois  chez  l'homme,  et  par  Gubler  qui  en  a  donné  une 
description  détaillée.  On  crut  pendant  la  vie  à  un  kyste  hydatique  ;  à 
l'autopsie,  on  trouva,  entre  autres  altérations,  de  nombreuses  tumeurs 
disséminées  dans  la  substance  du  foie  et  de  la  forme  et  du  volume  de  mar- 
rons, avec  l'aspect  du  cancer  encéphaloïde.  Le  contenu  de  ces  tumeurs 
était  formé  par  des  cellules  quatre  fois  plus  grosses  que  la  cellule  hépa- 
tique, de  forme  ovoïde,  à  double  contour  et  à  contenu  granuleux.  Pour 
Gubler,  ces  corps  doivent  être  considérés  comme  des  œufs  d'animaux  in- 
férieurs, avec  une  coque  à  double  contour  et  un  vitellus  granuleux,  et 
ressemblant  particulièrement  à  des  œufs  de  distome.  Nous  mentionnons 
ce  fait  dans  l'espoir  que  de  nouvelles  observations  nous  éclaireront  sur  sa 
véritable  signification. 


Rœdeker  et  Vagler,  Disscrlatio  de  morbo  mucoso.  Gottingue,  1762.  — Trad.  de  l'encyclopédie 

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Occlusion.  —  Nous  avons  vu,  dans  tout  ce  qui  précède,  une  mulli- 
tude  de  circonstances  qui  sont  de  nature  à  provoquer  l'occlusion  des 
voies  biliaires.  Or,  il  arrive  que,  quelle  que  soit  la  forme  de  l'obstacle  au 
cours  de  la  bile,  les  lésions  anatomiques  et  le  groupe  symptoinatique  qui 
en  dérivent,  prennent  une  apparence  assez  uniforme;  de  telle  sorte  que, 
si  Ton  ne  parvient  pas  toujours  à  diagnostiquer  la  cause  de  l'obstr.uction, 
on  peut  au  moins  affirmer  que  celle-ci  existe  et  en  déduire  quelques  in- 
dications utiles  pour  la  pratique. 

Parmi  les  conditions  mécaniques  qui  amènent  l'occlusion  des  conduits 
biliaires,  nous  devons  citer  en  première  ligue  les  calculs  dont  nous  con- 
naissons les  effets  sur  l'appareil  excréteur  de  la  bile,  et  particulièrement 
la  tendance  au  cheminement  et  à  l'évacuation  ;  puis  les  entozoaires,  et 
notamment  les  ascarides  lombricoïdes  qui  remontent  de  l'intestin  dans 
les  voies  biliaires.  Notons  encore  les  produits  inflammatoires  de  l'an- 
géiocholéite  catarrbalc  ou  exsudative  :  le  bouchon  de  mucus,  les  fausses 
membranes,  le  pus,  la  bile  concrétée,  le  sang  lui-même.  Gomme  consé- 
quences plus  éloignées  de  l'inflammation,  il  faut  mentionner  les  rétré- 
cissements cicatriciels  des  conduits  de  la  bile,  les  brides  cellulo-fibreuses 
qui  étranglent  le  canal  cholédoque,  ou  le  conduit  cystique,  dans  l'épi- 
ploon  gastro-hépatique,  ou  quelques-unes  des  ramifications  des  canaux 
biliaires  dans  l'épaisseur  du  foie  :  ce  qui  explique  comment  l'ictère  est 
un  des  signes  possibles  de  la  cirrhose.  Meekeren  a  signalé  V invagina- 
tion du  canal  cholédoque  sur  lui-même.  D'autres  fois,  ce  sont  des  tu- 
meurs qui  se  développent  à  Vintérieur  des  voies  biliaires,  telles  que 
des  tumeurs  fongueuses  (W.  Stokcs),  ou  même  une  hydatide  (Cadet  Gas- 
sicourt).  H  y  a  aussi  des  obstructions  causées  par  une  compression  exté- 
rieure de  l'appareil  excréteur  de  la  bile  :  les  diverses  tumeurs  qui 
émanent  du  foie  lui-même,  le  cancer,  les  masses  tuberculeuses,  les  dé- 
générescences graisseuse  ou  lardacée,  les  kystes  hydatiques,  les  abcès, 


96  BILIAIRES  (voies).  —  occlusion. 

produisent  souvent  ce  résultat.  Il  en  est  de  même  pour  les  altérations  de 
même  ordre  ayant  leur  point  de  départ  dans  le  petit  épiploon,  dans  les 
ganglions  du  hile  du  foie,  ou  dans  le  duodénum;  comme  cas  très-spécial, 
citons  Fanévrysme  de  l'artère  hépatique  (W.  Stokes).  Nous  devons  aussi 
une  mention  toute  particulière  aux  maladies  de  la  tête  du  pancréas,  en 
raison  des  rapports  que  le  canal  cholédoque  offre  avec  cet  organe  et  de  la 
fréquence  relative  du  cancer  dans  cette  région;  pour  notre  part,  nous  avons 
observé  trois  fois  l'ictère  chronique  lié  au  cancer  de  la  tête  du  pancréas. 
Enfin,  il  n'est  pas  jusqu'au  spasme  des  conduits  biliaires  qui  n'ait  été  in- 
voqué pour  expliquer  ces  cas  d'ictère  essentiel,  survenant  brusquement 
sous  l'influence  d'une  émotion  vive  et  sans  qu'on  puisse  les  rapporter  à 
l'inflammation  catarrhale.  On  aura,  de  cette  façon,  un  tableau  assez 
complet  de  toutes  les  causes  qui  déterminent  un  seul  et  môme  effet,  un 
arrêt  au  cours  de  la  bile  par  ses  voies  naturelles. 

Les  conséquences  anatomiques  d'un  pareil  fait  se  devinent  aisément. 
Lorsque  l'obstruction  porte  sur  le  canal  cholédoque,  ou  tout  au  moins 
sur  le  canal  hépatique  ou  sur  les  conduits  biliaires  de  second  ordre,  c'est 
la  bile  elle-même  qui  engorge  la  totalité  ou  une  portion  de  l'appareil 
excréteur  du  foie.  On  a  vu,  dans  ces  cas,  le  canal  cholédoque  prendre  des 
proportions  égales  à  celles  de  l'intestin,  et  même  de  l'estomac  (Traffel- 
mann,  cité  par  Morgagni) .  Les  conduits  biliaires  affectent  un  développement 
correspondant,  tantôt  en  se  dilatant  d'une  façon  uniforme,  et  tantôt  en 
présentant  des  dilatations  partielles  ou  ampullaires  (fig.  3).  Quant  à  la  vé- 


Fjo.  5  —  Cancer  de  l'orifice  duo dénal  du  canal  cholédoque.  Dilatation  des  voies 
biliaires  et  du  canal  de  Wirsung.  (Fremchs.) 


siculc  du  ficK  elle  peut  aller  jusqu'à  acquérir  les  dimensions  d'une  tête 
d'enfant  et  même  plus,  car'Vâtn  Swretèn  y  a  trouvé,  dans  un  cas,  huit  livres 


BILIAIRES  (voies).  —  occlusion.  97 

de  bile  épaissie.  Il  arrive  alors  que  la  vésicule  envahit  peu  à  peu  l'abdo- 
men et  finit  par  s'abaisser  jusqu'au  niveau  du  bassin.  En  faisant  une  opé- 
ration césarienne  sur  une  femme  arrivée  au  neuvième  mois  de  la  grosse>se, 
Th.  Bonet  vit  la  vésicule  du  fiel  si  dilatée  que  les  assistants  crurent  que 
c'était  un  second  enfant.  La  bile  ainsi  retenue  dans  ses  canaux  se  con- 
centre et  laisse  déposer  des  cristaux  abondants  de  cholestérine  et  même 
de  véritables  calculs.  Plus  tard  la  bile  est  remplacée  par  une  sécrétion 
simplement  muqueuse.  Mais  les  altérations  peuvent  aller  plus  loin  encore. 
La  rétention  de  la  bile  provoque  aussi  l'inflammation  ou  l'ulcération  des 
conduits  qui  la  renferment  et  en  amène  la  rupture  (Cruveilhier,  Àn- 
dral,  Marjolin).  Les  lésions  s'étendent  parfois  jusqu'au  parenchyme  de  la 
glande  elle-même.  J.  Cruveilhier  et  Notta  ont  rapporté  des  fails  d'abcès 
multiples  du  foie  qui  n'avaient  pas  d'autre  origine  que  l'inflammation 
des  radicules  biliaires  distendues  par  la  bile.  Budd  mentionne  même, 
dans  ces  cas,  une  altération  des  cellules  hépatiques  de  la  nature  de  celle 
qui  appartient  à  l'atrophie  du  foie  et  à  l'ictère  grave.  La  rétention  de  la 
bile  finit  par  amener  la  suppression  de  la  fonction  hépatique,  comme 
l'occlusion  des  points  lacrymaux  fait  cesser  celle  de  la  glande  lacrymale. 

Lorsque  l'occlusion  porte  sur  le  canal  cystique,  les  phénomènes  pren- 
nent un  aspect  tout  différent.  La  vésicule  du  fiel  se  trouve  ainsi  isolée  du 
reste  des  voies  biliaires,  la  bile  n'y  a  plus  accès,  et  alors,  loin  de  s'oblitérer, 
on  la  voit,  le  plus  souvent,  se  développer  peu  à  peu  sous  forme  de  kyste  et 
prendre  des  dimensions  considérables  :  c'est  ce  qui  constitue  Vhydropisie 
de  la  ve'sicule.  Dans  ces  conditions  la  vésicule  se  remplit  du  produit  de  sa 
propre  sécrétion,  c'est-à-dire  par  un  liquide  plus  ou  moins  transparent 
et  visqueux,  ou  même  quelquefois  tout  à  fait  séreux.  Ce  liquide  a  été  ana- 
lysé par  divers  observateurs,  et  notamment  par  Frerichs.  Il  contenait,  dans 
un  cas,  de  nombreux  corpuscules  de  mucus  qui  lui  donnaient  un  aspect  pu- 
rulent, et  se  troublait  légèrement  par  l'acide  nitrique;  il  était  composé  de 
98,27  d'eau  et  de  1,73  de  parties  solides;  celles-ci  étaient  formées  de 
1,60  de  matières  organiques,  de  0,06  de  bases  alcalines  et  de  0,07 
de  bases  terreuses.  Une  autre  fois  Frerichs  y  trouva  une  grande  quantité 
d'albumine.  L'hydropisie  de  la  vésicule  forme  donc  une  troisième  variété 
de  tumeur  biliaire,  la  première  étant  de  nature  calculeuse  et  la  seconde 
produite  par  la  rétention  de  la  bile  à  la  suite  d'un  obstacle  siégeant  sur 
le  canal  cholédoque. 

Les  symptômes  de  l'obstruction  des  voies  biliaires  sont  en  rapport  avec 
la  section  de  l'appareil  excréteur  de  la  bile  sur  laquelle  porte  l'obstacle. 
Mais,  en  somme,  il  n'y  a  guère  à  distinguer  que  deux  cas,  suivant  qu'il  y 
a  rétention  de  bile  proprement  dite  ou  bien  simple  hydropisie  de  la  vési- 
cule. 

a.  La  rétention  biliaire  est  indiquée  surtout  par  un  signe  capital,  ['ic- 
tère. La  valeur  de  ce  phénomène  est  telle  que  son  apparition  implique 
presque  forcément  et  par  réciprocité  l'idée  d'une  obstruction  générale  ou 
partielle  des  conduits  de  la  bile.  Il  n'en  est  point  ici  comme  pour  la  sécré- 
tion urinaire;  la  bile  est  formée  de  toutes  pièces  par  le  foie,  et  la  cholémie 

NOUV.    MOT.  JIIÎD.    KT  CUIR.  V.    —    7 


os  BILIAIRES  (voies).  —  occlusion. 

témoigne  que  l'écoulement  du  produit  sécrété  n'est  plus  en  rapport  avec 
l'abondance  de  sa  production,  c'est-à-dire  qu'il  est  retenu  dans  ses  voies 
naturelles  :  c'est  là  une  loi  qui  nous  semble  applicable  à  tous  les  cas 
d'ictère,  et  sans  laquelle  il  est  difficile  de  comprendre  l'existence  de  ce 
symptôme.  L'intensité  de  l'ictère  donne  la  mesure  de  l'obstacle  qui  s'op- 
pose à  l'évacuation  de  la  bile,  et  montre  s'il  est  absolu  ou  incomplet.  Sa 
marche  éclaire  quelque  peu  sur  la  nature  de  cet  obstacle  :  un  ictère 
périodique  et  apparaissant  assez  brusquement  indique  habituellement 
l'existence  de  calculs  biliaires  qui,  de  temps  à  autre,  viennent  obstruer 
le  canal  cholédoque;  il  en  serait  de  même  pour  les  entozoaires  qui  s'en- 
gagent parfois  dans  ce  conduit;  un  ictère  venu  progressivement  et  très- 
persistant  doit  faire  penser  à  un  obstacle  de  nature  organique  et  déiinitif. 
D'autres  considérations  accessoires  doivent  être  invoquées  :  l'ictère  cal- 
culeux  succède  presque  toujours  à  un  accès  de  colique  hépatique,  l'ictère 
organique  se  manifeste  lentement  et  sans  grands  désordres  apparents  ; 
lorsque  les  matières  fécales  sont  entièrement  décolorées,  on  doit  admettre 
que  l'obstruction  porte  sur  le  canal  cholédoque  ou  sur  le  canal  hépatique; 
si  la  bile  coule  en  partie  dans  l'intestin,  c'est  que  l'obstacle  n'existe  que 
sur  l'un  des  conduits  hépatiques  renfermés  dans  l'intérieur  du  foie,  en 
supposant  que  les  anastomoses  ne  puissent  y  suppléer;  ou  bien  surtout 
c'est  que  la  rétention  biliaire  n'est  qu'imparfaite,  et  que,  ainsi  que  le  dit 
J.  L.  Petit,  la  bile  peut  encore  s'écouler  par  regorgement. 

Les  autres  signes  qui  sont  en  rapport  avec  celui  que  nous  venons 
d'examiner,  sont  la  tuméfaction  générale  ou  partielle  du  foie  et  la  dila- 
tation de  la  vésicule.  La  tuméfaction  du  foie,  produite  par  engorgement 
biliaire,  s'apprécie  par  le  fait  que  l'organe  déborde  plus  ou  moins  les 
fausses  côtes  :  l'intensité  de  l'ictère  ne  permettant  pas  de  mettre  cette 
augmentation  de  volume  sur  le  compte  d'une  simple  congestion  hépa- 
tique. Quant  au  développement  exagéré  de  la  vésicule,  qui  constitue  la 
tumeur  biliaire  proprement  dite,  il  est  facile  à  reconnaître  :  le  siège  de 
la  tumeur  qui  correspond  à  celui  occupé  par  l'organe  en  question,  ou 
qui  paraît  s'y  rattacher;  son  augmentation  progressive  venue  sans  îouleur 
excessive;  sa  fluctuation  franche  et  aussi  nettement  accusée  à  la  péri- 
phérie qu'au  centre;  la  sensation  de  collision  absente;  et  surtout  la 
coexistence  de  l'ictère,  ne  permettront  de  la  confondre  ni  avec  la  tumeur 
biliaire  calculeuse,  ni  avec  un  abcès,  ni  avec  un  kyste  hydatique  du 
foie.  Boernaave,  Van  Swieten,  I.  L.  Petit  et  Boyer,  frappés  de  l'impor- 
tance du  diagnostic  dans  le  cas  actuel,  ont  insisté  longuement  sur  les 
caractères  qui  permettent  de  l'établir.  En  dernier  lieu,  et  pour  écarter 
tous  les  doutes,  on  pourra  pratiquer  la  ponction  de  la  tumeur  à  l'aide 
d'un  fin  trocart  explorateur;  cette  petite  opération,  même  dans  le  cas 
où  il  n'y  aurait  pas  d'adhérences  entre  les  deux  feuillets  du  péritoine, 
est  sans  danger,  et  nous  l'avons  pratiquée  une  fois  sans  qu'il  en  ré- 
sultât d'accidents.  L'écoulement  de  la  bile  par  la  canule  du  trocart  prou- 
vera que  c'est  ce  liquide  qui  prend  part  à  la  dilatation  de  son  réservoir. 
Nous  avons  vu,  à  la  clinique  de  l'Hôtel  Dieu  de  Reims,  A.  Thomas  recon- 


BILIAIRES  (toies).  —  occlusio.n.  99 

naître,  par  ce  moyen,  tout  à  la  fois  qu'une  tumeur  de  l'hypochondre 
droit  était  formée  par  la  vésicule  du  fiel,  et  que,  non-seulement  il  y  avait 
rétention  de  la  bile,  mais  aussi  que  cette  rétention  tenait  à  des  calculs, 
car  le  trocart  détermina  un  choc  significatif  sur  l'une  de  ces  productions. 

b.  Dans  l'hydropisie  de  la  vésicule,  il  n'y  a  point  nécessairement  d'ic- 
tère. Sauf  cette  circonstance,  les  autres  caractères  de  la  tumeur  sont  ceux 
que  nous  avons  indiqués  pour  le  cas  précédent.  De  l'aveu  de  la  plupart 
des  observateurs,  le  diagnostic  de  l'hydropisie  de  la  vésicule  est  l'un  des 
plus  difficiles  à  établir,  et  lorsqu'on  a  bien  déterminé  qu'une  tumeur  de 
l'hypochondre  droit  appartient  à  la  vésicule  augmentée  de  volume,  il  est 
presque  impossible  de  dire  quelle  est  la  nature  de  son  contenu,  à  moins 
de  pratiquer  une  ponction  exploratrice.  Il  faut  savoir,  du  reste,  que  des 
calculs  biliaires  peuvent  exister  dans  la  vésicule  transformée  en  kyste. 

En  dehors  des  indications  fournies  par  la  connaissance  de  la  cause  qui 
a  amené  l'obstruction  des  voies  biliaires,  il  y  a  lieu  quelquefois  d'appli- 
quer un  traitement  direct  à  cette  affection.  La  médication  à  employer 
sera  toute  mécanique.  Lorsque  l'occlusion  n'est  pas  absolue  ou  que  l'ob- 
stacle est  de  nature  à  pouvoir  être  franchi,  on  doit  tenter  le  massage  et  la 
malaxation  des  parties  distendues  par  la  bile,  comme  nous  l'avons  recom- 
mandé pour  le  cas  de  l'ictère  catarrhal  simple.  J.  L.  Petit  rapporte  le  l'ait 
d'un  malade  qui,  par  ce  moyen,  faisait  cesser  de  lui-même  la  tension  de 
sa  vésicule  ;  une  autre  fois,  il  vit  la  vésicule,  qu'on  prenait  pour  un 
abcès  du  foie  et  qu'on  allait  ponctionner  après  l'incision  de  la  paroi  ab- 
dominale, s'affaisser  au  même  instant,  et  bientôt  après  le  malade  eut  par 
le  bas  une  abondante  évacuation  de  bile.  Andral  mentionne,  dans  sa 
quarante-septième  observation,  le  cas  d'une  tumeur  biliaire,  avec  dou- 
leur et  ictère,  qui  disparut  en  une  journée  ;  le  malade  guérit.  Piorry 
recommande  les  frictions  et  la  compression  exercées  au  niveau  de  la  vési- 
cule du  fiel  dans  les  différentes  circonstances  où  il  y  a  engorgement 
biliaire  de  cet  organe. 

Lorsque  l'obstruction  est  absolue  et  que  la  distension  des  conduits  de 
la  bile  et  de  la  vésicule  est  arrivée  au  point  qu'on  peut  craindre  la  rup- 
ture de  ces  canaux,  il  faut  avoir  recours  à  d'autres  moyens.  C'est  ici  que 
J.  L.  Petit,  établissant  le  parallèle  entre  la  rétention  de  la  bile  avec  la  ré- 
tention d'urine,  conseille  l'opération  que  Méry  avait  imaginée  pour  la  ré- 
tention d'urine,  c'est-à-dire  la  ponction  de  la  tumeur  qui  fait  saillie  au- 
dessous  des  fausses  côtes.  Seulement  cette  ponction  devient  fort  périlleuse 
lorsque  des  adhérences  préalables  n'existent  pas  entre  la  vésicule  et  la 
paroi  abdominale.  Dans  les  trois  premières  observations  que  J.  L.  Petit 
recueillit  sur  ce  sujet  et  dans  lesquelles  la  tumeur  biliaire,  prise  pour  un 
abcès,  fut  ponctionnée  ou  incisée,  il  y  eut  deux  cas  de  mort  par  épanche- 
ment  de  bile  dans  l'abdomen.  D'autre  part,  il  est  fort  difficile  de  déter- 
miner si  les  adhérences  existent  ou  non.  Il  vaut  donc  mieux,  dans  tous  les 
cas,  renoncer  à  la  ponction  faite  à  l'aide  du  bistouri  et  se  contenter  d'un 
très-lin  trocart,  c'est-à-dire  ne  dépassant  pas  1  millimètre  de  diamètre,  tel 
que  le  trocart  explorateur  des  trousses.  Il  s'agit  moins,  en  effet,  de  vider 


iOO  BILIAIRES  (voies).  —  bibliographie. 

complètement  la  tumeur  que  Je  se  prémunir  contre  sa  rupture  et  de  re- 
connaître la  nature  de  son  contenu.  Frerichs  rapporte  une  observation  de 
tumeur  biliaire  dans  laquelle  la  vésicule  était  si  distendue  qu'elle  mena- 
çait de  se  rompre;  une  ponction  capillaire,  qui  fut  suivie  d'un  écoulement 
de  bile  pendant  trois  semaines,  amena  une  guérison  complète.  Ici  les 
adhérences  avaient  été  reconnues  à  ce  que  la  paroi  abdominale  ne  pou- 
vait pas  glisser  sur  la  tumeur.  Pour  le  cas  où  ces  adhérences  n'existe- 
raient pas,  on  recommande  de  laisser  la  canule  en  place  jusqu'à  ce  que 
les  adhérences  soient  établies  et  de  ne  faire  écouler  que  très-peu  de  li- 
quide, de  peur  que  les  rapports  de  la  vésicule  avec  la  paroi  de  l'abdomen 
ne  soient  trop  brusquement  détruits.  Comme  dernière  ressource  et  imi- 
tant en  cela  ce  qui  se  produit  parfois  d'une  façon  spontanée  (voy.  Calculs 
biliaires,  p.  57),  on  pourrait  provoquer  la  formation  d'une  fistule  biliaire 
à  l'aide  du  procédé  de  Récamier  pour  les  abcès  et  les  kystes  hydatiques 
du  foie,  et  ouvrir  largement  la  vésicule  au  moyen  du  caustique.  Cette  mé- 
thode peut  conduire  à  une  guérison  définitive  lorsque  l'occlusion  des 
voies  biliaires  est  duc  à  des  calculs,  et  elle  n'est,  après  tout,  qu'une  forme 
de  l'opération  imaginée  par  J.  L.  Petit. 

Meekeren,  Rare  und  wunderbare  ehirurgisch  und  geneeszkundige  Anmerkungen.  Nûrnberg. 
1675,  p.  271. 

Petit  (J.  L.),  Remarques  sur  les  tumeurs  formées  par  la  bile  retenue  dans  la  vésicule  du  lie], 
et  qu'on  a  souvent  prises  pour  des  abcès  du  l'oie  (Mém.  de  VÂcad.  roy.  de  chirur.,  t.  I,  1733). 

Swieten  (G.  van),  Commentaria  in  Hermanni  Boerbaave  aphorismos,  t.  III,  p.  107.  Parisiis, 
1771. 

Frank  (J.  P.),  De  curandis  bom.  morb.  Epilome,  lib.  VI,  1811-1820.  Trad.  de  Goudareau.  Pa- 
ris, 1842,  t.  II,  p.  333.  Des  rétentions  hépatiques. 

Boyer.  Traité  des  maladies  chirurgicales.  lr8  édit.  Paris,  1814-1826.  3e  édil.  Paris,  1849,  t.  VI, 
p.  147. 

Bérard  (Pb.),  Note  sur  une  oblitération  presque  complète  du  canal  cholédoque  avec  dilatation 
considérable  des  canaux  biliaires  (Bull,  de  la  Soc.  anal.   1827). 

Brière  de  Boismont  (A.),  Observations  sur  quelques  maladies  du  foie  [Arch.  gén.  de  méd. 
1828). 

Fâche,  Oblitération  du  conduit  cystique;  dilatation  de  l'un  des  conduits  hépatiques  en  forme  de 
vésicule  (Bull,  delà  Soc.  anal.  1831). 

Stokes  (W.),  Extrait  d'un  mémoire  sur  le  diagnostic  des  anévrysmes  internes  (The  Dublin  Jour- 
nal, n°  XV.  1834.  Obs.  lre).  —  Obs.  d'ictère  produite  par  une  tumeur  fongueuse  du  canal  cho- 
lédoque (Dublin  Quarterly  Journ.  ofmed.  se.  1846). 

Duplay  (A.),  Revue  de  la  clinique  de  Rostan  (Arch.  gén.  de  méd.  1834.  Obs.  lre). 

Sonnié-Moret,  Oblitération  du  canal  cystique;  liquide  incolore  dans  la  vésicule  (Bull,  de  la 
Soc.  anat.  1835). 

Godin,  Oblitération  du  col  de  la  vésicule  par  un  calcul  liquide  synovial  dans  la  vésicule  [Bull,  de  la 
Soc.  anat.  1835). 

Marjolin,  Épanchenient  de  bile  dans  le  foie  par  rupture  des  canaux  biliaires;  obstruction  de  ces 
canaux  par  des  calculs  (Bull,  de  la  Soc.  anat.  1857). 

Boudet,  Rétrécissement  cicatriciel  du  canal  cystique  (Bull,  de  la  Soc.  anat.A87>8. — Ibid.  1839). 

Axdral  (G.),  Observation  sur  l'oblitération  des  canaux  biliaires  (Arch.  gén.  de  méd.  1824).  — 
Clinique  médicale  de  la  Charité.  47e  observation,  t.  II,  4e  édit.  Paris,  1859. 

Bartii,  Oblitération  cicatricielle  du  canal  cystique  ;  liquide  aqueux  incolore  dans  la  vésicule  (Bull, 
de  la  Soc.  anat.  1840). 

Bourdon,  Canal  cyslique  oblitéré;  vésicule  biliaire  remplie  par  un  liquide  muqueux,  transparent 
Bull,  de  la  Soc.  anal.  1840). 

Babington,  Observation  de  distension  énorme  de  la  vésicule  biliaire  (Guys  hospital  report.  Avril 
1842). 

Deville,  Calcul  biliaire  oblitérant  le  col  de  la  vésicule;  liquide  séreux  dans  cette  cavité;  dilata- 
tion des  lymphatiques  [Bull,  de  la  Soc.  anat    1846). 


BILIEUSE.  —  BISCI.ÏT.  101 

Lacaze-Dbthiers,  Oldit.  du  canal  cystique  par  un  calcul;  liquide  incolore  dans  la  vésicule  [Bul!.  de 

la  Soc.  anat.  1847). 
Notta,  Arrêt  du  cours  de  la  bile  par  un  calcul  engagé  dans  le  canal  cholédoque;  hépatite  avec 

foyers  purulents  [Bull,  de  la  Soc.  anat.  1848).  * 

lUnTH,  Oblitération- des  conduits  biliaires  dans  le  foie  avec  dilatation   des  canaux  au-dessus  de 

l'obstacle  et  production  de  calculs  biliaires  [Bull,  de  la  Soc.  anat.  1851). 
Vidal.  Canal  cystique  comprimé  par  un  ganglion  lymphatique  volumineux  [Bull,  delà  Soc.  anat. 

1854). 
Cruviiliiier  (.T.),  Observations  sur  des  abcès  multiples  du  foie  dont  le  point  de  départ  était  dans 

une  inflammation  des  radicules  biliaires  distendues  par  la  bile  [Bull,  delà  Soc.  anat.  1855  . 
Bcod  (G.),  On  diseases  of  the  Liver.  5e  édit.  London,  1857. 
Laborde,  Ictère  dû  à  un  cancer  du  duodénum  oblitérant  l'orifice  du  canal  cholédoque  [Bull,  de  la 

Soc.  de  biologie.  Juin  1858  . 
Aran',  Ictère  par  rétention  de  la  bile  (Gaz.  des  hôp.  1859). 
Piorry,  Effets  mécaniques  de  la  compression  de  la  vésicule  [Séances  de  l'Acad.  de  m'd.  28  octobre 

1862). 
Harley,  Obstruction  complète  du  canal  cholédoque  et  du  canal  pancréatique  [Médical  Times  and 

Gazette.  1862). 
Frericbs,  Traité  pratique  des  maladies  du  foie.  Trad.   de  Dumesnil  et  Pellagot.  28  édit.  Paris, 

1800. 

A  Luton. 
BILIEUSE  (fièvre).  Voy.  Fièvres. 

BILIEUX  (élai)-    Voy.  Fièvres. 

BISCUIT.  —  Le  biscuit  (bis  coctus),  ainsi  nommé  parce  que  ancien- 
nement on  le  soumettait  deux  fois  à  l'action  du  feu,  est  un  pain  prépare 
de  manière  à  se  conserver  longtemps,  et  destiné  a  la  nourriture  des  ar- 
mées et  des  équipages. 

Divers  auteurs  l'ont  remonter  son  emploi  à  des  époques  très-reculées; 
on  a  dit  que  les  Romains  s'en  servaient  dans  leurs  expéditions  lointaines, 
et  que  les  Grecs  en  approvisionnaient  leurs  vaisseaux;  on  a  avancé  que 
Pline  l'Ancien  avait  fait  mention  d'un  partis  nauticus;  j'ai  lu  avec  le  plus 
grand  soin  le  chapitre  u  du  livre  XVIII  de  l'Histoire  naturelle  de  cet  écri- 
vain, qui  traite  du  pain,  de  sa  préparation  et  de  ses  diverses  espèces,  et 
il  n'est  nullement  question  d'un  pain  destiné  spécialement  aux  naviga- 
teurs. 

Le  sire  de  Joinville,  dans  ses  Mémoires  sur  le  règne  de  Saint-Louis, 
parle  d'un  pain  qu'il  nomme  bâjuiz,  parce  qu'il  était  cuit  deux  fois;  il 
était  employé  par  les  soldats  que  le  Soudan  d'Egypte  envoyait  pour  ex- 
plorer l'origine  du  Nil.  Les  renseignements  que  ce  naïf  historien  nous 
donne  sur  ce  pain  prouvent  suffisamment  qu'il  lui  était  inconnu,  et  que, 
par  conséquent,  rien  de  semblable  n'entrait  dans  l'approvisionnement  des 
navires  qui  transportèrent  les  croisés  dans  les  pays  du  Levant. 

D'après  des  documents  dignes  de  foi,  il  paraît  que  le  biscuit  était  em- 
ployé en  France  par  les  armées  en  campagne  et  par  les  bâtiments,  dès  les 
premières  années  du  seizième  siècle,  sous  le  règne  de  Louis  XII  ;  en  1545, 
François  Ier  prescrivit  de  fabriquer  une  grande  quantité  de  biscuyts  pour 
sa  flotte  de  Provence.  Depuis  cette  époque  ce  pain  a  toujours  fait  partie 
de  la  ration  des  marins. 

Le  biscuit  est  composé  de  farine  de  froment  dont  on  a  ôté  le  son  et  tout 


102  BISCUIT. 

le  gruau;  ce  dernier  provient,  comme  on  le  sait,  de  la  partie  la  plus 
dure  et  la  plus  sèche  du  blé  ;  il  absorbe  une  grande  quantité  d'eau,  sa 
présence  dans  la  farine  nuirait,  par  ce  motif,  à  la  conservation  du  biscuit. 

Les  auteurs  du  siècle  dernier  qui  ont  écrit  sur  l'art  de  la  boulangerie, 
Malouin,  Parmentier,  entre  autres,  recommandaient  l'usage  des  levains 
dans  la  fabrication  du  biscuit;  ils  croyaient  que  sans  levain  le  biscuit 
n'aurait  pas  eu  un  goût  agréable,  et  qu'il  eût  trempé  difficilement  :  l'ex- 
périence a  prouvé  que  leur  opinion  était  mal  fondée,  et  que  l'emploi 
des  levains  n'était  qu'une  complication  inutile. 

D'après  le  docteur  Gonzalez,  on  fabrique  en  Espagne  le  biscuit  avec  du 
levain  en  petite  quantité  ;  on  a  soin  de  laisser  dans  la  farine  une  certaine 
partie  de  son.  Au  dire  de  cet  auteur,  le  biscuit  espagnol  est  beaucoup 
plus  savoureux,  plus  facile  à  digérer,  et  d'une  plus  longue  conservation 
que  celui  des  Anglais  et  des  Français. 

En  France,  en  Angleterre  et  en  Espagne  on  se  sert  exclusivement,  pour 
la  fabrication  du  biscuit,  de  la  farine  de  froment.  En  Russie  on  emploie 
de  la  farine  de  seigle  seule  ou  mélangée  à  d'autres  farines  ;  d'après 
Forster  le  biscuit  russe  est  moins  exposé  à  la  moisissure  ;  sa  saveur 
acide  et  sa  dureté  le  préservent  pendant  longtemps  des  insectes. 

Le  biscuit  est  actuellement  fabriqué  en  France  et  en  Angleterre  par 
des  agents  mécaniques  ;  dans  nos  ports  de  guerre,  on  a  généralement 
adopté  l'appareil  construit  par  Aubouin,  modifié  sur  les  indications  de 
Rollet,  directeur  des  subsistances  de  la  marine. 

Cet  appareil  qui  pétrit  la  farine,  lamine  la  pâte,  la  divise  en  parties 
d'égales  dimensions  nommées  galettes,  et  les  perce  de  trous  qui  laissent 
passer  une  partie  des  gaz,  est  mû  par  une  machine  de  la  force  de  trois 
chevaux,  et  confectionne  en  une  heure  255  kilogrammes  de  biscuit.  Les 
galettes  sont  ensuite  introduites  dans  un  four  où  elles  doivent  séjourner 
de  25  à  50  minutes,  temps  nécessaire  pour  leur  cuisson  complète. 

Les  galettes  affectent  diverses  formes  chez  les  peuples  maritimes.  Elles 
sont  rondes  et  d'un  diamètre  de  5  à  6  centimètres  chez  les  Espagnols  ; 
leur  diamètre  est  plus  grand  en  Angleterre.  En  France  elles  sont  rectan- 
gulaires, et,  par  suite,  s'arriment  plus  facilement  :  une  galette  doit  peser 
185,55  grammes,  chiffre  représentatif  de  la  ration,  mais  ce  poids  n'est 
pas  toujours  le  môme,  il  varie  entre  150  et  180  grammes. 

La  conservation  du  biscuit  exige  des  précautions  nombreuses  et  minu- 
tieuses qui  varient  suivant  les  marines.  En  Angleterre,  les  galettes,  au 
sortir  du  four,  sont  placées  dans  de  vastes  chambres  carrelées  en  briques, 
convenablement  aérées  et  dont  la  température  est  de  55  à  10  degrés 
centigrade;  le  biscuit  y  séjourne  pendant  72  heures  environ,  et  quand 
il  est  reconnu  sec  il  est  mis  dans  des  sacs  du  poids  d'un  quintal  anglais 
(50  kilog.  780  grammes).  Cette  manière  de  renfermer  le  biscuit  facilite 
son  embarquement,  mais  le  soumet  à  toutes  les  influences  des  variations 
atmosphériques  et  à  l'action  des  insectes. 

En  France,  le  biscuit,  dès  qu'il  est  cuit,  est  porté  dans  des  chambres 
ou  soutes  à  parois  lambrissées  et  brayées,  placées  au-dessus  des  fours  ; 


BISCUIT.         .  105 

les  galettes  y  sont  arrimées  de  champ  ;  quand  une  soute  est  pleine,  on 
ferme  la  porte,  on  la  calfate  et  on  braye  tous  les  joints,  de  manière  à 
rendre  son  intérieur  inaccessible  à  l'humidité  et  aux  insectes. 

Quand  un  bâtiment  a  besoin  de  biscuit,  on  retire  les  galettes  une  à  une, 
on  les  arrime  avec  soin  dans  des  caisses  ou  dans  des  boucauts;  arrivé  à 
bord,  le  biscuit  est  retiré  à  la  main  des  boucauts  et  posé  de  champ  dans 
des  soutes  disposées  comme  celles  des  magasins. 

Ces  moyens  de  conservation  sont  imparfaits,  et  il  serait  à  désirer  que 
le  biscuit,  après  cuisson,  fût  desséché  dans  une  étuve  convenablement 
aérée,  et  arrimé  ensuite  dans  des  caisses  en  tôle  qui  seraient  tarées,  ainsi 
que  le  propose  Rollet. 

Le  biscuit,  convenablement  préparé,  présente  les  caractères  suivants  : 
sa  surface  extérieure  est  d'une  couleur  brune  claire  ;  il  faut  qu'il  soit 
compact,  sec,  sonore  quand  on  le  percute;  quand  on  le  brise,  il  ne  doit 
pas  se  réduire  en  poussière,  mais  se  diviser  en  morceaux  plus  ou  moins 
grands,  dont  les  bords  ont  un  aspect  blanc  vitreux,  sans  taches  et  sans 
creux;  son  odeur  est  celle  du  pain  rassis,  sa  saveur  est  agréable,  la  salive 
le  pénètre  facilement  et  il  surnage  dans  l'eau. 

Le  biscuit  est  sujet  à  diverses  altérations  qui  reconnaissent  pour  causes 
principales  l'humidité  et  la  chaleur.  Leur  action  nuisible  engendre  la 
moisissure  et  divers  insectes  qui  pénètrent  dans  l'intérieur  de  la  galetle 
et  y  creusent  de  nombreuses  galeries;  ces  parasites  sont,  d'après  Bosc, 
de  l'Institut,  qui  avait  été  consulté  par  Keraudren,  Yauobium  pamceiun, 
leptinus  fur,  Yanthrenus  musxorum,  le  trogostita  caraboïdes,  leplialœna 
farinuUs,  le  blatta  orlentalls.  On  a  proposé,  pour  corriger  l' humidité  des 
galettes  et  faire  disparaître  les  moisissures,  de  les  soumettre  de  nouveau 
à  la  chaleur  du  four.  Pour  détruire  les  insectes  le  dernier  moyen  peut 
être  aussi  conseillé.  Lind  propose  de  les  asperger  avec  du  vinaigre;  enfin 
il  est  recommandé  de  faire  brûler  des  mèches  soufrées  dans  les  soutes  à 
biscuit. 

Les  moyens  de  conservation  les  plus  efficaces  pour  cette  denrée  pré- 
cieuse consistent  dans  l'emploi  généralisé  de  caisses  en  tôles,  et  dans 
l'application  du  vide  proposé  par  mon  collègue  le  professeur  Fonssagrives. 

Le  biscuit  altéré  par  les  insectes  n'est  pas  nuisible,  mais  la  quantité  de 
matière  nutritive  a  diminué,  puisque  les  insectes  en  ont  absorbé  une 
partie.  La  moisissure  est  plus  fâcheuse,  elle  peut  être  une  cause  active 
de  dysenterie,  comme  cela  a  eu  lieu  à  bord  de  la  frégate  YAréthuse,  en 
station  aux  Antilles  eu  1819-1820. 

Le  biscuit,  considéré  au  point  de  vue  de  son  emploi  dans  les  voyages 
maritimes  et  dans  les  expéditions  de  terre,  n'est  qu'un  aliment  de  néces- 
sité; d'une  saveur  fade,  compact,  plus  lourd  que  le  pain,  il  exige  des 
efforts  de  mastication  que  ne  peuvent  pas  toujours  parfaitement  accom- 
plir la  plupart  des  matelots  dont  la  denture  est  souvent  en  mauvais  état; 
en  résumé,  on  peut  dire  que  le  biscuit  constitue  un  aliment  que  Ton 
subit,  mais  auquel  on  ne  s'habitue  pas. 

Divers  essais  ont  été  tentés  pour  donner  sous  la  forme  du   biscuit  de 


10-i  BISCUIT. 

mer  un  aliment  plus  nutritif  et  suffisant  pour  constituer  à  lui  seul  les 
éléments  d'un  repas  complet  ;  les  essais  qui  ont  eu  lieu  dans  les  États- 
Unis  de  l'Amérique  du  Nord  ont  porté  sur  deux  produits  analogues  : 
1°  le  meat-biscuit  (biscuit-viande)  de  Gaïl-Bordeu;  2°  le  flesh-biscuiî 
(biscuit-chair). 

1°  Le  meat-biscuit  se  préparc  en  mélangeant  à  la  farine  de  froment  du 
jus  de  viande  concentré,  obtenu  par  ébullition  et  évaporation,  en  pro- 
portions convenables  pour  obtenir  une  pâte  ferme,  à  laquelle  on  donne  la 
forme  et  l'apprêt  du  biscuit  ordinaire. 

Le  meat-biscuit,  employé  dans  la  marine  américaine  et  dans  les  voyages 
des  émigrants,  est  facile  à  transporter  et  se  conserve  pendant  assez  long- 
temps; on  le  mange  soit  à  l'état  sec,  soit  après  l'avoir  concassé  et  addi- 
tionné de  20  ou  50  fois  son  poids  d'eau,  de  sel  et  de  divers  condiments, 
et  l'avoir  fait  bouillir  pendant  environ  une  demi-heure. 

On  a  exagéré  le  pouvoir  nutritif  de  ce  biscuit  quand  on  a  avancé  que 
150  grammes  suffisaient  à  nourrir  un  homme  pendant  un  jour;  d'après 
Payen,  cette  quantité  équivaudrait  seulement  à  un  quart  de  la  ration  en 
pain  et  en  viande  nécessaire  à  une  homme  supportant  les  fatigues  du  tra- 
vail et  des  voyages. 

2°  Le  flesh-biscuit,  plus  nourrissant  que  le  précédent,  se  prépare  en 
incorporant  de  la  viande  de  bœuf  bien  cuite  et  hachée  à  la  farine  de  fro- 
ment réduite  en  pâte  à  l'aide  du  liquide  qui  a  servi  à  la  cuisson  de  la 
viande.  Ce  biscuit,  qui  est  moins  usité  que  le  précédent,  se  conserve  dif- 
ficilement. 

On  connaît  encore  sous  le  nom  de  biscuit,  des  produits  de  l'art  du  pâtis- 
sier sous  forme  de  galettes  minces,  rondes  ou  rectangulaires,  d'un  dia- 
mètre de  5  à  4  centimètres.  Ces  galettes  sont  très-employées  en  Angle- 
terre, soit  pour  les  voyages  sur  terre,  soit  pour  les  excursions  journalières; 
on  les  trempe  ordinairement  avec  le  thé.  En  France  on  emploie  des 
galettes  à  peu  près  semblables  sous  le  nom  de  biscuit  au  sel. 

BiscaiMs  nrêtii  cl  sa  4a  u  x.  —  Pour  rendre  plus  facile  l'administration 
de  certains  remèdes,  on  a  confectionné  des  biscuits  composés  d'eeufs,  de 
sucre  et  de  farine  dans  lesquels  on  a  incorporé  divers  médicaments. 

Cette  forme  pharmaceutique  a  pour  avantage  de  masquer  la  saveur  et 
l'odeur  désagréables  de  certaines  substances;  elle  est  utile  dans  la  méde- 
cine des  enfants. 

Les  médicaments  que  l'on  ajoute  aux  biscuits  doivent  être  convenable- 
ment dosés.  On  les  choisit  ordinairement  parmi  les  substances  purgatives 
ou  vermifuges.  Les  biscuits  du  docteur  Ollivier  contiennent  du  bi-chlorure 
de  mercure. 

Malouik,  Ait  du  Boulanger.  1767. 

Pabmentiek,  Mémoire  sur  les  avantages  que  le  royaume  peut  retirer  de  ses  grains.  1789. 
Kollet,  Mémoire  sur  la  meunerie,  la  boulangerie  et  la  conservation  des  grains  et  des  farines.  1847. 
Payen,  Des  substances  alimentaires.  1856. 

Gonzalez  (Pedro),  Tratado  de  las  enfermedades  de  la  génie  de  mar.  parte  tereera,  cap.  x.  De  la 
Galleta  o  bizeoebo  de  mar.  1805. 

A.  Baruallier  (de  Toulon). 


BISMUTH.    CHIMIE    ET    PHARMACOLOGIE.  105 

BISMUTH.  —  chimie  et  pharmacologie.  —  Le  bismuth  est  un  métal 
anciennement  connu,  et  longtemps  désigné  sous  le  nom  à'étain  de 
glace. 

Il  ne  se  rencontre  que  dans  un  petit  nombre  d'espèces  minérales,  dont 
la  seule  exploitée  à  cause  de  son  abondance  et  de  sa  richesse  est  le  bis- 
muth natif  qui  se  trouve  surtout  en  Saxe,  et  qui  forme  des  filets  métalli- 
ques engagés  dans  une  roche  quartzcuse.  On  l'extrait  par  un  procédé 
très-simple,  puisqu'il  suffit  de  le  séparer  de  sa  gangue.  On  place  des 
tuyaux  de  tôle  ou  de  fonte  dans  un  four  suivant  une  direction  légère- 
ment inclinée.  Ces  tuyaux  présentent  à  la  partie  supérieure  une  ouverture 
par  laquelle  on  introduit  le  minerai,  et  la  partie  inférieure  est  percée 
d'un  trou  par  lequel  s'écoule  le  métal  à  mesure  qu'il  fond  par  l'action  de 
la  chaleur. 

Le  bismuth  obtenu  par  ce  procédé  simple  peut  retenir  quelques  mé- 
taux étrangers;  mais  il  renferme  surtout  du  soufre  et  de  l'arsenic  dont 
il  importe  de  le  débarrasser.  Pour  cela,  on  le  môle,  après  l'avoir  réduit 
en  poudre,  avec  \  /10e  de  son  poids  de  nitrate  de  potasse  également  pulvé- 
risé ;  on  introduit  le  mélange  dans  un  creuset,  et  on  élève  lentement  la 
température  jusqu'au  rouge,  c'est-à-dire  jusqu'à  la  décomposition  du 
nitrate.  Après  refroidissement,  on  trouve  au  fond  du  creuset  un  culot 
de  bismuth  purifié,  et  à  la  partie  supérieure  une  scorie  qui  renferme  à 
l'état  de  sulfate  et  d'arséniate  de  potasse  tout  le  soufre  et  l'arsenic  que 
le  métal  contenait  avant  l'opération. 

Le  bismuth  pur  est  un  métal  fragile,  à  structure  lamclleuse,  d'un  blanc 
gris  un  peu  rougeàtre.  Sa  densité  est  de  9,9.  11  fond  à  20  i°,  et  donne 
lieu,  par  refroidissement,  à  quelques  phénomènes  dignes  d'intérêt.  On 
observe  d'abord  qu'il  se  dilate  au  moment  où  il  se  solidifie,  en  sorte 
qu'il  est  moins  dense  à  l'état  solide  qu'à  l'état  liquide,  et  qu'un  morceau 
de  bismuth  surnage,  quand  on  le  projette  dans  un  bain  du  môme  métal 
en  fusion.  On  remarque  ensuite  qu'il  prend,  en  se  solidifiant,  une  forme 
particulière  et  caractéristique.  Le  bismuth  est,  en  effet,  un  des  métaux 
qui  cristallisent  le  plus  facilement  par  voie  de  fusion.  On  obtient  de  très- 
belles  géodes  en  laissant  refroidir  très-lentement  une  certaine  quantité 
de  métal  purifié  et  fondu.  Dès  qu'il  s'est  formé  à  la  surface  une  légère 
croûte  solide,  on  la  perce  à  l'aide  d'un  charbon  rouge;  on  fait  écouler 
la  portion  du  métal  qui  est  encore  liquide,  puis  on  enlève  la  croûte  avec 
précaution.  On  obtient  alors  une  magnifique  cristallisation  présentant  des 
cubes  de  très-grande  dimension,  accolés  les  uns  près  des  autres,  de  ma- 
nière à  former  des  trémies  pyramidales  semblables  à  celles  du  chlorure 
de  sodium.  Les  cristaux  présentent,  en  outre,  des  couleurs  irisées,  très- 
belles,  produites  par  une  très-légère  oxydation  qui  a  lieu  à  la  surface  du 
métal  au  moment  où  il  arrive  encore  chaud  au  contact  de  l'air. 

Le  bismuth  est  volatil,  mais  à  une  très-haute  température  seulement, 
et  il  ne  peut  être  distillé  qu'avec  une  difficulté  extrême.  Chauffé  au  con- 
tact de  l'air,  il  s'oxyde  ;  et,  si  la  chaleur  est  assez  élevée,  il  brûle  avec  une 
flamme  bleuâtre  accompagnée  de  fumées  jaunes.  Conservé  dans  un  air 


106  BISMUTH.  —  chimie  et  pharmacologie. 

sec,  il  n'éprouve  aucime  altération  sensible;  mais,  si  l'air  est  humide,  il 
se  recouvre  à  la  longue,  d'une  pellicule  mince  d'oxyde. 

L'acide  nitrique  attaque  vivement  le  bismuth;  il  l'oxyde  et  le  dissout 
en  dégageant  des  vapeurs  rutilantes.  Les  acides  chlorhydrique  et  sulfu- 
rique  ne  l'attaquent,  au  contraire,  que  très-difficilement.  En  présence  de 
ces  acides  étendus,  le  bismuth  ne  décompose  pas  l'eau  à  froid,  comme  le 
font  le  fer  et  le  zinc. 

Oxydes  de  bismuth.  —  Le  bismuth,  en  se  combinant  à  l'oxygène,  donne 
naissance  à  deux  oxydes  distincts,  le  protoxyde  de  bismuth,  BiO5,  et  le 
deutoxyde  ou  acide  bismuthique,  BiO5.  Ce  dernier  n'a  aucune  importance 
au  point  de  vue  médical.  C'est  un  composé  qu'on  obient  en  faisant  arri- 
ver un  courant  de  chlore  dans  une  dissolution  concentrée  de  potasse 
tenant  en  suspension  du  protoxyde  de  bismuth.  Il  a  l'aspect  d'une  poudre 
rouge  clair.  Son  principal  caractère  est  d'être  inattaquable  par  l'acide 
nitrique. 

Protoxyde  de  bismuth,  BiO5.  —  Le  protoxyde  de  bismuth  s'obtient  en 
décomposant  par  la  chaleur  le  sous-nitrate  de  bismuth  dont  il  sera  ques- 
tion ci-après.  Il  se  présente  sous  la  forme  d'une  poudre  jaune  clair.  Il 
fond  à  la  chaleur  rouge,  et  attaque  les  creusets  plus  facilement  encore 
que  ne  le  fait  la  litharge  ;  par  refroidissement,  il  prend  l'apparence 
d'un  verre  jaune  foncé.  11  est  entièrement  fixe.  Sa  densité  est  de  8,45. 

On  peut  obtenir  cet  oxyde  à  l'état  d'hydrate,  sous  forme  d'une  poudre 
blanche,  en  décomposant  le  sous-nitrate  par  un  alcali  fixe  ou  par  l'am- 
moniaque. Le  protoxyde  de  bismuth  est  une  base  faible  qui  forme  avec 
plusieurs  acides  des  sels  susceptibles  de  cristalliser.  Ces  composés  salins 
sont  précisément  ceux  que  la  médecine  emploie.  Voici  les  caractères  gé- 
néraux qui  leur  appartiennent  : 

Sels  de  bismuth.  —  Les  sels  de  bismuth,  même  alors  qu'ils  sont  chi- 
miquement neutres,  sont  tous  acides  aux  réactifs  colorés. 

1°  Leur  principal  caractère  est  d'être  décomposés  par  l'eau,  en  sous- 
sels  qui  se  précipitent,  et  en  sels  acides  qui  restent  en  dissolution.  Les 
solutions  d'antimoine  sont  les  seules  qui  partagent  ce  caractère  ;  mais  l'a- 
cide nitrique  et  l'hydrogène  sulfuré  établissent  entre  les  deux  métaux  des 
différences  assez  nettes  pour  que  la  confusion  ne  puisse  avoir  lieu. 

2°  Les  alcalis  caustiques  ou  carbonates  donnent  des  précipités  blancs, 
insolubles  dans  un  excès  de  réactif  alcalin. 

5°  L'hydrogène  sulfuré  et  les  hydrosulfates  précipitent  les  dissolutions 
de  bismuth  en  noir  ;  le  précipité  ne  se  redissout  pas  dans  un  excès  d'hy- 
drosulfate. 

4°  Le  fer,  le  zinc,  le  cuivre  précipitent  le  bismuth  sous  forme  d'une 
poudre  noire.  Cette  poudre,  placée  sur  un  charbon,  et  placée  dans  la 
flamme  réductrice  du  chalumeau,  se  fond  très-facilement  en  un  globule 
métallique  qui  devient  cassant  après  refroidissement. 

Sous-nitrate  de  bismuth,  blanc  de  fard,  magistère  de  bismuth.  —  De 
tous  les  composés  de  bismuth,  le  nitrate  est  le  seul  qui  présente  de  1  in- 
térêt au  point  de  vue  médical  ;  et  encore  n'est-ce  pas  le  nitrate  neutre, 


BISMUTH.    CHIMIE    ET    HIAr.MÀCOLOGIE.  i  07 

mais  le  sous-nitrate  obtenu  par  la  décomposition  de  ce  sel  au  moyen  de 
l'eau,  que  la  médecine  utilise  chaque  jour  dans  un  grand  nombre  d'affec- 
tions gastriques  et  intestinales.  Voici  le  détail  de  la  préparation  de  ce  sel  : 

Après  avoir  introduit  dans  un  matras  six  parties  d'acide  nitrique  mar- 
quant 1,52  au  densimètre,  on  y  projette,  par  petites  portions  à  la  fois, 
deux  parties  de  bismuth  purifié  réduit  en  poudre  grossière.  Il  se  produit 
une  vive  effervescence,  et  il  se  dégage  des  vapeurs  de  bioxyde  d'azote  qui 
deviennent  rutilantes  au  contact  de  l'air.  On  porte  la  liqueur  à  l'ébulli- 
tion  pour  que  la  dissolution  soit  complète,  et  on  la  laisse  déposer.  On 
décante,  on  évapore  aux  deux  tiers  dans  une  capsule  de  porcelaine,  et  on 
verse  le  liquide  dans  40  ou  50  fois  son  poids  d'eau,  en  agitant  continuel- 
lement le  mélange.  Il  se  forme  un  précipité  blanc  très-abondant  qui  n'est 
autre  chose  que  le  sous-nitrate  de  bismuth.  On  lave  ce  précipité,  on  le 
recueille  et  on  le  sèche,  en  évitant,  pendant  qu'il  est  humide,  le  contact 
des  matières  organiques  qui,  sous  l'influence  de  la  lumière,  exercent  une 
action  réductrice  très-marquée. 

Le  sous-nitrate  de  bismuth  est  d'un  blanc  pur,  très-dense,  insoluble 
dans  l'eau.  Il  se  dissout  sans  effervescence  dans  l'acide  nitrique,  et  donne 
une  liqueur  limpide  que  l'acide  sulfuriquc  ne  trouble  pas,  mais  que  l'eau 
décompose  en  régénérant  du  sous-nitrate  insoluble.  L'hydrogène  sulfuré 
le  colore  immédiatement  en  noir.  L'acide  sulfurique  étendu  de  son  volume 
d'eau  le  dissout,  et  forme  un  liquide  incolore  qui  devient  noir  au  contact 
du  protosulfate  de  fer. 

Le  sous-nitrate  de  bismuth  est  journellement  employé  contre  les  né- 
vroses de  l'estomac.  La  dose  par  jour  est  de  1  à  4  grammes  pour  les  adul- 
tes, et  de  1  à  5  décigrammes  pour  les  enfants.  Toutefois,  Monneret  a  éta- 
bli par  de  nombreuses  observations  que,  dans  les  cas  de  diarrhée,  on 
pouvait  élever  hardiment  la  dose  jusqu'à  8  et  10  grammes,  et  que  le  sous- 
nitrate  de  bismuth  constituait  alors  un  agent  précieux  et  d'une  merveil- 
leuse efficacité.  Il  importe,  en  pareil  cas,  que  le  sous-nitrate  de  bismuth 
employé  soit  pur  et  parfaitement  exempt  d'arsenic;  car  E.  Ritter  (de 
Strasbourg)  a  montré,  dans  un  mémoire  récent,  que,  s'il  faut  admettre 
l'innocuité  du  sous-nitrate  de  bismuth  pur,  il  faut  reconnaître  aussi  qu'un 
sous-nitrate  arsenifère  peut  produire  des  accidents  graves  lorsqu'il  se 
trouve  en  présence  de  liquides  ou  de  sécrétions  acides. 

E.  Ritter  (de  Strasbourg)  a  également  reconnu,  à  la  suite  de  faits  nom- 
breux relatifs  à  l'histoire  du  sous-nitrate  de  bismuth  qu'en  suivant  très- 
exactement  le  procédé  de  préparation  que  nous  avons  indiqué  plus  haut 
et  qui  est  celui  du  Codex  légèrement  modifié,  on  obtient  un  sel  de  com- 
position constante,  ayant  la  formule  Ri05AzOs4-Aq. 

Le  bismuth  est  encore  la  base  de  plusieurs  autres  composés  salins 
usités  en  médecine. 

Hydrate  d'oxyde  de  bismuth,  Ri03I10.  —  On  l'obtient  en  précipitant 
un  sel  de  bismuth  par  la  potasse  ou  l'ammoniaque  en  léger  excès,  et  la- 
vant avec  soin  le  précipité  formé.  Il  est  blanc,  insoluble  dans  l'eau;  il  se 
déshydrate  par  l'ébullition,  surtout  en  présence  d'un  liquide  alcalin,  et 


408  BISMUTH.  —  chimie  et  pharmacologie: 

prend  alors  une  couleur  jaune  due  à  la  formation  d'oxyde  de  bismuth 
anhydre.  Il  se  dissout  sans  effervescence  dans  les  acides  chlorhydrique 
et  nitrique. 

Sous-carbonate  de  bismuth.  —  Lorsqu'on  verse  du  carbonate  de  soude 
dans  une  dissolution  acide  de  nitrate  de  bismuth,  on  obtient  un  préci- 
pité blanc  qui  est  un  carbonate  tribasique  Bi05,C02.  Ce  sel  ne  change 
pas  de  couleur  par  l'ébullition,  et  ne  peut  être  confondu,  par  consé- 
quent, avec  l'oxyde  hydraté.  Il  se  dissout  avec  effervescence  dans  les 
acides  chlorhydrique  et  nitrique.  Une  température  peu  élevée  le  décom- 
pose en  acide  carbonique  et  en  oxyde  jaune  de  bismuth. 

Tannate  de  bismuth,  Bi03CI8Il509.  —  On  l'obtient  en  traitant  par  le 
tannin  l'hydrate  d'oxyde  de  bismuth  récemment  précipité.  C'est  un  sel 
insoluble,  peu  sapide,  jaunâtre.  Il  renferme  55  pour  100  d'oxyde  de  bis- 
muth et  57  pour  100  de  tannin. 

Valérianate  de  bismuth,  Bi05C10IP05.  —  Ce  sel  qui  est  basique,  comme 
tous  les  sels  de  bismuth  employés  en  médecine,  est  obtenu  par  la  réac- 
tion du  valérianate  de  soude  sur  le  nitrate  acide  de  bismuth.  C'est  un 
sel  blanc,  insoluble  dans  l'eau,  décomposable  par  l'hydrogène  sulfuré  en 
acide  valérianique  et  en  sulfure  noir  de  bismuth. 

Lactate  de  bismuth,  Bi03C6ll505.  —  On  l'obtient  par  double  décom- 
position du  nitrate  de  bismuth  et  du  lactate  de  soude.  C'est  un  sel  avec- 
excès  de  base,  qui  est  très-peu  soluble  dans  l'eau  froide.  Par  un  cou- 
rant d'hydrogène  sulfuré,  il  donne  une  solution  d'acide  lactique  et  un 
précipité  noir  de  sulfure  de  bismuth. 

H.   BuiGNLT. 


Thérapeutique.  —  Le  sous-nitrate  de  Bismuth  est  à  peine  mentionné 
dans  les  anciens  traités  de  thérapeutique  et  de  matière  médicale.  — 
Il  fut  d'abord  considéré  comme  un  cosmétique  et  utilisé  par  la  coquet- 
terie des  femmes,  pour  donner  de  la  blancheur  à  leur  peau  et  masquer 
une  éruption  cutanée.  Pott,  en  1759,  parle  bien  du  sous-nitrate  de  bis- 
muth comme  remède  interne  ;  mais  ce  fut  Odier  (de  Genève)  qui,  le  pre- 
mier, en  1786  l'employa  contre  un  certain  nombre  d'affections,  entre 
autres  la  gastralgie,  la  gastrite,  la  diarrhée  et  des  troubles  de  la  men- 
struation. Odier  eut  de  nombreux  imitateurs.  Bassiani  Carminati, 
Schôffer  en  Allemagne  ;  Clarke  en  Angleterre  ;  plus  tard  Kersig,  Ricliter 
Reil,  le  firent  connaître  dans  leurs  ouvrages. 

En  France  le  bismuth  a  été  longtemps  délaissé.  Alibert  ne  le  signale 
même  pas.  Ce  sont  Trousseau  et  Pidoux  qui  ont  contribué  a  sa  réhabilita- 
tion. Mais  si  le  bismuth  a  pris  aujourd'hui  une  place  importante  et  définitive 
parmi  les  agents  de  la  thérapeutique  les  plus  efficaces,  il  doit  sans  nul 
doute  à  Monneret  cette  faveur,  que  je  puis  avec  raison  dire  populaire. 
C'est  en  effet  le  profeseur  de  pathologie  interne  de  la  faculté  de  médecine 
de  Paris,  qui  par  ses  études  cliniques  poursuivies  avec  grand  soin  pen- 
dant plusieurs  années,  a  appelé  l'attention  sérieuse  des  médecins  sur  ce 


BISMUTH. EFFETS    PHYSIOLOGIQUES.  109 

médicament. —  Il  cri  a  déterminé  les  indications  spéciales,  fixé  les  doses, 
établi  le  degré  d'influence  et  le  mode  d'action. 

Effets  physiologique».  —  Le  sous-nitratre  de  bismuth,  bien  que 
porté  à  des  doses  élevées,  ne  détermine  dans  l'organisme  aucun  phé- 
nomène appréciable.  Depuis  le  moment  de  son  ingestion  dans  l'estomac, 
jusqu'à  celui  de  la  manifestation  de  ses  effets  thérapeutiques,  on  ne 
saisit  aucun  symptôme  intermédiaire.  La  muqueuse  gastrique  ne  parait 
subir  aucune  impression  particulière;  les  fonctions  nerveuses,  la  tempé- 
rature de  la  peau,  les  mouvements  du  cœur,  les  sécrétions  urinaire  et 
cutanée  ne  sont  nullement  modifiées.  Des  selles  noirâtres,  une  consti- 
pation plus  ou  moins  grande,  tels  sont  les  résultats  de  la  médication 
bismuthique. 

L'expérimentation  nous  apprend  l'innocuité  absolue  du  sous-nitrate 
de  bismuth.  Monneret  qui  l'a  conseillé  à  la  dose  de  40,  50  et  même 
60  grammes  par  jour,  dans  les  conditions  les  plus  différentes  d'âge,  de 
tempérament,  de  maladies  affirme  qu'il  n'a  jamais  produit  d'accident, 
pas  même  d'incommodité.  Telle  est  aussi  l'opinion  de  Trousseau.  S'il 
fallait  en  croire  Lussana,  ses  effets  seraient  colliquatifs.  La  lace,  dit-il, 
prend  un  aspect  plombé,  les  yeux  perdent  leur  éclat,  s'entourent  d'un 
cercle  livide,  la  respiration  est  fétide,  les  gencives  se  gonflent,  devien- 
nent fongueuses  et  fournissent  une  sanie  sanguinolente  ;  de  temps  en 
temps  il  peut  y  avoir  des  hémorrhagies  abondantes  par  les  fosses  nasales 
ou  la  muqueuse  bronchique.  Ce  sel  posséderait  donc  une  action  dissol- 
vante de  l'élément  globulaire  du  sang,  analogue  à  celle  dont  jouissent  les 
carbonates  alcalins,  et  il  devrait  être  rangé  dans  la  classe  de  ces  agents 
thérapeutiques,  que  Mialhe  appelle  fluidifiants.  — L'influence  du  bismuth 
me  paraît  avoir  été  considérablement  exagérée  et  môme  entièrement 
dénaturée  ;  la  description  des  symptômes  que  trace  Lussana  me  fait 
supposer  qu'il  y  a  eu  quelque  erreur  ou  quelque  substitution.  J'ai  très- 
souvent  prescrit  le  bismuth  à  des  doses  assez  élevées,  pendant  une  longue 
période  de  jours,  chez  des  individus  de  tout  âge,  dans  des  affections 
très-diverses  ;  jamais  je  ne  l'ai  vu  déterminer  un  seul  des  accidents  énoncés 
par  le  médecin  italien  ;  j'ai  toujours  constaté  son  innocuité  absolue. 

Chez  deux  malades  qui  ont  succombé  après  un  emploi  prolongé  du 
bismuth,  j'ai  recherché  ses  effets  sur  la  muqueuse  gastro-intestinale,  et 
mes  observations  sont  parfaitement  conformes  à  celles  de  Monneret. 
Le  bismuth  était  appliqué  sur  la  muqueuse  gastrique,  il  y  avait  conservé 
comme  dans  le  jéjunum  et  l'iléon  sa  couleur  blanchâtre  ;  dans  le  gros 
intestin  il  avait  subi  une  action  chimique,  il  avait  pris  une  teinte  noi- 
râtre et  s'était  transformé  en  sulfure  de  bismuth.  Ce  sulfure  avait  coloré 
en  noir  et  désinfecté  les  matières  stcrcorales,  il  avait  encore  communiqué 
à  la  membrane  muqueuse  cette  même  coloration  noire  que  le  lavage  et  le 
grattage  ne  détruisaient  qu'avec  peine,  c'était  comme  une  combinaison 
du  sulfure  de  bismuth  avec  l'épithélium.  Quant  aux  ulcérations  dont  la 
muqueuse  était  parsemée,  le  bismuth  loin  de  les  irriter  semblait  en 
favoriser  la  cicatrisation. 


HO  BISMUTH.    EFFETS    PHYSIOLOGIQUES. 

Le  bismuth  est-il  absorbé?  Bien  des  auteurs  ne  l'admettent  pas  ;  il  est 
en  effet  peu  soluble  dans  le  sue  gastrique,  et  cette  insolubilité  peut 
expliquer  l'absence  des  phénomèmes  physiologiques  et  la  coloration  noire 
que  prennent  les  matières  alvines. 

Orfila  conclut  des  expériences  auxquelles  il  s'est  livré,  que  l'azotate  et 
et  le  sous-azotate  de  bismuth  sont  absorbés  et  portent  particulièrement 
leur  action  sur  le  système  nerveux  ;  qu'injectés  dans  les  veines,  ils  agis- 
sent avec  plus  d'énergie. 

Lussana  pense  que  le  bismuth  est  assimilable,  qu'une  partie  de  la 
quantité  qui  est  administrée  se  dissout,  et  qu'elle  est  absorbée  comme 
cela  a  lieu  pour  le  calomel,  le  fer,  le  kermès,  etc;  que  l'assimilation  de 
ce  médicament  est  due  à  l'acidité  des  liquides  de  l'estomac,  mais  une 
fois  passé  dans  l'intestin,  l'absorption  cesse  parce  que  les  chlorures 
alcalins  de  l'intestin  n'ont  aucun  effet  dissolvant  sur  lui  et  le  précipitent 
s'il  a  été  dissous  :  de  plus,  il  ajoute  qu'on  ne  saurait  conclure  de  la  non- 
apparition  de  ce  sel  dans  les  urines  à  sa  non-absorption;  une  fois  introduit 
dans  le  torrent  circulatoire,  le  bismuth  est  ramené  à  l'état  insoluble  par 
les  chlorures  alcalins  du  sérum  et  ne  peut  franchir  les  émonctoires. 

Girbal  et  Lazowski  ont  donné  à  des  chiens  pendant  plusieurs  jours  du 
sous-nitrate  de  bismuth  à  haute  dose,  afin  de  savoir  s'il  est  absorbé  et 
retrouvé  plus  tard  dans  quelque  organe.  Voici  leur  manière  de  procéder  : 
Ils  ont  analysé  séparément  le  foie,  les  poumons,  le  cœur,  les  reins,  etc. 
Chacun  de  ces  viscères  est  divisé  en  fragments,  traité  par  l'acide  nitrique, 
puis  laissé  pendant  une  quinzaine  de  jours  à  la  réaction  de  cet  acide. 
La  substance  organique  est  détruite  par  la  chaleur;  le  liquide  restant 
est  soumis  à  un  courant  de  chlore  en  excès,  puis  livré  à  lui-même  pen- 
dant vingt-quatre  heures.  On  obtient  ainsi  un  liquide  presque  clair,  qui 
est  évaporé  à  siccité  avec  addition  d'une  petite  quantité  d'acide  sulfu- 
rique  et  carbonisé  suffisamment.  Cette  masse  charbonneuse  est  pulvé- 
risée, reprise  par  l'acide  nitrique  dilué,  soumise  à  l'ébullition,  jetée  sur 
un  filtre  et  lavée,  toutes  les  eaux  de  lavage  sont  réduites  par  évaporation, 
le  résidu  est  traité  par  un  peu  d'acide  nitrique  étendu,  légèrement  chauffé, 
filtré  et  soumis  à  un  courant  d'hydrogène  sulfuré,  afin  d'obtenir  un 
sulfure  de  bismuth.  Or,  après  cette  série  d'opérations,  dont  j'ai  cru  né- 
cessaire de  rapporter  les  détails,  Girbal  et  Lazowski  ont  trouvé  du  bis- 
musth  en  quantité  notable  dans  les  poumons  et  les  reins,  en  quantité 
moindre  dans  le  foie,  la  bile  et  le  cœur. 

Bricka  rapporte  un  certain  nombre  d'expériences  faites  dans  un  but 
analogue.  Il  commence  par  mettre  du  sous-nitrate  de  bismuth  en  contact 
avec  les  sucs  gastrique  et  intestinaux,  et  il  s'assure  qu'une  faible  quan- 
tité de  ce  sel  se  dissout  dans  ces  liquides.  En  outre  il  donne  pendant 
plusieurs  jours  du  bismuth  d'abord  à  des  animaux,  puis  à  des  malades 
qui  n'avaient  aucune  lésion  des  organes  digestifs,  il  voit  le  bismuth  ap- 
paraître bientôt  dans  les  urines,  mais  la  quantité  éliminée  par  les  urines 
est  faible,  l'hydrogène  sulfuré  ne  produit  qu'une  légère  coloration  bleue. 
Voulant  savoir  dans  quels  organes  se  dépose  le  bismuth,  Bricka  fait  de 


BISMUTH.    EFFETS    THÉRAPEUTIQUES.  111 

nouvelles  recherches.  Chez  des  individus  qui  avaient  pris  ce  médicament 
durant  un  assez  long  espace  de  temps,  il  dirige  les  investigations  d'une 
manière  spéciale  vers  le  foie.  Cet  organe  est  détruit  par  l'eau  régale  et 
l'excès  d'acide  chassé  par  l'évaporation.  Un  courant  d'hydrogène  sulfuré 
donne  lieu  à  un  précipité  de  soufre  et  de  sulfure  de  bismuth;  ce  pré- 
cipité oxydé  par  l'acide  azotique  et  chauffé  pour  détruire  quelques  traces 
de  matières  organiques  est  redissout  dans  de  l'eau  aiguisée  d'acide  azo- 
tique et  précipité  de  nouveau  par  l'hydrogène  sulfuré.  La  présence  du 
bismuth  était  donc  incontestable. 

Les  expériences  que  je  viens  de  relater,  établissent  d'une  manière  po- 
sitive que  le  bismuth  est  absorbé,  qu'il  est  éliminé  en  faible  quantité 
paries  urines,  qu'il  se  retrouve  dans  plusieurs  organes  spécialement  dans 
les  poumons  et  le  foie. 

Effets  (i&érape&Uiqiies.  —  C'est  surtout  contre  les  maladies  de 
l'estomac  et  des  intestins  que  le  bismuth  est  mis  en  usage. 

Affections  gastriques.  —  En  tête  des  névroses  se  placent  la  gastralgie 
et  la  dyspepsie.  Qu'elles  soient  idiopathiques  ou  qu'elles  se  rattachent  à 
un  état  général  (chlorose,  anémie,  etc.)  le  bismuth  calme  l'irritabilité  exa- 


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rée  de  l'estomac,  il  rend  les  digestions  faciles,  ce  qui  permet  d'employer 
ultérieurement,  s'il  y  a  lieu,  des  remèdes  spéciaux  pour  combattre  la 
maladie  première,  cause  de  la  gastralgie  et  de  la  dyspepsie.  On  ne  saurait 
contester  l'heureuse  influence  du  bismuth,  cependant  peut-être  a-t-clle  été 
exagérée,  j'ai  vu  souvent  ces  états  névralgiques  lui  résister  et  céder  plus 
rapidement  à  la  double  intervention  du  régime  et  de  l'hydrothérapie. 

Le  vomissement  constitue  quelquefois  le  principal  symptôme  de  la  ma- 
ladie comme  dans  l'hystérie,  ï'hypochondrie  ;  or,  contre  cette  névrose,  le 
bismuth  est  souvent  impuissant;  il  l'est  encore  dans  les  vomissements  de 
la  grossesse,  dans  ceux  qui  précédent  ou  accompagnent  une  menstruation 
douloureuse  et  difficile.  Son  influence  m'a  paru  plus  marquée,  mais,  il  est 
vrai,  de  courte  durée,  dans  les  vomissements  qui  résultent  d'une  lésion 
organique  de  l'estomac.  Elle  serait  encore  favorable,  d'après  Monneret, 
pour  combattre  chez  les  nouveau-nés  les  vomissements  qui  dépendent 
d'un  ramollisement  de  la  muqueuse  gastrique;  lorsque  le  ramollissement 
est  réel,  cette  influence  favorable  me  semble  très-douteuse. 

J'ai  surtout  employé  avec  avantage -le  bismuth  chez  les  personnes  dont 
les  digestions  sont  laborieuses  et  s'accompagnent  de  tendance  à  la  diarrhée, 
en  outre  dans  la  gastrite  chronique  et  dans  ses  formes  diverses,  le  pyro- 
sis,  le  pica,  la  boulimie,  etc. 

Affections  de  l'intestin,  —  Le  bismuth  est  principalement  appelé  à 
rendre  des  services  dans  les  maladies  de  l'intestin.  On  lui  reconnaît  alors 
une  action  spéciale.  Monneret  l'appelle  colique  en  se  servant  d'une  expres- 
sion usitée  dans  le  langage  des  médecins  italiens. 

La  diarrhée  n'est  le  plus  souvent  qu'un  symptôme ,  elle  se  pro- 
duit sous  des  influences  multiples,  elle  se  lie  à  des  lésions  de  nature 
différente. 

La  diarrhée  qui  a  pour  cause  une  phlegmasie  simple  de  l'intestin  cèd 


112  BISMUTH.    EFFETS    TIIÉCAI'EUTIQUES. 

en  général  assez  facilement  an  bismuth  et  à  un  régime  approprié,  ii  en 
est  de  même  de  celle  dite  catarrhale  due  le  plus  ordinairement  à  un  écart 
de  régime,  à  un  refroidissement  ou  encore  à  une  constitution  médicale 
particulière.  Si  la  diarrhée  devient  chronique  se  traduisant  par  des  dou- 
leurs sourdes,  un  sentiment  de  plénitude  dans  tout  le  ventre,  une  disten- 
sion de  l'estomac,  des  selles  liquides  et  fétides,  de  l'amaigrissement,  une 
faiblesse  générale,  elle  est  encore  traitée  avec  succès  par  le  sous-nitrate 
de  bismuth. 

Il  est  des  diarrhées  colliquatives  qui  s'observent  chez  les  malades  at- 
teints de  phthisie  pulmonaire  ou  de  toute  affection  chronique;  dans  cette 
forme  le  bismuth  a  pu  être  avantageux.  Chez  les  phthisiques,  le  dévoie- 
ment  devient  un  accident  grave,  il  enlève  les  forces  et  s'oppose  à  l'assimi- 
lation. «  Si  l'on  peut  à  l'aide  d'un  médicament  faire  cesser  une  telle  si- 
tuation, soutenir  par  une  nourriture  convenable  la  lutte  engagée  avec  la  plus 
cruelle  lésion  qui  désorganise  les  viscères,  on  aurait,  dit  Monneret,  rendu 
un  service  signalé  «à  la  thérapeutique.  »  Et  plus  loin  il  ajoute  :  «  Je  n'hé- 
site pas  à  déclarer  que  le  sous-nitrate  de  bismuth  est  précisément  un  médi- 
cament de  ce  genre.  Depuis  sept  ans  que  je  le  donne  à  tous  les  phthisiques 
atteints  de  diarrhée  consomptive,  j'en  ai  vu  un  très-grand  nombre  qui 
étaient  dans  un  état  tel  qu'ils  n'avaient  que  peu  de  jours  à  vivre.  Je  parve- 
nais à  maîtriser  la  diarrhée,  je  commençais  immédiatement  à  les  nourrir  et 
ces  malheureux  sortaient  de  l'hôpital  se  croyant  guéris  et  ayant  retrouvé 
quelque  force  et  un  peu  d'embonpoint.  Inutile  de  dire  que  la  lésion  pulmo- 
naire restait  au  même  point.»  J'ai  conseillé  fréquemment  le  bismuth  dans 
les  diverses  périodes  de  la  phthisie  pulmonaire  ;  s'il  a  pu  arrêter  le  de- 
voiement  qui  complique  quelquefois  cette  affection  à  son  début,  j'ai  l'ai 
trouvé  en  général  insuffisant  à  une  époque  plus  avancée  de  la  maladie. 

La  diarrhée  est  un  phénomène  à  peu  près  constant  de  la  fièvre  typhoïde. 
Liée  à  la  lésion  des  plaques  de  Peyer  et  à  une  irritation  de  la  muqueuse 
intestinale,  il  est  difficile  de  l'enrayer,  du  moins  dans  les  premiers  jours  ; 
peut-être  même  que  sa  suspension  complète  serait  alors  sans  grand 
profit.  Mais  si  la  diarrhée  maintenue  dans  certaines  limites  ne  réclame 
aucune  intervention  active  dans  les  premiers  septénaires  de  la  fièvre  ty- 
phoïde, il  ne  s'en  suit  pas  qu'elle  doive  être  toujours  respectée  ;  plus  tard 
elle  rend  la  convalescence  longue  et  difficile.  Le  sous-nitrate  de  bismuth 
administré  à  cette  période  m'a  souvent  paru  d'une  utilité  réelle. 

De  toutes  les  maladies  de  l'enfance,  l'une  des  plus  communes  et  des  plus 
meurtrières  est  la  diarrhée.  Qu'elle  soit  le  résultat  d'un  lait  insuffisant, 
qu'elle  soit  produite  par  une  dentition  difficile,  un  sevrage  précoce,  un  ra- 
mollissement de  la  muqueuse  intestinale,  qu'elle  soit  de  nature  phleg- 
matique  ou  atonique,  le  bismuth  est  employé  avec  avantage.  «  Pendant 
les  quatre  années,  dit  Monneret,  que  j'ai  dirigé  le  service  des  nouveau-nés 
à  Bon-Secours,  je  n'ai  pas  fait  usage  d'autre  médicament,  il  ne  m'a  pas 
fait  défaut;  telle  est  son  innocuité  que  la  sœur  et  non  le  pharmacien  était 
seule  chargée  de  l'administrer  sans  dosage  par  demi-cuillerée  à  café,  et 
non-seulement  il  n'a  jamais  produit  d'effets  fâcheux,  mais  il  arrêtait  si 


BISMUTH.    EFFETS    THÉRAPEUTIQUES.  113 

bien  les  diarrhées  que  l'on  était  parvenu  à  faire  cesser  entièrement  la  mal- 
propreté qui  existe  toujours  clans  les  salles  d'enfants.  »  C'est  certaine- 
ment un  très-beau  résultat,  mais  les  conditions  meilleures  dans  lesquelles 
se  trouvaient  ces  malheureux  enfants  n'y  avaient-elles  pas  aussi  puissam- 
ment contribué? 

Il  est  aujourd'hui  démontré  par  l'expérience,  que  chaque  épidémie  de 
choléra  s'annonce  par  une  constitution  médicale  particulière;  elle  trahit 
son  influence  par  des  troubles  des  fonctions  digestives  (embarras  gastri- 
ques, flux  de  matières  bilieuses,  cholérine,  etc.).  Si  le  bismuth,  malgré  les. 
assertions  de  Léo  (de  Varsovie)  échoue  dans  le  choléra  confirmé,  il  est  utile 
pour  réprimer  ces  flux  intestinaux  qu'à  juste  titre  on  appelle  prémoni- 
toires. Les  expériences  faites  en  1849  et  surtout  en  1854  et  1865  sont 
très-concluantes.  Monnerct  est  encore  ici  très-explicite.  Il  ne  m'est  jamais 
arrivé,  dit-il,  de  voir  une  diarrhée  ou  une  cholérine  se  transformer  en 
choléra,  parce  que  j'ai  toujours  eu  soin  de  les  arrêter  avec  de  fortes  doses 
de  bismuth.  La  convalescence  du  choléra  peut  être  enrayée  par  une  diarrhée 
souvent  incoercible,  la  réaction  ne  se  fait  qu'avec  peine,  le  bismuth  de- 
vient alors  un  antidiarrhéique  très-puissant. 

Monneret  a  conseillé  le  bismuth  dans  la  dysenterie,  et  il  affirme  que  la 
guérison  opérée  en  cinq  ou  six  jours  ne  s'est  jamais  démentie.  Je  l'ai  ad- 
ministré assez  souvent  dans  cette  maladie,  et  j'avoue  que  les  succès  sont 
loin  d'avoir  été  aussi  constants. 

Le  bismuth  est  souvent  employé  à  l'extérieur  comme  topique. 

On  l'a  conseillé,  et  je  m'en  suis  servi  avec  avantage,  contre  l'érythème, 
l'érysipèle,  l'herpès,  l'eczéma,  contre  les  érosions  superficielles  de  la 
peau  que  l'on  observe  chez  les  individus  atteints  de  fièvre  typhoïde  ou  de 
maladie  chronique. 

Longtemps  le  Uniment  oléo-calcaire  a  été  considéré  comme  un  des  re- 
mèdes les  plus  efficaces  contre  les  brûlures.  Dans  ces  dernières  an- 
nées Velpeau  ayant  été  amené  à  expérimenter  l'action  thérapeutique 
de  plusieurs  substances  désinfectantes,  constata  que  le  sous-nitrate  de 
bismuth  constituait  un  des  topiques  les  plus  favorables  à  la  cicatrisation 
des  brûlures.  On  enlève  l'épidémie,  on  saupoudre  le  derme  dénudé  avec 
le  sel  de  bismuth  ;  en  général  l'inflammation  diminue  et  la  plaie  marche 
rapidement  vers  la  guérison.  Ce  pansement  est  d'autant  plus  simple  que 
les  parties  sont  laissées  libres  et  qu'on  renouvelle  facilement  la  poudre  à 
mesure  qu'elle  s'humecte  et  forme  des  grumeaux. 

Gilette,  médecin  de  l'hôpital  des  enfants,  qui  a  souvent  administré  le 
sous-nitrate  de  bismuth  énonce  en  ces  termes  les  résultats  de  son  ex- 
périence. 

1°  Le  sous-nitrate  de  bismuth  est  préférable  aux  poudres  végétales 
(amidon,  lycopode,  etc.)  qui  ont  l'inconvénient  de  se  pelotonner  quand 
il  y  a  beaucoup  d'humidité  et  qui  ne  peuvent  exercer  aucune  action  chi- 
mique sur  les  produits  de  la  suppuration. 

2°  Il  ne  doit  pas  être  employé  sur  une  ulcération  qui  repasse  à  l'état 

NOUV.     DICT.    MÉD.    ET    CHIB.  V.     —    P 


114  BISMUTH.    EFFETS   THÉRAPEUTIQUES. 

aigu  et  où  une  suppuration  abondante  est  indispensable  pour  amener  la 
guérison. 

5°  Il  est  nuisible  dans  les  plaies  fîstuleuses,  parce  qu'il  dessèche  trop 
vite  les  parties,  et  la  cicatrisation  se  fait  plus  rapidement  que  si  on  la  con- 
fiait à  la  nature. 

4°  Lorsque  l'ulcération  est  plate,  mais  que  la  sérosité  purulente  qui  s'en 
écoule  n'a  point  de  consistance,  et  que  par  conséquent  il  ne  peut  se  former 
à  la  surface  une  croûte  protectrice  par  laquelle  s'établisse  la  cicatrisation, 
ou  lorsque  le  frottement  des  parties  malades  détruit  à  chaque  instant  le 
travail  réparateur,  alors  le  sous-nitrate  de  bismuth  en  poudre  fine  est  de 
la  plus  grande  utilité.  Il  dessèche  la  sérosité  promptement  et  amène  la 
guérison  ou  il  détermine,  en  donnant  de  la  consistance  à  la  suppuration, 
une  croûte  sous  laquelle  on  trouve  une  cicatrice. 

Gilette  dit  encore  avoir  guéri  à  l'aide  du  bismuth  un  pemphigus  chro- 
nique. Depuis  quelques  années  j'ai  traité,  dans  mon  service  à  l'hôpital 
Saint-André,  un  certain  nombre  d'individus  atteints  de  ce  genre  d'affec- 
tion, ce  médicament  est  resté  complètement  inefficace. 

Bretonneau  employait  avec  avantage  le  bismuth  dans  les  ophthalmies 
catarrhales  à  l'état  subaigu  et  chronique,  il  insufflait  dans  l'œil  1  à  2  déci- 
grammes  de  ce  sel  une  ou  deux  fois  par  jour,  ou  bien  après  avoir 
entr'ouvert  l'œil  il  y  répandait  une  pincée  de  bismuth.  Follin  à  la  Sal- 
pètrière  se  sert  d'un  glycérole  au  sous-nitrate  de  bismuth  dans  certaines 
maladies  des  yeux,  les  blépharites  ciliaires  et  glanduleuses,  les  conjoncti- 
vites granuleuses  à  marche  chronique. 

J'ai  obtenu  de  bons  effets  de  l'emploi  du  bismuth  dans  le  coryza  chro- 
nique. Le  bismuth  seul  ou  mêlé  à  une  poudre  inerte  (riz,  amidon)  est  prisé 
comme  du  tabac.  Cette  application  fait  cesser  les  éternuments  et  l'écoule- 
ment muco-purulent  qui  sont  la  conséquence  de  la  phlegmasie  de  la  mu- 
queuse pituitaire. 

Monneret  rapporte  deux  exemples  d'ozène  chronique  qui  avaient  résisté 
à  un  traitement  complexe,  et  cédèrent  à  l'usage  du  bismuth.  Les  malades- 
prisent  cette  poudre  aromatisée  avec  la  fleur  de  mélilot.  Il  faut  avoir  soin 
quand  on  emploie  ce  traitement  de  faire  nettoyer  tous  les  jours  les  fosses 
nasales  avec  de  l'eau  tiède,  afin  que  la  poudre  puisse  pénétrer  et  se  loger 
dans  les  sinus  du  nez.  Un  des  avantages  de  cette  poudre  est  encore  de 
pouvoir  atteindre  les  parties  qui  restent  inaccessibles  aux  différents 
caustiques  que  l'on  a  préconisés. 

Caby,  ancien  interne  de  la  maison  Saint-Lazare,  a  expérimenté  k 
sous-nitrate  de  bismuth  contre  les  écoulements  des  parties  génitales  chez 
l'homme  et  chez  la  femme,  mais  la  condition  indispensable  pour  le  succèsr 
c'est  que  ces  écoulements  aient  perdu  leur  caractère  inflammatoire. 

Sous  le  nom  de  blennorhée,  blennorhagie  chronique,  suintement  ha- 
bituel, on  désigne  une  même  maladie,  l'écoulement  du  canal  de  l'urè- 
thre,  soit  qu'il  succède  à  une  blennorhagie  aiguë,  soit  qu'il  débute 
d'emblée  sous  la  forme  chronique.  Contre  ces  écoulements  en  apparence 
bénins,  ces  suintements  habituels  qui  résistent  aux  balsamiques  les  plus 


BISMUTH.    EFFETS    THÉRAPEUTIQUES.  115 

puissants  et  aux  injections  les  plus  variées,  le  sous-nitrate  de  bismuth  de- 
vient presque  un  spécifique.  La  dose  du  médicament  est  de  50  grammes 
pour  200  grammes  d'eau  de  roses  ;  au  début  trois  injections  par  jour  sont 
nécessaires,  plus  tard  deux  suffisent  ;  alors  même  que  l'écoulement  est 
tari,  elle  doivent  être  continuées  un  certain  temps  pour  empêcher  la  réci- 
dive. L'injection  est  conservée  deux  ou  trois  minutes,  afin  qu'il  se  dé- 
pose une  certaine  quantité  de  nitrate  sur  les  parois  uréthrales,  cette 
couche  épaisse  de  bismuth  ne  détermine  aucune  sensation  douloureuse  et 
ne  met  aucun  obstacle  à  l'émission  des  urines. 

Caby  a  employé  avec  le  même  succès  le  bismuth  contre  les  écoulements 
des  organes  génitaux  de  la  femme.  De  ces  écoulements,  les  uns  sont  limi- 
tés à  la  muqueuse  des  parties  génitales  externes  (leucorrhée  vulvaire)  ;  les 
autres  affectent  la  muqueuse  vaginale  (leucorrhée  vaginale)  ;  quelques-uns 
ont  tout  à  la  fois  pour  siège,  le  vagin,  la  vulve  et  l'urèthre  (leucorrhée  vulvo- 
vaginale,  vulvo-uréthrale)  ;  enfin  il  en  est  qui  sont  liés  à  des  ulcérations 
ou  à  des  phlegmasies  du  col  utérin.  Dans  ces  divers  cas,  le  traitement 
consiste  à  appliquer  sur  les  parties  malades  à  l'aide  du  spéculum  et  d'un 
pinceau  de  charpie  du  sous-nitrate  de  bismuth  en  poudre  ;  il  faut  pro- 
jeter la  poudre  en  grande  quantité  sur  le  col  et  sur  toute  l'étendue  des 
parois  vaginales  à  mesure  que  l'on  retire  le  spéculum.  Cette  application 
qui  ne  cause  aucune  sensation  pénible  est  faite  au  moins  une  fois  par 
jour,  elle  est  précédée  d'une  injection  qui  débarrasse  le  vagin  de  la  poudre 
plus  ou  moins  humide  qui  le  remplit.  Ce  traitement  fort  simple  agit  avec 
une  grande  promptitude ,  des  écoulements  abondants  sont  taris  dans 
l'espace  de  cinq  à  douze  jours. 

Séduit  par  la  simplicité  de  cette  méthode  et  la  rapidité  de  ses  résultats. 
Mourlon,  médecin  militaire,  essaya  le  traitement  de  Caby,  il  s'aperçut 
bientôt  que  ces  injections  irritaient  quelquefois  la  muqueuse  uréthrale. 
La  solution  rougissait  alors  le  papier  de  tournesol.  Afin  de  prévenir  cette 
acidité,  Mourlon  fit  laver  le  sel  jusqu'à  ce  qu'il  ne  présentât  plus  aucune 
réaction  acide,  dès  ce  moment  un  succès  constant  vint  couronner  ses 
tentatives.  Le  travail  de  Mourlon  a  pour  base  57  observations  d'uréthrite 
dont  52  sont  des  exemples  de  guérison.  La  durée  moyenne  du  traitement 
est  de  21  jours. 

Dauvé,  médecin  aide-major,  qui  a  expérimenté  le  sous-nitrate  de  bis- 
muth dans  la  blennorrhagie,  affirme  également  que,  pour  ne  causer  aucune 
douleur,  l'injection  doit  être  récemment  préparée  et  lavée,  soit  avec  de 
l'eau  étendue  d'azotate  d'ammoniaque  (Lœwe),  soit  avec  l'eau  bouillante 
(Orfila).  Ces  moyens  empêchent  la  décomposition  du  sel  de  bismuth  dans 
l'eau  de  la  mixture  et  s'opposent  à  ce  que  celle-ci  devienne  acide. 

Mode  (faction.  —  Comment  dans  la  gastralgie,  le  bismuth  a-t-il  la 
propriété  de  calmer  la  douleur?  Plusieurs  médecins  ayant  traité  avec 
succès  des  gastralgies  à  l'aide  de  l'acide  arsénieux,  n'hésitent  pas  a  dé- 
clarer que  c'est  l'arsenic  qui,  contenu  dans  le  bismuth  à  l'état  d'arséniate, 
est  l'agent  médicamenteux  contre  les  névroses  de  l'estomac.  Ce  sel,  étant 
insoluble,  peut  traverser  le  tube  digestif  sans  produire  d'effet  sensible; 


iîO  BISMUTH.    EFFETS    THÉRAPEUTIQUES. 

cependant,  s'il  rencontre  un  liquide  assez  abondant  et  fortement  acide,  il 
s'en  dissoudra  une  certaine  quantité.  Or  il  est  à  remarquer  que,  dans  la 
gastralgie,  il  y  a  presque  toujours  exagération  d'une  sécrétion  acide. 

Il  est  une  objection  qui  se  présente  naturellement  à  l'esprit  :  à  savoir 
comment  de  hautes  doses  de  sous-nitrate  de  bismuth  n'ont  pas  plus  sou- 
vent causé  d'accidents.  Bricka  répond  qu'un  sous-nitralc  arsenifère  peut 
être  toxique  à  faible  dose,  mais  qu'il  ne  l'est  jamais  à  dose  élevée.  En 
voici  la  raison  :  le  sous-nitrate  de  bismuth  des  pharmacies  est  souvent  un 
mélange  de  trois  équivalents  de  sous-nitrate  tribasique  et  d'un  équivalent 
d'hydrate  bismuthique;  donc  plus  on  administrera  de  sous-nitrate,  et 
par  conséquent  d'arséniate,  plus  on  donnera  d'oxyde,  oxyde  qui  se  com- 
binant aux  acides  de  l'estomac,  empêchera  l'action  ultérieure  de  l'arsé- 
niate. 

Cette  manière  de  voir,  ajoute  Bricka,  est  confirmée  par  les  faits  sui- 
vants :  si,  d'une  part,  on  met  dans  une  certaine  quantité  de  liquide  acide 
4  grammes  de  sous-nitrate  de  bismuth  très-arsenifère,  d'un  autre  côté, 
dans  la  même  quantité  d'un  liquide  identique,  20  grammes  de  ce  sel  ;  le 
liquide,  mis  en  digestion  avec  les  4  grammes  de  sous-nitrate,  renfermera 
une  quantité  notable  d'arséniate,  tandis  que  le  second  n'en  contiendra 
point.  Donc  la  quantité  d'eau  acidulée  étant  la  même,  les  chances  d'ab- 
sorption de  l'arséniate  seront  en  sens  inverse  de  la  quantité  du  sous- 
nitrate  ingéré. 

On  a  dit  encore  :  l'action  du  sous-nitrate  de  bismuth  peut  être  expli- 
quée de  la  manière  suivante  :  le  sous-nitrate  est  décomposé  par  l'eau,  et 
une  certaine  quantité  d'acide  est  mise  en  liberté.  Cet  acide  azotique  agit 
sur  la  muqueuse,  avec  laquelle  il  se  trouve  en  contact,  comme  le  ferait 
tout  composé  légèrement  caustique.  Toutefois,  pour  que  l'acide  nitrique 
contenu  dans  le  bismuth  produise  un  effet  énergique,  il  faut  que  le  bis- 
muth se  donne  à  doses  assez  élevées,  et  se  trouve  en  présence  d'une  cer- 
taine quantité  d'eau.  La  présence  de  l'eau  est  essentielle  pour  faire  jouer 
au  sous -nitrate  de  bismuth  le  rôle  de  médicament  irritant.  Le  sous-nitrate 
agirait  donc  par  son  acide,  en  produisant  une  inflammation  substitutive. 
Cette  opinion  est  confirmée  par  la  pratique  de  Graves  (de  Dublin),  qui 
traite  habituellement  les  diarrhées  chroniques  par  le  pernitrate  de  fer,  et 
il  attribue  la  vertu  curative  de  ce  sel  à  l'acide  nitrique,  qui  exerce  une 
influence  très-sensible  sur  un  grand  nombre  de  sécrétions.  Ainsi  ce  serait 
à  l'action  de  l'acide  nitrique  que  le  sous-nitrate  de  bismuth  devrait  ses 
propriétés  anti-diarrhéiques. 

Telle  est  encore  l'opinion  de  Béchamp  (de  Montpellier),  qui  admet  bien 
que  le  bismuth  agit  en  tapissant  et  protégeant  l'organe  affecté,  mais  qui 
ne  peut  s'empêcher  de  rapporter  l'effet  astringent  de  ce  sel  et  la  diminu- 
tion des  sécrétions  normales  ou  pathologiques  des  muqueuses  à  la  mise  en 
liberté  de  petites  quantités  d'acide,  sous  l'influence  de  l'humidité  des 
membranes.  L'acide  nitrique  du  bismuth,  devenant  libre  par  son  contact 
avec  l'eau,  cautérise  en  quelque  sorte  la  membrane  muqueuse.  Aussi 
Béchamp  fait-il  remarquer  que  le  sous-nitrate  trop  basique  reste  souvent 


BISMUTH.    EFFETS    THÉRAPEUTIQUES.  117 

inefficace,  alors  que  le  sous-nitrate  bibasique  qui  contient  17  pour  100 
d'acide  nitrique,  réussit  beaucoup  mieux. 

Considérant  les  effets  thérapeutiques  du  bismuth  dans  les  maladies 
externes,  et  ceux  qu'il  produit  dans  les  affections  internes,  Trousseau  et 
Pidoux  ont  d'abord  considéré  ce  médicament  comme  doué  de  propriétés  à 
la  fois  astringentes  et  sédatives,  ils  le  rangeaient  dans  la  classe  des  sédatifs 
oucontro-stimulants.  Plus  tard,  tenant  compte  de  sa  propriété  dominante, 
et  la  plus  évidemment  caractéristique,  ils  ont  pensé  que  sa  place  véritable 
se  trouve  parmi  les  astringents  minéraux. 

Je  me  rattache  bien  plus  volontiers  à  l'opinion  émise  par  Monneret. 
Le  sous-nitrate  de  bismuth  n'est,  le  plus  souvent,  qu'un  corps  inerte;  il 
se  dépose  sur  les  parties  malades  et  les  protège  mécaniquement  contre 
les  irritants  de  toute  espèce,  comme  le  font  les  corps  gras,  le  collodion 
ou  les  enduits  imperméables.  Quelquefois  il  devient  un  agent  chimique, 
il  se  combine  avec  les  gaz,  les  matières  aqueuses,  muqueuses,  acides,  et 
il  désinfecte.  Cette  action  chimique  est  attestée  par  la  production  dans 
l'intestin  du  sulfure  de  bismuth,  et  par  cette  autre  circonstance  que  le 
bismuth  agit  d'autant  plus  utilement  qu'il  est  rendu  noir  et  sulfuré  dans 
les  selles.  L'action  mécanique  et  chimique  résume  donc  l'ensemble  des 
propriétés  thérapeutiques  du  bismuth. 

Doses  et  mode  d'emploi.  —  Comme  le  sous-nitrate  de  bismuth  n'a  ni 
odeur,  ni  saveur,  on  n'a  pas  besoin  de  le  déguiser  sous  une  forme  par- 
ticulière, et  son  administration  devient  très-facile.  On  le  donne  en 
poudre,  soit  enveloppé  dans  du  pain  à  chanter,  soit  délayé  dans  une  cuil- 
lerée d'eau  sucrée  ou  de  potage,  au  commencement  du  repas ,  il  peut  être 
mêlé  aux  boissons  médicamenteuses.  Pour  les  enfants,  on  le  mêle  à  du 
sirop  de  gomme  ou  à  de  la  confiture.  Suspendu  dans  une  potion,  il  a  l'in- 
convénient, à  cause  de  son  insolubilité,  de  retomber  vers  le  fond  de  la 
fiole;  il  forme  alors  une  bouillie  difficile  à  avaler,  et  il  est  impossible  de 
préciser  la  quantité  que  l'on  prend  chaque  fois.  Quant  aux  doses,  Mon- 
neret conseille  de  commencer  par  8  et  10  grammes,  que  l'on  répète  deux, 
trois,  quatre  et  cinq  fois  par  jour,  de  telle  sorte  que  la  quantité  est  rapi- 
dement élevée  à  20,  50,  40  et  50  grammes  par  jour.  Trousseau  recom- 
mande pour  les  adultes,  de  1  à  i<  grammes  dans  les  vingt- quatre  heures, 
pour  les  enfants  de  1  à  5  décigrainmes.  Jamais  je  n'ai  eu  besoin  d'at- 
teindre le  chiffre  conseillé  par  Monneret.  En  général  je  n'ai  point  dépassé 
5  grammes  par  jour  pour  les  maladies  de  l'estomac,  et  10  grammes  pour 
les  affections  intestinales.  Ces  doses  ont  toujours  été  suffisantes. 

Le  sous-nitrate  de  bismuth  est  la  base  de  tablettes  qui  sont  aujourd'hui 
très-usitées,  surtout  chez  les  enfants,  et  dont  voici  la  composition  :  sous- 
nilratc  de  bismuth,  1  gramme;  sucre,  10  grammes;  mucilage  de  gomme 
adragante,  Q.  S.  Chaque  tablette  de  50  centigrammes  renferme  5  centi- 
grammes de  bismuth. 

Le  sous-nitrate  de  bismuth  est  souvent  associé  à  d'autres  médicaments 
pour  remplir  des  indications  spéciales,  tels  que  l'opium,  le  fer,  le  carbo- 
nate de  chaux,  la  valériane,  etc.  Il  est  une  préparation  qui  jouit  d'une 


118  BISMUTH.    EFFETS    THÉRAPEUTIQUES. 

certaine  vogue  :  elle  consiste  dans  un  mélange  de  bismuth  et  de  magnésie 
(Pastilles  de  Paterson.  — Poudre  américaine).  Elle  a  l'inconvénient  de 
présenter  les  éléments  composants  dans  des  proportions  fixes,  tandis  que 
les  besoins  de  la  pratique  doivent  exiger  que  chacun  de  ces  éléments  soit 
donné  en  des  proportions  diverses  et  selon  la  mesure  nécessaire  pour 
produire  le  résultat  particulier  qu'on  désire  obtenir  (Trousseau).  Autant 
que  possible,  il  convient  de  donner  les  médicaments  dans  leur  plus  grande 
simplicité;  leur  réunion  produit  souvent  une  atténuation  dans  leurs  ré- 
sultats définitifs.  Un  des  bienfaits  de  la  thérapeutique  moderne  est  de 
nous  avoir  délivrés  de  ces  formules  complexes  par  lesquelles  on  préten- 
dait envoyer  chaque  drogue  à  l'adresse  des  éléments  morbides  que  l'on 
se  proposait  d'attaquer. 

Le  sous-nitrate  de  bismuth  a  été  quelquefois  donné  en  lavement  ou  plutôt 
en  injections.  Lasègue,  dans  le  traitement  de  la  colite,  fait  faire  une 
mixture  avec  quelques  œufs  crus,  ou  bien  avec  un  mucilage  de  gomme 
adragante  ou  de  pépins  de  coings  et  du  sous-nitrate  de  bismuth,  à  la  dose 
de  c2,  4  et  jusqu'à  10  grammes,  et  il  injecte  cette  mixture  dans  le 
rectum.  J'ai  plusieurs  fois  essayé  cette  méthode,  elle  n'a  point  réussi. 
Monneret  ne  lui  a  vu  exercer  qu'une  action  fort  incertaine. 

Comme  topique,  le  bismuth  sera  préférablement  employé  sous  forme 
de  poudre,  chaque  fois  du  moins  que  les  parties  le  permettront.  L'asso- 
ciation du  bismuth  à  un  corps  gras  doit  être  surtout  évitée,  lorsqu'on 
veut  combattre  un  écoulement  des  muqueuses,  qui  sont  soumises  au 
contact  de  l'air  et  à  l'influence  des  agents  extérieurs.  Les  corps  gras 
deviennent  alors  nuisibles;  mêlés  avec  les  liquides  sécrétés  par  des  mu- 
queuses malades,  ils  subissent  une  véritable  combinaison,  qui  suffit  pour 
produire  ou  entretenir  la  maladie  contre  laquelle  on  les  dirige. 

Réactif.  —  Le  bismuth  a  été  signalé  comme  réactif  pour  reconnaître 
la  présence  du  sucre  dans  les  urines.  Ce  procédé  d'analyse  qualitative  du 
sucre  diabétique,  dû  à  Bôttger,  repose  sur  ce  fait,  que  le  sous-nitrate  de 
bismuth  se  réduit  sous  l'influence  des  liqueurs  alcalines  contenant  du 
sucre  de  l'espèce  glucose,  tandis  qu'il  n'éprouve  aucune  action  dans  les 
mêmes  circonstances,  en  présence  du  sucre  de  canne.  Pour  faire  un 
essai,  on  ajoute  à  l'urine  suspecte  son  volume  d'une  dissolution  de  car- 
bonate de  soude  au  quart  et  environ  1  ou  2  grammes  de  sous-nitrate  de 
bismuth.  En  faisant  bouillir  ce  mélange,  on  verra  presque  aussitôt  noircir 
le  sous-nitrate  de  bismuth  s'il  y  a  du  sucre  diabétique,  tandis  qu'il  con- 
servera sa  blancheur  s'il  n'y  en  a  pas  de  traces.  L'acide  urique  et  les  autres 
sels  contenus  dans  l'urine  normale  ne  noircissent  pas  non  plus  le  sous- 
nitrate  de  bismuth. 

Toxicologie.  — Il  n'est  plus  nécessaire  aujourd'hui,  dit  Monneret,  de  par- 
ler de  l'innocuité  du  sous-nitrate  de  bismuth.  Dans  toute  la  matière  médi- 
cale il  n'est  pas  une  drogue  qui  soit  plus  facile  à  préparer,  et  qu'on  trouve 
plus  aisément  partout  avec  les  qualités  requises...  Je  ne  connais  pas  un 
seul  médicament  interne,  depuis  la  vulgaire  pilule  de  cynoglosse,  la 
thériaque  et  le  diascordium,  jusqu'aux  préparations  plus   dangereuses 


BISMUTH.    EFFETS    THÉRAPEUTIQUES.  1  |  0 

d'opium  el  de  ratanhia  ,  qui  puisse  être  délivré  d'une  manière  aussi 
expéditive  et  aussi  sûre.  Il  faut  bien  que  le  sel  de  bismuth  n'expose 
pas  à  la  plus  légère  incommodité,  pour  que  je  me  sois  décidé  à  le  consi- 
dérer comme  une  substance  aussi  facile  à  administrer  que  la  poudre 
d'amidon  ou  que  le  cataplasme  de  farine  de  graine  de  lin. 

En  1741,  Geoffroy  rejette  le  bismuth  à  cause  des  dangers  qui  résultent 
de  son  emploi. 

En  1793,  Pott  cite  l'histoire  d'un  homme  qui  aurait  éprouvé  des  acci- 
dents gastriques  graves  après  l'ingestion  d'une  petite  quantité  de  cette 
substance. 

Odier,  Traill  et  Wernuk  constatent  à  la  suite  de  l'usage  de  ce  médica- 
ment des  symptômes  analogues  à  ceux  de  l'empoisonnement,  par  l'ar- 
senic. 

Un  homme  sujet  à  des  aigreurs  d'estomac,  les  combattait  habituel- 
lement avec  la  crème  de  tartre  et  la  magnésie.  Un  jour,  et  par  suite  d'une 
méprise,  il  prend  8  grammes  de  magistère  de  bismuth,  mêlé  à  la  même 
quantité  de  bitartrate  de  potasse;  aussitôt  il  éprouve  un  sentiment  de 
brûlure  à  la  gorge,  il  a  de  la  salivation,  un  gonflement  considérable  de  la 
langue,  des  vomissements  noirs,  des  évacuations  alvines  liquides,  un  refroi- 
dissement général,  du  hoquet,  du  délire;  il  meurt.  À  l'autopsie  on  trouve 
une  gangrène  de  la  membrane  interne  qui  tapisse  les  amygdales,  la  luette, 
l'épiglotte,  des  pustules  d'un  rouge  .foncé  à  la  surface  de  l'estomac,  une 
coloration  pourpre  et  des  points  de  gangrène  le  long  du  canal  intestinal  et 
spécialement  vers  le  rectum  (Kôrner). 

Cette  observation,  qui,  du  reste  manque  de  détails  importants,  a  sou- 
levé de  nombreux  doutes.  Dierbach  pense  que  le  compose  ingéré  était  de 
l'acide  arsénieux.  Frank  admet  un  empoisonnement  par  le  sublimé  corrosif. 

En  18T>1,  Mayer  (de  Bonn)  expérimente  le  sous-nitrate  de  bismuth. 
Pris  à  haute  dose  par  des  animaux,  il  provoque  des  vomissements,  de  la 
diarrhée,  de  l'irrégularité  des  battements  du  cœur,  quelquefois  de  la 
paralysie,  des  convulsions  et  môme  la  mort.  A  l'autopsie,  l'estomac  et  les 
intestins  présentent  un  ramollissement  gélatiniforme,  et  môme  de  vérita- 
bles points  hémorrhagiques. 

Orlila  attribue  aux  préparations  bismuthiqu.es  la  propriété  d'irriter  et 
d'enflammer  les  tissus  avec  lesquels  elles  sont  en  contact. 

Serre  (de  Dax)  a  publié  quatre  observations  dans  lesquelles  le  bismuth, 
porté  à  la  dose  de  2  et  o  grammes,  détermine  des  accidents  sérieux. 

Comment  concilier  ces  deux  opinions?  Pour  les  uns,  le  bismuth  est 
dangereux,  il  peut  même  devenir  un  poison;  pour  d'autres,  il  est  inerte, 
ou  du  moins  entièrement  inoffensif.  Nier  les  faits  et  les  expériences  se- 
rait trop  facile,  il  est  préférable  de  chercher  à  les  expliquer. 

Béchamp  et  Saint-Pierre  (de  Montpellier)  ont  démontré  que  le  sous- 
nitrate  du  commerce  et  des  pharmacies  est  loin  de  correspondre  au 
composé  chimique  véritable  ;  qu'il  est  variable  dans  ses  éléments  consti- 
tutifs, et  qu'il  est  souvent  mêlé  à  des  substances  étrangères,  telles  que 
l'arsenic,  le  cuivre,  l'argent,  etc. 


\L20  BISMUTH.    —    EFFETS    THÉRAPEUTIQUES. 

Dans  le  but  d'éclairer  cette  question,  Bricka  a  institué  un  certain 
nombre  d'expériences.  Il  administre  à  des  lapins  et  à  des  chiens  un  mé- 
lange de  8  grammes  de  sous-nitrate  de  bismuth  pur  et  8  grammes  de 
crème  de  tartre,  ils  n'en  éprouvent  aucun  inconvénient.  Mais  l'emploi 
prolongé  du  bismuth  peut-il  devenir  nuisible  ?  Bricka  donne  a  des  ani- 
maux, pendant  vingt-cinq  jours  consécutivement,  du  bismuth  pur  à  haute 
dose;  ils  n'en  sont  nullement  incommodés.  Désireux  de  connaître  l'action 
de  l'arséniate  de  bismuth,  il  en  fait  prendre  une  certaine  dose,  même 
innocuité.  Cependant,  ce  sel  étant  un  peu  soluble  dans  le  suc  gastrique, 
il  peut  se  faire,  si  la  sécrétion  de  ce  suc  est  exagérée,  qu'on  observera 
des  accidents  dus  à  la  solubilité  de  l'arséniate  dans  ce  liquide,  et  il  ne  faut 
pas  oublier  que  les  acides  libres  contenus  dans  les  aliments  sont  suscepti- 
bles d'exercer  la  même  action  dissolvante. 

Girbal  et  Lazowski  administrent,  pendant  huit  jours,  à  des  chiens  du 
sous-nitrate  de  bismuth  \mr\  545  grammes  sont  pris,  ce  qui  donne  une 
moyenne  de  68  grammes  par  jour  ;  ils  ne  paraissent  en  ressentir  aucun 
effet  fâcheux;  l'un  d'eux  est  tué  par  l'instillation  de  quelques  gouttes 
d'acide  cyanhydrique  sur  la  conjonctive  ;  à  la  nécropsie  on  ne  constate 
aucune  altération  de  la  muqueuse  gastro-intestinale.  Dans  une  deuxième 
série  d'expériences,  Girbal  et  Lazowski  font  prendre  à  des  chiens,  pendant 
quatre  jours,  de  50  à  60  grammes  de  sous-nitrate  de  bismuth  impur,  la 
mort  a  lieu,  et  à  la  nécropsie  on  trouve  la  muqueuse  gastro-intestinale 
parsemée  de  taches  rouges  et  ramollie  en  certains  points. 

Donc  le  sous-nitrate  de  bismuth,  s'il  est  pur,  est  entièrement  inoffen- 
sif; il  peut  provoquer  des  accidents  graves,  un  véritablement  empoison- 
nement, lorsqu'il  est  combiné  avec  des  substances  étrangères,  et  de  ces 
substances  étrangères,  la  plus  commune  est  l'arsenic. 

Hydrate  d'oxyde.  —  Il  a  été  proposé  par  Van  den  Corput,  et  jouirait 
d  opropriétés  neutralisantes  et  absorbantes,  supérieures  à  celles  du  sous- 
iutrate.  Il  a  été  employé  à  l'intérieur  contre  les  gastralgies,  et  à  l'exté- 
rieur comme  topique  dans  le  coryza. 

Sous-carbonate,  —  Hannon  (de  Bruxelles)  a  préconisé  récemment 
l'emploi  de  ce  sel,  qu'il  a  trouvé  préférable  au  sous-nitrate  de  bismuth, 
particulièrement  en  raison  de  sa  prompte  solubilité  dans  le  suc  gastrique; 
il  ne  produit  aucun  sentiment  de  pesanteur  à  l'estomac,  constipe  rare- 
ment, colore  moins  les  selles  que  le  sous-nitrate,  et  peut  être  employé 
longtemps  sans  fatiguer  les  organes  digestifs. 

Administré  un  certain  temps,  il  semble  sédatif  pendant  les  premiers 
jours  de  son  emploi  et  finit  par  provoquer  tous  les  phénomènes  qui  ré- 
sultent de  l'usage  des  toniques. 

Le  sous-carbonate,  dit  Trousseau,  sera  préféré  dans  les  gastralgies 
compliquées  d'une  certaine  nuance  d'irritation  et  dans  les  digestions 
laborieuses  compliquées  d'éructations  nidoreuses  et  acides,  il  neutralise 
avantageusement  les  acides  en  excès,  ce  que  ne  fait  pas  le  sous-nitrate; 
il  calme  assez  promptement  les  douleurs  gastriques,  les  vomissements  et 
la  diarrhée,  rétablit  l'appétit;  en  un  mot,  il  ramène  peu  à  peu  les  fonc- 


BISMUTH.    EFFETS   THÉRAPEUTIQUES.  121 

lions  digcstivcs  à  l'état  normal.  Le  sous-carbonate  remplacerait  avec  avan- 
tage le  mélange  souvent  nécessaire  du  sous-nitrate  avec  la  craie  ou  la 
poudre  d'yeux  d'écrevisses.  Il  se  prescrit  en  poudre  dans  un  peu  d'eau, 
ou  de  confiture.  La  dose  est  de  1  à  5  grammes  pour  les  adultes,  et  de 

I  à  5  décigrammes  pour  les  enfants. 

Tannât e.  —  L'idée  du  tannate  de  bismuth,  dit  Cap,  m'a  été  suggérée 
par  l'analogie  des  propriétés  des  deux  substances,  dont  l'une,  le  tannin, 
d'origine  végétale,  est  un  acide,  et  dont  l'autre,  le  bismuth,  de  nature 
métallique,  peut  remplir  le  rôle  de  base  :  tous  deux  agissent,  on  le  sait, 
sur  les  tissus  vivants  comme  astringents,  stypticjues,  et  bien  que  le  pro- 
duit qui  en  résulte  soit  insoluble  dans  les  véhicules,  nul  doute  que,  sous 
l'influence  des  forces  physiologiques,  il  ne  se  décompose  et  ne  reproduise 
les  éléments  d'une  même  nature.  Mais  un  sel  ne  tient  pas  nécessairement 
des  propriétés  de  ses  deux  facteurs,  et  son  action  thérapeutique  n'est 
nullement  le  résultat  de  la  décomposition  du  sel  en  ses  éléments.  Exem- 
ple :  le  sulfate  de  soude,  sel  inoffensif,  qui  résulte  de  la  combinaison  de 
deux  agents  caustiques,  l'acide  sulfurique  et  la  soude. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Aran,  Bouchut  et  Demarquay,  ont  expérimenté  ce 
médicament  et  lui  ont  reconnu  des  propriétés  astringentes  bien  caracté- 
risées. 

Trinitrate.  —  Théophile  Thompson,  médecin  à  l'hôpital  des  phthi- 
siques  de  Londres,    l'a  préconisé  contre  la  diarrhée  des    phthisiques. 

II  l'a  employé  dans  21  cas  (18  phthisies,  5  bronchites);  chez  quinze  de 
ces  malades,  la  diarrhée  a  été  entièrement  dissipée;  chez  quatre  autres, 
il  y  a  eu  un  bénéfice  temporaire,  le  remède  n'a  été  inefficace  que  dans  deux 
cas.  Les  bons  résultats  obtenus  dans  cette  affection  par  Thompson  ont  été 
confirmés  par  Lombard,  de  Genève.  —  On  administre  ce  sel  à  la  dose  de 
25  centigrammes  à  prendre  en  trois  ou  quatre  fois  par  jour,  mélangé  avec 
un  peu  de  magnésie  ou  de  gomme  arabique. 

Valérianate.  — Il  a  été  préconisé  récemment  par  Giovanni  Righini,  qui 
en  a  obtenu  de  bons  effets  dans  les  névralgies.  Le  même  médecin  le 
recommande  contre  les  gastrodynies,  les  gastralgies  chroniques,  et  dans 
ies  palpitations  de  cœur  anciennes.  Il  le  prescrit  sous  forme  de  pilules  à  la 
dose  de  2  à  10  centigrammes,  répétée  plusieurs  fois  par  jour. 

Lactate.  —  Il  est  très-employé  en  Allemagne  contre  la  diarrhée,  il 
a  été  encore  préconisé  comme  altérant  et  comme  antispasmodique.  On 
l'administre  comme  les  autres  sels  de  bismuth  à  la  dose  de  5  à  10  centi- 
grammes en  poudre  ou  en  pilules,  répétée  plusieurs  fois  par  jour. 


Orfila,  Traité  do  toxicologie.  Dos  préparations  de  bismuth,  t.  II,  p.  10. 

Rigiiim,  Valérianate  de  bismuth  {Bulletin  de  Thérapeutique,  1840,  et  Journal  de  Chimie  mé- 
dicale, 1846). 

Monneret,  De  l'einploi  du  sous-nitrate  de  bismuth  à  haute  dose  dans  le  traitement  des  affec- 
tions gastro-intestinales  de  la  cholérine  [Gazette  méd  ,  1849,  p.  299).  —  Du  sous-nitrate  dj 
bismuth  àhaute  dose  dans  différentes  maladies  (Bull.gén.  de  thérapeutique,  1850,  t.  XXXVIII, 
p.  433  et  mêmejourn.,  1854,  t.  XLYII,  p.  113,209,  205,  417). 

Lussana,  Gazeta  medica  toscana,  1853. 

Schina,  Du  sous-nitrate  de  bismuth  dans  la  diarrhée  (Gaz.  dell'  Associaz.  med.  Sarda.  1855). 


122  B1ST0RTE. 

Caby,  Traitement  des  écoulements  chez  l'homme  et  chez  la  femme  par  l'emploi  du  sous-nitrate  de 
bismuth  [Presse  méct.,  Journal  de  méd.  de  Bruxelles  et  Bull,  gên  de  thérap.,  1854, 
t.  XLVII,  p.  200). —  Formule  pour  l'association  du  sous-nitrate  de  bismuth  au  copahu  et  au 
cubèbe  (Bull.  g.  de  thér.,  1858,  t.  LV,  p.  212).  —  De  l'emploi  du  sous-nitrale  de  bismuth  dans 
le  traitement  de  la  blennorrhée  et  de  la  leucorrhée  chronique  [Bull.  gén.  de  thér.,  1858, 
t.  LV,  p.  195  et  259).  —  Nouveau  mode  de  traitement  des  affections  des  organes  génit.  chez 
l'homme  et  chez  la  femme  par  l'emploi  du  nitrate  de  bismuth  [Thèse  de  Paris,  1858, 
n»221). 

Genp-rix,  Du  sous-nitrate  de  bismuth  dans  le  traitement  de  la  dyspepsie  [Bull.  gén.  de  thérap. 
1854,  t.  XLVII,  p.  102). 

Serre  (de  Dax),  Exemple  de  la  mauvaise  préparation  du  sous-nitrate  de  bismuth  livré  aux  pra- 
ticiens de  province  (Bull.  gén.  de  thérap.,  1855,  t.  XLVIII,  p.  172). 

Girbal  et  Lazowski,  Du  sous-nitrate  de  bismuth  considéré  au  point  de  vue  médical  et  toxicolo- 
gique  (Annales  cliniques  de  Montpellier,  1856). 

Hannon  (de  Bruxelles),  De  l'emploi  du  sous-carbonate  de  bismuth  (Annuaire  de  thérap.,  1857, 
p.  214). 

Cap,  Note  sur  le  tannate  de  bismuth  {Bulletin  de.  V Académie  de  médecine.  Paris,  1859, 
t.  XXIX,  p.  125). 

Velpeau,  Bons  effets  topiques  du  sous-nitrate  de  bismuth  comme  traitement  des  plaies  pro- 
fondes par  les  brûlures  [Bull.  gén.  de  thérap.,  1860,  t.  LVIII,  p.  250). 

Mourlon,  Nouveaux  faits  à  l'appui  du  traitement  de  la  blennorhagie  par  le  sous-nitrate  de  bis- 
muth (Bull.  gén.  de  thérap.,  1860,  t.  LIX,  p.  280). 

Dauvé,  Note  sur  le  traitement  de  la  blennorhagie  par  les  balsamiques  à  faible  dose  et  les  in- 
jections de  sous-nitrate  de  bismuth  (Bull.  gén.  de  thérap.,  1860,  t.  LIX,  p.  299). 

Béchamp  et  Saintpierre,  Sur  la  préparation  et  les  caractères  du  sous-nitrate  de  bismuth  (Mont- 
pellier médical,  t.  IV,  1860,  p.  555). 

Ferrand  (de  Lyon),  Bemarque  sur  le  sous-nitrate  de  bismuth  (Bull.  gén.  de  thérap.,  1862, 
t.LXII,  p.  360). 

Bricka,  Du  sous-nitrale  de  bismuth  et  de  ses  applications  (Thèse  inaugarale  de  Strasbourg, 
50  avril  1864,  n°  747). 

Ritter,  De  quelques  faits  relatifs  à  l'histoire  du  sous-nitrate  de  bismuth.  Strasbourg,  1864;  in-8, 
28  pages. 

Henri  Gintrac 

BISTORTË.  —  Description.  —  Dans  les  pharmacies  et  les  herbo- 
risteries, on  vend,  sous  le  nom  de  Bistorte,  ou  de  Racine  de  Bistorte,  la 
tige  rampante  et  souterraine  (Rhizome)  du  Polygonnm  Bistorta,  Linn.  de 
la  famille  des  Polygonées.  Elle  croît  en  France  dans  les  endroits  bas  et 
marécageux. 

La  Bistorte  (bis  torta,  deux  fois  tordue)  se  présente  sous  la  forme  d'un 
corps  arrondi,  articulé,  contourné  en  s,  comprimé,  rugueux,  de  la  gros- 
seur du  doigt  ou  du  pouce  tout  au  plus  ;  marqué  à  la  partie  supérieure 
d'anneaux  et  de  lignes  demi-circulaires  qui  sont  les  cicatrices  des  feuilles 
anciennes,  hérissé  à  la  partie  inférieure  de  faisceaux  de  racines  fines  et 
ramifiées  (fig.  4).  La  Bistorte  est  d'un  brun  noirâtre  à  l'extérieur;  sa 
cassure  est  rose  ou  même  rougeàtre;  elle  n'a  pas  d'odeur,  mais  sa  sa- 
veur est  acre,  astringente,  styptique,  surtout  quand  on  goûte  la  plante 
fraîche.  L'analyse  y  a  démontré  du  tannin,  de  l'acide  gallique,  de  l'ami- 
don et  de  l'acide  oxalique.  Sa  décoction  est  rouge  et  précipite  par  les  sels 
de  fer. 

Propriétés  et  usages*  —  La  Bistorte  est  un  tonique  et  un  astringent 
puissants,  dont  l'usage,  dit  Soubeiran,  a  été  mal  à  propos  abandonné  de 
nos  jours. 

On  l'employait  dans  tous  les  cas  qui  réclament  l'une  des  médications 
que  nous  venons  de  mentionner.  Ainsi  l'on  s'était  bien  trouvé  de  son 


BISTOURI. 


12s 


usage  à  l'intérieur  dans  les  diarrhées,  la  dysenterie,  les  hémorrhagies. 
A  l'extérieur,  on  la  prescrivait 
dans  les  écoulements  de  l'urèthre 
et  du  vagin,  dans  les  fissures  à 
l'anus  ;  enfin  on  la  préconisait 
comme  vulnéraire.  Cazin  ajoute 
qu'il  l'a  toujours  employée  avec 
autant  d'avantage  que  la  ratanhia. 
A  faible  dose,  la  Bistorte  est  sim- 
plement tonique.  Nous  devons 
ajouter  que  Cullen  la  regardait 
comme  fébrifuge. 

Dans  certains  pays,  on  a  utilisé 
l'amidon  qu'elle  contient  en  abon- 
dance, et,  après  l'avoir  débar- 
rassée, par  la  décoction,  des  prin- 
cipes astringents  qu'elle  renferme, 
on  l'a  employée  dans  l'alimenta- 
tion. 

Doses  et  mode  d'administration. 
—  On  l'administre  : 

1°  En  tisane,  en  injection;  en 
macération,  à  la  dose  de  15  à 
60  grammes,  par  litre  d'eau.  On 
ne  devra  point  la  traiter  par  l'eau 
bouillante  pour  ne  pas  dissoudre  l'amidon  qui  précipiterait  le  tannin. 

2°  En  extrait,  à  la  dose  de  1  à  4  grammes  :  c'est  la  meilleure  prépara- 
tion interne. 

3°  En  sac,  à  la  dose  de  20  à  50  grammes,  pur  ou  mêlé  avec  du  vin 
blanc. 

La  Bistorte  entre  dans  la  préparation  du  diascordium. 

Incompatibilités.  —  Rappelons  qu'on  ne  doit  pas  la  formuler  avec  les 
sels  de  fer,  l'émétique,  les  solutions  de  gélatine  et  d'amidon. 

Léon  Marchand. 


Fig.   4.  —  Bistorte  [Polygonumbistortà 


BISTOURI. — Couteau  de  chirurgie  de  petite  dimension  (scalpel- 
lus,  op,{Xv],  [/.a/aiptcv  ;  ail.,  bistouri;  angl.,  bistaury  ;  ital.,  bistori;  espag., 
bisturi),  mot  dérivé,  selon  Huet,  du  nom  de  Pistori,  ville  dans  laquelle 
existait  une  fabrique  très-renommée  d'instruments  de  ce  genre.  Le  bistouri 
a  subi  des  moditications  nombreuses  quant  à  sa  forme  et  quant  à  ses  di- 
mensions suivant  les  usages  variés  auxquels  il  doit  servir. 

Nous  ne  décrirons  pas  séparément  toutes  ses  variétés,  mais  nous  indi- 
querons les  modifications  les  plus  importantes  qu'ont  subies  chacune  des 
parties  qui  forment  ceux  de  ces  instruments  dont  l'usage  est  journalier 
et  dont  la  connaissance  est  indispensable  au  chirurgien. 

Le  bistouri  se  compose  d'une  lame  et  d'un  manche  réunis  par  une  ar- 


124  BISTOURI.  —  lame. 

ticulation  et  solidement  fixés  l'un  et  l'autre  dans  une  position  invariable. 

Lame.  —  La  lame  est  d'acier  ;  une  trempe  trop  dure  la  rend  cassante, 
une  trempe  trop  molle  lui  permet  de  s'émousser  rapidement.  Elle  est 
d'une  longueur  variable  suivant  la  profondeur  à  laquelle  elle  doit  agir  ; 
son  épaisseur  est  en  rapport  avec  la  résistance  des  tissus  que  l'instru- 
ment doit  diviser.  Elle  s'effile  insensiblement  du  talon  vers  la  pointe  dans 
les  bistouris  droits  qui  doivent  pénétrer  facilement  par  ponction  dans  les 
parties  molles.  Les  bistouris  convexes  ne  diminuent  d'épaisseur  que  vers 
leurs  tiers  antérieur;  l'amincissement  est  presque  nul  du  talon  vers  la 
pointe,  dans  ceux  qui  sont  boutonnées.  La  largeur  des  lames  varie  comme 
leur  épaisseur. 

Les  faces  de  la  lame,  légèrement  évidées,  s'inclinent  vers  le  tranchant 
qu'elles  forment  en  se  rencontrant.  Le  dos  est  arrondi  ou  formé  par  deux 
plans  qui  se  coupent  pour  donner  naissance  à  une  arête  mousse.  Cette  dis- 
position transforme  la  pointe  en  une  pyramide  à  quatre  pans  présentant 
au  plus  haut  degré  les  conditions  de  pénétration  et  de  solidité.  Cette 
pointe  doit  correspondre  exactement  à  l'axe  de  l'instrument. 

Le  tranchant  du  bistouri  est  droit,  convexe  ou  concave.  Dans  l'ancien 
bistouri  droit  il  était  recliligne,  le  dos  Tétait  aussi,  la  lame  avait  la  forme 
d'un  triangle  dont  la  base  correspondait  au  talon  de  l'instrument;  le 
sommet  du  triangle  qui  formait  la  pointe  ne  présentait  pas  une  solidité 
suffisante.  De  nos  jours  on  a  substitué  aux  lignes  droites  des  lignes  à  cour- 
bure légère  ;  la  largeur,  et  la  force  de  la  lame  sont  ainsi  augmentées,  sans 
que  la  facilité  de  la  pénétration  y  ait  en  rien  perdu.  Le  tranchant  au  lieu 
de  descendre  jusqu'au  manche,  ce  qui  est  tout  au  moins  inutile,  s'arrête 
à  deux  centimètres  plus  liant  et  fait  place  au  talon,  partie  mousse  et  ar- 
rondie dont  les  bords  se  continuent  par  une  courbure  imperceptible  avec 
le  tranchant  et  le  dos  de  la  lame.  Grâce  à  un  épaulement  peu  prononcé, 
c'esX  la  partie  la  plus  étroite  et  en  même  temps  la  plus  épaisse  et  la  plus 
solide  de  la  lame  et  alors  même  qu'elle  serait  plongée  jusqu'au  manche 
dans  les  parties  molles,  aucun  relief  du  talon  ne  pourrait  accrocher  et 
déchirer  les  tissus  ou  arrêter  l'instrument.  On  reprochait  avec  raison  au 
tranchant  rectiligne  de  n'agir  que  par  la  pointe  et  de  nécessiter  dans 
la  dissection  une  inclinaison  excessive  du  manche  vers  les  surfaces  à 
diviser  :  grâce  à  la  convexité  légère  de  son  tranchant,  le  bistouri  droit 
actuel  que  nous  venons  de  décrire  n'est  pas  passible  des  mêmes  reproches 
et  il  peut  être  substitué  au  bistouri  convexe  dans  presque  toutes  les  dis- 
sections. Il  présente  même  sur  ce  dernier  l'avantage  d'être  vers  sa 
pointe  plus  mince  et  plus  délié,  aussi  lui  est-il  assez  généralement  pré- 
féré, même  dans  l'ablation  des  tumeurs. 

Le  bistouri  convexe  diffère  du  précédent  par  la  courbure  plus  prononcée 
du  tranebant  et  du  dos  de  la  lame  qui  vont  en  s'écartant  du  talon  vers  le 
tiers  antérieur  où  la  lame  atteint  sa  plus  grande  largeur.  Le  tranchant  se 
rapproche  du  dos  en  décrivant  presque  un  quart  de  cercle  et  forme  une 
pointe  peu  effilée,  mal  disposée  pour  pénétrer  par  ponction  et  dont  l'inu- 
tilité presque  absolue  semble  évidente  au  premier  abord.  Aussi  fut-elle  sou- 


BISTOURI.  —  manche.  125 

vent  supprimée.  L'instrument  fut  alors  coupé  carrément  ou  arrondi  à  son 
extrémité  comme  le  rasoir  ordinaire.  À.  Dubois  et  Delpech  préféraient 
cette  disposition  pour  la  dissection  des  tumeurs. 

Le  tranchant  est  rectiligne  dans  la  plupart  des  bistouris  boutonnés, 
la  lame  est  étroite  et  aussi  mince  que  le  permet  la  résistance  que  l'instru- 
ment est  appelé  à  vaincre.  Elle  se  termine  par  un  petit  renflement  arrondi 
nommé  bouton  ou  par  une  lentille  aplatie  peu  en  usage  de  nos  jours. 
Le  rôle  de  ces  couteaux  à  débridement  explique  et  nécessite  cette  disposi- 
tion de  leur  extrémité.  La  voie  qu'ils  doivent  parcourir  est  ouverte;  ils  ne 
servent  qu'à  l'élargir.  On  les  conduit  sur  une  sonde  cannelée  ou  sur  la 
pulpe  du  doigt  dans  des  trajets  fistuleux  ou  à  travers  des  orifices  étroits, 
au  milieu  d'organes  qu'il  est  important  de  ménager.  Tantôt  la  largeur  est 
la  même  dans  toute  l'étendue  de  la  lame,  tantôt  elle  diminue  insensible- 
ment du  talon  vers  l'extrémité  boutonnée. 

Les  bistouris  concaves,  dont  le  tranchant  est  situé  du  côté  de  la  concavité 
delà  lame,  sont  destinés  à  des  opérations  spéciales  telles  que  la  kélatomie, 
l'incision  des  fistules  anales,  l'ablation  des  amygdales.  La  lame  est  mince, 
étroite  et  boutonnée,  tranchante  sur  une  longueur  souvent  très-restreinte 
lorsque  l'instrument  est  destiné  à  opérer  des  débridements  ;  ou  elle  affecte 
la  forme  d'un  croissant  et  se  termine  par  une  pointe  aiguë  et  fragile  d'une 
utilité  fort  contestable,  à  laquelle  est  substitué  un  stylet  conducteur  dans 
le  bistouri  dit  royal  et  dans  le  syringotome  (voy.  Fistules  a  l'anus). 

Manche.  —  Le  manche  est  plein  dans  les  bistouris  à  lame  fixe  ou  dor- 
mante ;  dans  ceux  où  la  lame  est  flottante  et  articulée,  il  est  formé  de 
deux  valves  dites  jumelles  ou  chasses  faites  de  corne,  d'ivoire  ou  d'écaillé. 
Pour  augmenter  leur  solidité,  on  les  a  souvent  revêtues  à  l'intérieur  d'une 
feuille  de  métal.  Elles  sont  réunies  et  maintenues  dans  un  écartement 
constant  en  rapport  avec  l'épaisseur  de  la  lame  qu'elles  doivent  recouvrir 
lorsque  l'instrument  est  fermé,  au  moyen  de  deux  clous  rivés  à  tête  ou  à 
rosette,  fixées  aux  deux  extrémités  du  manche.  L'un  de  ces  clous  sert  de 
pivot  à  la  lame.  Dans  les  bistouris  fabriqués  nouvellement  par  Charrière, 
les  chasses  sont  mobiles  comme  celles  des  lancettes  et  se  fixent  au  moyen 
d'un  tenon  disposé  au  talon  du  manche  ;  où  elles  sont  rivées  Tune  à  l'autre, 
longues  et  flexibles,  et  il  est  facile  de  les  écarter  vers  leur  partie  moyenne 
lorsque  l'on  veut  y  fixer  les  lames.  Nous  reviendrons  plus  loin  sur  cette 
disposition  (fig.  5). 

Dans  le  bistouri  à  ressort,  une  lame  d'acier  longe  le  bord  postérieur 
des  jumelles  et  augmente  leur  rigidité.  Cette  disposition  qui  est  celle  des 
couteaux  de  poche  et  des  canifs  est  très-usitée  en  Angleterre;  mais  le 
manche  est  ainsi  transformé  en  une  gouttière  creuse  qu'il  est  difficile 
de  maintenir  propre.  C'est  un  inconvénient  que  ne  présentent  ni  les 
manches  pleins  ni  ceux  que  nous  venons  de  signaler,  dans  lesquels  ces 
jumelles  sont  mobiles  ou  réunies  seulement  à  leurs  extrémités.  On  peut 
faire  à  ces  dernières  le  grave  reproche  de  manquer  de  solidité  et  de  pré- 
senter une  flexibilité  qui  nuit  à  la  sûreté  de  la  main  lorsque  les  parties  à 
diviser  présentent  une  certaine  résistance  au  tranchant. 


126  BISTOURI.    —   ARTICULATION. 

Articulation.  —  Le  mode  d'union  du  manche  avec  la  lame  a  varié  à 
l'infini.  En  énumérant  rapidement  quelques-uns  des  nombreux  systèmes 
imaginés  par  les  chirurgiens  et  par  les  couteliers,  nous  donnerons  une 
dée  assez  exacte  des  difficultés  nombreuses  et  presque  insurmontables 
que  présentent  cette  partie  de  la  fabrication  de  l'instrument.  Les  condi- 
tions du  problème  à  résoudre  sont  les  suivantes  :  il  faut  que  la  lame  ou- 
verte ou  fermée  soit  maintenue  solidement  immobile;  qu'elle  soit  facile  à 
ouvrir  et  à  fixer  sans  que  le  chirurgien  courre  le  risque  en  y  procédant 
de  se  couper  les  doigts;  que  le  mécanisme  ne  soit  pas  susceptible  de  se 
relâcher  et  de  se  détériorer  rapidement;  qu'il  ne  nuise  pas  à  la  solidité 
du  manche;  qu'il  n'empêche  pas  de  nettoyer  facilement  les  valves. 

Dans  le  bistouri  à  lame  fixe  les  deux  parties  sont  réunies  par  une 
soie  ou  longue  tige  métallique  qui  fait  suite  au  talon  et  pénètre  dans  l'axe 
du  manche. 

Dans  un  premier  système  à  lame  flottante,  le  talon  se  prolonge  du  côté 
du  dos  de  la  lame  par  une  queue  postérieure  et  parallèle  aux  jumelles. 
Le  clou  supérieur  qui  réunit  ces  dernières  sert  de  pivot  à  la  lame.  Lorsque 
le  bistouri  est  ouvert,  la  queue  s'appuie  sur  les  chasses  par  un  bouton 
lenticulaire  aplati  qui  la  termine.  La  lame  ne  peut  se  renverser  en  ar- 
rière, mais  pour  peu  qu'elle  joue  facilement  sur  son  pivot,  l'instrument  a 
de  la  tendance  à  se  fermer.  On  peut  le  fixer  en  roulant  autour  du  talon 
de  la  queue  et  de  la  partie  correspondante  des  jumelles  un  ruban  ou 
une  bandelette  de  linge. 

Larrey  arrêtait  la  lame  au  moyen  d'un  coulant  qui  glissait  le  long 
des  jumelles.  Ce  large  anneau  métallique  maintenait  la  lame  ouverte  ou 
fermée. 

On  l'a  remplacé  par  un  tenon  fixé  au  manche,  sous  le  pivot  de  la  lame 
mobile,  dans  deux  mortaises  allongées  pratiquées  dans  les  jumelles.  Si  on 
fait  avancer  le  tenon  vers  le  pivot,  il  s'engage  dans  une  encoche  pratiquée 
au  talon  de  la  lame  et  la  fixe;  si  on  l'en  éloigne,  il  abandonne  l'encoche 
et  permet  d'ouvrir  et  de  fermer  l'instrument. 

On  s'est  servi  aussi  pour  fixer  la  lame  sur  le  manche  du  ressort  des 
couteaux  de  poche  et  même  des  couteaux  dits  poignards.  Nous  avons  déjà 
signalé  les  inconvénients  inhérents  à  ce  système. 

Dans  le  bistouri  de  Percy  le  clou  est  aplati,  la  mortaise  du  talon  de  la 
lame  est  circulaire  et  d'un  diamètre  égal  à  la  largeur  du  pivot  ;  à  cette 
mortaise  fait  suite  une  fenêtre;  elle  a  exactement  les  dimensions  du  clou 
aplati  qui  vient  s'y  engager  et  maintient  l'instrument  ouvert  lorqu'on 
pousse  l'un  vers  l'autre  la  lame  et  le  manche. 

Le  bistouri  de  Récamier  était  muni  de  chasses  mobiles  comme  celles 
d'une  lancette,  mais  elles  arc-boutaient  lorsque  l'instrument  était  ouvert 
contre  des  lentilles  placées  alternes  sur  les  deux  faces  du  talon.  Pour 
ouvrir  l'instrument  on  faisait  décrire  à  chacune  des  chasses  une  demi- 
circonférence  dans  le  sens  où  le  permettait  la  saillie  de  la  lentille,  puis 
on  les  fixait  l'une  à  l'autre  au  moyen  d'un  tenon  adapté  à  l'une  d'elles. 

Dans  un  des  nouveaux  bistouris  proposés  par  Charrière,  on  peut  chan- 


BISTOURI. 


ARTICULATION. 


1<27 


ger  les  lames  grâce  à  la 
disposition  suivante  : 

Le  talon  de  la  lame 
(fig.  5)  est  pourvu  d'une 
encoche  oblique,  et,  à 
deux  centimètres  au-des- 
sous d'un  trou  circulaire. 
Les  chasses  sont  mobiles 
comme  celles  des  lan- 
cettes ;  l'une  d'elles  porte 
à  deux  centimètres  du 
pivot  un  clou  dont  le  re- 
lief égale  leur  écarte- 
ment,  et  à  l'autre  extré- 
mité un  tenon.  Pour  fixer 
une  des  lames  sur  le 
manche ,  on  met  les 
chasses  à  angle  droit  ;  on 
glisse  la  lame  entre  elles 
de  façon  à  ce  que  le  pivot 
pénètre  dans  l'encoche 
oblique  et  le  clou  dans  le 
trou  circulaire  du  talon  de 
la  lame,  puis  on  rappro- 
che les  chasses  et  on  les 
fixe  au  moyen  du  tenon. 

Dans  une  autre  variété 
de  ce  système  où  les 
mêmes  moyens  disposés 
différemment  arrivent  au 
même  résultat,  le  pivot 
prend  la  place  du  tenon 
et  réciproquement  ;  les 
jumelles  s'écartent  par 
leur  extrémité  antérieure, 
c'est-à-dire  à  l'inverse 
des  lancettes,  et  le  talon 
de  la  lame  est  muni  de 
deux  trous  qui  reçoivent 
l'un  le  tenon  et  l'autre 
le  clou  fixateur.  Le  grand 
avantage  de  ces  bistouris 
à  lame  indépendante  est 
de  ne  nécessiter  qu'un 
seul  manche  pour  un 
nombre  illimité  de  lames. 


Fig.  5.  —  A.  Main  gauche  dont  le  pouce  écarte  l'une  de  l'autre 
les  jumelles.  —  B,  Main  droite  qui  fixe  la  lame.  — .C,  Clou 
rivé.  —  D,  Clou  qui  lixe  la  lame  en  pénétrant  dans  le  trou 
pratiqué  au  talon  de  la  lame  :  c'est  le  clou  fixateur,  il  faii 
saillie  entre  les  jumelles.  —  E,  Lame  du  bisiouri  droit  (sys- 
tème Charrière). 


Fig.  G. —  Instruments  divers  qui  peuvent  se  monter  sur  le  même 
manche. —  ab,  Aiguilles  et  lame  convexe.  —  ce.  Lame  droite, 
curette,  ténaculum.  —  d,  Lame  concave  (système  Charrière) 


28 


BISTOURI.  —  ARTICULATION. 


Un  système  voisin  du  précédent  est  celui  où  les  chasses  sont  fixes, 
mais  longues  et  flexibles.  On  les  écarte  l'une  de  l'autre  grâce  à  leur  élas- 
ticité, et  on  introduit  entre  elles  la  lame  fixée  par  le  procédé  précédem- 
ment décrit  (lîg.  5). 

Nous  donnons  encore  le  dessin  (fig.  7  et  8)    des  articulations  dues  à 

Lùer  et  à  Mathieu.  Il  est  facile  de  com- 
prendre en  jetant  les  yeux  sur  ces  figures 
par  quels  moyens  est  obtenue  l'immobi- 
lisation de  la  lame. 

Si  nous  comparons  entre  eux  les  dif- 
férents genres  de  bistouris  que  nous 
venons  d'analyser,  nous  trouvons  pour 
chacun  d'eux  des  avantages  et  des  incon- 
vénients. Le  bistouri  à  lame  fixe  tient 
plus  de  place  que  les  autres  et  nécessite 


Fig.  7.  — Bistouri  droit,  système  Lûer. 

—  A,  Lame.  —  B,  Encoche  dans  la- 
quelle s'engage  le  tenon  lorsque  la 
lame  est  ouverte.  —  C,  Tenon  mobile 
en  forme  de  marteau.  —  D,  Encoche 
dans  laquelle  le  tenon  s'engage  lors- 
que la  lame  est  fermée. 


Pic.  8. 


Bistouri  à  lame  mobile  de  Mathieu. 


pour  son  transport  une  boîte  ou  un  fourreau;  mais  le  manche  est  solide 
et  d'une  légèreté  suffisante,  la  lame  parfaitement  immobile  et  ouverte 
d'avance,  enfin  la  forme  de  l'instrument  est  compatible  avec  la  plus 
stricte  propreté.  Nous  lui  donnons  la  préférence  dans  presque  tous  les 
cas.  On  peut,  en  effet,  reprocher  à  tous  les  autres  de  manquer  de  fixité  et 
de  solidité;  au  bout  de  peu  de  temps,  tous  les  systèmes  d'articulations  que 
nous  avons  passés  en  revue  se  relâchent  et  maintiennent  mal  la  lame  ; 
les  jumelles  flexibles  nuisent  à  la  sûreté  de  l'incision,  lorsque  les  tissus 
à  diviser  présentent  une  certaine  résistance,  comme  dans  les  résections 
et  les  désarticulations  ;  enfin,  le  chirurgien  ou  ses  aides  oublient  souvent 


BLKNNOKRHAGlIi].  —  synonymie,  aperçu  historique.  l^D 

de  {ixer  la  lame  et  faute  d'attention  on  risque  de  se  couper  en  ouvrant  et 
en  fermant  l'instrument  ou  en  changeant  les  lames.  Pendant  les  dernières 
années  plus  de  500  élèves  ont  employé  à  l'amphithéâtre  anatomique  de 
Strasbourg  des  bistouris  et  des  scalpels  dont  la  lame  est  fixée  au  manche 
par  les  procédés  de  Charrière  ;  l'expérience  faite  sur  une  aussi  vaste  échelle 
est  défavorable  à  cette  invention  plus  ingénieuse  qu'utile. 

Il  nous  resterait,  pour  être  complet,  à  passer  en  revue  un  certain  nom- 
bre de  bistouris  ayant  une  forme  et  un  usage  spéciaux  et  aussi  d'assez 
nombreux  instruments  n'ayant  de  commun  avec  celui  que  nous  venons 
de  décrire  que  le  nom  et  le  tranchant.  Contentons-nous  de  les  nommer 
et  renvoyons  pour  leur  description  aux  différents  articles  qui  traitent  des 
opérations  auxquelles  ils  sont  destinés. 

Bistouri  caché  de  Bienaise,  bistouri  de  Percival  Pott,  bistouri  d'A. 
Coopcr,  bistouri  à  la  lime  de  J.  L.  Petit,  bistouri  gastrique  de  Morand, 
bistouris  convexes  de  Scarpa,  de  Dupuytren,  bistouri  caché  de  Sédillot 
(voy.  Débridement  de  la  hernie  étranglée)-,  bistouri  aiguillé  (voy.  Ponctions 
exploratrices),  bistouris  de  doigt  de  Rœderer,  anneau-scalpel  de  Simpson 
(voy.  Perforation  du  crâne  dans  les  cas  de  dystocte),  bistouri  cannnelé  de 
J.  L.  Petit  (voy.  Ponction  du  sac  lacrymal). 

Ch.  Sarazln. 

BliElVNOIlRHACiME.  —  La  blennorrhagie  (de  (ÎXévva,  mucus, 
et  pYjYvu^t,  je  romps,  je  chasse  dehors)  est  une  inflammation  spéciale  de 
la  muqueuse  de  l'urèthre. 

Elle  est  très-différente  de  Ynréthrite,  laquelle  est  une  inflammation 
simple  de  l'urèthre,  ou  bien  un  état  morbide  symptomatique  d'affections 
diverses  (goutte,  herpès,  etc.). 

La  dénomination  de  blennorrhagie  est  encore  appliquée  à  des  inflam- 
mations réputées  de  même  nature,  mais  de  siège  différent  (blennorrha- 
gie du  gland,  du  prépuce,  du  vagin,  de  l'anus,  etc.).  Nous  n'aurons  en 
vue  ici  que  la  blennorrhagie  de  l'urèthre,  et  nous  la  considérerons  spé- 
cialement chez  l'homme,  nous  réservant  de  l'étudier  chez  la  femme  dans 
une  série  d'autres  articles  de  cet  ouvrage. 

Synonymie.  — Fluxus,  profluvium  seminis  ;  gonorrhœa  (de  yôvoq, 
semence,  et  peîv,  couler);  passio,  calcfactio,  incendium  virgae;  hamior- 
rhosaida;  gomorre;  stranguria,  dysuria  venerea-,  ulcus  ad  canales  virgae, 
iilcus  interioris  virgae,  etc.;  arsure,  ardeur,  incendie,  échauffaisons  ; 
muci-lluxus  activus  inllammatorius;  gonorrhée,  gonorrhée  virulente, ma- 
ligne, vénérienne,  vraie,  syphilitique  ;  chaude-pisse;  écoulement,  échauf- 
fement,  coulante;  blennorrhagie  (mot  créé  par  Swediaur),  blennorrhagie 
uréthrale,  virulente,  vraie,  etc.,  etc. 

Aperçu  historique.  —  On  s'aceorde  généralement  à  considérer  la 
blennorrhagie  comme  une  affection  très-anciennement  connue,  presque 
aussi  ancienne  que  le  monde.  On  croit  la  trouver  indiquée  dans  les  cé- 
lèbres leçons  de  prophylaxie  que  Moïse  traçait  à  son  peuple  :  «  L'homme 
affecté  d'un  écoulement  de  semence  sera  déclaré  impur;  on  reconnaîtra 

nouv.  mer.  méd.  kt  ciiiu.  V.  —  U 


150  BLENNORRHAG1E.  —   fréquence. 

qu'il  est  affecté  de  ce  mal  à  ce  qu'une  humeur  impure  s'attachera  à  sa 
personne...  Tous  les  lits  où  il  dormira,  tous  les  endroits  où  il  se  sera  re- 
posé, seront  impurs...  Vous  apprendrez  aux  enfants  d'Israël  à  se  garder 
de  l'impureté,  afin  qu'ils  ne  meurent  pas  dans  leurs  souillures.  »  (Lévi- 
tique.)  —  On  croit  aussi  reconnaître  cette  affection  dans  quelques  pas- 
sages, d'ailleurs  très-peu  explicites,  d'Hérodote,  d'Hippocrate,  de  Celse, 
d'Arétée,  de  Galien,  d'Aétius,  etc.  — Toutefois  il  faut  arriver  aux  Arabes 
et  aux  arabistes  pour  trouver  des  indications  plus  certaines  et  des  des- 
criptions ébauchées  de  la  maladie. 

Il  serait  en  effet  difficile  de  comprendre  comment  une  maladie  qui  re- 
connaît pour  cause  habituelle  l'excès  vénérien  n'aurait  pas  existé  de  tout 
temps.  Il  est  donc  probable,  rationnellement,  qu'elle  remonte  à  la  plus 
haute  antiquité.  On  se  demande  toutefois,  dans  cette  hypothèse,  com- 
ment une  affection  de  ce  caractère,  à  symptômes  aussi  manifestes,  aussi 
facilement  constatables,  a  pu  échapper  soit  aux  traits  malicieux  des  sati- 
riques, soit  aux  descriptions  des  médecins  grecs  ou  romains.  C'est  là  une 
objection  dont  on  ne  saurait  tenir  assez  compte. 

Il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'il  ait  surgi  dans  la  science  une  opinion 
contradictoire  de  la  précédente.  D'après  quelques  auteurs,  ce  qu'auraient 
connu  et  succinctement  indiqué  les  anciens,  ce  serait  «  la  gonorrhée 
simple,  maladie  aussi  ancienne  que  le  genre  humain.  Quant  à  la  gonor- 
rhée vénérienne  (c'est-à-dire  à  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  blennor- 
rhagie),  elle  fut  inconnue  des  siècles  anciens;  il  est  constant,  par  le  si- 
lence de  tous  les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  la  vérole  avant  1545  et  par 
le  témoignage  précis  de  Fallope,  qu'elle  commença  seulement  à  paraître 
vers  l'année  1545  ou  1546.  »  (Astruc.) 

Nous  ne  faisons  que  signaler  ici  ces  deux  doctrines,  dont  la  discussion 
exigerait  de  nombreuses  citations  de  textes  et  des  développements  éten- 
dus que  ne  comporte  pas  le  caractère  de  cet  ouvrage. 

Fréquence,  —  La  blennorrhagie  est  peut-être  la  plus  commune  de 
toutes  les  maladies.  Dans  les  grands  centres  de  population,  dans  les  villes 
de  mœurs  faciles  et  de  plaisirs,  il  est  peu  d'hommes  qui  y  échappent,  et 
il  en  est  beaucoup  qui  la  subissent  à  plusieurs  reprises. 

C'est  aussi  de  toutes  les  maladies  vénériennes  la  plus  fréquemment  ob- 
servée. Elle  est  notamment  bien  plus  commune  que  la  syphilis.  —  La 
statistique  suivante,  relevée  aux  consultations  de  l'hôpital  du  Midi  pendant 
un  trimestre,  pourra  donner  une  idée  de  cette  fréquence  relative  : 

Blennoithagies  uréthrales 685    |    Chancres  indurés 126 

Balanites,  balano-posthites 95       Ulcérations  de  nature  douteuse 47 

Chancres  simples 199    I    Végétations 44 

Ces  chiffres  sont  loin  d'exprimer  la  fréquence  véritable  de  la  blennor- 
rhagie relativement  aux  autres  affections  vénériennes  ;  car  bon  nombre 
de  malades  négligent  de  venir  à  l'hôpital  pour  un  simple  écoulement, 
dont  ils  cherchent  à  se  débarrasser  sans  supporter  les  ennuis  d'un  dé- 
placement et  d'une  consultation  publique;  la  plupart,  au  contraire,  y 


BLENNORRHAGIE.  —  causes.  15! 

accourent  dès  qu'ils  se  croient  menacés  d'une  autre  affection.  —  La  clientèle 
de  villepeut  offrir  des  résultats  moins  entachés  d'erreur.  Or,  d'après  mes 
relevés,  le  nombre  des  blennorrliagies  serait  à  celui  des  chancres  syphili- 
tiques comme  14  est  à  1 . 

Causes.  —  Elles  seraient  excessivement  nombreuses  et  aussi  nom 
breuses  que  diverses,  s'il  fallait  accepter  comme  démontrée  l'action  dr 
toutes  celles  auxquelles  on  a  attribué  le  développement  de  la  maladie.  Si 
l'on  ouvre  en  effet  la  plupart  des  livres  classiques,  on  ne  trouve  pas  sans 
surprise  accumulées  pêle-mêle  dans,  une  étiologie  aussi  banale  que  com- 
plaisante les  causes  les  plus  disparates  et  les  plus  étranges  :  contagion 
tout  d'abord  ;  excès  vénériens,  onanisme,  érections  prolongées,  même  sans 
coït;  irritations  trauniatiques  ;  injections  irritantes;  contact  de  tous  les 
llux  pathologiques  de  la  femme  (leucorrhée,  catarrhe  utérin  ou  vaginal, 
lochies,  ichor  du  cancer,  écoulements  symptomatiques  d'affections  di- 
verses ;  sang  des  règles,  etc.);  influence  d'aliments  divers  (asperges,  sa- 
laisons); excès  alcooliques;  abus  de  certaines  boissons  (bière,  vins  mous- 
seux, vin  nouveau,  thé,  etc.);  médicaments  (cantharides,  soit  données  à 
l'intérieur,  soit  en  applications  externes;  drastiques,  diurétiques  trop 
excitants);  influences  morbides  (diathèse  dartreuse,  rhumatismale,  gout- 
teuse, herpétique,  furonculeuse,  scrofuleuse;  calculs,  gravelle,  hémor- 
rhoïdes);  influences  des  saisons;  évolution  dentaire;  présence  d'oxyures 
dar  ;  le  rectum;  ingestion  de  pus  blennorrhagique  par  l'estomac  ;  idio- 
syncrasies  ;  voire  même  enfin  constitution  épidémique  !  —  Autant  vau- 
drait presque  dire  que  toutes  les  causes  possibles  et  imaginables  sont  ca- 
pables de  produire  la  blennorrhagie,  et  l'on  serait  tenté  de  s'étonner  qu'il 
restât  sur  la  terre  un  seul  homme  qui  n'en  lut  pas  affecté. 

Cette  étiologie  surannée,  trop  fidèlement  reproduite  d'âge  en  Age,  ne 
résiste  pas  à  un  examen  sérieux. 

Les  causes  véritablement  efficientes  de  la  blennorrhagie  sont  beaucoup 
moins  nombreuses.  A  mon  sens,  elles  se  réduisent  aux  deux  suivantes  : 

1°  La  contagion; 

T  ^irritation  excessive  de  l'urèthre,  résultant  de  diverses  influences, 
au  premier  rang  desquelles  il  faut  placer  Y  excès  vénérien. 

1°  Contagion.  —  Elle  n'est  douteuse  pour  personne.  Très-certainement, 
il  est  des  blennorrliagies  qui  se  prennent  au  contact  de  blennorrliagies. 
L'expérience  clinique,  les  inoculations,  le  démontrent  surabondamment. 
N'insistons  donc  pas  sur  un  fait  qui  n'est  pas  contesté. 

Mais  ici  commencent  les  dissidences.  Pour  beaucoup  d'auteurs,  la 
blennorrhagie  reconnaît  nécessairement  pour  origine  une  blennorrhagie, 
Pas  de  fruit  sans  graine.  «  Soyez  sûr,  me  disait  récemment  un  des  pro- 
fesseurs les  plus  distingués  de  notre  école,  que  l'on  ne  gagne  jamais  la 
chaude-pisse,  quoi  qu'on  fasse,  avec  une  femme  qui  n'a  pas  la  chaudepisse. 
Les  faits  contradictoires  sont  des  faits  mal  observés,  où  l'uréthrite  àv  la 
femme  a  été  méconnue.  C'est  qu'en  effet  cette  uréthrite  est  parfois  très- 
difficile  à  constater.  On  l'observe  un  jour,  puis  il  peut  se  passer  plusieurs 
jours  avant  qu'on  ne  la  retrouve.  Elle  ne  fournit  qu'un  suintement  peu 


1,VJ  BLKNNOIUUIAGIL.  —  causes. 

notable  qui  se  dérobe  facilement  ;  pour  la  surprendre,  il  faut  la  cbercber 
lorsque  la  femme  n'a  pas  uriné  depuis  six  ou  huit  heures,  le  matin  par 
exemple,  au  réveil.  En  procédant  de  la  sorte,  toujours  vous  trouverez  une 
blennorrhagie  chez  une  femme  près  de  laquelle  un  homme  aura  pris  une 
blennorrhagie.  »  (Gosselin,  communie,  orale.)  —  D'autres,  sans  être 
aussi  absolus,  considèrent  cependant  la  contagion  comme  la  cause  prin- 
cipale et  la  plus  fréquente  de  la  maladie.  «  Quand  un  homme,  dit  Cullc- 
rier,  vient  vous  consulter  avec  une  chaude-pisse  franche,  il  y  a  cent  à  pa- 
rier contre  un  qu'elle  résulte  d'un  coït  impur.  »  —  Pour  d'autres,  inver- 
sement, la  contagion  ne  joue  pas  un  rôle  nécessaire  dans  la  production 
de  la  blennorrhagie,  laquelle  peut  naître  sous  l'influence  de  causes  non 
spécifiques.  Ricord  surtout  s'est  fait  le  représentant  de  cette  opinion  qu'il 
a  énergiquement  soutenue  dans  son  enseignement  et  dans  ses  livres. 
«  Lorsqu'on  remonte,  dit-il,  de  la  manière  la  plus  rigoureuse  et  par  l'ob- 
servation la  plus  sévère  aux  causes  déterminantes  des  blennorrhagies  les 
mieux  caractérisées,  on  est  forcé  de  voir  et  de  convenir  que  le  virus  blen- 
norrhagique  fait  le  plus  ordinairement  défaut.  Rien  de  plus  commun  que 
de  trouver  des  femmes  qui  ont  communiqué  des  blennorrhagies  des  plus 
intenses,  des  plus  persistantes,  aux  conséquences  blennorrhagiques  les 
plus  variées  et  les  plus  graves,  et  qui  n'étaient  affectées  que  de  catarrhes 
utérins,  quelquefois  à  peine  purulents.  Assez  souvent,  le  flux  menstruel 
paraît  avoir  été  la  seule  cause  de  la  maladie  communiquée.  Dans  un  grand 
nombre  de  cas,  enfin,  on  ne  trouve  rien,  ou  seulement  des  écarts  de  ré- 
gime, des  excès  dans  les  rapports  sexuels,  l'usage  de  certaines  boissons, 
de  certains  aliments.  De  là  cette  fréquence  dans  la  croyance  des  mala- 
des, croyance  très-souvent  légitime,  qu'ils  tiennent  leur  chaude-pisse  d'une 
femme  parfaitement  saine.  Sur  ce  point,  je  connais  assurément  toutes 
les  causes  d'erreur,  et  j'ai  la  prétention  de  dire  que  personne  plus  que 
moi  ne  se  tient  en  garde  contre  les  fraudes  de  tout  genre  semées  sur  les 
pas  de  l'observateur  ;  mais  c'est  avec  connaissance  de  cause  que  je  sou- 
tiens cette  proposition  :  fréquemment  les  femmes  donnent  la  blennorrhagie 
sans  ravoir...  Quand  on  étudie  la  blennorrhagie  sans  prévention,  sans 
idée  préconçue,  on  est  forcé  de  reconnaître  qu'elle  se  produit  souvent 
sous  l'influence  de  la  plupart  des  causes  qui  peuvent  déterminer  l'inflam- 
mation des  autres  muqueuses.  » 

Dans  le  but  d'élucider  cette  difficile  question  de  l'origine  de  la  blen- 
norrhagie, j'ai  fait  depuis  plusieurs  années  un  grand  nombre  de  confron- 
tations de  malades,  auxquelles  je  crois  avoir  apporté  l'attention  la  plus 
minutieuse.  Plus  de  soixante  fois,  j'ai  pu  examiner  des  femmes  avec  les- 
quelles des  blennorrhagies  vraies  avaient  été  contractées,  et  cela  dans  des 
conditions  qui  ne  pouvaient  guère  laisser  de  doute  sur  l'origine  de  la  ma- 
ladie. Or,  de  cette  étude  il  est  résulté  pour  moi  la  conviction  que  l'opi- 
nion de  mon  maître  est  la  seule  vraie,  la  seule  acceptable,  la  seule  con- 
forme aux  faits  d'observation  journalière.  Il  me  semble  même  qu'elle 
reste  au-dessous  de  la  vérité.  Ricord  dit  :  fréquemment  les  femmes  don- 
nent la  blennorrhagie  .sans  l'avoir  ;  c'est,  ;i  mon  sens,  le  plus  fréquemment 


BLENNORRHAGIK.  —  causes.  155 

qu'il  aurait  fallu  dire.  Pour  une  blennorrliagïe  qui  résulte  de  la  conta- 
gion, il  en  est  trois  au  moins  où  la  contagion  (dans  le  sens  précis  de  ce 
mot)  ne  joue  aucun  rôle.  De  ce  que  j'ai  vu  et  observé  jusqu'à  ce  jour,  il 
résulte  pour  moi  que  l'homme  est  plus  souvent  coupable  de  sa  blennor- 
rhagie  que  la  femme  dont  il  semble  la  tenir;  il  se  donne  plus  souvent  la 
chaude-pisse  qu'il  ne  la  reçoit.  C'est  du  reste  ce  que  j'essayerai  d'établir 
dans  ce  qui  va  suivre. 

2°  Irritation  excessive  de  l'urèthre.  —  C'est  là,  je  crois,  la  cause  la 
plus  commune  de  la  blennorrliagïe. 

Elle  résulte  le  plus  souvent  de  l'excès  vénérien,  souvent  aussi  de  diver- 
ses influences  irritantes  pour  l'urèthre  (excès  alcooliques,  contact  des  flux 
pathologiques  de  la  femme,  etc.) ,  très-communément  enfin  de  ces  diverses 
causes  associées. 

V excès  vénérien  est  l'origine  la  plus  fréquente  de  la  blennorrliagïe.  1! 
consiste  en  des  rapports  immodérés,  répétés  ou  prolongés  outre  mesure. 
Nombre  de  sujets  ne  doivent  leur  maladie  qu'à  cette  cause. 

L'excès  alcoolique,  l'abus  de  certaines  boissons  (vins  blancs,  Champa- 
gne, bière),  sont  des  causes  évidentes  d'irritation  pour  l'urèthre.  Seules, 
elles  ne  suffisent  pas  à  déterminer  la  blennorrliagïe;  mais  ce  sont  des  ad- 
juvants qui  y  concourent  d'une  façon  active.  Associées  à  l'excès  vénérien, 
elles  constituent  une  des  origines  les  plus  communes  de  la  maladie.  Il 
est  une  foule  de  sujets  qui  prennent  la  chaude-pisse  «  en  s'échauffant  » 
comme  ils  le  disent,  avec  une  femme  après  une  orgie,  après  de  trop 
copieuses  libations,  après  une  ingestion  immodérée  de  Champagne  ou 
de  bière.  Il  en  est  môme  qui  la  contractent  dans  un  rapport  incomplet  où 
féjaculation  s'est  fait  longtemps  et  vainement  désirer. 

Les  flux  pathologiques  de  la  femme,  auxquels  il  faut  ajouter  l'écoule- 
ment menstruel,  constituent  pour  l'urèthre  des  irritants  qui  peuvent  con- 
courir au  développement  de  la  blennorrliagïe.  Il  est  très-fréquent  eneffel 
d'en  constater  l'existence  dans  les  confrontations.  Quelle  influence  onl- 
ils  sur  la  production  de  la  maladie,  c'est  là  ce  qu'il  importe  d'étudier. 

Lorsqu'on  examine  des  femmes  au  contact  desquelles  des  blennorrhagïes 
ont  été  contractées,  on  constate  sur  elles  des  affections  diverses  :  des 
blennorrhagïes  (mettons  de  côté  ces  cas  qui  rentrent  dans  la  contagion  pré- 
cédemment étudiée);  très-souvent  la  "leucorrhée  ou  le  catarrhe  utérin,  la 
vaginorrhée  catarrhale;  des  écoulements  muqueux  ou  muco-purulents  de 
diverse  nature  ;  des  exulcérations  et  des  granulations  du  col  ;  des  engor- 
gements ou  des  lésions  variées  de  l'utérus.  Parfois  aussi  on  ne  constate 
rien,  absolument  rien  autre  que  l'état  le  plus  sain  des  parties  sexuelles. 
—  Voilà  le  résultat  brut  de  l'observation,  essayons  de  l'interpréter. 

Tout  d'abord,  cette  variété  dans  les  affections  constatées  sur  la  femme 
n'est  pas  sans  signification.  Elle  témoigne  au  moins  de  ceci,  que  la  blen- 
norrliagïe ne  résulte  pas  d'une  cause  unique,  qu'elle  peut  se  développer 
au  contact  de  divers  états  morbides. 

Quelle  est  en  second  lieu  la  nature  des  accidents  que  révèlent  les  con- 
frontations? Aucun  d'eux,  à  part  la  blennorrhagie  dont  il  n'est  pas  ici 


134  BLENNORKHAGIK.  —  causes. 

question,  ne  eomporte  un  caractère  contagieux,  dans  le  sens  précis  de 
ce  mot;  aucun  n'est  assimilable  aux  affections  véritablement  contagieuses 
(chancre,  morve,  variole,  etc.),  dont  la  spécificité  virulente  fait  le  prin- 
cipal caractère.  Bien  plus,  ce  sont  des  accidents  très-souvent,  le  plus 
souvent  même  inoffensifs.  Le  muco-pus  du  catarrhe,  le  flux  menstruel, 
ne  développent  pas  des  blennorrhagies,  tant  s'en  faut,  chez  tous  ceux  qui 
s'exposent  à  leur  contact.  De  même  pour  la  leucorrhée.  «  C'est  par  mil- 
liers que  l'on  compte  les  jeunes  filles  qui  ont  de  la  leucorrhée  au  moment 
où  elles  se  marient.  Combien  y  en  a-t-il  qui  donnent  la  chaude-pisse  à  leur 
mari?  Si  les  llueurs  blanches  étaient  contagieuses,  les  hommes  seraient 
forcés  de  renoncer  à  se  marier  dans  les  grandes  villes  où  les  conditions 
hygiéniques  développent  de  la  leucorrhée  chez  la  plupart  des  jeunes 
filles.  »  (A.  Guérin.)  Il  est  même  des  écoulements  purulents  du  vagin  et 
de  l'utérus  qui  n'ont  pas  d'action  nuisible  sur  l'urèthre,  comme  le  démon- 
tre l'observation  de  chaque  jour.  Enfin,  il  paraît  encore  que  le  commerce  ha- 
bituel d'une  femme  peut  émousser  complètement  l'action  irritante  de  ces  flux 
pathologiques,  pour  lesquels  il  s'établit  alors  une  sorte  de  tolérance,  dé- 
signée par  Ricord  sous  le  nom  très-expressif  d'accUmatemeiit. 

Mais,  pour  ne  pas  porter  en  elles  un  contagium  spécial,  ces  affections 
ne  jouent  pas  moins  un  certain  rôle  dans  l'étiologie  de  la  chaude-pisse. 
Les  confrontations  le  démontrent,  et  personne  d'ailleurs  ne  se  prêterait  à 
soutenir  que  le  commerce  d'une  femme  affectée  de  catarrhe  ou  de  flueurs 
blanches  offrît  la  même  sécurité  que  celui  d'une  femme  saine.  Or,  si  ces 
affections  sont  dangereuses,  comment  le  sont-elles?  Elles  le  sont  par  les 
flux  qu'elles  sécrètent,  lesquels  vraisemblablement  agissent  comme  irritants 
sur  l'urèthre,  au  même  titre  que  les  alcooliques,  la  bière,  les  excitants 
non  spécifiques,  mais  avec  un  degré  d'énergie  bien  supérieur. — li  est  certain 
encore  que  ces  divers  flux  ne  sont  pas  tous  également  actifs  pour  dévelop- 
per la  maladie;  ils  paraissent  l'être  d'autant  plus  qu'ils  se  rapprochent 
davantage  de  l'état  purulent;  ainsi,  comme  le  dit  Ricord,  «  le  muco-pus 
catarrhal  semble  être  l'irritant  le  plus  efficace  pour  déterminer  l'inflam- 
mation de  la  muqueuse.  »  Signalons  aussi  comme  particulièrement  nui- 
sible le  flux  menstruel  de  certaines  femmes,  parfois  assez  acre,  assez  cor- 
rosif, pour  développer  de  véritables  érythèmes  de  la  vulve  et  de  la  partie 
supérieure  des  cuisses. 

Cette  action  irritante,  notons-le  bien,  est  très-différente  d'une  contagion 
véritable.  «  Le  produit  d'une  sécrétion  quelconque,  surtout  lorsqu'elle  est 
morbide,  peut  irriter,  enflammer  tout  organe  sain  mis  en  contact  avec 
lui.  Est-ce  là  de  la  contagion?  évidemment  non.  Il  n'y  a  dans  ce  fait 
qu'une  propagation  par  voie  dHrritation...  Entre  une  cause  contagieuse 
et  une  cause  simplement  irritante,  il  y  a  une  distance  infranchissable.  » 
(Thiry.) 

Que  penser  enfin  des  cas  où  la  femme  est  trouvée  saine,  absolument 
saine?  Ces  cas  ne  sauraient,  je  pense,  être  désavoués.  Ricord  et  tant  d'au- 
tres en  ont  cité  des  exemples  aussi  bien  observés  que  possible;  j'en  ai  vu 
pour  ma  part  quelques-uns  aussi  nets  et  aussi  authentiques  qu'on  puisse 


BLENNORRHAGIE.  —  causes.  135 

les  désirer.  Bien  plus,  il  est  peu  de  médecins  auxquels  je  n'en  ai  entendu 
citer  de  semblables.  Les  faits  de  cette  nature  semblent  fort  embarrassants 
à  quelques  pathologïstes;  on  a  même  dit  qu'ils  étaient  «  assez  exorbitants 
pour  n'y  pas  croire.  »  A  mon  sens,  ils  ont  une  signification  toute  natu- 
relle; ils  témoignent  simplement  de  ceci,  c'est  que  la  femme  n'est  pas 
toujours  coupable  de  la  blennorrhagie  de  l'homme  ;  c'est  que  la  blennor- 
rhagie  n'a  pas  toujours  besoin  pour  se  développer  de  l'irritation  inflamma- 
toire des  flux  utérins,  vulvaires  ou  vaginaux;  c'est  qu'elle  peut  se 
produire,  indépendamment  de  cette  cause  spéciale,  sous  d'autres  in- 
fluences d'irritation,  personnelles  à  l'homme,  et  auxquelles  la  femme  reste 
plus  ou  moins  étrangère. 

Ces  faits  contiennent  encore  un  autre  enseignement;  c'est  qu'il  ne  faut 
pas  toujours  rapporter  l'origine  d'une  blennorrhagie  à  tel  ou  tel  état  pa- 
thologique que  l'on  découvre  chez  la  femme.  On  se  satisfait  en  général 
trop  facilement  de  la  moindre  lésion  constatée  sur  l'utérus  ou  dans  le 
vagin,  pour  expliquer  la  production  d'une  chaude-pisse.  Si  l'on  descendail 
plus  avant  dans  l'étiologie,  on  rencontrerait  souvent  d'autres  causes  qu'il 
serait  bien  plus  rationnel  d'incriminer,  ou  auxquelles  du  moins  il  faudrait 
faire  une  bien  plus  large  part  dans  la  pathogénie  (excès  vénériens  de 
toute  sorte,  excitations  uréthrales  diverses,  alcoolisme,  etc.).  Puisque  la 
maladie  peut  se  développer  au  contact  d'une  femme  saine,  elle  le  peul 
aussi  bien  en  présence  d'une  lésion  quelconque  de  l'utérus  ou  du  vagin, 
sans  que  cette  lésion  joue  le  moindre  rôle  dans  sa  production,  ("est  là  ce 
qu'on  oublie  trop,  transformant  ainsi  une  simple  coïncidence  en  un 
rapport  de  causalité. 

II.  Nous  n'avons  cité  jusqu'ici  que  les  causes  d'irritation  les  plus  habi- 
tuelles. Il  en  est  d'autres,  inoins  fréquentes,  qui  peuvent  prendre  une 
certaine  part  à  la  production  de  la  maladie  :  excitations  génitales  de  toute 
sorte  (masturbation,  érection  prolongée,  succio  virgaô);  —  injections 
dites  de  précaution  à  la  suite  d'un  rapprochement  suspect;  —  bains 
chauds  et  prolongés  pris  après  le  coït;  —  cathétérisme,  etc.  Aucune  de 
ces  causes  ne  serait  capable  par  elle-même  de  produire  une  blennorrha- 
gie; mais  s'ajoutant  à  d'autres,  chacune  d'elles  peut  avoir  sa  part  d'ac- 
tion ;  c'est  en  quelque  sorte  la  goutte  d'eau  qui  fait  déborder  le  vase. 

Signalons  encore  certaines  conditions  individuelles  qui  facilitent  le  dé- 
veloppement de  la  maladie,  en  constituant  de  véritables  causes  prédispo- 
santes :  1"  Conditions  local  es  de  conformation  :  avant  tout,  hypospadias; 
large  ouverture  du  méat  uréthral  ;  phimosis,  état  couvert  du  gland,  etc.; 
—  2°  Conditions  générales,  se  rattachant  au  tempérament,  à  la  con- 
stitution, au  genre  de  vie,  au  régime,  aux  habitudes,  aux  idiosyncra- 
sies,ctc.  Il  est  certain  que  la  blennorrhagie  se  produit  avec  une  fréquence 
significative  chez  les  sujets  blonds,  lymphatiques,  scrofuleux  ou  dartreux, 
chez  ceux  qui  abusent  des  plaisirs,  qui  s'épuisent  dans  les  veilles,  les 
orgies,  les  fatigues  de  la  débauche,  et  qui,  comme  conséquence,  pré- 
sentent une  excitation  habituelle  de  Turèthre,  etc.  Enfin,  il  est  des  in- 
dividus mal  doués  chez  lesquels  la  maladie  se  développe  avec  une  facilité 


156  BLENN0RHHAG1E.  —  causes. 

toute  particulière,  à  propos  du  moindre  excès,  du  moindre  écart,  et  au 
contact  de  femmes  qui  ne  communiquent  rien  à  d'autres.  Il  en  est  inver- 
sement, qui  abusant  de  tout,  s'exposant  à  tout,  méritant  cent  fois  la 
chaude-pisse,  lui  échappent  toujours.  Ce  sont  là  des  idiosyncrasies  inex- 
plicables. —  5°  La  prédisposition  par  excellence  à  la  blennorrhagie,  c'est 
la  blennorrhagie  elle-même.  Les  individus  qui  ont  été  plusieurs  fois  at- 
teints par  la  maladie  sont  bien  plus  aptes  que  d'autres  à  la  contracter 
de  nouveau.  Il  en  est  même  chez  lesquels  cette  aptitude  se  continue  pen- 
dant de  longues  années,  au  point  qu'ils  ne  peuvent  commettre  le  plus 
léger  excès  ou  même  s'approcher  d'une  femme,  sans  voir  aussitôt  repa- 
raître un  écoulement. 

III.  Lorsqu'elle  ne  reconnaît  pas  la  contagion  pour  origine,  la  blennor- 
rhagie procède  habituellement  de  plusieurs*  des  causes  précédentes 
réunies  et  associées;  c'est  en  quelque  sorte  la  résultante  de  facteurs  mul- 
tiples :  excès  vénérien,  excitation  alcoolique  de  l'urèthre,  irritation  pro- 
duite par  les  flux  pathologiques  de  la  femme,  etc,  etc.  Que  ces  divers 
facteurs  soient  combinés,  la  maladie  se  développe;  qu'ils  agissent  isolé- 
ment, ils  peuvent  ne  plus  suffire  à  la  déterminer. 

Ainsi  s'expliquent  mille  bizarreries  apparentes.  Tel  individu   qui  a 
vécu  impunément  plusieurs  mois,  plusieurs  années,    avec  une  femme 
leucorrhéique  ou  affectée  de  catarrhe,  prend  avec  elle  une  blennorrhagie 
à  un  moment  donné;  et  pourquoi?  C'est  qu'à  l'irritation  habituelle  des 
iïueurs  blanches  ou  du  catarrhe  s'est  jointe  à  ce  moment  une  autre  exci- 
tation du  canal,  sous  l'influence  d'un  excès  de  rapport,   d'un  écart  de 
régime,  etc.  —  Telle  femme  inoffensive  pour  l'un  donne  ou  mieux  semble 
donner  une  chaude-pisse  à  tel  autre,  qui  s'est  «  échauffé  »  davantage  avec 
elle,  qui  s'est  livré  au  coït  après  des  libations  immodérées,  qui  d'ailleurs 
présente  une  prédisposition  évidente  à  la  maladie  soit  en  raison  de  son 
tempérament,  soit  par  suite  d'une  conformation  spéciale  de  la  verge,  soit 
enfin  comme  conséquence  de  blennorrhagies  antérieures,   etc.  C'est  là 
l'éternelle  histoire  de  la  femme  mariée  qui  ne  donne  rien  à  son  mari,  et 
de  laquelle  reçoit  la  chaude-pisse  un  amant  plus  passionné.  —  Cela  ex- 
plique encore  pourquoi    la   blennorrhagie  se  prend  bien  plus  souvent 
avec  une  maîtresse,  près  de  laquelle  on  s'excite,  que  dans  le  rapport  avec 
une  fille  publique,  rapport  habituellement  unique,  froid  et  rapide. 

IV.  À  ce  dernier  propos,  il  est  un  contraste  curieux  à  établir  entre  la 
blennorrhagie  et  le  chancre,  au  point  de  vue  des  sources  d'où  dérivent 
l'une  et  l'autre  de  ces  maladies.  J'ai  montré  ailleurs  que  : 

1°  Sur  875  cas  de  syphilis  observés  soit  en  ville,  soit  surtout  à  l'hô- 
pital, 625  avaient  été  transmis  par  des  filles  publiques,  c'est-à-dire  plus 
des  deux  tiers  et  près  des  trois  quarts. 

2°  Sur  117  cas  de  chancres  simples,  88  avaient  été  transmis  par  des 
filles  publiques,  c'est-à-dire  près  des  quatre  cinquièmes. 

Or,  si  nous  recherchons  d'une  façon  comparative  les  sources  de  la 
blennorrhagie,  nous  arrivons  à  des  résultats  tout  à  fait  opposés,  comme 
le  montrent  les  chiffres  suivants  : 


BLENNORRHAGIE.  —  symptômes.  137 

Blennorrfiagies  contractées  avec  filles  publiques 12 

—  —             prostituées  clandestines 44 

—  —  filles  entretenues,  filles  de  théâtre..    .  138 

—  —             ouvrières 120 

—  —             domestiques 41 

—  —              tommes  mariées 26 

~587 

Ainsi,  tandis  que  la  proportion  des  chancres  transmis  par  les  filles 
publiques  est  considérable,  celle  des  blennorrhagies  provenant  de  la  même 
origine  est  au  contraire  excessivement  minime  (12  sur  587).  —  Ce  ré- 
sultat s'explique  facilement;  il  aurait  pu  même  être  annoncé  a  priori. 
La  blennorrhagie,  en  effet,  comme  je  l'ai  dit,  se  gagne  bien  moins  sou- 
vent par  contagion  que  par  excès  de  coït,  par  suite  d'approches  répétées 
ou  exagérées,  ou  dans  des  conditions  d'excitation  spéciales  qui  font  le  plus 
souvent  défaut  dans  le  commerce  des  filles.  Pour  le  chancre,  au  contraire, 
un  contact  suffit,  quelque  rapide  qu'il  soit;  pas  n'est  besoin,  pour  que  le 
virus  se  communique,  d'excitation,  d'org:isme,  d'excès;  le  tout  est  que 
le  pus  virulent  soit  déposé  sur  la  verge,  et  la  contagion  est  produite.  Aussi 
les  filles  publiques  sont-elles  bien  plus  aptes  à  transmettre  le  chancre  qu'à 
développer  la  blennorrhagie. 

V.  La  multiplicité  habituelle  des  causes  qui  président  à  l'éclosion  de  la 
blennorrhagie,  Ricord  l'a  traduite  gaiement  dans  sa  célèbre  recette  pour 
attraper  la  chaud e-pisse,  plaisanterie  qu'on  m'excusera  peut-être  de  re- 
produire ici  en  faveur  des  enseignements  sérieux  qu'elle  contient.  «  Vou- 
Içz-vous,  disait-il,  attraper  la  chaude-pisse?  en  voici  les  moyens:  prenez 
une  femme  lymphatique,  pâle,  blonde  plutôt  que  brune,  aussi  fortement 
leucorrhéique  que  vous  pourrez  la  rencontrer;  dînez  de  compagnie;  dé- 
butez par  des  huîtres  et  continuez  par  des  asperges  ;  buvez  sec  et  beaucoup  ; 
vins  blancs,  Champagne,  café,  liqueurs,  tout  cela  est  bon  ;  dansez  à  la  suite 
de  votre  repas  et  faites  danser  votre  compagne  ;  échauffez-vous  bien,  et, 
ingérez  force  bière  dans  la  soirée  ;  la  nuit  venue,  conduisez-vous  vaillam- 
ment; deux  ou  trois  rapports  ne  sont  pas  de  trop,  et  mieux  vaut  davan- 
tage; au  réveil,  n'oubliez  pas  de  prendre  un  bain  chaud  et  prolongé;  ne 
négligez  pas  non  plus  de  laire  une  injection  ;  ce  programme  rempli  con- 
sciencieusement, si  vous  n'avez  pas  la  chaude-pisse,  c'est  qu'un  Dieu  vous 
protège.  » 

Symptômes.  —  Incubation.  —  La  blennorrhagie  ne  succède  pas  im- 
médiatement au  coït.  Entre  le  moment  où  l'on  s'expose  et  celui  où  la 
maladie  se  révèle  par  ses  premiers  symptômes  apparents,  il  s'écoule  tou- 
jours un  certain  intervalle.  Ce  fait  est  incontestable,  mais  il  a  été  très- 
diversement  interprété. 

Le  délai  qui  sépare  le  moment  où  la  cause  agit  de  l'apparition  des  pre- 
miers phénomènes  est  considéré  par  quelques  auteurs  comme  constituant 
une  véritable  incubation,  complètement  analogue  à  l'incubation  caractéris- 
tique de  certaines  maladies,  telles  que  la  variole,  la  scarlatine,  la  rage,  etc. 
Pour  d'autres,  ce  n'est  pas  là  une  incubation,  dans  le  sens  précis  de  ce 


158  BLENN0RKHÀG1E.  —  symptômes. 

mot;  ce  n'est  qu'une  période  à' action  latente,  où  les  phénomènes  mor- 
bides se  préparent  et  s'élaborent  sans  être  encore  assez  intenses  pour 
devenir  manifestes.  Ricord  a  surtout  vivement  défendu  cette  dernière  opi- 
nion qui  compte  aujourd'hui  un  grand  nombre  de  partisans.  Pour  lui, 
l'action  exercée  par  la  matière  morbide  sur  l'organe  qu'elle  a  touché 
commence  dès  le  moment  du  contact  ;  seulement  cette  action  est  si  faible 
qu'on  en  méconnaît  l'existence.  «  Je  ne  nie  pas  l'évidence,  dit-il,  et, 
par  conséquent,  je  ne  nie  pas  qu'entre  l'action  de  la  cause  et  l'appa- 
rition des  premiers  phénomènes  de  la  blennorrhagie  il  ne  s'écoule  un 
temps  plus  ou  moins  long;  mais  est-ce  là  une  incubation  proprement 
dite,  une  incubation  pareille  à  celle  du  virus  variolique  ou  vaccinal?  Je 
le  conteste...  Il  n'y  a  pas  là  plus  d'incubation  qu'il  n'y  en  a  entre  l'action 
d'un  refroidissement  des  pieds  et  l'apparition  d'un  coryza.  On  ne  mouche 
pas  immédiatement  du  muco-pus  après  un  refroidissement  des  pieds  ;  il 
s'écoule  un  certain  temps  entre  ces  deux  actes.  Appelez-vous  ce  temps 
l'incubation  du  coryza?  Pourquoi  donc  se  servir  d'une  expression  pareille 
pour  la  blennorrhagie?...  Il  n'y  a  pas  de  bronchite,  de  pneumonie,  de 
phlegmon,  etc.,  qui  arrive  au  terme  de  la  suppuration  tout  de  suite  après 
l'action  des  causes  qui  ont  présidé  au  développement  de  ces  maladies... 
Concluons  donc,  sur  ce  point,  que  les  eflets  de  la  blennorrhagie  peuvent 
être  éloignés  de  la  cause  qui  les  produit,  mais  que  rien  ne  prouve  que  le 
temps  qui  s'écoule  entre  l'action  de  la  cause  et  l'apparition  des  phéno- 
mènes morbides  soit  le  résultat  d'une  véritable  incubation  virulente.  » 

Quelle  que  soit  l'interprétation  doctrinale  qu'on  lui  donne,  le  fait  existe, 
et  il  est  intéressant  à  constater.  Toujours  donc  la  blennorrhagie  est  pré- 
cédée d'une  certaine  période  caractérisée  par  l'absence  de  tout  phéno- 
mène appréciable. 

La  durée  de  cette  période,  d'après  certains  auteurs,  serait  susceptible 
d'étranges  variétés.  Elle  serait  très-courte  ici,  là  moyenne,  plus  longue 
ailleurs,  énorme  en  quelques  cas.  Elle  pourrait  ainsi  osciller  entre  les 
limites  extrêmes  de  «  quelques  heures  »  et  de  plusieurs  semaines,  voire 
même  de  deux  mois  et  au  delà  ! 

Je  ne  saurais  accéder  à  cette  manière  de  voir.  Pour  ma  part,  sur  un 
grand  nombre  de  cas  soigneusement  étudiés  à  ce  sujet,  je  suis  arrivé  aux 
résultats  suivants  : 

Dans  l'énorme  majorité  des  cas,  la  blennorrhagie  vraie  manifeste  ses 
premiers  symptômes  à  la  fin  du  quatrième  ou  au  commencement  du  cin- 
quième pur  après  le  coït;  moins  souvent  elle  apparaît  le  troisième  ou  le 
sixième  jour  ;  bien  plus  rarement  le  second  ou  le  septième,  le  huitième 
jour.  Ces  résultats  sont  du  reste  d'accord  avec  ceux  de  la  plupart  des  au- 
teurs contemporains. 

De  même,  dans  le  cas  où  le  pus  blennorrhagique  a  été  inoculé  à  l'urèthre 
(Bell,  Baumes,  Rodet),  les  premiers  symptômes  de  la  maladie  se  sont 
manifestés  du  second  au  cinquième  jour,  au  plus  tard  avant  le  huitième. 

Les  incubations  ou  plus  courtes  ou  plus  longues  m'ont  toujours  paru 
suspectes,  du  moins  d'après  les  faits  que  j'ai  observés  jusqu'à  présent. 


BLENNORRHAGIE.  —  début.  159 

Celles  qui  ont  été  citées  par  divers  médecins  sont  loin  d'être  entourées 
de  toutes  les  preuves  qui  imposent  la  conviction.  Est-il  besoin  de  rappeler 
d'ailleurs  combien  la  recherche  de  l'incubation  présente  de  difficultés, 
d'incertitudes  et  de  sources  d'erreurs  ? 

Les  incubations  courtes  appartiennent  bien  plutôt  àl'uréthrite  qu'à  la 
blennorrhagie  vraie.  On  les  observe  encore  assez  souvent  chez  les  sujets 
à  urèthre  facilement  excitable  ou  excité  d'une  façon  chronique.  Il  est  cer- 
tains individus  qui  sont  toujours,  pour  ainsi  dire,  à  la  veille  d'une  blen- 
norrhagie; leur  canal,  pour  des  causes  diverses,  est  rouge,  injecté,  et 
présente  une  hypersécrétion  habituelle  ;  que  ces  individus  fassent  un  excès 
ou  rencontrent  une  femme  malsaine,  ils  gagnent  une  chaude-pisse  qui  se 
manifeste  habituellement  en  moins  de  48  heures. 

On  observe  encore  très-souvent  en  pratique  des  malades  qui,  à  la  suite 
d'une  blennorrhagie  aiguë,  conservent  un  suintement  léger  de  l'urèthre.  Or 
ce  suintement,  le  plus  habituellement  négligé,  oublié  ou  même  ignoré, 
n'est  que  trop  sujet  à  des  recrudescences  soit  provoquées  par  des  excès  de 
divers  genre,  soit  même  spontanées  ou,  pour  mieux  dire,  indéterminées 
quant  à  leur  cause.  Ces  recrudescences  ne  manquent  guère  d'être  prises 
pour  une  maladie  nouvelle,  tant  par  le  malade  inattentif  que  par  le  médecin 
mal  informé.  De  là,  au  point  de  vue  qui  nous  occupe,  la  possibilité  d'er- 
reurs en  divers  sens  sur  l'incubation  qui,  suivant  le  hasard  des  circon- 
stances, peut  sembler  ou  très-longue  ou  très-courte.  Un  fait  de  ce  genre 
s'est  présenté  à  moi  ces  derniers  jours  :  un  jeune  homme  qui  n'avait  pas 
vu  de  femmes  depuis  six  à  sept  semaines  fut  pris,  à  son  grand  étonne- 
mcnt,  d'un  écoulement  uréthral.  Très-sùr  de  sa  sincérité,  je  l'interrogeai 
avec  soin  ;  informations  prises,  ce  malade  conservait  depuis  plus  d'une 
année,  comme  suite  d'une  blennorrhagie  aiguë,  un  suintement  léger,  sujet 
de  temps  à  autre  à  recrudescence;  cette  fois,  l'écoulement  avait  repris  à 
la  suite  de  fatigues  et  de  veilles;  il  était  abondant,  phlegmoneux;  il  avait 
tous  les  caractères  d'une  affection  récente  ;  chez  un  sujet  moins  obser- 
vateur de  sa  personne  ou  moins  franc,  il  eût  pu  donner  le  change  pour  un 
exemple  de  blennorrhagie  précédée  d'une  incubation  démesurément 
longue.  Et  ainsi  d'autres  causes  d'erreur  qu'il  serait  superflu  d'énumé- 
rer  ici. 

Début.  —  L'invasion  de  la  maladie  est  le  plus  souvent  annoncée 
par  une  sensation  particulière  éprouvée  dans  le  canal,  par  un  prurit,  un 
chatouillement  vers  le  bout  de  la  verge,  ou  une  ardeur  insolite  dans  la 
miction.  Pour  bon  nombre  de  sujets  toutefois,  l'écoulement  est  le  pre- 
mier symptôme. 

Puis,  une  humeur  opaline  se  présente  au  méat  urinaire,  et  en  agglutine 
les  lèvres  légèrement  rouges  et  tuméfiées.  Dès  ce  moment,  on  peut,  par  la 
pression,  faire  sourdre  de  l'urèthre  une  petite  gouttelette  d'un  liquide 
blanchâtre  ou  gris,  filant  et  visqueux. 

Ce  sont  là  les  premiers  phénomènes  de  la  maladie.  On  dit  avoir  observé 
en  certains  cas,  comme  symptômes  initiaux,  du  malaise  général,  des 
frissons,  des  douleurs  uréthrales  assez  vives,  des  tiraillements  inguinaux, 


140  BLEiN'NORRHAGlE.  —  maladie  confirmée. 

de  la  fluxion  des  ganglions  de  l'aine,  etc...  Tout  cela   n'est  que  très- 
exceptionnel. 

Maladie  confirmée.  —  Les  phénomènes  précédents  ne  tardent  pas 
à  s'accentuer  davantage.  Le  méat  rougit;  l'émission  de  l'urine  détermine 
une  cuisson  plus  notable,  qui  cependant  n'est  pas  encore  une  douleur 
vraie;  l'écoulement  augmente  en  même  temps  qu'il  change  de  couleur; 
il  devient  jaunâtre,  puis  jaune  et  franchement  purulent;  il  se  répand  au 
dehors  et  souille  le  linge;  le  gland  est  un  peu  turgescent,  injecté;  les 
veines  de  la  verge,  légèrement  gonflées,  témoignent  d'un  certain  degré 
d'éréthisme  et  de  congestion  locale. 

Jusqu'au  cinquième  jour  environ,  les  choses  restent  en  cet  état;  mais, 
à  dater  de  ce  moment,  les  phénomènes  prennent  un  plus  haut  degré 
d'intensité.  L'écoulement  devient  verdâtre,  phlegmoneux,  parfois  strié  de 
sang;  des  douleurs,  de  plus  en  plus  vives,  accompagnent  la  miction;  des 
érections  répétées  et  très-pénibles  troublent  le  sommeil,  surtout  dans  la 
seconde  moitié  de  la  nuit;  le  pénis,  puis  la  région  du  bulbe,  puis  le 
périnée  sont  sensibles  et  endoloris;  le  gland  est  rouge,  turgescent;  la 
verge  est  tuméfiée,  etc.  ;  tout,  en  un  mot,  témoigne  d'une  violente  irri- 
tation des  parties,  sans  parler  des  complications  diverses  qui  peuvent  se 
manifester  à  cette  période. 

C'est  là  ce  qu'on  appelle  l'état  aigu,  la  période  de  progrès  ou  d'augment 
de  la  maladie. 

Puis,  après  un  temps  variable,  l'inflammation  ayant  atteint  son  apogée 
reste  quelques  jours  stationnaire  (période  d'état).  Elle  s'apaise  ensuite, 
et  ses  différents  phénomènes  s'atténuent  progressivement.  La  douleur  est 
la  première  à  décroître  ;  les  érections  deviennent  moins  pénibles  et  moins 
fréquentes;  l'éréthisme  local  se  calme  et  disparaît  ;  l'écoulement  diminue, 
change  de  couleur;  il  persiste  encore,  comme  seul  phénomène  de  la  ma- 
ladie, pendant  un  temps  assez  long;  finalement,  il  se  change  en  un 
simple  suintement  catarrhal,  et  se  tarit  complètement.  —  Ce  sont  là  les 
périodes  de  déclin  et  de  terminaison. 

Tel  est  l'ensemble  abrégé  de  la  maladie.  —  Revenons  maintenant  en 
détail  sur  les  différents  phénomènes  qui  la  caractérisent. 

a.  État  des  parties.  —  Pendant  la  période  inflammatoire,  l'inspection 
de  la  région  génitale  montre  :  le  méat  rouge,  incessamment  souillé  de 
pus;  ses  lèvres  sont  boursouflées,  un  peu  déjetées  en  dehors,  quelquefois 
dures  et  rénitentes,  quelquefois  aussi  excoriées  légèrement  et  saignantes, 
ce  qui  résulte  soit  du  haut  degré  d'inflammation  des  parties,  soit  surtout 
du  frottement  de  la  verge  contre  le  linge;  —  le  gland  hyperémié,  tendu, 
luisant,  et  même  un  peu  turgide,  pour  peu  que  la  phlegmasie  soit  intense; 
—  le  prépuce  souvent  œdémateux,  avec  ou  sans  coloration  rosée  ;  —  le 
fourreau  sillonné  de  veines  et  de  veinules  distendues ,  parfois  aussi  par- 
couru par  une  ou  plusieurs  traînées  rougeâtres  (lymphangite)  ;  —  l'urèthre 
se  dessinant  sous  la  verge  par  un  léger  relief;  douloureux  à  la  pression, 
surtout  au  niveau  de  la  fosse  naviculaire;  présentant  souvent  une  ou  plu- 
sieurs petites  tumeurs  granuleuses  très-facilement  perceptibles  sous  le 


BLKNNORlilIAGlË.  —  .maladie  confirmée.  141 

doigt  (folliculitc);  constituant  même  parfois  une  corde  rénitente  et  volu- 
mineuse, enclavée  comme  une  baguette  de  fusil  entre  les  deux  corps  ca- 
verneux. * 

/;.  Écoulement.  —  C'est  là  le  phénomène  essentiel  de  la  blennorrhagie. 
Il  est  constant.  La  prétendue  blennorrhagie  sèche  en  effet  (dysurie  véné- 
rienne sèche  des  anciens  auteurs)  n'existe  pas  en  tant  que  maladie  ;  ce 
n'est  qu'un  symptôme  d'affections  diverses,  que  l'on  observe  parfois  d'une 
façon  transitoire  au  début  des  écoulements  uréthraux  de  toute  nature. 

Cet  écoulement  varie  d'abondance  et  de  nature  aux  divers  âges  de  la 
maladie.  1°  Son  abondance  est  généralement  en  relation  avec  l'intensité 
et  l'étendue  de  l'inflammation.  C'est  dire  qu'elle  augmente  de  jour  en 
jour  dans  la  période  de  progrès,  et  qu'elle  diminue  dans  la  période  de  dé- 
clin. Elle  est  telle  parfois  à  l'apogée  de  la  maladie  que  le  pus  s'écoule,  pour 
ainsi  dire,  goutte  à  goutte  de  l'urèthre,  et  forme  sur  le  linge  d'énormes 
taches  verdâtres.  Souvent  encore,  elle  reste  considérable,  alors  même 
que  les  symptômes  de  réaction  locale  se  sont  amendés. —  2°  Comme  na- 
ture, l'écoulement  ne  consiste  au  début  qu'en  un  suintement  opalin  d'une 
humeur  (ilante  et  visqueuse;  —  quelques  heures  plus  tard,  il  a  déjà  pris 
une  teinte  opaque  et  laiteuse,  à  laquelle  s'ajoute  bientôt  un  léger  reflet 
jaunâtre;  —  le  lendemain,  il  devient  jaunâtre,  puis  jaune,  et  laisse  alors 
surle  linge  des  taches  de  nuance  soufrée  ;  —  plus  tard,  il  prend  une  colo- 
ration verdàtre  ;  au  summum  de  l'inflammation,  il  est  absolument  vert; 
souvent  encore,  à  cette  époque,  il  est  strié  de  sang  et  rouillé.  —  Puis,  à 
mesure  que  les  symptômes  aigus  s'apaisent,  l'écoulement  parcourt  en 
sens  inverse  la  gamme  des  tons  qui  précèdent;  du  vert,  il  passe  au  ver- 
dàtre, puis  au  jaune  foncé,  puis  au  jaune  clair  ;  plus  tard,  il  n'est  plus 
que  laiteux,  opalin  ;  finalement  ce  n'est  qu'une  simple  humidité  grisâtre 
ou  incolore  qui  s'épuise  et  disparait. 

Cet  écoulement  est  constitué  par  du  muco-pus,  analogue  à  celui  que 
sécrètent  les  muqueuses  enflammées.  Plus  la  phlegmasie  est  vive,  plus  les 
globules  de  pus  sont  abondants  par  rapport  à  la  proportion  du  mucus,  et 
inversement.  —  Jusqu'à  ce  jour,  l'analyse  chimique  et  le  microscope  n'ont 
découvert  dans  ce  liquide  aucun  élément  spécifique.  Les  productions  para- 
sitaires qu'on  y  a  signalées  ne  paraissent  être  qu'accidentelles  et  sans 
relation  avec  la  nature  de  la  maladie. 

c.  Phénomènes  douloureux.  —  Ils  sont  multiples  et  différents  : 

1°  Le  plus  fréquent  et  le  plus  caractéristique,  c'est  la  douleur  de  miction. 
Celle-ci,  comme  intensité  et  comme  siège,  suit  en  général  une  marche 
parallèle  au  développement  des  phénomènes  inflammatoires. 

Comme  intensité  :  au  début,  ce  n'est  qu'un  simple  prurit,  qu'une  ardeur 
qu'un  «  échauffement  en  urinant,  »  comme  le  disent  les  malades;  phi> 
tard,  c'est  une  douleur  véritable,  que  les  patients  comparent  à  une  brû- 
lure, au  passage  d'un  corps  chaud  dans  le  canal  (chande-pisse),  plus  rare- 
ment à  une  eonstrictiou,  à  un  déchirement,  etc.  Au  summum  de  l'inflam- 
mation, c'est  une  souffrance  aiguë,  parfois  même  atroce;  certains  malades 
la  redoutent  à  ee  point  qu'ils  diffèrent  le  plus  longtemps  possible  le  mo- 


142  BLENNORflHÀGtË.  —  maladie  confirmée. 

ment  de  la  miction,  ou  qu'ils  se  privent  même  de  boire,  pour  avoir  à  uri- 
ner moins  souvent.  —  Puis,  comme  nous  l'avons  dit,  cette  douleur  di- 
minue dès  que  les  symptômes  d'acuité  commencent  à  se  modérer;  elle 
devient  supportable,  légère;  ce  n'est  plus  bientôt  qu'une  sensation  de 
chaleur,  de  chatouillement;  enfin,  elle  disparaît  alors  même  que  l'écoule- 
ment persiste  encore  avec  assez  d'intensité.  —  Il  n'est  pas  rare  d'observer 
quelques  exceptions  à  cette  marche  habituelle  des  phénomènes.  Ainsi, 
parfois  la  douleur  est  très-vive  avec  une  inflammation  relativement  modé- 
rée; ou  bien,  inversement,  elle  est  légère,  minime,  ou  même  nulle  dans 
des  cas  où  l'on  s'attendrait  à  la  trouver  très-intense,  eu  égard  au  déve- 
loppement des  phénomènes  inflammatoires.  J'ai  vu  de  la  sorte  certains 
sujets  présenter  le  singulier  privilège  d'une  immunité  presque  absolue  de 
douleur  dans  le  cours  de  blennorrhagies  assez  aiguës.  Plus  souvent,  la 
miction  reste  notablement  douloureuse  alors  que  les  symptômes  de  réac- 
tion locale  ont  complètement  disparu. 

Comme  siège,  la  douleur  de  miction  offre  ce  caractère  curieux  de  suivre 
dans  l'urèthre  un  trajet  ascendant  du  méat  vers  la  vessie.  Ainsi,  dans  les 
premiers  jours,  elle  reste  limitée  exclusivement  à  la  fosse  naviculaire; 
plus  tard,  elle  se  fait  sentir  dans  toute  l'étendue  de  la  verge,  pour  se 
localiser  plus  spécialement  à  la  racine  de  l'organe  ;  plus  tard  encore, 
elle  se  fixe  à  la  région  périnéale.  On  a  même  prétendu,  ce  qui  me  semble 
exagéré,  que  la  maladie  suivait  parfois,  dans  son  extension,  «  la  marche 
ambulante  de  certains  érysipèles  et  qu'elle  abandonnait  les  points  primi- 
tivement affectés  à  mesure  qu'elle  gagnait  les  parties  voisines.  »  —  A 
la  période  de  déclin,  il  est  fréquent  de  voir  la  douleur  se  localiser  au 
niveau  de  la  fosse  naviculaire,  ou  bien,  mais  plus  rarement,  à  la  racine 
de  la  verge.  —  Ajoutons  encore  que  chez  bon  nombre  de  malades,  surtout 
lorsqu'un  traitement  méthodique  a  été  institué  dès  le  début,  les  douleurs 
antérieures  sont  les  seules  qui  se  manifestent  ;  les  postérieures  font  alors 
défaut. 

D'autres  phénomènes  douloureux  s'observent  encore  dans  le  cours  de 
la  blennorrhagie.  Ce  sont  : 

1°  Des  douleurs  spontanées ,  à  savoir  :  sentiment  de  tension  et  de  pe- 
santeur dans  la  verge  ;  élancements  dans  le  canal  ;  irradiations  douloureuses 
dans  les  testicules,  les  cordons,  les  régions  inguinales,  les  lombes,  etc.;  et 
surtout  douleurs  périnéales,  gravatives,  parfois  très-pénibles,  augmentant 
notablement  par  la  position  assise,  par  la  pression  et  par  la  marche 
qu'elles  rendent  difficile  et  gênée. 

2°  Des  douleurs  provoquées.  Ce  sont  les  douleurs  produites  par  Y  érec- 
tion et  par  Véjaculdtion*  —  L'éréthisme  local  détermine,  pendant  la  pé- 
riode inflammatoire,  des  érections  fréquentes,  lesquelles  ne  se  produisent 
qu'avec  des  douleurs  plus  ou  moins  vives.  Ces  érections  se  manifestent 
surtout  la  nuit,  quelquefois  même  pendant  le  jour,  spécialement  chez 
les  sujets  qui  font  de  longues  courses  en  voiture.  Lorsque  la  phlegmasie 
du  canal  est  très-vive,  elles  deviennent  presque  incessantes  pendant  le 
sommeil  ;  elles  réveillent  les  malades  dix  et  vingt  fois  par  nuit.  De  là  des 


BLENPnOKRHAGŒ.  —  marche,  durée,  iio 

insomnies  tatigantes ,  intolérables ,  laissant  à  leur  suite  un  certain  état 
de  malaise,  d'agacement  nerveux,  et  même  parfois   de  réaction  fébrile. 

De  plus,  les  conditions  d'extensibilité  de  l'urèthre  se  trouvant  modifiées 
par  le  fait  de  l'inflammation,  il  arrive  que  le  canal  ne  peut  suivre  dans 
l'érection  le  développement  des  corps  caverneux.  De  là  des  tiraillements 
douloureux  toujours  très-pénibles,  parfois  même  atroces.  De  là  aussi  ce 
singulier  état  de  la  verge  qui,  recourbée  inférieurement,  figure  un  arc 
dont  l'urèthre  forme  la  corde  (chaude -pisse  cordée).  —  Cette  courbure  se 
produit  parfois  en  sens  inverse  ou  latéralement,  mais  cela  est  très-rare. 
—  D'autres  fois,  et  plus  souvent,  elle  ne  se  produit  qu'à  l'extrémité  de  la 
verge;  le  gland  seul  est  arqué  (Ricord),  et  c'est  au  niveau  de  la  fosse  navi- 
culaire  que  la  douleur  est  spécialement  rapportée  par  les  malades. 

L'éjacylation  se  produit  parfois  à  la  suite  de  ces  érections.  Au  moment 
de  la  période  aiguë,  elle  est  excessivement  douloureuse;  elle  détermine 
une  sensation  atroce  de  déchirement  intérieur;  elle  est  suivie  parfois  d'une 
hémorrhagie  du  canal,  généralement  assez  légère. 

d.  Troubles  dans  l'émission  de  l'urine.  —  La  miction  est  moins  libre 
qu'à  l'état  normal,  surtout  si  les  phénomènes  inflammatoires  sont  un  peu 
intenses.  Le  jet  de  l'urine  est  changé;  il  est  plus  mince,  moins  régulier; 
parfois  même  il  ne  sort  plus  droit,  il  se  brise,  il  s'éparpille  ;  ce  qui  tient 
à  la  fois  au  boursouflement  de  la  muqueuse  qui  rétrécit  le  calibre  de 
l'urèthre,  et  à  un  état  spasmodique  du  canal  déterminé  par  la  douleur.  Ces 
phénomènes,  du  reste,  s'atténuent  et  disparaissent  dès  que  l'éréthisme 
local  commence  à  se  calmer.  —  Ce  n'est  que  dans  des  cas  assez  rares 
qu'on  observe  soit  l'incontinence,  soit  la  rétention  de  l'urine.  Nous  revien- 
drons plus  loin  sur  ces  complications. 

De  même,  et  pour  des  raisons  analogues,  l'émission  du  sperme  au 
moment  de  la  période  inflammatoire,  ne  se  fait  plus  par  jet,  mais  en 
bavant,  ce  qui  tient  probablement  à  une  diminution  de  la  contractilité  de 
l'urèthre. 

e.  Etat  général.  —  Le  plus  habituellement,  alors  même  que  les  sym- 
ptômes atteignent  un  haut  degré  d'intensité,  la  blennorrhagie  reste  une 
affection  toute  locale.  On  n'observe  guère  de  troubles  généraux  que  dans 
les  cas  rares  où  la  maladie  revêt  une  acuité  insolite,  ou  bien  chez  les  sujets 
nerveux,  facilement  excitables.  Il  se  produit  alors  un  léger  état  de  ma- 
laise :  fièvre  modérée^  inappétence,  céphalalgie,  etc.  Cet  état  se  dissipe 
en  quelques  jours  au  plus,  bien  que  les  phénomènes  locaux  ne  subis- 
sent pas  d'amendement  parallèle. 

Marche,  durée.  —  I.  La  blennorrhagie  débute  par  la  région  balaniquc 
de  l'urèthre  et  se  propage  d'avant  en  arrière,  envahissant  ainsi  successive- 
ment les  régions  spongieuse,  membraneuse  et  prostatique.  Cette  marche 
est  démontrée  par  l'analyse  minutieuse  des  faits  cliniques.  C'est  ainsi 
que  dans  la  symptomatologie  qui  précède  nous  avons  vu  les  phénomènes 
inflammatoires,  la  douleur  en  particulier,  remonter  le  canal,  pour  ainsi 
dire,  du  méat  vers  la  vessie.  Nous  suivons  de  même  cette  progression 
dans  la  très-intéressante  et  très-célèbre  expérience  de  Swediaur.  On  sait 


\U  BLENNORRHAGIE.  —  marche,  durée. 

que  ce  courageux  observateur,  pour  démontrer  «  que  certaines  espèces 
d'écoulements  doivent  leur  origine  à  une  cause  différente  du  virus  syphi- 
litique, »  se  lit  dans  l'urèthre  une  injection  d'ammoniaque  étendue  d'eau. 
Il  se  produisit  aussitôt  une  inflammation  des  plus  violentes,  laquelle,  au 
point  de  vue  qui  nous  occupe,  présenta  les  particularités  suivantes  :  tout 
d'abord,  les  cinq  premiers  jours,  écoulement  abondant,  douleurs  très-vives 
dans  la  miction,  érections  nocturnes,  etc.;  puis  alors,  ajoute  l'auteur,  «  ce 
qui  me  donna  beaucoup  d'inquiétude,  c'est  que  j'éprouvai  les  effets  d'une 
autre  inflammation  qui  s'établissait  plus  avant  dans  le  canal  de  l'urèthre, 
à  un  endroit  où  je  n'avais  rien  senti  auparavant,  et  jusqu'où  aucune 
goutte  de  l'injection  ne  pouvait  avoir  pénétré.  Cette  nouvelle  inflamma- 
tion s'étendait,  à  ce  qu'il  me  parut,  depuis  la  place  où  la  première  s'était 
bornée  jusqu'à  une  certaine  distance  plus  avant  dans  le  canal.  Elle  fut 
suivie  d'un  écoulement  abondant,  accompagné  des  mêmes  symptômes 
qu'auparavant,  et  dura  six  jours,  après  lesquels  les  symptômes  furent 
extrêmement  adoucis.  Mais  quel  fut  mon  étonne  ment,  lorsqu'après  ce  temps 
je  sentis  très-distinctement  les  symptômes  d'une  nouvelle  inflammation, 
qui  paraissait  s'étendre  depuis  les  limites  de  la  précédente  vers  le 
verumontanum  jusqu'au  col  de  la  vessie,  et  qui  fut  accompagnée  d'une 
ardeur  d'urine,  et  d'un  écoulement  aussi  abondant  que  le  précédent  ! 
Pour  le  coup,  je  fus  sérieusement  alarmé...;  je  voyais  que  l'inflamma- 
tion qu'avait  d'abord  excitée  l'ammoniaque  se  communiquait  très-évi- 
demment d'une  partie  de  l'urèthre  à  l'autre,  ce  qui  me  faisait  craindre 
qu'il  ne  s'ensuivît  enfin  une  inflammation  de  toute  la  surface  interne 
de  la  vessie...  Je  demeurai  dans  cet  état,  entre  l'espérance  et  la  crainte, 
pendant  sept  à  huit  jours;  mais  j'éprouvai  enfin,  à  ma  grande  satisfac- 
tion, que  cette  inflammation  s'apaisait  par  degrés,  de  même  que  l'éva- 
cuation, sans  s'étendre  au  delà  de  l'urèthre;  et  je  fus  entièrement  délivré 
de  tous  les  symptômes  de  ces  trois  chaiide-pisses,  comme  je  puis  les 
appeler  avec  raison,  à  la  fin  de  la  sixième  semaine.  » 

L'examen  endoscopique  du  canal  permet  de  suivre  pas  à  pas  la  pro- 
gression ascendante  des  phénomènes  dans  l'urèthre.  Au  huitième  jour, 
d'après  Desormeaux,  l'inflammation  est  étendue  à  la  moitié  antérieure 
du  canal ,  où  l'on  trouve  la  muqueuse  rouge,  dépolie ,  et  présentant 
l'aspect  des  ulcérations  superficielles  qui  se  forment  sur  le  gland  dans 
la  balanite.  Dans  les  blennorrhagies  plus  anciennes,  la  lésion  ne  change  pas 
de  caractère,  mais  elle  remonte  vers  la  partie  postérieure  du  canal.  Elle 
finit  ainsi  par  atteindre  successivement  le  bulbe,  la  portion  membraneuse 
et  la  portion  prostatique.  (Desormeaux.) 

On  a  même  dit  que  l'envahissement  successif  de  chacune  des  sections 
du  canal  «  est  marqué  par  une  recrudescence  de  la  maladie,  durant  six 
à  sept  jours,  et  suivie  d'un  peu  de  rémission.  »  (Cullerier.)  Si  cette  parti- 
cularité s'observe  en  certains  cas,  je  ne  crois  pas  qu'elle  soit  habituelle. 

11.  Lorsque  la  blennorrhagie  a  duré  un  certain  temps  et  parcouru  la 
presque  totalité  du  canal,  elle  tend  à  se  limiter;  elle  se  localise  sur  une  por- 
tion, sur  un  point  de  l'urèthre.  L'examen  endoscopique  a  parfaitement  mis 


BLENNORRHAGIE.  —  marche,  durée.  145 

en  lumière  ce  fait  intéressant.  Ainsi,  à  une  époque  un  peu  avancée  de  la 
maladie,  les  lésions  inflammatoires  disparaissent  souvent  sur  les  parties 
soit  antérieures,  soit  postérieures  du  canal,  pour  se  localiser  aux  régions 
intermédiaires.  «  A  cette  période,  dit  Desormeaux,  la  partie  antérieure  de 
Furèthre  reprend  les  caractères  de  l'état  sain.  Sur  quelques  malades,  en 
effet,  tandis  que  l'inflammation  avait  tous  ses  caractères  dans  le  bulbe  et 
la  région  membraneuse,  la  partie  antérieure  du  canal  présentait  sa  surface 
lisse  et  sa  couleur  habituelle.  La  portion  prostatique  dans  laquelle  l'affec- 
tion peut  aussi  se  tixer  guérit  cependant  sur  beaucoup  de  malades,  car  il 
m'est  arrivé  fréquemment  de  trouver  la  lésion  caractéristique  confinée 
dans  les  environs  du  bulbe,  tandis  que  les  parties  antérieure  et  postérieure 
étaient  saines  chez  des  malades  qui  avaient  présenté  tous  les  signes  de 
l'extension  du  mal  à  la  prostate  et  au  col  de  la  vessie.  »  —  L'inflammation 
peut  encore  se  limiter  à  la  fosse  naviculaire,  mais  cela  est  bien  plus  rare. 
—  Fort  souvent  enfin,  dans  la  blennorrhée ,  la  lésion  n'occupe  qu'une 
étendue  très-restreinte,  qu'un  point,  pour  ainsi  dire,  du  canal  de  Furèthre 
revenu  à  l'état  sain  dans  tout  le  reste  de  son  étendue. 

Mais,  en  même  temps  qu'elle  se  limite  en  vieillissant,  l'inflammation 
tend  à  devenir  plus  profonde.  Au  lieu  d'affecter  simplement  la  couche 
superficielle  de  la  muqueuse,  elle  gagne  toute  l'épaisseur  de  cette  mem- 
brane; elle  s'insinue  dans  les  follicules;  elle  s'étend  même  parfois  aux 
tissus  sous-jacents.  Elle  détermine  ainsi  l'épaississement,  l'induration, 
l'excoriation  de  la  muqueuse,  et  d'autres  lésions  encore  dont  l'étude  nous 
occupera  bientôt. 

III.  Examinée  dans  son  ensemble,  la  blennorrhagie  présente,  pour  son 
évolution  complète,  quatre  périodes  que  nous  avons  caractérisées  précé- 
demment :  période  de  début,  où  les  symptômes  sont  peu  intenses  et  an- 
noncent «  plutôt  un  travail  de  congestion  qu'une  inflammation  véritable  » 
(M.  Robert);  elle  dure  environ  quatre  jours;  —  période  d'augment  ou 
d'acuité,  se  prolongeant  en  général  jusqu'au  milieu  ou  à  la  fin  du  second 
septénaire,  parfois  même  du  troisième;  —  période  d'état,  assez  inégale 
comme  durée  ;  —  et  enfin  période  de  déclin,  bien  plus  variable  encore 
que  la  précédente,  souvent  courte  grâce  au  traitement,  souvent  aussi 
longue  et  très-longue,  en  raison  des  conditions  multiples  qui  peuvent 
entraver  la  guérison. 

De  là,  comme  conséquence,  des  variétés  infinies  dans  la  durée  totale  de 
la  maladie.  Ici,  les  symptômes  s'amendent  et  s'effacent  en  quelques 
semaines;  là,  l'écoulement  persiste  pendant  des  mois,  pendant  des 
années  entières  ;  ailleurs  encore,  c'est  une  blennorrhée  qui  peut  se 
prolonger  indéfiniment.  Il  n'est  rien  de  fixe,  rien  de  certain  à  cet  égard. 
Il  n'y  a  pas,  au  début  d'une  blennorrhagie,  de  prévision  à  émettre  sur 
sa  durée  possible,  et,  comme  le  disent  les  malades,  si  l'on  sait  quand  elle 
commence,  on  ne  sait  guère  quand  elle  finira. 

Dans  les  cas  les  plus  heureux,  la  blennorrhagie,  convenablement  traitée, 
peut  guérir  en  trois,  quatre,  six  septénaires.  Dans  les  cas  un  peu  plus 
rebelles,  la  guérison  s'obtient  en  deux  ou  trois  mois.  Mais  dès  que  la 

NOUV     D1CT.    MÉD.    HT   CM  il.  V.    —    iO 


146  BLENNORRHAGlti.  —  marche,  durée. 

tendance  à  la  forme  chronique  ou  aux  recrudescences  spontanées  se  ma- 
nifeste, il  n'est  plus  de  durée  moyenne  à  établir.  Le  mal  peut  s'éteindre 
en  quelques  mois,  comme  il  peut  se  prolonger  et  résister  presque  indéfi- 
niment à  toutes  les  médications  les  plus  rationnelles.  On  rencontre  ainsi 
parfois  de  vieilles  blennorrhagies  remontant  à  cinq,  dix,  quinze,  vingt 
ans  de  date,  et  même  davantage. 

Ce  qui  fait  la  longue  durée  de  la  blennorrhagie  en  général,  ce  n'est  pas 
la  période  aiguë,  c'est-à-dire  le  stade  des  phénomènes  inflammatoires  ; 
ce  sont  les  périodes  d'état,  et  surtout  de  déclin.  Règle  presque  absolue, 
les  symptômes  d'acuïté  ne  sont  guère  à  craindre;  on  en  a  facilement 
raison,  et  en  peu  de  temps  ;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  l'écoulement 
qui  leur  survit.  On  réussit  bien  à  modérer  cet  écoulement  à  l'aide  d'une 
médication  appropriée;  on  peut  même  le  réduire  à  l'état  d'un  simple 
suintement.  Puis,  à  un  moment  donné,  l'amélioration  progressive  ne  se 
soutient  plus ,  ne  se  continue  pas  ;  vainement  l'on  insiste  alors  sur  le 
traitement ,  en  modiliant  les  remèdes  ,  en  doublant  les  doses ,  en  re- 
doublant d'attention  et  de  soins;  rien  n'agit  plus,  le  suintement  persiste, 
et  la  maladie  paraît  se  soustraire  complètement  à  l'influence  de  la  médi- 
cation. Cet  état  se  prolonge  parfois  d'une  façon  désespérante,  et  c'est  lui 
qui  constitue  l'énorme  durée  de  certaines  blennorrhagies. 

11  est  d'ailleurs  des  conditions  aussi  variées  que  possible  qui  influent 
sur  la  durée  du  mal  :  conditions  relatives  au  mode  de  traitement ,  ta 
l'observance  de  l'hygiène,  au  genre  de  vie,  aux  professions,  aux  habi- 
tudes, etc.,  etc.;  —  conditions  individuelles,  dépendant  du  tempérament, 
de  la  constitution,  des  idiosyncrasies,  etc.  Ainsi  il  est  certains  sujets 
blonds,  lymphatiques,  à  constitution  pour  ainsi  dire  catarrhale  ou  «  pyo- 
génique,  »  qui  prennent  un  écoulement  au  moindre  excès,  et  qui  le  con- 
servent des  mois  entiers  en  dépit  de  toute  médication;  —  conditions  rela- 
tives à  la  maladie  même,  qui  présente  tel  ou  tel  degré  d'intensité,  qui 
revêt  d'emblée  telle  ou  telle  forme,  etc.  Disons  à  ce  propos  que  les  blen- 
norrhagies les  plus  aiguës  sont  loin  d'être  toujours  les  plus  mauvaises, 
ni  surtout  les  plus  longues.  Tout  au  contraire,  lorsqu'elles  sont  franche- 
ment inflammatoires,  il  est  habituel  qu'elles  parcourent  assez  rapidement 
leurs  diverses  périodes,  pour  s'éteindre  avec  une  vitesse  en  quelque  sorte 
proportionnelle  à  leur  acuité  première.  C'est  là  le  fait  en  général  d'une 
première  chaude-pisse;  elle  est  aiguë,  douloureuse,  pénible,  mais  elle 
s'éteint  assez  facilement.  Telles  ne  sont  pas  les  suivantes  :  moins  inflam- 
matoires, moins  vives,  elles  sont  en  revanche  plus  opiniâtres  et  plus 
longues;  elles  se  rapprochent,  en  un  mot,  de  la  forme  sub-aiguë  de 
certaines  blennorrhagies,  forme  bénigne  quant  aux  symptômes,  mais  dé- 
solante par  son  uniformité,  sa  lenteur,  et  la  résistance  qu'elle  oppose 
trop  souvent  aux  médications  de  tout  genre. 

IV.  L'évolution  de  la  maladie  est  loin  de  présenter,  dans  tous  les  cas, 
une  progression  régulièrement  décroissante.  Elle  est  fréquemment  sou- 
mise, au  contraire,  à  des  oscillations  en  divers  sens  ;  elle  est  souvent 
heurtée,  incidentée  par  des  recrudescences  plus  ou  moins  vives,  des  re- 


BU  NNORRflAGIE.  —  marche,  durée.  147 

tours  plus  ou  moins  complets  aux  périodes  déjà  parcourues,  des  compli- 
cations aussi  nombreuses  que  variées. 

L'excessive  fréquence  des  rechutes,  des  recrudescences,  constitue  un 
des  traits  les  plus  spéciaux  de  la  maladie.  Dans  aucune  autre  affection  du 
cadre  nosologique,  on  n'observe  une  égale  aptitude  des  phénomènes 
inflammatoires  à  se  reproduire ,  à  se  reconstituer  sous  leur  forme 
première. 

Ces  recrudescences  sont  donc  presque  caractéristiques.  Elles  se  mani- 
festent à  tous  les  âges  de  la  maladie  ;  mais  elles  sont  surtout  communes 
et  remarquables  à  la  période  de  déclin.  Tel  sujet  vient  de  subir  les  phases 
aiguës  d'une  blennorrhagie;  l'inflammation  s'est  calmée,  l'écoulement 
se  modère  ou  tend  même  à  se  supprimer;  survient  à  ce  moment  une 
excitation  quelconque  de  l'urèthre  (coït ,  pollution,  excès  de  boisson, 
é  fatigue,  etc.),  tout  aussitôt  la  phlegmasie  se  rallume;  l'écoulement  re- 
parait avec  intensité,  verdàtre,  phlegmoneux,  abondant,  comme  dans  les 
plus  mauvais  jours;  les  douleurs,  les  érections  se  reproduisent,  etc.  ;  en 
un  mot,  l'état  aigu  est  reconstitué.  —  Disons,  toutefois,  que  les  recru- 
descences égalent  rarement,  comme  intensité,  la  période  inflammatoire 
du  début  ;  elles  rappellent,  il  est  vrai,  l'écoulement  avec  plus  ou  moins 
de  violence,  mais  elles  ne  reproduisent  pas  en  général  les  autres  phéno- 
mènes avec  une  acuité  proportionnelle. 

Il  y  a  plus,  c'est  que  parfois  la  maladie  peut  se  renouveler,  alors 
qu'elle  paraît  absolument  éteinte.  Tout  vestige  d'écoulement,  tout  signe 
d'inflammation  a  disparu;  la  guérison  semble  acquise;  puis  voici  que, 
tout  à  coup,  la  hlennorrhagie  se  reproduit  !  On  voit  ainsi  des  malades 
être  repris  d'écoulement  après  cinq,  huit,  dix  jours  de  guérison  appa- 
rente. 

Ou  a  même  prétendu,  mais  ce  fait  mérite  continuation,  que  de  sembla- 
bles rechutes  peuvent  se  manifester  plus  tard  encore.  «  J'ai  vu,  dit  Hun- 
ter,  les  symptômes  de  la  gonorrhée  se  reproduire  un  mois  après  que  toute 
trace  de  la  maladie  avait  disparu.  »  —  Ce  qui  n'est  pas  moins  surprenant, 
c'est  que  ces  rechutes,  qu'on  serait  tenté  d'appeler  des  récidives,  ne  sont 
souvent  provoquées  par  aucune  cause.  Elles  s'observent  sur  les  malades 
les  plus  attentifs  et  les  plus  désireux  de  guérir;  elles  s'observent  en  dehors 
de  toute  excitation  vénérienne,  à  la  suite  des  traitements  les  plus  métho- 
diques et  les  mieux  suivis  ;  elles  ne  sont  expliquées  par  rien  ;  elles  se  pro- 
duisent, je  le  répète,  sans  cause,  tout  au  moins  sans  cause  connue,  ap- 
préciable. —  Ajoutons  que  ces  recrudescences  singulières  peuvent  se 
répéter  et  se  répètent  même  souvent  à  plusieurs  reprises.  Ainsi  l'on  a  vu, 
et  j'ai  vu  mainles  fois,  pour  ma  part,  une  série  de  rechutes  se  dérouler 
de  la  façon  suivante  :  Blennorrhagie  ;  période  aiguë  faisant  son  évolution 
régulière;  période  de  déclin  bien  caractérisée;  diminution  et  disparition 
de  l'écoulement  sous  l'influence  d'un  traitement  méthodique;  suppression 
du  traitement;  guérison  apparente  pendant  quatre,  six,  huit  jours  ;  puis 
rechute;  nouveau  traitement;  nouvelle  guérison,  durant  un  ou  deux 
septénaires  ;  puis  seconde  réduite  ;  nouveau  traitement,  supprimant  de 


148  BLENNORRHÀGIE.  —  terminaisons. 

même  tous  les  phénomènes  de  la  maladie  ;  guérison  durant  encore  un 
certain  temps;  puis  troisième  rechute;  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  quatre, 
cinq,  voire  même  six  reprises!  — C'est  à  cette  forme  «  réellement  incom- 
préhensible »  de  la  maladie  qu'on  a  donné  le  nom  bien  mérité  de  chaude- 
pisse  à  répétition. 

V.  Enfin  la  marche  de  la  maladie  est  très-souvent  modifiée  par  le 
traitement  de  la  façon  suivante.  Lorsqu'à  une  époque  plus  ou  moins 
rapprochée  du  début,  la  médication  suppressive  (balsamiques,  injections) 
est  mise  en  œuvre,  l'écoulement  diminue  sans  disparaître  complètement, 
la  miction  ne  devient  pas  douloureuse,  les  phénomènes  aigus  de  la  pé- 
riode initiale  ne  se  développent  pas  ;  la  maladie  semble,  sinon  guérie,  du 
moins  comprimée  et  disposée  à  s'éteindre.  Une  blennorrhagie  récente 
paraît  de  la  sorte  amenée  dans  l'espace  de  quelques  jours  à  la  période  de  dé- 
clin. Mais  bientôt  les  choses  changent  de  face  :  le  malade  cesse-t-il  le  trai- 
tement, tout  aussitôt  l'écoulement  augmente,  redevient  intense  et  puru- 
lent. A  ce  moment,  si  la  médication  est  reprise,  les  mêmes  phénomènes  se 
répètent  ;  de  nouveau  la  sécrétion  uréthrale  se  supprime,  pour  reparaître 
dès  que  la  médication  sera  suspendue,  et  ainsi  de  suite.  La  même  scène 
peut  se  renouveler  trois,  quatre,  cinq  fois  et  même  bien  davantage.  C'est 
déjà  là  un  fait  curieux.  De  plus,  ce  qui  n'est  pas  moins  intéressant  dans 
cette  évolution  artificielle  de  la  maladie,  c'est  qu'aucune  de  ces  recrudes- 
cences successives  ne  reproduit  —  du  moins  habituellement  —  l'ensemble 
complet  de  la  période  aiguë,  tel  qu'on  l'observe  dans  les  cas  où  l'affection 
suit  sa  marche  naturelle.  La  rechute  ne  se  traduit  guère  que  par  un  seul 
phénomène,  la  reprise  de  l'écoulement  ;  mais  l'on  n'observe  avec  elle  ni 
ces  douleurs  cuisantes  de  la  miction,  ni  ces  érections  si  pénibles,  ni  cet 
éréthisme  local,  ni  ces  divers  symptômes  qui  caractérisent  normalement 
la  période  d'acuïté.  Cette  période  fait  défaut  ;  elle  est  en  quelque  sorte 
supprimée  par  la  médication;  la  maladie  est  réduite  à  une  sorte  d'état 
sub-aigu,  qui,  sous  des  apparences  de  bénignité  relative,  constitue  en 
léalité  une  des  formes  les  plus  lentes  à  se  résoudre,  les  plus  difficiles  à 
guérir. 

D'autres  fois,  l'emploi  prématuré  de  la  médication  suppressive  réagit 
différemment  sur  les  symptômes.  Il  les  exaspère  au  lieu  de  les  calmer. 
Les  injections  notamment  sont  parfois  mal  tolérées;  elles  irritent  vivement 
l'urèthre  qui  s'enflamme  et  prend  une  teinte  purpurine;  l'écoulement 
change  alors  de  caractère  ;  il  devient  remarquablement  séreux,  ou  bien  il 
se  mélange  de  sang  et  dépose  sur  le  linge  de  larges  taches  rosées  ou  rou- 
geàtres  (blennorrhagie  rouge);  en  même  temps,  il  se  produit  des  douleurs 
très-vives  dans  la  miction,  de  la  dysurie,  quelquefois  même  de  la  réten- 
tion d'urine,  tous  phénomènes  qui  témoignent  dune  violente  irritation  des 
parties.  Cet  état  sur-aigu  persiste  généralement  plusieurs  jours  ;  il  est  la 
conséquence  évidente  d'une  médication  intempestive. 

Terminaisons.  —  I.  La  blennorrhagie  aiguë  aboutit  soit  à  la  guéri- 
son,  ce  qui  est  le  cas  le  plus  habituel,  soit  à  la  blennorrhagie  chronique, 
soit  enfin  à  la  blennorrhée.  —  La  blennorrhagie  chronique  n'est  elle-même, 


BLENNORRHAGIE.    -  terminaisons.  449 

le  plus  souvent,  qu'une  étape  intermédiaire  entre  l'état  aigu  et  la  blen- 
norrhée. 

La  blennorrhée  est  vulgairement  connue  sous  les  noms  de  goutte  mi- 
litaire, de  goutte  matinale,  de  suintement  habituel  ou  chronique.  Elle  est 
d'une  excessive  fréquence,  et  cela  à  tous  les  âges,  dans  toutes  les  classes 
de  la  société.  On  ne  saurait  même  croire  combien  il  est  commun  de  la 
rencontrer  chez  des  sujets  qui  n'en  soupçonnent  pas  l'existence. 

On  la  confond  souvent,  mais  à  tort,  avec  la  blennorrbagie  chronique. 
A  mon  sens,  ces  deux  états  sont  très-distincts  ;  chacun  d'eux  se  caracté- 
rise comme  il  suit  : 

1°  Sous  l'influence  de  causes  variées,  une  blennorrhagie  peut  se  pro- 
longer plusieurs  mois,  plusieurs  années  même.  Les  phénomènes  aigus  sont 
alors  éteints  complètement;  la  miction  n'est  plus  pénible;  les  érections 
ne  sont  plus  douloureuses;  tout  au  plus  le  malade  conserve-t-il  quelque 
sensibilité  localisée  dans  un  point  du  canal  ou  quelques  titillations  pas- 
sagères. Cependant  l'écoulement  persiste;  il  est  encore  purulent,  jaune  et 
assez  abondant.  Il  tache  le  linge  à  la  façon  d'une  chaude-pisse  qui  com- 
mence à  entrer  dans  sa  période  de  déclin.  De  plus,  l'urèthre  offre  habi- 
tuellement une  couleur  d'un  rouge  sombre  ou  d'un  pourpre  fort  ce, 
qui  témoigne  d'un  état  d'inflammation  déjà  ancien  de  la  muqueuse.  — 
La  maladie,  à  cette  époque,  est  parfois  stationnaire  et  uniforme  ;  par- 
fois aussi  elle  subit  des  recrudescences  temporaires  sous  l'influence 
d'excitations  diverses.  —  C'est  à  cette  forme  de  l'affection  qu'il  con- 
vient, je  crois,  de  donner  le  nom  de  blennorrhagie  chronique. 

2°  Tout  autre  est  la  blennorrhée.  Elle  se  distingue  de  la  forme  précé- 
dente par  Y  abondance  bien  moindre  et  par  le  caractère  moins  purulent  de 
la  sécrétion  morbide.  À  vrai  dire,  il  y  a  plutôt  suintement  qu'écoulement 
véritable  dans  la  blennorrhée.  Pendant  le  jour,  le  linge  du  malade  n'est 
pas  taché,  ou  ne  l'est  que  par  d'imperceptibles  gouttelettes  grisâtres,  au 
centre  desquelles  on  distingue  parfois  un  léger  reflet  jaune;  le  canal  est 
simplement  humide,  mouillé  dune  liqueur  incolore  et  filante,  qui 
agglutine  incomplètement  les  lèvres  du  méat.  Le  matin  seulement,  au 
lever,  c'est-à-dire  après  plusieurs  heures  passées  sans  miction,  il  se  pré- 
sente à  l'orifice  uréthral  une  goutte  laiteuse  ou  jaunâtre,  constituée  par 
un  muco-pus  visqueux  et  épais;  c'est  même  moins  une  goutte  liquide  en 
certains  cas  qu'un  grumeau  consistant.  Déposée  sur  le  linge,  cette  sécré- 
tion matinale  fait  une  tache  à  centre  jaune  et  à  large  aréole  grise.  C'est 
elle  encore  qui,  balayée  par  la  miction ,  produit  ces  longs  filaments 
blanchâtres  qui  nagent  dans  l'urine  et  que  les  malades  comparent  à  de 
petits  serpents,  à  de  petites  anguilles.  —  L'indolence  est  le  plus  souvent 
absolue  ;  elle  est  toujours  plus  complète  en  tout  cas  que  dans  la  blennor- 
rhagie chronique  ;  aussi  la  goutte  militaire  passe-t-elle  fréquemment 
inaperçue.  —  Enfin,  si  des  recrudescences  peuvent  encore  se  produire 
dans  cet  état  si  atténué  de  la  maladie,  elles  ne  succèdent  guère  qu'à  de 
très-vives  excitations  du  canal;  elles  sont  exceptionnelles  relativement  à 
la  fréquence  de  celles  qu'on  observe  dans  la  blennorrhagie  chronique. 


150  BLENNORRHAGIE.  —  terminaisons. 

Donc,  cliniquement,  des  différences  très-accusées  séparent  la  blennor- 
rhagie chronique  de  la  blennorrhée,  et  je  crois  qu'il  y  a  un  véritable 
intérêt  nosologique  à  distinguer  ces  deux  états  trop  habituellement  con- 
fondus. 

II.  Si  la  blennorrhagie  chronique  n'est  pas  traitée,  elle  peut  rester 
très-longtemps  stationnaire;  puis  elle  finit  par  se  tarir,  et  passe  finale- 
ment à  l'état  de  blennorrhée.  —  Sous  l'influence  d'un  traitement  métho- 
dique, elle  peut  guérir  ;  mais  la  guérison  est  toujours  lente  et  difficile  ; 
elle  ne  se  maintient  de  plus  qu'au  prix  d'une  longue  continence.  Si  les 
malades  reprennent  trop  tôt  les  rapports  ou  se  laissent  aller  à  quelques 
excès  de  table,  il  n'est  pas  rare  que  l'écoulement  reparaisse,  et  cela  du 
jour  au  lendemain.  C'est  sur  de  tels  sujets  à  urèthre  chroniquement  en- 
flammé et  facilement  irritable  qu'on  voit  des  blennorrhagies  se  déclarer 
sans  incubation,  quelques  heures  après  le  coït.  Ces  blennorrhagies  de 
retour  ont  en  général  peu  d'acuité  ;  mais  elles  traînent  en  longueur, 
prennent  une  forme  indolente  et  stationnaire,  résistent  aux  médications 
les  plus  rationnelles,  et  guérissent  assez  rarement  d'une  façon  complète. 

La  blennorrhée  a,  comme  nous  l'avons  dit  précédemment,  une  durée 
beaucoup  plus  longue.  Parfois  elle  s'épuise,  usée  par  le  temps,  pour  ainsi 
dire.  Souvent  aussi  elle  s'éternise  et  dure  ce  que  dure  la  vie  des  malades. 

III.  Sous  ces  formes  chroniques,  la  blennorrhagie  peut  avoir  des  con- 
séquences très-sérieuses.  Elle  détermine  souvent  des  lésions  profondes  de 
l'urèthre  que  nous  étudierons  bientôt  (épaississements,  ulcérations  de  la 
muqueuse,  rétrécissements,  etc.);  parfois  aussi  elle  est  l'origine  évidente 
de  complications  d'ordre  divers,  portant  sur  le  col  vésical,  l'épididyme, 
la  prostate,  les  vésicules  séminales,  etc.  Inversement  elle  reste  souvent 
inoffensive.  De  là  un  pronostic  très-inégal  suivant  les  cas,  grave  ici  et  là 
très-bénin. 

La  blennorrhée  est  une  affection  toute  locale  qui  par  elle-même  ne  sau- 
rait altérer  la  santé.  Toutefois  il  n'est  pas  rare  de  la  voir  réagir  sur  l'en- 
semble des  fonctions  par  l'influence  désastreuse  qu'elle  exerce  parfois  sur 
le  moral.  Certains  malades  font  de  cette  goutte  uréthrale  l'objet  de  leurs 
préoccupations  constantes;  il»  l'épient,  ils  la  cherchent  à  chaque  instant 
clu  jour;  ils  se  découragent,  essayent  de  cent  remèdes,  et  finalement 
tombent  dans  un  véritable  état  de  désespoir.  Des  troubles  psychiques 
(hypochondrie,  mélancolie)  peuvent  alors  se  manifester  et  aboutir  même 
au  suicide. 

Hâtons-nous  d'ajouter  que  les  conséquences  graves  de  la  blennorrhée 
sont  en  somme  assez  rares,  que  ces  dernières  en  particulier  sont  tout  à 
fait  exceptionnelles.  Aussi  la  maladie  ne  comporte-t-elle  pas  le  pronostic 
effroyable  que  lui  ont  assigné  certains  auteurs.  «  Un  simple  suintement 
uréthral,  dit  Desruelles,  peut  produire  des  résultats  terribles.  C'est  une 
affection  grave,  profonde,  qui  s'enracine  de  plus  en  plus  avec  les  années, 
qui  désorganise  le  canal,  qui  répand  son  influence  sur  Vorganisme  en- 
tier, marche  environnée  d'accidents  les  plus  inattendus,  de  lésions  les  plus 
bizarres,  d'infirmités  les  plus  dégoûtantes...,  qui  peut  empoisonner  les 


BLENNORRHAGIE.  —  terminaisons.  151 

premiers  embrassements  d'une  épouse  et  maculer  les  fruits  d'une  union 
légitime,  »  etc.  Exagérations  évidentes  dont  l'observation  clinique  fait  fa- 
cilement justice. 

IV.  Il  est  d'un  haut  intérêt,  au  point  de  vue  pratique,  de  rechercher 
les  causes  qui  peuvent  entraver  la  guérison  de  la  blennorrhagie  et  favo- 
riser le  passage  à  l'état  chronique. 

Ces  causes  sont  multiples  et  variées.  Malgré  leur  diversité,  elles  peu- 
vent se  ranger  sous  les  quatre  chefs  suivants  : 

1°  Défaut  d'hygiène.  —  Il  est  une  hygiène  spéciale  de  la  blennorrhagie, 
plus  indispensable  même  que  les  remèdes  à  la  guérison.  Toutes  les  causes 
qui  transgressent  cette  hygiène  exaspèrent  et  entretiennent  la  maladie. 
Signalons  comme  les  plus  fréquentes  : 

a.  Les  excitations  sexuelles  de  tout  genre  :  coït,  onanisme,  érections 
suivies  ou  non  de  pollutions,  etc.  Il  est  très-habituel  de  voir  un  simple 
rapport  dans  le  cours  de  la  maladie  devenir  l'origine  d'une  recrudescence 
plus  ou  moins  vive  ou  de  diverses  complications  que  nous  étudierons 
bientôt.  De  même  la  reprise  prématurée  des  relations  sexuelles  rappelle 
souvent  un  écoulement  tari  depuis  plusieurs  jours.  —  De  même  encore, 
chez  certains  sujets,  des  pollutions  fréquentes  entretiennent  l'excitation 
du  canal  et  favorisent  la  tendance  à  la  chronicité. 

b.  Les  écarts  de  régime  (excès  alcooliques);  l'usage  de  certains  aliments 
(asperges,  huîtres,  fruits  acides?)  et  surtout  de  certaines  boissons  (bière, 
cidre,  vins  blancs,  Champagne,  eau-de-vie,  café,  etc.).  La  bière  surtout  est 
particulièrement  nuisible.  Je  l'ai  vue  d'une  façon  très-certaine  déterminer 
des  rechutes,  et  je  m'étonne  que  sa  mauvaise  influence  soit  contestée  par 
quelques  médecins. 

c.  Fatigues;  veilles;  excès  de  marche;  danse,  bals;  équitation.  Chez 
bon  nombre  de  malades,  l'écoulement  est  évidemment  entretenu  par  ces 
diverses  causes. 

2°  Mauvaise  direction  du  traitement.  —  C'est  là  une  des  causes  les  plus 
habituelles  du  passage  de  la  blennorrhagie  à  l'état  chronique. 

Une  thérapeutique  mal  conçue,  l'emploi  de  moyens  inefficaces  ou  nui- 
sibles, l'usage  intempestif  ou  l'abus  des  meilleurs  remèdes,  occupent  une 
large  place  dans  l'étiologie  de  la  blennorrhée. 

En  premier  lieu,  l'administration  trop  prolongée  des  a ntiph logistiques. 
des  émollients,  des  boissons  délayantes,  amène  parfois  certains  écoulé 
ments  uréthraux  à  l'état  de  suintements  atoniques  singulièrement  rebelles 
et  persistants. 

Bien  plus  souvent,  l'usage  intempestif  de  la  médication  dite  suppres- 
sive  (balsamiques,  injections)  contribue  à  entretenir  et  à  prolonger  l'é- 
coulement. L'histoire  d'un  grand  nombre  de  malades  peut  se  résumer  de 
la  sorte.  Empressés  d'en  finir  au  plus  vite  avec  un  mal  qui  les  importune, 
ils  se  hâtent  d'absorber,  au  plus  fort  de  l'inflammation,  de  fortes  doses 
de  cubèbe  et  de  copahu,  ou  bien  ils  s'administrent  force  injections.  Qu'ar- 
rive-t-il  alors?  L'écoulement  diminue;  cela  donne  bon  espoir.  Puis,  à  un 
moment  donné,  on  cesse  la  médication;  alors  l'écoulement  reparaît.  Nou- 


452  BLENNORRHAGIE.  —  variétés. 

veau  traitement,  analogue  au  premier  ;  même  diminution  apparente  des 
phénomènes,  puis  rechute,  et  ainsi  de  suite  pendant  des  semaines  entiè- 
res, souvent  même,  le  croirait-on?  pendant  deux,  trois  et  six  mois  de 
suite.  De  là,  comme  conséquences,  excitation  prolongée  du  canal,  entretien 
de  la  maladie,  tendance  à  la  chronicité,  et  tout  cela  se  produisant,  no- 
tons-le bien,  sous  l'influence  des  mêmes  remèdes  qui,  administrés  d'une 
façon  opportune,  auraient  facilement  assuré  la  guérison  en  quelques 
jours. 

Il  en  est  de  même  de  l'association  de  traitements  opposés,  dont  les 
effets  se  neutralisent  réciproquement  (balsamiques  et  tisanes,  bains  et 
injections,  etc.).  —  Fort  souvent  un  bain  pris  intempestivement,  pendant 
le  cours  ou  à  la  suite  de  la  médication  suppressive,  suffit  pour  rappeler 
un  écoulement  tari  ou  près  de  se  tarir. 

Une  autre  cause  moins  fréquente,  mais  non  moins  réelle,  qui  prolonge 
la  maladie,  c'est  l'excès,  l'abus  de  traitement.  Certains  sujets  ne  croient 
jamais  faire  assez  pour  se  débarrasser  complètement;  ils  se  prodiguent 
toute  espèce  de  drogues;  ils  s'administrent  injections  sur  injections,  et 
se  fatiguent  le  canal  à  force  de  remèdes.  J'ai  vu  de  la  sorte  plusieurs  ma- 
lades qui,  guéris  de  leur  blennorrhagie,  s'étaient  donné  de  véritables 
uréthrites  d'injections. 

3°  Prédispositions  individuelles .  —  Tempérament  lymphatique  ou  scro- 
fuleux;  —  faiblesse  de  constitution;  —  diathèses  diverses  (rhumatisme, 
herpétisme,  etc.);  —  idiosyncrasies.  Il  est  certains  sujets  mal  doués  chez 
lesquels  toute  blennorrhagie  revêt  d'emblée  les  allures  de  la  forme  chro- 
nique. 

4°  Causes  locales.  —  Excitation  habituelle  de  l'urèthre  par  excès  vé- 
nériens ou  alcooliques;  —  antécédents  de  blennorrhagies  multiples  (Ri- 
cord  a  dit  avec  raison  :  «  Plus  on  a  eu  de  blennorrhagies,  plus  facilement 
on  en  contracte  de  nouvelles,  qui  sont  de  moins  en  moins  douloureuses  et 
de  plus  en  plus  difficiles  à  guérir)));  —  atrésie  congéniale  du  méat  uri- 
naire;  —  maladies  diverses  des  organes  voisins  entretenant  vers  l'urèthre 
un  état  de  congestion  habituelle  (hémorrhoïdes,  rectite,  prostatite,  cystite 
chronique;  constipation, etc.) 

Variétés.  —  La  maladie  comporte  un  nombre  infini  de  variétés  dont 
l'étude  détaillée  ne  saurait  trouver  place  dans  un  ouvrage  de  cette 
nature. 

Il  est  d'abord  des  variétés  multiples  dans  l'intensité  des  phénomènes. 
Entre  les  cas  légers  et  les  cas  graves,  tous  les  degrés  intermédiaires  sont 
possibles  et  se  rencontrent  fréquemment. 

Il  y  a,  de  plus,  de  nombreuses  variétés  au  point  de  vue  des  symptômes, 
des  formes,  des  complications,  de  la  durée.  Nous  eu  avons  déjà  signalé 
plusieurs  incidemment.  Ajoutons  quelques  mots  sur  certaines  particula- 
rités intéressantes. 

L'écoulement  n'est  pas  toujours,  comme  nous  l'avons  décrit,  purulent 
et  phlegmoneux.  Parfois  il  se  rapproche  des  sécrétions  catarrhales;  il  est 
visqueux,  filant,  plutôt  pvo-muqueux  que  purulent.  —  D'autres  fois  il  est 


BLENNORRHAGIE.  —  variétés.  153 

remarquablement  séreux;  il  offre  alors  une  liquidité  singulière;  les  taches 
qu'il  laisse  sur  le  linge  sont  très-étendues,  jaunâtres  plutôt  que  jaunes, 
avec  une  aréole  simplement  grise.  —  En  quelques  cas  plus  rares,  il 
affecte  une  teinte  rosée  ou  rougeàtre  qui  persiste  plusieurs  jours.  Cet 
écoulement  menstruiforme,  dit  Ricord,  s'observe  parfois  dans  les  blennor- 
rhagies  contractées  au  contact  des  règles. 

La  maladie  ne  présente  pas  toujours  l'évolution  classique  que  nous 
avons  décrite,  c'est-à-dire  une  succession  de  périodes  à  caractères  oppo- 
sés (augment,  état,  déclin).  11  est  des  blennorrhagies  plus  uniformes  où 
ces  divers  stades  sont  à  peine  distincts.  Les  symptômes  y  sont  à 
peu  près  stationnaires  du  début  à  la  terminaison  ;  les  phénomènes 
inflammatoires  y  font  presque  défaut;  on  n'y  distingue  ni  phase  ascen- 
dante ni  phase  descendante  bien  marquée.  C'est  là  ce  qu'on  appelle 
la  blennorrhagie  sub-aiguë. 

Il  est  des  blennorrhagies  partielles,  c'est-à-dire  qui  n'envahissent  pas 
toute  l'étendue  du  canal.  —  Il  en  est  d'autres  qui  ne  débutent  pas  par  la 
région  balanique  pour  remonter  ensuite  l'urèthre,  comme  c'est  la  règle  ; 
d'emblée  elles  s'établissent  sur  une  portion  reculée  du  canal,  par  exemple 
sur  les  régions  membraneuse  ou  prostatique.  Celles-ci  ne  sont  primitives 
que  d'apparence  ;  en  réalité,  ce  sont  des  recrudescences  de  blennorrhagies 
anciennes,  au  niveau  de  lésions  persistantes  de  l'arrière-canal. 

Certaines  blennorrhagies  ont  une  forme  toute  spéciale  de  début.  Elles 
s'annoncent  par  un  suintement  aqueux,  limpide,  transparent,  lequel,  au 
lieu  de  prendre  rapidement  les  caractères  de  la  purulence,  conserve  le 
même  aspect  pendant  plusieurs  jours,  8,  10,  15  jours,  parfois  même  au 
delà.  Puis,  tout  à  coup,  soit  à  l'occasion  d'un  rapport,  soit  même  sans 
provocation,  ce  suintement  dégénère,  devient  jaune,  purulent,  blennor- 
rhagique  en  un  mot.  Alors  aussi  se  manifestent  les  symptômes  habituels  de 
la  maladie,  douleurs,  érections,  etc.  —  Il  semble,  dans  les  cas  de  cet 
ordre,  que  la  blennorrhagie  vraie  soit  précédée  dune  période  d'excitation 
simple  du  canal,  analogue  à  celle  qui  constitue  l'uréthritc. 

Signalons  enfin  des  différences  singulières  dans  l'évolution  et  les  ten- 
dances spontanées  de  la  maladie.  Le  cas  le  plus  habituel,  c'est  que  les 
symptômes,  après  un  temps  donné,  s'atténuent  d'eux-mêmes,  en  dehors  de 
l'influence  médicatrice.  On  observe  aussi  parfois,  bien  que  cela  soit  assez 
rare,  des  écoulements  qui  se  suppriment  complètement,  sans  traitement 
spécial,  par  le  seul  fait  d'une  hygiène  bien  observée.  —  Inversement,  il 
est  des  cas  où,  en  dépit  des  soins  les  plus  intelligents  et  les  plus  attentifs, 
les  phénomènes  morbides  persistent  un  temps  fort  long,  sans  la  moindre 
tendance  à  décroître.  Ou  bien  encore  les  symptômes  aigus  s'apaisent, 
mais  l'amélioration  ne  se  continue  pas  au  delà;  l'écoulement  subsiste, 
indolent,  passif,  stationnaire.  L'évolution  semble  enrayée,  et  des  mois 
entiers  s'écoulent  sans  modification.  —  Puis,  à  côté  de  ces  faits,  il  en  est 
d'autres  où  la  guérison  s'opère  malgré  tout,  dans  les  conditions  les  plus 
aptes  à  exaspérer  la  maladie.  C'est  une  croyance  très-répandue  qu'un  fort 
excès,  qu'une  orgie,  qu'une  «  bonne  noce,  »  pour  parler  le  langage  de 


154  BLENNORRHAGIE.  —  lésions. 

certains  malades,  peut  guérir  un  écoulement.  Beaucoup  de  gens  essayent  de 
ce  remède  et  n'ont  guère  à  s'en  louer  ;  mais  certains  privilégiés  s'en  trou- 
vent fort  bien,  cela  n'est  pas  contestable.  Pour  ma  part  j'ai  vu  deux  fois, 
mais  deux  fois  seulement,  des  blennorrhagies  être  guéries  de  la  sorte.  Dans 
un  cas,  l'écoulement  cessa  le  lendemain  d'un  excès  vénérien  (quatre  rapports 
dans  une  nuit),  arrosé  de  copieuses  libations  de  vin  blanc.1  Dans  l'autre, 
une  blennorrhagie,  qui  pendant  plusieurs  mois  avait  résisté  à  toutes  les 
médications,  fut  supprimée  par  la  reprise  des  rapports  et  l'usage  immo- 
déré de  la  bière. 

Lésions.  —  I.  On  considérait  autrefois  l'écoulement  blennorrhagique 
soit  comme  un  simple  flux  de  semence  corrompue,  soit  comme  le  résultat 
de  l'inflammation  des  prostates,  des  vésicules  séminales,  des  glandes  de 
Cowper,  soit  surtout  comme  le  produit  d'ulcérations  développées  aux 
dépens  de  la  muqueuse  uréthrale.  Astruc,  par  exemple,  pour  ne  citer 
qu'un  seul  nom,  admettait  encore,  au  siècle  dernier,  que  la  gonorrbée 
virulente  «  a  son  siège  dans  les  réservoirs  des  humeurs  séminales,  c'est- 
à-dire  dans  les  vésicules,  les  glandes  de  Cowper,  les  cellules  uréthrales 
(surtout  au  niveau  de  la  fosse  naviculaire  où  l'on  sait  par  expérience 
qu'il  se  rencontre  le  plus  souvent  des  ulcérations  considérables),  et  plus 
spécialement  dans  les  deux  prostates,  qui,  comme  l'ont  démontré  un 
grand  nombre  de  médecins  (Rondelet,  Forestus,  Bartholin,  etc.),  sont  la 
principale  origine  de  l'écoulement.  »  L'observation  a  fait  justice  de  ces 
vieilles  erreurs.  Il  résulte  aujourd'hui  d'un  grand  nombre  de  faits  et  de 
nécropsies  :  1°  que  le  siège  de  la  blennorrhagie,  dégagée  de  ses  compli- 
cations, est  la  muqueuse  uréthrale  ;  2"  que  les  lésions  constatées  à  l'état 
aigu  consistent  simplement  en  ceci  :  rougeur  et  injection  de  la  muqueuse, 
laquelle  se  présente  parfois  comme  dépolie  en  certains  points  ,  mais 
conserve  habituellement  sa  consistance  et  son  épaisseur  normale.  Sou- 
vent l'injection  est  limitée  à  une  portion  du  canal,  comme  la  fosse  navi- 
culaire, la  région  membraneuse  ou  la  région  prostatique,  ce  qui  vraisem- 
blablement n'est  pas  sans  rapport  avec  l'âge  de  la  maladie.  L'examen 
endoscopique  démontre  en  effet,  comme  nous  l'avons  vu  précédemment, 
que  toute  l'étendue  du  canal  n'est  pas  affectée  simultanément  au  même 
degré.  Certaines  parties  sont  même  revenues  à  l'état  sain ,  alors  que 
d'autres  présentent  les  caractères  de  l'inflammation.  (Voy.  Marche, 
page  145.) 

Le  plus  habituellement,  tout  se  borne  à  ces  phénomènes  d'hyperémie, 
assez  légers  en  somme.  11  est  même  à  remarquer  qu'en  certains  cas  les 
lésions  sont  très-faiblement  accusées  ;  la  muqueuse  peut  ne  présenter  que 
des  modifications  presque  insignifiantes  de  teinte  et  de  vascularisation. 
Citons  comme  exemple  une  autopsie  de  Ph.  Boyer,  dans  laquelle  on  ne 
constata  que  de  la  rougeur  sur  la  partie  antérieure  du  canal,  rougeur  si 
peu  caractérisée  qu'on  fut  porté  à  la  considérer  comme  un  phénomène 
cadavérique,  un  effet  de  la  position  déclive  du  gland.  Je  pourrais  citer, 
pour  ma  part,  deux  faits  semblables,  dans  lesquels  l'urèthre  paraissait 
presque  absolument  sain. 


BLENNORRHÂGIE.  —  lésions.  155 

On  trouve  encore  signalées,  dans  quelques  nécropsies,  les  lésions  suivan- 
tes :  tuméfaction  de  la  muqueuse  ;  —  arborisation  linéaire,  injection  ponc- 
tuée du  canal;  — rougeur  des  sinus  uréthraux,  quelquefois  gorgés  d'une 
matière  puriforme  qui  en  sort  par  pression  (Morgagni)  ;  —  granulations 
développées  sur  certains  points  limités  du  canal  et  le  plus  souvent  réunies 
en  groupe.  Sur  un  sujet  mort  au  trente-troisième  jour  d'une  blennorrhagie, 
Cullerier  a  observé  «  outre  la  rougeur  et  le  gonflement  de  la  muqueuse, 
une  vingtaine  de  petites  granulations  réunies  en  groupe  et  placées  à  la 
paroi  inférieure  dans  la  région  prostatique  ;  elles  étaient  toutes  sembla- 
bles aux  granulations  delà  conjonctive;  autour  d'elles  on  voyait  se  rami- 
fier des  capillaires  injectés.  » 

On  ne  rencontre  pas  d'ulcérations  à  proprement  parler,  c'est-à-dire  de 
pertes  de  substance  de  la  muqueuse.  C'est  là  un  fait  que  Morgagni,  Sharp 
et  W.  limiter  ont  démontré  presque  simultanément,  et  que  des  observa- 
tions ultérieures  (J.  Iïunter,  Stoll,  Swediaur,  Cullerier  neveu,  Ri- 
cord,  etc.)  ont  pleinement  confirmé.  Mais  ce  que  Ton  observe,  surtout 
dans  les  cas  où  l'inflammation  est  un  peu  vive,  c'est  une  exfoliat'wn 
remarquable  de  l'épithélium,  souvent  très-accusée,  et  pouvant  aller, 
dit-on,  jusqu'à  dénuder  la  muqueuse.  Pour  quelques  médecins,  cet  état 
serait  de  l'ulcération.  «  Nous  pouvons  conclure  de  nos  observations, 
dit  l'habile  inventeur  de  l'endoscope,  que  les  auteurs  qui  admettaient, 
comme  J.  Cruvcilhier,  que  l'écoulement  uréthral  provenait  tf  ulcérations, 
étaient*complétement  dans  le  vrai,  puisque  la  muqueuse  présente  tous  les 
caractères  d'une  ulcération  superficielle.  »  A.  mon  sens,  cette  lésion  n'est 
pas,  à  vrai  dire,  de  l'ulcération;  c'est  le  début,  la  première  phase  d'un 
travail  d'exulcération,  et  rien  de  plus.  Notons  d'ailleurs  que  ce  travail  mor- 
bide s'arrête  toujours  à  cette  première  étape  sans  aller  au  delà,  qu'il 
n'entame  jamais  la  muqueuse,  du  moins  à  l'état  aigu,  qu'il  se  limite  aux 
éléments  les  plus  superiiciels  des  tissus,  c'est-à-dire  à  leur  revêtement 
épithélial. 

IL  Lorsque  l'inflammation  devient  plus  ancienne,  elle  gagne  en  profon- 
deur, elle  s'étend  à  l'épaisseur  de  la  muqueuse  et  même  parfois  aux  tissus 
sous-jacents,  notamment  au  tissu  spongieux  dont  les  aréoles  s'infiltrent 
et  s'effacent;  elle  s'insinue  encore  dans  les  follicules  annexés  au  canal  qu'on 
trouve  parfois  remplis  de  pus,  dans  les  conduits  glandulaires,  dans  les 
glandes,  etc.  La  muqueuse  présente  à  cette  époque  une  teinte  plus  som- 
bre, d'un  rouge  plus  foncé  ;  souvent  elle  est  épaissie  notablement  et  sa 
consistance  est  augmentée. 

De  plus,  à  mesure  qu'elle  avance  en  âge,  l'inflammation  se  concentre 
sur  certains  points  de  l'urèthre,  tandis  que  les  autres  parties  reviennent  à 
l'état  sain.  C'est  presque  toujours  dans  Y  arrière-canal  que  se  confinent 
les  lésions  de  la  blennorrhée,  c'est-à-dire  au  niveau  delà  région  bulboso- 
prostatique;  bien  plus  rarement  on  les  rencontre  dans  la  portion  pénienne 
ou  seulement  dans  la  région  balanique.  Parfois  encore  ces  lésions  sont 
multiples  et  occupent  des  points  plus  ou  moins  distants  dans  le  canal, 
sous  forme  de  foyers  circonscrits  de  phlegmasie  chronique,  entre  lesquels 


150  BLENNORRHAGIE.  —  lésions. 

les  parties  intermédiaires  offrent  à  l'endoscope  les  apparences  de  l'état 
physiologique. 

Lorsque  la  chronicité  est  établie  depuis  longtemps,  des  désordres  très- 
divers  peuvent  s'observer  dans  l'urèthre  et  les  parties  voisines.  Ce  sont, 
pour  ne  parler  que  des  plus  fréquents  :  des  excoriations,  voire  même  des 
ulcérations  de  la  muqueuse,  présentant  l'aspect  de  petites  plaies  rougeâ- 
tres,  saignantes,  souvent  inégales  et  granuleuses,  parfois  aussi  sembla- 
bles à  des  bourgeons  charnus  et  constituant  des  saillies  fongueuses  que 
l'on  retrouve  décrites  dans  les  anciens  auteurs  sous  les  noms  de  caron- 
cules, de  carnosités,  de  chairs  exubérantes,  etc.;  —  des  désorganisations 
variées  de  la  muqueuse,  laquelle  est  en  général  épaissie,  moins  élastique, 
ferme,  et  parfois  même  indurée.  Ces  épaississements  sont  habituellement 
limités  à  une  faible  étendue  du  canal;  il  en  est  toutefois  de  considéra- 
bles; ainsi,  on  en  a  cité  qui  avaient  envahi  toute  la  longueur  de  la  ré- 
gion spongieuse.  Le  plus  souvent,  ils  n'occupent  qu'un  segment  du  cy- 
lindre uréthral;  d'autres  fois  ils  sont  annelés,  c'est-à-dire  qu'ils  con- 
stituent une  virole  plus  ou  moins  complète  autour  du  canal.  Ils  sont 
constitués  par  des  tissus  d'organisation  nouvelle,  ou  plutôt  par  les  tissus 
normaux  infiltrés  de  productions  pathologiques  analogues  à  celles  que 
l'on  rencontre  dans  les  exsudats  organisés  ou  en  voie  d'organisation. 
«  On  dirait  qu'une  substance  albumineuse  s'est  déposée  dans  les  mailles 
de  la  membrane  muqueuse  et  du  tissu  cellulaire  sous-jacent,  comme  dans 
une  éponge.  »  (Lallemand).  Aussi  l'épaisseur  de  la  muqueuse  est-elle  sou- 
vent doublée,  parfois  même  triplée  ou  quadruplée.  Cette  membrane  offre 
en  même  temps  une  résistance,  une  dureté  plus  ou  moins  considéra- 
ble. Desruelles  dit  avoir  observé  dans  un  cas  toute  la  muqueuse  racornie 
et  semblable  «  à  du  parchemin  desséché.))  —  Des  engorgements  de  même 
nature  se  rencontrent  aussi  dans  les  tissus  sous-muqueux,  dans  le  tissu 
cellulaire,  dans  la  trame  spongieuse  de  l'urèthre  dont  les  aréoles  sont  ef- 
facées par  des  dépôts  plastiques  et  converties  en  une  substance  blanchâ- 
tre, fibroïde,  dure  et  inextensible  ;  enfin  on  en  observe  jusque  dans  les 
corps  caverneux,  où  des  épanchements  inflammatoires  constituent  des  no- 
dosités plus  ou  moins  volumineuses. 

Parfois  encore  on  observe  :  des  brides  uréthrales  développées  à  la  sur- 
face de  la  muqueuse,  brides  dont  le  mode  de  formation  a  été  diversement 
expliqué.  (Voyez  Urèthre,  rétrécissements);  —  des  phlegmasies  suppura- 
tives  des  glandes  de  Littre  ou  des  lacunes  de  Morgagni.  Certaines  bien- 
norrhées  ne  sont  dues  qu'à  la  suppuration  de  ces  follicules  glandulaires. 
La  phlegmasie  chronique  de  ces  glandes  détermine  à  la  longue  soit 
leur  atrophie  et  leur  oblitération,  soit  la  dilatation  de  leurs  orifices. 
Ainsi  Morgagni  cite  plusieurs  cas  où  il  ne  restait  qu'an  seul  de  tous  les 
sinus  uréthraux;  il  n'en  subsistait  pas  même  un  dans  un  autre  cas  du 
même  auteur.  «Rien  n'est  plus  vraisemblable,  ajoute-t-il,  qu'une  inflam- 
mation et  une  ulcération  étant  survenues  dans  les  sinus,  leurs  parois  tines 
et  membraneuses  se  réunirent  entre  elles,  et  que  la  cavité  fut  interceptée 
et  détruite  de  cette  manière...  »  Inversement,  il  est  d'autres  cas  où  les 


BLENiNOIUUlAGIE.   —  lésions.  157 

orifices  glandulaires  sont  tellement  dilatés  que  la  muqueuse  prend  un 
aspect  aréolaire  (Hunier). 

Bien  plus  rarement  on  a  signalé  :  des  végétations  sessiles  ou  pédicu- 
lées,  développées  vraisemblablement  sur  la  surface  d'anciennes  exulcé- 
rations urétbrales  ;  —  des  lésions  diverses  du  verumontanum  (gonflement, 
callosités,  ulcérations,  cicatrices,  etc.);  —  des  altérations  des  canaux  éja- 
culateurs,  dilatés,  oblitérés  à  leur  orifice,  parfois  même  déviés,  «  de  fa- 
çon que  leurs  ouvertures,  au  lieu  d'être  dirigées,  comme  elles  le  sont  na- 
turellement, vers  le  bout  de  la  verge,  l'étaient  dans  le  sens  contraire, 
c'est-à-dire  vers  le  col  de  la  vessie,  »  etc.,  etc.. 

Enfin  et  surtout,  ce  qu'on  observe  le  plus  communément,  ce  sont  des 
coarctations,  des  rétrécissements  de  l'urèthre,  avec  les  lésions  multiples 
et  variées  qui  en  sont  la  conséquence.  Cet  ordre  d'altérations  devant  être 
étudié  ailleurs,  nous  ne  faisons  que  le  signaler  ici  (voyez  Rétrécissements, 
article  Urèthke).  —  D'après  Ricord,  le  canal  peut  même  «  être  diminué 
de  longueur  par  le  fait  de  l'inflammation  chronique;  de  là  des  troubles 
persistants  dans  l'érection  qui  se  fait  en  arc,  qui  est  semi-cordée  »  (Comm. 
orale). 

La  pblegmasie  chronique  de  l'urèthre  retentit  souvent  sur  les  organes 
voisins,  sur  les  glandes  de  Cowper,  sur  la  prostate,  sur  les  vésicules  sé- 
minales, sur  les  testicules,  etc.  Nous  aurons  bientôt  à  parler  de  ces  di- 
verses complications. 

III.  Disons  en  terminant  que  pour  Desormeaux  il  existerait  une  lésion 
propre  et  caractéristique  de  la  blennorrhée.  Cette  lésion  serait  la  granula- 
tion uréthrale,  dont  l'endoscope  permet  de  suivre  le  développement  et  l'é- 
volution ultérieure.  Bien  que  nous  soyons  loin  d'accepter  cette  doctrine, 
nous  nous  faisons  un  devoir  de  la  reproduire  ici  succinctement.  «  Lorsque, 
dit  cet  auteur,  la  blennorrhagie  passe  à  l'état  chronique,  la  muqueuse  de 
la  partie  malade,  d'abord  simplement  dépolie,  devient  bientôt  inégale. 
Ces  inégalités  augmentent,  se  multiplient  et  finissent  par  former  dos  sail- 
lies arrondies,  hémisphériques;  les  granulations  sont  formées.  Alors  le 
point  malade  oftrc  une  surface  d'un  rouge  foncé,  inégale,  parsemée  de 
granulations  rondes,  quelquefois  un  peu  éloignées  les  unes  des  autres, 
d'autres  fois  juxtaposées  de  façon  qu'elles  couvrent  toute  la  surface  ma- 
lade. La  muqueuse,  dans  ce  point,  ressemble  à  une  mûre,  aussi  bien  pour 
la  couleur  que  pour  l'aspect  granuleux...  Les  granulations  varient  de  vo- 
lume depuis  un  grain  de  moutarde  jusqu'à  la  grosseur  d'un  grain  de 
miilet  ou  un  peu  plus,  rarement  d'un  petit  grain  de  chènevis;  les  plus 
petites  paraissent  de  formation  plus  récente...  Elles  sont  presque  tou- 
jours d'un  rouge  plus  ou  moins  foncé,  souvent  lie  de  vin  ;  mais  dans 
quelques  cas  j'ai  trouvé  au  milieu  d'elles  d'autres  granulations  moins 
nombreuses,  petites,  et  qui  paraissaient  d'une  couleur  grisâtre. ..  Elles  peu- 
vent occuper  une  longueur  plus  ou  moins  grande  du  canal,  le  plus  sou- 
vent 2  à  4  centimètres,  quelquefois  toute  la  partie  postérieure  depuis  la 
fin  de  la  région  spongieuse  jusqu'à  l'orifice  de  la  vessie;  mais  un  carac- 
tère presque  constant,  c'est  que  la  lésion  est   unique;  qu'elle  s'étende 


158  BLENNORRHAGIE.  —  diagnostic. 

peu  ou  beaucoup,  il  n'y  a  pas  d'interruption  entre  ses  deux  extrémités; 
on  ne  la  voit  pas  par  plaques  isolées,  séparées  par  des  portions  de  mu- 
queuse saine.  L'ulcération  granuleuse  ne  se  trouve  que  dans  un  seul  point, 
plus  ou  moins  étendu;  en  avant  et  en  arrière  de  la  partie  malade,  il  y  a 
une  rougeur  inflammatoire  qui  diminue  à  mesure  qu'on  s'éloigne  du  siège 
des  granulations...  Ces  granulations  se  gonflent  parfois,  perdent  leur 
l'orme  hémisphérique ,  deviennent  plus  molles  et  prennent  l'aspect  de 
bourgeons  charnus  ;  alors,  dans  le  champ  de  l'endoscope,  on  trouve  une 
surface  tout  à  fait  semblable  à  celle  d'une  plaie  suppurante...  L'altéra- 
tion peut  se  compliquer  encore  davantage;  les  saillies  deviennent  plus 
grosses,  plus  molles,  plus  inégales;  elles  sont  pressées  les  unes  sur  les 
autres;  leur  couleur  devient  d'un  rouge  foncé,  lie  de  vin;  l'ulcération  est 
devenue  fongueuse...  Ces  lésions  suivent  une  marche  essentiellement  chro- 
nique et  conduisent  fatalement  au  rétrécissement.  Elles  ne  peuvent  pas 
exister,  en  effet,  sans  entretenir  une  inflammation  sourde  dans  la  mu- 
queuse et  les  tissus  sous-jacents;  de  là  le  gonflement  de  ces  parties;  de  Là 
les  rétrécissements  consécutifs,  etc.  » 

Pour  Desormeaux,  «  blennorrhée  et  uréthrite  granuleuse  ne  sont  qu'une 
maladie.  »  La  granulation  est  la  lésion  caractéristique  de  l'affection.  Bien 
plus,  c'est  un  critérium  de  l'origine  blennorrhagique  pour  tous  les  états 
morbides  où  elle  se  rencontre.  La  métrite  granuleuse,  par  exemple, 
a  forcément  une  origine  blennorrhagique.  «Si  une  femme,  dit  cet  auteur, 
a  réellement  des  granulations,  je  reste  convaincu  qu'elles  les  a  contrac- 
tées par  contagion.  »  Doctrine  inadmissible,  sur  laquelle  nous  revien- 
drons en  détail. 

Diagnostic.  —  Très-simple  dans  la  plupart  des  cas,  le  diagnostic 
offre  parfois  des  difficultés  réelles. 

Deux  erreurs  sont  possibles  :  méconnaître  la  blennorrhagie  ;  croire  à  une 
blennorrhagie  qui  n'existe  pas.  La  première  est  rare.  Ce  n'est  guère  que 
dans  les  cas  de  phimosis  d'une  excessive  étroitesse  ou  bien  de  balanite 
avec  phimosis  inflammatoire  que  l'écoulement  uréthral  risque  dépasser 
inaperçu.  Nous  avons  exposé  ailleurs  {voy.  Balanite  t.  IV)  les  éléments 
de  ce  diagnostic  différentiel.  —  Bien  plus  fréquents  sont  les  cas  où  l'on 
attribue  à  la  blennorrhagie  ce  qui  est  le  fait  d'autres  affections  très-variées 
comme  nature.  Cette  erreur  se  commet  presque  journellement.  Il  est  donc 
important  de  la  signaler. 

On  est  trop  facilement  enclin  à  considérer  comme  blennorrhagiques 
toutes  les  suppurations  uréthrales.  Un  individu  s'est  exposé  à  un  contact 
suspect  et  a  pris  un  écoulement,  cela  suffit  pour  que  le  diagnostic  blennor- 
rhagie soit  aussitôt  prononcé,  tant  il  semble  qu'aucune  autre  affection  ne 
puisse  être  mise  en  cause.  Cette  légèreté  d'examen  conduit  parfois  à  de 
regrettables  méprises.  Rappelons  donc,  comme  éléments  essentiels  d'un 
diagnostic  raisonné,  les  deux  conditions  suivantes  qui  ne  doivent  jamais 
être   négligées  dans  l'examen  du  malade  : 

1°  Toutes  les  suppurations  qui  s  évacuent  par  Vurèthre  n'ont  pas  né- 
cessairement leur  origine  dans  l'nrèthre.  —  Elles  peuvent  en  effet  être 


BLKNN0KRI1AG1E.  —  pronostic.  1o9 

simplement  versées  dans  le  canal  et  provenir  d'organes  voisins  (prostate, 
vésicules  séminales,  glandes  de  l'urèthre,  col  vésical,  abcès  péri-uré- 
thraux,  etc.).  Ce  fait  si  simple  est  souvent  oublié  en  pratique,  et  l'expé- 
rience apprend  que  bon  nombre  de  ces  écoulements  d'origine  extra-uré- 
thrale  sont  rapportés  à  des  états  pathologiques  de  l'urèthre,  à  la  blennor- 
rhagie  en  particulier,  et  traités  en  conséquence.  L'erreur  du  reste  en 
certains  cas  est  facile  à  commettre,  car  d'une  part  les  antécédents  ne 
sont  pas  toujours  exactement  connus,  et  d'autre  part  il  est  des  écoule- 
ments qui  par  l'ensemble  de  leurs  symptômes  simulent  à  s'y  méprendre 
une  véritable  blennorrhagie.  J'ai  observé  à  l'hôpital  Lariboisière  un  fait 
de  ce  genre.  Un  jeune  homme  était  affecté  depuis  plusieurs  mois  d'un 
écoulement  uréthral,  que  plusieurs  médecins  avaient  considéré  comme 
blennorrhagique  et  vainement  combattu  à  l'aide  de  cubèbe,  de  copahu  et 
d'injections  diverses.  Il  présentait  en  effet  une  sécrétion  purulente  d'un 
jaune  verdàtre,  assez  abondante  et  tout  à  fait  semblable  au  pus  de  la 
chaude-pisse;  de  plus  il  accusait  une  douleur  légère  dans  la  miction 
et  quelques  difficultés  pour  uriner,  etc.  Admis  à  l'hôpital  pour  une 
maladie  tout  à  fait  étrangère,  il  succomba.  Or,  à  l'autopsie,  nous  trou- 
vâmes le  canal  absolument  sain;  l'origine  de  l'écoulement  était  une  vaste 
caverne  tuberculeuse  creusée  dans  la  prostate. 

2°  Tous  les  écoulements  d'origine  uréthrale  ne  sont  pas  nécessairement 
des  blennorrhayies.  —  Ils  peuvent  provenir  en  effet  de  lésions  variées  du 
canal,  érosions  de  diverse  nature,  exulcérations  herpétiques,  ulcérations 
chancreuses,  tuberculeuses  (Ricord),  etc.  Ils  peuvent  être  fournis  par  de 
simples  uréthrites,  très-distinctes  de  la  blennorrhagie  vraie.  Nous  aborde- 
rons ailleurs  le  diagnostic  différentiel  de  ces  diverses  lésions  (voy.  Chaincri;, 
Uréthrite). 

Pronostic.  —  I.  Simple  et  dégagé  de  toute  complication,  la  blen- 
norrhagie est  une  maladie  sans  gravité.  Bien  traitée,  elle  guérit  complè- 
tement en  quelques  semaines. 

Mais,  fort  souvent,  elle  se  complique  d'accidents  très-variés  que  nous 
étudierons  plus  loin  et  qui  peuvent  singulièrement  aggraver  le  pronostic. 

La  gravité  de  chacune  de  ces  complications  sera  spécifiée  en  détail 
dans  l'exposé  qui  va  suivre.  Pour  l'instant,  bornons-nous  à  signaler 
comme  les  plus  sérieuses  :  Fophlhalmie  de  contagion,  le  rhumatisme  dans 
quelques-unes  de  ses  formes,  les  suppurations  prostatiques,  les  phlegmons 
péri-uréthraux,  l'orchite  vraie,  etc. 

A  les  considérer  au  point  de  vue  de  leur  pathogénie,  les  complications 
multiples  dont  la  blennorrhagie  peut  devenir  l'origine  sont  de  deux  or- 
dres :  les  unes  relèvent  du  fait  môme  de  la  maladie,  les  autres  ne  sont 
imputables  qu'aux  malades.  Les  premières  sont  le  résultat  direct  de  la 
blennorrhagie;  elles  se  produisent  malgré  l'hygiène  et  le  traitement  le 
mieux  observés;  elles  sont  en  quelque  sorte  spontanées.  Les  secondes  se 
développent  à  l'occasion  d'imprudences,  de  négligences,  d'excès,  de  mé- 
dications intempestives,  etc.;  elles  sont  provoquées;  elles  relèvent  du 
malade  plus  que  de  la  maladie.  Or,  ce  ne  sont  là,  comme  nous  allons  le 


160  BLENNORRHAGIE.  —  traitement. 

voir,  ni  les  moins  nombreuses  ni  les  moins  graves.  Elles  chargent  singu- 
lièrement le  pronostic  qui  rationnellement  doit  en  être  dégagé. 

Au  total,  la  blennorrhagie  aiguë  est  une  affection  le  plus  souvent  légère 
et  sans  conséquence  ;  —  parfois  sérieuse,  et  cela  soit  de  son  propre  fait, 
soit  surtout  du  fait  des  malades  qui  en  multiplient  et  en  exagèrent  les 
dangers;  — rarement  grave,  c'est-à-dire  susceptible  d'aboutir  à  des  trou- 
bles fonctionnels  persistants  ou  à  des  lésions  irrémédiables. 

II.  L'état  chronique  est  souvent  inoffensif;  mais  c'est  toujours  une 
menace  pour  l'avenir;  c'est  le  germe  latent  de  complications  ultérieures, 
qui  peuvent  bien  ne  se  manifester  jamais,  mais  qu'il  n'est  pas  étonnant 
de  voir  surgir  à  un  moment  donné.  Les  accidents  qu'il  détermine  parfois 
comportent  presque  tous  une  certaine  gravité;  quelques-uns  même  sont 
des  plus  sérieux.  Le  plus  habituel  est  le  rétrécissement  uréthral,  lequel, 
comme  on  le  sait,  peut  devenir  à  son  tour  l'origine  des  complications  les 
plus  graves  vers  les  organes  génito-urinaires. 

Traitement.  —  I.  Traitement  abortif.  On  a  tenté  par  divers  moyens 
d'enrayer  le  développement  de  la  maladie  dès  son  début,  de  la  faire  avorter, 
de  l'étouffer  en  quelque  sorte  ab  ovo. 

Théoriquement  les  avantages  d'une  semblable  méthode  ne  sont  pas 
discutables.  Supprimer  d'emblée  et  en  quelques  jours  une  affection  sus- 
ceptible d'une  longue  durée  et  d'accidents  plus  ou  moins  graves,  n'est-ce 
pas  là  un  résultat  brillant  et  considérable?  «  Les  accidents,  dit  Ricord, 
qui  peuvent  suivre  la  blennorrhagie  sont  en  raison  directe  de  sa  durée  et 
du  développement  qu'on  lui  laisse  acquérir...  Le  début  du  mal  est 
connu;  sa  On  et  ses  conséquences  sont  toujours  incertaines.  Il  y  a  donc 
un  immense  intérêt  pour  le  malade  à  se  débarrasser  le  plus  vite  possible 
de  son  écoulement.  » 

Reste  à  savoir  si  la  pratique  répond  aux  données  séduisantes  de  la 
théorie.  C'est  là  ce  que  nous  allons  examiner. 

Divers  moyens  ont  été  proposés  pour  faire  avorter  la  blennorrhagie  dès 
son  début.  Trois  seulement  méritent  d'être  cités  : 

1°  Injections  dites  abortives.  —  Cette  méthode,  dont  l'idée  première 
paraît  remonter  à  Simmons  (1780),  a  été  surtout  préconisée  par  Ratier, 
Carmichaël,  Ricord,  Debeney,  Diday,  etc. 

En  principe,  elle  repose  sur  une  action  substitutive.  Elle  se  propose  de 
substituer  à  l'inflammation  spécifique  de  la  blennorrhagie  une  inflammation 
simple,  éphémère,  et  relativement  inoffensive. 

Pratiquement,  elle  consiste  dans  l'emploi  d'injections  irritantes  portées 
dans  le  canal  au  début  de  la  maladie.  C'est  le  nitrate  cV argent  qui  fait 
en  général  la  base  de  ces  injections,  à  doses  variables  suivant  les  auteurs 
qui  ont  préconisé  cette  méthode  :  10  grains  pour  50  grammes  d'eau 
distillée  (Carmichaël)  ;  50  centigrammes  à  1  gramme  pour  la  même  quan- 
tité d'eau  (Ricord);  60  centigrammes  à  1  gramme  et  demi  pour  50  grammes 
d'eau  (Debeney),  etc.  —  Carmichaël  faisait  trois  de  ces  injections  à  dix 
heures  d'intervalle  l'une  de  l'autre.  Ricord  en  pratique  une,  deux  ou  trois 
du  premier  au  troisième  jour,  suivant  les  cas  et  suivant  l'effet  produit. 


BLENNORRHAGIE.  —  traitement.  161 

«  Pour  moi,  dit  Debeney,  comme  très-souvent  une  seule  injection  suffit, 
je  n'en  fais  qu'une,  et  j'attends  vingt-quatre  heures  ;  si,  à  l'expiration  de 
ce  terme,  l'écoulement  n'est  pas  terminé,  je  recommence.  »  —  La  direction 
du  traitement  doit  d'ailleurs  nécessairement  varier  d'après  les  résultats 
obtenus. 

Les  effets  immédiats  de  ces  injections  sont  les  suivants  :  Tout  d'abord, 
douleur  très-vive,  occupant  la  verge  et  le  périnée,  s'irradiant  vers  le$ 
cordons,  les  aines,  et  jusque  dans  les  lombes;  peu  de  temps  après, 
gonflement  du  méat,  turgescence  de  la  verge;  suintement  séreux  ou 
séro-sanguinolent;  première  miction  horriblement  douloureuse;  puis 
écoulement  séro-purulent,  jaunâtre,  semé  de  pellicules  blanches,  abon- 
dant. Cet  écoulement  dure  vingt-quatre  à  trente-six  heures,  puis  dimi- 
nue et  se  supprime  en  laissant  à  sa  suite  une  légère  sécrétion  d'un  mucus 
filant,  laquelle  disparaît  en  quelques  jours  soit  spontanément,  soit  sous 
l'influence  des  balsamiques  ou  de  quelques  injections  légèrement  astrin- 
gentes. La  giïérison  est  alors  accomplie. 

Ce  sont  là  les  cas  heureux.  Mais  les  choses  ne  marchent  pas  toujours 
ainsi,  tant  s'en  faut.  Souvent  il  arrive  que  l'inflammation  provoquée 
par  l'injection  s'apaise,  mais  l'écoulement  persiste  et  la  blennorrhagie 
reprend  son  évolution  normale,  comme  si  rien  n'avait  été  fait  pour  la 
suspendre.  La  substitution  thérapeutique  ne  s'est  pas  effectuée.  Ce  n'est 
là  qu'un  insuccès,  et,  à  tout  prendre,  si  le  traitement  n'a  pas  réussi,  du 
moins  il  n'a  pas  aggravé  la  situation.  D'autres  fois,  une  violente  inflam- 
mation se  déclare;  une  réaction  locale  des  plus  intenses  se  produit  : 
turgescence  violacée  du  gland  ;  injection  purpurine  du  méat  avec  érosion 
superficielle;  gonflement  de  la  verge;  horribles  douleurs  dans  la  mic- 
tion; érections  nocturnes  incessantes,  presque  continues,  excessivement 
pénibles;  écoulement  séro-sanguinolent,  rosé,  très-abondant;  œdème  du 
prépuce,  lymphangite,  pénitis,  etc.;  en  un  mot,  phénomènes  de  suracuïté. 
Cet  état  dure  plusieurs  jours,  un  septénaire  environ.  Puis,  sous  l'in- 
fluence d'un  traitement  approprié,  les  symptômes  aigus  s'apaisent;  la 
miction  seule  reste  assez  longtemps  douloureuse,  et  la  blennorrhagie  re- 
prend son  cours  habituel.  Ici,  ce  n'est  plus  seulement  un  insuccès;  la 
médication  n'a  pas  été  qu'impuissante,  elle  est  devenue  nuisible  en  ajou- 
tant aux  phénomènes  de  la  maladie  "des  complications  étrangères.  Cet 
pendant,  il  ne  faut  pas  exagérer,  comme  on  le  fait  trop  souvent,  les 
conséquences  d'une  tentative  infructueuse  du  traitement  abortif.  Si  les 
symptômes  initiaux  subissent  une  aggravation  réelle  par  le  fait  de  la 
médication,  tout  se  borne  là,  du  moins  en  général;  la  marche  ultérieure 
de  l'affection  n'est  pas  sensiblement  modifiée  ;  la  blennorrhagie  redevient 
ce  qu'elle  eût  été,  et  ne  présente  pas  en  somme  d'aggravation  véritable. 
Le  malade  n'a  donc  pas,  à  vrai  dire,  joué  quitte  ou  double,  comme  on  le 
répète  communément;  il  n'a  fait  que  risquer,  avec  l'enjeu  de  quelques 
souffrances  de  plus,  une  partie  qu'il  avait  la  chance  de  gagner. 

Quelques  accidents  peuvent  suivre  la  pratique  des  injections  abortives. 
Ils  sont  en  général  sans  gravité  réelle  :  douleurs  vives,  allant  parfois 

NOUV.    DICT.    MÉD.    ET   CUIR.  V.    tl 


162  BLENNORRIIAGIE.  —  traitement. 

jusqu'à  la  défaillance;  uréthrorrhagies,  soit  immédiates,  soit  consécu- 
tives, toujours  peu  abondantes  et  faciles  à  combattre,  parfois  môme 
avantageuses  par  la  déplétion  locale  qui  en  est  le  résultat;  dysurie  passa- 
gère; cystite  du  col;  lymphangite,  etc.  —  D'autres  sont  un  peu  plus 
sérieux  :  orchite,  pénitis,  rétention  d'urine.  —  Exceptionnellement,  on 
a  vu  se  produire  des  phénomènes  graves  :  abcès  péri-uréthraux,  prosta- 
tites.  Dans  un  cas  dont  je  dois  la  communication  à  M.  Cullericr,  un 
abcès  périnéal,  développé  à  la  suite  d'une  injection  abortive,  devint  l'ori- 
gine d'une  infiltration  urineuse  qui  se  termina  par  la  mort.  —  Ces  injec- 
tions ne  sont  donc  pas  sans  dangers,  comme  on  l'a  dit,  et  sans  dangers 
sérieux.  Mais  ce  qu'il  n'importe  pas  moins  d'établir,  c'est  qu'elles  sont 
fort  innocentes  des  désastres  et  des  méfaits  de  tout  genre  qu'on  leur  a 
trop  complaisamment  attribués  :  répercussions  morbides,  métastases  sur 
divers  organes  (arthrite,  ophthalmie,  etc.),  désorganisations  du  canal, 
rétrécissements,  etc.  Tout  cela  n'est  que  théorique  et  ne  repose  sur  au- 
cune observation  sérieuse.  Pour  ne  parler  que  des  rétrécissements,  il 
n'est  guère  admissible  qu'ils  puissent  résulter  de  l'action  éphémère  et 
superficielle  des  injections  abortives.  Leur  cause  bien  plus  réelle  et  bien 
plus  commune,  c'est,  de  l'aveu  général  aujourd'hui,  l'inflammation 
chronique  de  l'urèthre. 

Ces  accidents  du  reste,  ou  du  moins  les  plus  graves  de  ces  accidents, 
peuvent  être  évités,  si  l'on  subordonne  l'emploi  de  cette  méthode  à  cer- 
taines indications,  à  certaines  règles,  qu'il  nous  reste  à  déterminer. 

1°  Tout  d'abord,  il  est  pour  ce  traitement  une  période  d'opportunité 
passé  laquelle  il  n'a  plus  raison  d'être  et  n'agit  que  d'une  façon  défavora- 
ble. Ce  n'est  qu  cm  début  même  de  la  maladie  que  les  injections  peuvent 
être  réellement  abortives.  Au  delà  de  ce  terme,  lorsque  la  maladie  est 
établie,  confirmée,  elles  ne  sont  plus  que  nuisibles,  et  c'est  alors  qu'on  les 
voit  développer  ces  phénomènes  suraigus  que  nous  avons  décrits  précé- 
demment. La  raison  et  l'expérience  sont  ici  d'accord.  Comme  l'a  très-bien 
dit  Iïicguet  dans  un  intéressant  mémoire,  «  quand  une  affection  est  par- 
faitement établie,  il  n'est  plus  question  d'en  arrêter  l'invasion,  de  la 
faire  avorter  ;  l'essayer  serait  un  non-sens,  il  s'agit  de  la  guérir.  » 

Lors  donc  que  l'écoulement  est  encore  tout  récent,  lorsqu'il  s'est  dé- 
claré seulement  depuis  12,  16,  24  heures,  lorsqu'il  est  encore  catarrhal, 
blanchâtre  ou  blanc  jaunâtre,  il  y  a  lieu  de  tenter  la  médication  abortive,  qui 
peut  réussir  et  qui  réussit  souvent  dans  ces  conditions.  Au  delà  de  vingt- 
quatre  heures,  les  chances  de  succès  diminuent  ;  au  delà  du  second  jour, 
elles  sont  presque  nulles  ;  s'abstenir  est  le  parti  Je  plus  sage.  Toutefois,  il 
ne  faut  pas  se  décider  seulement  d'après  le  laps  de  temps  écoulé;  il  faut 
consulter  surtout  «  les  signes  apparents  qui  mesurent  l'acuité  plus  ou 
moins  grande  de  l'inflammation  locale  »  (Diday),  c'est-à-dire  l'état  des 
parties,  les  douleurs,  la  nature  du  suintement,  etc.  Si,  au  deuxième  et 
même  au  troisième  jour,  les  symptômes  sont  encore  faiblement  accusés, 
s'il  n'y  a  pas  de  douleurs,  si  l'écoulement  est  léger,  muco-purulent  plutôt 
que  purulent,  jaunâtre  plutôt  que  jaune,  on  peut  encore  agir.  Dans  des 


BLENN0RI1HAGIE.  —  traitement.  Uïï 

conditions  opposées,  serait-on  même  au  premier  jour,  l'emploi  de  la  mé- 
thode abortive  est  nettement  contre-indiqué. 

2°  En  second  lieu,  il  est  inutile  de  lancer  à  toute  volée  l'injection  dans 
le  canal,  comme  on  ne  Ta  tait  que  trop  souvent.  La  blennorrhagie  qui 
débute  n'atteint  pas  d'emblée  les  parties  profondes  de  l'urèthre;  elle  se 
limite  dans  les  premiers  temps  à  Lavant-canal.  Or  il  serait  sans  profit  de 
porter  le  remède  au  delà  du  siège  du  mal.  Les  injections  n'ont  pas 
besoin  d'aller  plus  loin  que  n'est  encore  parvenue  l'inflammation. 
Donc,  il  faut  en  limiter  ractio?i  à  l'avant-canal,  c'est-à-dire  aux  5,  6, 
7  centimètres  antérieurs  de  l'urèthre.  11  suffit  très-simplement,  pour 
cela,  de  comprimer  l'urèthre  avec  le  doigt  au  delà  du  point  que  le  liquide 
ne  doit  pas  franchir. — Delà  sorte,  les  parties  postérieures,  c'est-à-dire  les 
plus  irritables,  seront  respectées;  l'orchite,  la  cystite  du  col,  le  phlegmon 
périnéal,  ne  seront  plus  à  craindre.  De  plus,  une  faible  étendue  de  l'u- 
rèthre étant  seulement  touchée  par  le  liquide,  l'inflammation  sera  modé- 
rée, les  douleurs  seront  légères;  toute  chance,  en  un  mol,,  de  complication 
sérieuse  sera  écartée.  Ainsi  limitée  dans  son  action,  l'injection  deviendra 
presque  inoffensive. 

5°  Enfin,  il  est  au  moins  probable  que  toutes  les  blennorrhagies  ne  sont 
pas  également  aptes  à  subir  l'influence  du  traitement  abortif.  Elles  sont 
loin,  en  effet,  de  se  ressembler  toutes,  même  à  leur  période  de  début.  Cer- 
taines, par  exemple,  se  développent  à  froid,  pour  ainsi  dire;  l'écoulement 
est  le  seul  phénomène  qui  les  caractérise  pendant  les  premiers  jours; 
il  ne  se  fait  pas  de  réaction  locale  ;  l'urèthre  est  à  peine  injecté,  reste  in- 
dolent, etc.  Ici,  il  y  a  toute  chance,  rationnellement,  pour  qu'une  violente 
irritation  substitutive  puisse  prendre  la  place  de  la  maladie;  c'est  en 
effet  ce  que  confirme  l'expérience.  D'autres,  au  contraire,  sont  vivement 
inflammatoires  dès  le  début  ;  ce  sont  notamment  celles  qui  succèdent  à  de 
grands  excès  vénériens  et  qui  se  développent  presque  sans  incubai  ion; 
dès  le  premier  jour,  elles  fournissent  une  sécrétion  séreuse  assez  abon- 
dante; le  méat  devient  rouge,  injecté;  l'inflammation  se  propage  à  l'urè- 
thre avec  une  rapidité  surprenante;  tous  les  symptômes  témoignent  d'em- 
blée d'un  haut  degré  d'irritation.  Sous  celte  forme,  la  maladie  se  trou- 
verait sans  doute  fort  mal  de  l'emploi  des  injections  abortives. 

2°  Balsamiques.  —  Un  autre  mode  de  traitement  abortif  consiste  dans 
l'emploi  des  balsamiques  administres  dès  le  début  de  la  maladie  —  An- 
siaux  signala  l'un  des  premiers  les  avantages  de  cette  méthode  au  com- 
mencement de  notre  siècle.  Depuis  ce  temps,  une  foule  d'auteurs  ont 
publié  des  observations  de  blennorrhagies  jugulées  à  leur  début  .par  l'usage 
du  copahu  ou  du  cubèbe. 

Cette  méthode  est  très-diversement  jugée.  «  Le  traitement  abortif  in- 
terne, dit  Cullerier,  est  un  bon  moyen;  mais  il  faut  savoir  l'appliquer. 
Toutes  les  fois  que  la  chaude-pisse  datera  de  moins  de  huit  jours,  s'il  y  a  peu 
de  douleur  et  peu  d'écoulement,  administrez  immédiatement  le  cubèbe 
ou  le  copahu  à  très-hautes  doses,  20  à  50  grammes  de  cubèbe,  par 
exemple,  et  15  à  20  grammes  de  copahu  par  jour;   vous  réussirez  sou- 


164  BLENNORRHAGIE.  —  traitement. 

vent...  Dans  ces  conditions,  au  bout  de  quatre  à  cinq  jours,  l'écoulement 
s'amende,  puis  cesse.  Gardez-vous,  néanmoins,  d'interrompre  le  traite- 
ment, le  mal  reprendrait  tout  de  suite  le  dessus  ;  seulement,  diminuez 
peu  à  peu  les  doses.  De  cette  manière  vous  arriverez  à  une  bonne  guéri- 
son...  Quand  au  bout  de  six  à  huit  jours  ce  traitement  n'a  pas  réussi, 
n'insistez  pas.  » 

J'ai  souvent  expérimenté  cette  méthode  à  une  époque  aussi  rapprochée 
que  possible  du  début  de  l'écoulement  (deuxième  jour,  premier  jour, 
15  heures,  12  heures  après  la  première  apparition  du  mal);  plus  souvent 
encore  j'ai  eu  l'occasion  d'en  observer  les  effets  sur  des  malades  qui  s'é- 
taient administré  d'eux-mêmes  de  fortes  doses  de  copahu  ou  de  cubèbe 
dans  les  mêmes  conditions.  Or,  ce  traitement,  je  ne  crains  pas  de  le  dire, 
ne  réussit  que  très-rarement,  peut-être  pas  une  fois  sur  vingt.  C'est,  à  mon 
sens,  un  mauvais  traitement. 

3°  Balsamiques  associés  aux  injections  astringentes.  —  L'association 
des  balsamiques  et  des  injections  astringentes  constitue  une  troisième 
variété  de  traitement  abortif.  Cette  méthode  est  d'un  emploi  vulgaire. 
Elle  a  été  vivement  patronnée  par  Ricord.  «  Les  accidents,  dit  notre  maître, 
qui  peuvent  suivre  la  blennorrhagie  sont  en  raison  directe  de  sa  durée  et 
du  développement  qu'on  lui  laisse  acquérir  ou  auquel  on  pousse,  par  des 
idées  fausses  sur  sa  nature  et  par  une  mauvaise  médication.  C'est  donc 
un  précepte  rigoureux  d'arrêter  la  maladie  le  plus  tôt  possible  et  dès  son 
origine,  sans  qu'aucun  préjugé,  aucune  fausse  doctrine  ne  vienne  empêcher 
le  bénéfice  du  traitement  abortif.  »  D'après  cela,  tant  qu'il  n'y  a  pas  de 
signes  de  vive  inflammation,  au  premier,  au  second,  au  troisième,  au 
quatrième  jour,  ou  même  plus  tard,  Ricord  croit  qu'il  y  a  intérêt  à  pres- 
crire la  médication  abortive;  et  lorsque  l'état  du  canal  ne  lui  permet  plus 
de  songer  à  l'emploi  de  l'injection  caustique,  il  conseille  l'usage  simultané 
des  balsamiques  et  des  injections  astringentes.  —  «  II  est  bon,ajoute-t-il 
d'observer  ici  que  les  doses  de  ces  médicaments  (cubèbe,  copahu)  devront 
être  plus  fortes  que  lorsqu'il  s'agit  de  supprimer  un  écoulement  d'une 
manière  graduelle,  attendu  que  c'est  par  un  effet  perturbatif,  par  une 
révulsion  brusque,  qu'on  doit  arriver  au  résultat  qu'on  cherche.  »  — 
Quant  à  la  composition  des  injections,  Ricord  a  coutume  de  prescrire 
soit  le  nitrate  d'argent,  à  la  dose  de  dix  centigrammes  pour  200  grammes 
d'eau  distillée,  soit  le  sulfate  de  zinc  et  l'acétate  de  plomb  dans  les  pro- 
portions suivantes  : 

Eau  distillée 200  grammes. 

Sulfate  de  zinc )    „    _ 

Acétate  de  plomb j  :,;l  2  Srî,mmes- 

Mêlez. 

Soit  encore  l'injection  suivante,  connue  vulgairement  sous  le  nom 
d'injection  du  Midi  ou  injection  Ricord  : 

Eau  distillée 200  grammes. 

Sulfate  de  zinc 1  gramme. 


BLENXORIiïlAGiL.  —  traitement.  165 

Acétate  de  plomb 2  grammes. 

Laudanum  de  Sydenham )   ~    / 

rr  •   .         j          i  ?  aa  ■*  grammes. 

ieuiture  de  cachou. \ 

Mêlez. 

Ces  injections  doivent  être  répétées  trois  fois  par  jour,  et  maintenues 
environ  trois  minutes  chacune  dans  le  canal. — L'ensemble  du  traitement 
est  continué  de  dix  à  quinze  jours  et  quelquefois  trois  semaines,  si  l'écou- 
lement tarde  à  se  résoudre.  On  a  soin  de  diminuer  progressivement  les 
doses  quotidiennes  des  balsamiques  et  le  nombre  des  injections,  car  c'est 
un  fait  d'expérience  que  l'interruption  brusque  du  traitement  est  une 
occasion  fréquente  de  récidive. 

Cette  méthode  a  fourni  de  nombreux  succès.  Il  est  certain  qu'assez 
souvent  elle  tarit  en  quelques  jours  des  écoulements  qui,  soumis  à  la  mé- 
dication ordinaire,  auraient  duré  pour  le  moins  plusieurs  semaines.  Il  est 
possible  aussi,  comme  le  prétend  Piieord,  que  dans  les  cas  même  où  elle 
ne  guérit  pas,  elle  impose  pour  ainsi  dire  un  frein  à  la  maladie,  qu'elle 
la  comprime,  qu'elle  la  contienne  dans  ses  formes  bénignes,  tout  au  moins 
qu'elle  l'empêche  de  s'élever  au  taux  d'une  excessive  acuité.  —  Mais  ce 
qui  n'est  pas  moins  vrai,  c'est  qu'elle  échoue  souvent,  plus  souvent  même, 
d'après  moi,  qu'elle  ne  réussit.  —  Dirigé  et  surveillé  par  un  médecin 
prudent  qui  le  prescrit  à  temps  ou  le  suspend  à  propos,  ce  traitement  ne 
saurait  avoir,  même  dans  ses  insuccès,  de  conséquences  fâcheuses.  Mais 
livré  le  plus  souvent  à  un  aveugle  empirisme,  institué  sans  discernement, 
poursuivi  sans  mesure,  il  devient  nuisible  et  gravement  nuisible;  il  en- 
tretient, il  perpétue  la  maladie;  il  est  l'origine  fréquente  de  ces  écoule- 
ments rebelles  à  forme  indolente  et  chronique,  de  ces  blennorrhées 
intarissables  qu'il  est  si  commun  de  rencontrer  chez  les  sujets  qui  ont 
fait  un  abus  intempestif  de  la  médication  abortive. 

Aussi,  lorsqu'on  essaye  de  bénéficier  des  avantages  de  cette  méthode, 
faut-il  s'imposer  d'avance  l'obligation  d'y  renoncer  immédiatement  si  les 
résultats  obtenus  dès  les  premiers  temps  ne  sont  pas  complets  et  de  na- 
ture à  présager  une  suppression  définitive  de  l'écoulement.  La  sécrétion 
s'est-clle  tarie  vers  le  troisième,  le  quatrième,  le  cinquième  jour,  le  canal 
est-il  sec  ou  n'est-il  plus  humecté  que  par  une  sérosité  limpide,  la  médi- 
cation a  réussi;  il  y  a  lieu  d'insister  "sur  le  traitement  pour  confirmer  la 
guérison.  Au  contraire,  l'écoulement  pcrsiste-t-il,  même  léger,  mais  avec 
un  caractère  purulent  non  douteux,  à  plus  forte  raison  tcnd-il  à  s'accroître 
aussitôt  que  pour  tel  ou  tel  motif  le  traitement  est  ralenti,  persister  est 
une  faute.  Redoubler  les  doses,  multiplier  les  injections,  comme  on  ne  le 
fait  que  trop  souvent,  est  une  faute  plus  grave  encore.  Si  l'on  n'a  pas 
réussi  du  premier  coup,  on  ne  réussira  pas  davantage  en  continuant  les 
mêmes  moyens.  Poursuivre  quand  même  l'emploi  des  agents  abortifs,  ce 
n'est  plus  que  fatiguer  en  pure  perte  l'estomac  et  l'urèthre,  prolonger  la 
maladie  et  la  rendre  moins  facilement  accessible  pour  l'avenir  à  l'action 
des  remèdes  dont  dépend  la  guérison. 

II.  Traitement  méthodique.  —  Ainsi  dénommée  par  opposition,  cette 


ICC  BLENNORRHAGIE.  —  traitement. 

méthode  est  celle  qui  applique  à  chacune  des  périodes  de  la  blennor- 
rhagie  une  thérapeutique  appropriée  au  caractère  des  phénomènes  mor- 
bides. 

C'est  de  beaucoup  la  méthode  de  traitement  la  plus  sûre.  Plus  longue 
en  apparence,  elle  est  souvent  la  plus  courte  en  réalité. 

La  blennorrhagie  ne  guérit  pas,  comme  le  croient  les  gens  du  monde, 
par  le  fait  de  tel  ou  tel  remède,  de  telle  ou  telle  panacée  infaillible.  Elle 
n'a  pas  de  spécifique.  Elle  guérit  sous  l'influence  d'une  médication  aidée 
d'une  hygiène  spéciale. 

La  médication  satisfait  aux  indications  variées  et  même  contiadictoires 
des  diverses  périodes.  —  L'hygiène  reste  à  peu  près  la  même  pour  toute 
l'évolution  de  la  maladie.  Etudions-la  donc  tout  d'abord. 

I.  Hygiène,  —  Je  ne  crains  pas  de  dire  que  l'hygiène  a  une  importance 
énorme  dans  le  traitement  de  la  blennorrhagie.  Nombre  d'écoulements  ne 
se  prolongent,  ne  se  perpétuent,  en  dépit  des  médications  les  plus  ration- 
nelles et  les  plus  actives,  que  par  l'inobservance  des  soins  d'hygiène. 

Il  est  aussi  certaines  précautions  à  indiquer  aux  malades  comme  pro- 
phylactiques de  complications  particulières. 

Aussi  simples  qu'importants,  ces  quelques  soins  se  résument  à  ceci  : 

Continence  absolue  pendant  toute  la  durée  de  la  maladie  et  même  pen- 
dant une  quinzaine  de  jours  au  delà  de  la  suppression  définitive  de  l'écou- 
lement. —  Eviter  toute  cause  d'excitation  vénérienne  (fréquentation  des 
femmes,  vie  en  commun  avec  une  maîtresse,  lectures  ou  spectacles 
lascifs,  etc.). 

Éviter  dans  le  régime  les  excitants  de  tout  genre,  les  mets  de  haut  goût, 
les  huîtres,  les  asperges  qui  ont  une  influence  certainement  fâcheuse  surl'u- 
rèthre  malade,  les  fraises  (?),les  fruits  acides  (?);  —  s'abstenir  absolument 
de  bière  (la  plus  nuisible  de  toutes  les  boissons),  de  vins  blancs,  de  Cham- 
pagne, d'eau-de-vie,  de  liqueurs,  de  cidre,  de  café,  de  thé,  etc.  —  Pour 
boisson,  eau  rougie  aux  repas.  Une  faible  proportion  de  vin  pur  n'est  pas 
nuisible  ;  elle  est  même  utile  chez  les  sujets  faibles,  délicats  ou  dyspepti- 
ques.—  Surtout,  ne  pas  exagérer  ce  régime,  à  l'exemple  de  certains  sujets 
qui,  se  privant  absolument  de  vin,  s'imposant  une  diète  rigoureuse,  arri- 
vent à  se  débiliter  et  à  s'anémier,  sans  profit  pour  leur  maladie  qui  n'en 
devient  au  contraire  que  plus  persistante  et  plus  difficile  à  guérir. 

Eviter  toute  fatigue  (marches  forcées,  course,  parties  de  chasse,  voyages, 
danse,  équitation,  escrime,  exercices  violents,  veilles,  etc.) 

Usage  du  suspensoir,  pour  soutenir  et  préserver  les  bourses. 

Ne  pas  coucher  sur  un  lit  trop  moelleux,  qui  favorise  les  érections  et 
les  pollutions  nocturnes. 

Lotions  fréquentes,  pour  déterger  le  pus  qui  souille  le  gland  et  le  pré- 
puce. —  Soins  de  propreté  minutieuse. 

Et  surtout,  avertir  les  malades  des  conséquences  terribles  de  la  conta- 
gion transmise  aux  yeux.  Leur  recommander  de  la  façon  la  plus  expresse 
de  se  laver  les  mains  chaque  fois  qu'ils  auront  touché  soit  leur  verge, 
soit  leur  linge  souillé  de  pus.  —  Des  nombreux  malades  que  j'ai  vus 


BLENNORRIIAGIE.  —  traitement.  167 

arriver  à  l'hôpital  avec  des  ophthalmies  purulentes  hlennorrhagiques,  au- 
cun n'avait  été  prévenu  de  la  possibilité  d'une  telle  contagion.  Et  inverse- 
ment, de  tous  les  malades  que  j'ai  traités  et  avertis  de  ce  danger,  un  seul 
a  été  victime  par  le  fait  d'une  imprudence  de  ce  redoutable  accident. 

II.  Médication.  —  Elle  est,  avons-nous  dit,  essentiellement  variable  sui- 
vant les  périodes  de  la  maladie.  Nous  allons  l'étudier  successivement  dans 
chacune  d'elles. 

A.  Début.  —  Pendant  les  premiers  jours  ou  même  au  delà,  si  les  sym- 
ptômes inflammatoires  ne  sont  que  légers,  la  médication  est  des  plus  sim- 
ples. Il  suffit  d'associer  aux  soins  hygiéniques  sus-énoncés  l'usage  de  quel- 
ques boissons  délayantes. 

Le  choix  de  ces  tisanes  n'a  qu'une  importance  secondaire.  Donner  au 
malade  une  boisson  de  son  goût,  et  autant  que  possible  de  préparation 
commode  :  tisanes  d'orge,  de  chiendent,  de  graine  de  lin,  eau  sucrée, 
orgeat,  eau  édulcorée  avec  sirop  de  gomme,  de  cerises,  etc.. 

J'ai  l'habitude  de  prescrire  la  préparation  suivante,  dont  je  dois  la 
formule  à  M.  le  docteur  Puche;  elle  est  d'un  emploi  facile  et  agréable  : 

Bi-carbonate  de  soude 5  à  5  grammes. 

Sucre  en  poudre 40  grammes. 

Essence  de  citron 1  à  2  gouttes. 

Mêlez.  — Pour  un  paquel,  que  l'on  fait  dissoudre  à  froid  dans  un  litre 
d'eau,  à  boire  par  verres  entre  les  repas. 

La  dose  quotidienne  de  ces  boissons  sera  d'un  litre  ou  d'un  litre  et 
demi  au  plus.  Dépasser  cette  quantité,  comme  le  font  certains  malades 
qui  s'abreuveni  de  tisanes,  est  fatiguer  l'estomac  sans  profit  pour  l'urèthre. 
On  a  reproché  aux  tisanes  d'augmenter  les  douleurs,  d'irriter  l'urèthre 
et  le  col  vésical  par  les  fréquentes  émissions  d'urine  qu'elles  déterminent 
nécessairement.  L'expérience  journalière  répond  à  ces  accusations  que  les 
boissons  tempérantes  données  cà  doses  modérées  sont  toujours  favorables 
dans  les  premiers  jours  de  la  blennorrhagie,  qu'elles  préviennent  ou  sou. 
lagentles  douleurs  de  la  miction  aussi  bien  que  le  ténesme  vésical.  «  On  a 
dit  que,  les  malades  souffrant  en  urinant,  c'était  multiplier  leurs  douleurs 
que  de  les  faire  pisser  souvent.  C'est  une  erreur,  car  en  leur  faisant  ab- 
sorber de  l'eau  dans  de  grandes  proportions,  on  rend  l'urine  moins  acre 
et  son  passage  à  travers  l'urèthre  moins  douloureux.  Si  vous  en  voulez  la 
preuve,  comparez  la  miction  pendant  la  journée  à  celle  du  matin;  vous 
verrez  que  cette  dernière  est  très-pénible,  ce  qui  tient  à  ce  que  l'urine  est 
plus  chargée  de  sels  par  suite  de  son  séjour  plus  prolongé  dans  la  vessie, 
séjour  pendant  lequel  la  partie  liquide  est  absorbée;  et  c'est  justement  à 
cet  inconvénient  que  remédient  les  boissons  abondantes  »   (Cullcrier). 

B.  Période  aiguë. —  Lorsque  les  symptômes  inflammatoires  se  déclarent, 
insister  sur  la  médication  précédente;  diminuer  légèrement  le  régime, 
proportionnellement  à  l'intensité  de  la  réaction;  prescrire,  non  pas  un 
repos  absolu,  mais  un  repos  relatif;  administrer  des  bains  ou  recourir  à 
des  émissions  sanguines. 


168  BLENiXORRIlAGlE.  —  traitement. 

Si  l'inflammation  n'est  pas  très-intense,  les  bains  de  corps  peuvent 
suffire  à  la  calmer.  Ces  bains  seront  pris  tièdes  ;  leur  durée  sera  d'une 
heure  environ.  Pour  en  obtenir  le  meilleur  effet  possible,  il  faut,  je  crois, 
les  prescrire  coup  sur  coup.  Une  série  de  bains,  pris  quotidiennement 
tout  d'abord  trois  ou  quatre  jours  de  suite,  puis  de  deux  en  deux  jours, 
réussit  le  plus  souvent  à  modérer  les  phénomènes  de  l'état  aigu.  Toutefois,, 
comme  l'a  fort  bien  signalé  Ricord,  il  est  certains  malades  auxquels  la 
balnéation  paraît  nuire. —  Les  bains  entiers  sont  de  beaucoup  préférables 
soit  aux  bains  de  siège,  soit  aux  bains  locaux,  qui  ont  l'inconvénient  très- 
réel  de  congestionner  les  parties. 

Si  peu  que  l'inflammation  résiste  à  ces  moyens,  ou  môme  si  d'emblée 
elle  s'annonce  sous  une  forme  un  peu  vive,  il  ne  faut  pas  hésiter  à  prati- 
quer une  émission  sanguine  locale  (quinze  à  vingt-cinq  sangsues  au  pé- 
rinée.) C'est  là  le  meilleur  sédatif,  le  moyen  par  excellence  pour  provoquer 
une  détente  etsoulager  les  malades. — Aubesoin  même,  répéter  cette  émis- 
sion sanguine.  —  Le  lieu  d'élection  pour  l'application  des  sangsues,  c'est 
le  périnée.  Il  est  inutile  et  dangereux  de  les  placer  sur  la  verge,  où  elles 
peuvent  déterminer,  comme  on  le  sait,  soit  des  infiltrations  étendues,  soit 
de  l'œdème,  de  l'érysipèle,  soit  même,  a-t-on  dit,  des  gangrènes  du  four- 
reau. —  La  saignée  générale  n'est  que  très-exceptionnellement  indiquée; 
elle  soulage  beaucoup  moins  du  reste  que  l'émission  sanguine  locale. 

Sous  l'influence  de  ces  divers  moyens  combinés,  les  phénomènes  aigus 
s'apaisent  presque  invariablement  en  quelques  jours.  L'écoulement  seul 
persiste,  avec  plus  ou  moins  d'intensité.  11  n'est  pas  absolument  rare 
toutefois  que  cette  médication  prolongée  un  certain  temps  le  diminue 
d'une  façon  très-notable,  et  même  en  certains  cas  le  supprime  complète- 
ment. J'ai  dans  mes  notes  l'histoire  de  plusieurs  malades  qui  guérirent  par 
le  seul  fait  du  traitement  antiphlogistique. 

A  cette  période  de  la  maladie,  il  est  certains  moyens  dont  il  faut  s'abs- 
tenir sous  peine  d'aggraver  les  symptômes,  et  dont  l'usage  n'est  maliieu- 
reusement  que  trop  habituel.  Citons  comme  tels  :  les  antiblennorrhagiques 
(cubèbe,  copahu,  opiat,  etc.)  «  On  a  pu  réussir  quelquefois  par  l'emploi 
des  antiblennorrhagiques  administrés  dans  la  période  aiguë.  Mais  tous 
ceux  qui  ont  bien  observé  et  qui  ont  été  à  même  de  voir  un  grand  nombre 
de  malades  conviendront  que  le  plus  ordinairement  cette  médication  reste 
sans  effet  et  ne  sert  qu'à  fatiguer  les  voies  digestives,  à  les  révolter,  si  je 
puis  m'exprimer  ainsi,  contre  des  médicaments  qui  seraient  plus  tard 
nécessaires  et  qu'on  ne  pourra  plus  employer...  Dans  quelques  cas  même, 
l'inflammation  semble  s'accroître  sous  l'influence  de  l'administration  in- 
tempestive des  antiblennorrhagiques.»  (Ricord);  —  les  injections  astrin- 
gentes, qui  données  à  ce  moment,  irritent  toujours  le  canal  et  déterminent 
parfois  un  état  suraigu  que  nous  avonsdécrit  précédemment  ; — de  même  les 
injections  dites  calmantes  (guimauve,  pavot,  laudanum,  huile  d'amandes 
douces,  etc.);  «  elles  produisent,  dit  Ricord,  plus  d'inconvénients  par 
leur  action  mécanique  dans  le  canal  qu'elles  n'amènent  de  soulagement 
par  leurs  propriétés  calmantes.  11  n'y  a  que  peu  d'exceptions  à  la  règle  que 


BLENNORRHAGIE.  —  traitement.  109 

nous  posons  ici.  «  Donc,  d'une  façon  générale,  les  injections  de  toute  sorte 
sont  nuisibles  pendant  la  période  aiguë  de  la  maladie;  — les  cataplasmes 
sur  la  verge;  —  les  fomentations  chaudes  et  prolongées;  —  les  bains  de 
siège  froids,  les  lavements  froids,  qui  calment  au  moment  même,  mais 
déterminent  une  réaction  consécutive,  etc. 

Parfois,  l'acuité  excessive  des  douleurs  provoquées  par  la  miction  ou 
par  les  érections  nocturnes  donne  lieu  à  des  indications  particulières. 

Il  est  des  blennorrhagies  où  l'émission  des  urines  provoque  des  douleurs 
véritablement  atroces.  Les  boissons  émollientes,  les  bains  prolongés,  les 
émissions  sanguines,  bien  que  fort  utiles  habituellement,  ne  soulagent  pas 
dans  tous  les  cas.  Je  me  suis  bien  trouvé  dans  ces  conditions  de  l'emploi 
des  balsamiques  administrés  à  petites  doses  pendant  deux  ou  trois  jours. 
Sous  leur  influence  il  est  assez  habituel  que  les  grandes  douleurs  soient 
apaisées;  dès  que  ce  résultat  est  obtenu,  on  suspend  aussitôt  cette  médica- 
tion pour  revenir  à  l'usage  des  boissons  délayantes.  —  Parfois  encore,  un 
moyen  bien  simple  réussit  merveilleusement  à  calmer  les  douleurs  de  la 
miction,  c'est  d'uriner  la  verge  plongée  dans  un  verre  d'eau  très-froide. 

Des  érections  nocturnes  douloureuses,  répétées,  presque  incessantes, 
tourmentent  souvent  les  malades  et  deviennent  un  véritable  supplice. 
Elles  sont  la  conséquence  de  l'éréthisme  local.  C'est  donc  à  l'état  inflam- 
matoire qu'il  faut  s'adresser  pour  les  combattre.  Les  antiphlogistiques 
sont  ici  les  véritables  anaphrodisiaques.  —  On  a  préconisé  nombre  d'agents 
pharmaceutiques  ou  autres  contre  ce  symptôme  pénible  :  camphre,  bella- 
done, jusquiame,  digitale,  nénuphar,  lupulin,  seigle  ergoté,  bromure  de 
potassium,  etc.,  etc.  Ces  divers  remèdes  n'ont  qu'une  efficacité  très- 
incertaine.  Ce  qui  réussit  beaucoup  mieux  et  d'une  façon  bien  plus 
sûre,  c'est  l'opium,  administré  soit  par  la  bouche  (pilules  d'extrait 
thébaïque),  soit  surtout  par  le  rectum.  Les  lavements  laudanisés  oui 
ici  une  action  sédative  incontestable.  —  Recommander  aux  malades 
d'éviter  toute  excitation  sexuelle,  de  coucher  sur  un  lit  dur,  de  ne  pas 
trop  se  couvrir  la  nuit,  de  dormir,  autant  que  possible,  sur  le  côté  et  non 
sur  le  dos,  de  profiter  des  moments  de  réveil  pour  uriner,  etc..  — 
Signalons  enfin,  pour  la  condamner,  la  pratique  qui  consiste  à  lier  la 
verge  à  la  cuisse  ou  aux  bourses,  dans  le  but  de  prévenir  les  érections; 
de  même  encore  la  coutume  absurde,  très-répandue,  paraît-il,  chez  les 
militaires,  de  rompre  la  corde,  en  frappant  d'un  vigoureux  coup  de  poing 
la  verge  appliquée  sur  un  plan  résistant.  Cette  manœuvre  brutale  pro- 
cure, il  est  vrai,  un  soulagement  immédiat,  en  raison  de  ï'hémôrrhagie 
qui  dégorge  momentanément  les  parties;  mais,  déterminant  une  rupture 
de  l'urèthre,  elle  expose  à  des  épanchements  sanguins,  à  des  infiltrations 
mineuses,  et  plus  tard  à  des  rétrécissements  cicatriciels. 

C.  Période  d'état.  —  Lorsque  les  symptômes  inflammatoires  sont  cal- 
més, il  y  a  lieu  de  ne  pas  insister  sur  le  traitement  antiphlogistique  dont 
la  continuation  ne  serait  pas  sans  inconvénients.  Donc,  cesser  l'emploi 
des  bains;  diminuer  la  dose  des  tisanes  ou  mieux  encore  en  modifier  la 
composition.  Prescrire,  par  exemple,  l'eau  de  goudron,  édulcorée  avec 


170  BLENNORRHAGIE.  —  traitement. 

le  sirop  de  Tolu,  la  tisane  de  bourgeons  de  sapin,  celle  tfuva  ursi,  ou 
telle  autre  moins  émolliente,  moins  délayante  que  celles  dont  l'usage 
est  recommande  dans  la  période  aiguë. 

Ce  traitement,  du  reste,  sera  presque  toujours  de  courte  durée.  Peu  de 
jours  s'écouleront  avant  que  la  maladie  ne  manifeste  une  tendance  évi- 
dente à  décroître.  Il  se  présente  alors  de  nouvelles  indications  auxquelles 
il  faut  se  bâter  de  satisfaire* 

D.  Période  de  déclin.  —  Les  symptômes  inflammatoires  se  sont  dissipés 
entièrement;  la  maladie  est  entrée  franchement  dans  une  phase  décrois- 
sante. Le  moment  est  venu  de  modifier  le  traitement  suivi  jusqu'alors,  et 
de  mettre  en  œuvre  l'ensemble  des  moyens  qui  constituent  la  médication 
dite  suppressive.  C'est  là  ce  que  les  malades  appellent  couper  l'écoulement. 

La  médication  suppressive  comprend  deux  ordres  d'agents  :  les  balsa- 
miques et  les  injections. 

1°  Balsamiques.  —  Cette  dénomination  assez  impropre,  mais  con- 
sacrée par  l'usage,  s'applique  à  une  série  de  médicaments  qui  possèdent 
la  propriété  singulière  d'agir  sur  l'urèthre  et  d'en  tarir  les  flux  patho- 
logiques. 

Ces  médicaments  sont  nombreux  :  copahu ,  cubèbe,  térébenthines 
diverses,  baume  du  Canada,  baumes  du  Pérou  et  de  Tolu,  goudron,  raa- 
tico,  bourgeons  de  sapin,  etc. 

Les  deux  premiers  sont  de  beaucoup  les  plus  actifs.  Ce  sont  les  anti- 
blcnnorrhagiques  par  excellence.  Les  autres  n'ont  qu'une  action  bien 
moins  puissante,  très-faible  même  pour  quelques-uns,  et  le  plus  souvent 
infidèle. 

C'est  donc  soit  au  copahu,  soit  au  cubèbe,  qu'il  faut  s'adresser  pour 
obtenir  des  résultats  complets  de  la  médication  suppressive.  Nous  étu- 
dierons ailleurs  en  détail  (voyez  articles  Copahu  et  Cubèbe)  ces  deux  mé- 
dicaments, au  point  de  vue  de  leur  histoire  pharmaceutique  et  de  leur 
action  si  curieuse  sur  l'organisme.  Nous  n'avons  donc  ici  qu'à  déterminer 
les  conditions  de  leur  emploi. 

Or  ces  conditions  sont  des  plus  importantes  à  spécifier.  Elles  tiennent 
sous  leur  dépendance  le  succès  ou  l'insuccès  de  la  médication.  —  Elles 
peuvent  se  résumer  ainsi,  dans  ce  qu'elles  ont  de  plus  essentiel  : 

1°  Administrer  à  propos  les  balsamiques,  c'est-à-dire  ni  trop  tôt,  ni 
trop  tard  ; 

T  Les  donner  à  juste  dose,  c'est-à-dire  n'en  donner  ni  trop,  ni  trop  peu; 

5°  En  prolonger  suffisamment  l'usage. 

Reprenons  en  détail  chacune  de  ces  propositions. 

1°  L'opportunité  d'intervention  des  balsamiques  est  le  grand  secret  de 
la  guérison.  Tout  est  là.  Commencer  trop  tôt  l'emploi  des  médicaments 
suppressifs,  c'est,  comme  je  l'ai  dit  souvent  dans  le  cours  de  cet  article, 
s'exposer  à  un  échec  presque  fatal.  Il  faut  donc,  et  cela  ne  s'apprend 
guère  que  par  expérience,  savoir  résister  soit  aux  sollicitations  des  ma- 
lades, soit  à  sa  propre  impatience.  Commencer  trop  tard  a  moins  d'in- 
convénients, et  d'ailleurs  ce  n'est  guère  de  ce  côté  que  l'on  pèche  en 


BLENNORRHAGIE.  —  traitement.  171 

général;  néanmoins,  différer  trop  longtemps  est  une  faute  dont  j'ai  pré- 
cédemment indiqué   les  conséquences. 

Or,  sur  quels  signes  convient-il  de  se  baser  pour  instituer  la  médication 
suppressive? 

Ce  qui  peut  servir  de  guide,  c'est  beaucoup  plutôt  l'ensemble  de  la  ma- 
ladie que  tel  ou  tel  symptôme  consulté  isolément.  Si  la  réaction  inflam- 
matoire s'est  manifestement  apaisée,  si  la  miction  et  les  érections  ne  sont 
plus  douloureuses,  si  l'écoulement  a  diminué,  s'il  est  devenu  jaunâtre, 
catarrho-purulent,  il  n'est  pas  de  doute  à  conserver  :  le  moment  d'agir 
est  venu,  l'occasion  est  propice  pour  administrer  les  balsamiques,  et  le 
succès  est  presque  assuré. 

Mais  les  eboses  ne  sont  pas  toujours  aussi  simples,  tant  s'en  faut.  Il 
arrive  souvent  que  tous  les  symptômes  de  la  maladie  ne  se  modifient  pas 
d'un  pas  égal,  ne  subissent  pas  une  atténuation  parallèle  et  simultanée. 
C'est,  par  exemple,  la  douleur  de  miction  qui  persiste  après  la  chute  des 
phénomènes  inflammatoires  ;  ce  sont  les  érections  qui  continuent  à  être 
douloureuses.;  c'est  l'écoulement  qui,  même  après  plusieurs  semaines, 
conserve  les  caractères  d'acuïté  et  de  purulence;  c'est  le  canal  qui, 
malgré  la  sédation  des  symptômes  aigus,  reste  rouge,  livide  et  vivement 
injecté,  etc.  ;  et  ainsi  d'autres  variétés  nombreuses  que  révèle  l'expérience 
de  chaque  jour.  Dans  ces  divers  cas ,  le  médecin  éprouve  souvent  un 
embarras  réel  à  décider  s'il  y  a  lieu  ou  non  d'instituer  le  traitement  sup- 
pressif  qui,  nettement  indiqué  par  tel  signe,  semble  contre-indiqué  par  tel 
autre. 

Ces  difficultés  pratiques,  loin  d'être  résolues,  sont  à  peine  indiquées 
dans  la  plupart  des  monographies  ou  des  livres  classiques.  Commençons 
à  combler  cette  lacune  en  indiquant  quelques  résultats  de  notre  obser- 
vation personnelle. 

S'il  est  évident,  par  l'ensemble  des  symptômes,  que  la  maladie  soit 
entrée  dans  sa  période  de  décroissance,  il  y  a  lieu  d'espérer  un  résultat 
favorable  des  balsamiques,  alors  môme  que  tel  ou  tel  phénomène  de  Tétat 
aigu  persisterait  encore  isolément. 

Du  reste,  tous  les  phénomènes  morbides  n'ont  pas  la  même  valeur 
comme  indications  thérapeutiques.  Ainsi,  il  est  peu  de  compte  à  tenir  de 
la  persistance  des  douleurs  dans  l'érection.  C'est  là  un  symptôme  qui  peut 
durer  fort  longtemps  après  la  chute  de  l'inflammation,  et  si  l'on  attendait 
sa  disparition  complète  pour  prescrire  les  balsamiques,  on  courrait  risque 
de  différer  presque  indéfiniment.  L'expérience  apprend  d'ailleurs  que  ce 
n'est  pas  là  une  contre-indication  réelle  à  l'intervention  du  traitement 
suppressif. 

La  douleur  dans  l'émission  de  l'urine  est  un  signe  plus  important  à  con- 
sulter. Est-elle  encore  vive,  elle  témoigne  d'un  reste  d'acuïté;  l'administra- 
tion des  balsamiques  serait  prématurée  ;  mieux  vaut  attendre.  N'est-elle  que 
légère,  on  peut  passer  outre,  car  c'est  un  fait  d'observation  qu'elle  survit 
parfois  à  la  sédation  complète  des  phénomènes  aigus,  voire  même  à  la 


172  BLENNORRHAGffi. 


THAITENEST. 


L'état  du  canal  et  la  nature  de  l'écoulement  sont  des  signes  d'une  plus 
haute  valeur.  Si  le  sommet  du  gland  est  encore  rouge  et  induré,  si  l'urèthre 
est  le  siège  d'une  injection  plus  ou  moins  vive,  s'il  présente  une  coloration 
livide  et  violacée,  comme  dans  certains  écoulements  de  forme  chronique, 
il  faut  s'abstenir;  le  traitement  suppressif  n'aurait  pas  d'action  durable. 
—  De  même  pour  l'écoulement  :  s'il  est  encore  abondant,  phlegmoneux, 
purulent,  si  surtout  il  est  diffluent  et  séreux,  s'il  laisse  sur  le  linge  de  lar- 
ges taches  à  centre  jaune  et  à  contour  gris,  analogues  à  celles  que  produit 
la  sérosité  d'un  vésicatoire,  l'administration  des  balsamiques  serait  aussi 
inopportune  que  possible  ;  l'indication  d'attendre  est  formelle. 

La  durée  de  la  maladie  n'est  pas  une  raison  pour  ou  contre  la  médication 
suppressive.  Tel  écoulement  peut  et  doit  être  coupé  au  quinzième,  dou- 
zième, huitième  jour;  pour  tel  autre,  l'emploi  du  cubèbe  et  du  copahu 
sera  prématuré,  même  après  quatre,  cinq,  six  septénaires. 

2°  En  second  lieu,  il  faut,  ai-jc  dit,  donner  les  balsamiques  ajuste  dose, 
c'est-à-dire  il  faut  n'en  donner  ni  trop,  ni  trop  peu.  Si  l'on  reste  au- 
dessous  de  la  dose  curative,  on  n'obtient  pas  d'effet  suffisant;  si  l'on  dé- 
passe cette  dose,  on  exagère  les  effets  physiologiques  du  remède  sans 
profit  pour  ses  effets  thérapeutiques  ;  on  détermine  du  dégoût,  des  troubles 
gastriques,  de  la  diarrhée,  etc.;  finalement,  on  aboutit  à  l'intolérance, 
et  force  est  de  renoncer  à  la  médication,  au  grand  détriment  du  malade. 

Ce  qu'on  peut  appeler  la  dose  moyenne,  habituellement  curative,  est  de  : 
16  à  50  grammes  pour  le  cubèbe  ;  6  à  10  ou  12  grammes  pour  le  copahu. 

Ces  deux  remèdes  s'administrent  de  la  façon  suivante  : 

Le  cubèbe  peut  se  prendre  en  poudre,  délayé  dans  un  peu  d'eau;  mais 
cet  affreux  breuvage  détermine  souvent  un  dégoût  tel  que  le  malade  ne 
peut  approcher  le  verre  de  ses  lèvres  sans  être  pris  de  nausées.  Mieux  vaut 
l'administrer  dans  du  pain  azyme  légèrement  humecté,  ou  préférablement 
encore  sous  forme  d'électuaire,  comme  il  suit  : 

Cubèbe  en  poudre 10  à  50  grammes. 

Sirop  de  goudron Q.  S. 

F.  S.  A.  et  divisez  en  une  série  de  bols,  a  prendre  dans  les  24  heures. 

Le  copahu  ne  peut  guère  être  pris  en  potion,  en  raison  de  son  hor- 
rible saveur.  La  trop  célèbre  potion  de  Chopart  a  certes  guéri  moins  de 
chaudes- pisses  qu'elle  n'a  déterminé  de  gastralgies.  On  ne  peut  guère  pres- 
crire ce  remède  que  sous  forme  d'électuaire  ou  de  bols  (bols  de  copahu 
solidifié  par  la  magnésie,  etc.). 

Pour  l'un  et  l'autre  de  ces  médicaments  à  saveur  repoussante,  la  forme 
capsulaire  (capsules  de  gélatine,  de  gluten,  etc.)  a  constitué  un  véritable 
progrès  en  pharmacie.  Malheureusement  ces  capsules,  exploitées  en  grand 
par  le  commerce,  préparées  longtemps  à  l'avance  et  trop  souvent  avec 
des  produits  d'ordre  inférieur,  n'offrent  en  général  que  peu  de  garanties. 

On  a  essayé  de  faire  absorber  le  copahu  et  le  cubèbe  par  le  rectum 
(lavements,  suppositoires,  capsules  introduites  par  l'anus).  Cette  pratique 
ne  fournit  aucun  résultat  sérieux  (Ricord). 


BLENNOKIUIAGIE.  —  traitement.  {7 


Fort  souvent,  on  associe  ces  deux  remèdes  dans  une  même  préparation. 
Ce  mélange  est  connu  vulgairement  sous  le  nom  cVopiat.  Sa  formule  la 
plus  simple  est  la  suivante  : 

Cabèbe  en  poudre 10  grammes. 

Copahu 7)        — 

Sirop  de  goudron Q.  S. 

F.  S.  A.  —  A  prendre  dans  la  journée,  sous  forme  de  bols  enveloppés 
dans  du  pain  azyme  ou  roulés  dans  de  la  poudre  de  réglisse. 

Cet  opiat  donne  d'excellents  résultats.  Administré  à  la  dose  quotidienne 
qui  vient  d'être  indiquée,  il  est  en  général  très-facilement  toléré  par  l'es- 
tomac. —  Toutefois,  comme  Ricord  l'a  signalé,  il  est  souvent  préférable 
de  faire  prendre  séparément  le  copahu  et  le  cubèbe ,  afin  d'avoir  la 
ressource  d'une  substitution,  dans  le  cas  où  les  malades  se  fatigueraient 
de  l'un  ou  de  l'autre. 

11  importe  de  fractionner  les  doses,  et  cela  à  double  titre,  pour  ne  pas 
fatiguer  l'estomac  et  pour  entretenir  l'action  du  remède  sur  les  urines. 
Dans  ce  but,  la  dose  quotidienne  sera  administrée  en  trois  prises,  une 
heure  avant  ou  trois  heures  après  les  repas. 

Il  est  essentiel  encore  que,  pendant  la  durée  de  ce  traitement,  les  ma- 
lades boivent  peu.  Ils  pourront  à  table  satisfaire  leur  soif;  mais  ils  ne 
devront  prendre  ni  tisane,  ni  boisson  d'aucune  sorte,  en  dehors  des  repas. 
L'urine,  en  eifet,  agit  d'autant  mieux  sur  l'urèthre  qu'elle  est  plus  con- 
centrée et  plus  chargée  des  principes  médicamenteux. 

Donnés  à  doses  modérées  et  fractionnées,  le  cubèbe  et  le  copahu  lui- 
même  ne  déterminent  en  général  que  de  très-légers  troubles  de  l'estomac 
et  de  l'intestin  (renvois,  malaise  gastrique,  diarrhée,  etc.).  Ces  sym- 
ptômes pourront  d'ailleurs  être  prévenus  ou  modérés  par  l'association 
de  quelques  remèdes  appropriés  (opium,  bismuth,  diascordium,  1er, 
astringents  divers,  etc.).  A  ce  point  de  vue,  du  reste,  il  faut  étudier  la 
susceptibilité  des  malades  et  proportionner  les  doses  à  la  tolérance  indi- 
viduelle. —  Le  cubèbe  étant  en  général  plus  facilement  accepté  que  le 
copahu  par  l'estomac  et  l'intestin,  c'est  à  lui  qu'il  convient  de  donner  la 
préférence  chez  les  sujets  dyspeptiques,  comme  chez  ceux  qui  prennent 
facilement  la  diarrhée  ou  qui  souffrent  d'affections  abdominales. 

Une  condition  presque  essentielle  de  succès,  c'est  d'administrer  d'emblée 
les  balsamiques  à  forte  dose,  il  faut,  en  quelque  sorte,  comme  j'ai  souvent 
entendu  Ricord  nous  le  répéter  à  sa  clinique,  surprendre  le  canal  et  tarir 
l'écoulement  d'un  seul  coup.  Débuter  par  de  faibles  doses  que  l'on  aug- 
mente ensuite  est  une  mauvaise  pratique  ;  l'urèthre  semble  s'babituer  au 
médicament  et  n'en  éprouve  plus  d'effet  curatif. 

Enfin,  il  est  quelquefois  avantageux,  comme  l'a  signalé  Cullerier,  d'al- 
terner les  doses  de  cubèbe  et  de  copahu.  «  Donnez,  par  exemple,  6  cap- 
sules de  copahu  le  matin,  0  de  cubèbe  dans  la  journée,  et  6  de  copahu  le 
soir;  le  lendemain,  commencez  par  le  cubèbe,  et  ainsi  de  suite.  Cette 
manière  d'administrer  les  balsamiques,  quelque  simple  qu'elle  paraisse, 


J74  BLENNORRIIAGIE.  —  traitement. 

rend  tous  les  jours  de  grands  services,  et  je  vous  la  recommande  toutes 
les  fois  qu'une  ehaude-pisse  sera  rebelle  au  copahu  ou  au  cubèbe  donnés 
séparément.  » 

5°  En  troisième  lieu,  il  faut  prolonger  suffisamment  V usage  de  la  mé- 
dication . 

L'action  des  balsamiques  est  en  général  rapide,  quelquefois  même  si 
rapide  qu'on  pourrait  la  dire  immédiate.  Ainsi  il  n'est  pas  rare  de  voir 
sous  leur  influence  des  écoulements  se  tarir  presque  complètement  en 
quelques  heures.  Or,  l'expérience  apprend  ceci  :  si  la  médication  est  sus- 
pendue au  moment  où  l'écoulement  se  supprime,  où  la  guérison  paraît 
accomplie,  tout  aussitôt  la  sécrétion  pathologique  se  reproduit.  Tout  est 
perdu,  tout  est  à  refaire.  La  suppression  définitive  ne  s'obtient  qu'en 
prolongeant  un  certain  temps  l'action  du  remède.  Il  faut  donc  continuer 
l'administration  des  balsamiques  au  delà  de  la  disparition  de  l'écoule- 
ment ;  huit  à  dix  jours  du  même  traitement  sont  encore  nécessaires.  De 
plus,  c'est  encore  un  fait  d'expérience  qu'il  n'est  pas  sans  avantage  à 
cette  période  de  diminuer  insensiblement  les  doses  quotidiennes  des  re- 
mèdes. Il  semblerait  que,  pour  éviter  une  sorte  de  réaction  de  la  maladie, 
le  canal  dût,  pour  ainsi  dire,  être  déshabitué  par  degré  de  la  médication. 

En  terminant  ce  qui  a  trait  aux  balsamiques,  signalons  deux  substan- 
ces récemment  préconisées  comme  spécifiques  de  la  blennorrhagie,  par 
le  Dr  Th.  B.  Henderson.  L'une  est  Y  essence  de  santal  jaune,  obtenue  par 
distillation  du  Sirium  myrtifolium;  l'autre  est  Y  huile  de  bois  (wood  oil) 
que  Ton  retire  d'un  arbre  immense  de  l'Inde,  le  Dipterocarpus  tur- 
binatus).  La  première  de  ces  substances,  récemment  expérimentée  en 
France  par  le  Dr  Panas,  paraît  jouir  de  propriétés  antiblennorrhagiques 
très- remarquables.  «  Elle  est,  dit  ce  chirurgien,  parfaitement  tolérée  par 
l'estomac;  elle  communique  aux  urines  une  odeur  sui  generis  de  santal... 
Administrée  à  la  dose  de  dix  capsules  par  jour,  contenant  chacune 
40  centigrammes,  elle  exerce  une  action  très-marquée  sur  l'écoulement 
blennorrhagique,  lequel  dans  l'espace  de  vingt-quatre  à  quarante-huit 
heures  au  plus  se  trouve  réduit  à  une  espèce  de  suintement  séreux  trans- 
parent ou  à  quelques  gouttes  de  muco-pus  blanchâtre,  quelles  que  soient 
d'ailleurs  la  couleur  et  l'abondance  primitive  de  la  sécrétion  morbide... 
Douée  d'une  action  au  moins  égale  à  celle  du  copahu,  elle  offre  des  avan- 
tages incontestables  pour  les  cas  malheureusement  assez  communs  où  les 
autres  balsamiques  ont  échoué  ou  n'ont  pu  être  tolérés  par  l'estomac.  » 

Ces  deux  substances  n'ont  pas  encore  été  suffisamment  étudiées  pour 
qu'il  nous  soit  permis  de  porter  un  jugement  sur  elles.  Notons  seulement 
à  ce  propos  que  d'autres  essences  présentent  des  propriétés  analogues. 
Ainsi,  j'ai  vu  l'essence  de  romarin  couper  un  écoulement  blennorrhagi- 
que tout  comme  aurait  pu  le  faire  le  copahu.  J'ai  entrepris  sur  ce  sujet 
une  série  d'expériences  dont  il  serait  encore  prématuré  d'annoncer  les 
résultats. 

2°  Infections.  —  Le  traitement  par  les  injections  constitue  ce  qu'on  a 
appelé  la  médication  locale  ou  directe.  Je  n'oserais  dire,  comme  certains 


BLENNORRHAGIE.  —  traitement.  175 

auteurs,  que  c'est  là  le  traitement  par  excellence  de  la  blennorrhagie;  mais, 
à  coup  sûr,  c'est  une  méthode  active,  à  laquelle  sont  dues  de  nombreuses 
guérisons. 

Très-vantées  par  les  uns,  très-dépréciées  par  les  autres,  les  injections 
font  bien  ou  mal,  suivant  les  circonstances  dans  lesquelles  on  y  a  re- 
cours. Il  est  pour  elles, comme  pour  les  balsamiques,  certaines  conditions 
de  succès  qu'il  importe  d'étudier  avec  méthode  et  de  déterminer  le  mieux 
possible. 

Tout  d'abord,  à  quelle  période  de  la  maladie  sont-elles  applicables? 
D'après  quelques  auteurs,  en  petit  nombre  il  est  vrai,  elles  seraient  éga- 
lement utiles  à  toutes  les  périodes.  Pour  d'autres,  il  y  aurait  surtout 
avantage  à  les  prescrire  au  début.  «  S'il  est  une  période,  dit  Thiry,  où 
les  injections  doivent  être  administrées,  c'est  «à  la  période  aiguë;  car  les 
injections,  mieux  que  tous  les  autres  agents,  sont  capables  d'arrêter  le 
mal  à  son  origine.  »  D'autres,  au  contraire,  avec  beaucoup  plus  de  raison 
à  mon  sens,  ne  les  prescrivent,  comme  les  balsamiques,  qu'après  la  chute 
complète  des  phénomènes  inflammatoires.  Je  crois  pour  ma  part  qu'elles 
ne  sont  avantageuses  qu'à  cette  période.  Cullcrier  môme  recommande  de 
n'y  avoir  recours  qu'après  l'emploi  des  balsamiques.  «Attendez  toujours, 
dit-il,  pour  les  prescrire,  que  l'action  du  cubèbe  ou  du  copahu  soit  épui- 
sée. C'est  alors  seulement  qu'elles  sont  véritablement  à  leur  place.  » 

Pour  être  complet,  l'effet  des  injections  a  besoin  d'être  soutenu  et  con- 
tinué un  certain  temps.  Trois  injections  par  jour  sont  nécessaires,  et 
chacune  doit  être  conservée  deux  ou  trois  minutes  dans  le  canal.  De  plus, 
il  faut  en  prolonger  l'usage  bien  au  delà  de  la  suppression  de  l'écoule- 
ment, pendant  huit,  dix,  douze  et  quinze  jours  même,  suivant  les  cas. 

Si  peu  que  les  injections  paraissent  irriter  le  canal,  il  faut  se  liàter  de 
les  suspendre.  Cela  est  surtout  indiqué  dans  les  cas  où  l'on  voit  l'écoule- 
ment devenir  rose,  se  teinter  de  sang,  ou  bien  prendre  cet  aspect  séreux 
signalé  précédemment,  qui  témoigne  toujours  d'une  surexcitation  plus  ou 
moins  vive  de  l'urèthre. 

Le  choix  du  liquide  à  injecter  doit  être  fait  avec  discernement,  car  il 
est  certain  que  tous  les  astringents  n'exercent  pas  sur  l'urèthre  une  ac- 
tion égale  et  de  même  nature.  Malheureusement  la  science  est  loin  d'être 
fixée  sur  ce  point.  Les  remèdes  prétendus  spécifiques,  les  recettes  infail- 
libles, abondent  dans  les  formulaires;  mais  ce  qui  fait  défaut,  ce  sont 
les  observations  sérieuses,  ce  sont  les  études  comparatives  sur  les  effets 
des  divers  agents  que  nous  voyons  journellement  préconisés.  A  quelle  pé- 
riode, à  quelle  forme  de  la  maladie  convient  telle  ou  telle  préparation; 
dans  quelles  circonstances  tel  remède  peut-il  être  utile  ou  nuisible?  C'est 
là  ce  qu'il  faudrait  savoir  et  ce  que  nous  ne  savons  encore  que  très-impar- 
faitement. La  théorie  cependant  et  la  routine  ne  sauraient  sur  ce  point 
suppléer  à  la  clinique.  «  Tous  les  astringents  ont  été  essayés  et  prônés 
dans  le  traitement  externe  des  blcnnorrhagies,  mais  tous,  ou  du  moins  à 
peu  près,  n'ont  pas  tardé  à  tomber  dans  l'oubli.  D'où  vient  cela?  De  ce 
que  le  plus  souvent  on  s'est  servi  de  ces  médicaments  sans  se  rendre 


170  BLENNOPiRHAGIE.  —  traitement. 

compte  de  l'opportunité  de  leur  emploi  ;  on  les  a  prescrits  non  parce  que 
tel  état  de  l'urèthre  indiquait  leur  emploi,  mais  parce  qu'on  les  avait  vus 
vantés  dans  un  journal;  c'est  à  peine  si  l'on  connaissait  leur  mode  d'ac- 
tion sur  les  tissus,  soit  à  l'état  physiologique,  soit  à  l'état  pathologique. 
En  suivant  ce  procédé  fort  simple,  on  pouvait  user  contre  les  blennorrha- 
gies  d'une  foule  de  moyens  sans  en  obtenir  le  moindre  résultat;  mais,  comme 
avec  le  temps  tout  finit  par  disparaître,  même  les  uréthrites,  il  s'ensui- 
vait que  c'était  souvent  au  dernier  remède  employé  qu'on  attribuait  la 
guérison,  bien  qu'à  vrai  dire  il  eût  été  tout  aussi  inefficace  que  les  pré- 
cédents »  (Thiry). 

Signalons  cette  lacune  de  la  science,  non  sans  rendre  justice  toutefois 
aux  travaux  de  quelques  observateurs,  de  Thiry  en  particulier,  qui  s'est 
efforcé  de  déterminer  par  des  expériences  et  des  études  cliniques  l'action 
des  divers  astringents  sur  l'urèthre  enflammé. 

Deux  substances  sont  surtout  en  faveur  pour  la  composition  des  injec- 
tions :  1°  le  nitrate  d'argent,  à  la  dose  de  10  centigrammes  environ 
pour  200  grammes  d'eau  distillée.  Ce  sel  est  parfois  irritant  et  mal  toléré 
par  quelques  malades.  —  2°  le  sulfate  de  zinc,  astringent  très-efficace  et 
très-usité,  considéré  même  par  quelques  auteurs  comme  le  véritable  spé- 
cifique de  la  blennorrhagie.  Il  est  mieux  supporté  en  général  que  le  ni- 
trate d'argent.  —  Sa  dose  active  est  de  1  gramme  pour  200  grammes  d'eau. 
—  Souvent  on  l'associe  avec  succès  soit  à  l'acétate  de  plomb  (voy.  p.  164), 
soit  au  laudanum,  au  cachou,  au  tannin,  etc.  L'injection  composée  dite  de 
Ricord  (page  104)  est  l'une  des  mieux  tolérées,  des  moins  douloureuses, 
et  des  plus  actives.  Le  dépôt  qu'elle  contient  et  qui  est  du  à  la  précipi- 
tation de  l'acétate  de  plomb  par  le  sulfate  de  zinc,  n'est  peut-être  pas 
étranger  à  ses  heureux  effets.  Il  ne  faut  donc  pas  que  cette  injection  soit 
filtrée,  comme  on  le  pratique  dans  quelques  officines. 

Il  est  une  foule  d'autres  substances  qui  sont  journellement  prescrites  en 
injections  :  le  tannin,  que  je  n'ai  jamais  vu  pour  ma  part  justifier  la 
réputation  dont  il  jouit;  —  l'alun;  —  le  chlorure  de  zinc;  —  le  perchlo- 
rure  de  fer;  —  le  sulfate  de  fer;  — l'iodure  de  fer;  —  le  vin,  qui  paraît 
surtout  convenir  aux  écoulements  atoniques  et  indolents;  —  les  astrin- 
gents végétaux,  lesquels  «  s'adressent  principalement  aux  uréthrites 
chroniques  entretenues  par  une  hypersécrétion  des  follicules  uréthraux 
(Thiry);  »  le  sublimé,  l'aloës,  etc.;  —  Il  serait  impossible  dans  l'état 
actuel  de  la  science  de  préciser  le  degré  d'action  de  tous  ces  remèdes  et 
d'autres  encore  que  je  pourrais  citer  par  centaines,  non  plus  que  les 
indications  auxquelles  ils  sont  aptes  à  répondre. 

Mentionnons  encore  les  injections  dites  isolantes,  composées  avec  la 
craie,  le  sous-nitrate  de  bismuth,  l'oxyde  de  zinc,  ou  toute  autre  poudre 
insoluble,  en  suspension  dans  l'eau  ou  dans  un  véhicule  un  peu  épais.  Elles 
paraissent  agir  en  tapissant  le  canal  d'un  dépôt  inerte  qui  en  tient  les  parois 
isolées.  Les  injections  de  bismuth  sont  surtout  en  faveur.  D'après  le  doc- 
teur Caby,  qui  en  a  fort  bien  étudié  l'action,  elles  seraient  surtout  avan- 
tageuses contre  les  écoulements  de  forme  chronique,  et  spécialement  contre 


BLENNORRHÀGIE.  —  traitement.  177 

la  blennorrhée.  —  Bien  que  composées  de  substances  inertes,  ces  injec- 
tions ne  sont  pas  toujours  inoffensives.  J'ai  constaté  plusieurs  fois  qu'elles 
déterminaient  dans  le  canal  une  sensation  douloureuse  de  plénitude  ou 
d'engorgement.  Rollet  dit  même  avoir  vu  «  des  malades  être  pris  tout 
à  coup  de  difficultés  d'uriner  et  rendre  avec  efforts  des  concrétions  de 
bismuth,  sortes  de  bezoards  formés  par  le  résidu  des  injections  avec  les 
mucosités  du  canal.  » 

Administrées  a  propos  et  avec  prudence,  les  injections,  si  elles  ne  sont 
pas  toujours  utiles,  sont  du  moins  toujours  inoffensives.  Ai-je  besoin  de 
dire  qu'elles  sont  fort  innocentes  des  répercussions  chimériques  (arthrite, 
ophthalmie,  orchite,  etc.)  et  de  tous  les  méfaits  dont  on  les  croyait  cou- 
pables autrefois?  Un  préjugé  populaire  les  rend  encore  aujourd'hui  res- 
ponsables de  tous  les  rétrécissements  du  canal.  Or  des  milliers  d'obser- 
vations ont  péremptoirement  établi  que,  loin  de  produire  les  coarctations 
uréthrales,  les  injections  les  préviennent  en  guérissant  leur  cause  la  plus 
habituelle,  c'est-à-dire  l'inflammation  prolongée  de  la  muqueuse  et  son 
extension  aux  tissus  sous-jacents. 

L'abus,  l'usage  intempestif  des  injections,  peut  devenir  et  devient  trop 
souvent,  comme  nous  l'avons  vu,  l'occasion  d'accidents  divers  (cystite  du 
col,  prostatite,  épididymite,  abcès  péri-uréthraux,etc);  mais  il  ne  faut  pas 
attribuer  à  la  méthode  ce  qui  est  le  résultat  de  son  application  faite  sans 
discernement  et  sans  mesure. 

Forme  chronique.  —  La  forme  chronique,  telle  que  nous  l'avons  com- 
prise et  définie  précédemment,  est  minutieuse  et  difficile  à  traiter.  C'est 
ici  surtout  que  les  indications  thérapeutiques  doivent  être  étudiées  avec 
soin  et  satisfaites  à  propos.  Les  formules  empiriques,  les  médications 
d'aventure  sont  plus  nuisibles  dans  cette  forme  de  la  maladie  que  dans 
toute  autre.  La  guérison  ne  peut  être  obtenue  que  par  une  intervention  de 
l'art  patiente,  raisonnée,  méthodique. 

11  importe  avant  tout  de  rechercher  les  causes  qui  ont  pu  déterminer 
le  passage  à  l'état  chronique  et  d'y  soustraire  le  malade,  si  l'on  est  assez 
heureux  pour  les  saisir.  Ces  causes  sont  nombreuses  et  variées.  Nous  les- 
avons  étudiées  en  détail;  rappelons  simplement  ceci,  que  neuf  fois  sur 
dix  pour  le  moins  l'affection  est  entretenue  soit  par  un  défaut  d'hygiène, 
soit  par  l'abus  ou  l'usage  intempestif  de  la  médication  suppressive.  C'est 
donc  sur  ces  deux  points  que  l'attention  du  médecin  doit  se  porter  prin- 
cipalement. 

Il  est  assez  facile  en  général  de  surprendre  la  cause  originelle  de  la  chro- 
nicité, et  partant  d'y  remédier.  Mais  il  est  des  cas,  et  ce  ne  sont  pas  les 
moins  embarrassants,  où  cette  cause  échappe  à  l'examen  le  plus  minu- 
tieux, où  rien  n'explique  la  persistance  de  la  maladie. 

Instituer  un  traitement  dans  ces  conditions  est  chose  assez  délicate» 
d'autant  que  l'on  chercherait  vainement  dans  les  auteurs  des  indications 
nettes  et  précises  pour  se  diriger  au  milieu  de  ces  difficultés  pratiques. 
Que  faire  donc  en  pareil  cas?  Voici,  pour  ma  part,  ce  à  quoi  m'a  conduit 
mon  observation  personnelle  : 

NODV.    MCT,  MÉD.    ET  Cllin.  V.    —    12 


178  BLENNORPJIAGIE.  —  traitement. 

Tout  d'abord,  siispendre  toute  médication;  abandonner  la  maladie  à 
elle-même  pour  un  certain  temps  (8, 10, 12  jours  environ),  afin  d'en  obser- 
ver les  allures  et  les  tendances  spontanées.  Intervenir  alors  de  la  façon 
suivante  :  tons  les  signes  d'inflammation  même  subaiguë  sont-ils  absolu- 
ment éteints,  se  borner  h  l'administration  de  tisanes  délayantes,  notam- 
ment de  la  tisane  au  bi-carbonatc  de  soude  dont  j'ai  donné  précédemment 
la  formule;  subsiste- t-il  quelque  phénomène  d'acuité,  prescrire  concurrem- 
ment l'usage  de  bains  répétés  (un  bain  de  trois  quarts  d'heure  tous  les 
deux  jours).  —  Insister  sur  cette  médication  jusqiià  V  époque  où  la  nature 
de  Vécoulement  se  modifie.  Deux,  trois,  cinq,  six  septénaires  sont  quel- 
quefois nécessaires  pour  obtenir  ce  résultat,  qu'il  importe  d'attendre  avec 
patience,  en  résistant  aux  sollicitations  des  malades  toujours  avides  d'en 
finir  au  plus  vite  avec  l'écoulement.  —  A  ce  moment,  agir  énergiquement 
sur  la  maladie,  en  mettant  en  œuvre  toutes  les  ressources  de  la  médication 
suppressive  (balsamiques,  injections).  —  Si  cette  médication  ne  tarit  pas 
le  suintement  en  6  ou  8  jours  au  plus  d'une  façon  complète,  la  suspendre 
aussitôt,  car  en  prolonger  l'emploi  serait  une  faute  ;  si  elle  n'a  pas  réussi, 
c'est  qu'elle  était  encore  prématurée;  se  résigner  donc  à  attendre  ;  revenir 
pour  un  certain  temps  à  l'usage  des  boissons  délayantes  ;  puis  tenter  de 
nouveau  le  traitement  suppressif,  dès  que  l'indication  paraîtra  s'en  pré- 
senter avec  plus  d'opportunité. 

Cette  méthode  est  lente,  mais  elle  est  sûre.  Je  lui  dois  de  nombreux 
succès  sur  des  malades  dont  l'écoulement  résistait  depuis  longtemps  aux 
médications  les  plus  variées. 

Il  est  des  cas  toutefois  où,  malgré  l'hygiène  la  plus  attentive,  malgré 
l'emploi  des  moyens  les  plus  rationnels,  l'écoulement  se  prolonge  et  se 
prolongerait,  pour  ainsi  dire,  indéfiniment  sans  la  moindre  modification. 
Reste  alors  la  ressource  d'une  méthode  souvent  très-efficace,  c'est  l'em- 
ploi des  bougies.  On  prescrit  au  malade  l'introduction  quotidienne  d'une 
bougie  de  moyen  calibre  (n°  16,  par  exemple,  de  la  filière  au  tiers  de 
millimètre);  cette  bougie  est  laissée  dans  le  canal  de  5  à  10,  15  minutes 
progressivement  ;  on  répète  cette  introduction  chaque  jour  pendant  une 
quinzaine,  trois  semaines  au  plus  ;  simultanément,  on  administre  une  tisane 
(délayante,  eau  de  goudron,  etc.),  et  l'on  recommande  au  besoin  quelques 
bains  pour  atténuer  l'irritation  produite  par  le  cathétérisme.  Or,  sous 
l'influence  de  ce  traitement,  il  se  produit  de  deux  choses  l'une  :  ou  bien  l'é- 
coulement augmente  d'une  façon  considérable  et  revient  môme  à  l'état 
aigu;  ou  bien,  ce  qui  est  plus  rare  et  plus  surprenant,  il  diminue  d'une 
façon  très-notable.  Dans  le  premier  cas,  on  cesse  l'emploi  des  bougies,  et 
l'on  reprend,  le  plus  souvent  avec  succès,  le  traitement  habituel  de  la 
blennorrhagie  aiguë.  Dans  le  second,  on  continue  plus  longtemps  le  pas- 
sage des  bougies,  puis  on  laisse  le  canal  au  repos  pendant  quelques  jours  ; 
des  injections  légèrement  astringentes  achèvent  en  général  la  guérison. 

Ce  mode  de  traitement  agit-il,  comme  on  le  dit,  en  modifiant  la  mu- 
queuse, en  changeant  la  forme  de  l'inflammation?  Cela  est  probable. 
Toujours  est-il  qu'il  fournit  des  succès  parfois  surprenants.  Je  lui  ai  dû 


BLENNORRHAGIE.  —  traitement.  179 

la  guérison  d'un  malade  qui  était  affecté,  depuis  neuf  années,  d'un  écou- 
lement assez  abondant,  entretenu  par  le  défaut  d'hygiène  et  l'usage  presque 
continu  d'injections  astringentes. 

Quelques  médecins  ont  encore  conseillé,  contre  cette  forme  chronique 
de  la  blennorrhagie,  l'emploi  d'injections  de  nitrate  d'argent  à  haute 
dose  (50  à  00  centigrammes  et  au  delà  pour  50  grammes  d'eau  distillée). 
J'ai  rarement  eu  recours  à  ce  mode  de  traitement,  et  cela  avec  des  ré- 
sultats très-opposés  ;  je  n'ai  donc  pas  d'expérience  suffisante  pour  le 
juger. 

Blennorrhée.  —  Affection  essentiellement  chronique  et  rebelle.  Consi- 
dérée par  les  uns  comme  une  simple  inflammation,  parles  autres  comme 
l'expression  d'un  état  général  ou  même  d'un  vice  constitutionnel,  par 
d'autres  encore  comme  le  symptôme  d'une  lésion  spéciale  de  la  muqueuse, 
la  blennorrhée  a  dû  nécessairement  être  soumise  aux  traitements  les  plus 
variés.  Il  est  peu  de  maladies,  en  effet,  auxquelles  on  ait  aussi  largement 
prodigué  toutes  les  ressources  de  la  thérapeutique. 

Sans  nous  arrêter  à  la  stérile  ériumération  des  innombrables  remèdes 
qui  ont  été  préconisés  contre  cette  maladie,  essayons  de  déterminer  les 
bases  d'un  traitement  méthodique  et  rationnel. 

1°  Rechercher  tout  d'abord  l'origine  de  l'écoulement.  —  La  blennorrhée 
n'est  souvent  que  le  symptôme  d'affections  extra-uréthrales.Elle  peut  avoir 
son  origine  dans  les  glandes  de  Cowper,  dans  la  prostate,  dans  les  vésicules 
séminales,  dans  une  lésion  du  col  de  la  vessie,  dans  un  clapier  péri- 
uréthral,  dans  une  fistule  aboutissant  à  l'urèthre,  etc..  Très-fréquemment 
aussi  elle  dépend  d'un  rétrécissement,  lequel  peut  être  assez  atténué  dans 
ses  manifestations  pour  être  en  quelque  sorte  larvé,  etc.  —  Dans  toutes 
ces  variétés  de  blennorrhée  syniptomatique,  le  traitement  doit,  de  toute 
évidence,  s'adresser  non  au  suintement,  mais  à  la  lésion  qui  le  tient  sous 
sa  dépendance. 

2°  Lorsqu'un  examen  aussi  minutieux  que  possible  donne  lieu  de  sup- 
poser qu'il  s'agit  d'une  blennorrhée  simple,  la  conduite  à  tenir  me  semble 
devoir  être  réglée  de  la  sorte  : 

Il  n'est  pas  urgent,  du  premier  jour  où  l'on  est  consulté  par  le  malade, 
de  prescrire  d'emblée  une  médication,  laquelle  peut  être  inutile  ou  court 
risque  de  tomber  à  faux.  Mieux  vaut,  ici  comme  dans  la  forme  précédente, 
savoir  attendre,  et  cela  pour  deux  raisons  :  1°  pour  étudier  à  fond  le  ma- 
lade et  la  maladie;  2°  pour  demander  à  l'hygiène  et  au  temps  tout  ce  que 
ces  deux  grands  modificateurs  peuvent  produire. 

11  est,  en  effet,  des  blenhorrhées  que  j'appellerais  volontiers  constitu- 
tionnelles, en  ce  sens  qu'elles  sont  entretenues  par  un  état  général  de 
l'organisme,  «état  analogue  à  celui  qui  engendre  les  Queurs  blanches  chez 
les  femmes  anémiques  »  (Cullerier).  Elles  se  rattachent  à  la  débilité,  au 
lymphatisme,  à  la  faiblesse  de  tempérament,  à  la  scrofule,  à  l'herpé- 
tisme,  etc.  Dans  les  cas  de  cet  ordre,  c'est  le  malade  qu'il  faut  traiter  et 
non  la  maladie.  Les  véritables  antiblennorrhéiques  seront  ici  :  les  recon- 
stituants, les  toniques,  le  fer,  le  quinquina,  l'huile  de  foie  de  morue,  les 


480  BLENNORRIIAG1E.  —  traitement. 

amers,  les  iodiques,  les  bains  sulfureux,  les  bains  de  rivière,  et  surtout 
les  bains  de  mer,  l'hydrothérapie,  etc.  —  Il  importe  donc  essentiellement 
d'étudier  les  indications  diverses  qui  ressortent  de  l'état  général,  afin  d'y 
satisfaire  par  une  médication  appropriée,  laquelle  pourra  rendre  inutile 
l'intervention  du  traitement  local. 

De  plus,  il  y  a  souvent  profit  à  attendre,  en  soumettant  le  malade  à  de 
simples  soins  d'hygiène.  J'ai  vu  nombre  de  fois  et  tout  le  monde  a  vu  des 
blennorrhées  se  tarir  par  le  seul  fait  de  la  suppression  des  causes  qui  les 
perpétuaient  (excitations  vénériennes,  excès  alcooliques,  usage  de  la  bière, 
régime  débilitant,  privation  de  vin,  etc.).  —  De  même  il  est  des  suinte- 
ments qui  sont  très-positivement  entretenus  par  la  médication,  quelle 
qu'elle  soit,  et  qui  guérissent  dès  qu'on  n'y  fait  plus  rien.  Ricord  nous 
répétait  souvent  avec  un  grand  sens  pratique  :  «  Lorsqu'on  a  tout  essayé 
sans  succès,  il  faut  essayer  de  ne  plus  rien  faire.  »  Très-sage  conseil, 
dont  j'ai  plus  d'une  fois  déjà  rencontré  l'utile  application.  —  Enfin,  il 
est  des  cas  où,  comme  Ricord  l'a  très-bien  indiqué,  la  reprise  des  rap- 
ports sexuels  est  la  condition  définitive  de  la  guérison. 

5°  Lorsque  la  maladie  résiste,  il  est  divers  traitements  à  lui  opposer. 

La  médication  que  nous  avons  conseillée  contre  la  blcnnorrhagie  chro- 
nique est  assez  souvent  d'un  utile  emploi  dans  la  blennorrhée.  C'est  la 
plus  simple,  la  plus  inoffensive;  c'est  par  elle  qu'il  convient,  je  pense, 
de  débuter.  Donc  :  tenir  les  malades  pour  un  certain  temps  à  l'usage 
des  tisanes;  puis  prescrire  ensuite  les  balsamiques  et  les  injections,  comme 
nous  l'avons  exposé  précédemment. 

On  a  dit  à  tort  que  les  balsamiques  deviennent  absolument  inertes  à 
cette  période  ultime  de  la  maladie.  Ce  n'est  là  que  l'exagération  d'un  fait 
vrai.  Il  est  incontestable  que  le  cubèbe  et  le  copahu  ne  possèdent  plus  con- 
tre la  blennorrhée  l'aclion  puissante  qu'ils  exercent  sur  la  blennorrhagie; 
mais  cette  action,  ils  ne  l'ont  pas  cependant  perdue  tout  entière;  ils  peu- 
vent encore  rendre  des  services,  surtout  lorsqu'on  les  administre  à  pro- 
pos et  d'une  certaine  manière. 

Ricord  a  fait  cette  remarque  que  l'on  pouvait  obtenir  de  ces  remèdes 
des  effets  avantageux  dans  le  traitement  de  la  blennorrhée,  en  les  pres- 
crivant à  petites  doses  et  d'une  façon  soutenue.  On  fait  prendre,  par  exem- 
ple, 6  à  10  grammes  de  cubèbe  chaque  jour,  en  deux  ou  trois  doses.  Ce 
mode  d'administration  présente  un  double  avantage  :  il  permet  de  con- 
tinuer longtemps  l'usage  du  médicament  sans  fatigue  pour  l'estomac  et 
sans  répugnance  ;  de  plus  il  entretient  d'une  façon  continue  la  modifica- 
tion des  urines.  Souvent  il  détermine  des  effets  qu'on  ne  produirait  pas 
à  doses  massives. 

Dans  le  même  but,  on  peut  avoir  recours  aux  succédanés  du  cubèbe  et 
du  copahu  :  térébenthines,  baume  du  Canada,  goudron,  etc.,  substances 
peu  actives  sans  doute,  mais  devenant  utiles  par  une  administration  long- 
temps continuée. 

Toutefois,  à  cette  période  avancée  de  la  maladie,  il  y  a  plus  de  résul- 
tats à  attendre  de  la  médication  directe,  c'est-à-dire  de  l'emploi  des  in- 


BLENNORRHAfxIE.  —  teawemejst.  181 

jections.  —  De  toutes  les  substances  qui  ont  été  préconisées  conlre  les 
suintements  chroniques  de  l'urèthre,  celles  qui  paraissent  mériter  le  plus 
de  confiance  sont  encore  comme  dans  la  blennorrhagie  :  le  sulfate  de  zinc, 
l'acétate  de  plomb,  les  injections  composées  où  entrent  ces  deux  sels,  le 
nitrate  d'argent,  le  vin,  etc.  —  Ricord  a  coutume  de  prescrire  contre  les 
blennorrhées  atoniques  l'une  ou  l'autre  des  injections  suivantes  : 

1°  Eau  distillée  île  roses 100  grammes. 

Yiti  rouge  du  Midi 50        — 

Mêlez.  —  On  augmente  la  quantité  de  vin  progressivement,  jusqu'à 
l'employer  seul  s'il  n'irrite  pas. 

2°  Eau  distillée  de  roses    )   ~  ,AA 

,7.      ...        .„  }  aa 100  grammes. 

Vin  »lc  Roussillon         ) 

Tannin   j  ~,  , 

.,  aa 1         — 

Alun       ) 

Mêlez. 

Les  injections  isolantes,  au  dire  de  quelques  auteurs,  jouissent  ici  d'une 
efficacité  toute  spéciale.  Le  docteur  Caby  relate  dans  son  estimable  tra- 
vail 47  cas  de  guérison  dus  à  l'emploi  des  injections  au  bismuth. 

4°  Si  le  traitement  qui  précède  a  échoué,  il  convient  de  passer  k  l'em- 
ploi des  bougies. 

«  Les  bougies,  dit  Ricord,  triomphent  souvent  de  quelques  écoulements 
réfractaires  à  tout  autre  moyen.  Ces  instruments,  simples  ou  médicamen- 
teux, peuvent  être  employés  d'une  manière  temporaire  ou  à  demeure.  — 
Dans  quelques  circonstances,  il  suffit  d'introduire  une  bougie  une  ou  deux 
fois  par  jour,  et  de  la  laisser  séjourner  dix  minutes,  un  quart  d'heure  au 
plus,  dans  l'urèthre,  pour  obtenir  le  résultat  voulu.  Toutefois,  la  guérison 
ne  s'effectue  pas  toujours  de  la  même  manière.  Le  plus  souvent  la  sécré- 
tion morbide  est  d'abord  augmentée,  l'instrument  agissant,  comme  l'a 
fait  observer  limiter,  à  la  manière  des  irritants  ;  tandis  que  dans  d'autres 
circonstances,  peut-être  plus  rares,  elle  se  tarit  insensiblement  sans  avoir 
été  préalablement  avivée.  »  Dès  que  la  sécrétion  morbide  a  été  fortement 
accrue,  il  faut  suspendre  l'introduction  des  bougies,  administrer  quel- 
ques tisanes  et  tenter  la  médication  suppressive.  De  même  si  le  suinte- 
ment s'est  tari,  il  faut  abandonner  l'emploi  de  l'instrument  qui  pourrait 
irriter  l'urèthre  et  reproduire  l'écoulement. — «  Lorsque,  par  l'emploi  tem- 
poraire des  bougies,  on  reste  dans  le  statu  quo,  ou  (pie  de  leur  introduc- 
tion répétée  il  résulte  trop  d'irritation,  il  faut  donner  la  préférence  aux 
sondes  à  demeure.  Avec  ces  instruments  encore,  on  obtient  ou  la  cessa- 
tion graduelle  de  l'écoulement,  ce  qui  est  plus  rare,  ou  bien  on  arrive  à 
une  véritable  et  forte  suppuration  qui  force  à  y  renoncer,  et  à  la  suite 
de  laquelle  on  obtient  ordinairement  la  guérison  définitive.  »  (Ricord.) — 
«  On  peut,  du  reste,  augmenter  l'effet  purement  mécanique  des  bougies 
en  les  enduisant  de  diverses  pommades  résolutives  (onguent  mercuriel, 
iodure  de  potassium,  pommade  à  la  belladone  ou  au  nitrate  d'argent).  De 
cette  façon,  on  agit  directement  sur  les  follicules  que  l'on  soumet  ainsi  à 


182  BLENNORRHAGIE.  —  traitement. 

un  véritable  pansement  interne,  et  sur  lesquels  on  peut  encore  agir  plus 
directement,  c'est-à-dire  par  compression,  en  employant  de  fortes  bou- 
gies; mais  ce  catliétérisme  n'est  pas  toujours  inoffensif,  il  agace,  énerve 
quelquefois  le  patient,  amène  des  cystites  et  des  orchites  ;  il  est  donc  bon 
de  prévenir  le  malade  de  la  possibilité  de  cet  accident.  »  (Cullerier.) 

5°  Si  la  maladie  a  résisté  à  ces  divers  moyens,  il  reste  encore  une 
ressource  à  laquelle,  selon  moi,  il  faut  ne  recourir- qu'en  dernier  lieu; 
c'est  la  cautérisation  de  Vurèthre. 

Cette  cautérisation  peut  s'effectuer  de  plusieurs  façons,  soit  par  les 
injections,  soit  à  l'aide  d'instruments  porte-caustiques,  soit  enfin  par  la 
méthode  de  Desormeaux. 

Les  injections  constituent  le  procédé  le  plus  simple.  Pour  en  tirer  le 
meilleur  parti  possible,  il  faut  qu'elles  soient  assez  actives  pour  modifier 
énergiquement  la  muqueuse  uréthrale  (50  à  60  centigrammes  et  plus  de 
nitrate  d'argent  pour  50  grammes  d'eau  distillée).  De  plus,  il  est  préférable 
de  les  porter  dans  le  canal  à  l'aide  d'une  sonde  de  moyen  calibre,  au  pa- 
villon de  laquelle  s'adapte  une  petite  seringue.  En  procédant  de  la  sorte, 
on  est  sûr  d'atteindre  toutes  les  parties  que  l'on  veut  toucher,  comme  de 
rester  en  deçà  des  points  que  l'on  veut  respecter.  —  Une  seule  de  ces 
injections  est  souvent  suffisante;  parfois,  on  est  forcé  d'en  faire  plusieurs, 
à  quelques  jours  d'intervalle.  —  Simultanément,  on  prescrit,  pendant 
une  semaine,  l'emploi  des  balsamiques  à  forte  dose,  pour  compléter  l'ac- 
tion curative. 

La  cautérisation  peut  encore  être  faite  à  l'aide  du  porte-caustique  de 
Lallemand  ou  d'instruments  du  même  genre  (instruments  de  Bron,  de 
Chassaignac,  de  Clerc,  de  V.  de  Méric,  de  Wilmart,  etc.).  Cette  méthode 
a  l'avantage  de  limiter  l'action  du  caustique;  mais  elle  a  l'inconvénient 
d'agir  en  aveugle;  si  elle  peut  tomber  juste,  elle  peut  toucher  à  faux, 
comme  n'atteindre  qu'une  portion  de  la  muqueuse  malade.  De  plus,  elle 
est  loin  d'être  inoffensive.  Elle  cautérise  trop  vivement  et  peut  déterminer 
de  véritables  eschares.  Elle  provoque  souvent  de  très-vives  douleurs,  des 
accidents  sérieux  de  dysurie  ou  de  rétention  d'urine,  des  cystites  du  col, 
des  épididymites,  et  même  des  prostatites  ou  des  phlegmons  péri-uré- 
thraux. 

Théoriquement,  le  procédé  de  Desormeaux  répond  aux  inconvénients 
de  la  méthode  précédente.  Il  permet  de  voir  la  lésion  et  de  la  toucher  iso- 
lément. «  Ce  qu'on  ne  peut  faire  par  les  moyens  ordinaires,  dit  cet  au- 
teur, Y  endoscope  nous  donne  le  moyen  de  le  faire  aisément  et  avec  sûreté. 
L'instrument,  porté  sur  la  partie  malade,  permet  de  juger  les  points  à 
attaquer  et  d'y  appliquer  le  caustique  ;  il  suffit  pour  cela  ,  lorsqu'on 
trouve  un  point  malade  au  fond  de  la  sonde,  de  l'arrêter  et  d'introduire 
par  sa  fente  l'instrument  chargé  de  caustique;  on  est  sûr  d'atteindre  ainsi 
la  partie  malade,  et  de  ménager  les  parties  saines...  Le  caustique  que  je 
préfère  est  la  solution  de  nitrate  d'argent  (5  à  15  grammes  de  nitrate 
d'argent  cristallisé  pour  15  grammes  d'eau),  laquelle  a  l'avantage  de  ne 
pas  produire  d'eschares,  d'être  cathérétique  plutôt  que  caustique,  d'agir 


BLENN0RMIAG1E.  —  traitement.  183 

dans  toutes  les  anfractuosités  de  l'ulcération,  de  la  modifier  dans  toutes 
ses  parties,  sans  agir  trop  fort  sur  aucune...  L'opération  est  très-simple  : 
lorsqu'on  reconnaît,  au  bout  de  la  sonde,  la  lésion  qu'on  veut  attaquer, 
on  l'absterge  bien  avec  du  coton  sec,  puis  on  y  applique  un  autre  tampon 
trempé  dans  la  solution  de  nitrate.  Il  faut  toucher  ainsi  tous  les  points  où 
l'on  trouve  des  granulations...  Au  commencement  du  traitement,  les 
cautérisations  doivent  être  répétées  tous  les  trois  ou  quatre  jours  ;  plus 
tard,  lorsque  les  granulations  ont  disparu  et  qu'il  n'y  a  plus  qu'une  érosion 
à  surface  inégale,  il  suffit  d'y  revenir  une  fois  par  semaine...  La  cure,  du 
reste,  est  longue;  il  ne  faut  pas  s'attendre  à  obtenir  la  guérison  en  moins 
de  deux  à  trois  mois...  Avec  ce  traitement  bien  employé,  ajoute  Desor- 
meaux, je  n'hésite  pas  à  dire  que  vous  guérirez  tous  vos  malades.  Jus- 
qu'ici je  n'en  ai  pas  vu  un  seul  dont  la  maladie  ait  résisté,  lorsqu'il  a  été 
suffisamment  continué.  »  Reste  à  savoir  si  l'introduction  répétée  d'un  in- 
strument volumineux  comme  l'endoscope  n'est  pas  de  nature  à  irriter 
l'urèthre  et  à  entretenir  le  suintement  plutôt  qu'à  le  tarir.  Cette  méthode, 
du  reste,  n'a  pas  encore  été  suffisamment  expérimentée  pour  qu'il  soit 
permis  de  l'apprécier  justement. 

G0  Enfin,  mentionnons,  à  titre  de  mémoire  seulement,  quelques-uns 
des  nombreux  moyens  auxquels  certains  cas  de  guérison  ont  paru  pouvoir 
être  rapportés  :  injections  très-diverses  (tannin,  teinture  d'iode,  sublimé, 
iodure  de  fer,  pierre  divine,  nitrate  acide  de  mercure,  chlorure  de  zinc, 
perchloruredefer,matico,  etc.,  etc,);  —  drastiques  (coloquinte,  aloès);  — 
eaux  minérales;  —  révulsifs  (vésicatoires  au  périnée,  emplâtre  stibié  sur 
les  lombes,  etc.);  — électricité  (limiter);  —  mèches  isolantes  (Ricord), 
etc.,  etc...  —  Est-il  besoin  de  dire  que  l'efficacité  de  ces  divers  moyens 
est  bien  loin  d'être  démontrée  par  l'expérience  ? 

7°  Il  est  des  cas  rebelles  à  tout.  Faut-il,  dans  ces  conditions,  lutter 
quand  même,  s'obstiner,  accumuler,  comme  le  font  certains  malades, 
remèdes  sur  remèdes,  injections  sur  injections?  Je  crois  celte  pratique 
plutôt  propre  à  exaspérer  le  mal  qu'à  le  guérir.  Il  est  préférable,  à  mon 
sens,  de  ne  pas  insister,  de  suspendre  toute  médication,  de  rassurer  le 
malade  et  de  confier  au  temps  ce  que  l'art  n'a  pu  faire.  Je  ne  crains  pas 
de  le  répéter,  il  est  bon  nombre  de  sujets  qui,  après  avoir  épuisé  sans 
succès  toutes  les  ressources  de  la  thérapeutique,  guérissent  par  le  seul 
fait  du  temps.  Le  plus  souvent  d'ailleurs,  comme  nous  l'avons  établi  pré- 
cédemment, la  maladie  se  réduit  à  un  simple  suintement  inoffensif.  Mieux 
vaut,  à  tout  prendre,  conserver  un  petit  mal  que  de  s'exposer  à  un  pire, 
en  poursuivant  une  guérison  toujours  incertaine.  Or  il  n'est  pas  douteux 
qu'une  médication  longtemps  prolongée,  que  des  excitations  incessamment 
portées  sur  l'urèthre,  ne  puissent  devenir  l'origine  d'accidents  sérieux,  de 
complications  graves.  Devant  ce  danger,  qui  naît  du  traitement,  il  faut 
que  le  médecin  s'arrête  et  s'abstienne  à  temps  ;  ne  pouvant  guérir  dans 
tous  les  cas,  il  faut  que  toujours,  du  moins,  il  sache  ne  pas  nuire. 


184  BLENNORRHAGIE.  —  adénite. 

COMPLICATIONS. 

Les  accidenls  qui  peuvent  compliquer  la  blennorrhagie  sont  nombreux 
et  divers.  Ils  se  divisent  très-naturellement  en  deux  groupes  au  point  de 
vue  pathogénique. 

1°  Les  uns,  de  beaucoup  les  plus  fréquents,  sont  de  simples  irradia- 
tions de  la  phlegmasie  uréthrale  sur  les  organes  voisins;  ce  sont  des  acci- 
dents purement  locaux.  —  Dans  ce  premier  groupe  se  rangent  l'adénite 
inguinale,  la  lymphangite  de  la  verge,  l'inflammation  du  prépuce,  les  ab- 
cès péri-uréthraux,  la  cowpérite,  la  prostatite,  l'uréthrorrhagie,  la  réten- 
tion d'urine,  etc.  Peut-être  aussi  faut-il  y  placer  l'épididymite. 

2°  Les  autres,  d'un  caractère  tout  différent,  se  produisent  à  distance 
de  l'urèthre  et  ne  peuvent  plus  être  considérés  comme  de  simples  phéno- 
mènes d'irradiation  inflammatoire.  Ils  se  développent,  chose  singulière, 
sur  des  organes  qu'aucune  relation  anatomique,  qu'aucune  dépendance 
fonctionnelle,  ne  relie  à  l'urèthre.  On  les  prendrait  volontiers  pour  les  ma- 
nifestations d'un  état  général,  d'une  infection  constitutionnelle,  d'une 
diathèse.  Ce  sont  :  1°  le  rhumatisme  blennorrhagique,  dans  ses  formes 
variées  (fluxions  articulaires,  inflammation  des  gaines  des  tendons,  des 
bourses  muqueuses,  sciatique,  etc.);  2°  l'ophthalmie  dite  métastatique 
ou  rhumatismale. 

Enfin,  il  est  un  accident  plus  grave  à  lui  seul  que  tous  les  précédents 
réunis,  c'est  Tophtlialmie  de  contagion,  l'ophthalmie  purulente  blennor- 
rhagique. Celle-ci  ne  rentre  ni  dans  l'un  ni  dans  l'autre  des  groupes  pré- 
cédents ;  c'est  une  complication  d'un  ordre  tout  spécial,  dont  nous  es- 
sayerons de  montrer  le  véritable  caractère. 

Premier  groupe.  —  I.  Atténue.  —  Très-souvent,  au  début  ou  à  la  pé- 
riode d'acuité  delà  blennorrhagie,  il  se  fait  un  retentissement  inflamma- 
toire vers  les  glandes  inguinales.  Cette  adénite  n'est  guère  remarquable 
que  par  son  habituelle  bénignité.  Rèçlc  presque  générale,  elle  se  borne  à 
une  tuméfaction  légèrement  douloureuse  d'un  ou  de  plusieurs  ganglions, 
laquelle  se  dissipe  en  quelques  jours.  Il  suffit  pour  la  modérer  d'un  peu 
de  repos,  aidé  ou  non  de  l'emploi  de  bains  et  de  cataplasmes  émollients. 
Sur  quelques  sujets  l'inflammation  revêt  parfois  un  plus  haut  degré 
d'intensité,  en  présentant  les  caractères  d'une  adénite  aiguë,  dont  les 
symptômes  seraient  inutiles  à  reproduire  ici  (voy.  Adénite,  Bubon).  Le 
plus  souvent  néanmoins  elle  se  termine  par  résolution  sous  l'influence  de 
la  médication  antiphlogistique  (sangsues,  bains,  cataplasmes,  etc). 

Il  est  très-rare  que  le  bubon  blennorrhagique  aboutisse  à  suppuration. 
Lorsque  cette  terminaison  se  produit,  il  se  développe  un  abcès  phleg- 
moneux,  lequel  n'olfre  aucun  caractère  de  spécificité  virulente.  Le  pus 
qui  s'en  écoule  n'est  jamais  inoculable  (Ricord)  ;  jamais  le  foyer  purulent 
ne  se  convertit  en  ulcère,  en  clapier  chancreux.  —  Il  peut  bien  se  faire 
que  ce  bubon  abeédé  se  complique  ultérieurement  d'accidents  divers,  de 
décollements  de  la  peau,  de  fistules  persistantes,  ou  même  d'érysipèle; 
ainsi  le  docteur  Ch.  Hardy  a  relaté  l'histoire  d'un  malade  chez  lequel  un 


BLENNORRHAGIE.  —  lymphangite.  185 

double  bubon  blennorrhagique  abcédé  devint  l'origine  d'un  érysipèle 
phlegmoneux,  lequel  après  avoir  envahi  une  partie  du  tronc  et  des  mem- 
bres abdominaux,  détermina  une  gangrène  du  prépuce  et  du  scrotum. 
Mais  ce  ne  sont  là  que  des  accidents  communs  à  toute  espèce  d'abcès, 
n'offrant  rien  de  spécial  et  n'impliquant  aucun  caractère  de  virulence. 

Chez  les  sujets  lymphatiques  ou  scrofuleux,  les  inflammations  uréthrales, 
surtout  lorsqu'elles  se  prolongent,  deviennent  assez  souvent  l'occasion 
d'engorgements  strumeux  des  ganglions  inguinaux.  C'est  même  là,  comme 
je  le  montrerai  ailleurs,  une  des  origines  fréquentes  au  bubon  strumeux 
de  l'aine.  Je  conserverai  volontiers  à  cette  variété  d'adénite  la  dénomi- 
nation de  blenno-st  rameuse,  proposée  par  le  regrettable  Melch.  Robert. 

II.  L.yftMi>iiang£fl<».  —  I.  L'inflammation  des  troncs  lymphatiques  est 
une  complication  fréquente.  Elle  se  présente  sous  deux  formes  qui  ne  me 
semblent  pas  avoir  encore  été  suffisamment  distinguées. 

Tantôt  cette  lymphangite  est  franchement  inflammatoire.  Elle  se  tra- 
duit alors  par  les  phénomènes  suivants  :  traînées  roses  ou  rougeàtres  sil- 
lonnant les  téguments  de  la  verge,  parallèlement  au  trajet  des  troncs 
lymphatiques  ;  sensation  sous  la  peau  de  cordons  durs  et  douloureux  au 
toucher,  souvent  noueux  et  moniliformes,  que  l'on  peut  soulever  avec  le 
doigt  et  isoler  des  parties  sous-jacentes  (Ricord)  ;  infiltration  séreuse  du 
prépuce  et  parfois  même  d'une  portion  du  fourreau  ;  le  plus  souvent, 
tension  douloureuse  des  ganglions  inguinaux. 

Tantôt  au  contraire,  cette  lymphangite  semble,  pour  ainsi  dire,  se 
produire  à  froid.  Aucun  signe  extérieur  ne  la  révèle,  et  le  malade  n'ac- 
cuse nul  phénomène  douloureux.  C'est  par  le  palper  seulement  qu'on 
constate  l'engorgement  des  troncs  lymphatiques,  sous  forme  de  cordons 
indurés  et  indolents.  Les  plus  volumineux  de  ces  cordons  se  rencontrent 
sur  le  dos  de  la  verge  {lymphangite  dorsale)  ;  d'autres  plus  petits  sur  les 
parties  latérales  du  fourreau  ou  sur  le  prépuce.  —  Cette,  variété  peu 
connue  offre  ceci  d'intéressant  qu'elle  simule  à  s'y  méprendre  la  lym- 
phangite symptomatique  du  chancre  infectant.  L'analogie  est  frappante  et 
je  m'étonne  qu'elle  n'ait  pas  été  plus  remarquée. 

Sous  l'une  ou  l'autre  de  ces  formes,  la  lymphangite  blennorrhagique 
n'offre  aucune  gravité.  Elle  se  termine  presque  invariablement  par  réso- 
lution, en  laissant  à  sa  suite  un  certain  degré  d'engorgement  des  cordons 
lymphatiques,  lequel  persiste  parfois  assez  longtemps  et  entretient  une 
infiltration  indolente  du  prépuce. 

11  est  tout  à  lait  exceptionnel  que  la  lymphangite,  limitée  aux  gros 
vaisseaux  du  dos  delà  verge,  soit  suivie  de  suppuration.  Cependant  cette 
terminaison  a  été  signalée  par  quelques  auteurs,  qui  ont  vu  des  noyaux 
d'engorgement  se  former  sur  le  trajet  des  lymphatiques,  prendre  l'aspect 
phlegmoneux  et  devenir  l'origine  de  petits  abcès  circonscrits.  «  Ces  pe- 
tits foyers  purulents,  ajoute  Ch.  Hardy,  sont  ordinairement  multiples,  peu 
douloureux  par  eux-mêmes  ;  mais  ils  peuvent  décoller  la  peau  de  la  verge 
dans  une  certaine  étendue  et  méritent  d'attirer  l'attention  du  prati- 
cien. » 


1#6  RLENNORRHAGIE.  —  lymphangite. 

Ajoutons  que  la  lymphangite  est  souvent  l'origine  d'autres  accidents 
dont  nous  parlerons  bientôt,  le  phimosis  et  le  paraphimosis. 

Le  traitement  de  cette  complication  est  des  plus  simples  :  repos,  grands 
bains,  bains  locaux;  tenir  constamment  la  verge  entourée  de  compresses 
imbibées  d'un  liquide  émollientou  résolutif;  dans  le  cas  d'inflammation 
très-vive,  sangsues  dans  les  aines.  —  Si  des  foyers  purulents  se  forment 
sur  le  trajet  des  lymphatiques,  les  ouvrir  de  bonne  heure  pour  éviter  les 
décollements  et  les  infiltrations. 

La  lymphangite  que  nous  venons  d'étudier  a  été  longtemps  décrite  sous 
le  nom  d'inflammation  du  ligament  membraneux  de  la  verge  (Astruc),  ou 
plus  récemment  sous  celui  de  phlébite  dorsale,  jusqu'au  jour  où  le  siège  de 
la  maladie  a  été  mieux  précisé.  —  La  phlébite  vraie  est  un  accident  ex- 
cessivement rare.  D'après  Ricord,  qui  en  a  observé  quelques  cas,  elle  se 
traduirait  par  des  symptômes  à  peu  près  analogues  à  ceux  de  la  lymphan- 
gite ;  elle  s'en  distinguerait  toutefois  par  ce  fait  qu'elle  s'accompagne 
d'un  empâtement  plus  accusé  des  tissus  périphériques,  en  sorte  qu'il  n'est 
pas  possible  de  saisir  et  de  soulever  la  veine  avec  les  doigts,  comme  on 
le  fait  pour  les  lymphatiques.  De  plus,  elle  ne  détermine  pas,  comme  la 
lymphangite,  le  développement  des  ganglions  inguinaux. 

II.  D'autres  fois,  l'inflammation  se  porte  sur  le  réseau  lymphatique^  de 
façon  à  constituer  ce  qu'on  a  appelé  la  lymphangite  ou  Yangéioleucite 
réticulaire,  diffuse,  érysipélateuse. 

Cette  forme  simule  i'érysipèle.  Elle  se  traduit  surtout  par  une  coloration 
de  la  peau  rosée,  rougeâtre  ou  même  rouge,  régulièrement  étendue  en 
nappe  ;  par  une  sensibilité  très-vive  des  téguments  au  moindre  contact  ; 
par  une  tuméfaction  inflammatoire  plus  ou  mdins  considérable.  —  Elle 
coïncide  presque  toujours  avec  la  lymphangite  des  gros  troncs  et  avec  une 
tension  douloureuse  des  ganglions  de  l'aine. 

Le  plus  habituellement,  elle  se  limite  au  prépuce  qui  devient  rouge  et 
douloureux,  en  même  temps  qu'il  s'œdématie  de  façon  à  donner  à  la 
verge  la  lorme  d'une  massue  ou  d'un  battant  de  cloche.  Parfois  cepen- 
dant elle  s'étend  à  tout  le  pénis.  Cet  organe  prend  alors  des  proportions 
énormes,  se  développe  en  constituant  des  bourrelets  et  des  bosselures 
que  séparent  des  sillons  profonds,  se  contourne,  se  tord  en  vrille  à  son 
extrémité,  etc.  En  certains  cas  même,  la  tuméfaction  et  l'œdème  attei- 
gnent un  degré  tel  que  la  miction  ne  s'exécute  plus  qu'à  grand'peine  par 
l'orifice  préputial  considérablement  rétréci.  La  verge  devient  le  siège  de 
très-vives  douleurs;  les  ganglions  inguinaux  s'enflamment;  des  érections 
répétées  et  excessivement  pénibles  tourmentent  les  malades  ;  ce  qui,  joint 
aux  autres  symptômes  de  la  blennorrhagie,  détermine  le  plus  habituelle- 
ment des  troubles  généraux  plus  ou  moins  intenses  (lièvre,  malaise,  inap- 
pétence, et  même  délire  léger  en  quelques  cas  exceptionnels). 

Tout  cela  est  en  général  plus  effrayant  que  grave.  Sous  l'influence 
d'une  médication  rationnelle,  ces  symptômes  ne  tardent  guère  à  se  cal- 
mer. Le  plus  souvent  même  la  résolution  se  fait  avec  une  rapidité 
surprenante.  En  quelques  jours,  les  douleurs  s'apaisent,  la  rougeur  dis- 


BLENNORRHAGIE.  —  phimosis,  paraphimosis.  1 87 

paraît,  le  gonflement  diminue,  et  tout  rentre  dans  l'ordre.  Mais,  d'autres 
fois,  cette  inflammation  si  violente  ne  se  termine  qu'au  prix  de  suppura- 
tions plus  ou  moins  étendues.  Il  se  produit  un  ou  plusieurs  foyers  qui, 
ouverts  ta  temps,  se  limitent,  s'évacuent  et  se  cicatrisent  sans  accidents. 
Il  est  bien  plus  rare,  il  est  même  exceptionnel  que  l'angéioleucite  déter- 
mine la  formation  d'un  phlegmon  diffus.  «  Dans  ce  cas,  c'est  presque 
toujours  le  prépuce  qui  en  est  le  siège;  quelquefois  aussi,  mais  très-rare- 
ment, l'inflammation  se  propage  au  tissu  cellulaire  qui  double  le  fourreau 
de  la  verge.  Ces  phlegmons  ont  une  grande  tendance  à  détruire  la  mu- 
queuse du  prépuce  et  à  se  vider  du  côté  du  gland...  Lorsque  l'abcès  est 
vidé,  le  prépuce  revient  sur  lui-même,  la  tension  disparaît,  les  douleurs 
cessent,  et  l'on  constate  que  la  peau  est  très-amincie  au  niveau  du  foyer; 
dans  certains  cas  même  cet  amincissement  est  tel  que  cette  membrane  a 
perdu  sa  vitalité  et  tombe  en  gangrène.  Il  en  résulte  une  perforation  au 
fond  de  laquelle  on  aperçoit  le  gland...  Cet  accident  n'est  pas  le  seul  au- 
quel exposent  les  abcès  érysipélateux  du  prépuce;  un  autre  très-commun, 
c'est  un  œdème  dur,  limité  à  la  partie  du  prépuce  qui  correspond  au  frein, 
et  persistant  très-longtemps  après  la  guérison  de  l'abcès.  Chez  d'autres  ma- 
lades, le  pourtour  de  l'ouverture  de  l'abcès  s'indure,  et  il  devient  difficile 
de  découvrir  le  gland.  Enfin,  chez  les  sujets  déjà  prédisposés  au  phimosis, 
il  reste  une  étroitesse  plus  grande  du  limbe  du  prépuce  ou  une  indura- 
tion de  tout  ce  repli.  »  (Ch.  Hardy.) 

Les  indications  thérapeutiques  sont  les  mêmes  que  dans  la  forme  pré- 
cédente. Seulement,  le  traitement  sera  plus  actif  et  proportionné  à  i  in- 
tensité des  phénomènes  inflammatoires  (larges  émissions  sanguines  dans 
les  aines,  bains  coup  sur  coup,  fomentations  émollientes  ou  narcotiques, 
injections  de  nitrate  d'argent  entre  le  gland  et  le  prépuce  quand  il  y  a 
complication  de  balano-posthite,  etc.)  De  plus,  il  importe,  dans  les  cas  de 
suppurations  diffuses,  de  prévenir  les  infiltrations  et  les  décollements  par 
des  incisions  hâtives,  sans  attendre  que  la  fluctuation  devienne  manifeste. 

Comme  accidents  consécutifs  à  la  lymphangite,  nous  devons  signaler  : 
1°  Y  état  variqueux  des  troncs  lymphatiques,  observé  plusieurs  fois  par 
Ricord (commun,  orale);  —  c2°  les  fistules  lymphatiques  du  prépuce  et  du 
fourreau,  toujours  très-rebelles  et  ne  cédant  en  général  qu'à  l'excision. 

III.  îsuianiic,  poMlftite,  i>alano-i»osi laite.  —  Complications  bien 
moins  communes  que  les  précédentes.  Elles  sont  soit  contemporaines  de 
l'origine  de  la  blennorrhagie,  c'est-à-dire  simultanées,  soit  consécutives. 
Dans  ce  dernier  cas,  elles  résultent  de  l'irritation  produite  sur  la  mu- 
queuse balano-préputiale  par  le  pus  de  l'urèthrequi  remonte  et  stagne  sous 
le  prépuce.  On  s'attendrait  à  ee  que  celle  variété  de  balanite  secondaire  fut 
très-fréquente;  or  nous  avons  vu  (tome  IV,  p.  528)  qu'elle  est  au  contraire 
relativement  rare.  —  Les  indications  auxquelles  elle  donne  lieu  ont  été 
étudiées  à  l'article  Balanite;  nous  ne  faisons  qu'y  renvoyer  le  lecteur. 

IV.  IMiimoftis,  paarapliïmosis.  —  Ce  sont  là  de  simples  consé- 
quences des  accidents  qui  précèdent  (lymphangite,  balano-posthite,  etc.) 

Le  phimosis  résulte  soit  d'une  infiltration   séreuse  du  prépuce,  soit 


188  BLENNORRHAGIE.  —   hémorrhagie  de  l'urèthre. 

d'une  inflammation  de  cet  organe.  Il  se  produit  surtout  chez  les  sujets  à 
prépuce  long  et  étroit,  chez  ceux  qui  négligent  les  soins  de  propreté  ou 
d'hygiène  dans  le  cours  d'une  hlennorrhagie  un  peu  aiguë. 

Lorsqu'au  contraire  le  prépuce  est  assez  court,  il  arrive  parfois  que,  tu- 
méfié et  distendu  par  une  infiltration  excessive,  il  se  renverse  sur  lui- 
même  en  deçà  du  gland  et  constitue  ainsi  une  variété  de  paraphimosis. 
—  D'autres  fois  cet  accident  résulte  d'une  rétraction  forcée  ou  intempes- 
tive exercée  sur  le  prépuce  œdémateux. 

Ce  paraphimosis  est  très-habituellement  réductible  (voy.  tome  IV, 
page  519),  soit  immédiatement,  soit  après  quelques  jours  d'une  médi- 
cation appropriée. 

V.  Hénsorrliagic  tle  l'urèOare.  —  Il  est  très-fréquent  que  dans 
l'état  suraigu  de  la  hlennorrhagie  et  dans  la  cystite  du  col  que  nous  étu- 
dierons plus  loin,  une  certaine  quantité  de  sang  transsude  delà  muqueuse 
et  se  mêle  à  l'écoulement  qui  prend  alors  une  teinte  roussâtre,  rosée  ou 
même  rouge.  Ce  n'est  pas  là  un  accident.  Mais  d'autres  fois  et  bien  plus 
rarement,  du  sang  pur  s'écoule  de  l'urèthre  en  assez  grande  abondance 
pour  constituer  une  véritable  complication. 

Cette  uréthrorrhagie  reconnaît  pour  origine  une  déchirure  du  canal,  pro- 
duite soit  par  l'érection,  soit  par  le  coït,  soit  par  la  brutale  pratique  qui 
consiste  à  rompre  la  corde. 

Il  est  à  noter  que  le  sang  qui  s'écoule  est  en  général  d'un  rouge  ruti- 
lant; on  dirait  du  sang  artériel.  C'est  là  une  particularité  curieuse  qu'ont 
signalée  quelques  observateurs  et  qui  m'a  frappé  moi-même  plusieurs 
fois. 

L'hémorrhagie  est  le  plus  souvent  légère  ou  moyenne.  Parfois  cepen- 
dant elle  est  très-abondante;  enfin  elle  peut  être  excessive  et  dépasser 
tout  ce  qu'on  pourrait  croire.  Je  ne  serai  certes  pas  coupable  d'exagéra- 
tion en  évaluant  à  près  d'un  litre  et  demi  la  quantité  de  sang  perdue  par 
un  malade  près  duquel  j'ai  eu  récemment  l'occasion  d'être  appelé.  Ce 
jeune  homme,  dans  le  cours  d'une  hlennorrhagie  d'intensité  moyenne, 
s'était  vivement  excité  près  d'une  femme,  sans  pratiquer  toutefois  le  coït; 
il  fut  pris  tout  à  coup  et  sans  en  être  averti  par  aucune  sensation  dou- 
loureuse, d'une  hémorrhagie  uréthrale  assez  abondante,  laquelle  ne  dura 
pas  moins  d'une  heure.  Quatre  jours  après,  une  nouvelle  hémorrhagie 
fut  déterminée  par  une  érection  nocturne;  elle  fut  excessive,  s'arrêta  et 
reprit  plusieurs  fois.  Je  trouvai  le  malade  littéralement  baigné  dans  une 
mare  de  sang,  du  bassin  jusqu'aux  genoux;  le  siège  était  entouré  d'un 
énorme  caillot  de  trois  à  quatre  centimètres  d'épaisseur;  le  pouls  se 
sentait  à  peine;  le  visage  était  aussi  pâle  que  l'est  celui  d'une  femme  à  la 
suite  d'une  violente  hémorrhagie  puerpérale.  C'est  là  du  reste  le  cas  le 
plus  grave  que  j'aie  jamais  observé. 

Quels  soins  réclame  cet  accident?  Si  la  perte  de  sang  est  légère  ou 
moyenne,  le  meilleur  parti  à  prendre  (que  je  m'étonne  de  ne  pas  trouver 
conseillé  par  les  auteurs),  c'est  de  laisser  faire,  c'est-à-dire  de  laisser 
l'hémorrhagie  s'accomplir  et  s'arrêter  d'elle-même,  en  la  surveillant.  Elle 


BLENNOHRIIAGiE.  —  rétention  d'urine.  189 

n'est  pas  en  effet  sans  utilité;  elle  fait  l'office  d'une  application  de  sang- 
sues, dégorge  le  canal  et  détermine  généralement  une  détente  notable 
des  phénomènes  inflammatoires.  N'était  la  lésion  qui  l'a  produite,  ce 
serait  un  accident  heureux  pour  la  résolution  de  la  maladie. 

Il  devient  au  contraire  indiqué  d'agir  énergiquement  par  les  moyens 
hémostatiques  dès  que  l'hémorrhagie  se  prolonge,  surtout  dans  les  cas  où 
le  malade  est  préalablement  faible  et  anémique.  Or,  ce  n'est  pas  tou- 
jours chose  facile  que  d'arrêter  une  uréthrorrhagie  ;  il  est  des  cas  où, 
quoi  qu'on  fasse,  l'effusion  du  sang  se  continue  ou  récidive  avec  une 
désespérante  opiniâtreté. 

Voici,  je  crois,  la  meilleure  conduite  à  tenir  en  pareil  cas  :  mettre  le 
malade  au  lit,  le  siège  élevé;  appliquer  sur  le  bas-ventre,  la  verge  et  le 
périnée,  des  serviettes  imbibées  d'eau  très-froide  ;  pratiquer  coup  sur 
coup  des  injections  d'eau  froide,  en  ayant  soin  de  les  maintenir  le  plus 
longtemps  possible  dans  le  canal.  Si  l'hémorrhagie  continue,  faire  alors 
des  injections  d'eau  additionnée  de  perchlorure  de  fer. Dans  le  cas  si  grave 
que  je  viens  de  relater,  ce  furent  des  injections  de  perchlorure  de  fer 
(au  cinquième  environ)  qui  parvinrent  seules  à  arrêter  le  sang.  —  En 
même  temps,  prescrire  les  hémostatiques  internes. 

On  a  conseillé  bien  d'autres  moyens  :  application  de  glace  sur  le  péri- 
née, sur  les  bourses  et  autour  de  la  verge  ;  —  compression  de  la  verge  ; 
—  compression  du  périnée  à  l'aide  de  pelotes,  de  tampons  soutenus  par 
une  béquille  ou  un  bâton  appliqué'sur  le  pied  du  lit;  —  introduction  de 
sondes  volumineuses  dans  l'urèthre,  avec  ou  sans  compression  extérieure 
de  la  verge,  etc.  «  Quel  que  soit,  dit  Ricord,  l'inconvénient  qu'il  y  ait  à 
placer  un  corps  étranger  dans  l'urèthre  enflammé,  force  est  parfois  d'avoir 
recours  à  l'introduction  d'une  sonde  qui,  par  la  compression  qu'elle 
exerce  de  dedans  en  dehors,  met  un  terme  à  l'effusion  du  sang;  en  quel- 
ques cas  même  il  faut,  comme  complément,  exercer  sur  la  verge  une 
compression  extérieure  circulaire,  qu'on  doit  toujours  faire  avec  beaucoup 
de  modération.  Le  plus  ordinairement  on  peut  ôter  cette  sonde  au  bout  de 
vingt-quatre  heures;  mais  lorsque  l'hémorrhagie  a  été  grave,  et  que  du 
reste  l'instrument  n'excite  pas  trop  de  douleur,  il  est  plus  sage  de  le  laisser 
séjourner  un  jour  ou  deux  de  plus.  Dans  tous  les  cas,  si  l'on  avait  enlevé 
la  sonde  trop  tôt  et  que  l'hémorrhagie  reparût,  il  faudrait  la  réappliquer, 
a  moins  qu'il  ne  s'agît  que  d'un  faible  écoulement  sanguinolent.  » 

Non-seulement  la  sonde  n'est  pas  toujours  inoffensive,  mais  parfois  elle 
produit  un  résultat  contraire  à  celui  qu'on  attend  d'elle  en  distendant  la 
déchirure  qui  fournit  le  sang.  L'injection  au  perchlorure  de  fer  me  paraît 
devoir  lui  être  préférée;  tout  au  moins  c'est  par  elle  qu'il  convient  de  dé- 
buter, quitte  à  recourir,  en  cas  d'insuccès,  aux  autres  moyens  hémosta- 
tiques sus-énoncés. 

VI.  i:t»teBatâoia  d'urine.  — Autant  la  dysurie,  à  ses  divers  degrés, 
est  un  accident  commun  de  la  blennorrhagie,  autant  est  rare  la  rétention 
d'urine  complète,  absolue. 

Les  causes  qui  peuvent  déterminer  cette  rétention  sont  assez  variées. 


■190  BLENNORRHAGIE.  —  rétention  d'urine. 

Les  plus  fréquentes  sont  les  congestions  ou  les  inflammations  de  la  pro- 
state, les  phlegmasies  péri-uréthrales,  les  abcès  de  divers  siège,  qui,  fai- 
sant saillie  dans  le  canal,  opposent  un  obstacle  mécanique  à  l'issue  des 
urines.  Plus  rarement  cet  accident  est  dû  à  une  tuméfaction  excessive  de 
la  muqueuse,  produisant  une  sorte  de  rétrécissement  inflammatoire  et 
effaçant  le  calibre  de  l'urèthre.  Parfois  encore  il  paraît  ne  dépendre 
que  d'une  contraction  spasmodique  des  parois  du  canal,  contraction 
assez  commune  lorsque  l'uréthrite  siège  sur  les  portions  musculo- 
membraneuse  et  prostatique.  Cette  dernière  cause  ne  doit  être  admise 
que  dans  les  cas  où  un  examen  minutieux  démontre  l'absence  de  toute 
lésion. 

Toutes  choses  égales  d'ailleurs,  la  rétention  d'urine  se  produit  de  pré- 
férence chez  les  sujets  antérieurement  affectés  de  blennorrhagies  mul- 
tiples ou  de  rétrécissement. 

Dès  qu'il  y  a  difficulté  dans  l'émission  de  l'urine,  il  faut  insister  énergï- 
quement  sur  la  médication  antiphlogistique  :  émissions  sanguines  locales, 
abondantes  et  répétées  ;  bains  coup  sur  coup  ;  frictions  belladonées  sur  la 
région  périnéale  ;  lavements  laudanisés,  etc..  — De  plus,  tant  que  le 
malade  urine,  il  y  a  avantage  à  retarder  l'emploi  du  cathétérisme,  car 
«  l'introduction  d'un  corps  étranger,  fut-elle  exécutée  avec  toute  l'habileté 
possible,  ne  peut  manquer  dans  les  conditions  où  se  trouvent  les  parties 
malades  d'amener  une  recrudescence  inflammatoire.  Mais  si  la  rétention  est 
complète,  le  cathétérisme  est  de  rigueur.  Or,  on  n'oubliera  pas,  en  le 
pratiquant,  que  les  tissus  à  traverser  sont  enflammés,  faciles  à  déchirer,  et 
qu'une  fausse  route  pourrait  être  la  conséquence  d'une  direction  vicieuse 
de  la  sonde. . .  On  se  servira  de  préférence  d'une  sonde  de  gomme  élastique 
et  de  calibre  moyen,  car  on  a  remarqué  qu'un  instrument  moyen  pénètre 
mieux  qu'un  plus  petit.  La  sonde  introduite  dans  le  canal  doit  être  con- 
duite le  plus  lentement  possible.  S'il  se  présente  un  obstacle  à  sa  pro- 
gression, loin  de  chercher  à  le  vaincre  par  un  effort  brusque,  il  faut  lui 
opposer  une  pression  lente  et  douce  qui,  dégorgeant  les  tissus  sans  dou- 
leur, ouvre  peu  à  peu  un  passage  suffisant  pour  la  progression  de  l'instru- 
ment ;  on  arrive  ainsi  avec  du  temps  et  de  la  patience  dans  la  vessie,  sans 
déterminer  de  trop  grandes  douleurs  et  en  ménageant  l'intégrité  des  pa- 
rois uréthrales.  »  (Ricord,  M.  Robert.) 

L'urine  évacuée,  reste  à  décider  une  grave  question.  Faut-il  retirer  la 
sonde?  Faut-il  la  laisser  à  demeure?  «  La  crainte  d'exaspérer  l'inflam- 
mation par  la  présence  d'un  corps  étranger  a  fait  donner  le  conseil  d'en- 
lever la  sonde  après  avoir  vidé  la  vessie,  sauf  à  revenir  au  cathétérisme 
tant  qu'il  serait  nécessaire.  Mais  cette  pratique,  qui  peut  réussir,  n'est 
pas  sans  inconvénients.  Souvent  après  avoir  traversé  l'urèthre  une  première 
fois  avec  assez  de  facilité,  le  rétrécissement  inflammatoire,  qui  avait  né- 
cessité ce  premier  cathétérisme,  persistant  ou  venant  même  à  s'accroître, 
et  cela  par  le  fait  même  du  passage  delà  sonde,  l'introduction  de  celle-ci, 
une  seconde  et  une  troisième  fois,  devient  beaucoup  plus  difficile  ou 
même  impossible;  de  telle  façon  que,  pour  moi,  je  préfère,  toutes  les  fois 


BLENNORRHAGIE.  —  follicuute  urétïirale.  191 

qu'un  premier  cathétérisme  a  présenté  un  peu  de  difficulté ,  laisser  la 
sonde  en  place,  sauf  à  recourir  alors,  avec  plus  d'énergie,  aux  movens 
propres  à  combattre  l'inflammation  ,  et  ne  l'enlever  que  lorsqu'elle  n'est 
plus  serrée  ou  retenue  dans  le  point  rétréci.  »  (Ricord.) 

De  deux  choses  Tune  :  ou  bien  le  cathétérisme  a  été  facile  ,  et  rien 
n'indique  qu'il  doive  présenter  plus  de  difficultés  une  seconde  fois;  dans 
ce  cas  il  faut  retirer  la  sonde  ;  ou  bien  il  a  été  difficile,  pénible,  labo- 
rieux ;  il  est  évident  que  lecanal  est  rétréci,  obstrué  ;  il  n'est  pas  sûr  qu'on 
puisse  pénétrer  de  nouveau;  dans  ce  cas,  sans  hésitation,  il  faut  laisser 
la  sonde  à  demeure. 

Enfin,  si,  par  aucun  des  moyens  précédents,  on  ne  parvenait  à  évacuer 
l'urine,  il  ne  resterait  plus  que  deux  ressources,  le  cathétérisme  forcé  ou 
la  ponction  de  la  vessie.  Ce  cas  du  reste  ne  se  présente  jamais  que  sur  les 
sujets  préalablement  affectés  de  rétrécissements  ou  de  lésions  du  canal. 
Il  est  infiniment  rare. 

VII.  Inflammation,  apoplexie  des  corps  caverneux.  —  Acci- 
dents tout  à  fait  exceptionnels,  à  ce  point  qu'ils  sont  à  peine  mentionnés 
par  quelques  auteurs. 

Lorsque  l'inflammation  se  propage  à  l'un  des  corps  caverneux,  la  por- 
tion correspondante  de  la  verge  se  tuméfie  plus  ou  moins,  et  devient  le 
siège  d'un  gonflement  fusiforme  avec  une  douleur  profonde  à  la  pression. 
Il  se  fait  dans  les  aréoles  du  tissu  caverneux  un  épanchement  plastiqué, 
qui  se  révèle  sous  forme  d'un  noyau  dur,  douloureux  d'abord,  et  plus  tard 
indolent.  «  Les  parties  qui  ont  subi  cette  transformation  ne  reçoivent 
plus  la  quantité  de  sang  indispensable  au  phénomène  de  l'érection  ;  elles 
conservent  leur  volume  pendant  que  les  autres  se  développent  ;  il  résulte 
de  là  que  le  pénis  prend  différentes  courbures  (concavité  supérieure,  in- 
férieure, ou  latérale)  qui  peuvent  gêner  l'acte  de  la  copulation.  —  Le 
même  phénomène  peut  résulter  de  petits  foyers  apoplectiques  siégeant 
dans  l'épaisseur  des  corps  caverneux...  — Après  l'état  aigu,  cette  affection 
n'est  plus  douloureuse,  mais  les  inconvénients  qu'elle  présente  sont  pour 
les  malades  un  sujet  de  tristesse  qui  peut  aboutir  à  riiypochondrie... 
Cette  bizarre  affection  est  le  plus  souvent  inguérissable;  heureux  encore 
sont  les  malades  qui  n'en  sont  quittes  que  pour  une  légère  déformation.  » 
(M.Robert.) 

VIII.  Folliculitc  urêtlirale;  kyste  suppuré  «le  llorgagni.  — 
Il  est  fréquent,  dans  l'état  aigu  de  la  blennorrhagie,  de  sentir  sous  l'urè- 
thre,  notamment  au  niveau  de  la  fosse  naviculaire,  de  petites  tumeurs 
granuleuses,  du  volume  d'une  grosse  tête  d'épingle  ou  d'un  petit  pois, 
légèrement  sensibles  à  la  pression.  Ces  tumeurs  sont  très-vraisemblable- 
ment produites  par  l'inflammation  des  follicules  uréthraux. 

A  l'état  chronique,  la  blennorrhagie  détermine  des  lésions  diverses  des 
follicules  de  l'urèthre,  que  nous  avons  déjà  mentionnées.  Elle  les  dilate,  les 
hypertrophie,  les  oblitère.  —  Or,  tout  follicule  dont  le  conduit  excréteur 
est  oblitéré  ainsi  par  l'inflammation  se  trouve  transformé  en  un  véritable 
Kyste  purulent.  Il  en  résulte  une  lésion  curieuse  qui,  très-peu  connue  jusqu'à 


102  BLENNORRIIAGIE.  —  phlegmons  péri-uréthraux. 

ces  derniers  temps,  vient  d'être  très-bien  étudiée  par  Ch.  Hardy  sous  le 
nom  à' abcès  folliculaire  ou  de  kyste  suppuré  de  Morgagni.  «  Lorsque ,  dit 
cet  auteur,  l'inflammation  a  hypertrophié  la  muqueuse  du  follicule  et  obli- 
téré son  conduit  excréteur,  elle  se  trouve,  pour  ainsi  dire,  enfermée  dans 
l'enveloppe  de  la  glande  ;  le  pus  et  le  produit  de  la  sécrétion  normale, 
ne  pouvant  plus  s'écouler  au  dehors,  s'accumulent  dans  l'intérieur  de  la 
membrane  fibreuse,  la  distendent  et  finissent  par  donner  lieu  à  une  petite 
tumeur  qui  n'est  autre  chose  que  l'abcès  que  nous  décrivons.  Dans  les  pre- 
miers jours  de  sa  formation,  cet  abcès  ou  plutôt  ce  kyste  est  souvent  mé- 
connu. Ce  n'est  que  lorsqu'il  a  déjà  le  volume  d'un  pois  que  le  malade 
s'en  aperçoit  par  hasard.  Il  se  présente  alors  sous  la  forme  d'une  petite 
tumeur  arrondie  ou  ovoïde,  quelquefois  bilobée,  qui,  occupe  la  face  infé- 
rieure de  l'urèthre,  auquel  elle  est  attachée  par  un  petit  pédicule  qui  n'est 
autre  chose  que  le  conduit  excréteur  oblitéré  et  allongé.  Cette  tumeur  est 
sous-cutanée,  dure,  mobile  sous  la  peau  qui  a  conservé  sa  coloration 
normale  ;  elle  est  peu  ou  pas  sensible  au  toucher.  Lorsqu'elle  est  ancienne 
et  qu'elle  a  atteint  le  volume  d'une  noisette,  elle  se  ramollit,  et  on  peut 
quelquefois,  par  la  palpation,  reconnaître  qu'elle  est  remplie  par  un 
liquide.  Rarement  la  fluctuation  y  est  bien  manifeste.  Ces  abcès  sont  sou- 
vent multiples.  Nous  en  avons  observé  jusqu'à  trois  chez  un  malade  qui 
les  portait  depuis  plus  de  quatre  mois.  —  Les  abcès  folliculaires  ont  une 
marche  essentiellement  chronique  et  se  rapprochent  beaucoup,  par 
leurs  symptômes  et  leur  mode  de  terminaison,  des  loupes  du  cuir  chevelu. 
Après  être  restés  longtemps  stationnaires,  ils  deviennent  tout  à  coup  dou- 
loureux au  toucher,  augmentent  rapidement  de  volume,  contractent  des 
adhérences  avec  la  peau  qui  les  recouvre;  si  on  ne  les  ouvre  pas,  ils  la  per- 
forent et  se  vident  par  un  orifice  très- étroit  qui  reste  fîstuleux.  Ils 
n'offrent  pas  les  mêmes  dangers  que  les  abcès  du  tissu  cellulaire  péri- 
uréthral;  ils  n'ont  aucune  tendance  à  se  faire  jour  dans  le  canal.  —  Il 
suffit,  pour  obtenir  la  guérison  de  ces  abcès,  d'inciser  la  peau  jusqu'au 
kyste  et  de  l'énucléer  tout  entier,  comme  on  le  fait  pour  les  stéatomes  du 
cuir  chevelu,  ou  d'exciser  simplement  une  portion  de  l'enveloppe  fibreuse, 
en  ayant  soin  de  ne  pas  réunir  la  plaie.  » 

IX.  Pblcgmons  péri-urétliraux.  —  Ces  phlegmons  ont  pour  siège 
le  tissu  cellulaire  péri-uréthral.  Ils  peuvent  se  produire  dans  tout  l'espace 
compris  entre  le  gland  et  la  portion  membraneuse  ;  mais,  de  l'aveu  gé- 
néral, ils  sont  beaucoup  plus  fréquents  sur  deux  points  :  1°  au  niveau  de 
la  fosse  naviculaire,  sur  les  deux  fossettes  latérales  du  frein  ;  2°  au  niveau 
du  bulbe.  Cette  prédilection  de  siège  peut  s'expliquer  soit  par  l'abon- 
dance et  la  laxité  du  tissu  cellulaire  qui  double  ces  parties,  soit  par  une 
plus  grande  richesse  de  la  muqueuse  en  follicules  glandulaires  d'où  part 
souvent  l'inflammation,  soit  enfin  par  ce  fait  d'observation,  que  la  blen- 
norrhagie  se  cantonne,  pour  ainsi  dire,  de  préférence  sur  ces  deux 
points.  (Ricord.) 

On  les  observe,  le  plus  habituellement,  dans  le  cours  de  blennorrha- 
gies  aiguës  ou  récentes.  M.  Robert  a  émis  toutefois  une  opinion  opposée  ; 


BLENNOfiRHAGIE.  —  phlegmons  péri-bréthraux.  J  95 

il  les  croit  plus  communs  pendant  la  période  chronique  de  l'inflammation 
urétrale.  C'est  là,  je  pense,  une  erreur. 

Leur  début  est  en  général  assez  insidieux.  Leurs  premiers  symptômes 
passent  le  plus  souvent  inaperçus  ou  sont  pris  pour  de  simples  phéno- 
mènes de  phlegmasic  uréthrale.  Aussi  est-il  fréquent  de  trouver  ces 
phlegmons  déjà  tout  formés  et  môme  fluctuants  dès  le  premier  moment 
où  les  malades  en  accusent  l'existence.  Toutefois,  en  remontant  avec  soin 
dans  les  antécédents,  on  apprend  que  l'abcès  a  été  précédé  par  une  dou- 
leur fixe  en  un  point  circonscrit  de  la  verge,  puisque  cette  douleur  s'est 
augmentée  en  même  temps  qu'un  durillon  se  développait  au  môme 
niveau. 

L'examen  des  parties  fait  constater  les  phénomènes  habituels  de  tout 
phlegmon  :  sensibilité  très-vive  à  la  pression  au  niveau  du  point  malade; 
empâtement  des  tissus  dans  une  certaine  étendue  ;  puis  tuméfaction  se 
localisant  et  faisant  une  saillie  circonscrite  ;  un  peu  plus  tard,  fluctuation, 
indiquant  la  formation  d'un  foyer.  —  Comme  troubles  fonctionnels  : 
douleurs  occupant  un  point  fixe  dans  l'urèthre,  et  augmentant  souvent 
dans  la  miction;  parfois,  jet  d'urine  diminué  de  calibre,  plus  fin,  plus 
faible,  ou  bien  irrégulier,  se  brisant,  s'éparpillant  ;  parfois  aussi  dysurie 
plus  ou  moins  pénible,  et  même,  en  certains  cas,  rétention  d'urine  ab- 
solue, facilement  explicable  par  la  saillit;  de  la  tumeur  qui  soulève  la  mu- 
queuse uréthrale  et  oppose  un  obstacle  mécanique  à  la  miction.  —  Chez 
quelques  malades,  troubles  généraux  :  fièvre,  frissons,  inappétence,  etc. 
Ajoutons  aussitôt  qu'il  existe  de  grandes  différences,  au  point  de  vue 
des  symptômes  et  du  pronostic  qu'ils  comportent,  entre  les  diverses 
phlegmasics  péri-uréthraics.  Celles  qui  sont  limitées,  qui  se  produisent 
par  exemple  au  niveau  des  fossettes  latérales  du  frein,  ne  donnent  lieu 
qu'à  quelques  douleurs  locales  et  à  des  phénomènes  sans  importance. 
Celles,  au  contraire,  qui  se  développent  sur  une  grande  étendue,  qui  oc- 
cupent une  portion  ou  la  totalité  de  la  région  périnéale,  prennent  souvent 
une  haute  gravité,  en  raison  des  troubles  fonctionnels  et  généraux  qu'elles 
déterminent. 

Un  fait  remarquable  est  que  ces  phlegmons  se  résolvent  très-rarement. 
La  suppuration  est  leur  terminaison  habituelle;  elle  serait  môme  con- 
stante et  inévitable,  au  dire  de  quelques  auteurs. 

Les  abcès  de  la  fosse  naviculaire  offrent  un  aspect  particulier.  Situés 
sur  l'un  ou  sur  les  deux  côtés  du  frein,  ils  forment  une  saillie  sphéroïdale, 
du  volume  d'un  pois,  d'une  aveline  ou  même  d'une  cerise.  Quelquefois 
ils  sont  bilobés,  c'est-à-dire  (pie,  développés  sur  la  ligne  médiane  dans 
le  tissu  cellulaire  qui  double  le  frein,  ils  forment  un  relief  de  chaque  côté 
de  cette  bride  (Ricord,  Hardy),  Ils  se  constituent  rapidement  et  sont  re- 
marquables par  leur  fluctuation  très-évidente. 

A  la  région  bulbaire,  ces  abcès  sont  plus  aplatis,  et  surtout  beaucoup 
plus  volumineux.  Ils  forment  sous  l'urèthre  une  tumeur  arrondie  qui 
peut  atteindre  le  volume  d'une  moitié  d'eeuf.  Généralement,  ils  occu- 
pent la  partie  médiane  ;  toutefois,  ils  peuvent  être  exclusivement  laté- 

NODV.    DICT.    >!KD.    ET    CIIIIÏ.  V.    13 


194  BLENNORRHAGIE'.  —  phlegmons  péri-uréthiuux, 

raux,  ainsi  que  je  viens  d'en  observer  coup  sur  coup  plusieurs  exem- 
ples. Ils  se  prolongent  parfois  en  arrière,  du  côté  de  l'anus,  ou  plus 
rarement  vers  la  verge;  dans  ce  dernier  cas,  la  tumeur  périnéale, 
s'effilant  en  pointe  du  côlé  du  pénis,  affecte,  comme  on  l'a  dit  assez  heu- 
reusement, la  forme  d'une  raquette.  —  La  peau  qui  les  recouvre  a 
rarement  une  coloration  rouge  ou  violacée,  comme  dans  les  abcès  phleg- 
moneux  des  autres  régions. 

Une  fois  formés,  que  deviennent  ces  abcès?  Trois  terminaisons  sont 
possibles  :  — 1°  Ou  bien  ils  s'ouvrent  au  dehors  et  au  dehors  seulement; 
c'est  le  cas  le  plus  favorable  ;  la  cicatrisation  s'accomplit  en  quelques 
jours,  sans  accidents,  parfois  môme  d'une  façon  singulièrement  rapide. 
—  2U  Ou  bien  ils  s'ouvrent  dans  l'urèthre  ;  et  alors  un  double  danger  se 
présente,  danger  de  pénétration  de  l'urine  dans  le  foyer,  et  danger  bien 
plus  sérieux  d'infiltration  mineuse  consécutive.  C'est  alors,  en  effet,  qu'on 
peut  observer  ces  désastreuses  infiltrations  qui,  fusant  dans  le  tissu  cellu- 
laire de  la  verge  et  des  bourses,  déterminent  des  gangrènes  effroyables  et 
mettent  parfois  en  danger  la  vie  du  malade.  —  5°  Enfin,  l'abcès  peut 
s'ouvrir  à  la  fois  au  dehors  et  dans  l'urèthre.  Cette  terminaison  est  la 
plus  rare. 

On  s'accorde  généralement  à  dire  que  les  phlegmons  péri-uréthraux  ont 
une  grande  tendance  à  s'ouvrir  dans  L'urèthre;  cela  est  vrai.  Mais  on  ajoute 
qu'une  fois  ouverts  dans  le  canal,  ils  entraînent  presque  fatalement,  comme 
conséquence,  la  pénétration  de  l'urine  dans  le  foyer.  Or,  à  mon  sens, 
cette  dernière  crainte  est  singulièrement  exagérée.  J'ai  vu  bon  nombre 
d'abcès  s'ouvrir  ainsi  dans  le  canal  ;  j'en  surveillais  les  suites  avec  inquié- 
tude, prêt  à  agir  au  moindre  danger,  et  dans  l'énorme  majorité  des  cas 
les  eboses  se  passaient  de  la  façon  la  plus  simple  ;  l'urine  était  évacuée 
sans  pénétrer  dans  le  foyer,  et  les  malades  guérissaient  sans  accidents. — 
Il  est  donc  probable  que  l'ouverture  se  fait  par  un  pertuis  assez  fin,  et 
que  ce  pertuis  revient  encore  sur  lui-même  à  mesure  que  l'abcès  se  dé- 
gorge, de  façon  à  empêcher  l'introduction  de  l'urine  dans  le  foyer. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  véritable  danger  de  ces  abcès,  c'est  la  perforation 
de  Purèthre,  pouvant  donner  lieu  à  des  infiltrations  toujours  graves  et  à 
des  fistules  urinaires.  Ce  danger  est  surtout  à  craindre  pour  les  phlegmons 
de  la  région  bulbaire.  Les  abcès  du  gland  ont  moins  de  tendance  à  s'ouvrir 
dans  l'urèthre  ;  toutefois, il  faut  les  surveiller  avec  attention,  car,  lorsqu'ils 
se  terminent  ainsi,  «  la  perforation  du  canal  a  souvent  pour  conséquence 
la  formation  d'un  hypospadias  accidentel  très-difficile  à  guérir  »  (Hardy). 

Au  début,  il  y  a  lieu  d'agir  par  les  antiphlogisliques  (sangsues,  bains, 
cataplasmes,  etc.),  moins  encore  dans  l'espoir  de  prévenir  une  suppura- 
tion presque  fatale  que  dans  le  but  de  modérer  et  de  limiter  l'inflamma- 
tion. —  Plus  tard,  une  indication  bien  plus  essentielle  se  présente,  c'est 
d'ouvrir  la  voie  au  pus  le  plus  tôt  possible.  Les  incisions  prématurées  peu- 
vent seules  prévenir  la  perforation  de  l'urèthre  et  les  complications  diverses 
qui  en  sont  la  conséquence.  (Ricord.) 

Que  faire  si  le  pus  s'est  frayé  un  passage  dans  le  canal?  Faut- il,  comme 


BLENNOIiIUIAGiK.  ■ — ■  cowpérite,  pÉni-cowpÉRiTE.  195 

on  le  conseille  généralement,  «  se  hâter  de  pratiquer  une  contre-ouverture, 
afin  d'éviter  les  infiltrations  d'urine?  »  Je  ne  le  crois  pas.  D'après  moi, 
voici  la  conduite  à  tenir  :  attendre  d'abord,  mais  attendre  en  surveillant. 
S'il  n'y  a  pas  lieu  de  supposer  que  l'urine  pénètre  dans  le  foyer,  toute  inter- 
vention chirurgicale  est  hors  de  propos.  Au  moindre  signe  donnant  la 
présomption  de  ce  danger,  évacuer  l'urine  par  la  sonde.  Si  l'accès  de 
l'urine  dans  le  foyer  devient  évident,  pratiquer  aussitôt  une  contre-ouver- 
ture à  la  peau  pour  éviter  les  chances  d'infiltration,  et  instituer  ensuite 
le  traitement  de  la  fistule. 

X.  cowpérite,  péri-cowpérile. —  Complication  rare  de  la  blennor- 
rhagie.  Littre  ne  trouva  les  glandes  de  Cowper  malades  que  sur  un  seul  des 
quarante  sujets  affectés  de  gonorrhée  dont  il  fit  l'autopsie.  «  Ricord,  dans 
son  immense  pratique,  n'en  rencontre  guère,  chaque  année,  qu'une  demi- 
douzaine  de  cas  terminés  par  suppuration  ;  mais  il  est  porté  à  croire  que 
l'inflammation  bornée  à  ses  premières  périodes  est  plus  fréquente  qu'on 
ne  pourrait  le  supposer,  et  que  les  tensions  douloureuses  qui  se  mani- 
festent au  voisinage  du  bulbe,  dans  le  cours  d'une  blennorrhagie  intense, 
sont  dues  à  l'engorgement  inflammatoire  de  ces  glandes.  »  (Gubler). 

Connue  et  décrite  depuis  longtemps  (J.  L.  Petit,  Littre,  Morgagni,  etc.), 
l'inflammation  des  glandes  de  Cowper  était  considérée  autrefois  comme 
une  des  origines  de  l'écoulement  blennorrhagique.  Àstruc,  par  exemple, 
admettait  une  espèce  à  part  de  gonorrhée  produite  par  la  phlegmasie  de 
ces  glandes.  Plus  tard  seulement,  on  reconnut  dans  la  cowpérite  une 
complication  et  non  une  forme  de  la  blennorrhagie. 

C'est  ta  Ricord  que  revient  le  mérite  d'avoir  rappelé  l'attention  sur  cette 
maladie  quelque  temps  oubliée  ou  méconnue.  Un  de  ses  élèves,  Gubler, 
recueillit  les  enseignements  du  maître,  et  traça  dans  un  excellent  travail 
la  pathologie  des  glandes  bulbo-uréthrales.  Nous  emprunterons  à  cette 
monographie,  devenue  classique,  une  partie  de  ce  qui  va  suivre. 

Symptômes.  —  La  cowpérite  est  l'inflammation  des  glandes  de  Cowper 
ou  de  Méry,  situées,  comme  on  le  sait,  immédiatement  en  arrière  du 
bulbe  de  l'urèthre,  au-dessous  de  la  portion  membraneuse  de  ce  canal,  de 
chaque  côté  de  la  ligne  médiane  du  périnée.  —  Ces  glandes  ont  un  si  petit 
volume  que  leur  inflammation  n'aurait  pas  grande  importance  si  elle 
n'affectait  une  tendance  singulière  à  se  propager  au  tissu  cellulaire  am- 
biant, de  façon  à  devenir  l'origine  de  véritables  phlegmons  périnéaux. 
En  réalité  donc,  la  complication  que  nous  éludions  actuellement  porte 
moins  sur  la  phlegmasie  glandulaire  que  sur  les  accidents  de  voisinage 
qui  en  sont  la  conséquence  habituelle.  A  ce  titre,  la  dénomination  de 
péri-cowpérite  lui  serait  peut-être  plus  justement  applicable. 

Comme  la  prostatite,  comme  la  cystite,  l'inflammation  des  glandes  de 
Cowper  ne  se  manifeste  guère  qu'à  une  époque  déjà  éloignée  du  début  de 
la  blennorrhagie  (troisième,  quatrième  septénaire).  —  Des  excitations  di- 
verses du  canal  (coït,  fatigues,  cathétérisme,  etc.)  peuvent  en  provoquer 
la  production  ;  mais,  le  plus  souvent,  elle  se  développe  sans  cause  occa- 
sionnelle au  moins  appréciable. 


196  BLENNORRIIAGlE.  —  cowpérite,  pkri-cowpéuite. 

Elle  occupe  soit  une  seule  des  deux  glandes  (et  dans  ce  cas,  c'est  la 
gauche  qui  paraît  le  plus  sujette  à  se  prendre),  soit  les  deux  à  la  fois,  ce 
qui  est  plus  rare. 

Les  symptômes  sont  fort  simples  :  au  début,  tension  douloureuse  du 
périnée,  au  niveau  de  la  région  bulbaire;  douleur  fixe  en  un  point  limité 
qui  correspond  au  siège  précis  de  la  glande,  s'exaspérant  par  la  pression, 
la  position  assise,  le  frottement  du  pantalon;  tuméfaction  légère  sans 
changement  de  couleur  à  la  peau,  laquelle  est  parfaitement  libre  et 
mobile;  au  palper,  sensation  dans  la  profondeur  de  la  région  d'une 
petite  tumeur  nettement  limitée,  allongée,  ovoïde  ou  plutôt  piriforme, 
dont  la  grosse  extrémité  regarde  l'anus  et  dont  la  pointe  répond  au  bulbe 
avec  lequel  elle  se  confond.  Cette  tumeur,  grosse  comme  un  haricot  ou 
comme  une  moitié  de  très-petite  noix,  est  latérale  par  rapport  au  raphé 
médian,  et  a  son  siège  exact  entre  le  muscle  transverse  et  la  protubé- 
rance bulbaire.  (Gubler.) 

Puis,  si  peu  que  l'inflammation  se  continue,  l'atmosphère  celluleuse 
ambiante  est  envahie.  Cette  phlegmasie  péri-glandulaire  (péri-cowpérite) 
englobe  bientôt  et  masque  complètement  la  tumeur  primitive.  Ce  que 
l'on  constate  alors,  c'est  un  véritable  phlegmon  périnéal,  avec  un  cortège 
de  symptômes  qu'il  serait  inutile  de  décrire  ici. 

Ce  phlegmon  peut  rester  concentré  dans  un  point  restreint  autour  de 
l'organe  où  il  a  pris  naissance  ;  c'est  là  l'exception.  «  La  règle,  c'est  que, 
dans  sa  marche  croissante,  il  se  propage  par  les  couches  sous-cutanées 
jusqu'à  l'origine  des  bourses.  Alors  survient  un  gonflement  brusque  de 
la  région,  en  rapport  avec  la  laxité  des  tissus.  Ce  gonflement  phlegmo- 
neux  ne  dépasse  pas  en  arrière  le  muscle  transverse,  et  commence  en  cet 
endroit  par  un  relief  considérable  ;  il  s'étend  à  la  moitié  droite  ou  gauche 
de  la  région  périnéale  proprement  dite,  ainsi  qu'à  la  partie  inférieure  de 
la  bourse  correspondante,  où  il  est  toujours  plus  manifeste  que  partout 
ailleurs,  et  tel  quelquefois  qu'il  semble  exister  là  une  tumeur  surajoutée 
appartenant  au  testicule  ou  à  ses  annexes.  En  dehors,  la  tuméfaction 
inflammatoire  n'empiète  pas  sur  la  racine  du  membre  abdominal  ;  en 
dedans,  elle  peut  aussi  ne  pas  franchir  la  ligne  médiane,  mais  il  est  plus 
fréquent  de  la  voir  déborder  de  l'autre  côté  du  raphé;  rarement  elle  en- 
vahit toute  la  largeur  du  périnée,  ou,  si  cela  a  lieu,  une  saillie  plus  pro- 
noncée indiquera  presque  toujours  le  côté  qui  répond  à  la  glande  affectée.» 
(Gubler.)  Nulle  au  début,  la  réaction  devient  plus  tard  proportionnelle  à 
l'intensité  des  phénomènes  inflammatoires. 

A  ce  degré,  la  résolution  n'est  plus  à  espérer.  La  suppuration  se  fait, 
un  abcès  se  forme.  —  Cet  abcès  peut  se  frayer  plusieurs  voies,  si  l'art 
n'intervient  pas  à  temps.  Généralement  il  s'ouvre  au  périnée  et  donne 
issue  à  une  quantité  plus  ou  moins  grande  de  pus  phlegmoneux.  A  ce 
moment,  si  l'on  introduit  un  stylet  dans  la  plaie,  on  peut  constater, 
paraît-il,  une  particularité  assez  curieuse  :  en  faisant  manœuvrer  l'instru- 
ment, on  sent  que  son  extrémité  procède  par  soubresauts;  parfois  même 
on  est  obligé  de  le  retirer  à  soi  pour  l'engager  dans  une  direction  non- 


BLENNOPiRHÀGIE.  —  cowi>érite,  pkri-cowpérite.  197 

velle.  Cela  prouve  que  la  cavité  de  l'abcès  n'est  pas  unique,  ou  du  moins 
qu'elle  est  cloisonnée,  ce  qui  s'accorde  parfaitement  avec  son  siège  pré- 
sumé dans  une  glande  à  locules  multiples.  (Ricord.)  Dans  les  jours  qui 
suivent,  du  pus  est  encore  évacué  ;  les  tissus  se  dégorgent,  le  gonflement 
s'affaisse,  et  la  cicatrisation  s'opère  en  laissant  pour  un  temps  assez  long 
un  noyau  d'induration  au  niveau  de  la  glande  bulbo-uréthrale.  —  Rien 
plus  rarement,  l'abcès  s'ouvre  dans  l'urètbre,  d'où  la  possibilité  d'une 
infiltration  urineusc  avec  les  accidents  divers  qu'elle  peut  entraîner.  — 
Exceptionnellement  enfin,  on  a  vu  l'ouverture  se  faire  à  la  fois  au  périnée 
et  dans  l'urètbre. 

Signalons  encore,  pour  compléter  ce  tableau,  quelques  phénomènes 
(jui  se  présentent  parfois  comme  symptômes  ou  comme  conséquences  de 
la  cowpérite  :  douleurs  urétbrales,  cuissons,  brûlure  dans  la  miction,  au 
niveau  de  la  région  bulbaire;  —  dysurie,  et  même  rétention  d'urine,  ac- 
cident très-rare  et  dû  le  plus  souvent  à  la  coïncidence  d'une  prostatite; 
—  perforation  de  l'urèthre  se  produisant  consécutivement  à  l'ouverture 
de  l'abcès  au  dehors;  — fusées  purulentes  plus  ou  moins  étendues  dans 
les  espaces  celluleux  de  la  loge  inférieure  du  périnée  ou  dans  les  lames 
cellulo-adipeuses  sous-cutanées. 

Marche,  terminaisons,  pronostic.  —  La  marche  de  cette  complication 
est  aiguë  et  rapide.  L'abcès  est  généralement  formé  dans  l'espace  d'un 
septénaire. 

La  suppuration  est  de  beaucoup  la  terminaison  la  plus  fréquente.  Ce- 
pendant, «  s'il  est  vrai,  ainsi  que  nous  sommes  porté  à  le  croire,  que  les 
blennorrhagies  accompagnées  de  tension  douloureuse  à  la  région  bul- 
baire soient  des  uréthrites  compliquées  d'inflammation  des  glandes  de 
Méry,  il  faut  bien  admettre  que  cette  dernière  se  termine  souvent  par  ré- 
solution... —  Malgré  cette  tendance  à  la  suppuration,  la  maladie  constitue 
le  plus  souvent  une  affection  assez  simple.  Elle  ne  devient  grave  que  par 
ses  complications,  dont  il  faut  accuser  surtout  la  négligence  des  malades 
et  parfois  aussi  celle  du  médecin.  Les  accidents  à  redouter  sont  la  per- 
foration de  l'urèthre  et  les  fusées  purulentes,  d'où  résultent  des  suppura- 
tions multiples,  capables  d'épuiser  à  la  longue  des  organisations  déjà 
détériorées,  ou  qui,  sans  amener  une  terminaison  fatale,  peuvent  entraîner 
du  moins  des  inconvénients  graves  et  des  lésions  difficiles  à  guérir.  » 
(Gubler.) 

Lésions.  —  Les  lésions  de  la  cowpérite  ont  pu  être  étudiées  sur  des 
sujets  morts  d'affections  étrangères.  Ainsi  Littrc  a  trouvé  «  le  corps  de  la 
glande  extraordinairement  dur,  rouge  et  tuméfié;  on  en  exprimait  une 
liqueur  jaune  tirant  un  peu  sur  le  vert...  Le  conduit  de  la  glande  gauche 
était  distendu  par  un  liquide  semblable,  et  ses  tuniques  étaient  de  couleur 
rougeâtre,  plus  dures  et  plus  épaisses  que  dans  l'état  naturel...  Au-devant 
de  l'embouchure  des  conduits  glandulaires  existait  dans  l'urètbre  une  rou- 
geur large  d'environ  quatre  lignes,  et  qui  s'étendait  plus  du  côté  gauche 
que  du  côté  droit.  Presque  au  milieu  de  cette  rougeur  existait  un  ulcère 
arrondi,  d'une  demi-ligne  de  diamètre,  qui  avait  rongé  une  grande  partie 


98  BLEXNCmilIIAGlE.  —  cow 


PERITE,    PERI-COWI'EMTE. 


des  bords  de  l'embouchure  du  conduit  gauche,  et  une  petite  portion  de 
l'urètlire  aux  environs.  »  D'autres  auteurs  ont  rencontré  les  glandes  de 
Gowper  soit  «  converties  en  un  tissu  dur  et  ferme  semblable  à  celui  du 
ligament  »  (Cowper),  soit  remplies  d'un  pus  concret  et  verdàtrc,  soit  enfin 
détruites  en  grande  partie  par  la  suppuration,  n'existant  plus  qu'à  l'état 
de  vestiges  au  fond  de  clapiers  purulents. 

Diagnostic.  —  Très-simple  au  début,  parfois  assez  embarrassant  à  une 
période  avancée.  —  1°  Au  début,  il  serait  difficile  de  méconnaître  la  cow- 
périte,  alors  que  l'on  constate  «  une  tumeur  phlegmoneuse  circonscrite, 
profonde,  unilatérale,  adbérant  au  bulbe,  occupant  le  siège  précis  de  la 
glande,  et  n'ayant  été  ni  précédée  ni  accompagnée  des  symptômes  d'un 
rétrécissement  uréthral.  La  coexistence  d'une  uréthrite  phlegmoneuse  ajou- 
tera encore  à  la  certitude  du  diagnostic.  —  2°  Plus  tard,  la  diffusion  de 
l'inflammation,  en  amenant  un  gonflement  uniforme  de  la  région,  altère 
la  physionomie  propre  de  la  maladie  première  et  efface  ses  traits  carac- 
téristiques. On  y  suppléera  en  partie  par  les  renseignements  demandés 
au  malade.  Ainsi  l'on  apprendra  que  la  douleur  s'est  montrée  au  voisi- 
nage du  bulbe,  que  la  tumeur  occupait  d'abord  le  même  lieu  et  n'était 
pas  absolument  médiane,  et  qu'enfin  le  périnée  et  les  bourses  ont  été 
envahies  plus  tardivement.  11  s'y  joindra  aussi  l'absence  des  signes  d'un 
rétrécissement  antérieur  ou  actuel.  De  plus,  à  moins  de  désordres  fort 
étendus,  ce  sera  encore  au  niveau  de  la  glande  que  la  fluctuation  se  trou- 
vera concentrée;  c'est  dans  ce  point  seulement  que  le  toucher  révélera 
une  tumeur  profonde.  La  voie  suivant  laquelle  l'inflammation  s'est  pro- 
pagée est  elle-même  caractéristique...  En  définitive,  les  trois  caractères 
vraiment  pathognomoniques  sont  ceux-ci  :  tumeur  phlegmoneuse  adhérant 
au  bulbe,  limitée  d'abord  au  point  occupé  par  les  glandes  de  Méry,  et 
n'ayant  originairement  aucune  communication  appréciable  avec  l'urè- 
tlire. »  (Gublcr.) 

Il  est  un  certain  nombre  d'affections  qui  se  rapprochent  de  la  cowpérite 
par  quelques  analogies  de  symptômes  et  courent  risque  d'être  confondues 
avec  elle.  Citons  surtout  les  suivantes,  sans  entrer  dans  les  détails  d'un 
diagnostic  différentiel  qui  ne  rentre  pas  dans  notre  cadre  et  qui  trouvera 
sa  place  ailleurs  :  les  phlegmons  simples,  les  abcès  péri-uréthraux,  les 
abcès  urineux,  les  poches  urinaires,  l'inflammation  du  bulbe,  les  tumeurs 
gommeuses  du  périnée  (Gubler  en  cite  un  exemple  dans  lequel  la  tumeur 
occupait  exactement  le  siège  de  la  glande  bulbo-uréthrale),  l'orchite  péri- 
néale,  etc. 

Traitement.  —  La  tendance  de  la  maladie  à  se  propager  aux  tissus 
ambiants,  et  la  gravité  des  désordres  qui  peuvent  résulter  de  cette  exten- 
sion, indiquent  la  nécessité  d'une  intervention  hâtive  et  énergique. 

Le  traitement  sera  antiphlogistique  par  excellence  :  application  de 
quinze  à  vingt  sangsues  sur  le  siège  de  la  douleur  ;  bains  tièdes,  prolongés 
et  répétés;  cataplasmes  émollients;  onctions  avec  pommade  mercurielle 
belladonée  ;  boissons  délayantes  ;  repos,  diète,  etc. 

Si  ces  moyens,  sur  lesquels  il  convient  d'insister  avec  persévérance, 


BLENK0RRUÀG1E.  —  prostatiti:.  199 

ne  réussissent  que  très-rarement  à  prévenir  la  suppuration,  du  moins  ils 
limitent,  ils  concentrent  l'inflammation  autour  de  son  foyer  primitif. 

Dès  que  la  formation  du  pus  est* manifeste  ou  même  probable,  il  y  a 
indication  urgente  à  ouvrir  la  tumeur  sans  retard.  Une  incision  prématurée 
est  sans  inconvénient;  elle  peut  même  être  favorable  comme  moyen  de 
dégorgement  et  de  résolution.  Différer  au  contraire  est  une  imprudence 
grave  ;  c'est  exposer  le  malade  aux  dangers  des  fusées  purulentes  et  à  la 
perforation  de  l'urèthrc. 

L'abcès  étant  évacué  de  bonne  beure,  la  cicatrisation  s'opère  en  général 
très-facilement.  —  On  a  conseillé  nombre  de  médications  (douches,  ap- 
plications froides,  pommades,  vésicatoires,  etc.)  contre  l'engorgement 
consécutif  des  tissus.  Le  temps,  l'hygiène,  les  bains  répétés,  suflisent  le 
plus  souvent  à  compléter  la  guérison. 

Variété  :  Coivpérite  folliculeuse.  —  En  certains  cas  assez  rares ,  T in- 
flammation se  limite  aux  vésicules  glandulaires  et  aux  canaux  excréteurs 
sans  envahir  le  tissu  cellulaire.  C'est  là  ce  qu'on  peut  appeler  la  cowpé- 
rite  muqueuse  ou  folliculeuse.  (Gublcr.) 

Cette  variété  s'observe  parfois  sous  la  forme  chronique  et  entretient 
un  suintement  muqueux  qui  constitue  une  véritable  blennorrhée  glan- 
dulaire. 

XI.  Inflammation  des  vésicules  séminales.  —  Accident  très- 
rare  et  peu  connu,  paraissant  se  caractériser  par  les  symptômes  suivants: 
douleur  profonde  et  obscure  vers  la  région  périnéale,  s'exaspérant  dans  les 
efforts  de  défécation,  retentissant  vers  les  testicules  qui,  dit-on,  sont  sen- 
sibles, endoloris  et  comme  turgescents  ;  érections  fréquentes,  pollutions 
nocturnes,  évacuant  parfois,  comme  dans  un  cas  que  j'ai  eu  l'occasion 
d'observer,  un  sperme  rouillé  ou  strié  de  sang;  au  toucher  rectal,  sensation 
d'une  ou  de  deux  tumeurs  oblongues,  résistantes  et  douloureuses  à  la 
pression.  —  Ces  symptômes  persistent  plusieurs  jours.  —  La  résolution 
s'est  toujours  faite  dans  les  quelques  cas  qu'il  m'a  été  donné  de  ren- 
contrer; mais  il  paraît  démontré  que  la  maladie  peut  aboutir  parfois  à 
suppuration. 

XII.  Prostatîtfe.  —  Fréquence.  —  Les  complications  prostatiques 
de  la  blennorrhagic  aiguë  se  présentent  sous  deux  formes  :  Tune,  simple 
congestion  de  l'organe,  souvent  éphémère  ;  l'autre,  phlegmasie  véritable, 
pouvant  aboutir  à  suppuration  et  entraîner  des  conséquences  désastreuses. 
La  première  est  fréquente;  mais,  en  raison  de  sa  faible  intensité,  elle 
passe  souvent  inaperçue  ;  la  seconde,  au  contraire,  est  heureusement 
assez  rare. 

Causes.  —  Si  les  accidents  prostatiques  se  développent  parfois  sans 
provocation  aucune  et  par  le  seul  fait  de  l'existence  d'une  blennorrha- 
gie,  il  est  plus  habituel  qu'ils  se  manifestent  à  l'occasion  à' excitations 
accidentelles  de  l'urèthre.  Or,  ces  excitations  peuvent  reconnaître  des 
causes  diverses,  parmi  lesquelles  on  peut  citer  par  ordre  de  fréquence  : 

1°  En  première  ligne,  les  excitations  sexuelles  (coït,  onanisme,  pollu- 
tions accidentelles)  et  les  excès  alcooliques.  Ces  deux  ordres  de  causes,  en 


200  BLEMORRHÀGIE.  —  prostatite. 

réveillant  l'inflammation  uréthrale,  facilitent  au  plus  haut  point  la  pro- 
duction des  phlegmasies  prostatiques. 

2°  En  second  lieu,  V usage  prématuré  de  la  médication  dite  suppressive. 
Sur  bon  nombre  de  sujets,  j'ai  vu  des  prostatites  être  manifestement  provo- 
quées par  l'usage  ou  l'abus  d'injections  pratiquées  à  une  époque  où  l'irri- 
tation du  canal  ne  pouvait  qu'être  accrue  par  l'emploi  d'un  semblable  trai- 
tement. Pendant  la  période  d'acuité,  ces  injections  m'ont  paru  beaucoup 
plus  dangereuses  que  les  balsamiques,  dont  l'usage  intempestif  est  cepen- 
dant considéré  par  plusieurs  auteurs  comme  une  cause  très-active  de 
prostatite.  (Velpeau.) 

C'est  de  même  en  augmentant  l'irritation  uréthrale  qu'agissent  les 
injections  caustiques  et  le  cathétérisme. 

o°  Enfin,  les  fatigues  de  toute  sorte  (marches  excessives,  danse,  équita- 
tion);  les  efforts  de  défécation  résultant  d'une  constipation  prolongée,  etc. 

L'acuité  de  la  blennorrhagie  ne  paraît  pas  jouer  le  rôle  de  cause  prédis- 
posante. Très-souvent  la  prostatite  éclate  dans  le  cours  d'une  chaude- 
pisse  d'intensité  moyenne  ou  môme  assez  légère,  et  cela,  soit  sans  pro- 
vocation aucune,  soit  à  l'occasion  d'un  excès.  De  plus,  ce  n'est  pas  à  la 
période  d'augment,  au  début  même  de  l'inflammation  uréthrale,  que  les 
complications  prostatiques  se  développent.  Si,  parfois,  on  a  pu  les  obser- 
ver au  sixième  ou  même  au  cinquième  jour  (Fabre)  de  l'écoulement  uré- 
thral,  il  est  de  règle  qu'elles  se  manifestent  au  delà  de  la  première  quin- 
zaine, au  plus  tôt,  et  souvent  beaucoup  plus  tard. 

I.  Congestion  prostatique.  —  La  congestion  simple  de  la  prostate  se 
caractérise  par  les  symptômes  suivants  : 

Endolorissement  et  pesanteur  de  la  région  périnéale  ;  envies  fréquentes 
d'uriner  ;  miction  notablement  gênée  ;  défécation  un  peu  douloureuse, 
accompagnée  et  même  suivie  d'épreintes.  Bientôt  ces  symptômes  devien- 
nent plus  intenses,  et  le  tableau  de  la  maladie  se  constitue  comme  il  suit  : 
ténesme  rectal  insupportable,  sensation  d'un  corps  étranger  dans  le  rec- 
tum ;  miction  de  plus  en  plus  pénible  ,  quelquefois  même  rétention 
passagère  de  l'urine,  d'où  anxiété  et  angoisses  plus  ou  moins  marquées. 
Le  toucher  rectal  fait  reconnaître  une  tuméfaction  notable  de  la  prostate, 
avec  sensibilité  anomale  à  la  pression. 

Cet  ensemble  de  symptômes  se  développe  le  plus  souvent  avec  une 
rapidité  toute  spéciale,  et  la  marche  de  l'affection  est  essentiellement 
aiguë.  Ainsi,  chez  certains  malades,  les  accidents  se  montrent  dès  le  len- 
demain d'un  excès  alcoolique  ou  vénérien.  En  revanche,  sous  l'influence 
de  quelques  soins,  ces  phénomènes  sont  prompts  à  se  calmer;  en  trois 
ou  quatre  jours,  le  ténesme  s'apaise,  la  dysurie  disparaît,  et  la  prostate 
reprend  son  volume  normal. 

Cette  forme  purement  congestive  se  termine  toujours  par  résolution. 

II.  Prostatite  vraie.  —  Symptômes.  —  La  prostatite  vraie  ou  paren- 
chymatcuse  a  des  symptômes  beaucoup  plus  accusés,  symptômes  qui  seront 
décrits  ailleurs  (voyez  Prostatite),  et  que  nous  n'avons  en  conséquence 
qu'à  rappeler  sommairement  ici. 


BLENNORRHAGIE.  —  prostatite.  20-J 

Au  début,  pesanteur,  tension  gravalive  vers  le  périnée  ou  vers  l'anus; 
hesoins  d'uriner  fréquents  et  impérieux,  avec  sensation  de  brûlure  pro- 
fonde pendant  la  miction. 

La  maladie  se  confirmant,  la  douleur  s'accroît  et  s'accompagne  d'une 
pesanteur  singulière  vers  l'anus;  le  périnée  devient  sensible  au  toucher; 
les  mouvements,  la  marche,  les  efforts  de  défécation,  le  croisement  des 
jambes,  et  bientôt  même  la  position  assise,  réveillent  ou  augmentent  les 
douleurs.  —  Dysurie  très-pénible;  l'urine  n'est  plus  évacuée  qu'avec 
effort;  elle  sort  en  jet  grêle,  intermittent,  ou  même  goutte  à  goutte,  et 
avec  un  sentiment  d'ardeur  ou  de  brûlure  vers  les  profondeurs  du  canal; 
plus  tard  enfin,  la  rétention  d'urine  peut  devenir  complète  en  déterminant 
alors  la  série  des  symptômes  qui  lui  sont  propres  :  tension  hypogastrique, 
épreintes,  anxiété  très-vive,  etc.  —  Défécation  difficile,  douloureuse; 
selles  d'abord  rares,  puis  constipation  complète;  le  plus  souvent,  ténesme 
rectal  plus  ou  moins  violent  ;  garde-robes  accompagnées  et  suivies  d'une 
douleur  anale  très-pénible;  sensation  permanente  d'un  corps  étranger, 
de  matières  fécales  arrêtées  au  niveau  de  l'anus.  (Boyer.)  —  Au  toucher 
rectal,  on  trouve  la  prostate  extrêmement  douloureuse;  sa  consistance  est 
dure,  et  son  volume  augmenté;  la  tuméfaction  est  souvent  générale,  ce 
qui  donne  à  l'organe  une  forme  carrée  (Vidal)  ;  d'autres  fois  le  gonflement 
est  partiel  ;  de  là  des  variétés  de  forme  assez  nombreuses  suivant  que 
l'un  ou  l'autre  lobe  est  tuméfié.  —  Le  cathétérisme  peut  fournir  aussi 
quelques  notions  sur  les  changements  survenus  à  la  glande.  Au  niveau  de 
la  région  prostatique  du  canal,  la  sonde  est  brusquement  arrêtée  ou  ma- 
nifestement déviée  en  divers  sens.  —  Le  toucher  combiné  au  cathétérisme 
pourrait  donner  des  renseignements  plus  précis  sur  le  gonflement  prosta- 
tique (Velpeau),  mais  cette  exploration  est  si  douloureuse  qu'il  convient 
de  s'en  abstenir.  —  Enfin,  on  observe  presque  toujours  des  symptômes 
généraux  plus  ou  moins  accentués  :  fièvre,  soif,  inappétence,  insomnie, 
agitation,  etc.  —  Quant  à  l'écoulement  uréthral,  il  est  le  plus  souvent  di- 
minué surtout  au  début  de  la  complication. 

Marche,  terminaisons.  —  Les  phénomènes  morbides  vont  d'ordinaire 
en  croissant  pendant  les  premiers  jours  de  la  maladie,  et  se  prolongent 
avec  toute  leur  intensité  jusque  vers  le  sixième,  le  huitième  ou  le  dixième 
jour.  A  ce  moment,  si  la  résolution  doit  se  faire,  la  fièvre  tombe,  les 
douleurs  s'apaisent,  la  miction  devient  plus  facile,  et  le  ténesme  rectal  dis- 
paraît. Le  toucher  rectal  permet  alors  de  suivre  le  retour  graduel  de  la 
glande  à  ses  dimensions  normales.  Le  plus  habituellement,  la  résolution 
est  complète  dans  l'espace  de  deux  à  trois  septénaires.  Quelquefois  cepen- 
dant l'organe  conserve  pendant  longtemps  un  certain  degré  de  tuméfaction 
ou  d'induration  soit  générale,  soit  partielle.  Cette  induration  finit  le  plus 
souvent  par  disparaître  à  la  longue;  mais  en  certains  cas  elle  peut  persis- 
ter, et  la  blennorrhagic  devient  ainsi  l'origine  d'engorgements  chroni- 
ques de  la  glande  (Velpeau). 

D  autres  fois,  la  marche  de  la  maladie  prend  une  allure  moins  favora- 
ble. Les  douleurs  s'accroissent,  la  rétention  d'urine  devient  permanente; 


202  -BLENNORUHAGIE.  —  mwjstatite. 

la  fièvre  persiste.  Puis,  à  un  moment  donné,  des  frissons  se  mani- 
festent, et  la  scène  alors  se  modifie:  les  troubles  généraux  s'apaisent; 
les  douleurs  se  calment,  et  perdent  leur  caractère  de  tension  gravative 
pour  se  convertir  en  élancements  ou  mieux  en  une  sensation  pulsatile 
caractéristique,  sensation  qui  dénote  que  la  suppuration  s'est  établie. 
Malgré  cette  détente  subite,  la  dysuric  persiste,  parce  (pie  le  pus,  ren- 
fermé dans  une  coque  fibreuse  et  résistante,  forme  un  foyer  saillant  qui 
continue  à  comprimer  la  région  prostatique  de  l'urètbre. 

L'abcès,  une  fois  formé,  s'évacue  après  un  temps  variable,  mais  tou- 
jours assez  long,  en  raison  de  la  résistance  des  parois  fibreuses  qui  cir- 
conscrivent le  foyer.  Dès  que  le  pus  s'est  fait  une  voie  au  dehors,  un  sou- 
lagement énorme  se  produit  aussitôt  ;  les  douleurs  sont  apaisées  comme 
par  enchantement,  la  miction  se  rétablit,  la  défécation  s'opère  sans  diffi- 
culté. 

Ici,  comme  dans  les  prostatites  d'autre  nature,  l'abcès  peut  se  frayer 
des  voies  diverses,  d'où  la  possibilité  d'accidents  variés,  qu'il  n'est  pas  de 
notre  sujet  d'exposer  en  détail.  (V.  Prostate,  Abcès.)  Il  s'évacue  soit  par 
l'urèthre,  ce  qui  est  le  cas  le  plus  habituel,  soit  par  la  vessie,  soit  par  le 
rectum,  soit  même  par  le  périnée.  Il  n'est  pas  très-rare  encore  d'observer 
des  ouvertures  doubles,  le  foyer  se  vidant  à  la  fois  dans  la  vessie  et  le 
rectum,  ou  clans  le  rectum  et  l'urèthre.  Enfin,  certains  faits,  heureuse- 
ment exceptionnels,  démontrent  la  possibilité  d'infiltrations  purulentes 
dans  les  couches  périnéales  ;  de  là,  des  fusées  qui  s'étendent  en  divers 
sens,  et  peuvent  amener  des  décollements  considérables. 

L'évacuation  du  pus  se  continue  pendant  plusieurs  jours;  puis  l'abcès 
se  termine  de  deux  façons  différentes  :  —  1°  Le  plus  souvent  le  foyer 
revient  sur  lui-même  ;  ses  parois  bourgeonnent,  s'adossent,  et  la  cica- 
trisation est  assurée  ;  c'est  là  surtout  ce  qu'on  observe  dans  les  foyers  de 
petit  volume.  —  2°  D'autres  fois,  par  suite  de  la  suppuration  totale  du 
parenchyme  glandulaire  et  de  la  communication  établie  avec  les  organes 
voisins,  l'abcès  se  convertit  en  une  véritable  caverne  prostatique  où 
pénètrent  soit  les  matières  fécales,  soit  l'urine.  Cette  caverne  a  d'autant 
moins  de  tendance  à  s'oblitérer  que  ses  parois  sont  en  grande  partie  for- 
mées par  la  capsule  fibreuse,  laquelle,  adhérente  de  toutes  parts  aux 
tissus  voisins,  n'est  pas  susceptible  de  se  rétracter.  Elle  persiste  donc 
et  se  tapisse  même  à  sa  face  interne  d'une  membrane  muqueuse  de 
nouvelle  formation,  analogue  à  celle  des  trajets  fistuleux.  C'est  la  pré- 
sence de  cette  membrane  qui  explique  comment  le  contact  des  urines 
et  des  matières  fécales  ne  donne  lieu  que  rarement  à  des  phénomènes 
inflammatoires. 

Les  symptômes  varient  un  peu  suivant  que  la  caverne  communique 
avec  la  vessie  ou  avec  l'urèthre.  Dans  le  premier  cas,  l'urine  séjourne  en 
permanence  dans  la  caverne  prostatique,  qui  constitue  en  quelque  sorte 
une  vessie  supplémentaire.  Dans  le  second,  «  si  la  communication  s'est 
faite  avec  l'urèthre,  l'urine  ne  pénètre  dans  la  poche  qu'au  moment  de  la 
miction,  et  la  pression  sur  le  périnée,  après  cet  acte ,  provoque  la  sortie 


BLENNORRHAGIE.  —  prostatitè.  203 

par  le  méat  d'une  certaine  quantité  d'urine  mêlée  de  sang  et  de  gru- 
meaux purulents.  »  (M.  Robert.) 

Cette  terminaison,  on  le  conçoit  sans  peine,  peut  prolonger  la  durée 
de  la  maladie  de  plusieurs  mois,  de  plusieurs  années,  et  même  créer 
une  intirmité  définitive.  Il  n'est  pas  rare  de  voir  ces  cavernes  prostatiques 
s'accompagner  de  suppurations  interminables  qui  épuisent  lentement  les 
malades  et  les  conduisent  à  la  mort  après  une  longue  période  de  souf- 
frances et  de  cachexie.  Quelquefois  aussi,  elles  déterminent  des  accidents 
aigus,  et  en  particulier  des  péritonites  soit  locales ,  soit  même  générali- 
sées,   dont  la  gravité  peut   être  extrême. 

Pronostic.  —  L'étude  rapide  que  nous  venons  de  faire  démontre  que  la 
prostatitè  est  un  des  accidents  les  plus  sérieux  de  la  blennorrbagie.  Tou- 
tefois, il  n'en  faut  pas  exagérer  les  dangers.  D'une  part,  la  résolution  est 
la  terminaison  la  plus  commune  de  la  maladie  (Cullerier);  d'autre  part, 
la  suppuration  est  ordinairement  circonscrite,  et  le  foyer  se  cicatrise  sans 
accidents.  Il  est  même  des  cas  où  l'évacuation  du  pus  se  faisant  d'une  fa- 
çon insensible,  la  nature  réelle  de  la  complication  peut  être  méconnue. 

Restent  donc  les  faits  où  la  suppuration  a  détruit  tout  le  parenchyme 
prostatique  et  amené  la  formation  d'une  caverne.  Le  pronostic  est  alors 
des  plus  sérieux,  non-seulement  en  raison  de  la  marche  chronique  et  de 
la  terminaison  souvent  fatale  de  la  complication,  mais  encore  par  la  gra- 
vité réelle  du  traitement  curatif. 

En  certains  cas  encore,  heureusement  exceptionnels,  on  a  vu  l'inflam- 
mation de  la  prostate  se  propager  à  la  séreuse  abdominale,  et  déterminer 
une  péritonite  d'abord  pelvienne,  puis  généralisée.  Ricord  a  observé  deux 
faits  de  ce  genre,  où  la  mort  a  été  la  conséquence  d'une  péritonite  pu- 
rulente. 

Enfin,  il  ne  faut  pas  oublier  que  la  résolution  elle-même  ne  met  pas 
toujours  les  malades  à  l'abri  de  tout  danger.  Outre  la  prédisposition  qu'elle 
peut  créer  à  l'hypertrophie  chronique  chez  le  vieillard  et  à  la  dégénéres- 
cence tuberculeuse  chez  les  sujets  lymphatiques,  la  prostatitè  laisse  parfois 
h  sa  suite  un  certain  gonflement  de  la  glande.  11  en  résulte  alors  un  état 
sub-inflaminaloire  des  parties  profondes  de  l'urèthre,  avec  sensibilité  ano- 
male de  la  région  et  divers  autres  symptômes  rappelant  sous  une  forme 
mitigée  les  phlcgmasies  ch ioniques  de  cet  organe. 

Diagnostic.  —  La  prostatitè  blennorrhagique  est  en  général  assez  facile 
à  reconnaître.  Elle  ne  peut  guère  être  confondue  qu'avec  la  péri-cowpé- 
rite  (voy.  page  195),  ou  avec  la  cystite  du  col  de  même  origine.  Nous 
étudierons  cette  dernière  complication  dans  le  chapitre  qui  va  suivre,  et 
nous  montrerons  les  signes  qui  la  distinguent  de  l'affection  qui  nous  oc- 
cupe en  ce  moment. 

Au  début,  il  est  souvent  difficile  de  décider  si  l'on  a  affaire  à  une  con- 
gestion simple  ou  à  une  inflammation  véritable  de  la  prostate.  Ce  diagnostic 
ne  peut  être  établi  que  par  la  marche  des  accidents.  C'est  seulement  quand 
la  phlegmasie  s'est  nettement  constituée  qu'elle  sera  reconnue  à  la  vio- 
lence des  douleurs  périnéales,  à  l'intensité  des  troubles  fonctionnels  et 


204  BLENNORRIIAG1E.  —  prostatite. 

notamment  du  ténesme  rectal,  à  la  réaction  fébrile,  enfin  à  la  tuméfaction 
plus  volumineuse  et  à  la  sensibilité  plus  vive  de  la  glande. 

La  terminaison  par  abcès  circonscrit,  par  fonte  totale  du  parenchyme, 
par  caverne  prostatique,  sera  facilement  reconnue  à  l'aide  des  signes  que 
nous  avons  mentionnés  précédemment.  Rappelons  simplement  ici  l'im- 
portance du  toucher  rectal,  mode  d'exploration  trop  souvent  négligé,  et 
qui  cependant  peut  seul  fournir  des  notions  précises  sur  l'état  de  la 
glande  comme  sur  l'évolution  de  la  maladie. 

Traitement.  —  S'il  s'agit  d'une  congestion  simple,  des  soins  d'hygiène 
et  quelques  antiphlogistiques  en  feront  facilement  justice  :  repos,  bains 
de  corps,  onctions  belladonées,  cataplasmes,  boissons  délayantes,  etc. 
—  Dans  les  cas  un  peu  plus  graves,  appliquer  15  à  20  sangsues  au  ni- 
veau de  la  région  périnéale. 

Lorsqu'au  contraire  on  a  reconnu  une  prostatite  vraie,  il  faut  interve- 
nir énergiquementet  le  plus  tôt  possible,  pour  empêcher,  si  faire  se  peut, 
la  terminaison  par  abcès.  Larges  émissions  sanguines  locales  (20  à  50 
sangsues  au  périnée),  répétées  même  deux  ou  trois  fois,  suivant  les  cas; 
grands  bains  coup  sur  coup,  prolongés  d'une  à  deux  heures;  cata- 
plasmes ;  onctions  belladonées  ;  lavements  émollients  pour  évacuer  le  rec- 
tum et  faciliter  l'expulsion  des  matières;  quarts  de  lavements  laudanisés 
et  camphrés,  etc.  —  En  cas  de  rétention  d'urine,  pratiquer  le  cathété- 
risme  deux  ou  trois  fois  par  jour,  ce  qui  est  bien  préférable  à  l'emploi 
toujours  irritant  de  la  sonde  à  demeure. 

Dès  que  la  suppuration  est  manifeste,  intervenir  chirurgicalement, 
pour  éviter  la  fonte  purulente  de  l'organe,  les  fusées  et  les  infiltrations. 
Ce  traitement  du  reste,  comme  celui  des  cavernes  prosta'iques,  sera  ex- 
posé en  détail  dans  un  autre  article  de  cet  ouvrage.  (Voy.  Prostate, 
abcès.) 

III.  Prostatite  canaltculaire.  —  Synonymie  :  prostatite  muqueuse, 
prostatite  catarrhale,  foUiculeuse  (Lallemand),  prostatorrhée. 

Cette  forme  de  phlegmasie  chronique  est  encore  peu  connue.  Elle 
diffère  essentiellement  de  celle  que  nous  venons  de  décrire,  en  ce  qu'au 
lieu  d'affecter  le  parenchyme  de  l'organe  elle  se  limite  à  la  surface  des 
conduits  de  la  glande,  d'où  la  dénomination  de  canaliculaire  que  je  serais 
d'avis  de  lui  conserver. 

Anatomiqucment,  il  est  certain  que  cette  forme  d'inflammation  peut 
se  développer  comme  un  accident  de  la  blennorrhagie.  Péter  en  a  relaté 
un  bel  exemple,  recueilli  chez  un  sujet  mort  dans  le  cours  d'une 
chaude-pissc.  «  En  pressant  sur  la  prostate,  dit  cet  observateur,  on  faisait 
sortir  par  chacun  de  ses  orifices  uréthraux  une  assez  grande  quantité  de 
liquide  évidemment  purulent;  de  la  prostate  incisée  on  faisait  également 
sourdre  une  série  de  gouttelettes  de  pus  qui  s'échappaient  manifeste- 
ment de  chacun  des  follicules  prostatiques  et  non  du  parenchyme  de  la 
glande,  qui  n'était  ni  rouge  ni  tuméfié.  C'était  donc  là  une  prostatite  ca- 
naliculaire ou  muqueuse,  et  non  point  une  prostatite  parenchymateuse.  » 

Cliniquement,  il  faut  reconnaître  deux  formes  de  la  maladie.  L'une 


BLENNORRHAGIE.  —  cystite.  205 

est  aiguë,  et  se  montre  alors  que  la  phlegmasie  uréthrale  a  gagné  les  ré- 
gions profondes  du  canal.  Elle  s'explique  très-naturellement  par  la  propa- 
gation de  l'irritation  phlegmasique  aux  conduits  glandulaires.  —  L'autre 
forme  est  essentiellement  chronique.  Elle  se  caractérise  simplement  par 
un  suintement  léger,  jaunâtre  ou  jaune  grisâtre,  catarrhal,  parfois  même 
blanc  ou  gris,  spermatique  d'aspect,  mais  moins  visqueux  et  moins  con- 
sistant que  le  sperme.  Cet  écoulement,  qui  n'a  d'autre  importance  que  de 
préoccuper  singulièrement  les  malades,  persiste  souvent  sans  modification 
pendant  plusieurs  mois  et  même  plusieurs  années.  Nul  doute  qu'il  ne 
constitue  une  variété  de  ces  blennorrhées  rebelles  à  tous  les  modifi- 
cateurs uréthraux. 

IV.  Abcès  péri-prostatiques.  —  Demarquay  a  récemment  appelé  l'at- 
tention sur  certaines  collections  purulentes  qui  se  développent  parfois 
dans  le  cours  de  la  blennorrhagie  aux  environs  de  la  prostate.  Le  tissu 
cellulaire  qui  environne  la  glande  serait  alors  le  siège  d'une  phlegmasie 
consécutive  à  celle  du  parenchyme,  et  la  suppuration  s'y  développerait 
par  un  mécanisme  analogue  à  celui  des  abcès  péri-mammaires. 

Ces  abcès  sont  encore  peu  connus.  Nous  ne  faisons  que  les  signaler 
ici  pour  appeler  sur  eux  l'attention  des  observateurs. 

XIII.  Cysaite.  —  Les  complications  vésicales  de  la  blennorrhagie  se 
présentent  sous  deux  formes  :  l'une  fréquente,  décrite  sous  le  nom  de 
cystite  du  col,  en  raison  de  son  siège  anatomique  ;  l'autre  excessivement 
rare  (si  tant  est  même  qu'elle  existe)  où  riiiHammation  s'étend  à  toute  la 
surface  de  la  muqueuse;  c'est  la  cijstite  du  corps. 

I.  Cystite  du  col.  —  Fréquence.  —  A  des  degrés  divers  d'intensité,  la 
cystite  du  col  est  un  accident  très-commun  de  la  blennorrhagie  aiguë. 

Elle  ne  se  manifeste  jamais  dans  les  premiers  jours  de  l'écoulement. 
C'est  après  deux  ou  trois  semaines  au  plus  tôt  qu'elle  se  produit,  souvent 
aussi  à  une  époque  plus  éloignée  du  début,  et  dans  le  cours  même  d'é- 
coulements déjà  chroniques. 

Causes.  —  D'après  le  résultat  de  mon  expérience  personnelle,  la  cys- 
tite du  col  se  développe,  dans  la  grande  majorité  des  cas,  sans  provoca- 
tion aucune.  Elle  se  montre  simplement  comme  un  résultat  de  l'exten- 
sion ascendante  de  la  phlegmasie  dans  le  canal.  Aussi,  la  considérerai-je 
volontiers,  avec  quelques  auteurs,  moins  comme  une  complication  que 
comme  une  phase,  une  période  de  la  blennorrhagie.  L'observation  cli- 
nique démontre,  en  effet,  que  très-souvent  des  accidents  de  cystite  écla- 
tent chez  des  sujets  placés  dans  les  meilleures  conditions  hygiéniques, 
suivant  avec  exactitude  un  traitement  rationnel,  ne  faisant  aucun  excès, 
s'astreignant  même  à  un  repos  relatif,  etc. 

Ce  n  est  pas  à  dire,  cependant,  que  diverses  circonstances  écologiques 
ne  puissent  provoquer  le  développement  de  la  maladie.  Ces  causes  occa- 
sionnelles, dont  on  observe  parfois  l'influence  incontestable,  sont  encore 
ici,  comme  pour  la  prostatite,  des  excitations  diverses  de  Vurèthre  :  rap- 
ports sexuels,  pollutions,  excès  alcooliques,  traitement  suppressif  préma- 
turé, injections  irritantes  ou  caustiques,  calhétérisme,  fatigues,  etc. 


206  BLENNORRIIAGIE.  —  cystite. 

Pour  quelques  auteurs,  les  diurétiques  (le  nitrc  spécialement),  ou  les 
balsamiques  pris  en  excès,  ne  seraient  pas  sans  quelque  influence  sur  la 
production  de  la  maladie.  Desruelles  dit  encore  avoir  souvent  observé 
cette  affection  «  se  propageant  rapidement  à  un  grand  nombre  de  malades 
lorsque  la  température  venait  à  s'abaisser  tout  à  coup.  »  J'avoue,  pour 
ma  part,  n'accorder  qu'une  bien  médiocre  créance  à  l'action  de  ces  der- 
nières causes. 

Symptômes.  —  A  son  premier  degré  et  sous  sa  forme  la  plus  atténuée, 
la  maladie  ne  consiste  qu'en  un  besoin  d'uriner  fréquent  et  impérieux, 
uni  à  des  douleurs  périnéales  légères  qui  se  produisent  spécialement  au 
début  et  à  la  fin  de  la  miction. 

Le  plus  souvent,  les  symptômes  s'accentuent  davantage,  et  donnent  à 
la  maladie  confirmée  une  physionomie  tout  à  fait  spéciale.  Les  phéno- 
mènes morbides  viennent,  en  effet,  se  grouper  autour  de  deux  ou  trois 
signes  caractéristiques,  qui  sont  les  suivants  : 

1°  Avant  tout,  ténesme  vésical  consistant  en  des  envies  d'uriner  fré- 
quentes et  impérieuses,  fréquentes  jusqu'à  se  reproduire  toutes  les  demi- 
heures,  tous  les  quarts  d'heure,  parfois  même  de  minute  en  minute; 
impérieuses,  en  ce  sens  qu'elles  ne  laissent  aucun  répit  au  malade  ;  il  faut 
qu'il  urine  sur-le-champ,  au  moment  môme  où  l'envie  s'est  fait  sentir,  à 
ce  point  que  si  peu  qu'il  diffère,  il  urine  sous  lui,  dans  son  pantalon. 
En  certains  cas  même,  il  s'établit  une  véritable  incontinence  continue,  y  ai 
vu  des  malades  rendre  involontairement  et  presque  à  chaque  minute  une 
ou  deux  gouttes  d'urine,  qui  provoquaient  au  moment  de  leur  passage 
dans  le  canal  les  plus  vives  angoisses. 

2°  La  miction  est  douloureuse,  et  la  sensation  de  douleur  éclate  à  V in- 
stant où  les  dernières  gouttes  sont  évacuées.  Il  se  produit  alors  une  sorte 
d'épreinte  convulsive  des  plus  pénibles,  probablement  due  à  la  contrac- 
tion spasmodique  du  col.  C'est  là  le  phénomène  vraiment  pathogno- 
monique  de  la  cystite  limitée  à  cette  partie  de  la  vessie.  —  Puis,  dès  que 
l'urine  a  été  évacuée,  un  besoin  nouveau  s'annonce  par  une  douleur,  une 
sensation  bizarre  de  poids  ou  de  pression  au  niveau  du  périnée.  Cette 
envie  factice  provoque  à  son  tour  des  efforts  d'expulsion  involontaires  ; 
quelques  gouttes  d'une  urine  laiteuse  ou  sanguinolente  sont  alors  rendues 
et  déterminent  à  leur  passage  un  sentiment  de  brûlure  intolérable.  Ces 
épreintes  vésicales ,  ces  sensations  de  douleur  remontent  vers  l'anus, 
lhypogastre  et  les  aines  ;  parfois  même  elles  s'irradient  jusque  dans  les 
membres  inférieurs  ou  déterminent  une  sorte  de  frissonnement  général. 

5°  Aux  dernières  gouttes  d'urine  se  mêle  le  plus  souvent  une  certaine 
quantité  de  pus  ou  de  sang.  C'est  encore  là  un  phénomène  caractéristique, 
qui  se  produit  de  la  façon  suivante  :  lors  de  la  miction,  l'urine  s'écoule 
d'abord  claire,  puis  elle  se  trouble,  et  les  dernières  gouttes  sont  constituées 
par  un  liquide  laiteux ,  blanc  jaunâtre,  souvent  mêlé  de  sang,  et  assez 
semblable  aux  déjections  dysentériques;  quelquefois  aussi,  du  sang  pur 
est  évacué  vers  la  (in  de  la  miction. 

Si  l'on  recueille  l'urine  dans  un  verre  à  expériences,  on  voit  s'y  for- 


BLEM0RRIIAG1E. 


CYSTITE. 


207 


mer  rapidement  un  dépôt  considérable,  où  le  microscope  fait  reconnaître 
la  présence  du  pus  et  du  sang.  —  Dans  les  cas  où  le  malade  urine  à  vide, 
le  liquide  rougeàtre  ou  laiteux  qu'il  évacue  n'est  constitué  que  par  du 
muco-pus,  mêlé  ou  non  à  une  certaine  proportion  de  globules  sanguins. 

4°  Il  est  remarquable  que  cette  scène  si  douloureuse  exerce  peu  de 
réaction  sur  l'ensemble  de  l'économie.  Presque  toujours,  le  malade  est 
sans  fièvre.  Les  seuls  troubles  généraux  que  l'on  constate  se  bornent  à 
des  phénomènes  nerveux  :  malaise,  anxiété,  inquiétudes,  et  surtout  in- 
somnie résultant  de  la  continuité  des  épreintes.  —  En  général  aussi,  di- 
minution plus  ou  moins  marquée  de  l'appétit  ;  constipation  habituelle. 

Marche,  terminaison ,  durée.  —  La  maladie  ne  conserve  guère  ce 
degré  d'acuité  au  delà  de  quelques  jours,  surtout  lorsqu'elle  est  con- 
venablement traitée.  Après  un  temps  variable,  il  se  produit  un  amende- 
ment marqué  dans  l'intensité  des  symptômes  :  le  ténesme  s'apaise,  les 
épreintes  deviennent  moins  fréquentes  et  moins  douloureuses  ;  les  urines 
cessent  d'abord  d'être  sanguinolentes,  puis  deviennent  de  moins  en  moins 
chargées  de  pus;  la  miction  se  rétablit  dans  ses  conditions  normales,  et 
finalement  tout  rentre  dans  l'ordre.  —  Momentanément  diminué  pendant 
la  durée  de  la  complication  vésicale,  l'écoulement  uréthral  reparaît  avec 
son  abondance  première  dès  que  la  cystite  a  disparu. 

La  durée  de  la  maladie  ne  dépasse  guère  quatre  ou  cinq  jours  pour  les 
cas  légers,  dix  ou  quinze  au  plus  pour  les  plus  graves.  —  A  titre  d'ex- 
ceptions, il  faut  citer  certains  faits  où  les  symptômes  ont  persisté  plusieurs 
semaines,  un  mois  (Melehior  Robert),  deux  mois  et  demi  (Vidal  de  Cassis) 
et  môme  au  delà. 

Pronostic.  —  La  cystite  du  col  est  sans  gravité.  La  dysurie  et  les  dou- 
leurs peuvent  bien,  il  est  vrai,  éveiller  des  réactions  nerveuses  et  fatiguer 
les  malades.  Mais  il  est  rare  que  les  accidents  ne  disparaissent  pas  au 
bout  de  quelques  jours  sans  laisser  aucune  trace  de  leur  passage.  — 
Quant  à  la  possibilité  de  voir  succéder  aux  accidents  aigus  des  affections 
permanentes  du  col  de  la  vessie,  elle  n'est  en  aucune  façon  démontrée. 

Diagnostic.  —  La  cystite  du  col  a  des  symptômes  tellement  spéciaux, 
tellement  accentués,  qu'il  serait  difficile  de  la  méconnaître.  —  La  pro- 
statite  seule  s'en  rapproche  par  quelques  analogies,  mais  elle  s'en  distin- 
gue facilement  par  une  série  de  considérations  (pie  l'on  trouvera  réunies 
dans  le  tableau  suivant  : 


DANS   LA  CYSTITE    DU  COL   l 

I.  Ténesme  vésical  caractéristique;  envies 
d'uriner  fréquentes,  impérieuses. 

II.  Miction  spéeialement  douloureuse  au 
moment  où  les  dernières  gouttes  d'urine 
sont  évacuées;  à  ce  moment,  épreinte  con- 
vulsive  caractéristique. 

III.  Dans  les  derniers  temps  de  la  miction, 
excrétion  d'un  liquide  dvsentérit'orme,  mé- 
lange de  pus  et  de  sang;  souvent  aussi  ex- 
crétion de  san-  pur. 


DANS    L\    PROSTATITE  '. 

1.  Ténesme  vésical  bien  moindre.  — Té- 
nesme rectal  plus  accusé, 
il.  Rien  de  semblable. 


III.  Rien  de  semblable.  Urine  normale 


208 


BLEXNOPiIUIACïE.  —  cystite. 


DANS    LA   CYSTITE   DU   COL  '. 

IV.  Simple  sensibilité  périnéale;  douleurs 
d'irradiation  vers  l'anus  bien  moins  violen- 
tes que  dans  la  prostatite. 

V.  Prostate  normale. 

VI.  Pas  de  rétention  d'urine. 

VII.  l'eu  ou  pas  de  symptômes  généraux. 


DANS   LA    PROSTATITE  : 

IV.  Douleurs  périnéales  profondes,  très- 
vives,  accrues  par  les  mouvements,  par  la 
défécation,  etc. 

V.  Au  toucher  rectal,  tumeur  prostatique, 
très-douloureuse,  dure,  etc. 

VI.  Dysurie.  Rétention  d'urine. 

VII.  Symptômes  généraux  assez  accen- 
tués :  fièvre,  inappétence,  etc. 


Traitement.  —  Il  est  des  plus  simples  :  repos,  régime  léger,  boissons 
froides  et  peu  abondantes  ;  onctions  belladonées  au  niveau  de  la  région 
périnéale  et  de  la  partie  supérieure  des  cuisses;  cataplasmes  sur  l'hypo- 
uastre  ;  bains  tièdes  prolongés  (bien  préférables  aux  bains  de  siège,  dont 
j'ai  même  constaté  l'action  nuisible  en  certains  cas);  et  surtout  quarts  de 
lavements  froids  additionnés  de  camphre  et  de  laudanum  de  Sydenham 
(16  à  20  gouttes).  —  Lorsque  la  maladie  est  plus  intense,  application  de 
16  à  20  sangsues  au  périnée.  —  Se  garder  surtout  de  l'introduction  d'in- 
struments dans  le  canal,  d'injections,  etc. 

Il  est  une  médication  très-différente  qui  parfois  réussit  d'une  façon 
merveilleuse  à  calmer  l'éréthisme  du  col  vésical;  c'est  l'emploi  des  bal- 
samiques, et  spécialement  du  copahu.  Il  n'est  pas  rare  que  ce  traite- 
ment soulage  les  malades  en  quelques  heures.  Malheureusement,  i!  n'a 
pas  d'effet  constant;  je  l'ai  vu  échouer  plusieurs  fois  d'une  façon  complète. 

Lorsque  la  maladie  tend  à  passer  à  l'état  sub-aigu  et  reste  stationnaire, 
on  administre  avec  succès  soit  la  térébenthine,  soit  le  cubèbe  ou  le  co- 
pahu. Ces  deux  derniers  remèdes  doivent  être  donnés  à  petites  doses  frac- 
tionnées, et  l'usage  doit  en  être  prolongé  pendant  plusieurs  semaines. 

Ce  n'est  que  dans  les  cas  tout  à  fait,  rebelles  et  chroniques  qu'il  y  a 
lieu  de  recourir  soit  aux  révulsifs  locaux  (vésicatoires,  emplâtre  stibié, 
cautère  à  la  région  périnéale),  soit  aux:  eaux  minérales  (eaux  alcalines, 
sulfureuses  ou  autres,  suivant  les  conditions  qui  paraissent  entretenir  la 
maladie). 

II.  Cystite  du  coRrs.  —  Autant  il  est  fréquent  d'observer  la  propaga- 
tion du  travail  phlcgmasique  de  l'urèthre  jusqu'au  col  vésical,  autant  il  est 
rare  de  voir  la  muqueuse  du  corps  de  la  vessie  participer  à  l'inflamma- 
tion blcnnorrbagique.  Si  je  m'en  rapportais  seulement  à  mon  expérience 
personnelle,  je  serais  même  disposé  à  rejeter  complètement  cette  pré- 
tendue complication  de  la  chaude-pisse.  Il  m'a  été,  en  effet,  impossible 
d'en  retrouver  un  seul  exemple  dans  le  dépouillement  des  nombreuses 
observations  que  j'ai  recueillies  jusqu'à  ce  jour.  De  plus,  les  faits  con- 
tenus dans  la  science  ne  sont  pas  de  nature  à  dissiper  tous  les  doutes  sur 
la  réalité  de  cet  accident.  Je  me  bornerai  donc  à  le  signaler  sans  y  insister 
davantage. 

Bien  plus  problématique  encore  est  l'existence  de  la  néphrite  blen- 
norrhagique,  dont  je  crois  pouvoir  dire  qu'il  n'existe  pas  d'exemple  bien 
avéré. 


BLEINNORRIIAGIE.  —  jspididymite,  orciiite  blexkorrhagique.         209 

XIV.  Kpidldymlij?,  orcliUe  S>2cnBBorrliugiqu<e.  —  Synonymie  : 
Gonorrhée  ou  chaude-pisse  tombée  dans  les  bourses  ;  tumeur  vénérienne 
des  bourses;  testicule  vénérien;  hernie  humorale;  orchite;  didymite, 
vaginalite  blennorrhagique  ;  épididymite  (Ricord),  etc. 

Fréquence.  —  C'est,  sans  contredit,  la  complication  la  plus  commune 
de  la  blennorrhagie. 

Il  serait  assez  difficile  de  représenter  par  un  chiffre  précis  la  proportion 
des  blennorrhagies  suivies  d'orchite.  Tous  les  malades,  en  effet,  atteints 
d'écoulement  uréthral  ne  consultent  pas  le  médecin,  tandis  que  les  com- 
plications testiculaires  nécessitent  pour  la  plupart  des  soins  spéciaux.  Je 
crois  toutefois  n'être  pas  éloigné  de  la  vérité  en  disant  que  l'épididymite 
se  montre  à  peu  près  une  fois  sur  huit  ou  neuf  blennorrhagies. 

Époque  d'apparition.  —  L'époque  où  se  manifestent  les  complications 
testiculaires  est  intéressante  à  déterminer  «à  plusieurs  titres,  notamment 
au  point  de  vue  de  la  pathogénie.  Or  les  statistiques  des  divers  auteurs 
concordent  pour  démontrer  que  l'épididymite  ne  se  produit  pas  égale- 
ment à  toutes  les  périodes  de  l'écoulement  uréthral.  A  peine  cite-t-on 
quelques  exemples  où  elle  se  soit  développée  dans  le  cours  de  la  première 
semaine;  encore  ces  faits  sont-ils  sujets  à  caution,  car,  observés  pour  la 
plupart  dans  les  hôpitaux  et  sur  des  malades  peu  soucieux  de  leur  per- 
sonne, ils  peuvent  bien  être  relatifs  à  de  vieux  écoulements  ravivés,  c'est-à- 
dire  à  ce  que  nous  avons  appelé  des  chaude-pisses  de  retour.  Chez  les  ma- 
lades de  la  ville,  plus  soigneux  de  leur  santé  et  plus  observateurs,  on  ne 
rencontre  presque  jamais  l'épididymite  avant  le  dixième  ou  le  douzième 
jour  de  la  maladie.  Et  à  l'hôpital  comme  en  ville,  c'est  d'ordinaire  vers 
la  troisième,  la  quatrième  ou  la  cinquième  semaine  qu'on  la  voit  se  mani- 
fester de  préférence.  Il  n'est  pas  rare  qu'elle  dépasse  de  beaucoup  ce  terme, 
qu'elle  se  produise  dans  le  cours  d'écoulements  anciens  et  même  très-an- 
ciens, voire  même  à  propos  de  suintements  presque  insignifiants  remon- 
tant à  plusieurs  années  de  date.  —  Voici,  à  ce  sujet,  quelques  résultats  de 
mon  observation  particulière  : 

ÉPIDIDYMITES    DÉVELOPPÉES  : 

Dans  le  cours  de  la  première  semaine  de  la  blennorrhagie.  0 

Le  8e  jour 2  cas  (dont  un  douteux.) 

Le  9*  jour 2  — 

Le  10e  jour ~>  — 

Du  11e  au  14°  jour 15  — 

Dans  le  cours  de  la  troisième  semaine 34 — 

—  quatrième  semaine.. 30  — 

—  cinquième  semaine 29  — 

—  sixième  semaine 19  — 

—  septième  semaine 9  — 

—  huitième  semaine 21  — 

—  troisième  mois 22  — 

—  quatrième  mois G  — 

—  cinquième  mois 4  — 

—  sixième  mois 3  — 

—  septième  mois 3  — 

—  huitième  mois 4  — 

A  reporter 200  cas. 

NOUV,    DICT.    MÉD.    ET    CllïT..  V.    —    14 


210        BLENNORRHAGIE.  —  épididymite,  orchite  blennorrhagtque. 

Report 20l>  cas 

Dans  le  cours  du  neuvième  mois 1  — 

—  onzième  mois 5  — 

—  seconde  année f>  — 

—  troisième  année 3  — 

—  quatrième  année..    . 2  — 

—  septième  année 1   — 

Total 222  cas. 


Causes.  —  La  blcrinorrhagie  uréthrale  est  la  cause  essentielle  de  la 
complication  testicuîaire. 

Parfois,  elle  suffit  seule  à  la  produire,  en  dehors  de  toute  circonstance 
adjuvante,  sans  le  concours  de  la  moindre  provocation  locale.  Ainsi,  il 
n'est  pas  rare  que  la  maladie  se  manifeste  chez  des  sujets  qui  ont  suivi 
le  régime  le  plus  sévère,  qui  se  sont  astreints  religieusement  à  la  médi- 
cation la  plus  méthodique,  qui  même  ont  été  retenus  au  lit  par  quelque 
complication  étrangère.  Je  l'ai  vue  se  développer  sur  un  malade  qui, 
affecté  d'une  fièvre  typhoïde  des  plus  graves,  n'avait  pas  mis  le  pied  à 
terre  depuis  six  semaines.  Dans  les  cas  de  cette  nature,  la  complication 
se  développe  évidemment  par  le  fait  seul  de  la  blennorrhagie,  sans  l'inter- 
vention d'aucune  cause  occasionnelle. 

Ajoutons  que,  pour  cet  accident  comme  pour  tant  d'autres  maladies, 
il  existe  certaines  prédispositions  et  aussi  certaines  immunités  indivi- 
duelles qui  sont  le  fait  d'idiosyncrasies  inexplicables.  —  Tel  sujet,  par 
exemple,  ne  peut  contracter  une  blennorrhagie  sans  être  affecté  d'épididy- 
mite,  et  cela  en  dépit  des  précautions  les  plus  minutieuses.  Tel  autre  in- 
versement y  échappe  toujours,  bien  que  ne  tenant  aucun  compte  des  pres- 
criptions médicales,  transgressant  tous  les  préceptes  de  l'hygiène  et  se 
livrant  à  tous  les  excès. 

Assez  souvent,  il  est  manifeste  que  l'orchite  succède  à  certaines  causes 
occasionnelles.  Or  ces  causes,  bien  que  multiples  et  variées,  peuvent  être 
ramenées  à  deux  groupes.  Ce  sont  : 

1°  Des  excitations  de  Purèthre  :  rapports  pendant  le  cours  de  la  maladie, 
masturbation,  pollutions  involontaires;  excès  alcooliques;  cathétérisme ; 
injections  irritantes;  usage  intempestif  de  la  médication  suppressive,  dé- 
terminant souvent,  comme  nous  l'avons  vu,  une  violente  irritation  du 
canal,  etc.. 

2°  Des  fatigues  corporelles  :  marche  forcée,  équitation,  danse,  exer- 
cices violents,  travaux  musculaires  demandant  le  déploiement  dune  force 
considérable,  efforts  pour  soulever  des  fardeaux,  etc. 

Il  est  bien  d'autres  circonstances  étiologiques  auxquelles  on  a  voulu 
rapporter  le  développement  de  la  maladie  :  répercussion  produite  par  les 
balsamiques;  influence  du  froid  ;  changements  de  température  ;  prédispo- 
sitions dépendant  du  jeune  âge,  de  la  constitution  lymphatique  ou  scro- 
fuleuse,  etc.,  etc.  —  L'action  de  ces  diverses  causes  n'est  rien  moins 
que  démontrée. 

Siège.  —  On  considérait  autrefois  la  maladie  comme  un  résultat  de 


BLKNNOIinilÀGlK.  —  épimdymite,  orchite  blepworrhagique.         211 

la  distension  des  canaux  séminifères  par  le  sperme  corrompu.  De  plus, 
on  la  localisait  dans  le  parenchyme  testiculaire.  Les  progrès  de  la  science 
ont  fait  justice  de  ces  vieux  errements.  Il  est  acquis  aujourd'hui  que  la 
tumeur  vénérienne  des  bourses,  pour  parler  le  langage  des  anciens,  est 
une  inflammation  simple,  où  la  rétention  et  la  corruption  du  sperme  ne 
jouent  aucun  rôle,  et  à  laquelle  de  plus  le  testicule  reste  presque  tou- 
jours étranger. 

1°  Tout  d'abord,  il  résulte  d'un  nombre  considérable  d'observations 
que  la  maladie  a  pour  siège  Yépididyme,  sinon  dans  la  totalité,  du  moins 
dans  l'énorme  majorité  des  cas.  Les  autres  parties  qui  entrent  dans  la 
composition  des  bourses  (vaginale,  scrotum,  éléments  du  cordon)  ne  sont 
presque  jamais  affectées  que  d'une  façon  secondaire  ou  accessoire. 

Il  est  tout  à  fait  exceptionnel  que  l'inflammation  porte  sur  la  substance 
même  du  testicule.  L'orchite  vraie,  parenchymateuse,  est  excessivement 
rare.  Certes,  on  ne  l'observe  pas  plus  d'une  fois  contre  deux  cents  cas  où 
l'on  trouve  l'épididyme  affecté. 

2°  Le  plus  souvent,  l'inflammation  se  limite  à  un  seul  épididyme.  Il  est 
assez  fréquent  toutefois  que  l'un  et  l'autre  se  prennent,  mais,  règle  géné- 
rale, l'affection  n'est  jamais  bi-latérale  d'emblée.  Je  n'ai  pas  encore  vu, 
pour  ma  part,  un  seul  cas  jusqu'à  ce  jour  où  les  dtnw  épididymes  aient 
été  affectés  simultanément  et  de  pair,  de  la  même  façon  par  exemple 
qu'il  est  commun  de  constater  l'invasion  parallèle  des  deux  poumons  par 
la  pneumonie.  Presque  invariablement,  les  choses  se  passent  de  la  façon 
suivante  :  un  côté  se  prend,  puis,  à  quelques  jours  de  distance  et  souvenl 
beaucoup  plus  tard,  l'autre  est  envahi  à  son  tour.  L'épididymite,  en  un 
mot,  ne  devient  jamais  double  que  successivement. 

5°  On  a  longuement  discuté  sur  la  question  de  savoir  quel  est  relui  des 
deux  épididymes  qui  s'enflamme  de  préférence.  Ce  serait  le  gauche  pour 
les  uns,  ce  serait  le  droit  pour  les  autres,  et  cela  pour  des  raisons  théo- 
riques inutiles  à  reproduire  ici.  La  statistique  démontre  que  ces  deux  or- 
ganes sont  affectés  avec  un  degré  de  fréquence  à  peu  près  égal.  D'une 
part,  en  effet,  sur  G16  cas  empruntés  à  divers  auteurs,  on  trouve  que 
l'affection  siégeait  : 

1°  A  gauche. 282  fois 

2°  A  droite. " ;><>."">   — 

5°  Sur  les  doux  côtés 51    —      Tiollet), 

Et  d'autre  part,  j'arrive,  dans  mes  relevés,  aux  chiffres  suivants  : 

î°  Epididymites  gauches 126  cas. 

2°  Epididymites  droites. 102  — 

5°  Epididymites  doubles 55  — 

Symptômes.  —  L'épididymite  s'annonce  le  plus  habituellement  pat- 
une  douleur  vague  dans  l'une  des  bourses  (gène,  poids,  cndolorissemeut;, 
souvent  aussi  par  une  sensation  de  tiraillement  dans  le  cordon,  dans 
Faine  et  jusque  dans  la  région  lombaire  correspondante,  bien  plus  raie- 


212        BLEN^ORRHAGIE.  —  épididymite,  orghite  blekkorrhagique. 

ment  par  une  pesanteur  périnéale,  des  envies  fréquentes  d'uriner,  de  la 
dysurie,  exceptionnellement  enfin  par  des  troubles  généraux  (frisson, 
fièvre,  embarras  gastrique). 

11  est  un  symptôme  qui  prélude  assez  souvent  à  la  maladie,  symptôme 
que  Ton  a  rarement  l'occasion  d'observer  à  l'hôpital,  mais  sur  lequel  on 
est  fréquemment  consulté  par  les  malades  de  la  ville.  C'est  une  douleur  sus- 
inguinale  siégeant  un  peu  au-dessus  du  pli  de  l'aine,  au  niveau  du  trajet 
inguinal,  et  s'irradiant  parfois  vers  la  fosse  iliaque  ou  la  région  rénale 
correspondante.  Ce  signe  m'a  fait  souvent  soupçonner  le  début  d'une  épi- 
didymite, alors  que  l'examen  attentif  des  bourses  ne  pouvait  encore  légi- 
timer un  tel  diagnostic.  Il  est  bon  d'être  prévenu  que  cette  sensation,  qui 
dépasse  rarement  les  caractères  d'une  tension  pénible  ou  même  d'un 
simple  tiraillement,  peut  acquérir  parfois  une  intensité  extrême,  au  point 
de  simuler  une  affection  abdominale.  J'ai  dans  mes  notes  la  relation  d'un 
cas  où  cette  douleur  fut  assez  vive  pour  faire  croire  à  l'invasion  d'un 
phlegmon  iliaque. 

Maladie  confirmée.  —  Que  l'épididymite  ait  été  ou  non  précédée  par 
de  tels  phénomènes,  les  symptômes  se  localisent  bientôt  dans  le  scro- 
tum et  caractérisent  rapidement  la  maladie.  Des  douleurs  plus  ou  moins 
vives  se  manifestent  au  niveau  de  lune  des  bourses,  qui  devient  sensible 
au  plus  léger  contact;  ces  douleurs  augmentent  d'intensité  par  la  marche, 
par  le  moindre  mouvement,  et  sont  au  contraire  soulagées  par  le  repos. 
Bientôt  survient  une  tuméfaction  qui  s'accroît  progressivement  et  arrive 
à  doubler  ou  tripler  même  le  volume  de  la  bourse  affectée  ;  le  scrotum 
s'injecte;  le  tissu  cellulaire  s'œdématie;  quelques  troubles  généraux  se 
produisent  ;  la  maladie  est  alors  constituée. 

Tel  est  le  tableau  sommaire  de  l'épididymite.  Reprenons  en  détail  ces 
divers  phénomènes. 

Douleurs.  —  Elles  varient  de  caractère  et  d'intensité.  —  Au  début, 
comme  plus  tard  dans  les  cas  légers,  c'est  une  simple  gêne,  un  sentiment 
de  lourdeur  dans  les  bourses,  avec  tiraillements  dans  le  cordon,  reten- 
tissant parfois  jusqu'au  niveau  des  lombes.  — Le  plus  souvent,  ces  sym- 
ptômes augmentent  en  même  temps  qu'ils  se  localisent  plus  spécialement 
dans  l'organe  affecté  ;  ils  prennent  le  caractère  d'élancements  pénibles, 
de  torsion,  de  pression,  de  constriction,  et  exigent  impérieusement  le 
repos.  —  Ces  douleurs  spontanées  sont  très-vivement  augmentées  par  la 
pression  la  plus  faible,  par  le  plus  léger  attouchement,  et  c'est  souvent 
avec  terreur  que  les  malades  voient  la  main  du  médecin  s'approcher  de 
leurs  bourses.  —  Enfin,  dans  quelques  cas  heureusement  exceptionnels, 
les  douleurs  prennent  une  intensité  toute  spéciale  :  non-seulement  elles 
occupent  le  scrotum,  où  elles  sont  atroces,  mais  elles  s'irradient  vers  les 
aines  et  la  région  lombaire;  elles  ne  laissent  pas  de  trêve  aux  patients, 
qu'elles  jettent  dans  un  état  d'excitation  extrême.  Celte  forme,  que  Gos- 
selin  (Leçons  orales)  nomme  névralgique,  est  fort  rare  dans  l'épididymite; 
elle  caractérise  presque  exclusivement  l'orchite  parenchymateuse.  La  cause 
en  est  peu  connue,  à  l'exception  de  quelques  faits  où  elle  relève  évidem- 


BLENNORRHAGIE.  —  épjdidymite,  orchite  blenkorp.hacique.        215 

ment  d'une  distension  excessive  de  la  vaginale  par  Pépanchement  inflam- 
matoire. 

La  marche  des  douleurs  est  subordonnée  à  celle  du  gonflement  épidi- 
dymaire.  Le  plus  souvent,  elles  persistent  ou  augmentent  jusque  vers  le 
troisième,  le  quatrième  ou  le  cinquième  jour  de  la  maladie;  puis,  la 
période  d'état  s'établissant,  elles  s'apaisent  avant  même  que  la  tuméfac- 
tion ait  commencé  à  décroître;  à  partir  du  douzième  ou  du  quinzième 
jour,  elles  ne  sont  plus  guère  réveillées  que  par  la  pression;  finalement 
elles  disparaissent,  bien  que  l'épididyme  reste  encore  volumineux  et  en- 
gorgé. 

Gonflement  des  parties.  —  Phénomène  constant,  mais  très-variable  de 
degré  suivant  l'intensité  et  surtout  suivant  les  localisations  de  la  maladie. 
—  L'ensemble  des  parties  forme  une  tumeur  plus  ou  moins  considérable 
qui  atteint  le  double  ou  le  triple  du  volume  normal.  Si,  par  le  palper,  on 
essaye  de  distinguer  les  éléments  constitutifs  de  cette  tumeur,  on  constate 
des  variétés  telles  «  qu'il  est  rare  de  rencontrer  deux  orchites  se  ressem- 
blant exactement  »  (Cullericr).  Tantôt,  en  effet,  le  gonflement  est  consi- 
dérable par  suite  d'un  épanchement  abondant  de  liquide  dans  la  vaginale; 
la  tumeur  est  alors  ovoïde,  tendue  et  fluctuante,  parfois  même  assez  ten- 
due pour  ne  plus  être  fluctuante;  il  est  impossible,  dans  ce  cas,  de  dis- 
tinguer le  testicule  de  l'épididyme.  —  Tantôt,  au  contraire,  lorsque  la 
vaginale  n'est  que  peu  ou  pas  distendue,  les  divers  organes  qui  entrent 
dans  la  composition  dos  bourses  peuvent  être  explorés  séparément,  de 
façon  à  reconnaître  la  part  de  chacun  d'eux  dans  la  tuméfaction  générale. 
La  localisation  morbide  devenant  alors  apparente,  il  est  facile  de  consta- 
ter des  variétés  nombreuses.  Ici,  l'épididyme  seul  est  affecté,  et  l'obser- 
vateur apprécie  aisément  l'intégrité  absolue  du  testicule,  du  cordon  et 
des  tuniques  externes;  là,  l'épididyme  et  le  cordon,  simultanément  en- 
flammés, forment  une  tumeur  caractéristique;  ailleurs,  l'épididyme,  le 
cordon  et  la  vaginale  sont  affectés  à  la  fois;  ailleurs  encore,  les  tuniques 
externes  participent  à  la  phlcgmasie  sous-jacente;  la  peau  c»t  rouge,  le 
scrotum  infiltré,  œdémateux,  etc.  De  là  autant  d'états  pathologiques  dis- 
tincts anatomiquement,  bien  qu'identiques  d'origine  et  de  nature.  Quel- 
ques mots  sur  chacun  d'eux. 

1°  Le  type  le  plus  constant,  celui  qui  constitue  le  fond  commun  de  la 
maladie,  c'est  ïepidiihjmite.  Dans  cette  forme,  le  gonflement  commence 
le  plus  souvent  par  la  queue  de  l'épididyme,  pour  gagner  de  là  le  reste 
de  l'organe.  On  constate  par  le  palper  les  détails  suivants  :  en  avant,  le 
testicule  conservant  son  volume,  sa  souplesse,  sa  sensibilité  spéciale  ;  en 
arrière,  l'épididyme  tuméfié,  formant  une  masse  bosselée,  dure,  très-sen- 
sible à  la  pression,  coiffant  le  testicule  et  l'enclavant  dans  une  sorte  de 
cupule  à  concavité  antérieure. 

Cette  disposition  est  la  plus  habituelle.  Signalons,  à  titre  de  variétés, 
les  inflammations  partielles  qui,  chose  curieuse,  se  limitent  presque  exclu- 
sivement à  la  queue  de  l'épididyme ,  surtout  dans  le  cas  d'inflammation 
légère.  Ailleurs  encore,  la  tète  de  l'organe  participe  à  la  tuméfaction  de 


21  \         BLENNOPiRIlAGIE.  —  épimdymite,  orchite  blennorrhagique. 

la  queue,  tandis  que  le  corps  est  soit  indemne,  soit  tuméfié  à  un  degré 
moindre. 

L'épididyme  n'affecte  pas  toujours  avec  le  testicule  ses  rapports  nor- 
maux. Il  est  susceptible  d'anomalies  de  situation  assez  variées  (inversions 
antérieure,  supérieure,  latérale,  etc.)  qui,  depuis  longtemps  signalées 
par  Ricord,  ont  été  fort  bien  étudiées  par  Royet  dans  un  intéressant  tra- 
vail. Lorsque  la  phlegrnasie  occupe  un  épididyme  qui  présente  une  de  ces 
modifications  anatomiques,  la  tumeur  affecte  nécessairement  des  modifi- 
cations subordonnées  à  ces  changements  de  rapports. 

2°  Très-fréquemment,  le  canal  déférent  prend  part  au  travail  inflam- 
matoire [orchite  déférentielle  de  quelques  auteurs,  ou  mieux  dé  fer  entité). 
D'ordinaire,  il  se  prend  un  peu  avant  l'épididyme,  ou  simultanément; 
d'autres  fois  les  symptômes  morbides  se  propagent  par  une  sorte  de  ré- 
gression de  l'épididyme  au  canal  déférent.  —  Quelle  que  soit  la  marche 
des  phénomènes,  on  perçoit  par  le  toucher  une  corde  rigide,  très-dure, 
douloureuse,  offrant  le  volume  d'un  tuyau  de  plume  ou  même  du  petil 
doigt,  se  continuant  en  bas  avec  le  testicule,  se  prolongeant  en  haut  jusque 
dans  l'aine  et  pouvant  parfois  être  suivie  jusqu'à  l'orifice  profond  du  trajel 
inguinal.  Cette  corde,  ordinairement  cylindrique  et  régulière,  très-rare- 
ment bosselée  et  moniliforme,  est  constituée  par  le  canal  déférent  autour 
duquel  on  retrouve  les  éléments  du  cordon  libres  de  toute  adhérence.  — 
Quelquefois  cependant  le  tissu  cellulaire  et  même  les  vaisseaux  qui  en- 
trent dans  la  constitution  du  cordon  spermatique  subissent  l'influence  de 
l'inflammation  déférentielle  (orchite  funiculaire,  ou  mieux  funicidite).  On 
observe  alors  :  une  tuméfaction  considérable  du  cordon,  avec  rétraction 
du  testicule  vers  l'anneau  inguinal  ;  des  douleurs  parfois  très-vives,  de 
véritables  «  coliques  funiculaires  »  ;  quelquefois  même,  paraît-il,  des  vo- 
missements, de  l'anxiété,  des  troubles  généraux;  tous  phénomènes  qui, 
rapportés  par  certains  auteurs  à  un  étranglement  du  cordon  par  les  an- 
neaux aponévrotiques,  ont  été  comparés,  non  sans  quelque  exagération, 
à  ceux  de  l'étranglement  herniaire. 

Les  inflammations  blennorrhagiques  du  canal  déférent  et  du  cordon 
coïncident  toujours  avec  l'épididymite.  On  a  cité  toutefois  quelques  cas 
exceptionnels  dans  lesquels  la  phlegrnasie  aurait  atteint  ces  parties  isolé- 
ment. Je  n'en  ai  observé  que  deux  exemples  jusqu'à  ce  jour. 

Signalons  encore,  comme  conséquence  possible  de  cette  dernière  loca- 
lisation, Y  inflammation  du  péritoine  que  limiter  paraît  avoir  le  premier 
signalée,  consécutivement  à  l'inflammation  du  canal  déférent.  Ricord  dit 
avoir  observé  plusieurs  fois  cette  complication,  qui  peut  même  être  assez 
intense  pour  entraîner  une  terminaison  fatale. 

Enfin,  en  certains  cas  tout  à  fait  exceptionnels,  les  vésicules  séminales 
peuvent  s'enflammer.  —  Dans  un  fait  de  ce  genre,  cité  par  Yelpeau,  la 
phlegrnasie  s'étendit  des  vésicules  au  péritoine  et  fut  suivie  de  mort. 

3°  Dans  l'énorme  majorité  des  cas,  sinon  toujours,  la  tunique  vaginale 
participe  à  l'inflammation  de  l'épididyme.  De  là,  une  hydro-phlegmasie 
plus  ou  moins  accentuée.  Rochoux  avait  singulièrement  exagéré  l'impor- 


BLENNORRIIAGIE.  —  épidipymite,  orciiite  blennorrhagique.         215 

tance  de  cet  épiphénomène ,  qu'il  prétendait  constituer  la  maladie  tout 
entière  (vaghialite).  Les  travaux  dcRicord,  deVelpeau  et  de  tant  d'autres, 
ont  réagi  contre  cette  manière  de  voir.  Il  est  bien  acquis  à  la  science 
aujourd'hui  que  cette  hydro-phlegmasie  vaginale,  loin  de  tenir  la  maladie 
sous  sa  dépendance,  n'en  constitue  qu'un  phénomène  secondaire  et  acces- 
soire; qu'elle  est  consécutive  h  l'inflammation  de  l'épididyme,  à  la  façon 
de  ces  épanchements  pleuraux  qui  accompagnent  certaines  pneumonies; 
que,  de  plus,  elle  fait  souvent  défaut  ;  qu'enfin,  elle  est  très-variable 
d'intensité  et  de  caractère.  Ainsi,  en  certains  cas,  elle  détermine  un 
épanchement  assez  considérable  pour  constituer  les  trois  quarts  environ 
de  la  tumeur  totale;  ailleurs,  au  contraire,  elle  est  moyenne,  légère,  ou 
presque  nulle.  Elle  n'est  même  pas  toujours  en  rapport  avec  le  degré  de 
fluxion  de  l'épididyme,  bien  que  ce  soit  le  cas  habituel  ;  parfois  des  liydro- 
cèles  aiguës,  très-volumineuses,  coïncident  avec  une  tuméfaction  relati- 
vement légère  de  ce  dernier  organe,  et  inversement. 

C'est  à  l'épanchement  vaginal  qu'il  faut  attribuer  les  variétés  nom- 
breuses que  l'on  observe  dans  le  volume  et  la  consistance  de  la  tumeur 
scrotale.  Pour  ne  parler  que  des  cas  extrêmes,  tantôt  on  rencontre 
d'énormes  tumeurs,  présentant  une  fluctuation  assez  franche,  et  compa- 
rables, jusqu'à  un  certain  point,  à  une  simple  hydrocèle.  Il  est  alors 
impossible  de  constater  l'état  des  organes  sous-jacents.  Tantôt,  au  con- 
traire, le  volume  des  parties  est  bien  moindre,  et  par  le  palper  Av*  bourses 
les  doigts  arrivent  soit  immédiatement,  soit  après  avoir  déprimé  une 
couche  légère  de  liquide,  sur  un  plan  résistant  constitué  par  le  testicule 
sain  et  l'épididyme  enflammé. 

Lorsque  la  vaginale  est  distendue  d'une  façon  à  la  fois  rapide  et  exces- 
sive, il  n'est  pas  rare  de  voir  éclater  des  douleurs  aiguës,  parfois  très- 
violentes  ,  atroces,  s' accompagnant  alors  d'un  état  d'angoisse  des  plus 
pénibles,  de  vomissements,  et  moine  de  syncopes.  Cet  état  grave  en  ap- 
parence s'amende  comme  par  enchantement  sous  l'influence  d'une  simple 
ponction  qui,  donnant  issue  au  liquide,  atténue  sur-le-champ  les  phéno- 
mènes de  compression. 

4°  Quelquefois,  le  testicule  est  légèrement  augmenté  de  volume  par  le 
fait  d'une  stase  sanguine  et  d'un  certain  degré  d'hyperémie.  Cela  est  rare. 
Le  plus  souvent,  cette  tuméfaction  n'est  qu'apparente  et  doit  être  rap- 
portée soit  à  l'épanchement  vaginal,  soit  à  l'engorgement  des  tuniques 
extérieures. 

5°  Enfin,  les  enveloppes  scrotales  peuvent  aussi  s'enflammer.  Légère 
en  général,  cette  phlegmasie  acquiert  parfois  un  assez  haut  degré  d'in- 
tensité. Le  scrotum  est  alors  tendu,  luisant,  rosé  ou  même  rouge,  de  teinte 
erysipélateuse  ;  ses  rides  normales  sont  effacées  ;  de  plus,  il  est  épaissi, 
œdémateux,  empâté,  douloureux  au  toucher,  etc.  Il  devient  difficile  dans 
ce  cas,  sinon  impossible,  de  faire  rouler  la  glande  séminale  dans  la 
bourse,  parce  que  le  tissu  cellulaire  infiltré  a  perdu  sa  laxité  normale.  — 
Ces  symptômes  sont  surtout  prononcés  en  arrière,  aux  points  correspon- 
dant à  l'épididyme. 


1\  G        BLENN0RR1IÀGIE.  —  émdidymite,  orchite  blennorrhagique. 

Symptômes  généraux.  —  Il  est  rare  que  l'épididymite  ne  détermine  pas 
quelques  (roubles  généraux,  si  ce  n'est  dans  les  cas  les  plus  bénins.  Le 
plus  habituellement,  il  se  produit  au  début  un  certain  degré  de  fièvre. 
Cette  fièvre  persiste  et  s'accroît  assez  souvent  jusqu'au  troisième,  qua- 
trième ou  cinquième  jour,  s'aceompagnant  de  malaise,  d'agitation,  d'in- 
somnie et  d'un  léger  embarras  des  premières  voies.  Ces  phénomènes  ne 
persistent  guère  au  delà  de  quelques  jouis;  ils  s'apaisent  et  disparaissent 
avant  même  que  les  symptômes  locaux  aient  commencé  à  décroître. 

Marche.  —  Elle  est  essentiellement  aiguë.  Dès  le  cinquième  ou  le 
sixième  jour,  les  symptômes  ont  acquis  leur  summum  d'intensité.  Ils 
restent  stationnaires  un  certain  temps,  puis  commencent  à  décroître. 
Les  douleurs  s'apaisent  tout  d'abord,  puis  la  tuméfaction  diminue;  les 
tuniques  scrotales  se  dégorgent  les  premières;  l'épancliemcnt  de  la  vaginale 
se  résorbe,  et  la  résolution  s'achève  ainsi  progressivement  dans  une  durée 
moyenne  de  douze  à  seize  ou  vingt  jours.  Il  devient  possible  alors  d'ap- 
précier exactement  l'état  de  l'épididyme,  que  l'on  trouve  très-générale- 
ment, à  cette  époque,  encore  volumineux  et  très-dur,  formant  une  sorte 
de  tumeur  en  demi-lune  qui  enchâsse  le  testicule. 

Ii  n'est  pas  rare  d'observer  des  rechutes  soit  spontanées,  soit  surtout 
provoquées  par  l'imprudence  des  malades  qui  quittent  le  lit  prématuré- 
ment,  qui  marchent,  se  fatiguent,  etc.,  et  réveillent  ainsi  le  travail 
phlegmasique  un  moment  assoupi. 

Ou  bien  encore,  c'est  l'épididyme  resté  sain  qui  se  prend  à  son  tour. 
Il  arrive  parfois,  dans  ce  cas,  que  le  premier  affecté  entre  rapidement  en 
résolution,  comme  si  la  phlegmasie  de  son  congénère  lui  servait  de  révul- 
sion. —  En  quelques  cas  bien  plus  rares,  on  voit  même  le  premier  épi- 
didyme  s'enflammer  de  nouveau  à  la  suite  du  second.  C'est  là  ce  que 
Ricord  appelle  V épididymite  à  bascule. 

Terminaisons.  —  La  terminaison  très-habituelle,  presque  constante  de 
l'épipidymite,  c'est  la  résolution  progressive  et  complète.  Cette  résolution 
se  fait  d'abord  dans  le  corps  de  l'épididyme,  puis  dans  la  tête,  et  en 
dernier  lieu  dans  la  queue  de  l'organe.  Elle  est  très-rapide  dans  les  pre- 
miers temps,  c'est-à-dire  qu'en  une  quinzaine  de  jours  l'engorgement  des 
parties  diminue  d'un  tiers  ou  de  moitié;  puis  elle  se  ralentit  et  semble 
rester  stationnaire.  Si  parfois  elle  peut  être  complète  dans  l'espace  de 
quelques  semaines,  il  faut  en  général  un  temps  beaucoup  plus  long  (4,  6, 
8  mois,  un  an  et  au  delà),  pour  que  l'organe  revienne  à  son  état  nor- 
mal. Souvent  même  on  voit  persister  pendant  de  longues  années  (5,  10, 
20  ans),  et  probablement  d'une  façon  indéfinie,  des  engorgements  plus  ou 
moins  volumineux,  occupant  habituellement  la  queue  de  l'épididyme,  et 
dont  nous  parlerons  en  détail  au  chapitre  de  l'anatomie  pathologique. 

Très-exceptionnelle  est  la  terminaison  par  suppuration.  L'abcès  qui  se 
forme  est  en  général  circonscrit  et  se  cicatrise  facilement  après  l'évacua- 
tion du  pus,  sans  produire  de  désorganisations  profondes.  —  Je  ne  doute 
pas,  pour  ma  part,  que  plusieurs  des  cas  que  l'on  trouve  relatés  dans  la 
science  comme  exemples  d'épididymites  blennorrhagiques  terminées  par 


BLENN0RR1IAGIE.  —  épididïmite,  okchite  blenkorrhagjqu^         217 

abcès  et  fistules  consécutives,  ne  soient  relatifs  à  des  tuberculisations  de 
l'épididyme  compliquées  incidemment  de  phlegmasies  aiguës  de  l'organe. 

Bien  plus  exceptionnelle  encore  est  Y  atrophie  consécutive  des  testicules, 
dont  on  pourrait  à  peine  citer  quelques  cas  (limiter,  Velpeau,  Curling, 
Cullerier),  et  qui,  d'après  Ricord,  ne  se  produirait  que  dans  les  cas  où 
la  substance  même  du  testicule  a  été  affectée  par  l'inflammation. 

Signalons  enfin,  comme  très-problématiques  (pour  ne  rien  dire  de 
plus)  les  prétendues  terminaisons  par  gangrène,  par  dégénérescence  tu- 
berculeuse ou  cancéreuse,  etc.. 

Anatomie  pathologique.  —  Ce  n'est  guère  qu'aux  travaux  publiés  dans 
ces  trente  dernières  années  qu'on  peut  avoir  recours  pour  trouver  des  no- 
tions anatomo-patbologiques  un  peu  précises  sur  la  complication  qui  nous 
occupe.  Les  lésions  qu'elle  détermine  affectent  des  localisations  variables 
que  nous  allons  étudier  successivement. 

1.  Êpididyme.  —  C'est  dans  cette  portion  de  la  glande  que  les  lésions 
sont  le  mieux  connues  et  le  plus  constantes.  Elles  consistent  en  ceci  : 
augmentation  de  volume  de  l'organe;  rougeur,  injection  des  capillaires; 
dépôts  plastiques  soit  dans  la  cavité  des  canalicules,  soit  dans  le  tissu  cel- 
lulaire qui  les  entoure;  adhérences  anomales  des  circonvolutions  épididy- 
maires.  Ces  lésions  sont  généralement  plus  marquées  au  niveau  de  la 
queue  de  l'épididyme.  Là,  les  produits  plastiques  sont  très-adhérents  aux 
canalicules,  et  même,  lorsque  la  maladie  a  duré  un  certain  temps,  ils  ne 
forment  plus  qu'une  masse  jaunâtre,  homogène,  dans  laquelle  il  est  im- 
possible de  disséquer  et  de  séparer  les  circonvolutions  de  l'organe.  (Marcé.) 

Les  lésions  sont  quelquefois  limitées  à  la  tunique  ccllulo-fibreuse  de 
l'épididyme  et  au  tissu  cellulaire  ambiant  (Hardy);  mais,  le  plus  souvent, 
on  retrouve  dans  la  cavité  des  canalicules  des  produits  inflammatoires  : 
leucocytes,  globules  granuleux  d'inflammation,  granulations  graisseuses, 
et  même  globules  de  pus.  (Marcé,  Robin  et  Gosselin.) 

Longtemps  après  la  résolution  des  phénomènes  inflammatoires  et  la 
guérison  apparente  de  la  maladie,  l'épididyme  présente  des  indurations 
persistantes,  constituées  par  des  dépôts  plastiques  non  encore  résorbés. 
Ces  indurations  diminuent  avec  le  temps  et  finissent  par  s'effacer  ;  c'est  là 
le  fait  le  plus  habituel;  mais,  en  certains  cas,  elles  peuvent  durer  plu- 
sieurs années,  deux,  trois,  cinq,  dix,  vingt  années  même,  c'est-à-dire  in- 
définiment. Elles  occupent  spécialement  la  queue  de  l'épididyme,  sous 
forme  d'une  sorte  de  noyau  ou  de  durillon.  Elles  ne  sont  nullement  gê- 
nantes, elles  ne  donnent  lieu  à  aucune  douleur,  à  aucun  trouble  fonc- 
tionnel apparent.  Elles  seraient  insignifiantes  si  elles  ne  pouvaient  avoir 
pour  conséquence  Y  oblitération  des  voies  spermatiques,  oblitération  tem- 
poraire dans  l'énorme  majorité  des  cas,  mais  pouvant  aussi  devenir  per- 
sistante et  définitive. 

Lorsque  les  deux  épididymes  sont  affectés,  il  en  résulte  une  oblitération 
absolue  des  voies  spermatiques ,  et  par  suite  Y  infécondité.  Le  liquide 
épanché  ne  contient  plus  de  spermatozoïdes  ;  le  malade  est  devenu  stérile. 

Cette  oblitération  a  une  durée  variable.  Gosselin  a  démontré  qu'elle 


218  BLENNORRHÀGïE.    —    ÉPIDIDYMITE,    ORCHITE    BLENNORRHAGIQUE. 

peut  disparaître  au  bout  de  trois,  quatre,  cinq,  huit  mois  ;  il  suppose  aussi, 
sans  avoir  de  faits  démonstratifs,  que  la  circulation  du  sperme  peut  se  ré- 
tablir après  un  temps  plus  long.  Mais  ce  que  les  recherches  du  même 
observateur  n'ont  pas  moins  bien  déterminé,  c'est  qu'en  certains  cas,  à  la 
suite  de  l'épididymitcbi-latérale,  le  sperme  peut  être  privé  d'animalcules 
pendant  plusieurs  années,  voire  même  probablement  d'une  façon  indé- 
finie. C'est  là  une  conséquence  des  plus  sérieuses,  sur  laquelle  l'attention 
doit  être  appelée. 

II.  Testicule.  —  Dans  la  forme  la  plus  fréquente  de  la  maladie,  c'est- 
à-dire  dans  l'épididymite,  les  lésions  testiculaires  sont  excessivement 
rares.  On  a  quelquefois  noté  de  la  tuméfaction  de  la  substance  séminifère 
et  de  la  rougeur  avec  injection  fine  (R.  Blache)  ;  mais  il  faut  avouer  que 
ces  altérations  sont  de  peu  d'importance,  et  donnent  amplement  raison 
à  ceux  qui  localisent  la  maladie  dans  l'épididyme. 

III.  Tunique  vaginale.  —  Presque  toujours  on  y  observe  des  traces 
d'un  travail  phlegmasique.  L'inflammation  est  quelquefois  bornée  à  de  la 
rougeur,  avec  injection  fine  du  tissu  sous-séreux;  bien  plus  souvent  elle 
détermine  un  épanchement  séro-albumineux  de  quantité  variable,  et  des 
dépôts  fibrineux  qui  peuvent  donner  lieu  à  des  adhérences  entre  les  feuil- 
lets adossés  de  la  séreuse. 

La  résorption  incomplète  de  l'épanchement  vaginal  pourrait,  de  l'avis 
d'un  grand  nombre  de  chirurgiens,  devenir  l'origine  d'hydrocèles  con- 
sécutives. 

Enlin,  très-exceptionnellement,  la  phlegmasie  de  la  séreuse  aboutit  à 
suppuration.  (Ricord.) 

IV.  Scrotum.  —  Les  diverses  tuniques  qui  enveloppent  le  testicule 
sont  d'ordinaire  le  siège  d'une  hyperémie  plus  ou  moins  vive,  à  laquelle 
succède  une  infiltration  séreuse  dans  les  mailles  du  tissu  cellulaire.  Très- 
rarement  la  phlegmasie  dépasse  les  limites  de  l'hyperémie  sécrétoire, 
pour  déterminer  la  formation  de  petits  foyers  superficiels. 

V.  Canal  déférent.  —  Ses  lésions  ne  sont  pas  constantes.  Toutefois 
il  n'est  pas  rare  d'observer  des  signes  manifestes  de  déférentite,  spécia- 
lement dans  la  portion  du  canal  qui  avoisine  l'épididyme  :  muqueuse 
rougeâtre,  tuniques  externes  tuméfiées  et  infiltrées  de  liquide,  exsudats 
inflammatoires  à  l'intérieur  du  conduit. 

Deville  dit  avoir  observé  une  véritable  suppuration  du  canal  déférent. 
Le  même  auteur  a  vu  les  veines  du  plexus  spermatique  devenues  le  siège 
d'une  phlébite  purulente. 

VI.  Vésicules  séminales.  —  Elles  sont  en  général  intactes.  Dans 
quelques  autopsies  seulement,  on  les  a  trouvées  malades  et  présentant 
les  lésions  suivantes  :  tuméfaction  générale,  avec  dureté  ;  injection  de  la 
surface  muqueuse;  altération  du  liquide  séminal,  lequel  même  parfois 
était  remplacé  par  du  muco-pus  jaunâtre,  où  le  microscope  faisait  faci- 
lement reconnaître  des  globules  purulents. 

Godard  a  observé  deux  fois  une  véritable  atrophie  de  ces  organes. 
Souvent  les  vésicules  sont  saines,  et  néanmoins  le  liquide  qu'elles  con- 


RLENNORRïIAGIE.    —   ÉPIDIDYMITE,    ORCHITE    BLENNORRHAGJQUE.  219 

tiennent  est  privé  de  spermatozoïdes.  Ce  fait  est  la  conséquence  d'une  ob- 
struction spermatique,  laquelle,  comme  nous  l'avons  vu  précédemment, 
a  le  plus  habituellement  son  siège  dans  la  queue  de  l'épididyme. 

Pathogénie.  —  Comment  l'inflammation  blennorrhagique  de  l'urèthre  se 
communique-t-elle  à  l'épididyme  ou  au  testicule?  Quelle  est  la  pathogénie 
des  complications  que  nous  venons  de  décrire?  Cette  propagation  morbide 
résulte-t-elle  d'une  métastase,  d'une  sympathie,  d'une  extension  de  la 
phlegmasie  par  continuité  de  tissus,  ou  de  toute  autre  cause?  Questions 
longtemps  agitées,  longuement  débattues  dans  tous  les  livres,  et  tout  aussi 
insolubles  aujourd'hui  qu'elles  l'étaient  autrefois. 

Il  serait  sans  profit  de  reproduire  ici  les  interminables  discussions  aux- 
quelles a  donné  lieu  ce  point  de  doctrine.  Bornons-nous  à  dire  : 

1°  Que  la  théorie  de  la  métastase  n'est  plus  soutenable  aujourd'hui.  Si 
l'écoulement  diminue  assez  souvent  d'une  façon  notable  ou  môme  se  sup- 
prime (ce  qui  est  toutà  fait  exceptionnel)  au  débutde  la  complication  testicu- 
laire,  il  est  tout  aussi  habituel  qu'il  ne  se  modifie  pas  d'une  façon  sensible. 
Et  d'ailleurs  ne  voit-on  pas  chaque  jour  des  écoulements  supprimés,  soit 
à  propos,  soit  de  la  façon  la  plus  intempestive,  sans  que  par  ce  fait  l'épi- 
didyme ou  le  testicule  s'enflamme?  Il  suffit  souvent  de  l'introduction 
d'une  bougie  dans  un  canal  sain  pour  déterminer  une  épididymite ;  quel 
rôle  la  métastase  pourrait-elle  jouer  dans  ce  cas,  puisqu'il  n'y  a  pas 
d'écoulement? 

2°  La  doctrine  de  la  sympathie,  de  la  synergie  organique,  bien  que 
traduisant  peut-être  un  fait  vrai,  n'est  qu'une  hypothèse  non  susceptible 
de  démonstration. 

,  3°  La  doctrine  de  la  propagation  par  continuité  de  tissus  a  pour  elle 
deux  arguments  de  haute  valeur  :  1°  l'époque  où  les  complications  testi- 
culaires  se  produisent  de  préférence,  époque  qui  est  précisément  cello  où 
l'inflammation  a  atteint  les  parties  profondes  de  l'urèthre  et  s'y  cantonne 
d'une  façon  chronique  ;  —  2°  la  considération  de  certains  cas  dans  les- 
quels on  a  positivement  vu  la  maladie  affecter  tout  d'abord  le  canal  dé- 
férent, puis  descendre  de  proche  en  proche  dans  la  bourse  et  envahir 
finalement  l'épididyme . 

En  revanche,  une  objection  capitale  peut  et  doit  être  opposée  à  cette 
doctrine,  c'est  l'intégrité  absolue  du  "canal  déférent  dans  un  très-grand 
nombre  de  cas.  Si  ce  canal  est  trouvé  sain,  c'est  qu'évidemment  il  n'a  pas 
servi  d'intermédiaire  entre  la  phlegmasie  de  l'urèthre  et  celle  de  l'épi- 
didyme. Répondre  à  celte  objection  que  la  muqueuse  de  ce  conduit  peut 
bien  s'être  enflammée  sans  laisser  de  traces,  que  son  inflammation  peut 
avoir  été  assez  légère  pour  ne  pas  donner  lieu  à  des  signes  manifestes, 
c'est,  à  mon  sens,  invoquer  un  argument  d'une  valeur  douteuse,  c'est 
tout  au  moins  émettre  une  hypothèse  que  rien  ne  légitime. 

Que  l'épididyme  puisse  s'enflammer  par  le  fait  d'une  propagation  delà 
phlegmasie  de  proche  en  proche  (Épididymite  de  propagation  ou  de  con- 
tinuité), cela  parait  démontré.  Mais  que  ce  mode  de  pathogénie  préside 
dans  tous  les  cas  au  développement  de  la  maladie,  c'est  là  ce  qu'on  est 


220        BLENXOttHUAGIE.  —  épididymite,  orciiite  bleisnorrhagique. 

en  droit  de  contester,  et  ce  qui  reste  au  moins  douteux  dans  l'étal  actuel 
de  nos  connaissances. 

Je  me  suis  souvent  demandé  si,  dans  les  cas  où  l'épididymite  ne  sau- 
rait être  expliquée  ni  par  une  phlegmasie  de  continuité,  ni  par  aucune 
cause  locale,  elle  ne  pourrait  être  assimilée  à  certaines  déterminations 
blennorrhagiqucs  que  nous  étudierons  bientôt,  et  dont  le  propre  est 
d'affecter  des  organes  qu'aucun  rapport  anatomique,  qu'aucune  dépen- 
dance fonctionnelle  ne  relie  à  l'urèthre.  Ne  pourrait-elle  être  considérée 
comme  l'analogue  de  ces  accidents  qui  se  produisent  à  distance,  sur  des 
points  éloignés  du  canal,  et  qui  de  toute  évidence  ne  reconnaissent  pas 
l'irradiation  inflammatoire  pour  origine  (arthropalhies,  fluxions  des  gaines 
tendineuses,  des  bourses  muqueuses,  etc.)  ?  Ce  n'est  là,  sans  doute,  qu'une 
vue  toute  théorique,  qu'une  hypothèse  qui  échappe  à  la  démonstration, 
mais  qui  du  moins  a  pour  elle  le  bénéfice  de  l'analogie. 

Diagnostic.  —  Nous  avons  peu  de  chose  à  dire  sur  le  diagnostic  de 
l'épididymite  blennorrhagique.  Les  conditions  dans  lesquelles  elle  se 
produit,  les  caractères  du  gonflement  qui  porte  surtout  sur  l'épididyme, 
l'induration  caractéristique  de  la  queue  de  l'organe,  etc.,  la  différencient 
suffisamment  soit  des  autres  variétés  d'orchite,  soit  de  l'érysipèle  ou  du 
phlegmon  des  bourses,  soit  des  tumeurs  variées  dont  le  testicule  peut  être 
le  siège. 

Une  seule  particularité  intéressante  mérite  d'être  signalée,  comme 
pouvant  donner  lieu  à  de  singulières  méprises  :  c'est  le  développement 
de  l'épididymite  dans  les  cas  d'ectopie  du  testicule,  (épididymite  inlra- 
inguinale,  intra-abdominale,  périnéale,  intra-crurale) .  On  conçoit  que 
dans  ces  conditions  l'existence  (rime  tumeur  inflammatoire  siégeant  à 
l'aine,  dans  l'abdomen  ou  au  périnée,  peut  en  imposer  au  premier  abord 
pour  une  adénite,  un  phlegmon,  un  étranglement  herniaire,  une  péri- 
tonite locale,  etc.  Il  suffit  de  connaître  la  possibilité  de  cette  anomalie  et 
d'explorer  le  scrotum  pour  être  mis  sur  la  voie  du  diagnostic. 

Il  en  est  de  même  pour  les  inversions  du  testicule  que  nous  avons 
précédemment  mentionnées  et  qui  modifient  la  situation  de  la  tumeur 
inflammatoire. 

Pronostic.  —  Le  pronostic  est  sans  aucune  gravité  dans  l'énorme  ma- 
jorité des  cas.  La  guérison,  la  guérison  complète  est  la  règle.  La  ter- 
minaison par  abcès  et  l'extension  de  la  phlegmasie  au  péritoine  sont  des 
faits  aussi  rares,  aussi  exceptionnels  que  possible. 

La  maladie  n'est  susceptible  de  conséquences  sérieuses  pour  l'avenir 
que  dans  le  cas  d'épididymite  bilatérale,  avec  noyaux  d'engorgement 
chronique  et  obstruction  des  canalicules  séminifères.  Or,  d'une  part, 
l'inflammation  ne  se  porte  le  plus  souvent  que  sur  un  seul  épididyme  ; 
et  d'autre  part  ces  engorgements  ne  survivent  guère  que  pour  un  certain 
temps  à  l'état  aigu;  ils  s'effacent  à  la  longue  presque  constamment.  La 
stérilité  n'est  donc  presque  jamais  que  temporaire  ;  il  est  exceptionnel 
qu'elle  devienne  définitive. 

Traitement.  —  Au  dire  de  certains  médecins,  du  docteur  Puche  no- 


BLENNORRÏIÀGIE.  —  épididymite,  orchite  blennorrhagique.         221 

tammcnt,  l'expectation  aidée  de  quelques  soins  d'hygiène  donnerait  des 
résultats  tout  aussi  sûrs  et  tout  aussi  rapides  que  les  médications  diverses 
dont  on  a  surchargé  le  traitement  de  cette  maladie. 

Dans  l'immense  majorité  des  cas,  il  suffit  d'opposer  à  la  maladie  la 
très-simple  médication  suivante  :  repos  au  lit,  avec  la  précaution  de 
maintenir  les  bourses  immobilisées  et  relevées  le  plus  haut  possible  sur 
l'abdomen;  application  continue  de  cataplasmes émollients,  arrosés  au  be- 
soin de  laudanum  ;  bains  répétés  ;  tisanes  délayantes  ;  lavements  ou  laxatifs 
légers  pour  entretenir  la  liberté  du  ventre  ;  régime  léger,  surtout  pendant 
les  premiers  jours.  —  Plus  tard,  quand  la  résolution  est  acquise,  com- 
presses d'eau  blanche  sur  les  bourses.  —  Lorsque  le  malade  commence  à 
se  lever,  recommander  l'usage  d'un  suspensoir  garni  d'ouate.  J\e  per- 
mettre la  marche  qu'à  l'époque  où  la  tumeur  épididymaire  est  devenue 
presque  indolente  à  la  pression. 

Quelques  symptômes  toutefois,  par  leur  exagération  ou  leur  prédomi- 
nance, donnent  souvent  lieu  a  des  indications  spéciales.  Ainsi  l'intensité 
des  phénomènes  inflammatoires,  notamment  de  la  douleur,  exige  en 
certains  cas  l'emploi  d'une  médication  antiphlogistique  plus  active.  On 
a  recours  alors  avec  grand  avantage  au  traitement  suivant  :  émission 
sanguine  locale  que  l'on  répète  au  besoin  (15  à  20  sangsues  sur  le  trajet 
inguinal,  au  niveau  du  cordon);  bains  quotidiens,  prolongés  d'une  à 
deux  heures,  onctions  bclladonées;  quarts  de  lavements  laudanisés,  etc. 
—  Cette  médication  produit  en  général  une  sédation  rapide,  parfois 
même  immédiate. 

D'autres  fois,  c'est  la  distension  excessive  de  la  tunique  vaginale  qui 
développe  des  phénomènes  douloureux  d'une  haute  intensité.  Une  simple 
ponction  évacuatrice,  pratiquée  avec  la  lancette,  suffit  presque  toujours 
à  produire  une  rémission  instantanée  des  douleurs  et  une  détente  no- 
table des  symptômes  inflammatoires.  Quelques  médecins  conseillent 
même  cette  petite  opération  dans  les  cas  où  l'épanchement  n'est  pas 
excessif;  d'après  leur  dire,  l'évacuation  de  la  vaginale  s'accompagnerait 
très-généralement  d'une  sédation  marquée  de  la  douleur,  et  abrégerait 
la  durée  totale  de  la  maladie. 

Lorsque  les  phénomènes  aigus  sont  dissipés  et  que  l'engorgement 
épididymaire  persiste  seul,  on  a  coutume  de  prescrire,  à  titre  de  résolu- 
tifs, soit  des  pommades  dites  fondantes  (iodure  de  potassium,  iodure  de 
plomb,  onguent  mercuriel),  des  emplâtres  divers  (emplâtres  de  Vigo, 
de  savon,  de  ciguë,  etc),  des  badigeonnages  à  la  teinture  d'iode,  etc.; 
soit  encore,  à  l'intérieur,  l'iodure  de  potassium,  l'extrait  de  ciguë,  le  ca- 
lomel,  etc.  Je  ne  crois  guère  pour  ma  part  à  l'action  de  ces  prétendus 
résolutifs,  dont  je  n'ai  jamais  constaté  d'effets  bien  appréciables.  Je  leur 
préfère  de  beaucoup  l'emploi  longtemps  continué  des  bains,  des  cata- 
plasmes appliqués  pendant  la  nuit,  et  du  suspensoir  ouaté  pendant  le 
jour.  Le  temps  seul,  aidé  de  l'hygiène,  suffit  à  la  résolution  des  noyaux 
épididymaires. 

Il  est  bien  d'autres  médications  qui  ont  été  préconisées  contre  l'épi- 


222  BLENNORRHAGIE.  —  orchite. 

didymite  :  les  onctions  mercurielles  ;  les  badigeonnages  au  collodion;  la 
compression;  les  vésicatoires  ;  des  topiques  de  toute  sorte  (alun,  sulfate 
de  fer,  chloroforme,  etc.);  les  applications  de  glace  au  début,  comme  moyen 
abortif;  les  mouchetures  du  scrotum;  à  l'intérieur,  le  calomcl,  le  tartre 
stibié,  etc.,  etc.  Jugées  aujourd'hui  par  l'expérience,  ces  diverses  médi- 
cations donnent  des  résultais  bien  moins  satisfaisants  que  le  très-simple 
traitement  dont  l'exposé  vient  d'être  fait;  quelques-unes  mêmes  ne  sont 
pas  sans  inconvénients  véritables. 

OreisHe  (orchite  vraie,  parenchymateuse ,  didymite,  inflammation 
du  corps,  de  la  substance  du  testicule).  — Répétons  encore  que  cette  forme 
d'inflammation  est  excessivement  rare  comme  complication  de  la  blen- 
norrhagie. 

Elle  ne  s'observe  jamais  qu'associée  à  l'épididymite.  (Ricord.) 

Ses  symptômes,  qui  seront  décrits  ailleurs  en  détail  (voy.  Testicule, 
Orchite),  sont  tout  autres  que  ceux  de  l'épididymite.  Ils  en  diffèrent  sur- 
tout par  trois  points  principaux,  que  nous  signalerons  succinctement  : 

1°  Intensité  excessive  des  phénomènes  douloureux.  La  douleur  testicu- 
laire,  après  avoir  débuté  en  générai  assez  brusquement,  ne  tarde  pas  à 
acquérir  une  violence  extrême  ;  elle  devient  suraiguë,  déchirante,  atroce^ 
au  point  d'arracher  des  cris  continus,  de  déterminer  des  syncopes  et  un 
état  d'angoisse  qu'on  ne  retrouve  guère  que  dans  les  crises  les  plus  vio- 
lentes des  coliques  hépatiques  ou  néphrétiques.  Elle  se  continue  souvent 
plusieurs  jours  au  même  degré,  puis  décroît  et  devient  plus  tolérabie.  Il 
n'est  pas  rare  de  la  voir  cesser  brusquement  ;  le  malade  se  félicite  alors 
de  cette  sédation  subite  qu'il  considère  comme  une  délivrance;  mais  le 
médecin  instruit  la  déplore,  parce  qu'elle  lui  annonce  la  mortification  de 
l'organe  enflammé. 

2°  Volume  généralement  moindre  'de  la  tumeur  inflammatoire,  ce  qui 
tient  à  cette  double  raison  que,  d'une  part,  l'enveloppe  fibreuse  et  inex- 
tensible de  la  glande  forme  barrière  au  développement  phlegmasique, 
et  que,  d'autre  part,  l'orchite  vraie  se  complique  bien  plus  rarement 
que  l'épididymite  d'inflammation  de  la  vaginale.  —  Ajoutons  que  cette 
tumeur  est  également  différente  comme  forme  de  celle  que  constitue 
l'épididymite.  Elle  est  régulièrement  ovoïde  comme  le  testicule,  ou,  pour 
mieux  dire,  ce  n'est  que  le  testicule  légèrement  augmenté  de  volume, 
sans  déformation.  —  Cette  tumeur  est  extraordinairement  douloureuse 
à  la  pression,  au  point  que  le  contact  des  cataplasmes  ou  des  draps 
ne  peut  être  supporté.  —  Si  Ton  essaye  d'explorer  les  parties,  ce  qu'on 
ne  peut  faire  qu'avec  les  plus  grands  ménagements,  on  n'arrive  que 
très-difficilement  en  général  à  distinguer  l'épididyme,  soit  parce  que  cet 
organe  est  resté  sain,  soit  parce  qu'il  est,  pour  ainsi  dire,  massé  avec 
le  testicule  et  confondu  dans  une  tumeur  unique  que  recouvre  un  scro- 
tum érysipélateux.  Mais  ce  que  l'on  constate  fort  bien,  c'est  que  le  tes- 
ticule est  induré,  qu'il  a  perdu  sa  consistance  élastique  sui  generis;  c'est 
là,  pour  Ricord,  le  signe  pathognomonique  de  l'orchite  parenchymateuse. 

5Ô  Intensité  bien  plus  considérable  des  phénomènes  généraux.  Au  début, 


BLENNORFiIIAGIE.  —  épididymite  pseudo-tuberculeuse.  !2!2d 

frissons  légers,  puis  fièvre  assez  vive;  état  gastrique,  inappétence  absolue; 
nausées,  hoquets,  vomissements,  constipation  ;  et  surtout  état  nerveux 
très-accusé,  agitation  excessive,  insomnie,  jactitation,  anxiété;  tous  phé- 
nomènes que  l'on  a  comparés  à  ceux  de  l'étranglement  en  général,  et  qui 
résultent  en  effet  d'un  véritable  étranglement  du  testicule  dans  sa  coque 
libreuse  inextensible. 

Au  point  de  vue  des  terminaisons,  les  différences  ne  sont  pas  moins 
grandes.  Presque  constante  pour  l'épididymite,  la  résolution  est  ici  beau- 
coup plus  rare.  Souvent,  le  plus  souvent  même  pour  quelques  auteurs, 
l'orchite  vraie  aboutit  soit  à  la  suppuration,  soit  à  la  gangrène,  soit  en- 
core, ce  qui  est  moins  fréquent,  au  fongus  bénin,  à  l'induration  chroni- 
que, à  l'atrophie.  Ces  lésions  diverses  de  terminaison  seront  décrites  en 
détail  dans  un  autre  article  de  cet  ouvrage.  Mentionnons  seulement  ici 
ce  que  l'une  d'elles  offre  de  particulier  et  de  très-intéressant. 

La  gangrène  qui  succède  à  l'orchite  ne  présente  pas  les  caractères  ha- 
bituels de  la  mortification  des  tissus.  Lorsque  le  testicule  privé  de  vie 
vient  se  hernier  à  travers  le  scrotum,  ce  que  l'on  constate,  ce  n'est  pas 
un  sphacèle  brunâtre,  putrilagïneux,  fétide;  c'est  une  sorte  de  bourgeon 
jaunâtre,  sec,  mollasse  sans  être  diflluent,  et  ne  rappelant  en  rien  l'as- 
pect des  eschares  gangreneuses.  Si  Ton  en  saisit  avec  une  pince  une  por- 
tion superficielle,  on  peut  en  étirer  de  longs  filaments,  qui  ne  sont  rien 
autre  que  les  tubes  séminifères.  C'est  là  une  sorte  de  gangrène  sèche,  de 
momification,  ou,  comme  l'a  dit  llicord,  de  nécrose  du  testicule. 

L'orchite  vraie  est  donc  une  complication  très-grave,  qui  compromet  le 
plus  habituellement  la  glande  séminifère.  —  C'est  dire  qu'elle  nécessite 
une  intervention  thérapeutique  des  plus  actives.  Dès  le  début,  antiphlo- 
gistiques  énergiquement  appliqués;  émissions  sanguines  locales,  abon- 
dantes et  répétées  ;  bains  prolongés,  coup  sur  coup-,  onctions  fortement 
beliadonées  ;  glace  sur  le  testicule  (Curling);  révulsifs  intestinaux,  etc. 
Et  surtout,  dès  qu'il  y  a  soupçon  d'étranglement,  ne  pas  hésiter  à  prati- 
quer le  débridement  de  Palbuginée,  seule  ressource  pour  sauver  l'organe 
menacé  de  gangrène. 

Variole  :  épi  «fi  cl  y  mal  te  p&CBBilo-tMbeircBileiist».  —  J'appelle  ainsi, 
dans  le  but  d'attirer  l'attention  sur  elle,  une  variété  d'épididymite  que 
je  ne  trouve  pas  signalée  dans  les  traités  classiques,  et  qui  cependant 
s'est  présentée  plusieurs  fois  à  mon  observation. 

Cette  variété  rare,  dont  il  n'a  guère  été  fait  mention  jusqu'à  ce  jour 
que  par  Desormaux,  présente  ceci  de  particulier  :  —  1°  qu'elle  se  produit 
exclusivement,  du  moins  d'après  ce  que  j'ai  observé  jusqu'à  ce  jour,  dans 
le  cours  d'écoulements  à  forme  chronique  ou  de  blennorrhées  anciennes  ; 
—  2°  quelle  simule  à  s'y  méprendre  la  tuberculisation  de  lépididyme,  à 
ce  point  qu'elle  est  presque  infailliblement  confondue  avec  cette  dernière 
maladie. 

Ses  symptômes  sont  les  suivants  : 

Au  début  môme,  elle  s'annonce  parfois  comme  une  épididymite  sub- 
aiguë et  bénigne,  qui,  plus  tard,  parcourt  lentement  ses  périodes  et  reste 


224  BLENN0RRHAG1E.  —  rhumatisme. 

indolente  sans  se  résoudre  ;  d'autres  fois  et  plus  souvent  peut-être,  elle 
se  développe  d'une  façon  insidieuse,  presque  sans  phénomènes  d'acuité; 
l'épididyme  se  tuméfie  sans  douleur  et  ne  présente  qu'une  légère  sensi- 
bilité à  la  pression. 

Puis  le  gonflement  s'accroît,  devient  môme  souvent  très-volumineux , 
en  même  temps  que  les  phénomènes  douloureux  s'apaisent  et  s'effacent 
complètement.  Ce  que  l'on  constate  alors  se  résume  à  ceci  :  tuméfaction 
indolente  de  l'épididyme,  lequel  forme  une  masse  très-dure,  lisse  ou  irré- 
gulière, uniforme  ou  bosselée  sur  plusieurs  points. 

Simultanément,  il  peut  se  faire  que  la  vaginale  s'affecte  et  développe 
une  hydrocèle  plus  ou  moins  considérable.  —  Souvent  aussi  le  canal  dé- 
férent se  prend  et  forme  une  corde  indurée,  qui  tantôt  est  régulièrement 
cylindrique  et  lisse,  qui  tantôt  est  semée  de  nodosités  et  moniliforme. 

Cet  état  des  parties  reste  longtemps  stationnaire,  plusieurs  mois  pour 
le  moins.  Puis  il  arrive  de  deux  choses  l'une.  Ou  bien,  la  tuméfaction  di- 
minue et  se  résout,  mais  avec  une  lenteur  désespérante  ;  ou  bien,  un  point 
de  la  tumeur  devient  sensible  et  douloureux,  proémine,  contracte  des 
adhérences  avec  le  scrotum,  et  constitue  une  saillie  fluctuante,  laquelle 
s'ouvre  et  laisse  écouler  une  certaine  quantité  de  pus.  Cette  ouverture  reste 
longtemps  fistuleuse,  en  fournissant  une  suppuration  légère,  et  finit  par 
se  fermer.  Il  persiste  alors  dans  l'épididyme  une  nodosité  dure,  qui  peut 
bien  à  la  longue  diminuer  de  volume  et  de  consistance,  mais  qui,  suivant 
toute  probabilité,  ne  doit  jamais  s'effacer  complètement. 

Si  la  cause  originelle  de  la  complication  persiste,  il  peut  se  faire, 
comme  je  l'ai  observé,  que  de  nouvelles  poussées  se  produisent.  Ainsi, 
j'ai  vu  l'affection  récidiver  deux,  trois  et  quatre  fois  sur  le  même  épidi- 
dyme,  ou  bien  envahir  l'épididyme  opposé,  ou  bien  encore  se  propager 
sur  le  canal  déférent.  Chaque  rechute  produit  un  engorgement  nouveau 
qui  s'ajoute  aux  précédents,  persiste  un  temps  considérable,  et  souvent 
aboutit  à  suppuration.  De  là  des  désorganisations,  des  destructions  pro- 
bables, ou  pour  le  moins  des  oblitérations  des  canalicules  séminifères, 
avec  leur  conséquence  naturelle  d'infécondité  temporaire  ou  définitive. 

Il  est  facile  de  voir  par  ce  qui  précède  que  cette  forme  d'épididymite 
chronique  présente  de  nombreux  points  de  contact  et  des  analogies  sin- 
gulières avec  le  sarcocèle  tuberculeux.  Il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'elle 
ait  été  confondue  jusqu'à  ce  jour  avec  cette  dernière  affection. 

Deuxième  groupe.  — I.  Rbumatlsme  hlea&norrliagÂciue.  — I.  Th. 

Selle  et  Swediaur  se  partagent  l'honneur  d'avoir  reconnu  la  liaison  de  cer- 
taines arthropathiesaveela  blennorrhagieuréthrale.  Par  une  coïncidence 
curieuse,  ils  signalèrent  ce  fait  exactement  à  la  même  époque  (1781).  Leur 
découverte  ne  tarda  pas  à  être  confirmée  par  J.  limiter  (1786)  et  par 
un  grand  nombre  d'observateurs. 

L'intéressante  question  du  rhumatisme  blennorrhagitjue  a  donné  lieu 
dans  notre  siècle  à  une  foule  de  publications  parmi  lesquelles  il  faut  sur- 
tout citer  les  travaux  de  Ricord,  de  Foucart,  de  Brandes  (de  Copenhague) ,  etc. 


BLENN0RRÏIAG1E.  —  rhumatisme.  225 

On  consultera  avec  fruit  sur  ce  sujet  une  bibliographie  très-complète 
publiée  par  Ch.  Ravel  en  novembre  et  décembre  1857. 

II.  Une  question   préalable   doit  être  agitée  au  début  de  cette  étude  : 
Existe-t-il  un  rhumatisme  blennorrhagique? 

Tout  d'abord,  il  est  incontestable  que  la  clinique  nous  offre  souvent  à 
observer  des  affections  articulaires  développées  dans  le  cours  de  blen- 
norrhagies  urétlirales.  Or,  quelle  interprétation  donnera  cette  association 
de  phénomènes?  Ici  les  dissidences  commencent.  Pour  les  uns,  il  n'y 
aurait  là  qu'une  pure  coïncidence,  qu'une  simple  relation  chronologique, 
qu'une  combinaison  fortuite.  Le  rhumatisme  se  produirait  dans  le  cours 
d'une  blennorrhagie  tout  comme  pourrait  se  développer  une  pneumonie 
ou  une  variole,  sans  qu'aucun  rapport  rattachât  entre  eux  ces  états 
morbides  accidentellement  réunis.  Thiry  (de  Bruxelles)  s'est  fait  sur- 
tout le  représentant  de  cette  opinion.  Pour  lui  il  n'est  pas  de  rhuma- 
tisme qu'on  puisse  légitimement  appeler  blennorrhagique.  Il  n'y  a  que 
des  arthrites  coïncidant  avec  la  blennorrhagie  ,  la,  coudoyant  comme 
pourrait  le  faire  toute  autre  maladie  intercurrente,  ne  dépendant  pas 
d'elle,  réagissant  à  peine  sur  elle,  et  ne  présentant  ni  dans  leurs 
symptômes,  ni  dans  leur  marche,  ni  dans  le  traitement  qu'elles  ré- 
clament, rien  qui  puisse  autoriser  à  en  constituer  une  espèce  patholo- 
gique distincte. 

D'autre  part,  l'énorme  majorité  des  patliologist.es  admet  aujourd'hui 
que  les  affections  articulaires  qui  accompagnent  souvent  la  blennorrhagie 
lui  sont  reliées  par  une  connexion  intime,  par  une  dépendance  pathogé- 
nique  des  plus  évidentes.  Dans  cette  manière  de  voir,  les  arthropathies 
se  développent  sous  l'influence  directe  de  la  blennorrhagie  ;  ce  ne  sont 
pas  de  simples  coïncidences,  ce  sont  des  manifestations  solidaires  de 
l'écoulement  uréthral  ;  ce  sont,  en  un  mot,  de  véritables  arthropathies 
blennorrhagiques. 

Cette  interprétation  des  faits  repose  sur  des  considérations  très-rigou- 
reuses et  de  la  plus  haute  valeur.  Ainsi  : 

4°  Telle  est  la  fréquence  des  affections  articulaires  coexistant  avec 
la  blennorrhagie  quelle  ne  peut  s'expliquer  par  une  simple  coïncidence. 
11  n'est  pas  de  praticien  qui  n'ait  observé  cette  association  pathologique  ; 
il  n'est  pas  de  service  d'hôpital  où  elle  ne  se  présente  plusieurs  fois  dans 
le  cours  d'une  année.  La  science  abonde  de  faits  de  ce  genre.  Voit-on 
de  même  coïncider  avec  la  blennorrhagie  telle  autre  alfection  qu'il  sera 
loisible  de  choisir  au  hasard  dans  le  cadre  nosologique?  Evidemment 
non#  —  Lc  seul  fait  de  la  coexistence  fréquente  du  rhumatisme  et  de  la 
blennorrhagie  est  donc  significatif  et  témoigne  d'une  relation  palhogé- 
nique  probable  entre  ces  deux  états  morbides. 

2°  La  récidive  du  rhumatisme  dans  le  cours  de  bleniiorrhagies  succes- 
sives établit  entre  ces  deux  affections  un  rapport  évident,  une  connexité 
réelle  qui  ne  peut  s'expliquer  par  une  simple  coïncidence.  Cela  est  très- 
démonstratif.  Il  est  en  effet  nombre  de  sujets  chez  lesquels  des  fluxions 
articulaires  se  produisent  à  propos  de  chaque  blennorrhagie  et  seulement 

NOUV.    D1CT.    MliD.   ET   CUIR.  V.    —   15 


226  BLENNORHHAGIE.  —  rhumatisme. 

à  ce  propos.  Des  faits  de  ce  genre  ont  été  signalés  par  un  grand  nombre 
d'auteurs,  limiter,  A.  Cooper,  Jlicord,  Brandes,  Diday,  etc.  Ainsi,  limiter 
parle  d'un  malade  qui  était  pris  de  douleurs  rhumatismales  toutes 
les  fois  qu'il  contractait  une  gonorrhée.  Brandes  relate  dans  son  impor- 
tant mémoire  huit  cas  de  récidive,  dans  l'un  desquels  un  sujet  fut  af- 
fecté six  fois  de  rhumatisme  dans  le  cours  de  six  gonorrhées  consécutives. 
De  même,  je  trouve  dans  mes  notes  huit  cas  où  le  rhumatisme  se  ré- 
péta à  propos  de  chaque  blennorrhagie  nouvelle,  deux  fois  sur  cinq  ma- 
lades, trois  fois  sur  deux,  et  quatre  fois  sur  le  dernier.  Or,  de  tels  faits 
peuvent-ils  être  attribués  à  de  simples  combinaisons  accidentelles  d'états 
pathologiques?  Ne  démontrent-ils  pas,  au  contraire,  jusqu'à  l'évidence 
l'étroite  connexion  du  rhumatisme  avec  la  blennorrhagie? 

3°  Enfin,  le  rhumatisme  qui  accompagne  la  blennorrhagie  n'est  pas 
identique  au  rhumatisme  ordinaire,  simple.  Il  en  diffère  à  plusieurs 
égards.  S'il  n'a  pas  de  symptômes  pathognomoniques  qui  l'en  distinguent, 
il  a  souvent  une  allure  spéciale  qui  témoigne  de  son  individualité.  D'une 
part,  il  manque  de  certains  caractères  propres  au  rhumatisme  vulgaire; 
et  d'autre  part  il  a,  comme  nous  le  verrons,  quelques  expressions  svm- 
ptomatologiques  qui  font  défaut  dans  ce  dernier. 

Sinonymie:  Arthrocèle,  gonocèîe,  tumeur  bîennorrhagique  du  genou, 
arthrite,  arthropathie  bîennorrhagique. 

Causes.  — I.  La  cause  essentielle  du  rhumatisme  bîennorrhagique,  c'est 
la  blennorrhagie,  qui  est  indispensable  au  développement  de  ces  accidents 
et  qui  suffit  à  elle  seule  à  en  déterminer  l'explosion. 

Chose  remarquable,  en  effet,  les  causes  habituelles  du  rhumatisme  vul- 
gaire nejouent  ici  presque  aucun  rôle.  Le  refroidissement,  l'humidité, etc., 
sont  absolument  étrangers,  au  moins  dans  l'énorme  majorité  des  cas,  à  la 
production  des  accidents  articulaires. 

Il  en  est  de  même  d'autres  influences  accidentelles,  considérées  hypo- 
thétiquement  par  quelques  auteurs  comme  propres  à  favoriser  le  déve- 
loppement de  cette  complication  :  fatigues,  efforts,  bains  administrés 
dans  le  cours  des  écoulements,  répercussion  produite  par  l'usage  des  bal- 
samiques (cubèbe,  copahu),  etc.  Aucune  de  ces  causes  n'a  d'action  évi- 
dente; et,  règle  presque  absolue,  le  rhumatisme  se  manifeste  sponte  sua, 
sans  qu'aucune  circonstance  occasionnelle  ne  soit  intervenue  pour  en 
favoriser  la  production. 

Qu'il  y  ait  dans  la  constitution  des  malades  un  élément  inconnu,  qui 
détermine  l'apparition  du  rhumatisme,  cela  n'est  pas  douteux,  puisque, 
comme  nous  l'avons  vu  précédemment,  il  est  certains  sujets  qui  ne 
peuvent  contracter  de  blennorrhagie  sans  qu'aussitôt  les  articulations 
ne  se  prennent.  Mais  quel  est  cet  élément,  nous  l'ignorons  absolument. 
C'est  en  vain  que  plusieurs  auteurs,  et  moi  à  leur  suite,  avons  inven- 
torié les  observations  contenues  dans  la  science,  pour  découvrir  le  secret 
de  ces  singulières  prédispositions  individuelles  ;  rien  de  satisfaisant 
n'a  été  obtenu  jusqu'à  ce  jour. 

Il  était  naturel   de  penser  que  la  diathèse  rhumatismale,  héréditaire 


BLEMOïiP.IlAGlE.  —  rhumatisme.  227 

ou  acquise,  dût  constituer  ici  une  prédisposition  plus  ou  moins  influente. 
A  priori,  on  pouvait  être  autorisé  à  admettre  que  les  sujets  rhumati- 
sants devaient,  plus  que  d'autres,  être  exposés  au  rhumatisme  blennor- 
rhagique, ou  bien  que  les  individus  affectés  d'arthropathies  blennorrha- 
giques  devaient  souffrir  habituellement  du  rhumatisme.  Or  ni  Tune  ni 
l'autre  de  ces  inductions  théoriques  ne  trouve  sa  confirmation  au  lit  du 
malade,  ainsi  que  l'ont  établi  plusieurs  observateurs.  J'ai  pu  constater 
notamment,  pour  ma  part,  que  plusieurs  de  mes  clients,  chez  lesquels 
des  arthropathies  se  reproduisaient  presque  fatalement  avec  chaque 
blennorrhagie  nouvelle,  étaient  indemnes  de  toute  manifestation  rhu- 
matismale alors  que  leur  urèthre  était  sain. 

Autre  particularité  non  moins  curieuse  :  le  rhumatisme  blennorrha- 
gique  est  infiniment  plus  rare  chez  la  femme  que  chez  l'homme,  à  en 
juger  du  moins  d'après  les  observations  contenues  dans  la  science.  Plu- 
sieurs auteurs  (Foucart,Brandes,  Christensen,  Rollet,  Potton,  Bonnaric, 
Diday,  etc.),  n'ont  pas  rencontré  un  seul  exemple  d'arthropathie  blennor- 
rhagique développée  chez  la  femme.  On  a  même  considéré  cette  complica- 
tion comme  exclusivement  propre  à  l'homme.  Quelques  faits,  bien  authen- 
tiques, donnent  un  démenti  formel  à  cette  dernière  opinion.  Ainsi,  Ricord 
a  observé  plusieurs  fois  chez  la  femme  des  rhumatismes  de  nature  évidem- 
ment blennorrhagiquc.  (Commun,  orale.)  Richet  a  eu  l'occasion  de  traiter 
à  Lourcine  une  arthrite  du  genou  qu'il  n'hésita  pas  à  rattacher  à  une 
blennorrhagie  pour  laquelle  la  malade  se  trouvait  dans  les  salles.  Cullerier, 
pendant  son  séjour  dans  le  même  hôpital,  a  observé  trois  cas  d'artlirite 
blennorrhagique:  «  dans  le  premier,  dit-il,  c'était  le  genou  qui  était  pris; 
dans  le  second,  c'était  le  poignet  ;  dans  le  troisième,  l'articulation  sterno- 
claviculaire.  Les  deux  premières  observations  ne  peuvent  faire,  pour  moi, 
l'objet  d'un  doute  quant  à  la  nature  de  l'arthrite.  »  J'ai  dans  mes  notes 
un  l'ait  du  même  genre.  —  Du  reste,  comme  le  dit  très-judicieusement 
Cullerier,  cette  rareté  du  rhumatisme  blennorrhagique  chez  la  femme 
est  peut-être  plus  apparente  que  réelle;  «  elle  pourrait  trouver  son  ex- 
plication dans  cette  circonstance,  que  la  femme  dissimule  très-souvent 
ce  qu'elle  éprouve  du  côté  des  organes  génitaux,  »  et  dans  cette  autre 
aussi  que  l'examen  de  ces  organes  est  rarement  proposé  en  pratique, 
même  à  l'hôpital,  à  propos  d'accidents  articulaires.  Pour  Ricord,  ce  fait 
s'expliquerait  d'une  façon  différente  :  la  rareté  des  affections  articulaires 
chez  la  femme  ne  serait  que  la  conséquence,  le  corollaire  en  quelque 
sorte,  de  la  rareté  de  ïuréthrite. 

IL  La  nature  blennorrhaijique  des  écoulements  auxquels  s'associe  le 
rhumatisme  est  implicitement  admise  par  tous  les  auteurs.  Cela  du  moins 
résulte  du  titre  même  de  leurs  observations  et  de  la  dénomination  sous 
laquelle  on  désigne  communément  la  maladie. 

De  plus,  remarque  intéressante,  c'est  avec  la  blennorrhagie  uréthrale 
seule  que  l'on  observe  le  rhumatisme  (Ricord.)  Jamais  on  ne  le  rencontre 
comme  complication  ni  avec  la  blennorrhagie  balano-préputiale  {voyez 
Balanite,  t.  IV),  ni  avec  la  vaginite,  les  écoulements  du  col,   non  plus 


228  BLENNORRHAGIE.  —  rhumatisme. 

qu'avec  la  blennorrhagie  oculaire  (ophthalmie  de  contagion),  nasale, 
anale,  etc.  J'ajouterai  même  cette  remarque  que  tous  les  écoulements  uré- 
thraux  ne  sont  pas  susceptibles  de  se  compliquer  cl  accidents  articulaires. 
Ainsi,  bien  que  mon  attention  fût  éveillée  sur  ce  point,  je  n'ai  jamais 
observé  le  rhumatisme  ni  avec  l'uréthrite  inflammatoire  ou  catarrhale,  ni 
avec  l'uréthrite  herpétique  ou  dartreuse  que  je  décrirai  dans  un  autre  ar- 
ticle de  cet  ouvrage,  ni  avec  cette  variété  si  commune  d'écoulements  gris 
et  aqueux  auxquels  Diday  a  donné  le  nom  d'uréthrorrhées,  etc....  Sur  ce 
point,  quelques-unes  de  mes  observations  sont  très-concluantes.  Quatre 
de  mes  malades,  chez  lesquels  le  rhumatisme  se  reproduisait  comme 
fatalement  avec  chaque  blennorrhagie  nouvelle,  contractèrent  des  uré- 
thrites  plus  ou  moins  intenses  qui  ne  déterminèrent  aucun  accident  vers 
jointures. 

III.  L'abondance  de  V écoulement  serait,  d'après  Rollet,  «  la  condition  la 
plus  générale  dont  dépend  plus  ou  moins  directement  l'éclosion  rhuma- 
tismale. En  interrogeant  les  malades,  dit  cet  observateur,  on  apprend 
toujours  qu'avant  le  rhumatisme  le  canal  était  douloureux,  la  blennor- 
rhagie aiguë,  l'écoulement  abondant.  Ceux  même  chez  qui  la  complica- 
tion éclate  sans  qu'une  nouvelle  blennorrhagie  ait  été  contractée,  et  qui 
n'avaient  auparavant  qu'un  suintement  chronique,  nous  apprennent  que 
le  suintement  s'était  accidentellement  ravivé  au  point  de  devenir  un 
écoulement  véritable.  »  Mes  observations  personnelles  sont  en  désaccord 
avec  cette  opinion  de  Rollet.  Trente-neuf  cas  que  j'analyse  scrupuleuse- 
ment à  ce  sujet  me  conduisent  aux  résultats  suivants  :  —  1°  Dans  un 
certain  nombre  de  cas,  il  est  vrai  que  le  rhumatisme  s'est  produit  à 
la  suite  de  blennorrhagies  intenses,  fournissant  une  abondante  suppu- 
ration, ou  bien  de  blcnnorrhées  que  des  causes  diverses  avaient  acci- 
dentellement ramenées  à  la  période  aiguë.  —  2°  Mais,  dans  un  nombre 
de  cas  bien  supérieur,  l'écoulement  qui  préludait  au  rhumatisme  n'était 
que  moyen,  ne  présentait  nullement  cette  acuité,  cette  abondance  que 
Rollet  considère  à  tort  comme  «  la  condition  la  plus  générale  dont  dé- 
pend l'éclosion  rhumatismale.  »  —  5°  De  plus,  huit  fois  le  suinte- 
ment uréthral  était  très-faible,  minime,  insignifiant,  à  ce  point  que, 
dans  un  cas,  il  était  absolument  ignoré  du  malade,  et  que  ce  fut  moi 
qui  le  découvris. 

Epoque  d'apparition.  —  Le  rhumatisme  blennorrhagique  fait  son  inva- 
sion à  des  périodes  assez  variables  de  l'écoulement.  On  l'a  vu  se  dé- 
velopper au  cinquième,  au  huitième  jour;  mais,  en  général,  il  n'ap- 
paraît guère  qu'à  une  époque  plus  éloignée.  Dans  les  faits  que  j'ai 
observés,  le  plus  souvent  les  accidents  articulaires  se  sont  produits  du 
sixième  au  quinzième  jour  ;  plus  rarement,  ils  se  sont  manifestés  dans 
le  cours  du  deuxième  et  du  troisième  mois.  Il  n'est  pas  très-rare  toute- 
fois qu'ils  se  développent  à  une  période  beaucoup  plus  reculée,  comme 
dans  le  cas  où  de  vieilles  blennorrhées,  ravivées  ou  non  par  quelque  cause 
accidentelle,  viennent  à  se  compliquer  inopinément  de  phénomènes  rhu- 
matismaux. 


BLENN0RRHAG1E.  —  rhumatisme.  229 

On  croyait  autrefois  que  l'invasion  du  rhumatisme  était  nécessaire- 
ment marquée  par  une  diminution  notable  et  même  par  une  suppres- 
sion complète  de  l'écoulement.  De  là  cette  déduction  doctrinale  que  les 
accidents  articulaires  étaient  le  résultat  d'une  métastase  s'opérant  de 
l'urèthre  sur  les  jointures.  De  là  aussi,  comme  conséquence  pratique, 
l'indication  de  rappeler  la  fluxion  vers  l'urèthre  pour  délivrer  les  syno- 
viales. Une  observation  plus  attentive  a  fait  justice  de  ces  errements  dont 
l'origine  remonte  jusqu'à  Swediaur.  Il  est  acquis  aujourd'hui  à  la  science  : 
1°  que,  dans  un  grand  nombre  de  cas,  dans  la  moitié  pour  le  moins  et 
peut-être  les  deux  tiers,  l'écoulement  reste  ce  qu'il  était;  2° que  parfois  il 
subit  une  diminution  notable,  mais  plusieurs  jours  seulement  en  général 
après  l'invasion  des  accidents,  diminution  qui  s'explique  rationnellement 
sans  invoquer  la  métastase,  soit  par  le  repos  et  les  soins  hygiéniques 
auxquels  s'astreint  le  malade,  soit  par  le  fait  de  l'influence  révulsive  que 
toute  affection  intercurrente  exerce  habituellement  sur  la  maladie 
qu'elle  complique  ;  5°  enfin,  qu'à  des  degrés  divers,  il  subsiste  toujours, 
ou  presque  toujours.  Très-exceptionnels  sont  les  cas  où  il  se  suspend 
d'une  façon  complète.  On  dit  en  avoir  observé  quelques  exemples;  pour 
ma  part,  je  n'en  ai  pas  encore  rencontré. 

Siège;  localisations  diverses  du  rhumatisme  blennorrhagique.  —  Le 
rhumatisme  blennorrhagique  a  des  localisations  multiples.  Il  se  porte  de 
préférence  sur  les  synoviales  articulaires.  Mais  ce  qu'on  oublie  trop,  ce 
que  les  auteurs  n'ont  pas  assez  dit,  c'est  qu'il  affecte,  et  cela  très-fré- 
quemment, comme  nous  le  montrerons  bientôt,  différents  autres  systèmes, 
à  savoir  :  les  séreuses  des  tendons,  les  bourses  synoviales,  les  muscles,  les 
nerfs  eux-mêmes,  Y  œil,  et  peut-être  aussi  (car  cela  n'est  pas  encore 
suffisamment  démontré),  quelques-unes  des  grandes  séreuses  viscé- 
rales. 

Ces  localisations  diverses  peuvent  ou  bien  se  montrer  isolément,  ou 
bien  s'associer  et  former  des  combinaisons  variées.  Il  ne  sera  pas  sans 
intérêt  de  montrer  par  quelques  chiffres  leur  degré  de  fréquence  relative. 
Or,  il  résulte  du  dépouillement  de  mes  trente-neuf  observations  que  les 
manifestations  rhumatismales  se  sont  portées  sur  : 

1°  Les  synoviales  articulaires M  fois; 

2°  Les  synoviales  des  tendons 10  fois; 

5°  Les  muscles 10  fois  ; 

4°  Les  bourses  séreuses 0  fois; 

5°  Les  nerfs  (nerf  scia  tique) £>  fois; 

0°  Neuf  fois  enfin  il  m'a  été  impossible   de  déterminer  le  siège 
précis  des  symptômes  accusés  par  les  malades. 

Nous  allons  étudier  tour  à  tour  ces  localisations  diverses  du  rhuma- 
tisme blennorrhagique. 

Rliumafismc  articulaire.  —  Le  rhumatisme  blennorrhagique  a 
été  observé  sur  la  plupart  des  jointures,  mais  avec  un  inégal  degré  de 
fréquence,  comme  le  démontrent  les  quatre  statistiques  suivantes  : 


250  BLENNORRHAGIE.  —  rhumatisme. 

SILGE    DU    RHUMATISME    D'APRÈS  :  FOUCART,     BRANDES,     ROÏ.LET,    A.FOURNIER,     TOTAL 

(18  tas.)        (3i  cas.)        (28  cas.)         (39  cas.) 

Articulation  du  genou 14  28  22  19  85 

—  tibio-tarsienne 5  14  11  2  52 

—  des  doigts  et  des  orteils.  ...»  8  7  8  25 

—  coxo-fémoralc »  10  5  1  16 

—  du  poignet »  0  4  -4  14 

—  de  L'épaule 1  0  5  2  12 

—  du  coude 2  »  0  5  11 

—  lemporo-maxillain1 »  1  »  5  G 

—  médio-tarsienne  et  articulations 

métatarsiennes »  »  2  5  5 

—  sacro-iliaque »  »  2  2  4 

—  sterno-clavieulnire »  2  1  »  5 

—  chondro-costale »  »  »  2  2 

—  péronéo-tibiale »  »  1  »  1 

De  ces  chiffres  et  d'autres  faits  encore  que  je  ne  puis  citer  ici ,  il 
résulte  : 

1°  Que  l'articulation  du  genou  est  de  beaucoup  la  plus  fréquemment 
atteinte  ; 

2°  Que  les  grandes  articulations  sont  plus  souvent  affectées  que  les 
petites  ; 

5°  Que  ces  dernières  néanmoins,  contrairement  à  ce  qu'ont  avancé 
certains  auteurs,  sont  assez  souvent  envahies  par  le  rhumatisme  blennor- 
rhagique. «  Seulement,  il  faut  noter  qu'elles  sont  prises  presque  toujours 
consécutivement  aux  grandes,  et  non  pas  d'emblée.  »  (Cullerier.) 

4°  Que  le  rhumatisme  blennorrhagique  peut  se  limiter  à  une  seule  ar- 
ticulation, mais  que  bien  plus  souvent  il  est  poly articulaire  (18  fois 
contre  10,  d'après  Rollet;  27  fois  contre  12,  d'après  ma  statistique). 
Ajoutons  que,  dans  l'un  et  l'autre  cas ,  il  coïncide  fréquemment  avec 
d'autres  manifestations   développées   sur  les  séreuses  des   tendons,  les 

bourses  synoviales,  les  muscles,  l'œil,  etc II  est  donc  assez  rare,  en 

somme,  de  le  rencontrer  exclusivement  limité  à  une  seule  jointure.  Je  ne 
l'ai  observé  sous  celte  forme  que  4  fois  sur  59  malades. 

Formes.  —  Les  manifestations  articulaires  n'affectent  pas  un  type 
unique.  Loin  de  là,  elles  se  présentent  sous  des  aspects  divers,  sous  des 
formes  très-différentes,  qui  ne  me  paraissent  pas  avoir  été  suffisamment 
caractérisées  jusqu'à  ce  jour. 

Tantôt,  en  effet,  elles  consistent  dans  la  production  d'une  simple  hydar- 
throse,  avec  l'ensemble  symptomatologique  propre  à  cette  affection,  c'est- 
à-dire  indolence,  absence  de  réaction  locale  ou  générale,  abondance  re- 
marquable de  l'épanchement  articulaire,  tendance  à  la  chronicité,  etc. 

Tantôt,  au  contraire,  elles  se  rapprochent  de  la  fluxion  rhumatismale 
aiguë,  voire  même  de  l'arthrite. 

Tantôt,  enfin,  elles  ne  consistent  qu'en  de  simples  douleurs  articu- 
laires, sans  épanchement,  sans  lésions  appréciables  des  jointures. 

De  là,  trois  formes,  que  je  décrirai  séparément. 

Cette  division  ressort  sans  peine  de  l'observation  des  faits  ;  elle  me 
paraît  donc  réellement  clinique  cl  digne  à  ce  titre  d'être  introduite  dans 
l'histoire  du  rhumatisme  blennorrhagique. 


B.LENNORRHAGIE.  —  rhimatisme.  -251 

A.  Première  forme  :  hydarthrose.  —  Cette  forme  est  fréquente,  inoins 
fréquente  toutefois  qu'on  ne  le  dit  généralement. 

L'hydarthrose  blennorrhagique  présente  une  prédilection  singulière  et 
presque  caractéristique  pour  l'articulation  fémoro-tibiale.  C'est  au  genou 
qu'on  la  rencontre  le  plus  habituellement;  c'est  là,  comme  on  le  sait,  que 
Swediaur  fit  la  découverte  du  rhumatisme  blennorrhagique.  (Gonocèle.) — 
Plus  rarement  on  l'observe  sur  l'articulation  tibio-tarsienne  ou  sur  celle 
du  coude. 

Cette  forme  est  souvent  monoarticulaire  ;  souvent  encore  elle  occupe 
les  deux  genoux.  Elle  coexiste  plus  rarement  que  la  suivante  avec  les  autres 
localisations  du  rhumatisme  blennorrhagique,  telles  que  l'ophtlialmie, 
l'inflammation  des  gaines  tendineuses,  etc. 

Les  symptômes  par  lesquels  elle  se  traduit  sont  à  peu  près  ceux  de  l'hy- 
darthrose vulgaire  :  début  insidieux,  et  plutôt  insidieux,  je  pense,  que  «  sou- 
dain »,  comme  le  dit  Velpeau; —  distension  de  l'article  par  une  quantité  assez 
considérable,  parfois  même  très-considérable  de  liquide;  de  là,  comme  con- 
séquence, déformation  de  la  jointure,  tuméfaction,  fluctuation,  etc.  Celte 
abondance  de  l'épanchcment  et  sa  formation  rapide  sont  même  données 
comme  caractéristiques  par  certains  auteurs.  —  Indolence  des  parties,  ou 
du  moins  douleurs  légères  relativement  à  celles  du  rhumatisme  ou  de 
l'arthrite,  n'empêchant  pas  l'exercice  des  fonctions,  s'exaspérant  toutefois 
par  les  mouvements  et  la  marche.  En  quelques  cas,  cette  indolence  est 
complète,  à  ce  point  que  l'affection  peut  passer  inaperçue.  En  deux  occa- 
sions, il  m'est  arrivé  de  découvrir  des  épanchements  articulaires  chez  des 
sujets  qui  n'en  soupçonnaient  pas  l'existence.  —  Comme  symptômes  né- 
gatifs, signalons  entin  l'absence  de  réaction  locale,  la  conservation  de 
la  teinte  normale  des  téguments  au  niveau  de  l'article,  l'apyrexie,  le  dé- 
faut de  troubles  généraux  ou  sympathiques. 

Autre  caractère  important.  Cette  hydarthrose,  si  rapide  à  se  produire  et 
à  prendre  un  haut  degré  de  développement,  présente  souvent  une  lenteur 
remarquable  à  se  résoudre,  parfois  même  une  tendance  désespérante  à 
la  chronicité.  1!  est  assez  habituel  qu'elle  persiste  plusieurs  semaines;  il 
n'est  pas  rare  qu'elle  demande  2  ou  3  mois  pour  disparaître  complète- 
ment; entin,  on  l'a  vue  et  je  l'ai  vue -moi-même  résister  aux  médications 
les  plus  énergiques  pendant  4,  5,  6,  8  mois,  et  même  bien  au  delà. 

B.  Forme  rhumatismale  ou  arthritique.  —  Celle-ci  s'éloigne  de  la  pré- 
cédente par  les  symptômes  d'une  réaction  locale  qui  la  rapproche  du 
rhumatisme  aigu,  parfois  même  de  l'arthrite.  Ajoutez  qu'elle  a  bien  plus 
souvent  que  la  première  des  déterminations  multiples,  c'est-à-dire  qu'elle 
est  polyarticulaire.  De  plus,  elle  coïncide  plus  fréquemment  aussi  avec 
d'autres  localisations  du  rhumatisme  blennorrhagique.  Parfois  enlin  elle 
s'accompagne  de  phénomènes  généraux  qui  font  défaut  dans  l'hydar- 
throse. 

I.  Les  symptômes  qui  la  caractérisent  sont  à  peu  près  ceux  du  rhuma- 
tisme vulgaire,  aigu  ou  subaigu  :  tuméfaction  d'une  ou  de  plusieurs 
jointures,  modérée  en  général,  souvent  à  peine  apparente,  et,  dans  tous  les 


252  BLENNOKRIIAGIE.  —  rhumatisme. 

cas,  très-inférieure  en  volume  à  celle  de  l'hydarthrose,  ce  qui  témoigne 
d'une  moindre  abondance  de  l'épanchemcnt  articulaire;  —  douleurs  assez 
vives,  spontanées,  et  surtout  provoquées  par  les  mouvements,  la  marche, 
la  pression.  Plus  ou  moins  intenses  au  début,  ces  douleurs  se  calment 
toujours  par  le  repos,  et  ne  tardent  guère  à  devenir  modérées,  bien  plus 
modérées  notamment  que  celles  du  rhumatisme  vulgaire.  En  certains  cas 
exceptionnels,  on  les  a  vues  prendre  un  très-haut  degré  d'acuïté,  devenir 
«  affreuses,  atroces  »,  comme  dans  l'arthrite.  —  Coloration  des  téguments 
quelquefois  normale,  surtout  si  l'articulation  est  profonde,  d'autres  fois 
rosée  ou  même  légèrement  rouge,  rarement  érysipélateuse.  —  Troubles 
fonctionnels  nécessairement  variables  suivant  les  usages  de  l'articulation, 
dont  les  mouvements  sont  abolis.  —  Comme  phénomènes  généraux,  par- 
fois état  fébrile,  précédé  de  quelques  frissons  légers,  avec  malaise,  cour- 
bature, inappétence.  Cette  lièvre  est  toujours  modérée  (90  à  100  pul- 
sations en  moyenne)  ;  de  plus  elle  s'apaise   en  général  après  quelques 
jours,  alors  que    les  symptômes   locaux   persistent  avec  plus   ou  moins 
d'intensité.  Il  est  même  remarquable   de  voir  en  certains  cas  un  état 
fébrile  relativement  léger  coexister  avec  des  fluxions  articulaires  mul- 
tiples et  violentes.  Cette  disproportion  entre  les  symptômes  locaux   et 
la  réaction  générale  est  un  signe  dont  le  diagnostic  peut  tirer  parti  et 
qui  différencie  les  arthropathies  blennorrhagiques  soit  de  l'arthrite  inflam- 
matoire, soit  du  rhumatisme  vulgaire.  — Parfois  aussi,  absence  de  tout 
phénomène  fébrile,  surtout  dans  les  cas  où  l'affection  n'occupe  qu'une 
seule  jointure  et  ne  tend  pas  a  multiplier  ses  localisations. 

Sous  cette  forme,  le  rhumatisme  peut  se  limiter  à  une  seule  articula- 
tion ou  bien  en  envahir  plusieurs,  et  cela  soit  d'emblée,  soit  surtout  suc- 
cessivement. A  ce  dernier  propos,  quelques  remarques  importantes  doi- 
vent trouver  place  ici  : 

1°  Le  rhumatisme  blennorrhagique  ne  se  généralise  pas  au  même  degré 
que  le  rhumatisme  ordinaire.  —  Il  peut  bien  se  porter  sur  deux,  trois, 
quatre,  six  jointures  même,  mais  jamais  on  ne  le  voit  sévir  sur  l'en- 
semble des  articulations  ;  jamais  on  ne  voit  par  son  fait  des  malades 
souffrant  de  la  presque  totalité  de  leurs  jointures  et  immobilisés  comme 
des  statues  sur  leur  lit  de  douleur,  ce  qui  ne  s'observe  que  trop  sou- 
vent avec  le  rhumatisme  vulgaire.  Si  je  ne  craignais  d'abuser  de  la 
statistique,  il  me  serait  facile  de  montrer  par  des  chiffres  que  la  moyenne 
des  articulations  affectées  pour  un  même  nombre  de  malades  est  très- 
inégale  de  part  et  d'autre,  c'est-à-dire  bien  inférieure  pour  le  rhumatisme 
blennorrhagique. 

2°  Ce  rhumatisme  est  moins  mobile  que  le  rhumatisme  vulgaire.  —  Il 
se  déplace  moins  facilement;  il  est  plus  fixe;  il  tient  plus  en  quelque 
sorte  aux  articulations  qu'il  a  frappées. 

5S  II  n'offre  pas  non  plus  ces  délitescences  subites  ou  rapides,  ni  cette 
espèce  de  transport  intégral  d'une  jointure  à  une  autre,  qu'il  est  assez 
fréquent  d'observer  dans  le  rhumatisme  vulgaire.  Alors  même  qu'il  dissé- 
mine ses  localisations,  il  prend  une  articulation  nouvelle  sans  quitter 


BLEMORRHAGIE.  —  rhumatisme.  233 

brusquement  la  première,  où  presque  toujours  il  persiste  un  temps  plus 
ou  moins  long;  en  un  mot,  il  se  multiplie  plutôt  encore  qu'il  ne  se  trans- 
porte. —  Nous  verrons  toutefois  que  certains  cas  font  exception  à  cette 
évolution  habituelle  de  la  maladie. 

Puis,  autre  différence  qui  se  traduit  à  une  époque  plus  avancée,  le 
rhumatisme  blennorrhagique  se  résout  plus  difficilement  que  le  rhumatisme 
vulgaire.  Les  fluxions  articulaires  par  lesquelles  se  traduit  ce  dernier  s'é- 
teignent en  général  sans  subir  les  lenteurs  d'une  résolution  progressive. 
L'arlhropathie  blennorrhagique  présente  au  contraire  assez  habituelle- 
ment une  période  plus  ou  moins  longue  de  décroissance  pendant  laquelle 
les  phénomènes  de  réaction  locale  s'atténuent  peu  à  peu.  Souvent  encore 
aux  symptômes  aigus  survit  à  cette  époque  un  épanchement  articulaire 
qui  tarde  à  se  résoudre.  Cette  hydarthrose  consécutive  ne  s'observe  que 
très  rarement  à  la  suite  du  rhumatisme  simple  ;  elle  est  fréquente  dans  le 
rhumatisme  qui  complique  la  blennorrhagic. 

II.  La  maladie  est  susceptible  de  degrés  divers.  Parfois  les  symptômes 
inflammatoires  sont  assez  légers;  plus  souvent  ils  revêtent  une  intensité 
qui  les  rapproche  de  la  fluxion  rhumatismale  aiguë;  en  quelques  cas  enfin 
ils  sont  assez  violents  pour  simuler  une  véritable  arthrite. 

De  plus,  sous  cette  forme,  les  phénomènes  articulaires  sont  souvent 
associés  à  d'autres  déterminations  du  rhumatisme  blennorrhagique, 
ophthalmie ,  inflammation  des  gaines  tendineuses ,  douleurs  muscu- 
laires, etc. 

III.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  rechercher  si  la  maladie,  sous  une 
forme  ou  sous  une  autre,  présente  quelques-uns  des  phénomènes  que  l'on 
est  habitué  à  rencontrer  dans  le  rhumatisme  simple.  Or,  ici,  des  diffé- 
rences très-saillantes  vont  s'offrir  à  nous  : 

1°  Les  sueurs,  si  remarquables  dans  le  rhumatisme  aigu,  dont  elles 
constituent  un  symptôme  presque  essentiel,  font  absolument  défaut  dans 
le  rhumatisme  blennorrhagique  même  fébrile;  du  moins  elles  n'y  appa- 
raissent que  d'une  façon  accidentelle  et  passagère. 

2°  Les  urines  sont  modifiées  d'une  façon  toute  spéciale  dans  le  rhuma- 
tisme aigu  (voyez  ce  mot);  elles  ne  présentent  rien  de  semblable  dans  le 
rhumatisme  blennorrhagique. 

5°  Le  saïuj  n'offre  jamais  dans  cette  dernière  affection  cet  état  couen- 
neux  du  caillot  que  l'on  a  observé  d'une  façon  si  caractéristique  dans  le 
rhumatisme  aigu  simple.  Déjà  signalé  par  Hunier,  ce  fait  a  été  constaté 
d'une  façon  très-précise  par  plusieurs  auteurs  contemporains. 

4°  Les  grandes  séreuses,  souvent  affectées  par  le  rhumatisme  simple, 
ne  sont  que  très-exceptionnellement  atteintes  par  le  rhumatisme  blennor- 
rhagique. Quelques  auteurs  ont  avancé  que  cette  dernière  maladie  pou- 
vait se  compliquer  de  péricardite  ou  d'endocardite  (Ricord,  Brandes, 
Lehinann,  llervieux),  de  pleurésie  (Ricord,  G.  Sée),  de  paraplégie,  et 
même  de  phénomènes  cérébraux  (Ricord);  mais  ce  ne  sont  là  que  des 
accidents  excessivement  rares. 

Terminaison  ;  durée,  pronostic.  —  I.  Pour  l'une  et  l'autre  des  formes 


254  BLENNORRIIAGIE,  —  rhumatisme. 

que  nous  venons  de  décrire,  la  résolution  est  le  mode  de  terminaison  ha- 
bituel. La  maladie  guérit  alors  sans  laisser  de  traces. 

Parfois  cependant  la  terminaison  est  moins  heureuse.  Ainsi  il  n'est  pas 
rare  de  voir  le  rhumatisme  blennorrhagique  laisser  à  sa  suite  des  dou- 
leurs et  des  roideurs  articulaires  très-persistantes.  J'observe  actuellement 
un  jeune  homme  qui,  bien  que  guéri  depuis  trois  ans,  éprouve  encore  au- 
jourd'hui de  véritables  souffrances  dans  les  jointures  anciennement  affec- 
tées, et  cela  en  dépit  des  médications  les  plus  diverses  et  les  plus  éner- 
giques; ses  articulations  sont,  en  apparence  au  moins,  aussi  saines  que 
possible;  elles  ont  conservé  la  plénitude  de  leurs  fonctions;  la  douleur 
est  le  seul  phénomène  qui  survive  à  la  maladie. 

En  d'autres  cas  bien  plus  rares,  l'affection  aboutit  soit  à  l'hydarlhrose 
chronique,  soit  à  l'ankylose,  soit  même  à  la  tumeur  blanche.  —  Vhydar- 
throse  chronique  est  fâcheuse  en  ce  qu'elle  gène  les  mouvements,  et  plus 
encore  en  ce  qu'elle  compromet  la  sécurité  de  l'articulation  pour  l'ave- 
nir. —  Uanhjlose,  d'après  Brandes,  s'observerait  de  préférence  sur  les 
petites  articulations.  Ce  n'est  pas  toutefois  qu'elle  ne  puisse  affecter  les 
moyennes  et  les  grandes.  Parfois  même  elle  s'étend  à  plusieurs  jointures; 
ainsi  j'ai  vu  dans  le  service  de  M.  Ricord,  en  1856,  un  malade  dont  les 
deux  articulations  tibio-tarsiennes  et  la  plupart  de  celles  des  deux  pieds 
avaient  été  ankylosées  par  un  rhumatisme  blennorrhagique.  —  La  tumeur 
blanche  est  très-rare.  Elle  ne  s'observe  guère  que  chez  les  sujets  lympha- 
tiques ou  scrofuleux  ;  aussi  «  faut-il  en  rendre  responsable  plutôt  la  con- 
stitution de  l'individu  que  la  maladie  elle-même.  »  (Sordet.) 

Il  n'existe  pas  dans  la  science  un  seul  fait  bien  authentique  de  rhuma- 
tisme blennorrhagique  terminé  par  suppuration  aiguë.  Si  donc  cette  ter- 
minaison est  possible,  comme  le  prétendent  quelques  auteurs,  elle  est 
pour  le  moins  exceptionnelle. 

II.  Il  serait  difficile,  d'après  ce  qui  précède,  d'assigner  une  durée 
moyenne  à  la  maladie,  qui  tantôt  s'épuise  en  deux  ou  trois  septénaires, 
qui  souvent  persiste  quatre,  six  ou  huit  semaines,  qui  d'autres  fois  se 
prolonge  plusieurs  mois,  et  qui  peut  enfin  dégénérer  en  des  affections  de 
nature  éminemment  chronique. 

III.  De  là  encore  un  pronostic  très-variable  suivant  les  cas,  parfois 
léger,  parfois  aussi  très-grave,  le  plus  souvent  sérieux  par  la  longue  du- 
rée que  peut  prendre  l'affection  et  les  conséquences  funestes  dont  elle  peut 
être  suivie. 

Traitement.  —  1°  Contre  la  première  forme  (hydarthrose),  il  est  une 
médication  le  plus  souvent  héroïque,  c'est  le  ve'sicatoire  suivi  de  la  com- 
pression. Le  malade  sera  mis  au  repos;  la  jointure  affectée  sera  recouverte 
d'un  large  vésicatoire  que  l'on  fera  sécher  aussitôt,  puis  d'un  second  et 
d'un  troisième  au  besoin.  Dès  que  l'état  des  parties  le  permettra,  une 
compression  méthodique  sera  pratiquée  sur  l'articulation.  Des  badigeon- 
nages  quotidiens  à  la  teinture  d'iode  pourront  être  utiles  ta  cette  époque 
pour  activer  la  résolution.  —  Il  est  assez  rare  que  l'hydarthrose  résiste  à 
l'emploi  de  ces  simples  moyens. 


BLENNORRHAGIE.  —  rhumatisme.  235 

2°  Le  traitement  de  la  seconde  forme  est  plus  difiicilc  et  plus  com- 
plexe. —  Au  début,  sédatifs  locaux  (narcotiques,  émollients,  chloro- 
forme, etc.,  suivant  les  cas).  Si  la  douleur  est  vive,  si  l'inflammation  est 
intense,  si  surtout  elle  se  présente  avec  les  symptômes  de  l'arthrite  plutôt 
que  du  rhumatisme,  émissions  sanguines  locales  (15  à  20  sangsues  sur 
l'articulation),  suivies  d'applications  continues  de  cataplasmes  laudanisés; 
répéter  au  besoin  les  émissions  sanguines,  et  surtout  assurer  Y  immobi- 
lité absolue  de  la  jointure  en  plaçant  le  membre  malade  dans  une  gout- 
tière. —  A  une  époque  plus  avancée,  lorsque  les  symptômes  inflamma- 
toires ont  disparu ,  vésicatoircs  volants  répétés  ;  badigeonnages  à  la 
teinture  d'iode;  compression,  si  l'épanchement  articulaire  tarde  à  se  ré- 
soudre. 

A  l'intérieur,  on  administre  généralement  soit  la  teinture  de  colchique 
(5  à  4  grammes  par  jour),  soit  l'iodure  de  potassium,  plus  spécialement 
appliqué  aux  formes  indolentes  et  chroniques  de  la  maladie.  L'action  de 
ces  deux  médicaments  est  très-contestée  et  très-contestable.  Elle  est  pour 
le  moins  infidèle,  au  dire  de  tous  les  médecins  que  j'ai  interrogés  à  ce 
sujet.  Pour  ma  part,  si  j'ai  eu  à  me  louer  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces 
remèdes  en  quelques  cas,  j'ai  dû  constater  bien  plus  souvent  leur  im- 
puissance absolue. 

Les  saignées  sont  nuisibles  ou  indifférentes.  —  Le  nitre,  la  digitale,  la 
poudre  de  Dower,  les  purgatifs,  les  mercuriaux,  le  sulfate  de  quinine,  etc., 
ne  sont  d'aucun  secours. 

Les  bains  de  vapeur  sont  d'un  utile  emploi  contre  les  rhumatismes  à 
forme  indolente  ou  contre  ceux  qui  manifestent  quelque  tendance  à  l'état 
chronique. 

En  somme,  comme  on  le  voit,  il  y  a  plus  d'espoir  à  fonder,  dans  le  trai- 
tement du  rhumatisme  blennorrhagique,  sur  les  moyens  locaux  que  sur 
la  médication  générale. 

A  une  époque  plus  avancée,  si  la  maladie  prend  l'allure  de  la  chronicité, 
il  est  une  ressource  d'une  utilité  incontestable:  c'est  Y  immobilisation  ab- 
solue de  la  jointure,  secondée  ou  non  par  l'emploi  des  vésicatoires,  de  la 
compression  et  de  la  teinture  d'iode.  Cette  immobilisation  s'obtient  soit 
à  l'aide  de  la  gouttière ,  soit  mieux  encore  par  l'appareil  dextriné  ou 
plâtré.  Elle  seule  suffit  souvent  à  fournir  des  succès  inespérés.  —  Déplus, 
ce  qui  importe  surtout  à  celte  période,  c'est  de  surveiller  l'état  général  du 
malade,  de  fortifier  et  de  modifier  la  constitution  à  l'aide  d'une  thérapeu- 
tique appropriée  (amers,  toniques,  ferrugineux,  huile  de  foie  de  morue, 
sulfureux,  iodiques,  etc.). 

Enfin,  dans  les  cas  assez  fréquents  où  le  rhumatisme  laisse  à  sa  suite 
des  douleurs  et  des  roideurs  articulaires,  on  peut  obtenir  de  bons  effets 
des  douches  sulfureuses,  des  bains  de  vapeur,  des  bains  térébenthines, 
des  fumigations  aromatiques,  du  massage,  et  surtout  des  eaux  minérales, 
parmi  lesquelles  les  résultats  de  mon  observation  personnelle  me  per- 
mettent de  placer  en  première  ligne  celles  d'Aix  en  Savoie. 

Une  dernière  question  se  présente,  question  longtemps  débattue  et 


236  BLEMORRHAGIE.  —  rhumatisme. 

diversement  jugée.  Convient-il  de  rappeler,  convient-il  de  tarir  l'écou- 
lement uréthral  pendant  l'évolution  du  rhumatisme  blennorrhagique? 

On  s'efforçait  autrefois  de  raviver,  de  rappeler  l'écoulement,  soit  par 
des  injections  irritantes,  soit  par  l'introduction  de  bougies  dans  le  canal, 
soit  même  par  l'inoculation  de  matière  blennorrhagique  récente.  On 
espérait  ainsi  révulser  la  maladie  des  articulations  sur  l'urèthre.  Hypo- 
thétique en  principe,  cette  méthode  a  été  condamnée  par  l'expérience;  elle 
est  presque  universellement  abandonnée  aujourd'hui. 

Inversement,  y  a-t-il  avantage  à  tarir  l'écoulement  pour  amender  les 
symptômes  du  rhumatisme?  Guérit-on  le  rhumatisme  parce  qu'on  guérit 
la  blennorrhagie?  La  théorie  répond  affirmativement,  et  quelques  faits 
heureux,  contenus  dans  la  science,  semblent  lui  donner  raison.  Toutefois 
ce  mode  de  traitement  indirect  est  loin  de  fournir  les  résultats  qu'on 
serait  en  droit  d'en  espérer.  Je  l'ai  vu  essayer,  je  l'ai  souvent  essayé  moi- 
même,  sans  en  obtenir  de  succès  réels  ni  même  d'effets  appréciables.  Il 
m'a  semblé  que  le  rhumatisme  une  fois  lancé,  pour  ainsi  dire,  une  fois 
en  possession  de  l'organisme,  n'est  plus  influencé  par  les  modifications 
que  peut  subir  l'écoulement  ;  la  cause  alors  ne  domine  plus  l'effet,  les 
articulations  ne  sont  plus  solidaires  de  l'état  de  l'urèthre. 

C.  Troisième  forme  :  douleurs.  —  Chez  certains  malades,  le  rhuma- 
tisme blennorrhagique  m'a  paru  se  présenter  sous  forme  de  simples 
douleurs  articulaires.  Les  jointures  affectées  n'offraient  rien  que  de  nor- 
mal à  l'examen  le  plus  minutieux;  elles  conservaient  la  plénitude  de  leurs 
fonctions;  elles  n'étaient  pas  tuméfiées;  elles  se  mouvaient  en  tous  sens 
et  sans  craquements,  etc.;  la  douleur  était  le  seul  symptôme  par  lequel 
se  traduisait  la  maladie. 

J'ai  rencontré  cette  forme  sur  plusieurs  articulations  :  genou,  poignet, 
épaule,  métatarse,  articulation  temporo-maxillairc. 

Ces  douleurs  sont  souvent  vagues,  ambulantes.  Elles  présentent  ceci 
de  remarquable  qu'elles  sont  parfois  très-persistantes  et  rebelles  aux 
médications  les  plus  variées. 

On  les  observe  en  deux  circonstances  différentes,  soit  à  l'état  aigu  et 
coïncidemment  avec  d'autres  manifestations  du  rhumatisme,  soit  plus 
souvent  à  l'état  chronique,  dans  le  cours  de  vieilles  blennorrhées,  et  sans 
autres  manifestations  rhumatismales.  Parfois  encore,  dans  ce  dernier  cas, 
ces  douleurs  s'exaspèrent  de  temps  à  autre,  ou  reparaissent  après  s'être 
apaisées,  lorsqu'une  excitation  quelconque  ravive  le  suintement  uréthral. 
Le  rhumatisme  blennorrhagique  n'atiecte  pas  seulement  les  articula- 
tions. Ainsi  que  nous  l'avons  vu,  il  se  porte  fréquemment  sur  d'autres 
parties  où  il  nous  reste  à  l'étudier. 

1°  Syxovialks  des  tendons.  —  Signalée  par  Ricord,  Brandes,  Cul- 
lerier,  l'inflammation  des  synoviales  tendineuses  est  une  forme  assez 
commune  du  rhumatisme  blennorrhagique.  Je  l'ai  observée  10  fois  sur 
mes  59  malades. 

On  l'a  vue  siéger  sur  les  gaines  des  péroniers  latéraux,  des  tibiaux, 
des  muscles  extenseurs  des  doigts  et  du  pouce,  des  extenseurs  des  orteils, 


BLEMORRIIAGIE.  —  rhumatisme.  257 

des  radiaux,  des  iléehisseurs  des  doigts,  du  muscle  demi-tendineux,  du 
demi-membraneux,  etc.... 

Les  symptômes  par  lesquels  elle  se  traduit  sont  les  suivants  :  tuméfac- 
tion étendue  en  longueur  suivant  le  trajet  du  tendon  al'fecté;  coloration 
légèrement  rosée  des  téguments,  si  le  tendon  est  superficiel;  douleur  très- 
vive  à  la  pression;  troubles  fonctionnels  en  relation  avec  les  usages  du 
muscle  :  mouvements  volonlaires  abolis  ou  incomplets;  mouvements  im- 
primés très-douloureux.  —  Puis,  après  un  temps  variable,  résolution  pro- 
gressive. 

J'ai  vu  trois  fois  la  maladie  prendre  un  aspect  un  peu  différent.  Il 
s'était  produit  au  niveau  des  gaines  tendineuses  (dos  de  la  main,  dos  du 
pied,  face  postéro-inférieure  de  l'avant-bras),  une  tuméfaction  limitée 
d'aspect  véritablement  phleginoneux,  avec  teinte  érysipélateuse  des  tégu- 
ments et  douleur  excessive  à  la  pression.  La  tumeur  ainsi  développée 
avait  tout  l'air  d'un  phlegmon  circonscrit.  La  résolution  ne  s'en  fit  pas 
moins  d'une  façon  complète  en  peu  de  jours. 

Le  rhumatisme  tendineux  coïncide  le  plus  souvent  avec  d'autres  mani- 
festations de  même  origine  sur  les  jointures  ou  ailleurs,  ce  qui  suffit  à 
éveiller  l'attention  et  à  déceler  la  nature  de  la  maladie.  Mais  il  faut 
savoir  qu'il  peut  exister  seul,  isolément,  auquel  cas  il  court  risque  d'être 
méconnu. 

2°  Bourses  séreuses.  —  Les  bourses  séreuses  peuvent  être  affectées 
par  le  rhumatisme  blennorrhagique.  Il  se  produit  alors  une  variété  dluj- 
groma  aigu  ou  subaigu,  facilement  reconnaissable  tant  par  l'état  inflam- 
matoire des  parties  que  par  le  siège  précis  qu'occupe  la  tumeur.  Cet 
hygroma  présente  souvent  ceci  de  remarquable  (pie,  sans  offrir  les  si- 
gnes d'une  inflammation  violente,  il  détermine  des  douleurs  très-vives; 
même  à  l'état  subaigu,  il  est  spécialement  douloureux,  et  reste  long- 
temps le  siège  d'une  vive  sensibilité  à  la  pression. 

Deux  des  bourses  séreuses  le  plus  souvent  affectées  sont  :  1°  celle  qui  est 
placée  en  avant  du  tendon  d'Achille,  derrière  le  calcanéum  (bourse  rétro- 
calcanéenne)  ;  2°  celle  qui  est  située  sous  la  tubérosité  inférieure  du 
même  os  (bourse  sous-calcanéenne).  C'est  l'inflammation  de  l'une  ou  de 
l'autre  de  ces  bourses  qui  explique  cette  singulière  douleur  de  talon  que 
Swediaur  avait  déjà  signalée,  et  dont  se  plaignent  assez  fréquemment  les 
sujets  affectés  de  rhumatisme  blennorrhagique. 

On  a  signalé  de  même  l' inflammation  de  la  bourse  prœ-rotulienne,  de 
l'acromiale  (Cullerier),  de  la  trochantérienne,  de  l'ischiatique ,  de  la 
tarso-métatarsienne,  de  celles  qui  sont  situées  au  niveau  des  tètes  du 
premier  et  du  cinquième  métatarsien.  J'ai  observé,  avec  le  docteur 
Verneuil,  un  hygroma  blennorrhagique  de  la  bourse  de  l'ischion,  qui 
s'était  développé  avec  des  symptômes  assez  violents  pour  nous  faire 
croire  à  l'existence  d'un  phlegmon  profond.  Déjà  nous  nous  préparions 
à  pratiquer  une  incision  lorsqu'une  douleur  très-vive  se  manifesta  dans 
un  genou.  L'opération  fut  différée;  quelques  jours  plus  tard,  la  résolu- 
tion de  l'hygroma  se  produisait  avec  une  rapidité  surprenante,  en  même 


238  BLENNORRIIAGIE.  —  rhumatisme. 

temps  que  l'articulation  fémoro-tibialc  devenait  le  siège  d'une  arthrite 
des  plus  intenses. 

Ces  diverses  formes  de  rhumatisme  blennorrhagique  cèdent  en  général 
assez  facilement  au  traitement  local  que  nous  avons  formulé  contre  les 
localisations  articulaires  (sédatifs  locaux  ;  émissions  sanguines  si  l'in- 
flammation est  très-vive  ;  plus  tard,  vésicatoires,  etc.). 

o°  Muscles.  —  «  Les  muscles,  dit  Rollet,  ne  sont  que  légèrement  at- 
teints par  le  rhumatisme  blennorrhagique  et  dans  un  petit  nombre  de 
cas.  »  Je  ne  puis  pour  ma  part  accepter  cette  opinion.  Sur  mes  59  ma- 
lades, il  en  est  8  qui  accusèrent  des  douleurs  évidemment  musculaires, 
douleurs  affectant  les  masses  lombaires,  les  muscles  de  la  nuque,  ceux 
du  dos,  ceux  de  l'avant-bras,  le  deltoïde,  le  grand  pectoral,  etc.  Dans 
un  cas,  un  véritable  torticolis,  et,  dans  un  autre,  un  violent  lumbago 
unilatéral  coïncidaient  avec  des  manifestations  diverses  de  rhumatisme 
blennorrhagique. 

4°  Nerfs.  —  Les  nerfs  même  peuvent  être  affectés.  J'ai  eu  l'occasion 
d'observer  cinq  cas  de  sciatique  développée  dans  le  cours  de  blennor- 
rhagies  aiguës.  Ne  s'agissait-il  là  que  de  simples  coïncidences?  Rigoureu- 
sement applicable  à  trois  de  ces  faits,  cette  interprétation  ne  pouvait 
être  acceptée  pour  les  deux  autres,  dans  lesquels  la  sciatique  s'était  pro- 
duite concurremment  avec  des  manifestations  diverses  de  rhumatisme 
blennorrhagique  et  dans  des  conditions  telles  que  sa  relation  pathogé- 
nique  avec  l'affection  uréthrale  ne  semblait  pas  douteuse. 

5°  Enfin,  pour  compléter  le  tableau  de  la  maladie,  je  signalerai  cer- 
tains phénomènes  tout  à  fait  exceptionnels  que  j'ai  eu  l'occasion  d'obser- 
ver sur  quelques  malades.  Ce  sont  :  —  l°une  diplopie  temporaire,  coïnci- 
dant pendant  quelques  jours  avec  des  arthropathies  multiples;  — 
2°  une  surdité  incomplète,  que  j'ai  vue  deux  fois  se  produire  dans  des 
conditions  analogues.  Ce  fait  n'est  peut-être  pas  sans  analogie  avec  la 
coph ose  blennorrhagique  dont  parle  Swediaur;  —  5°  sur  un  malade  que 
je  traitai,  avec  mon  vénéré  maître  le  docteur  Ricord,  pour  une  violente 
arthrite  blennorrhagique  du  poignet,  il  se  développa  entre  le  pouce  et 
l'index,  à  la  face  dorsale  du  premier  espace  intermétacarpien,  une  collec- 
tion fluctuante  du  volume  d'une  amande,  légèrement  douloureuse  au  tou- 
cher. Ouverte  par  M.  Ricord,  la  tumeur  donna  issue  à  de  la  sérosité  trans- 
parente, s'affaissa  et  guérit.  Il  nous  fut  impossible  de  préciser  le  siège 
où  cette  collection  s'était  produite.  —  Un  de  mes  collègues  dans  les  hôpi- 
taux, S.  Féréol,  a  observé  récemment  dans  son  service  un  fait  analogue 
au  précédent.  Sur  un  malade  affecté  de  rhumatisme  blennorrhagique,  il 
vit  se  développer,  au  niveau  de  la  région  sous-maxillaire,  une  collec- 
tion fluctuante  du  volume  d'une  petite  noix.  La  tumeur,  sorte  de  pa- 
rotide sous-maxillaire,  fut  ouverte,  laissa  s'écouler  une  cuillerée  d'un 
liquide  séreux  et  disparut  sans  qu'il  eût  été  possible  d'en  déterminer  le 
siège. 

Parallèle  du  rhumatisme  simple  et  du  rhumatisme  blennorrhagique,  — 
Dans  les  pages  qui  précèdent,  je  me  suis  efforcé  de  montrer  les  différences 


BLENNORRIIAGIE.  —  accidents  oculaires. 


-250 


profondes  qui  séparent  le  rhumatisme  blennorrhagique  du  rhumatisme 
simple.  Peut-être  ne  sera-t-il  pas  sans  utilité,  à  la  fin  de  cette  étude,  de 
réunir  les  éléments  épars  de  ce  parallèle  et  de  les  grouper  sous  forme  de 
tableau. 


RHUMATISME    RI.ENISORRIIAGIQUE  : 

[.  Cause  essentielle  :  blennorrhagie  uré- 
thrale. 

Pas  d'influence  du  froid  sur  la  production 
du  rhumatisme. 

II.  Très-rarement  observé  chez  la  fem- 
me. 

III.  Affection  apyrétique,  ou  fébrile  à  un 
degré  bien  moindre  que  le  rhumatisme 
simple.  Môme  dans  les  cas  les  plus  aigus, 
la  réaction  n'atteint  jamais  l'intensité  habi- 
tuelle de  la  fièvre  rhumatismale. 

IV.  Symptômes  habituellement  limités  à 
un  petit  nombre  de  jointures  ;  l'affection  ne 
se  généralise  jamais  au  même  degré  que  le 
rhumatisme  simple. 

V.  Affection  moins  mobile  que  le  rhuma- 
tisme simple,  ne  se  déplaçant  ni  aussi  vite 
ni  aussi  complètement.  Pas  de  délitescen- 
ces ;  pas  de  migrations  réelles  d'une  join- 
ture à  une  autre. 

VI.  Douleurs  de  la  fluxion  articulaire 
généralement  modérées,  moindres  en  tout 
cas  que  dans  le  rhumatisme  simple.  —  Dans 
quelques  cas,  indolence  remarquable. 

Vil.  Fréquemment,  tendance  à  l'hydar- 
throse,  à  la  suite  de  la  fluxion  aiguë. 

VIII.  Pas  de  sueurs  comme,  dans  l'attaque 
de  rhumatisme  aigu. 

IX.  Urines  non  modifiées  comme  dans  le 
rhumatisme  aigu. 

X.  Sang  non  couenneux. 

XI.  Pas  de  complications  cardiaques,  si 
ce  n'est  d'une  façon  très-exceptionnelle. 

XII.  Coïncidence  très-fréquente  avec  une 
ophthalmic  toute  spéciale  ;  —  avec  des  in- 
flammations des  gaines  synoviales,  des  bour- 
ses séreuses,  etc.  —  Le  rhumatisme  peut 
même  affecter  exclusivement  ces  dernières 
localisations. 

XIII.  Récidives  très-fréquentes  dans  le 
cours  de  blennorrhaffies  successives. 


RHUMATISME    SIMPLE  : 

I.  Aucune  relation  étiologique  avec  l'é- 
tat de  l'urèthre. 

Causes  habituelles  :  influence  du  froid, 
hérédité,  diathèse  rhumatismale,  etc. 

II.  Commun  chez  la  femme,  bien  que 
moins  fréquent  que  chez  l'homme. 

III.  Phénomènes  réactionnels  du  rhuma- 
tisme aigu  beaucoup  plus  intenses  et  plus 
prolongés  que  ceux  du  rhumatisme  blen- 
norrhagique  . 

IV.  Symptômes  le  plus  souvent  étendus  à 
un  grand  nombre  de  jointures,  parfois 
même  occupant  la  presque  totalité  des  arti- 
culations. 

V.  Symptômes  mobiles;  fluxions  ambu- 
lantes; délitescences  rapides;  migrations 
d'une  articulation  vers  une  autre. 


VI  Douleurs  toujours  assez  vives,  parfois 
très-intenses,  se  calmant  moins  rapidement 
que  celles  du  rhumatisme  blennorrbagique. 

VII.  Peu  ou  pas  de  tendance  à  l'hydar- 
throse  consécutive. 

VIII.  Dans  le  rhumatisme  aigu,  sueurs 
abondantes,  constituant  un  symptôme  pres- 
que essentiel  de  la  maladie. 

IX.  Urines  modifiées  d'une  façon  spé- 
ciale. 

X.  Sang  remarquablement  couenneux 
dans  l'attaque  aiguë  du  rhumatisme. 

XI.  Fréquence  des  complications  cardia- 
.ques  (endocardite,  péricardile). 

Xli.  Le  rhumatisme  aigu  ne  s'étend  guère 
qu'aux  synoviales  des  tendons.  Il  n'affecte  ni 
l'œil,  ni  les  bourses  séreuses,  comme  le 
rhumatisme  blennorrbagique. 


XIII.  Récidives  très-fréquentes,  mais  tou- 
jours indépendantes  de  l'état  de  l'urèthre. 


Division, 


ACCIDENTS    OCULAIRES. 

La  dénomination  commune  tToplitlialmie  blennorrhagique 


240  BLENNORRHAGŒ.  —  opiithalmie  de  contagion. 

rapproche  deux  maladies  que  distancent  et  séparent  des  différences  radi- 
cales. 

Ces  deux  maladies  ne  sont  ni  des  degrés,  ni  des  formes  d'un  même 
état  morbide;  ce  sont  deux  affections  à  part,  deux  types  pathologiques 
distincts  à  tous  égards,  et  n'ayant  de  commun  que  la  dénomination  gé- 
nérique qui  en  entretient  la  confusion. 

Dans  un  cas,  c'est  un  malade  qui,  affecté  ou  non  affecté  de  blennorrha- 
gie, s'inocule  accidentellement  à  l'œil  la  matière  gonorrhéique.  Survient 
aussitôt  une  opiithalmie  formidable,  avec  l'ensemble  des  symptômes  pro- 
pres aux  ophthalmics  purulentes  les  plus  graves.  En  quelques  jours  l'œil 
est  menacé,  souvent  même  perdu  ;  dans  les  cas  les  plus  heureux,  la 
guérison  est  rarement  complète.  —  D'ailleurs,  aucun  autre  phénomène, 
aucun  accident  ne  s'ajoute  aux  symptômes  oculaires;  les  articulations 
notamment  restent  absolument  étrangères  à  la  maladie. 

Dans  l'autre  cas,  la  scène  est  tout  autre.  C'est  dans  le  cours  d'une  blen- 
norrlingie  et  toujours  coincidemment  avec  une  blennorrhagie,  laquelle 
ici  est  constante  et  nécessaire,  que  tout  à  coup,  sans  cause  occasion- 
nelle, sans  contact  suspect,  se  développe  une  ophtbalmie  d'allure  toute 
spéciale.  Il  se  fait  vers  les  yeux  une  fluxion  inflammatoire  plus  ou  moins 
vive,  mais  toujours  très-bénigne  relativement  à  la  forme  précédente, 
souvent  mobile  et  se  déplaçant  d'un  œil  à  l'autre,  aboutissant  presque 
invariablement  à  une  guérison  complète.  De  plus,  comme  trait  caracté- 
ristique, cette  opiithalmie  coïncide  le  plus  souvent  avec  des  gonflements 
articulaires  ou  avec  quelques-unes  des  manifestations  propres  au  rhu- 
matisme blennorrhagique. 

Quel  contraste,  quelles  oppositions  entre  ces  deux  types  morbides  !  Com- 
ment concevoir  qu'ils  aient  pu  si  longtemps  être  confondus?  Comment 
admettre  que  certains  auteurs  s'obstinent  encore  à  ne  pas  les  distinguer? 

L'étude  comparée  de  ces  deux  affections  va  nous  montrer  les  diffé- 
rences profondes  qui  les  séparent. 

I.  Opiigiialmle  «le  contagion.  —  C'est  la  plus  anciennement  con- 
nue. C'est  à  elle  que  se  rapportent  la  plupart  des  observations  ou  des 
descriptions  portant  le  titre  d' ophthalmie  vénérienne,  à"* opiithalmie  blen- 
norrhagique, de  blennorrhagie  oculaire,  de  blennophthalmie,  etc. 

Au  dire  du  savant  Astruc,  ce  fut  Charles  de  Saint-Yves,  «  chirurgien 
oculiste  fort  expert,  qui  le  premier  la  décrivit  dans  son  Traité  des  ma- 
ladies des  rjeux,  imprimé  à  Paris  en  1702.  »  Depuis  cette  époque  elle  a  été 
l'objet  d'une  foule  de  travaux  et  de  mémoires,  pour  l'indication  desquels 
nous  renvoyons  le  lecteur  à  la  Bibliographie  de  l'article  Ophthalmie. 

Cette  affection  n'est  pas,  à  vrai  dire,  un  accident  de  la  blennorrhagie 
puisqu'elle  peut  se  produire,  comme  nous  le  verrons  bientôt,  en  dehors 
de  la  blennorrhagie,  sur  des  sujets  sains  et  indemnes  de  tout  écoulement 
uréthral.  Nous  ne  la  décrirons  donc  ici  que  succinctement,  pour  montrer 
les  différences  qui  la  séparent  de  la  véritable  ophthalmie  blennorrhagique.. 
celle  dont  nous  tracerons  l'histoire  en  second  lieu. 

Causes,  pathogénie.  —  I.  La  pathogénie  de  cette  affection  a  été  très- 


BLENNORRHAGIE*  —  ophthalmie  de  costacion.  241 

diversement  interprétée  par  les  pathologistes  qui  en  ont  attribué  le  dévelop- 
pement soit  à  une  métastase  se  produisant  de  l'urèthre  à  l'œil,  soit  à  une 
sympathie  reliant  ces  deux  organes,  soit  à  une  sorte  d'état  constitutionnel 
ou  d'infection  blennorrhagique,  soit  enfin  à  une  simple  cause  accidentelle, 
une  inoculation,  une  contagion. 

L'idée  première  fut  que  les  accidents  oculaires  étaient  produits  par  une 
métastase  de  l'urèthre  sur  les  yeux.  Cette  doctrine,  qui  lut  longtemps  en 
faveur,  n'a  plus  guère  aujourd'hui  qu'un  intérêt  historique.  L'observation 
en  effet  a  démontré  d'une  façon  péremptoire  que,  loin  de  disparaître  de 
l'urèthre  au  moment  où  l'œil  se  prend,  l'écoulement  y  persiste  en  général 
sans  modification.  Si,  dans  quelques  cas,  d'ailleurs  assez  rares,  il  subit 
une  diminution  légère,  ce  fait  ne  peut  être  attribué  qu'à  cette  sorte  d'in- 
tluence  révulsive  ou  dérivative  qu'exerce  parfois  une  complication  inter- 
currente sur  un  état  morbide  préexistant.  Il  n'y  a  donc  là  rien  qui  puisse 
être  considéré  comme  une  métastase.     . 

Avec  moins  déraison  encore,  certains  auteurs  ont  fait  de  l'ophthalmie 
le  résultat  d'un  rapport  sympathique  entre  l'œil  et  l'urèthre,  rapport 
qu'ils  expliquaient  par  une  certaine  analogie  de  texture.  Aussi  hypothé- 
tique que  bizarre,  cette  doctrine  n'a  pas  môme  l'avantage  de  s'accommo- 
der aux  faits  qu'elle  prétend  expliquer.  A  supposer  en  effet  que  cette 
sympathie  mystérieuse  existât,  l'ophthalmie  devrait  être  fréquente,  affec- 
ter les  deux  yeux,  se  développer  à  propos  des  maladies  si  nombreuses  et 
si  variées  dont  l'urèthre  est  le  siège,  etc.  Or,  bien  inversement,  elle  est 
fort  rare,  elle  se  limite  à  un  œil,  elle  ne  se  produit  ni  à  la  suite  des  ré- 
trécissements, ni  à  propos  du  cathétérisme,  de  l'uréthrotomie,  des  bles- 
sures et  des  lésions  du  canal  ;  elle  se  développe  même  fréquemment  chez 
des  sujets  qui  ne  présentent  ni  blennorrhagie  ni  affection  quelconque  de 
l'urèthre,  etc. 

Une  autre  doctrine  considère  l'ophthalmie  comme  le  symptôme  d'une 
infection,  d'un  état  général,  d'une  sorte  de  lues  blennorrhagique,  au 
même  titre  par  exemple  que  la  plaque  muqueuse  est  l'expression  de  la 
diathèse  syphilitique.  Cette  doctrine  n'est  pas  plus  soutcnable  que  les 
deux  précédentes.  Comment  accepter,  en  effet,  comme  manifestation  d'un 
état  diathésique  une  affection  dont  le  développement  est  tout  à  fait 
exceptionnel,  qui  n'a  rien  de  régulier  dans  son  apparition ,  qui  même 
peut  se  produire  sur  des  sujets  indemnes  de  blennorrhagie,  etc.? 

Seule,  la  contagion  peut  expliquer  et  suffit  à  expliquer  l'ophthalmie 
blennorrhagique.  1°  Tout  d'abord,  en  effet,  l'influence  de  cette  cause  est  dé- 
montrée par  des  faits  aussi  nombreux  que  précis.  Des  observations  très- 
explicites  permettent  de  suivre  la  pathogénie  des  accidents  et  de  surprendre 
pour  ainsi  dire  la  contagion  au  passage.  Ici,  c'est  un  malade  qui  contracte 
l'ophthalmie  pour  s'être  touché  l'œil  avec  ses  doigts  imprégnés  de  pus; 
là,  c'est  un  sujet  indemne  de  blennorrhagie  qui  prend  le  mal  pour  s'être 
lavé  les  yeux  avec  l'urine  d'un  camarade  affecté  de  chaude-pisse  ;  ailleurs 
encore  c'est  un  médecin  qui  reçoit  dans  l'œil  une  goutte  de  pus  uréthral, 
et  chez  lequel  éclate  presque  aussitôt  une  ophthalmie  formidable,  etc.... 

NOUV    DICT.   HÉD.  ET   Cllltt.  V.  16 


242  BLEXNORRHAGÏE.  —  ophthalmie  de  contagion. 

Les  faits  de  ce  genre  fourmillent  dans  les  recueils  d'oculistique  ou  dans 
les  traités  spéciaux.  Il  serait  donc  inutile  d'apporter  ici  de  nouveaux  té- 
moignages «à  l'appui  de  cette  doctrine.  — Relatons  simplement,  en  raison 
de  sa  singularité,  l'observation  suivante  due  à  Cullerier.  «  Un  malade 
était  entré  dans  mes  salles  pour  une  blennorrhagie.  Il  avait  un  œil  d'é- 
mail; un  de  ses  yeux,  en  effet,  avait  été  perdu  dans  son  tout  jeune  âge, 
je  ne  sais  par  suite  de  quelle  affection;  il  ôtait  cet  œil  artificiel  chaque 
soir  et  le  mettait  dans  un  verre  d'eau  qui  lui  servait  à  laver  sa  verge.  Tout 
à  coup,  il  est  pris  d'une  inflammation  très-intense  du  moignon  de  son 
œil  et  de  toute  la  membrane  qui  tapissait  l'orbite,  avec  écoulement  jaune 
verdàtre  et  douleurs  affreuses.  On  en  cherchait  la  cause,  quand  il  nous 
donna  les  renseignements  précédents.  Ce  fait  m'ayant  frappé,  j'en  parlai 
à  M.  Ricord  qui  me  dit  en  avoir  observé  un  semblable.  » 

Du  reste,  l'expérience  directe  a  été  faite.  Le  pus  blennorrhagique  a  été 
porté  sur  l'œil  des  centaines  de  fois  dans  le  traitement  du  pannus  {voij.  ce 
mot),  et  l'on  sait  que  le  résultat  de  cette  inoculation  est  de  développer 
une  phiegmasie  purulente  des  plus  intenses,  tout  à  fait  semblable  ta  l'oph- 
thalmie  spontanée  que  nous  allons  décrire. 

2°  La  contagion  est  donc  réelle,  incontestable.  Mais  suflit-elle  à  expli- 
quer la  maladie  dans  tous  les  cas  ?  Je  le  crois,  et  voici  sur  quelles  raisons 
ma  conviction  se  fonde. 

D'une  part,  une  investigation  minutieuse  permet  le  plus  souvent  (quel- 
ques auteurs  disent  toujours)  de  retrouver  comme  origine  des  accidents 
oculaires  un  contact  suspect,  une  inoculation.  Pour  ne  citer  qu'une  seule 
statistique,  sur  84  cas  de  conjonctivite  purulente,  Florent  Cunier  a  pu 
47  fois  assigner  comme  cause  à  la  maladie  une  contagion  directe.  Cette 
proportion  (plus  d'une  fois  sur  deux)  est  énorme  ;  elle  me  semble  tout  à 
fait  démonstrative,  si  surtout  on  réfléchit  à  ceci  que  le  transport  du  pus 
à  l'œil  se  fait  le  plus  habituellement  par  les  doigts,  et  que  l'inoculation 
résulte  ainsi  d'un  contact  rapide,  instantané,  inconscient,  dont  il  est  sur- 
prenant même  que  les  malades  gardent  le  souvenir. 

D'autre  part,  si  l'on  analyse  avec  soin  les  observations  données  comme 
exemples  d' ophthalmie  blennorrhagique  développée  en  dehors  de  tout 
contact  suspect,  on  arrive  facilement  à  reconnaître  :  1°  que  dans  la  plu- 
part de  ces  faits  la  contagion  n'a  en  réalité  joué  aucun  rôle,  qu'elle  est 
restée  complètement  étrangère  au  développement  des  accidents  ;  2°  mais 
que  dans  la  grande  majorité  de  ces  cas,  les  malades,  au  lieu  d'être  affec- 
tés, comme  on  le  prétend,  de  véritables  ophthalmies  purulentes,  étaient 
atteints  d'une  maladie  tout  autre  que  nous  décrirons  bientôt  sous  le  nom 
d'ophthalmie  métastatique  ou  rhumatismale. 

Enfin,  il  est  à  remarquer  que  chez  les  sujets  soigneux  de  leur  personne 
et  observant  une  propreté  minutieuse,  l'ophthalmie  est,  non  pas  rare, 
mais  tout  à  fait  exceptionnelle.  Ainsi,  je  n'en  ai  observé  qu'un  seul  cas 
en  plusieurs  années  sur  les  malades  de  ma  clientèle  soigneusement  avertis 
par  moi  des  dangers  de  la  contagion.  La  maladie  diminuerait-elle  ainsi 
de  fréquence  sous  l'influence  de  simples  soins  d'hygiène,  si,  au  lieu  d'être 


BLENNORHIIAGIE.  —  ckphthalmie  de  contagion.  243 

îe  résultat  d'une  cause  accidentelle,  elle  dépendait  de  quelque  disposition 
interne,  d'une  infection,  d'une  sympathie  ou  d'une  métastase? 

II.  Cette  redoutable  complication  de  la  blennorrhagie  est  heureuse- 
ment fort  rare.  Sur  les  milliers  de  malades  qui  se  pressent  aux  consul- 
tations de  l'hôpital  du  Midi,  on  nen  observe  guère  plus  de  trois  ou  quatre 
cas  par  année.  (Ricord.) 

Elle  est  beaucoup  plus  rare  encore  chez  la  femme  que  chez  l'homme. 
«  A  l'hôpital  de  Lourcine,  où  les  vaginites  blcnnorrhagiques  sont  com- 
munes, on  ne  l'observe  que  très-exceptionnellement.  Nous  y  avons  du 
moins  passé  l'un  et  l'autre  plusieurs  années  sans  en  rencontrer  un  seul 
exemple.  Peut-être  faut-il  attribuer  ce  fait  à  ce  que  les  femmes  portent 
moins  souvent  les  mains  sur  les  organes  génitaux.  »  (Denonvilliers  et 
Gosselin.)  —  «  Ce  n'est  qu'avec  la  blennorrhagie  uréthrale,  dit  Ricord, 
qu'il  m'a  été  donné  d'observer  Toplithalmie  blennorrhagique  de  conta- 
gion, l'ophtiialimc  rhumatismale  et  le  rhumatisme  blennorrhagique.  Dans 
une  pratique  de  plus  de  trente  années,  soit  à  l'hôpital,  soit  en  ville,  je 
n'ai  jamais  rencontré  une  seule  exception  à  cette  règle  chez  l'homme  ou 
chez  la  femme.  Or,  la  blennorrhagie  uréthrale  étant  relativement  plus  rare 
chez  les  femmes  que  chez  les  hommes,  on  comprend  que  les  accidents  ou 
les  complications  qui  peuvent  en  dériver  se  présentent  chez  elles  avec 
une  moindre  fréquence.  » 

Enfin,  d'après  quelques  observateurs,  cette  ophthalinie  affecterait  plus 
souvent  l'œil  droit  que  le  gauche  (8  fois  sur  10,  Pénangucr),  remarque 
qui  n'est  pas  sans  quelque  intérêt.  «  Instinctivement,  c'c>(  la  main  droite 
qui  se  porte  à  l'œil  droit,  et  la  gauche  à  l'œil  gauche;  or  la  droite,  en 
raison  de  ses  rapports  plus  fréquents  avec  les  organes  génitaux,  a  plus 
d'occasions  d'être  souillée  par  le  pus  blennorrhagique  ;  c'est  donc  l'œil 
droit  qui  doit  être  le  plus  ordinairement  contagionné  et  qui  l'est  en 
effet.  »  (Pénangucr.) 

Sym))tômes.  —  Les  symptômes  sont  ceux  des  ophthalmies  purulentes 
les  plus  graves.  Comme  ils  doivent  être  décrits  en  détail  dans  un  autre 
article  de  cet  ouvrage  (voy.  Ophthalmie),  nous  ne  ferons  que  les  résumer 
ici  succinctement  : 

Explosion  brusque  do  symptômes  d'une  haute  gravité;  chaleur,  cuisson 
\ive  au  début;  injection  rapide  et  intense  de  la  conjonctive  oculo-palpé- 
brale,  laquelle  prend  une  couleur  d'un  rouge  cramoisi;  larmoiement; 
sécrétion  très-abondante  d'un  liquide  d'abord  séro-purulent,  puis  puru- 
lent, crémeux,  vcrdàtre,  tout  à  fait  analogue  au  pus  blennorrhagique 
uréthral  ;  œdème  et  rougeur  érysipélateuse  des  paupières  qui  se  tumé- 
fient extraordinairement  et  s'imbriquent,  la  supérieure  chevauchant  sur 
l'inférieure;  spasme  de  l'orbiculaire  et  rétention  du  pus  sous  les  poches 
palpébrales  ;  chémosis  encadrant  et  étranglant  la  cornée;  douleurs  orbi- 
taires  etpéri-orbitaires,  s'irradiant  en  divers  sens,  très-vives  généralement 
et  atteignant  parfois  une  violence  excessive  ;  —  consécutivement,  cornée 
devenant  opaline  par  suffusion  purulente  interlamellaire,  se  ramollissant, 
s'ulcérant;  de  là,  perforation  de  cette  membrane,  évacuation  de  l'humeur 


244 

vitrée,  hernie  de  l'iris,  etc.;  d'autres  fois,  la  cornée  se  boursoufle  en 
forme  de  staphylome,  ou  bien  se  sphacèle  en  totalité  et  se  détache  de 
l'œil  à  la  façon  d'un  verre  de  montre  ;  le  globe  oculaire  se  vide  alors  en 
totalité.  —  Comme  phénomènes  généraux  :  fièvre  modérée,  devenant  in- 
tense dans  les  cas  de  fonte  purulente  de  l'œil  ;  et  surtout,  insomnie,  agi- 
tation, inquiétudes,  état  nerveux;  parfois  mémo,  d'après  quelques  méde- 
cins, hébétude  et  stupeur. 

De  plus,  ce  qui  est  très-remarquable  dans  cette  maladie,  c'est  la  rapi- 
dité avec  laquelle  les  phénomènes  inflammatoires  atteignent  un  haut 
degré  d'intensité.  Souvent,  c'est  fait  de  l'œil  en  trois,  quatre  ou  cinq 
jours;  on  cite  même  des  cas  où  il  fut  sérieusement  compromis  après  huit 
ou  douze  heures  seulement. 

Pronostic.  —  Aussi,  le  pronostic  est-il  des  plus  graves.  Sans  l'inter- 
vention de  l'art,  l'œil  est  fatalement  perdu;  si  peu  même  que  cette  in- 
tervention soit  tardive  ou  insuflisante,  des  lésions  irrémédiables  sont  à 
redouter.  Lawrence  a  vu  l'œil  se  vider  neuf  fois  sur  quatorze  ;  Swediaur 
cite  trois  cas  terminés  tous  trois  par  cécité,  etc..  La  guérison  est  ra- 
rement complète  ;  même  dans  les  cas  heureux,  la  maladie  laisse  souvent 
à  sa  suite  des  désordres  plus  ou  moins  nuisibles  à  l'exercice  de  la  vision: 
taches  cornéales,  hernies  de  l'iris,  hypopyon,  etc.  — Fort  heureusement, 
comme  nous  l'avons  dit,  cette  affection  si  redoutable  n'affecte  qu'un  seul 
cil  dans  la  grande  majorité  des  cas.  De  plus,  simple  résultat  d'une  con- 
tagion tout  accidentelle,  elle  n'offre  nécessairement  aucune  tendance  à  la 
récidive  dans  le  cours  des  blennorrhagies  que  peut  contracter  le  ma- 
lade ultérieurement.  A  ce  double  point  de  vue,  elle  diffère  donc  essen- 
tiellement de  l'ophtlialmie  dite  rhumatismale  que  nous  allons  décrire 
bientôt. 

Quelques  auteurs  ont  cru  remarquer  «  que  l'ophtlialmie  est  bien  plus 
grave  et  plus  rapide  dans  les  cas  où  elle  tient  à  l'inoculation  du  pus  d'une 
blennorrhagie  aiguë  que  dans  ceux  où  elle  reconnaît  pour  cause  une  go- 
;orrbée  parvenue  à  sa  période  de  déclin.»  Ce  serait  là  un  rapport  curieux 
entre  les  qualités  et  les  effets  du  pus  urétliral.  Bornons-nous  à  signaler 
ce  fait,  encore  très-incertain,  pour  appeler  sur  lui  l'attention  des  obser- 
vateurs. 

Traitement.  —  «  Le  premier  principe  à  poser  dans  le  traitement,  c'est 
la  rapidité  et  Vénergie  dans  les  moyens  à  employer.  Ici  le  tâtonnement  et 
l'incertitude  sont  suivis  le  plus  souvent  de  la  perte  des  yeux.  »  (Ricord.) 

La  médication  est  celle  des  ophthalmics  purulentes  graves  (voy.  ce 
mot)  :  cautérisations  répétées  de  la  conjonctive  ocuio-palpébrale,  avec  le 
crayon  de  nitrate  d'argent;  c'est  là  le  remède  par  excellence,  et  il  faut  y 
recourir  «  presque  avec  barbarie  »  pour  sauver  l'œil  malade;  —  lavages 
et  injections,  renouvelés  aussi  souvent  que  possible,  et  mieux  encore 
douches  oculaires,  d'après  la  méthode  de  Cbassaignac  ;  —  fomentations 
émollientes  ;  —  onctions  belladonées  autour  de  l'orbite  :  — émission* 
sanguines  locales  abondantes  et  répétées; —  débridement  ou  excision  du 
chémosis;  —  révulsion  intestinale  par  les  purgatifs,  etc.;  —  et   surtout 


BLENNORRHAGiE.  —  ophthalmie  rhumatismale.  2i5 

préserver  l'œil  sain  des  liquides  qui    s'écoulent  en  abondance  de  L'œil 
malade. 

Est-il  besoin  de  signaler  en  terminant  l'inefficacité  de  certaines  médi- 
cations empiriques  ou  théoriques  qui  n'ont  eu  que  trop  de  faveur  :  anii- 
blennorrhagiques  (cubèbe,  copahu,  etc.);  antisyphilitiques  et  spéciale- 
ment mercuriaux,  lesquels  n'exercent  absolument  aucune  action  sur  la 
maladie  ;  révulsion  uréthrale  (bougies,  inoculation),  que  l'on  cherchait  à 
provoquer  autrefois  dans  le  but  de  détourner  le  mal  des  yeux  en  le  rap- 
pelant sur  le  canal,  etc.?  Toutes  ces  méthodes  sont  réprouvées  par  l'ex- 
périence ;  elles  sont  non-seulement  inutiles,  mais  dangereuses,  en  ce 
qu'elles  font  négliger  ou  différer  l'emploi  des  seuls  moyens  véritablement 
curatifs. 

IL  Oplitflialmie  rhumatismale.  —  Observée  depuis  longtemps, 
cette  ophthalmie  avait  été  confondue  avec  la  précédente  dont  elle  était  con- 
sidérée comme  une  forme  atténuée  ou  bénigne.  Abernethy  paraît  avoir 
saisi  le  premier  les  différences  qui  la  caractérisent.  Mackensie  la  décrivit 
séparément  sous  le  nom  d'ophthalmie  par  métastase  et  d'iritis  gonor- 
rhéique.  Mais  ce  fut  surtout  l'enseignement  de  Ricord  qui  contribua  à 
préciser  les  caractères  de  la  maladie  et  à  la  différencier  de  l'ophthalmie  de 
contagion.  Les  auteurs  qui,  plus  récemment,  ont  écrit  sur  ce  sujet,  n'ont 
guère  fait  que  reproduire  les  idées  de  ce  maître,  en  les  confirmant  sur  la 
plupart  des  points  importants  ;  peut-être  même  certains  d'entre  eux  out- 
ils trop  oublié  la  source  où  ils  avaient  puisé  leurs  inspirations  et  les  él  - 
ments  de  leurs  travaux  ultérieurs. 

Synonymie.  —  Cette  maladie  a  reçu  plusieurs  dénominations  :  ophthal- 
mie irritative,  ophthalmie  de  métastase,  de  cause  interne  ;  ophthalmie 
sympathique,  catarrho-rluunatismale,  rhumatismale,  etc.  Cette  dernière 
désignation  me  paraît  préférable  à  toute  autre  pour  cette  double  raison  que 
les  symptômes  oculaires  coïncident  le  plus  habituellement  avec  des  ma- 
nifestations diverses  du  rhumatisme  blennorrhagiquc  et  qu'ils  rappellent 
souvent  par  leurs  caractères  l'allure  et  la  marche  des  phlegmasics  rhuma- 
tismales. 

Fréquence.  —  Ce  n'est  pas  une  complication  fréquente  de  la  blennor- 
rhagie.  Ainsi  je  n'en  ai  constaté  que  dix  cas  pendant  l'année  1856,  dans 
les  salles  du  Midi. 

Toujours  est-il  que  cette  forme  d'ophthalmie  est  bien  plus  fréquente 
que  P ophthalmie  de  contagion,  et  cela  dans  un  rapport  de  14  à  1,  d'a- 
près mes  statistiques. 

Causes.  —  Les  causes  communes  des  ophthalmies  inflammatoires  ou 
catarrhales  (refroidissement,  fatigues  de  la  vue,  etc.)  ne  jouent  ici 
presque  aucun  rôle.  Presque  toujours  la  maladie  se  produit  sans  le  con- 
cours d'aucune  provocation  accidentelle. 

La  contagion  notamment,  insistons  sur  ce  point,  est  tout  à  fait  étran- 
gère au  développement  de  l'affection.  Dans  aucun  cas,  il  n'a  été  noté  que 
cette  ophthalmie  se  fût  produite  à  la  suite  d'un  contact  suspect,  d'une 
contamination  de  l'œil  par  le  pus  uréthral.  Dans  les  expériences  d'inocu- 


246  BLENNORRHAGIE.  —  ©pmthalmie  rhumatismale. 

lation,  ce  n'est  jamais  cette  forme  de  phlegmasie  qui  a  été  observée.  Du 
reste,  comment  concevoir  que  la  maladie  puisse  reconnaître  pour  ori- 
gine une  cause  toute  locale,  tout  accidentelle,  alors  que  nous  la  voyons 
se  porter  d'un  œil  à  l'autre  pour  revenir  parfois  sur  le  premier,  alter- 
ner avec  des  fluxions  rhumatismales,  se  reproduire  deux,  trois  et  quatre 
fois  de  suite,  à  propos  de  blennorrhagies  successives,  sur  des  sujets  dû- 
ment avertis  par  expérience  des  dangers  de  la  contagion? 

Deux  conditions  dominent  ici  l'étiologic  : 

1°  L'existence  d'une  blennorrhagie  uréthrale.  Sans  blennorrliagie,  pas 
cïophthalmie  rhumatismale.  Nous  avons  vu  qu'inversement  l'ophthalmie 
de  contagion  peut  se  produire  sur  des  sujets  non  affectés  d'écoulement 
uréthral.  C'est  donc  là  une  différence  radicale  entre  ces  deux  affections, 
au  point  de  vue  de  leur  pathogénie  et  de  leur  nature. 

2°  Une  prédisposition  individuelle,  inconnue  dans  sa  nature,  mais 
très-réelle  et  très-appréciable  dans  ses  effets.  Cette  prédisposition  est 
telle  que  l'ophtlialmie  se  produit  presque  fatalement  chez  certaines  per- 
sonnes à  propos  de  chaque  blennorrhagie  nouvelle.  Lorsque  la  maladie 
s'est  développée  une  première  fois  chez  un  sujet,  on  peut  être  facilement 
prophète  en  annonçant  qu'elle  se  reproduira  avec  un  second,  avec  un 
troisième  écoulement.  J'ai  observé  bien  des  faits  de  ce  genre  où  mes 
prévisions  se  sont  presque  toujours  réalisées. 

Comment  expliquer  cette  prédisposition  singulière?  Existe-t-il  des 
conditions  d'âge,  de  sexe,  de  tempérament,  d'hérédité,  qui  puissent 
nous  en  révéler  le  secret?  Sur  ces  divers  points  rien  de  satisfaisant  ne 
peut  encore  être  déduit  des  observations  contenues  dans  la  science.  Le 
peu  que  nous  sachions  se  borne  à  ceci  :  la  maladie  est  in  Uniment  plus 
commune  chez  l'homme  que  chez  la  femme  ;  —  elle  atteint  de  préférence, 
mais  non  exclusivement,  les  sujets  lymphatiques,  blonds  et  dartreux;  — 
parfois  encore,  d'après  Ricord,  elle  a  paru  favorisée  dans  son  développe- 
ment par  des  antécédents  rhumatismaux  ou  goutteux. 

Symptômes.  —  La  maladie  affecte  des  formes  assez  variées  qu'il  me  pa- 
raît facile  néanmoins  de  rattacher  à  trois  types  pathologiques.  Tantôt  ce 
que  l'on  observe  est  un  ensemble  de  symptômes  que  la  plupart  des  pa- 
thologistes  ont  rapportés  à  tort  ou  à  raison  à  l'inflammation  de  la  mem- 
brane de  Descemet  ;  tantôt  l'on  a  affaire  à  une  iritis  véritable  ;  tantôt 
enfin  les  phénomènes  se  limitent  à  la  conjonctive  oculo-palpébrale. 

1°  Inflammation  de  la  membrane  de  Descemet  (aquo-capsulite) .  — 
Cette  forme,  la  plus  commune,  se  caractérise  ainsi  :  injection  légère  ou 
moyenne  de  la  conjonctive;  cornée  intacte,  transparente,  paraissant 
comme  un  peu  bombée  en  avant  et  plus  brillante  qu'à  l'état  normal; 
aspect  nnaffeux  et  comme  enfumé  de  la  chambre  antérieure,  signe  le  plus 
frappant  et  le  plus  caractéristique,  dû  vraisemblablement  à  ce  que  l'hu- 
meur aqueuse  est  troublée  par  des  sécrétions  morbides  ;  vue  légèrement 
confuse,  les  objets  paraissant  vagues  et  comme  enveloppés  d'un  nuage  ; 
indolence  absolue,  ou  parfois  sensation  de  gêne,  de  plénitude  dans  l'œil; 
photophobie  rare,  toujours  légère.  —  En  quelques  cas,  dépôts  lloconneux 


BLENNORRIIAGIE.  —  ophthalmie  rhumatismale.  247 

à  la  face  postérieure  de  la  cornée,  etépanchement  d'un  peu  de  sang  dans 
la  chambre  antérieure.  (Cullerier.)  —  Du  reste,  iris  sain;  pupille  parfois 
un  peu  étroite  et  paresseuse,  mais  non  déformée. 

Quelques  auteurs,  Rollet  entre  autres,  ne  voient  dans  cet  ensemble  de 
symptômes  qu'une  iritis.  C'est  là  une  erreur  ;  car,  ainsi  que  le  fait  remar- 
quer judicieusement  Cullerier,  ce  qui  pourrait  donner  le  change  pour 
une  inflammation  de  l'iris,  n'est  qu'une  lésion  de  voisinage.  «  La  vraie 
lésion  siège  dans  la  membrane  de  Descernet,  c'est  un  aquo-capsulite... 
Ce  ne  peut  être  une  iritis  simple  et  franche  puisqu'il  n'y  a  pas  de  défor- 
mation dans  la  pupille,  ni  de  changement  de  coloration  de  l'iris,  ni  d'é- 
panchement  plastique  à  sa  surface,  ni  de  cercle  radié  sclérotical.  La  seule 
chose  qui  plaiderait  un  peu  en  faveur  de  l'iritis,  c'est  le  petit  dépôt  flo- 
conneux que  j'ai  signalé  dans  la  chambre  antérieure  ;  mais  vous  savez 
qu'il  n'existe  qu'à  la  face  interne  de  la  cornée  et  que  l'iris  n'en  présente 
aucune  trace.  —  Ce  n'est  pas  non  plus  une  kératite,  car  on  n'observe 
aucune  ulcération;  la  photophobie,  au  lieu  d'être  très-forte,  est  à  peine 
marquée,  et  la  cornée,  vue  de  profil,  est  transparente  dans  toute  son 
épaisseur.  »  (Cullerier.) 

2"  Iritis.  —  Cette  forme  s'observe  un  peu  moins  fréquemment  que  la 
précédente.  Les  symptômes  qui  la  caractérisent  ne  diffèrent  guère  de  ceux 
de  l'iritis  simple.  Ce  sont  :  rougeur  de  la  conjonctive,  avec  injection  radiée 
péri-cornéale  ;  cornée  intacte  ;  ouverture  pupillaire  resserrée,  irrégulière, 
inégale,  déformée  en  un  mot  ;  mouvements  de  l'iris  paresseux,  incom- 
plets ou  abolis  ;  modifications  dans  la  couleur  de  cette  membrane  ; 
trouble  plus  ou  moins  marqué  du  champ  pupillaire,  qui  semble  obscurci 
par  un  nuage  et  comme  enfumé  ;  dépôts  plastiques  dans  la  chambre  an- 
térieure, plus  abondants,  d'après  Mackensie,  que  dans  toute  autre  iritis  ; 
de  là  obscurcissement  très-notable  de  la  vision  ;  photophobie  ;  larmoie- 
ment ;  douleurs  oculaires  et  péri-orbitaires,  etc. 

5°  Conjonctivite,  —  Cette  forme  n'a  pas,  que  je  sache,  été  décrite  jus- 
qu'à ce  jour.  Bien  que  plus  rare  que  les  précédentes,  elle  s'est  présentée 
plusieurs  fois  à  mon  observation. 

C'est  une  conjonctivite  simple,  sans  association  d'iritis  ou  d'aquo-cap- 
sulite.  Ce  que  l'on  constate  se  borne  à  ceci  :  injection  de  la  conjonctive, 
soit  générale  et  uniforme,  soit  plus  vive  en  certains  points  qui  forment 
comme  des  îlots  de  vascularisation  ;  sécrétion  peu  abondante  d'un  mucus 
catarrhal,  qui  se  dépose  dans  le  grand  angle  de  l'œil  ou  dans  le  cul-de- 
sac  de  la  paupière  inférieure;  peu  ou  pas  de  larmoiement;  léger  prurit 
oculaire,  et  parfois  même,  dans  les  cas  les  plus  simples,  indolence  abso- 
lue; pas  de  photophobie  ;  aucune  altération  de  la  vision.  —  Comme  phé- 
nomènes négatifs,  notons  encore  l'absence  de  cercle  radié  péri-cornéal, 
l'intégrité  de  la  cornée,  de  l'iris  et  de  la  chambre  antérieure,  la  conser- 
vation des  mouvements  de  la  pupille,  etc..  Tous  les  symptômes  en  un 
mot  se  limitent  à  la  conjonctive. 

J'ai  même  observé  certains  cas  où  l'injection,  peu  marquée  sur  la  mu- 
queuse oculaire,  se  concentrait  sur  la  conjonctive  palpébrale  et  la  caron- 


218  BLENNORRHAGiE.  —  ophthalmie  rhumatismale. 

cule,  en  prenant  sur  ces  points  un  assez  haut  degré  d'intensité.  De  là 
résultait  un  aspect  assez  bizarre  de  l'œil  dont  l'ouverture  semblait  enca- 
drée d'un  liséré  rouge  ou  purpurin,  constitué  par  le  rebord  un  peu  sail- 
lant de  la  conjonctive  des  paupières. 

Cette  troisième  forme  se  distingue  évidemment  des  deux  précédentes 
soit  par  les  symptômes  qui  lui  sont  propres,  soit  par  l'absence  de  ceux 
qui  caractérisent  l'iritis  et  l'inflammation  de  la  membrane  de  Descemet. 
11  serait  superflu  d'insister  sur  un  diagnostic  différentiel  dont  les  élé- 
ments ressortent  de  la  simple  inspection  des  parties  malades. 

Dans  les  cas  où  il  m'a  été  donné  d'observer  cette  forme  d'ophtbalmie, 
il  ne  pouvait  rester  de  doutes  sur  sa  relation  pathogénique  avec  l'écoule- 
ment uréthral.  D'une  part,  en  effet,  l'affection  oculaire  coïncidait  avec 
des  artbropathies  d'origine  évidemment  blennorrhagique  ;  d'autre  part, 
elle  s'était  produite  sur  des  sujets  qui,  dans  le  cours  de  blennorrhagies 
antérieures,  avaient  été  affectés  d'ophthalmies  rhumatismales  ou  de  rhu- 
matismes ;  elle  affectait  de  plus  l'allure  et  la  marche  des  formes  plus  fré- 
quentes de  l'oplithalmie  sympathique;  dans  un  cas  enfin,  preuve  plus 
péremptoire  encore,  elle  s'était  développée  sur  l'œil  d'un  malade  dont 
l'autre  œil  était  simultanément  le  siège  d'une  iritis  de  même  nature. 

A  ce  titre  donc,  la  conjonctivite  oculo-palpébrale  me  paraît  consti- 
tuer une  troisième  forme  de  l'oplithalmie  rhumatismale  blennorrha- 
gique. 

Marche,  durée.  —  Nous  avons  vu  que  l'oplithalmie  de  contagion  est, 
en  général,  mono-oculaire  ;  inversement  l'oplithalmie  rhumatismale  af- 
fecte le  plus  souvent  les  deux  yeux.  Il  est  rare  qu'elle  se  borne  à  un  seul 
(trois  fois  sur  quatorze  dans  mes  statistiques)  ;  dans  ce  cas,  la  forme  que 
l'on  observe  est  presque  toujours  l'iritis. 

Les  deux  yeux  peuvent  être  pris  d'emblée,  simultanément.  Il  est  plus 
habituel  qu'un  seul  soit  affecté  d'abord  et  que  l'autre  ne  soit  envahi  que 
quelques  jours  plus  tard. 

La  marche  est  toujours  assez  aiguë.  En  quelques  jours,  l'inflammation 
acquiert  son  maximum  d'intensité  et  reste  stationnaire  un  certain  temps. 
Alors,  ou  bien  elle  décroît  insensiblement,  à  la  façon  d'une  phlegmasie 
simple  ;  ou  bien  elle  se  résout  avec  une  rapidité  singulière,  rappelant 
presque  la  délitescence  de  certaines  phlegmasies  rhumatismales. 

Aussi  la  durée  varie-t-elle  dans  des  limites  assez  étendues.  Dans  les 
cas  les  plus  légers,  la  maladie  cède  en  quelques  jours.  Le  plus  souvent 
elle  parcourt  ses  périodes  dans  l'espace  d'un  à  deux  ou  trois  septénaires. 
L'iritis  seule  se  prolonge  plusieurs  semaines  avant  d'entrer  en  résolution. 

Signalons  enfin  la  possibilité  de  récidives  dans  le  cours  d'une  même 
blennorrhagie.  Sur  l'un  de  mes  malades,  une  ophthalmie  double  s'était 
éteinte  ;  le  mois  suivant,  elle  reparut  dans  les  deux  yeux  avec  une  inten- 
sité pour  le  moins  égale. 

Terminaison,  pronostic.  —  Les  trois  formes  que  j'ai  décrites  ne  com- 
portent pas  le  même  pronostic.  La  conjonctivite  est  toujours  innocente  ; 
l'inflammation  de  la  membrane  de  Descemet  n'a  également  que  fort  peu 


BLENNORRHAGIE.  —  ©phthalmie  rhumatismale.  249 

de  gravité  ;  seule,  l'iritis  offre  un  danger  réel  par  les  lésions  qu'elle  peut 
laisser  à  sa  suite  (irrégularités  de  la  pupille,  adhérences,  troubles 
visuels). 

Toutefois,  tous  les  cas  dont  j'ai  été  témoin,  môme  les  plus  intenses, 
se  sont  terminés  très-heureusement.  Le  pronostic  de  l'oplithalmie  rhu- 
matismale blennorrhagique  me  semble  donc  favorable,  au  moins  d'après 
la  grande  majorité  des  faits  contenus  dans  la  science.  L'iritis  même,  dé- 
veloppée dans  ces  conditions  spéciales,  me  paraît  exempte  des  dangers 
qu'elle  comporte  sous  d'autres  formes  ;  ainsi  elle  ne  produit  jamais  ni 
condylomes,  ni  abcès  à  la  surface  de  l'iris;  elle  se  complique  moins  sou- 
vent de  lésions  consécutives. 

Coïncidence  de  l'oplithalmie  avec  le  rhumatisme.  —  Un  fait  des  plus 
curieux  et  qui  contribue  à  donner  à  la  maladie  une  physionomie  toute 
spéciale,  c'est  la  coïncidence  de  manifestations  rhumatismales  avec 
l'oplithalmie.  Presque  toujours,  en  effet,  des  manifestations  diverses  du 
rhumatisme  blennorrhagique  accompagnent  la  phlegmasie  oculaire.  Cette 
coïncidence  est  des  plus  caractéristiques  et  des  plus  intéressantes  ;  il  im- 
porte donc  de  l'étudier  en  détail. 

Or,  voici  ce  que  m'a  fourni  à  ce  point  de  vue  l'analyse  d'un  grand 
nombre  d'observations  soit  personnelles,  soit  empruntées  à  divers  auteurs. 

1°  Dans  la  presque  totalité  des  cas,  des  manifestations  rhumatismales 
articulaires  ont  coïncidé  avec  l'oplithalmie.  Il  ne  faut  pas  croire  toute- 
fois, ainsi  que  Rollet  l'a  avancé  à  tort,  que  l'oplithalmie  ne  se  rencontre 
jamais  seule.  Elle  peut  se  produire  isolément.  Ricord  a  observé  plusieurs 
faits  de  ce  genre,  et  je  pourrais  citer  pour  ma  part  trois  cas  où  les  yeux 
seuls  ont  été  affectés  sans  coïncidence  de  déterminations  articulaires. 

2°  Sur  59  cas  de  rhumatisme  blennorrhagique,  j'ai  vu  15  fois  l'oplithal- 
mie s'associer  aux  manifestations  articulaires. 

5°  L'invasion  du  rhumatisme  et  celle  de  l'oplithalmie  se  font  presque 
toujours  d'une  façon  successive;  très-rarement  elles  sont  simultanées 
(5  fois  seulement  sur  24).  Tantôt  rophthalmie  ouvre  la  scène,  tantôt  au 
contraire  elle  succède  au  rhumatisme,  et  cela  dans  une  proportion  pres- 
que égale  (10  fois  contre  11,  sur  21  cas). 

4°  J'ai  recherché  si  l'oplithalmie  se  produisait  plus  habituellement  avec 
telle  ou  telle  forme  de  rhumatisme.  Or",  sur  ce  point,  les  observations  que 
j'ai  pu  consulter  m'ont  conduit  à  un  résultat  curieux  que  voici  :  roph- 
thalmie est  rare  avec  le  rhumatisme  monoarticulaire;  elle  est  au  con- 
traire très-fréquente  avec  le  rhumatisme  polyarticulaire  ou  à  manifes- 
tations multiples  portant  sur  les  jointures,  les  bourses  séreuses,  les  muscles 
et  les  nerfs.  Dans  27  cas,  en  effet,  je  la  rencontre  signalée  coïncidem- 
ment  avec  : 

Le  rhumatisme  monoartieulaire 3  fois. 

Le  rhumatisme  polyarticulaire  ou  à  manifestations    multiples.    .    .     25 
La  sciatique 1 

5°  Au  point  de  vue  de  l'évolution  morbide,  il  est  positif  que  dans  un 
certain  nombre  de  cas  (dans  quatre  de  mes  observations  notamment),  les 


c250  BLENNORRHAGIE.  —  ophthalmie  iu 


lUMATISMAI.i; 


manifestations  oculaires  et  arthritiques  semblent  exercer  les  unes  sur  les 
autres  une  influence  révulsive  ou  dérivative.  Ainsi  Ton  voit  parfois,  au 
moment  où  l'ophthalmie  se  manifeste,  les  accidents  articulaires  diminuer 
d'intensité  ou  même  disparaître,  et  réciproquement  les  jointures  se  pren- 
dre au  moment  où  les  yeux  commencent  à  se  délivrer.  Il  se  produit  là, 
sinon  une  métastase,  du  moins  une  sorte  d'alternance  ou  de  balance- 
ment. Cela  toutefois  est  assez  rare.  Le  plus  souvent  «  l' ophthalmie  n'en- 
tretient avec  le  rhumatisme  aucune  autre  relation  que  celle  de  sa  coexis- 
tence ;  son  intensité,  sa  marche,  sa  diminution  ou  son  accroissement, 
n'entraînent  ni  modification  parallèle,  ni  changement  en  sens  inverse 
dans  le  degré  ou  le  progrès  de  l'affection  rhumatismale.  »  (Brandes.) 

Enfin,  et  ceci  n'est  pas  moins  curieux,  il  est  des  cas  où  il  se  pro- 
duit entre  le  rhumatisme  et  l'ophthalmie  une  autre  espèce  d'alternance, 
une  alternance  à  longue  portée  pour  ainsi  dire.  Je  m'explique.  Tel  indi- 
vidu prend  une  première  blennorrhagie  ;  survient  un  rhumatisme  ;  quel- 
que temps  plus  tard,  nouvelle  blennorrhagie  :  ici,  pas  de  rhumatisme, 
mais  fluxion  oculaire;  troisième  écoulement  :  rhumatisme  avec  ou  sans 
ophthalmie,  et  ainsi  de  suile  à  propos  de  chaque  écoulement  consécutif. 
Je  pourrais  citer  plusieurs  observations  de  ce  genre.  En  voici  seulement 
un  exemple,  que  j'extrais  de  mes  notes  :  quatre  blennorrhagies  en  cinq 
ans;  à  la  première,  ophthalmie  double,  sans  rhumatisme;  à  la  deuxième, 
ophthalmie  et  rhumatisme  ;  à  la  troisième,  rhumatisme  et  ophthalmie  ;  à 
la  quatrième,  rhumatisme  seulement.  —  Plus  simplement  ne  pourrait-on 
pas  dire  :  l'ophthalmie  et  le  rhumatisme  sont  des  localisations  variées 
d'un  même  état  pathologique  qui,  relevant  d'une  même  cause,  peuvent 
se  produire  soit  isolément,  soit  simultanément,  sans  être  reliées  entre 
elles  par  une  dépendance  réciproque?  De  même  que  dans  le  rhumatisme 
articulaire  aigu,  telle  jointure  peut  être  tour  à  tour  atteinte  ou  respectée 
par  une  série  d'attaques  consécutives,  de  même  dans  le  rhumatisme  blen- 
norrhagique  l'œil  peut  soit  rester  indemne,  soit  être  affecté  seul  ou  coïn- 
cidemment  avec  les  jointures.  Ce  ne  sont  là  que  des  combinaisons  diffé- 
rentes dans  l'expression  symptomatologiqne  d'une  maladie. 

Traitement.  —  Nous  n'avons  que  peu  d'action  sur  cette  variété  d'oph- 
thalmie,  et,  l'iritis  exceptée,  il  ne  m'est  pas  démontré  que  l'expectation, 
aidée  de  soins  hygiéniques,  ne  produise  pas  d'aussi  bons  résultats  que  les 
moyens  dont  l'usage  est  généralement  conseillé. 

Dans  les  cas  légers  ou  moyens,  le  traitement  sera  très-simple  :  repos  de 
la  vue;  lotions  émollientes,  collyres  émollients;  boissons  délayantes  ;  ré- 
gime doux;  pédiluves  irritants;  révulsifs  intestinaux,  etc.  Si  la  maladie  se 
prolonge,  vésicatoires  volants  sur  le  front  ou  sur  la  tempe.  —  Il  n'est  même 
pas  utile  de  retenir  les  malades  à  la  chambre  ;  l'expérience  m'a  appris 
qu'on  peut  sans  inconvénient  leur  permettre  de  sortir,  les  yeux  protégés 
par  des  conserves,  et  même  de  vaquer  à  leurs  occupations,  pour  peu 
qu'elles  n'exigent  pas  de  fatigue  de  la  vue. 

Si  l'inflammation  est  plus  vive,  repos  à  la  chambre  ;  émissions  san- 
guines   locales  ;    onctions    belladonées   autour  de  l'orbite  et   collyre  à 


BLENNORRIIAGIE. 


ACClDEiNTS   CONSECUTIFS. 


251 


l'atropine,  surtout  dans  le  cas  d'iritis;  purgatifs  répétés,  ou  même  calo- 
mel  à  doses  fractionnées  ;  régime  sévère. 

Les  collyres  substitutifs  ou  astringents,  dont  on  fait  un  trop  facile  usage, 
m'ont  toujours  paru  nuisibles.  Les  émollients  leur  sont  de  beaucoup  pré- 
férables. 

Parallèle  de  l'ophtiialmie  rhumatismale  et  de  l'ohltiialmie  de  conta- 
gion. —  Comme  on  a  pu  le  voir  dans  le  cours  de  cet  article,  des  diffé- 
rences profondes,  radicales,  séparent  l'ophtiialmie  rhumatismale  de 
l'ophtiialmie  de  contagion.  On  les  trouvera  réunies  et  condensées  dans  le 
tableau  suivant  : 


OPIITHALMIE    DE    CONTAGION. 

I.  Cause  essentielle  :  inoculation  à  l'œil 
du  pus  blennorrhagique. 

II.  Maladie  rare. 


III.  La  maladie  peut  se  développer  sur  des 
sujets  non  affectés  de  blennorrhagie. 

IV.  Elle  n'affecte  qiian  œil  le  plus  sou- 
vent. 

V.  Les  symptômes  sont  ceux  des  oph- 
thalmies.  purulentes  les  plus  graves.  — 
Ils  affectent  primitivement  la  conjonctive. 

VI.  Symptômes  fixes,  ne  se  portant  pas 
d'un  œil  à  l'autre. 

VII.  Pas  de  tendance  à  la  récidive  dans 
le  cours  de  blennorrhagies  successives. 

VIII.  Pas  de  coïncidence  de  manifestations 
rhumatismales. 

IX.  Pronostic  excessivement  grave.  Sou- 
vent perte  de  l'œil. 

X.  L'œil  n'est  sauvé  qu'au  prix  d'un  trai- 
tement des  plus  énergiques. 


OPIITHALMIE    RHUMATISMALE. 

I.  La  contagion  n'a  aucune  part  à  la  pro- 
duction de  la  maladie,  qui  se  développe  sous 
l'influence  d'une  cause  interne,  de  nature 
inconnue. 

II.  Complication  peu  fréquente  de  la  blen- 
norrhagie, mais  beaucoup  plus  commune 
que  l'ophtlialinie  de  contagion  (::  14:  1). 

III.  La  maladie  ne  se  produit  que  sur  des 
sujets  affectés  de  blennorrhagie. 

IV.  Elle  affecte  presque  toujours  les 
deux  yeux. 

V.  Les  symptômes  sont  ceux  d'une  in- 
flammation de  la  membrane  de  Descemet, 
d'une  irilis  ou  d'une  conjonctivite  oculo- 
palpébrale. 

VI.  Parfois,  mobilité  des  phénomènes 
inflammatoires  qui  se  portent  d'un  œil  à 
l'autre. 

VU.  Récidives  fréquentes  dans  te  cours 
de  blennorrhagies  successives. 

VIII.  Coïncidence  très-habituelle,  presque 
constante,  avec  le  rhumatisme  blennor- 
rhagique. 


IX. 


Pronostic  sans  gravité. 


X.  L'expectalion  ou  un   traitement  très- 
simple  sultit  à  la  guérison. 


L'ophtiialmie  de  contagion  n'est,  à  vrai  dire,  qu'une  maladie  surajoutée 
accidentellement  à  une  autre  maladie;  l'ophtiialmie  rhumatismale  n'est 
que  le  symptôme  d'une  maladie  ;  c'est  une  expression,  une  conséquence 
de  l'état  blennorrhagique  de  l'urèthre.  A  ce  titre,  elle  mériterait  bien  plu- 
tôt que  la  précédente  la  dénomination  à' ophthalmie  blennorrhagique. 


ACCIDEMS    COINS ECl TIFS. 


Le  fait  de  beaucoup  le  plus  habituel  est  que  la  blennorrhagie,  une  fois 
guério,  ne  laisse  aucune  trace,  aucun  accident  à  sa  suite.  Parfois  cepen- 
dant il  arrive  qu'après  la  disparition  complète  de  l'écoulement  il  subsiste 


252  BLEMOHRHAGÏE.  —  accidents  consécutifs. 

ou  même  il  se  manifeste  quelques  troubles  fonctionnels   de  diverse  na- 
ture, qu'il  nous  reste  à  faire  connaître. 

I.  Ainsi,  il  n'est  pas  rare  qu'après  la  guérison  même  bien  confirmée  les 
malades  conservent  une  sensibilité  plus  ou  moins  vive  de  l'urèthre  pendant 
l'émission  des  urines.  La  miction  ne  se  fait  qu'avec  un  sentiment  de  cha- 
leur, de  brûlure,  de  fourmillement,  de  prurit;  parfois  encore  elle  s'accom- 
pagne dune  cuisson  presque  aussi  pénible  que  pendant  la  période  aiguë 
de  la  maladie.  Ces  douleurs  disparaissent  en  général  assez  rapidement; 
quelquefois  cependant  elles  subsistent  plusieurs  mois,  un  an,  deux  ans 
et  même  au  delà  (vingt  ans ,  dans  un  cas  cité  par  Belhomme  et 
Martin). 

Ce  phénomène  n'offre  aucune  gravité  et  ne  témoigne  même  pas  d'une 
lésion  persistante  dans  le  canal.  C'est  le  plus  souvent  un  simple  trouble 
nerveux.  Il  n'aurait  donc  pas  grande  importance  s'il  ne  présentait  l'incon- 
vénient de  préoccuper,  d'alarmer  les  malades,  et  même  d'inspirer  à  quel- 
ques-uns des  inquiétudes  excessives  qui  dégénèrent  parfois  en  une  véri- 
table hypochondrie. 

Ces  douleurs  sont  souvent  rebelles  à  toutes  les  ressources  de  la  thérapeu- 
tique. Ce  n'est  pas  qu'on  n'ait  dirigé  contre  elles  les  moyens  les  plus  divers: 
topiques  calmants  sur  l'urèthre  et  le  périnée  (onctions  opiacées,  cam- 
phrées, belladonécs,  cataplasmes  émollients,  etc.);  —  injections  calman- 
tes, narcotiques  (huile  d'amandes  douces,  laudanum,  atropine,  etc.);  — 
injections  irritantes  (astringents,  nitrate  d'argent,  sublimé);  —  balsami- 
ques (cubèbe,  copahu,  térébenthine,  goudron);  —  boissons  délayantes  ou 
alcalines  (bi-carbonate  de  soude,  eaux  de  Vichy,  de  Vais,  etc.);  —  lavements 
froids,  laudanisés  et  camphrés;  —  émissions  sanguines  locales  ;  —  bains; 

—  vésicatoires  au  périnée  et  sur  les  lombes  :  —  vésicatoires  saupoudrés 
d'un  sel  de  morphine;  —  cathétérisme  quotidien  avec  bougies  simples 
ou  médicamenteuses,  dans  le  but  d'émonsser  la  sensibilité  de  l'urèthre  ; 

—  cautérisation  du  canal  avec  l'instrument  de  Lallernand;  —  compression 
de  la  verge  (Vidal)  ;  —  et  à  l'intérieur,  sédatifs  de  tous  genres  (opium, 
belladone,  jusquiame,  camphre,  pilules  de  Méglin,  etc.).  —  J'ai  souvent 
eu  l'occasion,  pour  ma  part,  d'essayer  sans  succès  ces  divers  traite- 
ments ;  il  m'est  arrivé  même  d'en  épuiser  la  série  complète  sans  arriver 
au  moindre  résultat  satisfaisant.  La  plupart  sont  impuissants,  mais  du 
moins  inoffensifs  ;  d'autres  soulagent  momentanément  d'une  façon  très- 
certaine  (balsamiques,  délayants),  mais  dès  qu'on  en  cesse  l'usage,  les 
douleurs  reparaissent  aussitôt;  d'autres  enfin,  et  cela  n'est  pas  moins 
utile  à  dire,  sont  évidemment  nuisibles  et  ne  font  qu'exagérer  la  sensibi- 
lité morbide  du  canal  (cathétérisme,  presque  toujours;  injections  irri- 
tantes, toujours;  cautérisation,  le  plus  souvent).  Aussi,  après  de  nom- 
breux essais,  suis-je  arrivé  à  ne  plus  rien  faire,  j'entends  à  ne  plus  faire 
rien  qui  risque  d'irriter  la  muqueuse  et  d'accroître  les  phénomènes 
morbides.  Je  prescris  simplement,  non  sans  avoir  rassuré  le  malade, 
l'abstinence  des  alcooliques,  du  café,  de  la  bière,  etc.,  et  l'usage  habituel 
de,  quelques  boissons  propres  à  diluer  les  urines  (délayants,  eau  de  gou- 


BLENNORRHAGIE.  —  accidents  consécutifs.  253 

dron,  eaux  d'Evian,  de  Contrexeville,  etc).  Cette  hygiène  et  le  temps 
suffisent  presque  toujours  à  soulager  d'abord,  puis  à  guérir.  —  J'ai  même 
cru  remarquer  en  certains  cas  que,  loin  d'exaspérer  les  douleurs,  la 
reprise  des  rapports  sexuels  et  du  régime  ordinaire  contribuait  à  émousser 
la  sensibilité  pathologique  de  l'urèthre. 

II.  Il  est  encore  très-fréquent  d'observer  à  la  suite  de  la  blennorrhagie 
bien  guérie  des  douleurs  persistantes  dans  l'érection  et  l'éjaculation.  Ces 
phénomènes  disparaissent  en  général  après  quelques  semaines,  deux  ou 
trois  mois  au  plus,  sans  le  moindre  traitement. 

III.  Bien  plus  rarement  on  a  l'occasion  de  rencontrer  comme  accidents 
consécutifs  à  la  guérison  : 

A.  Des  douleurs  uréihrales  se  produisant  en  dehors  de  la  miction  et 
de  l'érection,  et  consistant  en  élancements,  en  fourmillements,  en  prurit, 
en  sensations  pénibles  de  divers  genre,  qui  peuvent  retentir  vers  le 
périnée,  la  vessie,  les  aines  et  jusqu'au  niveau  des  lombes.  Cet  état  dou- 
loureux du  canal,  queRicord  compare  à  une  véritable  névralgie  (urélhral- 
(jie),  pourrait,  dit-on,  affecter  en  certains  cas  le  type  intermittent,  et  néces- 
siter l'emploi  du  sulfate  de  quinine. 

B.  Des  troubles  divers  de  la  miction  :  envies  d'uriner  plus  fréquentes 
et  plus  impérieuses  que  de  coutume,  tenant  probablement  à  un  reste 
d'irritation  du  col  vésical  ;  —  émission  de  l'urine  lente  à  se  produire  et 
parfois  interrompue  brusquement  avant  que  la  vessie  ait  achevé  de  se 
vider;  —  séjour  dans  l'urèthre,  après  la  miction,  de  quelques  gouttes 
d'urine  qui  sont  évacuées  tardivement,  ce  qui  paraît  tenir  à  ce  que  le 
canal  n'a  pas  encore  recouvré  son  élasticité  normale. 

C.  Des  sensations  dites  extraordinaires  (Lagneau)  dans  l'urèthre, 
les  testicules,  la  vessie.  «  Quelques  hommes,  après  avoir  vu  disparaître 
tous  les  accidents  d'une  uréthrite,  conservent  pourtant  encore,  après  gué- 
rison, un  certain  degré  d'irritation  des  voies  génito-urinaires,  qui  con- 
siste en  une  sensation  continuelle  de  titillation,  de  fourmillement  du 
canal  de  l'urèthre,  des  vésicules  séminales  (?),  du  col  et  même  du  corps 
de  la  vessie,  ainsi  que  dans  une  sorte  de  roulement  ondulatoire  des  tes- 
ticules. »  (Lagneau.)  —  Phénomènes  excessivement  rares,  que  je  n'ai 
point  encore  eu  l'occasion  d'observer.. 

D.  L'abolition  de  la  sensation  voluptueuse  causée  par  le  passage  du 
sperme  dans  le  canal  au  moment  de  l'éjaculation.  Dans  un  cas  remarqua- 
ble cité  par  de  Castelnau,  cette  anesthésie  spéciale  coïncidait  avec  la  per- 
sistance d'un  engorgement  inflammatoire  qui  occupait  toute  l'étendue  de 
l'urèthre.  «  Le  passage  du  sperme  était  presque  insensible;  l'éjaculation 
s'effectuait  sans  plaisir  comme  sans  douleur;  bientôt  même  il  devint 
impossible  de  juger  le  moment  où  elle  cessait,  etc.  La  sensation  nor- 
male ne  se  rétablit  qu'après  plusieurs  mois.  » 

IV.  Enfin,  la  blennorrhagie  laisse  souvent  à  sa  suite,  après  guérison, 
des  troubles  fonctionnels  très-divers,  résultant  des  lésions  qu'elle  a  pu 
produire  et  des  complications  dont  elle  a  été  l'origine.  Les  accidents  de 
cet  ordre  ont  été  mentionnés  précédemment. 


SSé  BLENNORRHAGIE.  —  nature. 

Nature.  —  Quelle  idée  se  faire  de  la  blennorrhagie?  Est-ce  une  maladie 
spéciale,  ayant  son  individualité  propre,  ou  bien  n'est-ce  qu'un  sym- 
ptôme, une  expression,  une  forme  d'une  autre  maladie  plus  générale; 
est-ce  une  phlegmasie  simple  on  une  affection  virulente  ;  est-ce  un  état 
morbide  exclusivement  local  ou  susceptible  de  créer  une  diatbèse,  une 
disposition  générale  de  l'économie,  etc.?  Questions  difficiles  et  longtemps 
débattues,  qu'il  nous  serait  impossible  d'aborder  ici  avec  les  développe- 
ments qu'elles  comportent,  mais  sur  lesquelles  nous  devons  cependant 
jeter  un  coup  d'œil  rapide  en  terminant  cette  étude. 

I.  La  blennorrbagie  est  une  affection  vénérienne.  Elle  se  contracte  et  se 
propage  par  le  commerce  sexuel.  A  part  les  faits  d'inoculation  expérimen- 
tale, à  part  aussi  quelques  cas  très-exceptionnels  de  contagion  médiate, 
on  peut  dire  qu'elle  reconnaît  toujours  pour  origine  l'acte  vénérien.  Elle 
diffère  en  cela  du  chancre  simple  et  surtout  de  la  syphilis,  qu'il  n'est  pas 
rare  de  voir  résulter  d'un  contact  quelconque,  d'une  contamination  for- 
tuite, étrangère  au  rapprochement  sexuel.  A  ce  point  de  vue  donc,  la 
blennorrliagio  est  la  plus  vénérienne  de  tontes  les  affections  vénériennes. 

II.  C'est  une  maladie  spéciale,  ayant  son  individualité  propre,  consti- 
tuant une  entité  pathologique  distincte. 

Elle  diffère,  comme  nous  l'avons  établi,  de  la  balanite  (voy.  ce  mot). 
Elle  diffère  bien  plus  encore  du  chancre  simple,  avec  lequel  elle  n'offre 
véritablement  aucun  point  de  contact.  Elle  n'est  pas  moins  distincte  de 
la  syphilis  avec  laquelle  on  l'a  si  longtemps  confondue. 

A  ce  dernier  point  de  vue,  est-il  besoin  ici  de  rouvrir  une  discussion 
épuisée,  de  démontrer  à  nouveau  ce  qui  n'a  plus  besoin  de  preuves?  On 
sait  que  dans  les  siècles  qui  nous  précédèrent,  la  blennorrhagie  fut  consi- 
dérée comme  une  des  expressions,  comme  une  des  formes  de  la  syphilis. 
Cette  confusion,  dont  l'origine  paraît  remonter  à  Musa  Brassavole  (1550 
environ),  se  perpétua  dans  la  science  jusqu'à  une  époque  voisine  de  nous. 
L'identité  des  deux  maladies  était  acceptée  comme  une  de  ces  vérités 
incontestables,  au-dessus  de  toute  discussion.  Ce  n'est  pas  que  de  temps 
à  autre  quelques  esprits  supérieurs  n'aient  saisi  et  signalé  les  différences 
profondes  qui  séparent  la  blennorrhagie  de  la  vérole.  Astruc,  par  exem- 
ple, écrivait  en  1756  :  «  Jamais  la  gonorrhée  ne  cause  la  vérole,  pourvu 
que  la  semence  ou  la  liqueur  séminale  infectée  de  virus  s'écoule  abon- 
damment et  librement,  parce  que  de  cette  façon  le  virus  est  évacué,  »  etc. 
De  même  Ilunter  :  «  Je  crois  pouvoir  avancer,  d'après  ma  pratique  et 
mon  expérience,  que...  pour  un  sujet  qui  contracte  l'infection  à  la  suite 
de  la  gonorrhée,  il  en  est  cent  qui  la  prennent  à  la  suite  du  chancre.  » 
Toutefois  la  doctrine  de  l'identité  ne  trouvait  pas  d'opposition  véritable. 
Ce  furent  Balfour,  Tode  et  Duncan  qui  commencèrent  les  premiers  à  réagir 
contre  elle.  «  Il  est  très-vraisemblable,  disait  Duncan,  que  la  gonorrhée 
et  la  syphilis  dépendent  chacune  d'une  infection  particulière  et  spéciale.  » 
Cette  idée  nouvelle,  ne  tarda  pas  à  trouver  d'autres  défenseurs  dans  Bell, 
Trotter,  Clossius,  Theden,  Callisen,  AVichmann,  etc.  Ce  fut  surtout  Her- 
nandez  qui,  dans  une    monographie   spéciale   (1812),  attaqua  le  plus 


BLENNORRHAGIE.  —  nature.  255 

vivement  la  doctrine  de  l'identité.  Dans  cet  ouvrage,  plus  apprécié  de 
nos  jours  qu'il  ne  le  fut  au  moment  de  son  apparition,  ce  dernier  au- 
teur s'efforçait  d'établir  :  «  que  l'infection  par  la  gonorrhée  a  toujours 
pour  effet  une  gonorrhée  et  jamais  un  chancre;  que  la  gonorrhée  se 
produit  sans  chancre  ni  ulcère  syphilitique  de  l'urèthre,  qu'elle  ne  dé- 
termine jamais  de  chancre  par  inoculation,  qu'elle  n'entraîne  pas  la 
syphilis  à  sa  suite,  qu'elle  guérit  par  des  moyens  purement  locaux,  sans 
avoir  besoin  du  mercure,  etc..  De  là  cette  conséquence,  que  la  gonor- 
rhée et  le  chancre  sont  de  nature  différente  et  n'appartiennent  pas  à  la 
même  maladie.  »  Tout  cela  était  merveilleux  de  vérité;  malheureusement 
les  expériences  sur  lesquelles  lïernandez  appuyait  sa  théorie  étaient  peu 
faites  pour  porter  la  conviction  dans  l'esprit  de  ses  contemporains.  Dans 
ses  dix-sept  inoculations  de  pus  blennorrhagique  pratiquées  sur  des  sujets 
sains,  il  était  arrivé  dix-sept  fois,  grâce  sans  doute  à  un  procédé  vicieux 
d'expérimentation  ou  à  toute  autre  cause,  à  développer  ce  qu'il  appelle 
lui-même  «  des  ulcères.  »  Cinq  fois  seulement,  ces  ulcères  s'étaient  cica- 
trisés «  sans  présenter  aucune  apparence  vénérienne  »  ;  mais  dans  tous 
les  autres  cas,  il  s'était  produit  des  «  ulcères  opiniâtres,  dont  quelques-uns 
avaient  toutes  les  apparences  syphilitiques.  »  Or,  on  le  conçoit  sans  peine, 
de  tels  faits  n'étaient  guère  de  nature  à  démontrer  que  la  blennorrhagie 
n'est  pas  susceptible  de  reproduire  le  chancre  et  qu'elle  est  essentielle- 
ment distincte  de  la  syphilis;  ils  auraient  pu  même  servir  d'arguments 
sérieux  à  la  doctrine  de  l'identité.  Aussi  l'œuvre  d'Hernandez  laissait-elle 
indécise  la  question  qu'elle  prétendait  résoudre.  Je  n'oserais  dire  qu'elle 
passa  inaperçue;  mais  Ton  ne  voit  guère  qu'elle  ait  exercé  une  influence 
notable  sur  les  esprits  et  que  les  auteurs  du  temps  aient  tenu  grand 
compte  de  ce  très -estimable  travail. 

Plus  tard,  Ricord  reprit  la  question  toujours  pendante  de  la  non-iden- 
tité et  lui  donna,  comme  on  le  sait,  sa  solution  véritable  et  définitive. 
C'est  à  lui  que  revient  en  toute  justice  l'honneur  d'avoir  à  jamais  séparé 
la  blennorrhagie  de  la  vérole.  L'opposition  violente  qu'il  rencontra  sur 
ce  point  de  doctrine,  les  luttes  animées  qu'il  eut  à  soutenir  contre  de 
nombreux  adversaires  et  notamment  contre  l'école  de  Saint-Louis,  démon- 
trent assez  s'il  n'avait  à  recueillir,  comme  on  l'a  dit,  qu'un  héritage  tout 
préparé,  et  si  le  problème  pouvait  être  considéré  comme  résolu  avant 
ses  mémorables  travaux. 

Sans  doute  Ricord  débuta  par  une  induction  imprudente  en  voulant 
établir  de  par  les  résultats  de  l'inoculation  la  non-identité  de  la  syphilis 
et  de  la  blennorrhagie.  Sans  doute,  et  contrairement  à  ce  qu'il  annonça 
tout  d'abord,  la  blennorrhagie  n'est  pas  distincte  de  la  syphilis  par  ce  fait 
qu'elle  répond  négativement  aux  tentatives  d'auto-inoculation  (les  seules 
que  mon  maître  se  soit  jamais  permises).  Il  a  été  démontré,  en  effet, 
dans  ces  derniers  temps,  que  le  pus  du  chancre  infectant  n'est  pas  plus 
auto-inoculable  que  ne  l'est  le  pus  blennorrhagique.  Si  donc  Ricord 
n  avait  appelé  à  l'appui  de  sa  doctrine  que  ce  seul  ordre  de  preuves,  son 
œuvre  eut  été  stérile.  Mais  avec  ce  grand  sens  pratique  qui  est  un  des 


256  BLENiNORKHAGIE.  —  nature. 

cotés  les  plus  saillants  de  son  esprit,  il  interrogea  ce  qui  ne  pouvait  le 
tromper,  la  clinique.  Jl  avait  observé  des  milliers  de  blennorrhagies  qui 
jamais  n'avaient  été  suivies  des  symptômes  propres  à  la  syphilis;  il  avait 
vu  des  milliers  de  syphilis  débuter  invariablement  par  le  chancre;  fort 
de  son  expérience  et  la  condensant  en  quelques  lois  pathologiques,  il  pro- 
clama ces  vérités  que  le  temps  n'a  fait  que  confirmer  depuis  et  qui  n'ont 
rien  à  craindre  de  l'avenir  :  «  La  blennorrhagie  et  la  syphilis  sont  deux 
affections  essentiellement  distinctes  ;  jamais  la  blennorrhagie  ne  déter- 
mine à  sa  suite  les  accidents  constitutionnels  de  la  vérole;  jamais  la 
vérole  ne  reconnaît  pour  origine  une  blennorrhagie  simple.  Si,  dans 
quelques  cas  exceptionnels,  l'infection  syphilitique  paraît  succéder  à  la 
blennorrhagie,  c'est  qu'un  chancre,  à  coup  sûr,  est  resté  méconnu;  et 
l'une  des  causes  communes  de  ces  exceptions  apparentes,  c'est  le  siège 
du  chancre  à  l'intérieur  même  de  l'urèthre  (chancre  larvé).  » 

C'est  à  dater  du  jour  où  la  question  fut  ainsi  posée  et  étudiée  dans  son 
côté  véritablement  clinique,  que  la  non-identité  de  la  blennorrhagie  et  de 
la  syphilis  put  être  considérée  comme  démontrée.  Bien  que  préparée  par 
les  travaux  antérieurs  que  nous  avons  mentionnés,  cette  démonstration 
fut  surtout  l'œuvre  de  Ricord.  Je  ne  crois  pas  être  coupable  d'une  exagé- 
ration dictée  par  un  sentiment  personnel  en  disant  que  ce  fut  là  un  ré- 
sultat considérable  dans  la  science,  une  des  belles  conquêtes  de  la  patho- 
logie dans  notre  siècle. 

III.  La  blennorrhagie  est-elle  une  inflammation  simple,  est-elle  une 
affection  virulente? 

Pour  un  grand  nombre  de  médecins,  la  blennorrhagie  serait  une  affec- 
tion produite  par  un  virus  particulier,  c'est-à-dire  par  un  poison  morbide 
de  nature  spécifique  ;  à  ce  point  de  vue  donc,  elle  serait  l'analogue  des 
maladies  incontestablement  virulentes,  telles  que  la  syphilis,  la  rage,  la 
variole,  la  morve,  etc.  Cette  opinion,  assez  généralement  répandue,  repose 
sur  des  arguments  qui  ne  sont  pas  sans  quelque  valeur  apparente  :  la  con- 
tagiosité de  la  maladie,  sa  transmission  dans  l'espèce,  les  résultats  que 
donne  l'inoculation  du  pus  blennorrhagique  soit  sur  l'urèthre,  soit  sur  la 
muqueuse  oculaire,  le  caractère  de  certaines  complications  (rhumatisme, 
ophthalmie  rhumatismale)  qui  semblent  relever  d'une  disposition  gé- 
nérale et  virulente  de  l'organisme,  etc.  Toutefois,  à  les  examiner  de  près, 
ces  diverses  considérations  ne  sont  nullement  démonstratives.  La  conta- 
giosité de  la  maladie,  par  exemple,  n'implique  pas  l'existence  d'un  virus. 
Il  est  possible  que  le  pus  blennorrhagique  ne  transmette  pas,  à  vrai 
dire,  une  contagion,  qu'il  n'agisse  sur  l'urèthre  qu'au  titre  d'un  irritant, 
tout  comme  la  sécrétion  du  catarrhe  utérin,  comme  les  flueurs  blanches, 
comme  les  flux  non  spécifiques  de  l'utérus  ou  du  vagin.  La  transmission 
de  la  maladie  peut  être  l'effet  d'une  irritation  simple,  sans  le  concours 
d'un  contagium  particulier.  N'avons-nous  pas  établi  d'ailleurs  que  la 
blennorrhagie  se  produit  le  plus  habituellement  sous  l'influence  de 
causes  où  la  contagion  ne  joue  aucun  rôle?  —  De  plus,  la  blennorrhagie 
même  la  mieux  caractérisée  présente-t-elle  quelques  symptômes  spéciaux 


BLENNORRIIAGIK.  —  nature.  257 

qui  la  différencient  d'une  inflammation  simple  el  qui  dénotent  la  pré- 
sence d'un  principe  virulent?  Evidemment  non.  —  La  blennorrhagie 
qui  résulte  ou  semble  résulter  de  la  contagion  dilfère-t-elle  par  quelques 
signes  de  celle  que  développe  une  irritation  non  spécifique?  Non  encore. 
—  Enfin,  est-il  besoin  de  faire  intervenir  un  virus,  un  poison  morbide, 
pour  expliquer  certaines  complications  de  la  maladie?  Pas  davantage,  car 
ces  complications,  comme  nous  allons  le  dire  bientôt,  ne  se  présentent 
pas  avec  les  caractères  de  ces  manifestations  constitutionnelles,  que  l'on 
observe  dans  les  affections  diathésiques  on  virulentes.  —  Rien  donc  en 
somme  ne  légitime,  à  mon  sens,  l'hypothèse  d'un  virus  blennorrhagique. 
D'une  part,  ce  virus  n'est  nullement  démontré;  d'autre  part,  il  ne  me 
paraît  pas  nécessaire  d'en  invoquer  l'existence  pour  expliquer  les  diffé- 
rents phénomènes  de  la  maladie. 

Si  la  blennorrhagie  est  une  inflammation  simple,  il  ne  suit  pas  de  là 
qu'elle  soit  identique  avec  l'affection  que  nous  décrirons  plus  tard  sous 
le  nom  d'uréthrite.  Cliniquement,  elle  doit  en  être  distinguée.  Réservons 
du  reste  cette  discussion  pour  l'article  qui  sera  consacré  à  l'étude  de 
cette  dernière  maladie  (voy.  Uréthrite). 

Quelques  mots  en  terminant  sur  une  autre  hypothèse.  Thiry  (de  Bru- 
xelles) croit  avoir  déterminé  la  nature  et  la  provenance  du  virus  blen- 
norrhagique. Pour  lui,  la  blennorrhagie  serait  due  à  un  virus  tout 
spécial,  le  virus  granuleux,  lequel  serait  à  la  fois  le  produit  et  la  cause 
d'une  lésion  sans  analogue  dans  l'économie,  la  granulation.  «  Celte  granu- 
lation, dit-il,  est  la  lésion  caractéristique,  spécifique,  de  la  blennorrhagie; 
sans  elle,  pas  de  blennorrhagie  vraie,  et  réciproquement,  sans  blennor- 
rhagie, pas  de  granulation.  De  plus,  toute  affection  où  se  produit  cette 
lésion,  quel  qu'en  soit  d'ailleurs  le  siège  (muqueuse  oculaire,  vagin, 
museau  de  tanche,  etc.),  reconnaît  nécessairement  une  origine  blennor- 
rhagique et  recèle  un  principe  contagieux,  »  etc.  Ai-je  besoin  de  dire  que 
cette  doctrine  ne  résiste  pas  à  un  examen  sérieux?  Tout  d'abord,  qu'est  ce 
que  cette  granulation?  Sous  cette  dénomination  mal  définie  se  trou- 
vent comprises  dans  la  science  trois  altérations  très-différentes,  l'hyper- 
trophie papillairc,  l'hypertrophie  folliculaire  et  les  néoplasmes.  Auquel 
de  ces  trois  types  se  rapporte  la  granulation  spécifique  dont  parle  Thiry? 
C'est  ce  que  l'auteur  néglige  de  nous  apprendre.  —  De  plus,  quelle 
qu'elle  soit,  cette  granulation  a-t-elle  jamais  été  constatée  à  l'état  aigu  de 
la  maladie?  Desormeaux,  qui  s'est  rallié  sur  quelques  points  aux  idées  de 
Thiry,  ne  paraît  avoir  observé  l'état  granuleux  du  canal  qu'à  une  période 
avancée  de  la  maladie,  puisqu'il  le  considère  comme  la  lésion  propre  de 
la  blennorrhée.  —  D'autre  part,  la  granulation  fait  défaut  dans  certaines 
affections  réputées  blennorrhagiques,  notamment  dans  la  balanite,  où 
jamais,  que  je  sache,  elle  n'a  été  signalée;  et  inversement,  elle  se 
rencontre  clans  des  maladies  où  la  blennorrhagie  ne  joue  évidemment 
aucun  rôle,  comme  dans  les  blépharites  les  plus  simples.  —  Enfin,  la 
granulation  n'est  ni  dans  l'urèthre  ni  ailleurs  une  lésion  spéciale,  encore 
moins  spécifique;  c'est  simplement  un  état  anatomique  de  l'inflammation 

NOUV.    DICT.    Ml': II.    et  cnin.  V.    —    17 


258  BLENNORRHAGIE.  —  nature. 

des  muqueuses,  c'est,  un  «  incident  de  surface  »,  sans  aucune  valeur 
pour  préjuger  la  nature  d'une  maladie. 

IV.  La  blennorrhagie,  enfin,  est  une  affection  exclusivement  locale. 

Les  complications  auxquelles  elle  peut  donner  lieu  s'expliquent  très- 
naturellement,  pour  la  plupart,  par  une  simple  extension  de  la  phlegmasie 
uréthrale  aux  organes  de  voisinage;  ce  sont  des  phénomènes  purement  lo- 
caux. Mais  il  en  est  d'autres  d'une  pathogénie  plus  obscure  ;  ce  sont  les  acci- 
dents dits  rhumatismaux  (arthropathies,  ophthalmie  rhumatismale,  etc.). 
Ceux-ci  ne  sauraient  évidemment  dépendre  d'une  simple  irradiation  in- 
flammatoire. Or,  comment  en  comprendre  la  production? 

Une  interprétation  se  présente  naturellement  à  l'esprit,  c'est  que  les 
accidents  de  cet  ordre  relèvent  d'une  cause  générale,  d'une  disposition 
diathésique,  d'un  état  blennorrhagique  de  l'économie;  c'est  que  la  blen- 
norrhagie n'est  pas  seulement  une  affection  locale,  mais  bien  une  maladie 
susceptible  de  se  généraliser  et  de  développer  des  déterminations  analo- 
gues à  celles  des  diathèses  ou  des  états  constitutionnels. 

Séduisante  de  prime  abord,  cette  hypothèse  ne  soutient  pas  l'analyse. 
Il  est  impossible,  en  effet,  de  considérer  le  rhumatisme  blennorrhagique 
comme  une  manifestation  constitutionnelle,  et  cela  pour  les  raisons  sui- 
vantes. 

Le  rhumatisme  est,  en  somme,  un  accident  rare  de  la  blennor- 
rhagie. S'il  dépendait  d'un  état  général,  d'une  infection,  il  devrait  se 
manifester,  sinon  dans  tous  les  cas,  du  moins  d'une  façon  commune,  ha- 
bituelle; or,  il  n'a  ni  la  fréquence,  ni  la  régularité  d'apparition  des  ma- 
nifestations constitutionnelles,  de  celles,  par  exemple,  que  nous  voyons 
se  développer  dans  la  syphilis  à  la  suite  du  chancre  (roséole,  plaques  mu- 
queuses, etc.).  C'est,  tout  au  contraire,  un  accident  de  hasard,  irrégu- 
lier, je  puis  dire  exceptionnel  eu  égard  au  nombre  immense  des  blen- 
nerrhagies  dont  l'évolution  se  fait  sans  déterminations  articulaires,  et 
j'ajouterai  même  subordonné  à  des  prédispositions  individuelles  qui  pa- 
raissent jouer  un  rôle  principal  dans  les  conditions  pathogéniques  de  son 
développement.  —  De  plus,  cet  accident,  s'il  était  l'expression  d'une  infec- 
tion blennorrhagique,  devrait  se  produire  avec  toutes  les  formes,  avec 
toutes  les  localisations  de  la  blennorrhagie.  Or,  d'après  Ricord  et  beau- 
coup d'autres  auteurs,  il  ne  s'observe  qu'avec  la  blennorrhagie  de  l'urè- 
tlire^  exclusivement. 

D'autre  part,  la  clinique  nous  présente  parfois  un  phénomène  singu- 
lier qui  doit  être  rapproché  des  accidents  rhumatismaux  de  la  blennor- 
rhagie. C'est  la  production  d'arthrites  déterminées  par  le  catkétérismey 
fait  inexplicable,  extraordinaire,  mais  très-réel,  très-positivement  con- 
staté. Or,  ces  arthrites,  bien  que  différentes  à  certains  égards  du  rhuma- 
tisme blennorrhagique,  n'ont  pas  moins  une  analogie  significative  avec 
cette  dernière  affection.  Elles  témoignent  tout  au  moins  de  ceci,  c'est 
qu'il  n'est  pas  besoin  d'une  cause  générale  et  virulente  pour  que  certains 
étals  morbides  de  l'urèthre  deviennent  l'occasion  de  fluxions  articulaires. 

En  certains  cas  aussi,  nous  voyons  le   cathétérisme  déterminer   des 


BLENNORMIAGIE.  —  bibliographie.  959 

frissons  plus  ou  moins  marqués,  parfois  très-intenses,  et  même  de  véri- 
tables accès  intermittents  décrits  sous  le  nom  de  lièvre  uréthrale. 

De  là  cette  conclusion  rationnelle  que  les  irritations  de  l'urèthre  sont 
susceptibles  d'éveiller  des  troubles  généraux  dans  l'ensemble  de  l'orga- 
nisme et  de  provoquer  des  déterminations  morbides  vers  certains  systè- 
mes. Or,  la  blennorrbagie  n'est-elle  pas  une  irritation  de  l'urèthre,  et  de 
plus  une  irritation  spéciale?  Ne  peut-elle  pas,  à  ce  titre,  développer  des 
accidents  de  même  ordre;  ne  peut-elle  pas  encore  en  modifier  l'expres- 
sion suivant  sa  modalité  propre?  Dans  cette  manière  de  voir,  le  rhuma- 
tisme qui  accompagne  la  blemiorrhagic  serait  une  simple  variété  de  ces 
phénomènes  qui  se  produisent  à  la  suite  des  excitations  pathologiques  de 
l'urèthre  ;  ce  serait  moins  un  accident  blennorrhagique  qu'un  accident 
uréthral.  —  Cette  dernière  interprétation  nous  paraît  bien  plus  légitime 
que  l'hypothèse  d'un  état  général,  d'une  disposition  constitutionnelle 
blennorrhagique. 

Une  bibliographie  complète  de  ta  blennorrbagie  formerait  à  elle  seule  un  volume.  Nous  ne  men- 
tionnerons ici  que  les  ouvrages  les  plus  importants  ou  les  monographies  qui  ont  avancé  sur  quel- 
que point  la  connaissance  de  cette  maladie.  Nous  ne  croyons  pas  utile  non  plus  de  faire  remonter 
cette  bibliographie  au  delà  du  siècle  dernier. 

Littre,  Observations  sur  la  gonorrhée  [Mémoires  de  l'Académie  royale  des  sciences,  1711). 
Cockburn  (W.),  The  symptoms,  nature,  causes  and  cure  of  Gonorrluea.  Londres,  1715;  trad.  en 

français  par  J.  Devaux.  Paris,  1730. 
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p.  193  et  259).  —  Nouveau  mode  de  traitement  de  diverses  affections  des  organes  génitaux 
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202  BLEPHARITE. 

rédigées  et  publiées  par  Eugène  Royet.  Taris,  1801.  —  Précis  iconographique  des  maladies 
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de  Chirurgie,  juillet  1865,  p.  45. 
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de  la  Société  de  chirurgie,  1865). 
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Guide  du  médecin  praticien,  5e  édition.  Paris,  1800,  t.  V. 
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matismales et  blennorrhagiques  [Montpellier  médical,  1866). 
Ouvrages  généraux  sur  les  maladies  vénériennes. — Voyez  en  outre  la  bibliographie  des  articles 
Cubèbe.  CorAiiu,  Térébenthine,  Balanite,  Vaginite,  Vulvite,  Métrite,  Uréthuite,  Chancre,  Bubon, 
Syphilis;  Epididyhite,  Orciiite,  Prostatite,  Prostatoiuuiée,  Spermatorrhée,  Cystite,  Opiithal- 
mie,  etc.,  etc. 

Alfred  Fournier. 

BLEPHARITE.  —  Ce  mot  (de  [SAéçapov,  paupière)  est  employé 
pour  désigner  l'inflammation  des  paupières. 

Il  a  été  créé  et  introduit  dans  la  pratique,  vers  1840,  par  le  professeur 
Velpeau.  Avant  lui  l'inflammation  des  paupières  n'était  pas  décrite  à  part. 
Celle  qui  occupe  plus  spécialement  la  muqueuse  palpébrale  était  confondue 
dans  la  description  de  l'ophthalmie,  et,  plus  tard,  dans  celle  de  la  con- 
jonctivite. Celle  qui  occupe  le  bord  libre  était  présentée  sous  des  noms 
variés  tirés  de  la  prédominance  de  tel  ou  tel  symptôme  :  ulcères  des  pau- 
pières, psoropbtbalmie,  gratellc,  lippitudo,  rogne,  etc.  Quant  à  celle 
qui  occupe  la  peau  et  le  tissu  cellulaire  des  paupières,  elle  était  comprise 
dans  la  description  générale  de  l'érysipèle  et  dans  celle  des  dartres. 

Si  la  conjonctivite  palpébrale  n'existait  jamais  que  concurremment 
avec  l'oculaire,  si  les  lésions  décrites  sur  le  bord  libre,  et  qu'on  y 
trouve  quelquefois  isolées  et  indépendantes  de  la  conjonctivite,  n'étaient 
pas  de  nature  inflammatoire,  on  aurait  pu  conserver  l'ancienne  manière 
de  faire.  Mais,  avec  l'exactitude  d'observation  qu'on  lui  connaît,  Velpeau 
reconnut  que  l'inflammation  se  limitait  assez  souvent  à  la  muqueuse 
ou  au  bord  libre  des  paupières,  et  réclamait  des  praticiens  une  attention 
spéciale.  Appliquant  aux  organes  palpébraux  les  divisions  anatomiques 


BLÉPHARITE.  —  blépharite  ciliaire.  265 

importées  dans  l'oculistique  par  Demours,  Weller  et  Béer,  il  donna  de  la 
blépharite  et  de  ses  diverses  formes  une  description  qui  ne  tarda  pas  à 
être  adoptée  par  tout  le  monde,  et  qui  a  servi  de  modèle  aux  auteurs 
venus  plus  tard.  Nous  l'utiliserons  nous-mème  largement,  en  en  retran- 
chant ce  qui  est  devenu  superflu,  et  en  y  ajoutant  les  détails  que  l'ana- 
tomie  pathologique  et  la  clinique  moderne  ont  permis  de  recueillir. 

Si  petites  et  si  délicates  qu'elles  soient,  les  paupières  n'en  sont  pas 
moins  composées  de  parties  très-variées  :  en  avant,  une  peau  tort  mince, 
un  tissu  conjonctif  lâche,  lilamenteux  et  dépourvu  de  graisse;  en  arrière, 
une  muqueuse  continue  avec  celle  de  l'œil,  et  en  différant  par  l'abon- 
dance des  papilles  ;  sur  le  bord  libre,  le  cartilage  tarse  avec  les  orifices 
des  glandes  de  Meibomius,  les  cils  avec  leurs  bulbes  et  les  petits  follicules 
sébacés  qui  en  dépendent.  L'inflammation  peut  occuper  simultanément 
toutes  ces  parties  à  la  fois  ou  plusieurs  d'entre  elles;  mais  cela  n'arrivant 
guère  que  dans  les  cas  de  conjonctivite  purulente  spontanée  ou  trauma- 
tique,  il  n'y  aura  pas  lieu  de  nous  en  occuper  ici. 

Elle  peut  occuper  isolément  soit  la  peau,  soit  le  tissu  cellulaire  sous- 
cutané.  Elle  est  alors  érythémateuse,  érysipélateuse,  eczémateuse  ou 
phlegmoneuse,  suivant  que  la  maladie  revêt  l'une  ou  l'autre  des  formes 
indiquées  par  ces  dénominations  ;  mais  comme  il  s'agit  ici  de  maladies 
générales  qui  seront  décrites  aux  mots  Érysipèle,  Phlegmon,  Eczéma,  et 
qu'au  mot  Paupières  on  indiquera  ce  que  ces  maladies  offrent  de  particu- 
lier, je  n'ai  pas  à  m'y  arrêter  davantage. 

D'autres  fois  l'inflammation  occupe  exclusivement  ou  le  bord  libre  ou 
la  membrane  muqueuse  des  paupières.  Dans  l'un  et  l'autre  cas  elle  donne 
lieu  à  une  affection  toute  spéciale  dont  on  ne  trouverait  pas  une  idée  suf- 
fisante dans  l'article  général  consacré  à  l'inflammation,  et  dont  l'impor- 
tance est  telle  qu'il  est  permis  de  ne  pas  la  comprendre  dans  l'article  qui 
sera  consacré  aux  paupières.  Nous  décrirons  donc  successivement  : 

1°  La  blépharite  du  bord  libre  ou  blépharite  ciliaire; 

2°  La  blépharite  muqueuse,  que  nous  subdiviserons  en  blépharite  mu- 
queuse simple  et  blépharite  granuleuse. 

1.  ltlopliarîte  ciliaire.  —  C'est  le  nom  donné  par  Yelpeau  à  la 
phlegmasie  qui  occupe  le  bord  libre  ou  ciliaire  des  paupières.  Mais  on 
trouve  sur  ce  bord,  outre  les  cils  avec  le  tégument  dont  ils  dépendent,  les 
orifices  des  glandes  de  Meibomius  ;  or  Yelpeau  a  donné  une  description 
spéciale  pour  l'inflammation  de  la  portion  ciliaire,  et  une  autre  pour  l'in- 
flammation des  orilices  et  des  glandes  dont  il  s'agit;  mais  il  y  a  si  sou- 
vent coïncidence  de  ces  deux  formes  que  je  préfère  les  comprendre  dans 
une  même  description.  Le  mot  de  blépharite  glandulo-ciliaire,  adopté 
par  Desmarres,  exprime  déjà  bien  la  réunion  des  deux  lésions  ;  je  pré- 
fère celui  de  blépharite  ciliaire,  parce  qu'il  est  plus  court  et  qu'il  suffit, 
du  moment  où  l'on  s'est  expliqué  sur  sa  signification.  Quant  à  l'expression 
d'ophthalmie  tarsienne  employée  par  Mackensie,  je  la  laisse  de  côté  comme 
inutile,  et  comme  pouvant  même  exprimer  une  idée  fausse,  celle  d'une 
lésion  du  cartilage  tarse,  lésion  qui  n'existe  pas,  au  moins  au  début  de 


26i  BLÉPHARITE.  —  blépharite  ciltaire. 

la  maladie.  Ici,  du  reste,  comme  pour  toute  l'ophthalmologie,  les  déno- 
minations abondent  et  varient,  avec  les  auteurs  ;  c'est  probablement  parce 
que,  de  tout  temps,  on  a  voulu  innover,  et  qu'il  a  toujours  été  plus  facile 
de  faire  des  noms  nouveaux  que  des  choses  nouvelles. 

Etiologie.  —  La  blépharite  ciliaire  se  voit  quelquefois  chez  les  adultes, 
mais  elle  est  infiniment  plus  commune  cbez  les  enfants  de  1  à  15  ans; 
c'est  une  maladie  toute  particulière  à  la  seconde  enfance,  et  si  je  ne  crai- 
gnais pas  d'encourir  le  reproche  que  je  signalais  tout  à  l'heure,  je  l'ap- 
pellerais la  blépharite  de  la  seconde  enfance,  par  opposition  à  la  blépha- 
rite muqueuse,  qui  est  celle  de  l'adolescence,  et  à  la  blépharite  granuleuse, 
qui  est  de  tous  les  âges,  et  qui,  plus  rebelle  dans  l'âge  mûr  qu'à  tout  autre, 
y  est  aussi  plus  souvent  observée. 

Les  enfants  délicats,  blonds,  à  peau  blanche  et  à  chairs  molles,  y  sont 
les  plus  exposés,  aussi  bien  ceux  qui  sont  franchement  scrofuleux  que 
ceux  qui  sont  simplement  lymphatiques.  Comme  pour  toutes  les  affections 
de  ce  genre,  les  enfants  des  pauvres  en  sont  plus  souvent  atteints  que 
ceux  des  classes  aisées. 

Quelquefois  la  blépharite  ciliaire  arrive  d'emblée  et  primitivement,  sans 
cause  occasionnelle  appréciable.  D'autres  fois  elle  se  montre  à  la  suite  de 
quelque  maladie  générale,  comme  la  fièvre  typhoïde,  la  scarlatine,  la  rou- 
geole ou  la  variole,  celles-ci  ayant  amené  une  faiblesse  de  la  constitution 
analogue  à  la  faiblesse  originelle  qui  caractérise  le  tempérament  lympha- 
tique. On  la  voit  aussi  consécutivement  à  d'autres  lésions  de  l'œil  et  sur- 
tout à  la  kératite  chronique  et  récidivante,  quoiqu'il  soit  beaucoup  plus 
commun,  je  le  dirai  plus  loin,  de  voir  la  kératite  survenir  après  la  blé- 
pharite. 

Symptômes  et  marche.  —  Je  les  décrirai  successivement  pour  l'enfant 
et  pour  l'adulte. 

A.  Chez  l'enfant,  la  blépharite  ciliaire  débute  par  une  rougeur  sur 
le  bord  libre  des  paupières;  il  y  a  de  plus  des  démangeaisons,  et  comme 
le  petit  malade  se  gratte  avec  ses  mains,  ordinairement  malpropres,  le 
mal  se  trouve  entretenu  et  aggravé  par  cette  double  cause  :  attouche- 
ments trop  fréquents  et  malpropreté.  Après  une  durée  de  quelques  jours 
ou  de  quelques  semaines,  pendant  lesquels  la  rougeur  et  les  démangeai- 
sons présentent  des  alternatives  d'augmentation  et  de  diminution,  la  ma- 
ladie peut  s'arrêter  là;  plus  souvent  quelques  pustules  apparaissent  à  la 
base  et  dans  les  intervalles  des  cils,  et  avec  elles  ou  après  elles  de  petites 
croûtes  qui  tombent  au  bout  de  quelques  jours  et  sont  remplacées  par 
d'autres;  ces  croûtes  passent  quelquefois  d'un  cil  à  l'autre,  et  agglutinent 
entre  eux  un  certain  nombre  de  ces  poils  sur  lune  des  paupières  seule- 
ment ou  sur  les  deux.  Les  croûtes,  en  se  détachant,  entraînent  souvent 
un  ou  plusieurs  cils,  et  quand  un  certain  nombre  de  ces  derniers  sont 
réunis  en  bouquets  ou  faisceaux,  il  en  tombe  plusieurs  en  même  temps. 
Du  reste  les  cils  ainsi  perdus  sont  susceptibles  de  repousser  un  certain 
nombre  de  fois.  Les  croûtes  sont  dues  au  dessèchement  du  pus  des  pus- 
tules et  à  celui  du  liquide  anormalement  sécrété  soit  par  la  peau  malade, 


BLEPHARITE.  —  blépharite  ciliaire.  565 

soit  par  les  follicules  sébacés  qui  entourent  la  racine  des  cils;  on  y  trouve 
avec  le  microscope  un  mélange  de  cellules  épithéliales  et  de  globules  pu- 
rulents. Les  démangeaisons  et  les  croûtes  expliquent  les  dénominations 
de  gale  des  paupières  et  de  gratelle  que  nous  trouvons  dans  les  ouvrages 
de  Saint-Yves  et  de  Maître-Jan. 

Souvent  la  maladie  conserve  pendant  toute  sa  durée,  qui  est  habituel- 
lement longue,  les  caractères  dont  je  viens  de  parler.  Mais,  dans  bien  des 
cas,  on  voit  après  la  chute  des  croûtes,  dans  les  intervalles  des  cils,  une 
ou  plusieurs  petites  érosions  arrondies  en  forme  de  godets.  Ces  ulcéra- 
tions se  couvrent  bientôt  de  nouvelles  croûtes,  puis  sont  remises  à  nu  par 
la  chute  de  ces  dernières.  Se  forment-elles  exclusivement  sur  la  peau  du 
bord  palpébral,  ou  bien  sur  le  contour  d'un  orifice  ciliaire  qu'elles  éva- 
sent, ou  même  sur  le  contour  d'un  des  orifices  agrandis  de  Mcibomius? 
Tl  m'est  difficile  de  me  prononcer  sur  ce  point,  n'ayant  pas  eu  l'occasion 
d'étudier  par  moi-même  avec  le  s-caîpel  ce  point  délicat  d'anatomie  patho- 
logique. Là  d'ailleurs  n'est  pas  la  chose  importante.  Il  suffit,  pour  les 
applications  pratiques,  de  savoir  que  dans  les  cas  où  la  blépharite  ciliaire 
a  pris  cette  forme  ulcéreuse  ou  exulcéreuse,  elle  est  plus  rebelle  et  ré- 
clame certains  soins  particuliers.  Du  reste  l'enfant  est  toujours  tourmenté 
par  des  démangeaisons  qui  l'obligent  à  porter  souvent  vers  l'œil  sa  main 
ou  son  mouchoir,  et  l'on  voit  entre  les  croûtes  ou  à  leur  place,  lorsqu'elle 
sont  tombées  récemment,  un  liquide  mucoso-purulent  jaunâtre  qui  s'étire 
en  filaments  glutincux  lorsqu'on  cherche  à  l'enlever  avec  un  linge,  et 
qui  est  toujours  difficile  à  détacher. 

Il  n'est  pas  rare  de  trouver  en  même  temps  sur  la  face  postérieure  du 
bord  libre,  ou,  si  on  l'aime  mieux,  sur  le  commencement  de  la  surface 
muqueuse  des  paupières,  des  traînées  verticales  rougeàtres,  et  même  un 
peu  de  gonflement,  qui  sont  dus  à  la  propagation  de  l'inflammation  dans 
les  tubes  et  glandules  constituant  les  glandes  de  Mcibomius. 

Dans  tous  les  cas  qui  précèdent  on  ne  voit  pas  un  gonflement  bien 
notable.  Dans  d'autres,  et  surtout  lorsque  l'une  des  formes  précédentes  a 
duré  plusieurs  mois,  le  bord  palpébral  est  gonflé  et  induré,  en  même 
temps  qu'il  s'y  trouve  encore  des  croules,  des  érosions  et  des  ulcérations. 
Decker  décrit  cette  forme  sous  le  nom  de  blépharite  hypertrophique, 
et  suppose  que  le  gonflement  a  pour  siège  principal  les  follicules  pileux. 

Quelquefois  encore  on  voit  sur  le  bord  libre  une  croûte  uniforme  très- 
adhérente,  de  couleur  grisâtre,  avec  un  léger  reflet  argentin  laquelle  se 
détache  lentement  et  d'une  seule  pièce  pour  mettre  à  découvert  la  surface 
rougcàtre  et  excoriée  du  bord  libre  dans  toute  son  étendue  ;  elle  est  rem- 
placée bientôt  par  une  croûte  semblable,  ou  par  des  croûtes  disséminées, 
comme  on  les  observe  dans  les  formes  ordinaires  de  la  maladie.  C'est  à 
cette  variété  de  blépharite  que  Yelpeau  a  donné  le  nom  de  diphtéritique  ; 
mais  ce  mot  a  l'inconvénient  d'indiquer  une  lésion  analogue  à  la  diphté- 
rite,  or  la  croûte  uniforme  dont  il  s'agit  n'est  pas  due  à  une  fausse  mem- 
brane, elle  est  constituée,  comme  dans  les  autres  cas,  par  de  l'épithélium, 
du  mucus  et  de  l'humeur  sébacée  desséchée.  L'aspect  particulier  qu'on 


266  BLÉPHARITE.  —  blépharite  ciliaire. 

observe  est  dû  seulement  à  un  arrangement  spécial  et  difficile  à  expli- 
quer des  molécules  multiples  dont  l'agglomération  et  le  dessèchement  for- 
ment la  production  accidentelle. 

Parfois  il  reste  longtemps,  sans  rougeur,  sans  croûte,  sans  ulcération 
et  sans  pustule,  des  pellicules  simplement  épidermiques,  minces  et  fines, 
entre  les  poils  et  autour  d'eux.  L'aspect,  en  pareil  cas,  est  analogue  à 
celui  du  pityriasis. 

La  marche  de  la  blépharite  ciliaire,  chez  l'enfant,  est  toujours  lente. 
Lorsqu'il  ne  survient  aucune  complication,  et  que  des  soins  convenables 
sont  administrés,  elle  se  termine  habituellement  par  la  guérison,  soit  au 
bout  de  quelques  semaines,  soit  au  bout  de  quelques  mois.  Dans  les  cas 
les  plus  heureux,  il  ne  reste  aucune  trace  de  la  maladie,  les  cils  qui  sont 
tombés  ont  été  remplacés  par  d'autres,  les  excoriations  se  sont  cicatrisées, 
la  rougeur  et  le  gonflement  ont  disparu,  mais  le  petit  malade  reste  exposé 
au  retour  de  la  même  affection  sous  l'influence  des  mêmes  causes  qui 
l'avaient  amenée  une  première  fois,  et  surtout  à  la  suite  des  dérangements 
de  sa  santé  par  un  rhume  prolongé,  une  diarrhée,  une  nouvelle  fièvre 
éruptive  ou  toute  autre  maladie. 

Lorsque  la  blépharite  a  duré  plusieurs  années,  ou  s'est  reproduite  un 
certain  nombre  de  fois  avec  opiniâtreté,  les  cils  n'ont  pas  tous  repoussé, 
les  paupières  dégarnies  ont  perdu  de  leur  beauté,  et  sont  très-exposées  à 
de  nouvelles  récidives.  Il  est  rare  cependant,  quelle  qu'ait  été  la  fréquence 
de  ces  récidives,  que  les  paupières  restent  avec  une  calvitie  complète,  et 
présentent  le  boursouflement,  avec  rougeur  du  bord  libre  des  paupières, 
qui  constitue  l'œil  d'anchois  ou  le  tylosis.  Nous  verrons  tout  à  l'heure  que 
cet  état  de  choses  se  voit  plus  souvent  chez  l'adulte. 

Rarement  aussi  la  blépharite  ciliaire  laisse  chez  l'enfant  un  entropion 
ou  un  trichiasis,  résultats  que  nous  observons  encore  de  préférence  à  un 
âge  plus  avancé. 

Souvent  la  blépharite  ciliaire  se  complique  de  kératite  chronique, 
parce  que  les  mêmes  causes  générales  occasionnent  les  deux  maladies. 
Il  est  alors  très-ordinaire  que  la  blépharite  se  prolonge  avec  des  degrés 
variables  d'intensité  tout  le  temps  que  dure  la  kératite,  et  comme  cette 
dernière  est  habituellement  très-rebelle,  c'est  une  raison  pour  que  la 
blépharite  elle-même  se  prolonge  plus  longtemps. 

B.  Chezl adulte,  la  blépharite  ciliaire  se  montre  tantôt  sur  les  paupières 
encore  garnies  de  cils,  tantôt  sur  des  paupières  dégarnies  et  atteintes  de 
calvitie  depuis  un  temps  plus  ou  moins  long. 

l°Dans  le  premier  cas  on  observe  les  mêmes  formes  et  les  mêmes  phé- 
nomènes que  chez  l'enfant,  seulement  la  durée  est  ordinairement  moins 
longue  et  les  récidives  sont  moins  fréquentes.  De  plus,  on  voit  quelque- 
fois dans  le  cours,  et  même  dès  le  début  de  la  maladie,  un  ou  plusieurs 
cils  se  renverser  vers  l'œil  et  former  un  trichiasis.  Ces  cils  sont  entraînés 
par  de  petites  cicatrices  consécutives  aux  ulcérations  du  bord  libre,  ou 
par  une  contracture,  plus  prononcée  en  certains  points  qu'en  d'autres, 
du  muscle  orbiculaire.  Formés  à  la  place  de  ceux  qui  sont  tombés  un 


BLÉPHARITE.    —    BLÉPHARITE    CILIAIRE.  267 

certain  nombre  de  fois,  et  par  des  bulbes  fatigués,  les  cils  renversés  n'ont 
plus  l'épaisseur  et  la  rigidité  naturelles,  ce  qui  explique  encore  leur  sé- 
jour facile  dans  une  situation  anormale. 

2°  Dans  le  second  cas,  c'est-à-dire  chez  les  sujets  qui  ont  perdu,  par 
suite  de  blépharites  répétées  pendant  et  après  l'enfance,  la  plus  grande 
partie  de  leurs  cils,  on  voit  fréquemment  survenir  un  gonflement  avec  rou- 
geur du  bord  libre,  sorte  d'érythème  humide  qui  s'accompagne  facilement 
d'hypérémie  de  la  conjonctive  palpébrale,  et  quelquefois  de  conjonctivite 
oculaire.  Lorsque  cette  phlegmasie,  dont  on  voit  peu  d'exemples  chez  les 
enfants,  s'est  reproduite  un  certain  nombre  de  fois,  le  bord  libre  des  pau- 
pières, celui  de  l'inférieure  surtout,  conserve  indéfiniment  de  la  rougeur, 
de  l'excoriation  et  du  gonflement.  Les  follicules  de  Meibomius  ont  disparu, 
le  bord  palpébral  est  arrondi,  laisse  à  tout  moment  écouler  les  larmes  sur 
"a  joue,  ou  reste  couvert  de  mucus  non  desséché;  tout  cela  constitue  une 
difformité  qui  a  été  décrite  par  les  anciens  auteurs  sous  le  nom  d'œil 
d'anchois.  Quelquefois  la  difformité  se  trouve  augmentée  par  un  renver- 
sement en  dehors  ou  ectropion  partiel,  par  suite  duquel  la  rougeur  anor- 
male et  disgracieuse  est  formée,  non-seulement  par  l'érythème  humide 
du  bord  libre,  mais  aussi  par  le  boursouflement  permanent  de  la  con- 
jonctive palpébrale.  Cet  état  de  choses  est  d'autant  plus  fâcheux  qu'il  est 
irrémédiable,  et  que,  faisant  perdre  à  l'œil  un  de  ses  moyens  de  protec- 
tion, il  l'expose  à  toutes  les  causes  de  kératite  et  de  conjonctivite  répan- 
dues dans  l'atmosphère. 

Pronostic.  —  Il  résulte  de  tout  ce  qui  précède  que  la  blépharite  ciliaire, 
toujours  fâcheuse  par  sa  longue  durée,  est  moins  grave  chez  l'enfant  que 
chez  l'adulte.  La  différence  est  due  à  ce  que,  chez  le  premier,  la  maladie 
ne  conduit  pas  aussi  souvent  que  chez  le  second  à  des  lésions  et  à  des 
difformités  incurables. 

Traitement.  —  Chez  les  enfants  le  traitement  doit  toujours  être  général 
et  local. 

Le  traitement  général  se  compose  des  toniques  médicamenteux  et  hygié- 
niques, que  nous  conseillons,  dans  les  limites  permises  par  la  position 
sociale  du  malade,  à  tous  les  enfants  délicats  et  lymphatiques,  savoir  : 
l'huile  de  foie  de  morue,  le  sirop  antiscorbutique,  l'iode  et  l'iodure  de 
potassium  ou  de  fer,  l'alimentation  fortifiante,  l'air  de  la  campagne,  les 
bains  de  mer. 

Le  traitement  local  consiste  dans  l'application  de  topiques  variés  sui- 
vant l'intensité  et  la  nature  de  la  blépharite.  Lorsque  l'inflammation  est 
momentanément  passée  a  l'état  aigu,  ou  lorsque  des  croûtes  sèches  et 
très-adhérentes  jouent  le  rôle  de  corps  étrangers  irritants,  des  cataplasmes 
de  fécule  modérément  chauds  doivent  être  conseillés.  Si  l'enfant  se  refuse 
à  les  garder  pendant  le  jour,  il  faut  au  moins  en  prescrire  pour  la  nuit, 
et  se  contenter  pendant  le  jour  de  lotions  et  mieux  de  petits  bains,  dans 
une  œillère,  avec  de  l'eau  de  sureau,  de  mélilot  ou  de  guimauve.  Ces 
lotions  ou  bains  doivent  être  répétés  trois  ou  quatre  fois  par  jour.  Lors- 
qu'à l'aide  de  ces  soins  continués  plusieurs  jours,  les  croûtes  sont  suf- 


268  BLÉPHARITE.  —  blépharite  ciliaire. 

fisamment  ramollies,  on  les  enlève  avec  un  linge  fin,  qu'on  passe  assez 
doucement  pour  ne  pas  enlever  les  poils. 

C'est  surtout  à  ce  moment  où  les  croûtes  sont  tombées,  qu'il  est  bon 
d'essayer  l'une  des  pommades  dont  on  a  conseillé,  à  toutes  les  époques, 
d'enduire  matin  et  soir  avec  un  linge,  et  mieux  avec  un  pinceau,  le  bord 
des  paupières.  Le  nombre  de  ces  pommades  est  assez  grand.  Les  plus  usi- 
tées sont  les  suivantes  : 

Axonge  ou  cold-cream. 15  grammes. 

Précipité  rouge 0,05 

Axonge  ou  cold-cream 15  grammes. 

Calomel  préparé  à  la  vapeur. 0,05 

Axonge 4  grammes. 

Azotale  d'argent 0,03  à  0.05 

Axonge  récente 10  grammes. 

iiioxyde  de  mercure  (précipité  rouge) 0,05 

Oxyde  blanc  de  zinc 0,50 

Oxyde  blanc  de  zinc.    . 4  grammes. 

Cérat  sans  eau 8 

Axonge 4  grammes. 

Alun  ou  borax 0,10 

Les  pommades  dites  de  Janin,  de  Lyon,  de  la  veuve  Farnier,  que  débi- 
tent encore  aujourd'hui  certains  industriels,  et  auxquelles  le  public  a  re- 
cours volontiers  sans  le  conseil  des  médecins,  renferment,  dans  des  pro- 
portions un  peu  variées,  une  ou  plusieurs  de  ces  substances,  ou  seulement 
le  précipité  rouge  (bioxyde  de  mercure). 

Les  praticiens  sages  doivent  savoir  que  les  pommades  ont  souvent  de 
mauvais  résultats.  Lorsqu'on  les  place  sur  le  bord  libre  au  lieu  de  les  étendre 
seulement  sur  la  surface  cutanée  des  paupières,  une  partie  se  met  en  con- 
tact avec  la  conjonctive  oculaire  et  peut  l'enflammer.  L'enfant  a  donc 
pendant  quelques  jours  une  conjonctivite  aiguë  à  la  place  de  la  blépharite 
chronique  dont  il  était  atteint  jusque-là.  D'autres  fois,  sans  irriter  la  con- 
jonctive, les  pommades  excitent  très-vivement  les  paupières  elles-mêmes 
et  font  passer  momentanément  la  blépharite  à  l'état  aigu,  avec  rougeur 
de  la  peau,  gonflement,  sécrétion  abondante  des  follicules  de  Meibomius  ;  ce 
ne  serait  là  qu'un  léger  inconvénient,  si,  après  cette  poussée  aiguë,  la  maladie 
marchait  franchement,  vers  la  guérison.  Mais,  le  plus  souvent,  il  n'en  est 
rien  :  la  forme  chronique  reparaît  et  la  blépharite  continue  d'exister  avec 
les  alternatives  dont  j'ai  parlé,  jusqu'à  ce  que,  par  une  sorte  d'épuisement 
spontané,  ou  après  une  amélioration  notable  de  la  santé  générale,  elle 
disparaisse.  J'ai  vu  si  souvent  les  pommades  produire  des  effets  mauvais 
ou  nuls,  que  je  me  demande  si  elles  sont  réellement  utiles,  et  comment 
elles  le  sont.  En  répondant  d'après  mon  observation  personnelle,  il  est 
incontestable  qu'à  côlé  des  enfants  qui  n'ont  obtenu  aucun  effet  avanta- 
geux, j'en  ai  vu  d'autres  chez  lesquels  un  peu  d'amélioration  se  montrait 


BLEPIIAPiITU.    —    BLÉPHARITE    CILI.URE.  269 

après  l'application  du  topique.  Mais  j'en  ai  vu  bien  peu  chez  lesquels 
eette  amélioration  se  soutenait  longtemps.  En  supposant  les  résultats 
heureux,  il  est  encore  bien  difficile  de  dire  comment  agit  le  topique,  si 
c'est  en  substituant,  par  l'excitation  qu'il  occasionne,  une  inflammation 
un  peu  vive  à  l'inflammation  trop  lente  qui  existait,  ou  si  c'est  en 
ramollissant  les  croûtes  et  facilitant  leur  clmte,  ou  bien  si  c'est  tout 
simplement  en  protégeant  les  surfaces  malades  et  excoriées  contre  l'air 
et  les  poussières.  Il  m'est  impossible  de  me  prononcer  catégoriquement 
sur  ces  points.  Mais  inclinant  vers  cette  dernière  opinion  que  le  corps 
gras  est  surtout  un  moyen  protecteur,  craignant  les  effets  irritants  des 
corps  qu'on  lui  associe,  et  doutant  de  leur  efficacité,  je  conclus  de  la  ma- 
nière suivante  :  En  présence  de  blépharites  de  longue  durée,  il  est  impos- 
sible que  le  praticien  ne  cède  pas  au  désir  des  parents,  qui  croient  à 
1'insuftisance  du  traitement,  si  l'on  n'emploie  pas  des  topiques.  Le  mieux 
est  donc  de  conseiller  les  pommades  les  moins  irritantes,  telles  que 
l'axonge  ou  le  cold-crcam,  et  d'insister  pour  qu'on  en  enduise  la  surface 
cutanée  le  long  de  la  rangée  ciliairc,  et  non  pas  le  bord  palpébral;  si  l'on 
croit  devoir  incorporer  à  l'axonge  le  précipité  rouge,  n'en  mettre  qu'une 
très-faible  proportion,  2  à  5  centigrammes  pour  4  grammes,  au  lieu  de 
5  que  l'on  indique  dans  la  plupart  des  formulaires  ou  traités  spéciaux  ; 
si  enfin  l'on  ne  réussit  pas,  essayer  ensuite  une  pommade  plus  irritante, 
faite  soit  avec  une  proportion  plus  forte  de  l'oxyde  de  mercure,  soit  avec 
une  des  autres  substances  que  j'ai  indiquées. 

Un  autre  moyen  très-usité  est  l'attouchement,  tous  les  quatre  ou  cinq 
jours,  du  bord  libre  des  paupières  malades  avec  un  pinceau  trempé  dans 
une  solution  d'azotate  d'argent  à  0,50  cent,  pour  50  grammes  d'eau,  ou 
avec  le  crayon  d'azotate  d'argent  pur,  ou  avec  le  crayon  d'azotate  d'argent 
mitigé,  tel  que  l'emploie  Desmarres  (un  tiers  d'azotate  d'argent  fondu 
avec  deux  tiers  de  nitrate  de  potasse),  ou  enfin  avec  le  crayon  de  sulfate 
de  cuivre.  Pour  faire  cet  attouchement,  il  convient  d'attendre  le  moment 
où  les  croûtes  sont  tombées  ou  au  moins  ramollies.  Si  la  chute  et  le 
ramollissement  spontanés  sont  trop  lents  à  se  produire,  on  a  soin  de  les 
provoquer  au  moyen  de  cataplasmes  de  fécule,  au  moins  pendant  la  nuit, 
et  on  fait  la  petite  opération  le  matin,  au  moment  où  le  cataplasme  est 
enlevé.  Il  est  incontestable  que  ces  moyens  réussissent  plus  habituellement 
que  les  pommades,  cependant  ils  ont  toujours  l'inconvénient  de  ne  donner 
souvent  qu'une  amélioration  passagère,  suivie,  deux  ou  trois  jours  après 
l'attouchement,  d'un  retour  de  la  maladie  à  peu  près  au  même  état.  Si 
l'on  rapproche  trop  les  cautérisations,  elles  peuvent  amener  aussi,  sans 
aucun  bénéfice,  une  inflammation  aiguë  qui  se  propage  à  la  conjonctive 
oculaire.  Si  on  ne  les  répète  que  tous  les  six  ou  sept  jours,  elles  donnent 
très-difficilement  la  guérison.  Celle-ci  n'a  lieu  qu'après  dix,  douze  ou 
quinze  cautérisations,  et  alors  comment  savoir  si  c'est  à  ces  dernières 
plutôt  qu'aux  autres  moyens,  et  surtout  au  traitement  général,  au  temps 
écoulé  même,  que  le  résultat  doit  être  attribué? 

Il  me  serait  d'ailleurs  assez  difiicile  de  dire  par  quel  mécanisme  ces 


c270  BLÉPIIARITE.  —  blépharite  ciliaire. 

attouchements  agissent  :  quelquefois  ils  produisent  une  eschare  très- 
superficielle,  exclusivement  épidermique,  qui  se  détache  en  quelques 
heures.  D'autres  fois,  et  le  plus  souvent,  ils  ne  produisent  pas  d'eschnres 
et  donnent  seulement  une  excitation  momentanée  pendant  laquelle  les 
paupières  sont  plus  rouges  et  les  yeux  plus  larmoyants,  après  quoi  un 
peu  de  résolution  se  fait.  Il  semble  donc  que  la  théorie  de  la  méthode  dite 
substitutive  puisse  être  adoptée  ici.  Malheureusement  la  substitution  est 
trop  souvent  imparfaite,  en  ce  sens  que  le  mouvement  de  résolution  com- 
mencé ne  se  complète  pas,  et  que  le  mal  reprend  bientôt  en  totalité  ou  en 
partie  l'aspect  qu'il  présentait  avant  l'opération.  Malgré  ces  incertitudes,  il 
faut  recourir  à  ce  moyen,  en  s'en  servant  avec  prudence,  c'est-à-dire  en 
touchant  légèrement,  les  premiers  jours,  et  éloignant  assez  les  opé- 
rations pour  ne  pas  faire  naître  une  blépharo-conjonctivite  aiguë  trop 
intense.  Quant  au  choix  du  caustique,  je  donne  la  préférence  au  sulfate 
de  cuivre,  parce  qu'il  est  moins  irritant;  mais  lorsqu'il  est  inefficace, 
j'emploie  le  crayon  mitigé  et  quelquefois  le  crayon  d'azotate  d'argent  pur, 
en  prenant  la  précaution  très-généralement  usitée  aujourd'hui,  de  neu- 
traliser l'excès  du  sel  et  d'empêcher  son  action  sur  l'œil,  au  moyen  d'une 
solution  de  chlorure  de  sodium  portée  avec  un  pinceau  sur  le  bord  pal- 
pébral.  C'est  une  maladie,  en  un  mot,  difficile  à  traiter,  et  pour  laquelle 
il  ne  faut  pas  dissimuler  que  des  tâtonnements  sont  nécessaires. 

Il  serait  bon  d'ajouter  à  l'emploi  de  ces  moyens  la  protection  des  or- 
ganes malades  contre  la  lumière  vive,  les  poussières  et  le  contact  des 
doigts.  En  effet  la  lumière  intense,  comme  celle  du  soleil,  des  grosses 
lampes,  du  gaz,  sans  porter  directement  son  action  sur  les  organes  pal- 
pébraux,  a  pour  effet  incontestable  de  provoquer  une  certaine  congestion 
de  l'œil,  et  par  suite  des  paupières,  lesquelles  ont,  avec  l'œil,  des  relations 
vasculaires  et  une  solidarité  physiologique  et  pathologique  incontestables. 
Cette  congestion  n'a  aucun  inconvénient  pour  l'œil  lorsqu'il  est  sain; 
mais  elle  peut  entretenir  et  augmenter  l'irritation  des  paupières,  lors- 
qu'elles sont  malades.  Les  poussières  et  les  molécules  de  tout  genre  ré- 
pandues dans  l'atmosphère  sont  nuisibles  pour  les  sujets  atteints  de  blé- 
pharite, parce  qu'elles  sont  retenues  trop  intimement  par  le  mucus  et  le 
pus,  avec  lequel  elles  se  combinent.  Enfin,  nous  avons  dit  que  les  mains  des 
enfants  étaient  souvent  portées  inconsidérément  sur  les  paupières 
avec  les  malpropretés  dont  elles  sont  chargées.  Il  y  a  donc  là  une  indica- 
tion réelle.  Mais  combien  il  est  difficile  de  la  remplir!  Le  meilleur  moyen 
de  protection,  assurément,  serait  l'emploi  de  lunettes  à  verres  neutres 
enfumés  ou  bleuâtres,  avec  grillages  la'éraux,  comme  celles  que  nous 
recommandons  si  souvent  aux  adultes  :  mais  bien  peu  d'enfants  ont  assez 
de  raison  pour  conserver  des  lunettes.  Ils  les  ôtent  à  la  moindre  gêne  ou 
négligent  de  les  mettre,  cassent  les  verres  dans  leurs  jeux,  et  risquent 
de  se  blesser.  Si  Ton  a  essayé,  on  est  bientôt  obligé  de  cesser.  Un  bandeau 
flottant  remplirait  encore  assez  bien  l'oflice.  Mais  comment  astreindre 
un  enfant  à  tenir  les  deux  yeux  continuellement  obstrués  ?  Pour  un  seul, 
c'est  déjà  bien  difficile;  et  d'ailleurs  ne  faut-il  pas,  pour  la  santé  gêné- 


BLïPHARITE.  —  bléphamte  muqueuse.  271 

raie,  que  les  yeux  ne  soient  pas  privés  du  contact  de  la  lumière? En  réa- 
lité, dans  la  pratique,  nous  ne  pouvons  satisfaire  pleinement  à  l'indica- 
tion. Nous  sommes  obligés  de  nous  en  tenir  aux  précautions  suivantes  : 
garder  l'enfant  h  la  chambre  pendant  les  heures  de  grand  soleil,  le  faire 
coucher  de  bonne  heure  plutôt  que  de  le  tenir  exposé  longtemps  à  la  lu- 
mière artificielle,  avoir  soin  de  lui  faire  laver  souvent  les  mains,  et  d'em- 
pêcher  qu'il  touche  des  objets  malpropres,  enfin  remédier  à  l'insuffi- 
sance de  la  protection  par  des  lotions  réitérées. 

Chez  l'adulte,  lorsque  la  blépharite  ciliaire  ressemble  à  celle  de  l'enfant, 
c'est-à-dire  est  caractérisée  parla  rougeur,  les  croûtes  et  les  exulcérations 
du  bord  libre,  avec  conservation  de  la  plupart  des  cils,  le  traitement  est 
le  même  que  celui  dont  je  viens  de  parler.  Les  moyens  généraux  ne  doi- 
vent pas  être  négligés,  si  la  constitution  est  faible  ;  quant  aux  moyens 
locaux,  on  nrrive,  par  des  tâtonnements,  à  trouver  celui  qui  convient  le 
mieux,  ou  dune  pommade  légèrement  irritante,  ou  de  l'attouchement  avec 
le  crayon  de  sulfate  de  cuivre  ou  d'azotate  d'argent.  Enfin  la  protection, 
au  moyen  de  lunettes  à  verres  enfumés,  est  ordinairement  facile  à  réaliser. 
C'est  pour  cette  dernière  raison,  et  aussi  sans  doute  parce  que  la  maladie 
est  moins  rebelle  à  cet  âge,  qu'on  en  triomphe  habituellement  plus  vite 
que  chez  les  enfants. 

Si  les  cils  étaient  restés,  et  que  quelques-uns  fussent  renversés  en  arrière 
(trichiasis),  il  conviendrait  de  les  arracher  aussi  souvent  qu'ils  repous- 
seraient. 

Si  enfin  la  blépharite  ciliaire  était  aecompagnée  de  calvitie  palpébrale  et 
présentait  les  formes  que  j'ai  indiquées,  il  n'y  aurait  absolument  à  conseil- 
ler que  des  palliatifs  destinés  à  empêcher  le  passage  de  la  maladie  à  l'état 
aigu,  et  sa  propagation  vers  l'œil:  les  lotions  fréquentes,  les  lunettes  à 
verres  enfumés,  l'éloignement  des  milieux  remplis  de  poussières  irritantes 
seraient  les  moyens  les  plus  utiles  pour  diminuer  les  inconvénients  de 
la  maladie  qu'il  faudrait  considérer  comme  une  infirmité. 

II.  Klépiiarite  muqueuse.  —  J'appelle  ainsi  la  variété  de  blépha- 
rite dans  laquelle  l'inflammation  occupe  exclusivement,  ou  très-spéciale- 
ment, le  feuillet  muqueux  ou  conjonctival  des  paupières. 

Cette  blépharite  coïncide  quelquefois  avec  la  blépharite  ciliaire.  Elle 
coïncide  plus  souvent  avec  la  conjonctivite  oculaire,  et  se  trouve  alors 
être  une  dépendance  de  la  conjonctivite  générale  (voij.  ce  mot).  Mais  sou- 
vent aussi  l'inflammation  est  limitée  à  la  muqueuse  palpébrale,  et  c'est 
un  point  assez  important  dans  la  pratique  pour  que  j'aie  cru  devoir  donner 
la  description  suivante,  qui  manque  dans  plusieurs  de  nos  traités  géné- 
raux et  spéciaux. 

La  blépharite  muqueuse  se  présente  sous  trois  formes  principales  : 
simple,  purulente,  granuleuse.  Je  ne  m'occuperai  pas  ici  de  la  forme  pu- 
rulente, parce  que  rarement  elle  est  isolée.  Elle  précède  bien  assez  sou- 
vent la  conjonctivite  purulente  générale,  et  alors  se  montre  isolée  pen- 
dant un  ou  deux  jours,  notamment  chez  les  nouveau-nés.  Mais  il  est  assez 
ordinaire  que  le  mal  se  propage  ensuite  à  la  conjonctive  tout  entière; 


272  BLÉPHARITE.  —  blépiiarite  muqueuse  simple. 

c'est  pourquoi  la  blépharite  muqueuse  purulente  ne  doit  pas  être  séparée 
de  la  conjonctivite  de  même  nom  (voy.  Conjonctivite). 

Je  n'ai  donc  à  décrire  ici  que  la  blépiiarite  muqueuse  simple  et  la  gra- 
nuleuse. 

III.  Blépiiarite  ïssbi«i  sa  casse  simple.  —  Cette  maladie  est  peu  con- 
nue. Sichel  l'a  assez  bien  indiquée  dans  un  mémoire,  publié  par  \a  Gazette 
médicale,  en  1847,  sur  quelques  particularités  de  l'ophtalmie  catarrhale 
et  sa  liaison  avec  d'autres  maladies  de  l'œil.  Mais  ce  travail  ne  fait  pas 
assez  ressortir  la  localisation  de  l'inflammation  dans  la  conjonctive  pal- 
pébrale  et  sa  fréquence  pendant  la  jeunesse.  C'est  pour  cette  raison  qu'il 
n'avait  pas  frappé  l'attention  des  observateurs,  et  était  trop  vite  tombé 
dans  l'oubli.  Wecker,  dans  l'article  Hypérémie  de  la  conjonctive  de  son 
traité  récent  (1862),  donne  aussi  quelques  notions  sur  la  blépiiarite  mu- 
queuse. xMais  il  a,  comme  Sichei,  le  tort  de  comprendre,  dans  une  même 
description,  et  sous  le  même  titre,  ce  qui  appartient  à  la  muqueuse  pal- 
pébrale,  et  ce  qui  appartient  à  la  muqueuse  oculaire,  et  de  ne  pas  pré- 
venir le  lecteur  que  sa  description  s'applique  presque  exclusivement  à  la 
conjonctive  palpébrale.  Pour  ma  part,  je  n'aurais  pas  saisi,  dans  ces  deux 
auteurs,  la  blépiiarite  muqueuse  de  l'adolescence,  si,  depuis  bien  des 
années,  je  n'avais  été  frappé  de  sa  fréquence  sur  de  jeunes  malades,  et 
si,  d'après  ma  propre  observation,  je  ne  l'avais  pas  formulée  dans  mes 
leçons  dès  1857. 

La  blépiiarite  muqueuse  est  rare  chez  les  enfants  et  les^adultes.  On 
l'observe  surtout  chez  les  adolescents  et  les  jeunes  gens  entre  treize  et 
vingt- cinq  ans,  c'est  pourquoi  je  l'appelle  volontiers  la  blépiiarite  des 
adolescents.  On  la  voit  surtout  dans  les  écoles,  les  pensions  et  les  régi- 
ments. Habituellement  idiopathique  et  individuelle,  elle  se  montre  aussi 
quelquefois  sous  forme  épidémique,  à  la  manière  de  la  conjonctivite 
catarrhale,  dont  elle  n'est,  à  vrai  dire,  qu'une  variété,  et  comme  un  pre- 
mier degré. 

Ses  causes  occasionnelles  sont  :  la  viciaiion  de  l'air  par  l'encombrement, 
comme  dans  les  classes,  les  salles  d'étude,  les  dortoirs,  les  chambrées, 
ou  par  la  fumée  de  tabac,  comme  dans  les  corps  de  garde,  le  travail  du 
soir  à  la  lumière  artificielle,  l'exposition  au  froid  numide  pendant  la 
nuit  ou  de  grand  matin,  comme  le  soldat  y  est  exposé  par  les  factions  et 
l'exercice,  peut-être,  pour  les  cas  d'épidémie,  des  émanations  contagieuses 
parties  des  yeux  malades.  Wecker  fait  intervenir  l'application  trop  étroite 
et  le  frottement  trop  intime  des  paupières  contre  le  globe  de  l'œil  par  une 
action  exagérée  du  muscle  orbiculaire.  Je  n'ai  pu,  jusqu'à  présent,  trouver, 
par  l'observation  clinique,  la  démonstration  de  cette  dernière  étiologie. 

Symptômes.  — H  y  a,  sous  le  rapport  de  la  symptomatologie,  une  forme 
commune  et  des  formes  exceptionnelles. 

A.  Dans  la  (orme  commune,  on  remarque  connue  symptômes  fonc- 
tionnels quelques  démangeaisons,  un  peu  de  larmoiement  à  l'air,  surtout 
lorsqu'il  fait  froid,  une  sensation  de  pesanteur  des  paupières,  surtout  le 
soir,  parfois  un  peu  d'accolleineut  des  bords  ciliaires  le  matin,  en  raison 


BLÉPHARITE.  —  blépharite  muqueuse  simple.  cJ75 

d'un  léger  degré  de  blépharite  ciliaire  concomitante.  Ces  symptômes 
sont,  pour  la  plupart,  à  peine  marqués,  ou  bien  ils  se  prononcent  davan- 
tage à  certains  moments,  et,  le  reste  du  temps,  passent  inaperçus.  Lors- 
que les  sujets  n'ont  pas  besoin  d'appliquer  habituellement  leurs  yeux  à 
des  objets  lins,  et  la  plupart  des  soldats  sont  clans  ce  cas,  ils  conservent 
longtemps  ces  petits  accidents  sans  s'en  occuper  ni  consulter,  et  ils  n'en 
parlent  que  si  l'on  est  amené  à  leur  adresser  des  questions  sur  ces  divers 
points.  A  l'époque  où  j'ai  préparé  pour  l'Académie  de  médecine  (en  1862), 
un  rapport  sur  l'héméralopie,  j'eus  l'occasion  d'observer  un  bon  nombre 
de  soldats,  appartenant  au  5e  régiment  de  chasseurs  à  pied,  qui  étaient 
atteints  de  cette  blépharite,  sans  qu'ils  en  eussent  été  assez  incommodés 
pour  consulter  :  ils  ne  demandaient  à  être  dispensés  du  service  que  dans 
les  cas  où  la  blépharite  se  compliquait  d'héméralopie,  ce  qui  est  arrivé  à 
plusieurs  d'entre  eux. 

Au  contraire,  les  sujets,  comme  ceux  des  pensions,  des  collèges  ou  des 
ateliers  qui  sont  obligés  d'appliquer  leurs  yeux  pour  des  objets  fins,  tels 
que  la  lecture,  l'écriture,  la  couture,  et  de  les  appliquer  à  la  lumière 
artificielle,  ces  sujets,  dis-je,  éprouvent  des  symptômes  fonctionnels  qui 
éveillent  tout  spécialement  leur  attention  et  leur  inquiétude,  ce  sont  un 
picotement,  un  larmoiement,  de  la  céphalalgie  et  un  trouble  de  la  vision, 
lorsque  les  yeux  se  sont  appliqués  un  certain  temps.  Ils  sont  obligés  de 
suspendre  le  travail  pendant  quelques  moments,  après  quoi  tous  les  phé- 
nomènes ont  disparu,  pour  revenir  bientôt  si  le  sujet  se  remet  à  l'étude.  Le 
matin,  et  pendant  la  première  moitié  de  la  journée,  ce  trouble  de  la  vision 
n'existe  pas  encore;  il  se  montre  dans  l'après-midi  et  surtout  le  soir.  J'ai 
été  consulté  par  plusieurs  collégiens  qui  en  étaient  venus  à  ne  plus  pouvoir 
faire  les  travaux  du  soir. 

Aux  symptômes  que  je  viens  d'indiquer,  chacun  reconnaîtra  la  maladie 
qui  a  été  décrite  sous  les  noms  de  disposition  à  la  fatigue  des  yeux  ou  de 
copiopie,  celle  que  les  ophthalmologistes  modernes  nomment  asthéno- 
pie.  Nul  doute  que  le  trouble  de  la  vue  désigne  sous  ces  noms  se 
montre  quelquefois  sans  maladie  palpébrale,  nul  doute  qu'on  le  voie  en 
particulier,  chez  les  hypermétropes;  mais  on  n'a  pas  assez  dit,  jusqu'à 
présent,  qu'il  se  montre  fréquemment  chez  des  sujets  dont  l'œil  est  par- 
faitement conformé,  et  chez  lesquels  existe  depuis  un  certain  temps  la  lé- 
sion de  la  conjonctive  palpébrale  dont  je  vais  tout  à  l'heure  indiquer  les 
symptômes  anatomiques  ou  objectifs. 

Il  est  assez  difficile,  je  n'en  disconviens  pas,  d'expliquer  par  une  sim- 
ple lésion  des  paupières  le  trouble  de  la  vue  dont  il  s'agit?  Faut-il 
admettre  que,  par  suite  de  la  blépharite  muqueuse,  les  sujets  ont  facile- 
ment une  contraction  trop  énergique  de  l'orbiculaire,  que  cette  contrac- 
tion se  propage  sympathiquement  à  tous  les  muscles  de  l'orbite  pendant 
l'application  des  yeux  et  qu'il  en  résulte  une  pression  exagérée  et  doulou- 
reuse du  globe  oculaire?  Ou  bien  est-ce  qu'en  vertu  des  liens  mysté- 
rieux mais  incontestables  qui  existent  entre  les  paupières  et  les  mem- 
branes internes  du  fond  de  l'œil,  celles-ci  se  congestionnent  aisément 


NOUV.    DICT.    JIÉD.    ET    CUIR. 


V.  —  18 


274  BLÉPHARITE.  —  blépharite  muqueuse  simple. 

sous  l'influence  de  l'exercice  de  la  vision,  lorsque  les  paupières  sont  préa- 
lablement congestionnées  ou  enflammées?  Je  ne  saurais  émettre  d'opinion 
précise  à  cet  égard,  parce  que  les  preuves  me  manquent.  Je  me  contente 
de  signaler  le  l'ait  clinique  :  quand  les  paupières  ont  leur  muqueuse  en- 
flammée, la  vision  se  trouble  et  s'altère  pendant  l'application  des  yeux 
pour  les  objets  fins,  et  redevient  normale  une  fois  que  l'application  cesse. 
Ce  symptôme  ne  provient  certes  pas  directement  de  la  lésion  palpébrale, 
mais  il  lui  est  consécutif  et  est  occasionné  par  elle.  Il  est,  d'ailleurs,  pas- 
sager, tandis  que  la  blépharite  est  persistante. 

Voyons  maintenant  les  symptômes  physiques  ou  objectifs.  Quand  on 
examine  les  yeux  sans  renverser  les  paupières,  on  ne  voit  habituellement 
rien,  ni  gonflement,  ni  rougeur,  ni  injection  oculaire,  ni  écoulement  de 
larmes,  ni  dépôt  muqueux  abondant  sur  les  cornées.  Tout  au  plus, 
trouve-t-on  le  matin,  comme  je  l'ai  dit,  un  léger  accoilement  des  bords 
ciliaires,  et  quelques  concrétions  mollasses.  Après  une  lotion,  ces  phéno- 
mènes disparaissent,  et  dans  le  reste  de  la  journée,  il  n'y  a  plus  rien 
d'appréciable.  La  véritable  lésion  ne  se  voit  bien  que  si  Ton  prend  la  peine 
de  renverser  alternativement  la  paupière  inférieure  et  la  supérieure,  et 
elle  est  ordinairement  plus  prononcée  sur  la  première  que  sur  la  seconde. 
Celte  lésion  consiste  en  une  rougeur  très-prononcée  qui  commence  au 
niveau  du  bord  libre  et  se  prolonge  jusqu'au  cul-de-sac  palpébral.  Au 
voisinage  du  bord  libre  la  rougeur  diffère  peu  de  celle  que  l'on  observe 
chez  beaucoup  de  personnes  dont  les  paupières  ne  sont  réellement  pas 
malades.  Mais  la  continuation  jusqu'au  cul-de-sac  doit  être  considérée 
comme  morbide,  car  à  l'état  sain  la  conjonctive  va  pâlissant  de  plus  en 
plus  du  bord  libre  vers  ce  cul-de-sac. 

La  rougeur  est  due  à  l'injection  insolite  et  permanente  des  vaisseaux 
de  la  conjonctive  palpébrale.  Elle  est  quelquefois  portée  assez  loin  pour 
qu'il  y  ait  en  même  temps  un  léger  épaississement  ;  mais  celui-ci  ne  s'ac- 
compagne ordinairement  pas  de  granulation. 

La  rougeur  est  considérée  par  Wecker  comme  une  simple  hypérémie. 
Mais  ici,  comme  sur  bien  d'autres  points,  il  me  paraît  impossible  d'éta- 
blir une  ligne  de  démarcation  franche  et  naturelle  entre  l'hypérémie  et 
l'inflammation.  Il  me  suffit  que  quelques  symptômes  fonctionnels  (déman- 
geaisons, picotements,  etc.)  coïncident  avec  la  rougeur,  et  que  quelque- 
fois un  léger  gonflement  s'y  ajoute  pour  que  je  sois  autorisé  à  considérer 
la  maladie  comme  une  conjonctivite  palpébrale  plutôt  que  comme  une 
hypérémie.  Je  ne  vois  même  aucun  inconvénient  à  considérer  cette  con- 
jonctivite comme  catarrhale,  ainsi  que  nous  le  faisons  volontiers  pour  la 
conjonctivite  oculaire. 

B.  Dans  les  formes  exceptionnelles,  on  trouve  les  mêmes  signes  phy- 
siques, mais  il  y  a  de  plus  certains  symptômes  fonctionnels  auxquels 
assurément  on  ne  devait  pas  s'attendre,  ce  sont  le  clignement,  la  névral- 
gie et  l'héméralopie.  Siebel  les  a  très-bien  signalées  dans  son  mémoire. 

Le  clignement  ou  nictitation,  que  je  n'ai  pas  à  décrire  ici  dans  tous  ses 
détails,  consiste  en  une  contraction  réitérée  du  muscle  orbiculaire  ame- 


BLÉPHARITE.  —  blépharite  muqueuse  simple.  275 

■liant  plus  souvent  que  dans  l'état  naturel  l'occlusion  de  la  fente  palpé- 
brale,  et  occasionnant  une  certaine  gêne  de  la  vision  et  un  état  plus 
ou  moins  disgracieux,  suivant  que  le  phénomène  est  plus  ou  moins 
prononcé.  Chelius  qui,  dans  son  traité  d'ophthalmologie,  a  signalé 
aussi  cette  complication  des  légères  affections  catarrhales  de  l'œil,  dit 
qu'elle  constitue  le  degré  le  moins  élevé  du  spasme  clonique  des  pau- 
pières, et  consiste  quelquefois  en  un  simple  tremblotement  léger  qui  se 
montre  particulièrement  vers  le  soir  ou  lorsque  les  yeux  ont  été  fatigués 
par  la  lecture  ou  l'écriture;  le  clignement,  en  un  mot,  s'ajoute  à  la  copio- 
pie  chez  certains  sujets,  tandis  qu'il  manque  chez  la  plupart  des  autres, 
et  tantôt  il  est  passager  comme  la  copiopie  elle-même,  tantôt,  ce  qui  est 
plus  rare,  il  reste  permanent. 

Un  autre  symptôme  fonctionnel  possible  est  la  névralgie  soit  oculaire 
soit  périorbitaire.  Il  consiste  en  une  douleur  vive  qui  survient  comme  la 
copiopie,  et  comme  fait  quelquefois  le  clignement,  à  la  suite  de  l'applica- 
tion des  yeux  sur  des  objets  fins,  et  qui  prend  la  forme  d'accès  variant  de 
durée  entre  un  quart  d'heure  et  plusieurs  heures.  Quelquefois  la  douleur 
occupe  exclusivement  l'œil;  d'autres  fois,  et  ce  serait  d'après  Sichel  le  cas 
le  plus  rare,  elle  s'irradie  le  long  du  front  et  de  la  tempe  sur  le  trajet  des 
branches  de  la  cinquième  paire,  comme  cela  a  lieu  si  souvent  dans  le 
cours  de  i'ophthalmie  interne  et  notamment  de  celle  qui  vient  compliquer 
les  suites  de  l'opération  de  la  cataracte. 

Cette  névralgie  a  pour  caractère  d'être  rebelle  à  tous  les  moyens  qu'on 
emploie,  tant  que  persiste  la  conjonctivite  palpébrale  dont  elle  est  la  com- 
plication. Sichel  insiste  sur  ce  point  et  en  tire  avec  raison  la  conclusion 
qu'il  importe  dans  la  pratique  de  se  familiariser  avec  cette  singulière  re- 
lation. Car,  faute  de  la  connaître  et  de  savoir  distinguer  la  blépharite, 
point  de  départ  de  la  névralgie,  on  laisse  persister  longtemps  des  acci- 
dents douloureux  qui,  si  une  fois  l'origine  était  reconnue  et  combattue, 
disparaîtraient  vite. 

Le  dernier  symptôme  fonctionnel  qu'on  rencontre  exceptionnellement 
dans  la  blépharite  muqueuse  est  l'héméralopie,  ou  cessation  de  la  faculté 
de  voir  depuis  le  coucher  du  soleil  jusqu'au  lendemain  matin.  Sichel  a 
Tort  bien  signalé  cette  coïncidence  de  l'héméralopie  avec  la  conjonctivite 
catarrhale  légère,  celle  que  nous  localisons  et  qu'il  localise  lui-même 
dans  les  organes  palpébraux.  Mais  il  n'avait  pas  étayé  cette  opinion  d'exem- 
ples positifs.  Ayant  eu  l'occasion  en  1862  d'observer  des  héinéralopes 
dans  deux  corps  de  la  garnison  de  Paris,  le  5e  bataillon  de  chasseurs  à 
pied  et  le  75e  régiment  de  ligne,  j'ai  remarqué  que  tous  les  sujets  atteints 
de  cette  singulière  et  peu  grave  affection,  étaient  atteints  d'une  blépha- 
rite muqueuse  légère  à  laquelle  ils  n'avaient  pas  fait  attention  parce  qu'ils 
n'en  souffraient  pas.  Ils  avaient  eu,  longtemps  avant  leur  héméraîopie, 
des  cuissons,  des  démangeaisons,  un  accollemcnt  des  bords  ciliâires  le 
matin,  et  nous  offraient  cette  injection  intense  de  la  muqueuse  palpébrale 
que  j'ai  donnée  comme  le  signe  anatomique  principal  de  la  lésion. 
J'ai  signalé  ce  fait  dans  mon  rapport  à  l'Académie  de  médecine,  et  j'ai 


276  BLÉPHARITE.  —  blépharite  muqueuse  simple. 

émis  l'opinion  que  sans  doute  l'héméralopie  était  comme  la  copiopie,  la 
névralgie  et  le  spasme,  un  trouble  fonctionnel  surajouté  à  la  blépharite 
par  un  mécanisme  incompréhensible  et  en  vertu  des  relations  physiolo- 
giques et  anatomiques  qui  existent  entre  le  fond  de  l'œil  et  les  paupières. 
J'ai  laissé  entrevoir  l'espérance  que  peut-être  on  préserverait  et  on  gué- 
rirait de  l'héméralopic  si  on  traitait  à  temps  cette  blépharite  qui  la  pré- 
cède et  l'occasionne,  mais  qui  jusqu'à  présent,  a  presque  toujours  été 
méconnue. 

Je  n'ai  pas  eu,  depuis  cette  époque,  l'occasion  d'observer  à  nouveau 
Phéméralopie  et  de  confirmer  les  vues  exposées  dans  mon  rapport. 
Mais  il  est  un  point  que  personne  aujourd'hui  ne  peut  contester  et  que 
d'ailleurs  les  descriptions  des  chirurgiens  militaires,  notamment  celles 
de  Baizeau  et  Netter  avaient  déjà  fait  connaître,  c'est  que  dans  .un  certain 
nombre  de  cas,  il  y  a  coïncidence  avec  Phéméralopie  d'une  blépharite 
muqueuse  dite  aussi  conjonctivite  catarrhale  légère,  à  laquelle  on  n'a  pas 
jusqu'ici  fait  grande  attention. 

Un  second  point  est  de  savoir  si  cette  blépharite  muqueuse  précède 
Phéméralopie,  et  la  détermine  en  amenant  peu  à  peu  une  irritation  ou 
une  congestion  de  l'intérieur  de  l'œil,  comparable  à  celle  qui  constitue 
la  copiopie,  et  en  différant  seulement  par  sa  forme  ou  manière  d'être. 
A  cet  égard,  mon  opinion  ne  s'est  pas  modifiée  depuis  la  publication  de 
mon  rapport;  considérant  que  j'ai  observé  l'héméralopic  chez  des  sujets 
qui,  depuis  longtemps,  sans  le  savoir  et  sans  qu'on  les  eût  examinés  pour 
s'en  assurer,  avaient  une  blépharite  conjonctivale,  trouvant  d'ailleurs 
une  certaine  analogie  entre  cette  héméralopie  et  la  copiopie  qui,  chez 
d'autres  sujets,  me  paraît  certainement  dépendre  de  la  blépharite,  je 
crois  encore  Phéméralopie  consécutive  à  la  maladie  palpébrale  et  détermi- 
née sympathiquement  par  elle,  et  ce  qui  m'enhardit  dans  cette  croyance, 
c'est  l'espoir  qu'un  traitement  convenable  de  la  blépharite  mettrait  les 
sujets  à  l'abri  de  l'héméralopie. 

Je  sais  bien  qu'on  peut  soutenir  l'indépendance  absolue  des  deux 
affections,  qu'on  peut  même  admettre  comme  cause  de  la  blépharite  la 
fatigue  de  l'appareil  oculo-palpébral,  lorsqu'à  la  lin  de  la  journée  les 
sujets  commencent  à  moins  voir.  Mais  ceci  serait  tout  au  plus  admissi- 
ble pour  les  cas  où  la  blépharite  viendrait  après  Phéméralopie.  Or,  sur  les 
malades  que  j'ai  observés,  la  blépharite  avait  précédé,  et  je  ne  sais  pas  si 
les  choses  se  passent  jamais  autrement. 

Du  reste  je  n'ai  nullement  la  prétention  de  soutenir  que  l'héméralopie 
épidémique  soit  toujours  sous  la  dépendance  de  la  blépharite,  je  crois 
que,  comme  la  copiopie,  le  spasme  palpébral  et  la  névralgie,  elle  peut 
se  développer  sans  la  lésion  préalable  de  la  paupière.  Je  dis  seulement 
que  cette  corrélation  m'a  paru  incontestable  dans  certains  cas,  et  que  j'ai 
vu  dans  cette  notion  une  application  pratique  importante,  savoir  la 
prophylaxie  de  l'héméralopie  épidémique  dans  les  régiments  et  sur  les 
navires. 

Diagnostic.  —  Il  est  facile   de    reconnaître   la  blépharite   muqueuse 


BLÉPIIAIUTE.    BLEPHARITE    MUQUEUSE    SIMPLE.  277 

lorsqu'on  songe  à  examiner  la  face  postérieure  des  paupières,  après 
les  avoir  renversées.  On  aperçoit  alors  une  rougeur  qui  ne  doit  pas  être 
considérée  comme  naturelle,  lorsqu'on  la  voit  se  prolonger  jusqu'au 
voisinage  du  cul-de-sac  palpébral.  Il  est  toujours  indiqué  de  faire  cet 
examen  lorsque  le  malade  accuse  de  lui-même  les  démangeaisons,  les  pi- 
cotements, l'agglutination  des  bords  palpébraux  au  moment  du  réveil,  ou 
lorsqu'il  se  plaint  d'une  fatigue  oculaire  qui  ne  s'explique  pas  tout 
d'abord  par  une  inflammation  soit  de  la  conjonctive  oculaire,  soit  de  la 
cornée  et  de  l'iris. 

La  maladie  a  été  souvent  méconnue  parce  qu'on  négligeait  cet  examen 
de  la  face  muqueuse  des  paupières,  ou  parce  que,  le  .malade  n'indiquant 
pas  lui-même  les  troubles  fonctionnels  souvent  légers  dont  il  était  at- 
teint, on  ne  prenait  pas  soin  de  l'interroger  dans  ce  sens.  Il  suffirait  de  se 
familiariser  avec  l'idée  que  cette  affection  est  fréquente  et  que  l'examen 
des  paupières  renversées  doit  toujours  être  fait,  lorsque  le  malade  se  plaint 
des  troubles  fonctionnels  indiqués,  pour  éviter  les  méprises  que  j'ai  vu 
souvent  commettre. 

Cette  exploration  n'est  pas  moins  nécessaire  dans  les  cas  d'astbénopie 
très -prononcée,  de  blépbarospasme,  de  névralgie  périoculaire  et  d'hémé- 
ralopie.  Lorsque  le  malade  accuse  l'un  ou  l'autre  de  ces  phénomènes 
fonctionnels,  sans  parler  d'autre  chose,  on  se  laisse  facilement  aller  à 
croire  qu'ils  sont  idiopathiqucs.  Aujourd'hui  surtout  que  la  coïncidence 
de  l'asthénopie  avec  l'hypermétropie  est  bien  connue,  on  pencherait  aisé- 
ment vers  l'opinion  que  le  malade  est  hypermétrope  lorsqu'il  accuse  la 
fatigue  consécutive  à  l'application  des  yeux  pour  les  objets  fins  et  rappro- 
chés. Mais  d'une  part,  dans  l'asthénopie  liypermétropique,  il  y  a  habi- 
tuellement un  petit  volume  de  l'œil  ou  une  faible  saillie  de  la  cornée  qui 
n'existe  pas  dans  les  cas  d'astbénopie  liés  à  la  blépharite  muqueuse. 
D'autre  part,  l'insuffisance  de  réfraction  est  corrigée  ou  amoindrie  dans 
le  premier  cas  par  l'usage  de  verres  convexes,  ce  qui  n'a  pas  lieu  dans  le 
second  cas.  Enfin  la  constatation  d'une  rougeur  anormale  sur  la  face 
conjonctivale  de  la  paupière  achève  de  lever  tous  les  doutes.  Il  est  vrai  que 
l'hypermétrope  peut  à  la  rigueur  avoir  passagèrement  une  blépharite  qui 
alors  induirait  en  erreur  sur  la  cause  du  trouble  visuel.  Mais  on  serait  mis 
sur  lajvoie  par  l'observation  du  malade  après  le  traitement  et  la  guéri- 
son  de  cette  blépharite.  Si  l'asthénopie  persistait,  il  y  aurait  lieu  de  revenir 
à  l'opinion  d'une  hypermétropie  qui  aurait  pu  être  masquée  momentané- 
ment par  l'oplithalmie  palpébrale. 

Il  en  est  de  même  pour  les  autres  symptômes  fonctionnels  sur  lesquels 
je  me  suis  expliqué.  Toutes  les  fois  qu'ils  se  rencontrent,  le  devoir  du 
praticien  est  de  faire  avec  attention  l'examen  de  la  face  conjonctivale  des 
paupières.  Si  l'on  n'y  trouve  rien,  l'on  doit  en  conclure  que  ces  sym- 
ptômes n'ont  aucun  rapport  avec  la  blépharite.  Si  l'on  y  trouve  de  la  rou- 
geur, le  mieux  est  de  croire  d'abord  que  la  blépharite  est  la  source  des 
accidents  indiqués  et  de  traiter  le  malade  en  conséquence.  Le  clignement, 
la  névralgie,  l'héméralopie  disparaissent-ils  avec  la  blépharite,  c'est  une 


278  BLÉPHARITE.  —  blépharite  muqueuse  simple.] 

preuve  que  le  diagnostic  était  juste.  Persistent-ils,  au  contraire,  aprè\> 
elle,  c'est  une  raison  pour  penser  qu'il  y  avait  une  simple  coïncidence, 
et  le  malade  en  tout  cas  n'aura  rien  perdu  à  la  première  opinion,  qui, 
tout  en  dirigeant  les  efforts  de  la  thérapeutique  vers  la  lésion  palpébrale, 
n'empêche  pas  d'employer  concurremment  les  moyens  réputés  convena- 
bles contre  les  symptômes  fonctionnels  eux-mêmes. 

Pronostic.  —  La  forme  commune  de  la  blépharite  muqueuse  n'a  rien 
de  grave.  Elle  a  seulement  l'inconvénient  de  persister  longtemps  lors- 
qu'on ne  la  traite  pas,  d'être  quelquefois  rebelle  aux  moyens  de  traitement 
dirigés  contre  elle,  et  enfin  de  récidiver  facilement,  à  moins  que  beau- 
coup de  précautions  ne  soient  employées  contre  les  influences  hygiéniques 
qui  peuvent  ramener  la  conjonctivite  catarrhale.  Quant  aux  troubles 
exceptionnels  de  la  vue  dont  elle  s'accompagne  quelquefois,  ils  sont 
beaucoup  moins  fâcheux  et  moins  persistants  que  quand  ils  se  dévelop- 
pent spontanément.  Ils  sont  peu  fâcheux  surtout  lorsque,  la  blépharite 
ayant  été  reconnue,  on  la  traite  convenablement.  Sa  disparition  entière 
est  habituellement  suivie  de  celle  de  la  copiopie,  de  la  névralgie  et  de 
l'héméralopie. 

Traitement.  —  Il  consiste  d'abord  dans  l'emploi  des  astringents  et 
des  cathérétiques.  On  conseillera  de  baigner  les  yeux  matin  et  soir  dans 
une  œillère  contenant  de  l'eau  de  mélilot  ou  de  l'infusion  de  thé,  ou  toute 
autre  infusion  aromatique.  On  doit  surtout  porter  tous  les  trois  ou  quatre 
jours  sur  la  surface  muqueuse  des  paupières  un  crayon  de  sulfate  de  cui- 
vre qu'on  passe  avec  douceur.  A  défaut  de  sulfate  de  cuivre  on  prendrait 
le  crayon  d'azotate  d'argent,  soit  ordinaire,  soit  mitigé.  Il  est  très-habi- 
tuel de  voir,  après  l'emploi  de  ces  moyens  et  l'irritation  passagère  qu'ils 
amènent,  survenir  une  amélioration  notable  dans  l'état  des  paupières. 
Quelques  pédiluves  et  purgations,  l'usage  de  lunettes  à  verres  bleus  ou 
à  verres  noirs  pour  protéger  les  organes  malades  contre  la  poussière  et 
la  lumière  complètent  ce  traitement. 

Ajoutons-y  cependant  les  soins  hygiéniques.  Je  veux  bien  que  dans 
le  cas  où  la  blépharite  est  très-légère  ceux-ci  ne  soient  pas  indispen- 
sables, et  que  les  moyens  précédents  suffisent.  Mais  lorsqu'elle  est  plus  in- 
tense et  surtout  lorsqu'elle  a  résisté  au  traitement  précédent,  on  doit  éloi- 
gner, s'il  est  possible,  le  malade  des  conditions  hygiéniques  au  milieu 
desquelles  l'affection  s'est  développée  et  s'entretient.  J'ai  plusieurs  fois 
engagé  les  parents  à  retirer  pour  quelques  semaines  le  jeune  malade  de 
la  pension  ou  du  collège  on  il  avait  contracté  sa  blépharite,  et  il  n'en  a 
pas  fallu  davantage  pour  obtenir  une  prompte  amélioration. 

Lorsque  la  copiopie  concomitante  est  très-développée,  il  faut  de  plus 
supprimer  le  travail  à  la  lumière  artificielle  et  diminuer  tous  les  exercices 
qui  nécessitent  l'application  des  yeux.  C'est  encore  une  raison  pour  faire, 
sortir  l'enfant  de  la  pension  ou  de  l'atelier  dans  lequel  le  mal  s'est  déve- 
loppé. 

Lorsque  le  clignement,  la  névralgie  ou  l'héméralopie  accompagnent  la 
blépharite,  ce  sont  des  motifs  de  plus  pour  employer  avec  persévérance 


BLÉPHARITE.  —  blépharite  muqueuse  crakuleusf.  279 

les  moyens  médicamenteux  et  hygiéniques  qui  conviennent  à  la  blépha- 
rite. Rien  n'empêche  d'employer  concurremment  ceux  que  l'on  conseille 
pour  chacune  de  ces  complications,  et  dont  on  trouvera  l'indication  aux 
mots  correspondants. 

IV.  Biépbarite  xuiGqBBeuse  granuleuse.  —  Cette  maladie  qu'on 
trouve  aussi  décrite  sous  les  noms  de  trachomes,  de  granulations  pal- 
pébrales,  d' ophthalmie  granuleuse,  &  ophthalmie  granulaire,  de  conjonc- 
tivite granuleuse  est  une  inflammation  de  la  muqueuse  palpébralc  ca- 
ractérisée par  le  développement,  à  la  surface  de  cette  muqueuse,  de  petites 
saillies  ou  aspérités  dont  l'aspect  à  la  loupe,  et  quelquefois  à  l'œil  nu, 
rappelle  celui  des  granulations  qui  se  voient  ta  la  surface  des  plaies. 

Pendant  de  longues  années,  le  mot  d'ophthalmie  granuleuse,  et  celui 
de  granulations  n'ont  pas  été  usités.  Ce  n'est  pas  que  la  lésion  caractéris- 
tique savoir  les  saillies  anormales  à  la  surface  de  la  conjonctive  palpébrale 
aient  été  inconnues.  On  trouve  au  contraire  dans  les  ouvrages  de  Galien, 
d'Aétius  et  d'A.  Paré  sous  le  nom  de  trachomes,  des  lésions  qui  selon 
toute  probabilité  n'étaient  autres  que  les  granulations  palpébrales.  Mais 
soit  que  la  description  fort  imparfaite  de  ces  auteurs  ait  été  mal  com- 
prise, soit  que  les  praticiens  aient  négligé  sur  leurs  malades  l'examen  de 
la  face  postérieure  des  paupières,  et,  à  cause  de  cela,  aient  cessé  de  con- 
naître cette  lésion,  la  plupart  des  auteurs  du  dix-septième  et  du  dix-hui- 
tième siècle  n'ont  plus  reparlé  des  trachomes,  et  n'ont  indiqué  que 
d'une  façon  très-vague,  en  les  signalant  à  propos  de  la  conjonctivite  et 
comme  une  de  ses  conséquences,  l'épaississement  et  Pétat  villeux  de  la 
face  postérieure  des  paupières. 

Les  choses  sont  restées  en  cet  état  jusqu'aux  premières  années  de  ce 
siècle.  Sans  avoir  pu  trouver  positivement  l'auteur  qui  le  premier  s'est 
servi  du  mot  granulations,  je  sais  cependant  qu'à  la  suite  des  études  fai- 
tes sur  l'ophthalmie  d'Egypte,  on:  a  commencé  à  remarquer  la  fréquence 
des  aspérités  de  la  conjonctive  palpébrale  consécutivement  à  cette  grave 
maladie.  Les  ouvrages  de  Lawrence,  Middlemore,  Tyrrell  et  Mackensie  en 
Angleterre,  ceux  de  Velpeau,  Carron  du  Villars  et  Rognettaen  France,  les 
mémoires  de  Fallot,  Degouzée,  de  Condé  et  autres  en  Belgique  ont  défini- 
tivement arrêté  les  esprits  sur  cette  lésion. 

Malheureusement  la  plupart  de  ces  auteurs  ont  eu  le  tort  de  la  signaler 
comme  appartenant  à  la  conjonctive  tout  entière.  Au  lieu  d'appeler  la 
maladie  granulations  delà  conjonctive,  conjonctivite  granuleuse,  ils 
eussent  mieux  fait,  parce  qu'ils  eussent  été  de  suite  mieux  compris,  de 
décrire  tout  simplement,  comme  l'a  fait  Velpeau,  la  blépharite  granu- 
leuse. Sans  doute  ils  savaient  tous,  et  ils  l'ont  bien  dit,  que  c'était  le 
plus  souvent  une  lésion  propre  à  la  muqueuse  palpébrale.  Mais  leur 
description  est  toujours  un  peu  en  rapport  avec  la  dénomination  adoptée, 
et  laisse  trop  facilement  croire  qu'il  s'agit  d'une  maladie  de  la  conjonc- 
tive tout  entière,  au  lieu  d'une  maladie  de  la  conjonctive  palpébrale,  qui 
ne  dépasse  guère  le  cul-de-sac  oculaire. 

Quoi  qu'il  en  soit,  à  partir  des  auteurs  que  j'ai  nommés,   les  granula- 


2S0  BLÉPHARITE.  —  blépharite  muqueuse  granuleuse. 

tions  ont  été  l'objet  de  nombreuses  études  ;  leur  anatomie  pathologique, 
leur  étiologie  et  leur  traitement  sont  devenus  l'objet  de  communications 
fréquentes  dans  les  annales  d'oculistique  de  1859  à  1858. 

Tour  l'anatomie  pathologique,  après  une  période  d'incertitude  pendant 
laquelle  on  plaçait  les  granulations  dans  les  follicules  avec  Velpeau,  ou 
dans  les  papilles  avec  Mackensie,  est  venue  la  période  plus  précise  de  l'in- 
vestigation microscopique  pendant  laquelle  Van  Rosbroeck,  Arlt,  Thiry, 
lesquels,  il  est  vrai,  avaient  été  précédés  par  Lawrence,  décrivirent  à 
côté  de  Thypertrophie  folliculaire  et  glandulaire  de  la  muqueuse  palpé- 
brale,  des  produits  nouveaux  comparables  à  ceux  des  granulations  des 
plaies.  On  a  même  fini  par  tomber  dans  l'exagération,  en  n'admettant 
plus  comme  granulations  que  les  produits  de  cette  dernière  sorte. 

Pour  l'étiologie,  on  a  fait  d'abord  remarquer  que  les  granulations 
palpébrales  étaient  plus  souvent  consécutives  à  l'ophthalmie  purulente 
qu'à  toute  autre  forme  d'ophthalmie.  Mais  Thiry  est  tombé  à  son  tour 
dans  l'exagération,  en  disant  qu'il  n'y  avait  de  véritables  granulations  que 
celles  qui  étaient  consécutives  à  l'ophthalmie  purulente  contagieuse  des 
adultes,  dite  aussi  ophthalmie  militaire. 

Pour  le  traitement  enfin  tous  les  bons  praticiens  ont  cherché  à  arrêter 
le  mouvement  thérapeutique  qui  semblait  être  la  conséquence  de  tant  de 
travaux.  Une  importance  si  grande  attachée  à  cette  petite  lésion  anato- 
mique  semblait  entraîner  comme  conséquence  un  traitement  énergique, 
la  destruction  de  la  lésion  par  l'instrument  tranchant  ou  par  les  caustiques. 
Heureusement  les  écarts  auxquels  ont  donné  lieu  la  pathologie  et  la  patho- 
génie des  granulations  palpébrales,  n'ont  pas  eu  trop  d'influence  sur  la 
pratique,  et  non  pas  empêché  la  plupart  des  écrivains  de  conseiller,  à  cet 
égard,  la  réserve  et  la  modération. 

Aujourd'hui,  tout  en  rendant  à  chacun  la  justice  qui  lui  est  due,  il 
nous  sera  permis  de  décrire  cette  maladie  avec  les  enseignements  fournis 
par  la  clinique,  et  de  la  présenter  tout  simplement,  comme  une  forme 
particulière  mais  non  spécifique  de  la  blépharite  muqueuse ,  forme 
dont  l'intérêt  clinique  se  résume  par  cette  notion  :  une  longue  durée  et 
une  longue  résistance  du  mal. 

Etiologie.  —  Cette  aïfection  se  montre  à  tous  les  âges,  mais  comme 
elle  est  plus  fréquente,  et  surtout  plus  rebelle  chez  les  adultes,  et  qu'à 
cause  de  cela  elle  réclame  plus  souvent  l'intervention  de  l'art  que  chez  les 
enfants,  comme  d'ailleurs  les  adultes  présentent  rarement  les  deux  lormes 
précédemment  décrites  et  offrent  plus  souvent  celle  dont  il  va  être  ques- 
tion, il  serait  permis  de  dire  que  la  blépharite  granuleuse  est  la  blépharite 
spéciale  de  l'âge  adulte,  tout  comme  la  blépharite  ciliaire  est  celle  de 
l'enfance,  et  la  blépharite  muqueuse  simple  celle  de  la  jeunesse. 

Cette  hlépharitc  survient  quelquefois  d'emblée,  c'est-à-dire  sans  avoir 
été  précédée  de  conjonctivite  générale.  D'autres  fois  et  même  plus  sou- 
vent elle  est  consécutive  à  une  conjonctivite  simplement  catarrhale,  et  plus 
souvent  encore  à  la  conjonctivite  purulente.  J'ai  déjà  dit  que  Thiry  était 
tombé  dans  l'exagération  et  dans  l'erreur,  en  considérant  les  granulations 


BLÉPIIAIUTE.    BLÉPHARITE    MUQUEUSE    GRANULEUSE.  281 

palpébrales  comme  produites  exclusivement  par  l'ophthalmie  purulente 
des  adultes.  Si  l'on  admettait  cette  manière  de  voir,  que  ferait-on  de  ces 
épaississemcnts  avec  aspérités  de  la  conjonctivite  palpébrale  qui  sont 
consécutives  aux  ophthalmies  catarrhales.  11  faut  cependant  bien  les  signa- 
ler aussi  à  l'attention  des  praticiens.  Thiry,  et  avec  lui  Artl  etStelwagg  ré- 
pondent sans  doute  que  dans  ces  derniers  cas  ce  ne  sont  pas  des  granu- 
lations vraies.  Je  m'expliquerai  tout  à  l'heure  plus  longuement  sur  ce 
point.  Mais  dès  à  présent  je  déclare  qu'en  se  plaçant  sur  le  terrain  de  la 
clinique  il  n'y  a  pas  de  motifs  sulfisants  pour  décrire  séparément  deux 
sortes  de  granulations,  celles  qui  viennent  après  les  conjonctivites  simples 
et  celles  qui  viennent  après  les  conjonctivites  purulentes. 

La  maladie  est  individuelle  ou  d'origine  sporadique  lorsqu'elle  s'est 
montrée  seulement  sur  le  sujet  qu'on  observe.  Elle  est  d'origine  épi- 
démique,  et  même  contagieuse,  lorsqu'elle  se  développe  sur  un  sujet 
vivant  au  milieu  d'autres  qui  sont  eux-mêmes  atteints  ou  de  conjonctivite 
purulente  ou  de  blépharite  granuleuse  consécutive  à  cette  dernière.  C'est 
ainsi  que  dans  les  régiments  de  l'armée  belge  ou  de  l'armée  russe,  sur 
lesquels  Caffe  et  Florio  ont  étudié  l'ophthalmie  des  armées,  on  voyait 
souvent  de  simples  granulations  palpébrales  chez  des  soldats  qui  n'avaient 
pas  eu  la  conjonctivite  purulente,  mais  qui  vivaient  au  milieu  de  leurs 
camarades  atteints  de  cette  affection.  La  blépharite  granulueuse  est  donc 
souvent  de  même  nature  que  la  conjonctivite  purulente,  tout  comme  la 
blépharite  muqueuse  simple  est  souvent  un  premier  et  faible  degré  de 
la  conjonctivite  catarrhale. 

Caractères  anatomiques.  —  Les  premiers  auteurs  qui  ont  décrit  les 
granulations  palpébrales,  n'ont  pas  connu,  et  à  cause  de  cela  ont  indiqué 
d'une  façon  très-vague  leurs  caractères  anatomiques.  Cela  tenait  à  ce 
qu'ils  se  contentaient  de  l'examen  à  l'œil  nu,  et  faisaient  une  apprécia- 
tion en  rapport  avec  les  notions  insuffisantes  que  l'on  avait  alors  sur  la 
structure  de  la  conjonctive.  L'intervention  du  microscope  après  avoir  fixé 
nos  connaissances  sur  les  papilles  et  les  follicules  de  l'état  normal,  a  per- 
mis de  savoir,  quoique  l'on  ne  s'entende  pas  encore  parfaitement,  ce  qu'é- 
taient les  saillies  nommées  granulations. 

L'analyse  anatomique  permet  d'indiquer  aujourd'hui  trois  variétés  bien 
distinctes,  que  je  désignerai  sous  les  noms  de  granulations  papillaires, 
granulations  vésiculeuses  ou  foUiculeuses,  et  granulations  néoplasiï- 
ques. 

Les  granulations  papïUaïres  sont  celles  que  l'on  trouve  constituées  par 
le  développement  exagéré  des  papilles  de  la  conjonctive  palpébrale  et  de 
leurs  vaisseaux.  L'anatomie  normale  reconnaît  en  effet  aujourd'hui  sur  la 
muqueuse  des  paupières  de  nombreuses  papilles,  et  les  investigations  mi- 
croscopiques faites  par  Mackensie,  Thiry  et  Stellwagg  ne  laissent  pas 
de  doutes  sur  la  fréquence  de  l'hypertrophie  papillaire,  dans  bien  des  cas 
où  le  clinicien  a  reconnu  la  présence  de  ces  petites  saillies  qu'il  appelle 
des  granulations.  Quand  les  papilles  sont  à  peine  développées,  et  ne  font 
qu'une  saillie  comparable  à  celle  d'une  très-petite  tète  d'épingle,  on  dit  que 


282  BLÉPI1ARIÏE.  —  blépharite  muqueuse  granuleuse. 

les  granulations  sont  miliaires;  quand  au  contraire  elles  forment  des  sail- 
lies plus  appréciables,  variant  d'un  demi  à  un  millimètre,  comparables  à 
des  grains  de  millet,  ce  sont  des  granulations  ordinaires.  Cette  forme 
de  granulations  (papillaire)  est  incontestablement  la  plus  fréquente,  et 
comme  la  maladie  envahit  presque  toujours  la  totalité  des  papilles  de  la 
conjonctive  palpébrale,  et  que  celles-ci  sont  très-nombreuses,  il  en  résulte 
que  les  granulations  de  cette  espèce  sont  serrées  les  unes  contre  les  autres, 
et  forment  une  couche  non  interrompue  d'un  côté  à  l'autre  de  la  paupière. 
Les  aspérités  ne  se  montrent  cependant  qu'à  un  ou  deux  millimètres  du 
bord  libre,  parce  que  sur  le  cartilage  tarse,  les  papilles  n'existent  pas 
encore  ou  sont  à  peine  développées  ;  mais  à  partir  du  voisinage  du  bord 
adhérent  de  ce  cartilage  jusqu'au  cul-de-sac  conjonctival,  la  couche  granu- 
leuse existe  sans  interruption  comme  dans  le  sens  traversai. 

La  lésion  occupe  les  deux  paupières  en  même  temps,  mais  elle  est  sou- 
vent plus  prononcée  sur  l'inférieure  que  sur  la  supérieure. 

Les  granulations  véskuleuses  ou  foUiculeuses,  indiquées  vaguement 
par  Velpeau  et  plus  nettement  formulées  par  Foucher  dans  sa  traduction 
de  Warthon  Jones,  sont  beaucoup  plus  rares  que  les  précédentes,  et  en 
diffèrent  :  1°  en  ce  qu'elles  sont  moins  nombreuses  et  forment  sur  la  face 
postérieure  de  la  paupière  deux,  trois  ou  quatre  saillies  bien  séparées 
les  unes  des  autres  ;  2°  en  ce  qu'elles  sont  peu  vascularisées  à  leur  surface, 
et  à  cause  de  cela  présentent  une  coloration  grisâtre  au  lieu  de  la  couleur 
rouge  que  je  signalais  tout  à  l'heure  ;  5°  en  ce  qu'elles  sont  un  peu  plus 
volumineuses  ;  4°  en  ce  qu'elles  sont  creuses  et  remplies  d'un  liquide  vis- 
queux. Ce  liquide  est  du  mucus  accumulé  dans  la  cavité  d'un  follicule 
dont  le  goulot  est  oblitéré.  Elles  existent  quelquefois  seules;  mais  d'autres 
fois  elles  coïncident  avec  les  granulations  papillaires,  sur  le  fond  rouge 
desquelles  elles  se  distinguent  par  leur  couleur  et  leur  saillie  plus  consi- 
dérable. 

Les  granulations  néoplastiques  sont  celles  que  nous  supposons  consti- 
tuées par  un  produit  de  nouvelle  formation,  un  exsudât  organisé  au- 
dessous  de  l'épithélium  conjonctival.  Pour  s'en  faire  une  idée  exacte,  il 
importe  de  les  étudier  :  1°  à  leur  début;  2°  lorsqu'elles  sont  anciennes. 

4°  A  leur  début,  on  peut  les  trouver  au  niveau  du  bord  adhérent  du  carti- 
lage tarse,  ou  bien  dans  le  cul-de-sac  conjonctival.  11  s'en  développe  aussi, 
mais  très-rarement,  sur  la  conjonctive  bulbaire  et  la  cornée.  Elles  ont 
pour  caractères  extérieurs  une  teinte  grise  analogue  à  celle  des  granula- 
tions vésiculeuses,  et  que  les  modernes  comparent  à  celle  d'un  grain  de 
tapioca  cuit,  une  saillie  et  une  dissémination  qui  les  font  encore  ressem- 
*  bler  à  ces  dernières.  Si  l'on  a  l'occasion  de  les  examiner  au  microscope, 
on  les  trouve  non  pas  creuses,  mais  pleines.  La  substance  qui  les  constitue 
est  formée  d'une  grande  quantité  de  noyaux  et  d'une  faible  proportion 
de  substance  intercellulaire  dans  laquelle  on  ne  découvre  que  des  libres 
très-rares  de  tissu  cellulaire.  Autour  de  ces  granulations,  qui  sont  pla- 
cées, comme  je  l'ai  dit,  entre  l'épithélium  et  le  derme  de  la  conjonctive 
palpébrale,  on  trouve  le  tissu  conjonctival  dans  son  état  naturel,  quel- 


BLÉPf JARITE .    —    BLÉPHARITE    MUQUEUSE    GBANULEUSE.  285 

quefois  un  peu  vascularisé.  Il  n'est  pas  rare  non  plus  de  constater  de  bonne 
heure  un  développement  concomitant  des  papilles,  d'où  résulte  un  mélange 
de  granulations  papillaires  et  néoplastiques,  ce  que  Stellwagg  et  Wecker 
nomment  les  granulations  mixtes. 

2°  A  une  période  plus  avancée,  et  même  déjà  au  bout  d'un  mois  et  six 
semaines,  les  noyaux  qui  primitivement  existaient  en  si  grande  abondance 
ont  notablement  diminué,  la  substance  intercellulaire  est  plus  abondante 
et  est  d'aspect  gélatineux;  ce  qui  y  prédomine  ce  sont  des  fibres-cellules 
et  des  fibres  de  tissu  cellulaire,  paraissant  dues  à  l'organisation  des  élé- 
ments précédents.  En  même  temps  le  derme  conjonctival  participe  à  cette 
transformation  fibreuse,  et  présente  dans  une  étendue  plus  ou  moins  grande 
une  consistance  et  un  défaut  de  souplesse  qu'il  est  loin  d'offrir  à  l'état  na- 
turel. Quand  cette  modification  s'est  accomplie  dune  manière  sensible,  la 
conjonctive  des  paupières  est  revenue  sur  elle-même  et  a  entraîné  en 
arrière  le  bord  libre ,  en  produisant  un  entropion ,  le  cul-de-sac  a  dimi- 
nué de  profondeur,  et  les  paupières  ne  sont  plus  assez  hautes  pour  se 
mettre  au  contact,  et  abriter  entièrement  le  globe  oculaire.  Il  est  à  re- 
marquer enfin  que,  pendant  l'accomplissement  de  ce  travail,  les  papilles 
sont  presque  toujours  hypertrophiées,  si  bien  qu'à  l'œil*  nu  on  ne  voit 
plus  les  granulations  néoplastiques  transformées  en  substance  fibreuse, 
et  on  ne  découvre  que  les  granulations  papillaires. 

Il  y  a  donc  cette  grande  différence  entre  les  granulations  néoplastiques 
et  les  deux  autres  variétés,  qu'elles  sont  le  prélude  et  l'indice  d'une  mo- 
dification quasi  cicatricielle  de  la  conjonctive  palpébrale.  Je  comprends 
que  les  anatomo-pathoîogistes  modernes  aient,  depuis  Thiry,  tant  insisté 
sur  cette  particularité.  Mais  je  leur  reproche  d'avoir  voulu  établir  que  ces 
granulations  sont  les  seules  qui  méritent  ce  nom,  et  qu'elles  constituent, 
à  proprement  parler,  les  granulations  vraies.  Je  me  rangerais  volontiers  à 
cette  manière  de  voir,  si  ces  granulations  étaient  fréquentes,  et  s'il  était 
habituellement  facile  de  les  distinguer  sur  le  vivant;  mais  il  n'en  est  rien. 
D'abord  elles  sont  plus  rares  que  les  saillies  papillaires,  et  ensuite,  si 
l'observateur  n'est  pas  consulté,  et  c'est  ce  qui  arrive  le  plus  souvent, 
pendant  les  deux  ou  trois  premières  semaines  de  leur  évolution,  il  ne 
peut  pas  les  voir.  Elles  sont  perdues,  au  milieu  des  papilles  qui  se  sont 
développées  concurremment  :  elles  se  sont  amoindries  en  se  transformant 
en  substance  fibreuse,  et  elles  ne  sont  plus  assez  saillantes  pour  constituer 
des  grains  appréciables.  Dans  la  pratique,  si  l'on  voit  des  saillies  palpé- 
braies  méritant  le  nom  de  granulations,  ce  sont  bien  plus  souvent  des 
saillies  papillaires  que  toute  autre  chose.  Quel  est,  en  définitive,  pour  le 
pathologiste  et  le  clinicien,  le  sens  de  ce  mot  granulation  ?  il  signifie 
saillie  appréciable  et  lésion  d'origine  inflammatoire  essentiellement  chro- 
nique et  rebelle  ;  or  les  saillies  papillaires  et  folliculeuses  répondant  tout 
aussi  bien  à  cette  définition  que  les  saillies  néoplastiques,  il  n'y  a  aucune 
raison  pour  les  supprimer  de  la  catégorie  des  granulations.  En  clinique 
même  il  est  indispensable  de  leur  conserver  ce  nom,  qui  indique  une 
lésion  difficile  à  guérir  et  nécessitant  des  soins  particuliers.  Pour  bien 


284  BLÉPHARITE.  —  blépharite  muqueuse  granuleuse. 

s'entendre,  le  mieux  est  d'admettre  les  trois  variétés  et  de  chercher  sur 
le  vivant  à  les  distinguer  les  unes  des  autres.  Je  ne  verrais  aucun  incon- 
vénient à  réserver,  comme  le  font  quelques  auteurs  allemands,  le  vieux 
mot  de  trachome  pour  les  granulations  néoplastiques  ;  mais  celui  de  gra- 
nulation est  aujourd'hui  tellement  passé  dans  le  langage  chirurgical, 
qu'il  est  impossible  de  ne  pas  le  conserver. 

Symptômes.  —  La  blépharite  granuleuse  est  une  maladie  essentiellement 
chronique.  Quelques  auteurs  ont  bien  décrit  des  granulations  aiguës,  mais 
celles-ci,  rapidement  développées  au  début  d'une  conjonctivite  aiguë,  le 
plus  souvent  purulente,  ne  modifient  pas  assez  la  maladie  pour  mériter 
une  description  à  part.  Il  suffit  de  dire  ici  que  la  conjonctivite  purulente 
aiguë,  quand  elle  est  granuleuse,  laisse  à  peu  près  inévitablement  après 
elle  une  blépharite  chronique  également  granuleuse. 

Les  symptômes  fonctionnels  de  la  blépharite  sont,  avec  un  peu  plus 
d'intensité,  les  mêmes  que  ceux  de  la  blépharite  muqueuse  simple  : 
lourdeur  des  paupières,  chaleur  et  picotement,  parfois  larmoiement, 
fatigue  facile  des  yeux  par  le  travail  appliqué.  Ces  symptômes  fonction- 
nels prennent  une  plus  grande  intensité  lorsque  l'inflammation,  en  re- 
passant à  l'état  aigu  a  envahi  la  conjonctive  tout  entière.  On  a  alors  mo- 
mentanément tous  les  symptômes  de  la  conjonctivite  aiguë.  Ces  sortes 
d'exaspération  sont  assez  fréquentes. 

On  voit  aussi  très-souvent  une  kératite  chronique  coïncider  avec  la 
blépharite  granuleuse.  On  a  même  prétendu  que  la  kératite  devait,  en 
pareil  cas,  son  origine  au  frottement,  sur  la  cornée,  des  saillies  plus  ou 
moins  irrégulières  que  forment  les  granulations  palpébrales.  Outre  que 
cette  explication  ne  conviendrait  pas  pour  les  cas  assez  fréquents  dans 
lesquels  la  blépharite  et  la  kératite  se  sont  développées  simultanément, 
comme  cela  est  fréquent  après  l'ophthalmie  purulente,  il  est  difficile  de 
voir  dans  les  saillies  molles  et  souples  des  granulations,  des  corps  assez 
durs  pour  amener  mécaniquement  l'inflammation  de  la  cornée.  Dans  la 
pratique,  au  reste,  le  point  important  est  la  coïncidence  des  deux  lésions, 
et  l'opportunité  de  leur  traitement  simultané. 

Comme  symptômes  physiques,  il  n'y  a  rien  d'appréciable  du  côté  de 
l'œil  et  de  la  cornée,  à  part  les  cas  de  poussée  aiguë  et  ceux  de  kéra- 
tite intense.  Pour  voir  les  caractères  physiques  de  la  blépharite  granu- 
leuse, il  faut  renverser  successivement  les  deux  paupières  de  chacun  des 
yeux.  On  découvre  d'abord  dans  le  cul-dc-sac,  tantôt  des  larmes  seule- 
ment, tantôt  des  larmes  mélangées  de  pus,  indice  que  la  purulence  de  la 
conjonctive  n'a  pas  tout  à  fait  cessé;  puis  on  remarque  sur  la  face  posté- 
rieure de  chacune  des  paupières,  à  l'œil  nu  et  avec  la  loupe,  des  aspérités 
qui  ne  se  rencontrent  pas  à  l'état  normal. 

Ces  aspérités,  dans  les  cas  d'hypertrophie  papillaire,  se  trouvent  sur 
une  surface  d'un  rouge  vif,  qui  commence  à  un  ou  deux  millimètres  du 
bord  libre,  s'étend  d'un  angle  cà  l'autre  et  se  prolonge  jusqu'au  cul-de-sac 
conjonctival.  Les  saillies  sont  serrées  les  unes  contre  les  autres  et  sépa- 
rées par  des  sillons  très-superficiels;  quand  elles  n'ont  que  deux  à  trois 


BLÉPIIAmTE.  —  blépharite  muqueuse  granuleuse.  285 

dixièmes  de  millimètre,  elles  échappent  à  l'investigation  faite  avec  l'œil 
nu  mais  on  les  voit  assez  bien  avec  la  loupe.  Quand  elles  sont  un  peu 
plus  grosses,  l'œil  non  armé  les  reconnaît  et  constate  pour  les  unes  la 
forme  pointue,  pour  les  autres  la  forme  arrondie,  pour  quelques  autres, 
une  forme  aplatie  qui  rappelle  la  variété  fongueuse  de  quelques-unes  des 
papilles  de  la  langue. 

Lorsque  les  granulations  sont  vésiculeuses,  elles  se  distinguent  par  leur 
coloration  grise,  leur  éloignement  les  unes  des  autres,  et  leur  situation 
plus  près  du  cul-de-sac  conjonctival  que  du  cartilage  tarse.  Elles  ne  sont 
difficiles  à  reconnaître  que  dans  les  cas  où  elles  sont  disséminées  au 
milieu  des  papilles  hypertrophiées,  parce  qu'alors  elles  ne  font  plus  une 
saillie  suflisamment  appréciable,  et  que,  l'attention  étant  détournée  par 
les  granulations  rouges,  on  ne  s'occupe  pas  de  chercher  les  autres. 

Les  granulations  néoplastiques  ou  trachomes   se  reconnaissent,  lors- 
qu'elles sont  récentes,  à  leur  couleur  grisâtre,  qu'on  a  comparée  à  du  ta- 
pioca cuit  ou  à  du  frai  de  poisson.  Si  on  les  pique  avec  une  aiguille,  on 
n'en  fait  sortir  aucun  liquide,  comme  cela  aurait  lieu  si  on  piquait  les 
granulations  précédentes.  Elles  échappent  aussi  à  l'attention  lorsqu'elles 
coïncident,  ce  qui  est  très-ordinaire,  avec  les  granulations  papillaires.  Mais 
on  peut  être  guidé,  pour  les  apercevoir,  par  l'examen  de  la  conjonctive 
oculaire  ou  de  la  cornée.  Si,  par  hasard,  quelques  granulations  s'étaient 
développées  sur  ces  organes,  ce  serait  une  raison  pour  présumer  que  la 
conjonctive  palpébrale  en  offre  aussi,  et  l'investigation  faite  avec  plus  de 
soin,  d'après  cette  pensée,  permettrait  de  les  reconnaître.  Mais  lorsque 
les  granulations  néoplastiques  ont  eu  une  certaine  durée,  elles  sont  moins 
saillantes,  sont  revêtues  d'une  couche  vasculaire,  et  impossibles  à  distin- 
guer des  granulations  papillaires.  Leur  présence  ou  leur  passage  n'est  plus 
indiqué  que  par  les  lésions  ultérieures  qui  se  produisent,  savoir  les  brides 
et  les  renversements.  On  peut  encore  appuyer  leur  diagnostic  sur  les  com- 
mémoratifs,  lorsqu'on  apprend  que  L'affection  des  paupières  a  été  con- 
sécutive à  une   conjonctivite  purulente,  et  surtout  à  une   conjonctivite 
purulente  épidémique  et  contagieuse.  Il  est  assez  ordinaire,  en   effet, 
que   les   granulations  soient  des   produits  nouveaux    dus   à   l'organisa- 
tion d'un    exsudât,  à   la  suite  de    la  destruction    de   l'épithélium,  au 
début  ou  dans  le  cours  de   la  conjonctivite  purulente.  Cependant  j'ai 
fait  pressentir  plus  haut  qu'on  était  allé  trop  loin  en  ne  voulant  ad- 
mettre des  granulations  que  dans  les  cas  de  ce  genre,  et  on  irait  trop 
loin  également  si  l'on  admettait  que  toujours  à  la  suite  de  lophthalmie 
purulente  les  aspérités  palpébrales  sont  néoplastiques.  Non-seulement  il 
faut,  comme  je  l'ai  dit,  ranger  parmi  les  granulations  les  aspérités,  qui, 
au  lieu  d'être  formées  par  un  tissu  nouveau,  sont  dues  à  l'hypertrophie 
d'éléments  normaux,  mais  il  faut  reconnaître  aussi  que,  dans  quelques 
cas,  la  conjonctivite  purulente  laisse  après  elle  des  granulations  papillaires, 
et  la  conjonctivite  catarrhale  des  granulations  néoplastiques. 

De  tout  ce  qui  précède,  il  résulte  que  le  diagnostic  des  granulations 
palpébrales  est  assez  facile,  à  la  condition  d'y  regarder  de  près,  pour  les 


286  BLÉPHARITE.  —  blépharite  muqueuse  granuleuse. 

granulations  papillaires  et  vésiculeuses,  tandis  qu'il  reste  souvent  diffi- 
cile et  n'est  même  possible  qu'au  début  de  la  maladie  pour  la  troisième 
variété. 

Le  diagnostic  se  complète  en  examinant  si  les  paupières  présentent 
quelque  autre  lésion,  telle  que  le  trichiasis  et  l'entropion,  et  si  la  cornée 
est  malade  concurremment.  Mais  comme  toutes  ces  lésions  se  constatent 
plus  facilement  que  les  granulations  elles-mêmes,  parce  que  celles-ci 
réclament  le  renversement  préalable  des  paupières,  il  en  résulte  que  la 
blépharite  a  plus  souvent  qu'elles  échappé  à  l'attention. 

Marche  et  pronostic.  —  La  blépharite  granuleuse  est  toujours  de  longue 
durée.  Quand  il  s'agit  des  papilles  hypertrophiées,  il  faut  beaucoup  de 
temps  pour  que  la  vascularisation  anormale  de  leur  surface  disparaisse, 
et  pour  que  les  produits  d'origine  inflammatoire  qui  les  tiennent  turges- 
centes, se  résorbent.  Quand  ce  sont  des  follicules,  il  faut  encore  beau- 
coup de  temps  pour  que  le  produit  contenu  dans  la  petite  cavité  soit 
résorbé  ou  trouve  une  issue  à  l'extérieur.  Quand  ce  sont  des  produits  de 
nouvelle  formation,  ils  disparaissent  quelquefois  aussi  par  résorption; 
mais,  le  plus  souvent,  ils  se  modifient  à  la  longue,  se  transforment,  comme 
je  l'ai  dit,  et  laissent  du  côté  des  paupières  des  désordres  irrémédiables. 

Il  est  très-ordinaire  que  la  cornée  devienne  malade,  si  elle  ne  l'avait 
pas  été  primitivement.  Sans  qu'il  soit  possible  de  dire  quelle  influence 
réciproque  les  deux  lésions  exercent  l'une  sur  l'autre,  cette  coïncidence 
entraîne  toujours  une  durée  beaucoup  plus  longue. 

Les  granulations  palpébrales  ne  durent  jamais  moins  de  deux  à  trois 
mois  ;  souvent  elles  se  prolongent  pendant  six  mois  ou  plusieurs  années, 
et  cela  surtout  lorsque  les  sujets  continuent  à  vivre  dans  les  conditions 
hygiéniques  et  atmosphériques  sous  l'influence  desquelles  la  maladie  a  été 
contractée. 

Traitement.  —  Les  moyens  de  traitement  sont  à  peu  près  les  mêmes 
que  ceux  de  la  blépharite  muqueuse.  Il  faut  ici,  plus  que  jamais,  insister 
sur  les  moyens  hygiéniques,  éloigner,  si  faire  se  peut,  le  malade  de  l'en- 
droit où  il  a  contracté  son  affection,  surtout  lorsque  clans  cet  endroit  se 
trouvent  encore  des  sujets  atteints  soit  d'ophthalmie  catarrhale,  soit 
d'ophthalmie  purulente,  soit  simplement  de  granulations  palpébrales.  On 
n'oubliera  pas,  en  effet,  que  cette  maladie  est  souvent  d'origine  conta- 
gieuse, et  que  le  meilleur  moyen  de  diminuer  les  effets  de  la  contagion 
est  de  fuir  le  milieu  où  elle  s'est  produite.  D'autre  part,  il  convient  de 
prévenir  les  personnes  qui  sont  en  rapport  avec  le  malade,  que  l'affection 
peut  se  communiquer,  qu'il  faut,  par  conséquent,  ne  pas  habiter  la 
même  chambre,  ne  pas  rester  dans  l'appartement  toute  la  journée, 
aérer  le  plus  souvent  possible,  ne  pas  se  servir  des  mêmes  linges,  du 
même  mouchoir,  etc. 

Il  est  indispensable,  en  outre,  de  remonter  le  moral  et  de  prévenir  le 
patient  que  son  affection  doit  être  longue,  et  qu'il  doit  s'habituer  à  vivre 
quelque  temps  sans  se  servir  beaucoup  de  ses  yeux. 

L'application  de  la  vue  pour  la  lecture,  l'écriture,  et  tous  les  objets 


BLEPI1ARITE.  —  blépharite  muqueuse  granuleuse.  c287 

lins,  doit  être  évitée.  On  conseillera  au  malade  de  s'en  priver  tout  à  fait, 
ou  du  moins  de  n'en  user  qu'avec  une  grande  modération,  et  toujours 
en  se  servant  soit  des  lunettes  à  verres  foncés,  soit  de  la  visière  bleue 
ou  verte. 

Pour  le  traitement  local,  il  faut  recourir  aux  astringents,  et  je  mets  en 
première  ligne  les  attouchements  avec  un  crayon  bien  taillé  et  bien  lisse 
de  sulfate  de  cuivre. 

Le  but  de  ces  attouchements  n'est  pas  de  cautériser,  car  c'est  à  peine 
si  la  pierre  donne  une  tache  blanche  indiquant  une  destruction  d'épithé- 
lium  semblable  à  celle  que  produit  l'azotate  d'argent.  Le  sulfate  de  cuivre 
amène-t-il  une  simple  astriction  favorable  au  dégorgement  des  parties 
tuméfiées,  occasionnc-t-il  une  inflammation  nouvelle  plus  susceptible  de 
se  terminer  par  résolution?  Je  répète  que  je  ne  saurais  le  dire.  Mais  il 
me  paraît  démontré  par  l'observation  clinique  que  ce  topique  est  le  meil- 
leur dans  la  plupart  des  cas.  Je  ne  prétends  pas  dire  qu'il  amène  vite  la 
guérison,  ni  qu'il  puisse  dispenser  de  l'emploi  des  moyens  hygiéniques, 
mais  il  a  sur  la  marche  de  la  maladie  une  influence  favorable  qui  ne 
saurait  être  contestée. 

Pour  pratiquer  cet  attouchement,  on  renverse  successivement  le  mieux 
possible  la  paupière  supérieure,  puis  l'inférieure,  et  on  porte  le  crayon, 
en  le  passant  légèrement  et  un  peu  vite  sur  les  surfaces  ou  sur  les  points 
malades,  suivant  que  les  granulations  sont  agglomérées  ou  disséminées* 
Le  premier  effet  est  de  produire  une  excitation  qui  se  traduit  par  de  la 
chaleur,  de  la  photophobie,  du  larmoiement.  On  y  remédie  par  des  lotions 
d'eau  froide.  Au  bout  de  50  à  40  minutes,  ces  phénomènes  diminuent, 
et  dès  le  lendemain,  sans  qu'il  ait  été  possible,  même  pendant  les  pre- 
mières heures,  de  constater  la  chute  d'une  eschare,  on  trouve  un  peu  de 
diminution  dans  les  saillies  et  la  rougeur  concomitante.  Malheureuse- 
ment cette  amélioration  ne  se  maintient  pas.  Il  est  ordinaire  qu'après 
deux  ou  trois  jours  écoulés  les  paupières  aient  repris  à  peu  de  chose  près 
leur  état  maladif.  Il  faut  alors  revenir  à  un  nouvel  attouchement.  Ce 
n'est  qu'après  six  à  douze  applications  qu'on  voit  une  amélioration  per- 
sistante, et  encore  pas  dans  tous  les  cas.  Lorsqu'il  existe  concurrem- 
ment une  kératite,  lorsque  pour  une  cause  ou  pour  une  autre,  des 
poussées  aiguës  ont  lieu  malgré  le  traitement,  les  granulations  restent 
réfractaires. 

Quel  intervalle  de  temps  faut-il  mettre  entre  les  attouchements?  en 
général  quatre  ou  cinq  jours;  mais  il  n'y  pas  de  règle  fixe  à  établir.  Le 
but  de  l'opération  est  de  produire  une  excitation  passagère.  Mais  si,  en 
vertu  d'une  idiosyncrasie  impossible  à  connaître  à  l'avance,  ce  but  était 
,dépassé,  et  que  l'inflammation  devînt  trop  vive,  il  faudrait  éloigner  les 
intervalles,  n'y  revenir,  par  exemple,  qu'au  bout  de  dix,  douze  ou  quinze 
jours.  De  même  si  l'excitation  avait  été  trop  légère,  on  pourrait  recom- 
mencer dès  le  troisième  jour. 

Pour  les  jours  où  l'attouchement  n'a  pas  lieu,  on  doit  conseiller  l'instil- 
lation deux  fois  par  vingt-quatre  heures  d'un  collyre  contenant  pour 


•288  BLÉPHAR1TE.  —  bléphàrite  muqueuse  granuleuse. 

50  grammes  d'eau,  Ogr,10  de  sulfate  de  zinc,  ou  bien  la  même  proportion 
d'alun  ou  de  borax. 

Il  en  est  du  reste  du  collyre  comme  du  crayon  ;  s'il  occasionnait  une 
inflammation  vive,  se  traduisant  par  une  douleur  de  quatre  ou  cinq  heures, 
une  rougeur  de  toute  la  conjonctive  oculaire,  une  photophobie  et  un  lar- 
moiement abondant  pendant  le  même  temps,  il  ne  faudrait  pas  insister. 
On  cesserait  l'instillation  pendant  un  jour,  et  l'on  y  reviendrait  plus  tard, 
en  diminuant  de  moitié  la  dose  de  la  substance  astringente.  Si,  au  con- 
traire, l'effet  produit  était  à  peine  appréciable,  on  augmenterait  un  peu 
la  dose,  on  la  porterait  à  0gr,15  au  lieu  de  0gr,10  pour  la  même  quan- 
tité d'eau. 

Ne  pourrait-on  pas  aussi  se  servir  du  crayon  d'azotate  d'argent?  Ici 
établissons  une  distinction.  S'il  s'agit  du  crayon  mitigé  dont  j'ai  parlé 
page  269,  si  surtout  on  a  soin  de  laver  avec  de  l'eau  salée  pour  entraîner 
l'excès  du  sel  d'argent,  je  n'ai  aucun  inconvénient  à  signaler.  L'efiet  est 
à  peu  près  le  même  que  celui  du  sulfate  de  cuivre,  savoir  :  une  excitation 
passagère.  Il  y  a  même  avantage  à  se  servir  alternativement  de  l'un  et  de 
l'autre,  pour  voir  si  par  hasard,  et  en  vertu  d'une  variété  individuelle, 
l'un  des  deux  ne  paraîtrait  pas  plus  efficace.  S'il  s'agit,  au  contraire,  du 
crayon  d'azotate  d'argent  pur,  je  réponds  qu'il  faut  ici  une  grande  pru- 
dence. L'excitation  produite  par  cet  agent  dépasse  souvent  le  but  que  l'on 
veut  obtenir  :  au  lieu  d'être  passagère,  elle  est  persistante  ;  elle  ramène 
avec  la  sécrétion  purulente  une  turgescence  qui  ne  disparaît  pas  ou  dis- 
paraît très-lentement.  Je  ne  conseille  d'y  recourir  que  dans  les  cas  où  le 
sulfate  de  cuivre  ne  produit  qu'une  irritation  trop  légère  et  à  peu  près 
insignifiante,  et  dans  ceux  où,  après  avoir  agi  d'abord  avec  avantage,  il 
semble  avoir  épuisé  son  action  en  vertu  d'une  tolérance  particulière  qui 
s'est  établie  sur  les  yeux  malades.  Dans  ces  cas  encore  faut-il  passer  très- 
rapidement  le  crayon  sur  les  surfaces  malades,  et  neutraliser  ensuite  avec 
l'eau  additionnée  de  chlorure  de  sodium. 

Si  les  moyens  précédents  étaient  sans  efficacité,  on  pourrait  en  es- 
sayer d'autres,  par  exemple  l'attouchement  avec  un  pinceau  trempé 
dans  une  solution  d'azotate  d'argent  à  0gr,50  pour  50  grammes  d'eau  dis- 
tillée, ou  dans  une  solution  de  tannin  contenant  4  grammes  de  cette  sub- 
stance, pour  50  grammes  d'eau.  Hairion  donne  la  préférence  à  un  mu- 
cilage composé  de  tannin  4  grammes,  eau  20  grammes,  et  gomme 
arabique  10  grammes.  On  notera  qu'avec  le  tannin  les  attouchements 
doivent  être  répétés  une  ou  deux  fois  par  jour.  Les  glycérolés,  soit  au  sul- 
fate de  cuivre,  dans  la  proportion  de  0gr,10  pour  5  grammes,  soit  à  l'ami- 
don, soit  au  tannin,  dans  la  proportion  de  4  grammes  pour  20  grammes 
de  glycérine,  ont  également  été  conseillés. 

Faut-il  mentionner  encore  l'attouchement  avec  un  pinceau  trempé 
dans  l'acétate  neutre  de  plomb,  dans  la  teinture  d'iode,  dans  une 
solution  de  sublimé  (0gl,20  pour  4  grammes  d'eau),  une  solution  de 
chlorure  d'or  (0gr,50  pour  4  grammes)?  Ces  moyens  n'ont  pas  encore 
une  efficacité  bien  démontrée.  Leur  multiplicité  prouve  une  fois  de  plus 


BLÉPHARITE.    BLÉPHAUITE    MUQUEUSE    GRANULEUSE.  289 

la  résistance  de  la  maladie.  On  peut  recourir  à  l'un  d'eux  lorsque  tout  le 
reste  a  échoué. 

On  a  longtemps  conseillé  pour  cette  blépharite,  comme  pour  toutes  les 
inflammations  chroniques  de  l'appareil  oculaire,  les  exutoires  :  vésicatoires 
volants  du  front,  à  la  tempe  ou  derrière  l'oreille,  vésicatoires  permanents, 
sétons  et  moxas  à  la  nuque.  Ces  moyens  sont  assez  généralement  rejetés 
aujourd'hui.  Mais  c'est  peut-être  aller  trop  loin  que  de  les  bannir  complè- 
tement. Sans  aucun  doute  c'est  une  mauvaise  chose  que  d'entretenir 
autour  de  l'œil  une  solution  de  continuité  habituellement  douloureuse,  ou 
qui  peut  empêcher  le  sommeil,  ainsi  que  cela  a  lieu  souvent  à  la  suite  des 
exutoires  permanents  placés  à  la  nuque;  mais  les  exutoires  passagers, 
comme  les  petits  vésicatoires  volants  et  les  mouches  de  Milan  n'ont  pas  le 
même  inconvénient,  et  agissent  peut-être  comme  révulsifs.  Je  veux  bien 
que  la  chose  soit  incertaine  et  difficile  à  démontrer  par  l'observation  ; 
mais,  dans  le  doute,  du  moment  où  nous  supprimons  les  dangers  de 
l'exutoire,  pourquoi  nous  priver  de  ses  avantages,  si  petits,  si  probléma- 
tiques qu'ils  soient?  Pour  moi,  je  n'hésite  pas,  dans  les  cas  rebelles,  à 
placer  tous  les  huit  ou  dix  jours  un  vésicatoire  large  comme  une  pièce 
d'un  franc,  au  front,  à  la  tempe  ou  derrière  l'oreille;  je  n'enlève  même 
pas  l'épiderme;  je  panse  avec  du  cérat,  et  j'en  place  un  nouveau  trois  ou 
quatre  jours  après  la  dessiccation  du  précédent. 

On  a  conseillé  aussi  à  diverses  époques  la  scarification  et  même  l'exci- 
sion des  granulations  palpébrales.  Coursserant,  qui,  de  nos  jours,  est 
revenu  à  la  scarification,  en  la  faisant  suivre  d'une  compression  légère, 
n'emploie  cette  méthode  que  pour  ce  qu'il  appelle  les  granulations  sans 
hypertrophie  du  cartilage  tarse,  et  ne  l'applique  pas  à  ce  qu'il  appelle  la 
conjonctivite  granulaire  avec  tarsite.  Cette  distinction  vient  de  ce  qu'il 
suppose,  sans  l'avoir,  je  pense,  démontré  par  le  scalpel,  que  les  granu- 
lations tantôt  s'accompagnent  et  tantôt  ne  s'accompagnent  pas  de  gonfle- 
ment des  cartilages  palpébraux;  comme,  d'autre  part,  il  attribue  la  tarsite 
à  l'ophthalmie  d'Egypte ,  il  me  paraît,  évident  que  cet  auteur  considère 
comme  inutile  la  scarification  pour  les  cas  de  granulations  néoplastiqucs 
ou  trachomes,  et  la  fait,  au  contraire,  pour  ceux  de  granulations  papil- 
laires.  Je  ne  verrais  aucun  inconvénient  à  l'imiter,  si  les  granulations 
papillaires  avaient  résisté  pendant  des  années  aux  traitements  déjà  indi- 
qués. Mais  je  crois  que,  dans  la  plupart  des  cas,  ceux-ci  finissent  par 
réussir,  et,  d'autre  part,  les  succès  après  la  scarification  comme  après 
l'excision,  ne  sont  pas  assez  nombreux,  ni  assez  authentiques,  pour  que 
je  puisse  conseiller  d'y  recourir  d'emblée. 

Y  a-t-il  un  traitement  spécial  pour  chacune  des  variétés  de  la  blépharite 
granuleuse?  Je  ne  le  pense  pas.  Pour  les  unes  comme  pour  les  autres,  il 
y  a  à  remplir  la  même  indication.  Seulement,  si  l'on  croyait  avoir  affaire 
à  des  granulations  folliculaires,  on  ferait  bien  de  les  piquer  avec  une 
aiguille  à  coudre,  et  de  les  vider  avant  d'appliquer  le  crayon  de  sulfate 
de  cuivre.  D'un  autre  côté,  c'est  surtout  pour  les  granulations  néoplastiques 
qu'il  importe  de  ne  pas  donner  par  le  traitement  un  coup  de  fouet  qui 

NOUV.    OICT.  MÉD.    ET  Clllfc.  V.    19 


290  BLÉPHARITE.  —  bibliographie. 

ramène  la  suppuration.  Car,  l'inflammation  devenant  suppurative,  il  y 
aurait  bien  plus  à  craindre  la  transformation  fibreuse  et  toutes  ses  con- 
séquences. Dans  ce  cas  plus  que  dans  tous  les  autres,  une  inflammation 
légère,  susceptible  de  se  terminer  par  résolution  un  peu  plus  prompte- 
ment  que  celle  qui  existe  déjà,  et  d'entraîner  la  résorption  des  produits 
nouveaux,  est  celle  que  l'on  doit  ebereber  à  provoquer.  Le  crayon  de 
sulfate  de  cuivre,  ou  celui  d'azotate  d'argent  mitigé,  remplissent  mieux, 
cette  indication  que  l'azotate  d'argent  pur.  En  somme,  il  n'y  a  pas  de 
différences  à  indiquer  pour  le  traitement  des  diverses  espèces  de  granu- 
lations; mais  il  était  nécessaire  de  prévenir  les  praticiens  des  dangers 
spéciaux  auxquels  expose,  dans  la  troisième  variété,  celle  des  granulations 
néoplastiques,  une  cautérisation  trop  énergique. 

BLÉPHARITE    CILIA1RE. 

Saint-Vyes,  Nouveau  traité  des  maladies  des  yeux,  1747.  De  la  galle  et  des  dartres  des  pau- 
pières, p.  75. 

Maitre-jan,  Traité  des  maladies  de  l'œil,  1740.  Des  ulcères  purigineux  ou  gratclle  des  pau- 
pières. 

Velpeau,  Leçons  orales  de  clinique  chirurgicale,  t.  I,  p.  71.  —  Leçons  sur  les  maladies  des  yeux, 
publiées  par  Je;mselnie. 

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Testelin.  Paris,  1856, 1. 1 . 

Denonvilliers  et  Gosseun,  Traité  théorique  et  pratique  des  maladies  des  yeux.  Paris,  1855,  p.  411. 

BLÉPHARITE   MUQUEUSE. 

Sichel,  Sur  quelques  maladies  de  la  vision  considérées  au  point  de  vue  de  leur  complication  avec 
la  conjonctivite  [Gazette  médicale,  1847,  p.  624  et  suiv.). 

BLÉPHAIUTE    GRANULEUSE. 

Aetius,  Contracta  ex  veteribus  medicin.T  tetrabiblos,  lib.  Vil,  chap.  45. 

Paré,  Œuvres,  édit.  Malgaigne.  Paris,  1840,  t. II,  p.  416. 

Lawrence    Traité  pratique  des  maladies  des  yeux,  trad.  de  l'anglais  par  Ch.  Billard.  Paris,  1850, 

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Tyrrell,  On  Diseases  of  the  Eye  and  their  Treatment  medically,  topically  and  by  opération.  1840, 

t.  I.  p.  118. 
Fallot,  Annales  d'oculistique,  1858, 1. 1,  p.  205. 
Mackenzie    Traité  pratique  des  maladies  des  yeux,  trad.   de  l'anglais  par  Richelot  et  Laugier, 

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Caffe,  {«apport  sur  l'ophthalmic  régnante  dans  l'armée  belge.  Paris,  1840. 
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Decondé   Mémoire  sur  l'anatomie  de  la  conjonctive  au  point  de  vue  des  ses  altérations  patholo- 
giques et  de  leur  traitement  [Annales  d'oculistique.  Uruxelles,  18  49,  t.  XXI,  p.  9). 
Crocq,  Des  granulations  conjonctivales  ;  nouvelle  doctrine  de  Tiiiry  [Presse  médicale  belge,  1849, 

et  Annales  d'oculistique,  1849,  t.  XXI,  p  108). 
Arlt    Du  trachome  de  la  conjonctive.  Caractères  qui  le  distinguent  de  la  granulation  proprement 

dXteiPrager  Vierteljahrsschrift,  Union  médicale  et  Annales  d'oculistique,  1850,  t.  XXIV, 

p.  252).' 
Eble    Structure  et  maladies  de  la  conjonctive,  trad.  de  l'allemand  par  Ed.  de  Lozen  de  Stel- 

teniiolf. 
Arlt    Die  Krankheiten  des  Auges  fur  praktische  Aerzte  geschildert.  Prag,  1855. 
Van  Roosbrœck,  Cours  d'ophthalmologie  ou  traité  des  maladies  des  yeux.  Gand,  1855. 
IIachevelle,  De  l'ophthalmie  granuleuse  (Thèses  de  Strasbourg,  1854). 
Warlomont,  Annales  d'oculistique,  1854. 
Hairion,  Annales  d'oculistique,  t.  XXXIII,  p.  109. 
Compte  rendu  du  Congrès  d'ophthalmologie  de  Bruxelles..  Session  de  1857.  Paris,  1858,  p.  518 

(recherches  sur  les  granulations  par  J.  Tiiiry). 


BLEPIIAROPTOSE.  -    eîiologie.  291 

Stellwag  von  Cariox,  Lehrbuch  der  praktischen  Augenheilkunde.  Wien,  18G1. 

Courssekant,  Conjonctivite  granulaire,  Société  de  médecine  pratique  [Gazette  des  hôpitaux,  1864 

p.  128). 
Wecker,  Études  ophtalmologiques.  Traité  des  maladies  des  yeux.  Paris,  4864,  t.  I. 

L.    GOSSELIK. 

BliÉPHAROPIiASTIE.  Voy.  Paupières. 

BLÉPHAROPTOSG.  —  On  donne  le  nom  de  blépharoptose  et 
aussi  celui  de  ptosis  à  la  chute  de  la  paupière  supérieure,  c'est-à-dire 
au  vice  de  conformation  qui  est  caractérisé  par  l'impossibilité  de  relever 
assez  cet  organe  pour  que  la  cornée  soit  mise  complètement  à  découvert. 

On  sait  qu'à  l'état  normal,  les  paupières  s'écartent  et  l'œil  s'ouvre  par 
un  double  mécanisme,  d'abord  par  le  repos  momentané  de  l'orbiculaire 
palpébral,  ensuite  par  la  contraction  du  releveur.  Une  condition  anato- 
mique  est  en  outre  indispensable,  c'est  que  le  tissu  conjonctif  et  la  peau 
aient  leur  laxité  normale,  et  puissent  se  plisser  en  travers  au  moment  où 
l'écartement  a  lieu. 

Étîologie.  —  Les  causes  qui  amènent  cette  difformité  sont  assez 
nombreuses,  et  chacune  d'elles  lui  donne  un  caractère  spécial,  qui  con- 
stitue, à  proprement  parler,  une  variété  delà  maladie. 

1°  En  première  ligne,  nous  pouvons  placer  la  perte  de  la  laxité  du 
tissu  conjonctif.  Quand  la  sérosité  infiltre  ce  tissu,  comme  dans  le  cas 
d'oedème  simple  et  dans  ceux  d'oedème  inflammatoire,  quand  un  ou  plu- 
sieurs kystes  à  parois  rigides  se  sont  développés  dans  la  paupière  supé- 
rieure, cet  organe  est  devenu  incapable  de  se  plisser,  et  conserve  forcé- 
ment la  hauteur  qui  lui  est  assignée  par  l'état  pathologique.  Si  la  perte 
de  laxité  et  le  gonflement  qui  la  produit  sont  considérables,  la  paupière 
ne  peut  pas  se  relever  du  tout,  et  l'œil  reste  tout  à  fait  fermé,  comme 
dans  l'érysipèle  intense  et  l'œdème  consécutif  aux  inflammations  ame- 
nées parles  piqûres  d'insectes.  Si,  au  contraire,  les  lésions  sont  moindres, 
la  paupière  se  relève  un  peu,  et  l'œil  peut  être  mis  à  découvert,  la  blé- 
pharoptose  est  incomplète. 

2°  D'autres  fois  l'obstacle  à  l'écartement  est  apporté  par  une  contrac- 
tion prolongée  ou  contracture  de  l'orbiculaire.  Le  releveur  ne  peut  agir 
alors,  parce  que  ses  contractions  ne  sont  efficaces  que  si  l'orbiculaire  est 
relâché.  C'est  ainsi  que  s'explique  l'étroitesse  habituelle  de  la  fente  pal- 
pébrale,  ou,  si  l'on  aime  mieux,  son  ouverture  imparfaite,  dans  le  cours 
et  à  la  suite  d'un  grand  nombre  de  maladies  inflammatoires  de  la  con- 
jonctive et  de  la  cornée,  ces  maladies  augmentant  par  une  action  réflexer 
la  contraction  habituelle  ou  tonicité  de  l'orbiculaire  palpébral. 

3°  Lorsque,  par  suite  d'une  blessure  ou  d'une  maladie  longue  des 
paupières  ou  de  la  cornée,  la  fente  palpébrale  a  diminué  d'étendue,  il  y 
a  encore  abaissement  inévitable  et  permanent  de  la  paupière  supérieure, 
abaissement  incomplet,  il  est  vrai,  qui  permet  encore  à  l'œil  d'être  dé- 
couvert assez  pour  que  la  vision  s'exécute,  mais  ne  lui  permet  pas  de 
s'ouvrir  autant  qu'à  l'état  normal  et  constitue  dès  lors  une  difformité. 

Dans  tous  les  cas  que  je  viens  d'énuinérer,  la  blépharoptose  est  consé- 


292  BLÉPHAROPTOSE.  —  étiologie. 

cutive  à  une  autre  maladie.  Elle  lui  est  subordonnée,  disparaît  ou  per- 
siste avec  elle,  et  ne  réclame  pas  d'autre  traitement  que  cette  maladie 
elle-même  ;  c'est  pourquoi  je  n'aurai  pas  à  m'en  occuper  davantage. 

4°  D'autres  fois  la  chute  de  la  paupière  supérieure  a  pour  cause  une 
paralysie  de  la  troisième  paire.  Le  muscle  releveur,  en  effet,  se  trouve 
alors  privé  de  sa  contraction,  en  même  temps  que  tous  les  autres  muscles 
animés  par  ce  nerf;  l'orbiculaire,  qui  reçoit  du  facial,  continuant  d'agir, 
l'œil  reste  fermé  au  moins  incomplètement.  Mais  comme  il  est  impossible 
de  séparer  la  lésion  du  releveur  de  celle  des  autres  muscles,  il  n'y  a  pas 
lieu  non  plus  de  décrire  ici  cette  variété  de  blépharoptose,  et  il  vaut 
mieux,  à  l'exemple  de  tous  les  auteurs,  en  renvoyer  la  description  à  celle 
de  la  paralysie  de  la  troisième  paire.  Voij.  Oculo-Moteurs  (Nerfs). 

5°  La  principale  variété  de  la  blépharoptose  est  celle  qui,  s'expli- 
quant  par  une  insuffisance  d'action  du  releveur  seul,  constitue  un  vice 
de  conformation  spécial  et  distinct.  C'est  elle  que  l'on  décrit  à  part  dans 
les  auteurs,  et  c'est  à  elle  seule  aussi  que  vont  s'appliquer  les  derniers 
détails  contenus  dans  cet  article. 

L'insuffisance  d'action  du  releveur  est  due  à  l'une  des  trois  causes  que 
voici  : 

Tantôt  le  muscle  présente  une  faiblesse  congéniale.  Il  a  été  arrêté  dans 
son  développement  ;  il  est  resté  grêle,  et  ne  peut,  quoique  son  innervation 
soit  peut-être  normale,  contre-balancer  efficacement  la  tonicité  de  l'or- 
biculaire. 

Tantôt  le  releveur,  quoique  bien  développé,  est  atteint  d'une  paralysie 
congéniale,  c'est-à-dire  que  le  nerf  qui  doit  l'animer  a  été  arrêté  lui- 
même  dans  son  développement,  ou,  par  une  cause  qui  nous  échappe, 
n'envoie  pas  en  quantité  suffisante  l'influx  nerveux  nécessaire  aux  con- 
tractions. Il  est  juste  d'ajouter  que  ces  lésions  du  rameau  de  la  troisième 
paire  destiné  au  releveur  n'ont  pas  été  jusqu'à  présent  constatées  sur  le 
cadavre,  et  que  nous  les  admettons  d'après  la  théorie  plutôt  que  d'après 
l'observation  directe. 

Dans  les  deux  cas  qui  précèdent,  la  blépharoptose  est  congéniale.  Dans 
quelques  autres,  elle  est  due  à  une  blessure  accidentelle,  soit  du  muscle 
lui-même,  soit  du  rameau  nerveux  qu'il  reçoit.  J'avais  dernièrement  dans 
mon  service,  à  l'hôpital  de  la  Pitié,  un  homme  qui,  après  avoir  été  blessé 
à  la  paupière  supérieure  par  une  cheville  de  bois  entrée  par  cette  pau- 
pière jusque  dans  l'orbite,  avait  une  paralysie  complète  du  releveur.  Il 
m'a  été  impossible  de  savoir  si  c'était  la  section  du  muscle  ou  celle  de  son 
nerf,  par  le  corps  vulnérant  qui  avait  amené  l'obstacle  à  l'élévation  de  la 
paupière.  Après  plusieurs  semaines  de  traitement  par  l'électricité,  nous 
avons  obtenu  une  amélioration  assez  grande  pour  que  la  pupille  pût  être 
mise  à  découvert,  et  pour  que  la  vision  se  rétablît.  Mais  faut-il  en  conclure 
que  c'était  le  muscle,  plutôt  que  le  nerf,  qui  avait  été  coupé  et  qui  s'est  en 
partie  cicatrisé.  Je  n'ai  pu,  en  aucune  façon,  être  renseigné  sur  ces  points. 

Ne  peut-il  pas  survenir  aussi,  sans  lésion  traumatique  et  spontané- 
ment, une  paralysie  isolée  du  muscle  releveur?  Assurément  la  chose  est 


BLÉPHAROPTOSE.  —  symptômes.  293 

possible  ;  mais  elle  est  rare  ;  je  ne  pourrais,  pour  ma  part,  en  citer  aucun 
exemple,  et  je  m'en  tiens  pour  l'étiologie  à  cette  formule  générale  que  la 
blépharoptose  essentielle  est  plus  souvent  congéniale  qu'accidentelle,  et 
que  la  lésion  dont  elle  est  le  symptôme  est  plus  ordinairement  irrémé- 
diable dans  le  premier  cas  que  dans  le  second. 

Symptômes.  —  La  blépbaroptose  est  complète  ou  incomplète. 

Lorsqu'elle  est  complète,  la  paupière  supérieure  tombe  au-devant  de 
l'œil,  la  cornée  n'est  mise  à  découvert  que  partiellement  et  par  le  relâ- 
chement de  l'orbiculaire.  La  pupille  ne  peut  recevoir  les  rayons  lumineux 
et  la  vision  est  impossible.  C'est  ainsi  que  se  présente  habituellement  la 
blépharoptose  accidentelle  et  traumatique. 

Lorsqu'elle  est  incomplète,  l'élévateur  conserve  assez  de  force  pour 
amener  la  paupière  au-dessus  du  niveau  de  la  pupille.  La  vision  est  donc 
possible.  Tout  l'inconvénient  de  la  maladie  est  dans  l'irrégularité  du 
visage,  qui  résulte  d'un  écartement  inégal  des  deux  fentes  palpébrales. 
C'est  ainsi  que  se  présente  presque  toujours  la  blépharoptose  congéniale. 

Traitement.  —  1°  La  blépharoptose  essentielle  ne  réclame  aucun 
traitement  lorsqu'elle  est  tout  à  la  fois  incomplète  et  congéniale;  car  nous 
n'avons  pas  la  puissance  de  reconstituer  un  muscle  ou  un  nerf  originai- 
rement mal  formé. 

2°  Lorsqu'elle  est  complète  et  congéniale,  on  ne  doit  pas  non  plus 
espérer  la  guérison.  Assurément  il  n'y  aurait  aucun  inconvénient  à  essayer 
un  traitement  curatif  par  l'électricité  et  les  stimulants  cutanés.  Mais  l'échec 
une  fois  constaté,  il  ne  reste  plus  que  la  ressource  d'un  traitement  pal- 
liatif consistant  dans  l'emploi  d'une  petite  pince  faite  sur  le  modèle  des 
serres-fines  (fig.  9),  entre  les  deux  branches  de  laquelle 
le  malade  interpose  un  pli  vertical  de  la  paupière  supé- 
rieure, assez  large  pour  que  les  bords  palpébraux  restent 
écartés.  On  donnerait  au  malade  le  conseil  de  ne  pas  tenir 
trop  longtemps  cet  instrument  en  place,  afin  de  ne  pas 
laisser  une  eschare  se  produire.  Cette  ressource  palliative 
serait  plus  particulièrement  applicable,  si  les  deux  côtés 
étaient  atteints  en  même  temps  de  l'infirmité,  ce  qui  est 
très-rare,  ou  si  l'autre  œil  avait  été  privé  par  une  cause 
quelconque  de  ses  fonctions  visuelles. 

Je  ne  puis  donner  mon  assentiment  à  deux  opérations 
qui  ont  été  conseillées  pour  les  cas  de  ce  genre.  La  pre- 
mière, qui  est  de  date  ancienne,  consiste  à  enlever  avec 
le  bistouri  une  portion  un  peu  étendue  de  la  paupière  su-  fig.  9. 
périeure,  en  laissant  le  bord  libre,  et  de  réunir  par  des 
points  de  suture  les  bords  de  la  solution  de  continuité  ainsi  établie.  Cette 
opération  n'est  jamais  passée  dans  la  pratique  pour  lune  des  deux  rai- 
sons que  voici  :  ou  parce  que  l'on  fait  une  trop  petite  perte  de  substance, 
et  alors  la  paupière  continue  à  rester  trop  bas,  ou  l'on  en  fait  une  trop 
étendue,  et  alors  la  paupière,  devenue  trop  courte,  ne  protège  plus  suffi- 


4294  BLÉPHAROSPASME.  —  blépharospasme  tonique. 

samment  l'œil  et  le  laisse  exposé  à  toutes   les    causes    d'ophthalmie. 

La  seconde  opération  dont  de  Grsefe  a  eu  l'idée,  et  dont  Wecker  nous 
a  donné  la  description,  consiste  à  faire  une  petite  perte  de  substance  à 
l'orbiculaire,  afin  de  l'affaiblir,  et,  en  l'affaiblissant,  de  rendre  son  anta- 
goniste suffisant.  Pour  faire  cette  perte  de  substance,  on  incise,  à  cinq 
millimètres  de  son  bord  libre,  le  tégument  de  la  paupière  supérieure 
dans  toute  sa  longueur,  on  décolle  et  on  écarte  les  bords  de  la  plaie,  de 
manière  à  mettre  à  découvert  le  muscle  orbiculaire,  on  saisit  avec  une 
pince  à  crochet  une  largeur  de  huit  à  dix  millimètres  de  ce  muscle,  et  on 
l'excise  avec  des  ciseaux.  Je  doute  que  cette  opération  ait  jamais  donné 
de  bons  résultats,  car  ce  qui  reste  de  l'orbiculaire  suffit  toujours  pour 
maintenir  l'occlusion  que  ne  peut  faire  cesser  le  releveur  entièrement 
paralysé. 

5°  Quant  à  la  blépharoptose  accidentelle,  il  est  toujours  indiqué  de  la 
combattre  par  l'électrisation  du  muscle;  on  y  procède  de  la  manière 
suivante  :  une  aiguille  à  acupuncture  est  conduite  à  travers  le  milieu  de 
la  paupière  supérieure  jusqu'au  point  où  nos  connaissances  anatomiques 
nous  indiquent  la  présence  du  releveur,  et  cotte  aiguille  est  mise  en 
communication  avec  un  des  conducteurs  de  la  pile.  L'autre  conducteur, 
pourvu  d'une  éponge  mouillée,  est  placé  sur  la  région  temporale  ou 
derrière  l'oreille.  On  fait  passer  le  courant  pendant  cinq,  dix  ou  quinze 
minutes,  suivant  la  manière  dont  il  est  supporté;  on  renouvelle  la  séance 
tous  les  deux  jours  d'abord,  puis  tous  les  jours,  et  Ton  s'arrête  à  la 
trentième  ou  quarantième.  Ce  moyen  est  loin  de  réussir  toujours.  Dans 
un  cas  où  la  blépharoptose  était  complète,  il  m'a  permis  d'obtenir  une 
amélioration  telle  que  la  cornée,  jusque-là  entièrement  masquée,  a  pu  se 
découvrir  assez  pour  permettre  la  vision.  Il  y  a  eu,  en  un  mot,  substitu- 
tion d'une  chute  incomplète  à  la  chute  complète  qui  existait  d'abord. 

A  défaut  d'électricité,  on  pourrait  essayer  quelques  frictions  stimu- 
lantes sur  le  front  et  la  tempe,  soit  avec  un  Uniment  ammoniacal,  soit 
avec  une  pommade  contenant  de  la  strychnine  dans  la  proportion  de 
cinq  centigrammes  pour  quatre  grammes  d'axonge.         L.  Gosselin. 

BliÉPH AROSPASME.  —  On  pourrait  désigner  sous  le  nom  de 
blépharospasme  toute  contraction  anormale  des  muscles  palpébraux.  Mais 
comme  on  n'a  pas  observé  jusqu'à  présent  de  ces  contractions  sur  le  re- 
leveur de  la  paupière  supérieure,  la  dénomination  dont  il  s'agit  s'ap- 
plique exclusivement  aux  contractions  exagérées  de  l'orbiculaire. 

Ce  muscle  peut  présenter  les  deux  variétés  de  contractions  insolites 
que  nous  admettons  pour  les  autres  muscles  de  la  vie  de  relation,  savoir  : 
1°  des  contractions  continues  sans  intervalles  de  relâchement  ou  avec 
des  intervalles  rares  et  courts  ;  2°  des  contractions  passagères  et  suivies 
de  relâchement,  mais  brusques,  vives  et  plus  précipitées  qu'à  l'état  nor- 
mal. Dans  le  premier  cas,  pour  me  servir  des  expressions  consacrées,  le 
spasme  est  tonique,  dans  le  second  il  est  clonique. 

[.  Biépbaroftpasme  ionique.   —  Il  est    toujours   symptomatique 


BLÉPIIAROSPASME.  —  bléphabospa&me  clomque.  295 

et  consécutif.  C'est  celui  qu'on  observe  dans  la  plupart  des  cas  où  il  y  a 
irritation  vive  de  la  conjontive,  de  la  cornée  et  même  des  parties  pro- 
fondes de  l'œil.  C'est  lui  qui  maintient  l'occlusion  de  l'œil  après  l'in- 
troduction des  corps  étrangers  ou  dans  le  cours  des  kératites  ulcéreuses, 
des  iritis  et  des  irido-choroïdites  aiguës.  Le  spasme  de  l'orbiculaire  pour- 
rait, dans  tous  ces  cas,  être  considéré  comme  le  résultat  d'une  action  ré- 
flexe, la  douleur  des  parties  profondes  (conjonctive,  cornée,  iris)  réa- 
gissant par  l'intermédiaire  de  l'encéphale  sur  les  filets  du  facial  qui  vont 
à  l'orbiculaire.  Mais  cette  explication  ne  me  suffirait  pas.  Que  la  con- 
traction de  l'orbiculaire  soit  ou  non  le  résultat  d'une  action  réflexe,  il 
convient  d'ajouter  que  le  spasme,  dans  toutes  ces  circonstances,  est  in- 
stinctif et  a  pour  but  de  soustraire  l'œil  malade  à  une  nouvelle  cause  de 
souffrance.  Dans  les  cas  de  corps  étrangers  en  effet,  et  dans  plusieurs  ma- 
ladies de  la  surface  oculaire,  le  frottement  des  paupières  contre  le  globe  de 
l'œil  est  une  cause  de  souffrance.  Instinctivement  le  malade  supprime 
ce  frottement  en  contractant  d'une  manière  permanente  son  orbiculaire. 
D'autres  fois,  comme  dans  les  inflammations  profondes,  l'arrivée  de  la 
lumière  est  une  cause  de  douleur  ;  instinctivement  le  malade  supprime 
cette  cause,  en  empêchant  par  le  blépharospasme  l'entrée  de  l'agent  irri- 
tant dans  l'œil.  On  dit  en  pareil  cas  qu'il  y  a  photophobie,  et  l'on  verra, 
à  ce  mot,  qu'il  est  parfois  difficile  de  décider  si  c'est  la  crainte  de  la  lu- 
mière ou  la  crainte  des  frottements  qui  amène  l'occlusion  involontaire 
des  yeux  malades. 

Certainement  il  est  permis  de  croire  que  le  point  de  départ  du  spasme 
dans  tous  ces  cas  est  une  sensation  douloureuse  partie  de  la  conjonctivite, 
de  l'iris  ou  de  la  rétine,  laquelle  sensation  arrivée  à  l'encéphale  se  réflé- 
chit vers  l'orbiculaire.  Mais  cette  première  action  une  fois  produite,  et 
le  spasme  se  continuant,  il  y  a  autre  chose  qu'un  effet  réflexe.  Cet  effet, 
nous  ne  pouvons  le  caractériser  autrement  que  par  le  mot  contraction 
instinctive,  ayant  pour  but  de  soustraire  l'œil  à  la  souffrance  occasionnée, 
soit  par  les  frottements,  soit  par  la  lumière,  soit  par  ces  deux  causes 
à  la  fois. 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  n'ai  pas  besoin  de  m'appesantir  davantage  sur 
cette  variété  du  spasme  palpébral.  Ses  phénomènes  et  ses  suites  possi- 
bles seront  indiqués  à  l'occasion  des  maladies  dont  il  est  la  conséquence, 
et  le  symptôme.  Je  renvoie  pour  cela  aux  mots  photophobie,  ophthal- 
iiiie,  kératite,  trichiasis,  entropion. 

Je  ne  puis  cependant  m'empècher  de  faire  remarquer  ici,  que  quand 
le  spasme  a  été  très-intense  et  a  duré  longtemps,  le  muscle  orbiculaire 
est  revenu  sur  lui-même,  rétracté,  et  occasionne  soit  une  étroitesse  de  la 
fente  palpébrale,  soit  le  renversement  en  dedans  d'une  partie  ou  de  la  tota- 
lité de  la  paupière. 

II.  Bicphsirospasnie  clou ï que.  —  Le  spasme  caractérisé  par  une 
contraction  suivie  de  relâchement,  mais  contraction  plus  souvent  répétée, 
et  plus  forte  qu'à  l'état  normal,  du  muscle  orbiculaire,  n'est  point  sympto- 
matique  d'une  autre  affection  de  l'appareil  oculo-palpébral  ;  en  pareil  cas, 


296  BLÉPIIAROSPASME.  —  bléphaïiospasmê  clomqué. 

il  peut  être  considéré  comme  essentiel.  C'est  une  névrose  comparable 
jusqu'à  un  certain  point  à  la  chorée.  Je  ne  veux  point  parler  des  contrac- 
tions palpébrales,  qui  accompagnent  les  convulsions  de  la  face,  connues 
sous  le  nom  de  tic  douloureux.  Il  n'est  question  ici  que  des  contractions 
limitées  à  l'orbiculaire,  contractions  qui  le  plus  souvent  sont  indolentes. 

Cette  maladie  se  présente  sous  deux  formes.  Dans  la  première,  les  con- 
tractions portent  sur  une  partie  limitée  de  l'orbiculaire,  celle  qui  se  trouve 
au  voisinage  du  bord  adhérent.  Elles  ont  lieu  d'un  seul  côté  à  la  fois,  et  plus 
souvent  à  la  paupière  inférieure  seule  qu'aux  deux  paupières  simultané- 
ment. Elles  n'ont  point  pour  effet  d'amener  l'occlusion  de  l'œil,  et  elles 
consistent  seulement  en  soubresauts  successifs  que  le  malade  ressent,  et 
dont  les  personnes  étrangères  ne  s'aperçoivent  que  si  elles  sont  placées 
très-près  de  l'œil  ou  si  elles  y  font  attention. 

Ce  blépharospasme  partiel  est  habituellement  passager,  dure  quelques 
minutes  ou  plusieurs  heures,  revient  plusieurs  jours  de  suite  ou  ne  se 
montre  qu'à  de  longs  intervalles.  Il  n'a  aucune  influence  fâcheuse  sur  la 
vision,  n'est  point  le  prodrome  d'une  affection  cérébrale  grave,  et  n'occa- 
sionne même  pas  de  difformité.  Je  n'aurais  pas  cru  devoir  m'en  occuper 
ici,  si  les  praticiens  n'étaient  pas  de  temps  à  autre  consultés  par  des 
sujets  qui  s'inquiètent  de  ce  spasme.  On  doit  leur  répondre  que  le  mal 
n'est  pas  dangereux,  qu'on  n'en  connaît  ni  la  cause,  ni  le  traitement, 
qu'il  disparaît  de  lui-même,  et  que  le  meilleur  moyen  de  ne  pas  l'entre- 
tenir est  d'y  songer  le  moins  possible. 

La  seconde  forme  est  celle  dans  laquelle  les  contractions  spasmodiques 
intermittentes  portent  sur  le  muscle  orbiculaire  tout  entier,  et  ont  pour 
résultat  de  fermer  les  yeux  plus  souvent  et  plus  complètement  qu'à  l'or- 
dinaire. C'est  une  exagération  du  clignement,  on  pourrait  dire  que  c'est 
un  clignement  spasmodique. 

Les  deux  yeux  en  sont  habituellement  atteints  à  la  fois. 

A  part  quelques  cas  dans  lesquels  le  clignement  a  coïncidé  avec  une 
blépharite  muqueuse,  cette  maladie  n'a  le  plus  souvent  aucune  relation 
avec  les  affections  oculaires  et  se  développe  primitivement.  Elle  est  rare 
et  les  femmes  me  paraissent  y  être  plus  exposées  que  les  hommes.  Je  ne 
l'ai  pour  ma  part  observée  que  deux  fois  et  chaque  fois  sur  une  femme 
entre  40  et  50  ans.  Peut-être  la  constitution  nerveuse  et  l'hystérie 
contribuent-elles  à  son  développement.  Cependant  je  n'ai  rien  noté  de 
semblable  sur  les  deux  malades  que  j'ai  rencontrées.  Chez  l'une  et  chez 
l'autre  il  a  été  impossible  d'assigner  aucune  cause  au  spasme  dont  elles 
étaient  atteintes. 

Les  symptômes  n'ont  pas  besoin  de  description,  ce  sont  ceux  d'un 
clignement  forcé  et  continuellement  répété.  Les  paupières  se  rapprochent 
si  souvent  que  la  vision  n'a  pas  le  temps  de  s'accomplir  et  que  le  patient 
est  incapable  de  se  livrer  aux  occupations  qui,  comme  la  lecture  et  l'écri- 
ture, nécessitent  une  application  soutenue  et  conséquemment  une  ouverture 
suffisante  des  yeux.  Ce  mouvement  continuel  des  paupières  est  disgracieux 
et  impressionne  désagréablement  les  personnes  qui  en  sont  témoins.  Il  est 


BLESSURES.  —  médecine  légale.  297 

fatigant,  mais  non  douloureux  pour  celui  qui  en  est  atteint.  Il  constitue,  si 
l'on  veut,  une  variété  de  tic  qu'on  pourrait  appeler  tic  paîpébral  indolent. 

Le  mouvement  s'arrête  pendant  le  sommeil  comme  celui  du  clignement 
ordinaire.  Mais  il  reprend  au  réveil  et  dure  toute  la  journée,  tantôt  un 
peu  plus,  tantôt  un  peu  moins  intense  et  rapide.  On  le  voit  parfois  s'ar- 
rêter quelques  heures,  ou  même  quelques  jours,  pour  reprendre  ensuite 
avec  ténacité. 

Ce  blépharospasme  est  très-rebelle  et  dure  longtemps.  Chez  certaines 
personnes,  il  ne  cesse  jamais.  Chez  d'autres,  il  s'affaiblit  peu  à  peu  et 
finit  par  disparaître  au  bout  de  quelques  années. 

Je  ne  connais  pas  de  traitement  efficace.  Les  lotions  avec  l'eau  de 
tilleul  et  de  camomille,  les  frictions  avec  les  liniments  opiacés  et  chloro- 
formés, les  narcotiques  et  la  belladone  à  l'intérieur,  tels  sont  les  moyens 
dont  il  est  permis  de  faire  usage.  Il  n'en  est  aucun  dont  la  supériorité 
soit  démontrée.  Le  blépharospasme  est  une  de  ces  maladies  qu'on  traite, 
mais  qu'on  ne  guérit  pas,  et  pour  lesquelles  le  temps  est  le  plus  efficace 
des  remèdes.  L.  Gosselin. 

BLESSURES.  —  médecine  légale.  —  Le  terme  générique  de  bles- 
sures s'applique  à  toutes  lésions  produites  par  une  violence  extérieure, 
quels  qu'en  soient  le  siège  et  la  nature.  Ces  lésions  reçoivent,  dans  le 
langage  de  l'école,  la  désignation  de  traumatiques.  L'étude  générale  des 
blessures  n'aurait,  au  point  de  vue  de  la  chirurgie  pratique,  ni  intérêt, 
ni  utilité;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  en  ce  qui  touche  la  médecine 
légale. 

Sous  les  dénominations  de  coups  et  blessures,  violences  et  voies  de 
fait,  de  meurtre  et  d'assassinat,  la  loi  pénale  a  compris  toute  une 
série  de  faits  extrêmement  fréquents,  qui  constituent  des  délits  ou  des 
crimes,  à  l'occasion  desquels  les  constatations  médicales  sont  chaque  jour 
réclamées  par  la  justice.  Nous  n'avons  pas,  nous  médecins,  à  nous  préoc- 
cuper du  texte  de  la  loi  et  à  en  commenter  les  dispositions.  Cependant  il 
est  indispensable  de  faire  remarquer  que  la  pénalité,  en  matière  de  bles- 
sures, repose  en  partie  sur  les  conséquences  qu'elles  peuvent  avoir,  sur 
la  durée  de  la  maladie  ou  de  l'incapacité  de  travail  qu'elles  entraînent 
(art.  509,  Code  pénal),  sur  la  gravité  des  mutilations  ou  des  infirmités 
qu'elles  laissent  à  leur  suite  (art.  510),  et  même,  dans  le  cas  exceptionnel 
prévu  par  l'article  516,  sur  la  nature  de  l'organe  lésé.  Ce  sont  là,  comme 
il  est  facile  de  le  voir,  autant  de  circonstances  qui  appartiennent  essen- 
tiellement et  exclusivement  à  l'expertise  médico-légale  ;  et  c'est  en  vue  de 
celte  expertise,  en  nous  efforçant  d'en  fixer  les  principes,  et  d'en  faire 
comprendre  les  conditions  variées,  que  nous  allons  étudier  les  blessures. 

Nous  ne  suivrons  pas  l'exemple  des  auteurs  qui  ont  cru  devoir  pré- 
senter une  classification  dogmatique  des  blessures.  Loin  de  servir  à  en 
rendre  l'histoire  plus  claire  et  l'étude  plus  facile,  ces  tentatives  ne  sont 
qu'une  complication  inutile.  Si,  en  effet,  on  classe  les  blessures  d'après 
leur  nature  ou  leur  siège,  on  sacrifie  la  médecine  légale  au  point  de  vue 


298  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

purement  chirurgical;  si  on  les  divise  en  légères  ou  simples,  graves  ou 
mortelles,  on  circonscrit  la  question  médico-légale  elle-même  à  un  point 
particulier  de  l'histoire  des  blessures,  c'est-à-dire  à  leurs  conséquences, 
et  l'on  néglige  tous  les  autres  qui  ont  dans  la  pratique,  ainsi  que  nous 
le  montrerons,  une  importance  souvent  très-supérieure. 

Il  nous  paraît  infiniment  plus  simple  et  plus  sûr  de  prendre,  pour  base 
de  l'étude  des  coups  et  blessures,  l'objet  de  la  mission  de  l'expert,  défini 
par  les  termes  mêmes  dont  se  sert  le  magistrat  qui  fait  appel  à  ses  lu- 
mières, en  le  chargeant  :  1°  de  visiter  le  blessé  et  de  reconnaître  l'état  où 
il  se  trouve;  2°  de  constater  la  nature  des  blessures;  5°  leurs  causes; 
4°  les  conséquences  qu'elles  pourront  avoir  ;  ou,  en  cas  de  mort,  de  pro- 
céder à  l'examen  du  cadavre,  déterminer  les  causes  de  la  mort,  et  dire 
si  elle  est  la  suite  des  blessures ,  et  5°  d'établir  les  circonstances  dans 
lesquelles  les  coups  ont  été  portés. 

A  chacun  de  ces  divers  objets  se  rapportent  des  questions  médico- 
légales  nombreuses  que  nous  passerons  successivement  en  revue. 

A.     De   LA   MANIÈRE    DE  PROCÉDER    AUX  VISITES   ET  CONSTATATIONS    EN    MATIÈRE 

de  coups  et  blessures.  —  Il  est.  à  peine  nécessaire  de  tracer  les  règles  à 
suivre  dans  l'examen  des  blessés;  celles-ci  sont  cependant,  à  certains 
égards,  distinctes  des  préceptes  qu'enseigne  l'art  chirurgical.  Elles  sont 
indiquées  par  les  nécessités  du  problème  particulier  qu'il  s'agit  de  ré- 
soudre, c'est-à-dire  par  les  considérations  de  siège,  d'étendue,  de  forme, 
de  direction  propres  à  éclairer  l'expert  sur  la  nature,  la  cause  et  les  con- 
séquences des  blessures.  Avant  tout,  il  importe  de  prendre  toutes  les 
précautions  indispensables  pour  ne  pas  nuire  à  la  personne  blessée,  et 
de  différer  les  constatations  qui  pourraient  soit  réveiller  la  douleur,  soit 
entraver  le  traitement  commencé  :  il  est  bon,  autant  que  cela  est  com- 
patible avec  les  nécessités  de  l'expertise,  de  réclamer  l'assistance  du  mé- 
decin qui  dirige  ce  traitement.  La  description  de  chaque  blessure  doit 
être  minutieusement  exacte,  et  reproduire  tous  les  traits  qui  peuvent  la 
rendre  saisissable  à  ceux  qui  auront  à  prononcer  sur  le  délit  ou  le  crime 
auquel  elle  est  imputable.  Dans  tous  les  cas,  les  vêtements  du  blessé  se- 
ront examinés;  et  de  cette  exploration  pourront  jaillir  des  renseigne- 
ments utiles,  soit  que  l'on  rapproche  les  solutions  de  continuité  qu'ils 
peuvent  offrir  des  blessures  reçues,  soit  que  l'on  y  remarque  des  taches 
d'une  nature  spéciale. 

Enfin,  lorsque  les  blessures  ont  été  suivies  de  la  mort,  l'autopsie  cada- 
vérique devra  être  pratiquée.  Elle  seule  permettra  d'établir  avec  certitude 
que  la  victime  a  bien  réellement  succombé  aux  coups  qui  lui  ont  été 
portés,  et  non  à  une  autre  cause.  Nous  avons  dit  ailleurs  (voy.  Autopsie), 
d'après  quels  principes  elle  devra  être  opérée. 

B.  De  la  nature  des  blessures.  —  Constater  la  nature  des  blessures 
pour  le  médecin  expert,  c'est  d'une  part  spécifier  les  lésions  et  de  l'autre 
distinguer  celles  qui  sont  le  résultat  d'une  cause  externe  et  violente,  de 
celles  qui  sont  produites  par  une  cause  interne  et  spontanée;  c'est  enfin 
établir,  s'il  s'agit  d'un  cadavre,  que  la  lésion  constatée,  a  été  faite  sur  lin- 


BLESSURES.  —  médecine  légale.  299 

dividu  encore  vivant,  et  n'est  pas,  au  contraire,  postérieure  à  la  mort. 
De  là,  trois  questions  que  nous  allons  examiner  rapidement. 

1°  Quelle  est  l'espèce  de  la  blessure.  —  La  détermination  de 
l'espèce  delà  blessure  rentre,  à  vrai  dire,  complètement  dans  la  diagnose 
chirurgicale.  La  blessure  ne  peut  être,  en  effet,  qu'une  contusion  (ecchy- 
moses, excoriation,  bosse  sanguine),  une  plaie,  une  fracture,  ou  une  luxa- 
tion. Il  serait  hors  de  propos  de  définir  chacune  d'elles  et  d'en  retracer 
les  caractères;  il  y  a  là  une  simple  application  des  connaissances  géné- 
rales. 

%°  Comment  distinguer  les  lésions  de  cause  externe  des 
lésions  de  cause  interne.  - —  Nous  n'entrerons  pas  dans  de  longs 
détails  sur  cette  question,  nous  nous  contenterons  de  rappeler  que  les 
fractures  et  les  luxations  qui  sont  le  plus  ordinairement  produites  par  des 
violences,  peuvent  aussi  survenir  spontanément,  mais  dans  des  condi- 
tions toutes  spéciales  de  diathèse  ou  de  cachexie,  ou  avec  des  désordres 
profonds  et  de  longue  durée. 

En  regard  des  plaies  ou  solutions  de  continuité  des  parties  molles  que 
détermine  un  instrument  vulnérant,  il  convient  de  placer  les  ulcéra- 
tions ;  et  si  la  confusion  paraît  impossible  quand  il  s'agit  de  lésions  ré- 
centes de  l'une  ou  de  l'autre  espèce,  il  peut  arriver  qu'après  un  certain 
temps  et  sous  l'influence  d'un  état  particulier  de  la  constitution,  les  ca- 
ractères des  plaies  s'effacent,  et  qu'il  faille  une  certaine  attention  pour 
ne  pas  se  méprendre  sur  leur  nature  véritable. 

Enfin,  le  signe  essentiel  de  la  contusion,  l'ecchymose,  se  montre  elle- 
même  dans  diverses  maladies  de  cause  interne,  le  purpura,  le  scorbut, 
l'hémophylie,  l'érythème  noueux,  la  fièvre  synoque  simple.  Les  ecchy- 
moses dans  ces  différents  cas,  qu'elles  soient  de  cause  interne  ou  de  cause 
externe,  ne  sont  pas  distinctes  par  elles-mêmes,  c'est-à-dire  par  l'extrava- 
sation  sanguine  qui  les  constitue.  Mais  elles  présentent  des  différences,  en 
général,  faciles  à  saisir.  Leur  nombre  est  beaucoup  plus  considérable  lors- 
que les  ecchymoses  reconnaissent  pour  cause  une  affection  spontanée. 
Leur  siège  est  variable;  elles  sont  disséminées  au  hasard,  sans  relation 
aveo  une  action  locale,  leur  forme  est  plus  régulière  ;  elles  sont  géné- 
ralement arrondies,  tantôt  ponctuées  dans  le  purpura,  tantôt  diffuses 
dans  le  scorbut  ou  l'érythème  noueux;  la  contusion,  au  contraire,  déter- 
mine des  ecchymoses,  le  plus  souvent  irrégulières  dans  leur  étendue  et 
dans  leur  forme,  à  moins  qu'elles  ne  reproduisent  celles  de  l'instrument 
contondant,  à  l'aide  duquel  les  coups  ont  été  portés.  Enfin,  les  condi- 
tions de  production  de  l'extravasation  sanguine  non  traumatique  sont 
suffisamment  connues,  et  nous  n'avons  pas  à  énumérer  ici  les  signes 
caractéristiques  des  maladies  que  nous  venons  de  citer. 

3°  Comment  distinguer  les  lésions  faites  pendant  la  vie 
de  celles  qui  sont  postérieures  à  la  mort?  —  Il  est  d'une 
extrême  importance,  dans  la  pratique  de  la  médecine  légale,  de  savoir 
distinguer  les  lésions  faites  sur  le  vivant  de  celles  qui  sont  postérieures  à 
la  mort.  Les  erreurs  sur  ce  point  sont  nombreuses  et  fréquentes,  et 


500  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

cependant  un  peu  d'attention  suffit  pour  les  éviter.  La  question  demande 
d'ailleurs  à  être  étudiée  d'une  manière  particulière  dans  chaque  espèce 
de  blessure.  Il  est  bien  entendu  qu'il  ne  s'agit  ici  que  des  lésions  externes, 
de  celles  que  l'on  peut  constater  à  l'extérieur  du  cadavre  ;  et  que  le  même 
problème  se  reproduira  et  devra  être  traité  pour  chaque  genre  de  mort 
violente,  strangulation,  pendaison,  empoisonnement,  etc. 

Contusions.  —  Les  contusions  faites  pendant  la  vie  se  distinguent  de 
celles  qui  ont  suivi  la  mort,  qu'elles  s'accompagnent  d'ecchymoses  ou 
d'excoriations.  En  effet,  s'il  est  possible  de  déterminer  sur  un  cadavre, 
surtout  si  la  vie  n'est  éteinte  que  depuis  peu  de  temps,  des  extravasations 
sanguines,  ainsi  que  Christison  et  après  lui  Orfila  l'ont  démontré  expé- 
rimentalement, celles-ci  n'ont  rien  de  commun  avec  les  ecchymoses  que 
forme  un  coup  porté  sur  le  vivant.  D'un  autre  côté,  des  changements  de 
couleur  des  téguments,  lividités,  vergettures,  sugillations  se  développent 
sur  le  cadavre,  avant  même  que  la  décomposition  putride  l'ait  envahi; 
mais  ces  taches  affectent  un  siège  particulier  sur  les  parties  postérieures 
et  déclives,  à  la  partie  interne  des  membres.  Le  sang  que  l'on  trouve  tou- 
jours coagulé  dans  les  tissus  où  il  s'est  épanché  pendant  la  vie  est  fluide, 
quand  il  se  répand  par  imbibition  dans  les  organes  du  cadavre.  C'est  là 
un  fait  constant,  et  je  ne  peux  m'expliquer  l'erreur  capitale  de  Casper, 
qui  en  a  contesté  la  réalité,  et  qui  confondant  tantôt  la  dessiccation  du 
sang  avec  la  coagulation,  tantôt  la  mort  rapide  avec  la  mort  subite,  a  cru 
pouvoir  avancer  que  le  sang  extravasé  pouvait  se  coaguler  même  après  la 
mort.  Ajoutons  que  la  coloration  résultant  de  l'infiltration  du  sang  persiste 
quand  celle-ci  a  eu  lieu  sur  le  vivant,  tandis  que,  dans  le  cas  contraire, 
elle  disparaît  par  la  simple  macération  dans  l'eau. 

Quant  à  l'autre  caractère  de  la  contusion,  l'excoriation,  elle  peut  aussi 
être  produite  après  la  mort  par  un  choc,  une  traction,  un  froissement 
violent,  mais  alors,  au  lieu  d'une  surface  sanguinolente  où  le  derme  dé- 
nudé se  montre  à  vif  et  d'un  rouge  plus  ou  moins  marqué,  on  ne  trouve 
qu'une  partie  décolorée,  sèche,  et  comme  parcheminée. 

Plaies.  —  Les  plaies  peuvent  être  distinguées  des  déchirures  ou  solu- 
tions de  continuité  faites  après  la  mort,  en  ce  que  celles-ci  sont  pâles  et 
livides,  et  que  leurs  bords,  incomplètement  rétractés ,  ne  sont  pas  infil- 
trés de  sang.  Sur  ce  dernier  point,  le  professeur  G.  Tourdes,  examinant 
le  corps  d'un  homme  qui  avait  été  exécuté  la  veille,  a  noté  au  niveau  de 
la  décollation  une  inégale  rétraction  des  muscles  et  point  d'ecchymose 
intermusculaire.  Le  cœur  était  vide;  quelques  caillots  rougeâtres  et  un 
peu  de  sang  spumeux  était  contenu  dans  les  bronches.  Mais  cette  excep- 
tion n'est  qu'apparente  ;  le  supplicié  ne  peut  être  assimilé  à  un  individu 
blessé  vivant.  En  effet,  aucun  acte  vital  ne  suit  la  blessure,  et  de  plus  le 
corps  s'est  presque  complètement  vidé  de  sang. 

Les  plaies  faites  pendant  la  vie  ne  sont  pas  moins  différentes  des 
destructions  partielles  du  tégument  qui  résultent  de  la  putréfaction  dans 
l'eau,  ni  des  morsures  faites  sur  les  cadavres  par  certains  animaux,  tels 
que  les  rats,  les  chats  ou  les  porcs. 


BLESSURES.  —  médecine  légale.  501 

Fractures.  —  L'état  des  fragments  osseux  et  des  parties  voisines  dif- 
fère notablement  dans  les  fractures  faites  soit  avant,  soit  après  la  mort. 
Dans  le  premier  cas,  les  extrémités  des  os  brisés  sont  infiltrées  de  sang 
dans  une  étendue  variable,  et  les  muscles  qui  les  entourent  sont  également 
le  siège  d'un  épanchement  sanguin.  Les  os  des  cadavres,  au  contraire, 
restent  pâles  et  décolorés  dans  les  points  où  ils  sont  fracturés. 

Des  causes  des  blessures.  —  Au  point  de  vue  de  la  médecine  légale, 
rechercher  la  cause  d'une  blessure  c'est  déterminer  les  conditions  maté- 
rielles physiques  dans  lesquelles  elle  s'est  produite,  Parme  ou  l'instru- 
ment à  l'aide  desquels  elle  a  été  faite,  et  résoudre  les  questions  suivantes. 
4°  Quelles  sont  les  causes  physiques  des  blessures?  — 
Les  causes  physiques  des  blessures,  peuvent  être  rapportées  aux  modes 
suivants  :  la  précipitation  d'un  lieu  élevé  ;  l'écrasement  ;  les  effets  des 
moteurs  mécaniques  et  les  accidents  de  chemins  de  fer. 

Dans  les  chutes  d'un  lieu  élevé,  dans  les  écrasements  par  de  lourdes 
masses  ou  par  des  voitures,  les  désordres  extérieurs  contrastent,  par  leur 
multiplicité  et  leur  étendue,  avec  l'absence  ordinaire  de  toute  lésion  et  de 
toute  trace  extérieure.  Une  roue  peut  passer  sur  la  poitrine  ou  sur  le 
ventre  sans  que  la  peau  en  conserve  la  moindre  empreinte.  Mais  des 
lésions  profondes  attestent  la  violence  de  la  cause  vulnérante.  Les  muscles 
sous-jacents  peuvent  être  broyés  et  remplis  de  sang  épanché.  Les  viscères 
sont  le  siège  de  déchirures  multiples.  A  la  suite  des  chutes  faites  d'un 
lieu  élevé,  le  foie,  les  reins,  la  rate  sont  rompus  d'une  manière  irré- 
gulière et  donnent  lieu  à  des  hémorrhagies  considérables.  Les  poumons  se 
déchirent  même  dans  des  points  où  les  côtes  ne  sont  pas  fracturées,  et  il  en 
résulte  un  emphysème,  un  épanchement  de  sang  et  d'air  dans  les  plèvres 
de  la  dyspnée,  des  hérnoptysies,  parfois  même  des  pneumonies  trauma- 
tiques.  J'ai  noté,  chez  des  individus,  morts  par  écrasement  de  la  poi- 
trine, des  ecchymoses  sous-pleurales  analogues  à  celles  que  produit  la 
suffocation.  Enfin  on  a  vu,  dans  des  cas  semblables,  des  ruptures  du  cœur, 
et  principalement  des  oreillettes.  Casper  a  rapporté  l'exemple  extraordi- 
naire d'un  homme  lancé  contre  un  arbre  par  un  cheval  emporté,  et  chez 
lequel,  sans  aucune  lésion  extérieure,  on  trouva  une  fracture  de  la  pre- 
mière vertèbre  dorsale,  le  péricarde  détaché  dans  toute  sa  hauteur  le 
cœur  séparé  des  vaisseaux  et  libre  dans  la  cavité  pectorale,  l'ouverture 
des  gros  vaisseaux  béante;  le  poumon  gauche  et  le  foie  profondément 
déchirés,  enlin  un  énorme  épanchement  de  sang. 

Les  machines  en  mouvement,  causes  de  tant  de  blessures  accidentelles 
dans  les  fabriques,  produisent  des  lésions  locales  plus  ou  moins  étendues 
des  arrachements,  des  mutilations  parfois  énormes. 

Mais  une  place  à  part  est  due,  dans  cette  étude  des  causes  des  bles- 
sures, aux  accidents  de  chemins  de  fer,  dont  le  nombre  croissant  augmente 
l'intérêt,  et  qui  soulèvent  des  questions  de  responsabilité  pour  la  solution 
desquelles  l'intervention  du  médecin  expert  est  nécessairement  réclamée. 
A  ces  divers  titres,  ce  sujet  mérite  de  nous  arrêter. 

Les  cas  sont  variables,  tant  au  point  de  vue  de  la  nature  de  l'accident 


302  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

que  eu  égard  aux  individus  blessés.  Tantôt  il  s'agit  de  blessures  sans 
caractères  spéciaux,  tels  que  celles  qui  peuvent  atteindre,  dans  les 
ateliers,  les  serruriers,  les  ferreurs  de  voitures,  les  ouvriers  de  tous 
genres;  tantôt  il  s'agit  d'accidents  isolés,  qui  frappent,  en  gare  ou  sur  la 
voie,  les  hommes  d'équipes ,  les  terrassiers ,  et  qui  consistent  en  écrase- 
ments, coups  de  tampon,  pression  contre  les  quais,  dans  la  manœuvre 
des  plaques  tournantes  et  la  formation  des  trains.  On  voit  se  produire 
alors  des  contusions  des  reins,  du  ventre  et  de  la  poitrine  ;  des  fractures 
des  côtes  ou  du  bassin,  et  consécutivement  des  hernies,  des  éventrations, 
des  paralysies  plus  ou  moins  étendues.  Sur  les  trains  mêmes,  les  méca- 
niciens, les  chauffeurs,  les  employés  des  bureaux  mobiles,  les  voyageurs 
peuvent  aussi  être  blessés  isolément  soit  par  une  chute  accidentelle,  soit 
par  un  choc  qui  détermine  des  fractures  simples  ou  compliquées. 

Mais  les  accidents  généraux,  tels  que  déraillements,  rencontre  de  trains 
en  marche,  qui  ont  pris  parfois  la  proportion  de  catastrophes  publiques, 
leurs  conséquences  sont  bien  autrement  graves.  Chez  les  victimes  de  ces 
désastres,  il  importe  de  distinguer  les  suites  immédiates  et  les  suites 
éloignées  de  l'accident.  Pour  les  premières ,  on  constaste  des  contusions 
plus  ou  moins  profondes,  des  plaies  multiples,  des  fractures  comminu- 
tives,  des  mutilations.  Les  blessures  portent  spécialement  sur  les  mem- 
bres inférieurs.  Mais  à  ces  lésions  s'ajoutent  fréquemment  de  la  commo- 
tion, de  la  fièvre  et  des  troubles  nerveux  variés.  Quant  aux  suites  éloi- 
gnées, elles  sont  spécialement  caractérisées  par  la  persistance  prolongée 
des  désordres  fonctionnels  dont  nous  venons  de  parler.  L'ébranlement 
nerveux,  des  douleurs  de  tête,  des  vertiges,  des  étouffements,  la  perte  de 
la  mémoire,  la  paralysie.  Chez  les  femmes,  il  n'est  pas  rare  que  les  acci- 
dents de  chemin  de  fer  déterminent  des  fausses  couches  et  des  troubles 
de  la  menstruation. 

&°  De  quelle  espèce  est  l'instrument  vulnérant!  —  Des  ca- 
ractères spéciaux  signalent  les  blessures  faites  par  les  divers  armes  et 
instruments  contondants,  tranchants,  piquants,  agissant  par  arrachement, 
armes  à  feu.  Nous  allons  passer  en  revue  ces  différents  caractères,  en 
faisant  remarquer  par  avance  qu'ils  varient  suivant  l'époque  à  laquelle  a 
lieu  l'examen  de  la  blessure,  et  que  ce  qui  va  suivre  s'applique  princi- 
palement aux  blessures  récentes. 

Blessures  par  instruments  contondants.  — Les  instruments  contondants, 
dont  les  effets  s'offrent  à  l'observation  du  médecin  légiste,  sont  d'une 
infinie  variété.  En  première  ligne,  il  faut  citer  ceux  que  l'on  a  appelés 
les  armes  naturelles,  les  mains,  les  poings,  les  pieds;  puis  les  bâtons, 
marteaux,  merlins,  les  pierres,  une  masse  quelconque.  En  raison  de 
cette  diversité  même,  les  signes  des  blessures  laites  par  les  instruments 
contondants,  varient  dans  les  différents  cas  et  sont  difficiles  à  tracer 
d'une  manière  générale.  Cependant  ces  blessures,  sont  reconnaissables  à 
l'ecchymose,  dont  la  forme  particulière  reproduit  assez  exactement  celle 
de  l'instrument  vulnérant;  à  la  bosse  sanguine,  ou  à  Pépanchement  san- 
guin profond  du  sang,  à  l'excoriation  et  à  la  plaie  contuse  avec  ou  sans 


BLESSURES.  —  médecine  légale.  503 

lambeaux  dont  nous  n'avons  pas  à  donner  les  caractères  spéciaux  ;  enfin 
aux  lésions  des  parties  osseuses,  enfoncement  ou  fracture.  Il  est  à  remar- 
quer, toutefois,  que  l'espèce  de  l'instrument  contondant  s'accuse  dans  ses 
effets,  et  que  le  poids  de  la  masse  se  mesure  en  quelque  sorte  par  les 
désordres  produits. 

Blessures  par  instruments  tranchants.  — Que  l'instrument  tranchant 
soit  un  couteau,  un  rasoir,  un  sabre,  un  tranchet,  qui  n'agissent  que  par 
le  plein  de  leur  lame,  un  poignard  qui  peut  agir  par  la  pointe,  et  une 
hache,  ou  une  pioche  qui  peuvent  agir  à  la  fois  comme  instrument  con- 
tondant et  tranchant,  les  blessures  de  cette  catégorie  consistent  en  des 
plaies  dont  la  profondeur  et  l'étendue  peuvent  varier,  mais  dont  les  bords 
sont  nets,  les  angles  plus  ou  moins  aigus,  se  terminant  parfois  par  un 
prolongement  de  moins  en  moins  profond.  Les  bords  des  plaies  faites 
par  un  instrument  tranchant  sont  toujours  plus  ou  moins  écartés  ;  mais 
il  est  utile  de  faire  remarquer  que  cet  écartement  n'est  pas  en  rapport  avec 
l'épaisseur  de  la  lame.  Il  tient  surtout  à  la  tension  des  tissus  divisés  et  à 
la  direction  de  leurs  fibres,  et  il  est  d'autant  plus  considérable  que  la 
solution  de  continuité  est  plus  exactement  perpendiculaire  à  cette  direc- 
tion. Les  plaies  faites  avec  des  ciseaux  ont  ce  caractère  spécial  d'être 
doubles  et  formant  un  lambeau  triangulaire  dont  le  sommet  est  souvent 
mousse.  Enfin,  les  instruments  tranchants  peuvent  opérer  une  section 
complète,  une  mutilation  des  parties  atteintes. 

Blessures  par  instruments  piquants.  —  Les  instruments  piquants  ou 
perforants,  comme  quelques  auteurs  les  appellent,  sont  de  nature  très- 
variée,  depuis  les  armes  usuelles,  telles  que  l'épée,  le  fleuret;  la  baïon- 
nette, jusqu'aux  outils  des  diverses  professions,  le  compas,  le  tire-point, 
le  poinçon,  la  lime,  la  fraise  du  serrurier. 

Le  caractère  général  des  plaies  faites  par  des  instruments  piquants, 
c'est  leur  étroitesse  ;  leur  forme  est  ordinairement  semblable  à  celle  de 
l'instrument  vulnérant.  La  plaie  faite  par  une  baïonnette  ou  un  compas 
est  triangulaire  ;  celle  que  fait  un  fleuret  est  anguleuse  et  carrée.  Mais, 
dans  certains  cas  et  suivant  la  partie  blessée,  la  forme  de  la  plaie  peut 
différer  de  celle  de  l'instrument,  un  poinçon  rond  peut  faire  une  plaie 
elliptique.  Souvent  un  même  instrument  peut  être  à  la  fois  piquant  et 
tranchant,  comme  un  couteau  ou  un  poignard,  et  la  blessure  présente  alors 
des  particularités  qu'il  est  bon  de  connaître.  Si  la  lame  est  introduite  par 
la  pointe,  les  angles  de  la  plaie  varieront  suivant  que  l'instrument  offrira 
un  tranchant  simple  ou  double.  Au  dos  de  la  lame  correspondra  un  angle 
tronqué,  au  tranchant  un  angle  très-aigu. 

Blessures  par  arrachement.  — Il  importe  déranger  à  part  les  blessures 
par  arrachement  que  l'on  a  souvent  l'occasion  de  rencontrer  dans  la  pra- 
tique de  la  médecine  légale,  les  blessures  faites  par  les  dents,  par  les 
ongles,  par  des  coups  de  crocs  ou  de  crochets,  par  des  engrenages  méca- 
niques, etc.  L'action  de  ces  divers  instruments  donne  lieu  à  des  pertes 
de  substance  plus  ou  moins  profondes,  à  des  plaies  à  lambeaux  plus  ou 
moins  étendus,  à  des  ablations  d'où  résultent  des  surfaces  inégales,  des 


504  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

rétractions  et  des  saillies  des  tissus  lacérés.  Les  dents  et  les  ongles  lais- 
sent des  marques  dont  la  forme  est  caractéristique  et  connue  de  tous.  Il 
n'y  a  d'ailleurs  pas  d'hémorrhagie  et  souvent  une  infiltration  sanguine  à 
peine  marquée. 

Blessures  par  armes  à  feu.  —  Les  blessures  par  armes  à  l'eu  forment 
une  catégorie  très-particulière  et  très-importante  parmi  les  faits  que  le 
médecin  légiste  est  appelé  à  étudier,  et  soulève  des  questions  de  plusieurs 
ordres.  L'arme  ici  se  décompose,  en  effet,  et  comprend  d'une  part  l'in- 
strument de  projection,  fusil,  carabine,  pistolet,  et  d'une  autre  part  le 
projectile,  balle,  chevrotine,  plomb. 

Les  effets  des  projectiles  lancés  par  les  armes  à  feu  ne  sont  pas  exclu- 
sivement du  domaine  du  médecin,  et  souvent  dans  les  affaires  crimi- 
nelles où  il  s'agit  de  blessures  de  cette  nature,  des  expertises  complexes 
deviennent  nécessaires  et  exigent  l'intervention  d'hommes  spéciaux,  offi- 
ciers d'artillerie,  armuriers,  chimistes.  Ce  n'est  pas  sur  la  partie  de  l'ex- 
pertise qui  leur  appartient  que  nous  devons  insister;  nous  nous  conten- 
terons d'exposer  les  caractères  généraux  des  blessures  par  armes  à  feu. 

Ces  caractères  varient  d'une  manière  considérable  suivant  la  distance 
à  laquelle  le  coup  est  tiré  et  suivant  la  nature  du  projectile.  Il  est  indis- 
pensable d'entrer  à  ce  double  point  de  vue  dans  des  détails  précis. 

L'arme  à  feu  peut  être  déchargée  à  bout  touchant,  à  petite  distance,  ou 
à  grande  distance. 

Le  tir  à  bout  touchant,  suivant  l'expression  juste  et  bien  trouvée  de 
M.  H.  Larrey,  est  très-rare  dans  le  vrai  sens  du  mot.  Cependant  les  cas 
où  on  l'observe  intéressent  la  médecine  légale,  car  ce  sont  très-ordinai- 
rement des  cas  de  suicide  ;  et  ils  offrent  ceci  de  particulier  que,  si  le 
canon  de  l'arme  est  fortement  appliqué,  le  projectile  peut  ne  pas  péné- 
trer, la  balle  tomber  par  terre  et  la  partie  blessée  ne  recevoir  qu'une 
simple  contusion. 

Lorsque  le  coup  de  feu  est  tiré  à  une  petite  distance,  il  produit,  outre 
la  blessure,  deux  effets  qui  s'ajoutent  aux  caractères  de  celle-ci.  D'une 
part,  en  raison  de  la  combustion  incomplète  de  la  poudre,  des  grains 
non  brûlés  sont  projetés  et  s'incrustent  dans  la  peau  en  la  noircissant; 
de  l'autre,  la  chaleur  qui  se  dégage  se  fait  sentir  d'autant  plus  fortement 
que  la  distance  est  moindre  et  peut  aller  jusqu'à  brûler  les  cheveux,  les 
sourcils,   les  téguments,  les  vêtements  eux-mêmes.  Cette  conflagration 
des  parties  atteintes  par  un  coup  de  feu  a  été  l'objet  d  observations  et 
d'expériences  qui  ont  pour  le  médecin  légiste  un  intérêt  considérable. 
Dans  certains  faits  de  suicide  rapportés  par  Brierre  de  Boismont,  on 
voit  un  coup  de  pistolet  tiré  dans  la  bouche  enflammer  la  portion  des 
vêtements  qui  touchent  le  col,  et  brûler  cette  région,  la  poitrine  et  le 
menton;  le  feu  a  pu  même  gagner  les  vêtements  et  de  là  s'étendre  aux 
meubles  de  l'appartement.  M.  Laforèt  de  Lavit  a  communiqué  à  l' Académie 
impériale  de  médecine,  à  la  lin  de  l'année  1859,  trois  faits  de  même  na- 
ture. Dans  l'un,  il  s'agissait  d'un  suicide  :  un  coup  de  fusil  tiré  dans  le 
coté  gauche  de  la  poitrine  avait  brûlé  le  cadavre,  les  habits  et  une  haie 


BLESSURES.   MÉDECINE    LÉGALE.  505 

de  genêt  épineux  contre  laquelle  le  corps  était  tombé.  Celui-ci  était  rôti 
et  comme  raccourci,  les  vêtements  réduits  en  cendre  et  la  haie  consu- 
mée dans  une  étendue  de  quatre  mètres.  Le  feu  mis  par  la  bourre  avait 
été  entretenu  par  de  la  paille  répandue  sur  le  sol.  Dans  le  second,  chez 
une  femme  qui  s'était  tuée  à  l'aide  d'un  fusil  de  chasse,  le  tablier  était 
incendié  par  la  déflagration  de  la  poudre  du  bassinet.  Enfin  le  troisième 
est  encore  le  suicide  d'une  femme  :  un  coup  de  fusil  tiré  sous  le  menton 
avait  brûlé  le  fichu,  la  partie  supérieure  et  les  manches  de  la  chemise,  la 
poitrine,  le  côté  interne  des  bras,  et  le  cou  dans  une  grande  étendue  et  à 
une  grande  profondeur. 

Le  fait  de  la  conflagration  des  parties  atteintes  par  un  coup  de  feu  n'est 
donc  pas  douteux  ;  mais  la  question  la  plus  importante  pour  la  méde- 
cine légale  est  celle  de  la  distance  à  laquelle  cette  conflagration  peut 
avoir  lieu.  Des  expérimentations  entreprises  à  l'occasion  d'affaires  judi- 
ciaires, si  elles  ne  l'ont  pas  résolue  d'une  manière  absolue,  sont  cepen- 
dant de  nature  à  l'éclairer.  Ainsi,  dans  l'affaire  Peytel,  les  capitaines  Cy- 
vort  et  Guilland,  en  vue  de  déterminer  la  distance  à  laquelle  avait  pu  être 
tiré  un  coup  qui  avait  brûlé  les  cils,  les  sourcils  et  la  peau,  se  livrent  à 
des  essais  sur  des  feuilles  de  papier,  sur  des  cheveux,  et  constatent  qu'à  la 
distance  de  seize  centimètres  le  papier  prend  feu  souvent,  les  cheveux  tou- 
jours. Parmi  les  expériences  du  docteur  Lachèse  (d'Angers),  qui  a  fait  beau- 
coup pour  l'histoire  médico-légale  des  blessures  par  armes  à  feu,  on  en 
trouve  une  dans  laquelle  un  coup  de  fusil  tiré  à  trois  centimètres  de  l'ab- 
domen a  mis  le  feu  à  une  grosse  toile  en  double  qui  le  recouvrait.  Enfin 
Devergie,  à  l'occasion  d'un  fait  dont  l'appréciation  avait  été  soumise  à 
l'Académie  impériale  de  médecine,  en  1859,  par  le  procureur  impérial 
d'Auch,  a  entrepris  une  série  d'expériences  que  nous  avons  consignées 
dans  le  rapport  dont  nous  avons  eu  l'honneur  d'être  chargé  par  la  com- 
mission académique.  Il  est  résulté  de  ces  expériences  qu'à  de  petites  dis- 
tances, six  centimètres  environ,  le  coup  de  feu  peut  enflammer  les  vête- 
ments qu'il  touche  au  niveau  du  trou  fait  par  les  projectiles,  et  que  la 
combustion  peut  alors  se  propager  dans  une  certaine  étendue. 

Dans  les  coups  de  feu  tirés  à  petite  distance,  la  nature  du  projectile 
n'entraîne  pas  de  notables  différences.  Ainsi  l'effet  est  le  même  que  le 
projectile  soit  unique  ou  multiple.  C'est  le  cas  où  les  grains  d'une  charge 
de  plomb  font  balle.  Une  simple  bourre,  un  corps  mou,  comme  un  mor- 
ceau de  liège,  peuvent  produire  des  blessures  analogues  à  celles  d'un  pro- 
jectile métallique.  Lachèse  a  observé  ce  résultat  avec  une  arme  de  fort 
calibre,  très-fortement  chargée,  tirée  à  moins  de  dix-huit  centimètres. 
J'ai  vu  moi-même  en  1840  une  femme  à  laquelle  un  coup  de  fusil  chargé 
avec  un  morceau  de  bouchon,  et  tiré  à  la  distance  de  l,ni50,  avait  fait  une 
plaie,  non  pénétrante  il  est  vrai,  de  la  paroi  abdominale,  mais  avec  brû- 
lure des  bords  de  la  plaie  et  commencement  de  péritonite. 

La  plaie  par  arme  à  feu  déchargée  à  petite  distance  est  tantôt  simple, 
tantôt  double.  Elle  est  plus  ou  moins  régulièrement  arrondie,  ayant  sou- 
vent la  forme  du  projectile.  Les  bords  sont  contus,  ecchymoses,  forte- 

NOUV,    DICT.    MÉD.    ET    CHin.  V.    —    20 


506  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

ment  meurtris,  entourés  d'une  aréole  noircie  par  la  brûlure  et  par  la 
poudre  incrustée.  La  plaie  résulte  d'une  perte  de  substance  et  non  d'une 
simple  solution  de  continuité.  Le  projectile,  en  pénétrant  plus  ou  moins 
profondément,  détermine  des  désordres  en  général  très-étendus  des  par- 
ties molles  et  des  os  qu'il  traverse  ou  au  milieu  desquels  il  séjourne  après 
les  avoir  broyés  et  brisés.  Dans  ces  blessures  qui  ne  sont  ordinairement 
accompagnées  que  d'une  perte  de  sang  peu  abondante,  on  trouve  le  plus 
souvent  des  corps  étrangers,  soit  des  débris  de  projectiles  ou  des  frag- 
ments de  vêtements  entraînés  dans  la  plaie,  soit  des  portions  d'os  frac- 
turés. 

Lorsque  le  coup  de  feu  a  été  tiré  à  grande  distance,  les  effets  diffèrent 
suivant  que  le  projectile  est  unique  ou  multiple.  Dans  le  premier  cas,  la 
blessure  est  unique,  composée  d'une  plaie  simple  ou  double,  suivant  que 
le  projectile  est  entré  seulement  dans  la  partie  blessée  ou  qu'il  en  est 
sorti  après  l'avoir  traversée.  Elle  offre  les  caractères  généraux  que  nous 
venons  de  décrire  ;  mais  ses  bords  sont  moins  fortement  contus,  et  jamais 
ils  ne  sont  ni  brûlés  ni  entourés  d'une  aréole  noire.  Si  le  projectile  est 
multiple,  s'il  s'agit  par  exemple  d'une  cbarge  de  plomb  après  un  court 
trajet  de  trente-cinq  centimètres  environ,  ebaque  grain  dispersé  suit  une 
marebe  isolée;  et,  suivant  que  la  distance  est  plus  ou  moins  éloignée,  on 
peut  voir  la  surface  atteinte  déebirée  irrégulièrement  dans  une  certaine 
étendue  ou  percée  de  petits  trous  réguliers,  arrondis,  répondant  aux  di- 
mensions du  plomb  employé.  Pour  donner  un  exemple,  nous  dirons  qu'à 
quinze  pas,  une  cbarge  de  plomb  n°  8,  qui  contient  en  moyenne  505 
grains  de  2,nm,^0  de  diamètre,  tirée  sur  le  dos,  se  dissémine  sur  toute 
l'étendue  de  cette  région. 

Ou  L'arme  saisie  a-t-ellc  pao  produire  Ses  blessures  consta- 
tées ?  —  Nous  venons  de  passer  en  revue  les  diverses  blessures  et  leurs 
caractères  spéciaux  suivant  la  nature  de  l'instrument  vulnérant.  L'exper- 
tise médico-légale  exige  quelque  ebose  de  plus.  Il  ne  suffit  pas  de  remon- 
ter des  caractères  de  la  blessure  à  la  détermination  abstraite  de  la  nature 
de  l'instrument  qui  l'a  faite;  il  faut  encore,  lorsque  la  justice  a  saisi  une 
arme  dont  elle  suppose  que  le  meurtrier  ait  pu  se  servir,  que  l'expert  se 
prononce  sur  la  question  de  savoir  si  l'arme  saisie  a  pu  produire  les 
blessures  constatées.  Il  s'appliquera,  à  cet  effet,  à  recbereber  les  rapports 
de  forme  et  de  dimensions  qui  peuvent  exister  entre  l'instrument  et  la 
blessure.  Mais  il  aura  à  se  mettre  en  garde  contre  les  ebances  d'erreur 
qui  résultent  des  caractères  exceptionnels  que  peuvent  revêtir  dans  quel- 
ques cas  les  blessures  faites  par  certaines  armes. 

C'est  ainsi  que  la  blessure  par  instrument  piquant  peut  consister  en 
une  plaie  plus  petite  que  l'instrument  qui  l'a  faite;  en  une  plaie  allongée 
quand  l'instrument  est  rond,  ce  qui  tient  à  la  direction  des  fibres  divi- 
sées. Les  plaies  faites  par  un  instrument  contondant  simulent  quelque- 
fois l'action  d'un  instrument  tranchant,  lorsque,  par  exemple,  le  coup  a 
été  porté  avec  une  grande  force  et  à  l'aide  d'un  instrument  à  surface 
polie,  comme  un  bâton,  sur  une  région  où  les  parties  molles  sont  peu 


BLESSURES.  —  médecine  légale.  7)07 

épaisses  et  soutenues  par  un  plan  résistant,  comme  le  cuir  chevelu.  Dans 
ce  cas,  la  section  peut  être  nette  et  régulière.  Par  contre,  sur  des  parties 
lâches  et  épaisses,  un  instrument  tranchant,  à  lame  mal  affilée,  comme 
un  vieux  couteau,  un  sabre,  des  ciseaux,  peut  faire  des  plaies  à  bords 
mâchés,  contus  et  à  angles  mousses,  analogues  à  celles  que  produit  d'or- 
dinaire un  instrument  contondant.  Dans  les  blessures  du  même  genre7 
une  masse  ronde  peut  faire  une  plaie  anguleuse  ;  j'ai  vu  une  plaie  à  cinq 
branches  faite  par  un  casse-tête,  et  une  masse  quadraugulaire,  un  mar- 
teau notamment,  faire  une  plaie  contuse  arrondie. 

Les  armes  à  feu  elles-mêmes,  malgré  leurs  caractères  tranchés,  pro- 
duisent quelquefois  des  blessures  dont  l'apparence  insolite  est  faite  pour 
tromper  au  premier  abord.  La  plaie  faite  par  un  grain  de  plomb  peut  res- 
sembler à  une  piqûre;  dans  d'autres  cas,  un  projectile  peut  faire  une 
sorte  d'incision  linéaire.  Ollivier  (d'Angers)  a  vu  une  section  nette  de 
l'aorte  opérée  par  deux  grains  de  plomb. 

D'ailleurs  plusieurs  circonstances  peuvent  dénaturer  les  caractères  des 
blessures.  En  premier  lieu,  l'inflammation  qui  s'empare  des  tissus  lésés- 
et  qui  peut  modifier  l'aspect  d'une  plaie  ou  d'une  contusion  ;  le  travail 
de  cicatrisation  qui  ne  permet  pas  d'en  constater  les  caractères  primi- 
tifs, d'où  découle  ce  précepte  qu'il  faut  toujours  tenir  grand  compte  de 
l'époque  à  laquelle  a  lieu  l'examen  d'une  blessure  ;  enfin  la  mort  qui  fait 
disparaître  certains  phénomènes  de  coloration,  qui  amène  le  relâchement 
des  parties  et  change  ainsi  les  dimensions  des  plaies  ou  la  situation  des 
organes  blessés. 

Il  est  aussi,  et  c'est  par  là  que  nous  terminerons,  des  particularités 
fort  difficiles  non-seulement  à  prévenir  ou  à  indiquer  d'une  manière 
théorique,  mais  encore  à  apprécier  quand  elles  se  produisent,  qui  sont 
de  nature  à  engendrer  l'erreur.  Nous  voulons  parler  de  blessures  attribuées 
à  tort  ta  l'action  d'une  arme  quelconque,  et  qui  résulteraient  simplement 
d'un  choc  ou  d'une  chute  accidentels.  Ces  cas  se  rencontrent  assez  fré- 
quemment dans  les  rixes,  par  exemple,  où  des  fractures  peuvent  être 
imputées  soit  à  des  coups  directement  portés,  soit  à  la  chute  qui  peut 
suivre  une  lutte  corps  à  corps.  Nous  aurons  à  revenir  sur  ce  point.  Mais 
d'autres  faits  moins  communs  peuvent  causer  à  l'expert  des  embarras 
réels.  J'en  ai  rapporté  un  qui,  par  sa  rareté,  est  certainement  propre  à 
montrer  ce  qu'il  peut  y  avoir  d'imprévu  et  de  particulièrement  délicat 
dans  les  questions  qui  peuvent  être  soumises  au  médecin  expert.  Il  s'agis- 
sail  d'un  spectateur  de  l'hippodrome  de  Paris,  qui,  au  mois  de  sep- 
tembre 1858,  avait  ressenti  au  coude  gauche  une  douleur  violente  au 
moment  de  l'explosion  d'un  canon  que  l'athlète  Vigneron  portait  sur 
son  épaule,  et  qui  attribuait  la  fracture  de  l'extrémité  inférieure  de  l'hu- 
mérus que  l'on  constatait  chez  lui  à  Faction  de  la  bourre  lancée  par  la 
poudre  dont  le  canon  était  chargé.  Je  n'ai  cru  pouvoir  résoudre  la  question 
qu'à  l'aide  d'expériences  répétées  dans  des  conditions  identiques  à  celles 
dans  lesquelles  se  serait  produit  l'accident,  et  c'est  ainsi  que  je  suis  arrivé 
à  cette  conviction  que  la  bourre  même  forcée  ne  conservait  pas  assez  de 


508  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

force  de  projection  pour  atteindre  la  place  occupée  par  le  blesse  et  sur- 
tout pour  déterminer  la  fracture  de  l'os  du  bras;  que  celle-ci  enfin  était 
le  résultat  non  de  l'action  du  projectile  lancé  par  le  canon,  mais  du  choc 
violent  que  s'était  donné  le  spectateur  en  se  rejetant,  au  moment  de  l'ex- 
plosion, contre  la  balustrade  de  bois  à  laquelle  il  était  adossé. 

Des  conséquences  des  blessures.  —  Les  conséquences  d'une  blessure 
en  déterminent,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  le  degré  de  criminalité; 
elles  seules  aussi  servent  de  base  à  la  réparation  soit  pénale,  soit  civile, 
qu'entraîne  le  fait  de  la  blessure.  A  ces  divers  points  de  vue,  les  consta- 
tations de  l'expert  doivent  porter,  d'une  manière  toute  spéciale,  sur  les 
faits  qui  lui  permettront  déjuger,  aussi  sûrement  que  possible,  des  suites 
que  pourront  avoir  les  blessures,  quelles  que  soient  leur  origine  et  leur 
nature. 

C'est  à  cette  partie  de  l'histoire  médico-légale  des  blessures  que  se  rap- 
porte la  classification  scholastique  qui  les  divise  en  légères,  graves  ou 
mortelles.  Même  circonscrite  à  ce  point  spécial,  cette  division  est  peu 
utile;  elle  manque  de  netteté  et  de  précision,  et  n'implique  la  solution 
d'aucune  des  questions  que,  en  ce  qui  touche  les  conséquences  des  bles- 
sures, l'expert  peut  avoir  à  résoudre.  Nous  préférons  distinguer  les  con- 
séquences immédiates  des  conséquences  secondaires  et  celles  qui  sont 
directes  de  celles  qui  sont  indirectes,  en  les  étudiant,  bien  entendu,  au 
point  de  vue  médico-légal  et  non  chirurgical. 

9°  Quelles  ont  été  ou  quelles  pourront  «îHire  a  es  suites  «le 
la  blessure  ?  —  Nous  examinerons  ici  les  suites  soit  immédiates,  soit 
secondaires  des  blessures. 

L'appréciation  des  conséquences  immédiates  d'une  blessure  doit  être 
fondée  sur  la  double  considération  de  l'état  local  et  de  l'état  général. 
A  chaque  espèce  de  blessure,  contusion,  plaie,  luxation  et  fracture,  ré- 
pondent des  degrés  de  gravité  relatifs  suivant  l'étendue,  la  profondeur  et 
la  multiplicité  des  lésions.  Les  troubles  généraux  varient  également,  por- 
tant sur  le  système  nerveux,  dans  les  contusions,  perte  de  connaissance, 
commotion  cérébrale  ;  hémorrhagies  plus  ou  moins  considérables  dans  les 
plaies;  douleur,  fièvre  dans  toute  lésion  traumatique.  Enfin,  comme 
terme  de  la  blessure  qui  intéresse  les  organes  essentiels  à  la  vie,  il  faut 
prévoir  la  mort  plus  ou  moins  rapide,  plus  ou  moins  sûre. 

Les  blessures  entraînent  secondairement  à  leur  suite  une  incapacité  de 
travail  plus  ou  moins  longue,  une  infirmité  curable  ou  incurable,  parfois 
la  mort  tardive. 

L'incapacité  de  travail  consécutive  aux  blessures  a  été  prévue  par  la  loi. 
Les  modifications  apportées  en  1865  au  Code  pénal  de  notre  pays  n'ont 
pas  altéré  ce  principe.  L'échelle  des  peines  est  graduée  d'après  le  fait  et 
d'après  la  durée  de  l'incapacité  de  travail  ;  et  la  limite  de  vingt  jours  de 
maladie  reste  fixée  pour  l'un  des  degrés  de  la  pénalité.  Mais  ce  qui  im- 
porte au  médecin,  c'est  de  savoir  ce  qu'il  doit  entendre  par  l'incapacité 
de  travail  personnel  dont  parle  la  loi.  Lorsque  l'expert  a  à  examiner  un 
individu  qui  exerce  une  profession,  ou  qui  se  livre  à  un  travail  bien  défini, 


BLESSURES.  —  médecine  légale.  509 

il  n'est  pas  difficile  de  reconnaître  si  l'exercice  en  sera  entravé  par  la  bles- 
sure. Soit  que  celle-ci  porte  un  trouble  sur  la  santé  générale,  soit  qu'elle 
atteigne  seulement  les  instruments  du  travail  particulier,  manuel  ou  autre, 
personnel  au  blessé.  Mais  si  celui-ci  n'a  que  des  occupations  sédentaires, 
que  ne  semble  pas  entraver  la  blessure  ;  si  même  il  est  sans  profession  et 
n'est  astreint  à  aucun  travail,  s'en  suit-il  que  l'incapacité  ne  doive  pas 
être  admise?  Ce  serait,  à  notre  avis,  bien  mal  comprendre  l'esprit  et 
même  la  lettre  de  la  loi  que  de  l'interpréter  de  cette  façon  étroite.  L'expert 
doit  examiner  le  blessé  au  point  de  vue  de  l'intégrité  de  ses  fonctions,  de 
la  liberté  de  ses  mouvements  et  du  trouble  apporté  à  son  genre  de  vie 
habituel  quel  qu'il  soit.  L'existence  et  la  durée  de  ce  trouble  réalisent  les 
conditions  de  maladie  et  d'incapacité  posées  par  la  loi. 

Les  infirmités,  suivant  qu'elles  sont  plus  ou  moins  graves,  passagères 
ou  permanentes,  servent  également  de  base  à  la  répression  pénale  des 
coups  et  blessures  volontaires  ;  ou  à  la  réparation  civile  du  dommage  que 
peut  causer  une  blessure  faite  par  imprudence  ou  par  accident.  La  peine, 
en  matière  de  blessures,  s'élève  quand  les  violences  ont  été  suivies  de 
mutilation,  amputation  ou  privation  de  l'usage  d'un  membre,  cécité, 
perte  d'un  œil,  ou  autres  infirmités  permanentes.  Mais  ce  mot  d'infir- 
mité a  besoin  d'être  clairement  défini;  et  dans  les  actions  fréquentes  aux- 
quelles donnent  lieu  en  justice  les  blessures  par  imprudence,  l'expert 
doit  se  diriger  d'après  des  principes  certains,  s'il  veut  éviter  les  difficultés 
de  plus  d'un  genre  qui  se  présentent  en  pareil  cas.  L'infirmité  est  consti- 
tuée essentiellement  par  l'impossibilité  de  reprendre  les  travaux  profes- 
sionnels. C'est  ici  qu'il  y  a  lieu  de  tenir  compte  de  la  nature  de  la  pro- 
fession et  de  l'aptitude  que  peut  conserver  le  blessé  à  en  exercer  une 
autre. 

Il  est  un  cas  spécial  où  la  nature  de  l'organe  lésé  constitue  par  elle- 
même  une  aggravation  que  la  loi  a  prévue,  c'est  celui  que  punit  l'ar- 
ticle 516  du  Code  pénal,  le  crime  de  castration.  La  seule  chose  qu'il  soit 
utile  de  faire  remarquer  a  ce  sujet,  c'est  que,  au  point  de  vue  médico- 
légal,  la  castration  n'est  pas  seulement  l'ablation  des  testicules,  comme 
l'enseigne  la  chirurgie,  mais  la  mutilation  quelconque  des  parties  sexuelles 
de  l'homme.  C'est  la  virilité  que  la  loi  a  voulu  protéger;  et  la  section  du 
membre  viril  rentre  manifestement  dans  les  cas  d'infirmité  spéciale  que 
la  loi  a  prévus. 

Enfin,  la  mort  peut  survenir  comme  conséquence  ultime  des  bles- 
sures; mais  la  relation  de  cause  à  effet  est  ici  plus  difficile  à  établir 
et  ce  dernier  point  suppose  la  solution  de  la  question  suivante. 

8°  lia  maladie,  l'infirmité  ou  la  mort  est-elle  la  consé- 
quence directe  ou  indirecte  de  la  blessure?  —  «  Tout  ce  qui 
«  ne  dépend  pas  proprement  de  la  nature  de  la  blessure  ne  saurait  être 
«  imputé  à  son  auteur,  »  a  écrit  Fodéré.  Et  ce  précepte  doit  encore  au- 
jourd'hui servir  de  règle  à  l'expert  dans  l'appréciation  qu'il  lui  appartient 
de  faire  des  conséquences  des  blessures.  Il  est  donc  du  plus  haut  intérêt 
de  faire  connaître  les  diverses  particularités  qui  peuvent  influer  sur  ces 


310  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

conséquences  et  leur  imprimer  un  caractère  de  gravité  que  leur  nature 
primitive  ne  semblait  pas  faire  prévoir.  Celles-ci  comprennent  les  compli- 
cations, les  conditions  individuelles  et  les' conditions  générales. 

Complications  qui  peuvent  influer  sur  les  conséquences  des  blessures.  — 
Ce  serait  s'exposer  à  de  graves  erreurs  que  de  ne  pas  tenir  compte  des 
complications  de  diverse  nature  qui  peuvent  influer  sur  les  conséquences 
«les  blessures.  Elles  sont  tantôt  relatives  au  siège  anatomique  de  la  bles- 
sure, tantôt  en  rapport  avec  la  nature  spéciale  de  la  blessure,  ou  entin 
sous  la  dépendance  générale  de  l'état  traumatique. 

a.  Les  complications  relatives  an  siège  anatomique  des  blessures  doi- 
went  être  étudiées  successivement  dans  chaque  région. 

A  la  tète,  les  plaies  du  cuir  chevelu,  les  contusions  du  crâne,  même 
sans  fracture,  peuvent  être  suivies  de  méningite  et  d'encéphalite.  Mais  il 
est  un  genre  de  blessures  qui,  en  apparence  peu  graves  aux  yeux  de  beau- 
coup de  personnes,  n'exposent  pas  moins  le  blessé  au  développement  des 
inflammations  si  redoutables  du  cerveau  et  de  ses  membranes.  La  prati- 
que de  la  médecine  légale  nous  a  appris  à  en  considérer  les  conséquences 
comme  très-souvent  funestes.  Il  s'agit  des  plaies  avec  lésion  des  os  du 
nez  et  particulièrement  de  celles  qui  ont  été  faites  par  des  instruments  pi- 
quants. J'ai  été  appelé  à  faire  les  autopsies  judiciaires  d'une  femme  morte 
de  méningite  purulente,  huit  ou  neuf  jours  après  avoir  reçu  un  coup  de 
fourche  qui  avait  traversé  les  narines  et  brisé  les  os  propres  du  nez; 
d'un  homme  mort  après  dix  jours  d'une  méningo-encéphalite,  suite 
d'un  coup  de  foret  qui  avait  traversé  les  os  du  nez  sans  pénétrer  dans 
le  cerveau  ;  d'un  autre  qui  avait  succombé  après  trois  semaines  d'une 
encéphalite  consécutive  à  une  fracture  des  os  du  nez,  causée  par  un 
choc  direct.  Je  me  rappelle  encore  avoir  visité  à  l'hôpital  Beaujon,  il  y  a 
quelques  années,  un  individu  qui  avait  été  frappé  au  nez  avec  un  instru- 
ment piquant  de  serrurier,  connu  sous  le  nom  de  fraise,  et  dont  la  plaie 
pénétrante  du  nez  avait  été  le  point  de  départ  d'accidents  cérébraux  in- 
flammatoires formidables. 

Les  blessures  de  la  poitrine  exposent  à  des  inflammations  du  poumon 
ou  des  plèvres,  à  des  épanchements  de  sang,  d'air  ou  de  sérosité,  qui 
'peuvent  en  entraver  la  guérison.  M.  G.  Tourdes  a  appelé  l'attention  sur 
la  lésion  possible  de  l'artère  mammaire  interne  dans  toute  la  blessure, 
située  le  long  du  sternum,  à  un  centimètre  au  moins  de  cet  os,  de  la 
•première  à  la  septième  côte,  et  suffisamment  profonde.  Il  en  résulte  une 
hémorrhagie  interne  qui  a  pu,  dans  certains  cas,  déterminer  la  mort 
subite. 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  sur  les  blessures  des  autres  régions,  le 
cou,  l'abdomen,  dont  les  complications  sont  bien  connues. 

b.  Les  complications  qui  sont  en  rapport  avec  la  nature  de  la  blessure, 
doivent  être  étudiées  pour  chaque  catégorie  de  blessures. 

Dans  les  contusions  on  doit  craindre  la  commotion  nerveuse,  et  les  pa- 
ralysies locales  par  lésion  musculaire. 

Les  plaies  par  instruments  piquants  donnent  lieu  à  des  hémorrhagies 


BLESSURES.  —  médecine  légale.  511 

consécutives,  à  des  anévrysrncs  faux  consécutifs,  que  le  médecin  expert 
doit  prévoir  et  qui  peuvent  changer  complètement  les  conséquences  d'une 
blessure  au  premier  abord  peu  grave.  J'ai  vu  une  piqûre  du  pli  du  coude 
faite  par  une  canne  à  dard  déterminer  le  dix-septième  jour,  alors  que  la 
cicatrisation  de  la  plaie  extérieure  était  complète,  un  anévrysme  faux, 
consécutif. 

Les  blessures  par  armes  à  feu  laissent  après  elles  tantôt  une  commo- 
tion, tantôt  des  déchirures  profondes,  tantôt  des  douleurs  névralgiques 
extrêmement  tenaces,  qui  peuvent  persister  à  l'état  de  complications  ou 
d'infirmités  incurables. 

Les  fractures  soulèvent  très-souvent  une  question  spéciale,  très-impor- 
tante au  point  de  vue  de  la  détermination  de  l'incapacité  de  travail.  A 
la  considérer  du  point  de  vue  purement  chirurgical,  il  est  constant  que 
toute  fracture  tiendra  le  blessé  au  repos  et  hors  d'état  de  travailler  pen- 
dant plus  de  vingt  jours.  Mais  ce  serait  mal  interpréter  l'esprit  de  la  loi, 
que  de  ne  pas  distinguer  entre  les  fractures  qui  sont  le  résultat  d'un  coup 
directement  porté  et  celles  qui  résultent  de  la  chute  indirectement  et 
accidentellement  produite.  Dans  le  second  cas,  l'expert  a  le  devoir  de 
faire  remarquer  que  la  fracture  n'est  qu'une  conséquence  indirecte  de  la 
rixe  ou  de  la  lutte  ;  et  la  jurisprudence,  à  Paris  du  moins,  a  consacré  cette 
interprétation.  Malheureusement,  il  n'est  pas  toujours  facile  de  démon- 
trer d'une  manière  positive  que  la  fracture  est  ou  n'est  pas  produite  par 
un  coup  directement  porté.  11  est  cependant  à  cet  égard  quelques  don- 
nées utiles  à  recueillir.  C'est  presque  exclusivement  pour  les  fractures 
des  membres  inférieurs  ou  pour  les  fractures  du  crâne  que  la  question 
se  pose.  Il  faut  chercher  la  trace  du  coup  qui  se  retrouvera  en  général, 
sous  la  forme  d'une  contusion,  ou  d'une  empreinte  plus  ou  moins  exacte 
de  l'instrument  à  l'aide  duquel  le  coup  aura  été  porté.  Ce  sera  souvent 
pour  les  fractures  de  jambe  un  coup  de  pied,  un  coup  de  bâton.  De 
plus,  l'infiltration  sanguine  ou  l'épanchement  sont  beaucoup  plus  con- 
sidérables au  niveau  de  la  fracture,  quand  elle  est  produite  par  un 
coup  direct  que  quand  elle  résulte  de  la  chute  du  corps.  Enfin  les  os 
sont  brisés  dans  le  point  où  le  coup  a  été  porté  et  non  dans  ce  que  l'on 
a  coutume  de  considérer  comme  le.  lieu  d'élection;  et  la  solution  de 
continuité  offre  ordinairement  moins  d'obliquité.  Quant  aux  fractures 
du  crâne,  avec  plaie  de  tête,  le  siège  de  celle-ci  fournit  un  indice  très- 
précieux.  Car  la  chute  sur  la  tête  ne  peut  s'opérer  qu'en  des  points  déter- 
minés, tandis  que  les  coups  peuvent  atteindre  le  crâne  dans  une  partie 
quelconque. 

Les  luxations  sont  des  blessures  dont  la  guérison  est  en  général  rapide. 
Cependant  elles  déterminent  parfois  des  complications  consécutives  sur 
lesquelles  il  n'est  pas  sans  intérêt  d'insister.  Les  plus  graves  sont  la  pa- 
ralysie et  Patropilie  des  membres  luxés,  probablement  par  suite  de  tirail- 
lement des  nerfs.  J'ai  eu  à  visiter  un  homme  de  petite  taille  qui  avait  été 
maltraité  par  un  individu  beaucoup  plus  robuste  que  lui,  renversé  et 
relevé  tour  à  tour  par  le  bras  jusqu'à  dilacération  et  luxation  de  l'arlicu- 


512  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

lation.  Au  bout  de  deux  mois  je  constatai  une  paralysie  et  une  atrophie 
progressive  du  bras. 

c.  Enfin,  il  est  des  complications  générales  qui  appartiennent  à  toute 
lésion  traumatique  :  l'érysipèle,  la  lièvre  purulente,  la  gangrène.  Et  cha- 
cun sait  que  ces  complications  peuvent  survenir  même  dans  des  cas  de 
blessures  légères.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'entrer  dans  des  développe- 
ments qui  sont  surtout  du  domaine  de  la  chirurgie  pratique. 

Conditions  individuelles  qui  peuvent  influer  directement  ou  indirecte- 
ment sur  les  conséquences  des  blessures.  —  L'âge,  la  constitution,  l'état 
de  santé,  les  dispositions  morales  jouent  un  rôle  considérable  dans  la 
marche  des  blessures  et  exercent  une  influence  marquée  sur  leurs  termi- 
naisons. Nous  ne  nous  arrêterons  que  sur  les  points  qui  peuvent  donner 
lieu  à  quelques  applications  utiles  pour  la  médecine  légale. 

L'état  de  santé  antérieur  ou  actuel  d'un  individu  blessé,  soumis  à  l'exa- 
men de  l'expert  doit  être  pris  en  très-sérieuse  considération.  Certaines 
affections  constitutionnelles,  comme  la  scrofule  et  le  rachitisme  entra- 
vent la  guérison  des  blessures.  La  lésion  ancienne  de  l'organe  atteint  par 
l'instrument  vulnérant,  telle  que  la  phthisie  pulmonaire  chez  une  per- 
sonne atteinte  d'une  plaie  de  poitrine;  une  hernie  chez  un  individu  qui  a 
reçu  un  coup  dans  le  ventre;  une  maladie  intercurrente  survenant  chez 
un  blessé,  toutes  ces  conditions  diverses  doivent  appeler  l'attention  spé- 
ciale du  médecin  légiste. 

Je  crois  utile  d'insister  particulièrement  sur  un  fait  que  j'ai  déjà  si- 
gnalé et  dont  l'importance  considérable  n'avait  pas  été  suffisamment 
appréciée.  Je  veux  parler  de  l'état  d'ivresse  de  l'individu  blessé  qui  crée 
pour  lui  une  condition  toute  spéciale,  et  modifie  profondément  les  effets 
des  coups  qu'il  peut  recevoir.  L'ivresse  par  elle-même  est  une  cause  de 
mort  subite,  et  il  est  arrivé  souvent  qu'un  homme  ivre  succombe  à  la 
suite  d  une  rixe,  non  par  le  fait  direct  de  la  blessure,  mais  par  les  lé- 
sions que  les  excès  alcooliques  peuvent  produire,  c'est-à-dire  une  double 
apoplexie  méningée  et  pulmonaire. 

J'en  ai  rassemblé  ailleurs  de  nombreux  exemples,  parmi  lesquels 
je  ne  rappellerai  que  les  deux  suivants  :  Un  jeune  homme  de  19  ans, 
très-robuste,  reçoit  dans  une  rixe  un  coup  de  pelle  en  fer  qui  lui  fait  au 
cou  une  plaie  peu  profonde.  Il  meurt  presque  instantanément,  et  à  l'au- 
topsie nous  trouvons  une  hémorrhagie  méningée  et  une  congestion  pul- 
monaire. Un  autre  qui  buvait  depuis  midi  se  prend  de  querelle  dans  la 
soirée  avec  le  marchand  de  vin  qui,  dans  la  lutte,  lui  porte  plusieurs 
coups  de  foret  dans  le  dos.  Le  blessé  rentre  chez  lui,  se  couche  sans  rien 
dire,  et  après  avoir  ronflé  toute  la  nuit,  il  expire  le  lendemain  matin. 
On  ne  doutait  pas  qu'il  n'eût  succombé  à  ses  blessures;  il  n'en  était  rien; 
aucune  des  plaies  n'avait  pénétré  dans  la  poitrine;  la  mort  était  le  résultat 
d'une  double  apoplexie  pulmonaire  et  méningée.  C'est  là  en  effet  la  lésion 
sinon  constante,  du  moins  extrêmement  fréquente  et  caractéristique  de 
la  mort  par  ivresse.  Il  faut  ajouter  comme  signes  non  moins  utiles  à  re- 
cueillir dans  les  autopsies  des  individus  morts  en  état  d'ivresse,  l'odeur 


BLESSURES.  —  médecine  légale.  513 

alcoolique  qui  s'exhale  du  cadavre  et  notamment  du  cerveau  ;  et  la  pré- 
sence des  matières  alimentaires  et  du  vin  dans  l'estomac.  On  voit  bien 
vite  de  quelle  gravité  peut  être  dans  une  affaire  criminelle  la  constatation 
des  faits  de  cette  nature  dont  la  signification  peut  être  résumée  par  la 
proposition  suivante  :  si  l'ivresse  est  la  cause  déterminante  des  lésions 
cérébrales  et  pulmonaires  qui  entraînent  la  mort,  il  faut,  avec  toute  la 
réserve  que  doit  toujours  observer  l'expert,  faire  la  part  de  la  lutte  vio- 
lente, de  la  rixe,  de  l'émotion,  de  la  colère  et  parfois  de  la  température 
froide  non  étrangères  à  la  production  de  l'apoplexie  chez  les  ivrognes  que 
l'on  trouve  blessés  et  morts  sur  la  voie  publique. 

Conditions  générales  qui  peuvent  influer  directement  ou  indirectement 
sur  les  conséquences  des  blessures.  —  Fersonne  n'ignore  que  certaines 
conditions  générales,  telles  que  celles  de  climat,  de  saison,  peuvent  in- 
fluer d'une  manière  plus  ou  moins  directe  sur  les  conséquences  des  bles- 
sures. Mais  elles  seront  bien  rarement  de  nature  à  tenir  place  dans  l'ap- 
préciation médico-légale  à  laquelle  donneront  lieu  les  faits  de  coups  et 
blessures. 

Il  en  est  une,  au  contraire,  qui  doit  d'autant  plus  fixer  l'attention  de 
l'expert,  qu'elle  est  plus  délicate  à  prouver  :  c'est  celle  qui  résulte  du 
traitement  suivi  ou  du  défaut  de  soins.  11  est  incontestable  et  incontesté 
que  toute  blessure  peut  avoir  indépendamment  de  sa  nature,  des  suites 
très-différentes,  suivant  qu'elle  aura  été  bien  ou  mal  soignée  ou  abandon- 
née à  elle-même.  Mais  qui  ne  voit  combien  le  rôle  du  médecin  légiste 
devient  ici  difficile.  Il  doit  avant  tout  se  tenir  sévèrement  dans  les  limi- 
tes de  sa  mission;  et  en  tenant  compte  des  circonstances  personnelles 
dans  lesquelles  a  pu  se  trouver  le  blessé,  de  la  liberté  d'action  qui  ap- 
partient à  l'homme  de  l'art  aux  soins  duquel  il  est  confié,  il  ne  pourra 
cependant  se  dispenser  d'apprécier  la  mesure  dans  laquelle  le  défaut  de 
soins  ou  l'inobservation  des  règles,  le  plus  généralement  admises,  ont 
pu  influer  sur  la  marche,  la  terminaison  et  les  conséquences  d'une  bles- 
sure. 

Des  ciuconstances  dans  lesquelles  les  blessures  ont  été  faites.  — 
Nous  avons  jusqu'ici  étudié  les  blessures  en  elles-mêmes,  et  nous  nous 
sommes  appliqué  à  en  fixer  les  caractères  et  les  causes,  ainsi  qu'à  en  ap- 
précier les  conséquences.  Mais  ce  serait  donner  une  idée  bien  incomplète 
de  la  mission  du  médecin  expert  que  de  limiter  à  ces  seules  données  l'his- 
toire médico-légale  des  blessures.  La  science  doit  à  la  justice  des  rensei- 
gnements qu'elle  seule  peut  lui  fournir  sur  les  circonstances  particulières 
dans  lesquelles  ont  été  faites  les  blessures.  Toutes  les  affaires  criminelles 
donnent  lieu,  en  effet,  à  des  questions  de  cette  nature,  très-nombreuses, 
très-diverses,  qui  se  rattachent  aux  particularités  du  fait  lui-même,  telle 
que  l'époque  à  laquelle  la  blessure  a  été  faite,  la  position  relative  de  celui 
qui  a  reçu  et  de  celui  qui  a  porté  les  coups,  le  caractère  de  la  lutte,  la 
distinction  des  blessures  accidentelles  et  volontaires,  du  suicide  et  de 
l'homicide.  Ces  questions  ne  peuvent  être  toutes  prévues;  nous  allons 
passer  en  revue  les  principales,   celles  qui,  dans  les  cas  de  meurtre  ou 


514  BLESSUHES.  —  médecine  légale. 

d'assassinat,  se  posent  forcément,  et  comme  d'elles-mêmes,  dans  toute 
expertise  médico-légale. 

9"  A  quelle  époque  remonte  la  blessure?  —  Il  y  a  toujours 
un  grand  intérêt  à  fixer  la  date  d'une  blessure  et  cà  déterminer,  autant  que 
cela  est  possible,  l'époque  précise  à  laquelle  elle  remonte.  Gela  importe 
surtout  pour  les  blessures  récentes,  et  lorsqu'il  s'agit  d'établir  l'identité 
au  point  de  vue  de  la  participation  au  crime  d'un  individu  inculpé  de 
meurtre,  et  qui  a  pu  être  blessé  lui-même  dans  la  lutte.  Si  la  question 
est  presque  insoluble  pour  les  blessures  anciennes  qui  ne  peuvent  être 
rapportées  à  une  date  certaine,  il  n'en  est  pas  de  même  heureusement 
des  blessures  récentes. 

Ainsi  les  contusions  ne  deviennent  généralement  apparentes  qu'au  bout 
de  deux,  trois  ou  quatre  jours,  et  tardent  souvent  d'autant  plus  qu'elles 
sont  plus  profondes.  Il  est  bon  d'être  averti  de  cette  circonstance,  afin 
de  ne  pas  juger  seulement  d'après  l'examen  extérieur  d'un  cadavre,  des 
coups  qui  peuvent  avoir  été  portés  dans  les  derniers  moments  de  la  vie. 
Parfois,  dès  le  premier  jour,  la  peau  contuse  prend  une  teinte  rouge, 
bronzée,  qui  pourrait  faire  croire  à  une  ecchymose  plus  avancée.  La  colo- 
ration de  moins  en  moins  foncée  de  l'ecchymose,  qui  du  noir  passe  au 
bleu,  au  violet,  au  jaune,  au  vert;  sa  largeur  croissante,  qui  suit  en 
quelque  sorte  la  dégradation  des  teintes,  permet  en  général  de  nommer 
assez  exactement  les  différentes  phases  et,  par  conséquent,  la  date  d'une 
contusion.  Toute  trace  de  celle-ci  a  ordinairement  disparu  du  dixième  au 
vingtième  ou  vingt-cinquième  jour,  rarement  davantage.  Si  la  contusion 
a  donné  lieu  à  une  excoriation,  c'est  d'après  la  dessiccation  de  la  surface 
excoriée  que  l'on  peut  juger  si  elle  est  plus  ou  moins  ancienne. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'entrer  dans  les  détails  techniques  propres  à 
faire  connaître  les  phases  successives  de  la  cicatrisation  des  plaies  ou  de 
la  consolidation  des  fractures.  Il  nous  suffira  de  rappeler  que  la  durée  de 
la  cicatrisation  variera  suivant  la  profondeur  et  l'étendue  de  la  blessure, 
suivant  la  violence  de  l 'inflammation  et  l'abondance  de  la  suppuration  ; 
que  la  couleur  de  la  cicatrice  différera  également  suivant  le  temps  écoulé 
depuis  qu'elle  s'est  formée,  rouge  ou  violacée  d'abord,  puis  pâlissant 
jusqu'à  ce  qu'elle  soit  tout  à  fait  blanche,  en  même  temps  qu'elle  devient 
de  plus  en  plus  résistante.  C'est  à  ce  dernier  état  de  blancheur  nacrée  et 
de  dureté  que  la  cicatrice  persiste  sous  la  forme  indélébile  qui  caractérise 
les  blessures  très-anciennes.  L'expert  tiendra  compte  de  toutes  ces  cir- 
constances. 

De  même,  s'il  s'agit  d'une  fracture,  l'observation  enseigne  le  temps 
que  met  le  cal  à  se  former.  Le  gonflement,  la  gêne  plus  ou  moins  persis- 
tante des  mouvements  aident  aussi  à  apprécier  l'époque  à  laquelle  on  peut 
faire  remonter  une  fracture  ou  une  luxation. 

■  O0  l>aus  quelle  position  relative  tlu  blessé  et  de  l'agres- 
seur les  coups  ont-ils  été  portés!  —  Il  est  souvent  d'une  impor- 
tance capitale  de  déterminer  quelle  était  la  position  relative  du  blessé  et 
de  celui  qui  est  supposé  avoir  porté  les  coups.  L'accusation  peut  trouver 


BLESSURES.    —    MÉDECINE    LÉGALE.  515 

là  un  de  ses  éléments  les  plus  graves,  parfois  même  le  seul  bon.  D'un 
autre,  l'individu  qu'on  accuse  donne  des  explications  qu'il  est  du  devoir 
de  l'expert  de  contrôler.  Mais  c'est  là  une  question  qu'il  ne  serait  guère 
possible  de  résoudre  par  des  principes  généraux  nécessairement  vagues 
et  incomplets,  et  qui,  dans  chaque  cas  particulier,  soulève  des  difficultés 
spéciales.  Pour  chaque  espèce  de  blessure,  il  y  a  à  considérer  le  siège  et  la 
direction  de  la  blessure,  l'état  des  vêtements  et  la  position  du  cadavre  si 
le  coup  a  été  mortel. 

a.  La  blessure  peut  avoir  été  faite  par  un  coup  porté  directement  soit 
en  avant,  soit  en  arrière,  par  un  individu  placé  dans  la  position  corres- 
pondante. Cependant,  dans  une  lutte  à  bras  le  corps,  une  blessure  peut 
être  faite  dans  le  dos  par  une  personne  placée  en  avant.  J'en  ai  vu  plu- 
sieurs exemples  dont  le  plus  saisissant  est  celui  d'un  père  qui,  après  avoir 
longtemps  abusé  de  sa  fille,  décidé  à  la  quitter,  et  l'embrassant  dans  une 
dernière  étreinte,  lui  plongea  dans  le  dos  un  couteau  qui  ouvrit  l'aorte 
en  dedans  de  l'omoplate  gauche. 

Les  coups  portés  par  la  main  droite  de  l'agresseur  qui  fait  vis-à-vis  à 
sa  victime  atteignent  celle-ci  au  côté  gauche  de  la  tête  ou  du  corps.  D'au- 
tres fois,  des  blessures  multiples  existent  sur  un  seul  côté  du  corps  ;  c'est 
ce  que  l'on  voit  chez  les  individus  frappés  durant  le  sommeil.  Un  char- 
retier, gardien  de  nuit  d'une  usine,  est  frappé,  dans  son  lit,  de  douze 
coups  de  hache  sur  le  côté  gauche  du  crâne.  Un  autre  est  trouvé  mort 
dans  sa  voiture,  sur  la  route  du  Bourget,  la  tète  fracassée  par  des  coups 
exclusivement  portés  sur  le  côté  gauche. 

Dans  quelques  cas,  la  lésion  d'une  partie  isolée,  fortuitement  accessible, 
révèle  en  quelque  sorte  la  position  dans  laquelle  se  trouvait  l'individu  au 
moment  où  il  a  été  blessé.  Un  marchand  de  vins  avait  été  frappé  d'un  coup 
de  couteau  à  trois  travers  de  doigts  au-dessus  de  l'aine  droite,  pendant 
qu'il  était  sur  la  pointe  des  pieds,  les  bras  en  l'air,  occupé  à  allumer  un 
bec  de  gaz.  Tous  les  viscères  abdominaux,  attirés  en  haut  par  l'élévation 
du  diaphragme  et  la  tension  du  ventre,  laissaient  à  découvert  Tarière 
iliaque  externe,  qui  seule  avait  été  atteinte,  sans  que  les  intestins  eussent 
été  le  moins  du  monde  intéressés. 

b.  La  direction,  la  forme  et  les  caractères  de  la  blessure  sont  des 
sources  d'indications  très -précieuses,  qui  varient  suivant  la  nature  de 
l'arme  employée. 

Elles  n'ont  pas  une  grande  portée  quand  il  s'agit  d'un  instrument  con- 
tondant, pour  l'action  duquel  les  conjectures  ne  peuvent  s'établir  que  sur 
l'obliquité  de  la  plaie  contuse,  et  sur  la  forme  de  l'empreinte  laissée  par 
l'arme. 

Dans  les  blessures  par  instruments  tranchants,  la  valeur  des  signes 
fournis  par  la  direction  et  la  forme  de  la  plaie  est  un  peu  plus  grande.  Le 
point  d'origine  est  en  général  marqué  par  la  protondeur  plus  considérable 
de  la  plaie,  qui  se  termine,  au  contraire,  par  une  section  moins  pro- 
fonde, et  même  par  une  sorte  de  prolongement  linéaire.  La  blessure  est 
d'ailleurs  soit  transversale,  soit  verticale,  soit  oblique. 


31G  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

Les  plaies  par  instruments  piquants  sont,  au  point  de  vue  qui  nous  oc- 
cupe, celles  où  la  position  relative  du  blessé  et  de  l'agresseur  est  le  plus 
sûrement  indiquée  et  la  plus  facile  à  déterminer.  En  effet,  le  trajet  de  la 
blessure  à  travers  les  organes  suffit  pour  marquer  la  direction  du  coup; 
et  celle-ci  est  aisément  rapportée  à  la  position  qu'occupait  celui  qui  a 
frappé.  Il  faut  toutefois,  sur  ce  point,  tenir  compte  de  la  stature  compa- 
rative des  deux  adversaires.  Un  coup  de  couteau  porté  de  baut  en  bas 
dans  la  région  cervicale  divise  la  carotide  interne  ;  mais  le  meurtrier  est 
très-petit  et  le  blessé  de  très-haute  taille;  celui-ci  se  retirait  et  avait 
déjà  descendu  deux  marches  de  l'escalier  quand  il  avait  été  poursuivi  et 
atteint. 

Enfin,  nous  arrivons  à  ce  qui  touche  les  armes  à  feu,  et  nulle  part  le 
problème  n'est  plus  intéressant  et  plus  délicat.  Là,  en  effet,  les  caractères 
et  la  direction  de  la  blessure  ont  une  importance  capitale,  et  permettent 
de  fixer  dans  quelle  position  et  à  quelle  distance  le  coup  a  été  tiré. 

On  sait  que  la  chirurgie  apprend  à  distinguer,  dans  les  blessures  par 
armes  à  feu,  l'ouverture  d'entrée  et  l'ouverture  de  sortie  ;  mais  il  s'en 
faut  que  la  doctrine  soit  nettement  fixée  sur  ce  point;  ce  qui  tient  à  ce 
que  l'on  n'a  pas  généralement  déterminé,  avec  assez  de  précision,  les 
conditions  qui  font  varier  les  rapports  existants  entre  les  ouvertures 
d'entrée  et  celles  de  sortie.  Elles  peuvent  différer  entre  elles  et  de  di- 
mensions et  de  formes.  Mais  le  rapport  dans  lequel  se  produisent  ces  dif- 
férences est  lui-même  variable.  Ainsi  tantôt  l'ouverture  d'entrée  est  plus 
étroite  que  l'ouverture  de  sortie,  tantôt  les  deux  ouvertures  sont  égales, 
tantôt  l'ouverture  d'entrée  est  la  plus  large.  La  distance  et  la  nature  des 
parties  traversées  rendent  un  compte  exact  de  ces  variations.  Quand  le 
coup  a  été  tiré  de  très-près,  jusqu'à  trois  mètres  environ,  l'ouverture 
d'entrée  est  plus  large  que  l'ouverture  de  sortie  ;  à  moyenne  distance,  les 
deux  plaies  sont  de  dimensions  égales;  le  coup  tiré  de  loin  fait  une  plaie 
d'entrée  plus  petite  que  l'ouverture  de  sortie.  C'est  ce  dernier  cas,  le  plus 
fréquent  dans  les  blessures  de  guerre ,  qui  a  prévalu  comme  doctrine 
beaucoup  trop  absolue.  De  plus,  si  le  projectile  ayant  perdu  de  sa  force 
rencontre  des  parties  dures  avant  des  parties  molles,  comme  à  la  face,  à 
la  poitrine,  l'ouverture  d'entrée  pourra  être  plus  large  ;  si,  après  avoir 
traversé  une  couche  épaise  de  parties  molles,  il  broie  un  os  et  chasse 
devant  lui  les  débris  osseux,  comme  dans  les  membres,  l'ouverture  de 
sortie  sera  plus  grande.  Quant  aux  différences  de  forme,  il  faut  insister 
d'une  manière  générale  sur  le  renversement  des  bords  de  la  plaie  en 
dedans  pour  l'ouverture  d'entrée,  en  dehors  pour  l'ouverture  de  sortie. 
De  plus,  la  première,  dans  un  coup  tiré  à  très-petite  distance,  présente 
des  bords  déchirés  et  contus  ;  la  seconde,  c'est-à-dire  l'ouverture  de 
sortie  offre,  dans  un  coup  tiré  à  une  grande  distance,  la  déchirure 
sans  contusion  des  bords.  Enfin,  la  carbonisation  et  la  brûlure  du  pour- 
tour de  la  plaie,  qui  ne  se  voient  qu'à  l'ouverture  d'entrée,  se  montrent 
constamment  dans  un  tir  à  16  centimètres,  à  peu  près  toujours  de  16  à 
32  centimètres.  Au  delà,  et  jusqu'à  1  mètre,  il  n'y  a  plus  de  brûlure, 


BLESSURES.  —  médecike  légale.  317 

mais  on  peut  trouver  encore  quelques  grains  noirs  incrustés  autour  de  la 
plaie. 

Le  trajet  du  projectile  ne  fournit  que  des  indications  peu  concluantes 
pour  la  direction  du  coup  et  la  position  du  tireur;  car  les  projectiles 
lancés  par  les  armes  à  feu  sont  soumis  à  des  déviations  singulières  et  tout 
à  fait  imprévues  ;  ils  peuvent  se  diviser  en  plusieurs  fragments;  et  enfin, 
dans  le  cas  de  projectiles  doubles  ou  multiples,  leur  écartement  peut 
donner  lieu  à  des  complications  inattendues.  L'analyse  minutieuse  de 
chaque  fait  particulier  et  l'institution  d'expériences  dans  lesquelles  on 
cherchera  à  reproduire  les  conditions  où  il  s'est  produit  pourront  seules 
permettre  à  l'expert  de  résoudre  les  questions  qui  lui  seront  posées. 

c.  L'état  des  vêtements  fournit  parfois  de  très-bons  signes  pour  établir 
la  position  respective  de  la  victime  et  de  l'agresseur.  Ainsi,  pour  terminer 
ce  qui  est  relatif  aux  coups  de  feu,  il  est  bon  de  noter  que  l'ouverture 
d'entrée  ou  de  sortie  est  clairement  indiquée  sur  un  vêtement,  par  un 
trou  arrondi  avec  perte  de  substance  du  côté  de  l'entrée,  par  une  simple 
fente  ou  déchirure  rectangulaire  à  la  sortie.  Pour  les  autres  genres  de 
blessures,  il  importe  de  rapprocher  des  plaies  les  solutions  de  continuité 
que  peuvent  offrir  les  vêtements,  et  de  noter  les  différences  de  niveau  ou 
d'obliquité  qu'elles  présentent. 

d.  Lorsque  les  coups  ont  été  mortels,  et  que  l'expert  a  à  constater  un 
meurtre  ou  un  assassinat,  la  position  du  cadavre  est  un  indice  d'une 
grande  valeur.  Généralement,  on  admet  que  la  chute  du  corps  a  lieu  en 
avant  ou  en  arrière,  suivant  que  le  coup  a  été  porté  par-devant  ou  par 
derrière.  Cependant  il  arrive  souvent  qu'une  blessure  au  front,  un  coup 
de  feu  notamment,  amène  la  chute  sur  la  face.  J'ai  déjà  cité  des  exemples 
qui  montrent  que  la  position  dans  laquelle  l'individu  a  été  frappé  est 
celle  où  on  le  retrouve  après  sa  mort,  soit  qu'il  fut  endormi  ou  étourdi 
du  premier  coup.  Chez  des  pédérastes,  chez  des  femmes  tuées  au  moment 
d'un  rapprochement  sexuel,  il  n'est  pas  rare  que  la  situation  du  cadavre 
révèle  cette  circonstance  si  grave. 

Il  est  un  dernier  ordre  de  preuves  que  l'on  pourrait  très-utilement  tirer 
du  siège,  du  nombre,  de  la  forme  et  de  la  disposition  des  taches  de  sang 
ou  autres  que  l'on  trouve  soit  sur  le  meurtrier,  soit  sur  les  objets  qui  en- 
tourent la  victime.  Mais  c'est  là  une  étude  spéciale  qui  sera  plus  con- 
venablement placée  ailleurs  (voy.  Taches). 

11°  Dams  ciuel  ordre  les  tolessurci*  onft-elles  été  faites?  — 
L'ordre  de  succession  dans  lequel  des  blessures  multiples  ont  été  faites 
n'est  pas  toujours  indifférent.  Il  servirait,  s'il  était  bien  établi,  à  recons- 
tituer la  scène  de  violences,  et  aiderait  à  suivre  le  meurtrier  à  la  trace  des 
coups  qu'il  aurait  portés.  Mais  cet  ordre,  s'il  n'est  pas  impossible,  n'est 
pas  toujours  facile  à  déterminer.  Des  considérations  générales  sont  ici 
peu  applicables.  Il  faut  faire  appel,  pour  chaque  cas  particulier,  à  la 
sagacité  de  l'expert. 

Il  pourra  cependant  se  guider  d'après  certaines  données  :  en  premier 
lieu,  la  gravité  relative  des  blessures  et  la  constatation  de  celle  qui  aura 


318  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

dû  entraîner  immédiatement  la  mort  on  seulement  la  chute  du  corps  ;  la 
comparaison  du  siège  des  blessures  avec  la  position  occupée  par  le  cadavre. 
Un  homme  est  tué  d'un  coup  de  bâton  sur  la  tête,  et  présente,  outre  la 
plaie  de  l'oreille  et  de  la  tempe,  de  petites  contusions  sur  la  face  et  le 
nez.  Celles-ci  sont  évidemment  consécutives  à  la  première  blessure,  et 
résultent  de  la  chute  produite  par  la  commotion  cérébrale.  Dans  des 
cas  nombreux,  on  trouve  aux  mains  des  victimes  des  plaies  qui  annoncent 
leur  résistance  et  qui  ont  manifestement  précédé  les  blessures  plus  graves 
dont  la  mort  a  été  la  conséquence.  Parfois,  deux  blessures  sont  très-rap- 
prochées  et  toutes  semblables;  il  y  a  lieu  de  penser  qu'elles  ont  été  faites 
coup  sur  coup  et  au  point  de  vue  de  l'ordre  de  succession,  il  y  a  à  les 
parer  non  entre  elles,  mais  avec  les  autres. 

Dans  le  cas  de  blessures  multiples,  on  peut  en  rencontrer  qui  offrent 
tous  les  caractères  de  blessures  faites  en  pleine  vie;  d'autres,  au  con- 
traire, qui  n'ont  atteint  qu'une  vie  presque  éteinte,  ou  même  qui  sont 
postérieures  à  la  mort,  ce  que  permet  de  juger  l'état  du  sang  épanché  ou 
infiltré  dans  la  plaie,  coagulé  ou  non.  Je  me  souviens,  à  l'appui  de  cette 
considération,  d'avoir  fait  l'autopsie  d'une  femme  qui  avait  reçu  plus  de 
vingt  blessures,  presque  toutes  à  la  nuque,  par  lesquelles  avait  eu  lieu 
une  hémorrhagie  énorme.  Un  dernier  coup  lui  avait  été  porté  en  plein 
cœur,  et  la  plaie  de  cet  organe  n'avait  donné  qu'une  très-petite  quantité 
de  sang;  il  était  cependant  tout  à  fait  vide.  On  ne  pouvait  douter  que  le 
cœur  n'eût  été  atteint  qu'après  les  autres  parties. 

Enfin,  nous  appellerons  l'attention  de  l'expert  sur  l'état  de  l'arme  qui 
a  servi  à  faire  les  blessures,  et  que  l'on  trouve  souvent  tordue,  épointée, 
brisée.  En  rapprochant  l'arme  des  blessures,  on  reconnaîtra  qu'elle  s'est 
ainsi  faussée,  sur  une  surface  osseuse,  dans  un  coup  postérieur  à  ceux  qui 
avaient  été  dirigés  sur  des  parties  moins  résistantes.  Un  individu  assassine 
porte  quatre  blessures  faites  par  un  instrument  piquant  et  tranchant  : 
trois  dans  la  poitrine,  où  nous  constatons  notamment  une  perforation 
très-nette  du  péricarde  et  du  cœur;  la  quatrième,  à  la  joue  et  au  fond 
de  cette  plaie,  dans  l'épaisseur  de  l'os  malaire,  est  enfoncée  la  pointe 
brisée  de  l'arme.  Nous  n'hésitons  pas  à  regarder  ce  coup  comme  le  dernier, 
malgré  la  gravité  mortelle  de  la  plaie  du  cœur. 

On  le  voit,  les  données  à  l'aide  desquelles  peut  être  résolue  la  question 
de  l'ordre  de  succession  des  blessures  sont  variables  à  l'infini,  et  ne 
peuvent  ressortir  que  des  particularités  du  fait  même  qu'il  s'agit  de  juger. 
î*t°  Certains  actes  ont-ils  pu  être  accomplis  par  la  vic- 
time après  les  blessures  reçues?  —  Dans  les  mille  incidents 
dont  se  compose  un  drame  criminel,  il  en  est  qui,  sans  importance  ap- 
parente, peuvent  acquérir,  dans  la  procédure  ou  dans  les  débats  judi- 
ciaires, une  gravité  que  le  vulgaire  ne  saurait  soupçonner,  mais  que  la 
pratique  de  la  médecine  légale  apprend  à  prévoir.  De  ce  nombre  sont  les 
actes  que  peuvent  permettre  à  un  blessé  les  coups  qu'il  a  reçus.  A-t-il  pu 
crier,  parler,  marcher,  courir,  survivre  pendant  un  temps  plus  ou  moins 
long?  Le  médecin  seul,  on  le  comprend,  peut  répondre  à  ces  questions  ; 


BLESSURES.  —  médecine  légale.  319 

l'expérience  lui  Fournit  des  solutions  qui  déconcertent  au  premier  abord 
les  principes  scientifiques  en  apparence  les  mieux  établis. 

La  nature  de  l'organe  lésé  est  ici  le  point  essentiel.  Tantôt  la  blessure 
de  l'organe  abolit  complètement  la  fonction,  telle  est  la  section  du 
larynx  qui  détruit  la  faculté  d'émettre  des  sons  ;  mais  qui  n'empêche  pas 
l'articulation  des  mots  à  voix  basse  et  l'émission  même  de  quelques  sons, 
lorsque  les  lèvres  de  la  plaie  sont  rapprochées.  Tantôt  les  organes  inté- 
ressés sont  de  ceux  que  l'on  considère  comme  indispensables  à  la  vie,  le 
cerveau,  la  moelle,  le  cœur,  dont  il  semble  que  la  lésion  profonde  ne 
puisse  se  concilier  avec  la  conservation  même  momentanée  des  fonctions. 
Il  faut  bien  savoir,  au  contraire,  que  des  blessures,  même  étendues  et 
nécessairement  mortelles  de  ces  organes,  sont  compatibles  avec  l'accom- 
plissement de  certains  actes.  La  commotion  et  la  perte  de  connaissance 
ne  sont  pas  la  conséquence  nécessaire  de  toute  plaie  de  tête,  même  avec 
fracture  du  crâne.  Madame  Peytel,  frappée  à  mort  de  deux  coups  de  feu 
à  la  tête,  a  pu  courir  et  crier.  Brierre  de  Boismont  cite  le  cas  d'un  sui- 
cidé qui,  après  s'être  brisé  la  tempe  d'un  coup  de  pistolet,  a  pu  ouvrir 
une  croisée,  monter  sur  le  bord  et  s'élancer  dans  l'espace.  Des  plaies  du 
cœur  n'ont  pas  empêché  les  blessés  de  parcourir  une  certaine  distance; 
j'en  ai  vu  un,  avec  Bayard,  qui  avait  fait  au  moins  cent  pas.  Une  blessure 
d'un  gros  tronc  artériel,  la  carotide,  permet  ta  un  jeune  homme  de  descen- 
dre un  étage  et  de  faire  quelques  pas  dans  la  rue. 

Les  mutilations  énormes  d'autres  organes  ne  s'opposent  pas  non  plus 
d'une  manière  absolue  à  l'accomplissement  de  certains  actes.  Nous  avons 
rapporté  des  exemples  d'arrachement  de  la  presque  totalité  des  intestins 
et  de  la  matrice,  qui  ont  permis  de  parler  et  de  vivre  près  d'une  heure. 
La  rupture  du  diaphragme  accompagnée  de  broiement  de  la  rate,  de  dé- 
chirure des  intestins,  suite  d'écrasement  par  une  voiture  lourdement 
chargée,  a  laissé  à  un  pauvre  charretier,  dontDelmas  (de  Montpellier)  rap- 
porte l'observation,  le  pouvoir  de  faire  deux  lieues  tantôt  à  pied,  tantôt 
sur  sa  voiture.  Et  ces  exemples  ne  sont  pas  absolument  rares  dans  les 
annales  de  la  science. 

13°  Exîsie-t-il  fies  traces  de  résistance  on  fie  lutte?  —  Les 
traces  de  résistance  ou  de  lutte  doivent  être  recherchées  sur  la  victime  et 
sur  l'accusé. 

La  victime  qui  résiste  cherche  à  parer  les  coups  avec  les  mains  et  les 
bras.  C'est  là  qu'il  faut  chercher  des  blessures  nombreuses  dont  le  siège 
est  souvent  caractéristique.  Sur  le  bord  externe  de  l'avant-bras,  dans  les 
plis  de  la  paume  des  mains  qui  ont  saisi  la  lame  meurtrière,  on  trouve 
des  plaies  profondes.  Les  doigts  sont  parfois  presque  entièrement  coupés. 
Dans  bien  des  cas,  le  blessé  tombe,  se  traîne  à  terre  et  se  fait  aux  genoux, 
aux  jambes,  des  excoriations  et  des  contusions. 

Mais  la  victime  tente  quelquefois  de  se  défendre  à  l'aide  des  armes  na- 
turelles dont  l'empreinte  peut  se  retrouver  sur  la  personne  de  l'accusé. 
L'expert,  chargé  de  l'examiner,  doit  procéder  à  une  visite  complète.  Il 
constatera,  le  plus  souvent,  des  coups  d'ongles  au  visage  et  sur  les  mains  ; 


520  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

des  coups  de  pied  dans  le  ventre,  aux  parties  sexuelles  ;  des  morsures  aux 
doigts  et  fréquemment  des  taches  de  sang. 

Lorsqu'il  y  a  eu  lutte,  l'accusé  peut  soutenir  qu'il  n'a  porté  le  coup 
qu'en  se  défendant,  et  que  c'est  le  blessé  qui  s'est  enferré  lui-même.  La 
question  est  fréquente  dans  les  duels ,  et  le  médecin  légiste  a  à  se  de- 
mander si  la  blessure,  en  raison  de  son  siège  et  de  sa  direction,  a  été 
faite  dans  la  ligne  de  combat  ou  en  dehors  de  cette  ligne.  Dans  une  affaire 
de  cette  nature,  d'une  excessive  gravité,  Ollivier  (d'Angers)  avait  conclu 
à  l'enferrement,  parce  qu'il  existait  sur  le  cartilage  de  la  côte  une  dépres- 
sion et  une  rainure  produite  par  le  choc  du  corps  de  la  victime,  venant 
heurter  de  tout  son  poids  contre  le  fer  ;  et  parce  que  les  muscles  sous- 
jacents  avaient  été  lacérés  par  la  vacillation  du  corps.  Ce  sont  là  des  in- 
dices bien  subtils   et  sur  lesquels  il  serait  souvent  hasardeux  de  fonder 
une  appréciation  médico-légale.  Dans  quelques  cas,  la  profondeur  de  la 
blessure  et  le  siège  exceptionnel  qu'elle  occupe  fournissent  des  preuves 
plus  sérieuses.  C'est  ainsi  que  j'ai  vu  s'accomplir  accidentellement  un  par- 
ricide dont  j'ai  pu  démontrer  le  caractère  involontaire.  Une  pauvre  vieille 
mère  se  jette,  les  bras  étendus,  entre  ses  deux  fils  qui  se  battaient  à  coups 
de  couteaux;  et  elle  reçoit  dans  l'aisselle,  et  jusqu'au  fond  de  la  poitrine, 
le  coup  que  l'un  destinait  à  l'autre. 

14°  L<es  blessures  doivent-elles  être  Imputées  à  plusieurs 
individus  ou  à  un  seul?  —  On  comprend  de  quelle  importance  il 
peut  être,  au  commencement  d'une  affaire  criminelle,  de  reconnaître  si 
un  meurtre  a  exigé  le  concours  de  plusieurs,  ou  s'il  est  l'œuvre  d'un  seul. 
La  direction  des  poursuites  dépend  du  jugement  porté  par  l'expert;  et 
jamais  question  plus  délicate  n'a  exigé  une  plus  grande  réserve.  Nous 
ne  pouvons  qu'insister  sur  ce  précepte  général,  sans  l'appuyer  sur  des 
règles  applicables  à  tous  les  cas.  Nous  nous  contenterons  de  poser  quelques 
principes  propres  à  le  guider. 

Le  nombre  même  considérable  des  blessures  n'a  aucune  signification. 
J'ai  examiné  le  cadavre  d'une  femme  qui  portait  près  de  cent  blessures 
faites  avec  des  ciseaux.  L'identité  des  lésions  indiquait  un  seul  meurtrier. 
La  diversité  des  blessures,  supposant  l'emploi  de  plusieurs  armes  diffé- 
rentes, peut  conduire  à  la  pensée  d'un  crime  commis  par  plus  d'un  assassin. 
Mais  l'erreur  à  cet  égard  est  facile.  Il  faut  prendre  garde  que  des  armes  de 
forme  particulière  peuvent  laisser  des  traces  irrégulières  et  assez  difficiles 
à  saisir.  L'exemple  le  plus  frappant  que  j'en  puisse  citer  est  celui  qu'a 
fourni  le  meurtre  de  la  duchesse  de  Praslin.  Sur  le  cadavre,  on  constatait 
trois  espèces  de  blessure  d'aspect  distinct.  Des  contusions  sur  le  front, 
des  plaies  nombreuses  faites  avec  un  instrument  tranchant,  et  enfin, 
sur  le  sommet  de  la  tète,  d'autres  plaies  à  lambeaux,  en  forme  de  V,  qui 
simulaient  l'emploi  de  trois  instruments  vulnérants  et,  par  suite,  l'inter- 
vention de  deux  personnes  au  moins.  C'est  à  cette  conclusion  qu'inclinaient 
les  esprits  à  l'heure  des  premières  constatations.  Mais  nous  ne  tardâmes  < 
pas  à  montrer  que  rien  n'était  moins  prouvé  ;  et  le  fait  vint  confirmer 
l'opinion  des  experts  qui  admettaient  la  possibilité  du  crime  accompli  par 


BLESSURES.  —  médecine  légale.  521 

un  seul.  Deux  armes  seulement  avaient  été  employées,  le  pommeau  d'un 
pistolet  et  un  poignard  corse  dont  on  s'était  servi  tantôt  par  le  tranchant, 
tantôt  par  le  talon  mousse  et  recourbé  de  la  lame. 

Quelques  données  peuvent  enfin  être  déduites  du  défaut  de  résistance 
de  la  victime.  Si  sa  force  lui  eût  permis  de  lutter  contre  un  seul  agres- 
seur, et  que,  dans  tel  ou  tel  genre  de  mort  donnée,  on  ne  trouve  aucune 
trace  de  lutte,  il  y  a  lieu  de  supposer  que  plusieurs  agresseurs  Font  as- 
saillie. 

15'  E*es  coups  ont-ils  été  portés  par  une  personne  très- 
vigoureuse  et  par  une  niain  exercée?  —  Les  circonstances  qui 
peuvent  aider  la  justice  à  reconnaître  le  meurtrier  sont  souvent,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit,  du  domaine  du  médecin  expert.  La  question  de 
savoir  si  les  coups  ont  été  portés  par  une  personne  très-vigoureuse  et  par 
une  main  exercée  est  de  celles  qui  sont  fréquemment  posées  à  cette  in- 
tention. Elle  peut  être  résolue  par  l'appréciation  de  l'étendue  et  de  la  pro- 
fondeur de  la  lésion,  comparées  à  la  nature  de  l'arme  employée;  la  lour- 
deur de  l'instrument  contondant,  opposée  à  ses  effets  plus  ou  moins  vio- 
lents; l'étendue  et  la  profondeur  des  plaies  indiquant  la  force  avec  laquelle 
a  été  manié  l'instrument  piquant  ou  tranchant. 

Quant  à  l'individualité  du  meurtrier,  elle  peut  être  décelée  par  la 
spécialité  de  larme  appartenant  à  telle  ou  telle  profession  ;  le  sabre  ou  la 
baïonnette  du  soldat,  l'outil  de  l'artisan,  tranchet  du  cordonnier,  compas 
du  charpentier,  burin  du  ciseleur,  lime  ou  fraise  du  serrurier  ;  l'espèce 
de  projectile  lancé  par  une  arme  à  feu,  plomb  de  chasse  du  braconnier 
ou  du  garde,  bourre  de  nature  particulière.  Dans  quelques  cas,  le  siège 
et  la  forme  de  la  blessure  indiquent  véritablement  une  main  exercée 
Deux  plaies  régulières  des  carotides ,  faites  avec  une  grande  précisiou 
chez  une  fille  juive,  ont  permis  de  supposer  qu'elle  avait  été  tuée  par  un 
garçon  boucher  accoutumé  à  saigner  les  animaux.  Des  enfants  nouveau- 
nés,  coupés  en  morceaux  comme  un  animal  destiné  à.une  préparation  cu- 
linaire, mettent  sur  la  trace  d'une  servante  infanticide.  Nous  ne  citons 
que  des  exemples  ;  chaque  cas  particulier  exige  des  recherches  spéciales 
et  peut  susciter  de  nouvelles  suppositions. 

16°  ILa  blessure  est-elle  accidentelle  ou  volontaire*  ou 
iloît-elle  être  attribuée  à  tics  violences  criminelles?  —  La 
dernière  question  que  nous  avons  à  traiter  est  peut-être  la  plus  grave  et 
est  certainement  la  plus  complexe  de  celles  que  nous  venons  de  passer 
en  revue.  Rechercher,  en  effet,  si  la  blessure  et,  par  suite,  la  mort,  qui 
peut  en  être  la  conséquence,  est  le  fait  d'un  accident  ou  d'un  crime,  ou 
même  de  la  volonté  du  blessé,  c'est  remonter  à  la  cause  première;  et 
suivant  que  la  science  résout  la  question  dans  un  sens  ou  dans  l'autre, 
le  fait  devient  innocent  ou  criminel,  tombe  sous  la  loi  pénale  ou  donne 
ouverture  à  une  réparation  pécuniaire;  et  il  est  permis  de  dire  que  le  mé- 
decin expert  tient  dans  sa  main  le  sort  d'une  accusation.  Considérées  à 
ce  point  de  vue,  les  blessures  doivent  être  divisées  en  blessures  acciden- 
telles ou  par   imprudence,   auxquelles  se  rattache    l' homicide    involon- 

NOUV.    DICT.    MIÎD.    ET    CHIIt.  V.    —    21 


522  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

taire;  blessures  volontaires,  simulées  ou  artificiellement  provoquées,  dans 
lesquelles  rentre  la  mort  volontaire,  le  suicide  ;  et  enfin,  les  coups  et  bles- 
sures dues  à  des  violences  criminelles,  comprenant  le  meurtre  et  l'assas- 
sinat. 11  convient  de  plus,  dans  la  pratique,  de  les  distinguer  entre  elles  : 
les  blessures  par  imprudence,  des  coups  et  violences  ;  les  blessures 
simulées  ou  artificielles,  des  blessures  et  infirmités  réelles  ;  le  suicide,  de 
l'homicide. 

a.  Blessures  accidentelles.  —  Lorsque  les  blessures  sont  le  fait  d'un 
accident,  deux  conditions  peuvent  se  présenter  à  l'expert.  D'une  part, 
il  peut  avoir  à  fixer  les  bases  de  la  réparation  civile;  de  l'autre,  il  a  à 
écarter  la  supposition  d'un  crime. 

Les  blessures  accidentelles  qui  peuvent  être  imputées  à  l'imprudence  ou 
à  la  négligence,  l'homicide  involontaire  à  plus  forte  raison,  donnent  droit 
à  la  réparation  prévue  par  la  loi  civile.  Celle-ci  se  fonde  sur  l'appréciation 
que  fait  le  médecin  expert  du  dommage  causé  par  la  blessure,  maladie, 
incapacité  professionnelle,  infirmités.  Mais  cette  appréciation  offre  des 
difficultés  de  plus  d'un  genre,  et  commande  à  l'expert  une  très-grande 
sévérité,  car  trop  souvent,  des  calculs  intéressés,  de  véritables  spécu- 
lations se  cachent  sous  les  réclamations  des  blessés.  Dans  ces  sortes  d'af- 
faires, l'expert,  commis  par  un  jugement  du  tribunal,  est  requis  par  le 
ministère  de  l'avoué  du  demandeur,  il  doit  convoquer  les  parties,  les  en- 
tendre contradictoirement,  prendre  connaissance  de  leurs  dires,  ainsi  que 
<les  renseignements  recueillis  dans  les  enquêtes  et  contre-enquêtes.  Son 
rapport,  rédigé  sur  papier  timbré,  doit  énoncer  la  manière  dont  il  a  pro- 
cédé et  les  formalités  que  nous  venons  de  rappeler,  il  doit  être  déposé  au 
greffe  du  tribunal.  Quant  au  fait  en  lui-même,  le  médecin  doit  se  préoc- 
cuper d'en  préciser  les  circonstances,  en  vue  d'établir  la  part  exacte  de 
responsabilité  qui  revient  au  défendeur. 

Les  cas  sont  d'ailleurs  presque  toujours  les  mêmes.  Des  accidents  de 
voiture,  écrasement,  chute,  fractures;  des  accidents  de  chemins  de  fer  et 
leurs  suites  toujours  si  terribles  et  si  longues;  les  éboulements  et  enfouis- 
sements qui  surviennent  dans  les  travaux  de  terrassement  de  carrières 
ou  de  mines  ;  les  travaux  de  construction  qui  exposent  aux  chutes  du 
haut  des  échafaudages  ;  les  accidents  causés  par  les  machines  et  les  mo- 
teurs mécaniques,  arrachements,  mutilations,  infirmités  toujours  graves; 
les  chocs  enfin  produits  par  des  projectiles  lancés  imprudemment  sur  la 
voie  publique,  et  qui  peuvent  blesser  la  tète  ou  entraîner  la  perte  d'un 
œil  :  telles  sont  en  général  les  espèces  à  l'occasion  desquelles  naissent  les 
questions  de  dommages  à  fixer  par  l'expert,  pour  le  cas  de  blessures  ac- 
cidentelles dues  à  la  négligence  ou  à  l'imprudence. 

Nous  devons  mentionner,  à  côté  de  ces  faits,  ceux  que,  par  une  ana- 
logie un  peu  forcée  et  par  une  interprétation  de  la  loi  qui  peut  paraître 
plus  rigoureuse  qu'équitable,  on  en  a  rapprochés  pour  constituer  ce  que 
l'on  a  appelé  la  responsabilité  médicale.  L'erreur,  la  faute  grossière,  l'im- 
péritie  dans  le  traitement  d'une  maladie  ou  dans  la  pratique  d'une  opé- 
ration ont  été  assimilées  à  une  blessure  par  imprudence  et,  en  cas  de 


BLESSURES.  —  médecine  légale.  525 

mort,  à  l'homicide  involontaire.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'aborder  cette 
question  délicate  qui  devait  être  seulement  rappelée  à  cette  place. 

Nous  avons  dit  que  les  blessures  accidentelles  pouvaient  être  quel- 
quefois imputées  à  un  crime  supposé,  et  que  l'expert  devait  être  en  me- 
sure de  combattre  cette  erreur,  dont  les  conséquences  pourraient  être  si 
funestes;  de  même  que,  dans  quelques  cas,  il  y  avait  lieu  de  ne  pas  con- 
fondre les  traces  de  coups  volontaires  avec  celles  des  blessures  acciden- 
telles. Il  est  fort  difficile  de  poser  à  cet  égard  des  règles  générales  et  fixes. 
Le  siège,  la  forme  et  le  nombre  des  blessures  fournissent  cependant  des 
caractères  distinctifs  d'une  grande  valeur,  dont  l'expérience  du  médecin 
saura  tirer  partie.  Les  chutes  d'un  lieu  élevé,  les  écrasements  sur  la  voie 
publique,  suivis  de  mort,  simulent  parfois  un  homicide.  C'est  dans  ces  cas 
que  la  multiplicité  et  la  profondeur  des  lésions  ne  permettraient  pas  de 
se  tromper. 

Il  est  une  nature  de  faits  délictueux  ou  criminels,  faits  trop  fréquents, 
dans  lesquels  des  mauvais  traitements,  des  sévices  exercées  sur  des  en- 
fants, sont  attribués,  par  des  parents  cruels,  à  des  chutes  ou  à  des  contu- 
sions accidentelles.  Ces  cas,  dont  j'ai  eu  occasion  de  recueillir  un  grand 
nombre  d'exemples,  et  dont  j'ai  fait  ailleurs  une  étude  particulière,  of- 
frent des  traits  vraiment  caractéristiques.  Le  plus  souvent,  il  s'agit  de 
pauvres  petits  enfants  n'ayant  pas  atteint  leur  dixième  année ,  dont  le 
corps  est  couvert  et  comme  marbré  d'innombrables  ecchymoses,  d'em- 
preintes de  verges,  de  baguettes,  de  fouet;  les  oreilles  sont  arrachés,  la 
maigreur  est  extrême,  parfois  squelettique,  la  physionomie  souffreteuse, 
marquée  d'une  décrépitude  précoce  ;  la  constitution  tout  entière  est 
altérée,  les  extrémités  gonflées,  tous  les  tissus  pâles  et  exsangues,  l'intel- 
ligence comme  hébétée.  Beaucoup  de  ces  malheureux  succombent  soit  à 
une  dernière  violence,  telle  qu'une  luxation  des  vertèbres  cervicales,  soit 
à  l'insuffisance  de  l'alimentation,  et  l'on  trouve  un  rétrécissement  gé- 
néral du  calibre  de  l'estomac  et  de  l'intestin,  et  un  amincissement  de 
leurs  membranes,  soit  à  une  affection  inflammatoire  ou  tuberculeuse  des 
poumons.  Cet  ensemble  si  frappant  est  bien  suffisant  pour  différencier 
les  violences  exercées  sur  les  enfants,  des  chutes  et  contusions  acci- 
dentelles. 

b.  Blessures  volontaires  simulées  ou  provoquées.  —  La  simulation 
tient  une  grande  place  dans  les  faits  qui  sont  du  ressort  de  la  médecine 
légale,  et  mérite  une  étude  à  part.  Il  y  a,  en  effet,  une  incontestable 
utilité  à  rapprocher  entre  eux,  et  à  considérer,  dans  leurs  traits  communs, 
les  cas  très-divers  où  l'expert  peut  avoir  à  rechercher  et  à  constater  la 
simulation.  Nous  ne  nous  occuperons  ici  que  d'une  façon  sommaire  de 
ce  qui  touche  aux  blessures  en  particulier  ;  et  nous  indiquerons  les  signes 
généraux  auxquels  on  peut  reconnaître  qu'elles  sont  simulées  ou  artifi- 
ciellement provoquées. 

Tantôt  un  individu  se  prétend  victime  d'une  agression  et  montre  à 
l'appui  de  sa  déclaration  mensongère  des  blessures  consistant  le  plus 
souvent  en  des  plaies  très-superficielles  faites  par  un  instrument  tran- 


524  BLESSURES.  —  médecine  légale. 

chant,  dans  un  lieu  accessible  à  la  main  du  blessé.  Parfois  c'est  un  coup 
de  feu  tiré  dans  les  chairs  d'un  membre  à  l'aide  d'une  arme  chargée  à 
poudre;  ou  mieux,  comme  je  l'ai  vu  une  fois,  contenant  un  projectile  de 
petite  dimension.  Dans  tous  ces  cas,  il  importe  de  rapprocher  de  la  blessure 
l'état  des  vêtements  qui  quelquefois  par  le  défaut  de  concordance  des 
plaies  et  des  solutions  de  continuité  suffit  à  déceler  la  fraude. 

D'autres  fois  en  vue  de  faire  croire  à  un  dommage  plus  considérable  et 
de  spéculer  sur  une  blessure  accidentelle  ou  sur  les  suites  de  coups  reçus 
réellement,  la  simulation  consiste  à  exagérer  ou  à  aggraver  les  consé- 
quences d'une  blessure,  soit  par  la  rupture  de  la  cicatrice,  ou  par  des 
applications  irritantes  faites  sur  une  plaie;  soit  par  la  simulation  d'une 
paralysie  ou  douleur  consécutive  à  une  luxation  ou  à  une  fracture. 

c.  Distinction  du  suicide,  de  l'homicide  et  de  la  mort  par  accident. 
—  Personne  n'ignore  que  les  divers  genres  de  blessures  figurent  à  un 
rang  élevé  dans  la  statistique  des  différents  modes  de  suicide.  Il  suffira 
de  rappeler  dans  l'ordre  de  leur  plus  grande  fréquence  les  suicides  par 
coups  de  feu,  par  précipitation  d'un  lieu  élevé,  par  instrument  tranchant 
ou  aigu,  par  écrasement. 

Les  caractères  de  ces  différentes  espèces  de  suicide  sont  en  eux-mêmes 
assez  tranchés  pour  fournir  le  plus  souvent  des  signes  distiuctifs  suffi- 
sants. 

Dans  les  suicides  par  coups  de  feu,  c'est  dans  la  grande  majorité  des 
cas  la  tète  qui  est  frappée.  L'arme  est  le  plus  souvent  dirigée  dans  la 
bouche  et  si  l'explosion  a  eu  lieu  dans  l'intérieur  de  cette  cavité,  on  ob- 
serve une  déchirure  des  commissures  et  des  fissures  rayonnées  en  étoile 
sur  la  voûte  du  palais.  Après  la  face  et  le  crâne,  c'est  sur  la  poitrine, 
dans  la  région  du  cœur  et  beaucoup  plus  rarement  au  ventre  que  portent 
les  blessures  suicides  par  armes  à  feu.  Souvent  le  coup  est  tiré  à  bout  por- 
tant et  l'explosion  n'est  pas  bruyante.  Des  blessures  peuvent  être  faites 
aux  mains  du  suicide  par  l'arme  qui  éclate.  Et  s'il  est  ordinaire  de  trouver 
celle-ci  près  du  cadavre,  il  n'est  pas  sans  exemple  qu'elle  ait  été  proje- 
tée même  à  une  assez  grande  distance.  Il  importe  de  s'enquérir  des 
conditions  matérielles  et  de  la  direction  dans  laquelle  le  coup  est  parti. 
Ces  particularités  peuvent  être  décisives  :  elles  l'ont  été  dans  le  cas  d'un 
individu  trouvé  mort  dans  une  voiture  où  il  était  monté,  au  retour  de 
la  chasse,  avec  son  fusil  chargé,  et  pour  lequel  il  s'agissait  de  savoir  s'il 
y  avait  eu  suicide  ou  explosion  accidentelle  de  l'arme  à  feu. 

Dans  le  cas  de  suicide  par  précipitation  d'un  lieu  élevé  l'expert  peut 
bien  établir  le  fait  de  la  précipitation  par  le  nombre  et  le  caractère  des 
lésions;  mais  il  lui  est  impossible  de  déterminer  si  la  chute  a  été  volon- 
taire ou  non.  L'existence  de  blessures  ayant  notoirement  précédé  la 
chute  serait  à  peine  un  indice  de  violence  criminelle.  Les  mêmes  consi- 
dérations s'appliquent  au  suicide  par  écrasement,  à  l'homme  qui  se  jette 
ou  que  l'on  jette  sous  les  roues  d'une  voiture  ou  d'une  locomotive. 

Les  suicides  accomplis  à  l'aide  d'instruments  tranchants  ou  piquants, 
montrent  ordinairement  des  plaies  au  cou,  au  cœur,  dans  la  région  des 


BLESSURES.  —  médecine  légale.  325 

grandes  artères,  au  ventre.  Les  blessures  sont  placées  dans  un  point  que 
le  blessé  peut  atteindre,  jamais  en  arrière  par  exemple  ;  elles  sont  pro- 
fondes et  dirigées  de  gauche  à  droite  suivant  l'action  de  la  main  du  sui- 
cide. 

En  résumant  les  signes  généraux  à  l'aide  desquels  il  est  permis  de  dis- 
tinguer le  suicide  de  l'homicide,  en  dehors  de  chaque  mode  particulier, 
nous  ajouterons  que  la  blessure  mortelle  chez  le  suicide  est  ordinairement 
unique;  mais  que  cependant  on  trouve  parfois  le  cœur,  les  veines  et  les 
artères  ouverts  ensemble,  et  que  plusieurs  plaies  mortelles,  sur  un  cadavre, 
n'excluent  pas  toujours  d'une  manière  absolue  l'idée  du  suicide.  L'un  par 
exemple  se  coupe  le  cou,  se  tire  un  coup  de  pistolet  dans  le  ventre  et  se 
précipite  par  la  croisée.  Un  autre  se  porte  quatre  coups  de  poignard  dont 
deux  percent  le  cœur  et  se  jette  à  l'eau.  Qu'on  suppose  le  corps  repêché 
après  un  long  temps,  quelles  ne  seront  pas  les  difficultés  de  l'expertise 
médico-légale  appelée  à  décider  dans  un  cas  pareil  entre  le  suicide  ou  l'ho- 
micide. Il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  dans  le  cas  de  mort  volontaire  une 
blessure  avortée  suivie  d'une  blessure  mortelle,  ou  un  mode  plus  sûr 
employé  après  un  moins  certain.  Le  lieu  d'élection  des  blessures  suivant 
chaque  espèce  et  tel  que  nous  l'avons  précédemment  indiquée,  la  posi- 
tion du  cadavre,  l'absence  de  toute  trace  de  lutte,  l'examen  comparatif 
des  armes  et  leur  situation  près  du  corps,  toutes  ces  données  fournissent 
des  signes  d'une  valeur  réelle. 

Enfin  pour  ne  rien  omettre  dans  cette  difficile  question  qui  domine 
on  peut  le  dire,  toute  l'histoire  médico-légale  des  blessures,  l'expert  atta- 
chera une  sérieuse  importance  à  la  constatation  de  certaines  lésions  in- 
ternes qu'il  n'est  pas  rare  de  voir  coïncider  avec  la  tendance  au  suicide 
d'une  part,  des  lésions  cérébrales  auxquelles  correspondent  des  troubles 
des  facultés  mentales,  de  l'autre  des  affections  organiques  du  foie  ou 
des  autres  viscères  dont  l'influence  sur  les  dispositions  morales  ne  sau- 
rait être  contestée. 

i?°  A  l'étude  des  blessures  se  rattache  étroitement,  pour  une  partie 
du  moins,  celles  des  tacites  formées  par  diverses  substances,  par  du  sang 
surtout,  qui  peuvent  se  trouver  sur  la  victime,  sur  le  meurtrier  supposé, 
sur  des  armes  ou  des  objets  saisis  en  sa  possession,  sur  ses  vêtements, 
sur  le  lieu  où  le  crime  a  été  commis.  L'expert  est  appelé  à  en  déter- 
miner la  nature  et  ce  qui  n'est  pas  moins  important  à  établir  dans  quelles 
conditions  elles  ont  été  faites.  Il  reconnaîtra  ainsi  à  l'aide  des  caractères 
physiques,  chimiques  et  microscopiques,  les  taches  de  sang,  de  matière 
cérébrale,  les  débris  de  peau,  de  chair,  de  tissus  quelconques,  les  taches 
de  terre,  de  boue,  de  poussière  et  de  plâtre.  D'un  autre  côté  les  conditions 
dans  lesquelles  ces  diverses  taches  auront  été  faites,  fourniront  un  élément 
important  pour  préciser  les  circonstances  du  crime  et  notamment  la 
position  relative  de  la  victime  et  de  l'accusé,  la  lutte  et  la  résistance, 
l'identité  de  l'accusé,  l'emploi  de  telle  ou  telle  arme,  et  la  simulation 
de  certaines  blessures.  Mais  les  taches  au  point  de  vue  de  la  médecine 
légale,  demandent  une  étude  spéciale  à  laquelle  nous  renvoyons  en  termi- 


526  BLESSURES.  —  bibliographie. 

nant  (voij.  les  articles  suivants  :  Brûlures,  Contusions,  Fractures,  Luxationst 
Mort,  Plaies,  Taches). 

L'article  qui  précède  a  été  conçu  dans  un  esprit  exclusivement  pratique;  et  en  nous  attachant 
à  faire  connaître  l'objet  de  la  mission  du  médecin  expert  dans  les  cas  de  coups  et  blessures, 
et  à  bien  poser  les  questions  nombreuses  et  difficiles  que  ces  faits  soulèvent,  nous  nous  sommes 
abstenu  à  dessein  d'une  exposition  historique  et  d'une  reproduction  des  doctrines  ou  des  obser- 
vations des  auteurs  qui  ont  avant  nous  étudié  à  d'autres  points  de  vue,  ou  enrichi  de  faits  parti- 
culiers l'histoire  médico-légale  des  blessures.  Nous  leur  devons  du  moins  une  mention  que  l'on 
trouvera  dans  la  liste  que  nous  allons  dresser  des  principaux  travaux  relatifs  à  l'important  sujet 
que  nous  venons  de  traiter. 

Traités  généraux  de  médecine  légale  de  Buianr  et  Chaude,  Devergie,  Orfila,  Fodéré  et  Casper. 
Chaussier,  Considérations  médico-légales  sur  l'ecchymose,  la  sugillation,  les  contusions,  les  meur- 
trissures, in  [Recueil  de  mémoires,  consultations  et  rapports  sur  divers  sujets  de  médecine 
légale.  Paris,  18*24). —  Blessure  de  nécessité  mortelle  [Bulletin  médical  de  Bordeaux, 
janvier  1855.  Ann.  d'hygiène,  1855,  t.  XIII,  p.  251). 
Marc,  Rapport  sur  une  blessure  simulée  [Ann.  d'hygiène  publique  et  de  médecine  légale,  1829, 

1"  série,  t.  I,  p.  257). 
Bresciiet,  Questions  relatives  à  la  simulation  des  blessures   [Annales  d'hygiène,  1855,  t'.  IX- 

p.  417). 
Davat  (Th.),  Mémoire  sur  un  cas  de  rupture  du  diaphragme,  par  suite  de  blessures  graves,  et  sur 

les  questions  médico-légales  qu'elles  soulevaient  [Arch.  gêner,  de  méd.,  1854,  t.  VI,  p.  52). 
Boutigny  (d'Evreux),  Recherches  propres  à  déterminer  l'époque  à  laquelle  une  arme  a  été  dé- 
ebargée  [Journ.  de  chimie  médicale.  Annales  d'hygiène,  1854,  t.  XI,  p.  458). —  Sur  ce  pro- 
blème, déterminer  combien  de  temps  s'est  écoulé  depuis  qu'un  fusil  a  été  tiré  [Ann-,  1859, 
t.  XXI,  p.  197).  —  Nouvelles  expériences  sur  les  armes  à  feu  [Annales  d'hygiène,  t.  XXII. 
p.  567,  ibid.,  t.  XXXIX,  p.  582). 
Lachèse  fils  (d'Angers),  Observations  et  expériences  sur  les  plaies  produites  par  des  coups  de 
fusil,  chargés  à  poudre  ou  à  plomb,  et  tirés  à  petite  distance  [Annales  d'hygiène,  1856,  t.  XV, 
p.  559). 
Ollivier  (d'Angers),   Consultation  médico-légale  et  observations  sur  quelques-uns  des  phéno- 
mènes cadavériques  qu'on  peut  confondre  avec  des  lésions  accidentelles  antérieures  à  la  mort 
[Arch.  génér.  de  méd.,  fév.  1859,  et  Ann.  d'hygiène  publique,  t.  XXII,  p.  195).  —  Mémoire 
et  observations  médico-légales  sur  les  plaies  par  armes  à  feu  [Ann.  d'hygiène,  t.  XXII,  p.  518) . 
—  Note  sur  un  cas  de  plaie  pénétrante  de  la  poitrine,  faite  par  un  instrument  piquant  et  non 
tranchant  [Annales  d'hygiène,  1845,  t.  XXX,  p.  1G9). 
Boys  de  Loury,  Affaire  de  l'assassinat  de  la  dame  Renaud  [Annales  d'hygiène,  1859,  t.  XXII. 

p.  170. 
Malle,  Essai  médico-légal  sur  les  cicatrices  [Annales  d'hygiène,  1840,  t.  XXIII,  p  409).  —  Lettre 

sur  les  plaies  d'armes  à  feu  [Annales  d'hygiène,  1840,  t.  XXIII,  p.  45b). 
Devergie  (A.),  Expertise  médico-légale  à  l'occasion  d'un  assassinat  précédé  d'un  duel  [Annales 
d'hygiène,  1842,  t.  XXYII,  p.  508).  —  Suicide  par  un  instrument  tranchant  simulant  l'homicide 
[Ann.,  t.  IY,  p.  414). —  Recherches  sur  les  plaies  d'armes  à  feu  [Bull,  de  V Acad.de  méd., 
10  octobre  1848  ;  Annales  d'hygiène,  1849,  t.  XLI,  p.  212). 
Bayard  (H.),  Quelques  considérations  médico-légales  sur  le  diagnostic  dilférentiel  des  ecchymoses 
[Annales  d'hygiène,  1845,  t.  XXX,  p.  588).  —  Coup  de  baïonnette.  La  blessure  est-elle  le  ré- 
sultat d'un  coup  volontairement  porté?  ou  bien  est-elle  accidentelle  [Revue  médico-légale. 
Annales  d'hygiène,  1847,  t.  XXXVII,  p.  458).  —  Coup  de  poignard.   Largeur  de  la  plaie 
beaucoup  plus  considérable  que  celle  de  l'arme  (ibid.,  p.  461). —  Pistolet  chargé  à  poudre, 
tiré  à  bout  portant,  et  deux  coups  de  couteau  (ibid.,   p.  461).  —  Examen  médico-légal  de 
plusieurs  cas  de  blessures  [Ann.  d'hygiène,  1848,  t.  XXXIX,  p.  452). 
Lemoine  (Victor),  Rapport  médico-légal  sur  un  cas  de  blessure  par  arrachement  [Ann.  d'hygiène, 

1847,  t  XXXVII  p.  158). 
Tourdes  ,  Des  blessures  de  l'artère  mammaire  interne,  sous  le  point  de  vue  médico-légal  [Ann. 

d'hygiène,  1849,  t.  XLII,  p.  165). 
Biuerre  de  Boismoxt  (A.),  Observations  médico-légales  sur  les  diverses  espèces  de  suicides  [Ann, 
d'hygiène,  1848,  t.  XL,  p.  411).—  Du  suicide  et  de  la  folie  suicide,  2e  édition.  Paris.  1865. 
Toulmouche  (A.),  Des  blessures  mortelles  du  ventre,  étudiées  au  point  de  vue  médico-légal  [Ann. 
d'hygiène,  2e  série,  t.  X,  p.  125).  —  Des  plaies  pénétrantes  de  la  poitrine,  au  point  de  vue 
à  la  fois  clinique  et  médico-légal  [Ann.  d'hygiène,  2e  série,  t.  XI,  p.  456,.  —  Des  lésions  du 
crâne  et  de  l'organe  qu'il  renferme,  étudiées  au  point  de  vue  médico-légal  [Annales  d'hygiène. 
2e  série,  1859,  t.  XII,  p.  595;  et  1860.  t.  XIII,  p.  143  el  599).  —  Nouvelle  étude  médico-légale 


BOISSONS.  —  boissons  fermentées.  527 

sur  les  difficultés  d'appréciation  de  certaines  blessures  [Ann. d'hygiène,  2esérie,  t.  XXV,  p.  119). 
Tahuieu  (Ambroise),  Relation  médico-légale  de  l'assassinat  de  madame  la  ducbcsse  de  Praslin  et 
du  suicide  de  l'accusé  [Annales  d'hygiène,  t.  XXXVIII,  p.  367).  — Observations  médico-légales 
sur  l'état  d'ivresse,  considéré  comme  complication  des  blessures  et  comme  cause  de  mort  prompte 
ou  subite  (Ann.,  t.  XL,  p.  590).  —  Observations  et  expériences  sur  les  effets  d'un  coup  de  canon 
chargé  à  poudre,  pour  servir  à  l'histoire  médico-légale  des  blessures  par  armes  à  feu  [Annales 
d'hygiène,  2e  série,  1859,  t.  XI,  p.  420).  —  Étude  médico-légale  sur  les  sévices  et  mauvais 
traitements  exercés  sur  des  enfants  [Annales  d'hygiène,  2e  série,  1800,  t.  XIII,  p.  361).  — 
Observations  et  expériences  nouvelles  pour  servir  à  l'histoire  médico-légale  de  la  combus- 
tion du  corps  humain  et  des  blessures  par  armes  à  feu  [Annales  d'hygiène,  2e  série,  1860, 
t.  XIII,  p.  124).  —  Question  médico-légale  sur  un  cas  de  mort  violente  par  un  coup  de  feu, 
survenue  soit  par  le  fait  d'un  suicide,  soit  par  accident  [Annales  d'hygiène,  2e  série,  1860 
t.  XIII,  p.  443). 

Ambroise  Tardieu. 
BliEUE  (Maladie).  Voy.  Argent  et  Cyanose. 
BLEUES  (Taches).  Voy.  Taches. 

BOISSONS.  — Nom  sous  lequel  on  désigne  les  liquides  destinés  àêltfè 
introduits  dans  l'estomac,  soit  pourétancher  la  soif  en  réparant  les  peFte 
aqueuses  de  l'organisme,  soit  pour  favoriser  les  fonctions  digestives  en  fan- 
cilitant  la  dissolution  et  l'absorption  des  substances  alimentaires^  soit 
enfin  comme  aliments  eux-mêmes  ou  comme  agents  thérapeutiques*   89b 

Toutefois,  ce  n'est  pas  dans  un  cadre  aussi  large  que  sera  développée 
ici  la  question  qui  nous  occupe.  C'est  ainsi  que,  pour  les  boissons  médi- 
camenteuses, nous  renverrons  le  lecteur  aux  mots  :  Tisanes,  Apozème^ 
Potions,  Juleps,  Loochs,  etc.,  n'envisageant  le  sujet  qu'au  seul  point  de 
l'hygiène,  laissant  même  de  côté,  comme  devant  faire  l'objet  d'artidte» 
spéciaux  :  les  eaux  qui  sont,  il  est  vrai,  employées  comme  boissdnsy 
mais  qui  servent  en  outre  à  d'autres  nombreux  usages,  et  aussi  les  Bouil- 
lons, le  Lait  et  le  Chocolat  qui,  selon  nous,  doivent  être  considérés  côfflame 
de  véritables  aliments,  et  non  comme  des  boissons  proprement  ditesuio) 

Restreint  aux  limites  que  nous  venons  d'indiquer,  cet  article  eom>4 
prendra  :  1°  les  boissons  alcooliques;  2°  les  boissons  acidulés;  idhtai 
boissons  aromatiques.  t'irp 

BOISSONS    ALCOOLIQUES.  )llÔ 

Les  boissons  alcooliques  peuvent  être  divisées  en  boissons  obtenues 
par  fermentation  et  boissons  obtenues  par  fermentation  et   distillation. 

Boissons  fermeniéei.  —  Les  boissons  fermentées,  dont  on  fait  nu 
si  grand  usage  dans  les  différentes  parties  du  globe,  sont  extrêmement 
nombreuses  ;  quoi  qu'il  en  soit,  il  ne  sera  question  ici  que  des  princi- 
pales boissons  consommées  en  Europe,  c'est-à-dire  du  vin,  du  cioVe,  du 
poiré  et  de  la  bière.  <g*n 

A.  Vin.  —  Le  vin  est  une  boisson  qui  résulte  de  la  fermentation  aïdoo* 
lique  du  moût  ou  jus  de  raisin  (Vitis  vinifera,  de  la  famille  des  Afitpé- 
lidées). 

Composition  du  (jrain.  —  Le  grain  de  raisin  tapissé  d'une  efflore^cence 
blanchâtre  qui  le  défend  contre  l'action  directe  de  l'humidité,  présente 
une  enveloppe  de  cellulose  incrustée  de  matières  grasses,  cireuses,  ttiitië^- 
raies  et  azotées,  et  sous  cette  enveloppe  une  couche  de  tissu  adhérent  qui 


528  BOISSONS.  —  boissons  fermentées. 

contient  des  matières  colorantes  qui  font  virer  la  couleur  du  vin  du  violet 
au  rouge  orangé  ou  au  jaune  paille,  des  huiles  essentielles,  du  tannin  et 
des  matières  azotées;  enfin,  la  masse  interne  du  fruit,  sorte  de  pulpe  con- 
stituée par  du  tissu  cellulaire,  renferme  de  l'eau,  du  glycose,  de  l'acide 
pectique,  de  l'albumine,  du  ferment,  des  pectates  et  pectinates  de  chaux, 
de  potasse  et  de  soude,  des  tartrates  et  paratartrates  de  potasse,  de  chaux 
et  d'alumine,  du  sulfate  de  potasse,  des  chlorures  de  potassium  et  de 
sodium,  du  phosphate  de  chaux,  de  l'oxyde  de  fer,  de  la  silice,  etc.  Dans 
cette  pulpe,  où  se  ramifient  des  vaisseaux  très-fins,  sont  engagés  deux  à 
quatre  pépins  constitués  par  une  amande  oléagineuse,  recouverte  d'un 
épisperme  ligneux  chargé,  comme  la  rafle  et  les  enveloppes  du  fruit, 
d'une  assez  forte  quantité  de  tannin.  Un  chimiste  italien,  Fabroni,  a  con- 
staté, en  disséquant  le  grain  du  raisin,  que  le  sucre  et  les  matières  azotées 
que  l'on  appelle  improprement  ferment,  s'y  trouvaient  contenus  dans 
des  organes  spéciaux.  Raspail  a  confirmé  cette  observation  en  montrant 
que  le  sucre  existe  dans  les  vaisseaux  qui  forment  le  réseau  du  fruit,  tandis 
qaie  la  pulpe  elle-même  n'en  renferme  aucune  trace. 

Vins  rouges.  —  Le  raisin  préalablement  égrappé  est  ensuite  foulé  dans 
des  cuves  où  la  fermentation  s'établit.  Lorsque  le  liquide  de  la  cuve  ne  bout 
plus,  iqu'il  a  pris  une  saveur  forte  et  vineuse,  qu'il  s'est  éclairci,  on  le 
soluime-dans  des  tonneaux,  et  l'on  passe,  à  plusieurs  reprises,  au  pressoir, 
lerωffCi^ui  reste,  afin  d'en  extraire  le  vin  dit  de  presse. 

La  dusrée  de  la  fermentation  ou  plutôt  du  séjour  dans  les  cuves,  de 
sefHià^dikkjours,  varie  suivant  les  crus  et  aussi  suivant  le  degré  de  raa- 
lwiié<àek  raisins. 

-jiâ<rilsQiltiB*Jtle  la  cuve,  le  vin  est  distribué  dans  des  tonneaux  placés, 
autant sqaàaè^èssible,  dans  une  cave  ni  trop  sèche  ni  trop  humide,  où  il 
continue  denfennenter.  A  mesure  que  la  fermentation  s'affaiblit,  le  vo- 
lume du  liquifediminue  ;  on  verse  alors  du  vin  dans  les  tonneaux,  de 
manière  qwïïlsi  soient  toujours  pleins,  c'est  ce  qu'on  appelle  ouiller.  Lors- 
qu'il ne  se  produit  plus  de  mouvement  sensible,  que  la  liqueur  paraît 
être  en  repos,  ce  vin,  quoique  encore  trouble,  peut  être  considéré  comme 
fait.  Peu ,à<peu4^î^rJs  de  pulpe,  le  ferment  coagulé,  un  peu  de  matières 
coj(^'a.utes,\flu|4a^l^^}^^tfate  acide  de  potasse),  se  précipitent  et  forment 
au  roiult(^s,|pr]ncaur\j:pi;ît|9pôt  que  Ton  désigne  sous  le  nom  de  lie.  Pour 
éviter  <$^î£e%f#j  %ej$|  #le  au  vin  par  l'agitation  ou  par  le  change - 
men^de^nip^mtu^e^jl^,^  fasse  à  tourner  à  l'aigre,  on  tire  le  vin  à 
cf^ir.ai^mq^n  &\*rs@yfyft%e.&r£§s  vins  qui  ne  sont  pas  clairs  après  le  souti- 
rage, doivent  être  clarifiés  au  moyen  du  collage  et  soutirés  de  nouveau  dès 

g&femy$tefift^  bI  ob  sjiireài  ; 

è^méiWam*é&  i\PW(m^  Perdent  de  leur  àPreté  Par  sulte  du 
collage  ;  les  bons  vins  en  acquièrent  plus  de  finesse. 

Quand  ks  vins  sont  très-Çorift^t^rtout  acerbes  ou  durs,  en  raison  du 

tannin  cpi'i)s  jeu  ferment,  «MvipfS.  au'qucjt,  tout  en  les  clarifiant,  au  moyen 

du  sai^g  ik  bœui'ou  de  mouton  :  on;en.v,<?rse  un  demi-litre  tout  chauvi  da#tfj 

la^iè^0Q.n,  agite  vivement,  et   on  laisse  reposer.  L'albumine  du, sa^g. 


BOISSONS.  —  boissons  fermentées.  329 

enlève  une  forte  partie  du  tannin  qui  se   précipite  à  l'état  de  tannate 
d'albumine  insoluble. 

Vins  blancs.  —  Les  vins  blancs  sont  obtenus  avec  des  raisins  blancs, 
mais  on  les  fabrique  également  avec  des  raisins  noirs.  Seulement,  au  lieu 
de  laisser  fermenter  le  moût  sur  le  marc,  on  procède  au  soutirage  dès 
que  le  grain  est  écrasé.  Les  matières  colorantes  étant  contenues  dans  F  épi- 
carpe,  c'est-à-dire  dans  la  pellicule  extérieure,  et  ces  matières  ne  se  dis- 
solvant pas  dans  l'eau,  mais  dans  l'alcool,  on  comprend  aisément  que  le 
vin  obtenu  ainsi  soit  sans  couleur,  puisque  l'épicarpe  est  enlevé  avant 
toute  fermentation. 

Vins  de  liqueur.  —  Les  vins  de  liqueur,  ou  vins  sucrés,  se  préparent 
en  Italie,  en  Espagne  et  dans  le  midi  de  la  France,  avec  les  raisins  très- 
sucrés  de  ces  contrées.  C'est  à  la  propriété  que  l'alcool  possède  d'arrêter 
la  fermentation  alcoolique  dans  les  liquides  sucrés,  lorsque  ceux-ci  arri- 
vent à  en  contenir  15  à  20  pour  100,  que  les  vins  de  liqueurs  doivent 
de  conserver,  pour  la  plupart,  une  notable  proportion  de  sucre. 

Vins  mousseux.  —  Les  vins  mousseux  les  plus  célèbres  sont  ceux  de 
Champagne  (Aï,  Epernay),  d'Arbois  en  Franche-Comté,  et  de  Saint-Peray 
en  Languedoc.  Les  vins  mousseux  de  la  Bourgogne,  de  la  Touraine  et  des 
bords  du  Rhin  sont  généralement  moins  estimés.  C'est  avec  du  raisin 
noir  que  l'on  prépare  le  vin  de  Champagne  ;  mais  le  pressurage  s'exécute 
avec  la  plus  grande  célérité,  et  l'on  ne  destine  au  vin  mousseux  blanc 
que  la  mère-goutte.  Au  moment  où  l'on  met  en  tonneaux,  on  ajoute  or- 
dinairement un  litre  d'eau-de-vie  de  Cognac  pour  100  litres  de  moût. 
C'est  généralement  en  décembre,  par  un  temps  sec  et  froid,  que  l'on  pro- 
cède au  premier  soutirage  et  au  collage.  Celui-ci  s'effectue  au  moyen 
d'une  solution  de  16  gr.  d'ichthyocolle  pour  200  bouteilles.  On  soutire 
une  deuxième  et  une  troisième  fois. en  janvier  et  en  février.  Ce  troisième 
soutirage  est  suivi  d'un  second  collage.  Enfin,  en  avril,  on  met  le  vin  en 
bouteilles.  Le  vin,  ainsi  embouteillé  et  parfaitement  bouché,  est  aban- 
donné à  lui-même  pendant  huit  à  dix  mois.  La  fermentation  continuant, 
il  se  forme,  dans  la  partie  inférieure  de  la  bouteille,  un  dépôt  que  l'on 
enlève  avec  précaution,  en  tenant  la  bouteille,  le  col  en  bas,  et  laissant 
échapper  le  bouchon  avec  une  petite  quantité  de  vin  que  l'on  remplace 
par  du  vin  clair.  On  bouche  de  nouveau,  et  le  plus  promptement  pos- 
sible, les  bouteilles  qui,  convenablement  ficelées,  sont  livrées  ensuite  à 
la  consommation  au  bout  de  cinq  ou  six  moisu, 

On  prépare  aussi,  et  en  quantité  qui  chaque  jour  devient  plus  grande, 
des  vins  mousseux  artificiels,  en  chargeant  d'acide  carbonique  des  vins 
blancs  sucrés  et  légèrement  alcoolisés;  Lôrsquiei  les  produits  employés 
sont  de  bonne  qualité,-  on  obtient  ainsi  des  vins  rnousseux  excellents, 
mais  qui  cependant  se  distinguent  toujours  des  vrais  vins  de  Champagne, 
pa^fô'^éfiiAiijtî  quMlshcmt),!  uaenfois'Versésfjfide  |>e«dr'e<|)pesque  immédiate- 
ment., ilour  mousse.  CeUiÇiffabrioaiion-  des  vins  moussé uxi artificiels  constitue 
anjoiijçdîluùi ?une  iric(u$i.fiio  jqui  a  pris  de;  t^èst-grands  'développements. 
ti&qWîlQhUion  des. vins,  —  Un  grand  nombre/de  circonstances  fonlvarâêin 


550 


BOISSONS.  —  boissons  fermeîstées. 


la  composition  des  vins  :  outre  la  nature  du  cépage,  le  procédé  de  cul- 
ture, la  latitude,  l'exposition,  la  composition  du  terrain,  et  aussi,  d'a- 
près Bourchardat  et  de  Vergnette-Lamothe,  l'élévation  au-dessus  du  ni- 
veau de  la  mer,  il  faut  tenir  compte,  après  la  fermentation  du  moût, 
des  modilications  qui  s'accomplissent,  avec  le  temps,  par  la  réaction,  les 
uns  sur  les  autres,  des  nombreux  principes  contenus  dans  les  différentes 
sortes  de  vins. 

Par  la  fermentation,  le  sucré  dissous  dans  le  moût  se  transforme  en 
alcool  qui  demeure  dans  le  vin  et  en  acide  carbonique  qui  se  dégage.  II 
se  produit  en  outre  de  la  glycérine  et  de  l'acide  succinique  (Pasteur),  de 
l'acide  acétique  (Béchamp)  et  de  l'acide  œnanthique  (Liebig  et  Pelouze), 
lequel,  en  se  transformant  en  éther  œnanthique,  donne,  dit-on,  aux  vins 
leur  odeur  vineuse.  De  plus,  on  a  trouvé  dans  les  derniers  produits  de  la 
rectification  de  l'alcool  de  vin  plusieurs  autres  alcools  congénères  tels  que 
les  alcools  butyrique,  amylique,  caproïque,  caprylique.  Par  l'action  des 
acides  et  des  sels  acides  du  vin  sur  ces  divers  alcools,  il  se  produit  avec 
le  temps  différents  composés  éthérés  qui  interviennent  dans  la  composi- 
tion de  ce  produit  complexe  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  bouquet  des 
vins.  D'après  de  récentes  recherches  de  Berthelot,  le  corps  qui  jouerait 
le  rôle  le  plus  important  dans  la  formation  du  bouquet  des  vins  serait  un 
aldéhyde  très-oxydable,  comme  tous  les  aldéhydes,  se  formant,  comme 
eux,  par  une  première  oxydation  des  alcools,  et  se  détruisant  par  une  oxy- 
dation plus  avancée. 

Voici  d'après  Bouchardat  la  composition  moyenne  d'un  vin  rouge  pour 
1000  parties  : 


878 
100 

traces 


Eau , 

Alcool  vinique 

—     butyrique,  amylique,  etc 

Aldéhydes  divers ' 

Éthers  acétique,  caprique,  caproïque,  caprylique,  ele 

Huiles  essentielles,  parfums  particuliers 

Sucres,  marmite,  glycérine,  mucilage,  gommes 

Matières  colorantes 

—  grasses ■ 

—  azotées .' 

Acide  tannique 

—  succinique 

—  carbonique 

Tarlrate  acide  de  potasse  (deux  à  six  parties) \ 

Tarlrates,  racemates ] 

Acétates,  propionates,  butyrates,  lactates [la  plupart 

Citrates,  malates >  avec  excès 

Sulfates,  azotates I      d'acide 

Phosphates  siliceux ] 

Chlorures,  bromures,  iodures,  fluorures 

Potasse,  soude,  chaux  (traces),  magnésie 

Alumine,  oxyde  de  fer,  ammoniaque 

Plusieurs  des  substances  enumérées  dans  le  tableau  qui  précède 
n'entrent,  il  est  vrai,  dans  les  vins  que  pour  quelques  fractions  de  milli- 
grammes; quelques-unes  même  peuvent  manquer  complètement  dans  cer- 
tains d'entre  eux,  mais  on  y  rencontre  toujours  et  en  proportions  plus 


BOISSONS.  —  boissons  fermektées.  331 

ou  moins  notables  de  l'alcool,  du  tannin* et  du  tartre.  Ce  sont  ces  trois 
substances  qui  donnent  aux  différents  vins  les  principales  qualités  parti- 
culières à  chacun  d'eux. 

D'une  manière  générale,  on  peut  dire  que  les  vins  rouges  diffèrent  des 
vins  blancs  par  laplus  forte  proportion  de  tannin  et  de  matières  colorantes 
qu'ils  renferment,  et  que  les  vins  de  liqueurs  se  distinguent  des  précé- 
dents en  ce  qu'ils  contiennent  du  sucre  pour  la  plupart  et  davantage  d'al- 
cool. Il  est  une  distinction  peut-être  encore  plus  importante  à  faire  entre 
les  crus  des  différents  vignobles,  par  exemple  entre  ceux  de  la  Côte-d'Or 
et  ceux  de  la  Gironde;  entre  ces  derniers  et  ceux  des  côtes  du  Rhône,  etc. 
En  effet,  bien  que  la  quantité  de  tannin  soit  moindre  dans  les  vins  blancs, 
on  conçoit  cependant  qu'il  puisse  y  avoir  moins  de  différence  entre  tel 
vin  rouge  et  tel  vin  blanc  d'un  même  terroir,  entre  le  Chàteau-Laroze  et 
le  Sauterne  par  exemple,  qu'entre  deux  vins  rouges  ou  deux  vins  blancs 
appartenant  à  deux  vignobles  différents,  qu'entre  le  vin  d'Argenteuil  et 
le  vin  de  Langlade,  ou  entre  le  vin  de  Pouilly  et  celui  de  Bergerac.  Ce  sont 
ces  considérations  qui  ont  conduit  Bouchardat  à  adopter  la  classification 
suivante  : 

1.    VINS   DANS    LESQUELS    DOMINE    UN    DES    PRINCIPES    ESSENTIELS    DU    VIN. 

!vins  secs Madère,  Marsala. 

vins  sucrés.    .    .    .  Malaga,  Banyuls,  Lunel. 

vins  «le  paille.    .    .  Arbois,  Ermitage. 

B.  Astringents.   ;  j  avec  bouquet.    .   .  Ermitage. 

j  sans  bouquet.     .    .  Cahors. 

C    a     j   .  \  avec  bouquet.    .    .  "Vin  du  Rhin. 

{  sans  bouquet.    .    .  Vins  de  (Jouais,  d'Argenleuil 

D.  Mousseux Champagne,  Saint-Peray. 

II.    VINS   MIXTES    OU    COMPLETS. 

|  Bourgogne Clos-Vougeot,  Mont-Rachet. 

A.  Avec  bouquet.  .  I  Médoc Chàteau-Laroze,  Sauterne. 

!  Midi Langlade,  Saint-Georges. 

B.  Sans  bouquet Vins  de  Bourgogne  et  de  Bordeaux  ordinaires. 

Le  tableau  suivant  donne  les  proportions  en  volumes  d'alcool  pur  con- 
tenues dans  100  parties  de  vins  de  différents  crus  et  de  quelques  autres 
boissons: 

Vin  de  Marsala 25,83 

—  de  Porto '. 20,00 

—  de  Madère  du  Cap 18,87 

—  de  Lacryma-ehristi 18,12 

—  de  Xérès 17,63 

—  rouge  de  Constance 17,47 

—  de  Bagnols 17,00 

—  muscat  du  Cap 16,79 

—  de  Roussillon 16,68 

—  de  Collioure  (Pyrénées-Orientales) 16,10 

—  de  Johannisbcrg K>  à  16,00 

—  de  Grenache 16,00 

—  de  Madère  naturel 15,50 

—  blanc  de  l'Ermitage.    ...       lia  15,50 

—  de  Banyuls  (Pyrénées-Orientales) 15,16 

—  de  Malvoisie  de  Madère 15,08 

—  de  Malaga 15,00 

—  de  Chvpre 15,00 


552  BOISSONS.  —  boissons  fermentées. 

Vin  blanc  de  Sauternc  (Gironde) 15.00 

—  de  Saint-Georges  (Côle-d'Or) 15,00 

—  d'Alicante 13  à  15,00 

—  blanc  de  Barsac  (Gironde) 14,75 

—  de  Tavel  (Haute-Garonne) 14,00 

—  blanc  de  Mont-Racbet  (Côtc-d'Or)  (1840) 14,00 

—  de  Lunel  (Hérault) 15,70 

—  blanc  de  Bergerac 13,65 

—  de  Nuits  (1846) 15;05 

—  de  Narbonne  (Pyrénées-Orientales).. 15,00 

—  de  Chablis  (1842) ' 12,54 

—  de  Graves  (Gironde) 12,50 

—  de  Beaune  (Côle-d'Or) ; 12,20 

—  de  Frontignan  (Hérault) 11,80 

—  de  Sillery  mousseux  (Marne) 9  à  11,00 

—  de  Cahors  (Lot)  (terre  calcaire) 11,36 

—  de  Côte-Rôtie  (Lyonnais) 11,30 

—  de  Volney  (Côle-d'Or) 11,14 

—  blanc  de  Mâcon 11,11 

—  d'Orléans  (Loiret) 10,66 

—  de  Cahors  (terrain  argileux) 10,00 

—  de  Mâcon 10,00 

—  de  Saumur ,    .  9,90 

—  de  Saint-Émilion  (Gironde)  (1842) 9,21 

—  de  Léoville    Gironde) 9,15 

—  de  Tokay  (Hongrie). 9,10 

Cidre  le  plus  spiritueux 9,10 

—  de  Brannes-Mouton  (Gironde)  (1840) 9,00 

—  de  Haut-Brion  (Gironde) 9,00 

Vins  vendus  en  détail  à  Paris 8  à  9,00 

—  de  Cbâtcau-Margaux  (Gironde)  (1840) 8,75 

—  de  Cbàleau-Laflitte  (Gironde) 8,70 

—  de  Sancerre  (Cher) 8,55 

—  de  Saint-Julien  (Gironde)  (1838) 8,00 

—  blanc  de  Chablis 7,53 

Hydromel 6.73 

Poiré 6,70 

Aie  d'Edimbourg 5,70 

Cidre  le  moins  spiritueux 4,00 

Porter  de  Londres.  .    .    , 3,90  à  4,50 

Bière  de  Strasbourg 5,50  à  4,50 

—  de  Lille  rouge  et  blanche 2,90  à  3,00 

—  de  Paris  (petite  et  double) 1,00  à  2,50 

Petite  bière  de  Londres 1,20 

Maladies  des  vins.  —  Les  vins  sont  sujets  à  des  altérations  spontanées 
ou  maladies  dont  les  principales  sont  la  graisse,  la  pousse,  l'amer,  l'aces- 
cence,  l'inertie,  la  fleur. 

La  graisse  atteint  particulièrement  les  vins  blancs  qui  deviennent  alors  fi- 
lants comme  du  blanc  d'oeuf  par  suite  du  développement  d'une  matière  or- 
ganique, la  glaïadine,  que  l'on  peut  précipiter  en  ajoutant  au  vin  une  dis- 
solution de  tannin  ou  des  copeaux  de  chêne  qui  en  contiennent. 

La  pousse  est  une  seconde  fermentation  qui  se  développe  tumultueuse- 
ment dans  les  tonneaux  et  qui  a  pour  effet  de  faire  tourner  le  vin  à 
l'amer.  On  remédie  à  la  pousse  en  soutirant  le  vin  dans  un  tonneau 
préalablement  soufré  ;  l'acide  sulfureux  produit  arrête  la  fermentation. 

Les  vins  rouges  en  vieillissant  tournent  quelquefois  à  Y  amer.  Cette  ma- 
ladie, qui  affecte  communément  les  vins  de  Bourgogne,  disparaît  quel- 


BOISSONS.  —  boissons  fermektées.  535 

quefois  par  l'addition  d'un  peu  d'alcool,  mais  ou  y  remédie  bien  plus 
sûrement  en  ajoutant  dans  le  vin  altéré  du  vin  nouveau  de  même 
qualité. 

Lorsque  les  vins  tournent  à  Vacescence,  il  est  très-difficile  de  les  gué- 
rir; le  mieux  est  de  les  livrer  au  vinaigrier.  Il  n'en  est  pas  de  même  lors- 
qu'ils sont  naturellement  acides,  et  qu'ils  doivent  cette  acidité  à  un  excès 
d'acide  tartrique  :  on  peut  alors  faire  passer  celui-ci  à  l'état  de  tartrate 
acide  de  potasse,  très-peu  soluble,  par  l'addition  d'un  peu  de  tartrate  de 
potasse  neutre. 

V inertie  est  l'arrêt  de  la  fermentation  du  vin.  On  y  remédie  en  élevant 
la  température  du  lieu  où  s'opère  la  fermentation. 

Enfin  on  donne  le  nom  de  fleurs  à  ces  végétations  blanches  et  très-di- 
visées  [mycoderma  vint)  qui  se  montrent  dans  les  tonneaux  en  vidange 
ou  dans  les  bouteilles  mal  bouchées  et  qui  sont  dues  par  conséquent  à 
l'action  de  l'air  sur  les  vins.  Pour  se  débarrasser  des  fleurs,  il  suffit  de 
remplir  complètement  le  tonneau,  les  fleurs  viennent  à  la  surface  et,  au 
moyen  d'un  coup  de  genou  donné  au  fût,  on  les  fait  disparaître. 

Dans  ses  recherches  sur  les  maladies  des  vins,  Pasteur  avait  constaté 
que  les  vins  ne  deviennent  malades  qu'en  raison  de  la  présence,  dans  leur 
sein,  d'un  des  ferments  mycodermiques  dont  il  a  donné  la  description  ; 
qu'ils  restent  tolérables  lorsque  la  quantité  de  ferment  n'est  pas  trop 
grande;  qu'ils  s'altèrent,  au  contraire,  profondément  au  point  de  ne 
plus  être  buvables,  quand  les  ferments  s'y  trouvent  par  trop  abondants. 
Ayant  soumis  les  vins,  pendant  quelques  heures,  à  l'action  d'une  chaleur 
de  50  à  GO  degrés,  moyen  qui,  du  reste,  a  été  employé  également  par 
M.  Vergnette  de  Lamotte,  il  remarqua  qu'ils  s'étaient  améliorés  et  étaient 
devenus  beaucoup  moins  altérables.  Le  moyen  est  facile  à  appliquer, 
même  dans  un  espace  assez  étroit,  à  un  nombre  considérable  de  bou- 
teilles. On  a  une  petite  étuve  chauffée  à  60  degrés;  on  y  met  les  bouteilles 
bien  remplies  et  exactement  bouchées  et  ficelées;  au  bout  de  quelques 
heures,  on  détache  les  ficelles,  on  coupe  les  bouchons,  on  cachette,  et 
l'opération  est  terminée. 

Essais  des  vins.  —  Il  est  peu  de  substances  qui  soient  sujettes  à  autant 
de  fraudes  que  les  vins.  On  déguise  la  verdeur  des  vins  de  mauvaise  qua- 
lité, on  relève  la  saveur  des  vins  plats,  on  ajoute  de  l'eau  aux  vins  forts, 
on  aromatise  les  vins  communs  et  on  modifie  leur  couleur  avec  des  sub- 
stances tinctoriales  ou  des  sucs  végétaux  ;  quelquefois  même,  dans  les 
grandes  villes,  on  fabrique  des  vins  sans  raisin,  au  moyen  de  mélanges 
d'eau,  de  sucre,  d'alcool,  de  vinaigre  et  de  matières  colorantes  diverses. 
Mais  la  pratique  la  plus  commune  consiste  à  mélanger  plusieurs  espèces 
de  vins  dans  le  but  d'obtenir  des  vins  de  cuvée  destinés  au  détail.  A  Paris, 
on  coupe  les  gros  vins  d'Auvergne,  de  Brie,  d'Orléans,  etc.,  avec  les  vins 
blancs  légers  de  la  basse  Bourgogne,  del'Anjou,  etc.  Les  vins  de  Bordeaux 
sont  imités  en  mélangeant  2/3  ou  5/4  de  vin  blanc  de  l'île  de  Ré,  de  Graves 
et  autres  et  I/o  ou  1/4  de  gros  vins  rouges  du  Roussillon,  du  Languedoc 
ou  du  Blésois,  dite  vins  teinturiers;  ce  mélange  est  ensuite  additionné 


354  BOISSONS  —  boissons  fermentées. 

d'eau  et  rechauffé  avec  du  trois-six.  Les  vins  que  l'on  imite  le  plus  facile- 
ment sont  les  vins  d'Alicante,  de  Malaga,  de  Grenache,  de  Madère  et  en 
général  tous  les  vins  de  liqueur.  On  y  a  si  bien  réussi  qu'il  est  quelque- 
fois impossible  aux  plus  habiles  connaisseurs  de  distingner  ces  vins  arti- 
ficiels des  vins  naturels.  C'est  à  Montpellier,  a  Lunel,  à  Béziers  et  particu- 
lièrement à  Cette  que  cette  fabrication  a  lieu.  Cette  dernière  ville  expédie 
environ  80,000  pièces  de  ces  vins  factices  par  année.  (Girardin.) 

On  ne  peut  songer  à  déterminer  chimiquement  la  valeur  commerciale 
des  vins.  Pour  la  solution  de  cet  important  problème,  un  palais  exercé 
l'emporte  sur  tous  les  réactifs  des  chimistes:  les  dégustateurs  reconnaissent, 
en  effet,  assez  facilement  et  le  terrain  qui  a  fourni  les  vins,  et  la  plupart 
des  adultérations  qu'on  leur  a  fait  subir.  Il  faut  dire  cependant  qu'il  est 
certaines  fraudes  que  le  chimiste  découvrira  et  déterminera  même  avec 
plus  de  précision  et  de  certitude  que  le  plus  habile  des  dégustateurs.  Le 
chimiste  déterminera  exactement  la  proportion  d'alcool  existant  dans  le 
vin  ;  il  y  retrouvera  les  matières  alcalines  à  l'aide  desquelles  on  aurait 
fait  disparaître  la  saveur  de  vinaigre  des  vins  altérés  et  tournés  à  l'aigre  ; 
il  pourra  également  y  accuser  la  présence  des  matières  colorantes  étran- 
gères, enfin  lui  seul  sera  capable  d'y  déceler  la  présence  des  matières 
toxiques  qu'une  main  criminelle  y  aurait  ajoutées. 

Les  fraudeurs  se  sont  quelquefois  servis  de  la  litharge  pour  masquer  la 
saveur  des  vins  aigris;  celle-ci  en  saturant  l'acide  acétique  donne,  comme 
on  le  sait,  un  acétate  de  saveur  sucrée.  Cette  falsification  des  plus  dange- 
reuses, puisqu'elle  introduit  dans  le  vin  une  substance  éminemment  dé- 
létère, est  si  facile  k  découvrir  qu'elle  ne  se  pratique  plus  guère  mainte- 
nant. Il  suffirait,  pour  la  reconnaître,  d'évaporer  le  vin  avec  de  l'azotate 
de  potasse,  de  reprendre  le  résidu  par  de  l'acide  azotique  pour  dissoudre 
l'oxyde  de  plomb,  et  de  traiter  la  liqueur  par  l'acide  sulfhydrique  qui  la 
précipiterait  en  noir,  ou  par  l'iodure  de  potassium  qui  la  précipiterait  en 
jaune.  Mieux  avisés  aujourd'hui,  les  falsilicateurs,  pour  adoucir  les  vins 
tournés  à  l'acide,  substituent  à  la  litharge  le  carbonate  de  chaux.  Outre 
que  les  vins  ainsi  frelatés  précipitent  abondamment  par  l'oxalate  d'am- 
moniaque, ils  laissent,  par  l'évaporation  et  la  calcination,  un  résidu 
considérable  de  chaux,  provenant  de  la  décomposition  par  la  chaleur  de 
l'acétate  calcaire  formé. 

Les  colorations  artificielles  peuvent  être  découvertes  à  l'aide  de  certains 
réactifs  :  le  sous-acétate  de  plomb  précipite  les  vins  naturels  en  gris  ver- 
dâtre,  les  vins  colorés  au  bois  de  campêche  en  bleuâtre,  et  ceux  colorés 
avec  le  bois  de  Brésil  en  bleu  indigo  ;  la  potasse  caustique  fait  passer  au 
vert  bouteille  la  couleur  rouge  des  vins  naturels,  au  violet  plus  ou  moins 
foncé  les  vins  colorés  par  les  baies  d'yèble,  les  mûres,  les  fruits  du  troène 
et  le  bois  d'Inde. 

On  reconnaît  qu'un  vin  a  été  étendu  d'eau  par  plusieurs  moyens,  d'a- 
bord en  pesant  le  résidu  qu'il  fournit  à  l'évaporation.  Supposons,  par 
exemple,  qu'il  s'agisse  d'un  vin  de  Bourgogne  qui  donne  22  grammes  de 
matières  fixes  par  litre,  s'il  n'en  fournit  que  12  grammes,  on  peut  être  à 


BOISSONS.  —  boissons  fermeistées.  335 

peu  près  assuré  qu'il  a  été  étendu  de  son  poids  d'eau,  car  les  eaux  po- 
tables au  lieu  de  22  grammes,  ne  contiennent  que  2  grammes  au  plus  de 
matières  fixes  par  litre.  On  peut  encore  découvrir  l'eau  ajoutée  aux  vins 
en  les  décolorant  par  le  chlore  et  les  précipitant  par  l'oxalate  d'ammo- 
niaque :  le  précipité  d'oxalate  de  chaux  que  l'on  obtient  avec  ce  réactif 
est  très-peu  apparent  dans  le  vin  pur  et  très-appréciable,  au  contraire, 
dans  le  vin  étendu  d'eau  (Bouchardat).  Une  addition  d'eau  un  peu  appré- 
ciable pourrait  être  également  reconnue  indirectement  en  déterminant  la 
proportion  d'alcool  existant  dans  le  vin.  Pour  cette  détermination,  diffé- 
rents appareils  ont  été  imaginés,  qui  sont  fondés  sur  la  dilatabilité  plus 
ou  moins  grande  du  vin,  selon  sa  richesse  alcoolique  [dilatomètre  de  Sil- 
bermann),  ou  sur  la  température  différente  de  son  point  débullition 
(ébullioscopes  Conaty,  etc.), 
ou  sur  le  degré  centésimal 
du  produit  de  sa  distillation 
(appareil  Salleron).  Ce  der- 
nier appareil  (fig.  10),  très- 
commode  et  très-facile  à 
manier,  se  compose  des  ob- 
jets suivants  :  ^^ 

1°  Une  lampe  à  l'alcool  ; 
2°  un  ballon  en  verre,  ser- 
vant  de  chaudière  ;    5°  un 

petit  serpentin,   servant  de       Fig.  10. —  Alambic  pour  essais  des  vins  et  des  liquei 
réfrigérant;    4°  une  éprou-  alcooliques  sucrées. 

vette  sur  laquelle  sont  gra- 
vées trois  divisions  :  l'une  sert  à  mesurer  le  vin  soumis  à  la  distillation; 
les  deux  autres,  marquées  1/2  et  1/5,  ont  pour  but  d'évaluer  le  liquide 
recueilli  sous  le  serpentin  ;  5°  un  alcoomètre  centésimètre  ;  6°  un  petit 
thermomètre;  7°  enîin,  un  petit  tube,  servant  de  pipette. 

B.  Cidre  et  poiré.  —  Le  cidre  et  le  poiré  proviennent  de  la  fermenta- 
tion des  sucs  de  pommes  ou  de  poires. 

Après  l'écrasement  des  pommes  pour  en  extraire  le  suc,  on  procède 
ensuite  au  pressurage,  qui  varie  avec  les  localités.  Le  cidre  de  première 
pression  est  appelé  gros  cidre,  les  pommes  en  fournissent  environ  la  moitié 
de  leur  poids.  Le  marc,  broyé  avec  deux  tiers  de  son  poids  d'eau,  est  sou- 
mis une  seconde  fois  à  la  presse,  puis  une  troisième  fois,  après  avoir  reçu 
son  tiers  d'eau.  Le  produit  de  ces  deux  dernières  pressions  n'est  pas  sus- 
ceptible de  se  conserver,  mais  il  est  agréable  au  goût  par  l'acide  carbo- 
nique qu'il  dégage  peu  de  temps  après  sa  préparation.  Il  est  consommé 
dans  les  fermes  et  dans  les  ménages  sous  le  nom  de  petit  cidre. 

Abandonné  à  lui-même,  k  la  température  de  10  à  15  degrés,  le  cidre 
ainsi  obtenu  entre  en  fermentation,  et  les  matières  sucrées  qu'il  contient 
se  transforment  en  alcool  et  en  acide  carbonique  ;  ici,  comme  dans  toute 
fermentation  alcoolique,  il  se  produit  en  même  temps  un  peu  de  glycérine 
et  d'acide  succinique  (Pasteur),  et  aussi  de  l'acide  acétique  (Béchamp). 


■ni- 


336  BOISSONS.  —  boissons  ferm entées. 

On  appelle  cidre  doux  celui  qui  n'a  pas  fermenté;  sa  saveur  est  miel- 
leuse et  sucrée ,  mais  il  est  laxatif.  Généralement,  le  cidre  fait  pendant 
l'été  est  buvable  du  quatrième  au  sixième  mois.  Celui  fait  en  automne,  du 
sixième  au  dixième,  et  celui  d'hiver,  du  dixième  au  vingtième.  Le  meil- 
leur cidre  ne  se  garde  pas  plus  de  trois  à  quatre  ans.  A  mesure  qu'il 
vieillit,  il  devient  légèrement  amer,  plus  ou  moins  acide  et  piquant,  et 
laisse  un  arrière-goût  variable  suivant  le  terroir.  A  cet  état,  il  constitue 
ce  qu'on  appelle  le  cidre  paré,  que  les  habitants  des  pays  à  cidre  préfè- 
rent au  cidre  doux  et  sucré.  En  Normandie,  on  a  l'habitude  de  soutirer 
journellement  à  la  pièce  au  fur  et  à  mesure  de  la  consommation,  de  sorte 
que  le  cidre  reste  en  vidange  pendant  fort  longtemps  et  passe  à  l'aigre.  Cette 
acidité  spontanée,  due  au  développement  des  acides  acétique  et  butyrique, 
est  quelquefois  si  grande  que  les  cidres  en  deviennent  insalubres  et  occa- 
sionnent des  coliques  violentes  qui  simulent  parfois  des  empoisonnements. 

La  céruse  a  été  quelquefois  employée  pour  raccommoder  les  cidres  aigris 
ou  pour  clarifier  les  cidres  troubles.  A  la  suite  de  plusieurs  déclarations  fai- 
tes, vers  la  fin  de  1851,  par  des  personnes  gravement  indisposées  pour  avoir 
bu  du  cidre,  M.  le  préfet  de  police  lit  procéder  chez  tous  les  fabricants  et 
débitants  de  cidre  de  Paris,  à  des  vérifications  qui  démontrèrent  que,  dans 
une  grande  quantité  de  cette  boisson  livrée  à  la  consommation,  il  existait 
du  plomb,  provenant  de  la  céruse  qu'on  avait  employée  dans  le  but 
d'obtenir  une  clarification  plus  complète  et  plus  prompte.  Par  suite  de 
cette  enquête,  cinq  brasseurs  furent  condamnés  à  la  prison,  à  l'amende 
et  à  des  dommages-intérêts.  (Chevallier.) 

Le  poire,  dont  la  composition  et  la  préparation  ne  diffèrent  guère  de 
celle  du  cidre,  est  plus  capiteux,  moins  nutritif,  et  exerce,  dit-on,  une 
action  fâcheuse  sur  le  système  nerveux.  Le  poiré  de  première  qualité  res- 
semble beaucoup  aux  petits  vins  blancs  de  l'Anjou  et  de  la  Sologne,  aussi 
le  vend-on  quelquefois  comme  vin  blanc.  Rien  de  plus  facile  que  de  re- 
connaître cette  substitution  :  il  suffit  d'évaporer  le  liquide  en  consistant 
d'extrait;  il  se  développe  alors  une  odeur  de  poires  cuites  tout  à  fait  ca- 
ractéristique. 

C.  Bière.  —  La  bière  est  une  boisson  fermentée  que  l'on  fabrique  ordi- 
nairement avec  Forge  et  le  houblon;  son  usage  remonte  à  l'antiquité; 
elle  était,  au  dire  des  historiens  grecs  et  latins,  la  boisson  ordinaire  des 
anciens  Égyptiens.  Les  Espagnols,  les  Germains,  les  Gaulois  connais- 
saient, de  temps  immémorial,  sa  préparation.  Suivant  Pline,  les  Gaulois 
l'appelaient  cerevisia  (vin  deCérès),  d'où  le  nom  de  cervoise  encore  en 
usage  au  seizième  siècle. 

Toutes  les  substances  amylacées  peuvent  servir  à  la  fabrication  de  la 
bière.  Le  froment  n'en  est  exclu  qu'en  raison  de  son  prix  élevé;  mélangé 
par  moitié  avec  l'orge,  il  donne  une  excellente  bière,  le  faro.  Le  seigle 
fournit  une  bière  difficile  à  clarifier,  prompte  à  s'acidifier,  ayant  l'odeur 
et  la  saveur  du  pain  de  seigle.  En  Pologne  et  dans  une  partie  de  l'Angle- 
terre, on  se  sert  de  l'avoine,  qui  donne  une  bière  également  trouble  et 
exposée  à  devenir  acide.  En  Belgique,  les  bières  blanches  se  font  avec 


BOISSONS.  —  doissoas  feumeiNtées.  537 

l'avoine,  les  bières  de  qualités  inférieures  avec  le  sarrasin,  et  aussi,  dans 
certaines  localités,  avec  l'cpcautre  (triticum  spella).  Le  maïs  et  le  riz  don- 
nent aussi  des  bières  d'un  goût  agréable,  mais  moins  riches  en  phos- 
phates. S'il  ne  s'agit  que  de  la  boisson  alcoolique,  les  mélasses,  la  pomme 
de  terre  même  peuvent  servir  à  la  faire,  mais  la  véritable  bière,  la  boisson 
à  la  fois  aromatique,  nutritive,  alcoolique,  riche  en  phospliales,  douce  et 
rafraîchissante,  se  prépare  avec  l'orge  (hordeum  vulgare,  hexastïchon,  etc.), 
et  le  houblon  (humulus  lupidits,  Urticées)  (voy.  ces  mots).  Les  seules  sub- 
stances que  l'on  fait,  en  outre,  intervenir  dans  sa  fabrication  sont  l'eau, 
la  levure,  la  colle  de  poisson. 

La  fabrication  de  la  bière  se  compose  dé  trois  opérations  principales  : 
germination  des  grains  ou  maltage,  extraction  des  matières  solubles, 
fermentation  des  liqueurs. 

La  bière  doit  être  collée  comme  le  vin;  on  y  ajoute  une  solution 
d'icbthyoeolle  et,  quelques  jours  après,  elle  est  claire  et  buvable.  Mise  en 
bouteilles,  (die  mousse  au  bout  de  huit  à  dix  jours. 

La  bière  renferme  beaucoup  d'eau  et  de  faibles  quantités  d'alcool,  de 
sucre,  de  dextrine,  de  matières  azotées  et  de  matières  grasses  à  odeur  de 
malt,  de  matières  extractives,  amères,  colorantes,  des  huiles  essentielles, 
de  la  glycérine,  des  acides  succinique,  acétique  et  carbonique,  des  sels 
divers.  Les  qualités  de  la  bière  dépendent  du  degré  de  concentration  du 
moût  qui  donne  à  la  fermentation  des  liquidés  plus  ou  moins  alcooliques, 
du  degré  de  torréfaction  du  malt,  qui  modifie  la  couleur  et  la  saveur  du 
produit,  de  la  qualité  et  de  la  proportion  du  houblon,  des  substances 
étrangères  amères  ou  aromatiques  (buis,  lichens,  trèfle  d'eau,  gentiane, 
absinthe,  acide  picrique,  etc.),  qu'on  aurait  substituées  à  ce  dernier,  enfin 
des  procédés  des  fabricants. 

Boissoks  économiques.  —  Dans  les  années  où  la  production  des  bois- 
sons naturelles  est  inférieure  aux  besoins  de  la  consommation,  les  ou- 
vriers, surtout  ceux  des  villes,  s'ingénient  à  fabriquer  des  boissons  éco- 
nomiques destinées  à  combler  la  lacune  (pie  cette  pénurie  fait  naître. 
Quelques  industriels,  dans  ces  temps  de  disetle,  exploitent  même  cer- 
taines formules,  et  livrent  au  public,  soit  des  boissons  toutes  préparées, 
soit  des  doses  d'ingrédients  pour  les  faire.  Plusieurs  de  ces  compositions, 
plus  ou  moins  agréables  au  goût,  figuraient  à  l'exposition  universelle 
de  1855,  sous  les  noms  de  Spruce  fu\  de  Berij  op  zoom,  de  Som- 
brico,  etc. 

Yoici,  parmi  les  nombreuses  recettes  publiées,  celles  que  l'on  suit  le 

plus  généralement  : 

Bières  de  ménage. 

Sucre 7500  grammes. 

Coriandre 60         — 

Houblon. 575        — 

Ec.  de  Curaçao (10        — 

Eau 100  litres. 

On  fait  bouillir  pendant  une  demi-heure  le  houblon  et  l'écorce  d'oran- 

KOUV.    DICT.   MÉD.    ET   CUIR.  Y.    ■ —   '2*1 


538  BOISSONS.  —  boissons  ferm entées. 

ges  dans  50  litres  d'eau;  on  ajoute  la  coriandre,  on  passe,  on  ajoute  le 
sucre  au  liquide  et  l'on  introduit  celui-ci  encore  chaud  dans  un  baril  de  la 
contenance  de  100  litres,  que  l'on  finit  de  remplir  avec  de  l'eau  ordi- 
naire. On  ajoute  enfin  250  gram.  de  levure  de  bière  délayée  dans  un  peu 
d'eau  et  l'on  agite  bien  pour  mélanger  le  tout.  Au  bout  de  quelques 
heures,  si  la  température  est  convenable,  la  fermentation  commence,  et 
la  mousse  est  rejetée  par  la  bonde  ;  à  mesure  que  cette  écume  se  produit, 
on  entretient  le  baril  tout  à  fait  plein  avec  du  décocté  réservé  à  cet  effet 
ou  par  de  l'eau  ordinaire.  Lorsque  l'écume  s'affaisse,  la  fermentation  est 
alors  suffisamment  prolongée.  On  colle  la  bière  avec  4  gram.  de  colle  de 
poisson,  ramollie  d'abord  dans  du  vinaigre,  puis  dissoute  dans  un  peu 
d'eau.  Au  bout  de  deux  jours,  on  met  en  bouteilles. 

On  peut  aussi,  en  opérant  comme  ci-dessus,  employer  les  recettes  sui- 
vantes : 

Houblon 250  grammes. 

Mélasse 5000        — 

Levure  de  bière 150        — 

Eau 110  litres. 

Ou  bien  : 

Houblon 500  grammes 

Gentiane 500        — 

Levure  de  bière 500        — 

Mélasse 15  kilog. 

Eau 600  litres. 

Vin  de  Lafayette. 

Cassonade 750  grammes. 

Violettes 4  — 

Sureau 4  — 

Coriandre. 4  — 

Vinaigre 125  — 

Eau.. 0000  — 

Après  trois  ou  quatre  jours  de  contact,  passez  et  mettez  en  bouteilles. 
Le  liquide  moussera  au  bout  de  quelques  jours. 

Vin  de  Beauce. 

Mûres  des  baies  ou  prunelles Où  8  kilog. 

Tartre  brut  rouge 250  grammes. 

Alcool,  trois-six 5à6  litres. 

Eau. 240    — 

On  fait  dissoudre  le  tartre  dans  2  litres  d'eau  bouillante,  et  on  place 
le  soluté  trouble  dans  un  tonneau  où  l'on  a  mis  les  fruits  ;  on  verse 
par-dessus  une  trentaine  de  litres  d'eau  bouillante  et  l'on  remue.  On  laisse 
en  repos  cinq  jours,  alors  on  ajoute  l'alcool,  on  remplit  le  tonneau  d'eau, 
on  le  bouche  et  on  laisse  éclaircir  avant  de  faire  usage  de  la  boisson. 

Vin  de  lie  glisse. 

Réglisse  (racine) '.    .  1250  grammes. 

Crème  de  tartre 500         — 

Aromate  (Sureau,  Mélilot,   Coriandre,  Curaçao; .    .  50        — 

Eau-de-vie  à  10° 5  litres. 

Eau 100     — 

On  fait  une  décoction  de  la  réglisse  dans  25  à  50  litres  d'eau  ;  pendant 


BOISSONS.  —  boissons  distillées.  539 

ce  temps,  on  fait  infuser  l'aromate  dans  4  ou  5  litres  d'eau  bouillante; 
on  dissout  la  crème  de  tartre  dans  une  autre  quantité  de  liquide,  on  passe 
toutes  les  liqueurs  à  travers  un  linge  ou  un  tamis  de  crin,  on  les  intro- 
duit dans  un  tonneau  avec  le  restant  de  l'eau,  on  ajoute  l'eau-de-vie,  on 
brasse  fortement  et  on  laisse  reposer.  La  fermentation  se  manifeste  plus 
ou  moins  activement  en  raison  de  la  température  du  lieu  où  le  tonneau 
est  placé;  la  plus  convenable  est  comprise  entre  10°  et  15°  centigrades. 
On  peut  d'ailleurs  l'activer  et  la  rendre  plus  régulière  en  jetant  dans  le 
tonneau  50  à  60  grain,  de  levure  de  bière,  délayée  dans  un  peu  d'eau. 

Lorsque  la  fermentation  est  sur  le  point  de  s'apaiser,  on  bondonne 
hermétiquement  le  tonneau  et  après  trois  ou  quatre  jours  de  repos,  on 
peut  se  servir  de  la  boisson.  Si  on  la  met  en  bouteilles,  on  obtient,  après 
huit  ou  dix  jours,  un  vin  mousseux  fort  agréable. 

Boissons  distillées.  —  Le  vin,  le  poiré,  le  cidre,  la  bière,  les 
marcs  de  raisin,  les  moûts  d'orge  et  de  pommes  de  terre,  de  cannes,  les 
mélasses  fermentées,  etc.,  etc.,  donnent  à  la  distillation  des  produits  d'une 
richesse  plus  ou  moins  grande  en  alcool,  d'une  saveur  plus  ou  moins 
agréable,  et  qui,  selon  les  liquides  spiritueux  d'où  ils  proviennent,  por- 
tent les  noms  d'eau-de-vie,  de  tafia,  de  rhum,  etc.,  etc. 

Les  boissons  alcooliques  distillées  dont  on  fait  le  plus  grand  usage  sont 
l'eau-de-vie,  le  rhum,  le  kirschenwasser,  le  gin  et  l'absinthe. 

A.  Eaux-de-vie.  —  Les  eaux-de-vie  de  vin,  particulièrement  celles  des 
vins  de  France,  sont  les  plus  estimées.  C'est  un  vin  médiocre,  produit 
par  un  cépage  particulier  très -productif,  la  Folle  blanche,  qui  donne  à  la 
distillation  les  eaux-de-vie  de  Cognac  si  renommées;  l'eau-de-vie  de 
Montpellier  est  retirée  des  vins  communs  du  Languedoc  et  de  la  Provence 
provenant  des  cépages  Ter  et,  Bouvet  et  Aramon.  Les  cépages  dits  Pic- 
pouiîles  donnent  les  eaux-de-vie  d'Armagnac.  Mais  ces  excellentes  eaux- 
de-vie,  d'un  prix  toujours  assez  élevé,  ne  sont  pas  celles  dont  on  con- 
somme le  plus  ;  il  se  débite  dans  le  commerce  beaucoup  plus  de  trois-six 
coupé,  et  bien  plus  encore  de  ces  caux-de-vie  communes  qui  ne  sont  que 
des  alcools  de  betterave  (suc  et  mélasse),  de  grains,  de  pommes  de 
terre,  etc.,  coupés  d'eau  et  colorés  avec  du  caramel,  du  brou  de  noix,  etc. 
Les  eaux-de-vie  inférieures  se  reconnaissent  à  leur  saveur  et  à  leur  odeur 
spéciales,  qui  se  développent  surtout  lorsqu'elles  sont  étendues  de  quatre 
à  cinq  fois  leur  volume  d'eau.  Les  eaux-de-vie  sont  quelquefois  addition- 
nées d'alun  pour  en  rehausser  la  saveur,  d'acide  sulfurique  pour  leur 
donner  un  bouquet  analogue  à  celui  des  eaux-de-vie  vieilles;  d'acétate 
d'ammoniaque,  de  savon  blanc,  de  mucilage  de  gomme  adragante  pour 
simuler  cette  onctuosité  qui  caractérise  les  bonnes  eaux-de-vie  et  leur  fait 
faire  la  perle  ou  le  chapelet. 

B.  Rhum  et  tafia.  —  Le  moût  de  la  canne  à  sucre  distillé  fournit  un 
liquide  alcoolique  nommé  Tafia.  Les  moûts  avariés  et  ceux  qui,  provenant 
de  cannes  trop  jeunes  ou  trop  vieilles,  fourniraient  peu  de  sucre  sont  or- 
dinairement employés  à  cet  usage.  Le  Rhum  ou  Rum  est  préparé  avec 
les  mélasses  et  les  écumes  que  l'on  fait  fermenter  après  les  avoir  étendues 


540  BOISSONS*.  —  boissons  distillées. 

de  sept  à  huit  fois  leur  poids  d'eau.  Le  tafia  et  le  rhum  se  ressemblent 
beaucoup,  mais  ce  dernier  a  quelque  chose  de  moins  acre  et  de  plus  dé- 
licat, surtout  lorsqu'il  a  été  préparé  avec  soin  et  qu'il  a  vieilli. 

G.  Kirschenwasser. —  C'est  dans  divers  pays  de  la  France,  de  la  Suisse  et 
de  l'Allemagne,  et  particulièrement  dans  la  Foret-Noire,  qu'on  prépare  cette 
boisson  alcoolique.  Elle  est  extraite  des  cerises  noires  écrasées  avec  leurs 
noyaux,  puis  soumises  à  la  fermentation.  Le  produit  distillé  est  incolore, 
d'une  odeur  d'amandes  amères,  et  renferme  une  très-faible  quantité 
d'acide  cyanhydrique.  Traitées  de  la  même  manière  les  cerises  ma- 
rasca  donnent  le  marasquin,  et  les  prunes,  le  qwetsclienwasser  ou  slé- 
rowiska. 

D.  Gin  ou  genièvre.  —  Le  gin,  dont  les  Anglais  font  une  consommation 
si  abusive,  s'obtient  en  ajoutant  des  baies  de  genévrier  dans  des  moûts 
d'orge  que  l'on  distille  lorsque  la  fermentation  est  complètement  termi- 
née. On  en  fabrique  aussi  beaucoup  en  distillant,  sur  les  baies  de  gené- 
vrier, des  eaux-de-vie  très-inférieures  de  marc,  de  grains,  etc.  Le  gin 
renferme  une  petite  proportion  d'huile  essentielle,  dont  la  saveur  rap- 
pelle un  peu  celle  de  la  térébenthine,  aussi  lorsque  l'on  déguste,  pour  la 
première  fois  cette  liqueur,  la  trouve-t-on  désagréable,  mais  on  s'y  ha- 
bitue peu  à  peu  et  l'on  Huit  même  quelquefois  par  la  trouver  délicieuse, 
comme  cela  arrive  à  nos  voisins  d'outre-Manche.  Il  en  est  de  même  de 
l'eau-de-vie  de  gentiane  que  l'on  fabrique  dans  les  Vosges  et  en  Franche- 
Comté.  On  fait  aussi  dans  ces  localités  une  eau-de-vie  de  genièvre  en 
faisant  simplement  macérer  les  baies  dans  de  l'eau-de-vie  ordinaire. 

E.  Absinthe.  —  Plusieurs  substances  interviennent  dans  la  fabrication 
de  la  liqueur  d'absinthe  savoir  :  l'alcool,  les  sommités  d'absinthe,  l'anis,  la 
badiane,  l'angélique,  le  calamus  aromaticus.  On  la  colore  en  vert  le  plus 
souvent  avec  les  feuilles  ou  le  suc  d'ache,  les  épinards,  les  orties,  le  génépi 
des  Alpes,  toutes  substances  qui  ne  sont  point  nuisibles;  mais  on  la  colore 
quelquefois  avec  du  sulfate  de  cuivre  (Derheims).  Voir  du  reste  à  l'égard 
des  diverses  liqueurs  fortes,  ce  qui  a  été  dit  aux  articles  Alcool  et  Alcoo- 
lisme . 

Liqueurs.  —  Sous  le  nom  générique  de  liqueurs,  on  comprend  des 
mélanges  en  proportions  variables  d'alcool,  d'eau  et  de  principes  aroma- 
tiques. L'expression  de  Ratafia  sert  à  désigner  les  liqueurs  obtenues  par 
simple  macération  et  qui,  outre  l'arôme  des  piaules,  contiennent  également 
leurs  matières  colorantes  et  extractives.  Le  mot  Crème  caractérise,  au 
contraire,  les  liqueurs  obtenues  par  le  mélange  du  sirop  de  sucre  avec  de 
l'alcool  distillé  sur  des  substances  aromatiques  :  Fanisette,  par  exemple, 
est  une  crème,  le  cassis  est  un  ratafia. 

Les  liqueurs  dont  on  fait  le  plus  fréquent  usage  sont  :  le  cassis,  le  cu- 
raçao, Yanisette,  la  chartreuse,  Vélixirde  Garus. 

Pour  obtenir  le  cassis,  on  fait  macérer  dans  de  l'alcool  de  moyenne 
concentration  des  baies  de  cassis  ou  groseiller  noir  (Ribes  nigrum);  on 
ajoute  à  cette  liqueur  une  suffisante  quantité  de  sucre  et  on  filtre. 

Sous  le  nom  de  curaçao,  on  livre  souvent  à  la  consommation  une  li- 


BOISSONS.  —  boissons  distillées,  oil 

(jucur  fabriquée  avec  un  mélange  d'essences  d'oranges,  de  cannelle,  de 
girofle,  etc.;  mais  le  vrai  curaçao  est  préparé,  en  Hollande  surtout,  par 
macération  d'écorces  d'oranges  amères,  de  cannelle  et  de  clous  de  girolle 
dans  de  bonne  eau-de-vie  sucrée. 

L'anisette  est  préparée  en  ajoutant  une  solution  de  sucre  saturée  et 
filtrée  à  de  l'alcool  distillé  sur  diverses  substances  aromatiques,  parmi 
lesquelles  dominent  ï'anis  vert  et  la  badiane.  C'est  à  ce  dernier  fruit  que 
l'anisette  la  plus  renommée,  celle  de  Bordeaux,  doit  sa  saveur  et  son 
parfum. 

L'elixir  de  Garus  se  prépare  avec  l'alcoolat  de  Garus,  le  sirop  de  capil- 
laire et  l'eau  de  Heurs  d'oranger.  L'alcoolat  de  Garus  est  le  produit  de  la 
distillation  de  l'alcool  sur  diverses  substances  toniques  et  stimulantes  : 
cannelle,  girofle,  muscade,  myrrhe,  safran  et  aloès.  C'est  une  liqueur 
stomachique  très-agréable,  et  si  son  usage  n'est  pas  aussi  répandu  qu'il 
devrait  l'être,  cela  tient  probablement  à  ce  qu'il  est  préparé  presque 
exclusivement  par  les  pharmaciens,  et  que  le  public  tient  toujours  dans 
une  certaine  défiance  tout  ce  qui  sort  de  leur  officine. 

La  liqueur  dite  de  la  Grande-Chartreuse  fabriquée  au  couvent  de  ce 
nom,  près  de  Grenoble,  suivant  une  formule  demeurée  secrète,  est  verte, 
jaune  ou  blanche  :  la  plus  forte,  c'est-à-dire  la  plus  alcoolique  est  la 
verte,  la  blanche  est  la  plus  douce;  la  jaune,  d'une  force  moyenne,  est 
celle  dont  on  consomme  le  plus.  Plusieurs  médecins  des  hôpitaux  dans 
l'épidémie  du  choléra  que  nous  venons  de  traverser  l'ont  substituée  au 
rhum  dont  on  a  du  reste  fort  abusé. 

Usages  des  boissons  alcooliques.  —  Les  boissons,  de  quelque  nature 
qu'elles  soient,  ont  particulièrement  pour  effet  d'étancher  la  soif.  Cette 
propriété  qu'elles  possèdent  toutes,  elles  la  doivent  surtout  à  l'eau  qu'elles 
renferment,  et  l'on  peut  dire  d'une  manière  générale,  qu'elles  sont  d'au- 
tant plus  désaltérantes  que  la  proportion  d'eau  qu'elles  contiennent,  est 
plus  considérable.  Toutefois  les  boissons  peuvent  agir  de  diverses  ma- 
nières et  produire  des  effets  plus  ou  moins  marqués.  Elles  agissent  d'a- 
bord localement,  c'est-à-dire  en  humectant  les  muqueuses  de  la  bouche, 
du  pharynx  et  de  l'œsophage  et  en  excitant  une  sécrétion  salivaire  et 
muqueuse  plus  abondante  :  la  soif,  dans  ce  cas  est  étanchée,  mais  seulement 
pour  un  moment;  ce  n'est  que  lorsqu'elles  ont  été  ingérées  en  quantité 
suffisante  pour  réparer  les  pertes  liquides  de  tout  l'organisme  que  la  sen- 
sation de  la  soif  est  apaisée  alors  complètement  et  aussi  d'une  manière 
plus  durable.  Ajoutons  qu'il  arrive  ordinairement  pour  l'ingestion  des 
liquides,  ce  qui  arrive  pour  l'ingestion  des  aliments  solides  :  le  bien-être 
général  qui  en  résulte  se  fait  ressentir  dès  qu'ils  sont  introduits  dans 
l'estomac  et  bien  avant  qu'ils  aient  eu  le  temps  de  se  répandre  dans  le 
torrent  circulatoire. 

Les  boissons  prises  pendant  les  repas  se  mêlent  aux  aliments,  les 
délayent  et  les  étendent  de  manière  à  leur  l'aire  présenter  plus  de  surface 
et  moins  de  résistance  à  l'action  du  tube  digestif;  leur  intervention 
est  plus  ou  moins  nécessaire  selon  la  nature  des  aliments,  et  le  degré 


342  BOISSONS».  —  boissons  distillées. 

d'activité  des  fonctions  digestives  des  individus,  selon  les  climats,  les 
saisons,  etc. 

Les  boissons  alcooliques  sont  plus  nuisibles  à  la  femme  qu'à  l'homme, 
aux  enfants  qu'aux  vieillards  ;  elles  sont  moins  utiles  en  été  qu'en  hiver, 
dans  les  climats  chauds  que  dans  les  climats  froids  ou  tempérés.  Dans  les 
pays  chauds  elles  ont,  à  petites  doses,  la  propriété  de  diminuer  la  sueur; 
dans  les  climats  froids  et  humides,  elles  aident  à  résister  à  des  influences 
désavantageuses,  et,  pour  quelques  sujets  dont  les  digestions  ne  se  font 
qu'avec  peine,  elles  deviennent  un  stimulant  utile  de  l'estomac.  Toute- 
fois ce  n'est  jamais  dans  l'état  de  vacuité  de  ce  viscère  qu'il  convient  d'en 
user,  mais  toujours  après  le  repas  :  à  jeun,  les  liquides  alcooliques  ingé- 
rées dans  l'estomac  ont  pour  effet  d'émousser  la  sensibilité  de  la  mu- 
queuse et  de  produire  à  la  longue  des  épaississements,  des  indurations 
qui  avec  le  concours  d'une  prédisposition  spéciale  et  dans  des  circon- 
stances particulières,  peuvent  se  transformer  en  affections  cancéreuses 
(voy.  Alcoolisme). 

Tout  ce  qui  a  trait  au  passage  des  liquides  aqueux  ou  alcooliques  dans 
les  vaisseaux  ayant  été  étudié  d'une  manière  complète  à  l'article  Absohp- 
tion,  nous  n'avons  pas  a  y  revenir.  Nous  rappellerons  cependant  que, 
portées  dans  la  circulation  générale,  les  boissons  se  mêlent  au  sang,  dont 
elles  augmentent  le  volume  et  diminuent  la  consistance,  qu'elles  favori- 
sent les  sécrétions,  notamment  celles  par  lesquelles  l'eau  s'élimine  de  l'or- 
ganisme :  l'exhalation  pulmonaire,  la  transpiration  cutanée  et  la  sécrétion 
urinaire;  effets  qui  varient  d'ailleurs  sous  une  multitude  d'influences,  tels 
que  la  nature  des  liquides,  leur  température,  celle  de  l'atmosphère,  l'état 
de  repos  ou  d'activité  du  corps,  etc. 

Les  boissons  alcooliques  exercent  sur  l'organisme  une  action  commune 
qui  dépend  de  la  plus  ou  moins  forte  proportion  d'alcool  qu'elles  con- 
tiennent, et  une  action  spéciale,  beaucoup  moins  prononcée,  due  aux 
autres  substances  qui  entrent  dans  leur  composition. 

Avant  de  parler  des  usages  particuliers  des  diverses  boissons  alcooli- 
ques, on  peut  se  demander  tout  d'abord  si  l'utilité  de  ces  boissons  est 
bien  réelle  et  si  les  avantages  que  l'on  retire  de  leur  emploi  peuvent  com- 
penser les  si  nombreux  inconvénients  qui  résultent  de  l'abus  qu'on  en  fait. 
Telle  n'est  pas  l'opinion  de  J.  J  Rousseau  :  «  Comme  la  nature  ne  fournit 
rien  de  fermenté,  dit-il,  il  n'est  pas  à  croire  que  l'usage  des  boissons  arti- 
ficielles importent  à  la  vie  de  ses  créatures.  » 

On  pourrait  dire  à  cela  que  les  chemins  de  fers,  les  machines  à  vapeur, 
les  télégraphes  et  nombre  d'autres  inventions  qui,  très-évidemment,  im- 
portent beaucoup  à  l'humanité,  sont  peut-être  moins  encore  fournis  par 
la  nature  que  les  boissons  fermentées.  L'argument  ne  serait  donc  pas 
très-puissant.  Néanmoins,  nous  sommes,  quant  au  fond,  de  l'avis  du 
philosophe  genevois  :  comme  lui,  et  avec  la  presque  universalité  des  hy- 
giénistes, nous  pensons  que  l'homme  peut,  sans  grand  dommage  pour  sa 
santé,  se  passer  complètement  de  boissons  alcooliques.  A  cet  égard,  du 
reste,  on  peut  asseoir  sa  conviction ,  non  pas  seulement  sur  le  raisonne- 


BOISSONS.  —  boissons  «distillées.  543 

ment,  mais  bien,  et  mieux  encore,  sur  l'observation  directe  des  faits  :  des 
millions  d'hommes,  et  ce  ne  sont  assurément  pas  les  moins  vigoureux, 
les  Arabes,  les  Turcs  ne  connaissent  point  les  boissons  fcrmentées;  et 
•dans  notre  pays  môme,  en  France,  un  dixième  à  peine  de  la  population 
boit  du  vin,  du  cidre  ou  de  la  bière,  le  reste  ne  boit  absolument  que  de 
l'eau,  ou  à  peu  de  chose  près,  et,  à  dire  vrai,  ne  s'en  trouve  pas  plus 
mal. 

Mais  si  les  boissons  alcooliques  ne  sont  pas  pour  l'homme  d'une  néces- 
sité absolue,  il  faut  cependant  reconnaître  qu'elles  répondent  à  un  besoin 
général  ou  plutôt  à  une  habitude  prise  qu'il  serait  aujourd'hui  bien  dif- 
ficile de  déraciner.  D'ailleurs  les  boissons  fermentées  naturelles  :  vins, 
bières,  etc.,  de  bonne  qualité,  ingérées  à  doses  convenables,  ne  présentent 
en  réalité  aucune  espèce  d'inconvénients,  et,  de  plus,  peuvent  rendre  à 
la  thérapeutique  d'importants  et  incontestables  services.  Ce  n'est  pas 
l'usage,  mais  l'abus  de  ces  boissons  qu'il  convient  de  proscrire.  Ce  qu'il 
faut  énergiquement  blâmer,  c'est  surtout  l'abus  des  liqueurs  fortes, 
aujourd'hui  si  excessif  et  qui  tend  toujours  à  s'accroître,  particulièrement 
dans  les  classes  ouvrières;  la  calamité  contre  laquelle  ne  saurait  trop 
s'élever  l'hygiéniste,  que  l'autorité  doit  poursuivre  et  s'efforcer  de  res- 
treindre, si  la  supprimer  complètement  est  impossible,  c'est  l'ivrognerie. 
Penchant  funeste!  qui  ravit  à  l'homme  le  plus  beau  de  ses  attributs,  la 
raison,  et  qui  peut  le  conduire,  soudainement  ou  par  degrés,  à  la  misère, 
aux  infirmités,  à  la  folie,  au  suicide,  à  toutes  les  infortunes  et  à  tous  les 
crimes  !  Mais  nous  n'avons  pas  à  retracer  ici  le  hideux  et  navrant  tableau 
de  cette  plaie  sociale.  Un  de  nos  collaborateurs  a  rempli  cette  tâche  si 
complètement  et  avec  tant  de  talent,  que  nous  ne  saurions  mieux 
l'aire  que  de  renvoyer  le  lecteur  à  son  intéressant  article  (voy.,  t.  I. 
Alcoolisme)  . 

Les  boissons  alcooliques,  dont  nous  avons  précédemment  étudié  la 
composition  chimique  et  le  mode  de  fabrication,  sont  les  plus  importantes 
de  toutes  et  celles  dont  on  fait  en  Europe  la  plus  grande  consommation. 
Mais  nous  ferons  remarquer  qu'il  existe  en  outre  un  nombre  considérable 
d'espèces  de  boissons  de  ce  genre  dans  les  autres  parties  du  monde,  et 
qu'il  n'est,  pour  ainsi  dire,  pas  de  peuple  qui  n'ait  un  ou  plusieurs 
liquides  fermentes  dont  il  use  et  abuse.  Nous  citerons,  par  exemple,  au 
nombre  des  boissons  fermentées  se  rapprochant  plus  ou  moins  du  vin, 
du  cidre  ou  de  la  bière  :  le  poulque,  préparé  au  Mexique  avec  la  sève  des 
tiges  de  l'agave  americana,  et  qui  fournit  à  la  distillation  une  espèce 
d'eau-de-vie,  Vagua  ardiente;  le  cachin,  que  l'on  retire,  à  Cayenne,  de 
la  racine  de  manioc,  et  qui  jouit  de  propriétés  diurétiques  ;  le  yalatole  et 
le  chicoha,  que  les  Indiens  composent  avec  l'épi  du  maïs  ;  le  ouicou, 
espèce  de  vin  qui  s'obtient  en  Amérique  avec  les  patates,  les  bananes  et 
les  cannes  à  sucre;  les  vins  de  divers  palmiers  que  l'on  prépare  sous  les 
noms  de  totonadi,  de  tari,  etc. ,  en  Egypte,  dans  les  Indes  orientales,  en 
Polynésie,  etc.;  le  sakki,  sorte  de  bière  que  les  Japonais  font  avec  le 
riz;  etc.,  etc. 


544  BOISSONS.  —  boissons  distillées. 

Parmi  les  liqueurs  fortes  :  outre  les  eaux-de-vie  de  vins, 
de  pommes  de  terre,  de  betteraves,  outre  le  kirschenwasser,  le  gin  et  le 
rhum  dont  il  a  été  parlé  déjà,  nous  trouvons,  en  Ecosse  et  en  Irlande,  le 
wiski,  provenant  des  moûts  d'orge  ou  de  seigle  ;  dans  l'Amérique  du  Sud, 
le  /y/c/.',  tiré  de  la  sève  du  cacaoyer;  dans  l'Afrique  orientale,  le  maliuari, 
extrait  des  bananes;  au  Japon  et  dans  le  royaume  de  Siam,  le  foieip,  le 
samshu,  le  lau  ou  eaux-de-vie  de  riz  que  l'on  consomme  aussi  au  Kam- 
tschatka  sous  le  nom  de  ivathi;  en  Chine,  le  kao-lyong  ou  eau-de-vie  de 
sorgho;  en  Tartarie,  le  koumiss,  obtenu  par  la  distillation  du  lait  de 
jument  fermenté;  dans  les  îles  Orcades  et  Shetland,  le  blond,  fait  avec 
le  petit-lait,  etc.,  etc. 

Faut-il  ajouter  à  ces  différentes  boissons  alcooliques  les  liqueurs  eni- 
vrantes des  Orientaux,  à  la  tète  desquelles  on  doit  placer  les  solutions 
à'opium,  puis  le  chosaf,  boisson  que  les  Turcs  préparent  avec  le  miel,  le 
vinaigre  de  cidre  et  les  raisins  secs,  et  dont  ils  font  un  grand  usage;  le 
cocouar,  liqueur  enivrante  et  échauffante  fort  estimée  des  Perses,  qui, 
selon  le  degré  de  force  qu'on  veut  lui  donner,  s'obtient  par  la  décoction 
de  feuilles  ou  de  têtes  de  pavots.  Viennent  enfin  les  différentes  prépara- 
tions de  haschisch  :  dawamesc,  bhang,  gunjah,  chatsraky,  etc. 

De  loutes  les  boissons  alcooliques,  la  plus  importante,  la  plus  utile, 
lorsqu'on  en  fait  un  usage  modéré,  comme  aussi  la  moins  nuisible,  lors- 
qu'on en  fait  abus,  c'est  le  vin. 

Le  vin  est,  au  repas,  la  boisson  la  plus  ordinaire  des  classes  aisées  dans 
la  plupart  des  diverses  parties  de  l'Europe. 

L'Espagne,  l'Italie,  la  Grèce,  la  Hongrie  et  l'Allemagne  fournissent  un 
grand  nombre  de  vins  très-estimés  ;   mais,  il  faut  le  reconnaître,  par  la 
richesse,  la  variété  de  ses  crus  et  l'exquise  délicatesse  de  certains  d'entre 
eux,  la  France  tient,  sans  contredit,  le  premier  rang.  Et  bien  qu'une 
énorme  quantité  de  nos  vins,  les  meilleurs  assurément,  passent  à  l'étran- 
ger, de  tous  les  pays  du  monde,  c'est  encore  la  France  qui  en  consomme 
le  plus.  Cela  tient,  en  grande  partie,  à  ce  que  beaucoup  de  nos  vins,  ceux 
de  la  Bourgogne,  par  exemple,  au  nombre  desquels  se  trouvent  les  plus 
parfumés,  ne  développent  tout  leur  bouquet  et  ne  se  conservent  avec  toutes 
leurs  qualités  que  sous  le  climat  qui  les  a  produits;  quelques-uns,  même 
dans  ces  heureuses  conditions,  peuvent  s'altérer  profondément  dans  l'es- 
pace de  quelques  années  :  force  est  donc  de  les  consommer  en  France. 
Ce  n'est  pas  tout,  depuis  une  trentaine  d'années,  on  s'est  mis  à  fumer  les 
vignes  et   à  changer  les  anciens  cépages  pour  en  cultiver  de  nouveaux 
beaucoup  plus  productifs  :  on  a  obtenu  ainsi  plus  de  produit,  mais  au 
détriment  de  la  qualité.  Une  même  étendue  de  terrain  fournit  actuellement 
plus  de  vin,  mais  ce  vin,  pour  un  même  cru,  a  moins  de  finesse,  moins 
de  parfum,  moins  de  corps.  Faut-il  s'élever  contre  ce  progrès  de  la  civili- 
sation, ou  doit-on  s'en  féliciter?  Un  tel  résultat  n'est-il  pas  un  mal  pour 
un  bien?  nous  le  pensons.  Si  les  produits,  quoique  un  peu  moins  exquis, 
sont  plus  abondants,  l'usage   en  devient  nécessairement  plus  général. 
Selon  nous,  il  y  a  là  non-seulement  compensation  mais  avantage  très-réel, 


BOISSONS.    BOISSONS   DISTILLÉES.  545 

car  si  l'on  doit  tenir  à  une  boisson  alcoolique  saine  et  fortifiante,  à  toute 
autre  il  faut  préférer  le  vin. 

Les  médecins,  dit  Fonssagrives,  à  tort  ou  à  raison,  jouissent,  en  ma- 
tière d'œnologie,  d'une  réputation  d'épicurisme  qu'ils  doivent  s'attacher 
à  justifier  moins  au  profit  de  leur  sensualité  propre  que  dans  l'intérêt  de 
la  santé  de  leurs  malades  ;  aussi  la  dégustation  des  vins  destinés  à  ceux-ci 
rentre-t-elle  dans  le  cercle  de  leurs  attributions  professionnelles, 

Cette  dégustation  exige,  il  est  vrai,  un  palais  habitué,  une  aptitude 
spéciale  que  l'exercice  développe  sans  doute,  mais  qu'il  ne  donne  pas  ; 
toutefois,  comme  il  importe  ici  plutôt  d'apprécier  les  qualités  générales 
des  vins  que  d'établir  entre  des  crus  rapprochés  ces  distinctions  subtiles 
dans  lesquelles  la  gastronomie  se  complaît,  tous  les  médecins  peuvent,  par 
l'exercice,  arriver  à  une  éducation  très-suffisante  des  papilles  gustatives. 

Pour  bien  juger  d'un  vin,  pour  en  faire  ce  que  l'on  pourrait  appeler 
l'analyse  organoleptique,  il  faut  se  lotionner  préalablement  la  bouche 
avec  de  l'eau  froide.  Le  liquide  à  examiner  doit  être  pris  en  petite  quan- 
tité, promené  parla  langue  sur  les  divers  points  de  la  muqueuse  buccale, 
puis  dégluti  lentement  pour  apprécier  son  degré  de  spirituosité  par  la 
sensation  gutturale  qu'il  produit;  enfin,  l'impression  exercée  sur  l'es- 
tomac constitue  le  troisième  temps  de  cette  analyse.  Si  l'on  est  appelé, 
non  plus  à  juger  la  valeur  d'un  vin  isolé,  mais  bien  à  choisir  entre  des 
échantillons  différents,  il  est  important  que  les  essais  soient  séparés  les 
uns  des  autres  par  des  intervalles  suffisants  pour  que  les  impressions  pré- 
cédentes soient  éteintes  quand  l'organe  du  goût  en  perçoit  de  nouvelles, 
et  qu'après  chacun  d'eux,  de  l'eau,  promenée  avec  force  dans  la  bouche, 
enlève  jusqu'à  la  moindre  parcelle  du  vin  antérieurement  dégusté.  Il  est 
bien  entendu  que  l'aspect  du  vin,  sa  limpidité,  sa  couleur,  etc.,  sont  des 
éléments  de  jugement  qui  complètent,  sans  les  remplacer,  ceux  fournis 
par  la  dégustation. 

Vina  probantur  odore,  sapore,  nitore,  colore; 

Si  bona  vina  cupis,  quinque  bœc  plaudentur  in  iJli^ 

Fortia,  f'ormosa,  fragrantia,  frigida,  prisca. 

(Ecole  de  Sa  le  me.) 

Le  vin,  dès  qu'il  est  introduit  -dans  l'estomac,  fait  éprouver  d'abord  à 
l'épigastre  une  agréable  sensation  de  chaleur;  il  détermine  ensuite  une 
stimulation  générale  qui  est  rendue  manifeste  par  l'accélération  du  pouls 
et  l'accroissement  momentané  des  forces  du  corps  ;  c'est  surtout,  pour  l'ou- 
vrier des  villes,  qui  dépense  tant  de  forces  et  qui  se  trouve  soumis  à  tant 
d'intluences  déprimantes,  que  le  vin  pris  en  juste  mesure  devient  un  puissant 
auxiliaire  de  l'alimentation.  Non  cependant  qu'il  faille  considérer  le  vin 
comme  un  aliment  très-nutritif  :  un  litre  de  vin  renferme  au  plus  40  grammes 
de  carbone  et  à  peine  0,15  centigrammes  d'azote.  S'il  soutient,  comme  on 
le  dit  communément  et  avec  raison,  c'est  moins  comme  aliment  qu'il  agit 
que  comme  stimulant  des  fonctions  digestives.  C'est  dans  ce  sens  surtout 
que  doit  être  compris  l'aphorisme  d'Uippocrate  :  Famem  vint  j)Otio  solvit. 
11  ne  faudrait  point  alléguer  en  faveur  des  propriétés  nutritives  du  vin 


340  BOISSONS.  —  boissons  distillées. 

le  peu  d'appétence  des  buveurs  pour  les  aliments  solides  :  s'ils  mangent 
peu,  dit  Michel  Lévy,  c'est  que  leur  estomac,  par  une  aberration  de 
sensibilité,  sollicite  avant  tout  la  stimulation  spéciale  des  boissons  al- 
cooliques. 

Pris  pur,  le  vin  n'apaise  qu'incomplètement  et  très-momentanément 
la  sensation  de  la  soif,  et  ne  semble  désaltérer  qu'en  raison  de  la  propor- 
tion d'eau  qu'il  renferme.  Rostan  affirme  avoir  entendu  faire  cet  aveu 
à  des  militaires  qui,  en  Espagne,  avaient  éprouvé  l'horrible  tourment  de 
la  soif,  qu'ils  auraient  donné  tous  les  vins  du  monde  pour  un  seul  verre 
d'eau. 

Outre  les  propriétés  générales  qui  viennent  d'être  indiquées,  et  qui 
appartiennent  à  toutes  les  boissons  fermentées ,  les  vins  possèdent  des 
propriétés  spéciales  qu'il  importe  grandement  à  l'hygiéniste  et  surtout  au 
médecin  de  ne  point  ignorer. 

De  tous  les  éléments  qui  interviennent  dans  la  composition  des  vins 
rouges  et  blancs,  il  en  est  trois  surtout  :  l'alcool,  le  tannin,  les  sels  acides, 
de  la  proportion  relative  desquels  dépendent  leurs  propriétés  particulières. 
Lorsque  l'un  quelconque  de  ces  éléments  prédomine  sur  les  deux  autres, 
il  en  résulte  des  vins  alcooliques,  astringents  ou  acides.  Au  contraire,  les 
vins  dans  lesquels  ces  trpis  principes  se  rencontrent  à  la  fois,  sans  prédo- 
minance marquée  de  l'un  d'entre  eux,  constituent  ce  que  l'on  peut  ap- 
peler, avec  Bouchardat,  des  vins  complets  ou  mixtes.  C'est  dans  cette 
dernière  classe  que  se  trouvent  la  plupart  des  crus  de  la  Bourgogne,  de 
la  Gironde  et  du  Midi. 

Quant  à  l'arôme  ou  bouquet  des  vins,  il  est  plus  ou  moins  développé  et  de 
nature  très-différente,  suivant  les  plants  et  les  terroirs  qui  les  ont  fournis. 
Les  vins  de  Bourgogne  sont  bien  plus  parfumés  que  les  vins  de  Bordeaux  : 
le  bouquet  de  ces  derniers  ne  devient  même  très-manifeste  qu'à  une  chaleur 
d'au  moins  20°  centigrades  ;  aussi  est-il  de  règle,  avant  d'user  de  ces  vins 
d'attendre  que,  par  un  séjour  de  quelques  heures  à  cette  température,  ils 
se  soient  attiédis  convenablement. 

Les  vins  fins  de  la  Gironde,  analysés  par  Fauré,  de  Bordeaux,  et  ceux 
de  la  Côte-d'Or,  par  Delarue,  ont  présenté  les  diflérences  suivantes  : 


Alcool 

Tannin 

Bitartrate  de  potasse. 
Bitartrate  de  1er. .  . 
Sels  minéraux..  .  . 
Matières  colorantes.  . 
Eau 


GIRONDE. 

COTE-D  OR. 

9,188 

13,480 

0,112 

0,079 

0,100 

0,057 

0,089 

0,006 

0,025 

0,065 

0,041 

0,078 

90, '285 

86,255 

100,000  100,000 


Les  vins  de  Bourgogne  contiennent  donc  plus  d'alcool,  les  vins  de  Bor- 
deaux plus  de  tannin  ;  les  premiers  sont,  par  conséquent,  plus  excitants, 
les  seconds  plus  toniques. 

Les  grands  crus  de  la  Bourgogne,  dont  les  principaux  comprennent, 


BOISSONS.  —  boissons  distillées.  347 

pour  la  côte  de  Nuits  :  ceux  de  Nuits,  de  Clos-Vougeot,  de  Chambertin 
et  de  Romanée  ;  pour  la  côte  de  Beaune  :  ceux  de  Beaune,  de  Pomard  et 
de  Volney,  constituent  des  vins  fins,  corsés,  parfumés,  extrêmement 
agréables,  mais  qui,  pris  en  léger  excès,  peuvent  facilement  porter  à  la 
tête  et  cbarger  l'estomac.  Ce  sont  de  délicieux  vins  de  table,  fort  estimés 
des  amateurs,  mais  qui  conviennent  peu  aux  tempéraments  nerveux  et 
aux  estomacs  délicats. 

Les  principaux  crus  de  la  Gironde,  classés  d'après  leur  qualité,  sont  : 
1°  le  Château-Laftîtte,  le  Gbàteau-Margaux,  le  Cbàteau-Latour,  dans  le 
haut  Médoc  ;  le  Chàteau-Haut-Brion,  dans  la  contrée  dite  des  Graves,  re- 
nommée surtout  pour  ses  vins  blancs  ;  2°  le  Branne-Mouton,  Léoville, 
Château-Larose,  St-Ëmilion,  Cos  d'Estournelle  ;  5°  St-Julien,  Chàteau- 
Carnot,  Cantenac;  4°  St-Estèphe,  Pauliac,  Margaux,  etc. 

Les  crus  du  haut  Médoc  sont  parmi  les  bordeaux,  les  vins  que  les  vrais 
gourmets ,  les  fins  connaisseurs  mettent  en  première  ligne  et  qu'ils 
placent  même  au-dessus  des  grands  vins  de  la  Bourgogne  de  qualité 
correspondante. 

Le  bordeaux  rouge  vrai  et  de  bonne  qualité,  nous  paraît  être  le  plus 
utile  des  vins,  celui  qui  peut  les  remplacer  tous  et  que  nul  ne  pourrait  sup- 
pléer. I!  est,  par  excellence,  le  vin  des  individus  qui  ont  besoin  d'être 
tonifiés;  c'est  le  seul  qu'on  doive  permettre  aux  malades. 

Les  vins  acides,  non  ceux  tournés  à  l'aigre,  mais  ceux  dont  l'acidité  est 
naturelle  et  due  à  du  tartrate  acide  de  potasse,  tels  que  les  vins  de  Gouais, 
d'Argenteuil,  de  Suresnes,  et  en  général  tous  les  vins  des  environs  de  Paris, 
sont,  au  repas,  assez  bien  supportés  par  beaucoup  de  personnes  qui,  après 
les  avoir  jugés  détestables  tout  d'abord  finissent  par  s'y  habituer  et  par 
les  trouver  même  agréables.  Mais,  en  général,  les  vins  dont  l'acidité  est 
très-marquée  donnent  des  aigreurs,  de  la  pyrosis,  et  sont  très-mal  sup- 
portés, surtout  par  les  femmes  et  les  vieillards.  Malgré  cela,  il  y  aurait 
peut-être  quelque  avantage  à  essayer  l'usage  des  vins  un  peu  acides  dans 
quelques  cas  particuliers  d'anorexie  ou  de  dyspepsie  dans  lesquels  toute 
médication  aurait  échoué. 

Les  vins  astringents,  surtout  lorsqu'ils  sont  nouveaux,  sont  quelquefois 
tellement  acerbes  qu'ils  ne  deviennent  potables  qu'après  que  plusieurs  col- 
lages à  la  gélatine  leur  ont  enlevé  une  forte  partie  du  tannin  qu'ils  ren- 
ferment et  auquel  ils  doivent  leur  astringence.  Ordinairement  très- 
corsés  et  très-colorés,  ces  vins  donnent  des  mélanges  quelquefois  assez 
agréables  lorsqu'ils  sont  ajoutés  en  proportion  convenable  à  d'autres 
vins  légers  et  peu  foncés  en  couleur.  Ce  sont  les  vins  astringents,  comme 
celui  de  Cahors,  par  exemple,  que  l'on  doit  préférer,  lorsque  l'on  croit 
utile  d'employer  le  vin,  soit  comme  cicatrisant  dans  les  blennorrhées, 
soit  comme  détersif  et  antiputride  dans  le  pansement  des  plaies  dont  on 
veut  changer  la  nature,  soit  enfin  comme  résolutif  dans  les  cas  de  con- 
tusions, d'infiltrations  celluleuses,  etc.,  en  un  mot,  dans  la  plupart  des  in- 
dications chirurgicales. 

Les  vins  alcooliques  sont  dits  secs  ou  sucrés.  Les  vins  alcooliques  secs 


548  BOISSONS.  —  boissons  distillées. 

renferment  des  quantités  d'alcool  qui  varient  entre  15  et  18  pour  100. 
Quelques-uns  même  en  contiennent  jusqu'à  20  et  25  pour  100;  mais 
cette  proportion  n'est  jamais  naturelle,  car  la  fermentation  n'en  peut  dé- 
velopper que  de  15  à  18  au  plus. 

Les  vins  alcooliques  secs  les  plus  connus  et  les  plus  usités  sont  :  \v 
marsala,  le  madère  sec,  le  porto,  le  ténériffe  et  le  xérès. 

Les  vins  alcooliques  sucrés  ou  vins  de  liqueur  sont  quelquefois,  comme 
le  lunel  etlebanyuls,  le  collioure,  etc.,  des  produits  directs  de  la  fermen- 
tation ;  d'autres,  comme  le  malaga,  l'alicante,  par  exemple,  proviennent  de 
sucs  réduits  à  l'aide  de  la  chaleur  et  souvent,  en  outre,  alcoolisés.  Il  est 
probable  qu'en  ajoutant  du  sucre  au  jus  de  nos  grands  cépages  français  : 
les  pineaux  blancs,  les  sauvignons,  les  rieslings  et  les  poulsarts,  on  ob- 
tiendrait, dit  Bouchardat,  des  vins  de  liqueur  supérieurs  à  ceux  que 
nous  fournit  l'étranger.  Les  vins  alcooliques  sont,  excitants  en  raison  do 
la  proportion  d'alcool  qu'ils  contiennent.  Les  vins  de  liqueur  sont  plus 
agréables  que  les  vins  secs  ;  ils  exercent  sur  l'estomac  une  action  plus 
douce. 

Les  vins  blancs  rentrent  dans  les  différents  groupes  qui  viennent  d'être 
énumérés.  Ceux  qui  proviennent  des  raisins  blancs  et  qui  ont  fermenté 
sur  le  grain  ont,  moins  la  couleur,  à  peu  près  toutes  les  propriétés  des 
vins  rouges,  plusieurs  d'entre  eux  constituent  des  vins  complets  très- 
estimés  ;  ceux,  au  contraire,  qui  sont  obtenus  avec  des  raisins  noirs 
exprimés  avant  la  fermentation,  ne  contiennent  que  peu  ou  point  de  tan- 
nin :  ils  sont  excitants  ou  diurétiques,  mais  nullement  toniques. 

Vins  mousseux.  —  Les  vins  blancs  qui  renferment  de  l'acide  car- 
bonique, développé  par  la  fermentation  ou  ajouté  directement,  et  qu'on 
appelle  des  vins  mousseux,  exercent  sur  l'économie  une  action  qui  par- 
ticipe de  celle  des  vins  blancs  ordinaires  et  du  gaz  acide  carbonique 
qui  les  sature  :  c'est-à-dire  qu'ils  sont  à  la  fois  stimulants,  diurétiques  et 
digestifs.  Leur  action  sur  le  cerveau  est  un  peu  différente  de  celle  des 
autres  vins  et  constitue  un  de  leurs  attraits  les  plus  puissants.  Le  vin 
de  Champagne,  de  bonne  qualité,  excite  les  fonctions  cérébrales  et  pré- 
dispose l'esprit  aux  pensées  riantes,  aux  traits,  aux  saillies.  Il  n'est 
aucune  boisson  dont  on  use  avec  plus  de  plaisir  sans  soif;  aucune  qui 
excite  mieux  sans  besoin  d'excitation.  Les  vins  mousseux  produisent 
plus  rapidement  l'ivresse  que  les  autres  vins  ;  mais  cette  ivresse  est 
éphémère  et  n'est  pas,  à  beaucoup  près,  aussi  pénible.  Le  vin  de  Cham- 
pagne est  ordinairement  pris  en  petite  quantité  et  au  dessert,  mais  cer- 
tains gourmets  amateurs,  à  l'exemple  des  Anglais  et  des  Russes,  n'en 
consomment  pas  d'autre  pendant  toute  la  durée  du  repas. 

Les  vins  mousseux  ne  sont  point  en  général  des  vins  que  l'on  doit 
prescrire  aux  malades  ;  néanmoins ,  ils  peuvent  être  considérés  comme 
un  des  véhicules  les  plus  agréables  de  l'acide  carbonique  et  ils  trouvent 
leur  utilité  dans  beaucoup  de  cas  où  celui-ci  est  indiqué.  Pour  les  per- 
sonnes qui  peuvent  se  donner  ce  remède  de  luxe,  le  Champagne  frappé 
peut  être  employé  très-efficacement  contre  le  mal  de  mer. 


BOISSONS.  —  boissons  distillées.  349 

On  donne  le  nom  de  vin  doux  au  jus  du  raisin  qui  n'a  pas  encore  fer- 
menté,  et  on  appelle  vin  bourru  celui  qui  n'a  subi  qu'une  demi-fermen- 
tation. Ces  vins  sont  laxatifs  et  diurétiques. 

Les  médecins  de  l'antiquité,  Asclépiade,  Hippocrate,  Galien,  Avi- 
eennc,  etc.,  ont  vanté,  et  souvent  même  à  l'excès,  l'emploi  du  vin 
comme  boisson  et  comme  médicament.  Sydenham,  van  Swieten,  Huxbam, 
Hufeland  et  à  notre  époque  Dnpuytrcn,  Cliomcl,  Fonssagrives  et  beaucoup 
d'autres  se  sont  également  attachés  à  montrer  par  les  résultats  de  leur 
pratique,  les  précieux  avantages  que  l'on  peut,  en  effet,  retirer  de  l'emploi 
du  vin  comme  agent  thérapeutique. 

Selon  Fonssagrives,  l'état  fébrile  ne  contre-indique  pas  d'une  manière 
absolue  l'usage  du  vin;  il  est  évident,  dit-il,  que  lorsque  la  fièvre  est 
sympathique  d'une  inflammation  viscérale  aiguë,  ce  serait  jeter  fort  im- 
prudemment de  l'huile  sur  le  feu  que  d'introduire  dans  la  circulation  un 
stimulant  qui  accroîtrait  la  chaleur  organique  et  l'énergie  des  battements 
du  cœur  ;  mais  encore  faut-il  (pie  l'inflammation  soit  franche  et  la  réac- 
tion fébrile  énergique  pour  que  cette  interdiction  soit  légitime.  Il  n'est 
en  effet  nullement  rare  de  voir  des  inflammations  viscérales  s'établir 
chez  des  individus  faibles,  cachectiques,  usés,  et  ne  produire  qu'une 
réaction  générale,  incomplète  ou  languissante  ;  les  indications,  dans  ce 
cas,  doivent  se  tirer  plutôt  de  l'état  général  que  de  l'état  local;  et  l'emploi 
des  toniques,  notamment  du  yjn  pour  soutenir  les  forces,  pour  provoquer 
même  une  sorte  de  fièvre  artificielle,  est  le  plus  sûr  moyen  de  prévenir 
ces  congestions  mi-partie  inflammatoire,  mi-partie  hvpostatique  qui 
laissent  souvent  dans  les  tissus  les  germes  d'une  irrémédiable  altération 
de  structure.  Il  y  a  plus  :  il  y  a,  comme  l'a  démontré  Chôme! ,  des  cas 
de  phlegmasies  viscérales  franches,  de  pneumonies,  par  exemple,  sur- 
venant chez  des  individus  adonnés  à  l'ivrognerie  qui  réclament,  pendant 
leur  période  la  plus  aiguë,  la  continuation  de  l'usage  des  spiritueux,  sous 
peine  de  voir  l'affection  se  compliquer  d'accidents  cérébraux  graves,  ou 
d'une  adynamie  menaçante.  On  peut  dire  d'une  manière  générale,  qu'à 
part  les  circonstances  dans  lesquelles  la  réaction  est  vive,  l'usage  de  l'eau 
très-légèrement  additionnée  de  vin  ne  trouve  guère  de  contre-indications; 
c'est  une  boisson  franche,  agréable,  qui  désaltère  mieux  que  toute  autre, 
tempère  la  chaleur  dont  les  fébrieitants  sont  tourmentés  et  excite  utile- 
ment la  sécrétion  urinaire.  (Fonssagrives.) 

Le  vin  vieux  donné  avec  modération  peut  être  prescrit  très-utilement 
dans  la  scrofule,  le  scorbut,  les  hémorrhagies  avec  hyposthénie,  les  in- 
flammations avec  adynamie,  les  leucorrhées  chroniques,  l'asthénie  sénile, 
les  épuisements  produits  par  des  pertes  séminales  réitérées,  des  hémor- 
rhagies excessives,  ou  par  une  abstinence  prolongée,  une  alimentation 
mauvaise  et  peu  réparatrice,  etc. 

En  chirurgie,  le  vin  a  été  employé  en  lotions  ou  fomentations  pour 
aviver  les  plaies  et  en  activer  la  cicatrisation,  en  injections  dans  i'bydro- 
cèle,  dans  la  blennorrhée,  etc. 

Par  la  macération  dans  îe  vin,  d'une  ou  plusieurs  substances  médica- 


350  BOISSONS.  —  boissons  distillées. 

menteuses,  on  obtient  des  solutés  officinaux  qui  portent  le  nom  de   vins 
.médicinaux  (voyez  ce  mot). 

Cidre.  —  L'usage  du  cidre  paraît  être  moins  ancien  que  celui  du  vin, 
et  il  est  aussi  moins  répandu.  La  consommation  de  cette  boisson  et  celle 
des  vins  de  fruits  tendent  beaucoup  à  s'accroître  dans  les  villes,  et  presque 
partout  ce  sont  les  brasseurs  qui  en  font  le  commerce.  En  France,  qua- 
rante départements  cultivent  les  pommes  et  les  poires  à  cidre,  et  sa  pro- 
duction totale  peut  être  évaluée  à  neuf  millions  d'hectolitres.  Les  cinq 
départements  de  l'ancienne  Normandie  fournissent  seuls  près  de  la  moitié 
de  cette  quantité.  Le  poiré  y  est  compris  environ  pour  un  cinquième. 

Le  cidre  doux  est  très-agréable  à  boire;  mais  il  est  laxatif,  donne  des 
coliques  et  produit  souvent  des  dysenteries  lorsqu'on  en  abuse.  En 
vieillissant,  le  cidre  prend  de  la  force,  devient  spiritueux  et,  pris  en  excès, 
monte  facilement  à  la  tête  en  produisant  une  ivresse  plus  prompte,  plus 
pénible  et  plus  durable  que  celle  des  vins.  Lorsqu'il  est  fait,  c'est-à-dire 
lorsque  la  fermentation  alcoolique  est  achevée,  et  elle  peut  durer  plusieurs 
mois,  le  cidre  a  perdu  la  saveur  sucrée  qui  le  faisait  rechercher  par  cer- 
taines personnes  notamment  par  les  femmes  et  les  enfants  ;  mais  il  est  alors 
préféré  par  les  vrais  amateurs,  et  en  effet,  c'est  dans  cet  état  seulement 
qu'il  peut  être  hygiénique.  Le  cidre  fait  et  tiré  à  la  pièce,  que  l'on  dési- 
gne en  Normandie  sous  le  nom  de  cidre  paré,  c'est  gâté  plutôt  qu'il  fau- 
drait dire,  renferme  toujours  des  mucédinées  en  suspension  et  une  pro- 
portion plus  ou  moins  forte  d'acide  acétique;  souvent  même  tout  l'alcool 
s'y  trouve  transformé  en  ce  dernier  produit.  C'est  sans  doute  à  ces  alté- 
rations qu'il  faut  surtout  attribuer  les  effets  débilitants  reprochés  à  cette 
boisson,  et  aussi  cette  variété  de  dysenterie,  appelée  colique  végétale, 
que  Ton  voit  régner  parfois  dans  les  pays  à  cidre. 

L'acidification  du  cidre,  comme  celle  des  autres  boissons  fermentées, 
ne  pouvant  avoir  lieu  qu'au  contact  de  l'air,  il  suffirait,  pour  éviter  cet 
inconvénient,  d'ajouter  dans  les  tonneaux  selon  le  conseil  de  J.  Girardin, 
une  très-légère  couche  d'huile  d'amandes  ou  bien  encore  de  charger  les 
pièces  en  vidange  d'acide  carbonique,  comme  cela  se  pratique  aujour- 
d'hui pour  la  bière  dans  un  grand  nombre  de  brasseries. 

Quant  au  poiré,  le  reproche  qu'on  lui  fait  d'agir  sur  les  nerfs  et  de  porter 
à  la  tête  parait  dépendre  en  réalité  de  ce  que  sa  force  alcoolique  est  plus 
grande  que  celle  du  cidre  et  surtout  de  ce  que  les  consommateurs,  qui  ne 
sont  pas  prémunis  contre  cette  particularité  de  sa  composition,  en  usent 
trop  largement. 

Bière.  —  Après  le  vin,  la  bière  est  une  des  plus  salubres  et  des  plus 
agréables  boissons  fermentées.  C'est  surtout  en  Allemagne,  en  Angleterre 
et  dans  le  nord  de  la  France,  en  un  mot  dans  les  contrées  qui  ne  produi- 
sent pas  de  vin  et  qui  récollent  peu  de  fruits  à  cidre,  que  la  bière  con- 
stitue la  boisson  principale  et  la  plus  ordinaire  des  repas.  Les  quantités 
de  bières  qui  se  consomment  dans  la  partie  septentrionale  de  l'Europe 
sont  incalculables.  On  évalue  à  plus  de  vingt-cinq  millions  d'hectolitres 
le  débit  annuel  de  l'Angleterre.  Londres  seule  en  consomme  plus  de  quatre 


BOISSONS.  —  boissons  DISTILLÉES.  551 

millions  d'hectolitres.  La  consommation  de  Paris  est  environ  huit  fois 
moindre.  Cette  consommation  s'est  cependant  prodigieusement  accrue 
depuis  une  vingtaine  d'années,  ce  qui,  sans  doute,  tient  à  plusieurs  cau- 
ses savoir  :  à  l'augmentation  du  prix  des  vins,  à  l'affluence  des  ouvriers 
allemands,  anglais  et  helges  appelés  à  Paris  par  les  grands  travaux  qui 
s'y  exécutent,  surtout  aussi  à  l'importation,  devenue  facile  par  les  che- 
mins de  fer,  des  bières  d'Allemagne  et  d'Angleterre;  enfin,  et  à  cause  de 
cette  importation  même,  aux  soins  plus  grands  apportés  par  les  brasseurs 
dans  la  préparation  des  bières  françaises. 

La  fabrication  de  la  bière  s'est,  en  effet,  singulièrement  perfectionnée 
dans  ces  derniers  temps.  Une  des  améliorations  les  plus  importantes  qu'on 
ait  introduites  dans  cette  industrie,  est  assurément  la  gazéification  arti- 
ficielle. L'idée  de  saturer  la  bière  d'acide  carbonique  pour  la  rendre  plus 
agréable  n'est  pas  précisément  neuve  ;  il  y  a  plus  de  trente  ans  qu'elle  a 
été  mise  en  pratique  par  un  brasseur  de  Caen.  Cependant  la  grande 
vogue  qu'ont  aujourd'hui  les  bières  artificielles  saturées,  ne  date  guère 
que  de  1854,  et  si  Ton  en  doit  croire  Hermann-Lachapelle  et  Glower  elle 
serait  due  à  une  circonstance  assez  curieuse. 

«  A  cette  époque  un  brasseur  de  Bourges,  pour  sauver  ses  brassins 
troublés,  mats  et  perdus,  les  satura  d'acide  carbonique,  sur  le  conseil 
d'un  chimiste.  Ce  qui  devait  être  pour  lui  une  cause  de  ruine  devient  dès 
lors  la  source  de  bénéfices  considérables  ;  il  n'eut  qu'à  donner  pour  passe- 
port à  la  bière  ainsi  ranimée  le  nom  un  peu  exotique  de  bock-bier  et  à 
prendre  brevet.  Les  cafés  de  premier  ordre  l'adoptèrent  et  les  consom- 
mateurs ne  crurent  pas  trop  payer,  en  doublant  le  prix  ordinaire,  les 
qualités  nouvelles  que  le  bock-bier  avait  acquises  d'une  manière  si  facile, 
mais  qu'on  avait  grand  soin  de  tenir  secrète.  » 

Un  litre  de  bonne  bière  de  Strasbourg  ne  renferme  pas  moins  de 
40  grammes  d'alcool  et  de  48  grammes  de  matière  extractive,  lesquelles 
peuvent  se  décomposer  ainsi  :  dextrine  35,70,  glycose  et  glycérine  4, 
matières  protéiques  6,  phosphates  et  sels  divers,  substance  amère  et 
tannin  2,50. 

La  bière  est  donc  stimulante  par  son  alcool  et  tonique  par  la  substance 
amère  et  une  petite  quantité  de  tannin  qu'elle  contient;  elle  constitue  en 
outre,  par  ses  matières  extractives  hydrocarbonées  et  azotées,  une  boisson 
des  plus  nourrissantes.  C'est  à  ces  dernières  matières  et,  d'après  Dancel, 
bien  plus  encore  à  la  très-grande  proportion  d'eau  qu'elle  introduit  dans 
l'organisme  qu'elle  doit  la  propriété  qu'elle  possède  très-réellement  d'en- 
graisser les  personnes  qui  en  usent  continuellement;  voire  même  de  con- 
duire à  l'obésité,  celles  qui  en  font  abus. 

La  bière  a  été  dès  l'antiquité  employée  dans  le  régime  des  malades. 
Hippocrate  y  avait  très-fréquemment  recours,  l'école  de  Salerne  en  faisait 
grnnrl  cas,  comme  le  prouvent  les  vers  suivants  : 

Grossos  humores  nutrit  cerevisia,  vires 

Praestat,  et  augmentât  carnem,  generatque  cruorem 

Provocat  urinam,  ventrem  quoque  mollit  et  inflat. 


"5"2  BOISSONS.  —  f,oissons  spiritueuses. 

Stoll,  Boerhaave  et  surtout  Sydeuham  la  prescrivaient  clans  un  grand 
nombre  de  maladie.  Aujourd'hui,  moins  en  laveur  auprès  des  médecins, 
elle  tient  une  beaucoup  moins  grande  place  dans  la  diététique  des  mala- 
des. Cependant  on  la  prescrit  quelquefois  dans  certaines  gastralgies  et 
chez  les  individus  dune  grande  susceptibilité  nerveuse. 

Enfin  on  emploie  sous  le  nom  de  brutolès  des  bières  médicamenteuses 
préparées  avec  le  quinquina,  la  gentiane,  des  espèces  antiscorbutiques, 
diurétiques,  etc.  Ces  diverses  préparations  sont  inusitées. 

Boïssous  »pi  ri  tueuse».  —  Composées  surtout  d'alcool  et  d'eau  en 
proportion  qui  oscillent  entre  45  et  60  d'alcool  pour  100,  les  liqueurs  fortes 
doivent  à  ce  dernier  liquide  leurs  propriétés  générales  et  sont,  par  con- 
séquent, d'autant  plus  actives,  c'est-à-dire  d'autant  plus  excitantes,  qu'elles 
en  renferment  davantage.  Les  boissons  spiritueuses  possèdent  en  outre 
des  propriétés  spéciales  qu'elles  empruntent  à  des  produits  aromatiques 
très-divers,  formés,  les  uns  pendant  la  fermentation  des  liquides  d'où  elles 
proviennent,  les  autres  par  l'action  du  temps. 

Les  eaux-de-vie  de  vin,  celles  de  France  surtout,  sont  les  plus  estimées 
des  liqueurs  fortes.  Il  n'est  pas  de  liqueur  alcoolique  préférable  aux  vieil- 
les eaux-de-vie  de  Cognac,  à  celle  surtout  de  qualité  supérieure  désignée 
dans  le  commerce  sous  le  nom  de  fine  Champagne. 

L'eau-de-vie  agit  promptement  et  comme  sympathiquement  sur  toute 
l'économie  qu'elle  semble  ranimer  et  rafraîchir  tout  à  la  fois.  C'est  donc 
avec  raison  qu'on  a  substitué  l'eau  légèrement  additionnée  d'eau-de-vie  à 
l'eau  vinaigrée  que  l'on  donnait  autrefois  aux  soldats  pendant  les  cha- 
leurs. 

A  fortes  doses,  l'eau-de-vie  est  un  poison  qui  détermine  la  mort,  même 
plus  rapidement  que  l'alcool  concentré,  ce  dernier  ne  pouvant  être  ab- 
sorbé qu'après  avoir  été  dilué  par  une  assez  forte  proportion  de  suc  gas- 
trique. (Cl.  Bernard.) 

L'excitation  produite  par  les  alcooliques  sur  le  système  vasculaire  et 
sur  le  cœur  peut  contribuer  au  développement  de  l'hypertrophie  de  cet 
organe  et  à  l'aggravation  des  lésions  dont  il  peut  être  le  siège.  La  fré- 
quence des  anévrysmes  du  cœur  dans  les  hôpitaux  militaires  serait  d'après 
Michel  Lévy,  en  grande  partie  due  à  cette  cause. 

Tout  le  inonde  connaît  cette  hypertrophie  des  vaisseaux  capillaires  de 
la  face,  notamment  du  nez,  qui  se  manifestent  chez  les  buveurs  et  qui  va 
souvent  jusqu'à  produire  la  couperose  ou  dartre  des  ivrognes. 

Après  un  repas  un  peu  copieux,  très-peu  de  bonne  eau-de-vie  facilite 
la  digestion  et  ne  peut  pas  nuire;  mais  il  faut  se  délier  du  goût  qui  se 
développe  par  l'usage,  car  l'usage  conduit  insensiblement  et  presque  iné- 
vitablement à  l'abus  (voy.  Alcoolisme). 

L'eau-de-vie  est  la  boisson  alcoolique  favorite  des  ouvriers  qui  travail- 
lent à  l'eau,  comme  les  blanchisseurs,  les  bateliers,  les  débardeurs,  ou  la 
nuit  comme  les  boulangers,  les  vidangeurs,  etc.  C'est  surtout  la  boisson 
des  ivrognes,  par  la  raison  sans  doute  qu'il  est  plus  facile  et  moins  dis- 
pendieux de  s'enivrer  avec  Teau-de-vie  qu'avec  le  vin. 


BOISSONS.  —  boissoïns  spiritueuses.  355 

Le  rhum  de  bonne  q.ualité  est  une  liqueur  alcoolique  très-estimée  et  qui 
mérite  de  l'être.  Beaucoup  de  personnes  préfèrent  même  le  parfum  du 
rhum  à  celui  de  la  meilleure  eau-de-vie  ;  affaire  de  goût  et  peut-être 
aussi  d'habitude.  Pour  notre  part,  s'il  s'agit  de  produits  supérieurs,  rien 
ne  nous  semble  préférable  à  la  bonne  et  vieille  eau-de-vie  de  vin;  s'il 
s'agit  de  produits  communs,  presque  toujours  adultérés,  falsification  pour 
falsification,  nous  aurions  moins  de  répugnance  pour  les  mélanges  d'eau 
et  d'alcools  inférieurs,  colorés  par  du  caramel  que  pour  les  macérations  de 
cuir  tanné!  Et,  si  les  liqueurs  fortes  peuvent  être  de  quelque  utilité  en  thé- 
rapeutique, notamment  dans  le  traitement  du  choléra,  comme  il  est  encore 
plus  facile  de  se  procurer  de  l'eau-de-vie  naturelle  que  du  rhum  non  fal- 
sifié, et,  d'un  autre  côté,  comme  ce  dernier  liquide  ne  nous  semble  jouir 
en  aucune  façon  de  propriétés  spéciales  qui  en  justifient  l'emploi,  nous  ne 
comprenons  guère  l'engouement  du  public  pour  le  rhum,  et  moins  en- 
core la  faveur  dont  il  jouit  auprès  des  médecins  en  temps  d'épidémie. 

Le  Klrschenwasser  doit  à  l'essence  d'amandes  amères  l'odeur  et  la  saveur 
qui  le  font  rechercher;  il  renferme  en  outre  de  l'acide  prussique,  mais 
en  quantité  tout  à  fait  insignifiante;  c'est  donc  à  tort  qu'on  le  considère 
comme  toxique.  Nouvellement  distillé,  il  présente  un  goût  d'empyreume 
qu'il  perd  en  vieillissant.  Le  kirsch  de  bonne  qualité  et  suffisamment 
vieux  est  une  liqueur  très-agréable,  mais  dont  le  parfum  ne  se  développe 
complètement  que  lorsqu'on  l'ajoute  en  petite  proportion  à  de  l'eau  su- 
crée. Le  lait  sucré  et  additionné  d'un  peu  de  kirsch  constitue  une  sorte  de 
bavaroise  vraiment  délicieuse  et  dont  on  fait  fréquemment  usage  dans  les 
pays  qui  avoisinent  la  Forêt-Noire. 

LcGin,  mélange  d'alcool  de  grains  et  d'essence  de  genièvre,  exerce  sur 
le  cerveau  une  action  stupéfiante  extrêmement  marquée  et  produit  une 
ivresse  des  plus  profondes  et  des  plus  abrutissantes.  C'est  particulièrement 
la  liqueur  alcoolique  des  ouvriers  anglais. 

De  toutes  les  liqueurs  fortes,  la  plus  enivrante,  la  plus  stupéfianle,  la 
plus  pernicieuse  et,  malheureusement,  celle  pour  laquelle  on  se  passionne 
le  plus  facilement  et  dont  on  est  le  plus  porté  à  faire  abus,  c'est  l'absinthe; 
l'absinthe  qui,  outre  les  propriétés  enivrantes  qu'elle  possède  comme 
boisson  alcoolique,  exerce,  par  les  essences  qu'elle  tient  en  dissolution, 
une  action  spéciale  des  .plus  funestes,  qui  se  porte  particulièrement  sur 
la  faculté  la  plus  précieuse  de  l'intelligence,  celle  qui  en  est  la  mère,  et 
pour  ainsi  dire  la  mesure,  la  mémoire. 

Les  liqueurs  alcooliques  sucrées  sont  plus  agréables  à  prendre  que  celles 
qui  ne  le  sont  point;  elles  ont  aussi  une  action  plus  douce  et  sont  mieux 
supportées  par  l'estomac.  Il  existe,  sous  les  noms  de  crèmes,  d'élixirs 
et  de  ratafias,  un  nombre  extrêmement  considérable  de  ces  liqueurs,  qui 
toutes  sont  plus  ou  moins  cordiales  et  stomachiques.  Mais  les  plus  en 
usage  et  aussi  les  plus  recommandables  sont  :  la  liqueur  de  cassis,  le 
curaçao,  l'anisette,  l'élixir  de  Garus  et  la  liqueur  de  la  Grande-Char- 
treuse. 

NOUV.    HICT.    MÉD.-  ET    CHIR.  V.    —    23 


354  BOISSONS,!  —  boissons  acidulés  gazeuses. 

BOISSONS    ACIDULES. 

Les  boissons  acidulés  gazeuses  et  non  gazeuses  feront  l'objet  de  ce  cha- 
pitre. 

Boissons  acidulés  gazeuses.  —  Quelle  que  soit  leur  composition 
et  leur  origine,  les  boissons  gazeuses  doivent  presque  exclusivement  les 
propriétés  qui  les  font  rechercher  à  l'acide  carbonique  qui  les  sature. 
Telles  sont  les  eaux  minérales  naturelles  de  Seltz  ou  Selters  (duché  de 
Nassau),  de  Schwalhem  (liesse),  de  Saint-Galmier  (Loire),  de  Condillac 
(Drômc),  de  Ghàtcldon  (Puy-de-Dôme),  de  Fougues  (Nièvre),  voy.  ces 
mots,  etc.,  et  aussi  les  limonades  gazeuses  et  l'eau  gazeuse  simple  impro- 
prement dite  eau  de  Seltz  artificielle. 

L'industrie  des  boissons  gazeuses  eut  d'abord  pour  objet  de  préparer 
des  eaux  minérales  artificielles  contenant  tous  les  principes  que  l'analyse 
avait  fait  découvrir  dans  les  eaux  naturelles.  L'eau  de  Selters,  la  plus  en 
vogue  de  toutes  les  eaux  minérales,  fut  la  première  que  l'on  chercha  à  imi- 
ter en  saturant  d'acide  carbonique,  à  l'aide  de  mélanges  effervescents,  ou 
par  l'introduction  directe  de  ce  gaz  i  Priestley),  de  l'eau  tenant  en  disso- 
lution les  différents  sels  existant  dans  l'eau  minérale  naturelle.  En  1767,1e 
docteur  Bevvley  supprima  les  mélanges  effervescents  et  satura  l'eau  direc- 
tement par  de  l'acide  carbonique  provenant  de  la  réaction  de  l'acide  sulfu- 
rique  sur  le  sel  de  tartre  (carbonate  de  potasse).  Un  an  plus  tard,  Lanne  et 
Pricstley  imitèrent  les  eaux  de  Seltz  en  saturant  d'acide  carbonique  l'eau 
ordinaire  non  additionnée  de  sels  ;  ils  employaient  à  cet  usage  le  gaz  qui 
se  dégage  pendant  la  fermentation  de  la  bière.  Priestley  imagina  ensuite 
un  appareil  dans  lequel  l'acide  carbonique  était  obtenu  à  l'aide  de  la  craie 
et  de  l'acide  sulfuriquc,  procédé  très-économique  que  l'on  suit  encore 
aujourd'hui.  Comparé  aux  appareils  si  perfectionnés  actuellement  en  usage, 
l'appareil  de  Priestley,  bien  que  très-ingénieux,  paraîtrait  évidemment  fort 
défectueux;  cependant,  malgré  ces  imperfections,  cet  appareil  était,  jus- 
qu'à un  certain  point  susceptible  d'applications  industrielles,  et  l'homme 
de  génie  qui  l'avait  inventé  semblait  prévoir  déjà  l'avenir  important  des 
boissons  gazeuses  et  l'extension  considérable  que  prendrait  un  jour  leur 
préparation  :  «  Notre  procédé,  disait-il,  peut  servir  pour  donner  de  l'air 
fixe  (acide  carbonique)  au  vin,  à  la  bière  et  à  presque  toutes  les  autres 
liqueurs.  Lorsque  la  bière  est  éventée  ou  est  devenue  plate,  on  peut  la 
ranimer  par  ce  moyen.  »  Fait  digne  de  remarque,  près  d'un  siècle  devait 
s'écouler  avant  qu'on  songeât  à  mettre  en  pratique  cette  découverte  du 
savant  Anglais,  dans  laquelle  les  brasseurs  les  plus  habiles  mettent  au- 
jourd'hui l'avenir  de  leur  industrie. 

Lavoisier  ne  dédaigna  pas  non  plus  de  s'occuper  de  la  préparation  des 
eaux  gazeuses  ;  il  construisit  à  la  même  époque  un  appareil  qui  compre- 
nait entre  autres  perfectionnements  l'adjonction  d'une  pompe  foulante, 
et  avec  lequel  on  pouvait  faire  dissoudre  dans  l'eau,  non  plus  seulement 
un  volume  égal  de  gaz,  mais  une  proportion  bien  plus  considérable. 

Plusieurs  modifications  importantes  furent  ensuite  apportées  par  divers 


BOISSONS.  —  boissons  acidulés'  gazeuses.  555 

chimistes  (Bergmann,  Macquer,  de  Chaulnes,  etc.)  aux  appareils  déjà 
existants.  Mais  ce  n'est  que  vers  la  fin  du  siècle  dernier  qu'un  pharma- 
cien d'origine  française  établi  à  Genève,  Gosse,  construisit  et  fit  fonction- 
ner industriellement  un  appareil  qui  réunissait  tous  les  avantages  de  ceux 
qui  l'avait  précédé,  et  qui  permettait  de  livrer  annuellement  à  la  consom- 
mation jusqu'à  40,000  bouteilles  d'eau  gazeuse.  Cet  appareil  devenu 
célèbre  sous  le  nom  d'appareil  de  Genève  présentait,  tout  perfectionné 
qu'il  était,  un  défaut  assez  grave  :  lorsque  la  saturation  était  arrivée  à  un 
degré  convenable,  il  fallait  soutirer  toute  l'eau  gazeuse  pour  recommen- 
cer une  nouvelle  opération.  Ce  temps  d'arrêt  forcé  et  nuisible  dans  la 
marche  de  la  fabrication  avait  fait  donner  à  l'appareil  de  Gosse  le  nom 
d'appareil  à  fabrication  interrompue. 

Un  ingénieur  anglais  Bramah  remédia  à  cet  inconvénient  en  inventant 
un  appareil  à  fabrication  continue  qui  se  composait  d'un  producteur  de 
gaz,  de  tonneaux  laveurs,  d'un  gazomètre,  d'une  pompe  à  la  fois  aspi- 
rante et  foulante,  et  d'un  récipient  saturateur  dans  lequel  fonctionnait  un 
agitateur  à  palettes.  Ce  récipient  avait  de  plus  un  niveau  d'eau,  une  sou- 
pape de  sûreté  et  un  manomètre.  L'appareil  de  Bramah  est  le  seul  qui 
puisse  servir  à  une  fabrication  un  peu  étendue  ;  aussi  est-ce  surtout  celui- 
là  que  les  constructeurs  se  sont  appliqués  à  perfectionner;  néanmoins,  il 
ne  répond  pas  aussi  facilement  aux  besoins  d'une  production  restreinte 
et  ne  présente  d'avantages  réels  que  pour  la  préparation  de  l'eau  gazeuse 
simple.  Dès  1799,  l'appareil  de  Genève  fonctionnait  dans  l'établissement 
de  Tivoli.  Ce  n'est  qu'en  1820  que  l'appareil  de  Bramah  fut  employé  pour 
la  première  fois  en  France  dans  rétablissement  du  Gros-Caillou. 

C'est  en  1832,  pendant  l'épidémie  de  choléra,  que  la  consommation 
de  l'eau  de  Scltz  commença  à  prendre  un  développement  un  peu  im- 
portant. La  production  pour  cette  même  année  ne  s'éleva  pas  à  moins  de 
500,000  bouteilles;  chaque  bouteille  valant  75  centimes.  A  ce  prix,  elle 
n'était  encore,  il  est  vrai,  qu'une  boisson  de  luxe  qui  ne  pouvait  paraître 
(pie  sur  la  table  du  riche.  Mais  bientôt  de  nouveaux  établissements 
s'ouvrirent,  la  concurrence  lit  tomber  le  prix  de  la  bouteille  à  50  cen- 
times puis  à  25  centimes.  En  même  temps,  on  imagina  de  débiter  des 
mélanges  effervescents  (acide  tartricpie  etbicarbonate  de  soude)  dont  chaque 
dose  pour  une  bouteille  n'était  vendue  que  5  centimes  (poudre  de  Fèvrc). 

C'est  à  ce  moment  que  les  pharmaciens  de  Paris  voulant  faire  con- 
sidérer l'eau  de  Seltz  comme  un  médicament,  revendiquèrent  le  monopole 
de  sa  préparation.  Le  tribunal  de  première  instance  de  la  Seine,  par  son 
jugement  du  H  juillet  1855,  en  déclarant  les  pharmaciens  mal  fondés  en 
leur  demande  fit  assurément  un  acte  de  justice  qui,  sans  léser  d'une 
manière  bien  sensible  les  intérêts  de  la  pharmacie,  permit  à  l'industrie 
des  boissons  gazeuses  de  se  développer  librement,  et  d'arriver  à  cet  état 
de  prospérité,  dans  lequel,  au  double  point  de  vue  de  l'hygiène  et  de  la 
thérapeutique,  il  est  si  désirable  qu'elle  se  maintienne. 

Il   serait  évidemment  superflu   d'indiquer  ici  les  différents  appareils 
qui  depuis  trente  ans  ont  été  imaginés  par  Vernaut  et  Barruel,  Savaresse, 


556  BOISSONS.  —  boissons  acidulés  gazf.uses. 

Stevenaux,  etc.,  et  qui  pour  la  plupart  ue  sont  que  des  modifications 
plus  ou  moins  ingénieuses  des  appareils  de  Gosse  ou  de  Bramah.  Nous 
nous  contenterons  donc  de  représenter  ici  et  de  décrire  sommairement  deux 
des  appareils  les  mieux  organisés  qui  existent  aujourd'hui  pour  la  fabrica- 
tion des  diverses  boissons  gazeuses,  l'appareil  à  compression  mécanique 
et  à  fabrication  continue  de  llermann-Lachapelle  et  Glover,  et  l'appareil 
à  fabrication  semi-continue  de  II.  Ozouf  et  Cazaubon. 

Les  appareils  de  llermann-Lachapelle  et  Glover  se  compose  de  cinq 


pièces  principales  :  1°  un  producteur  d'acide  carbonique  A  ;  2°  un  épura- 
teur  à  trois  compartiments  B  ;  5°  un  gazomètre  à  double  suspension  G 


BOISSONS. 


liOlSSONS    ACIDULES   GAZEUSES. 


557 


4°  un  saturateur  sphérique  desservi  par  une  pompe  D;  5°  un  tirage  ta 
bouteille  E  et  à  siphon  F. 

Le  saturateur  peut  être  à  deux  sphères  et  à  deux  corps  de  pompe, 
suivant  la  destination  et  la  puissance  de  l'appareil.  Tous  les  appareils 
d'Hermann-Lachapelle  et  Glover  ne  différant  entre  eux  que  par  leurs  pro- 
portions, la  description  de  l'un  d'eux  s'applique  à  tous  les  autres.  Les 
grands  appareils  à  deux  sphères  et  à  deux  corps  de  pompe  peuvent  pro- 
duire jusqu'à  dix  mille  siphons. 

On  peut  à  volonté  tirer  l'eau  en  bouteilles  ou  en  siphons,  mais  ce  dernier 
tirage  est  de  beaucoup  préférable. 
L'invention  des  siphons  ou  bou- 
teilles siphoïdes,  à  petit  ou  à  grand 
levier  (  fig.  42  et  15),  surtout 
avec  les  perfectionnements  que 
Cazaubon,  successeur  d'Ozouf,  y 
a  apportés,  fournit  au  consom- 
mateur un  moyen  commode  de 
verser  l'eau  sans  aucune  perte 
de  gaz  et   de  conserver  les  der- 


Fig.  12.  —  Vase   sipnc 
à  petit  levier. 


Fig.  13.  — Gourde  basse 
à  grand  levier. 


vases   étant  herméti- 


&=* 


nières    portions    aussi    chargées 
que   les  premières.  De  plus,  la  fermeture  de  ces 
que,  le  fabricant  n'a  pas  à  redouter  les 
rebuts  que  le  fuite  de  gaz  à  travers  les 
bouchons  de  liège   rendaient    si  fré- 
quents. 

Les  appareils  semi-continus  d'Ozouf 
(fig.  14)  se  composent  essentiellement 
d'un  producteur,  d'un  laveur,  d'un  vase 
à  acide  et  d'un  saturateur.  Ces  divers 
organes  qui  étaient  placés  primitive- 
ment sur  un  socle  en  bois,  sont  au- 
jourd'hui, dans  les  appareils  perfec- 
tionnés par  Cazaubon,  montés  sur  deux 
bâtis  en  fonte  destinés  à  rendre  leur 
maniement  plus  facile.  Les  appareils 
sont  élégants,  d'une  grande  solidité, 
tiennent  peu  de  place  (1  mètre  carré), 
peuvent  suffire  aux  besoins  d'une  fa- 
brication moyenne;  une  seule  per- 
sonne peut  les  faire  fonctionner. 

Il  nous  reste  à  dire  un  mot  des 
appareils  portatifs  dits  appareils  de 
ménage.  Les  premiers  appareils  de  ce 
genre  furent  inventés  par  le  docteur 
Nooth  et  remonteraient,  dit -on,  à 
l'année  1778.  Sous  les  noms  de  gazogènes,  seltzogènes,  etc.,  un  grand 


Fig.  14.  — Appareil  Ozouf  à  fabrication  semi- 
conlinue.  —  A. Manomètre  —  B,  Soupape 
de  sûreté.  —  C,  Niveau  d'eau. — D,  Sphère 
ou  récipient  saturateur.  —  E,  Machine  à 
bouclier.  —  /",  Cylindre  producteur.  — 
G,  Socle  en  bois  supportant  l'ensemble 
de  l'appareil.  —  i,  Emplissage  des  bou- 
teilles avec  cuirasse.  —  K ,  Guide  au 
mouvement  d'eniplissage.  —  L ,  Volant 
pour  mouvement  de  la  pompe.  —  M, Pompe 
et  mouvements.  —  N,  Engrenages.  — 
o,  Tuyau  de  refoulement  des  liquides  dans 
la  sphère. 


358 


BOISSONS. 


BOISSONS    ACIDULES    GAZEUSES. 


Fig.  15.  —  Gazogène  Briet. 


nombre  de  ces  appareils  portatifs  ont  été  brevetés  dans  ces  derniers  temps. 
Le  plus  ingénieux  et  le  plus  connu  de  tous  est  l'appareil  Briet  (fig.  15). 

Il  consiste  en  deux  vases  ovoïdes  en  cristal  très- 
résistant  réunis  ensemble  par  une  armature  en 
étain  et  à  vis.  Le  vase  inférieur,  producteur, 
appelé  boule,  reçoit  le  mélange  effervescent;  il 
est  soudé  sur  un  pied  en  porcelaine  et  son  ar- 
mature est  munie  d'un  robinet  par  lequel  s'é- 
chappe l'eau  gazeuse.  Le  vase  supérieur,  satu- 
rateur, ou  carafe,  contient  l'eau  que  l'on  veut 
saturer.  Ces  deux  parties  de  l'appareil,  le  pro- 
ducteur et  le  saturateur,  sont  entourés  d'un 
clissage  en  rotin,  destiné  à  arrêter  les  frag- 
ments de  verre  en  cas  d'explosion  ;  précaution 
surabondante,  du  reste,  puisque  les  vases  sont 
construits  en  verre  suffisamment  épais  pour 
résister  à  une  pression  plus  que  double  de  celle 
qu'ils  supportent  avec  la  charge  ordinaire. 

Lorsque  les  substances  gazogènes  ont  été  in- 
troduites dans  le  vase  producteur,  on  fait,  par 
un  léger  effort,  pénétrer  dans  le  goulot  de 
celui-ci,  un  tube  obturateur  en  étain  dont  la 
disposition  très-ingénieuse  permet  au  gaz  de 
se  rendre  dans  la  carafe  pour  se  dissoudre  dans  l'eau  qu'elle  ren- 
ferme, sans  qu'on  ait  à  craindre  le  passage,  du  moins  en  quantité  appré- 
ciable, des  matériaux  salins  contenus  dans  le  vase  producteur.  A  la  partie 
inférieure  de  ce  tube  obturateur  se  trouve  adaptée  une  petite  boîte  cy- 
lindrique se  fermant  à  vis  et  percée  de  plusieurs  trous.  Un  petit  crible  en 
argent,  qui  donne  issue  au  gaz,  entoure  le  tube  et  forme  la  partie 
supérieure  du  cylindre  autour  duquel  est  fixé  une  virole  en  caoutchouc 
garnie  d'étoupe,  destinée  à  obtenir  une  fermeture  plus  parfaite.  Ce 
tube  est  la  partie  la  plus  importante  et,  pour  ainsi  dire,  l'àme  du  ga- 
zogène Briet.  Tout  étant  disposé  comme  il  vient  d'être  dit,  on  ren- 
verse le  producteur  et  on  le  visse  sur  la  carafe  préalablement  remplie 
d'eau  filtrée.  On  retourne  ensuite  l'appareil;  une  petite  quantité  d'eau 
tombe  sur  le  mélange  effervescent  et  la  réaction  commence.  Il  est  es- 
sentiel de  laisser  cette  réaction  continuer  au  moins  pendant  un  quart 
d'heure,  afin  de  donner  le  temps  au  gaz  de  se  produire  et  de  se  dis- 
soudre. 

Mondollot  frères  ont,  dans  ces  derniers  temps,  perfectionné  ces  ap- 
pareils: 1°  en  remplaçant,  par  un  pas  de  vis  et  une  rondelle  en  caoutchouc, 
le  collage  en  mastic  à  l'aide  duquel  étaient  assujettis  à  leurs  garnitures 
en  étain  les  vases  producteurs  et  saturateurs  ;  2°  en  substituant  à  l'emploi 
de  l'étain  celui  du  verre  et  de  la  porcelaine  dans  la  construction  du  tube 
obturateur. 

Les  doses  de  substances  effervescentes  à  employer,  pour  un  litre  d'eau, 


BOISSONS.  —  boissons  acidulés  nok  gazeuses.  559 

dans  un   appareil  seltzogène  quelconque,  doivent  être  de:  bicarbonate 
de  soude,  18  grammes,  acide  tartrique  granulé,  45  grammes. 

Par  économie,  on  a  essayé  de  substituer  à  l'acide  tartrique,  l'acide 
sulfurique.  A  cet  effet,  on  se  servait  d'un  petit  appareil  assez  ingénieux, 
le  porte-acide  Garnaud  ;  mais  l'acide  sulfurique  étant  d'une  manipulation 
dangereuse,  cette  innovation  fut  bientôt  abandonnée.  Aujourd'hui,  dans 
les  hôpitaux  de  Paris,  pour  la  charge  des  appareils  Briet,  les  seuls  en 
usage  dans  ces  établissements,  on  se  sert  de  cartouches  composées  de 
25  grammes  de  bicarbonate  de  soude  et  d'environ  autant  de  bisulfate  de 
soude. 

Ce  dernier  sel  est  renfermé  dans  une  petite  fiole  bouchée,  et  recouverte 
d'une  capsule  en  papier,  collée  à  sa  paroi  extérieure,  et  contenant  le 
bi-carbonate. 

Le  reproche  que  l'on  peut  adresser  à  tous  les  appareils  seltzogènes  dits1 
de  ménage  est  de  produire  des  boissons  gazeuses  renfermant  toujours 
en  dissolution  une  proportion  plus  ou  moins  notable  de  tartrate  ou  de 
sulfate  sodique,  composés  purgatifs  dont  l'usage  continuel  peut  exercer 
une  action  fâcheuse  sur  la  muqueuse  de  l'appareil  digestif.  Produite 
dans  les  appareils  de  grande  fabrication,  l'eau  de  Seltz  en  siphons,  qui  ne 
présente  jamais  l'inconvénient  qui  vient  d'être  signalé,  sera  donc  toujours 
préférable;  cependant,  il  est  juste  de  le  reconnaître,  l'appareil  Briet  est 
de  tous  les  appareils  de  ménage  celui  qui  présente  cet  inconvénient  au 
moindre  degré,  et  même  on  peut  dire  que,  lorsqu'il  est  en  bon  état,  le 
mélange  des  sels  avec  l'eau  gazeuse,  s'il  existe,  ne  se  fait  réellement  qu'en 
proportions  tout  à  fait  inappréciables. 

A  côté  de  ce  léger  inconvénient,  l'appareil  Briet  présente  d'incontesta- 
bles avantages  :  il  est  peu  coûteux,  élégant,  commode,  facile  à  entre- 
tenir et  à  réparer;  il  permet  de  rendre  gazeuse  toute  espèce  de  boissons  : 
vin,  bière,  cidre,  limonades,  etc.,  et,  sous  ce  rapport,  il  rend  chaque 
jour  de  très-grands  et  très-réels  services  à  l'économie  domestique,  à  l'hy- 
giène, à  la  thérapeutique. 

B.  Limonades  gazeuses.  —  De  toutes  les  boissons  acidulés  gazeuses,  la 
limonade  gazeuse  simple  est  la  plus  usitée  et  l'une  des  plus  agréables. 
Sa  préparation  est  très-simple,  elle  consiste  à  introduire  dans  chaque 
bouteille  (d'une  contenance  de  675  grammes),  75  grammes  de  sirop  de 
limons,  et  de  tirer  l'eau  gazeuse  par-dessus,  sous  la  pression  d'environ 
huit  atmosphères.  Avec  l'appareil  Briet,  il  suffit,  pour  l'obtenir,  de  rem- 
placer l'eau  ordinaire  du  saturateur  par  de  l'eau  contenant  par  litre  en- 
viron 100  grammes  de  sirop  de  limons,  et  de  faire,  du  reste  fonctionner 
l'appareil  comme  pour  la  préparation  de  l'eau  de  Seltz.  On  obtiendra  éga- 
lement des  limonades  gazeuses  fort  agréables  en  substituant  au  sirop  de 
limons  ceux  d'oranges,  de  framboises,  de  fraises,  de  groseilles,  etc.  Enfin 
on  pourra,  par  les  mêmes  moyens,  rendre  gazeuses  les  limonades  miné- 
rales sulfurique,  azotique,  phosphorique,  chlorhydrique,  etc. 

Boissons  acidulés  non  gazeuses.  —  Les  sucs  des  fruits  acides,  i 
le  vinaigre,  les  acides  citrique    tartrique,  oxalique;  les  acides  minéraux 


oGO  BOISSONS.  —  boissons  acidulés  non  gazeuses. 

ajoutés  en  proportions  convenables  à  de  l'eau  sucrée,  constituent  des  bois- 
sons plus  ou  moins  agréables  que  l'on  nomme  des  limonades. 

Les  limonades  végétales  sont  préparées  avec  des  sucs  de  fruits  acides  ou 
avec  des  acides  végétaux.  Les  principales  sont  :  les  limonades  au  citron,  à 
l'orange,  à  la  groseille,  au  vinaigre. 

La  limonade  au  citron  ou  limonade  proprement  dite,  et  la  limonade  à 
l'orange  ou  orangeade  s'obtiennent  en  exprimant  simplement  le  suc  du 
citron  ou  de  l'orange  dans  de  l'eau  suffisamment  sucrée,  ou  en  faisant 
bouillir  (limonades  cuites)  pendant  quelques  instants  dans  un  litre  d'eau, 
un  citron  ou  une  orange  parfaitement  privés  de  leur  écorce;  passant 
ensuite  à  travers  un  linge  et  ajoutant  60  grammes  de  sirop  de  sucre.  Dans 
les  deux  cas  on  aromatise  les  produits  obtenus  à  l'aide  d'un  petit  frag- 
ment de  sucre  que  Ton  a  préalablement  frotté  sur  l'épicarpe  du  fruit 
avant  de  le  décortiquer. 

On  prépare  encore  la  limonade  au  citron  et  l'orangeade  avec  les  sirops 
de  limons  et  d'oranges  ;  mais,  comme  ces  sirops  s'obtiennent  avec  des 
sucs  fermentes  et  que,  dans  beaucoup  d'officines,  ils  ne  sont  même, 
le  plus  souvent  que  du  sirop  de  sucre  additionné  d'acide  citrique  et  de 
teinture  de  zestes  de  citrons  ou  d'oranges,  il  est  préférable,  toutes  les 
fois  qu'on  peut  se  procurer  des  fruits  bien  conservés,  de  ne  pas  avoir 
recours  à  ce  moyen. 

Dans  les  hôpitaux,  la  limonade  que  Ton  donne  aux  malades,  à  moins 
de  prescription  spéciale,  est  la  limonade  citrique,  solution  de  60  grammes 
de  sirop  d'acide  citrique  dans  un  litre  d'eau. 

On  appelle  limonades  sèches  des  poudres  formées  de  sucre  :  97  par- 
ties; acide  citrique,  tartrique  ou  oxalique  5  parties,  aromatisées  avec  suffi- 
sante quantité  d'essence  de  citron,  d'orange,  etc. 

Sous  le  nom  de  soda-water,  les  Anglais  préparent  au  mélange  effer- 
vescent de  5  parties  d'acide  citrique,  1  gramme  de  bicarbonate  de  soude 
et  15  grammes  de  sucre,  pour  500  grammes  d'eau.  En  France  la  dénomi- 
nation de  soda  s'applique  à  un  mélange  de  sirop  de  groseilles  et  d'eau  de 
Seltz. 

Voxycrat  est  un  mélange  d'eau  et  de  vinaigre  (environ  50  grammes  par 
litre)  avec  ou  sans  addition  de  sucre.  Lorsqu'il  doit  êtreédulcoré,  on  peut 
le  préparer  en  ajoutant  à  un  litre  d'eau  ordinaire,  60  à  80  grammes  de 
sirop  de  vinaigre  framboise. 

Les  limonades  minérales  se  préparent  en  additionnant  d'acide  sulfu- 
rique,  azotique,  phosphorique  ou  chlorhydriquc,  etc.,  de  l'eau  contenant 
par  litre  75  grammes  de  sirop  de  sucre.  Au  lieu  d'indiquer  en  poids  la 
quantité  d'acide  qui  doit  entrer  dans  ces  différentes  boissons,  mieux  vaut, 
pour  éviter  les  erreurs  dans  les  prescriptions,  exprimer  cette  quantité, 
variable  du  reste  pour  chaque  acide,  par  les  mots  :  ad  gratam  aciditatem. 
Usage  des  boissons  acidulés.  —  Envisagées  au  point  de  vue  deJ'bygiène, 
où  nous  devons  surtout  nous  placer  ici,  comme  aussi  au  point  de  vue  de 
la  thérapeutique,  les  boissons  acidulés  présentent  à  étudier  divers  modes 
d'action. 


BOISSONS.    BOISSONS    ACIDULES    1SON    GAZEUSES.  561 

De  quelque  nature  qu'elles  soient,  ces  boissons  ont  toutes  pour  effet 
immédiat  de  produire  sur  la  muqueuse  buccale  une  sensation  agréable 
de  fraîcheur  qui  les  rend  particulièrement  propres  à  étancher  la  soif;  en 
outre,  elles  ont  pour  effet  consécutif,  par  la  grande  proportion  d'eau 
qu'elles  renferment  toutes,  de  pouvoir  servir,  presque  à  l'égal  de  l'eau 
elle-même,  à  réparer  les  pertes  aqueuses  que  fait  sans  cesse  l'économie 
par  la  transpiration  cutanée,  la  sécrétion  rénale  et  l'exhalation  pulmo- 
naire. 

De  plus,  suivant  qu'elles  sont  gazeuses  ou  non  gazeuses,  suivant  quelles 
doivent  leur  saveur  aigrelette  à  un  acide  végétal  ou  à  un  acide  minéral, 
les  boissons  acidulés,  outre  ces  effets  généraux,  produisent  sur  l'orga- 
nisme desclfets  spéciaux  qui  méritent  particulièrement  d'être  signalés. 

Ainsi  l'eau  de  Seltz,  les  limonades  gazeuses,  toutes  les  boissons  char- 
gées d'acide  carbonique,  empruntent  à  cet  acide  des  propriétés  particu- 
lières]; les  limonades  végétales  n'agissent  pas  complètement  de  la  même 
manière  que  les  limonades  minérales;  et  les  unes  et  les  autres,  les  der- 
nières surtout,  présentent  aussi  entre  elles,  au  point  de  vue  thérapeutique, 
d'assez  sensibles  différences  (voy.  Acides  et  Acidulés). 

Veau  gazeuse  simple,  que  l'on  désigne  le  plus  souvent,  quoique  très- 
improprement  sous  le  nom  d'eau  de  Seltz,  a  depuis  longtemps  remplacé, 
à  peu  près  complètement  les  eaux  minérales  de  Seltz  ou  Selters  naturelle 
et  artificielle.  Il  est  à  remarquer  néanmoins  qu'il  se  fait  actuellement  une 
consommation  assez  notable  d'eaux  minérales  naturelles  fort  analogues  à 
l'eau  de  Selters,  par  leur  composition  chimique,  telles  que  les  eaux  de 
Saint-Galmier,  deCondillac,  de  Chàteldon,  de  Pougues,  de  Soultzmatt,  de 
Schwalhem  et  quelques  autres,  plus  ou  moins  en  vogue  aujourd'hui  comme 
boissons  de  table. 

Comme  le  gaz  acide  carbonique  existe,  dans  les  eaux  naturelles,  en 
dissolution  plus  parfaite  que  dans  les  eaux  artificielles,  les  premières, 
une  fois  versées  et  exposées  à  l'air,  conservent,  il  est  vrai,  plus  facilement 
que  les  dernières,  le  gaz  qui  les  sature  ;  mais,  d'un  autre  côté,  comme 
aucune  eau  minérale  gazeuse  naturelle  ne  renferme  autant  d'acide  carbo- 
nique qu'il  est  possible  d'en  introduire  dans  les  eaux  gazeuses  artificielles, 
comme  aussi  les  eaux  gazeuses  naturelles  renferment  une  quantité  de 
sels  alcalins  et  terreux  toujours  plus  considérable  que  celle  contenue 
dans  les  eaux  potables  qui,  d'ordinaire,  servent  à  la  préparation  de  l'eau 
de  Seltz  ou  eau  gazeuse  simple,  on  comprend  que,  dans  un  grand  nombre 
de  cas,  la  préférence  soit  accordée  à  celle-ci. 

L'eau  de  Seltz,  mêlée  au  vin  et  prise  aux  repas,  constitue  une  boisson 
des  plus  agréables  et  des  plus  salutaires.  Elle  flatte  le  palais,  rafraîchit 
sans  irriter;  elle  est  tonique,  apéritive,  diurétique;  elle  favorise  les  fonc- 
tions de  tout  l'appareil  digestif.  L'introduction  de  l'eau  gazeuse  dans  la 
consommation  publique  est  une  des  plus  précieuses  conquêtes  de  l'hygiène 
moderne;  c'est,  pour  la  société,  dit  Herpin  (de  Metz),  un  véritable  bien- 
fait, une  cause  de  bien-être.  L'eau  gazeuze  est,  pour  le  pauvre,  une  bois- 
son qui  l'aide  à  digérer  une  nourriture  souvent  grossière  et  peu  appétis- 


502  BOISSONS.  —  Boissoiss  acidulés  non  gazeuses. 

saute;  qui  le  trompe  agréablement,  et  sans  inconvénient,  sur  la  saveur 
des  vins  de  bas  prix  dont  il  s'abreuve,  et  qui,  avantage  non  moins  grand, 
peut,  en  lui  faisant  contracter  l'habitude  d'étendre  d'eau  le  vin  qu'il  prend 
a  ses  repas,  l'éloigner,  jusqu'à  un  certain  point,  de  l'abus  qu'il  serait 
tenté  de  faire  des  boissons  alcooliques. 

Comme  médicament,  l'eau  gazeuse  est  administrée  avec  succès,  surtout 
contre  les  vomissements  nerveux  et  ceux  qui  dépendent  d'une  affection 
organique  et  chronique  de  l'estomac. 

L'eau  de  Seltz  et  toutes  les  eaux  carbo-gazeuscs  sont  recommandées, 
dit  Herpin,  de  Metz,  dans  toutes  les  maladies  des  membranes  muqueuses 
caractérisées  par  une  excitation  ou  une  perturbation  particulière  accom- 
pagnée d'une  sécrétion  morbide  ;  tels  que  : 

1°  Les  maladies  chroniques  des  muqueuses,  tant  avec  un  caractère  de 
faiblesse  et  d'atonie  qu'avec  une  certaine  excitation  inflammatoire,  dans 
les  vomissements  habituels,  dans  les  catarrhes  chroniques  du  nez,  de  la 
poitrine,  de  la  vessie,  des  voies  urinaires. 

2°  L'état  muqueux  du  canal  intestinal,  les  coliques,  les  engorgements 
du  foie,  de  la  rate  et  des  viscères  parenchymateux. 

o°  Dans  les  maladies  chroniques  du  système  vasculaire,  avec  atonie  ou 
bien  augmentation  d'irritabilité,  spécialement  dans  les  hémorrhoïdes,  la 
dysménorrhée. 

4°  Dans  les  maladies  nerveuses  :  état  convulsif,  crampes  d'estomac, 
vomissements,  coliques,  etc. 

5°  Au  commencement  des  hydropisies,  en  excitant  le  système  lympha- 
tique et  en  activant  la  sécrétion  des  urines  par  leurs  propriétés  diuré- 
tiques. 

6°  Dans  le  cas  de  pierre  ou  de  gravelle,  tant  pour  corriger  la  disposi- 
tion à  cette  maladie  que  pour  faciliter  l'évacuation  des  concrétions  et 
diminuer  la  douleur  occasionnée  par  leur  présence. 

On  a  préconisé  aussi  l'eau  de  Seltz  et  les  eaux  acidulés  gazeuses  dans 
le  scorbut  (Barbier),  dans  les  douleurs  néphrétiques  calculeuses  (Orfila), 
dans  la  tuberculisation  récente  (Hufeland),  etc.,  etc. 

Prise  en  excès  par  des  sujets  affaiblis  ou  d'une  grande  susceptibilité 
nerveuse,  l'eau  de  Seltz  peut  déterminer  une  surexcitation  des  voies  di- 
gestives,  des  vertiges  et  même  l'ivresse  (Cazenave);  mais  ces  symptômes 
qui  ne  se  montrent,  du  reste,  qu'exceptionnellement,  ne  peuvent,  dans 
aucun  cas,  être  invoqués  contre  l'innocuité,  aujourd'hui  bien  démontrée, 
du  gaz  acide  carbonique. 

Les  limonades  minérales  sulfurique,  phosphorique,  azotique,  chlorhy- 
drique,  etc.,  outre  les  propriétés  qu'elles  partagent  avec  les  limonades 
végétales,  d'éteindre  la  sensation  de  la  soif  et  d'exciter  les  muqueuses  di- 
gestives,  produisent  sur  l'organisme  des  effets  secondaires  très-distincts 
que  nous  allons  essayer  d'analyser. 

Les  limonades  minérales  une  fois  ingérées,  sont  absorbées  en  partie 
par  l'estomac  et  en  partie  par  le  canal  intestinal.  La  portion  absorbée 
par  les  veines  de  l'estomac  passe  dans  le  sang,  s'y  sature,  et,  diminuant 


BOISSONS.  —  boissons  acidulés  non  gazeuses.  563 

l'alcalinité  de  ce  liquide,  tend  à  contracter  les  éléments  albuminoïdes 
qu'il  renferme;  de  plus,  la  petite  quantité  de  sel  alcalin,  sulfate,  phos- 
phate, azotate  ou  chlorure,  formée  dans  cette  circonstance,  agit  ultérieu- 
rement comme  diurétique.  Quant  à  la  portion  qui  pénètre  dans  l'intes- 
tin, comme  elle  n'est  absorbée  qu'après  avoir  été  saturée  par  les  sucs  de 
ce  canal,  elle  ne  peut  exercer  sur  le  sang  aucune  action  coagulante  ;  elle 
est  uniquement  diurétique.  Enfin,  par  la  grande  quantité  d'eau  dont  elles 
sont  formées,  les  limonades  minérales  agissent,  en  outre,  comme  anti- 
phlogistiques.  De  sorte  que  les  boissons  acidulées  par  les  acides  sulfuri- 
que,  phosphorique,  azotique,  chlorhydrique,  etc.,  abstraction  faite 
de  certaines  propriétés  particulières  à  chacune  d'elles,  peuvent  être  con- 
sidérées, en  définitive,  comme  exerçant  sur  l'organisme  une  action  médi- 
catrice  à  la  fois  tonique,  tempérante  et  diurétique. 

Les  limonades  végétales,  jusqu'à  leur  entrée  dans  l'appareil  circula- 
toire, se  comportent,  à  peu  près,  de  la  même  manière  que  les  limonades 
minérales;  mais,  tandis  que  les  acides  sulfurique,  phosphorique,  azo- 
tique, etc.,  dont  ces  dernières  sont  formées,  n'éprouvent,  dans  le  sang, 
aucune  décomposition  ;  les  acides  végétaux:  citrique,  tartrique,  mali- 
que,  acétique,  etc.,  qui  existent  dans  les  premières,  sont,  au  contraire, 
brûlés  dans  la  combustion  circulatoire  et  donnent  pour  produits  ultimes 
des  carbonates  alcalins.  Or,  ces  derniers  sels  étant,  comme  on  le  sait, 
des  fluidifiants  du  sang,  les  limonades  végétales  ,  en  fin  de  compte, 
exercent  sur  l'organisme  une  action  débilitante.  Les  considérations  qui 
précèdent  justifient,  du  reste,  la  division  établie  par  le  professeur 
Mitscherlich,  lequel  appelle  tonico-tempérants,  les  acides  minéraux,  et 
rafraîchissants,  les  acides  végétaux. 

Tliermalité  des  boissons.  —  Indépendamment  des  effets  généraux  ou 
spéciaux,  dus  à  la  nature  des  éléments  qui  les  constituent,  les  boissons, 
quelle  que  soit  leur  composition,  produisent,  suivant  qu'elles  sont  froi- 
des, chaudes  ou  tièdes,  des  effets  très-différents  qui,  en  hygiène  et  en 
thérapeuthique,  peuvent  présenter,  selon  les  cas,  des  avantages  ou  des 
inconvénients. 

«  Les  boissons  tièdes  sont  lourdes,  indigestes,  produisent  l'anorexie 
et  sont  des  auxiliaires  de  l'action  perturbatrice  des  émétiques. 

«  Les  boissons  chaudes  exercent  sur  l'estomac  une  action  excitatrice 
très-puissante;  leur  influence  ne  se  fait  pas  seulement  sentir  lorsque  le 
calorique  est  porté  directement  dans  l'estomac,  il  est  d'observation,  chez 
les  dyspepsiques,  que  l'application  d'un  corps  chaud  :  sachet,  cata- 
plasme, etc.,  sur  le  creux  épigastrique,  active,  d'une  manière  non  moins 
douteuse,  le  travail  de  la  digestion. 

«  Dans  les  dyspepsies  atoniques,  forme  si  fréquente  des  dérangements 
fonctionnels  de  l'estomac,  principalement  chez  les  femmes  qui  présentent 
quelques  troubles  du  côté  de  l'utérus,  il  y  a  avantage  à  prescrire  des  bois- 
sons chaudes;  mais  à  une  condition  expresse,  c'est  qu'il  n'existe  ni  vo- 
missements, ni  douleurs.  La  flatulence,  compagne  assidue  de  l'état 
dyspepsique,  n'est  pas  un  phénomène  qui  contre-indique  l'usage  des  bois 


564  BOISSONS.  —  boissons  acidulks  .non  gazeuses. 

sons  chaudes,  car  il  s'agit  bien  moins  de  ne  pas  dilater  par  la  chaleur  les 
gaz  produits  dans  l'estomac  que  d'en  tarir  la  source  en  combattant  la 
torpeur  atonique  des  parois  de  cet  organe.  »  (Fonssagrives.) 

Toutes  les  fois,  au  contraire,  qu'une  affection  de  l'estomac  se  compli- 
quera de  douleurs  et  de  vomissements,  les  boissons  froides,  qui  exercent 
sur  les  nerfs  de  cet  organe  une  action  anesthésique  puissante  et  qui 
diminuent  les  spasmes  de  sa  tunique  musculaire,  devront  être  préférées. 

Les  boissons  froides  sont  d'un  grand  secours  dans  les  vomissements 
opiniâtres,  dans  l^s  diverses  formes  de  la  dyspepsie  douloureuse,  dans  la 
gastrorrhagic,  le  choléra,  etc. 

Mais  à  côté  des  précieux  services  qu'elles  peuvent  rendre  à  la  théra- 
peutique, les  boissons  froides  peuvent  présenter  en  hygiène  de  très-graves 
inconvénients.  Guérard ,  dans  un  remarquable  mémoire  sur  les  acci- 
dents qui  peuvent  succéder  à  l'ingestion  de  ces  boissons,  a  rapporté  plu- 
sieurs exemples  de  mort  instantanée  après  l'ingestion  d'une  boisson 
froide,  le  corps  étant  échauffé  par  une  marche  pénible  ou  un  exercice 
violent. 

«  Des  affections  spasmodiques  et  des  phlegmasies  peuvent  se  déclarer 
sous  les  mêmes  influences  ;  aux  premières  se  rattachent  certaines  gastral- 
gies ;  aux  secondes  appartiennent  la  gastrite  aiguë,  la  gastro-entérite,  la 
péritonite  avec  ou  sans  épanchement,  la  dysenterie,  etc.  Enfin,  si  l'on 
s'en  rapporte  aux  assertions  des  auteurs,  presque  toutes  les  maladies 
aiguës  ou  chroniques  de  la  poitrine  pourraient  résulter  de  l'usage  impru- 
dent des  boissons  froides.  Van  Swieten  dit  avoir  vu  plusieurs  fois  l'hé- 
moptysie se  déclarer  aussitôt  après  l'ingestion  d'une  boisson  froide,  le 
corps  étant  échauffé  et  en  sueur.  » 

En  résumé,  continue  Guérard,  les  accidents  les  plus  variés  et  les  plus 
sérieux  peuvent  résulter  de  l'ingestion  des  boissons  froides,  quelle  qu'en 
soit  la  nature,  lorsque  le  corps  est  échauffé,  et  particulièrement  pendant 
la  saison  chaude. 

La  gravité  de  ces  accidents  est  liée  aux  quatre  conditions  suivantes: 

«  1°  Echautfement  préalable  du  corps  ;  2°  vacuité  actuelle  de  l'estomac; 
5°  grande  quantité  de  boisson  ingérée  dans  un  temps  donné;  4°  bas^e 
température  de  cette  boisson. 

«  Ce  n'est  pas  sans  raison,  dit  Guérard,  que  nous  plaçons  en  dernier  lieu 
la  basse  température  de  la  boisson.  Cette  condition,  tout  influente  qu'elle 
est,  n'est  que  secondaire,  puisque  nous  avons  vu  que  de  l'eau,  de  la 
bière,  du  vin  à  -f-  11°  ou  H-12u  pouvaient  produire  la  mort  instantanée, 
ce  qui  n'a  jamais  lieu  avec  les  glaces,  et  ce  qui  paraîtrait  devoir  être  plus 
rare  avec  les  boissons  à  zéro. 

«  La  vacuité  de  l'estomac  aide  puissamment  aux  elfets  fâcheux  qui 
viennent  d'être  signalés  ;  en  effet,  par  cette  circonstance,  la  boisson  arrive 
immédiatement  au  contact  de  la  membrane  muqueuse  gastrique  :  lorsque, 
au  contraire,  des  aliments  en  plus  ou  moins  grande  proportion,  occupent 
la  cavité  du  viscère,  le  liquide  se  mêle  à  la  masse,  s'y  échauffe,  et  perd 
ainsi  ses  propriétés  nuisibles. 


BOISSONS. 


BOISSONS    AROMATIQUES. 


365 


«  On  doit  encore,  dans  l'appréciation  des  effets  des  boissons  froides, 
attribuer  une  grande  part  à  la  quantité  de  boisson  ingérée  dans  un  temps 
déterminé,  puisque  de  cette  quantité  dépend  l'étendue  de  la  surface 
impressionnée  simultanément,  et,  par  conséquent,  la  gravité  des  accidents 
produits;  la  lenteur  avec  laquelle  les  glaces  arrivent  dans  l'estomac  suffit 
donc  pour  nous  rendre  raison  de  leur  innocuité  relative;  et  déplus,  l'ex- 
périence s'accorde  avec  la  théorie  pour  établir  qu'il  est  possible  de  pré- 
venir les  effets  fâcheux  d'un  liquide  froid,  en  ne  l'avalant  que  par  petites 
portions  et  à  des  intervalles  plus  ou  moins  éloignés,  suivant  la  tempé- 
rature. » 


BOISSONS    AROMATIQUES. 

Thé.  —  Plusieurs  arbrisseaux  de  la  Chine  et  du  Japon  fournissent  cette 
précieuse  substance.  Linné  rapportait  les  diverses  sortes  de  thé  qui,  de 
son  temps,  existaient 
dans  le  commerce,  à  deux 
espèces  distinctes  qu'il 
nommait  tliea  bohe.a  et 
thea  viriciis.  D'autres  bo- 
tanistes créèrent  après 
lui  plusieurs  espèces 
nouvelles;  mais  il  est 
admis  aujourd'hui  que 
toutes  ces  espèces,  qui, 
du  reste,  ne  diffèrent 
guère  que  par  le  nombre 
de  leurs  pétales,  ne  sont 
que  des  variétés  d'une 
seule  et  même  espèce,  le 
thea  sinensis,  Simson, 
de  la  famille  des  Terns- 
trémiacées  de  De  Can- 
dolle,  Aurantiacées  à 
fruit  capsulaire  de  A.  L. 
de  Jussicu. 

Caractères  spécifiques 
àuthea sinensis (fig.  16)  : 
tige  haute  de  deux  à  trois 
mètres  ;  feuilles  alternes, 
ovales,  oblongues,  poin- 
tues, finement   dentées; 

fleurs  axillaires,  pédonculées;  calice  à  cinq  divisions  presque  complète- 
ment distinctes;  corolle  de  six  à  neuf  pétales;  étamines  nombreuses, 
plurisériées;  ovaire  libre,  triloculaire,  à  styles  trilides;  fruit  capsulaire 
à  trois  logos  contenant  ordinairement  une  seule  semence  ronde,  plus  ra- 
rement deux. 


sf.  /t'/û>?y9^rty.Jr' 


FiG.  15  —  Thé. 


5C6  BOISSONS.  —  boisas  aromatiques 

Le  thé  est  cultivé  sur  les  bords  des  champs  ou  en  quinconces  sur  le 
penchant  des  coteaux.  La  récolte  a  lieu  plusieurs  fois  par  an,  et  commence 
vers  le  milieu  d'avril.  Les  premières  feuilles  sont  couvertes  d'un  duvet  à 
reflets  blanchâtres;  elles  donnent  le  thé  le  plus  lin  et  le  plus  parfumé.  La 
deuxième  récolte  est  plus  abondante  et  les  feuilles  plus  grandes.  Les  troi- 
sièmes et  quatrièmes  feuilles  sont  encore  plus  développées,  mais  leur 
odeur  est  moins  suave  et  leur  saveur  moins  agréable. 

Les  feuilles  récoltées  sont  entassées  dans  des  paniers  de  bambou  et  de 
jonc,  et  apportées  aux  ateliers  de  séchage  établis  sous  des  hangars.  On 
croyait  anciennement  qu'elles  étaient  d'abord  plongées,  pendant  une 
demi-minute,  dans  l'eau  bouillante.  Il  paraît  qu'il  n'en  est  rien.  On  les 
met  dans  de  petites  bassines  de  tôle  encastrées  au  nombre  de  deux,  trois, 
quatre  ou  davantage,  à  la  suite  les  unes  des  autres,  sur  un  fourneau  hori- 
zontal. Des  ouvriers  les  remuent  sans  cesse,  soit  à  la  main,  soit  avec  un 
petit  balai  en  baguettes  de  bambou.  Dans  certains  endroits,  on  jette  les 
feuilles  sur  de  grandes  plaques  de  fer  ou  de  cuivre  placées  aussi  sur  un 
fourneau.  Au  bout  de  cinq  minutes,  elles  se  crispent;  on  les  enlève  alors 
pour  les  étendre  sur  une  table  à  claire  voie  formée  de  tiges  de  bambou 
ou  sur  de  grandes  nattes  disposées  sur  des  tables.  D'autres  ouvriers  les 
prennent,  les  pétrissent,  les  roulent  avec  la  paume  de  la  main;  au  bout 
de  quelques  minutes,  le  volume  des  feuilles  est  réduit  des  deux  tiers  ou 
des  trois  quarts.  On  leur  fait  subir  une  sorte  de  vannage,  puis  on  les 
étend  à  l'air.  Dans  certaines  localités,  on  les  refroidit  à  l'aide  de  grands 
éventails.  Cette  opération  du  grillage  est  répétée  deux  ou  trois  fois;  mais 
on  chauffe  de  moins  en  moins  les  bassines  et  les  plaques,  et  l'on  roule 
les  feuilles  de  plus  en  plus.  Pour  les  thés  les  plus  estimés,  chaque  feuille 
doit  être,  dit-on,  roulée  séparément,  tandis  que  pour  les  thés  communs, 
on  en  roule  plusieurs  à  la  fois. 

Lorsque  le  thé  est  bien  roulé  et  bien  sec,  on  le  crible  ;  puis  on  ren- 
ferme dans  des  caisses  ou  dans  des  boîtes  que  l'on  ferme  exactement. 

Le  nombre  des  thés  du  commerce  est  considérable,  et  dans  chaque  va- 
riété il  y  a  souvent  plusieurs  nuances.  Les  qualités  des  diverses  sortes 
dépendent  du  pays,  de  l'exposition  de  l'arbrisseau,  de  sa  culture,  de 
l'âge  des  feuilles,  de  la  durée  du  grillage  et  de  l'art  avec  lequel  on  les  a 
préparées. 

On  a  divisé  les  thés  en  deux  groupes  :  1°  les  thés  verts;  2°  les  thés 
noirs. 

Les  premiers  ont  une  couleur  verte  ou  grisâtre,  plus  ou  moins  glauque; 
leur  infusion  est  blonde;  ils  ont  une  saveur  aromatiqne  un  peu  acre.  Les 
seconds  ont  une  teinte  plus  ou  moins  brune;  leur  infusion  est  plus  fon- 
cée; ils  sont  moins  aromatiques,  mais  plus  doux.  On  obtient  les  thés 
verts  par  une  dessiccation  rapide  qui  ne  laisse  que  peu  de  prise  aux  alté- 
rations spontanées  et  conserve  aux  feuilles,  le  plus  possible,  leur  colora- 
tion naturelle.  On  produit  les  thés  noirs  par  une  dessiccation  lente  qui 
modifie  leur  couleur  et  affaiblit  leurs  propriétés. 

Il  existe  en  Chine  des  districts  à  thé  vert  et  des  districts  à  thé  noir, 


BOISSONS.  —  boissons  aromatiques..  367 

distinctions  fondées  principalement  sur  les  habitudes  locales  de  la  fabri- 
cation. 

Les  principales  sortes  de  thés  verts  sont  : 

1°  Le  thé  hayswen,  ou  hiswin,  ou  hyson,  en  feuilles  roulées  longitudi- 
nalement,  d'une  teinte  vert  sombre  bleuâtre,  d'une  odeur  agréable  et 
d'une  saveur  astringente.  Par  l'infusion  les  feuilles  se  développent,  ac- 
quièrent de  trois  à  cinq  centimètres  de  longueur,  d'un  centimètre  et  demi 
à  deux  centimètres  de  largeur,  et  une  teinte  plus  verte.  C'est  un  des 
meilleurs  thés  et  un  de  ceux  qu'on  emploie  le  plus  généralement  en 
France. 

Le  thé  hyson  jeune  est  produit  par  des  feuilles  encore  peu  développées. 
Il  est  rare  et  d'un  haut  prix.  En  Chine,  on  l'offre  en  cadeau  aux  per- 
sonnes éminentes  de  l'empire. 

2°  Le  thé  chulan,  ou  schulang,  ou  threhulan,  qui  ressemble  entière- 
ment, par  ses  caractères  physiques  et  par  les  propriétés  de  son  infusion, 
au  thé  hayswen,  mais  dont  l'odeur  est  beaucoup  plus  suave.  Cette  odeur 
est  celle  de  Volea  frayrans,  plante  avec  laquelle  le  thé  chulan  est,  dit-on, 
aromatisé. 

D'autres  sortes  semblent  également  devoir  leur  odeur  particulière  à  di- 
verses substances  aromatiques,  telles  une  les  fleurs  de  Camellia  sesanqua, 
de  jasminwn  sambac,  etc. 

5°  Le  thé  perlé  ou  impérial,  à  feuilles  roulées  dans  le  sens  de  la  lon- 
gueur, puis  repliées  dans  celui  de  la  largeur,  disposition  qui  lui  donne 
un  aspect  globuleux  et  le  rend  moins  accessible  à  l'humidité.  Il  est  d'un 
vert  argenté;  son  parfum  est  très-agréable. 

4°  Le  thé  pondre  à  canon,  ou  choo-cha,  qui  ne  parait  être  que  du  thé 
perlé,  dont  les  feuilles,  avant  d'être  roulées,  ont  été  d'abord  divisées  en 
plusieurs  fragments.  En  petites  boules  très-serrées,  lourdes,  d'un  vert 
un  peu  noirâtre. 

Les  principaux  thés  noirs  sont  : 

1°  Le  thé pekao  ou  pak-ho  (duvet  blanc),  à  feuilles  très-jeunes,  recou- 
vertes de  duvet  blanchâtre;  d'odeur  forte  et  suave.  C'est  le  plus  lin  et  le 
plus  estimé  des  thés  noirs. 

2°  Le  thé  congo  ou  koong-foo,  à  feuilles  minces,  courtes,  d'un  noir 
grisâtre.  Odeur  et  saveur  très-agréables.  Thé  de  famille  des  Russes. 

5°  Le  thé  soncliony  ou  bouy,  à  feuilles  assez  grandes,  lâchement  rou- 
lées dans  le  sens  de  la  longueur;  brun  noirâtre,  odeur  et  saveur  plus 
faibles  que  celles  des  deux  premières  sortes. 

Tous  les  thés  lins,  destinés  à  l'exportation,  sont  enfermés  dans  des 
caisses  vernissées,  doublées  de  lames  d'étain,  de  plomb,  de  feuilles  sèches 
ou  de  papier  peint.  Ces  caisses  sont,  en  outre,  revêtues  de  nattes  de  bam- 
bou très-serrées,  ou  recouvertes  de  peau.  Ce  dernier  emballage  ne  se  pra- 
tique que  pour  les  thés  fins  envoyés  en  Russie,  et  qu'on  désigne  sous  le 
nom  de  thé  de  la  Caravane. 

Le  thé  a  été  analysé  par  plusieurs  chimistes ,  particulièrement  par 
Péligot.  11  renferme  :  1°  une  huile  essentielle  à  laquelle  il  doit  son  arôme, 


068  BOISSONS.  —  boissons  aromatiques. 

et  qui,  isolée  par  la  distillation  du  thé  au  contact  de  l'eau,  exhale  une 
odeur  forte  et  étourdissante  ;  2°  une  suhstance  alcaloïdique  très-azotée, 
cristallisable,  la  caféine,  découverte  d'abord  par  Runge,  en  1820,  dans  le 
café,  et  trouvée  plus  tard  dans  le  thé  par  Oudry,  et  par  Th.  Martine,  dans 
le  guarana  (voy.  ce  mot)  ;  3°  une  matière  albuminoïde,  signalée  par  Péli- 
got,  et  <jui  se  trouve  en  abondance  dans  la  feuille  du  thé  après  qu'on 
en  a  extrait,  au  moyen  de  l'eau  bouillante,  tous  les  principes  solubles  : 
cette  matière,  identique  avec  la  caséine  du  lait,  existe  dans  la  proportion 
de  28  pour  100  dans  la  feuille  épuisée  par  l'eau  bouillante.  Le  thé  se 
compose  en  outre  de  ligneux  qui  en  forme  environ  la  moitié,  de  gomme, 
de  tannin,  d'albumine  végétale  et  de  sels  divers. 
D'après  Mulder,  100  parties  de  thé  contiennent  : 


Huile  essentielle 

Chlorophylle 

Cire 

Résine 

Gomme 

Tannin 

Caféine 

Matières  exlractives 

Matière  colorante  particulière.. 
Albumine  (caséine  de  Péligot) 

Fibres  (cellulose) 

Cendres 


Les  thés  sont  quelquefois  l'objet  de  falsifications  qui  consistent  princi- 
palement dans  des  colorations  artificielles  avec  le  curcuma,  le  bleu  de 
Prusse,  etc.,  ou  dans  des  substitutions  de  feuilles  étrangères  au  thé, 
telles  que  celles  de  frêne,  de  saule,  d'églantier,  d'orme,  etc.  (Chevallier). 

On  emploie  en  infusion  théiforme,  dans  les  diverses  parties  du  globe, 
les  feuilles  ou  les  fleurs  d'un  grand  nombre  de  végétaux.  Dans  l'A- 
mérique septentrionale,  on  fait  usage  des  feuilles  de  l'ilex  vomitoria 
ou  thé  des  Apalaches;  au  Pérou,  il  se  fait  un  commerce  fort  considé- 
rable des  feuilles  de  coca,  erythroxulon  coca,  dont  la  saveur  est  faible- 
ment aromatique  et  amère,  et  dont  les  propriétés  excitantes  sont  telle- 
ment prononcées,  qu'en  mâchant  ces  feuilles  continuellement,  comme 
font  beaucoup  d'Indiens,  elles  finissent  par  produire  une  sorte  d'eni- 
vrement. 

On  appelle  thé  du  Mexique,  le  chenopodium  ambroisioïdes  ;  thé  du 
Canada,  le  gaultheria  procumbens;  thé  des  Kalmares,  le  glycirrhiza 
aspera  ;  thé d' Europe,  la  véronique  officinale,  la  mélisse  et  surtout  la  sauge, 
plante  qui,  pendant  quelque  temps,  fut  envoyée  en  Asie,  en  échange  du 
thé  fourni  par  l'arbrisseau  de  la  Chine,  mais  qui  n'eut  pas,  dans  le  Céleste 
Empire,  le  succès  que  ce  dernier  obtint  parmi  nous. 

Usages.  —  L'usage  du  thé,  en  Chine  et  dans  plusieurs  autres  parties 
de  l'Asie,  remonte  à  la  plus  haute  antiquité.  En  Europe,  il  ne  fut  intro- 
duit que  vers  le  milieu  du  dix-septième  siècle-  Il  se  répandit  peu  à  peu, 


THE    VERT. 

THE    NOIR 

0.79 

0,60 

2/22 

1,84 

0/28 

» 

2  22 

5,84 

8,56 

7,28 

17,80 

12,88 

0,43 

0,46 

22,80 

21,56 

25,60 

19,12 

5,00 

2,80 

17,08 

28,52 

5,56 

5,24 

BOISSONS.  —  boissons  aromatiques.  359 

d'abord  en  Hollande,  en  Angleterre,   dans  les  pays  du  Nord,  et  plus 
lard  en  France  et  dans  le  reste  de  l'ancien  continent. 

La  consommation  de  thé  est  immense  ;  elle  importe  à  l'hygiène  et  à 
la  médecine,  au  commerce  et  à  la  civilisation.  En  1679,  l'Angleterre  ne 
recevait  que  56  kilogrammes  de  thé  de  la  compagnie  hollandaise  des 
Indes.  En  1855,  l'importation  de  cette  substance  s'élevait  à  10  millions  de 
kilogrammes.  En  1858,  elle  a  été  de  plus  de  34  millions  de  kilogrammes. 

Le  thé  fournit  une  boisson  plus  ou  moins  aromatique  et  plus  ou  moins 
astringente,  dont  la  couleur  varie  entre  le  jaune  clair  et  le  brun  foncé, 
selon  que  l'infusion  a  été  faite  avec  du  thé  vert  ou  du  thé  noir,  qu'elle  a 
été  plus  ou  moins  prolongée,  et  que  la  quantité  de  thé  employée  a  été  plus 
ou  moins  forte.  Concentrée  et  chaude,  cette  infusion  est  limpide,  mais, 
en  se  refroidissant,  elle  se  trouble,  et  tient  alors  en  suspension  une  poudre 
grise  très-divisée,  qui  n'est  autre  chose  qu'une  combinaison  de  tannin  et 
de  théine  (caféine),  soluble  dans  l'eau  chaude  et  insoluble  dans  l'eau  froide. 

On  mélange  souvent  les  thés  verts  avec  les  thés  noirs,  dans  le  but 
d'éviter  l'excitation  trop  grande  produite  par  les  premiers,  et  d'obtenir 
un  arôme  mixte  généralement  plus  agréable.  On  ajoute  quelquefois  à  l'in- 
fusion de  thé,  du  lait  ou  une  liqueur  alcoolique,  principalement  du  rhum 
ou  de  l'eau-de-vie. 

Le  thé  est  une  boisson  dont  l'habitude  est  trop  universellement  ré- 
pandue pour  qu'elle  ne  réponde  pas  à  un  besoin  réel.  Les  Anglais,  les 
Hollandais,  les  Russes  en  font  un  usage  continuel,  et  suppléent  ainsi  à  la 
lacune  que  l'absence  du  vin  laisse  dans  leur  alimentation.  La  stimulation 
active  que  le  thé  imprime  aux  fonctions  de  l'estomac  est  d'ailleurs  très- 
propre  à  rendre  les  digestions  plus  parfaites  et  à  exciter  celle  force  de 
calorification  intérieure  par  laquelle  l'organisme  résiste  à  l'action  des 
climats  froids.  Les  Anglais  consomment  le  thé  à  leurs  repas  comme  bois- 
son ordinaire,  et  cet  usage  est  si  répandue  chez  eux  que  cette  infusion 
entre  dans  la  ration  réglementaire  des  hôpitaux. 

L'usage  habit.uol  du  thé,  en  introduisant  dans  l'organisme  une  assez 
forte  proportion  d'eau,  tend,  par  cela  même,  à  diminuer  la  plasticité  du 
sang,  et  peut,  jusqu'à  un  certain  point,  soustraire  les  personnes  qui 
usent  largement  des  jouissances  de  la  table  aux  atteintes  de  la  gravelle, 
de  la  goutte  et  des  maladies  inflammatoires. 

Bien  qu'on  ait  attribué  au  thé  un  grand  nombre  de  propriétés  mer- 
veilleuses ,  il  n'est  guère  employé  chez  nous  en  thérapeutique  que  pour 
combattre  les  accidents  de  l'indigestion,  et  comme  c'est  surtout  l'infu- 
sion légère  (4  grammes  par  litre)  qui  réussit  le  mieux,  on  serait  tenté  de 
croire  que  le  véhicule,  l'eau  sucrée  chaude,  agit,  dans  ce  cas,  plus  encore 
que  le  médicament  lui-même. 

Le  thé  léger  est  à  peu  près  sans  inconvénients  ;  mais  il  n'en  est  pas 
de  même  lorsqu'il  est  très-fort,  comme  les  Anglais  ont  l'habitude  de 
le  préparer.  Chez  beaucoup  de  personnes,  il  agite  alors  les  nerfs,  accé- 
lère très-manifestement  la  circulation,  augmente  la  chaleur  du  corps, 
cause  de  l'insomnie,  des  mouvements  convulsifs  des  membres  et  même 

NOUV.    DICT.    MÉD.    ET    CHIB.  V.    —    24 


570 


BOISSONS. 


BOISSONS    AROMATIQUES. 


une  sorte  d'ivresse;  c'est  donc  un  excitant  dont  il  ne  faut  pas  mésuser. 
On  prétend  qu'en  Chine  les  grands  buveurs  de  thé  sont  maigres,  faibles, 
ont  le  teint  plombé,  les  dents  noires,  sont  sujets  au  diabète,  etc. 

Café.  —  Le  végétal  qui  fournit  le  café,  le  caféier,  coffea  Arabica 
Linn.,  de  la  famille  des  Rubiacées  est,  dit-on,  originaire  de  l'Abys- 
sinie;  il  croît  surtout  dans  la  province  de  Kaffa,  d'où  lui  vient  son  nom. 


yf.  sr/ûc.-r.r   -." 


Fig.  17.  —  Caféier  [Coffea  Arabica), 

Ce  n'est  que  aans  le  quinzième  siècle  que  le  caféier  a  été  transporté  de 
l'Abyssinie  dans  l'Arabie  heureuse  ;  mais  si  l'Arabie  n'est  point  la  première 
patrie  du  caféier,  elle  est  du  moins  sa  patrie  adoptive,  son  séjour  de  pré- 
dilection :  nulle  part  il  ne  prospère  mieux  et  ne  donne  de  meilleurs  pro- 
duits que  dans  le  royaume  d'Yemen,  aux  environs  de  Moka. 

Ce  sont  les  Hollandais  qui,  les  premiers,  importèrent  le  caféier  en  Europe. 
En  1690,  van  Horn,  président  des  Indes  orientales,  en  acheta  quelques 
pieds  à  Moka,  et  les  introduisit  à  Batavia  où  ils  réussirent  à  merveille. 
Vers  1710,  il  envoya  à  Amsterdam  un  jeune  caféier  qui  fut  cultivé  dans 
une  serre  du  jaidin  botanique.  On  parvint  à  le  multiplier,  et  un  consul 


BOISSONS.    BOISSONS    AROMATIQUES.  o7i 

de  France  en  adressa  un  pied  à  Louis  XIV.  Ce  pied,  placé  au  Jardin  des 
Plantes,  y  fructifia.  Le  gouvernement  français  entreprit  alors  d'accli- 
mater le  café  dans  nos  possessions  des  Antilles.  Vers  1720,  Antoine  de 
Jussieu  remit  trois  pieds  de  caféier  au  capitaine  Déclieux,  qui  se  chargea 
de  les  transporter  à  la  Martinique  ;  la  traversée  lut  longue  et  difficile, 
l'eau  manqua  :  deux  des  caféiers  moururent,  et  le  troisième  ne  fut  sauvé 
que  par  le  dévouement  du  capitaine  qui  partagea  sa  ration  d'eau  avec  le 
jeune  arbrisseau,  lequel  put  arriver  sain  et  sauf  à  sa  destination,  et  devint 
la  souche  de  toutes  les  plantations  qui  s'établirent  dans  les  Antilles. 

Le  caféier  ou  cafier  (fig.  17),  est  un  arbuste  toujours  vert,  à  feuilles 
opposées,  à  fleurs  blanches  odorantes,  à  fruits  rouges  bacciformes,  oblongs, 
gros  comme  une  merise,  formés  d'une  pulpe  douceâtre  peu  épaisse  entourant 
deux  loges  accolées  dont  la  substance  a  l'aspect  du  parchemin.  Chaque 
loge  contient  une  semence  convexe  d'un  côté,  et  de  l'autre  plane,  avec  un 
sillon  longitudinal.  Ces  semences  ont  la  consistance  de  la  corne  et  l'odeur 
du  foin  ;  leur  couleur  varie  du  blanc  jaunâtre  au  jaune  verdàtre. 

Les  diverses  sortes  commerciales  de  café  paraissent  provenir  delà  même 
espèce  botanique,  le  caffea  Arabica.  L.  Les  différences  de  propriétés  tien- 
nent à  la  diversité  des  plants,  à  l'action  du  sol,  du  climat,  etc.  Les  dif- 
férences de  formes  peuvent  tenir  à  l'une  de  ces  causes,  mais  il  peut  arri- 
ver qu'une  môme  branche  les  porte  toutes.  (Léon  Marchand.) 

Les  principales  sortes  de  café  sont  : 

1°  Le  café  Moka,  petit,  jaunâtre  et  souvent  presque  rond.  C'est  le  plus 
estimé. 

2°  Le  café  Bourbon,  plus  gros  et  moins  arrondi  que  celui  de  Moka;  il 
ne  doit  pas  être  confondu  avec  le  café  marron,  lequel  est  produit  par  le 
coffea  Mauriliana  espèce  qui  croît  naturellement  à  Bourbon,  et  dont  la 
semence  est  amère  et  passe  pour  être  un  peu  vomitive. 

50  Le  café  Martinique,  en  grains  volumineux,  allongés,  d'une  couleur 
verdàtre,  recouverts  d'une  pellicule  argentée  qui  s'en  sépare  par  la  tor- 
réfaction. 

4°  Le  café  Haïti,  en  grains  irréguliers,  rarement  pellicules,  d'un  vert 
clair  ou  blanchâtre. 

Le  café  est  composé  en  centièmes  de  :  cellulose  5  i  ;  substances  grasses 
10  à  12;  glycose,  dextrine,  acide  particulier  15,5;  légumine,  caféine 
(glutine  ?)  10;  caféine  libre  0,8;  chloroginate  (caféate  Pfaff,  cafetan- 
nate,  Rochleder)  de  potasse  et  de  caféine  5  à  5  ;  huile  essentielle  con- 
crète insoluble  0,001  ;  huile  essentielle  à  odeur  suave  et  essence  aroma- 
tique acre  0,002  ;  sels  divers  6,69.  (Payen.) 

L'arôme  du  café  (caféone  de  Boutron  et  Fremy)  ne  se  développe,  commt 
on  le  sait,  que  par  la  torréfaction;  celle-ci,  qui  doit  être  légère,  surtout 
pour  la  sorte  dite  de  Moka,  s'effectue  très-avantageusement  dans  un  brû- 
loir cylindrique  en  tôle,  garni  intérieurement  d'un  second  cylindre  en  toile 
métallique  qui,  ne  s'appliquant  pas  exactement  sur  la  paroi  interne  du 
premier,  permet  à  la  chaleur  d'agir  d'une  manière  moins  directe  et  plus 
régulière  sur  toute  la  surface  du  grain.  Torréfié  de  manière  à  présenter  une 


572  BOISSONS.  —  boissons  aromatiques. 

teinte  rousse  légère,  le  café  augmente  environ  du  tiers  de  son  volume  et 
perd  un  peu  moins  du  quart  de  son  poids. 

Sous  l'influence  d'une  température  portée  brusquement  à  250,  et 
de  la  vapeur  d'eau  qui  se  dégage  pendant  toute  l'opération,  le  chlorogi- 
nate  double  de  caféine  et  de  potasse  se  tuméfie,  se  colore,  désagrège  les 
tissus  cornés  de  l'albumen  et  laisse  en  liberté  une  partie  de  la  caféine 
qu'il  tenait  en  combinaison  ;  la  cellulose  et  ses  congénères  éprouvent  une 
légère  décomposition  et  donnent  des  produits  acides  et  colorés  ;  les  huiles 
grasses  se  répandent  dans  la  masse  du  grain,  devenue  poreuse,  entraî- 
nant et  retenant  avec  elles  les  essences  légèrement  modifiées.  Si  l'on 
arrête  alors  la  torréfaction,  les  grains  auront  acquis  une  couleur  marron 
peu  intense  ;  ils  seront  devenus  assez  friables  pour  être  facilement  ré- 
duits en  poudre;  ils  n'auront  guère  perdu,  en  poids,  plus  de  18  pour 
100.  Si  la  torréfaction  était  poussée  plus  loin,  jusqu'à  la  nuance  brune 
plus  ou  moins  foncée,  on  verrait  une  partie  des  grains  se  recouvrir  du 
vernis  violet  irisé  que  produit  l'acide  chloroginique  en  se  carbonisant, 
une  proportion  notable  d'hydrocarbure,  provenant  de  la  décomposition 
des  huiles  grasses  et  des  matières  azotées,  se  serait  substituée  à  la  portion 
d'essences  aromatiques  dégagées;  enfin,  pendant  le  refroidissement  quel- 
ques gouttelettes  de  ces  essences  et  des  produits  empyreumatiques  divers 
se  condenseraient  à  la  surface  des  grains.  (Payen.) 

Si  l'on  traite,  par  des  quantités  d'eau  fractionnées,  du  café  diversement 
torréfié,  on  trouve  que  les  premières  parties  de  liquide  dépouillent  mieux 
le  café  qui  est  resté  roux ,  moins  celui  qui  est  brun  ,  moins  encore 
celui  qui  est  devenu  marron  ;  et,  comme  dans  l'usage  ordinaire,  le  marc 
n'est  jamais  épuisé  complètement,  on  voit  que  tous  les  avantages  appar- 
tiennent au  café  faiblement  torréfié.  On  obtient  d'excellent  café  en  em- 
ployant parties  égales  de  café  Moka  et  de  café  Bourbon.  On  les  torréfie 
séparément  :  le  café  Moka  doit  l'être  assez  pour  prendre  seulement  une 
couleur  rousse  ;  on  pousse  un  peu  plus  loin  la  torréfaction  du  café 
Bourbon. 

Pendant  la  torréfaction,  on  projette  quelquefois  sur  les  grains  une 
petite  quantité  de  sucre  ou  de  cassonade  au  moment  où  l'arôme  com- 
mence à  se  développer.  C'est  ainsi  qu'est  obtenu  le  café  connu  dans  le 
commerce  sous  le  nom   de   café  de  Chartres. 

L'un  des  principes  immédiats  du  café  est  la  caféine,  substance  alca- 
loïdique  que  l'on  rencontre  aussi  dans  les  thés  de  la  Chine,  le  maté  ou 
thé  du  Paraguaij  (ilex  Paraguayensis)  et  dans  le  guarana,  substance  qui 
paraît  n'être  qu'un  mélange  de  semences  de  Paullinia  sorbiUs,  de  cacao 
et  de  fécule.  La  caféine  est  légèrement  amère,  peu  soluble  dans  l'eau 
froide,  mais  assez  soluble  dans  l'eau  bouillante  ;  sa  composition  élémen- 
taire est  représentée  par  la  formule  :  C16H10Àz40\  C'est  donc  une  des  ma- 
tières organiques  les  plus  riches  en  azote. 

Usages.  —  Ce  sont  les  Orientaux  qui  ont  introduit  en  Europe  l'usage  du 
café.  En  1517,  le  sultan  Sélim  l'apporta  à  Constantinople  où  il  fut  débité 
par  des  établissements  publics  en  1555.  En  1645,  on  vit  s'établir  des 


BOISSONS.  —  boissons  aromatiques. 


Ùil> 


cafés  publics  eu  Italie,  puis  bientôt  à  Londres,  1652;  à  Marseille,  1671  ; 
à  Paris,  1672.  Peu  à  peu  l'usage  du  café  se  répandit  dans  les  classes  aris- 
tocratiques, malgré  son  prix  fort  élevé  (il  valait  jusqu'à  140  fr.  la  livre), 
et  malgré  aussi  l'opinion  des  médecins  qui  le  croyaient  nuisible  à  la  santé 
et  le  considéraient  même  comme  un  poison.  «  Poison  lent,  disait  Vol- 
taire, car  voilà  bientôt  quatre-vingts  ans  que  j'en  bois,  sans  qu'il  ait 
produit  d'effet.  » 

Aujourd'hui  la  consommation  du  café,  en  Europe,  dépasse,  dit-on, 
300  millions  de  kilogrammes. 

Le  meilleur  mode  de  préparation  du  café  est  la  simple  infusion  ;  la  dé- 
coction chasse  l'arôme  et  développe  le  principe  amer 
(assamare)  :  après  deux  heures  d'ébullition,  l'infu- 
sion de  café  ne  présente  plus  sensiblement  d'odeur 
agréable;  de  plus,  elle  acquiert,  dans  cette  circon- 
stance, et  même  lorsqu'elle  est  simplement  ré- 
chauffée plusieurs  fois,  une  saveur  acide  très-pro- 
noncée. 

Divers  appareils  ont  été  imaginés  pour  la  prépa- 
ration du  café  :  les  plus  en  usage  aujourd'hui  sont 
le  filtre  ordinaire  ou  cafetière  à  la  Dubelloy  que  tout 
le  monde  connaît,  et  les  cafetières  construites  par  Pe- 
nant,  sur  les  données  de  Babinet.  Les  cafetières  de  Pe-  fig  18.  —  Cafetière  à 
nant  (fig.  18,  19)  consistent  essentiellement  en  deux 
vases  superposés  ou  placés  l'un  à  côté  de  l'autre,  avec 
un  tube  de  communication  en  verre  ou  métal,  à  l'une 
des  extrémités  duquel  est  une  petite  boîte  métallique 
percée  de  trous,  jouant  le  rôle  de  filtre.  Dans  l'un  de 
ces  vases,  on  met  le  café  pulvérisé,  dans  l'autre  de 
l'eau  que  l'on  porte  à  l'ébullition  à  l'aide  d'une 
lampe  à  alcool  ;  la  vapeur  formée  force  l'eau  bouil- 
lante à  passer  dans  le  vase  contenant  le  café  ;  dès 
que  ce  résultat  est  obtenu,  le  vase  placé  sur  la 
lampe  étant  devenu  plus  léger,  s'élève  un  peu,  et 
celle-ci,  dont  le  couvercle  est  muni  d'un  ressort, 
s'éteint  d'elle-même.  Ensuite,  lorsque,  par  le  refroi- 
dissement, le  vide  se  fait  dans  le  vase  qui,  primi- 
tivement, renfermait  l'eau,  l'infusion  est  appelée 
dans  celui-ci  et  passe  très-rapidement  à  travers  le 
filtre.  Les  figures  ci-contre  représentent  les  deux 
formes  perfectionnées  de  ces  appareils,  dont  l'usage 
se  répand  chaque  jour  davantage. 

L'infusion  de  café,  bien  préparée  et  convenablement  sucrée,  est  une 
boisson  extrêmement  agréable  qui  excite  les  fonctions  digestives,  accé- 
lère la  circulation,  favorise  les  fonctions  sécrétoires,  surtout  la  transpira- 
tion, et  procure  immédialement  un  sentiment  général  de  bien-être. 

De  même  que  le  thé,  et  mieux  que  lui  peut-être  ,  il  peut  produire  pour 


et  à  bascule. — A,  Tube 
de  communication. — B. 
Vase  en  porcelaine  où 
l'eau  entre  en  ébullition. 
— C,  Vase  en  verre  où  se 
Irouve  le  café  pulvérisé. 
— D,  Pied  support.  —  D. 
Lampe  à  alcool. — E.  Fil- 
tre. 


Fig.  19.  —Cafetière  droite 


374  BOISSONS.    —    BOISSONS    AROMATIQUES. 

un  temps  l'effet  de  l'alimentation,  il  soutient,  et,  dans  cerlaiues  pro- 
fessions, celle  du  mineur,  par  exemple,  il  joue,  sous  ce  rapport,  un  rôle 
important  (de  Gasparin). 

Par  la  propriété  qu'il  a  de  combattre  le  sommeil  et  de  rendre  plus  ac- 
tives les  facultés  intellectuelles,  le  café  est  la  liqueur  favorite  des  per- 
sonnes qui  se  livrent  aux  travaux  de  cabinet.  Il  ne  fait  pas  éclore  la 
pensée  dans  la  cervelle  de  l'idiot,  dit  Michel  Lévy,  mais  il  ranime  les 
facultés  engourdies  de  l'homme  sain,  il  épanouit  l'imagination  du  poëte 
et  ravive  la  mémoire  du  professeur;  il  fait  couler  les  idées  de  la  plume 
et  les  paroles  des  lèvres.  Sous  son  influence,  les  esprits  les  plus  lourds 
acquièrent  une  certaine  facilité  pour  les  œuvres  de  l'intelligence. 

Les  effets  du  café  sont,  du  reste,  modifiés  par  la  température  du 
liquide,  par  l'état  de  vacuité  ou  de  plénitude  de  l'estomac,  par  l'âge,  le 
tempérament,  l'habitude,  par  la  nature  du  climat  et  des  localités,  etc. 

Pris  à  la  fin  des  repas,  le  café  agit  beaucoup  moins  qu'à  jeun,  ce  qui 
tient  vraisemblablement  à  ce  que  son  influence  sur  l'économie  se  trouve 
alors  diminuée  de  tout  le  secours  qu'il  fournit  à  la  digestion.  Aussi  est-ce 
surtout  après  les  excès  de  table  qu'il  est  le  mieux  supporté  et  que  son 
action  devient  très-utile  pour  activer  la  digestion  et  tempérer  les  effets  de 
l'ivresse,  en  dissipant  les  fumées  du  vin. 

Le  café  au  lait,  ou  plutôt  le  lait  additionné  de  café,  que  l'on  prend  le 
matin  comme  premier  déjeuner,  est  un  excellent  aliment,  dont  l'usage  est 
extrêmement  répandu  et  mérite  de  l'être,  bien  qu'on  se  soit  imaginé, 
dans  ces  derniers  temps,  de  lui  adresser  le  reproche  absurde  de  n'être 
pas  susceptible  de  se  digérer.  Il  se  digère,  au  contraire,  fort  bien,  et  si  son 
usage  habituel  peut  offrir  des  inconvénients,  ce  serait,  dit-on,  de  faire 
naître,  chez  certaines  femmes,  des  écoulements  leucorrhéiques,  accu- 
sation qui  n'est  peut-être  pas  parfaitement  fondée. 

Le  café  est  moins  nuisible  aux  hommes  qu'aux  femmes,  aux  vieillards 
qu'aux  enfants  et  aux  jeunes  gens.  Il  convient  surtout  aux  tempéraments 
lymphatiques,  aux  personnes  lentes,  grasses,  aux  esprits  lourds,  aux 
estomacs  paresseux  ;  au  contraire,  les  personnes  dont  la  sensibilité  est 
très-mobile  et  l'esprit  irritable,  les  femmes  vaporeuses ,  les  individus  à 
tempérament  bilieux,  ceux  qui  sont  enclins  à  l'hypochondrie,  à  la  goutte, 
aux  hémorrhoïdes  ;  ceux  qui  sont  atteints  de  gastralgie,  de  gastrite,  ou 
de  quelque  inflammation  chronique  sujette  à  recrudescence,  doivent  s'en 
abstenir.  A  doses  excessives  ,  le  café  produit  des  effets  analogues  à 
ceux  du  haschisch  :  état  fébrile  agréable,  anxiété  épigastrique,  exaltation 
des  sens  et  des  facultés  intellectuelles,  loquacité,  motilité  exagérée,  trem- 
blement des  membres,  spasme  de  la  mâchoire  inférieure,  etc.  A  ces 
divers  symptômes,  dont  la  durée  et  l'intensité  varient  selon  les  individus 
et  la  quantité  de  café  ingérée,  succède  un  abattement  général,  une  fatigue 
extrême  et  bientôt  un  besoin  de  sommeil  irrésistible.  L'abus  du  café  peut 
faire  naître,  au  bout  de  quelque  temps,  un  état  permanent  d'exaltation 
et  d'irritabilité  qui,  avec  l'intervention  de  causes  occasionnelles,  peut 
amener  l'explosion  de  diverses  maladies  et  en  aggraver  la  marche.  Les 


BOISSONS.    BIBLIOGRAPHIE.  575 

affections  que  l'abus  du  café  produit  inévitablement  sont  la  gastralgie,  la 
dyspepsie,  et,  chez  les  sujets  très-impressionnables,  des  troubles  plus  ou 
moins  graves  de  l'appareil  d'innervation. 

Comme  agent  thérapeutique,  le  café  est  employé  avec  succès  pour 
combattre  les  effets  hypnotiques  de  l'opium.  Martin  Solon  en  a  obtenu  de 
bons  effets  dans  la  forme  adynamique  de  la  fièvre  typhoïde.  Jules  Guyot 
a  beaucoup  vanté  l'infusion  de  café  non  torréfié  contre  la  coqueluche,  et, 
d'après  le  docteur  Grindel,  cette  même  infusion,  employée  contre  les 
fièvres  intermittentes,  aurait  réussi  dans  les  7/8es  des  cas.  Enfin,  on  a 
attribué  au  café  des  propriétés  diurétiques  et  partant  anticalculeuses. 

Nous  avons  indiqué  ailleurs  la  propriété  curieuse  dont  jouit  le  café 
de  masquer  les  saveurs  désagréables  de  certaines  substances  telles  que 
le  sulfate  de  magnésie ,  le  sulfate  de  quinine ,  la  strychnine ,  etc. 
{Voy.  Amers). 

Succédanés  du  café.  —  Au  commencement  de  ce  siècle,  lorsque  la 
guerre  continentale  privait  l'Europe  presque  tout  entière  de  communi- 
cation avec  les  colonies,  on  essaya  de  substituer  au  café,  dont  le  prix 
s'était  considérablement  élevé,  plusieurs  substances  indigènes.  On  torréfia 
l'orge,  le  seigle,  le  maïs,  les  pépins  de  raisins,  les  glands  de  chêne,  les 
poischiches,  les  féverolles,  les  graines  de  glaïeul,  iris  pseudo-acorus,  de 
pistache  de  terre,  avachis  hypogea,  de  gratteron,  galkim  aparine,  de 
genêt,  spartium  scoparium,  de  petit  houx,  ruscus  aculeatus,  les  racines 
de  betterave,  de  chicorée,  etc.,  mais  toutes  ces  substances  torréfiées,  pul- 
vérisées et  soumises  à  l'action  de  l'eau  bouillante  ne  donnent,  en  réalité, 
que  des  infusions  plus  ou  moins  colorées,  légèrement  amères,  et  dans 
lesquelles  le  parfum  exquis  du  café  se  trouve  remplacé  par  un  goût  plus 
ou  moins  détestable  d'empyreume. 

Guérard  (Alph.),  Mémoire  sur  les  accidents  qui  peuvent  succéder  à  l'ingestion  des  boissons  froides 
lorsque  le  corps  est  échauffé,  lu  à  l'Académie  royale  de  médecine  [Annale*  d'hygiène  publique. 
Paris,  1842.  t.  XXVII). 

Pelîgot  (E.;,  Recherches  sur  la  composition  chimique  du  thé  [Comptes  rendus  des  séances  de 
V Académie  des  sciences,  184~>,  t.  XVII,  p.  107). 

Lévy  (Michel),  Traité  d'hygiène  publique  et  privée.  Paris,  1845;  4e  édition,  1862. 

Payen  (A.),  Mémoire  sur  le  café  [Comptes  rendus  des  séances  de  F  Académie  des  sciences,  1846, 
t.  XXII,  p.  724,  t.  XXIII.  p.  8,  244).  —  Précis  théorique  et  pratique  des  substances  alimen- 
taires et  des  moyens  de'  les  améliorer,  de  les  conserver  et  d'en  reconnaître  les  altérations. 
4e  édit.  Paris,  1805. 

Gasparin  (de),  Sur  le  régime  alimentaire  des  mineurs  belges,  et  discussion  académique  sur  le  café 
[Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie  des  sciences,  t.  XXX,  1850). 

Fonssagrives  (J.  B.),  Traité  d'hygiène  navale.  Paris,  1850.  —  Hygiène  alimentaire  des  malades, 
des  convalescents  et  des  valétudinaires,  ou  du  régime  envisagé  comme  moyen  thérapeutique. 
Paris,  1801. 

Chevallier  (A.),  Dictionnaire  des  altérations  et  des  falsifications  des  substances  alimentaires  mé- 
dicamenteuses et  commerciales.  5e  édition.  Paris,  1858. 

PiOhart,  Fabrication  de  la  bière. 1858,  2  vol.  in-8. 

Girarmn  (de  Lille),  Leçons  de  chimie  élémentaire  appliquée  aux  arts  industriels.  4e  édition. 
Paris,  1800. 

Mulder,  De  la  bière,  sa  composition  chimique,  son  emploi  comme  boisson,  traduit  du  hollandais 
par  Aug.  Delondrc.  Paris,  1801,  in-18. 

Legrand,  Sur  l'eau  de  Scltz  et.  la  fabrication  des  boissons  gazeuses.  Paris,  1861. 

Bouchahdat,  De  l'usage  et  de  l'abus  des  boissons  fermentées  et  des  liqueurs  fortes.  Annuaire  de 
thérapeutique,  1802,  22°  année,  et  Conférences  de  l'association  polytechnique.  Paris,  1804. 


576  BONBONS. 

Herpix  (de  Metz;,  De  l'acide  carbonique,  de  ses  propriétés  physiques,  chimiques  et  physiologiques; 

de  ses  applications  thérapeutiques.  Paris,  1864. 
Marchand  [L.)}  Recherches  organographiques  et  organogéniques  sur  le  Caffea  Arabica  (L.).  1864. 

avec  planches. 
Hermann  Lachapelle  et  Glover,  Des  boissons  gazeuses.  Paris,  1865,  avec  figures. 

Louis  Hébert. 


BOIi  B'ABjflÉtflE.   Voy.  Alumine. 

BOLS.  —  On  désigne  sous  le  nom  de  bols  des  médicaments  destinés 
à  l'usage  interne,  qui  ne  diffèrent  des  pilules  (voyez  ce  mot)  que  par  leur 
volume  plus  considérable  et  leur  consistance  un  peu  plus  molle.  Le  poids 
d'un  bol  n'est  jamais  moindre  que  0,50  cent,  et  il  ne  dépasse  guère  le 
poids  d'un  gramme  et  demi  à  deux  grammes. 

Louis  Hébert. 

BONBONS.  —  Les  confiseurs,  fabricants  de  sirops,  de  bonbons  et 
sucreries  diverses  ont  depuis  longtemps  contracté  l'babitude  de  colorer 
leurs  produits  au  moyen  de  substances  empruntées  les  unes  au  règne  mi- 
néral, les  autres  au  règne  organique.  Mais,  comme  il  arrive  souvent, 
l'ignorance  et  la  cupidité  ne  tardèrent  pas  à  engendrer  des  abus  :  des 
matières  colorantes,  douées  de  propriétés  toxiques,  remplacèrent  peu  à 
peu  les  couleurs  primitivement  inoffensives  et  furent  l'occasion  de  graves 
accidents.   Il  devint  urgent  de  réglementer  l'emploi   de  ces  substances. 

Déjà,  le  10  octobre  1742,  une  ordonnance  fut  rendue  qui  défendait  aux 
«  confiseurs,  aux  pâtissiers-traiteurs,  et  même  aux  officiers  de  maison  et 
à  tous  autres,  d'employer,  pour  la  confection  de  bonbons  et  pâtisseries, 
la  gomme-gutte,  les  cendres  bleues  et  toutes  les  préparations  de  cuivre, 
îe  bleu  d'azur,  les  cendres  ou  ebaux  de  plomb,  comme  le  minium,  le 
vermillon,  le  massicot,  l'orpiment  et  toutes  matières  nuisibles  à  la  santé; 
le  tout  à  peine  de  deux  cents  livres  d'amende  pour  chaque  contravention.  » 

Cette  ordonnance  tomba  bientôt  en  désuétude.  En  1850,  à  la  suite 
d'accidents  graves  signalés  au  préfet  de  police,  ce  magistrat  remit  en  vi- 
gueur l'ordonnance  de  1742,  modifiée  suivant  les  propositions  du  conseil 
de  salubrité.  Cette  ordonnance,  datée  du  24  juillet  1850,  et  dont  la  ré- 
volution de  1850  retarda  l'exécution,  fut  de  nouveau  publiée  le  10  dé- 
cembre de  la  même  année,  puis  successivement  renouvelée  et  modifiée 
par  des  ordonnances  postérieures  en  date  des  \\  août  1832,  15  novem- 
bre 1858  et  22  septembre  1841.  Tous  ces  actes  produisirent  de  bon^ 
résultats,  mais  il  devint  bientôt  nécessaire  de  les  publier  de  nouveau,  de 
les  modifier  conformément  aux  indications  nouvelles  de  l'industrie  et  de 
la  science,  et  de  les  réunir  enfin  dans  une  dernière  ordonnance  plus  com- 
plète et  plus  explicite  que  les  précédentes.  Cette  dernière  fut  rendue  le 
28  février  1853,  et  une  instruction  pratique,  émanée  du  conseil  d'hy- 
giène et  de  salubrité  du  département  de  la  Seine,  fut  annexée,  comme  un 
complément  nécessaire,  à  l'ordonnance  précitée,  dont  les  bons  effets  n'ont 
pas  cessé  de  se  faire  sentir  dans  le  département  de  la  Seine. 


BONBONS.  —  couLiiUBS.  577 

JXous  résumerons  dans  ce  court  article  les  principales  dispositions  et 
observations  contenues  dans  ces  deux  travaux,  et,  sans  entrer  dans  au- 
cun détail  de  l'art  du  confiseur,  nous  bornerons  nos  développements  au 
côté  vraiment  pratique  et  médical  de  la  question,  et  nous  appellerons 
l'attention  sur  quelques  matières  colorantes  récemment  découvertes  dont 
l'emploi  est  signalé  comme  dangereux. 

Couleurs  bleues.  —  L'indigo,  le  bleu  de  Prusse  et  l'outre-mer  pur  arti- 
ficiel peuvent  être  employés  sans  aucun  danger,  et  donnent  toutes  les 
teintes  composées  dont  le  bleu  est  l'un  des  éléments. 

Les  matières  colorantes  bleues  dont  il  est  nécessaire  de  prohiber  abso- 
lument l'emploi  sont  spécialement  les  divers  sels  de  cuivre  solubles  ou 
insolubles,  tels  que  les  cendres  bleues,  les  carbonates  et  acétates  de  cui- 
vre, etc.,  et  le  bleu  dit  de  cobalt,  parce  qu'il  renferme  fréquemment  des 
composés  arsenicaux.  On  reconnaîtra  aisément  la  présence  d'un  composé 
cuivreux  à  la  coloration  bleue  intense  que  prend  l'ammoniaque  liquide 
mise  en  contact  avec  lui  ;  l'arsenic  est  facile  à  reconnaître  soit  à  l'odeur 
d'ail  qu'il  répand  lorsqu'on  le  projette  sur  un  charbon  rouge,  soit  à  l'ap- 
pareil de  Marsh. 

Couleurs  jaunes.  —  On  obtient  des  jaunes  d'excellente  qualité  pour  les 
usages  de  la  confiserie  avec  le  safran,  la  graine  d'Avignon,  la  graine  de 
Perse,  le  quercitron,  le  curcuma,  le  fustet  ou  avec  les  laques  de  ces  sub- 
stances, pourvu  que  ces  dernières  soient  à  base  d'alumine. 

Les  couleurs  jaunes  toxiques  sont  le  massicot  (oxyde  de  plomb),  le 
chromate  de  plomb  et  la  gomme-gutte.  Tous  les  composés  plombiques 
peuvent  aisément  se  reconnaître  à  la  coloration  brune  ou  noire  que  leur 
communique  une  solution  d'acide  sulfhydrique,  ou,  à  son  défaut,  l'eau 
de  Baréges.  La  gomme-gulte  se  dissout  imparfaitement  dans  l'eau  et 
donne  une  émulsion  de  couleur  jaune;  la  partie  insoluble  rougit  instan- 
tanément par  l'addition  de  l'ammoniaque. 

Couleurs  rouges.  —  Les  couleurs  rouges  inoffensives  sont  la  coche- 
nille, le  carmin,  la  laque  carminée,  la  laque  du  bois  du  Brésil,  l'or- 
seille. 

Le  vermillon  ou  sulfure  de  mercure  et  le  minium  ou  oxyde  de  plomb 
intermédiaire  ne  peuvent,  sans  les  plus  grands  dangers,  entrer  comme 
matières  colorantes  dans  la  composition  des  bonbons.  Ces  deux  sub- 
stances, insolubles  dans  l'eau,  sont  d'une  recherche  facile  :  il  suffit  de 
traiter  les  bonbons  suspects  par  de  l'eau  tiède,  de  recueillir  le  dépôt  inso- 
luble et  de  le  dissoudre,  après  un  lavage  suffisant,  dans  quelques  gouttes 
d'acide  azotique  pur  et  concentré,  additionnées  de  quelques  parcelles  de 
sucre.  La  solution  acide  est  évaporée  au  bain-marie  et  redissoute  dans 
quelques  centimètres  cubes  d'eau  bouillante,  filtrée,  puis  soumise  à  l'ac- 
tion des  réactifs  suivants  :  1°  une  solution  d'iodure  de  potassium  déter- 
mine dans  les  sels  de  mercure  au  maximum  la  formation  d'un  précipité 
rouge,  soluble  dans  un  excès  de  réactif;  dans  un  sel  de  plomb,  le  même 
réactif  donne  un  abondant  précipité  jaune  d'or;  2°  une  lame  de  cuivre 
rouge  précipite  la  solution  mercurielle,  et  cette  lame,  frottée  avec  un  pa- 


578  BONBONS.  —  couleurs. 

pier  buvard,  prend  un  éclat  argentin;  5° une  solution  de  sulfate  de  soude 
précipite  en  blanc  les  sels  de  plomb. 

Couleurs  vertes.  —  Il  importe  surtout  à  l'hygiéniste  et  au  médecin  de 
surveiller  la  composition  des  bonbons  colorés  en  vert.  La  majeure  partie 
des  accidents  sont  produits  par  des  sucreries  de  cette  couleur,  dans  les- 
quelles on  introduit  des  poudres  vertes  connues  sous  le  nom  de  verts  mé- 
tis, verts  de  Schéele,  verts  de  Schweinfurth .  Or  ces  trois  substances  ne 
sont,  en  résumé,  que  de  l'arsénite  de  cuivre,  poison  des  plus  violents. 
Dissous  dans  l'eau,  les  bonbons  laisseront  cette  poudre  inattaquée; 
après  quelques  lavages,  on  desséchera  ce  résidu  et  on  le  partagera  en 
deux  parties  :  la  première  sera  projetée  sur  un  charbon  rouge  et  répan- 
dra l'odeur  d'ail,  s'il  existe  de  l'arsenic;  la  seconde  se  dissoudra  dans 
l'ammoniaque  avec  une  coloration  bleue  intense,  s'il  existe  du  cuivre. 

Les  confiseurs  préparent  encore  une  couleur  verte  d'un  usage  dange- 
reux par  le  mélange  de  la  gomme-gutte  et  du  bleu  de  Prusse.  Les  bon- 
bons ainsi  colorés,  traités  par  l'alcool  à  90°,  donnent  un  liquide  d'un  jaune 
d'or  qui,  versé  dans  l'eau,  produit  une  émulsion  de  couleur  jaune. 

L'instruction  du  conseil  d'hygiène  et  de  salubrité  a  reconnu  qu'on  pro- 
duit, par  le  mélange  du  bleu  de  Prusse  et  de  la  graine  de  Perse,  une 
couleur  inoffensive  qui  ne  le  cède  en  rien,  par  le  brillant,  au  vert  de 
Schweinfurth. 

Couleurs  blanches.  —  Sans  parler  des  substances  diverses  de  couleur 
blanche,  mais  de  nature  ordinairement  inoffensive,  qui,  comme  le  plâtre, 
l'amidon,  le  sulfate  de  baryte,  le  carbonate  de  chaux,  sont  souvent  mêlées 
aux  sucreries  communes,  les  confiseurs  ont  quelquefois  mêlé  aux  bonbons 
du  carbonate  de  plomb  ordinaire  (céruse,  blanc  de  plomb, blanc  d'argent). 
L'addition  de  cette  substance,  bien  que  constatée  a  plusieurs  reprises  et 
particulièrement  en  Angleterre,  est,  il  faut  le  dire,  assez  rare  aujour- 
d'hui dans  la  pâte  même  du  bonbon  ;  mais  elle  est  assez  fréquente  dans 
les  papiers  d'enveloppe,  auxquels  on  parvient  à  donner  de  la  sorte  plus 
de  poids  et  plus  de  lustre.  Ces  papiers,  quand  on  les  brûle,  donnent  lieu 
à  la  production  de  globules  de  plomb;  de  plus,  un  cercle  jaune  entoure 
les  parties  du  papier  en  combustion.  Les  bonbons  et  papiers  plombifères 
se  colorent  en  noir  par  leur  immersion  dans  l'eau  de  Baréges. 

Indépendamment  des  couleurs  précédentes,  on  peut,  par  des  mélanges 
convenables,  obtenir  toutes  les  teintes  désirables.  Le  liquoriste  lui- 
même  peut  aisément  composer  des  mélanges  de  matières  colorantes  so- 
lubles,  nécessaires  à  sa  fabrication  :  le  bois  de  Campêche,  par  exemple, 
servira  pour  le  curaçao  de  Hollande,  le  sulfindigotate  de  potasse  pour 
les  liqueurs  bleues,  et  pour  l'absinthe  un  mélange  de  ce  dernier  sel  et  de 
safran. 

Il  importe  au  plus  haut  degré  de  proscrire  également  des  usages  de  la 
confiserie  ces  couleurs  nouvelles  dérivées  de  l'aniline  et  que  l'industrie 
moderne  prépare  en  si  grande  quantité  pour  les  besoins  de  la  teinture. 
Ces  matières  colorantes,  connues  sous  les  noms  de  fuchsine,  violet  d'ani- 
line, solfe'rino,  magenta :,  bleu  d'aniline,  azaléine,  etc.,  sont  pour  la  plu- 


BONNES  (eaux  de).  '  379 

part  préparées  avec  des  sels  de  mercure,  du  bichromate  de  potasse,  et 
surtout  de  l'acide  arsenique  ;  elles  sont  toujours  mal  purifiées  et  pour- 
raient occasionner  de  graves  accidents. 

Il  faut  également  apporter  beaucoup  de  soin  dans  le  choix  du  papier 
colorié  qui  sert  à  envelopper  les  bonbons.  Aucun  d'eux  ne  doit  renfermer 
d'oxyde  de  cuivre  ou  d'oxyde  de  plomb.  Il  convient  également  de  reje- 
ter l'emploi  de  feuilles  de  plomb  ou  de  feuilles  d'étain  fortement  alliées 
de  plomb.  Certaines  sucreries  déliquescentes  ou  semi-liquides  peuvent  de 
la^sorte  dissoudre  une  petite  quantité  d'oxyde  de  plomb  et  provoquer  la 
formation  de  sels  de  plomb  solubles. 

Grâce  aux  sages  mesures  prises  par  l'administration  du  département 
de  la  Seine,  les  accidents  dus  au  coloriage  des  bonbons  sont  devenus  as- 
sez rares  à  Paris.  Malheureusement  les  préfets  des  départements  n'exer- 
cent pas  la  même  surveillance,  et  de  nombreux  accidents  s'observent 
encore  en  province.  Déjà  plusieurs  départements  sont  entrés  dans  la  voie 
des  réformes,  et  tout  fait  espérer  que  les  prescriptions  imposées  aux  con- 
fiseurs de  Paris  seront  bientôt  appliquées  à  ceux  de  la  province. 

Rapport  du  conseil  de  salubrité  sur  le  danger  qui  peut  résulter  de  bonbons  coloriés,  et  disposi- 
tions pour  faire  disparaître  ces  bonbons  du  commerce  [Annales  d'hygiène  publique,  lre  série, 
1830,  t.  IV,  p.  48). 

Ordonnances  de  police  concernant  le  pastillage,  les  sucreries,  dragées,  liqueurs  coloriés  [Annales 
d'hygiène,  1831,  t.  V,  p.  238,-1832,  t.  VII,  p.  114,  —  1837,  t.  XVII,  p.  475,— 1843,  t.  XXIX, 
p.  359). 

Rapport  fait  au  conseil  central  de  salubrité  par  une  commission  composée  de  Vingtrinier, 
Alexandre  et  Girardin,  rapporteur  sur  la  proposition  de  Chardin,  relative  à  l'emploi  des  bon- 
bons coloriés  [Annales  d'hygiène  publique,  1835,  t.X,  p.  184). 

Chevallier,  Dictionnaire  des  altérations  et  falsifications  des  substances  alimentaires,  etc., 
4857,  t.  I,  p.  154. 

Rapport  général  sur  les  travaux  du  conseil  d'hygiène  publique  et  de  salubrité  du  département 
de  la  Seine,  depuis  1849  jusqu'à  185S  inclusivement,  rédigé  par  Adolphe  Trénuchet.  Paris, 
1861,  pages  221  et  suivantes. 

Ambroise  Tahdieu,  Dictionnaire  d'hygiène  publique  et  de  salubrité.  Paris,  1862,  2e  édition; 
t.  I,  p.  254. 

Z.  Roussin. 

BONNES  (Baux  do).  —  Le  village  de  Bonnes  (arrondissement  d'O- 
loron,  département  des  Basses-Pyrénées)  situé  dans  la  vallée  d'Ossau,  à 
40  kilomètres  de  Pau,  à  747  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  est 
entouré  à  l'est  et  à  l'ouest  par  de  hautes  montagnes  (Lacoumc  et  Gourzy), 
qui  lui  forment  comme  une  ceinture  et  un  véritable  abri.  Cette  vallée 
d'Ossau  n'ayant  pour  seule  ouverture  que  la  route  qui  de  Bonnes  conduit 
aux  Eaux-chaudes  et  à  Laruns,  n'est  point,  comme  en  général  celles  des 
Pyrénées,  un  corridor  ouvert  à  tous  les  vents,  elle  est  suffisamment  pro- 
tégée contre  les  agitations  de  l'air,  aussi  la  température  y  est-elle  douce  et 
d'une  égalité  presque  constante. 

C'est  en  1556  que  pour  la  première  fois  les  chartes  du  pays  parlent  des 
Eaux-Bonnes;  mais  au  dix-huitième  siècle  commence  véritablement  l'ère 
médicale  de  cette  station,  et  ce  sont  les  deux  Bordeu  qui  la  font  connaître, 
Antoine  en  la  conseillant  pour  les  maladies  de  poitrine,  Théophile  par  ses 
lettres  à  madame  de  Sorberio  (1748).  Je  ne  puis  citer  en  ce  moment  les 


580  BONNES  (eaux  de).  —  source  vieille. 

noms  des  médecins  qui  ont  successivement  appelé  l'attention  sur  les  Eaux- 
Bonnes,  j'aurai  l'occasion  de  les  signaler  dans  le  cours  de  cet  article; 
qu'il  me  suffise  de  dire  que  ces  sources  sont  visitées  chaque  année  par 
plus  de  2,400  malades,  que  les  lettres  et  les  sciences,  les  arls  et  l'indus- 
trie, le  commerce  et  la  politique,  l'Église  et  la  magistrature  deviennent 
les  tributaires  habituels  des  thermes  bienfaisants  de  la  vallée  d'Ossau. 

Les  sources  sulfureuses  de  Bonnes  sont  au  nombre  de  quatre,  savoir  : 
la  source  Vieille,  la  source  d'En-bas,  la  source  Froide  ou  de  la  Montagne, 
la  source  d'Orteich. 

Il  existe  en  outre  au  pied  de  la  butte  du  Trésor  et  à  peu  de  distance 
de  la  source  Vieille,  plusieurs  griffons  qu'on  a  captés  et  réunis  pour  les 
utiliser. 

L'établissement  thermal  situé  au  pied  d'un  mamelon  calcaire  d'où 
vient  sourdre  la  source  des  Eaux-Bonnes  est  d'une  architecture  à  la  fois 
simple  et  élégante,  construit  en  marbre  du  pays.  Il  renferme  au  centre  la 
buvette  alimentée  spécialement  par  la  source  Vieille,  sur  les  côtés  des 
cabinets  de  bains  et  deux  salles  dont  l'une  est  consacrée  aux  bains  de 
pieds,  et  l'autre  réservée  à  la  pulvérisation.  Derrière  l'établissement,  à 
peu  de  distance  des  griffons  se  trouve  le  cabinet  de  l'embouteillage.  Un 
filet  d'eau  emprunté  à  la  source  Vieille  est  affecté  à  cet  usage  spécial. 

Considérant  d'une  part  que  dans  l'acte  de  la  pulvérisation  l'eau  de 
Bonnes  perd  une  grande  quantité  de  calorique  et  une  partie  très-notable 
de  sulfure  de  sodium,  et  d'autre  part  ayant  constaté  à  la  suite  d'études 
cliniques  et  d'expérimentation  multipliées  que  l'eau  minérale  pulvérisée 
ne  pénètre  pas  dans  l' arrière-gorge,  que  le  fait  de  l'immersion  de  la  figure 
dans  une  poussière  d'eau  refroidie  alors  que  le  corps  est  enveloppé  d'une 
vapeur  d'eau  à  une  température  élevée,  constitue  une  cause  permanente 
de  rhumes,  que  le  soulagement  momentané  éprouvé  par  certaines  per- 
sonnes atteintes  d'asthmes  ou  de  pharyngites  granuleuses  doit  se  rap- 
porter à  l'inspiration  du  gaz  acide  sulfhydrique  qui  se  dégage  dans  la 
salle  par  le  fait  même  du  brisement  de  l'eau  minérale,  de  Pietra-Santa, 
comme  conclusion  pratique  de  ses  travaux  et  de  ses  recherches,  de- 
mandait, en  1861,  dans  un  mémoire  spécial  sur  les  Eaux-Bonnes,  la  sup- 
pression de  la  salle  de  pulvérisation  et  la  création  d'une  salle  d'inhalation. 

Source  Vieille.  —  L'eau  de  cette  source  est  limpide,  incolore,  onc- 
tueuse, douce  au  toucher;  elle  répand  une  odeur  franche  d'acide  sulfhy- 
drique, sa  saveur  est  analogue  à  celle  d'une  dissolution  faible  de  sulfure 
de  sodium.  Sa  température  est  de  52°, 75,  elle  présente  à  son  griffon 
toutes  les  apparences  des  eaux  minérales  gazeuses.  Des  divers  points  de  sa 
surface  partent  continuellement  de  petites  bulles  d'un  gaz  incolore  ;  ce 
gaz  éteint  les  corps  en  combustion,  il  ne  diminue  pas  de  volume  lorsqu'on 
l'agite  avec  une  solution  de  potasse  caustique,  ni  lorsqu'on  le  laisse  long- 
temps en  contact  avec  du  phosphore;  il  brunit  légèrement  le  papier 
d'acétate  de  plomb,  il  se  comporte  en  un  mot  comme  un  mélange  d'azote 
et  d'une  trace  d'acide  sulfhydrique.  (Filhol.)  Cette  eau  contient  en  outre 
des  filaments  veloutés  blanchâtres  qui  se  déposent  au  fond  du  verre  sous 


BONNES  (eaux  de).  —  source  vieille. 


381 


la  forme  d'un  duvet  léger  et  floconneux,  c'est  la  sulfuraire  décrite  par 
Fontan,  véritable  conferve  douée  d'une  organisation  et  d'une  structure 
spéciales,  et  qui  ne  doit  pas  être  confondue  avec  la  barégine. 

Les  Eaux-Bonnes  ont  été  analysées  par  Bayen,  Venel,  Monnet,  Pages, 
Montaut,  Poumier,  plus  récemment  par  Longchamp,  0.  Henry,  etc. 

En  1841,  lors  d'un  voyage  que  mon  père  et  moi  nous  fîmes  dans  les 
Pyrénées,  nous  voulûmes  étudier  la  composition  des  eaux  sulfureuses  des 
principales  stations  thermales.  Dans  ce  but,  nous  mîmes  en  usage  le  pro- 
cédé sulfbydrométrique  que  Dupasquier,  de  Lyon,  venait  de  faire  con- 
naître. Ce  procédé,  aussi  simple  qu'ingénieux,  aussi  expédilif  que  facile 
et  sûr,  fait  reconnaître  la  dose  exacte  de  l'acide  sulfhydrique  libre  et 
combiné  d'une  eau  sulfureuse  quelconque.  L'iode,  en  effet,  dès  son  con- 
tact avec  cet  acide,  le  décompose,  et  si  préalablement  on  a  ajouté  à  Peau 
qu'on  désire  analyser  une  solution  d'amidon,  celui-ci  ne  commence  à  se 
colorer  en  bleu  que  lorsque  le  sulfure  a  été  complètement  saturé;  dès 
lors  on  juge  avec  la  dernière  rigueur  de  la  quantité  de  sulfure  existant 
dans  l'eau  par  celle  de  l'iode  qui  a  servi  à  le  détruire.  —  L'analyse  de 
l'eau  de  la  source  Vieille  nous  donna  0,0217  de  sulfure  de  sodium  par 
litre.  —  Quant  à  la  source  Froide  ou  de  la  Montagne,  la  quantité  de  sul- 
fure de  sodium  par  litre  était  de  0,0192. 

En  1861,  Filhol  a  fait  sur  les  sources  des  Eaux-Bonnes  un  travail  spé- 
cial qui  est  le  plus  complet  de  tous  ceux  publiés  jusqu'à  ce  jour.  Voici 
les  résultats  obtenus  par  le  savant  chimiste  de  Toulouse. 


Sulfure  de  sodium.  .  . 
Sulfure  de  calcium. .  . 
Chlorure  de  sodium.  .  . 
Chlorure  de  calcium..  . 
Sulfate  de  soude.  .  .  . 
Sulfate  de  chaux.  .  .  . 
Sulfate  de  magnésie.  . 
Silicate  de  soude.  .  .  . 
Borate  de  soude.  .   .    . 

Ammoniaque 

Iodurc  de  sodium. .  .  . 
Phosphate  de  chaux.  . 
Phosphate  de  magnésie . 

Fer 

Matière  organique.    .    . 

Silice  en  excès 

Fluorure  de  calcium .    . 

Totaux 


SOURCE 

SOURCE 

SOURCE 

SOURCE 

VIEILLE. 

d'en-bas. 

DÉ  LA   MONTAGNE. 

b'ORTEICH. 

TEMPÉRÂT.  32°  75. 

TEMPÉRÂT.  15"  30. 

TEMPERAT.  52°  20 

0,0214 

0,0165 

0,(H96 

0.0215 

traces 

traces 

traces 

traces 

0,2640 

0,2900 

0,2620 

0,3080 

traces 

traces 

traces 

traces 

0,0277 

0,0221 

0,0339 

0,0214 

0,1644 

0,1727 

0,1527 

0,1757 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

0,0005 

0,0005 

0,0006 

0,0005 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

traces 

0,0480 

0,0440 

0,0690 

0,0550 

0,0500 

0,0500 

0,0520 

0.0500 

traces 

traces 

traces 

traces 

0,0595 


0,5808 


0,6120 


On  voit  que  les  quatre  sources  des  Eaux-Bonnes  présentent  une  grande 
similitude  de  composition.  Elles  diffèrent  des  eaux  sulfureuses  de  la 
chaîne  des  Pyrénées  par  la  petite  proportion  de  sulfure  de  calcium  qu'elles 
contiennent. 


582  BONNES  (eaux  de).  —  source  vieille. 

Filhol  a  pensé  qu'il  serait  intéressant  d'analyser  comparativement  l'eau 
prise  sur  les  lieux  d'emploi.  —  Voici  les  résultats  de  ses  expériences. 

Eau  de  la  source  Vieille  prise  à  la  buvette.  —  Un  litre  d'eau  pris  à  la 
buvette  absorbe  0g,,0700  d'iode,  correspondant  à  0gr,0214  de  sulfure  de 
sodium  ;  sa  richesse  est  donc  sensiblement  la  même  que  celle  de  l'eau 
prise  à  son  griffon.  Cette  circonstance  s'explique  par  la  très-faible  dis- 
tance qui  sépare  la  buvette  du  griffon;  aussi  les  malades  boivent-ils  une 
eau  qui  n'a  pas  subi  d'altération  pendant  son  trajet. 

Eau  prise  au  robinet  de  F  embouteillage.  —  Un  litre  d'eau  absorbe 
0gr,0700  d'iode,  correspondant  à  0gr,0214  de  sulfure  de  sodium.  C'est 
sensiblement  la  même  richesse  qu'au  griffon.  L'embouteillage  s'effectue 
avec  un  soin  tout  particulier.  L'emploi  d'une  aiguille  cannelée  qu'on 
met  dans  le  goulot  de  la  bouteille  quand  on  la  bouche,  et  qu'on  en  sort 
après,  permet  d'exclure  presqu'en  entier  l'air  du  goulot.  Ces  précautions, 
on  le  comprend,  sont  indispensables,  la  moindre  bulle  d'air  suffisant 
pour  modifier  les  combinaisons  moléculaires,  changer  la  nature  de  l'eau 
sulfureuse  et  altérer  son  action  thérapeutique.  i 

Revenu  des  Pyrénées,  mon  père  voulut  s'assurer  si  l'eau  de  Bonnes, 
transportée  à  Bordeaux,  était,  quant  à  sa  composition,  analogue  à  celle 
recueillie  sur  les  lieux.  Nous  fîmes  quelques  essais  sulfhydrométriques; 
nous  constatâmes,  non-seulement  une  sulfuration  différente  de  celle  que 
nous  avions  reconnue  à  Bonnes,  mais  encore  nous  dûmes  noter  une  dif- 
férence de  sulfuration  entre  les  eaux  de  plusieurs  bouteilles  prises  dans 
la  même  pharmacie. 

Depuis  quelques  années,  l'exportation  des  Eaux-Bonnes  augmente  dans 
des  proportions  considérables.  En  1855,  le  chiffre  des  bouteilles  expé- 
diées avait  été  de  120,000,  en  1864,  il  s'est  élevé  à  500,500.  Il  serait 
à  désirer  que  l'eau  de  Bonnes  ne  fût  exportée  que  dans  des  quarts  de 
bouteilles.  Il  est  impossible  de  consommer  en  une  seule  fois  la  quantité 
d'eau  contenue  dans  une  bouteille  entière  ou  même  dans  une  demi-bou- 
teille ;  celle-ci  une  fois  ouverte,  l'eau  perd  une  grande  partie  de  ses  pro- 
priétés et  n'est  plus  apte  à  rendre  les  services  qu'on  peut  en  attendre. 
Maintes  fois  nous  revient  à  la  pensée  ce  que  Bordeu  disait  avec  tant 
d'esprit  :  Nos  eaux,  comme  les  habitants  de  nos  montagnes,  ne  quittent 
pas  volontiers  leur  patrie. 

Eau  des  bains.  —  L'eau  dont  on  se  sert  pour  les  bains  appartient  aux 
sources  Nouvelle  et  Vieille,  mais  sa  température  n'étant  pas  assez  élevée, 
on  est  obligé  de  la  faire  chauffer;  aussi  subit-elle  une  certaine  altéra- 
tion qui  sera  d'autant  plus  grande  qu'elle  aura  séjourné  plus  longtemps 
dans  le  réservoir  et  que  celui-ci  contiendra  une  plus  grande  quantité 
d'air. 

En  résumé,  l'eau  de  Bonnes  est  faiblement  alcaline,  elle  ne  contient 
pas  une  quantité  appréciable  d'hyposulfite  ;  dépourvue  de  carbonate  et 
de  silicate  de  soude,  elle  est,  au  contraire,  riche  en  chlorure  de  sodium  et 
en  sels  de  chaux,  circonstance  qui  permet  d'établir  un  rapprochement 
entre  son  assortissement  minéral  et  celui  des  eaux  sulfuré-calciques  (En- 


BONNES  (eaux  de).  —  action  rinsioLOGiQUE.  585 

ghien).  Cet  ensemble  de  caractères  avait  fait  soupçonner  à  Filhol  que 
dans  les  eaux  de  Bonnes,  le  soufre  existe  au  moins  en  partie  à  l'état  de 
sulfure  de  calcium;  des  essais  nombreux  lui  ont  démontré  que  la  majeure 
partie  du  sulfure  contenu  dans  ces  eaux  est  probablement  du  sulfure  de 
sodium.  Mais  il  est  infiniment  probable  que  dans  une  eau  où  se  trouvent 
à  la  fois  du  sulfate  de  chaux  et  du  sulfure  de  sodium,  il  se  produit  un  peu 
de  sulfate  de  soude  et  du  sulfure  de  calcium;  aussi  d'après  Filhol,  les 
eaux  de  Bonnes  renferment  selon  toute  apparence  un  peu  de  sulfure  de 
calcium,  ce  qui  les  distingue  des  autres  eaux  thermales  des  Pyrénées. 
Enfin  elles  offrent  dans  leur  composition  de  l'iode,  ce  qui  les  a  fait  com- 
parer par  Chatin  aux  sources  minérales  des  Alpes,  et  de  l'ammoniaque 
d'après  les  recherches  de  Bouis  et  Filhol. 

Les  Eaux-Bonnes  sont  administrées  en  boisson,  en  bains,  en  garga- 
risme, en  inhalation.  La  source  Vieille  est  celle  dont  on  fait  à  peu  près 
exclusivement  usage  à  l'intérieur.  En  boisson  ces  eaux  qui  sont  douées 
d'une  certaine  activité  se  prescrivent  à  faible  dose  d'abord,  une  ou  deux 
cuillerées  à  soupe  par  exemple,  on  en  augmente  progressivement  la  quan- 
tité, rarement  on  dépasse  trois  et  au  plus  quatre  verres  par  jour.  On  les 
donne  soit  pures,  soit  mêlées  avec  du  lait,  une  infusion  béchique,  du 
sirop  de  gomme,  de  Tolu.  Les  bains  ne  peuvent  être  que  rarement  em- 
ployés à  cause  de  la  faible  quantité  d'eau  consacrée  à  cet  usage  et  du  pe- 
tit nombre  de  baignoires.  Cependant  ils  seraient  un  adjuvant  fort  utile, 
ils  concourent  d'une  manière  très-favorable  au  rétablissement  des  fonc- 
tions cutanées,  qui  jouent  un  si  grand  rôle  dans  l'équilibre  organique. 

Action  physiologique.  —  Tous  les  médecins  qui  ont  écrit  sur  les  Eaux- 
Bonnes  s'accordent  à  les  considérer  comme  hypersthénisanles. 

D'après  Andrieu,  elles  déterminent  une  sorte  de  fièvre  artificielle,  une 
fluxion  des  muqueuses,  une  exagération  des  sécrétions  pathologiques, 
quel  qu'en  soit  le  siège,  l'établissement  ou  le  rétablissement  des  hémor- 
rhagies  naturelles,  le  réveil  des  fonctions  de  nutrition,  l'augmentation  de 
l'activité  normale  du  système  nerveux.  Elles  provoquent  souvent  une 
toux  sèche,  de  la  dyspnée,  de  l'expectoration,  marquant  ainsi  leur  action 
élective  sur  les  organes  respiratoires. 

Guéneau  de  Mussy  a  vu  sous  leur  influence  l'innervation  devenir  plus 
puissante,  l'assimilation  et  la  nutrition  plus  actives,  en  un  mot  toutes 
les  fonctions  s'exécuter  avec  plus  d'énergie  et  plus  d'harmonie. 

De  Pietra-Santa  donne  le  résultat  des  effets  qu'ont  produits  sur  lui- 
même  les  eaux  de  Bonnes  ;  il  a  ressenti,  par  suite  de  leur  emploi,  une 
contraction  douloureuse  à  la  gorge  et  au  larynx,  une  suractivité  dans  les 
fonctions  digestives,  dans  la  circulation  générale,  dans  les  sécrétions; 
en  même  temps  les  amygdales,  la  luette,  le  voile  du  palais  offraient  une 
injection  générale  assez  vive. 

Cazenavc  reconnaît  aux  Eaux-Bonnes  une  action  excitante  générale, 
et  une  action  élective  sur  les  muqueuses  bronchique  et  pharyngée;  celle- 
ci  peut  devenir  le  siège  d'une  angine  spécifique  qu'il  appelle  angine  sul- 
fureuse. 


584  BONNES  (eaux  de).  —  action  physiologique. 

Devalz,  dans  son  livre  :  De  Faction  des  Eaux-Bonnes  dans  le  traitement 
des  affections  de  la  gorge  et  de  la  poitrine,  établit  comme  conclusion  au 
chapitre  relatif  à  l'action  physiologique  : 

1°  Que  cette  action  physiologique  est  l'excitation  générale  et  antago- 
niste de  tous  les  appareils  de  la  vie  organique,  et  partant  une  sorte  de 
dérivation  qui  empêche  ou  fait  cesser  la  concentration  du  stimulus  dans 
un  organe  en  particulier. 

2°  L'excitation  de  tous  les  appareils  de  la  vie  organique  et  l'élan  vi- 
goureux imprimé  aux  actes  de  sécrétion  et  d'absorption  facilite  les  phé- 
nomènes chimiques  de  la  respiration  et  élève  le  degré  de  la  chaleur  ani- 
male. 

Pidoux  a  toujours  considéré  les  Eaux-Bonnes  comme  stimulantes.  — 
Elles  excitent  les  trois  grands  appareils  de  l'économie,  l'appareil  digestif, 
l'appareil  nerveux,  l'appareil  respiro-circulatoire,  sans  toutefois  que  la 
limite  de  l'excitation  physiologique  soit  dépassée. 

On  peut  résumer  ainsi  les  effets  produits  sur  l'homme  en  santé  par 
les  Eaux-Bonnes  :  les  forces  générales  sont  augmentées,  les  battements 
du  cœur  sont  accélérés,  le  pouls  acquiert  de  la  force  et  de  la  résis- 
tance, les  facultés  digestives  recouvrent  une  puissance  qu'elles  avaient 
souvent  perdue  depuis  longtemps,  l'appétit  est  plus  vif,  la  nutrition  et 
l'assimilation  sont  plus  actives,  toutes  les  fonctions  s'exécutent  avec  plus 
d'énergie  et  plus  d'harmonie,  il  survient  de  la  toux,  l' arrière-gorge  et  le 
larynx  donnent  simultanément  des  signes  de  souffrances,  il  se  développe 
de  la  chaleur,  des  picotements,  une  injection  spéciale  et  caractéristique 
sur  les  amygdales,  la  luette,  le  voile  du  palais,  la  paroi  postérieure  du 
pharynx  et  jusque  dans  l'appareil  vocal  proprement  dit  :  toutes  les 
sécrétions,  celle  du  rein  en  particulier,  sont  accélérées;  le  système  cutané 
devient  le  siège  d'un  mouvement  ftuxionnaire,  d'éruptions  de  diverse 
nature  auxquelles  on  donne  le  nom  de  poussées.  Cette  action  tonique 
imprime  à  la  circulation  capillaire,  ou  pour  mieux  dire  à  la  vitalité  du 
derme,  une  force  toute  nouvelle  qui  rend  la  peau  moins  impressionnable;  et 
comme  conséquence  de  ce  transport  de  l'énergie  vitale  du  centre  à  la 
circonférence,  on  voit  des  sécrétions  pathologiques  à  la  peau  se  créer,  se 
rétablir  ou  s'exagérer. 

Les  Eaux-Bonnes  possèdent  donc  une  action  physiologique  qui  consiste 
dans  l'énergie  plus  grande  imprimée  à  toutes  les  fonctions,  leremontement 
général  suivant  l'expression  de  Bordeu,  et  une  action  spéciale  en  quelque 
sorte  élective  sur  la  muqueuse  bronchique.  Les  recherches  de  C.  Bernard 
sur  les  voies  d'élimination  du  soufre  introduit  dans  l'économie  expliquent 
ce  dernier  mode  d'action.  Le  savant  physiologiste  a  démontré  que  par 
quelque  voie  qu'on  introduise  le  soufre  dans  l'économie,  qu'il  soit  donné 
sous  forme  soluble  ou  insoluble,  il  s'élimine  en  faible  partie  par  la  peau 
et  en  presque  totalité  par  la  muqueuse  pulmonaire  sous  forme  de  gaz 
hydrogène  sulfuré,  de  telle  sorte  que  le  poumon  baigne,  si  on  peut  s'ex- 
primer ainsi,  dans  une  atmosphère  sulfureuse,  d'où  il  résulte  que  l'on 
peut  jusqu'à  un  certain  point  considérer  les  résultats  curatifs  comme 


BONNES  (eaux  de).  —  actio.n  physiologique.  585 

découlant  d'une  médication  topique.  Demarquay  essayant  des  injections 
d'acide  sulfhydrique  dans  le  tissu  cellulaire  des  lapins,  a  constaté  que 
ce  gaz  s'éliminant  en  grande  partie  par  la  muqueuse  des  bronches  y 
produit  une  inflammation  très-nette  et  très-étendue,  il  explique  encore 
par  cette  action  substitutive  les  bons  effets  des  sulfureux  dans  les  affec- 
tions chroniques  de  la  poitrine. 

Mais  il  existe  de  la  part  des  Eaux-Bonnes  une  action  particulière  qui  a 
été  signalée  par  Pidoux.  Cette  influence  se  traduit,  d'après  le  savant  in- 
specteur, par  une  susceptibilité  catarrhale  toute  nouvelle,  et  celle-ci  ne 
doit  nullement  être  attribuée  à  des  circonstances  météorologiques.  L'in- 
vasion de  ces  affections  catarrhales  qu'il  appelle  Eaux-Bonnaises  est  très- 
franchement  aiguë.  Ce  n'est  point  une  exaspération  de  la  phlegmasie 
chronique  des  bronches,  c'est  une  manifestation  morbide  moins  person- 
nelle. La  dyspnée  est  congestive,  les  poumons  sont  fluxionnés.  La  cépha- 
lalgie, l'injection  vultueuse  des  traits,  la  toux  rauque,  le  coryza,  la  chaleur 
halitueuse,  la  fièvre  de  bon  caractère,  la  courbature,  l'accablement  lé- 
ger, etc.,  tout  annonce  que  le  malade  est  placé  sous  une  influence  pa- 
thogénétique récente  et  superficielle.  Cette  grippe  thermale  parcourt 
rapidement,  franchement  ses  périodes,  elle  marche  à  côté  de  l'affection 
chronique  sans  s'y  ajouter,  sans  la  précipiter;  elle  finit  brusquement, 
puis  la  tolérance  devient  plus  grande  pour  le  traitement  hydro-minéral, 
et  la  susceptibilité  catarrhale  chronique  n'a  pas  de  contre-maladie  théra- 
peutique plus  sûre  que  cette  susceptibilité  catarrhale  franche  et  passagère 
qu'imprime  à  l'économie  la  médication  sulfureuse  thermale. 

L'exagération  des  phénomènes  produits  par  les  Eaux-Bonnes  doit-elle 
être  considérée  comme  une  condition  indispensable  pour  la  guérison, 
comme  une  crise  que  les  malades  doivent  traverser  et  sans  laquelle  il  n'y 
a  pas  d'effet  curatif?Cette  proposition  admissible  dans  quelques  cas  n'est 
point  absolue.  On  voit  en  effet  des  malades  se  rétablir  sans  phénomènes 
réactionnels,  sans  aggravation  des  symptômes,  et  la  cure  n'en  est  ni 
moins  parfaite  ni  moins  solide.  La  crise  thermale  ne  me  semble  pas 
indispensable,  il  n'est  ni  prudent  ni  nécessaire  de  violenter  l'organisme 
pour  obtenir  la  guérison.  Beaucoup  de  malades,  dit  Andrieu,  soumis  à 
l'usage  des  eaux  thermales  guérissent  sans  éprouver  d'autre  effet  appré- 
ciable de  l'action  de  celles-ci  que  l'amélioration  graduelle  de  leur  état  et 
la  disparition  plus  on  moins  complète  des  accidents  morbides  auxquels 
ils  étaient  en  proie.  Le  médecin  doit  s'étudier  autant  que  possible  à  ne 
pas  susciter  des  troubles  trop  considérables,  et  il  aurait  atteint  le  sum- 
mum de  la  perfection  s'il  arrivait  à  guérir  sans  amener  de  perturba- 
tion notable.  Il  est  beaucoup  de  malades,  dit  Pidoux,  qui  n'éprou- 
vent jamais  cette  reviviscence  sensible  des  symptômes  de  la  maladie 
chronique  des  voies  respiratoires  par  les  Eaux-Bonnes,  ni  comme  signe 
de  la  saturation  thermale,  ni  comme  condition  du  succès  de  la  médication  ; 
ces  sujets  s'en  passent  très-bien  pour  guérir;  plus  loin  il  ajoute  :  cette 
médication  a  pu  agir  chez  eux  (les  malades)  par  ses  propriétés  générales 
et  l'affection  localisée  a  bénéficié  de  l'influence  réparatrice  exercée  sur 

NOUV.    DICT.    MÉD.    ET    CUIR.  V.    —  25 


386  BONNES  (eaux  de).  —  action  physiologique. 

l'état  constitutionnel.  L'affection  locale  a  été  même  directement  modifiée 
par  l'influence  intime  de  la  médication  sur  les  propriétés  vitales  latentes 
de  l'organe  altéré,  sans  qu'aucune  action  centrale  ou  réfléchie  ait  pu  aver- 
tir le  malade  ou  le  médecin  de  cette  modification. 

Ce  sont  là  de  sages  préceptes  qui  devraient  toujours  être  présents  à 
l'esprit  des  médecins  des  eaux  thermales  et  les  diriger  dans  l'appréciation 
d'une  médication  qui  devient  dangereuse  dans  les  mains  de  ceux  qui 
demandent  des  succès  éclatants  aux  hasards  d'une  médecine  héroïque. 
Pour  si  glorieuses  que  soient  quelquefois  les  aventures,  il  est  bon  en 
médecine  de  ne  pas  les  courir,  et  pour  ma  part  je  corrigerai  le  vieil  adage 
latin  et  je  dirai  :  prudentes  fortuna  juvat . 

Effets  thérapeutiques.  —  C'est  contre  les  phlegmasies  chroniques  des 
muqueuses  pharyngée  et  laryngo-bronchique,  contre  les  affections  du 
parenchyme  pulmonaire  que  les  eaux  de  Bonnes  sont  principalement 
dirigées. 

Angine.  —  Parmi  les  variétés  de  cette  maladie,  il  en  est  une  qui  ré- 
clame d'une  manière  plus  spéciale  l'usage  des  Eaux-Bonnes,  c'est  l'an- 
gine granuleuse  ou  glanduleuse;  signalée   d'abord  par  Chomcl,  Horace 
Green,  étudiée  en  4857  par  Noël  Gueneau  de  Mussy,  elle  se  caractérise 
par  les  symptômes  suivants  :  une  altération  de  la  voix  continue  ou  inter- 
mittente, un  besoin  fréquent  de  faire  une  expiration  brusque  et  bruyante 
pour  débarrasser  le  larynx  d'un  obstacle  qui  s'oppose  au  libre  exercice  de 
ses  fonctions  et  enfin  le  développement  morbide  des  glandulcs  du  pharynx, 
du  larynx  et  du  voile  du  palais  faisant  saillie  à  la  surface  de  la  membrane 
muqueuse,  et  formant  des  granulations  de  volume  et  de  configuration 
divers.  D'après  Chomel  et  Gueneau  de  Mussy,  la  diathèse  herpétique  doit 
être  considérée  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas,  soit  comme  la  cause 
efiieiente  de  l'angine  granuleuse,  soit  comme  la  condition  spéciale  qui 
modifie  l'inflammation  une  fois  produite,    lui    donne   sa   physionomie 
propre,  en  détermine  la  marche  et  les  tendances.  De  là  l'indication  du 
traitement  sulfuro-thermal  ;  Gueneau  de  Mussy  cite  un  certain  nombre 
de  guérisons  d'angine  granuleuse  obtenues  par  l'usage  des  Eaux-Bonnes. 
Sous  leur  influence,  il  se  produit  une   stimulation  d'autant  plus  grande 
qu'il  existait  des  foyers  d'irritation.  Ainsi  la  muqueuse  pharyngée  devient 
plus  rouge,  les  granulations  sont  plus  saillantes,  la  sécrétion  muqueuse 
est    augmentée,  les  malades    accusent    des  sensations   incommodes  de 
chatouillement,  de  picotement,  d'ardeur  à  la  gorge  qui  retentissent  quel- 
quefois sur  la  trompe  d'Eustache;  cette  excitation  apaisée,  l'amélioration 
commence,  la  toux  cesse  ainsi  que  l'expectoration  et  le  chatouillement  à  la 
gorge,  la  voix  devient  plus  claire,  les  granulations  pharyngées  diminuent 
ou  même  disparaissent,  la  rougeur  s'efface.  Cette  influence  salutaire  peut 
être  prompte,  mais  quelquefois  plusieurs  semaines  et  même  plusieurs 
mois  s'écoulent  avant  qu'une  heureuse  modification  dans  les  phénomènes 
morbides  révèle  l'action  curative  du  traitement  thermal. 

Phlegmasie  chronique  des  muqueuses  laryngée  et  bronchique.  —  Les 
Eaux-Bonnes  sont  souvent  efficaces  dans  la  laryngite  chronique  siinj)le> 


DONNES  (eaux  de).  —  effets  thérapeutiques.  587 

c'est-à-dire  indépendante  de  la  diathèse  tuberculeuse.  Elles  interviennent 
utilement  dans  la  bronchite,  lorsque  celle-ci  se  trouve  dans  une  période 
décroissante  ou  qu'elle  est  devenue  chronique,  ou  bien  encore  qu'elle 
tend  à  récidiver.  Elles  réussissent  d'autant  mieux  que  la  bronchite  coïn- 
cide avec  certaines  formes  de  tempérament,  le  lymphatique  par  exemple, 
avec  certaines  diathèses,  l'herpétique  en  particulier.  Dans  ces  phlegmasies 
chroniques,  l'eau  de  Bonnes  réveille  un  certain  degré  d'acuité,  provoque 
une  excitation  générale  et  locale  ;  après  ces  premiers  effets  se  manifeste 
une  résolution  de  l'état  maladif;  d'autres  fois  l'eau  sulfureuse  guérit  sans 
cette  stimulation,  et  les  médecins  hydrologues  admettent  une  influence 
particulière  sur  le  catarrhe  de  la  muqueuse  respiratoire,  analogue  à  tant 
d'autres  actions  thérapeutiques  spéciales  qui  ne  s'expliquent  point  par 
des  effets  physiologiques  définissables.  (Durand  Fardel,  Le  Bret.) 

L'eau  de  Bonnes  est  administrée  avec  quelque  avantage  dans  V asthme 
lorsque  celui-ci  est  humide  ou  catarrhal,  et  surtout  qu'il  se  trouve  sous 
la  dépendance  de  la  diathèse  herpétique.  Elle  est,  au  contraire,  nuisible 
lorsqu'il  est  le  résultat  d'une  lésion  organique  du  cœur  ou  des  gros  vais- 
seaux. 

Dans  les  engorgements  chroniques  du  tissu  pulmonaire  (induration, 
infiltration,  etc.),  on  voit  sous  l'influence  de  cette  eau  minérale  les 
parties  du  poumon  malades  et  imperméables  à  l'air  reprendre  peu  à  peu 
leur  état  normal. 

Phthisie  pulmonaire.  —  Les  Eaux-Bonnes  doivent-elles  être  conseillées 
lorsque  le  parenchyme  pulmonaire  a  subi  l'altération  tuberculeuse?  C'est 
un  des  problèmes  les  plus  importants  et  les  plus  difficiles  de  la  théra- 
pie sulfureuse. 

Les  deux  Bordeu  qui  les  premiers  ont  employé  les  Eaux-Bonnes  dans 
les  affections  chroniques  de  la  poitrine,  les  considéraient  comme  un  doux 
fondant  et  le  meilleur  béchique.  Ils  ont  laissé  un  recueil  d'observations 
attestant  que  les  eaux  de  cette  station  thermale  peuvent  amener  la  réso- 
lution des  engorgements  tuberculeux  des  poumons,  cicatriser  les  ulcères 
de  cet  organe,  ceux  même  qui  résultent  de  la  fonte  des  tubercules.  A  l'é- 
poque où  ils  exprimaient  cette  opinion,  le  diagnostic  était  bien  loin  de 
l'exactitude  qu'il  offre  de  nos  jours  ;  les  degrés  et  les  périodes  des  mala- 
dies étaient  souvent  difficiles  à  reconnaître;  le  diagnostic  différentiel 
surtout  était  presque  impossible;  cependant  on  ne  peut  s'empêcher 
de  reconnaître  la  gravité  des  affections  traitées  par  Bordeu  ;  elles  entraî- 
naient une  fièvre  hectique,  des  sueurs  nocturnes,  une  diarrhée  colliqua- 
tive,  une  expectoration  purulente,  un  amaigrissement  général,  en  un 
mot  un  ensemble  de  symptômes  qui  rappellent  la  tuberculisation  pul- 
monaire à  la  dernière  période. 

Andrieu  considère  l'emploi  des  Eaux-Bonnes  comme  très-avantageux 
dans  la  phthisie  pulmonaire,  surtout  lorsqu'elle  s'allie  au  tempérament 
lymphatique. 

Noël  Gueneau  de  Mussy  n'hésite  pas  à  déclarer  qu'au  premier  rang  se 
placent  les  eaux  sulfureuses,  en  particulier  celle  de  Bonnes . 


588  BONNES  (eaux  de).  —  effets  thérapeutiques. 

René  Brian  affirme  que  des  résultats  favorables  ont.  été  obtenus  aux 
Eaux-Bonnes  chez  des  individus  atteints  de  vraie  et  légitime  phthisie  tu- 
berculeuse. 

Lors  de  la  discussion  qui  eut  lieu  en  1860  à  la  Société  d'hydrologie  sur 
le  traitement  de  la  phthisie  par  les  eaux  minérales,  Pidoux  après  avoir 
exposé  ses  idées  sur  les  conditions  de  curabilité  de  cette  maladie, 
admettait  l'efficacité  des  Eaux-Bonnes.  Toutefois,  conséquent  avec  sa 
doctrine,  il  affirmait  que  cette  efficacité  était  d'autant  plus  grande 
que  la  phthisie  était  pourvue  d'éléments  antagonistes  (asthme,  arthri- 
tisme,  etc.). 

Mais  si  ces  eaux  thermales  ont  offert  dans  bien  des  circonstances  une 
véritable  efficacité,  elles  n'ont  pas  toujours  été  exemptes  d'inconvénients; 
de  là  la  nécessité  de  rechercher  dans  quelles  formes  et  dans  quelles  pé- 
riodes de  la  phthisie  elles  doivent  être  mises  en  usage. 

Personne  aujourd'hui  ne  songe  à  considérer  cette  maladie  comme  sim- 
plement locale;  elle  est  formée  de  trois  éléments  distincts  :  1°  une  dia- 
thèse,  c'est-à-dire  une  disposition  générale  innée  ou  acquise  qui  pré- 
cède toute  localisation  tuberculeuse;  2°  un  produit  hétéromorphe,  le 
tubercule,  résultat  de  cette  diathèse;  5°  un  état  inflammatoire,  catar- 
rhal  ou  autre  qui  a  pour  siège  la  muqueuse  bronchique  ou  le  paren- 
chyme pulmonaire  entourant  le  tubercule.  Avant  de  rechercher  contre 
lequel  de  ces  éléments  doit  être  spécialement  instituée  la  médication  ther- 
male, il  me  paraît  nécessaire  d'établir  les  formes  diverses  de  la  phthisie 
et  de  spécifier  quelles  sont  celles  qui  réclament  ou  repoussent  le  traite- 
ment par  les  Eaux-Bonnes.  L'observation  clinique  assigne  trois  formes  à 
la  phthisie. 

1°  Phthisie  aiguë.  Elle  s'observe  chez  les  individus  d'un  tempéra- 
ment sanguin,  se  caractérise  anatomiquement  par  la  dissémination  de 
granulations  tuberculeuses  dans  les  poumons,  affecte  dans  son  appa- 
reil symptomatologique  et  dans  sa  durée  les  allures  trompeuses  d'une 
maladie  aiguë,  revêtant  les  apparences  d'une  bronchite  capillaire  ou 
d'une  fièvre  typhoïde;  dans  cette  forme,  les  Eaux-Bonnes  sont  absolu- 
ment contre-indiquées,  elles  fournissent  un  nouvel  aliment  à  la  phleg- 
masie  locale  et  à  l'intensité  de  la  fièvre. 

2°  Phthisie  subaiguë.  Elle  s'accompagne  d'une  excitation  des  sys- 
tèmes vasculaire  et  nerveux.  Les  Eaux-Bonnes  peuvent  être  employées 
chez  les  sujets  à  vitalité  languissante,  phlegmatiques  suivant  l'expression 
allemande;  mais  il  importe  que  l'irritation  pulmonaire  soit  apaisée,  que 
les  tubercules  n'aient  pas  envahi  une  grande  étendue  du  poumon,  que  la 
marche  de  la  maladie  soit  ralentie,  que  la  toux  soit  peu  fréquente,  l'a- 
maigrissement général  peu  prononcé  et  le  mouvement  fébrile  diminué; 
encore  faut-il  que  les  eaux  soient  données  avec  une  grande  prudence,  que 
le  médecin  ait  l'œil  constamment  fixé  sur  l'irritation  pulmonaire  qui 
sommeille,  mais  qui  réveillée  pourrait  amener  des  accidents  graves. 
Elles  sont  au  contraire  nuisibles  s'il  y  a  de  la  fièvre,  des  symptômes  de 
congestion  pulmonaire,  de  la  tendance  à  l'hémoptysie,  quelques  com- 


BONNES  (eaux  de).  —  effets  thérapeutiques.  f>89 

plications  du  côlé  du  cœur  ou  des  gros  vaisseaux;  alors  elles  augmentent 
le  mouvement  fébrile  et  précipitent  le  terme  fatal. 

5°  Phthisie  chronique,  indolente,  torpide;  elle  se  rencontre  chez  les 
individus  lymphatiques,  'à  chairs  molles,  sans  réaction  vive.  Les  phé- 
nomènes locaux  et  généraux  sont  peu  accentués,  souvent  même  la  ma- 
ladie est  arrivée  à  un  degré  assez  avancé  sans  qu'elle  se  soit  manifestée 
par  des  symptômes  extérieurs  bien  évidents.  Adminislrées  avec  discerne- 
ment, les  Eaux-Bonnes  améliorent  les  fonctions  de  nutrition  et  d'assimi- 
lation, fortifient  la  résistance  physiologique  de  l'organisme,  l'empêchent 
de  céder  à  l'entraînement  tuberculeux  et  impriment  une  modification  fa- 
vorable à  toute  l'économie  ainsi  qu'aux  organes  qui  sont  plus  spéciale- 
ment atteints. 

A  quelle  période  de  la  phthisie  les  Eaux-Bonnes  doivent-elles  être  con- 
seillées? 

Il  est  généralement  admis  que  les  Eaux-Bonnes  réussissent  d'autant 
mieux  qu'elles  sont  prises  dès  le  début  delà  maladie.  Toutefois,  il  est  des 
médecins  qui  affirment  qu'à  cette  période  initiale,  elles  sont  toujours  nui- 
sibles, quelle  que  soit  la  constitution  des  sujets.  S'ils  sont  sanguins,  di- 
sent-ils, l'eau  sulfureuse  leur  donne  ou  de  la  fièvre  ou  des  crachements  de 
sang:  s'ils  sont  lymphatiques  ou  scrofuleux,  les  tubercules  qui  n'avaient 
encore  signalé  leur  présence  par  aucun  accident  particulier,  reçoivent  une 
impulsion  funeste  et  se  développent  avec  une  plus  grande  rapidité. 

Quelques  médecins  entre  autres  de  Puisaye,  Pâtissier,  Pidoux,  etc., 
pensent  que  la  médication  thermale  est  mieux  indiquée  dans  la  période 
de  ramollissement  ;  elle  serait  plus  appropriée  non-seulement  à  l'étal 
local,  mais  encore  à  l'état  général.  On  peut  espérer  une  guérison  si  la 
matière  tuberculeuse  est  éliminée  ;  l'anatomie  pathologique  nous  ap- 
prend en  effet  que  les  parois  des  cavités  débarrassées  de  leurs  produits 
peuvent  se  rapprocher  et  se  réunir  au  moyen  d'un  tissu  cicatriciel.  Les 
tubercules  crus  que  contiennent  les  engorgements  glandulaires  du  cou  ne 
sont  pas  en  général  susceptibles  de  résolution,  ils  ne  se  dissipent  que 
lorsque  l'inflammation  du  tissu  cellulaire  ambiant  a  amené  le  ramollisse- 
ment de  la  matière  tuberculeuse,  son  élimination,  puis  la  cicatrisation  de 
l'abcès.  Pourquoi  en  serait-il  autrement  à  l'égard  des  tubercules  des  or- 
ganes profonds? 

Les  eaux  de  Bonnes  seraient-elles  utiles  à  la  troisième  période  de  la 
phthisie  pulmonaire?  Briau  regarde  la  phthisie  tuberculeuse  comme 
pouvant  être  guérie  par  ces  eaux  à  toutes  les  périodes.  Des  exemples 
de  phthisie  au  troisième  degré  immobilisée  par  le  traitement  ther- 
mal? disait  Pidoux  à  la  Société  d'hydrologie  (séance  du  21  mars  1864); 
mais  j'en  ferai  défiler  devant  vous  chaque  année  plusieurs  cas!...  Si 
les  excavations  pulmonaires  sont  limitées,  si  le  poumon  dans  le  reste 
de  son  étendue  n'offre  pas  d'altération  sérieuse,  s'il  existe  des  par- 
ties saines  ce  que  les  anciens  appelaient  vita  sana  superstes  in  morbis; 
si  les  phénomènes  généraux  sont  peu  marqués,  on  comprend  que  les 
Eaux-Bonnes  puissent  être  essayées  avec  une  grande  prudence;  mais  lors- 


590  BONNES  (eaux  de).  —  effets  thérapeutiques. 

que  tout  l'organisme  est  entraîné  par  un  courant  irrésistible  vers  la 
destruction,  le  doute  n'est  plus  permis,  elles  sont  inutiles.  Pas  plus  que 
les  autres  remèdes,  elles  ne  font  des  miracles  ni  ne  reconstruisent  des 
organes  profondément  altérés. 

Chez  les  plitliisiques  soumis  à  leur  usage,  on  voit  le  plus  souvent  l'ex- 
pectoration changer  de  nature,  les  crachats  de  verdâtres  deviennent 
jaunes,  puis  blanchâtres,  en  même  temps  ils  sont  plus  rares,  l'élément 
catarrhal  est  donc  sensiblement  modilié  par  cette  médication,  et  cette  mo- 
dification ne  s'arrête  pas  à  la  membrane  muqueuse,  elle  atteint  souvent 
le  tissu  parenchymateux;  alors  diminuent,  disparaissent  les  altérations  de 
sonorité  et  les  bruits  morbides  qui  indiquaient  l'état  congestif  du  paren- 
chyme pulmonaire.  C'est  qu'en  effet  l'eau  de  Bonnes  n'exerce  aucune  ac- 
tion thérapeutique  directe  sur  le  tubercule,  elle  est  impuissante  à  arrêter 
la  cachexie  tuberculeuse,  elle  a  une  influence  réelle  contre  la  bronchite, 
compagne  inévitable  de  la  tuberculisation  que  Fonssagrives  (de  Montpel- 
lier) a  comparée  avec  raison  à  une  bougie  allumée  qu'on  promène  au 
milieu  de  sacs  de  poudre. 

Il  me  paraît  conforme  aux  règles  d'une  sage  pratique  de  ne  jamais 
conseiller  les  Eaux-Bonnes  pendant  la  progression  active  de  la  phthisie. 
Comme  toutes  les  affections  de  longue  durée,  elle  ne  marche  pas  d'une 
manière  uniforme,  elle  offre  des  périodes  d'activité  et  des  périodes  de 
repos;  c'est  à  ce  dernier  moment,  alors  que  les  tubercules  semblent 
stationnaires,  que  doit  intervenir  le  traitement  thermal.  Il  est  donc  im- 
possible de  déterminer  à  l'avance  une  époque  fixe  pour  l'emploi  des 
eaux  sulfureuses;  il  faut  en  outre  se  laisser  guider  surtout  par  la  forme 
de  la  phthisie,  l'état  général  du  sujet,  les  conditions  de  santé,  etc.;  on 
a  dit  avec  raison  qu'on  est  quelquefois  moins  malade  avec  une  phthisie 
au  troisième  degré  qu'avec  une  phthisie  qui  n'a  point  dépassé  ie  pre- 
mier. La  gravité  de  cette  maladie  est  en  effet  moins  accusée  par  l'éten- 
due des  lésions  qu'elle  a  produites  que  par  ses  allures  stationnaires  ou 
désorganisatrices  ;  d'où  la  conséquence  de  ne  pas  toujours  considérer 
l'existence  d'une  caverne  comme  un  motif  d'exclusion  des  eaux.  L'ap- 
préciation de  l'état  général,  du  tempérament,  des  formes  pathologiques, 
doit  primer  le  diagnostic  local  anatomique. 

Un  état  fébrile  continu,  la  tendance  aux  congestions,  aux  hémoptysies, 
telles  sont  les  circonstances  principales  qui  doivent  surtout  contre-indi- 
quer  l'usage  des  Eaux-Bonnes. 

Pidoux  fait  à  l'égard  du  mouvement  fébrile  une  distinction.  Quand  la 
fièvre  n'est  pas  hectique  tuberculeuse,  quand  l'organisme  est  sous  l'in- 
fluence d'une  autre  disposition  morbide  générale,  l'eau  de  Bonnes  peut 
être  administrée.  Ces  malades  dans  la  troisième  période  delà  phthisie  ar- 
thritique se  tiennent  debout,  dit-il,  même  avec  de  la  fièvre,  parce  qu'elle 
ne  dépend  pas  du  ramollissement  et  du  tabès  tuberculeux.  Mais  si  le  mou- 
vement fébrile  coïncide  avec  un  amaigrissement  général  rapide  et  pro- 
gressif, avec  des  sueurs  abondantes,  s'il  est  l'indice  d'un  état  colliquatif, 
l'eau  sulfureuse  ne  fait  que  l'augmenter,  elle  est  sérieusement  nuisible. 


BONNES  (eaux  de).  —  bibliographie.  591 

Quant  aux  hémoptysics  qu'on  observe  aux  Eaux-Bonnes,  il  en  est  de 
■deux  sortes,  dit  Pidoux  ;  les  unes  se  rattachent  aux  tubercules,  leur 
pronostic  est  nécessairement  très-sérieux  ;  mais  il  en  est  d'autres  que  le 
savant  inspecteur  appelle  Eaux-Bonnaises,  elles  résultent  de  l'action 
des  eaux  sulfureuses,  elles  n'ont  point  de  gravité,  s'apaisent  par  la  sim- 
ple suspension  du  traitement  ;  elles  ne  sont  point  réfractaires  et  réci- 
divent peu.  D'après  N.  Gueneau  de  Mussy,  on  aurait  fait  aux  Eaux-Bonnes, 
sous  le  rapport  de  ce  dernier  accident,  des  reproches  exagérés,  peut-être 
même  injustes.  Elles  ont  bien  pu  quelquefois  favoriser  une  congestion 
hémorrhagique  du  poumon  chez  des  individus  prédisposés;  mais  don- 
nées avec  prudence,  elles  n'ont  jamais  déterminé  un  tel  effet.  Gueneau  de 
Mussy  affirme  même  qu'il  a  pu  les  conseiller  sans  inconvénient  à  des 
malades  à  peine  guéris  d'hémoptysie. 

Quel  est  le  mode  d'action  de  l'eau  de  Bonnes?  Faire  d'une  maladie 
lente,  chronique,  sans  solution  critique,  une  maladie  aiguë,  déterminer 
une  action  substitutive,  telle  est  la  théorie  qu'a  émise  Bordeu,  théorie 
qui  depuis  a  été  acceptée  par  bien  des  médecins.  C'est  aussi  l'opinion  de 
Pidoux,  lorsqu'il  dit  :  Dans  bien  des  cas  nous  congestionnons  pendant  le 
traitement,  plus  tard  la  nature  reposée  éprouve,  sous  l'influence  des  effets 
secondaires  delà  médication,  une  réaction  en  sens  inverse;  la  tuberculi- 
sation  s'immobilise,  le  malade  acquiert  une  résistance  inconnue  de  lui 
jusqu'alors  à  toutes  les  causes  qui  irritaient  ses  poumons  et  y  excitaient 
des  poussées  tuberculeuses. 

Voulant  expliquer  par  quelle  sorte  de  mécanisme  agissent  les  eaux  de 
Bonnes,  il  ajoute  :  Elles  amendent  la  phthisie,  en  excitant  ou  rappelant 
des  éléments  antagonistes,  l'asthme,  l'arthritisme,  des  névralgies,  la 
gravelle,  des  douleurs  hépatiques,  des  coliques  biliaires,  etc.;  ainsi,  en 
faisant  prédominer  dans  l'organisme  des  activités  morbides  qui  forment 
un  antagonisme  à  la  tuberculisation,  en  rappelant  ou  en  maintenant  une 
maladie  chronique  initiale,  les  Eaux-Bonnes  compriment  et  retardent 
<une  maladie  chronique  ultime. 

J'accepte  bien  plus  volontiers  l'opinion  de  Gueneau  de  Mussy  ;  je  dirai 
avec  lui  que  l'eau  de  Bonnes  répond  à  deux  indications  :  d'une  part,  elle 
stimule  l'activité  des  fonctions  nutritives,  elle  relève  les  forces,  augmente 
la  résistance  de  l'organisme,  lui  fournit,  en  quelque  sorte,  le  moyen  de 
lutter  avec  moins  de  désavantage  contre  l'action  des  causes  morbilîques, 
et  en  réparant  la  faiblesse  des  malades,  enlève  à  la  diathèse  un  de  ses 
plus  puissants  auxiliaires.  D'autre  part,  elle  a  une  action  incontestable 
sur  l'état  catarrhal  et  sur  la  congestion  pulmonaire  qui  accompagnent 
presque  toujours  la  phthisie.  Or  il  ne  faut  pas  oublier  que  si  le  catarrhe 
bronchique,  la  congestion  chronique  du  poumon  ne  font  point  le  tuber- 
cule, ils  ne  sont  pas  du  moins  étrangers  à  son  développement,  et  devien- 
nent comme  un  terrain  préparé  où  il  germe  avec  une  facilité  merveil- 
leuse. 

Pâtissier,  Manuel  des  eaux  minérales,  1857,  p.  135.  — Trailement  de  la  phthisie  par  les  eaux 
minérales  [Annales  de  la  Soc.  d'hydrologie,  18Ô7-185S,  t.  IV,  p.  50). 


392  BORAX.  —  chimie  et  pharmacologie. 

Taylob,  Influence  curative  du  climat  de  Pau  et  des  eaux  minérales  des  Pyrénées,  traduit  de  l'an- 
glais par  Patrick  O'Quin.  Pau,l8i5. 

Gintbac  (E.),  Obs.  sur  les  principales  eaux  sulfureuses  des  Pyrénées,  1847. 

Ammwf.u,  Essai  sur  les  Eaux-Bonnes,  1847. 

Fontan,  Recherches  sur  les  eaux  thermales  des  Pyrénées,  1855. 

Filhol,  Eaux  minérales  des  Pyrénées,  1855.  —  Analyse  des  eaux  minérales  de  Bonnes,  1861. 

Cazenave  (E.),  Recherches  cliniques  sur  les  Eaux-Bonnes,  1854.  —  Action  thérapeutique  des  Eaux- 
Bonnes  dans  la  phthisie  pulmonaire,  1860. 

Guenead  de  Mussy  (Noël),  Traité  de  l'angine  glanduleuse;  obs.  sur  l'action  des  Eaux-Bonnes  dans 
cette  affection,  1854.  —  Leçons  cliniques  sur  les  causes  et  le  traitement  de  la  tuberculisation 
pulmonaire,  1860. 

Claude  (Bernard),  Élimination  de  l'hydrogène  sulfuré  par  la  surface  pulmonaire  [Arch.  gën.  de 
méd.  1857). 

Duraxd-Fardel,  Le  Bbet,  Lefort,  François,  Dictionnaire  général  des  eaux  minérales.  Paris, 
1860,  t.  I,  p.  57'2;  t.  II,  p.  29,525. 

De  Puisaye,  Traitement  de  la  phthisie  par  les  eaux  minérales  [Annales  de  la  Soc.  d'hydrologie, 
1857-1858,  t.  IV,  p.  115). 

Bbiau  (René),  Sur  quelques  difficultés  de  diagnostic  dans  les  maladies  chroniques  des  voies  respi- 
ratoires [Annales  de  la  Soc.  d'hydrologie,  1858-1859,  t.  Y,  p.  316). 

Dumoulin,  Expérimentation  des  eaux  minérales  sur  l'homme  sain,  t.  X,  p.  458.  —  Traitement  de 
la  phthisie  par  les  eaux  minérales  [Annales  de  la  Soc.  d'hydrologie ,  1861-1862,  t.  VIII, 
p.  46-105. 

Dorand-Fardel,  Expérimentation  des  eaux  minérales  sur  l'homme  sain  [Annales  de  la  Société 
d'hydrologie,  t.  X,  p.  116  1863-1864).  —  Traitement  de  la  phthisie  par  les  eaux  minérales 
[Annales  de  la  Soc.  d'hydrologie,  1861-1862  t.  VIII,  p.  8;  1265-1864,  p.  192-455). 

Pmoux,  Expérimentation  des  eaux  minérales  snr  l'homme  sain,  1861-1862, t.  VIII.  p.  217. — 
Traitement  de  la  phthisie  par  les  eaux  thermales  [Annales  de  la  Soc.  d'hydrologie,  1861- 
1865-1864,  t.  X,  p.  74-260). 

De  Pietba-Santa,  La  pulvérisation  aux  Eaux-Bonnes.  Paris,  1862,  in-12.  —  Les  Eaux-Bonnes. 
Paris,  1862. 

Devalz,  Action  des  Eaux-Bonnes  dans  le  traitement  des  affections  de  la  gorge  et  de  la  poitrine. 
1865. 

Fonssagbives,  Thérapeutique  de  la  phthisie  pulmonaire.  1866.  2e  partie,  chap.  m. 

Hébabd,  Traitement  de  la  phthisie  par  les  eaux  minérales  [Annales  de  la  Soc.  d'hydrologie. 
1865-1864,  t.  X,  p.  131). 

Henni  Gintrac. 

BORAX  ou  BORATE  DE  SOUDE.  —  Chimie  et  pharmacologie. 
—  Le  borate  de  soude  ou  borax  est  un  sel  très-anciennement  connu,  qui 
nous  venait  autrefois  des  Indes,  de  la  Chine,  de  la  Perse  et  du  Pérou.  Il 
était  importé  en  Europe  sous  le  nom  de  borax  brut  ou  de  tinckal,  et  avait 
l'apparence  d'une  masse  grasse,  de  saveur  douceâtre  et  un  peu  alcaline, 
au  milieu  de  laquelle  se  trouvaient  des  cristaux  de  volume  variable, 
figurés  en  prismes  hexaèdres,  terminés  par  des  pyramides  à  trois  faces. 
On  purifiait  ce  tinckal  en  le  faisant  cristalliser,  après  l'avoir  débarrassé, 
par  un  traitement  a  l'eau  de  chaux,  de  la  matière  grasse,  souvent  abon- 
dante, qui  l'accompagnait. 

Aujourd'hui,  la  majeure  partie  du  borax  qui  se  consomme  en  France  est 
obtenue  par  l'union  directe  de  la  soude  artificielle  avec  l'acide  borique 
qui  nous  vient  de  la  Toscane.  L'opération  se  fait  dans  une  grande  cuve  en 
bois,  contenant  une  solution  de  cristaux  de  soude,  dont  on  élève  la  tem- 
pérature à  l'aide  d'un  générateur  de  vapeur.  On  y  projette  l'acide  borique 
brut  qui  déplace  l'acide  carbonique  et  produit  une  vive  effervescence. 
La  saturation  étant  achevée,  et  la  liqueur  marquant  1,17  au  densimètre? 
on  arrête  le  courant  de  vapeur  et  on  laisse  reposer  pendant  douze  heures. 
On  fait  alors  couler  la  liqueur  dans  des  vases  en  bois  doublés  de  plomb, 


BOIîAX.    —    CHIMIE    ET    PHARMACOLOGIE.  595 

où  elle  abandonne  peu  à  peu  des  cristaux  de  borax  que  l'on  fait  égoutter 
en  les  plaçant  en  masse  sur  un  plan  incliné.  Le  sel  ainsi  obtenu  ne  peut 
pas  être  livré  directement  au  commerce,  ce  qui  tient  moins  à  une  pureté 
insuffisante,  qu'à  ce  que  les  cristaux  ne  présentent  pas  le  degré  de  con- 
sistance exigé  par  les  consommateurs.  Il  suffit,  pour  le  leur  donner,  de 
les  soumettre  à  un  procédé  de  raffinage  consistant  surtout  dans  une  cris- 
tallisation très-lente. 

Le  borate  de  soude  préparé  comme  il  vient  d'être  dit,  constitue  le 
borax  ordinaire  ou  prismatique.  Il  cristallise,  en  effet,  en  prismes  hexaè- 
dres qui  retiennent  47  pour  100  d'eau.  Sa  densité  est  1,7;  sa  composition 
est  représenté  par  Na02BoO5+10IÏO. 

On  trouve  dans  le  commerce  une  autre  espèce  de  borax  désignée 
sous  le  nom  de  borax  octaédrique,  qui  ne  renferme  à  l'état  cristal- 
lisé que  51  pour  100  d'eau  :  sa  densité  est  1,8  et  sa  formule  chimique 
NaO2Bo03-f-5H0. 

Cette  différence  de  composition  qui  entraîne  une  différence  correspon- 
dante dans  les  propriétés  physiques  des  deux  sels,  tient  aux  conditions 
de  température  dans  lesquelles  leur  cristallisation  s'est  effectuée;  lorsque 
la  solution  de  borate  de  soude  cristallise  à  une  température  inférieure  à 
56°,  les  cristaux  qu'elle  fournit  sont  du  borax  ordinaire  à  10  équivalents 
d'eau.  Si,  au  contraire,  la  solution  est  assez  concentrée  et  assez  chaude, 
pour  abandonner  son  sel  à  une  température  supérieure  à  -h  56°,  on  ob- 
tient du  borax  octaédrique  à  5  équivalents  d'eau. 

De  la  différence  d'hydratation  des  deux  sels,  résulte  une  distinction 
importante  dans  la  manière  dont  ils  se  comportent  à  l'air.  Le  borax  octaé- 
drique reste  transparent  dans  l'air  sec,  et  devient  opaque  dans  l'air  hu- 
mide; le  borax  prismatique  conserve  au  contraire  sa  transparence  dans 
l'air  humide,  et  devient  opaque  dans  l'air  sec.  C'est  qu'en  effet  la  première 
variété,  placée  dans  un  air  humide,  absorbe  de  l'eau,  s'hydrate  et  devient 
prismatique;  tandis  que  la  seconde,  placée  dans  l'air  sec,  perd  une  partie 
de  son  eau,  se  déshydrate  et  devient  octaédrique. 

Le  borax  ordinaire  se  dissout  dans  deux  parties  d'eau  bouillante,  et 
dans  douze  parties  d'eau  froide.  Bien  qu'il  soit  acide  d'après  sa  consti- 
tution chimique,  puisqu'il  admet  deux  équivalents  d'acide  borique  pour 
un  seul  équivalent  de  soude,  il  exerce  sur  les  couleurs  végétales  une 
action  manifestement  alcaline  :  sa  solution  verdit  le  sirop  de  violettes,  et 
ramène  au  bleu  le  tournesol  rougi. 

Il  est  insoluble  dans  l'alcool. 

Soumis  à  l'action  de  la  chaleur,  il  fond  et  se  boursoufle  en  perdant 
son  eau  de  cristallisation.  Si  on  le  chauffe  plus  fortement,  il  éprouve  la 
fusion  ignée,  et  forme  un  liquide  visqueux  qui  prend  l'apparence  du 
verre  par  refroidissement.  Ce  verre  de  borax  se  maintient  transparent 
à  l'abri  de  l'air;  mais  il  devient  opaque  au  contact  de  l'humidité. 

Le  borax  fondu  a  la  propriété  de  dissoudre  les  oxydes  métalliques  et  de 
donner  avec  beaucoup  d'entre  eux  des  teintes  caractéristiques.  Ainsi,  il 
donne  un  verre  violet  avec  le  manganèse,  bleu  intense  avec  le  cobalt, 


594  BORAX.  —  caractère  distinctif. 

vert  bouteille  avec  le  fer,  vert  émeraude  avec  le  chrome,  et  vert  clair 
avec  le  cuivre.  Le  borax  est  également  précieux  pour  opérer  la  soudure  des 
métaux  oxvdables  :  il  forme  une  sorte  de  vernis  autour  de  leur  surface, 
et  offre  alors  le  double  avantage  de  les  préserver  du  contact  de  l'air,  et  de 
dissoudre  les  traces  d'oxyde  qui  s'opposeraient  à  leur  réunion. 

Caractère  distïnctif.  —  Le  borate  de  soude,  eu  dissolution  con- 
centrée, est  décomposé  par  les  acides  sulfurique  ou  chlorhydrique  :  il 
se  dépose  des  écailles  cristallines  d'un  aspect  brillant  et  nacré,  qui  ne 
sont  autre  chose  que  de  l'acide  borique,  reconnaissable  à  la  propriété 
qu'il  communique  à  l'alcool  de  brûler  avec  une  flamme  verte. 

Quoique  le  borax  soit  généralement  pur  dans  le  commerce,  il  importe 
de  pouvoir  apprécier  certaines  fraudes  qui  ont  été  pratiquées  à  diverses 
reprises,  et  qui  consistent  à  mêler  au  borate  prismatique  ordinaire,  soit 
du  sulfate  de  soude,  soit  de  l'alun,  soit  du  chlorure  de  sodium.  Le  mé- 
lange du  sulfate  de  soude  se  reconnaît  à  la  propriété  que  possède  la  solu- 
tion du  sel  de  donner,  avec  le  chlorure  de  barium,  un  précipité  blanc 
insoluble  dans  lacide  nitrique.  La  présence  de  l'alun  se  trouve  décelée 
par  le  môme  caractère  auquel  vient  s'ajouter  celui  de  donner  avec  l'am- 
moniaque un  précipité  blanc  gélatineux,  insoluble  dans  un  excès  de 
réactif.  Quant  au  mélange  avec  le  chlorure  de  sodium,  il  se  reconnaît  à 
la  saveur  salée  que  possède  le  sel,  et  surtout  à  la  propriété  que  présente 
sa  dissolution  de  fournir  par  le  nitrate  d'argent  un  précipité  blanc,  cail- 
leboté,  insoluble  dans  l'acide  nitrique,  soluble  dans  l'ammoniaque. 

A  ces  caractères  qui  ne  sauraient  suffire  à  la  constatation  exacte  de  la 
pureté  du  borax,  il  importe  de  pouvoir  ajouter  l'indication  de  la  richesse 
alcaline.  C'est  à  quoi  l'on  parvient  à  l'aide  d'un  essai  alcalimétrique  très- 
simple,  fondé  sur  ce  principe  que  l'acide  borique,  quelle  que  soit  sa  quantité, 
ne  produit  sur  la  teinture  bleue  de  tournesol  que  le  rouge  vineux,  tandis 
que  la  plus  petite  quantité  d'acide  sulfurique  fait  passer  la  teinture  au 
rouge  pelure  d'oignons.  On  fait  dissoudre  à  chaud  15  grammes  de  borax 
dans  50  centigrammes  d'eau  distillée;  on  colore  la  dissolution  en  bleu 
clair  par  quelques  gouttes  de  teinture  de  tournesol,  et  l'on  y  verse  peu  à 
peu  de  l'acide  sulfurique  normal.  (100gIS03HO  par  litre),  jusqu'à  ce  que  le 
rouge  vineux,  qui  se  manifeste  dès  le  début  de  l'opération,  et  qui  se 
maintient,  tant  qu'il  reste  du  borate  indécomposé,  disparaisse  tout  à  coup 
pour  faire  place  au  rouge  pelure  d'oignons.  Ce  changement  de  teinte  est 
le  signe  de  la  décomposition  complète  du  borate,  et  la  richesse  du  sel 
mis  en  expérience  s'évalue  d'après  la  quantité  d'acide  sulfurique  dépensé  : 
1  gramme  d'acide  sulfurique  mono-hydraté  correspond  à  5g89  de  borax 
prismatique,  ou  à  2897  de  borax  octaédrique. 

Thérapeutique  —  Le  borate  de  soude  est  depuis  longtemps  usité  en 
médecine.  Son  emploi  le  plus  habituel  est  à  l'extérieur  comme  succédané 
du  carbonate  de  soude  qu'il  remplace  quelquefois  avec  avantage  en  raison 
de  son  alcalinité  moindre. 

On  l'a  préconisé  successivement  contre  diverses  éruptions  cutanées 
chroniques,  contre  les  taches  de  la  peau,  les  taches  hépatiques,  les  rou- 


BORAX.  —  thérapeutique.  595 

geurs  du  nez,  les  engelures,  les  dartres  furfuracées.  R.  Vanoye  l'a  re- 
commandé d'une  manière  toute  spéciale  dans  les  cas  d'efflorescences  du 
visage.  Il  conseille  d'employer  le  sel  en  lotions,  d'après  la  formule  sui- 
vante : 

Borax 2  grammes. 

Eau  de  roses 15 

Eau  de  fleurs  d'oranger 15 

On  lave  les  taches  plusieurs  fois  par  jour  avec  ce  liquide. 

C'est  surtout  sous  forme  de  collutoire  que  le  borax  a  été  employé  pour 
combattre  les  aphthes  de  la  muqueuse  buccale  et  le  muguet.  On  le  mêle 
alors  au  miel  ou  à  la  glycérine  par  parties  égales  ou  dans  la  proportion 
d'un  quart,  d'un  huitième  ou  d'un  douzième.  Dans  ces  derniers  temps, 
E.  Bouchut  a  appelé  l'attention  des  médecins  sur  les  avantages  que  peut 
offrir  le  borax  employé  en  lavement  pour  combattre  les  ulcérations  qui 
se  produisent  au  pourtour  de  l'anus  dans  les  catarrhes  intestinaux,  chez 
les  enfants.  La  formule  qu'il  recommande  consiste  à  faire  dissoudre  dans 
150  grammes  de  décoction  légère  d'orge,  une  quantité  de  borate  de  soude 
variant  depuis  4  jusqu'à  6  et  même  7  grammes. 

Dans  les  cas  de  catarrhe  laryngé,  on  a  souvent  employé  le  borax  sous 
forme  de  gargarisme  avec  l'infusion  de  ronces  et  le  miel  rosat  (8  grammes 
de  borax  pour  250  grammes  d'infusion  de  ronces  et  52  grammes  de 
miel  rosat).  Mais  beaucoup  de  praticiens  préfèrent  aujourd'hui,  surtout 
pour  les  enfants,  l'emploi  d'un  sirop  borate  ainsi  composé  : 

Borax 15  grammes. 

Sirop  de  sucre 500 

On  donne  ce  sirop  par  cuillerée  à  café,  huit  ou  dix  fois  par  jour,  et  on 
a  la  précaution  de  le  laisser  séjourner  quelques  instants  dans  la  bouche, 
pour  prolonger  le  contact  du  sel  avec  la  muqueuse  affectée. 

Pitschaft  de  Bade  a  recommandé  le  borate  de  soude  contre  le  prurit  de 
la  vulve  avec  état  congestif  du  système  sexuel.  Le  remède  consiste  dans 
une  solution  de  4  à  8  grammes  de  borax  dissous  dans  un  litre  d'eau  ;  on 
en  fait  des  applications  extérieures  et  des  injections  plusieurs  fois  par 
jour,  en  affaiblissant  le  liquide,  s'il  produit  une  trop  forte  excitation. 

A  l'intérieur,  le  borate  de  soude  a  été  employé  comme  fondant  et  em- 
ménagogue.  On  lui  attribue  la  propriété  de  faciliter  l'accouchement  comme 
le  fait  le  seigle  ergoté.  Spengler  d'Ems,  qui  a  comparé  les  deux  médica- 
ments à  ce  point  de  vue,  a  reconnu  que  le  borax  doit  être  préféré  chez 
les  femmes  à  sensibilité  vive,  présentant  des  crampes,  de  fortes  douleurs 
utérines  et  des  symptômes  gastriques.  Poitevin  a  fait  voir  combien  était 
puissante  l'action  hémostatique  du  borax  dans  les  cas  de  métrorrhagie 
qui  se  manifestent  à  la  suite  des  couches.  Il  cite  deux  de  ces  cas,  où  l'écoule- 
ment sanguin,  après  avoir  résisté  aux  moyens  ordinaires,  seigle  ergoté,  ra- 
tanhia,  perchlorure  de  fer,  tannin,  eau  acidulée,  etc.,  a  cédé  à  l'action  d'une 
simple  solution  de  15  grammes  de  borax  dans  125  grammes  d'eau  dis- 


596  BoRBORYGMES. 

tillée.  On  avait  donné  à  chacune  des  deux  malades,  une  cuillerée  de  celle 
solution  toutes  les  dix  minutes. 

Enfin,  on  s'est  servi  du  borax  pour  remplacer  le  bicarbonate  de  soude 
dans  le  traitement  de  la  gravelle.  On  a  observé,  en  effet,  que,  comme  ce  der- 
nier sel,  il  dissout  l'acide  urique  qui  forme  la  base  ordinaire  des  calculs  ; 
mais  comme  son  action,  en  pareil  cas,  est  beaucoup  moins  énergique, 
comme  d'ailleurs,  elle  n'offre  aucun  avantage  particulier,  on  donne  gé- 
néralement la  préférence  au  bicarbonate  de  soude  pour  combattre  ces 
sortes  d'affections. 

Pitschaft,  de  Bade.  De  l'emploi  du  borate  de  soude  dans  le  traitement  du  prurit  de  la  vulve 
[Bulletin  de  thérapeutique,  1844,  t.  XXVI,  p.  75). 

R.  Vanoye,  Bons  effets  des  lotions  avec  le  borax  dans  les  efflorescences  du  visage  [Annales  de  la 
Société  de  Rouler  s,  septembre  1850  et  Bulletin  de  thérapeuthique,  1850,  t.  XXXIX,  p.  576). 

Indications  spéciales  de  l'emploi  du  seigle  ergoté  et  du  borate  de  soude  dans  les  accouchements 
(Bulletin  de  thérapeutique  1856,  t.  L.  p.  425). 

Poitevin-,  Deux  cas  de  métrorrhagie  rapidement  guéris  par  l'emploi  du  borate  de  soude  à  haute 
dose  (Bévue  de  thérapeutique  médico-chirurgicale,  octobre  1856  et  Bulletin  de  thérapeu- 
tique, 1856,  t.  L,  p.  472). 

Bouchut,  Lavements  au  borax  (Bulletin  de  thérapeutique,  1857 ,  t.  LU,  p.  210). 

ûpengler  (d'Ems),  Indication  de  l'emploi  du  seigle  ergoté  et  du  borax  dans  les  accouchements 
Schmidt's  Jahrbûcher  et  Bulletin  de  thérapeutique,  1858,  t.  LUI,  p.  42). 

Réveil,  Formulaire  des  médicaments  nouveaux;  2e  édition.  Paris,  1865. 

II.   BlIGXET. 


BORBORYGMES.  —  (Borborygmus,  0op6opu-flioç,  murmure,  de 
[3cpS:p6Ç(i),  je  fais  du  bruit.)  Sous  ce  nom,  on  désigne  un  bruit  sourd  qui  se 
fait  entendre  dans  l'abdomen  par  suite  du  déplacement  des  gaz  contenus 
dans  le  canal  intestinal,  au  milieu  des  matières  liquides.  Vulgairement  on 
le  nomme  gargouillement.  Mais  nous  verrons  à  l'article  diagnostic  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  ces  deux  phénomènes. 

Dans  l'intestin,  depuis  le  pylore  jusqu'à  l'anus,  on  rencontre  normale- 
ment des  gaz,  ainsi  que  l'expérience  de  Magendie  et  de  Gérardin  l'a  dé- 
montré. Ces  gaz  dont  le  développement  est  lié  aux  phénomènes  chimiques 
de  la  digestion,  sont  constitués  par  de  l'hydrogène  carboné,  de  l'azote  et 
le  gaz  acide  carbonique  ;  dans  la  dernière  portion  du  gros  intestin  on 
rencontre  de  l'hydrogène  sulfuré.  Ils  ne  produisent  pas  ordinairement  des 
bruits,  ou  du  moins  s'ils  en  produisent  ceux-ci  ne  sont  nullement  perçus 
par  l'individu  lui-même  ou  par  des  personnes  étrangères.  L'exagération 
de  ces  bruits  normaux  de  I  intestin  constitue  le  phénomène  quenousétu- 
dions  ici.  Sa  production  n'est  pas  ordinairement  douloureuse  ;  elle  con- 
stitue seulement  une  gêne  plus  ou  moins  grande,  un  ennui  pour  l'individu 
chez  lequel  ce  bruit  se  produit.  Dans  certains  cas,  pourtant,  les  borbo- 
rygmes  s'accompagnent  non  de  véritables  douleurs,  de  véritables  co- 
liques mais  bien  d'un  sentiment  de  formication  produit  par  les  con- 
tractions de  l'intestin  malade.  L'intensité  du  bruit  est  très-variable  ; 
généralement  c'est  un  bruit  sourd  ;  mais  parfois  il  est  assez  éclatant 
pour  qu'il  soit  perçu  à  une  assez  grande  distance.  Sa  durée,  de  même, 
présente  une  grande  variété  :  jamais  continu,  il  se  montre  toujours  à 


BORBORYGMES.  —  sémiologie,  diagnostic  et  pronostic.  597 

des  intervales  plus  ou  moins  éloignés.  Il  n'existe  que  pendant  quelques 
minutes,  ou  bien  il  dure  de  une  à  plusieurs  heures.  Généralement  sa  durée 
est  en  rapport  avec  la  cause  qui  le  produit,  c'est  ainsi  que  commençant 
avec  la  digestion  intestinale,  il  ne  finit  qu'avec  elle. 

Sémiologie.  —  Les  causes  qui  donnent  lieu  aux  borborygmes  sont 
très-variées.  On  comprend  eu  effet,  que  le  moindre  trouble,  que  la  plus 
légère  perturbation  dans  les  actes  physiologiques  suffisent  pour  leur  donner 
naissance.  Aussi  ce  phénomène  se  rencontre-t-il  aussi  bien  dans  l'état  de 
santé  le  plus  florissant  que  dans  l'état  de  maladie  le  plus  grave.  C'est  ainsi 
que  les  borborygmes  sont  très-communs  chez  les  personnes  en  bonne 
santé,  dans  ce  cas,  ils  se  produisent  surtout  à  jeun.  Chez  la  femme,  ils 
sont  très-fréquents;  une  émotion  subite,  la  joie  ou  la  peur,  une  contrariété 
quelconque  leur  donne  naissance;  aussi,  vu  leur  fréquence,  on  a  fait  jouer 
un  très-grand  rôle  à  la  compression  habituelle  de  l'abdomen  par  le  corset. 
Celui-ci  agirait  en  gênant  la  circulation  des  fluides  aériformes  que  les  in- 
testins contiennent  normalement.  On  observe  de  même  les  borborygmeschez 
les  sujets  qui  par  leur  genre  de  vie,  par  leur  existence  sédentaire,  comme 
les  hommes  de  lettres  ou  de  bureau,  restent  constamment  assis,  le  corps 
penché  en  avant  de  telle  sorte  que  l'abdomen  se  trouve  comprimé.  L'alimen- 
tation joue  un  très-grand  rôle  dans  la  production  de  ce  bruit  anormal.  Le 
laitage,  les  fruits  crus  ou  en  trop  grande  abondance  ;  certains  aliments  :  les 
farineux,  le;,  crucifères,  les  huîtres,  les  moules  le  déterminent  fréquemment. 
La  grossesse,  l'accouchement  y  donnent  souvent  lieu.  La  constipation  de 
même.  Cependant  si  ce  phénomène  est  commun  dans  l'état  de   santé,   il 
n'en  révèle  pas  moins  aussi  un  état  maladif.  Presque  toujours  les  borbo- 
rygmes accompagnent  les  digestions   pénibles  et   prolongées  ;  aussi  les 
rencontre-t-on  chez  les  individus  atteints  soit  d'une  dyspepsie  stomacale, 
soit  d'une  dyspepsie  intestinale,  principalement  dans  cette  variété  de  dys- 
pepsie, désignée  du  nom  de  jlatulente.  Les  hystériques,  les  hypocondria- 
ques, les  maniaques,  les  lypémaniaques  présentent  ce  phénomène  à  un 
très-haut  degré,  et  chez  ces  derniers,  les  borborygmes  deviennent  souvent 
le  point  de  départ  d'hallucinations  qui  font  croire  aux  malades  qu'ils  sont 
atteints  d'affections  graves  ou  qu'ils  ont  dans  l'abdomen  des  corps  étran- 
gers, des  êtres  vivants,  des  couleuvres,  des  serpents,  des  ennemis  inté- 
rieurs. Les  borborygmes  se  montrent  aussi  dans  les  affections  intestinales, 
entérite,  colite,  lorsque  ces  inflammations  sont  accompagnées  de  diar- 
rhée; c'est  un  phénomène  ordinaire  de  la  dysenterie.  On  les  rencontre  dans 
ces  flux  intestinaux  désignés  sous  le  nom  d' enter or r liée,  et  dans  lesquels 
on  voit  les  selles  diarrhéiques  se  succéder  avec  promptitude,  et  donner 
lieu  à  l'expulsion  d'une  grande  quantité  de  matières  intestinales.  (Mon- 
neret.)  De  même  ils  succèdent  souvent  à  l'administration  des  purgatifs. 
Les  borborygmes  s'observent,   enfin,  dans  les  obstacles  au  cours  des 
matières  fécales,  dans  les  hernies  étranglées,  l'étrang'ement  interne,  dans 
le  cancer  intestinal. 

Diagnostic  et  pronostic,  —  Les  borborygmes  sont  des  phénomè- 
nes trop  communs,  trop  peu  variés  dans  leurs  caractères  pour  avoir  une 


598  BORBORYGMES.  —  bibliographie. 

valeur  diagnostique  propre.  Ils  n'indiquent  qu'une  production  trop  abon- 
dante de  gaz  et  de  liquides,  et  qu'une  circulation  difficile  de  ces  matières 
dans  le  tube  digestif.  Ils  ne  peuvent  fournir  aucuns  renseignements  sur 
la  nature  de  l'affection  qui  leur  donne  naissance.  Toutefois  nous  ne  devons 
pas  oublier  qu'assez  souvent  ils  précèdent  la  diarrhée,  qu'ils  annoncent 
ordinairement  des  évacuations  qui  se  préparent.  C'est  ainsi  que  dans 
l'épidémie  de  cboléra  de  1832,  les  malades,  dit  Blache,  éprouvaient,  au 
moment  de  l'invasion,  des  borborygmes  nombreux  qui  précédaient  les 
selles  abondantes. 

Les  borborygmes  ne  doivent  pas  être  confondus  avec  les  autres  bruits 
qui  se  produisent  dans  l'intestin,  et  principalement  avec  le  gargouille- 
ment. Cette  confusion  a  été  faite  par  plusieurs  auteurs,  et  pourtant  ces 
deux  bruits  diffèrent  entre  eux  par  leur  intensité  et  par  leur  mécanisme. 
Le  gargouillement,  il  est  vrai,  a  quelque  analogie  avec  les  borborygmes 
quant  à  sa  production,  mais  il  en  diffère  ordinairement  en  ce  qu'il  est 
plus  humide,  moins  intense,  plus  circonscrit,  et  surtout  en  ce  qu'il  ne 
se  produit  que  par  le  taxis.  En  dehors  de  cette  action  mécanique  on  ne 
l'entend  pas.  Les  borborygmes,  au  contraire,  se  produisent  librement, 
spontanément. 

Comme  pronostic,  les  borborygmes  n'offrent  pas  non  plus  une  grande 
valeur,  Toutefois,  d'après  Landré-Beauvais,  on  doit  regarder  comme  un 
signe  fâcheux  dans  les  phlegmasies  abdominales,  la  production  de  borbo- 
rygmes répétés  sans  déjection  d'aucun  genre. 

A  propos  du  diagnostic,  nous  avons  dit  qu'ils  pouvaient  annoncer  une 
obstruction  intestinale.  De  même  ils  sont  l'indice  que  l'obstacle  au 
cours  des  matières  est  levé  et  sous  ce  rapport  les  borborygmes  doivent  être 
envisagés  comme  un  signe  favorable. 

Traitement,  —  En  dehors  de  l'état  de  santé,  les  borborygmes  n'étant 
qu'un  épiphénomène,  il  est  inutile  de  dire  que  c'est  contre  la  maladie  à 
laquelle  ils  appartiennent  qu'il  convient  d'agir  pour  les  faire  cesser. 

Quand  ils  se  produisent  à  jeun,  il  suffit  souvent  d'un  peu  de  liquide  ou 
d'un  peu  d'aliment  solide  pour  les  laire  disparaître.  S'ils  produisaient  enfin 
une  trop  grande  gène,  il  faudrait  avoir  recours  à  la  poudre  de  charbon  de 
bois  à  la  dose  de  2  à  50  grammes  dans  du  pain  à  chanter  ou  en 
électuaire. 

Baciielet,  Recherches  sur  la  dispepsie  iléo-cœcale.  Union  médicale.  1864.  1er  octobre  et  sui- 
vants. 
Blache,  Dict.  de  mêd.  en  30  vol.  2e  édit.  t.  V,  p.  489. 
Bouchut,  Pathologie  générale  et  Séméiologie.  1857,  p.  1007. 
Chomel,  Pathologie  générale,  4e  édit.  p.  193. 
Double,  Séméiologie  générale.  1817,  t.  III,  p.  159. 
Landré-Beauvais,  Séméiotique.  1818,  p.  1(30. 
Monnebet  et  Fleury,  Compendium  de  médecine,  t.  I,  p.  G25. 
Piorry,  Traité  de  diagnostic.  1840,  t.  II,  p.  159. 
Racle,  Traité  de  diagnostic  médical.  3e  édit.,  p.  555. 

L.  Martine  au. 
BOTRIOCÉPHAIiE.   Voy.  Entozoaires. 


BOUCHE.    CONSIDÉRATIONS    ANATOMIQUES.  599 

liorC'HE.  —  La  bouche  est  l'entrée,  la  première  cavité  des  voies 
digestives.  Dans  le  langage  ordinaire,  le  nom  de  bouche  ne  désigne  que 
l'orifice  limité  par  les  lèvres  ;  mais  dans  le  langage  anatomique  et  médi- 
cal, on  entend,  par  cette  expression,  la  cavité  buccale  tout  entière. 

CONSIDÉRATIONS    ANATO.MIQUES. 

Située  à  la  partie  inférieure  delà  face,  la  bouche  représente  une  cavité 
assez  étendue,  limitée  en  haut  par  la  voûte  palatine  et  le  voile  du  palais 
qui  la  séparent  des  fosses  nasales,  en  bas  par  la  langue  et  une  paroi  mus- 
culo-membraneuse  qui  forme  le  plancher  de  la  bouche,  sur  les  parties 
latérales  par  les  joues  ;  en  avant  par  les  lèvres,  en  arrière  par  l'isthme 
du  gosier.  Elle  offre  deux  ouvertures,  l'une  antérieure  bornée  par  les 
lèvres,  l'autre  postérieure  qui  la  fait  communiquer  avec  le  pharynx  et  les 
voies  alimentaires. 

Outre  les  parois  que  nous  venons  d'énumérer,  la  bouche  est  fermée  en 
avant  et  sur  les  côtés  par  un  plan  osseux  situé  en  arrière  des  lèvres  et 
des  joues,  et  constitué  par  les  arcades  alvéolaires  et  dentaires;  ce  plan 
partage,  si  l'on  veut,  la  cavité  buccale  en  deux  parties  très-inégales, 
l'une  antérieure  représentant  une  sorte  de  rigole  qui  a  reçu  le  nom  de 
vestibule  de  la  bouche;  l'autre  formant  la  cavité  buccale  proprement  dite. 
La  forme  de  la  bouche  est  celle  d'une  cavité  ovalaire  dont  le  grand  axe 
est  antéro-postérieur. 

Ses  dimensions  sont  très-variables,  suivant  les  positions  diverses  que 
peut  affecter  la  mâchoire  inférieure.  Dans  l'état  d'occlusion  de  la  bou- 
che, la  cavité  buccale  n'existe  pour  ainsi  dire  pas,  ou  plutôt  elle  est 
remplie  en  totalité  par  la  langue;  quand,  au  contraire,  les  mâchoires 
sont  écartées  rime  de  l'autre,  la  cavité  s'agrandit  de  plus  en  plus 
par  l'augmentation  du  diamètre  vertical.  Pendant  ce  mouvement,  le 
diamètre  antéro-postérieur  ne  varie  presque  point,  et  le  diamètre  trans- 
versal tend  plutôt  à  diminuer  par  le  rapprochement  des  joues.  Bien  que 
les  dimensions  de  la  bouche  varient  beaucoup  d'un  individu  à  l'autre,  on 
peut  cependant  les  établir  d'une  manière  approximative;  voici  les  me- 
sures qui  ont  été  indiquées  par  Sappey  :  le  diamètre  antéro-postérieur  est, 
en  général,  le  plus' long;  il  atteint  de  8  à  9  centimètres  chez  l'homme 
adulte,  tandis  que  le  transversal  arrive  à  peine  à  8,  et  le  vertical  à  7  ou 
7  1/2.  L'étendue  de  ces  diamètres  varie  d'ailleurs  dans  les  différentes 
races  et  chez  les  différents  sujets,  suivant  que  les  mâchoires  sont  plus  ou 
moins  saillantes,  plus  ou  moins  larges,  suivant  la  forme  de  la  voûte  pa- 
latine, etc.  Chez  les  animaux,  le  diamètre  antéro-postérieur  prédomine 
beaucoup  sur  les  deux  autres  diamètres,  ce  qui  paraît  tenir  à  ce  que, 
pour  eux,  la  bouche  est  un  organe  de  préhension. 

L'étude  des  parois  qui  limitent  la  cavité  buccale  ressortit  à  Panatomie 
descriptive,  et  nous  ne  saurions  entrer  ici  dans  le  détail  des  diverses  par- 
ties qui  les  constituent;  nous  nous  contenterons  de  relever  quelques- 
unes  des  particularités  qui  peuvent  intéresser  plus  spécialement  le  mé- 
decin. 


400  BOUCHE.    —    CONSIDÉRATIONS   ANATOMIQDES. 

Les  lèvres  sont  deux  replis  musculo-membraneux  qui  forment  la  paroi 
antérieure  de  la  bouche  et  circonscrivent  l'ouverture  buccale.  Elles  sont 
à  peu  près  verticalement  dirigées,  au  moins  dans  la  race  blanche,  et  re- 
présentent la  direction  des  arcades  alvéolo-dentaires  ;  chez  quelques  in- 
dividus, elles  sont  proéminentes  en  avant.  Leur  hauteur  est  égale  à  celle 
de  ces  mêmes  arcades  ;  cependant,  chez  l'enfant  et  le  vieillard,  elles  sont 
proportionnellement  plus  hautes  à  cause  de  l'absence  des  dents.  Elles 
ont  une  épaisseur  très-variable,  suivant  les  sujets;  une  lèvre  supérieure 
épaisse  et  proéminente  indique  souvent  la  disposition  scrofuleuse. 

La  face  cutanée  des  lèvres  est  séparée  des  parties  avoisinantes  par  des 
sillons  qui  portent  les  noms  de  sillon  naso-labial  pour  la  lèvre  supérieure 
et  de  sillon  mento-labial  pour  l'inférieure.  Le  premier  a  une  certaine  im- 
portance en  sémiotique,  parce  qu'il  devient  très-prononcé  dans  les  mala- 
dies de  l'abdomen,  d'où  le  nom  de  sillon  abdominal.  La  surface  de  la 
peau  située  au-dessous  de  ce  sillon  mérite  aussi  toute  l'attention  du  cli- 
nicien; sa  coloration,  rosée  dans  l'état  normal,  devient  terne  et  grisâtre 
dans  l'anémie,  et  elle  reproduit  les  altérations  de  couleur  de  la  muqueuse 
buccale,  dans  l'ictère  par  exemple  ;  il  semble  que  cette  partie  de  la  face 
appartienne  en  réalité  à  la  bouche  et  s'associe  à  quelques-uns  des  phéno- 
mènes morbides  qui  se  passent  dans  cette  cavité. 

La  face  postérieure  ou  muqueuse  des  lèvres  est  surmontée  de  petites 
saillies  dues  à  la  présence  de  glandules  sous-jacentes;  il  se  forme  quel- 
quefois, par  l'oblitération  de  l'orifice  de  ces  glandules,  de  petits  kystes 
salivaires.  Sur  la  ligne  médiane,  les  lèvres  sont  réunies  aux  arcades 
alvéolo-dentaires  par  un  repli  muqueux  qui  forme  le  frein  des  lèvres. 

Le  bord  libre  des  lèvres  est  recouvert  par  la  muqueuse,  qui  se  con- 
tinue en  avant  avec  la  peau  ;  ces  deux  membranes  tégumentaires  se 
distinguent  en  ce  qu'elles  sont  séparées  par  une  ligne  régulière  et  net- 
tement accusée.  Les  maladies  respectent  en  général  cette  séparation;  ce- 
pendant, il  n'est  pas  rare  de  voir  certaines  éruptions,  par  exemple,  se 
développer  dans  le  point  de  jonction  des  deux  membranes,  et  offrir  sen- 
siblement les  mêmes  caractères  sur  la  peau  et  sur  la  muqueuse,  ce  qui 
indique  que  celles-ci  ont  à  peu  près  la  même  texture.  Le  bord  de  chacune 
des  lèvres  se  réunit  a  ses  extrémités  avec  la  lèvre  opposée  en  formant  deux 
commissures;  ainsi  se  trouve  constituée  l'ouverture  buccale.  Cette  ou- 
verture représente,  tantôt  une  fente  transversale  dans  Tétat  d'occlusion, 
tantôt  un  orifice  ovale  ou  circulaire,  dont  les  mouvements  des  lèvres  font 
singulièrement  varier  et  la  forme  et  les  dimensions.  La  dilatation  et  la 
mobilité  dont  cet  orifice  est  susceptible  rendent  facile  l'examen  de  la 
bouche  et  permettent  d'en  explorer  complètement  toutes  les  parties. 

Entre  la  peau  et  la  muqueuse  qui  recouvrent  leurs  deux  faces,  les  lè- 
vres sont  surtout  constituées  par  des  muscles  et  des  glandes.  Un  très- 
grand  nombre  de  muscles,  partis  des  régions  voisines,  viennent  s'insérer 
sur  les  lèvres;  c'est  leur  entre-croisement  qui  paraît  former  ce  que  quel- 
ques auteurs  ont  décrit  sous  le  nom  d'orbiculaire  des  lèvres.  Les  glandes 
sont  sous-jacentes  cà  la  muqueuse  et  forment  comme  une  couronne  à  l'ori- 


BOUCHE.    CONSIDÉRATIONS    ANATOM1QUES.  401 

fice  buccal.  Une  petite  quantité  de  tissu  cellulaire  réunit  entre  eux  ces 
différents  éléments. 

Les  joues  forment  les  parois  latérales  de  la  bouche.  Leurs  limites,  pu- 
rement artificielles  en  dehors,  où  elles  se  continuent  sans  ligne  de  démar- 
cation avec  les  parties  voisines,  sont  marquées  à  la  partie  interne  par  la 
réflexion  de  la  muqueuse  sur  les  arcades  alvéolaires.  En  ce  point,  la  mu- 
queuse forme  une  rigole  dans  laquelle  séjourneraient  les  débris  alimen- 
taires triturés  par  les  dents,  s'ils  n'étaient  constamment  repoussés  par 
les  mouvements  des  joues;  quand  ces  mouvements  sont  devenus  impos- 
sibles dans  l'hémiplégie  faciale,  il  faut  que  les  parcelles  d'aliments  qui 
tombent  entre  les  arcades  et  les  joues  soient  ramenés  dans  la  cavité  buc- 
cale par  l'action  des  doigts. 

La  peau  qui  recouvre  les  joues  est  remarquable  par  sa  finesse  et  sa 
vascularité  ;  aussi,  dans  l'état  de  santé,  elle  présente  en  son  milieu 
une  teinte  rosée  qui  est  surtout  prononcée  chez  les  enfants  et  chez  les 
femmes.  Les  émotions  morales  s'y  peignent  d'une  façon  saisissante  par 
la  rougeur  ou  la  pâleur  subite  de  leur  surface.  Certaines  maladies  mo- 
difient aussi  puissamment  la  coloration  des  joues;  ainsi  les  buveurs 
et  les  individus  atteints  de  certaines  maladies  du  cœur  ont  souvent 
sur  les  joues  une  teinte  violacée  formée  par  les  capillaires  injectés  et 
dilatés. 

Au-dessous  de  la  peau,  les  joues  sont  constituées  par  une  couche  cellulo- 
adipeuse,  une  couche  musculeuse,  une  couche  aponévrotique,  des  vais- 
seaux et  des  nerfs;  enfin,  elles  sont  tapissées  en  dedans  par  une  membrane 
muqueuse.  Celle-ci  serait  doublée,  d'après  la  plupart  des  anatomistes, 
d'un  certain  nombre  de  glandules  salivaires  ;  mais  Sappey  a  nié  leur 
existence.  On  trouve  en  outre,  dans  l'épaisseur  des  joues,  deux  pe- 
tites glandes  en  grappe,  ou  même  un  plus  grand  nombre  (Sappey),  dont 
le  conduit  excréteur  s'ouvre  au  niveau  de  la  dernière  dent  molaire.  Les 
joues  sont  aussi  traversées  par  le  conduit  excréteur  de  la  glande  parotide, 
le  canal  de  Slénon,  qui  s'ouvre  sur  la  muqueuse  au  niveau  de  la  deuxième 
molaire. 

La  paroi  supérieure  de  la  bouche  est  formée  par  le  palais,  qui  sépare 
la  cavité  buccale  de  la  cavité  des  fosses  nasales.  La  voûte  palatine  est  pro- 
longée en  arrière  par  le  voile  du  palais,  cloison  membraneuse  qui  ferme 
incomplètement  la  bouche  en  arrière  et  la  sépare  de  l'arrière-cavité  des 
fosses  nasales  et  du  pharynx.  Le  palais  représente  une  sorte  de  voûte  et 
est  courbé  à  la  fois  dans  le  sens  antéro-postérieur  et  dans  le  sens  trans- 
versal. Il  est  limité  en  avant  et  sur  les  côtés  par  les  arcades  alvéolaires, 
en  arrière  par  le  voile  du  palais. 

A  la  surface  du  palais,  on  remarque  une  saillie  médiane  antéro-posté- 
rieure  qui  répond  à  l'union  des  deux  os  maxillaires.  Cette  saillie  est  très- 
prononcée  chez  quelques  individus,  même  en  dehors  de  tout  état  mor- 
bide; cependant,  Chassaignac  l'a  considérée  comme  un  symptôme  de  la 
syphilis,  et  l'a  désignée  sous  le  nom  d'exostose  médio-palatine.  De  chaque 
côté  de  cette  saillie,  la  surface  est  rugueuse  et  présente  une  multitude  de 

noov.  nier.  Miîn.  i:t  ami.  V.   —  2G 


A02  BOUCHE.    CONSIDÉRATIOINS    ANATOMIQUES. 

petites  crêtes  transversales  assez  développées  chez  certains  sujets.  On  y 
trouve  un  grand  nombre  de  papilles. 

La  charpente  du  palais  est  constituée  par  la  portion  horizontale  des  o^ 
maxillaires  et  des  os  palatins  ;  celle-ci  est  recouverte  par  un  périoste  tel- 
lement adhérent  à  la  muqueuse,  qu'on  a  fait  de  ces  deux  membranes  une 
seule  couche  fibro-muqueuse.  La  muqueuse  est  doublée,  principalement 
sur  les  côtés  de  la  voûte  palatine,  par  une  couche  de  glandules  salivaircs. 
Le  rebord  alvéolaire  des  mâchoires  est  recouvert  aussi  par  une  mem- 
brane fibro-muqueuse  ;  mais  celle-ci  prend  des  caractères  particuliers 
près  de  l'insertion  des  dents,  et  prend  le  nom  de  gencives. 

Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  ici  de  la  paroi  inférieure  de  la  bouche, 
parce  que  la  langue  qui  la  constitue  sera  étudiée  dans  un  article  spécial 
(voy.  Langue). 

La  cavité  buccale,  dont  nous  venons  d'examiner  rapidement  les  parois, 
est  tapissée,  dans  toute  son  étendue,  par  une  membrane  muqueuse,  dont 
il  importe  de  connaître  les  principaux  caractères.  Partout  continue  à  elle- 
même,  elle  présente,  dans  chaque  partie,  des  différences  en  rapport  avec 
les  fonctions  qui  lui  sont  dévolues. 

Nous  avons  déjà  vu  comment  la  muqueuse  recouvrait  toutes  les  parois 
de  la  bouche,  formant  en  certains  points  des  rigoles  et  des  freins  ou  filets 
qui  unissent  les  lèvres  et  la  langue  aux  deux  mâchoires.  En  avant,  elle  se- 
continue  avec  la  peau  des  lèvres;  en  arrière,  avec  la  muqueuse  pitui- 
taire  au  niveau  du  bord  postérieur  du  voile  du  palais  ;  avec  celle  du 
pharynx,  en  passant  sur  les  piliers  de  ce  même  voile;  avec  celle  des  voies 
aériennes,  derrière  la  base  de  la  langue ,  et  en  passant  sur  l'épiglotte. 
Elle  se  prolonge  en  outre,  en  se  modifiant,  dans  les  différents  conduits 
qui  viennent  s'ouvrir  à  la  surface  de  la  muqueuse  buccale,  dans  les  con- 
duits des  glandes  salivaires.  Cette  continuité  explique  l'action  topique 
sur  la  muqueuse  buccale  des  médicaments  qui  sont  éliminés  avec  la  salive, 
et  la  propagation  des  inflammations  de  la  bouche  au  tissu  même  des 
glandes.  —  L'épaisseur  de  la  muqueuse,  très-variable  dans  les  différents 
points,  est  partout  assez  grande  ;  l'épithélium  qui  la  revêt  est  très-abon- 
dant, et  se  renouvelle  avec  une  remarquable  rapidité  :  ce  phénomène 
rend  compte  des  enduits  blanchâtres  qui  se  forment  dans  la  bouche  des 
individus  soumis  à  une  diète  prolongée.  —  Sa  consistance  est  très-con- 
sidérable aussi,  même  dans  les  points  où  elle  est  le  plus  mince,  comme 
aux  lèvres  et  aux  joues.  —  Elle  adhère  très-intimement  aux  couches  sous- 
jacentes  ;  dans  les  points  où  elle  répond  par  sa  face  profonde  à  des  tissus 
fibreux  et  osseux,  elle  se  confond  avec  ces  tissus  et  forme  une  membrane 
fibro-muqueuse;  elle  revêt  surtout  ces  caractères  au  niveau  des  gencives 
et  dans  les  prolongements  qu'elle  fournit  aux  alvéoles  dentaires.  —  Sa 
structure  présente  aussi  quelques  différences;  offrant  partout,  comme 
éléments  fondamentaux,  un  chorion  fibreux  et  un  épithélium  pavimen- 
teux,  elle  est,  dans  certains  points,  riche  en  papilles,  dans  d'autres,  abon- 
damment pourvue  de  glandes  qui  forment  même  par  places  une  couche 
continue. 


BOUCHE.    CONSIDÉRATIONS    ANATOMIQUES.  405 

C'est  à  ces  différences  dans  les  caractères  qu'offrent  les  diverses  parties 
de  la  muqueuse  buccale,  qu'on  peut  attribuer  la  limitation  de  quelques 
maladies  de  la  bouche;  ne  voit-on  pas  certaines  inflammations,  par 
exemple,  envahir  soit  les  gencives,  soit  quelque  autre  partie  de  la  muqueuse 
à  l'exclusion  de  toutes  les  autres,  et  n'est-il  pas  assez  rare  de  voir  les 
maladies  de  la  bouche  s'étendre  aux  fosses  nasales  ou  au  pharynx,  malgré 
la  continuité  des  tissus  qui  les  composent? 

Les  éléments  de  nutrition,  vaisseaux  et  nerfs,  sont  très-abondamment 
répartis  dans  les  parois  de  la  bouche,  ce  qui  rend  compte  du  très- 
grand  développement  de  leur  vitalité,  et  de  la  promptitude  avec  la- 
quelle elles  réparent  les  solutions  de  continuité  dont  elles  peuvent  être 
le  siège. 

Les  artères  viennent  de  la  carotide  externe,  soit  directement,  soit  par 
l'intermédiaire  des  principaux  rameaux  de  ce  tronc  artériel;  celles  des 
parties  superficielles  sont  fournies  surtout  par  l'artère  faciale  et  aussi  par 
la  temporale  superficielle,  celles  des  parties  profondes  émanent  princi- 
palement de  la  maxillaire  interne. 

Les  veines  sont  très-nombreuses,  et  forment,  en  certains  points,  des 
plexus  très-riches  ;  elles  se  rendent  dans  la  veine  jugulaire  ou  dans  ses- 
affluents,  surtout  dans  la  veine  faciale  ou  dans  le  plexus  veineux  de  la 
fosse  zygomatique. 

Les  vaisseaux  lymphatiques  de  la  région  buccale  sont  partout  très- 
déliés  et  très-fins  ,  ils  aboutissent  aux  ganglions  qui  entourent  la  mâ- 
choire inférieure  ;  aussi  l'engorgement  de  ces  ganglions  est-il  un  des 
symptômes  les  plus  ordinaires  des  maladies  de  la  bouche,  et  sert-il  sou- 
vent à  appeler  l'attention  sur  quelque  altération  locale  qui  aurait  pu 
passer  inaperçue. 

Les  nerfs  sont  de  deux  ordres,  moteurs  et  sensitifs.  Les  nerfs  moteurs 
des  lèvres  et  des  joues  sont  des  rameaux  du  facial  ;  aussi  tous  les  muscles 
qui  donnent  le  mouvement  à  ces  organes  sont-ils  paralysés  dans  l'hémi- 
plégie faciale.  Les  muscles  des  mâchoires  destinés  à  la  mastication  reçoi- 
vent un  nerf  spécial  :  c'est  le  nerf  masticateur,  ou  branche  motrice  du 
nerf  trijumeau.  Les  rameaux  sensitifs  émanent  de  la  cinquième  paire  : 
pour  la  voûte  palatine,  les  filets  nerveux  ne  viennent  qu'indirectement  de 
cette  source  par  l'intermédiaire  du  ganglion  sphéno-palatin.  La  bouche 
possède  la  sensibilité  générale  ;  celle-ci  y  est  même  assez  développée, 
grâce  aux  mouvements  de  la  langue,  qui  permettent  un  toucher  très- 
exact.  Le  sens  du  goût  appartient  particulièrement  à  la  langue  ;  les  au- 
tres parties  de  la  bouche  en  sont  absolument  dépourvues. 

Quant  aux  glandes,  nous  avons  déjà  vu  qu'un  grand  nombre  de 
glandules  isolées  étaient  répandues  dans  les  différents  points  des  parois 
de  la  bouche  ;  mais  on  doit  considérer  comme  appartenant  aussi  à  cet 
organe  la  chaîne  de  glandes  en  grappe  qui  entourent  la  mâchoire  infé- 
rieure et  déversent  leur  produit  dans  la  cavité  buccale.  Les  glandes  pa- 
rotides, sous-maxillaires  et  sublinguales  sont  réellement  des  annexes  de 
la  bouche  ;  leur  produit,  uni  à  celui  des  glandes  intra-pariétales,  consti- 


40 i  DOUCHE. CONSIDÉRATIONS  anatomiques. 

tue  la  salive  et  sert  à  une  des  plus  importantes  fonctions  de  la  bouche. 

L'étude  du  développement  de  la  bouche  a  acquis  un  véritable  intérêt 
pour  le  clinicien,  depuis  que  les  travaux  modernes  ,  et  surtout  ceux  de 
Coste,  ont  montré  comment  il  était  possible  d'expliquer  les  difformités  de 
cet  organe  par  un  arrêt  de  développement  et  par  la  persistance  de  l'un 
des  états  par  lesquels  la  bouche  passe  durant  la  vie  embryonnaire.  Nous 
ne  reviendrons  pourtant  pas  sur  cette  question,  qui  a  reçu  des  dévelop- 
pements suffisants  dans  une  autre  partie  de  cet  ouvrage  (voy.  Bec-de-lièvre, 
t.  IV,  p.  665  et  suiv.)  ;  rappelons  seulement,  en  quelques  mots,  les  points 
les  plus  essentiels  :  1°  La  bouche  se  développe  au  dépens  de  trois  bour- 
geons pour  sa  moitié  supérieure,  de  deux  pour  l'inférieure  ;  2°  Des  trois 
bourgeons  supérieurs,  l'un,  médian,  appartient  surtout  aux  parties  supé- 
rieures de  la  face,  et  fournit  seulement  pour  la  bouche  deux  petits  pro- 
longements que  Coste  appelle  bourgeons  incisifs,  et  aux  dépens  desquels 
se  forme  la  partie  moyenne  de  la  lèvre  supérieure  et  de  l'arcade  alvéolaire 
correspondante;  les  deux  autres,  bourgeons  maxillaires  supérieurs, 
forment  tout  le  reste  de  la  paroi  supérieure  de  la  bouche  ;  3°  Les  deux 
bourgeons  inférieurs,  bourgeons  maxillaires  inférieurs,  constituent  la 
lèvre  et  la  mâchoire  inférieures  et  tout  le  plancher  de  la  bouche  ;  4°  Les 
bourgeons  qui  doivent  former  la  bouche ,  apparaissant  d'abord  sur  les 
parties  latérales  de  la  face,  marchent  progressivement  à  la  rencontre  du 
bourgeon  correspondant  vers  la  ligne  médiane,  et  s'unissent  entre  eux  par 
la  soudure  des  tissus  qui  les  composent. 

Les  modifications  que  présente  la  bouche  dans  les  différents  âges,  à 
part  l'accroissement  graduel  de  sa  cavité,  se  rapportent  toutes  à  l'évolu- 
tion des  dents,  et  seront  l'objet  d'une  étude  spéciale  (voy.  Dents). 

La  bouche  a  des  fondions  variées  et  importantes  que  nous  devons  nous 
contenter  d'indiquer.  Par  les  lèvres,  elle  sert  à  la  préhension,  surtout  à 
celle  des  liquides;  cette  fonction,  très-développée  chez  les  animaux 
s'opère,  principalement  chez  l'homme,  par  l'intermédiaire  des  mains.  Ce 
sont  les  lèvres  aussi,  aidées  par  l'action  des  autres  parois  mobiles  de  la 
bouche,  qui  opèrent  le  phénomène  de  la  succion  ;  aussi  le  développement 
de  la  bouche  est-il  un  des  plus  précoces  et  des  plus  rapides  parmi  tous 
les  organes  de  l'économie,  parce  que  c'est  elle  qui  doit  servir  aux  premiers 
besoins  du  nouveau-né.  La  cavité  buccale  est  l'organe  essentiel  de  la  mas- 
tication et  de  la  trituration  des  aliments.  C'est  encore  dans  la  bouche  que 
s'opère  l'insalivation  des  aliments,  et  que  ceux-ci,  soumis  à  l'action  du 
liquide  salivaire,  commencent  à  subir  quelques-unes  des  modifications 
qui  doivent  les  rendre  aptes  à  la  digestion.  Elle  concourt  aussi  à  la  dé- 
glutition, par  les  muscles  qui  entrent  dans  la  composition  de  ses  parois. 
A  côté  de  ces  fonctions  principales,  la  bouche  a  encore  un  rôle  accessoire 
dans  quelques  fonctions  dévolues  surtout  à  d'autres  organes  :  ainsi  elle 
sert  à  la  respiration,  et  peut,  pour  le  passage  de  l'air,  suppléer  les  fosses 
nasales  qui  en  sont  la  voie  naturelle;  elle  contribue  à  la  phonation,  et  les 
sons  se  modifient  en  traversant  sa  cavité;  ses  mouvements  servent  à  la 
production  des  voyelles  et  des  consonnes,  elle  est  l'organe  du  langage  ar- 


BOUCHE.  —  sémiotique.  405 

ticulé.  Enfin,  elle  est  un  lieu  de  passage  pour  les  matières  rejelées  par 
l'expectoration  et  le  vomissement. 


SEMIOTJQUE. 

Les  considérations  anatomo-physiologiques  que  nous  venons  de  pré- 
senter, en  montrant  combien  est  complexe  la  structure  de  la  bouche, 
combien  sont  variées  et  importantes  les  fonctions  qui  lui  sont  dévo- 
lues, permettent  de  prévoir  le  grand  nombre  de  phénomènes  morbi- 
des qui  peuvent  se  passer  dans  la  cavité  buccale  ou  dans  ses  parois,  et 
qui  fournissent  au  clinicien  de  précieuses  indications  diagnostiques.  La 
bouche  n'est  pas  seulement  le  siège  d'un  grand  nombre  de  maladies  dé- 
veloppées primitivement  dans  les  divers  organes  qui  la  constituent,  elle 
offre  encore  beaucoup  d'altérations  qui  ne  sont  que  la  manifestation  lo- 
cale de  troubles  généraux.  On  comprend  donc  tout  l'intérêt  qui  s'attache 
à  l'étude  que  nous  avons  à  faire,  et  son  importance  clinique. 

Chacun  des  organes  et  des  tissus  qui  entrent  dans  la  composition  de 
la  bouche  peut  être  une  source  de  données  sémiologiques.  Nous  pourrions 
donc  examiner  successivement  les  signes  fournis  par  les  lèvres,  les  gen- 
cives, les  joues,  etc.  ;  et  encore  ceux  qui  se  rattachent  à  la  lésion  de  cha- 
cun des  éléments  qui  constituent  ces  organes.  Mais  il  nous  semble  pré- 
férable d'étudier  ces  phénomènes  simultanément  dans  les  différentes 
parties  que  nous  venons  d'indiquer;  nous  pourrons  ainsi  éviter  de  nom- 
breuses répétitions,  réunir  les  signes  qui  présentent  entre  eux  de  l'ana- 
logie indépendamment  de  leur  siège  et  ceux  qui  se  montrent  à  la  fois 
dans  plusieurs  des  organes  buccaux.  Au  surplus,  nous  n'avons  pas  à  étu- 
dier ici  les  maladies  et  les  phénomènes  morbides  qui  appartiennent  spé- 
cialement à  chacun  de  ces  organes;  nous  devons  seulement  envisager  les 
signes  qui  appartiennent  à  l'ensemble  de  la  bouche. 

Les  signes  fournis  par  la  bouche  sont  de  deux  ordres  :  1°  des  signes 
physiques,  comprenant  les  vices  de  conformation,  les  altérations  de  cou- 
leur, d'odeur,  de  consistance,  les  éruptions,  les  solutions  de  continuité 
et  les  ulcérations,  les  dépôts,  les  tumeurs;  2°  des  signes  fonctionnels, 
auxquels  se  rattachent  les  altérations  de  la  motilité  et  de  la  sensibilité, 
les  troubles  dans  les  sécrétions,  la  nutrition  générale  et  la  température. 

Examen  €lc  la  bouclie.  —  Les  dimensions  de  l'orifice  buccal  et  la 
dilatation  dont  il  est  susceptible  permettent  d'appliquer  facilement  à  la 
cavité  de  la  bouche  l'exploration  directe.  L'examen  peut  être  pratiqué  à 
la  lumière  solaire  ou  à  la  lumière  artificielle.  Dans  les  deux  cas,  le  ma- 
lade est  placé  directement  en  face  de  la  source  de  lumière  ;  pour  exami- 
ner les  parties  cachées  dans  les  rigoles  formées  par  les  joues  et  les  dents, 
il  suffit  d'écarter  les  commissures  des  lèvres  ou  de  les  renverser  avec  les 
doigts,  ou  mieux,  de  les  éloigner  avec  le  manche  d'une  cuiller.  On  peut 
aussi  employer,  pour  l'examen  des  parties  cachées  par  les  arcades  den- 
taires, un  petit  miroir  porté  à  l'extrémité  d'un  manche  et  incliné  sur  ce 
manche,  comme  est  le  miroir  laryngoscopique.  La  recherche  des  troubles 


406  BOUCHE.  —  signes  physiques. 

fonctionnels  nécessite  quelques  moyens  spéciaux  dont  il  sera  parlé  dans 
le  cours  de  cet  article. 

Signes  physiques.  —  Vices  de  conformation.  —  La  forme  de  la 
bouche  est,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  plus  haut,  assez  variable,  mais  il 
serait  impossible  de  dire  en  quoi  ces  variations,  lorsqu'elles  restent  dans 
certaines  limites,  peuvent  servir  au  diagnostic.  Il  n'en  est  plus  de  même 
quand  elles  atteignent  de  plus  grandes  proportions  ;  elles  constituent  alors 
de  véritables  infirmités,  et  sont,  dans  quelques  cas,  des  éléments  de  ma- 
ladie. 

Ainsi,  la  bouche  peut  présenter,  par  l'effet  d'un  arrêt  de  développe- 
ment, des  solutions  de  continuité  congénitales  qui  intéressent  les  lèvres 
seules,  ou  en  même  temps  la  voûte  palatine,  le  voile  du  palais,  la  mâ- 
choire supérieure,  etc.  Ces  difformités  constituent  le  bec-de-lièvre  simple 
ou  compliqué,  dont  il  a  été  traité  ailleurs  [voy.  t.  IV). 

Chez  les  scrofuleux,  la  bouche  présente  une  configuration  spéciale  : 
la  lèvre  supérieure  est  épaisse  et  gonflée,  les  mâchoires  sont  larges  et 
'fortement  accusées.  Ces  caractères  n'indiquent  pas  une  prédisposition 
à  la  scrofule,  comme  on  le  croit  généralement,  ils  appartiennent  à  la 
scrofule  déjà  confirmée.  (Bazin.) 

La  conformation  de  la  bouche,  chez  les  idiots,  est  plus  spéciale  en- 
core, et  Bourneville  a  noté  avec  soin  les  altérations  que  présentent  ses 
différentes  parties  :  les  lèvres,  et  surtout  l'inférieure,  sont  volumineuses  ; 
l'ouverture  buccale  est  généralement  grande  et  souvent  béante,  les  joues 
sont  d'une  pâleur  jaunâtre  ou  rouge  vif  au  centre,  avec  marbrures  bleuâ- 
tres et  parfois  taches  brunes;  les  dents  ont  une  coloration  noire  ou  jau- 
nâtre ;  elles  sont  très-souvent  mal  plantées,  cariées,  le  bord  libre  des  in- 
cisives est  dentelé  comme  une  scie,  et  l'évolution  des  dents  est  retardée 
et  irrégulière;  la  voûte  palatine  est  plus  étroite  que  dans  l'état  normal, 
quelquefois  creusée  en  forme  de  gouttière.  A  ces  caractères  physiques,  il 
faut  joindre  quelques  troubles  fonctionnels,  tels  que  la  bave  qui  s'écoule 
fréquemment  de  la  lèvre  inférieure  pendante,  la  perversion  du  goût,  et 
un  vice  dans  l'articulation  des  mots. 

On  rencontre  assez  souvent  un  vice  de  conformation  des  dents,  sur  le- 
quel Noël  Guencau  deMussy  insiste  depuis  longtemps  dans  ses  cliniques  : 
c'est  une  rainure  transversale  siégeant  sur  la  face  antérieure  de  la  cou- 
ronne dentaire,  et  coupant  perpendiculairement  les  stries  longitudinales 
que  cette  face  présente  ;  on  la  rencontre  surtout  sur  les  incisives,  et  aussi 
sur  les  canines.  Cette  rainure  est  située  à  une  distance  variable  du  collet 
de  la  dent,  et  sa  largeur  peut  offrir  aussi  de  grandes  variétés  ;  souvent  sa 
surface  est  inégale,  l'émail  dentaire  paraît  y  faire  défaut  presque  complè- 
tement, et  l'ivoire  lui-même  est  altéré  dans  sa  couleur.  Cette  altération 
est  intéressante  pour  le  clinicien,  en  ce  qu'elle  permet  d'établir  que  le 
sujet  qui  la  présente  a  été  atteint  durant  son  enfance,  à  l'époque  de  la 
deuxième  dentition,  d'une  maladie  assez  sérieuse,  le  plus  ordinairement 
d'une  fièvre  typhoïde  ou  d'une  lièvre  éruptive.  La  distance  plus  ou  moins 
grande  qui  sépare  la  rainure  transversale  du  bord  libre  de  la  dent  indi- 


BOUCHE. SIGNES    PHYSIQUES.  407 

que  à  peu  près  l'époque  de  cette  maladie  :  si  la  rainure  est  très-voisine  du 
sommet  de  la  couronne,  c'est  que  la  maladie  a  eu  lieu  au  commencement 
de  la  seconde  dentition,  vers  l'âge  de  sept  ou  huit  ans  ;  si,  au  contraire, 
«lie  est  rapprochée  de  la  racine,  c'est  que  la  maladie  s'est  développée  vers 
la  fin  de  la  poussée  dentaire,  de  dix  à  douze  ans.  La  largeur  de  la  rainure 
est  plus  ou  moins  considérable,  suivant  la  durée  de  la  maladie  elle-même. 
La  raison  physiologique  de  l'altération  qui  nous  occupe  est,  on  le  con- 
çoit, dans  le  trouble  apporté  à  la  nutrition  au  moment  du  développement 
<les  dents.  Ce  signe,  qui  permet  d'établir,  presque  avec  certitude,  l'exis- 
tence d'une  maladie  dans  l'enfance,  est  analogue  à  celui  que  Beau  a  indi- 
qué, et  qui  consiste  dans  un  sillon  transversal  qu'on  observe  sur  les  ongles  à 
la  suite  des  maladies  qui  troublent  la  nutrition;  mais  tandis  que  ce  der- 
nier est  transitoire,  celui  qu'offrent  les  dents  est  permanent  et  indélébile. 

Les  différentes  parties  de  la  bouche  peuvent  aussi  présenter  des  alté- 
rations temporaires  de  forme  et  de  volume  qui  se  rattachent,  soit  à  des 
états  morbides  de  ces  parties  elles-mêmes,  soit  à  des  maladies  des  or- 
ganes voisins  ou  éloignés.  Ainsi,  le  gonflement  des  lèvres  et  des  joues 
peut  indiquer  une  inflammation  simple  ou  spécifique  de  ces  organes,  elle 
peut  être  liée  à  un  érysipèle  de  la  face,  à  une  gangrène  qui  a  débuté  par 
îa  partie  profonde  des  joues  ;  ou  bien  elle  reconnaît  pour  cause  une  carie 
dentaire,  une  stomatite,  une  ulcération  de  la  bouche.  La  fluxion  œdéma- 
teuse limitée  à  la  bouche  est  presque  toujours  le  symptôme  d'une  maladie 
des  organes  voisins  ;  quand  elle  est  étendue  en  même  temps  au  reste  de 
la  face,  elle  peut  reconnaître  une  cause  éloignée,  comme  une  maladie  du 
cœur,  une  maladie  de  Bright.  Assez  souvent,  le  gonflement  douloureux 
limité  à  une  joue  ou  à  un  côté  de  la  face,  connu  sous  le  nom  de  fluxion, 
n'a  pas  d'autre  cause  que  l'action  d'un  courant  d'air,  une  névralgie  ou 
une  carie  des  dents. 

Nous  ne  ferons  que  signaler  la  déformation  de  la  bouche  et  surtout  la 
déviation  de  ses  commissures  qui  se  rattachent  à  l'absence  d'un  certain 
nombre  de  dents  ;  quelquefois,  ce  symptôme  peut  en  imposer  à  première 
vue  et  faire  croire  à  une  hémiplégie  faciale. 

Couleur.  —  La  coloration  de  la  bouche  peut  être  modifiée  dans  sa  to- 
talité ou  en  partie,  et  les  causes  de  ces  modifications  sont  tantôt  locales 
et  tantôt  générales.  Ainsi,  la  muqueuse  est  rouge  dans  la  stomatite  éry- 
thémateuse;  elle  est  rouge  aussi  dans  les  fièvres  et  dans  les  phlegmasies, 
et  cette  coloration  est  un  des  signes  de  la  stimulation  circulatoire.  La  rou- 
geur peut  aussi  être  limitée  à  certains  points,  comme  cela  se  voit  dans  le 
purpura,  où  la  bouche  peut  présenter  un  piqueté  analogue  à  celui  qu'on 
rencontre  sur  la  peau. 

On  peut  observer,  au  contraire,  une  pâleur  générale  de  la  muqueuse, 
que  l'on  apprécie  surtout  aux  lèvres  et  aux  gencives  ;  ce  seul  signe  suflit 
quelquefois  pour  faire  penser  à  une  grande  hémorrhagie  ;  il  peut  aussi 
reconnaître  pour  cause  une  anémie  secondaire,  liée  à  une  maladie  orga- 
nique ou  à  une  cachexie. 

Les  lèvres  sont  bleues  dans  la  cyanose  par  persistance  du  trou  de  Botal, 


408  BOUCHE.  —  sigjses  physiques. 

dans  les  différentes  maladies  du  cœur,  et  aussi  dans  un  certain  nombre 
de  maladies  des  voies  respiratoires,  dans  l'algidité  des  lièvres  graves  et 
du  choléra.  Cette  coloration,  surtout  marquée  aux  lèvres,  indique  un 
trouble  profond  de  l'hématose  et  une  asphyxie  plus  ou  moins  avancée. 

Enfin,  la  muqueuse  buccale  peut  offrir  une  coloration  jaune  dans  l'ic- 
tère. C'est  sur  les  muqueuses  que  la  coloration  ictérique  apparaît  d'a- 
bord ;  en  même  temps  qu'on  la  rencontre  sur  la  conjonctive,  on  peut 
l'observer  sur  la  muqueuse  qui  recouvre  la  voûte  palatine,  sur  les  côtés 
du  frein  de  la  langue  et  du  frein  des  lèvres. 

D'autre  part,  la  couleur  des  parties  extérieures  de  la  bouche,  c'est-à- 
dire  de  la  peau  qui  recouvre  les  lèvres  et  les  joues,  peut  aussi  être  al- 
térée et  fournir  des  indications  pour  le  diagnostic.  Une  teinte  grisâtre 
ou  blanc-jaunâtre  de  Ja  lèvre  supérieure,  et  surtout  de  sa  partie  sous- 
nasale,  est  un  signe  presque  caractéristique  de  l'anémie.  Nous  avons  déjà 
parlé  de  l'injection  permanente  des  joues  qu'on  observe  chez  les  indivi- 
dus atteints  de  maladies  du  cœur  et  chez  les  alcooliques.  On  connaît  aussi 
la  rougeur  des  pommettes,  qui  est  un  signe  vulgaire  des  maladies  de 
poitrine,  particulièrement  de  la  phthisie  pulmonaire  et  de  la  pneumonie; 
si  l'une  des  pommettes  est  plus  rouge  que  l'autre,  il  y  a  présomption 
que  le  poumon  correspondant  est  principalement  ou  exclusivement  affecté. 

Odeur.  —  Dans  toutes  les  maladies  locales  de  la  bouche,  l'odeur  est, 
en  général,  assez  forle  et  fétide,  avec  quelques  caractères  spéciaux, 
suivant  la  maladie  qui  y  donne  lieu  :  ainsi,  l'odeur  est  presque  ca- 
ractéristique dans  la  stomatite  mercurielle,  dans  la  gangrène  de  la 
bouche,  dans  le  scorbut,  dans  la  carie  dentaire,  dans  l'accumulation  du 
tartre  autour  du  collet  des  dents,  etc.  Cependant,  il  faut  prendre  garde 
d'attribuer  à  la  bouche  une  odeur  qui  peut  venir  d'autres  parties,  et  en 
particulier  des  voies  respiratoires  :  un  examen  un  peu  sérieux  devra  tou- 
jours suffire  pour  éviter  ces  méprises.  La  bouche  présente  encore  une  fé- 
tidité particulière  dans  l'embarras  gastro-intestinal  ;  s'il  y  a  en  même 
temps  un  enduit  épais  sur  la  langue  et  un  gonflement  général  de  la  mu- 
queuse sur  laquelle  les  dents  ont  marqué  leur  empreinte,  il  n'en  faut  pas 
davantage  pour  établir  le  diagnostic. 

Consistance.  —  Les  altérations  de  consistance  de  la  muqueuse  buccale 
portent  principalement  sur  certaines  parties,  sur  les  gencives,  par 
exemple. 

Dans  le  ramollissement  fongueux  des  gencives,  la  muqueuse  se  bour- 
soufle d'abord  au  niveau  de  la  sertissure  des  dents,  elle  prend  une  teinte 
violacée;  bientôt  le  gonflement  s'étend  aux  parties  voisines,  la  gencive  se 
décolle,  elle  saigne  sous  la  moindre  pression,  se  ramollit  et  devient  le 
siège  d'érosions  d'où  s'écoule  un  liquide  louche  ou  sanieux  ;  parfois  même 
des  lambeaux  de  muqueuse  se  détachent,  le  bord  alvéolaire  de  la  mâ- 
choire est  dénudé  et  se  nécrose,  et  les  dents  déchaussées  ne  tardent  pas 
à  tomber.  Les  mêmes  phénomènes  peuvent  encore  se  produire  dans  le 
scorbut  et  la  stomatite  mercurielle;  mais  dans  ces  maladies,  indépendam- 
ment des  autres  signes  qui  leur  sont  propres,  on  ne  voit  pas  les  désor- 


BOUCHE.    SIGNES    PHYSIQUES.  409 

dres  buccaux  se  limiter  comme  dans  le  cas  précédent,  et  la  maladie  s'é- 
tend à  la  totalité  de  la  bouche  ;  le  gonflement  et  le  ramollissement  des 
gencives  n'est  donc  plus  alors  qu'un  des  éléments  de  la  maladie,  au  lieu 
de  la  constituer  tout  entière. 

Le  ramollissement  fongueux  des  gencives  est  fréquent  aussi  dans  le 
diabète.  Marchai  (de  Calvi)  le  considère  même  comme  un  des  accidents 
les  plus  communs  de  cette  affection  ;  aussi  recommande-t-il,  toutes  les 
fois  qu'on  rencontre  cet  état  des  gencives,  de  pratiquer  l'examen  des 
urines. 

Éruptions.  —  Les  éruptions  dont  la  bouche  peut  être  le  siège  sont  de 
plusieurs  sortes  :  les  unes  ne  sont  que  l'extension  au  tégument  interne 
des  actes  morbides  dont  la  peau  est  le  principal  théâtre,  les  autres  ont 
leur  lieu  d'élection  dans  la  bouche,  et  elles  y  restent  plus  ou  moins 
confinées. 

L'analogie  de  structure  qui  existe  entre  la  muqueuse  de  la  bouche  et 
la  peau  avec  laquelle  elle  se  continue,  explique  comment  la  plupart  des 
éruptions  qui  se  développent  à  la  face  peuvent  se  prolonger  dans  la  cavité 
buccale  en  y  conservant,  disons-le  de  suite,  la  plupart,  sinon  tous  leurs 
caractères.  «  Les  muqueuses  extérieures,  dit  Bazin,  peuvent  être  le  siège 
d'un  grand  nombre  d'affections  comprises  dans  les  cadres  de  la  patho- 
logie cutanée  ;  on  y  retrouve  l'herpès,  l'eczéma,  le  pemphigus,  le  tubercule 
du  lupus  et  celui  de  la  lèpre,  le  psoriasis,  les  plaques  syphilitiques,  les 
taches  pourprées,  les  productions  de  la  diphthéric,  les  pustules  de  la 
variole,  les  éruptions  morbilleuses  et  scarlatineuses,  etc.,  etc.,  et  toutes 
ces  affections  s'y  présentent  avec  des  traits  assez  nettement  accusés  pour 
qu'il  soit  impossible  de  les  méconnaître  un  seul  instant.  » 

Nous  ne  pouvons  évidemment  insister  ici  sur  les  caractères  de  toutes 
ces  éruptions;  disons  pourtant  quelques  mots  des  plus  importantes.  Les 
exanthèmes  fébriles,  l'érysipèle,  la  variole,  la  rougeole,  la  scarlatine,  se 
répètent,  suivant  l'expression  de  Noël  Gucneau  de  Mussy,  sur  la  muqueuse 
buccale  comme  sur  les  autres  muqueuses  de  la  face. 

Vérysipèle  ne  se  localise  guère  dans  la  bouche,  et  quand  il  s'y  déve- 
loppe, il  y  reste  rarement  limité;  le  plus  souvent  il  ne  fait  que  traverser 
cette  cavité  pour  s'étendre  du  pharynx  à  la  face  ou  inversement.  Lors- 
qu'il s'accompagne  du  développement  de  phlyetènes,  celles-ci  donnent 
des  croûtes  blanches  et  molles  qui  ressemblent  à  de  larges  plaques 
pseudo-membraneuses,  et  présentent  aussi  la  plus  grande  analogie  avec 
celles  qui  succèdent  aux  brûlures  au  deuxième  degré  de  la  muqueuse 
buccale. 

J'ai  eu  occasion  d'observer,  à  l'hôpital  Necker  dans  le  service  de  La- 
sègue,  deux  malades  qui  étaient  en  même  temps  dans  les  salles,  et  dont 
l'un  présentait  une  brûlure  au  deuxième  degré  de  la  bouche,  produite 
par  de  l'acide  sulfurique  que  cet  individu  avait  avalé  par  mégarde  ;  l'autre 
avait  un  érysipèle  de  la  gorge,  qui  traversa  la  bouche  en  y  produisant  des 
phlyetènes  pour  se  répandre  de  là  sur  la  face.  Dans  ces  deux  cas,  les 
signes  objectifs  présentés  par  la  bouche  étaient  identiques  :  il  y  avait 


410  BOUCHE.    SIGNES    PHYSIQUES. 

une  rougeur  générale    de  la  muqueuse  avec  gonflement,    et  de  larges 
plaques  blanchâtres  d'aspect  pseudo-membraneux. 

Les  fièvres  éruptives  proprement  dites  ont  aussi  leurs  manifestations 
buccales  qui  sont  un  élément  à  peu  près  constant  de  la  maladie.  Quel- 
ques auteurs  ont  assigné  comme  caractère  commun  à  ces  diverses  érup- 
tions, d'apparaître  avant  les  éruptions  cutanées.  Ce  caractère  nous  paraît 
exact,  mais  nous  croyons  qu'on  pourrait  y  joindre  le  suivant  :  l'évolution 
des  éléments  éruptifs  est  plus  rapide  dans  la  bouche  qu'à  la  peau,  en 
sorte  que  la  lésion  buccale  a  disparu  bien  avant  la  lésion  cutanée;  cela 
ne  tiendrait-il  pas  à  ce  que  la  vitalité  des  muqueuses  est  plus  active  que 
celle  de  la  peau? 

L'éruption  varioleuse  de  la  bouche  occupe  principalement  le  voile  du 
palais  et  ses  piliers,  la  face  muqueuse  des  lèvres  et  des  joues  et  la  voûte 
palatine  ;  elle  peut  aussi  se  montrer  sur  la  langue,  mais  elle  y  est  ordi- 
nairement très-discrète.  Elle  commence  par  un  pointillé  rouge,  papuleux, 
sur  lequel  on  ne  tarde  pas  à  voir  apparaître  de  petites  vésicules  qui  ne 
deviennent  pas  à  beaucoup  près  aussi  grandes  que  celles  de  la  peau.  Bien 
avant  que  les  vésicules  de  la  peau  aient  acquis  leur  développement,  celles 
de  la  bouche  deviennent  blanches  et  figurent  de  petits  disques  pseudo- 
membraneux; vers  le  sixième  ou  septième  jour  de  l'éruption,  les  plaques 
se  détachent,  laissant  de  légères  érosions  du  derme  muqueux  qui  se  guéris- 
sent rapidement  sans  laisser  de  cicatrices.  L'éruption  buccale  donne  lieu  à 
une  inflammation  plus  ou  moins  vive  de  la  muqueuse;  celle-ci  est  rouge, 
gonflée,  sensible,  et  présente,  dans  l'intervalle  des  vésicules  et  principa- 
lement sur  les  gencives  un  petit  exsudât  blanchâtre  et  opalin.  En  même 
temps,  les  fonctions  de  la  bouche  sont  empêchées  et  douloureuses,  et  il 
y  a  une  salivation  plus  ou  moins  abondante. 

Dans  la  rougeole,  on  observe  aussi  du  côté  de  la  bouche  une  éruption 
qui  est  le  plus  souvent  limitée  au  voile  du  palais  ou  dans  son  voisinage. 
Le  icste  de  ïa  bouche  est  rouge,  et  souvent  les  gencives  sont  gonflées 
et  couvertes,  au  voisinage  de  leur  sertisjsure,  d'un  exsudât  opalin. 

La  scarlatine  donne  lieu  à  une  éruption  abondantedu  côté  du  segment  su- 
périeur de  l'appareil  digestif;  cette  éruption  est  surtout  marquée  à  la  gorge, 
mais  nous  n'avons  pas  à  nous  en  occuper  ici  (voy.  Angine  scarlatineuse). 
Dès  le  début  de  la  maladie,  la  bouche,  et  surtout  la  langue,  est  le  siège 
d'une  rougeur  vive,  parfois  pointillée.  Au  bout  de  deux  ou  trois  jours,  la 
desquamation  de  la  muqueuse  arrive,  et,  l'on  voit  alors  la  langue  dépouil- 
lée, luisante  et  d'un  rouge  vif.  Cet  état  dure  peu,  et  après  six  à  dix  jours, 
la  langue  revient  à  son  état  naturel  (Barthez  et  Rilliet). 

Quant  aux  manifestations  buccales  des  maladies  qui  ressortissent  à  la 
pathologie  cutanée,  elles  sont  beaucoup  plus  rares. 

L'herpès  se  développe  rarement  sur  la  muqueuse  buccale  elle-même, 
mais  très-souvent  il  apparaît  sur  les  points  où  celle-ci  confine  à  la  peau  : 
ainsi  f  herpès  labialis  siège  habituellement  sur  le  bord  libre  des  lèvres,  et 
ses  vésicules  se  montrent  aussi  bien  sur  la  partie  muqueuse  que  sur  la 
partie  cutanée  de  ce  bord.  Tel  est  le  lieu  d'élection  de  cette  variété  d'her- 


BOUCHE.    SIGNES   PHYSIQUES.  411 

pès  :  mais  de  môme  qu'on  le  voit  quelquefois  s'éloigner  de  ce  siège  pour 
occuper  un  point  quelconque  de  la  face,  tel  que  le  menton,  le  nez,  une 
joue  ;  de  même  aussi  il  peut  pénétrer  dans  la  cavité  buccale  et  appa- 
raître sur  la  langue,  la  face  muqueuse  des  joues,  la  voûte  palatine.  Rayer 
dit  avoir  observé  plusieurs  fois  cet  herpès  buccal.  Gubler  en  a  aussi  rap- 
porté plusieurs  exemples. 

On  reconnaîtra  aisément  l'herpès  buccal  aux  caractères  suivants  :  il 
est  constitué  par  un  groupe  de  cinq  ou  six  vésicules,  reposant  sur  un 
fond  rouge;  celles-ci  se  troublent  et  se  déchirent  rapidement;  les  petites 
ulcérations  qui  en  résultent  se  recouvrent  alors  d'un  exsudât  blanchâtre 
(représentant  la  croûte  qui  se  forme  sur  la  peau)  ;  au  bout  de  six  à  huit 
jours,  les  croûtes  sont  tombées,  et  il  ne  reste  rien  de  cette  petite  lésion. 

Dans  un  grand  nombre  de  cas,  l'éruption  herpétique  du  pharynx,  qui 
constitue  une  des  variétés  de  l'angine  couenneuse  commune,  se  manifeste 
simultanément  sur  d'autres  parties  de  la  cavité  buccale,  sur  les  côtés  et 
sur  la  pointe  de  la  langue,  sur  la  face  interne  des  joues  et  des  lèvres,  et 
sur  la  voûte  palatine.  (Trousseau.)  Il  y  a  dans  ces  coïncidences  fréquentes, 
de  nombreux  éléments  pour  le  diagnostic  de  l'herpès  de  la  bouche. 

Que  dirai-je  maintenant  des  éruptions  chroniques  qui  ont  été  citées 
plus  haut?  L'eczéma,  l'impétigo,  le  psoriasis,  le  lupus  se  montrent  quel- 
quefois dans  la  bouche;  mais  d'abord  ces  maladies  ne  sont  le  plus  sou- 
vent que  l'extension,  pour  ainsi  dire,  à  la  muqueuse  des  éruptions  qui 
occupent  le  pourtour  de  la  bouche,  et  en  outre,  leurs  caractères  objectifs 
présentent  tant  d'analogie  avec  ceux  des  éruptions  cutanées,  que  les 
auteurs  se  sont  dispensés  de  les  reproduire  à  propos  des  éruptions  des 
muqueuses.  Nous  ne  pouvons  donc  que  renvoyer  à  l'étude  de  ces  diverses 
maladies  (von.  Eczéma,  Lupus,  Psoriasis,  etc.). 

II  ne  faut  pourtant  pas  s'attendre  à  trouver  tous  les  caractères  des 
éruptions  cutanées  bien  tranchés  dans  les  éruptions  de  la  cavité  buccale  : 
les  maladies  papuleuses,  tuberculeuses,  squameuses  conservent  à  peu 
près  intégralement  leurs  caractères,  mais  il  n'en  est  plus  ainsi  pour  les 
maladies  vésiculeuses  et  pustuleuses  ;  celles-ci  se  transforment  très-rapi- 
dement en  ulcérations  recouvertes  de  concrétions  pelliculaires  dont  l'as- 
pect ne  varie  guère  dans  les  différents  cas.  «  Les  éruptions  caractérisées 
à  la  manière  de  celles  de  la  [peau,  dit  Gubler,  cessent  d'être  observées 
dans  la  profondeur  des  cavités  muqueuses,  mais  il  y  a  de  cela  une  raison 
anatomique  fort  simple  :  c'est  que  l'épithéliumy  devient  si  caduc,  si  dé- 
licat alors  même  qu'il  serait  persistant,  qu'aucune  des  formes  élémentai- 
res de  la  classification  de  Willan  ne  saurait  exister  avec  ses  caractères 
connus,  si  la  présence  de  la  couche  épidermique  est  indispensable  à  sa 
constitution.  »  Nous  retrouverons  plusieurs  des  éruptions  dont  il  s'agit 
dans  le  paragraphe  consacré  aux  ulcérations. 

Solutions  de  continmté  et  ulcérations.  —  Un  grand  nombre  de  ces  lé- 
sions peuvent  avoir  leur  siège  dans  la  cavité  buccale,  et  leur  diagnostic 
ne  laisse  pas  que  de  présenter  souvent  de  grandes  difficultés.  Presque 
toutes,  en  effet,  se  recouvrent  au  bout  d'un  certain  temps  d'un  dépôt 


412  BOUCHE.  —  signes  physiques. 

grisâtre  qui  résulte  du  mélange  des  produits  exsudés  par  le  derme  mu- 
queux  avec  la  salive;  outre  que  ce  dépôt  donne  à  toutes  les  ulcérations 
un  aspect  à  peu  près  uniforme,  il  couvre  la  surface  des  solutions  de  con- 
tinuité et  masque  la  plupart  de  leurs  caractères.  Aussi  faut-il,  lorsqu'on 
veut  se  rendre  un  compte  exact  des  différentes  particularités  que  peuvent 
présenter  ces  lésions,  de  les  déterger  avec  soin  à  l'aide  d'un  pinceau  ou 
d'un  linge  fin.  On  ne  saurait  ensuite  apporter  trop  d'attention  dans 
l'étude  de  leurs  caractères  physiques,  de  leur  mode  de  développement,  de 
leur  évolution,  des  conditions  qui  paraissent  les  avoir  produites,  etc.  Ce 
n'est  souvent  que  dans  la  considération  de  tous  ces  éléments  qu'on  pourra 
puiser  le  diagnostic. 

Il  y  a  d'abord  dans  la  bouche  un  certain  nombre  de  solutions  de  con- 
tinuité qui  reconnaissent  une  origine  traumatique  :  il  suffira,  le  plus 
souvent  d'être  informé  de  la  cause  qui  leur  a  donné  naissance  pour  recon- 
naître leur  nature.  Ainsi  l'on  observe  quelquefois  des  brûlures  au  deuxième 
degré,  résultant  du  contact  d'aliments  ou  de  boissons  trop  chauds.  Celles-ci 
sont,  à  ce  qu'il  paraît,  assez  communes  chez  les  enfants  anglais,  qui  com- 
mettent l'imprudence  de  prendre  dans  leur  bouche  le  bec  d'une  théière 
pleine  de  liquide  brûlant. 

L'irritation,  causée  par  des  chicots  irréguliers  et  anguleux,  est  encore 
une  cause  fréquente  d'ulcérations  qui  siègent  ordinairement,  soit  sur  les 
bords  de  la  langue,  soit  à  la  face  interne  des  joues.  L'accumulation  du 
tartre  autour  de  certaines  dents  est  une  cause  analogue.  La  considération 
du  siège  de  la  lésion,  la  présence  de  la  cause  permanente  qu'on  pourra 
prendre,  pour  ainsi  dire,  sur  le  fait,  ne  permettront  en  général  aucune 
confusion.  Il  suffira  d'ailleurs  d'enlever  la  dent  cariée  ou  mal  placée  pour 
voir  disparaître  rapidement  l'ulcération  de  la  muqueuse. 

Nous  rapprocherons  des  solutions  de  continuité  traumaliques  les  ulcé- 
rations qu'on  observe  sur  les  côtés  du  frein  de  la  langue  chez  les  enfants 
atteints  de  coqueluche.  Ces  ulcérations,  sur  lesquelles  Charle  a  de  nouveau 
appelé  l'attention  dans  ces  derniers  temps,  résultent  d'une  action  entiè- 
rement mécanique,  le  frottement  et  l'usure  de  la  langue  sur  les  arcades 
dentaires,  lorsque  cet  organe  est  projeté  avec  force  hors  de  la  bouche  pen- 
dant les  quintes  convulsives  de  la  coqueluche  ;  on  voit,  en  effet,  qu'elles 
correspondent  exactement  à  la  saillie  des  dents  médianes  inférieures, 
qu'elles  manquent  chez  les  enfants  qui  n'ont  point  encore  de  dents  et 
varient  suivant  la  disposition  de  ces  appendices.  On  ne  les  rencontre  que 
dans  la  période  convulsive  de  la  maladie,  et  leur  développement  est  en 
rapport  avec  le  nombre  et  l'intensité  des  quintes.  Les  ulcérations  de  la 
coqueluche  existent  dans  la  moitié  des  cas  environ  ;  elles  sont  ovalaires, 
situées  transversalement  sur  les  côtés  du  frein  ou  dans  son  voisinage; 
leur  longueur  atteint  d'ordinaire  à  peine  quelques  millimètres;  leur  sur- 
face est  peu  déprimée,  recouverte  par  une  matière  grisâtre,  et  les  tissus 
sous-jacents  sont  un  peu  indurés  ;  les  bords  sont  irréguliers,  comme  évidés. 
D'après  Bouchut,  Charle  et  quelques  autres  auteurs,  la  lésion  débuterait 
tantôt  par  une  simple  déchirure,  tantôt  par  une  granulation  épithéliale, 


BOUCHE.   SIGNES  physiques.  415 

ou  par  une  petite  vésicule  dont  la  rupture  laisserait  une  ulcération  su- 
perficielle. 

A  côté  des  brûlures,  on  peut  mentionner  la  lésion  désignée  sous  le  nom 
de  plaques  des  fumeurs;  celles-ci  résultent  du  contact  fréquemment  ré- 
pété du  tuyau  d'une  pipe  trop  courte  ou  de  la  fumée  du  tabac.  Elles 
siègent  ordinairement  a  la  commissure  des  lèvres,  sur  les  bords  ou  à  la 
pointe  de  la  langue.  Consistant  d'abord  en  un  simple  érythème,  avec  des- 
quamation épithéliale,  elles  amènent  plus  tard  l'induration  du  derme 
muqueux  et  l'épaississement  de  l'épiderme  qui  devient  parebeminé  et  se 
fendille  par  places.  Quand  cet  épiderme  se  détache  par  lambeaux,  il 
laisse  au-dessous  de  lui  une  ulcération  simple,  à  bords  plus  ou  moins 
irréguliers.  Entretenue  par  la  persistance  de  l'agent  irritant,  cette  petite 
lésion  disparaît  rapidement  par  la  suppression  de  la  cause  et  l'emploi  de 
quelques  émollients. 

L'usage  des  préparations  antimoniales  détermine  des  éruptions  vési- 
culeuses  assez  analogues  aux  aphthes,  accompagnées  de  douleurs  assez 
vives.  Les  vésicules,  en  se  rompant,  laissent  à  nu  le  derme  muqueux. 
Cette  lésion  sera  facilement  distinguée  de  l'aphthe  par  les  commémoratifs. 

Dans  tous  les  cas  que  nous  venons  de  mentionner,  la  connaissance  de 
la  cause  suffit,  quand  on  est  prévenu  ,  pour  conduire  au  diagnostic.  Il 
n'en  est  plus  ainsi  des  ulcérations  spontanées  dont  il  me  reste  à  parler, 
et  dont  la  nature  est  souvent  très-difficile  à  déterminer.  Ces  ulcérations 
sont  beaucoup  plus  fréquentes  que  les  précédentes  et  de  nature  très-di- 
verse ;  ce  sont,  pour  ne  citer  que  les  plus  communes,  les  ulcérations 
syphilitiques,  scorbutiques,  cancéreuses,  tuberculeuses,  etc.  Rarement 
primitives,  elles  succèdent  le  plus  souvent  à  une  autre  lésion,  papuleuse, 
tuberculeuse,  vésiculeuse,  qui  a  été  secondairement  envahie  par  le  travail 
ulcératif.  Cette  circonstance  est  très-importante  à  noter,  parce  que,  si 
les  lésions  dont  nous  nous  occupons  se  ressemblent  beaucoup  quand  elles 
sont  arrivées  à  l'état  d'ulcérations,  elles  peuvent  présenter  des  différences 
non  moins  grandes  par  leur  point  de  départ,  d'où  de  nombreuses  et  im- 
portantes indications  diagnostiques.  Examinons  rapidement  quelques-unes 
de  ces  altérations. 

Les  ulcérations  syphilitiques  sont,  sans  contredit,  les  plus  communes 
parmi  toutes  les  ulcérations  qui  ont  leur  siège  dans  la  cavité  buccale. 
Elles  peuvent  appartenir  aux  différentes  périodes  de  la  syphilis,  et  elles  se 
présentent,  dans  chacune  d'elles,  avec  des  caractères  que  les  syphilio- 
graphes  se  sont  appliqués  à  bien  déterminer. 

Le  chancre,  accident  initial  de  la  syphilis,  se  montre  quelquefois  sur 
les  lèvres  ou  même  dans  les  divers  points  de  la  bouche.  On  n'observe  pas 
à  la  bouche  le  chancre  mou,  non  plus  que  sur  les  autres  parties  de  la  tète  ; 
ou  du  moins  cela  est  si  exceptionnel,  que  d'éminents  praticiens  ont  pu 
nier  la  possibilité  du  fait;  mais,  à  défaut  de  preuves  cliniques,  l'expé- 
rimentation a  démontré  que  Ton  pouvait  faire  développer  le  chancre  mou 
à  la  face  et  à  la  bouche  en  particulier.  (Bassereau,  Buzenet.)  On  peut 
cependant  établir  en  règle  que  le  chancre  des  lèvres  et  de  la  bouche  ap- 


414  BOUCHE.    SIGNES    PHYSIQUES. 

partient  à  la  variété  infectante,  et  doit  être  presque  toujours  suivi  d'autres 
manifestations  syphilitiques. 

Les  caractères  du  chancre  buccal  ont  été  parfaitement  exposés  par  Bu- 
zenet.  Il  peut  revêtir  deux  formes  bien  distinctes ,  soit  celle  dune  pus- 
tule semblable  à  la  pustule  d'ecthyma  (forme  ecthymateuse),  soit  celle 
d'une  ulcération  arrondie  (forme  ulcéreuse)  ;  la  dernière  forme  est  la  seule 
qu'on  rencontre  sur  la  membrane  muqueuse,  parce  que  la  pustule  se 
crève  de  bonne  heure  et  fait  place  à  un  ulcère.  Contrairement  à  ce  qui  a 
lieu  pour  les  autres  régions,  l'ulcération  est  toujours  très-superficielle  ; 
les  contours  de  la  plaie,  au  lieu  d'être  nettement  découpés  et  taillés  à 
pic  sont  affaissés  et  se  continuent  insensiblement  avec  les  parties  voisines; 
le  fond  est  lisse,  rougeàtre,  quelquefois  violacé,  et  il  n'est  pas  recouvert 
par  cette  matière  lardacée,  pseudo-membraneuse  dont  on  a  fait  le  carac- 
tère obligé  de  tout  chancre.  L'induration  est  tantôt  hémisphérique  et 
tantôt  parcheminée.  Une  particularité  remarquable  du  chancre  buccal, 
c'est  qu'il  ne  laisse  après  lui  qu'une  cicatrice  à  peine  apparente,  quel- 
quefois même  une  simple  macule  qui  s'efface  complètement  après  un 
certain  temps.  (Buzenet.)  Souvent  il  se  transforme  sur  place  en  plaque  mu- 
queuse. Inutile  d'ajouter  qu'il  s'accompagne  toujours  de  l'engorgement 
des  ganglions  qui  correspondent  à  la  région  affectée. 

Les  autres  ulcérations  syphilitiques  de  la  bouche  appartiennent  aux 
différentes  périodes  de  l'affection.  Les  accidents  précoces  y  sont  parti- 
culièrement communs.  Telles  sont  les  plaques  muqueuses  et  les  syphi- 
lides  secondaires. 

Les  plaques  muqueuses  se  montrent  surtout  sur  les  lèvres,  au  niveau 
des  commissures  ou  à  la  face  postérieure,  sur  les  bords  de  la  langue,  et 
au  niveau  de  l'isthme  du  gosier.  L'ulcération,  dans  les  plaques  mu- 
queuses, est  toujours  précédée  d'une  papule  grisâtre,  à  contours  nets, 
qui  est  la  lésion  élémentaire,  primitive,  tandis  que  l'ulcération  n'est 
qu'un  accident. 

Il  y  a  aussi  des  sypliilides  ulcéreuses  qui  apparaissent  assez  souvent 
dans  la  cavité  buccale.  Ici  le  travail  ulcératif  est  primitif  et  n'est  pas  pré- 
cédé d'une  autre  lésion  élémentaire.  Cette  variété  occupe  principalement 
les  lèvres,  les  joues  et  les  piliers  du  voile  du  palais.  Les  ulcérations, 
ordinairement  multiples,  sont  assez  profondes,  intéressant  une  partie  du 
derme  muqueux;  elles  sont  anfractueuses,  à  bords  irréguliers,  et  leur 
fond  est  recouvert  d'une  matière  sanieuse  et  grisâtre. 

A  une  période  plus  avancée  de  la  syphilis,  la  muqueuse  buccale  peut 
encore  être  le  siège  d'ulcérations  consécutives,  soit  à  des  tubercules  sous- 
muqueux,  soit  à  des  gommes  ou  à  des  lésions  osseuses.  Dans  ce  dernier 
cas,  la  voûte  palatine  en  est  le  lieu  d'élection.  D'autres  fois,  l'ulcération, 
au  lieu  d'être  symptomatique  dune  altération  des  os,  en  est,  au  contraire, 
la  cause.  On  voit  donc  que  tantôt  le  travail  morbide  s'étend  des  parties 
profondes  aux  parties  superficielles  ;  tantôt,  au  contraire,  il  commence 
par  celles-ci,  gagne  en  profondeur,  et  les  os  ne  s'altèrent  que  quand  ils 
ont  été  dénudés  par  le  travail  ulcératif. 


BOUCHE.    —   SIGNES    PHYSIQUES.  415 

Le  diagnostic  des  lésions  spécifiques  dont  nous  venons  de  parler  ne  pré- 
sente pas,  d'ordinaire,  de  bien  grandes  difficultés;  car,  indépendamment 
de  leurs  caractères  objectifs,  ces  lésions  se  distinguent  dans  un  grand 
nombre  de  cas  par  l'existence  simultanée  ou  antérieure  d'autres  manifes- 
tations syphilitiques,  telles  que  engorgements  ganglionnaires,  syphilides 
cutanées,  alopécie,  etc.  Le  traitement  sera  d'ailleurs,  dans  les  cas  douteux, 
un  excellent  critérium  :  on  sait  avec  quelle  surprenante  rapidité  on  voit 
disparaître,  sous  l'influence  de  la  médication  spécifique,  les  accidents  en 
apparence  les  plus  graves,  quand  ils  reconnaissent  pour  cause  la  sy- 
philis. 

Il  faut  savoir,  en  outre,  que  les  ulcérations  syphilitiques  de  la  bouche 
peuvent,  quand  elles  n'ont  pas  envahi  une  trop  grande  étendue  et  pro- 
duit des  désordres  considérables,  guérir  sans  laisser  aucune  trace;  ce 
caractère  permettra  quelquefois  d'établir  un  diagnostic  rétrospectif. 

La  diathèse  tuberculeuse  peut,  comme  la  diathèse  syphilitique,  donner 
lieu  à  des  ulcérations  des  muqueuses.  Les  ulcérât  ions  tuberculeuses  de  la 
bouche,  sur  lesquelles  Julliard  a  récemment  appelé  l'attention  d'une  ma- 
nière spéciale,  sont  beaucoup  moins  communes,  il  est  vrai,  que  celles  du 
larynx,  de  la  trachée  ou  de  l'intestin  :  cependant  on  les  rencontre  quel- 
quefois, et  si  quelques  auteurs  seulement  (Morgagni,  Baumes,  Frank, 
Bayle,  Dugès,  Ricord)  les  ont  signalées,  c'est  peut-être  qu'on  a  méconnu 
leur  nature,  et  qu'on  les  a  confondues  avec  les  ulcérations  ducs  à  la  sy- 
philis ou  au  cancer. 

La  phthisic  buccale,  suivant  l'expression  de  Ricord,  donne  lieu  à 
des  ulcérations  dont  voici  les  principaux  caractères  (Julliard)  :  elles  peu- 
vent se  développer  sur  tous  les  points  de  la  muqueuse  buccale  ;  cepen- 
dant elles  affectent  particulièrement  la  langue,  la  face  interne  des  joues 
et  les  gencives  ;  plus  souvent  encore,  le  pharynx  et  l'isthme  du  gosier.  Leur 
nombre  est  très-variable,  d'ordinaire  en  raison  inverse  de  leur  étendue; 
elles  n'affectent  pas  de  forme  spéciale  et  sont  souvent  comme  serpigineuses. 
La  surface  des  ulcérations  est  inégale  et  anfractucuse,  couverte  des  dé- 
bris de  la  muqueuse  et  d'une  abondante  couche  de  mucus  et  de  salive; 
elle  est  grisâtre,  quelquefois  parsemée  de  taches  ecchymotiques.  Les 
bords  sont  souples  et  formés  par  la  muqueuse  saine,  quand  l'ulcération 
est  récente  ;  plus  tard,  ils  deviennent  pâles,  durs  et  lardacés.  L'étendue 
et  la  profondeur  sont  très-variables,  depuis  1  ou  2  millimètres  de  diamè- 
tre jusqu'à  plusieurs  centimètres  de  surface;  d'abord  superficielles,  les 
ulcérations  gagnent  peu  à  peu  en  profondeur  jusqu'à  former  de  véritables 
cavités.  Elles  donnent  lieu  ordinairement  à  un  sentiment  de  gène,  quel- 
quefois même  de  douleur  et  de  cuisson,  et  à  une  salivation  abondante 
qui  nécessite  de  fréquents  efforts  d'expuition. 

Quant  à  leur  mode  de  formation,  Julliard  les  a  vues  procéder  d'une 
petite  pustule  du  volume  d'une  tète  d'épingle,  qui  se  transformait  bientôt 
en  une  ulcération;  puis  celle-ci  s'étendait  peu  à  peu,  se  confondait  avec 
d'autres  lésions  voisines,  et  ainsi  se  constituaient  ces  altérations,  qui 
peuvent  acquérir  un  développement  considérable. 


416  BOUCHE.    SIGNES    PHYSIQUES. 

Notons,  en  terminant  cette  étude  clinique  des  ulcérations  tuberculeuses 
de  la  bouche,  que  dans  tous  les  cas  observés  jusqu'ici,  on  a  observé,  con- 
curremment avec  les  lésions  buccales,  des  signes  évidents  de  tuberculi- 
sation  dans  d'autres  organes,  et  en  particulier  des  signes  de  tuberculisa- 
tion  pulmonaire.  Presque  toujours  aussi  les  malades  présentent  des 
phénomènes  qui  indiquent  l'existence  d'ulcérations  dans  les  voies 
aériennes  et  dans  le  tube  digestif;  il  semble  que,  dans  ces  cas,  la  diathèse 
tuberculeuse  ait  une  tendance  particulière  à  se  traduire  par  un  travail 
ulcératif  dans  les  différents  appareils.  (Julliard.) 

Les  ulcérations  scorbutiques  siègent  sur  les  gencives  principalement  ; 
leurs  bords  sont  flasques  et  spongieux,  la  muqueuse  qui  les  entoure  est 
boursouflée,  ramollie,  et  elle  saigne  au  moindre  contact;  la  surface  de 
l'ulcère  est  fongueuse,  d'un  rouge  violacé,  recouverte  de  pus  sanguino- 
lent; l'haleine  exhale  une  odeur  extrêmement  fétide.  Indépendamment 
de  ces  caractères,  le  diagnostic  est  éclairé  par  la  coexistence  des  autres 
symptômes  du  scorbut,  hémorrhagies  de  la  peau  et  des  muqueuses, 
œdème  des  membres  inférieurs,  pâleur  des  téguments. 

Les  ulcérations  cancéreuses  sont  d'ordinaire  assez  faciles  à  reconnaître. 
Elles  sont  précédées  par  une  tumeur  inégale,  bosselée,  occupant  la  pro- 
fondeur des  tissus,  et  débutant  le  plus  souvent  par  la  langue.  L'ulcéra- 
tion n'apparaît  qu'au  bout  d'un  temps  assez  long;  sa  surface  est  inégale, 
anfractueuse,  couverte  de  fongosités  d'où  s'écoule  un  liquide  sanieux  et 
ichoreux  d'une  fétidité  repoussante  ;  la  tumeur  est  le  siège  de  douleurs 
lancinantes,  et  elle  s'accompagne  de  tous  les  symptômes  de  la  cachexie 
cancéreuse. 

Nous  devons  appeler  plus  particulièrement  l'attention  sur  les  ulcéra- 
tions des  tumeurs,  qu'on  désigne  aujourd'hui  sous  le  nom  de  cancroïdes, 
tumeurs  épithéliales,  épithéliomes,  etc.  Ces  cancroïdes  sont  très-communs 
à  la  face,  et  la  bouche  constitue  pour  eux  un  véritable  lieu  d'élection; 
c'est  surtout  sur  le  bord  libre  des  lèvres,  et  en  particulier  à  la  lèvre  infé- 
rieure, qu'on  les  observe  :  sur  210  cas  rassemblés  par  Heurtaux,  la  lé- 
sion existe  75  fois  aux  lèvres  et  21  fois  aux  joues.  Les  ulcérations  n'ap- 
paraissent qu'après  un  certain  temps  ;  dès  l'abord,  la  maladie  est  consti- 
tuée par  une  petite  tumeur  que  forment  les  papilles  hypertrophiées  et  une 
couche  épidermique  épaissie,  fendillée,  ou  un  tubercule  exulcéré.  Par 
suite  de  frottements  intempestifs  ou  même  spontanément,  la  tumeur 
s'excorie,  et  il  se  forme  une  ulcération,  dont  voici  les  caractères  :  elle  est 
irrégulièrement  découpée  sur  ses  bords,  tantôt  creuse,  tantôt  couverte  de 
bourgeons  charnus;  elle  repose  sur  un  fond  induré,  résistant;  sa  surface 
est  d'un  gris  brunâtre,  elle  laisse  suinter  un  liquide  citrin  ou  jaunâtre 
qui  se  concrète  sous  forme  de  croules  cireuses  ;  quand  les  parties  sont 
vasculaires,  il  y  a  souvent  un  suintement  sanguin.  La  maladie,  arrivée  à  la 
période  d'ulcération,  suit  d'ordinaire  une  marche  progressive,  et  il  est 
rare  qu'on  la  voie  rétrograder  ;  elle  envahit  les  parties  voisines  de  la  peau, 
dont  elle  occupe  souvent  une  grande  surface,  et  en  même  temps  elle 
gagne  en  profondeur,  en  suivant  surtout  les  interstices  cellulcux  ;  les  gan- 


BOUCHE.    SIGNES    PHYSIQUES.  417 

glions  correspondants  à  la  région  malade  sont  engorgés.  Toutes  les  parties 
affectées  sont  le  siège  de  douleurs  lancinantes  parfois  très-vives. 

Rappelons,  pour  mémoire,  les  ulcérations  aphtheuses  dont  il  a  déjà 
été  question  (voy.  Aphthes)  ;  les  ulcérations  qui  succèdent  aux  éruptions 
herpétiques  des  lèvres  ou  de  la  bouche;  celles  qu'on  observe  dans  la  sto- 
matite mercurielle,  et  qui  sont  accompagnées  de  rougeur  et  de  gonfle- 
ment de  toute  la  muqueuse  buccale,  d'une  fétidité  particulière  de  l'ha- 
leine, dune  salivation  abondante  (voy.  Stomatite),  etc.;  celles  qui  sont 
secondaires  aux  éruptions  scrofuleuses  de  la  bouche,  et  dont  nous  avons 
parlé  dans  le  paragraphe  consacré  aux  éruptions.  Quant  aux  ulcérations 
qui  caractérisent  en  partie  la  stomatite  ulcéro-membraneuse,  nous  les 
étudierons  à  propos  des  fausses  membranes,  parce  que  celles-ci  consti- 
tuent dans  la  maladie  un  élément  au  moins  aussi  important  que  les  ulcé- 
rations, et  que  ces  deux  phénomènes  ne  sauraient  être  envisagés  iso- 
lément. 

Ainsi  qu'on  vient  de  le  voir,  les  ulcérations  de  la  bouche  sont  nom- 
breuses, variées,  et  un  grand  nombre  de  causes  peuvent  les  produire.  Si 
quelques-unes  d'entre  elles  présentent  des  caractères  spéciaux  qui  per- 
mettent de  les  reconnaître  à  coup  sûr,  la  plupart  ont  des  symptômes 
communs  qui  en  rendent  le  diagnostic  difficile  et  douteux.  Il  ne  faut  donc 
pas  s'en  tenir  aux  phénomènes  objectifs,  il  faut  y  joindre  la  recherche 
des  causes,  du  développement  de  la  lésion,  des  maladies  concomitantes,  de 
l'influence  du  traitement,  etc.;  comme  nous  l'avons  dit  en  commençant, 
c'est  sur  ces  éléments  nombreux  qu'on  devra  établir  un  diagnostic  dont 
dépendent  les  indications  pronostiques  et  thérapeutiques. 

Dépôts.  —  La  surface  de  la  muqueuse  buccale  peut  être  le  siège  d'un 
grand  nombre  de  dépôts  de  composition  diverse  :  ce  sont  des  pseudo- 
membranes, des  concrétions  variées  ;  des  parasites  développés,  soit  sur 
la  muqueuse  elle-même,  soit  secondairement  dans  les  produits  qui  la 
recouvrent. 

Les  pseudo-membranes,  c'est-à-dire  les  productions  morbides  déposées 
sur  la  muqueuse,  et  formées  ou  exsudées  par  la  partie  qu'elles  revêtent, 
présentent  les  plus  grandes  différences  dans  leur  origine,  et  partant  dans 
leur  signification  pathologique.  Mais  pour  les  distinguer  les  unes  des 
autres,  ce  n'est  pas  trop  d'avoir  égard  à  tous  leurs  caractères  ;  car  elles 
se  ressemblent  par  tant  de  côtés  qu'un  examen  superficiel  exposerait  sou- 
vent à  les  confondre. 

Comme  tous  les  produits  d'exsudation  formés  à  la  surface  des  muqueu- 
ses, les  pseudo-membranes  de  la  bouche  sont  blanches  ou  grisâtres,  à 
moins  qu'elles  ne  soient  le  siège  d'infiltrations  ou  d'épanchements  san- 
guins qui  modifient  leur  coloration.  Elles  diffèrent  surtout  les  unes  des 
autres  par  le  siège,  l'étendue,  la  configuration,  la  consistance,  l'adhérence 
aux  tissus  sous-jacents,  l'état  de  la  muqueuse  qu'elles  revêtent,  l'évolu- 
tion. Ce  sont  tous  ces  caratères  qui  serviront  principalement  à  établir  le 
diagnostic  de  la  maladie  à  laquelle  elles  appartiennent. 

Les  pseudo-membranes  sont  très-communes,  avons  nous  dit,  dans  les 

NOUV.    CICT.    MÉD.    ET    CUIR.  Y.    —   27 


418  BOUCHE.  —  signes  physiques. 

maladies  de  la  bouche  ;  nous  les  avons  déjà  rencontrées  dans  quelques- 
uns  des  actes  morbides  que  nous  avons  étudiés  précédemment,  ainsi  dans 
les  ulcérations  et  dans  les  éruptions;  elles  caractérisent  plusieurs  des 
maladies  spécifiques  de  la  muqueuse  buccale;  enfin  on  les  rencontre  dans- 
la  plupart  des  inflammations  simples  de  la  bouche,  et  même  dans  plu- 
sieurs maladies  fébriles.  On  voit  donc  que  l'exsudation  pelliculaire  s'ob- 
serve dans  nombre  de  maladies  qui  ne  sont  pas,  à  vraiment  parler, 
pseudo-membraneuses,  et  qu'il  est  des  cas  où  la  production  plastique  peut 
indiquer  seulement  une  irritation  locale  de  la  membrane  muqueuse  : 
«  L'observation  révèle,  dit  Gubler,  dans  les  inflammations  des  membranes 
muqueuses,  une  disposition  à  la  forme  exsudative  beaucoup  plus  prononcée 
que  dans  celle  de  la  peau.  »  C'est  précisément  cette  disposition  qui  fait 
que  les  pseudo-membranes  sont  si  communes  dans  les  différents  états 
morbides  de  la  bouche,  et  que  la  valeur  de  ce  symptôme  est  très-variable 
suivant  les  conditions  dans  lesquelles  il  se  produit. 

La  pseudo-membrane  est  l'élément  essentiel  de  la  diphthérie  buccale  ; 
elle  se  montre  comme  élément  important  dans  la  stomatite  ulcéro-mcm- 
braneuse,  dans  le  muguet,  dans  l'herpès  buccal,  dans  les  stomatites 
accompagnées  d'ulcérations  de  la  muqueuse  (stomatite  mercurielle,  par 
le  tartre  stihié,  etc.),  dans  les  ulcérations  syphilitiques.  Dans  les  fièvres 
et  les  maladies  fébriles,  elle  n'a  que  la  valeur  d'un  simple  épiphénomène. 
Quelques  mots  seulement  sur  les  caractères  de  ces  différentes  espèces. 

Dans  la  diphthérie  buccale,  la  maladie  siège  particulièrement  à  la  face- 
postérieure  des  lèvres,  aux  gencives  et  à  la  partie  interne  des  joues.  Sur 
la  muqueuse  qui  est  d'abord  rouge  et  gonflée,  on  voit  apparaître  ça  et  là 
des  plaques  blanches,  grisâtres,  assez  étendues,  qui  gagnent  de  proche  en 
proche,  se  confondent  entre  elles  et  finissent  par  occuper  des  surfaces  très- 
larges.  A  leur  niveau,  la  muqueuse  paraît  érodée  et  même  ulcérée  ;  mais  ce 
n'est  là  qu'une  apparence;  car  si  l'on  détache  la  fausse  membrane,  on 
voit  qu'au-dessous  d'elle  la  muqueuse  ne  présente  aucune  solution  de 
continuité.  La  plaque  membraneuse  semble  en  outre  enchâssée  dans  le 
derme  muqueux,  dont  le  gonflement  forme  comme  un  bourrelet  autour 
d'elle.  La  fausse  membrane  elle-même  est  grisâtre  ou  jaunâtre,  très-adhé- 
rente aux  tissus  sous-jacents;  quelquefois  elle  est  brune  et  mêmenoirâtrer 
lorsque  du  sang  s'est  infiltré  dans  ses  interstices.  Quand  on  la  détache, 
elle  se  reproduit  avec  la  plus  grande  facilité  et  très-promptement.  En, 
même  temps  l'haleine  exhale  une  odeur  fétide,  quelquefois  gangreneuse, 
et  les  ganglions  sous-maxillaires  sont  engorgés.  Ces  caractères  ont  fait 
prendre  pendant  longtemps  la  diphthérie  buccale  pour  une  maladie  gan- 
greneuse, jusqu'à  ce  que  les  travaux  de  Bretonneau  aient  définitivement 
renversé  cette  erreur  et  montré  la  véritable  nature  de  la  maladie. 

Les  pseudo-membranes  dont  nous  venons  de  parler  sont,  dans  l'im- 
mense majorité  des  cas,  la  manifestation  d'une  maladie  spécifique  par 
excellence,  la  diphthérie;  cependant  elles  peuvent  dépendre  aussi  d'une 
autre  cause;  la  syphilis  peut  les  produire.  Sous  le  nom  de  diphthérite 
syphilitique  secondaire,    A.  Martin  a  décrit  une  maladie  qui  se  déve- 


BOUCHE.    SIGNES    PHYSIQUES.  4J^ 

loppe  quelquefois  sur  la  muqueuse  buccale,  bien  que  les  organes  génitaux 
externes  soient  son  lieu  d'élection.  Sur  la  muqueuse  des  lèvres  ou  des 
gencives,  rouge  sans  gonflement  notable,  il  se  forme  une  plaque  pseudo- 
membraneuse d'un  blanc  mat,  très-peu  épaisse,  assez  adhérente,  dépas- 
sant à  peine  le  niveau  de  la  muqueuse,  entourée  d'une  auréole  rouge  peu 
étendue;  l'examen  histologique  de  la  fausse  membrane  a  montré  qu'on 
y  trouvait  tous  les  éléments  constitutifs  de  la  diphthérite  ordinaire. 
Martin  a  parfaitement  établi  que  cette  maladie  était  une  manifestation 
assez  fréquente  de  la  syphilis  secondaire.  Il  ne  sera  pas  ordinairement 
difficile  de  la  reconnaître  et  de  la  distinguer  de  la  vraie  diphthérie;  à 
ses  caractères  objectifs  se  joindront,  pour  faciliter  le  diagnostic,  l'absence 
de  phénomènes  généraux  graves  et  la  coïncidence  d'autres  accidents  sy- 
philitiques. 

La  stomatite  iilcéro-membraneuse  des  enfants  et  des  soldats  (voyez  ce 
mot),  est  caractérisée  par  des  ulcérations  de  forme  et  d'étendue  variables, 
recouvertes  d'un  produit  pseudo-membraneux,  et  accompagnées  toujours 
d'une  salivation  abondante,  d'une  fétidité  extrême  de  l'haleine  et  d'un 
engorgement  des  ganglions  sous-maxillaires.  L'ulcération,  qui  est  quel- 
quefois précédée  d'une  vésico-pustule,  est  d'abord  circonscrite,  superfi- 
cielle, recouverte  d'une  plaque  membraneuse  molle  et  jaunâtre;  plus  tard 
elle  s'étend  et  en  même  temps  se  creuse  ;  elle  se  recouvre  alors  d'une 
bouillie  grisâtre  et  comme  plâtreuse,  surtout  au  niveau  des  gencives  et 
autour  du  collet  des  dents  (Bergeron);  à  la  face  interne  des  joues,  on 
trouve  des  plaques  assez  étendues,  quelquefois  infiltrées  de  sang.  La  ma- 
ladie occupe  particulièrement  le  vestibule  de  la  bouche,  et  elle  y  reste  le 
plus  souvent  limitée  :  cependant,  ainsi  que  l'a  établi  Bergeron,  elle  peut 
envahir  le  reste  de  la  cavité  buccale  et  même  la  gorge.  L'examen  anato- 
mique  a  montré  que,  dans  la  stomatite  ulcéro-membraneuse,  la  plaque 
jaune  du  début  n'est  pas  un  produit  d'exsudation,  mais  une  partie  spha- 
célée  de  la  muqueuse  buccale;  qu'après  la  chute  de  cette  partie,  la 
muqueuse  ulcérée  et  mise  à  nu  à  une  profondeur  variable,  se  recouvre 
d'une  production  plastique  analogue  à  celle  qu'on  trouve  dans  les  autres 
ulcérations  de,  la  bouche,  et  empruntant  seulement  à  la  région  des  ca- 
ractères particuliers  (Laboulbène). 

Quant  aux  exsudais  (V aspect  pseudo-membraneux  qui  se  développent 
sur  les  parties  ulcérées  de  la  bouche,  dans  l'herpès  buccal,  les  aphthesr 
la  stomatite  mercurielle,  stibiée,  etc,  ils  présentent  tous  les  mêmes  carac- 
tères :  ce  sont  des  plaques  d'un  blanc  grisâtre,  de  forme  variable,  en- 
châssées dans  la  muqueuse  qui  forme  un  petit  bourrelet  autour  d'elles  ; 
leur  consistance  est  assez  ferme,  et  elles  adhèrent  intimement  aux  tissus 
sous-jacents.  Leur  composition  est  identique  dans  tous  les  cas  :  on  y 
trouve  des  globules  de  pus  et  des  globules  pyoïdes,  de  la  fibrine,  mêlés  à 
des  cellules  d'épithélium  et  à  du  mucus;  ce  sont,  par  conséquent,  des 
produits  d'inflammation  et  des  produits  cicatriciels  mêlés  aux  éléments 
normaux  de  la  sécrétion  buccale. 

Dansun  certain  nombre  de  maladies  aiguës  fébriles,  dans  les  fièvres  et 


A20  BOUCHE.  —  signes  physiques. 

particulièrement  dans  la  fièvre  typhoïde,  on  voit  souvent  apparaître  sur 
la  muqueuse  du  rebord  alvéolo-dentaire,  surtout  au  niveau  des  incisives 
inférieures,  une  sorte  de  pellicule  mince,  blanchâtre,  qui  a  reçu  le  nom 
de  bandelette  nacrée,  et  qui  est  formée  par  une  simple  desquamation 
épithéliale.  Ce  symptôme  n'a  pas  une  bien  grande  valeur  diagnostique, 
parce  qu'on  le  rencontre  dans  plusieurs  maladies  très-différentes  les  unes 
des  autres.  On  trouve  aussi  ce  dépôt  surabondant  d'épithélium,  mais 
répandu  sur  toute  la  muqueuse  de  la  bouche  et  même  de  la  gorge,  dans 
la  période  ultime  des  maladies  chroniques,  de  la  phthisie  par  exemple, 
dans  les  diarrhées  rebelles  et  prolongées. 

Outre  les  dépôts  que  nous  venons  de  mentionner,  et  qui  sont  consti- 
tués par  des  produits  d'exsudation  ou  par  les  éléments  qui  recouvrent 
normalement  la  membrane  muqueuse,  on  peut  en  trouver  d'autres  qui 
sont  formés  en  totalité  ou  en  partie  par  des  végétaux  parasites  développés 
dans  la  cavité  buccale. 

Entre  tous,  le  parasite  du  muguet  doit  occuper  le  premier  rang.  Ainsi 
que  l'a  démontré  Robin,  les  petites  plaques  jaunâtres,  d'aspect  pseudo- 
membraneux, qui  constituent  le  muguet,  sont  formées  en  grande  partie 
par  les  spores  et  les  filaments  tubulcux  d'un  végétal,  Y  Oïdium  albicans 
(Ch.  R.),  mélangés  à  des  cellules  épithéliales.  Nous  n'avons  pas  à  nous  occu- 
per ici  du  muguet  qui  sera  étudié  dans  un  article  spécial  (voyez  Muguet); 
mais  nous  devons  observer  qu'il  ne  constitue  pas  une  maladie  à  part, 
mais  seulement  un  symptôme  qui  se  produit  dans  des  conditions  variées. 
Tantôt  en  effet,  il  indique  une  irritation  toute  locale  de  la  bouche;  la 
muqueuse  se  dépouille  et  devient  d'un  rouge  luisant,  puis  sécrète  une 
matière  fibrineuse  dans  laquelle  se  développe  le  parasite  végétal  :  c'est  le 
muguet  des  nouveau-nés.  Tantôt  il  apparaît  à  la  période  ultime  des 
maladies  chroniques,  dans  les  états  morbides  qui  ont  porté  une  atteinte 
profonde  aux  fonctions  nutritives,  à  la  suite  des  longues  diarrhées  :  c'est 
le  muguet  des  adultes,  qu'on  peut  observer  aussi  chez  les  enfants.  Epi- 
phénomène  presque  insignifiant  dans  le  premier  cas,  le  muguet  prend, 
dans  les  conditions  que  nous  avons  énumérées  en  dernier  lieu,  une  va- 
leur pronostique  importante,  et  de  la  plus  haute  gravité,  car  il  annonce 
presque  toujours  une  fin  prochaine. 

On  a  encore  rencontré  dans  la  bouche  deux  autres  parasites  végétaux  ; 
ce  sont  le  mjptococcus  cerevisix  et  le  leptothrix  buccalis.  Ceux-ci  ne 
forment  pas,  comme  le  muguet,  des  dépôts  visibles  à  l'œil  nu  ;  on  ne  les 

trouve  qu'en  examinant  au  microscope  cer- 
tains des  produits  formés  dans  la  cavité 
buccale. 

Le  mjptococcus  cerevisix    (fîg.  20)    est 
«  composé  de  cellules    rondes   ou    ovales, 
Fie.  20.  -  Crypiococcus  cerevisix.   ayant  0mm,004  à  0m,n,007,    et   renfermant 

quelquefois  un  ou  deux  corpuscules  plus 
petits.  Ces  cellules  se  multiplient  par  des  bourgeons  qui  poussent  sur  un 
ou  plusieurs  côtés  de  chaque  cellule;  ils  atteignent  bientôt  le  volume  du 


BOUCHE.    —   SIGNES    PHYSIQUES.  4:M 

corpuscule  primitif.  Ceux-ci  donnent  d'autres  bourgeons,  d'où  résulte 
bientôt  un  chapelet  de  cellules  ordinairement  un  peu  allongées,  mais  ne 
formant  jamais  de  tiges  cylindriques;  ces  chapelets  sont  constitués  de 
trois  à  cinq  cellules.  »  (Robin.)  Ce  végétal  se  développe  dans  diverses 
circonstances,  et  on  le  rencontre  plus  souvent  dans  les  autres  parties  du 
canal  alimentaire  que  dans  la  bouche;  cependant  Ilannover  l'a  signalé 
dans  l'enduit  noirâtre  de  la  bouche  chez  des  individus  atteints  de  fièvre 
typhoïde,  et  Lebert  l'a  rencontré  dans  un  enduit  pultacé  de  la  bouche, 
chez  une  femme  atteinte  d'une  altération  chronique  de  l'utérus. 

Le  leptothrix  buccalis  (Ch.  Robin)  est  formé  de  filaments  ou  bâtonnets 
très-ténus,  ordinairement  droits  et  coudés  brusquement  (fig.  21),  à 
bords  nets,  extrémités  non  effilées,  largeur 
de  0mm,001  au  plus  dans  toute  leur  longueur, 
laquelle  varie  de  0mm,020  à  0mm,100  ou 
même  davantage.  (Robin.)  Ces  filaments  adhè- 
rent par  touffes  aux  cellules  épithéliales  et 
aux  détritus  moléculaires.  Le  leptothrix  se 
développe  à  l'état  normal  sur  la  muqueuse 
linguale  et  sur  les  dents  pendant  le  sommeil. 
On  le  trouve  aussi  dans  le  tartre  dentaire,  et 
dans  la  matière  pulpeuse  qui  s'accumule 
dans  l'intervalle  des  dents  et  résulte  de  la 
décomposition  de  parcelles  organiques.  Le 
végétal  se  l'orme  surtout  à  la  surface  des  ma-  Fig.  21.  —  Leptothrix  buccalis. 
tières  organiques  altérées,  et  provenant  soit 

de  substances  alimentaires  en  voie  de  putréfaction,  soit  de  détritus  d'épi- 
thélium  ou  de  mucus  desséché  et  altéié.  Laboulbène  a  rencontré  le  lep- 
tothrix dans  la  plupart  des  concrétions  pseudo-membraneuses  qui  prennent 
naissance  sur  la  muqueuse  buccale,  dans  le  muguet,  dans  la  stomatite 
ulcéro-meinbraneuse,  dans  la  couche  concrète  des  plaques  herpétiques 
ulcérées,  etc. 

Rappelons  encore,  en  terminant,  que  l'apparition  de  ces  parasites  dans  la 
bouche  n'indique  pas  une  maladie  spéciale  de  cet  organe;  on  les  voit  se  for- 
mer dans  un  grand  nombre  de  circonstances  où  les  liquides  buccaux  sont 
altérés,  surtout  dans  les  cas  où  ces  liquides  ont  pris  une  réaction  acide  ou 
bien  ont  subi  un  commencement  de  décomposition  putride.  Ces  condi- 
tions se  produisent  dans  des  états  normaux  ou  pathologiques  trop  nom- 
breux et  trop  différents  pour  qu'on  puisse  attacher  au  développement  des 
parasites  une  grande  valeur  diagnostique. 

Enfin  la  bouche  peut  présenter  des  dépôts  de  composition  variée,  for- 
més de  mucus,  de  salive,  de  sang,  de  muco-pus,  lorsque  ces  liquides  se 
sont  desséchés  à  l'air  ;  ils  forment  alors  des  concrétions  plus  ou  moins 
étendues,  plus  ou  moins  adhérentes,  dont  il  importe  de  déterminer  la  na- 
ture. Les  dépôts  formés  par  la  salive  et  le  mucus  concrètes  se  rencontrent 
principalement  dans  les  fièvres  et  les  phlegmasies  intenses  et  accompa- 
gnées d'un  état  fébrile  très-développé  :  ils  indiquent  souvent  un  état  ady- 


422  BOUCHE.  —  signes  physiques. 

namique.  Il  faut  prendre  garde  de  rapporter  à  ce  symptôme  morbide  la 
sécheresse  de  la  cavité  buccale  qui  survient  chez  les  individus  qui  respi- 
rent la  bouche  ouverte.  Lorsqu'il  se  mêle  aux  produits  précédents  du 
sang  provenant  de  petites  gerçures  de  la  muqueuse  buccale,  on  a  les  fuli- 
ginosités;  celles-ci  se  déposent  sur  les  lèvres,  les  dents,  la  langue  et  la 
face  interne  des  joues,  elles  y  forment  des  enduits  bruns  ou  noirs,  vis- 
queux, collants,  qui  embarrassent  la  bouche  des  malades  et  adhèrent  assez 
fortement  à  la  muqueuse.  Les  fuliginosités  sont  un  des  symptômes  im- 
portants de  l'état  adynamique;  on  les  observe  particulièrement  dans  la 
lièvre  typhoïde,  dans  la  pneumonie  des  vieillards,  etc.  On  doit  les  regar- 
der comme  un  signe  dangereux  et  d'un  pronostic  grave,  parce  que  l'état 
de  l'économie  auquel  elles  se  lient  présente  lui-même  une  grande  gra- 
vité. 

Chez  les  ouvriers  qui  manient  le  plomb  et  sont  exposés  aux  poussières 
saturnines,  les  gencives  présentent  habituellement  une  coloration  bleuâ- 
tre ou  noirâtre,  surtout  au  voisinage  de  leur  bord  libre;  quelquefois  cette 
coloration  s'étend  jusque  sur  la  couronne  des  dents.  Ce  symptôme,  qu'on 
désigne  sous  le  nom  de  liséré  saturnin,  est  dû  à  un  dépôt  sur  la  muqueuse 
des  poussières  saturnines,  précipitées  et  rendues  insolubles,  à  l'état  de 
sulfure  de  plomb,  par  l'hydrogène  sulfuré  qui  se  dégage  dans  la  bouche. 
Le  liséré  n'indique  donc  pas,  comme  on  l'avait  pensé,  une  intoxication 
saturnine,  il  indique  seulement  que  l'individu  qui  le  porte  a  été  en  con- 
tact avec  des  préparations  de  plomb.  (Grisolle.)  Cependant,  comme  on  le 
rencontre  chez  tous  les  individus  qui  présentent  des  accidents  saturnins, 
on  doit  rechercher  son  existence  toutes  les  fois  qu'on  peut  soupçonner 
une  affection  saturnine,  et  souvent  il  contribue  à  éclairer  le  diagnostic 
•d'une  maladie  dont  la  nature  était  demeurée  douteuse. 

Tumeurs,  — Nous  ne  ferons  que  signaler  ici  l'existence  de  certaines  tu- 
meurs qui  peuvent  avoir  leur  siège  dans  les  parois  buccales.  L'étude  de 
ces  tumeurs  n'appartient  pas,  à  vraiment  dire,  à  la  sémiotique  de  la 
bouche. 

Onjpeut  observer  aux  lèvres  et  aux  joues  des  furoncles,  des  abcès;  des 
kystes  qui  siègent  habituellement  près  de  leur  face  muqueuse  et  sont  con- 
stitués par  des  follicules  muqueux  dont  le  goulot  s'est  oblitéré  (les  tumeurs 
kystiques  situées  dans  le  plancher  de  la  bouche,  et  connues  sous  le  nom 
de  grenouillette,  ne  sont  le  plus  souvent  qu'une  variété  de  kystes  salivai- 
res);  des  tumeurs  cancéreuses;  souvent  des  tumeurs  érectiles  occupant  la 
face  cutanée  ou  la  face  muqueuse,  dans  quelques  cas  toute  l'épaisseur  des 
lèvres  et  des  joues,  etc. 

Il  se  forme  quelquefois,  dans  l'épaisseur  des  gencives  de  petits  phleg- 
mons ou  des  abcès,  presque  toujours  symptomatiques  d'une  carie  den- 
taire ou  de  l'introduction  dans  le  tissu  muqueux  de  quelque  corps  étran- 
ger. 

Enfin  les  gencives  et  la  mâchoire  peuvent  présenter  un  certain  nombre 
de  tumeurs  formées,  soit  par  des  fongosités  de  la  muqueuse,  soit  par  une 
hypertrophie  de  cette  membrane,  soit  encore  par  des  tissus  cancéreux  ou 


BOUCHE.    SIG.NES    FONCTIONNELS.  425 

fibro-plastiques,  etc.  Ces  tumeurs,  longtemps  confondues  sous  le  ternie 
générique  d'épidis,  sont  très-différentes  les  unes  des  autres  ;  les  recher- 
ches modernes  ont  beaucoup  élucidé  leur  histoire,  et  l'expression  sous 
laquelle  on  les  confondait  tend  elle-même  à  disparaître. 

Signes  fonctionnel».  —  Plusieurs  des  troubles  fonctionnels  que 
peut  présenter  la  bouche  ne  lui  appartiennent  pas  en  propre;  ils  font 
partie  d'un  ensemble  de  phénomènes  étendus  en  même  temps  à  d'autres 
parties,  et  il  n'y  aurait  aucun  avantage  à  les  en  séparer,  leur  valeur 
comme  signes  étant  étroitement  liée  à  leur  coïncidence  avec  ces  phéno- 
mènes. Il  en  est  d'autres,  au  contraire,  qui  sont  spéciaux  à  la  bouche,  et 
peuvent  fournir  des  signes  diagnostiques  et  pronostiques  d'une  certaine 
valeur.  Nous  ne  ferons  qu'indiquer  les  premiers,  dont  l'étude  sera  mieux 
placée  ailleurs;  et  nous  nous  réserverons  d'insister  sur  les  seconds  qui 
•ressortissent  seuls  à  notre  sujet. 

Mouvements.  —  Les  mouvements  de  la  bouche  fournissent  à  la  sé- 
miotique  plusieurs  caractères  importants.  Dans  l'examen  du  faciès,  qui 
ipeut  donner  en  clinique  des  signes  d'une  si  grande  valeur,  le  médecin 
doit  s'attacher  d'une  façon  toute  spéciale  à  l'examen  de  la  bouche,  parce 
que  celle-ci  est  une  des  parties  qui  concourent  pour  la  plus  grande  part 
aux  modifications  de  la  physionomie. 

Des  lèvres  un  peu  saillantes  en  avant,  demi-écartées  et  immobiles,  don- 
nent à  la  figure  une  expression  de  stupeur  toute  particulière  :  cet  état 
s'observe  d'une  manière  permanente  chez  les  idiots,  et  aussi  chez  les  in- 
dividus qui,  pour  une  cause  quelconque,  ne  peuvent  respirer  par  le  nez, 
par  exemple  chez  les  enfants  qui  ont  une  hypertrophie  ancienne  des  amyg- 
dales et  qui  respirent  habituellement  la  bouche  ouverte;  on  le  rencontre 
«gaiement  dans  le  cours  de  quelques  maladies  et  il  est  un  des  signes  qui 
caractérisent  l'état  adynamique.  Au  contraire,  des  lèvres  appliquées  contre 
les  arcades  alvéolaires,  amincies  et  serrées,  se  voient  souvent  dans  les 
maladies  accompagnées  d'une  excitation  nerveuse  considérable,  dans  la 
méningite,  l'ataxie  des  fièvres,  etc.  Quand  les  commissures  labiales  sont 
•en  même  temps  tirées  en  dehors,  c'est  le  rire  sardonique,  ordinairement 
lié  aux  mêmes  maladies.  Lorsque,  avec  de  mauvais  signes,  la  lèvre  supé- 
rieure est  retirée,  et  que  l'inférieure  est  pendante  et  tremblante,  la  mort 
n'est  pas  loin.  (Landré-Beauvais.) 

Les  mâchoires  sont  maintenues  dans  une  immobilité  permanente,  et 
habituellement  fermées,  lorsqu'il  y  a  autour  d'elles  des  tumeurs  qui  gê- 
nent ou  empêchent  leurs  mouvements;  ainsi  les  tumeurs  de  la  parotide, 
des  glandes  ou  des  ganglions  qui  entourent  le  maxillaire  inférieur.  Dans 
les  inflammations  violentes  des  amygdales  et  les  gonflements  phlegmo- 
neux  des  tissus  sous-maxillaires,  les  mouvements  sont  surtout  empêchés 
par  la  douleur  qu'ils  provoquent.  Les  luxations  et  les  fractures  de  la  mâ- 
choire inférieure  immobilisent  pareillement  la  bouche,  et  celle-ci  pré- 
sente des  délormations  variables  suivant  la  nature  de  la  lésion. 

La  paralysie  affecte  rarement  tous  les  muscles  de  la  bouche;  presque 
toujours  elle  est  limitée  à  un  coté  ou  à  certains  groupes  musculaires. 


424  BOUCHE.  —  sigxes  fonctionnels. 

Celle  qui  affecte  les  muscles  masticateurs  est  extrêmement  rare  :  elle 
indique  une  altération  de  la  branche  motrice  de  la  cinquième  paire. 
Comme  elle  n'atteint  que  les  muscles  d'un  côté,  les  mouvements  du 
maxillaire  inférieur  ne  continuent  pas  moins  à  s'exécuter  par  la  contrac- 
tion des  muscles  du  côté  opposé  ;  mais  le  rapprochement  de  la  mâchoire 
du  côté  malade  manque  d'énergie,  et  la  bouche  est  un  peu  déviée  vers  le 
côté  sain.  Cette  paralysie  peut  coïncider  avec  la  perte  de  la  sensibilité 
dans  le  côté  correspondant  de  la  face,  lorsque  la  lésion  atteint  le  nerf 
trijumeau  tout  entier. 

Les  muscles  des  lèvres  et  des  joues  sont  paralysés  de  tout  un  côté  dans 
l'hémiplégie,  que  celle-ci  soit  étendue  à  la  moitié  du  corps  ou  bornée  à 
la  face.  La  bouche  présente  alors  des  signes  très-importants  :  l'ouverture 
des  lèvres  est  déviée  vers  le  côté  sain  ;  la  commissure  labiale  correspondante 
aux  muscles  paralysés  est  abaissée  et  en  môme  temps  rapprochée  de  la 
ligne  médiane,  tandis  que  celle  du  côté  opposé  est  relevée  et  tirée  vers 
l'oreille.  Cette  difformité,  peu  prononcée  quand  la  figure  est  calme  et  im- 
mobile, devient  très-accusée  dès  que  le  malade  parle  ou  qu'il  rit;   les 
lèvres  se  soulèvent  et  s'écartent  à  chaque  mouvement  d'expiration,  refou- 
lées par  l'air  qui  tend  à  passer  par  la  bouche.  La  joue  paralysée  est  aplatie, 
elle  paraît  plus  étendue  que  l'autre  ;  le  sillon  qui  la  sépare  de  la  lèvre  est 
presque  effacé.  Si  le  malade  veut  souffler,  la  joue  se  gonfle  et  l'air  s'é- 
chappe avec  bruit;  c'est  ce  qu'on  a  appelé  fumer  la  pipe.  Enfin,  la  masti- 
cation est  gênée,  parce  que  les  aliments  tombent  incessamment  dans  le 
vestibule  de  la  bouche  et  ne  peuvent  être  ramenés  sous  les  arcades  den- 
taires ;  la  parole  est  embarrassée,  et  la  prononciation  de  certaines   con- 
sonnes est  très-imparfaite.  Nous  ne  parlons  pas  de  la  difformité  du  visage, 
qui  dépend  de  la  déviation  des  autres  parties  de  la  face  aussi  bien  que  de 
celle  de  la  bouche. 

Dans  une  maladie  singulière,  que  Duchenne  (de  Boulogne)  a  décrite  le 
premier  comme  espèce  morbide  distincte  sous  le  nom  de  paralysie  mus- 
culaire progressive  de  la  langue,  du  voile  du  palais  et  des  lèvres,  la  mala- 
die envahit  successivement  les  muscles  des  organes  que  nous  venons  d'in- 
diquer, en  affaiblit  graduellement  la  contractilité,  sans  toucher  aucun  des 
muscles  qui  appartiennent  aux  régions  voisines.  On  conçoit  quels  troubles 
cette  maladie  apporte  dans  l'articulation  des  mots  et  la  déglutition.  Lors- 
que la  paralysie  est  arrivée  à  son  entier  développement,  le  sujet  n'émet 
plus  que  des  sons  inarticulés,  et  quand  il  veut  avaler,  les  liquides  et  même 
le  bol  alimentaire  repassent  par  ses  lèvres  et  par  ses  narines,  et  quelque- 
fois s'engagent  dans  larynx  (Duchenne)  ;  la  salive  s'écoule  constamment 
de  la  bouche.  Dans  tous  les  cas  observés  jusqu'ici,  la  marche  de  la  mala- 
die a  toujours  été  progressive,  et  la  terminaison  par  la  mort  est  arrivée 
après  un  temps  variable  de  six  mois  à  deux  ou  trois  ans, 

Les  convulsions  des  muscles  de  la  bouche  sont  très-communes.  Elles 
existent,  et  à  un  degré  très-marqué,  dans  la  plupart  des  maladies  convul- 
sives  qui  envahissent  la  totalité  du  corps.  Ainsi,  dans  l'attaque  d'épilepsie, 
les  lèvres  sont  d'abord  violemment  contractées,  puis   agitées  de  petits 


BOUCHE.    SIGNES   FONCTIONNELS.  425 

mouvements  qui  se  succèdent  avec  rapidité;  la  contraction  convulsive 
étant  toujours  plus  prononcée  d'un  côté  que  de  l'autre,  l'ouverture  de  la 
bouche  est  entraînée  à  droite  ou  à  gauche.  Cette  rétraction  des  lèvres, 
qui  donne  à  la  physionomie  une  expression  hideuse,  a  reçu  le  nom  de 
spasme  cynique.  Les  mômes  phénomènes  s'observent  dans  l'éclampsie, 
dans  quelques  attaques  d'hystérie.  Dans  le  tétanos,  la  convulsion  est 
souvent  égale  des  deux  côtés,  les  deux  commissures  labiales  sont  égale- 
ment rétractées,  ce  qui  produit  le  rire  sardonique  dont  nous  avons  déjà 
parlé. 

La  bouche  participe  aussi  à  l'agitation  générale  des  muscles  qui  carac- 
térise la  chorée  ;  les  lèvres  exécutent  des  grimaces  singulières,  et  les 
mâchoires  sont  entraînées  de  côté  et  d'autre.  En  outre,  les  choréiques 
font  souvent  entendre  un  bruit  comparable  à  celui  du  baiser,  produit  par 
un  rapprochement  brusque  des  lèvres  suivi  d'une  aspiration  rapide.  L'ir- 
régularité des  mouvements  delà  bouche,  dans  la  même  maladie,  entraîne 
d'ordinaire  des  désordres  très-accusés  dans  la  prononciation  et  la  mas- 
tication. 

Enfin,  dans  le  tétanos  et  dans  certaines  maladies  convulsives,  les  mâ- 
choires sont  serrées  avec  force  l'une  contre  l'autre  par  la  convulsion  to- 
nique des  muscles  destinés  à  les  rapprocher,  et  l'on  peut  sentir  à  travers 
les  joues  la  dureté  des  masséters  violemment  contractés. 

La  mâchoire  inférieure  est  quelquefois  agitée  de  mouvements  convul- 
sifs,  qui  donnent  lieu  au  mâchonnement  ou  grincement  des  dents.  Le 
mâchonnement  s'observe  chez  quelques  enfants,  môme  dans  l'état  de 
santé,  surtout  pendant  le  sommeil;  il  peut  dépendre  d'une  irritation  de 
la  bouche  produite  par  l'éruption  ou  la  carie  des  dents,  d'une  névralgie 
faciale,  etc.  Le  grincement  des  dents,  qui  ne  diffère  du  phénomène  pré- 
cédent que  par  sa  plus  grande  intensité,  se  rencontre  dans  les  mômes 
circonstances,  et  en  outre  dans  certaines  maladies  des  centres  nerveux, 
telles  que  l'hydrocéphalie,  les  tumeurs  du  cerveau,  dans  les  convulsions 
générales,  l'épilepsie,  l'hystérie,  dans  l'aliénation  mentale. 

Les  convulsions  se  bornent,  dans  quelques  circonstances  à  certains  mus- 
cles ou  à  certains  groupes  musculaires;  on  désigne  sous  le  nom  générique 
de  tics  ces  contractions  convulsives  limitées.  Les  tics  sont  très-communs  à 
la  face,  et  aux  muscles  de  la  bouche  en  particulier.  Quelques  personnes 
en  sont  affectées,  sans  que  cela  soit  chez  elles  un  signe  de  maladie;  on 
les  voit  par  intervalles,  et  surtout  quand  elles  sont  impressionnées  par 
une  cause  quelconque,  exécuter  de  petits  mouvements  des  lèvres  ou  des 
commissures  labiales,  sortes  de  grimaces  souvent  très-bizarres.  La  névral- 
gie faciale  s'accompagne  quelquefois  de  ces  contractions  involontaires,  et 
prend  alors  le  nom  de  tic  douloureux. 

Enfin,  on  peut  observer  aussi  la  contracture  partielle  des  muscles  des 
lèvres  ou  des  joues  ;  cette  contracture,  quelquefois  idiopathique,  peut 
être  la  suite  de  l'hémiplégie  faciale  rhumatismale,  et  elle  arrive  assez 
souvent  pendant  ou  après  le  traitement  par  la  faradisation  localisée.  (Du- 
chenne,  de  Boulogne.) 


426  BOUCHE.  —  signes  fonctionnels. 

Enfin,  les  lèvres  peuvent  être  agitées  de  petits  mouvements  rapides  et 
peu  étendus,  d'un  tremblement  qui  indique  la  faiblesse  et  l'irrégularité 
de  la  contraction  musculaire  ;  ce  tremblement  s'accompagne  d'embarras 
de  la  parole  et  de  difticulté  de  la  prononciation.  On  l'observe  dans  l'état 
adynamique  ;  mais  il  existe  principalement  dans  la  paralysie  générale,  où 
l'on  voit  se  produire,  surtout  quand  le  malade  parle,  un  petit  mouvement 
saccadé  vers  le  milieu  du  sillon  qui  sépare  la  lèvre  de  la  joue  et  dans  la 
lèvre  elle-même. 

Sensibilité.  —  La  plupart  des  maladies  de  la  bouche  amènent  diffé- 
rents troubles  de  la  sensibilité  ;  celle-ci  est  très-exaltée  dans  les  stomatites, 
dans  le  muguet,  ou  lorsque  la  muqueuse  est  le  siège  d'aphthes  ou  d'ul- 
cérations diverses;  le  malade  éprouve  alors  des  sensations  de  chaleur  brû- 
lante, de  picotements  très-pénibles.  La  sensibilité  générale  de  la  bouche 
est  altérée,  tantôt  diminuée,  tantôt  exagérée  ou  pervertie  dans  bon  nom- 
bre de  maladies  nerveuses,  l'hystérie,  l'hypochondrie.  Enfin,  les  parois 
de  la  bouche  peuvent  être  le  siège  de  névralgies  qui  ont  leur  siège  dans 
les  branches  buccales  du  nerf  trijumeau. 

Quant  aux  troubles,  si  remarquables  et  si  intéressants  pour  le  clinicien, 
de  la  sensibilité  gustative,  ils  ne  doivent  pas  nous  arrêter,  parce  qu'ils  ont 
pour  siège  la  langue,  organe  exclusif  du  goût,  et  appartiennent  à  la  sé- 
miotique  de  cet  organe  (voy.  Langue). 

Sécrétions.  —  Nous  avons  vu  que  la  cavité  buccale  était,  dans  l'état 
normal,  lubrifiée  par  un  liquide,  produit  de  sécrétion  des  glandules  sous- 
muqueuses  et  des  glandes  en  grappe  qui  entourent  la  mâchoire  infé- 
rieure. Ce  liquide  concourt  à  l'accomplissement  d'un  très-grand  nombre 
d'actes,  la  mastication,  la  gustation,  la  digestion  de  certains  aliments,  la 
déglutition;  en  outre,  l'articulation  des  mots  exige,  pour  être  parfaite, 
l'intégrité  des  sécrétions  buccales.  —  On  voit,  par  cette  simple  énumé- 
ration,  de  quelle  importance  est,  pour  le  médecin,  tout  ce  qui  se  rapporte 
aux  sécrétions  buccales,  en  raison  des  effets  que  leurs  troubles  peuvent 
exercer  sur  les  fonctions  que  nous  avons  indiquées.  Malgré  l'intérêt  qu'il 
y  aurait  à  distinguer,  avec  les  physiologistes,  les  différents  éléments  qui 
constituent  le  liquide  buccal,  nous  ne  pouvons  étudier  ici  que  la  salive 
mixte,  c'est-à-dire  le  produit  qui  résulte  du  mélange  de  la  salive  paroti- 
dienne,  sous-maxillaire  et  sublinguale  avec  le  mucus  et  les  débris  d'épi- 
thélium  qui  revêtent  toujours  la  muqueuse. 

La  sécrétion  salivaire  est  diminuée  dans  un  assez  grand  nombre  de 
maladies  :  ainsi  dans  les  fièvres,  les  inflammations,  dans  la  diabète.  Aussi 
voit-on,  dans  ces  cas,  la  bouche  devenir  d'abord  pâteuse  et  collante,  plus 
tard,  sèche  et  rugueuse;  et  les  malades  sont  tourmentés  par  la  soif. 

L'augmentation  de  quantité  de  la  salive  s'observe  aussi  fréquemment, 
et  on  donne  le  nom  de  ptyaUsme  à  l'écoulement  du  liquide  par  l'ouver- 
ture buccale,  qui  en  est  souvent  la  conséquence. 

Cette  excrétion  immodérée  de  la  salive  se  rencontre  quelquefois,  en 
dehors  de  tout  état  morbide;  mais  le  plus  souvent,  alors,  elle  est  pas- 
sagère. La  vue,  le  souvenir  ou  l'impression  olfactive  de   certaines  sub- 


BOUCHE.    SIGNES   FONCTIONNELS.  427 

«tances  peut  provoquer  un  afflux  considérable  de  liquide  dans  la  bouche; 
l'usage  du  tabac  à  fumer  produit  un  effet  analogue.  Dans  les  premiers 
mois  de  la  grossesse,  les  femmes  sont  quelquefois  sujettes  à  une  saliva- 
tion abondante,  qui  ordinairement  est  plutôt  une  incommodité  désa- 
gréable qu'une  maladie,  et  qui,  dans  la  grande  majorité  des  cas,  cesse 
d'elle-même  après  une  courte  durée.  Enfin,  certaines  difformités  de  la 
bouche,  telles  que  le  bec-de -lièvre  inférieur,  les  cicatrices  qui  empêchent 
la  lèvre  inférieure  de  se  relever  d'une  manière  suffisante,  peuvent  amener 
un  écoulement  continuel  de  salive,  qui  est  souvent  une  cause  de  fatigue 
•et  d'épuisement.  Nous  avons  vu  que  la  paralysie  de  la  lèvre  inférieure 
produisait  un  eifet  analogue. 

Un  grand  nombre  de  maladies  de  la  bouche  s'accompagnent  de  sécré- 
tion exagérée  de  la  salive  et  de  ptyalisme  :  les  irritations  et  les  inflam- 
mations, simples  ou  spécifiques,  de  la  muqueuse  buccale  donnent  lieu  à 
un  flux  salivaire  abondant;  aucune  ne  le  provoque  à  un  plus  haut  degré 
que  la  stomatite  mercurielle,  d'où  le  nom  de  salivation  mercurielle  qui 
lui  a  été  quelquefois  donné.  Les  éruptions,  les  ulcérations  de  la  bouche 
amènent  aussi  le  ptyalisme,  en  produisant  soit  une  inflammation  de  la 
muqueuse,  soit  une  irritation  douloureuse  qui  provoque  une  sécrétion 
réflexe. 

Souvent  la  salivation  est  l'effet  sympathique  d'une  irritation  qui  a  son 
siège  dans  la  bouche  ou  dans  d'autres  organes,  et  en  particulier  dans  ceux 
de  l'abdomen  :  ainsi  l'éruption  des  dents  chez  les  enfants,  la  carie  ou  la 
névralgie  dentaires,  produisent  la  sialorrhée.  Les  maladies  de  l'estomac 
sont  une  cause  fréquente  de  salivation  sympathique,  et  l'acte  du  vomisse- 
ment est  habituellement  précédé  d'un  afflux  abondant  de  salive  dans  la 
cavité  buccale.  Les  maladies  organiques  de  l'estomac  ou  des  viscères  ab- 
dominaux, les  vers  intestinaux,  et  surtout  le  cancer  du  pancréas,  produi- 
sent le  ptyalisme. 

Enfin  l'hypercrinie  salivaire  peut  être  idiopathique  :  ainsi,  d'après 
l'observation  de  Sydenham,  elle  est  quelquefois  une  des  manifestations  de 
l'hystérie.  On  peut  aussi  l'observer  dans  les  fièvres  :  dans  la  variole,  elle 
est  un  des  phénomènes  caractéristiques  de  la  variété  confluente  ;  elle 
apparaît  dès  le  deuxième  jour  de  l'éruption,  et  augmente  graduellement, 
de  manière  à  constituer,  au  bout  de  quatre  ou  cinq  jours,  un  véritable 
«flux.  Bien  que  cette  salivation  coïncide  avec  le  développement  de  pustules 
sur  la  muqueuse  buccale,  elle  paraît,  jusqu'à  un  certain  point,  indépen- 
dante de  l'irritation  produite  par  cette  éruption  ;  et,  en  effet,  il  est  à 
remarquer  qu'elle  n'a  pas  lieu  dans  la  variole  discrète,  alors  même  que 
de  nombreuses  pustules  se  sont  développées  dans  la  bouche  (Trousseau); 
elle  cesse  vers  le  onzième  jour  de  la  maladie,  en  même  temps  que  décroit 
le  gonflement  de  la  face. 

Certains  médicaments,  connus  sous  le  nom  de  sialaloguesy  tels  que 
l'angélique,  la  pyrèthre,  le  tabac,  provoquent  la  salivation  en  excitant  la 
muqueuse;  il  en  est  de  même  de  quelques  condiments;  aussi  leur  abus 
peut-il  être  une  cause  de  stomatite.  D'autres  substances,  prises  à  l'inté- 


428  BOUCHE.  —  signes  fonctionnels. 

rieur,  amènent  la  salivation,  parce  qu'elles  sont  éliminées  par  les  glandes 
salivaires,  et  produisent  par  leur  passage  à  travers  ces  glandes  une  irri- 
tation sécrétoire  :  le  mercure,  le  chlorate  de  potasse,  l'iodure  de  potas- 
sium sont  dans  ce  cas. 

Quant  aux  altérations  de  la  salive,  elles  ont  été  peu  étudiées  et  ne  four- 
nissent à  la  sémiotique  que  des  signes  assez  vagues.  La  consistance  de 
la  salive  est  épaissie  quand  sa  quantité  diminue;  une  salive  épaisse,  vis- 
queuse, mêlée  à  des  débris  épithéliaux  abondants,  constitue  ces  enduits, 
connus  sous  le  nom  desaburres,  qu'on  trouve  particulièrement  dans  l'em- 
barras gastrique.  L'odeur  de  la  salive  est  très-altérée  dans  la  plupart  des 
maladies  de  la  bouche  :  elle  est  presque  caractéristique  dans  la  gangrène 
de  la  bouche  et  dans  la  stomatite  mercurielle. 

Les  altérations  de  la  composition  chimique  de  la  salive  sont  à  peine 
connues.  Chez  l'homme  sain,  la  salive  est  alcaline,  et,  d'après  certains 
auteurs,  cette  réaction  deviendrait  acide  dans  quelques  maladies;  ce  serait 
même  cette  altération  qui  favoriserait,  comme  nous  l'avons  vu,  le  déve- 
loppement des  parasites  végétaux.  Mais  ce  sujet  réclame  de  nouvelles 
recherches  :  tout  ce  qu'on  a  écrit,  dit  le  professeur  Monneret,  sur  l'aci- 
dité de  la  salive  dans  les  maladies  fourmille  d'erreurs,  qu'il  ne  faut  plus 
répéter. 

On  ne  sait  rien  sur  les  modifications  que  peut  présenter  la  diastase  sali- 
vaire,  soit  dans  sa  quantité,  soit  dans  sa  composition. 

Est-il  besoin  de  dire  que  la  salive  est  altérée  par  son  mélange  avec  les 
liquides  épanchés  à  la  surface  de  la  muqueuse  buccale,  comme  le  sang  et 
le  pus.  Les  inflammations  se  propagent  souvent  de  la  bouche  dans  les  con- 
duits salivaires,  et  quand  la  phlegmasie  de  ces  conduits  est  suffisamment 
intense,  on  peut  voir  sourdre  de  petites  gouttelettes  de  pus  à  l'ouverture 
du  canal  excréteur.  C'est  même  là  un  des  signes  importants  de  la  paro- 
tidite, et  qui  permet  de  la  distinguer  de  l'oreillon  :  si  on  comprime  la 
glande  et  son  conduit,  on  voit  apparaître  à  l'orifice  du  canal  de  Sténon, 
sur  la  face  interne  de  la  joue,  une  goutte  de  liquide  muco-purulent. 

Nutrition.  —  Quelques  maladies  se  traduisent  du  côté  de  la  bouche 
par  des  phénomènes  qu'on  ne  peut  rattacher  qu'à  un  trouble  des  deux 
grandes  fonctions  qui  entretiennent  la  vie  dans  les  tissus  organisés,  la 
circulation  et  l'innervation,  en  un  mot,  qu'à  un  trouble  nutritif. 

Dans  la  névralgie  trifaciale,  limitée  aux  branches  maxillaires  ou  étendue 
à  toutes  les  branches  du  nerf  trijumeau,  on  voit,  pendant  les  accès  dou- 
loureux, les  joues  rougir,  la  muqueuse  buccale  s'injecter;  en  même 
temps,  les  sécrétions  sont  augmentées,  et  il  se  produit  un  flux  de  salive 
provenant  des  glandes  du  côté  malade.  Quand  la  névralgie  est  ancienne, 
l'excès  de  nutrition  qui  se  montrait  dans  chaque  accès,  se  manifeste  par 
une  altération  permanente,  l'hypertrophie  des  parties  affectées. 

Un  grand  nombre  de  maladies  apportent,  au  contraire,  une  atteinte 
profonde  à  la  nutrition  de  la  bouche,  et  on  voit  alors  celle-ci  se  sécher 
par  diminution  des  sécrétions,  se  dépouiller  de  son  revêtement  épithélial, 
présenter  çà  et  là  des  gerçures,  des  excoriations.  Ces  altérations  survien- 


BOUCHE.    SIGNES    FONCTIONNELS.  429 

nent  à  la  fin  des  maladies  chroniques,  dans  les  cachexies,  dans  la  pel- 
lagre, etc. 

Enfin  les  phénomènes  vitaux  peuvent  être  complètement  éteints  dans 
certaines  parties  de  la  bouche;  c'est  ce  qui  arrive  dans  la  gangrène,  qui 
siège  le  plus  habituellement  sur  les  membranes  tégumentaires  de  la  bou- 
che, mais  peut  envahir  tous  les  tissus  qui  entrent  dans  la  composition  des 
parois  buccales. 

Température.  —  La  température  de  la  cavité  buccale  représente  à  peu 
près  celle  des  parties  profondes  du  corps  :  aussi  a-t-on  choisi  quelquefois 
cette  cavité  pour  rechercher,  avec  le  thermomètre,  la  température  du 
corps  dans  les  maladies. 

La  température  normale  de  la  bouche  est  de  57°, 2.  Elle  s'élève  dans  les 
maladies  fébriles,  ou  même  dans  les  cas  de  simple  irritation  locale  de  la 
membrane  muqueuse,  et  peut  alors  atteindre  59°  ou  40°.  Cette  élévation 
est  sensible  au  doigt  introduit  dans  la  bouche. 

Les  maladies  qui  apportent  un  obstacle  considérable  aux  fonctions  d'hé- 
matose, amènent,  au  contraire,  un  abaissement  notable  dans  la  tempéra- 
ture de  la  bouche  ;  les  maladies  des  poumons  et  du  cœur  sont  dans  ce  cas. 

Dans  le  choléra,  le  refroidissement  de  la  langue  est  un  des  signes  les 
plus  caractéristiques  de  la  période  algide  confirmée. 

Mastication,  insalivation,  déglutition.  —  Les  aliments  introduits 
dans  la  bouche  doivent  y  subir  plusieurs  modifications  :  ils  doivent  être 
triturés,  réduits  en  parcelles  suffisamment  ténues,  puis  réunis  en  un 
bol  alimentaire  capable  d'être  saisi  par  les  muscles  et  poussé  dans  le 
pharynx  ;  durant  ces  opérations,  les  aliments  sont  imprégnés  par  la  salive 
qui  possède  plusieurs  qualités  propres  i\  chacun  des  organes  salivaires  : 
en  effet,  elle  agit  sur  les  aliments,  d'une  part,  pour  les  rendre  sapides, 
d'autre  part  pour  les  agglutiner  et  en  former  une  masse  cohérente,  enfin 
pour  transformer  les  matières  amylacées  en  dextrine,  puis  en  glycose  et 
les  rendre  ainsi  absorbables.  On  voit  donc  que  les  actes  qui  se  passent 
dans  la  bouche,  et  qui  sont  tous  indispensables  à  la  digestion,  exigent 
l'intégrité  de  plusieurs  appareils  ;  la  mastication,  la  déglutition  et  l'insa- 
livation  sont  des  fonctions  simultanées  et  connexes  qui  ne  s'accomplissent 
régulièrement  et  bien,  que  lorsque  les  organes  chargés  de  les  exécuter 
sont  indemnes  de  toute  altération.  Voyons  quels  troubles  la  maladie 
apporte  dans  ces  diverses  fonctions. 

La  mastication  est  opérée  parles  dents,  avec  le  concours  des  lèvres, 
des  joues,  de  la  langue  et  des  parties  osseuses  de  la  bouche.  L'absence 
ou  la  mauvaise  implantation  des  dents,  leur  carie  ;  les  vices  de  conforma- 
tion des  lèvres,  la  paralysie  ou  la  contracture  des  organes  musculeux  de 
la  bouche;  les  perforations  delà  voûte  palatine;  toutes  les  maladies  de 
la  muqueuse  buccale  sont  autant  de  causes  qui  empêchent  la  mastication 
par  des  moyens  divers  et  faciles  à  saisir. 

La  succion,  chez  l'enfant,  est  rendue  impossible  par  les  vices  de  con- 
formation de  la  bouche,  par  la  brièveté  du  frein  de  la  langue,  par  la  sto- 
matite liée  ta  la  dentition. 


450  BOUCHE.    BIBLIOGRAPHIE. 

Le  passage  des  aliments  de  la  bouche  dans  le  pharynx  est  aussi  em- 
pêché par  les  difformités  ou  les  altérations  de  la  motilité  qui  siègent 
dans  les  parois  buccales.  Nous  avons  déjà  indiqué,  dans  l'étude  des  signes 
physiques  et  fonctionnels  de  la  bouche,  quelles  sont  les  altérations  qui 
gênent  ou  empêchent  la  mastication  et  la  déglutition.  On  a  réuni  tous 
les  troubles  de  ces  deux  fonctions  sous  le  nom  de  dysphagie  buccale. 

Quant  à  Yinsalivation,  elle  est  surtout  troublée  par  les  maladies  de 
l'appareil  salivaire,  et  par  celles  qui  tarissent  les  sécrétions  buccales  et 
que  nous  avons  indiquées  plus  haut.  Les  troubles  de  la  mastication  reten- 
tissent aussi  sur  la  fonction  qui  nous  occupe  :  on  sait,  en  effet,  que  les 
mouvements  des  mâchoires  et  la  trituration  des  aliments  sont  les  plus 
puissants  excitants  de  la  sécrétion  salivaire. 

Articulation  des  mots.  —  La  production  du  langage  articulé  a  pour 
instruments  les  organes  buccaux  ;  aussi  la  nettetté  de  la  parole  est-elle 
altérée  toutes  les  fois  qu'il  y  a  soit  un  vice  de  conformation  de  la  bouche, 
soit  une  absence  des  dents  et  surtout  des  incisives,  soit  une  paralysie  des- 
lèvres,  un  état  de  sécheresse  de  la  muqueuse  buccale,  une  tumeur  des 
parois  buccales,  etc.  Enfin,  le  bégayement  paraît  être,  dans  la  majorité 
des  cas,  une  maladie  de  certains  muscles  des  parois  buccales  (  voyez 
Bégayement). 

L'étude  qui  précède  des  signes  fournis  par  la  bouche  a  pu  montrer 
combien  étaient  fréquents  les  troubles  de  cet  appareil  dans  les  maladies. 
On  peut  dire  que  presque  toutes  les  maladies,  à  l'exception  des  névroses, 
s'accompagnent  de  quelques  phénomènes  morbides  du  côté  de  la  cavité 
buccale  ;  n'en  peut-on  pas  conclure  qu'une  bouche  saine,  rosée,  humide, 
est  un  signe  presque  certain  de  santé? 

Les  maladies  chirurgicales  de  la  bouche  trouveront  leur  place  aux 
mots  Gencives,  Lèvres,  Mâchoires,  Palais,  Langue. 

Les  soins  hygiéniques  que  réclame  la  bouche  seront  exposés  au  mot 
Dents. 

Nous  ne  pouvons  indiquer  in  extenso  la  bibliographie  de  la  sémiotique  de  la  bouche,  parce 
qu'elle  comprendrait  un  trop  grand  nombre  d'ouvrages  différents.  Outre  les  traités  de  pathologie 
générale,  el  surtout  ceux  de  Landré-Beauvais,  Chomel,  Monneret,  Behier  et  Hardy,  le  Compendium 
de  médecine  de  Monneret  et  Fleury,  on  pourra  consulter  les  ouvrages  suivants  : 

Cazenave,  Dictionnaire  en  30  vol.,  art.  Bouche,  1835,  t.  V,  p.  505  et  suiv. 

Gubler,  Mémoire  sur  l'ictère  qui  accompagne  quelquefois  les  éruptions  syphilitiques  précoces 

(Gaz.  med.  et  Mém.  de  la  Soc.  de  Biologie,  1851).  —  Mémoire  sur  l'herpès  guttural,  etc. 

(Union  médicale,  1858). 
Robin  (Ch.),  Hist.  naturelle  des  végétaux  parasites  qui  croissent  sur  l'homme  et  sur  les  animaux 

vivants.  Paris,  1853,  p.  322,  345  et  488.  — Dictionnaire  de  médecine,  12e  édition,  art.  Muguet, 

par  Littré  et  Charles  Robin.  Paris,  1865. 
Buzenet,  Du  chancre  de  la  bouche,  son  diagnostic  différentiel  (Thèse  inaug.  Paris,  1858). 
Bergeron,  De  la  stomatite  ulcéreuse  des  soldats  et  de  son  identité  avec  la  stomatite  des  enfants 

(Arch.  gén.  de  médecine,  octobre  1859). 
Bartiiez  et  Rilliet,  Traité  clinique  et  pratique  des  maladies  des  enfants,  2"  édit.,  1861,  t.  III, 

p.  153,  255,  etc.,  etpassim. 
Duchenne  (de  Boulogne),  De  l'électrisation  localisée,  2e  édition.  Paris,  1861,  p.  621  et  suiv., 

672  et  suiv. 
Laboulbène,  Recherches  cliniques  et  anatomiques  sur  les  affections  pseudo-membraneuses.  Paris, 

1861. 


BOUES  MINÉRALES.  431 

Bourneville,  De  la  houche  chez  les  idiots,  in  Journal  de  médecine  mentale  de  Delasiauve,  sep- 
tembre 1865. 

Marchal  (de  Calvi),  Recherches  sur  les  accidents  diabétiques.  Paris,  1804,  p.  395  et  suiv. 

Beliiomme  et  Martin,  Traité  de  pathologie  syphilitique  et  vénérienne.  Paris,  1864,  p.  224  et  255. 

Charle  (Jules),  Des  ulcérations  de  la  langue  dans  la  coqueluche  (Thèse  inaug.  de  Paris,  1864). 

Bazin,  Leçons  sur  les  affections  génériques  de  la  peau.  1865,  t.  II,  p.  4  et  suiv. 

Trousseau,  Clinique  médicale  de  l'Hôtel-Dieu,  2e  édit.,  1865,  art.  Variole. 

Julliard.  Des  ulcérations  de  la  bouche  et  du  pharynx  dans  la  phthisie  pulmonaire  (Thèse  inaug- 
de  Paris,  1865). 

Charles  Fernet. 

BOUES  UIIlVÉRAIiES.  —  On  emploie  le  terme  générique  de 
&OM£Spour  désigner  les  dépôts  que  certaines  eaux  minérales  abandonnent, 
soit  sur  le  sol  à  l'endroit  où  elles  sortent  des  sources,  soit  dans  les  réser- 
voirs où  on  les  recueille.  Ces  dépôts  sont  employés  dans  certaines  sta- 
tions thermales,  soit  comme  moyen  principal,  soit  comme  adjuvant  de  la 
médication  hydro-minérale. 

En  France,  on  a  aussi  appliqué,  à  tort  (Durand-Fardel),  cette  dénomi- 
nation aux  matières  organiques  confervoïdes  qui  se  développent  dans  les 
bassins  de  réfrigération,  et  qu'on  emploie  quelquefois  comme  topiques. 

Les  auteurs  du  Dictionnaire  général  des  eaux  minérales  proposent  de 
distinguer  nettement,  comme  on  le  fait  en  Allemagne,  ces  deux  sortes  de 
boues,  et  ils  leur  assignent  des  noms  particuliers  :  les  premières  rece- 
vraient le  nom  de  limon  minéral,  les  secondes  celui  de  limon  végétal. 

Les  boues  minérales  proprement  dites,  c'est-à-dire  le  limon  minéral, 
si  l'on  veut,  sont  peu  employées  en  France  ;  nous  ne  citerons  que  les 
principales,  celles  de  Saint-Amand,  de  Dax,  d'Uriage,  deBourbonne,  d'Aix 
en  Savoie,  etc.  Elles  sont  beaucoup  plus  usitées  à  l'étranger,  et  surtout 
en  Allemagne.  Les  plus  renommées  sont  celles  dcFranzensbad,  de  Tœplilz, 
de  Carlsbad,  etc. 

La  composition  des  boues  minérales  est  très-variable;  on  peut  dire, 
d'une  manière  générale,  qu'elles  sont  constituées  par  de  l'eau  minérale 
mêlée  à  de  la  terre,  à  des  matières  organiques  végétales  et  animales  ;  on 
y  trouve  encore,  comme  éléments  principaux,  des  sels  alcalins,  terreux  et 
métalliques,  et  du  fer. 

Elles  ne  sont,  employées,  on  le  conçoit,  que  pour  l'usage  externe,  en 
bains  généraux  ou  partiels.  Au  sortir  de  ces  bains,  les  malades  vont  se 
plonger,  pour  se  laver,  dans  l'eau  minérale  limpide. 

L'action  thérapeutique  des  boues  minérales  ne  paraît  pas  bien  diffé- 
rente de  celle  des  eaux  minérales  elles-mêmes,  et  leur  action  est  princi- 
palement due  aux  principes  minéralisateurs  que  celles-ci  contiennent. 
Cependant  la  pression  plus  considérable  qu'elles  exercent  sur  le  corps, 
les  matières  organiques  qu'elles  renferment,  les  phénomènes  de  fermen- 
tation qui  s'y  passent,  en  font  particulièrement  une  médication  excitante 
et  résolutive. 

Quant  à  la  seconde  espèce  de  boues,  au  limon  végétal,  on  n'y  peut  voir 
que  de  l'eau  minérale,  de  composition  variable,  retenue  par  la  matière 
organique  comme  par  une  éponge;  elles  n'en  diffèrent  que  par  leur  degré 
de  minéralisation,  qui  est  toujours  très-élevé,  parce  que  Feau  qu'elles 


432  BOUGIES.  —  bougies  flexibles. 

contiennent  s'évapore  incessamment,  et  par  la  fermentation  qui  s'y  pro- 
duit. On  les  emploie  surtout  à  Néris,  à  Dax  et  à  Bagnères  de  Luchon. 
Bien  que  considérées  comme  émollientes,  ces  boues  ont  en  réalité  une 
action  excitante  (de  Laurès  et  Becquerel). 

Voir,  comme  complément  de  cet  article,  Eaux  minérales,  et  aussi  Dax, 
Néris,  Saint- Amand,  Uriage,  etc. 

L .  Desnos. 

BOUOIE  (candela  ou  candelula,  virga  cerea,  cereus). — On  appelle 
Bougies  des  tiges  minces  et  arrondies  qui  servent  dans  le  traitement  des 
affections  de  l'urèthre. 

L'usage  de  ces  instruments,  tels  qu'on  les  emploie  aujourd'hui,  con- 
stitue incontestablement  une  des  plus  grandes  améliorations  de  la  pra- 
tique chirurgicale,  à  ce  point  que  J.  Hunter,  qui  avait  vu  s'accomplir  ce 
progrès,  disait  qu'en  se  rappelant  la  méthode  de  traitement  de  sa  jeu- 
nesse, il  avait  peine  h  se  figurer  qu'il  traitât  la  même  maladie  qu'au- 
trefois. 

On  ne  sait  pas  exactement  quel  est  l'inventeur  des  bougies,  ni  à  quelle 
époque  elles  ont  été  inventées  ;  on  les  attribue  généralement,  d'après 
Âmatus  Lusitanus,  à  Aldereto,  de  Salamanque  ;  ce  qui  en  placerait  l'in- 
vention vers  le  milieu  du  seizième  siècle. 

Les  bougies  étaient  primitivement  destinées  à  porter  des  escharotiques 
et  des  onguents  auxquels  leurs  auteurs  attribuaient  l'efficacité  du  traite- 
ment, et  Sharp  paraît  être  le  premier  qui  ait  montré  que,  malgré  leur 
diversité  de  composition,  elles  agissent  toujours  comme  corps  dilatants. 
C'est  ainsi  qu'on  les  considère  généralement  aujourd'hui,  et  peut-être  a- 
t-on  abandonné  trop  complètement  la  première  donnée. 

Après  l'invention  de  la  bougie  de  cire  ou  emplastique  dont  nous  parle- 
rons bientôt,  le  plus  grand  progrès  dans  cette  partie  de  l'arsenal  chirur- 
gical est  dû  à  l'invention  des  bougies  élastiques,  qui  datent  de  la  fin  du 
siècle  dernier.  Depuis  ce  temps,  le  désir  du  progrès  et,  il  faut  bien  l'a- 
vouer, l'industrialisme,  ont  tellement  multiplié  les  formes  et  la  compo- 
sition des  bougies  que  nous  ne  pourrions  les  exposer  toutes.  Je  me  con- 
tenterai donc  de  parler  de  celles  qui  me  paraissent  avoir  une  utilité 
réelle. 

Les  bougies  d'après  leurs  propriétés  et  leurs  usages  peuvent  être  ran- 
gées en  quatre  classes,  les  bougies  flexibles,  les  bougies  rigides,  les 
bougies  dilatables,  et  les  bougies  médicamenteuses. 

ROUGIES  FLEXIRLES. 

Dans  cette  classe  de  bougies  on  peut  distinguer  les  bougies  molles  qui 
prennent  la  forme  du  canal,  et  les  bougies  élastiques  qui  tendent  toujours 
à  revenir  à  leur  état  primitif. 

Les  bougies  molles,  les  premières  qui  aient  été  employées,  après  les 
tiges  métalliques,  ont  été  faites  d'abord  au  moyen  d'une  mèche  de  lin  ou 
de  coton  recouverte  de  cire,  comme  les  bougies  d'éclairage  dont  elles  ont 


BOUGIES.    BOUGIES    FLEXIBLES.  455 

pris  le  nom.  C'est  ainsi  qu'elles  étaient  composées  du  temps  d'Aldereto  et 
d'Amatus  Lusitanus. 

Pour  recevoir  les  substances  médicamenteuses  on  creusait  une  cavité 
dans  la  cire  au  point  correspondant  à  la  lésion  supposée. 

Dans  ces  bougies,  la  cire  avait  l'inconvénient  d'être  cassante  lorsqu'elle 
n'était  pas  échauffée,  de  sorte  qu'au  moment  de  l'introduction  elle  pou- 
vait se  fendre  et  quelquefois  se  détacher  en  fragments  qui  tombaient  dans 
la  vessie  ou  restaient  dans  l'urèthre.  Pour  éviter  cet  accident,  on  les  fait 
au  moyen  de  bandelettes  de  toile  plus  ou  moins  étroites  qu'on  roule  en  cy- 
lindres amincis  à  l'une  de  leurs  extrémités,  après  les  avoir  trempées  dans 
la  cire  fondue.  Au  lieu  de  cire,  on  emploie  encore  différents  emplâtres, 
et  surtout  le  diachylon;  la  bougie  prend  alors  le  nom  de  bougie  em- 
plastique.  On  obtient,  de  la  sorte,  des  instruments  de  consistances  di- 
verses, la  cire  blanche  est  la  plus  dure,  celle  qui  résiste  le  mieux  à  la 
chaleur,  la  cire  jaune  se  ramollit  plus  facilement ,  le  diachylon  enfin 
fournit  les  bougies  les  plus  souples,  celles  qui  se  moulent  le  mieux  sur 
le  canal. 

Les  bougies  les  plus  employées  aujourd'hui  sont  celles  auxquelles  on 
donne  le  nom  de  bougies  de  gomme  ou  bougies  élastiques.  Leur  invention 
est  due  à  un  orfèvre  du  nom  de  Bernard,  qui  les  présenta,  en  1779,  à  l'A- 
cadémie de  chirurgie.  Elles  sont  composées  d'une  trame  en  coton,  natée 
à  la  mécanique  et  enduite  dune  composition  dont  la  partie  la  plus  essen- 
tielle est  l'huile  de  lin,  rendue  siccative  au  moyen  de  la  litharge,  et  à  la- 
quelle on  ajoute  diverses  substances,  parmi  lesquelles  le  caoutchouc  ou  la 
gutta-percha  entrent  pour  une  certaine  proportion.  Chaque  fabricant 
emploie  une  composition  particulière  dont  il  garde  le  secret,  et  dont  la 
qualité  paraît,  du  reste,  tenir  beaucoup  au  soin  qu'on  apporte  dans  les 
manipulations. 

Le  caoutchouc  n'a  pas  assez  de  consistance  pour  qu'on  puisse  l'em- 
ployer seul  dans  la  confection  des  bougies.  11  y  a  quelques  années,  on  se 
servit  de  gutta-percha,  mais  on  y  renonça  bientôt  à  cause  de  la  fragilité 
de  cette  substance  surtout  après  quelque  temps  de  fabrication. 

Lorsque  je  voulus  les  essayer,  la  première  se  brisa  pendant  que  je  la 
faisais  glisser  entre  mes  doigts  et  m'évita  un  accident  qui  est  arrivé  à 
plusieurs  de  mes  confrères. 

La  sève  de  balata  n'a  pas  mieux  réussi  lorsqu'on  l'a  employée  pure, 
mais  on  l'a  fait  entrer  dans  une  composition  qui  donne  de  très-bons  in- 
struments. 

Les  bougies  élastiques  sont  celles  dont  on  a  le  plus  varié  les  formes. 
Les  principales  sont  les  suivantes  : 

j«4>tigi<>«  cyliiMfiriciiM's  (fig.  22),  en  forme  de  cylindre  terminé  par 
un  bout  arrondi.  C'est  la  forme  primitive.  Elle  est  peu  employée  aujour- 
d'hui parce  qu'elle  est  médiocrement  propre  à  franchir  les  obstacles  ou 
à  dilater  les  rétrécissements.  On  en  a  fait  de  courbes  (fig.  25)  qu'on  utilise 
surtout  à  la  fin  des  traitements  par  les  caustiques,  et  qui  sont,  comme 
les  droites,  rarement  mises  en  usage. 

NOUV.    DICT.   MÉD.    ET  CUIR.  V.    —   '28 


454 


BOUGIES.    BOUGIES    FLEXIBLES. 


Bougies  coniques  (fig.  24  et  25),  en  forme  Je  cylindre  terminé  par 
nn  cône  allongé.  Ces  bougies  sont,  sans  contredit,  les  plus  utiles  dans  le 


Fie.  22. 
Fig.  22,   Bougie  cylindrique. 


Fig.  25. 


Fig.  24. 


Fig.  25,  Bougie  cylindrique  à  courbure  fixe.  —  Fig.  24,  Bougie 
conique.  (Modèles  Lasserre.) 

traitement  des  rétrécissements,  dans  lesquels  elles  s'engagent  et  qu'elles 
dilatent  mieux  qu'aucune  autre.  On  en  fait  de  toutes  les  grosseurs, 
depuis  les  bougies  filiformes,  d'un  tiers  de  millimètre  et  moins,  jusqu'à 


BOUGIES.    BOUGIES    FLEXIBLES, 


435 


neuf  millimètres  et  plus.  Ce  sont  ces   bougies  qu'il  est  surtout  impor- 
tant d'avoir  de  bonne  qualité  ;   elles  doivent  être  bien  lisses,  bien  flexi- 


Fig.  25.  Fig.  26. 

Vlg.  25,  Bougie  conique  à  courbure  fixe.  —  Fig.  W,  Bougie  olivaire.  —  Fig.  27,  Bougie  olivairc 
à  courbure  fixe.  (Modèles  Lasserre.) 

blés    tout  en  [offrant   une  résistance  suffisante    pour    ne  pas  plier  au 
moindre  effort;  l'enduit  en  doit  être  souple  et  ne  pas  s'écailler  lorsqu'on 


45G  BOUGIES.  —  bougies  flexibles. 

leur  fait  subir  des  flexions  brusques;  leur  pointe  doit  pouvoir  être  tortil- 
lée dans  tous  les  sens,  sans  se  fendiller. 

Bougies  olivaires(fig.  20  et  27) . — Ce  sont  des  bougies  coniques,  dont 
la  pointe  est  remplacée  par  un  renflement  en  olive.  Elles  ont  l'avantage  de 
ne  pas  s'engager  aussi  facilement  que  les  précédentes  dans  les  plis  et  les  ori- 
fices de  la  muqueuse  uréthrale,  et  d'exposer  beaucoup  moins  aux  fausses 
routes,  aussi  sont-elles  préférables  dans  des  mains  peu  exercées.  C'est 
surtout  dans  les  engorgements  et  les  tumeurs  de  la  prostate  qu'elles  sont 
avantageuses;  dans  certains  cas  de  ce  genre  on  les  fait  pénétrer  aisément, 
lorsqu'on  ne  peut  en  introduire  aucune  autre.  Mais  lorsqu'il  s'agit  de  ré- 
trécissements très-étroits,  elles  sont  loin  de  rendre  les  mêmes  services 
que  les  bougies  coniques. 

Dans  les  rétrécissements  sinueux  ou  multiples,  dans  ceux  dont  l'ori- 
fice est  difficile  à  trouver,  on  réussit  souvent  en  tortillant  la  pointe  d'une 
bougie  fine,  en  forme  de  tire-bouchon.  Pour  remplir  cette  indication,  Las- 
serre  a  imaginé  de  faire  des  bougies  fines,  dont  la  pointe  est  tortillée 
dans  la  fabrication,  de  sorte  qu'elle  ne  se  redresse  pas  et  conserve  sa 
forme.  Elles  peuvent  rendre  de  grands  services. 

Bougies  cylindriques  et  coniques  à  ventre  (fig.  28  et  29).  — 
Elles  sont  destinées  à  agir  sur  le  point  malade  sans  distendre  la  portion 
saine.  Elles  offrent,  dans  ce  but,  à  quelque  distance  de  leur  extrémité, 
un  renflement  de  6  ou  7  centimètres  de  longueur.  Ces  bougies,  que  Du- 
camp  employait  après  la  cautérisation,  sont  peu  usitées  aujourd'hui,  parce 
que  la  partie  antérieure  du  canal  étant  dilatée  par  le  passage  du  renfle- 
ment, il  n'y  a  pas  grand  avantage  aie  laisser  ensuite  revenir  sur  lui-même. 
Ducamp  en  employait  en  cire. 

Bougies  à  boule  (fig.  50  et  31).  —  Elles  sont  composées  d'une  tige 
mince  terminée  par  une  boule  et  fournissent  un  moyen  d'exploration  pré- 
cieux, pour  reconnaître  la  position,  la  longueur  et  le  nombre  des  rétré- 
cissements. Dans  les  cas  de  rétrécissements  commençants,  elles  permettent 
de  reconnaître  des  obstacles  qui  échapperaient  à  tous  les  autres  moyens 
d'investigation.  Elles  remplacent  avec  avantage  les  boules  métalliques 
portées  sur  des  tiges  inflexibles. 

Bnugôes  sï  béquille  (fig.  52).  —  Elles  présentent  la  forme  du  ca- 
théter d'Aug.  Mercier,  et  offrent  souvent  de  grandes  facilités  pour  franchir 
une  prostate  engorgée  et  déformée  par  le  développement  de  son  lobe 
moyen. 

Bougies  à  noeuds  (fig.  55). —  Elles  présentent,  à  partir  de  leur 
pointe,  plusieurs  boules  de  plus  en  plus  grosses.  Elles  sont  destinées  à 
opérer  la  dilatation  graduée  et  immédiate  des  rétrécissements,  mais  elles 
ne  peuvent  guère  réussir  que  dans  les  cas  faciles  où  on  réussit  avec  tout,, 
et  elles  ont  l'inconvénient  de  ne  pas  soutenir  la  dilatation  qu'elles  ont 
produite.  On  s'en  sert  encore  pour  faire  des  frictions  intra-uréthrales 
après  les  avoir  enduites  d'onguents  médicamenteux,  mais  cet  usage  en- 
core est  d'une  utilité  douteuse. 


BOUGIES. 


BOUGIES    FLEXIBLES. 


437 


Bougie»  à  empreintes  ou  liongles  exploratrices  «le  Diicamp 

(fig.  54).  —  Elles  portent  à  leur  extrémité  une  préparation  analogue  à  la 


'ig.  28.     Fie.  29.     Fig.  50. 


FlG.    51, 


II 


Fig;.  28,  Bougie  cylindrique  à  ventre.  —  Fig.  29,  Bougie  conique  à  ventre.  —  Fig.  50,  Bougie 
à  boule  exploratrice.  —  Fig-.  51,  Bougie  à  boule  exploratrice  et  à  courbure  iixe.  — 
Fig.  52,  —  Bougie  prostatique  à  béquille.  (Modèles  Lasserre.) 

cire  à  modeler,  qui  est  destinée  à  prendre  l'empreinte  de  la  face  an- 
térieure des  rétrécissements,  tandis  que  les  divisions  tracées  sur  leur  tige 


458 


BOUGIES.    BOUGIES    DILATABLES. 


en   indiquent   la    profondeur.    Tour  empêcher  la   cire  de  [se  détacher, 
on  a  soin  de  la  retenir  au  moyen  de  fils  passés  dans  la  bougie.  On  se  sert 

rarement  de  ces  bougies  dont  les  indica- 
tions sont  fort  infidèles,  comme  je  m'en 
suis  assuré  en  les  expérimentant,  soit  sui- 
des malades,  soit  sur  des  cadavres,  sur 
lequels  j'avais  produit  un  rétrécissement 
artificiel  au  moyen  d'un  fil  serré  autour  de 
l'urèthre. 

Pour  les  cas  difficiles  et  dans  lesquels  il 
faut  une  bougie  très-fine  et  cependant  résis- 
tante, on  peut  employer  avec  avantage  des 
bougies  élastiques  qui  ont  pour  mèche  une 
tige  mince  en  baleine.  Pour  ces  cas,  les  bou- 
gies de  baleine,  qui  offrent  de  la  résistance 
sous  le  plus  petit  volume  et  peuvent  prendre 
toutes  les  formes  qu'on  veut,  donnent  le 
moyen  de  chercher  l'orifice  d'un  rétrécisse- 
ment qu'on  ne  peut  trouver  autrement. 
Lorsqu'on  emploie  l'endoscope,  elles  ont 
encore  l'avantage  d'être  facilement  dirigées 
dans  l'intérieur  de  la  sonde  sur  l'orifice  de 
la  coa relation.  Ces  bougies  sont  toujours 
très-fines  et  terminées  par  un  betit  bouton, 
comme  les  stylets  de  trousses. 

Guillon  fait  des  bougies  de  baleine  d'un 
calibre  plus  considérable,  garnies  de  boules 
de  volume  croissant  et  terminées  par  un 
bouton  supporté  par  un  col  aminci  pour 
servir  de  conducteur.  Cet  instrument  dont 
les  boules  existent  sur  un  seul  côté,  sert 
au  même  usage  que  les  bougies  à  plusieurs 
nœuds. 


BOUGIES   DILATABLES. 

Dans  le  but  d'obtenir  une  dilatation  ra- 
pide des  rétrécissements,  on  a  fabriqué  des 
bougies  au  moyen  de  substances  qui  se  gon- 
flent en  absorbant  les  liquides.  Les  plus 
anciennement  employées  et  celles  qui  le  sont 
encore  le  plus,  sont  les  bougies  de  corde  à 
boyaux.  Elles  sont,  en  général,  faciles  à 
introduire,  parce  qu'elles  offrent  à  un  degré 
convenable  la  flexibilité  et  lajùgidité,  et,  une  fois  introduites,  elles  se 
gonflent  en  quelques  heures  et  acquièrent  un  volume,  au  moins  double 


Fifi.  53.  Fin.  54. 

F ï jr .  53.  —  Bougie  à  nœuds  pour 
frictions.  —  Fig.  54,  Bougie  à 
empreinte  graduée.  (Modèles  Las- 
serre.) 


BOUGIES.    BOUGIES    MÉDICAMENTEUSES    ET    RÉGIDES.  439 

de  celui  qu'elles  avaient  à  l'état  sec.  En  outre  il  est  toujours  facile  de  se 
les  procurer  ou  de  les  fabriquer  soi-même.  Charrière  a  fait,  sur  les 
indications  de  Darcet,  des  bougies  en  ivoire  privé  de  sa  partie  calcaire  par 
l'immersion  dans  l'acide  chlorhydrique,  mais  ces  bougies  étaient  trop 
dures  à  l'état  sec,  et  peut-être  trop  fragiles,  du  reste  elles  ne  rendaient 
pas  de  meilleurs  services  que  celles  de  corde  à  boyaux  et  coûtaient 
beaucoup  plus  cher.  On  trouve,  depuis  peu,  dans  le  commerce,  des 
bougies  fabriquées  avec  les  stipes  du  laminaria  dicjitata.  Ces  stipes  sont 
employés  depuis  longtemps,  sur  les  bords  de  la  mer,  pour  dilater  les 
fistules  ;  et  l'on  sait  qu'il  ont  servi,  sur  la  recommandation  de  Wilson, 
chirurgien  de  Glasgow,  pour  dilater  la  blessure  du  général  Garibaldi.  On 
en  fait  des  bougies  parfaitement  lisses,  mais  un  peu  dures,  de  sorte  qu'il 
est  bon,  surtout  pour  les  parties  profondes  de  l'urèthre,  de  les  ramollir 
un  peu  dans  l'eau  tiède,  sans  leur  donner  le  temps  de  se  gonfler.  Lors- 
qu'elles sont  soumises  à  l'humidité,  leur  volume  devient  environ  cinq  ou 
six  fois  plus  grand.  Elles  me  paraissent  devoir  être  conservées  dans  la 
pratique  avec  les  bougies  de  corde  à  boyaux. 

On  a  reproché  aux  bougies  dilatantes  de  se  dilater  au  delà  du  rétrécis- 
sement de  façon  à  faire  craindre  qu'elles  ne  s'y  trouvent  pincées  sans 
pouvoir  en  sortir;  cette  crainte  me  paraît  tout  à  fait  imaginaire.  J'ai 
beaucoup  employé  les  bougies  de  corde  à  boyau,  surtout  à  l'époque  où  je 
craignais,  plus  qu'aujourd'hui,  de  pratiquer  l'uréthrotomie,  et  j'ai  tou- 
jours pu  les  retirer,  leur  effet  étant  produit,  avec  la  plus  grande  facilité. 
Dans  les  rétrécissements  fibreux  durs,  elles  fournissent  un  précieux  moyen 
de  dilatation. 

BOUGIES    MÉDICAMENTEUSES. 

L'idée  d'employer  des  bougies  qui  puissent  agir  sur  les  affections  de 
l'urèthre  comme  médicaments  topiques ,  après  avoir  dominé  dans  la 
chirurgie,  a  souvent  été  reprise,  ou,  pour  mieux  dire,  n'a  jamais  été 
abandonnée.  On  a  fait  usage  dans  ce.  but  de  différents  emplâtres,  mais 
surtout  de  diachylon  et  de  vigo,  dont  on  se  sert  au  lieu  de  cire  pour 
fabriquer  les  bougies.  On  a  encore  proposé,  pour  remplacer  les  injections, 
des  bougies  dissolubles,  préparées  avec  différents  médicaments.  C'estpriu- 
cipalement  en  Allemagne  que  ces  essais  ont  été  faits,  en  particulier 
par  Hecker.  En  général,  au  lieu  de  ces  bougies,  on  préfère  les  bougies  or- 
dinaires enduites  des  substances  qu'on  veut  employer  ;  mais  sauf  quelques 
pommades  calmantes  on  n'en  a  pas  tiré  jusqu'ici  grande  utilité. 

Je  ne  citerai  que  pour  mémoire  les  bougies  armées,  qu'on  préparait  en 
fixant  dans  la  cire  d'une  bougie  ordinaire  un  morceau  de  nitrate  d'argent. 
Les  dangers  qu'elles  présentaient  les  a  fait  justement  abandonner,  sur- 
tout depuis  qu'on  a  inventé  des  porte-caustiques  qui  donnent  beaucoup 
plus  de  sécurité. 

BOUGIES    RIGIDES. 

Bien  longtemps  avant  d'employer  les  bougies  flexibles,   on   se    ser- 


440  BOUGIES.  —  graduation. 

vail  de  tiges  métalliques  généralement  en  plomb;  ce  sont  ces  instru- 
ments perfectionnés  qui  ont  pris  le  nom  de  bougies  métalliques,  elles  ont 
été  surtout  remises  en  usage  par  Mayor  et  par  Beniqué,  ce  dernier  qui 
avait  institué  un  procédé  spécial  pour  la  dilatation,  en  a  beaucoup  amé- 
lioré l'usage,  et  a  proposé  une  graduation  qui  ajoute  à  leur  utilité.  L'idée 
de  les  graduer  n'était,  du  reste,  pas  nouvelle,  car  un  médecin  dont  le 
nom  ne  s'est  pas  conservé,  et  qui,  au  dire  d'Astruc,  pratiquait  à  Nismes 
de  1545  à  1580,  se  servait  d'une  série  de  douze  bougies  de  plomb  gra- 
duées, fabriquées  à  la  filière.  Afin  de  les  rendre  moins  lourdes,  on  a 
abandonné  le  plomb  pour  l'étain. 

Ces  bougies  n'étant  pas  flexibles,  on  leur  donne  une  courbure  qui  s'ac- 

^^^  commode  à  celle  du  canal,  et  on 

19  Ç   J  g't  20   ç\   e%      les  fait  généralement  cylindriques. 

^—s  Cependant,  il  peut  y  avoir  avantage, 

au  (~\    G  /""*\  surtout    pour    les    rétrécissements 

V_y  21   M    7        très-durs,  à  les  rendre  légèrement 

O  coniques  ;  c'est  ce  que  j'ai  fait  exé- 

■r>:/;  22    f~*\  cuter  en  1844,  par  Samson,  fabri- 

V_y     J       cant   d'instruments,  sur  une  série 
16  C3  6*  /^\  de  bougies  d'étain.  Je  les  avais  fait 

25  (       )  £#       amincir  en  forme  de  cône  sur  une 
/i  Q    s  V-y  '  longueur  de  0m,05  à  0m,04,  de  façon 

Oque  l'extrémité  de  chaque  bougie 
avait  le  calibre  d'une  bougie  de 
deux  numéros  au-dessous. 

*3  O  4'/J                 *~  C~^  8'/  ^es  ljouoies  d'étain  glissent  avec 

J  v_y      3  une   très-grande    facilité    dans   le 

22   Q     6  canal  à  cause  de  la  régularité  et  du 

2g(^\  sfj  P°'i  de  leur  surface;  elles  entrent, 

dt    O    3^                      V_y  pour   ainsi  dire,    par  leur   propre 

„  poids   lorsqu'elles    sout  bien  ma- 

^                              /        \  niées.    Elles  sont  excellentes  dans 

27  [  \    9 

$     q      5  \ y  les  cas  de  rétrécissements  peu  pro- 

noncés, ou  pour  terminer  la  cure, 
8     O     2',r'  ri    v       °jllon  a  commencée  par  Turéthro- 

q     Ç/-T  V       J  '  /J       tomie  ou  par  le  passage  des  bougies 

élastiques. 
fi     O       i  jT~^\  Graduai  ion  des  nongictu  — 

5     o     a%  ^  l        J  9*J      Dans  les  rétrécissements  durs  ou  ir- 

4.     o     jâ  ritables,    lorsqu'on    ne    peut  aug- 

'3     o       -j  jS~~^\  menter  le  volume  des  bougies  que 

j2      o       *  so  f  j  if>       par  de  faibles  degrés,  il  est  impor- 

1      "       #  ^-^  tant  de  savoir  la  grosseur  exacte  de 

Fig.  55.  —  Filière  Charrièrc.  ces  instruments  et  de  pouvoir  les 

ranger    suivant    leurs    diamètres; 
pour  cela  on  se  sert  de  filières  analogues  à  celles  qu'on  emploie  dans 


BOUGIES.    —    BIBLIOGRAPHIE.  441 

l'industrie  pour  mesurer  les  fils  de  fer.  La  graduation  de  ces  filières  varie 
suivant  leurs  auteurs,  mais  il  serait  très-important  qu'on  pût  s'entendre 
pour  n'en  avoir  qu'une,  et  la  filière  Charrière  me  paraît  remplir  toutes  les 
conditions  désirables  (fig.  55).  Elle  consiste  dans  une  lame  métallique 
percée  de  trous  dont  le  diamètre  augmente  par  tiers  de  millimètre  depuis 
ilômm  jusqu'à  10mm.  Pour  les  bougies  molles,  une  plus  grande  division  est 
inutile,  leur  calibre  n'est  pas  assez  régulier  pour  être  apprécié  à  moins  de 
l/5mm;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  pour  les  bougies  d'étain,  le  métal 
permet  une  graduation  beaucoup  plus  délicate,  et  il  est  fort  utile  de  pou- 
voir en  augmenter  le  volume  par  degrés  insensibles.  Pour  ces  dernières,  la 
meilleure  graduation  est  celle  de  Beniqué,  par  l/6mni. 

Les  bougies,  comme  on  a  déjà  pu  le  voir  dans  cet  article,  sont  princi- 
palement destinées  à  pratiquer  la  dilatation  des  rétrécissements,  ou  à 
servir  de  moyen  de  diagnostic,  on  les  emploie  encore  pour  émousser  la 
sensibilité  du  canal  et  l'habituer  au  contact  des  corps  étrangers  avant  les 
opérations,  c'est  dans  ce  cas  surtout  que  les  bougies  de  cire  conviennent 
lorsque  le  canal  est  très-sensible,  car  elles  se  ramollissent  bientôt  à  la 
chaleur  des  parties,  se  moulent  sur  elles  et  cessent  d'exercer  aucun  effort. 
On  trouve  cependant  des  malades  qui  ne  peuvent  les  endurer,  il  semble 
que,  chez  eux,  le  contact  de  la  cire  agace  la  muqueuse,  et  il  en  résulte 
une  douleur  croissante  et  bientôt  intolérable,  tandis  que  le  contact  du 
métal  ou  de  la  bougie  élastique  est  très-bien  supporté  par  ces  mêmes 
sujets. 

Les  bougies  élastiques  fines  sont  souvent  employées  peur  servir  de  con- 
ducteurs soit  à  des  sondes  ou  à  des  bougies  plus  grosses,  soit  à  d'autres 
instruments  tels  que  les  bougies  en  tirefond  de  Dieulafoy,  les  uréthro- 
tomes  de  Sédillot,  Maisonneuve,  Charrière,  etc. 

Outre  les  maladies  des  voies  urinaires,  les  bougies  sont  encore  utiles 
dans  une  foule  de  cas,  pour  dilater  ou  explorer  le  col  utérin,  ou  d'autres 
conduits  naturels  ou  pathologiques. 

Nous  ne  pouvons  décrire  ici  la  manière  d'introduire  les  bougies,  elle 
trouvera  naturellement  sa  place  dans  les  articles  relatifs  au  Cathétérisme, 
aux  Rétrécissements,  etc. 

Le  professeur  Dieulafoy  (de  Toulouse)  et  Guillon  ont  inventé,  chacun 
de  son  côté,  une  bougie  en  baleine  en  forme  de  vis  conique  ou  de  tire- 
fond  destinée  à  opérer  la  dilatation  brusque  des  rétrécissements  (voy. 
Dilatation)  . 

Rivikrk  (Lazare),  Obs.  xxxvn,  in  frequentiam  et  eurationern  dil'ficilium  mo-rborum  cum  curationibus 
corumdem,  à  la  suite  des  Observât,  méd.,  2e  édit.  Lugduni,  1659. 

Daran  (J.),  Observations  chirurgicales  sur  les  maladies  de  l'urètbre.  Paris,  1745;  56  édit.,  Avi- 
gnon, 1768. 

Sharp  (Samuel),  Critical  Inquiry  into  Ibe  présent  State  of  Surgery.  London,  1750,  ch.  x. 

Andrk  (N.),  Dissertation  sur  les  maladies  de  l'urèlbre  qui  ont  besoin  de  bougies.  Versailles  et 
Paris,  1751.  —  Manière  de  faire  usage  des  bougies  antivénériennes,  médicamenteuses  et  chirur- 
gicales, propres  à  guérir  toutes  les  espèces  de  rétentions  d'urine,  maladies  de  l'urèthre  et  de  la 
vessie.  Paris,  1758. 

Hunter  (.T.),  Œuvres  complètes,  traduites  par  J.  Richelot.  Paris,  1845,  t.  II  :  Traité  de  la  Sy- 
philis, p.  3)2. 


4-42  BOUILLONS.  —  bouillons  alimentaires. 

Hager  (J.  F.  T.),  Cereolorum  hisloria  et  usus  chirurg.  Halae.  1795,  in-8. 

Desault,  Journal  de  chirurgie,  t.  II,  p.  575,  et  t.  III,  p.  123. 

Meyer,  De  cereolis  in  curatione  blennorrhagise  non  plane  regiciendis.Erfordiaï.  1800,  in-4. 

Sjiyth,  Brief  Essay  on  llexible  metallic  Bougies.  London,  1804. 

Di'camp,  Traité  des  rétentions  d'urine  causées  par  le  rétrécissement  de  l'urèthre,  et  des  moyens 

à  l'aide  desquels  on  peut  détruire  complètement  les  obstructions  de  ce  canal.  5e  édit.  Paris 

1825. 
Jacobi,  De  nonnullorum  Cereolorum  in  curanda  urelhrae  strictura  usitatissimorum  origine  et  usu 

dissertatio.  Berolini,  1829. 
Civiale,  Traité  pratique  des  maladies  des  organes  génito-urinaires.  lre  édit.,  1837;  5e  édit.,  1858. 
Beniqué,  Béflexions  et  observations  sur  le  traitement  des  rétrécissements  de  l'urèthre.   Paris 

1844. 
Leroy  D'Etiolles,  Avantages  des  bougies  tortillées  en  spirale  dans  le  traitement  des  rétrécissements 

de  l'urèthre.  Paris,  1852. 
Bougies-éponges  destinées  au  traitement  des  rétrécissements   [Bull,  de  thérapeutique,   1854, 

t.  XLVI,  p.  514). 
Costello  (W.  B.),  Cuclopxdia  ofpractical  Surgery.  London,  1861,  vol.  I,  art.  Bougie. 

Antontn  Desormeaux. 


BOUILLONS.  —  On  comprend  sous  le  nom  général  de  bouillons  des 
solutions  aqueuses  préparées  avec  la  chair  de  divers  animaux,  et  compo- 
sées des  matériaux  solubles  contenus  dans  la  viande  elle-même  et  aussi 
de  ceux  qui  peuvent  prendre  naissance  sous  l'influence  de  l'eau  et  de 
la  chaleur. 

On  distingue  ordinairement  deux  sortes  de  bouillons  :  les  bouillons  dits 
alimentaires  et  los  bouillons  dits  médicinaux.  Nous  ne  voyons  pas  d'in- 
convénients à  conserver  cette  distinction,  bien  qu'il  devienne  chaque 
jour  plus  difficile  d'en  justifier  la  convenance  et  l'utilité  réelle,  les  bouil- 
lons alimentaires  devenant  médicinaux  lorsque  la  thérapeutique  en  fait 
usage,  et  les  bouillons,  proprement  dits  médicinaux,  comme  les  bouillons 
de  tortue,  de  grenouilles,  de  veau,  de  poulet,  etc.,  servant  d'aliments 
véritables  dans  diverses  circonstances.  La  composition  de  ces  deux  espèces 
de  bouillons  n'offre  pas  du  reste  de  profondes  différences  et  les  principes 
généraux  qui  précédent  à  leur  confection  sont  à  peu  près  les  mêmes.  Ces 
principes,  aujourd'hui  fixés  d'une  manière  certaine  par  le  concours  de 
la  théorie  et  d'une  longue  expérience,  sont  importants  à  connaître  et 
nous  les  résumerons  en  quelques  lignes. 

Bouillons  alimentaires.  —  La  chair  des  animaux  et  en  particulier 
la  chair  de  bœuf,  qui  forme  la  base  des  bouillons  ordinaires  des  ménages, 
renferme  des  parties  solubles  dans  l'eau  et  des  matériaux  naturellement 
insolubles  dans  ce  véhicule.  Les  substances  solubles  de  la  viande  crue 
sont  fort  nombreuses  et  la  chimie  en  découvre  chaque  jour  de  nouvelles; 
au  point  de  vue  restreint  qui  nous  occupe,  il  suffira  d'indiquer  les  sui- 
vantes :  albumine,  hématosine  (matière  colorante  du  sang),  créatine, 
créatinine,  inosite,  acide  inosique,  sarkosine,  sarkine,  acide  lactique, 
sels  divers  (phosphates,  sulfates  et  chlorures  à  base  de  potasse  et  de 
soude)  et  divers  principes  volatils  assez  fugaces  et  encore  mal  déter- 
minés. Les  matériaux  insolubles  dans  l'eau  sont  la  fibrine  des  muscles 
(musculine),  les  tendons,  les  os,  la  graisse  et  quelques  phosphates  à  base 
de  chaux  et  de  magnésie. 


BOUILLONS.  —  rouillons  alimentaires.  445 

Toutes  choses  égales  d'ailleurs,  le  meilleur  procédé  de  préparation  du 
bouillon  sera  celui  qui  épuisera  le  plus  sûrement  la  viande  de  ses  parties 
solubles  dans  l'eau.  Or,  à  ce  point  de  vue,  il  est  évident  qu'une  division 
préalable  de  la  viande  paraît  indispensable  pour  faciliter  l'accès  de  l'eau  au 
milieu  des  fibres  musculaires  serrées  et  compactes.  Mais  le  hachage  prélimi- 
naire, excellent  en  théorie,  et  mis  à  profit  dans  quelques  cas  que  nous  indi- 
querons plus  tard,  s'accorderait  mal  avec  nos  habitudes  culinaires  etl'éco- 
comie  des  ménages.  Le  prix  élevé  que  la  viande  atteint  dans  nos  contrées 
oblige,  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas,  à  consommer  le  bouillon  pro- 
duit et  le  résidu  insoluble  lui-même,  qu'on  est  amené  de  la  sorte  à  traiter 
en  morceaux  assez  volumineux.  L'action  de  l'eau  froide  serait  alors  in- 
suffisante pour  pénétrer  les  tissus  et  extraire  les  principes  solubles  ; 
pour  ce  motif  et  aussi  dans  le  but  de  développer  des  principes  sapides 
ou  odorants  que  la  chaleur  seule  peut  produire  dans  l'action  de  l'eau  sur 
la  viande,  on  est  naturellement  conduit  à  employer  l'eau  portée  à  une 
température  voisine  de  son  point  d'ébullition.  C'est  dans  cette  dernière 
condition,  la  seule  normale  et  la  seule  pratique,  qu'il  convient  d'étudier 
l'action  de  l'eau  sur  la  viande  crue,  au  point  de  vue  exclusif  de  la  meil- 
leure fabrication  du  bouillon. 

Chevreul  a,  le  premier,  démontré  par  des  expériences  précises  qu'il 
n'est  pas  indifférent  de  mettre  la  viande  dans  l'eau  froide  et  d'amener 
lentement  cette  dernière  à  l'ébullition  ou  de  la  plonger  dans  l'eau  lorsque 
celle-ci  est  bouillante.  Dans  le  premier  cas,  on  obtient  un  bouillon  aussi 
sapide  que  possible,  mais  le  résidu  (le  bouilli)  est  moins  agréable  à 
manger;  dans  le  second  cas,  le  bouilli  sera  excellent,  mais  le  bouillon 
renfermera  peu  de  matériaux  solubles  et  paraîtra  insipide.  L'explication 
de  ces  faits  est  facile  à  comprendre  :  la  viande  mise  dans  l'eau  froide  cède 
peu  à  peu  par  dissolution  superficielle  d'abord,  puis  ensuite  par  endos- 
mose lente,  une  partie  des  principes  solubles  qu'elle  renferme.  Les  pro- 
portions de  ces  substances  augmentent  dans  la  dissolution  à  mesure  que 
le  séjour  dans  l'eau  se  prolonge  et  que  la  température  s'élève  très-lente- 
ment jusqu'à  l'ébullition.  L'albumine,  interposée  entre  les  fibrilles  mus- 
culaires, ne  commence  à  se  coaguler  que  vers  60°  et  la  majeure  partie 
pourra  ainsi  sortir  des  cellules  et  passer  dans  le  liquide  où  elle  se  coagu- 
lera plus  tard  sous  forme  d'écume,  clarifiant  ainsi  spontanément  le 
bouillon.  En  plongeant  au  contraire  brusquement  la  viande  dans  de  l'eau 
bouillante,  l'albumine  des  premières  couches  musculaires  se  coagule  et 
forme  une  enveloppe  qui  empêche  les  matières  solubles  et  odorantes  de 
s'échapper.  Ces  principes  restent  dans  l'intérieur  de  la  trame  iibrineuse 
dont  ils  augmentent  la  sapidité  au  détriment  du  bouillon. 

On  comprend  alors  pourquoi  en  Allemagne,  dans  les  maisons  bour- 
geoises où  l'on  met  la  viande  dans  l'eau  froide  on  mange  rarement  la 
viande.  Dans  d'autres  contrées,  dans  les  Pays-Bas  par  exemple,  la  viande 
bouillie  sans  la  soupe  est  une  nourriture  très-ordinaire.  Aussi  les  ména- 
gères hollandaises  mettent  dans  l'eau  bouillante  la  viande  qui  ne  doit 
pas  faire  la  soupe.  (Moleschott.) 


4i4  BOUILLONS.  —  bouillons  alimentaires. 

Il  faut  entretenir  le  liquide  à  une  chaleur  voisine  de  l'ébullition  :  c'est 
la  nécessité  de  cette  chaleur  modérée  et  soutenue  qui  donne  tant  d'a- 
vantages aux  marmites  de  terre,  qui  conduisent  médiocrement  la  chaleur 
et  sont  à  l'abri  des  coups  de  feu.  La  confection  d'un  bon  bouillon  exige 
en  moyenne  de  cinq  à  sept  heures. 

Ch.  Robin  et  Verdeil  pensent  que,  par  suite  de  l'ébullition,  la  muscu- 
line  n'est  plus  ce  qu'elle  est  dans  la  chair  crue  ou  rôtie  :  l'altération 
qu'elle  a  subie  la  rapproche  de  la  gélatine  et  diminue  considérablement 
sa  valeur  nutritive.  A  ces  indications  Malaguti  ajoute  :  «  Et  qu'on  ne 
croie  pas  que  ce  que  la  viande  perd  on  le  retrouve  dans  le  bouillon.  On  a 
l'habitude  de  considérer  le  bouillon  comme  la  quintessence  de  la  viande  ; 
mais  c'est  une  erreur.  Le  bouillon  ne  renferme  que  des  principes  qui, 
sous  l'influence  d'une  température  élevée,  ayant  développé  du  parfum 
et  de  la  sapidité,  stimulent  les  nerfs  du  goût,  activent  la  sécrétion  de  la 
salive  et  du  suc  gastrique,  mais  ne  nourrissent  pas.  L'animal  qui  ne 
vivrait  pas,  n'ayant  pour  seule  nourriture  que  de  la  viande  cuite,  ne 
vivrait  pas  davantage  s'il  n'avait  pour  se  nourrir  que  du  bouillon.  » 

Outre  la  viande  on  ajoute  au  bouillon  du  sel  de  cuisine,  des  légumes, 
et  souvent  des  os.  Le  sel  de  cuisine  n'est  employé  que  pour  rehausser  la 
saveur  ordinaire  du  liquide  :  il  sert  aussi  à  faciliter  l'endosmose  et  la 
sortie  des  parties  solubles  contenues  dans  la  viande.  Il  doit  en  consé- 
quence être  ajouté  dès  le  début.  Les  légumes  varient  suivant  les  goûts, 
les  contrées,  la  saison,  etc.  Les  carottes,  les  navets,  les  panais,  les  choux, 
les  poireaux,  l'ail,  quelquefois  les  oignons  brûlés,  quelques  clous  de  gi- 
rofles, sont  le  plus  généralement  employés.  On  les  ajoute  lorsque  l'écu- 
mage  est  terminé. 

Quant  aux  os  qu'on  introduit  fréquemment  avec  la  viande  dans  le  pot- 
av-feu,  leur  proportion  ne  doit  pas  dépasser  25  pour  100  du  poids  de  la 
viande.  Sous  l'influence  de  l'eau  bouillante,  la  matière  chondrineuse  qui 
les  constitue  se  transforme  partiellement  en  gélatine  qui  se  dissout  dans 
le  bouillon,  et  la  cavité  médullaire  laisse  échapper  la  majeure  portion  de 
sa  matière  grasse  qui  fond  et  vient  surnager  le  liquide.  Les  os  n'ajoutent 
par  eux-mêmes  que  bien  peu  de  matériaux  alibiles  au  bouillon  :  c'est  un 
fait  aujourd'hui  incontestable.  Les  faits  si  intéressants  renfermés  dans  le 
rapport  de  la  commission  de  l'Académie  des  sciences,  dite  Commission 
de  la  gélatine,  démontrent  que  si  les  os  frais  peuvent  nourrir  certains 
animaux,  la  gélatine  qui  provient  de  leur  ébullition  dans  l'eau  ne  pos- 
sède plus  cette  propriété,  attendu  qu'elle  constitue  une  substance  toute 
différente  de  la  matière  organique  des  os  eux-mêmes.  Lorsque  les  os  sont 
adhérents  à  la  viande,  il  est  préférable  de  les  détacher  et  de  les  placer  au 
fond  du  vase  :  dans  cette  position,  ils  servent  à  soutenir  la  viande  et  à  la 
préserver  pendant  toute  la  durée  de  l'ébullition  du  contact  direct  des 
parois  inférieures  les  plus  échauffées. 

On  a  remarqué  depuis  longtemps,  sans  qu'on  puisse  en  donner,  à  notre 
avis,  une  explication  tout  à  fait  satisfaisante,  que  le  bouillon  préparé  en 
petit  est  toujours  d'une  saveur  et  d'une  qualité  supérieures  à  celui  qui  est 


BOUILLONS.  —  bouillons  alimentaires.  445 

fabriqué  dans  de  grandes  marmites.  Les  hôpitaux  civils  de  Paris  ont, 
depuis  plusieurs  années,  remplacé  avec  grand  avantage  les  immenses 
marmites  de  cuivre  par  des  marmites  de  fonte  d'une  contenance  de  cin- 
quante litres. 

Nous  croyons  utile  de  donner  quelques  formules  adoptées  pour  la  con- 
fection du  bouillon  : 

Bouillon  des  hôpitaux  civils  de  Paris. 

Eau 100  litres. 

Viande  et  os. 41  kil.  660  gram. 

Légumes 8   —   330     —      >  Pour  100  litres  de  bouillon. 

Sel  de  cuisine 1    —    120     — 

Oignons  brûlés 0          300     — 

La  viande  crue  est  désossée,  et  on  la  réunit  à  l'aide  de  gros  fil  en  pa- 
quets de  trois  kilogrammes  environ  ;  les  os  sont  concassés  et  placés  au 
fond  des  marmites,  et  la  viande,  liée  en  paquets,  est  posée  sur  une  grille 
ou  faux  fond  troué,  au-dessus  des  os. 

Bouillon  des  hôpitaux  militaires  (Extrait  d'une  circulaire  du  1er  janvier  J  866). 

La  viande  de  bœuf  à  mettre  à  la  marmite  doit  être  choisie  parmi  les 
différentes  parties  du  bœuf,  de  manière  à  répartir  également  dans  les 
pesées  les  morceaux  charnus  et  gras  et  les  portions  «osseuses. 

Il  est  alloué  à  chaque  malade  recevant  du  bouillon  180  grammes  de 
viande  crue  pour  la  préparation  de  ce  dernier.  La  quantité  d'eau  ne  doit 
pas  dépasser  2  litres  75  centilitres  par  kilogramme  de  viande. 

Bouillons  des  hôpitaux  de  la  marine. 

Viande  crue 1  kilog. 

Eau 4  litres. 

Légumes  verts 400  grammes. 

Sel 10        — 

Après  cinq  heures  de  cuisson  on  obtient  trois  litres  de  bouillon.  La 
viande  non  désossée  est  introduite  dans  la  marmite  au  moment  de  l'ébul- 
lition;  on  ajoute  peu  après  les  légumes  verts,  et,  en  dernier  lieu,  le  sel. 
On  opère  de  la  sorte  dans  le  but  d'avoir  un  bouilli  plus  savoureux  et 
propre  à  l'alimentation  des  convalescents  et  des  infirmiers  de  l'hôpital. 

MM.  Lefèvre,  directeur  du  service  de  santé  de  la  marine  à  Brest,  et 
Vincent,  pharmacien  en  chef  de  la  marine,  ont  recherché  s'il  ne  serait 
pas  possible  de  transformer  en  bouillon  le  bouilli  non  consommé  immé- 
diatement. Ayant  fait  hacher  500  grammes  de  ce  bouilli,  et  l'ayant  sou- 
mis à  une  coction  de  deux  heures  dans  deux  litres  d'eau,  avec  addition 
de  100  grammes  de  carottes  et  de  40  grammes  d'oignons,  ils  ont  obtenu 
800  grammes  d'excellent  bouillon.  C'est  là  un  résultat  économique 
avantageux,  et  dans  tous  les  hôpitaux  où  la  consommation  du  bouillon 
dépasse  celle  du  bouilli,  on  pourra  transformer  l'excédant  de  celui-ci  en 
une  nouvelle  quantité  de  bouillon.  Il  est  inutile  d'ajouter  qu'après  cette 
seconde  coction  le  résidu  de  la  viande  est  impropre  à  l'alimentation. 
(Fonssagrives.) 


446  BOUILLONS.  —  bouillons  aluieintaires. 

Bouillon  de  viande  (suivant  la  formule  adoptée  dans  les  établisscmenls  de  Duval). 

Bœuf  ordinaire 5  kil.  500  gram. 

Eau  (2  lit.  85  cenlil.  par  kilog.  de  viande) ....     10  —      » 

Sel  marin »  75     — 

Légumes  :  carottes,  poireaux,  panais,  navets..    .       »         000     — 
Trois  clous  de  girofle. 

Bouillon  de  viande  (formule  de  Chevrcul). 

Dans  un  vase  en  terre  vernissée  de  la  capacité  de  6  litres  on  introduit  : 

Viande  de  bœuf  privée  d'os.  .       1  kil.  433  sr.   )       ,  . -,   0,,_ 

r,  «,a  °  1  kd.  8bo  «;ram. 

Os »         4j0  —  )  ° 

Sel  marin »  40    — 

Eau 5  » 

Après  avoir  chauffé  graduellement  jusqu'à  l'ébullition,  on  remue,  puis 
on  ajoute  : 

Légumes  :  carottes,  navets,  oignon  brûlé,  551  grammes. 

En  maintenant  sans  interruption  un  bouillonnement  léger  pendant 
cinq  heures  et  demie,  on  obtient  : 

Bouillon  d'excellente  qualité 4  litres. 

Bouilli  excellent 858  grammes. 

Os 592        — 

Légumes  cuits 548         — 

La  densité  de  ce  bouillon  est  de  1,0157. 
Un  litre  renferme  : 

Eau 985«'6Û0 

Matières  organiques 16     917 

Sels  solubles  (sulfates,  chlorures  et  phosphates  alcalins).  10     721 

Sels  insolubles  (phosphates  de  chaux  et  de  magnésie).  »     559 

1,015^  777 

Les  parties  du  bœuf  auxquelles  on  donne  généralement  la  préférence 
pour  la  préparation  du  bouillon,  sont  :  la  culotte,  la  tranche,  le  gîte  à  la 
noix  et  la  côte  d'aloyau. 

Le  bouillon  préparé  pour  les  malades  ou  les  convalescents  doit  être 
dépouillé  aussi  complètement  que  possible  de  la  graisse  qui  le  surnage. 
Cet  enlèvement  peut  se  pratiquer  à  froid,  alors  que  la  matière  grasse  est 
figée,  ou  à  chaud,  alors  qu'elle  affecte  encore  la  forme  d'œi/s. 

Il  est  à  peine  nécessaire  d'ajouter  que  le  bouillon  doit,  autant  que  pos- 
sible, être  préparé  au  fureta  mesure  des  besoins  et  de  la  consommation. 
Comme  tous  les  liquides  riches  en  matières  organiques,  il  est  prompt  à 
subir  la  décomposition,  principalement  par  les  temps  chauds  et  orageux, 
et  passe  très-vite  à  un  état  d'acidité  fort  désagréable.  On  prévient  souvent 
ce  dernier  inconvénient  en  projetant  dans  le  bouillon  qu'on  désire  con- 
server un  ou  deux  gros  fragments  de  charbon  incandescents. 

Le  choix  des  légumes  est  une  affaire  de  goût  quand  il  s'agit  de  bouillon 
destiné  à  des  gens  valides  ;  mais  lorsque  le  bouillon  est  préparé  pour  des 
malades,  quelques  légumes  doivent  être  interdits  à  raison  de  leurs  qua- 
lités indigestes  :  les  choux  et  les  navets  sont  dans  ce  cas;  les  carottes, 


BOUILLONS.  —  bouillons  médicinaux.  447 

les  poireaux,  le  céleri,  sont  les  seuls  dont  il  faille  faire  usage.  Quant  aux 
oignons  brûlés  destinés  à  colorer  le  bouillon,  ils  peuvent  être  remplacés 
avec  avantage  par  le  caramel.  (Fonssagrives.) 

Bouillon  Liebig.  —  Liebig  indique  le  procédé  suivant  pour  obtenir,  en 
moins  d'une  heure,  un  bouillon  riche  en  principes  tirés  de  la  viande  et 
doué  d'une  saveur  très-agréable  : 

Un  kilogramme  de  viande  de  bœuf,  dépourvue  de  sa  substance  grasse, 
étant  coupé  en  morceaux  très-menus,  ou  haché,  est  chauffé  lentement, 
jusqu'à  l'ébullition,  avec  un  kilogramme  d'eau  :  les  écumes  sont  enlevées, 
puis  on  ajoute  le  sel,  et  au  bout  de  quelques  minutes  d'une  ébullition 
légère,  on  obtient  un  bouillon  très-sapide. 

Le  bouillon  évaporé  au  bain-marie  donne  un  extrait  d'une  consistance 
molle,  susceptible  de  se  conserver. 

Bouillon  dit  fortifiant  de  Liebig.  —  On  prend  250  grammes  de  viande 
fraîche  de  bœuf  :  on  hache  cette  viande  ;  on  la  délaye  dans  560  grammes 
d'eau  distillée,  additionnée  de  4  gouttes  d'acide  hydrochlorique  et  de 
3  grammes  de  sel;  on  laisse  macérer  pendant  une  heure;  on  passe  en- 
suite sur  un  tamis  de  crin  ou  un  linge  serré. 

M.  Debout  a  fait  remarquer  que  la  couleur  et  l'odeur  de  cette  prépara- 
tion peuvent  répugner  à  bon  nombre  de  malades.  Si  on  le  chauffe,  on 
sépare  l'albumine,  et  on  a  un  bouillon  moins  chargé  de  matière  azotée; 
pris  froid,  au  contraire,  il  est  très-propre  à  rendre  de  l'albumine  au  sang. 

Il  serait  hors  de  propos  de  faire  entrer  dans  le  cadre  de  cet  article  la 
description  des  diverses  espèces  de  bouillons  préconisés  par  quelques 
médecins  ou  chimistes,  et  les  formules  employées  pour  obtenir  les  pré- 
parations connues  sous  les  noms  de  conserves  de  bouillon,  tablettes  de 
bouillon,  etc.  Nous  nous  bornerons  à  signaler  le  bouillon  fortifiant  de 
Gielt  et  Pieufer  de  Munich;  le  bouillon  dit  thé  de  bœuf,  de  Beneke;  le 
bouillon  concentré  (Portable  soup),  les  conserves  de  bouillon  de  Martin 
de  Lignac,  les  tablettes  de  bouillon  de  Cadet  de  Gassicourt,  et  Yextractum 
carnis  de  Liebig. 

Bouillons  médicinaux.  —  Les  bouillons  dits  médicinaux  ont,  en 
général ,  pour  base  la  viande  d'animaux  jeunes,  à  chair  moins  ser- 
rée et  moins  sapide  que  la  viande  de  bœuf.  La  cuisson  doit  avoir  lieu  à 
un  feu  très-modéré,  et  mieux  encore  au  bain-marie.  On  ajoute  quelque- 
fois des  légumes  aux  bouillons  médicinaux,  dans  le  but  de  rehausser  leur 
saveur  généralement  assez  fade. 

Les  bouillons  médicinaux  les  plus  employés  sont  ceux  de  veau  (rouelle 
et  mou),  de  poulet,  de  grenouilles,  de  tortue  et  de  limaçons. 

Bouillon  de  veau. 

Rouelle  de  veau 125  grammes. 

Eau 1  litre. 

On  fait  cuire  à  un  feu  modéré,  ou  au  bain-marie,  pendant  deux  heures, 
et  on  passe  après  refroidissement. 

On  prépare  de  même  les  autres  bouillons. 


448  BOUILLON-BLANC. 

On  coupe  la  tête  de  la  tortue,  on  sépare  par  la  scie  la  carapace  du 
plastron,  et  après  avoir  enlevé  la  chair  musculaire  on  rejette  les  intestins. 

On  coupe  la  tête  de  la  grenouille  au-dessous  des  pattes  antérieures,  on 
dépouille  sa  peau  et  on  rejette  les  intestins. 

La  chair  des  escargots  doit  aussi  être  séparée  des  intestins  et  de  la 
coquille. 

Sous  le  nom  de  bouillon  d'herbes,  bouillon  aux  herbes,  on  fait  fréquem- 
ment usage  de  la  décoction  suivante,  usitée  surtout  comme  adjuvant  des 
purgalions  ordinaires. 

Bouillon  d'herbes. 

Oseille 120  grammes. 

Cerfeuil 10        _ 

Eau 1,000        — 

Sel  de  cuisine 12        — 

Beurre  frais 10        — 

On  fait  cuire  les  plantes  avec  une  petite  quantité  d'eau,  en  agitant  con- 
tinuellement; on  ajoute  ensuite  le  reste  de  l'eau,  le  sel  et  le  beurre,  et 
l'on  porte  à  l'ébullition  pendant  quelques  minutes. 

Bouchardat  (A.),  Mémoire  sur  l'hygiène  des  hôpitaux  et  hospices  civils  de  Paris  [Annales  d'hygiène 
publique,  1837,  t.  XVIII,  p.  56). 

Socbeiran,  Traité  de  pharmacie  théorique  et  pratique. 

Liebig,  Mémoire  sur  les  principes  des  liquides  de  la  chair  musculaire  [Annales  de  chimie  et  de 
physique,  3e  série,  t.  XXIII,  juin  1848). 

Tardieu,  Dictionnaire  d'hygiène  publique  et  de  salubrité,  2e  édition,  t.  I,  p.  297. 

Girardin,  Leçons  de  chimie  élémentaire,  t.  II,  p.  400. 

Moleschott  (J .),  De  l'alimentation  et  du  régime,  traduit  de  l'allemand  sur  la  3e  édition,  par  Fer- 
dinand Flocon. 

Bulletin  de  thérapeutique,  t.  XL VII,  p.  572. 

Fonssagrives  (J.  B.),  Hygiène  alimentaire  des  malades,  des  convalescents  et  des  valétudinaires, 
Paris,  1861. 

Levy  (Michel),  Trailé  d'hygiène  publique  et  privée,  4e  édition.  Paris,  1802,  t.  I,  p.  800. 

Païen,  Précis  théorique  et  pratique  des  substances  alimentaires,  4e  édition,  p.  92. 

Z.  Roussus. 


BOUILLON-BLANC  —  Le  Bouillon-blanc,  Verbascum  thapsus 
Linn.,  est  une  plante  de  la  famille  des  solanées,  que  l'on  connaît  encore 
sous  le  nom  de  Molène  et  de  CÀerge  de  Notre-Dame. 

Description.  —  C'est  une  plante  bisannuelle  qui  peut  atteindre  jusqu'à 
deux  mètres  de  haut  ;  elle  est  remarquable  par  ses  longs  épis  chargés  de 
fleurs  jaunes,  dorées,  d'un  vif  éclat  et  par  ses  larges  rosettes  de  feuilles 
qui  s'étalent  sur  la  terre.  Toute  la  plante  est  couverte  d'un  épais  duvet 
de  poils  blancs,  c'est  ce  qui  lui  a  valu  son  nom.  —  Les  fleurs  ont  une 
odeur  douce  et  suave.  Le  calice  est  gamosépale  à  5  divisions,  la  corolle 
est  monopétale,  irrégulière,  à  tube  court  à  cinq  lobes  concaves  ;  il  y  a 
cinq  étamines,  trois  d'entre  elles  portent  à  leur  base  de  petites  houppes 
de  poils  roides  et  blancs.  Au  centre  se  trouve  le  pistil  (fig.  36). 

Récolte.  —  On  emploie  les  feuilles  et  les  fleurs.  La  récolte  des  pre- 
mières ne  présente  aucune  particularité  intéressante.  On  se  les  procure  au 
mois  de  juin  ou  de  juillet.  Pour  les  fleurs,  on  les  peut  prendre  complètes  ; 


BOUILLON-BLANC. 


449 


mais  on  fait]fmieux  de  ne  cueillir  que  les  corolles.  La  cueillette  est  plus 
longue;  mais  elle  ne  présente  aucune  difficulté,  surtout  si  l'on  attend  que 
la  fécondation  des  fleurs  ait  eu 
lieu;  car,  après  ce  moment,  elles 
se  séparent  d'elles-mêmes  et 
tombent,  en  sorte  que  la  plus 
légère  traction  suffit  pour  les 
arracher.  On  doit,  si  l'on  tient 
à  ce  que  les  fleurs  conservent 
leur  couleur  brillante,  les  faire 
sécher  rapidement  et  les  con- 
server dans  des  flacons  bouchés 
et  à  l'abri  de  la  lumière. 

Usages.  —  L'emploi  du  Bouil- 
lon-blanc remonte  très-loin  ;  les 
anciens  vantaient  cette  plante 
dans  l'épilepsie.  Tragus  indique 
l'eau  distillée  de  fleurs  du  Bouil- 
lon-blanc dans  les  brûlures,  l'é- 
rysipèlc,  la  goutte  et  les  maladies 
de  peau.  Du  temps  de  Dodoneus, 
on  les  employait  pour  teindre 
les  cheveux  et  pour  guérir  les 
fistules.  Matthiole  prétend  que 
ces  fleurs,  mêlées  à  un  jaune 
dceuf,    guérissent    les    hémor- 

rhoïdes,  et  il  ajoute  :  «  Le  Bouillon-blanc,  pris  en  eau,  est  bon  contre  les 
inflammations  du  gosier,  la  toux,  les  crachats.  »  C'est,  de  toutes  les  indi- 
cations données  par  les  anciens,  la  seule,  à  peu  près,  qui  nous  soit  restée. 

Le  Boaillon-blanc  est  un  remède  populaire.  On  emploie,  dans  toutes 
nos  campagnes,  les  fleurs  comme  pectorales  et  adoucissantes  dans  les  ca- 
tarrhes pulmonaires,  l'hémoptysie  et  la  phthisie.  Cazin  dit  avoir  donné 
avec  succès  dans  les  diarrhées  accompagnées  de  ténesme  et  de  coliques, 
des  lavements  de  décoction  de  bouillon-blanc. 

Les  feuilles  en  cataplasmes  soulagent,  dit-on,  les  douleurs  des  hémor- 
rhoïdaires.  Enfin,  Gaspard  Hoffmann  prétend,  et  Dubois  (de  Tournai)  con- 
firme cette  assertion,  que  les  gueux  se  guérissent,  avec  cette  plante,  les 
faux  ulcères,  qu'ils  se  sont  causés  par  la  Renoncule  bulbeuse,  dans  l'in- 
tention d'abuser  de  la  charité  publique.  Quelques  lotions,  faites  avec  l'eau 
qui  a  servi  à  faire  bouillir  les  feuilles  de  Bouillon-blanc,  suffisent  pour 
amener  la  disparition  des  ces  plaies. 

Préparation,  doses  et  mode  d'administration.  —  1°  Macération  :  8  à  15 
grammes  de  fleurs  par  litre  d'eau,  en  tisane.  —  2°  Infusion  :  10  à  50 
grammes  par  litre  d'eau,  en  tisane.  —  5°  Décoction  :  50  à  00  grammes 
de  feuilles,  pour  lotions.  —  4°  Huile  (1  partie  de  fleurs  pour  2  parties 
d'huile)  pour  frictions  et  embrocations. 

nouv.  dut.  micd.  et  cm?..  V.  —  29 


Fig.  36 


450  BOULIMIE.  —  pathologie. 

Quand  on  administrera  l'infusion  des  fleurs  à  l'intérieur,  on  éloignera 
tout  ce  que  nous  avons  appelé  le  calice,  et,  pour  plus  de  précaution,  on 
fera  bien  de  faire  passer  le  liquide  à  travers  un  linge,  car  les  poils  qui 
couvrent  cette  enveloppe  florale,  et  même  ceux  qui  se  trouvent  à  la  base 
des  étamines,  peuvent  s'arrêter  dans  la  gorge  et  provoquer  la  toux. 

Analyse.  —  On  ne  possède  pas  encore  d'analyse  bien  faite  de  cette 
substance;  on  y  a  trouvé  une  huile  essentielle  jaune,  et  on  y  a  décrit  un 
principe  assez  mal  connu  qu'on  appelle  Verbasciue. 

Succédanés  :  —  Plusieurs  plantes  voisines:  le  Bouillon-noir,  Verbascum 
nigrum  Linn.;  la  Molène  sinnée,  Verbascum  sinnatum  Linn.;  la  Molène 
lychinis,  Verbascum  lychnis  Linn.  Léon  Marchand. 

HOUIjOIIE  (BouXijiia.,   de  (3ouç,  bœuf,  et  aijxoç  ,  faim,  faim  de 

bœuf) . 

pathologie. 

En  pathologie  générale  on  doit  considérer  la  boulimie  comme  un  phé- 
nomène de  physiologie  pathologique  consistant  en  un  trouble  de  sen- 
sation, par  suite  duquel  les  malades  sont  en  proie  à  une  faim  excessive,  à 
un  besoin  de  prendre  une  quantité  d'aliments  plus  grande  qu'à  l'ordinaire. 

L'étude  de  ce  phénomène  ne  devrait  pas  porter  seulement  sur  la  quan- 
tité, la  qualité,  la  nature  des  aliments;  mais  encore  il  faudrait  passer  en 
revue  ces  troubles  des  fonctions  digestives,  désignés  sous  le  nom  de  ma- 
lade, de  pica,  autres  perversions  de  sensations  qui  portent  les  individus  à 
se  nourrir  de  matériaux  de  toute  nature.  Mais,  comme  ces  épiphénomènes 
seront  étudies  avec  la  gastralgie,  nous  les  laisserons  de  côté  pour  le  mo- 
ment, nous  bornant  à  dire  qu'ils  accompagnent  assez  souvent  la  bou- 
limie. Aussi  n'étudierons-nous  dans  cet  article  qu'un  des  côtés  de  la 
question,  c'est-à-dire  nous  ne  nous  occuperons  que  de  la  boulimie. 

Certains  auteurs  ont  voulu  considérer  la  boulimie  comme  le  synonyme 
de  gastralgie,  c'est  ainsi  qu'ils  ont  englobé  sous  ce  nom  impropre  de 
gastralgie,  et  la  douleur  de  l'estomac  proprement  dit,  et  les  divers  trou- 
bles désignés  par  les  noms  de  pica,  malacia,  boulimie.  Quant  à  nous, 
nous  ne  considérerons  la  boulimie  que  comme  un  trouble  fonctionnel, 
qui,  quoique  plus  spécialement  dépendant  d'une  lésion  nerveuse  de  l'es- 
tomac, n'en  constitue  pas  moins  un  simple  accident  que  l'on  doit  ratta- 
cher à  un  grand  nombre  de  maladies  diverses,  et  qui  survient  notamment 
dans  le  cours  de  plusieurs  névroses  distinctes  des  fonctions  digestives. 
C'est  ainsi  qu'on  trouve  cette  perversion  des  fonctions  de  l'estomac  dans 
l'aliénation  mentale,  l'hystérie,  la  grossesse;  dans  certaines  affections 
cérébrales,  telles  que  le  ramollissement  cérébral,  l'hémorrhagie  cérébrale. 

La  boulimie  n'est  pas  toujours  le  signe  d'une  maladie.  Cet  appétit  dé- 
sordonné se  trouve  chez  certaines  personnes  ;  la  voracité  est  dans  leur 
état  normal.  Mais  il  ne  faudrait  pas  conclure  que  chez  elles  l'embonpoint 
sera  toujours  porté  à  un  degré  extrême;  les  aliments  pris  en  trop  grande 
quantité  ne  profitent  pas  à  l'économie  ;  les  individus  atteints  de  boulimie 
sont  ordinairement  très-maigres.  D'autrefois  cet  appétit  vorace  n'est  que 


BOULIMIE.  —  pathologie.  451 

momentané,  et  alors  il  est  sous  l'influence  d'une  médication.  C'est  ainsi 
qu'il  m'est  donné  de  voir,  dans  ce  moment,  à  la  consultation  de  l'hôpital 
de  la  Charité,  un  homme  atteint  d'une  ostéite  de  l'annulaire  droit.  Mon 
maître,  le  professeur  Natalis  Guillot,  a  soumis  ce  malade  à  l'usage  de  l'io- 
dure  de  fer;  sous  cette  influence,  cet  homme  raconte  qu'il  a  un  appétit 
vorace,  rien  ne  peut  le  rassasier,  il  éprouve  le  besoin  de  manger  à 
chaque  instant;  auparavant  il  était  assez  sobre,  un  rien  lui  suffisait.  Ma- 
gendie  avait  du  reste,  appelle  l'attention  sur  ce  sujet,  quand  il  a  donne  pour 
la  première  fois  soit  l'iodure  de  potassium,  soit  l'iodure  de  fer.  D'autres 
fois,  enfin,  on  a  pu  rapporter  cette  exagération  de  la  faim  à  une  dispo- 
sition anatomifjue  du  tube  digestif.  On  connaît  ces  faits  rapportés  par 
tous  les  auteurs;  c'est  ainsi  que  Vesale  etLieutaud  ont  noté  l'ouverture  du 
canal  cholédoque  dans  l'estomac;  que  Percy  a  signalée  le  peu  de  longueur 
du  tube  digestif;  que  Leroux  signale  le  développement  extrême  des  val- 
vules conniventes  ;  enfin  Landré-Ëeauvais,  Ollivier  (d'Angers),  ont  noté 
l'absence  de  la  vésicule  du  fiel.  A  côté  des  faits  que  je  viens  de  signaler, 
et  qui,  à  mon  avis,  ne  constituent  pas  un  phénomène  morbide,  mais  bien 
un  phénomène  physiologique,  je  placerai  ces  appétits  voraces  que  l'on 
voit  survenir  parfois  chez  la  femme  pendant  la  grossesse,  chez  les  jeunes 
gens  qui  se  livrent  à  des  exercices  violents,  chez  les  chasseurs,  chez  les 
voyageurs  qui  gravissent  à  jeun  de  hautes  montagnes,  ce  qui  dépend  soit 
de  l'ascension  en  elle-même,  soit  de  l'air  extrêmement  vif  qu'ils  respirent 
(Beau);  enfin  je  signalerai  ces  appétits  qui  se  montrent  pendant  la  conva- 
lescence des  maladies  aiguës,  après  une  diète  rigoureuse,  et  principale- 
ment après  les  inflammations  du  tube  digestif.  Ce  phénomène  pourra 
parfois  devenir  dangereux,  car  les  malades  résistant  peu  à  leur  entraîne- 
ment pour  les  aliments,  mangent  trop,  et  souvent  des  rechutes  se  pro- 
duisent par  suite  de  leur  intempérance. 

Ces  préliminaires  étaient  nécessaires  pour  nous  permettre  d'étudier  la 
boulimie  en  tant  que  trouble  fonctionnel  pouvant  aider,  pour  sa  part, 
bien  faiblement  il  est  vrai,  à  la  connaissance  des  divers  états  morbides 
dans  lesquels  on  le  rencontre. 

La  boulimie  est  caractérisée  par  une  faim  excessive,  un  appétit  vorace. 
«  Le  malade  éprouve,  dit  le  professeur  Trousseau,  constamment  une  sen- 
sation de  vide  dans  l'estomac;  à  peine  a-t-il  mangé,  que  deux  heures,  une 
heure  même  après  son  repas,  l'appétit  se  fait  de  nouveau  vivement  sentir, 
sinon  un  appétit  réel,  du  moins  un  faux  besoin.  Alors  même  qu'elle  est 
satisfaite,  cette  faim  est  accompagnée  d'un  sentiment  de  faiblesse  très- 
prononcée.  »  Tant  que  cet  appétit  immodéré  n'est  pas  satisfait,  les  ma- 
lades sont  tourmentés  par  un  malaise  indéfinissable,  par  de  la  cardialgie, 
des  défaillances  pouvant  aller  jusqu'à  la  syneope,  l'obscurcissement  de  la 
vue,  l'agitation,  le  délire  même.  La  faim  satisfaite,  ils  tombent  dans  une 
torpeur  d'où  ils  ne  sortent  que  pour  se  livrer  de  nouveau  à  leurs  appétits 
voraces.  La  boulimie  présente  différents  degrés:  quelquefois  l'appétit  dé- 
passe à  peine  les  limites  de  l'état  normal,  d'autres  fois  l'appétit,  qui  s'était 
fait  sentir  comme  excessif,  se  calme  subitement  après  l'ingestion  d'une  ou 


455  BOULIMIE.  —  pathologie. 

deux  bouchées  d'aliments;  dans  d'autres  cas,  enfin,  la  voracité  de  certains 
malades  est  véritablement  sans  bornes  :  on  en  a  vu  manger  douze  kilogram- 
mes de  pain  dans  les  vingt-quatre  heures  (Rostan).  Dans  ces  cas  on  peut  voir 
les  malades  manger  jusqu'à  ce  que  l'estomac  se  débarrasse  par  le  vomisse- 
ment du  fardeau  qui  le  surcharge  ;  on  a  alors  une  variété  de  boulimie  dési- 
gnée sous  le  nom  de  cynorexie,  faim  canine  (famés  canina);  chez  d'autres 
malades,  les  aliments  dévorés  avec  promptitude  sont  presque  aussitôt  reje- 
tés  par  l'anus  :  autre  variété  de  boulimie  désignée  sous  le  nom  de  faim  de 
loup,  lycorexie  (famés  lupina).  Dans  la  boulimie,  on  n'observe  ni  éructa- 
tions, ni  llatuosités,  ni  vomissements,  si  ce  n'est  dans  la  variété  que  nous 
venons  de  signaler.  La  constipation  en  est  un  phénomène  habituel;  toute- 
fois, dans  quelques  circonstances,  il  y  a,  au  contraire,  de  la  diarrhée,  et 
ce  flux  intestinal  plus  ou  moins  abondant  provient,  dit  Trousseau,  de  ce 
que  les  aliments  sont  trop  rapidement  chassés  de  l'estomac  dans  le  duo- 
dénum, avant  que  le  premier  travail  de  la  digestion,  celui  de  la  digestion 
gastrique,  ait  eu  le  temps  de  s'accomplir;  les  selles  sont  fétides  ;  le  corps 
du  malade  exhale  parfois  une  odeur  forte  et  désagréable.  A  la  boulimie, 
surtout  celle  qui  se  montre  dans  la  gastralgie,  vient  se  joindre  souvent 
une  perversion  du  goût  qui  porte  les  malades  à  se  nourrir  exclusivement 
d'aliments  inusités  :  sel,  poivre,  cornichons,  etc.,  ou  à  avaler  les  corps 
les  plus  divers,  les  plus  grossiers,  les  plus  immondes  :  du  charbon,  du 
plâtre,  de  l'encre,  des  insectes,  de  l'urine,  des  matières  fécales.  Ces  deux 
nouveaux  troubles  fonctionnels  qui  se  montrent  en  môme  temps  que  la 
boulimie,  ont  reçu  :  le  premier,  le  nom  de  malade;  le  deuxième,  celui 
de  pica;  on  les  observe  surtout  dans  la  boulimie  qui  se  montre  chez  les 
femmes  enceintes,  et  chez  les  enfants  à  la  seconde  dentition;  Percy  a 
décrit  sous  le  nom  à'omophagie  {ù[xéq,  cru,  et  tpavo,  je  mange),  cette 
dépravation  du  goût  qui  porte  quelques  mangeurs  insatiables  à  se  nourrir 
d'aliments  crus. 

Les  individus  atteints  de  boulimie  conservent  quelquefois  de  l'embon- 
point; on  conçoit,  en  effet,  que  puisque  ce  trouble  fonctionnel  résulte  de 
causes  très-différentes,  si  la  lésion  est  légère  ou  si  elle  consiste  en  un 
simple  trouble  nerveux,  le  corps  offrira  toutes  les  apparences  de  la  santé. 
Mais  si  l'affection  est  grave,  de  longue  durée,  on  voit  les  individus,  mal- 
gré leur  appétit  vorace,  maigrir  énormément,  ne  présenter  bientôt  qu'un 
véritable  squelette,  et  succomber,  non  à  la  boulimie,  mais  bien  à  l'affec- 
tion qui  lui  a  donné  naissance.  En  effet,  dans  la  boulimie,  en  même 
temps  que  le  médecin  étudie  les  caractères  de  ce  trouble  fonctionnel,  il 
constate  des  désordres  aussi  nombreux  et  aussi  variables  que  le  sont  les 
lésions  dont  la  boulimie  n'est  que  le  symptôme. 

Quelles  sont  donc  les  maladies  où  l'on  rencontre  ce  phénomène  mor- 
bide? Ces  maladies  sont  nombreuses  ;  aussi  afin  de  les  citer  avec  ordre  et 
méthode,  nous  les  diviserons  en  plusieurs  groupes.  Dans  un  premier 
groupe  nous  placerons  les  maladies,  soit  aiguës,  soit  chroniques,  qui  ont 
des  caractères  anatomiques  bien  tranchés  ;  dans  un  deuxième,  nous  ran- 
gerons les  affections  nerveuses,  les  névroses;  dans  un  troisième,  les  affec- 


BOULIMIE.  —  pathologie.  455 

tions  vermineuses  ;  eniin,  dans  un  quatrième  groupe,  nous  citerons 
toutes  les  causes  qui,  en  agissant  soit  directement,  soit  indirectement  sur 
l'estomac,  sont  susceptibles  de  provoquer  la  boulimie.  Ceci  étant  connu, 
la  valeur  diagnostique  et  pronostique,  ainsi  que  le  traitement  de  ce  phé- 
nomène morbide,  seront  plus  faciles  à  établir. 

Premier  groupe.  —  Les  maladies  aiguës  ou  chroniques  siégeant  dans 
l'estomac,  telles  que  gastrite,  cancer,  s'accompagnent  très-rarement,  pour 
ne  pas  dire  jamais,  de  boulimie.  Broussais,  ainsi  que  nous  le  verrons,  du 
reste,  lorsque  nous  nous  occuperons  de  la  nature  de  ce  trouble  fonctionnel, 
pensait  pourtant  que  la  simple  irritation  de  la  muqueuse  pouvait  y  donner 
lieu.  Aujourd'hui  que  la  gastrite  aiguë  est  peut-être  un  peu  trop  rejetée 
du  cadre  de  la  nosologie,  on  ne  constate  jamais  de  boulimie  dans  cette 
affection.  Les  affections  des  organes  environnants  peuvent  parfois  y  donner 
lieu  ;  ainsi  le  professeur  Rostan  cite  un  cas  d'affection  organique  du  foie 
et  du  dujodenum  chez  un  jeune  médecin  ayant  donné  lieu  à  de  la  boulimie. 
Les  affections  chroniques  de  la  poitrine,  principalement  la  phthisie  pul- 
monaire, présentent  assez  souvent  ce  phénomène.  Guersent  l'a  signalé 
chez  les  enfants.  Qui  n'a  vu  chez  les  phthisiques  un  appétit  vorace  se 
déclarer  peu  de  jours,  peu  d'heures  avant  la  mort?  Les  rachitiques  le  pré- 
sentent de  même;  Sauvages  en  a  fait  une  variété  à  part,  qu'il  a  décrite 
sous  le  nom  de  boulimia  addephagia. 

Les  individus  atteints  d'affections  cérébrales,  telles  que  ramollissement, 
hémorrhagie;  ceux  qui  sont  atteints  de  la  paralysie  générale  des  aliénés, 
présentent  parfois  à  un  très-haut  degré  ce  phénomène.  Dans  les  asiles 
de  vieillards,  à  la  Salpétrière,  à  Bicètre,  on  l'observe  fréquemment.  En 
ville,  de  même,  on  le  rencontre  ;  parfois  il  annonce  le  début  de  l'affec- 
tion, et  il  se  continue  pendant  toute  la  durée  de  la  maladie. 

Chez  les  personnes  atteintes  de  goitre  exophthalmique,  le  professeur 
Trousseau  a  constaté  souvent  une  boulimie  intense.  Les  malades  mangent 
trois  ou  quatre  fois  plus  que  de  coutume,  ce  qui  ne  les  empêche  pas, 
dit-il,  de  maigrir. 

Enfin  nous  ne  devons  pas  oublier  que  la  boulimie  est  un  symptôme 
presque  constant  du  diabète. 

Dans  ce  groupe  je  ferai  rentrer  les  aliénés.  Nous  avons  vu  que  dans 
l'une  des  variétés  de  l'aliénation  mentale,  dans  la  paralysie  générale  des 
aliénés,  on  rencontrait  assez  souvent  ce  phénomène;  de  même,  dans  les 
autres  variétés  et  principalement  chez  les  maniaques,  on  voit,  en  certains 
moments,  pendant  les  accès,  ces  malheureux  éprouver  de  la  soif,  du  dégoût 
pour  les  aliments,  ou  bien  un  appétit  vorace,  rien  ne  peut  les  rassasier. 

Deuxième  groupe.  —  Les  névroses  de  l'estomac,  la  gastralgie,  la  dys- 
pepsie, sont  surtout  celles  où  l'on  rencontre  le  plus  fréquemment  la  bou- 
limie ;  c'est  encore  le  groupe  d'affections  qui  le  présente  au  plus  haut 
degré.  Nous  avons  même  dit  que  plusieurs  auteurs  avaient  fait  de  ce 
trouble  fonctionnel  une  véritable  maladie.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  boulimie 
se  rencontre  ici  avec  ses  diverses  variétés  :  elle  se  présente  avec  une  in- 
tensité très-variable,  tantôt  à  peine  prononcée,  tantôt  portée  à  un  degré 


454  BOULIMIE.  —  pathologie. 

extrême.  Elle  n'est  presque  jamais  continue;  elle  précède  souvent  les  exa- 
cerbations  de  la  maladie  ou  annonce  son  invasion.  Enfin  elle  s'accom- 
pagne d'autres  troubles  fonctionnels,  tels  que  le  pica,  la  malacie. 

Parmi  les  névroses  convulsives,  l'hystérie  présente  parfois  ce  phéno- 
mène morbide.  On  sait  que  les  fonctions  digestives,  chez  les  hystériques, 
subissent  presque  constamment  une  altération  ;  mais  rien  de  moins  con- 
stant, dit  Axenfeld,  que  le  degré  d'intensité  et  la  nature  des  accidents 
qu'on  observe.  C'est  ainsi  qu'à  côté  de  ces  appétits  voraces,  on  trouve 
l'appétit  diminué,  ou  bien  une  anorexie  complète.  Ce  sont  les  hystériques 
qui  ont  fourni  ces  exemples  à  peine  croyables  d'abstinence  prolongée  ou 
de  voracité  extrême  qu'on  trouve  cités  dans  tous  les  traités  de  physiologie 
et  de  pathologie.  Dans  la  classe  des  névroses,  je  citerai  encore  la  chlorose, 
rivypochondrie.  Dans  ces  maladies,  dit  le  professeur  Monneret,  les  nerfs 
de  l'estomac  sont  influencés  sympathiquement  par  l'irritation  du  rachis 
ou  de  l'encéphale.  Enfin,  dans  ce  groupe,  je  signalerai  les  faits  de  Sar- 
cone.  Cet  auteur,  dans  sa  relation  de  l'épidémie  de  Naples,  a  vu  les  ma- 
lades, tantôt  se  privant  totalement  d'aliments,  tantôt  en  dévorant  d'abon- 
dantes quantités,  peu  de  jours  avant  la  manifestation  du  fatal  symptôme 
d'hvdrophobie.  Je  ne  saurai  me  porter  garant  de  ces  faits.  Parmi  les  cas 
d'hydrophohie  signalés,  et  dans  un  cas  qu'il  m'a  été  donné  de  voir  en 
1863,  à  l'hôpital  des  Enfants,  ce  trouble  n'a  pas  existé. 

De  même,  je  ne  fais  que  signaler  les  faits  rapportés  par  J.  Frank,  où 
il  s'agit  d'une  lésion  du  nerf  pneumogastrique  et  du  plexus  cœliaque, 
pendant  laquelle  il  serait  survenu  de  la  boulimie. 

Troisième  groupe.  —  Les  affections  vermineuses,  en  même  temps 
qu'elles  sont  accusées  par  des  coliques,  des  pincements  de  ventre,  sont 
accompagnées  de  boulimie  ;  aussi  voit-on  le  malade  inaigrir,  perdre  ses 
forces,  et  pourtant  il  mange  au  delà  de  l'ordinaire.  Ce  trouble  fonctionnel  se 
montre  surtout  chez  les  personnes  atteintes  de  fcenia.  Dans  ce  moment, 
il  m'est  donné  d'observer,  à  la  Charité,  une  malade  présentant  depuis 
quelques  mois  un  appétit  vorace  ;  rien  ne  pouvait  la  rassasier;  à  chaque 
instant  du  jour  et  de  la  nuit,  elle  éprouvait,  suivant  son  dire,  une  fringale 
qu'elle  parvenait  à  calmer  difficilement.  Deux  doses  de  kousso,  de  quinze 
grammes  chacune,  sont  parvenues  à  la  débarrasser  d'un  tœnia  solium. 

Quatrième  groupe.  —  Nous  rangerons  dans  le  quatrième  groupe  toutes 
les  causes  capables  d'exciter  d'une  manière  passagère  ou  continue  les 
fonctions  d'absorption  intestinale,  telles  que  :  abus  des  épiées  et  d'une 
alimentation  stimulante,  excès  de  boissons,  abus  des  purgatifs  drastiques. 
D'après  certains  auteurs,  l'impression  du  froid,  en  agissant  sur  l'enve- 
loppe cutanée,  la  provoquerait;  la  faim,  est  plus  vive,  et  l'assimila- 
tion plus  rapide  en  hiver  qu'en  été  ;  dans  les  pays  froids,  que  dans  les 
pays  chauds  ou  tempérés.  Broussais  a  démontré,  en  effet,  que  l'énergie 
fonctionnelle  de  l'appareil  gastrique  tient  au  refoulement  des  liquides  de 
l'extérieur  à  l'intérieur,  en  particulier  dans  l'estomac  et  le  poumon.  La 
sensation  de  la  faim,  dit  Monneret,  n'est,  dans  ce  cas,  qu'un  des  effets 
de  la  surexcitation  de  l'estomac. 


BOULIMIE.    DIAGNOSTIC,    NATURE.  455 

Enfin  on  a  signalé  le  chagrin,  la  chasteté  absolue,  ou  bien  l'abus  des  plai- 
sirs vénériens,  comme  pouvant  donner  lieu  passagèrement  à  la  boulimie. 

Diagnostic.  —  Pour  établir  le  diagnostic  du  symptôme  de  la  boulimie, 
c'est  moins  de  la  quantité  d'aliments  qu'il  faut  tenir  compte  que  de  Tinsa- 
tiabilité,  d'un  sentiment  d'inanition,  des  lipothymies,  du  vomissement  et  de 
la  diarrhée,  tous  phénomènes  que  nous  avons  vus  accompagner  la  véritable 
boulimie,  et  qui  nous  ont  servi  à  séparer,  en  commençant  cette  étude,  la 
boulimie  physiologique  de  la  boulimie  morbide.  En  effet,  ie  sujet  atteint 
de  cette  dernière,  et  offrant  de  tels  symptômes,  diffère  diamétralement 
du  gourmand  qui  mange  beaucoup,  mais  seulement  pour  satisfaire  sa 
gloutonnerie.  De  même  il  diffère  de  ces  individus  qui  présentent  un  plus 
grand  appétit,  soit  par  suite  de  l'ingestion  de  certains  médicaments,  soit 
par  suite  de  violents  exercices,  tels  que  l'escrime,  la  chasse;  soit  enfin 
par  suite  de  la  grossesse,  ou  par  suite  de  la  convalescence  d'une  longue 
maladie.  La  boulimie  peut  être  confondue  avec  certains  cas  de  gastrite 
chronique;  dans  ce  cas,  dit  Andral,  le  besoin  de  réparation  se  traduis  par 
des  appétits  d'une  violence  telle  que,  s'ils  ne  sont  pas  immédiatement 
satisfaits,  les  malades  tombent  en  défaillance.  Cette  fringale  peut  revenir 
plusieurs  fois  par  jour,  et,  pour  l'apaiser,  il  suffit  ordinairement  que  les 
malades  prennent  peu  de  chose,  car  ce  n'est  pas  là  une  véritable  faim, 
et  dans  la  plupart  des  cas,  ce  besoin  impérieux  d'introduire  quelque  ali- 
ment dans  l'estomac,  se  change  en  un  prompt  dégoût. 

Cette  différence  étant  établie,  l'existence  de  la  boulimie  étant  parfaite- 
ment constatée,  sa  valeur  diagnostique  offrira  parfois  un  certain  intérêt; 
son  existence  éveillera  l'attention  du  médecin  sur  telle  ou  telle  affection; 
mais  jamais  ce  trouble  fonctionnel  ne  suffira  à  lui  seul  pour  permettre 
d'établir  un  diagnostic  précis;  en  un  mot  la  boulimie  n'est  pas  le  carac- 
tère pathognomonique  de  telle  ou  telle  affection.  Pour  que  ce  phénomène 
serve  utilement,  il  faut  grouper  autour  de  lui  les  autres  caractères  de 
l'affection.  Par  conséquent,  le  clinicien  devra  s'aider  des  phénomènes  con- 
comitants pour  faire  rentrer  la -boulimie  dans  un  des  groupes  que  nous 
avons  mentionnés.  On  peut  comprendre  quelle  en  sera  l'utilité  pour  con- 
naître la  valeur  pronostique  de  ce  phénomène.  Suivant  que  la  boulimie 
sera  sous  l'influence  d'une  lésion,  soit  des  organes  digestifs,  soit  de  l'en- 
céphale, ou  bien  sera  le  fait  d'une  névrose,  on  comprend  que  la  valeur 
pronostique  ne  sera  plus  la  même.  De  même  si  elle  dépend  d'une  affection 
vermineuse  ou  d'une  cause  extérieure.  Par  elle-même,  la  boulimie  peut 
offrir  une  certaine  gravité  comme  pronostic.  Ainsi,  lorsqu'à  la  faim  dévo- 
rante se  joignent  des  vomissements  et  de  la  diarrhée,  d'autres  symptômes 
ne  tardent  pas  à  paraître  ;  il  survient  une  hydropisie,  de  la  lienterie  et  la 
consomption  fait  périr  rapidement  le  malade.  Ces  faits  sont  très-rares  ; 
la  mort  est  plutôt  le  résultat  de  la  maladie  qui  a  donné  lieu  à  la  boulimie. 

Mature.  —  Question  bien  controversée  et  qui  n'est  pas  encore  élucidée 
de  nos  jours.  Hunter  attribuait  la  faim  à  l'action  immédiate  exercée  sur 
l'estomac  par  le  suc  gastrique.  «  Ne  voit-on  pas,  dit-il,  lorsqu'on  a  faim,  la 
salive  être  sécrétée  en  excès  dans  la  bouche?  N'v  aurait-il  pas  là  une 


456  BOULIMIE.  —  traitement,  bibliographie. 

synergie  liant  la  sécrétion  salivaire  à  celle  du  suc  gastrique?  »  Broussais 
range  la  boulimie  au  nombre  des  névroses  gastriques,  par  irritation  de  la 
muqueuse.  Barras  la  place  sous  l'influence  d'une  excitation  nerveuse  de 
l'appareil  digestif.  «  Dans  les  dyspepsies,  dit  Gendrin,  la  faim  se  mani- 
feste souvent  comme  phénomène  morbide  ;  tantôt  elle  existe  à  un  degré 
insolite;  d'autrefois  elle  arrive  sans  nécessité,  lorsque  l'estomac  vient  de 
recevoir  des  aliments.  Aussi,  lors  même  qu'on  ne  voudrait  attribuer  la 
faim  de  l'état  sain  et  la  faim  de  l'état  morbide  qu'à  une  simple  action 
nerveuse,  il  est  impossible  de  méconnaître  qu'elle  se  lie  à  une  modification 
réelle  des  sécrétions  du  tube  digestif,  modification  surtout  prononcée  dans 
la  boulimie  qui  se  rattache  principalement  comme  trouble  fonctionnel 
aux  dyspepsies  cardialgiques.  Dans  l'état  physiologique,  toutes  les  sécré- 
tions sont  vivement  influencées  par  les  impressions  perçues  parle  système 
nerveux,  les  sécrétions  de  l'estomac  autant  et  même  plus  que  beaucoup 
d'autres;  il  ne  serait  pas  surprenant,  dès  lors,  que  la  même  influence  se 
retrouvât  et  fût  même  exagérée  dans  l'état  de  maladie.  »  Cette  explication 
de  la  faim  et  de  la  boulimie  par  l'exagération  des  liquides  gastriques,  ne 
me  répugnerait  nullement  à  admettre,  surtout  si  l'on  rattache  cette  exagé- 
ration à  l'action  du  système  nerveux.  De  cette  manière,  l'explication  de 
tous  les  faits,  ou  de  presque  tous  les  faits  de  boulimie,  serait  aussi  satis- 
faisante que  possible.  L'éréthisme  nerveux  de  Barras,  de  Monneret,  l'ir- 
ritation de  Broussais,  trouveraient  même,  dans  ce  fait  physiologique,  une 
explication  plausible. 

Traitement.  —  D'après  le  point  de  vue  où  nous  nous  sommes  placé 
dans  l'étude  de  ce  phénomène  morbide,  on  comprend  que  le  traitement 
doive  peu  nous  occuper.  En  effet,  il  s'agit  de  traiter  principalement  l'af- 
fection qui  lui  a  donné  naissance,  et  non  le  phénomène  ;  par  conséquent 
je  n'ai  pas  à  m'étendre  là-dessus;  toutefois  la  boulimie  qui  se  montre 
chez  les  dyspeptiques  a  été,  de  la  part  de  nos  principaux  thérapeutistes, 
du  professeur  Trousseau,  entre  autres,  l'objet  d'une  thérapeutique  spé- 
ciale qu'il  ne  m'est  pas  permis  de  passer  sous  silence.  C'est  ainsi  que  le 
célèbre  professeur  de  clinique  médicale  de  l'Hôtel-Dieu,  dans  la  forme  de 
boulimie  caractérisée  par  de  la  diarrhée  survenant  presque  immédiate- 
ment après  le  repas,  conseille  l'opium.  Il  prescrit  de  prendre  avant 
chaque  repas,  d'abord  une  goutte,  et  si  celle-ci  ne  suffit  pas,  plusieurs 
gouttes  de  laudanum  de  Sydenham.  Il  pense  que,  prise  avant  le  repas, 
cette  petite  quantité  d'opium  ingéré  dans  l'estomac  avant  que  le  travail 
de  la  digestion  ait  commencé,  suffit  pour  endormir,  pour  régulariser 
l'excitabilité  musculaire,  sans  endormir  la  sensibilité  organique  dont 
l'exagération  était  cause  des  accidents  qu'on  veut  arrêter.  Quant  aux 
autres  causes  de  boulimie,  le  traitement,  comme  je  l'ai  dit,  devra  porter 
sur  l'affection,  et  non  sur  le  phénomène  lui-même. 

Double,  Séméiologie  générale.  1817,  t.  II,  p.  208. 

Landré-Beauvais,  Séméiotique.  1818,  p.  115. 

Schmidtmann.  De  cardialgia  in  summa  observationum.  1811-1830. 


EOURBON-L'ARCHAMBAULT.  457 

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1829. 
Jolly,  Nouvelle  bibliothèque  médicale.  1828,  t.  II,  p.  510.  —  Dict.  de  méd.  et  de  chir.  pra- 
tiques, t.  XIII.  Art.  Névralgie. 
Chakdon,  Traité  des  maladies  de  l'estomac,  des  intestins  et  du  péritoine.  1858. 

Gendkin,  Médecine  pratique,  1858-1841,  p.  480,  564. 

Sandras,  Traité  pratique  des  maladies  nerveuses. 

Barras,  Traité  des  gastralgies  et  des  entéralgies.  1839-1844,  t.  II,  p.  442. 

Rostan, Médecine  clinique.  1850,  t.  I,  p.  241. 

Broussais,  Cours  de  thérapeutique  générale,  t.  Y,  p.  120. 

.1.  Frank,  Pathologie  médicale.  1842,  t.  Y,  p.  509. 

Piori.y,  Traité  de  diagnostic,  t.  II,  p.  97. 

Blache,  dictionnaire  de  médecine,  t.  V,  p.  525. 

Galmeil,  Dictionnaire  des  dictionnaires,  t.  I,  p.  444. 

Andral,  Cours  de  pathologie  interne.  2e  édit.  1848,  1. 1,  p.  210. 

Monneret  et  Fleury,  Compendium  de  médecine,  t.  I,  p.  642. 

Monneret,  Pathologie  générale,  t.  I. 

Beau,  Leçons  cliniques  sur  la  dyspepsie  [Moniteur  des  hôpitaux.  1855,  p.  589,  644). 

Chomel,  Pathologie  générale.  4e  édit.  1856,  p.  175. 

Hardy  et  Béhier,  Pathologie  interne.  lreédit.,t.  I,  p.  505. 

Requin,  Éléments  de  pathologie  médicale,  t.  IV,  p.  245,  628. 

Grfsolle,  Pathologie  interne.  6e  édit.,  t.  II,  p.  759. 

Trousseau,  Clinique  médicale  de  l'Hôtel-Dieu.  1 re  édit. ,  t.  II,  p.  555,  565. 

A.  Tardieu, Manuel  de  pathologie  et  de  clinique  médicales.  1857,  2e  édit.,  p.  440,  444. 

Marcé,  Des  altérations  de  la  sensibilité.  Thèse  de  l'agrégation.  Paris,  1860,  p.  69. 

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BOUIjOU  (lie).   Voy.  Amélie-les-Bains,  t,  II,  p.  2. 

BiOliUtO^  IiilUKIVIBtllI/1  -  (Allier,  arrondissement  de 
Moulins),  à  539  kilomètres  de  Paris,  à  26  de  Moulins,  à  180  de  Lyon  et 
70  de  Vichy.  —  Chemin  de  fer  de  Paris  à  Moulins,  '515  kilomètres.  De 
Moulins  à  Bourbon -l'Archambault,  route  de  terre,  26  kilomètres.  —  Alti- 
tude :  270  mètres.  —  Température  :  52"  centigrades.  —  Eaux  chlorurées 
sodiques  moyennes. 

Deux  sources  :  source  Chaude,  dont  se  tire  la  caractéristique  de  la  sta- 
tion, et  source  Jouas. 

L'eau  de  la  source  Chaude  (52°)  ou  chlorurée  sodique,  qui  alimente 
les  appareils  balnéaires  de  l'établissement  thermal,  n'est  pas  d'une  limpi- 
dité et  d'une  transparence  complètes.  Elle  tient  en  suspension  des  corps 
étrangers  d'un  assez  petit  volume,  ressemblant  à  de  la  rouille  ou  plutôt  à 
de  l'ocre  ,  agités  par  le  dégagement  d'assez  grosses  bulles  de  gaz  qui 
viennent  s'épanouir  à  sa  surface.  Elle  est  inodore  lorsqu'elle  est  chaude, 
dégage ,  par  le  refroidissement,  une  légère  odeur  d'hydrogène  sulfuré. 
Elle  ramène  au  bleu  lorsqu'il  y  séjourne  un  certain  temps,  le  papier  de 
tournesol  rougi  par  un  acide. 

Son  débit,  qui  serait,  d'après  l'Annuaire,  de  2,400  mètres  cubes  par 
vingt-quatre  heures,  ne  serait  en  réalité,  selon  Grellois,  que  de  1 ,100  mètres 
cubes.  L'eau  des  sources  dérivées  de  la  source  mère  ou  puits,  celle  du 
bassin,  contient  des  conferves  (oscillaires)  qui  ont  été,  de  la  part  de 
Grellois,  l'objet  d'études  spéciales.  Elles  forment  une  couche  verte  to- 
menteuse,  membranoïde,  qui  tapisse  les  Grands-Puits  et  s'élève  jusqu'au 


458  BOURBON-L'ARCHAMBAULT. 

niveau  habituel  de  l'eau.  L'abondance  de  leur  production  est  subordonnée 
à  l'intensité  de  l'action  de  la  lumière.  Dans  le  bassin,  la  coloration  verte 
est  tachée  de  gris  par  l'interposition  d'une  grande  abondance  de  cristaux 
de  chaux. 

Ces  conferves,  qui  présentent  au  toucher  un  caractère  d'onctuosité, 
reçoivent,  en  cataplasmes,  les  mêmes  applications  qu'à  Rourbon-Lancy. 
(Voy.  ce  mot,  page  464.) 

Voici,  d'après  0.  Henry  (1842),  la  composition  de  la  source  Chaude. 

Gaz  :  Acide  carbonique  libre,  environ  l/6e  du  volume. 

Principes  fixes  :  4  grammes,  557  milligrammes  de  minéralisation; 
chlorure  de  sodium,  2gr,240,  de  calcium  et  de  magnésium,  Og!',070; 
bicarbonate  de  chaux,  0gl',507,  de  magnésie,  0gr470,  de  soude,  0gr567; 
sulfate  de  chaux,  de  soude,  0gr,220,  de  potasse,  Ogr,011  ;  bromure  al- 
calin, 0gr,025;  silicate  de  chaux  et  d'alumine,  Ogr,570,  de  soude, 
0gr,020-  crénate,  0*r,017. 

Aux  résultats  de  cette  analyse,  .il  faut  ajouter,  d'après  les  recherches 
de  Boursier  et  de  l'un  des  auteurs  du  Dictionnaire  des  eaux  minérales,  la 
présence  de  l'iode  (Ogr, 000055  par  litre)  et  du  manganèse.  Grellois  y  nie 
la  présence  de  l'arsenic,  admise  par  Boursier. 

Analyse  de  la  source  Jonas  ferrugineuse  (12°  centigrades).  Gaz  :  Acide 
carbonique  libre,  l/5e  du  volume.  —  Substances  fixes  :  977  milligrammes 
de  minéralisation  ;  bicarbonate  de  chaux,  0gr,20 1 ,  de  magnésie,  0gr,076  ; 
sulfate  de  soude,  0gI*,028,  de  chaux,  0gr,012;  chlorure  de  sodium,  de 
magnésium,  0gl',100,  silicate  de  chaux,  d'alumine,  0gr,500,  de  soude, 
0gr,020  ;  carbonate  et  crénate  de  fer,  0gl',04  ;  oxyde  de  manganèse, 
traces  sensibles.  (O.  Henry,  1842.) 

Les  oscillaires  de  la  source  Jonas  ont  été  décrites  par  Brébisson  et  par 
Grellois.  (Sur  les  conferves,  voy.  Eaux  minérales.) 

L'eau  de  la  fontaine  de  Jonas,  dont  le  débit  a  été  évalué  à  2,400  litres  par 
24  heures  (J.  François),  est  un  puissant  adjuvant  du  traitement  à  Bour- 
bon-l'Archambault. On  l'emploie  en  boisson,  en  injections  et  en  douches. 

Les  eaux  de  la  source  Chaude  sont  également  employées  en  boisson,  et 
il  est  remarquable  que,  malgré  la  quantité  notable  de  chlorure  de  sodium 
qu'elles  renferment,  elles  ne  sont  pas  purgatives.  Leur  effet  le  plus  ha- 
bituel paraît  même  être  la  constipation.  (Regnault.)  Mais  elles  trouvent, 
dans  le  traitement  externe,  leurs  principales  applications.  On  les  donne 
en  bains  de  baignoire  (16  cabinets),  en  bains  de  piscines  (deux  piscines), 
en  injections  et  en  douches. 

Propriété  de  l'État  et  administré  en  régie,  l'établissement  de  Bourbon- 
rArchamhault  ne  possède  pas  une  installation  en  rapport  avec  l'impor- 
tance de  ses  eaux.  Deux  piscines  sont  destinées  aux  indigents. 

Bourbon-l'Archambault  est  un  poste  thermal  militaire  ;  mais  les  mili- 
taires qui  y  sont  envoyés  sont  compris  dans  le  service  civil. 

Trois  groupes  de  maladies,  les  paralysies,  les  rhumatismes  et  les  scro- 
fules, forment  le  contingent  principal  des  affections  traitées  à  Bourbon- 
l'Archambault. 


BOURBON-L'ARCHAMBAULT.  459 

C'est  particulièrement  au  traitement  des  paralysies  qu'elles  doivent 
leur  notoriété,  et,  parmi  celles-ci,  c'est  surtout  sur  les  troubles  du  mouve- 
ment et  du  sentiment  d'origine  encéphalique  que  se  concentre  l'iniérèt  des 
discussions  soulevées  par  l'étude  de  cette  station. 

Les  diverses  espèces  de  paralysies,  paraplégies,  paralysies  localisées 
ou  généralisées,  portant  à  la  fois  ou  isolément  sur  la  motilité  ou  la  sensi- 
bilité, d'origine  périphérique  ou  liées  à  un  état  général  de  l'organisme,  du 
moment  qu'elles  sont  indépendantes  de  lésions  organiques,  de  mouve- 
ments inflammatoires  actifs  vers  les  centres  nerveux,  font  essentiellement 
partie  du  domaine  de  la  thérapeutique  énergique  représentée  à  Bour- 
bon-) 'Archambaul  t . 

Le  mémoire  de  Corne  contient  des  faits  intéressants  de  diverses  espèces 
de  paralysies  de  cette  classe. 

Quant  aux  paralysies  générales  liées  à  l'existence  d'une  péri-méningo- 
encéphalite  diffuse,  il  n'en  saurait  être  question  ici.  (Voy.  Eaux  minérales 
et  Paralysies.) 

Depuis  des  temps  reculés,  il  est  de  tradition  d'adresser  à  Bourbon, 
comme  à  quelques  autres  eaux  minérales  telle  que  Bourbonne,  Balaruc, 
les  malades  hémiplégiques  à  la  suite  d'apoplexie. 

Jusqu'à  notre  époque,  on  ne  s'était  peut-être  pas  suffisamment  expliqué 
sur  les  conditions  d'énergie,  d'opportunité,  de  chances  de  succès,  et 
même  d'utilité  formelle  dans  lesquelles  devait  être  institué  le  traitement, 
lorsqu'en  1856,  à  l'occasion  d'une  discussion  sur  le  traitement  des  para- 
lysies, portée  à  l'ordre  du  jour  de  la  Société  d'hydrologie,  deux  médecins 
de  Bourbon,  Begnault  et  Caillât,  vinrent  exposer,  devant  ce  corps  savant, 
leurs  opinions  sur  ce  point  délicat  de  pratique  thermale. 

Formulant  contre  l'usage  des  émissions  sanguines  dans  le  traitement  de 
l'hémorrhagie  cérébrale,  une  proscription  déjà  ancienne  et  reproduite  à 
l'heure  qu'il  est,  avec  une  exagération  que  ne  saurait  trop  réprouver  tout 
clinicien  éclairé;  novateur  en  apparence,  mais  continuateur  en  réalité, 
d'une  tradition  qui,  avec  Isaac  Cattier,  remontait  déjà  à  plus  de  deux  siècles 
de  date  et  avait  pour  représentants  J.  H.  Chomcl  (1734),  Faye  (1768), 
P.  P.  Faye  (1804),  Pouzaire,  Farjon,  Daquin,  Regnault  vint  exprimer  des 
opinions  qui  ne  laissèrent  pas  que  de  produire  une  certaine  émotion,  et 
qui  peuvent  se  résumer  dans  les  propositions  suivantes  : 

1°  Dans  les  hémiplégies  apoplectiques,  la  guérison  sera  d'autant  plus 
prompte  que  le  malade  aura  été  moins  saigné. 

2°  Le  traitement  thermal  sera  d'autant  plus  efficace  qu'il  sera  appliqué  à 
une  époque  plus  rapprochée  de  l'accident. 

Regnault  réclamait,  en  outre,  un  traitement  thermal  énergique. 

Tout  en  se  séparant  de  son  collègue  sur  la  manière  dont  devait  être  di- 
rigé le  traitement,  sur  la  nécessité  de  le  surveiller  attentivement  et  de 
chercher  à  développer  surtout  des  propriétés  altérantes,  un  peu  hypothé- 
tiques peut-êlre,  Caillât  lui  apporlait  l'appui  de  son  expérience  en  ce  qui 
touchait  aux  points  fondamentaux  de  sa  thèse,  à  savoir  : 

Amélioration  d'autant  plus  prompte  que  la  paralysie  était  moins  an- 


460  BOURBON-L'ARCHAMBAULT. 

cienne  et  avait  été  combattue  par  des  moyens  moins  nombreux,  moins 
énergiques,  moins  débilitants. 

Aucun  effet  fâcheux  produit  par  les  eaux,  non-seulement  dans  les  hémi- 
plégies anciennes,  mais  encore  dans  les  plus  récentes,  datant  de  30,  28  et 
môme  20  jours. 

Examiner  l'opportunité  de  la  saignée  dans  l'hémorrhagie  cérébrale, 
établir  même  une  discussion  complète  sur  le  traitement  hydro-thermal 
des  paralysies,  serait  dépasser  les  limites  de  cet  article.  Ces  considérations 
seront  présentées  aux  articles  Eaux  minérales,  IIémorrhagie,  Emrolies, 
Ramollissement  du  cerveau,  Paralysies. 

Ce  qu'il  importe  de  constater,  en  ce  qui  concerne  la  pratique  de  Bour- 
bon, c'est  qu'elle  n'offre  pas  les  dangers  qu'on  pourrait  redouter  a  priori. 
Il  est  bon,  toutefois,  de  ne  point  partager  la  sécurité  de  Regnault  sur  les 
conséquences  d'une  thérapeutique  très-active,  et  de  surveiller  avec  soin 
le  traitement  qu'on  institue  généralement  de  la  manière  suivante  :  d'un  à 
quatre  verres  d'eau  minérale  par  jour,  en  prenant  la  précaution  d'entre- 
tenir la  liberté  du  ventre  avec  de  l'eau  de  Jonas  qui  jouit  de  propriétés 
laxatives,  ou  quelque  autre  eau  purgative,  de  l'eau  de  Pullna,  notamment  ; 
bains  de  piscine  de  54°  à  55°,  pendant  dix  ou  quinze  minutes  ;  douches 
sur  les  membres  paralysés  de  dix  minutes  à  une  demi-heure  de  durée, 
d'une  hauteur  de  2  mètres,  et  de  53°  à  40°,  ou  même  45°  ou  48°  de  tempé- 
rature ;  bains  de  jambes,  le  soir,  dans  l'eau  minérale  de  44°  à  47°;  ap- 
plications d'eau  froide  sur  la  tête  pendant  le  bain  et  la  douche.  On  fait, 
en  outre,  un  large  usage  d'une  pratique  propre  à  quelques  stations,  qui 
consiste  dans  l'application  sur  les  extrémités  de  cornets,  sortes  de  ven- 
touses qui  consistent  en  de  petites  cornes  creuses,  percées  à  leur  extrémité 
mince  d'une  ouverture  à  travers  laquelle  l'opérateur  aspire  l'air  par  suc- 
cion. 

Corne  a  publié  sur  les  précautions  à  prendre  dans  l'emploi  du  traite- 
ment thermal  dirigé  contre  les  paralysies  d'origine  organique,  des  ré- 
flexions judicieuses,  et  qui  montrent  que  la  pratique  de  tous  les  médecins 
de  Bourbon-l'Archambault,  est  loin  d'être  celle  de  Regnault. 

Le  traitement  de  la  scrofule  est  traditionnel  à  Rourbon.  Il  y  est  conduit 
avec  rapidité  (20  ou  25  jours),  à  l'aide  de  douches  et  de  bains  à  tempéra- 
ture élevée.  Les  formes  de  la  scrofule  qui  trouvent  ici  des  applications 
utiles  sont  spécialement  la  scrofule  des  glandes,  du  tissu  cellulaire  et  des 
os.  Lorsqu'il  existe  des  plaies  ou  des  fistules  dont  le  traitement  local  exige 
des  ménagements  particuliers,  on  se  sert  des  douches  dans  le  bain,  con- 
nues à  Rourbon  sous  le  nom  de  sous-marines. 

L'eau  de  la  source  Jonas  jouit  d'une  grande  réputation  contre  les 
ophthalmies  chroniques  qui  sont  si  souvent  d'origine  scrofuleuse.  Elle 
est  employée  sous  forme  de  douches.  Regnault  nous  fournit  quelques 
renseignements  sur  la  manière  dont  elles  sont  données.  L'appareil 
qui  sert  à  les  administrer  se  compose  d'une  espèce  d'entonnoir  sou- 
tenu verticalement  par  un  support  horizontal  qui  se  fixe  au  mur  par 
des  pitons  convenablement  dirigés.  Dans  le  goulot,  l'eau  ne  s'échappe 


BOUBBON-L'ARCHAMBAULT.  461 

que  par  gouttes  grosses  et  bien  formées.  On  modifie  l'intervalle  qui 
sépare  la  chute  de  chaque  goutte  en  comprimant  plus  ou  moins  l'é- 
ponge dans  le  tube  de  l'entonnoir.  Le  malade  assis  dans  un  fauteuil  dont 
le  dos  est  disposé  pour  offrir  un  point  d'appui  commode  à  la  partie  pos- 
térieure de  la  tète,  présente  successivement  chaque  œil  à  la  chute  de  la 
goutte  pendant  un  temps  qui  varie  de  cinq  à  vingt-cinq  minutes.  Il  est  in- 
téressant de  rapprocher  cette  pratique  et  les  résultats  qu'elle  fournit  des 
effets  obtenus  par  Tillot  par  la  pulvérisation  de  l'eau  de  Saint-Christau 
dirigée  dans  l'œil,  de  ceux  de  Chassaignac,  avec  les  douches  oculaires 
données  avec  de  l'eau  simple,  et  on  peut  se  demander  quelle  part  il  y  a 
probablement  à  faire  au  procédé  hydrothérapique,  considéré  en  lui-même, 
abstraction  faite  de  la  composition  de  l'eau. 

Quant  aux  guérisons  d'amauroses  obtenues  par  l'action  de  la  source 
Jonas,  et  annoncées  avec  tant  d'éclat,  nous  ne  nous  considérons  pas 
comme  édifié  sur  ce  point  et  nous  partageons,  à  cet  égard,  la  réserve  de 
Grellois. 

Le  rhumatisme  musculaire  opiniâtre,  lombago,  torticolis,  le  rhumatisme 
articulaire  à  forme  fixe,  avec  engorgements  péri-articulaires,  ou  épanche- 
ments  synoviaux,  trouvent  dans  des  eaux  puissantes  par  leur  minéralisa- 
tion et  leur  température,  comme  celle  de  Bourbon-l'Archambault,  une 
médication  d'autant  mieux  appropriée  que  le  rhumatisme  s'est  développé 
chez  des  individus  lymphatiques  ou  scrofuleux.  Regnault  range  également 
parmi  les  affections  avantageusement  trailées  près  de  cette  station  le  rhu- 
matisme goutteux,  dénomination  par  laquelle  il  faut  entendre  le  rhuma- 
tisme noueux.  Nous  ne  doutons  pas  qu'on  n'y  obtienne,  en  effet,  des 
succès  contre  cette  affection  rebelle.  Mais  nous  ne  saurions  trop  rappeler 
quelle  susceptibilité  on  observe  chez  un  grand  nombre  de  sujets  atteints 
de  rhumatisme  noueux,  et  la  difficulté,  l'impossibilité  même  devant  les- 
quelles on  vient  souvent  se  heurter  pour  leur  faire  supporter  des  eaux 
très-minéralisées.  {Voy.  Eaux  minérales  et  Rhumatisme  noueux.) 

Regnault  parle  encore  des  bons  effets  des  eaux  de  Bourbon  dans  la 
goutte,  l'ascite,  l'hydropisie  enkystée  des  ovaires,  les  affections  convul- 
sives  rebelles,  les  maladies  chroniques  des  viscères  abdominaux.  Faye 
avait  mentionné  bien  d'autres  états  morbides  encore.  Mais  il  ne  faut  pas 
confondre  des  applications  accidentelles  et  accidentellement  heureuses 
avec  le  champ  réel  des  applications  spéciales  des  eaux  de  Bourbon.  (Dictlon- 
tionnaire  des  eaux  minérales.) 

Quelques  auteurs  rattachent  à  l'histoire  des  sources  de  Bourbon-l'Ar- 
chambault, celle  des  sources  Saint-Pardoux  et  de  la  Trollière,  situées 
l'une  et  l'autre  dans  le  département  de  l'Allier,  dans  la  même  commune, 
(arrondissement  de  Montluçon),  à  12  kilomètres  sud-est  de  Bourbon-l'Ar- 
chambault,  et  administrées  par  la  régie  de  rétablissement  thermal  de 
cette  ville. 

Ces  deux  sources  n'ont,  du  reste,  jusqu'à  ce  jour,  qu'un  intérêt  pure- 
ment local.  On  en  transporte  l'eau  et  on  l'emploie  à  Bourbon  comme  ad- 
juvant de  la  cure  thermale,  à  titre  d'eau  digestive,  d'eau  de  table,  comme 


462  BOURBON-LANCÏ. 

de  l'eau  de  Saint-Galmier,  de  Chateldon,  de  Saint-Alban  ou  de  Bussang. 
L'eau  de  Saint-Pardoux  qui  seule  a  été  analysée  par  0.  Henry,  est,  en 
effet,  une  eau  bicarbonatée,  gazeuse,  ferrugineuse. 

Sur  1  gramme  184  milligrammes  de  minéralisation,  elle  contient: 
7/6  du  volume  d'acide  carbonique  libre;  (F  02  de  carbonates  de  chaux  et 
de  magnésie,  0gr  02  de  carbonate  de  soude  et  0gr  02  de  crénate  de  fer. 

Pâtissier,  Manuel  des  Eaux  minérales,  art.  Bourbon-l'Archambault  (Indications  bibliographiques, 

1837). 
Regnault,  Précis  sur  les  eaux  de  Bourlion-l'Archambault.  Moulins,  1842.  —  Note  sur  l'effet  des 

eaux  de  Bourbon-l'Archambault,  appliquées  au  début  des  hémiplégies  apoplectiques  (Annales 

delà  Soc.  d'hydrol.,  t.  II,  1855-1856). 
Caillât,  Notes  sur  le  traitement  des  paralysies  par  les  eaux  de  Bourbon-l'Archambault  (Ibid., 

p.  83-91  et  156-158). 
Le  Bret,  Villaret,  Renard,  Roccas,  de  Laurès,  Durand-Fardel,  Lunier,  V.  Gerdy,  Bailly,  Gille- 

bert-d'IIercourt,  V.  Boullay,  Dufresse  de   Chassaigne,  Sandras,  Moutard-Martin  :  Discussion 

sur  le  traitement  des  paralysies  (Ibid). 
Rotureau  (Armand),  Eaux  minérales  de  l'Europe  (France),  art.  Bourbon-l'Archambault.  1859. 
Durand-Fardel,  Le  Bret,  Lefort  (J.)  et  François  (J.)  :  Dictionnaire  des  Eaux  minérales,  art. 

Bourbon-l'Archambault,  1. 1,  et  Saint-Pardoux,  t.  II.  1860. 
Durand-Fardel,  Billout  :  Traitement  du  rhumatisme  (Annales  de   la  Soce'té  d'hydrol.,  t.  VII, 

1860-1861). 
Grellois,  Etudes  sur  les  oscillaires  de  Bourbon-l'Archambault  (Annales  de  la  Soc.  dlujdrol., 

t.  VI,  p.  332-543,  1859-1860).  —  Études  sur  les  Eaux  minérales  de  Bourbon-l'Archambault. 

Paris,  1860. 
Verjon,  Rapport   sur  un  travail  de  M.  Périer,  inspecteur  des  eaux  de  Bourbon-l'Archambault, 

intitulé  :  Observations  d 'hémiplégies  cérébrales  recueillies  à  l'établissement  et  à  l'hôpital 

thermal  de  Bourbon-l'Archambault  en  1861  et  en  1862  (Annales  de  la  Soc.  d'hydrol.,  t.  IX 

1862-1863  :  Indications  bibliographiques) . 
Corne  (H te),  Études  sur  les  Eaux  thermales  de  Bourbon-l'Archambault.  Observations  de  névro- 
ses et  de  paralysies  réflexes.  Paris,  1864. 
Tillot,  De  la  pulvérisation  aux  eaux  de  Saint-Christau,   principalement  dans  les  ophthalmies 

chroniques  (Annales  de  la  Soc.  d'hydrol.,  t.  XI,  1864-1865). 

L.  Desnos. 


BOVRBON-LA]lTC¥,  chef-lieu  de  canton  (arrond.  de  Charolles, 
Saône-et-Loire).  —  Chemin  de  fer  de  Paris  à  Moulins,  313  kilomètres. 
De  Moulins  à  Bourbon-Lancy,  route  de  terre,  56  kilomètres.  —  Tempéra- 
ture de  54°  à  28°  centigrades.  —  D'une  minéralisation  peu  puissante,  les 
eaux  de  Bourbon-Lancy  doivent,  à  cause  de  la  prédominance  du  chlorure 
de  sodium  dans  leur  composition,  trouver  place  parmi  les  chlorurées  so~ 
diques  faibles. 

Six  sources,  Descure,  54°, 5;  la  Pleine,  54°, 5;  Marguerite,  49°;  Saint* 
Léger,  50°;  Limbe,  56°;  la  Rose,  28°,  alimentent  l'établissement  thermal. 

Il  faut  ajouter  aux  précédentes  la  source  Innommée,  46°,  qui  n'est  pas 
utilisée.  (Rotureau.) 

Les  docteurs  Tellier  et  Laporte  (1858)  ont  donné  l'analyse  suivante, 
d'une  des  principales  sources,  la  source  Descure,  dont  la  composition  ne 
présente  pas  avec  celle  des  autres  sources,  de  différences  importantes  : 

Substances  fixes,  2  grammes  27  centigrammes  de  minéralisation  par 
litre;  chlorure  de  sodium,  lgr,30,  de  calcium,  0gr,05,  de  magnésium, 
0gr,40;  sulfate  de  soude,  Orr,25,  de  chaux,  0gr,02;  carbonate  de  chaux, 


BOURBON-LANCY.  465 

0gr,06,  de  magnésie,  0gl',15,  silice,  O«r,02,  oxyde  de  1er,  0«r,02,  iodure 
de  sodium  et  arsenic,  traces. 

A  ces  résultats  obtenus  par  Tellier  et  Laporte,  il  faut  ajouter  l'existence 
de  l'acide  carbonique  libre,  qui  se  dégage  de  plusieurs  sources.  (Berthier.) 
et  de  la  potasse,  que  ce  chimiste  a  également  démontrée.  La  réaction  de 
la  fontaine  Descure  est  acide. 

Les  bassins  qui  reçoivent  les  eaux  de  diverses  sources  et  notamment 
de  celle  de. Descure  sont  tapissés  de  conferves  vertes,  formant  de  petits 
mamelons  élevés  de  2  ou  5  centimètres,  distants  les  uns  des  autres  de  4  ou 
5  centimètres,  et  partant  tous  d'une  couche  commune  de  1  centimètre 
d'épaisseur  environ.  (Rotureau.) 

«  L'incinération  de  ces  conferves  du  genre  osciîlaire,  variété  utricu- 
lée,  qui  flottent,  en  larges  flocons,  à  la  surface  de  l'eau,  a  donné  des 
traces  évidentes  d'iodure  de  sodium. 

«  L'appareil  de  Marsch  démontre  aussi,  dans  ces  conferves,  l'existence 
de  l'arsenic,  mais  en  quantité  si  faible,  qu'il  n'a  pu  être  dosé.  »  (Tellier 
et  Laporte.) 

Les  conferves,  à  Bourbon-Lancy,  comme  dans  plusieurs  stations  ther- 
males, trouvent,  dans  un  certain  nombre  de  cas,  leur  application  à  titre 
de  topiques. 

Les  eaux  de  Bourbon-Lancy  sont  employées  en  boisson,  en  bains  et  en 
douches.  24  cabinets  de  bains  et  le  cabinet  de  grande  douche,  dont 
l'installation  laisse  à  désirer,  une  piscine,  représentent  l'appareil  hydro- 
balnéaire de  cette  station. 

La  piscine,  qui  n'a  pas  moins  de  17  mètres  50  centimètres  de  longueur, 
sur  9  mètres  45  centimètres  de  largeur  et  1  mètre  36  centimètres  de 
profondeur,  mérite  de  fixer  l'attention  par  ses  dimensions,  par  l'abon- 
dance du  courant  continu  qui  l'alimente,  et  elle  peut  offrir  dans  un  cer- 
tain nombre  de  circonstances  de  précieuses  ressources  hydro-théra- 
piques. 

Légèrement  diurétiques,  diaphoniques,  déterminant,  par  leur  usage 
tant  interne  qu'externe,  le  phénomène  de  la  poussée  (voy.  Eaux  miné- 
rales), pouvant  même  produire  des  phénomènes  d'excitation  qui  peuvent 
être  portés  jusqu'à  l'état  fébrile,  les  eaux  de  Bourbon-Lancy  représentent 
cependant,  d'une  manière  générale,  une  médication  qui  n'est  pas  d'ordi- 
naire l'apanage  des  eaux  très-actives. 

C'est  ainsi  que  si  on  les  recommande  dans  le  rhumatisme,  jusqu'à  les 
présenter  même  comme  un  spécifique  de  cette  maladie  (Reyrolle),  il 
faut  reconnaître  que  leur  spécialisation  s'adresse  plus  particulièrement  au 
rhumatisme  (articulaire),  actuellement  douloureux,  ou  dans  lequel  les 
accidents  aigus  reparaissent  volontiers  sous  l'influence  du  traitement 
thermal.  L'état  nerveux  qui  accompagne  cette  forme  de  rhumatisme  en 
rend  le  traitement  difficile  à  instituer.  Il  arrive  souvent  que  des  eaux 
très-actives,  comme  celles  d'Aix,  en  Savoie,  ne  sont  pas  supportées.  Les 
eaux  de  Bourbon-Lancy,  qui  font  partie  d'un  groupe  d'eaux,  telles  que  Néris 
Plombières,  Bains,  d'une  minéralisation  faible,  souvent  indécise  et  beau- 


464  BOURBON-LANCY. 

coup  mieux  tolérées  dans  les  cas  de  cette  nature,  peuvent  rendre  des  ser- 
vices considérables  à  la  thérapeutique. 

Elles  réussissent  également  contre  le  rhumatisme  primitivement  chro- 
nique avec  déformation  des  jointures,  ou  rhumatisme  noueux.  Bien  que 
celui-ci  réclame,  en  certains  cas,  des  eaux  très-actives,  fortement  miné- 
ralisées ;  souvent  aussi  il  s'offre  sous  une  forme  irritable  qui  oblige  à  re- 
courir au  groupe  d'eaux  minérales  auquel  nous  venons  de  faire  allusion. 

Le  rhumatisme  musculaire  ancien  et  fixe  résiste  longtemps  aux  eaux 
de  Bourbon-Lancy.  (Dictionnaire  des  eaux  minérales.) 

Les  névralgies  crurales,  et  surtout  les  névralgies  sciatiques,  qui  relèvent 
souvent  du  rhumatisme,  paraissent  y  trouver,  comme  à  Néris,  une  médi- 
cation efficace. 

Les  rhumatismes  viscéraux,  surtout  ceux  qui  portent  sur  l'estomac  ou 
les  intestins,  sont  avantageusement  traités  dans  cette  station  thermale. 
L'eau  de  la  source  Descure,  à  cause  de  ses  propriétés  laxatives,  doit  être 
de  préférence  prescrite  à  l'intérieur  lorsqu'il  s'agit  d'obtenir  des  selles  et 
de  ramener  l'intestin  à  des  fonctions  régulières. 

Différentes  manifestations  de  la  scrofule,  écrouelles,  ulcères  strumeux, 
affections  du  périoste  et  des  os,  ressortissent  aux  eaux  de  Bourbon- 
Lancy.  Pâtissier  les  recommande  principalement  dans  les  formes  subai- 
guës, éréthiques  de  cette  diathèse.  L'usage  interne  de  l'eau  de  la  source 
Saint-Léger,  combiné  avec  celui  des  bains  et  des  douches,  est  surtout  usité 
dans  les  engorgements  des  ganglions  lymphatiques,  indolents  ou  abcédés. 

La  même  eau  en  boisson,  les  bains  d'eau  courante,  les  douches  et  les 
cataplasmes  résolutifs  faits  avec  les  conferves  des  sources,  sont  les 
moyens  qu'on  oppose  avantageusement,  aux  hydarthroses,  aux  tumeurs 
blanches,  aux  caries  et  aux  nécroses  osseuses. 

Les  moyens  externes  conviennent  également  dans  les  blessures  par 
armes  de  guerre,  dans  les  suites  de  luxations,  d'entorses,  de  fractures, 
alors  que  celles-ci  ne  sont  pas  ou  sont  mal  consolidées,  et  même  qu'elles 
sont  récentes.  (Tellier,  cité  par  Rotureau.) 

Bien  que  faiblement  minéralisées  et  qu'offrant  des  ressources  hydro- 
thérapiques  qui  peuvent  être  utiles  dans  le  traitement  des  accidenls 
névropathiques,  les  eaux  de  Bourbon-Lancy  ne  méritent  pas  cependant 
d'être  placées  dans  le  traitement  de  ces  maladies,  sur  un  rang  aussi  élevé 
que  celles  de  Néris,  de  Bains,  de  Luxeuil,  de  Plombières,  par  exemple. 

L'établissement  de  Bourbon-Lancy  appartient  à  l'administration  des 
hospices  de  cette  ville,  et  l'hôpital  possède  des  installations  balnéaires 
particulières. 

DuFouB,Note  sur  les  eaux  de  Bourbon-Lancy  [Conipt.  rend,  des  travaux  de  la  Soc.  des  Se.  de 

Mâcon,  1823). 
Puvis,  Note  sur  les  eaux  de  Bourbon-Lancy  [ibid.,  1825). 
Berthier,  Analyse  des  eaux  de  Bourbon-Lancy  [Annales  de  chimie  et  de  physique.  t.  XXXVI, 

p. '28D). 
Pâtissier,  Manuel  des  eaux  minérales  :  Indications  bibliographiques-,  1857.  —  Traitement  de  la 

scrofule  [Annales  de  la  Société  d'hydrologie  médicale  de  Paris,  t.  V,  1858-1859). 
Reyf-olle,  Notice  sur  les  eaux  de  Bourbon-Lancy.  Lyon,  1849. 


BOURBONNE-LES-BAÎNS.  465 

Roti'read  (Armand),  Principales  eaux  minérales  de  l'Europe  (France).  1859. 
Durand-Faroel,  Le  Bret,   Lefort  el  François  {L),   Dictionnaire  des  Eaux  minérales,   art. 
Bourbon-Lancy,  t.  I.  18G0. 

L.  Desnos. 


BOURBORnSTE-IjES-BAINS.  —  Haute- Marne ,  arrondissement 
de  Langres,  à  544  kilomètres  de  Paris,  à  50  de  Langres,  60  de  Nancy  et 
de  Besançon.  —  Chemin  de  fer  de  Paris  à  la  Ferté-Bourbonne  (ligne  de 
l'Est,  section  de  Mulhouse),  528  kilomètres  ;  de  la  Ferté  à  Bourbonne,  route 
de  terre,  16  kilomètres.  —  Altitude  :  504  mètres.  —  Température  de  50° 
à  58°, 75  centigrades.  —  Eaux  chlorurées  sodiques  fortes. 

Trois  sources  :  la  fontaine  de  la  Place  ou  fontaine  Chaude,  58°75  cen- 
tigrades, alimentant  la  buvette  ;  la  fontaine  des  Bains  civils  ou  du  Puisard, 
57°, 50;  celle  de  Y  Hôpital  militaire,  50°. 

Analyse  de  la  fontaine  Chaude  ou  de  la  Place  (Mialhe  et  Figuier,  1848)  : 
Gaz:  Acide  carbonique,  18;  oxygène,  4,51;  azote,  77,49.  Substances 
fixes  :  7  grammes,  546  milligrammes  de  minéralisation  par  litre  ;  chlorure 
de  sodium,  5gr,785,  de  magnésium  ,  0gr,592;  carbonate  de  chaux  , 
0gr,108;  sulfate  de  chaux  ,  0gr,899,  de  potasse  ,  0gr149  ;  bromure  de  so- 
dium, 0B'065  ;  silicate  de  soude,    0f,120,;  alumine,  0gl',050. 

Chevalier  a  trouvé  de  l'arsenic  dans  le  produit  d'évaporation  de 
50  litres.  Athénas  a  trouvé  0gr,051  d'oxyde  de  1er  par  litre. 

Aux  substances  susénoncés,  il  faut  ajouter  du  cuivre  (Tamisicr  et 
Béchamp)  du  manganèse  (Drouot,  Pressoir),  de  la  litliine,  de  la  stron- 
tiane,  du  caesium  et  du  rubidium,  dont  Grandeau  a  découvert  l'existence 
dans  l'eau  de  Bourbonne,  par  l'analyse  spectrale.  Un  litre  contient  0gr052 
de  chlorure  de  caesium  et  0gr,019  de  chlorure  de  rubidium. 

L'eau  de  Bourbonne  est  employée  en  boisson,  en  bains,  en  douches  de 
toutes  directions  et  avec  des  ajutages  variés,  en  étuves,  en  fomentations 
dans  les  affections  articulaires. 

La  boue  grasse  et  noire,  d'une  odeur  assez  désagréable,  qui  se  dépose  à 
la  longue  au  fond  des  puisards,  est  appliquée  topiquement  en  guise  de 
cataplasmes. 

Bougard  a  insisté  sur  ce  fait  que  l'eau  de  Bourbonne,  chaude  de  40° 
à  50°  centigrade,  non-seulement  ne  purge  pas,  mais  amène  de  la  consti- 
pation,  tandis  que  refroidie,  à  une  température  moyenne  de  18°  cen- 
tigrade, elle  est  laxative.  Trois  ou  quatre  verres  de  cette  eau,  pris  le 
matin  à  jeun  à  cette  température,  à  dix  minutes  d'intervalle,  procurent 
une  purgation  légère,  qui  peut  être  continuée  assez  longtemps  sans  causer 
d'accidents  du  côté  des  voies  digestives. 

La  médication  externe  est  celle  qui  a  reçu  le  plus  de  développement 
près  de  cette  station. 

L'établissement  thermal  considérable,  mais  dont  l'installation  laisse 
beaucoup  à  désirer,  propriété  de  l'Etat  et  administré  en  régie,  renferme 
soixante-neuf  baignoires,  deux  grandes  piscines  dans  lesquelles  trente-six 
personnes  peuvent  se  baigner  à  la   fois,  et  quatre  piscines  plus  petites 

NOUV.   WCT.    MÉD.    ET  CUIR.  V.    —   30 


466  BOURBONNE-LES-BAINS. 

pouvant  recevoir  chacune  vingt  personnes.  Les  cabinets  de  douches  sont 
au  nombre  de  sept. 

L'hôpital  thermal  militaire  très-important  possède,  au  contraire,  une 
installation  fort  bien  entendue.  Il  peut  recevoir  cent  officiers  et  trois 
cents  soldats.  Outre  un  système  de  douche  complet,  on  y  compte  cin- 
quante-quatre baignoires  et  deux  piscines  pour  les  sous-oiïîciers  et  sol- 
dats. Quelques  baignoires  sont  consacrées  aux  bains  sulfureux. 

La  cure  à  Bourbonne  développe,  quelquefois,  au  bout  de  deux  à  six 
jours,  en  général,  une  fièvre  thermale,  tantôt  assez  légère  pour  passer 
inaperçue,  d'autrefois  fort  intense,  avec  embarras  gastrique.  La  sus- 
pension momentanée  du  traitement,  la  diète  et  les  boissons  délayantes, 
quelques  purgatifs  suffisent,  d'ordinaire,  pour  en  faire  justice. 

L'exaspération  des  douleurs  chez  les  rhumatisants  et  les  névralgiques, 
phénomène  d'excitation  du  même  ordre  que  la  fièvre  thermale,  peut 
apparaître  à  toutes  les  époques  du  traitement. 

La  poussée  caractérisée  par  un  exanthème  rubéoliforme,  pouvant 
siéger  sur  toutes  les  parties  du  corps,  mais  principalement  aux  membres 
et  à  la  poitrine,  est  un  résultat  plus  exceptionnel  du  traitement. 

Les  indications  thérapeutiques  des  eaux  de  Bourbonne  sont  à  peu  de 
chose  près,  les  mêmes  que  celles  des  eaux  de  Bourbon-l'Archambault 
dont  elles  représentent  également,  mais  par  une  minéralisation  plus 
puissante,  la  composition  chimique.  Aussi  renvoyons-nous  relativement 
au  traitement  par  les  eaux  de  Bourbonne,  du  rhumatisme,  des  para- 
lysies, de  la  scrofule,  des  plaies,  des  suites  de  blessures  par  armes  de 
guerre,  à  ce  que  nous  venons  de  dire  à  l'article  Bourbon-l'Archambault. 

Quelques  observations  doivent,  toutefois,  trouver  place  ici.  Les  unes 
ont  trait  à  la  thérapeutique  des  paralysies  de  cause  organique,  et  surtout 
des  paralysies  d'origine  cérébrale  ;  les  autres  sont  afférentes  au  traitement 
de  la  scrofule  à  Bourbonne. 

Il  est  intéressant,  en  effet,  de  faire  remarquer  la  distance  qui  sépare 
la  pratique  des  médecins  de  Bourbonne  de  celle  des  médecins  de  Bourbon- 
l'Archambault,  en  ce  qui  concerne  la  manière  dont  doivent  être  dirigés 
les  hémiplégiques  pendant  l'usage  des  eaux.  Tandis  que  les  médecins  de 
Bourbon  ou,  tout  au  moins,  un  certain  nombre  d'entre  eux  à  la  tète 
desquels  figurait  Regnault,  poussent  à  une  médication  énergique,  nous 
voyons  les  médecins  de  Bourbonne  conseiller  leurs  eaux  avec  beaucoup 
de  circonspection,  redouter  les  mouvements  congestifs  vers  les  centres 
nerveux.  Loin  de  réclamer  les  paralytiques  dès  le  début  de  la  maladie, 
ils  désirent  attendre  qu'une  première  période  pleine  de  périls  soit 
dépassée. 

Plus  les  sujets  sont  jeunes  et  sanguins,  dit  Renard,  plus  on  doit  se 
tenir  en  garde  contre  l'action  excitante  de  l'eau  de  Bourbonne,  à  l'inté- 
rieur surtout.  Les  bains  à  douce  température,  peu  prolongés  peuvent 
être  considérés  comme  une  préparation  utile  à  l'action  de  la  douche  qui  est 
ici  la  forme  la  plus  efficace  de  l'administration  de  ces  eaux.  Le  malade 
la  reçoit  tantôt  couché  sur  un  lit  de  sangle,   et  tantôt  assis;  ce  dernier 


B0URBONNE-LES-BAINS.  467 

mode  est  préféré,  dans  le  cas  où  la  tendance  à  un  raptus  sanguin  vers 
le  cerveau  paraîtrait  encore  à  craindre.  On  n'emploie  même  souvent  que 
les  bains  de  siège  et  les  demi-bains  ;  et  l'on  fait  un  usage  fréquent  de 
laxatifs. 

Le  traitement  de  la  scrofule  est  loin  d'avoir  reçu,  près  de  Bourbonne, 
le  développement  que  mérite  l'efficacité  de  ses  sources  contre  cette  dia- 
tbèse.  Bougard,  a  revendiqué,  à  juste  titre,  cette  spécialisation  pour  ces 
eaux  chlorurées  sodiques  puissantes,  et  nous  ne  doutons  pas  que  l'ad- 
jonction au  traitement  actuellement  en  usage  à  Bourbonne,  de  l'emploi 
des  eaux  mères  des  salines,  et  de  bains  à  l'eau  courante,  ne  permît  à  cette 
station  de  rivaliser  à  ce  point  de  vue  avec  les  eaux  renommées  de  l'Alle- 
magne. 

L'application  des  eaux  de  Bourbonne  aux  dermatoses,  ne  s'étend  pas 
au  delà  du  cercle  des  scrofulides. 

Bourbonne  est  en  possession  d'une  antique  réputation  dans  le  traitement 
des  accidents  consécutifs  aux  fractures,  tels  que  l'empâtement  et  le  gonfle- 
ment des  tissus  au  niveau  de  la  solution  de  continuité  ;  l'œdème  si  fré- 
quent et  parfois  si  tenace;  l'atrophie  du  membre  provenant  soit  d'une 
longue  suppuration,  soit  d'une  compression  trop  forte  de  l'appareil  ou 
d'une  suppuration  prolongée;  l'engorgement  et  la  roideur  des  articula- 
tions; la  contracture,  la  rétraction  des  muscles  et  des  tendons  ;  la  gêne, 
la  difficulté  et  la  faiblesse  du  mouvement;  les  douleurs  plus  ou  moins 
vives,  tantôt  sourdes,  tantôt  aiguës,  rémittentes  ou  intermittentes,  subis- 
sant l'influence  des  variations  de  la  température  atmosphérique. 

Depuis  longtemps  aussi  sur  de  simples  assertions,  de  Baudry  (1736),  de 
Magistel  (1828),  lesquelles  ne  reposaient  pas  sur  des  observations  précises, 
l'opinion  s'est  répandue  parmi  les  médecins  qu'il  ne  faut  adresser  que 
tardivement  à  Bourbonne,  les  blessés  atteints  de  fractures,  dans  la  crainte 
de  voir  l'action  des  eaux  provoquer  le  ramollissement  du  cal,  et  c'est  sous 
l'empire  de  cette  opinion  qu'une  circulaire  ministérielle,  en  date  du 
6  mars  1857,  et  provoquée  par  une  décision  du  Conseil  de  santé  des  ar- 
mées, prescrivait  de  n'envoyer  aux  eaux  aucune  fracture  avant  que  dix- 
huit  mois  se  fussent  écoulés  depuis  l'accident. 

Depuis  cette  époque  cette  manière  de  voir  a  été  soumise  à  l'examen  et 
au  contrôle  des  faits,  elle  a  occupé  la  Société  d'hydrologie,  elle  a  été  par- 
ticulièrement étudiée  par  les  médecins  militaires  de  Bourbonne,  par 
Cabrol,  par  Patézon.  Il  résulte  de  ces  recherches  que  si  quelques  faits 
exceptionnels  observés,  soit  à  Bourbonne,  soit  près  d'autres  stations  ther- 
males, de  Baréges,  par  exemple  (Duplan),  militent  en  faveur  de  ceux  qui 
professent  le  danger  du  ramollissement  du  cal  par  l'action  des  eaux,  l'en- 
semble des  faits  dépose,  au  contraire,  contre  leur  opinion.  Il  montre  que, 
si  la  question  n'est  pas  complètement  résolue  et  appelle  de  nouvelles  recher- 
ches, les  périls  d'un  traitement  hàtif  ont  tout  au  moins  été  singulièrement 
exagérés,  et  que  la  décision  du  Conseil  de  santé  n'a  peut  être  pas  été 
suffisamment  fondée,  dans  un  ordre  de  faits,  où  la  temporisation  est  loin 
d'être  toujours  exempte  d'inconvénients. 


468  BOURBONNE-LES-BAINS. 

Magistel,  lui-même,  appliquait  le  traitement  de  Bourbonne  cinq  ou  six 
mois  après  l'accident. 

Il  résulte  de  la  statistique  de  Patézon  que,  sur  89  fractures  traitées  à 
Bourbonne  et  ayant  de  six  à  douze  mois  de  date,  on  a  obteuu  24  guéri- 
sons,  48  améliorations.  15  fois  les  résultats  ont  été  nuls,  et  il  y  a  eu 
2  aggravations.  S'appuyant  sur  ces  chiffres,  Patézon  conseille  d'envoyer 
les  blessés  aux  eaux  de  quatre  mois  et  demi  à  cinq  mois  à  partir  de  l'acci- 
dent, en  faisant  toutefois  des  réserves  :  1°  sur  les  fractures  par  projectiles 
de  guerre;  2°  sur  celles  où  un  levain  d'activité  inflammatoire  existerait 
encore  dans  le  foyer  de  la  lésion  ;  5°  sur  celles  enfin  où  un  état  diathé- 
sique  du  malade  serait  susceptible  de  retarder  la  consolidation. 

(Voyez,  en  outre,  les  articles  Cal,  Eaux  minérales  et  Fractures.) 

Fodéré,  Mémoire  sur  les  eaux  de  Bourbonne-les-Bains  (Journal  compl.  du  Dictionnaire  des 
sciences  médicales,  Paris  182G). 

Magistel,  Essai  sur  les  Eaux  minérales  de  Bourbonne-les-Bains  (Paris,  1828). 

Chenu,  Essai  sur  les  eaux  minérales  en  général,  suivi  de  quelques  considérations  sur  celles 
de  Bourbonne  (Thèse  de  Strasbourg  1855). 

Bastien  et  Chevallier,  Essai  sur  les  eaux  minérales  thermales  de  Bourbonne-les-Bains  (Journal 
de  chimie,  de  pharmacie  et  de  toxicologie,  1854). 

Magnin,  Les  eaux  thermales  de  Bourbonne-les-Bains  (Paris,  184 i). 

Duplan,  Mémoires  sur  l'emploi  des  eaux  naturelles  de  Baréges  dans  le  traitement  des  maladies  des 
os,  (Mém.  de  méd.  chirurg.  etpharm.  milit.,  t.  V,  2e  série,  1850). 

Mathieu.  Des  eaux  thermales  de  Bourbonne.  (Thèse  de  Paris,  1655). 

Renaud,  Note  sur  l'emploi  des  eaux  thermales  de  Bourbonne,  dans  les  cas  de  paralysie  [Annales 
de  la  Soc.  d'hydrologie  médic.  de  Paris,  t.  II,  1855-1856). 

Villaret,  Note  sur  le  traitement  des  paralysies  à  Bourbonne-les-Bains  [ibidem). 

Bougard,  Les  eaux  de  Bourbonne  (Thèse  de  Paris,  1857).  —  Bibliographie  de  Bourbonne.  — 
Les  eaux  salées  chaudes  de  Bourbonne-les-Bains  (Paris,  1865).  —  Le  calorique  des  eaux 
thermales,  son  importance.  —  De  l'action  purgative  des  eaux  de  Bourbonne  (Ann.  de  la 
Soc.  d'hydrol.  méd.  de  Paris,  t.  X,  1865-1864). 

Dutroulau,  Rapport  sur  un  travail  adressé  par  M.  le  docteur  Cabrol,  médecin  en  chef  de  l'hô- 
pital thermal  de  Bourbonne,  sous  le  titre  suivant  :  Rapport  médical  de  l'hôpital  de  Bourbonne, 
année  1855-1856,  ibidem,  t.  IV,  1857-1858. 

Tamisier,  Des  fractures  de  la  rotule  (Thèse  de  Paris  1858). 

Henry,  Clinique  et  thérapeutique  thermo-minérales  de  l'hôpital  militaire  de  Bourbonne  (Divi- 
sion de  M.  Cabrol,  Mirecourt,  1858). 

Cabrol  et  Tamisier,  Eaux  tbermo-minérales  chlorurées  sodiques  de  Bourbonne-les- Bains 
(1858). 

Rotureau,  Rapport  sur  un  mémoire  de  M.  le  docteur  Bougard,  intitulé:  Les  scrofuleux  à  Bour- 
bonne-les-Bains (Ann.  de  la  Soc.  d'hydrologie  méd.  de  Paris,  t.  V,  1858-1859). 

Dutroulau,  Rapport  sur  un  mémoire  de  M.  Patézon  intitulé:  A  quelle  époque  faut-il  envoyer 
les  fractures  aux  eaux  de  Bourbonne?  (Ibidem.) 

Drouot,  Pressoir,  Revue  d'hydrologie  médicale  française  et  étrangère  (juillet  et  octobre  1860). 

Bompard  (ibid.  août  1860). 

Renard  (Emile),  Des  eaux  thermo-minérales  chlorurées  sodiques  de  Bourbonne-les-Bains,  1860. 

Durand-Fardel,  Le  Bret,  Lefort  et  François  (Jules),  Dictionnaire  des  eaux  minérales,  articles 
Bourdonne  et  Cal.  t.  I,  1860. 

Grandeau,  Des  applications  de  l'analyse  spectrale  à  l'hydrologie  (Ann.  de  la  Soc.  d'hydrologie 
méd. de  Paris,  t.  VIII,  1861-1862).  — Recherches  sur  la  présence  du  rubidium  et  du  caesium, 
dans  les  eaux  naturelles,  les  minéraux,  etc.  (Ann.  de  chimie  et  de  physique,  tome  LXV.II. 
Paris,  1865).  (Voyez  la  bibliographie  de  l'article  Bourbon-l'Archambault.) 

L.  Desnos. 


BOURBOULE  (la).  409 

BOlTKBOfJIiE  (La)  (Puy-de-Dôme,  arrondissement  de  Clcrmont- 
Ferrand),  à  7  kil.  du  Mont-Dore  et  à  50  kil.  de  Clermont.  —  Chemin  de 
fer  de  Paris  à  Lyon  et  à  la  Méditerrannée  (ligne  du  Bourbonnais),  de 
Paris  à  Clermont,  400  kil.;  de  Clermont  à  la  Bourboule,  service  de  mes- 
sageries, 50  kil.  —  Altitude,  846  mètres. 

Eaux  chlorurées  sodiques,  bicarbonatées  gazeuses  et  arsenicales.  — 
Température  de  25  à  52',  5  centigrades. 

Les  eaux  de  la  Bourboule,  déjà  analysées  par  Lecoq  (1828),  et  par 
Thénard,  qui  y  avait  découvert  et  dosé  l'arsenic  (1854),  ont  été  plus  ré- 
cemment étudiées,  au  point  de  vue  chimique,  par  Lefort,  au  nom  de  la 
Société  d'hydrologie  (1862).  Ce  chimiste  a  assigné  la  composition  sui- 
vante à  l'une  des  sources  principales,  celle  du  Bagnassou,  très-peu  dif- 
férente, d'ailleurs,  de  toutes  les  autres  : 

Gaz  :   acide  carbonique   libre,    88  centigrammes. 

Sels,  6  grammes  10  centigrammes;  chlorure  de  sodium,  5  grammes 
20  centigrammes;  chlorures  de  potassium,  de  magnésium,  de  lithium, 
de  caesium  et  de  rubidium,  26  centigrammes;  bicarbonate  de  soude, 
2  grammes  ;  bicarbonates  de  chaux,  de  fer,  do  manganèse  et  d'ammo- 
niaque, 20  centigrammes;  sulfate  de  soude,  28  centigrammes;  arsé- 
niate  de  soude,  15  centigrammes;  acide  silicique,  10  centigrammes; 
alumine,  2  centigrammes;  phosphate  de  soude,  iodure  et  bromure  de 
sodium,  indices;  matière  organique  bitumineuse,  traces. 

Trois  caractères  principaux  concentrent  un  intérêt  particulier  sur  les 
eaux  de  la  Bourboule  :  leur  haute  thermalité,  leur  riche  minéralisation 
et  la  nature  des  substances  qu'elles  renferment. 

La  température  des  eaux,  au  moment  où  elles  jaillissent  du  sol,  est, 
dans  presque  toutes  les  sources,  supérieure  à  la  température  moyenne 
des  bains  ordinaires  ;  et  dans  la  source  la  plus  importante,  elle  s'élève  au 
chiffre  considérable  de  50°.  Aussi  peut-on  obtenir  une  action  excitante 
énergique,  qu'il  est  d'ailleurs  facile  de  tempérer  à  volonté,  soit  par  le 
mélange  avec  l'eau  des  sources  moins  chaudes,  soit  par  l'exposition  à 
l'air  libre. 

Les  eaux  sont  également  pourvues  d'une  grande  quantité  de  principes 
minéralisateurs  :  6  grammes  10  centigrammes  de  sels  par  litre  consti- 
tuent une  puissante  minéralisation,  si  Ton  a  égard  à  la  nature  des  sub- 
stances qui  la  composent. 

Quant  à  leur  constitution  chimique,  elle  est  très-remarquable.  La 
grande  quantité  de  chlorures  que  renferment  les  eaux  de  la  Bourboule, 
les  a  fait  ranger  parmi  les  eaux  chlorurées  sodiques  fortes;  et  en  elfet, 
sous  ce  rapport,  elles  peuvent  être  mises  en  parallèle  avec  nos  meilleures 
sources  chlorurées.  En  outre,  la  proportion  de  bicarbonate  de  soude 
qu'elles  contiennent  en  fait  des  eaux  alcalines  encore  assez  puissantes. 
Mais  ce  qui  doit  surtout  fixer  l'attention,  c'est  l'énorme  quantité  d'arse- 
nic ou  de  sels  arsenicaux  qu'on  y  trouve  :  relativement  à  ce  principe  mi- 
néralisateur  important,  aucune  autre  eau  minérale  ne  peut  leur  être  com- 
parée,  pas  même  celle  du  Mont-Dore,  qui  en   renferme  quinze  fois 


470  BOURBOULE  (la). 

moins,  ni  celle  d'Hammam-Meskoutin,  qui  en  contient  moins  encore.  Si 
l'on  prend  en  considération  l'action  puissante  de  l'arsenic,  peut-être 
faudrait-il  considérer  les  eaux  de  la  Bourboule  comme  avant  tout  arse- 
nicales. 

Quelques  auteurs  ont  même  mis  en  doute  la  proportion  d'arsenic  ré- 
vélée par  les  analyses  chimiques  (Réveil),  en  disant  que,  dans  ces  préten- 
dues conditions,  l'eau  de  la  Bourboulc  devrait  être  toxique,  même  à  une 
dose  relativement  peu  élevée.  Cependant,  la  pratique  démontre  que  l'u- 
sage des  eaux  n'a  jamais  été  suivi  d'empoisonnement;  ce  qui  tient  sans 
doute,  soit  à  l'état  sous  lequel  se  trouve  l'arsenic,  soit  à  la  présence  des 
autres  substances  qui  peuvent  en  détourner  les  effets  nuisibles. 

L'application  usuelle  des  eaux  de  la  Bourboule  se  trouve  parfai- 
tement en  rapport  avec  leur  constitution;  nous  trouvons,  en  effet,  que 
c'est  dans  la  scrofule,  le  rhumatisme  et  les  suites  de  fièvres  intermit- 
tentes, qu'elles  sont  surtout  administrées  ;  ce  qui  concorde  avec  ieurs 
qualités  d'eaux  chlorurées  sodiques,  d'eaux  à  température  élevée  et 
d'eaux  arsenicales.  (Durand-Fardeî.)  Ces  eaux,  se  trouvant  d'ailleurs  très- 
notablement  bicarbonatées  sodiques,  conviennent  dans  des  cas  où  le 
trouble  des  fonctions  digestives,  ou  l'état  dyspeptique,  réclament  une  at- 
tention spéciale. 

L'emploi  avantageux  des  eaux  de  la  Bourboule  dans  le  traitement  de 
la  scrofule  est  un  des  plus  anciennement  connus  et  des  mieux  établis. 
Bertrand  (du  Mont-Dore)  proclame  leur  supériorité  dans  les  termes  sui- 
vants :  «  Quant  aux  affections  strumeuses,  quels  qu'en  soient  le  siège,  la 
forme,  et  jusqu'à  un  certain  point  le  degré  d'intensité,  je  ne  crois  pas, 
telle  est  du  moins  ma  conviction,  que  nulles  eaux  minérales,  jusqu'à 
présent  connues,  puissent  le  disputer  à  celles  de  la  Bourboule.  » 

Peyronnel,  médecin  inspecteur  des  eaux  de  la  Bourboule,  a  montré 
l'efficacité  remarquable  de  ces  eaux  dans  les  formes  graves  et  avancées  de 
la  scrofule.  Il  a  cité  des  observations  d'adénites  cervicales  énormes,  de 
vastes  caries  osseuses,  d'ophthalmies  rebelles  et  de  mal  vertébral  de  Pott, 
qui  avaient  été  guéris  ou  très-heureusement  modifiés  par  leur  emploi. 
intus  et  extra. 

Dans  le  rhumatisme,  les  eaux  qui  nous  occupent  sont  encore  très-net- 
tement indiquées,  en  raison  de  leur  haute  température  et  de  leur  com- 
position chimique.  Elles  sont  particulièrement  applicables  aux  rhuma- 
tismes accompagnés  d'engorgements  articulaires  ;  en  même  temps  que 
leur  action  reconstituante  et  stimulante  les  rend  très-efficaces  contre  le 
lymphatisme  et  l'atonie  générale  dont  dépend  souvent  la  chronicité  de 
ces  engorgements. 

Les  succès  obtenus  par  Noël  Gueneau  de  Mussy,  au  moyen  du  traite- 
ment arsenical  et  salin,  dans  une  des  formes  les  plus  tenaces  et  les  plus 
chroniques  du  rhumatisme,  dans  le  rhumatisme  noueux,  ne  semblent-ils 
pas  indiquer  encore  les  eaux  de  la  Bourboule,  et  faire  heureusement  pré- 
sager de  leur  eflicacité  dans  cette  variété  du  rhumatisme? 

Depuis  très-longtemps,  on  a  appliqué  aussi  ces  eaux  au  traitement  des 


BOURBOULE  (la).  471 

fièvres  intermittentes  ;  les  résultats  heureux  qu'on  en  obtient  sont  dus 
sans  doute  à  l'arsenic  qu'elles  renferment.  Aujourd'hui,  elles  sont  moins 
employées  dans  cette  affection,  que  l'on  traite  plus  facilement  par  le  sul- 
fate de  quinine.  Peut  être  auraient-elles  une  action  utile  dans  la  cachexie 
paludéenne  invétérée. 

Enfin,  la  présence  de  l'arsenic  en  très-grande  quantité  semble  indi- 
quer spécialement  la  Bourboule  dans  quelques  maladies  où  le  traitement 
par  les  composés  arsenicaux  artificiels  jouit  d'une  grande  efficacité. 
Ainsi,  sans  parler  du  rhumatisme  noueux,  certaines  dermatoses,  les  né- 
vralgies surtout  périodiques,  plusieurs  névroses,  et  en  particulier  la  cho- 
rée,  doivent  y  trouver  un  très-puissant  modificateur.  Quelques  observa- 
tions, déjà  faites  dans  ce  sens,  justifient  cette  opinion. 

La  situation  de  la  Bourboule  est  digne  de  remarque,  non-seule- 
ment au  point  de  vue  pittoresque,  mais  encore  au  point  de  vue  clima- 
tologique.  Bien  qu'à  une  élévation  considérable,  200  mètres  seulement 
au-dessous  du  Mont-Dore,  cette  station  thermale,  abritée  de  toutes  parts 
par  des  montagnes,  et  en  particulier,  au  nord,  par  une  sorte  de  mu- 
raille granitique  d'où  sortent  immédiatement  les  sources,  se  trouve 
exposée  au  midi;  aussi,  jouissant  d'un  climat  presque  exceptionnel  dans 
ces  régions  élevées,  le  séjour  peut  y  être  prolongé  pendant  plus  de  trois 
mois,  du  mois  de  juin  au  mois  de  septembre,  tandis  qu'à  une  heure 
à  peine  de  distance,  le  Mont-Dore  ne  peut  être  fréquenté  que  pendant  sept 
ou  huit  semaines.  (Dictionn.  des  eaux  minérales.) 

L'établissement  est  alimenté  par  cinq  sources  principales  : 

1°  Le  Grand  bain,  la  plus  chaude  des  sources  (50°),  celle  qui  fournit 
la  majeure  partie  de  l'eau  chaude  pour  les  bains  et  les  douches. 

2°  Le  Baynassou,  que  nous  avons  pris  pour  type  de  la  composition 
minérale,  a  précisément  la  température  moyenne  des  bains  (56°). 

5°  La  source  des  Fièvres,  dont  le  débit  présente  des  intermittences 
régulières  toutes  les  minutes;  sa  température  est  de  50°, 6. 

4°  La  Rotonde,  55°.  L'eau  de  ces  deux  dernières  sources  se  rend  dans 
un  bassin  où  elle  se  refroidit  et  sert  à  atténuer  la  température  de  l'eau 
des  autres  sources  pour  les  bains.  On  la  prend  aussi  en  boisson. 

5°  La  source  du  Coin,  41°;  elle  jaillit  au  fond  d'une  baignoire. 

Les  eaux  se  prennent  en  boisson,  en  bains  (18  baignoires)  et  en 
douches. 

Presque  inconnue  pendant  longtemps,  et  fréquentée  à  peu  près  exclu- 
sivement parles  gens  du  pays,  la  station  de  la  Bourboule  n'a  eu,  jusqu'à 
ces  dernières  années,  qu'une  installation  très-insuffisante.  Mais  les  travaux 
qui  y  ont  été  faits,  les  nouveaux  chemins  qui  en  rendent  désormais  l'a- 
bord très-facile,  ont  beaucoup  contribué  à  son  développement.  Si  les 
améliorations  commencées  continuent,  nul  doute  que  l'avenir  lui  réserve 
la  place  qu'elle  mérite  dans  les  eaux  minérales. 

Lecoq  (H.),  Recherches  sur  les  eaux  minérales  de  la  Bourboule  (Annales  scientifiques  de  V Au- 
vergne, juin  1828). 
Choussy,  Établissement  thermal  de  la  Bourboule.  Clermont,  1828. 


472  BOURDONNEMENT. 

Thénard,  Rapport  à  l'Académie  dos  sciences,  octobre  1854. 

Lefort,  Étude  physique  et  chimique  des  eaux  minérales  et  thermales  de  la  Bourboule.  Paris, 
1862.  [Annales  de  la  Société  d'Hydrologie  médicale  de  Paris,  t.  II,  t.  V  et  surtout  t.  IX, 
passim.) 

Dura>i>-Fardel,  Lerret,  Lefort  et  J.  François,  Dictionnaire  des  Eaux  minérales,  art.  la  Bour- 
boule. 1860,  t.  I. 

Peyronnel,  La  Bourboule,  sa  station  thermale,  ses  eaux  minérales  et  son  établissement.  Clcrmont- 
Ferrand,  1865. 

L.  Desnos. 

BOURDOM^EIIEXT.  —  On  donne  le  nom  générique  de  bour- 
donnement d'oreilles  à  des  bruits  subjectifs  d'un  caractère  varié,  soit  à 
ton  grave,  soit  à  ton  aigu,  que  l'on  peut  observer  à  l'état  sain,  mais  qui 
se  rencontrent  fréquemment  dans  différentes  affections  de  l'appareil  au- 
ditif, et  que  les  malades  désignent  sous  les  noms  de  bourdonnement,  de 
roulement, ^miaulement,  de  sifflement,  de  tintement,  de  bruissement,  etc., 
en  les  comparant  avec  certains  bruits  connus. 

Les  bourdonnements  résultent  de  causes  variables  souvent  très-obscures  : 
tantôt  ils  sont  déterminés  par  des  bruits  réellement  perçus  provenant  des 
mouvements  du  sang  dans  les  vaisseaux  des  diverses  parties  de  l'oreille  ; 
tantôt  ils  sont  provoqués  par  des  contractions  spasmodiques  des  muscles 
des  osselets  ;  tantôt  ils  dépendent  d'une  perversion  des  fonctions,  d'un 
ébranlement  ou  d'une  irritation  des  nerfs  auditifs  qui  donnent  lieu  à  des 
sensations  sonores,  à  des  ballucinations  de  l'ouïe,  de  même  que  les  nerfs 
optiques  font  percevoir  des  sensations  lumineuses  lorsqu'ils  se  trouvent 
dans  certains  états  morbides;  enfin,  les  bruits  subjectifs  peuvent  être 
occasionnés  par  une  excitation  très-vive  ou  prolongée  des  nerfs. 

Le  mécanisme  de  la  production  des  bourdonnements  a  été  peu  étudié 
jusqu'ici.  Il  me  semble  intéressant  de  rapporter  quelques  expériences 
destinées  à  indiquer  quelques  circonstances  dans  lesquelles  on  les  produit 
artificiellement,  et  qui  rendent  compte  de  leur  étiologie. 

Quand  on  refoule  le  tragus  vers  la  conque,  ou  quand  on  se  bouche  le 
trou  de  l'oreille  avec  le  doigt,  on  entend  un  bruit  de  bourdonnement,  ou 
un  bruit  de  roulement  d'autant  plus  intense,  que  le  méat  auditif  est  plus 
complètement  fermé.  Si  l'on  presse  peu  à  peu  plus  fort,  de  manière  à 
comprimer  l'air  du  conduit  et  à  refouler,  à  tendre  ainsi  la  membrane 
tympanique,  le  bruit  de  roulement  disparaît  progressivement  dans  un 
bruit  de  tintement  qui  devient  de  plus  en  plus  dominant.  Cette  expé- 
rience paraît  devoir  s'expliquer  de  la  manière  suivante.  Lorsque  le  con- 
duit auditif  est  simplement  obstrué,  les  vibrations  sonores  de  l'extérieur 
ne  peuvent  plus  venir  couvrir  les  vibrations  produites  par  la  circulation 
du  sang  dans  les  artères  qui  pénètrent  dans  le  temporal  ou  qui  sont  situées 
dans  le  voisinage,  parce  que  les  bruits  forts  masquent  les  bruits  faibles  : 
le  bruit  artériel,  devenu  prédominant,  est  alors  perçu  et  donne  la  sensation 
d'un  bourdonnement  d'autant  plus  prononcé,  que  les  artères  sont  plus 
développées. 

La  compression  de  l'artère  carotide  primitive,  de  l'artère  auriculaire 
postérieure,  etc.,  anormalement  dilatées,  font  cesser  ces  bourdonnements 


BOURDONNEMENT.  475 

dans  certains  cas,  et  on  peut  dire  d'une  manière  générale  qu'ils  résultent 
de  la  perception  de  bruits  vasculaires.  Ils  n'existent  jamais,  d'après  Kra- 
mer,  lorsque  la  surdité  qui  les  accompagne  le  plus  souvent  dépend  d'un 
état  torpide  du  nerf  auditif,  et  lorsque  la  membrane  tympanique  est 
complètement  détruite. 

Les  bourdonnements  précèdent  ordinairement  la  surdité  et  accompa- 
gnent la  dysécéc  produite  par  les  obstructions  du  conduit  auditif,  de  la 
caisse  et  de  la  trompe.  La  sensibilité  acoustique  reste  intacte,  d'ordinaire, 
et  redevient  manifeste  dès  que  le  méat,  la  caisse  ou  la  trompe  ont  été 
désobstrués.  On  les  observe  dans  l'obstruction  du  conduit  auditif  par  des 
corps  étrangers,  par  un  abcès,  par  des  tumeurs  polypiformes,  par  un 
gonflement  de  sa  paroi,  etc.;  dans  l'inflammation,  dans  l'obstruction  et 
dans  la  distension  de  la  caisse;  dans  l'obstruction,  l'oblitération,  la  com- 
pression de  la  trompe;  dans  les  affections  et  dans  les  circonstances  dans 
lesquelles  l'intensité  des  bruits  artériels  est  exagérée,  soit  par  l'accéléra- 
tion, ou  par  l'augmentation  de  la  force  d'impulsion  du  cœur,  soit  par  une 
maladie  des  artères,  soit  par  une  disposition  vasculaire  anormale. 

On  produit  un  bruit  de  bourdonnement  en  serrant  fortement,  au  milieu 
du  silence  profond  de  la  nuit,  les  màcboires  l'une  contre  l'autre  par  la 
contraction  musculaire.  Les  muscles  et  les  os  deviennent  alors  fortement 
résonnants  et  communiquent  au  temporal  les  bruits  de  la  circulation 
artérielle. 

La  production  des  tintements,  ou  des  bruits  subjectifs  à  tons  aigus, 
s'opère,  en  général,  lorsque  la  membrane  tympanique  se  trouve  fortement 
tendue  :  les  propriétés  vibratoires  de  cette  membrane  sont  alors  changées, 
et  elle  devient  plus  ou  moins  inapte  à  transmettre  les  tons  graves. 

C'est  ainsi  qu'il  survient  des  tintements,  lorsqu'on  refoule  fortement 
de  l'air  dans  le  conduit  auditif,  ou  que  l'on  distend  d'une  manière  quel- 
conque la  membrane  tympanique.  Cependant,  à  l'état  physiologique,  dans 
le  silence  profond  de  la  nuit,  on  perçoit  un  léger  bruit  de  tintement  mo- 
dulé comme  un  chant  qui  paraît  produit  par  la  circulation  du  sang  dans 
les  capillaires  de  la  membrane  tympanique  de  l'oreille  interne  et  du  nerf 
auditif:  l'intensité  et  la  gravité  de  ce  bruit  augmentent  dans  les  congestions 
céphaliques  et  lorsque  la  circulation  est  activée.  L'exagération  de  ces  bruits 
constitue  probablement  quelques-unes  de  ces  sensations  acoustiques  sub- 
jectives, dont  se  plaignent  les  individus  affectés  de  congestion  cérébrale, 
de  méningite,  d'inflammation  de  l'oreille,  d'aliénation  mentale. 

Si  après  avoir  introduit  le  doigt  mouillé  dans  l'oreille,  on  fait  avec  son 
extrémité  un  vide  dans  le  conduit,  il  se  produit  encore  des  tintements 
par  le  refoulement  de  dedans  en  dehors  de  la  membrane  tympanique  sous 
l'influence  de  l'inégalité  de  pression  atmosphérique  :  la  membrane  refoulée 
sous  la  pression  intérieure  se  trouve  distendue  ainsi. 

Des  tintements  se  manifestent  aussi  par  un  mécanisme  analogue,  lors- 
qu'on fait  un  effort  d'expiration  ou  un  mouvement  de  déglutition  en  se 
bouchant  le  nez  et  en  fermant  la  bouche. 

Un  bruit  d'un  caractère  spécial  se  produit  dans  les  circonstances  sui- 


474  BOURDONNEMENT. 

vantes  :  certaines  personnes  peuvent  contracter  à  volonté  le  muscle  du 
marteau  et  produire  ainsi  un  bruit  subjectif  qui  a  quelque  analogie  avec 
le  roulement  lointain  du  tonnerre,  le  bouillonnement  de  l'eau  en  ébulli- 
tion  ou  le  sifflement  du  vent.  Ce  bruit  dépend  certainement  de  la  contrac- 
tion du  muscle  du  marteau  ;  car,  si  on  observe  le  manomètre  de  Politzer 
introduit  dans  mon  oreille  pendant  que  je  produis  le  bruit,  on  constate 
aisément  que  la  goutte  d'eau  chemine  vers  l'oreille,  ce  qui  accuse  une  aug- 
mentation de  capacité  du  conduit  auditif  qui  ne  peut  être  produite  que 
par  la  contraction  du  muscle  tenseur  de  la  membrane  tympanique.  Le 
bruit  de  roulement  est  accompagné  d'un  bruit  de  frottement  qui  paraît 
résulter  du  glissement  du  tendon  du  muscle  susdit  sur  l'extrémité  du 
canal  osseux  qu'il  traverse. 

On  provoque  encore,  dans  des  circonstances  analogues,  la  production 
de  tintements,  de  sifflements,  de  bourdonnements,  en  faisant  passer  un 
courant  électrique  à  travers  l'oreille.  Un  spasme,  une  contracture  du 
muscle  du  marteau  doivent  donner  lieu  au  même  résultat.  Ilyrtl  attribue 
certains  tintements  à  un  spasme  du  muscle  de  l'étrier.  Il  est  probable 
que  la  contraction  spasmodique  de  ce  muscle,  en  imprimant  au  liquide 
labyrinthique  et  au  nerf  auditif  des  vibrations  brusques,  provoque  des 
sensations  subjectives,  mais  leur  caractère  est  indéterminé  jusqu'ici. 

Des  bruits  subjectifs  surviennent  aussi  par  le  contact  d'une  tumeur  ou 
d'un  corps  étranger  avec  la  membrane  tympanique  :  on  entend  alors  par 
moments  des  claquements  que  certaines  personnes  comparent  à  des  ex- 
plosions d'armes,  etc.  On  peut  artificiellement  reproduire  ces  bruits  en 
touchant  la  membrane  tympanique  avec  un  stylet,  etc.,  ou  dans  l'action 
de  se  moucher,  d'éternuer,  lorsqu'un  corps  étranger  est  placé  près  de  la 
membrane  tympanique. 

Dans  l'obstruction  incomplète  de  la  trompe  et  de  la  caisse  par  des  hu- 
meurs, le  bourdonnement  qui  existe,  dans  des  cas  assez  rares,  est  mêlé 
par  intervalles  à  des  bruits  de  sifflement,  de  râle,  etc.,  produits  par 
l'ébranlement  des  humeurs  de  la  trompe  ou  de  la  caisse  par  le  passage 
de  quelques  bulles  d'air. 

Une  excitation  incessante  du  nerf  auditif  par  un  son  répété  ou  une 
excitation  violemment  ressentie  chez  des  personnes  d'une  grande  impres- 
sionnabilité,  finit  par  imprimer  au  nerf  auditif,  ou  à  l'encéphale,  une 
sensation  durable.  L'ouïe  devient  par  là  le  siège  d'hallucinations,  de  sensa- 
tions subjectives  continues  qui  peuvent  devenir  le  point  de  départ  d'idées 
lixes,  de  monomanies.  D'autre  part,  chez  les  aliénés,  certaines  hallucina- 
tions de  l'ouïe  naissent  directement  du  trouble  de  l'encéphale.  C'est  ainsi 
que  des  malades  sont  tourmentés  par  des  bruits  divers  :  bruits  de  timbre, 
de  cloches,  de  détonations  d'artillerie,  de  machines  à  vapeur,  de  flammes, 
de  moulin,  de  chants  divers,  de  sifflements  variés,  etc.,  auxquels  l'ima- 
gination prête  souvent  une  signification  fantastique  et  qui  peuvent  donner 
lieu  à  des  associations  d'idées  délirantes. 

Les  bourdonnements  et  les  tintements  que  les  malades  accusent  dans 
l'inflammation  du  tympan  paraissent  devoir  s'expliquer  par  l'épaississe- 


BOURDONNEMENT.  —  bibliographie.  475 

ment  de  la  membrane  tympanique  et  par  sa  moindre  vibratilité  sous  l'in- 
fluence des  sons  venus  de  l'extérieur,  tandis  qu'elle  reste  conductrice  des 
sons  graves  des  grosses  artères  du  voisinage  transmis  par  les  os  voisins 
et  des  sons  aigus  de  ses  vaisseaux  capillaires. 

Outre  les  circonstances  déjà  énumérées,  des  bourdonnements  et  des  tin- 
tements s'observent  encore  à  la  suite  des  grandes  hémorrhagies,  dans  la 
chlorose,  dans  l'anémie,  où  les  bruits  vasculaires  sont  exagérés;  dans 
l'hystérie;  dans  les  fièvres  graves,  au  début,  et  môme  pendant  toute  leur 
durée;  dans  les  affections  où  l'on  observe  des  congestions  cérébrales; 
dans  l'intoxication  par  la  quinine,  etc. 

Le  diagnostic  du  bourdonnement  et  de  ses  diverses  variétés  ne  peut 
être  établi  que  sur  les  renseignements  fournis  par  les  malades.  Excep- 
tionnellement les  bourdonnements  peuvent  être  constatés  directement, 
au  moyen  de  l'otoscope  de  Toynbee,  lorsqu'ils  dépendent  d'un  bruit  de 
souffle  d'une  artère  anévrysmalique.  En  tant  que  symptômes  d'affections 
très-diverses  de  l'ouïe,  leur  pronostic  est  très-variable,  comme  ces  affec- 
tions elles-mêmes. 

D'après  ce  qui  précède,  les  bourdonnements  dépendent  d'affections 
aiguës  et  chroniques  de  l'oreille  externe,  de  la  caisse  et  de  l'appareil  laby- 
rintbique,  aussi  bien  que  d'un  certain  nombre  d'affections  étrangères  à 
l'organe  auditif.  Une  exploration  attentive  des  diverses  parties  de  l'appa- 
reil auditif  et  des  organes  voisins,  l'histoire  de  la  maladie,  le  caractère 
particulier  des  bruits  subjectifs  pourront  mettre  sur  la  voie  de  leur  étio- 
logie,  et  partant  du  traitement  à  leur  opposer.  Leur  traitement  est  le 
même  que  celui  des  diverses  affections  auxquelles  ils  se  rapportent.  Les 
bourdonnements  disparaissent  en  même  temps  que  ces  dernières  lors- 
qu  elles  sont  susceptibles  de  guérison. 

Certains  bourdonnements  sont  quelquefois  une  cause  d'insomnie.  Ils 
deviennent  alors  extrêmement  incommodes  et  pénibles  pour  les  malades. 
Lorsqu'ils  peuvent  être  couverts  par  les  bruits  extérieurs  intenses,  les  ma- 
lades éprouvent  parfois  du  soulagement  au  milieu  du  bruit,  en  voiture, 
dans  un  lieu  bruyant,  tel  qu'un  moulin,  par  un  bruit  artificiel,  etc.  Dans 
quelques  cas,,  le  séjour  du  malade  dans  un  endroit  bruyant,  à  même  pu, 
comme  dans  une  observation  rapportée  par  Itard,  amener  la  guérison 
d'un  bourdonnement  consécutif  à  une  impression  vive. 

Lorsque  le  bourdonnement  n'est  pas  compliqué  de  surdité,  il  résiste 
le  plus  souvent  à  tous  les  moyens  de  traitement. 

Itard,  Traité  des  maladies  de  l'oreille.  Paris,  1842. 
Saissy,  Essai  sur  les  maladies  de  l'oreille.  Paris,  1828. 
Rau,  Lehrbuch  der  Ohrenheilkunde.  Berlin,  1856. 
Lincke,  Handbuch  der  theor.  and  prakt.  Ohrenheilkunde.  Leipzig,  1857. 
Denonvilliers  et  Gosselin,  Compcnd.  de  chir.  pratique.  Paris,  1858,  t.  III. 
Triquet,  Traité  pratique  des  maladies  de  l'oreille.  Paris,  1857. 
Erhard,  Rationelle  Otialrik.  Erlangen,  1859. 

Bonnafoxd,  Traité  théorique  et  pratique  des  maladies  de  l'oreille.  Paris,  1800. 
V.  Troltsch,  Die  Krankheiten  des  Ohres.  Wihzburg,  1802. 

Toynbee.  TheDiseases  of  the  Ear.  Londres,  1800.  —  Die  Krankheiten  des  Gehororgans.  Trad.  al- 
lemande par  Moos.  Wiirzburg,  1805.  EuGÈNE    KCEBERLÉ. 


476  BOURRACHE.  —  BOURSES  SÉREUSES. 

BOURRACHE.  — Borrago  officinalis,  Linn.,  donne  son  nom  à  la 
famille  des  Borraginées. 

Description.  —  La  Bourrache  est  une  plante  annuelle,  à  racine  allon- 
gée pivotante  ;  à  tige  arrondie,  ramifiée  au  sommet.  Les  feuilles  sont  éta- 
lées, ovales,  obtuses,  sinueuses,  retrécies  en  un  pétiole  ailé,  canaliculé, 
élargi  à  la  base.  Les  fleurs  sont  disposées  en  cymes  scorpioïdes  termi- 
nales, elles  sont  portées  par  de  longs  pédoncules  réfléchis.  Le  calice  est 
à  cinq  divisions,  étalées  ;  la  coro//£  bleue,  rose  ou  violette,  est  monopé- 
tale, à  tube  très-court,  à  limbe  de  cinq  lobes  aigus,  lancéolés,  présentant 
chacun  une  saillie  en  doigt  de  gant.  Les  etamines,  au  nombre  de  cinq, 
alternes  avec  les  divisions  de  la  corolle,  sont  dressées,  rapprochées  vers  le 
centre,  de  façon  à  former  un  cône  aigu  au  milieu  duquel  passe  le  style. 
L'ovaire  est  gynobasique.  Toute  la  plante  est  couverte  de  poils  très-rudes. 

Propriétés  et  usages.  —  On  emploie  les  feuilles  et  les  fleurs.  Toute 
la  plante  renferme  un  suc  mucilagincux  abondant.  On  l'administre 
comme  diurétique,  sudorifique  et  émolliente;  tous  les  jours  on  la  prescrit 
encore  dans  les  fièvres  éruptives.  Mais  elle  n'a  aucune  action  spécifique 
particulière,  aussi  nous  bornerons-nous  à  cette  simple  indication. 

Doses  et  modes  d'administration.  —  Infusion  de  fleurs,  décoction  des 
feuilles  50  à  60  grammes  par  litre  d'eau.  Suc  exprimé  de  50  à  100  gram- 
mes. 

Léon  Marchand. 

BOURSES  SÉREUSES  SOUS-CUTANÉES.  —  Les  cavités 
closes  sous-cutanées,  creusées  dans  l'épaisseur  du  tissu  cellulaire  sous- 
dermique,  qui  se  rencontrent  partout  où  la  peau,  où  les  tissus  fibreux 
sont  sujets  à  des  pressions  et  à  de  fréquents  mouvements,  ont  été  dé- 
crites sous  des  noms  très-variés.  Padieu  les  a  désignées  sous  le  nom  de 
bourses  séreuses  sous-cutanées.  On  les  a  aussi  appelées  improprement 
bourses  muqueuses,  synoviales,  mucilagineuses.  Bleynie  a  proposé  de 
leur  donner  le  nom  de  bourses  celluleuses  sous-cutanées,  qui  est  égale- 
ment peu  rigoureux  au  point  de  vue  de  l'étymologie.  Il  vaut  mieux  leur 
conserver  le  nom  de  bourses  séreuses,  sous  lequel  on  les  connaît  géné- 
ralement, quoique  cette  désignation  ne  soit  pas  très-exacte. 

Les  bourses  séreuses  ont  une  structure  analogue  à  celle  des  cavités 
séreuses,  mais  elles  en  diffèrent  cependant  par  l'absence  de  revêtement 
épithélial  de  leurs  parois,  ou,  du  moins,  elles  ne  présentent  quelquefois 
qu'un  épithélium  incomplet.  La  peau  qui  les  recouvre  jouit  d'une  mobilité 
plus  considérable  que  sur  les  parties  voisines,  et  est  ordinairement 
épaissie,  dure,  calleuse.  Elles  résultent  des  frottements  que  les  éléments 
du  tissu  connectif  exercent  les  uns  sur  les  autres  :  les  fibres  finissent  par 
s'user,  par  se  déchirer  réciproquement,  de  manière  à  former  une  cavité 
qui  sert  ensuite  à  faciliter  les  mouvements.  Elles  ont  le  même  mode 
d'origine  que  les  bourses  séreuses  sous-aponévrotiques  et  les  bourses 
tendineuses  ou  gaines  synoviales  des  tendons,  qui  n'en  sont  qu'une  tran- 
sition, mais  dont  les  dernières  principalement  se  distinguent  néanmoins 


BOURSES  SÉREUSES.  477 

par  la  présence  d'un  épithélium  pavimenteux  assez  constant,  parfois 
clair-semé  ou  interrompu  en  certains  endroits.  I/histoire  des  gaines  ten- 
dineuses et  de  leurs  affections,  diffère  d'une  manière  notable  de  celle  des 
bourses  séreuses  sous-cutanées,  et  donne  lieu  à  des  considérations  spé- 
ciales, qui  seront  exposées  à  l'article  Gaines  tendineuses.  Outre  les  bourses 
séreuses  sous-cutanées  et  tendineuses,  on  trouve  quelquefois,  dans  di- 
verses parties  du  corps,  des  cavités  closes  creusées  également  au  milieu 
du  tissu  connectif,  qui  renferment  de  la  sérosité  ou  des  produits  variés. 
On  les  trouvera  décrits  à  l'article  Kystes  séreux. 

Les  bourses  séreuses  sont,  en  quelque  sorte,  creusées  au  milieu  du 
tissu  connectif.  A  l'état  normal,  elles  ne  contiennent  aucun  amas  de 
liquide  ;  elles  sont  simplement  humectées  par  une  petite  quantité  d'une 
humeur  visqueuse,  analogue  à  la  matière  colloïde.  Leur  cavité  est  tantôt 
régulière,  arrondie,  tantôt  anfractucuse,  réticulée,  cloisonnée  par  des 
lames,  par  des  brides  de  tissu  connectif  condensé.  Quelquefois  plusieurs 
loges  isolées  sont  groupées  les  unes  à  côté  des  autres.  Au-devant  de  la 
rotule,  j'ai  rencontré  jusqu'à  cinq  de  ces  loges  isolées.  Leurs  parois  sont, 
en  général,  minces,  mais  on  les  trouve  épaissies,  condensées  dans  cer- 
tains cas.  Lorsque  leurs  parois  sont  minces,  elles  communiquent  parfois 
avec  le  tissu  connectif  ambiant,  et  ne  forment  plus  des  cavités  délimitées. 
Ces  parois  sont  lisses  et  sont  formées  par  du  tissu  connectif  dont  les 
fibres  sont  tassées,  condensées,  dépourvues  de  graisse,  et  dans  l'épaisseur 
desquelles  rampent  des  vaisseaux  peu  abondants  et  d'un  calibre  très- 
grèle,  ce  qui  leur  donne  un  aspect  blanchâtre. 

Des  bourses  séreuses  se  développent  partout  où  la  peau  est  soumise  à 
des  pressions  fréquentes  et  à  des  mouvements  prononcés,  à  des  frotte- 
ments répétés  sur  les  parties  sous-jacentes,  surtout  au  voisinage  des  os 
sous-cutanés,  soit  dans  les  conditions  ordinaires,  soit  par  suite  d'habi- 
tudes spéciales,  par  suite  de  l'exercice  d'une  profession,  du  maniement 
d'un  outil,  d'un  instrument,  etc.,  soit  dans  certaines  conditions  patholo- 
giques, telles  sont  les  bourses  séreuses  développées  sur  les  saillies  anor- 
males chez  les  individus  aflectés  de  pieds  bots,  de  gibbosités  de  la  colonne 
vertébrale,  etc. 

La  grandeur  des  bourses  séreuses  est  variable  de  un  à  cinq  centi- 
mètres et  au-dessus,  suivant  l'étendue  de  la  surface  où  elle  se  trouve 
située  et  l'étendue  du  mouvement  que  les  tissus  subissent  habituellement. 
Leur  nombre  varie  suivant  les  individus.  On  les  a  divisées  en  normales  et 
anormales,  mais  les  classifications  qu'on  en  a  données  jusqu'ici  sont  peu 
rigoureuses.  On  en  connaît  une  cinquantaine,  et  leur  nombre  tend  à 
augmenter  encore  chaque  jour,  à  mesure  qu'on  en  découvre  de  nouvelles. 
Il  est  important  de  signaler  celles  qui  sont  connues  jusqu'à  présent,  et 
dont  quelques-unes  sont  très-rares,  afin  d'être  par  là  moins  exposé  à 
commettre  des  erreurs  de  diagnostic  lorsqu'elles  sont  dans  un  état  mor- 
bide. Les  plus  connues  et  les  plus  constantes  sont  celles  que  l'on  ren- 
contre au-devant  de  la  rotule  et  derrière  Tolécrane.  Leurs  affections  ont 
été  confondues  jusqu'à  la  fin  du  dernier  siècle  sous  le  nom  de  ganglions 


478  BOURSES  SEREUSES. 

et  de  tumeurs  fongeuscs  des  articulations,  avec  les  affections  des  cavités 
synoviales  des  tendons  et  des  articulations.  Depuis  que  les  travaux  de 
Camper  et  de  Monro  ont  attiré  l'attention  sur  cette  partie  de  la  chirurgie, 
de  nombreux  et  importants  documents  ont  été  publiés  sur  ce  sujet  avec 
des  développements  très-étendus,  et  les  maladies  des  bourses  séreuses  ont 
été  étudiées  dans  presque  tous  leurs  détails.  Les  notions  que  l'on  possède 
actuellement  permettent  d'en  faire  une  description  commune,  appli- 
cable à  toutes  les  bourses  séreuses,  quel  que  soit  leur  siège. 

Les  bourses  séreuses  que  l'on  est  à  même  d'observer  à  l'état  normal, 
en  dehors  de  toute  circonstance  pathologique,  sont  situées  aux  endroits 
où  il  s'exerce  le  plus  ordinairement  des  pressions  :  au-devant  du  genou, 
où  se  trouve  la  bourse  séreuse  prérotulienne,  qui  est  la  plus  constante; 
en  arrière  de  l'olécrane  ;  sur  le  grand  trochanter;  sur  l'ischion;  sous  le 
coccyx;  derrière  l'angle  de  la  mâchoire  inférieure  ;  au  bord  inférieur  de 
la  symphyse  du  menton  ;  sur  l'angle  du  cartilage  thyroïde  ;  sur  l'acromion; 
sur  l'épitrochlée;  sur  l'épicondyle  ;  sur  l'apophyse  styloïde  du  radius; 
sur  l'apophyse  styloïde  du  cubitus;  sur  la  face  dorsale  des  articulations 
métacarpo-phalangiennes  ;  sur  la  saillie  des  articulations  phalangiennes; 
sur  la  face  palmaire  des  articulations  métacarpo-phalangiennes;  sur  la 
tubérosité  externe  du  fémur;  sur  la  face  externe  de  la  tête  du  péroné;  sur 
la  tubérosité  interne,  sur  la  tubérosité  antérieure  et  sur  la  surface  anté- 
rieure du  tibia;  sur  la  malléole  externe;  sur  la  malléole  interne;  au  côté 
interne  et  au  côté  plantaire  de  l'articulation  métatarso-phalangienne  du 
gros  orteil;  sur  la  face  dorsale  des  articulations  phalangiennes;  sous  la 
face  plantaire  de  la  tête  du  cinquième  métatarsien  ;  sous  les  tubérosités 
du  calcanéum;  en  arrière  du  calcanéum  ;  sur  la  face  dorsale  du  pied;  sur 
le  tubercule  interne  du  scaphoïde  ;  sur  la  saillie  du  cinquième  métatarsien  ; 
sur  l'apophyse  épineuse  de  la  septième  vertèbre  cervicale;  sur  la  protu- 
bérance occipitale  externe;  sur  la  face  externe  de  l'articulation  temporo- 
maxillaire;  au-devant  de  la  clavicule;  sur  le  rebord  de  la  crête  iliaque; 
sur  le  sommet  des  gibbosités  de  la  colonne  vertébrale  ;  sur  la  saillie  de  la 
tête  de  l'astragale,  chez  les  individus  affectés  de  pieds  plats;  sur  la  face 
dorsale  ou  latérale  du  pied,  chez  les  individus  affectés  de  pieds  bots;  à 
l'extrémité  du  moignon  des  amputés,  entre  le  bout  de  l'os  et  la  cièatrice; 
sur  la  surface  de  tumeurs  sous-cutanées;  sur  la  face  externe  du  muscle 
grand  dorsal  ;  sur  l'épine  de  l'omoplate  ;  sur  la  région  lombaire  et  sur  les 
côtés  de  la  colonne  vertébrale,  chez  des  individus  habituellement  chargés 
de  fardeaux  ;  sur  le  devant  du  sternum  et  sur  le  bord  radial  de  la  première 
phalange  de  l'indicateur  du  côté  droit,  chez  des  menuisiers  ;  sur  la  partie 
supérieure  du  cubitus  gauche,  ainsi  que  sur  la  face  postérieure  du 
deuxième  et  du  cinquième  métacarpiens  de  la  main  droite,  chez  les  ou- 
vriers en  papiers  peints  ;  sur  la  face  antérieure  et  externe  de  la  cuisse, 
chez  les  joueurs  d'orgues  ;  dans  l'épaisseur  des  grandes  lèvres,  chez  les 
femmes  qui  ont  abusé  du  coït;  parfois  au-dessous  de  brides  cicatri- 
cielles, etc.  Les  habitudes  particulières,  la  manière  de  se  servir  de  divers 
instruments,  pourront  rendre  compte  de  la  production  d'une  série  d'au- 


BOURSES  SÉREUSES.  —  blessures  et  contusions.  479 

très  bourses  séreuses  que  l'on  peut  être  à  môme  de  rencontrer  accidentel- 
lement. 

Les  bourses  séreuses  sont  formées  par  du  tissu  connectif  constitué  par 
des  faisceaux  et  par  des  lames  de  fibres  parallèles  disposées  dans  divers 
sens,  entremêlées  de  cellules  plasmatiques  et  de  fibres  élastiques.  Dans 
les  endroits  où  la  pression  est  plus  considérable,  leur  paroi  est  plus 
épaissie.  On  trouve  fréquemment,  dans  l'intérieur  de  leur  cavité,  des 
prolongements  vasculaires  en  forme  de  franges  synoviales  qui  ne  diffèrent 
pas  de  celles  que  l'on  rencontre  dans  les  articulations. 

On  observe  rarement  des  communications  de  bourses  séreuses  avec  des 
gaines  tendineuses  ou  des  cavités  articulaires,  au  voisinage  desquelles 
elles  peuvent  être  situées.  Au  genou,  la  bourse  séreuse  prérotulienne 
sous-cutanée  communique  quelquefois  avec  une  bourse  séreuse  sous-apo- 
névrotique,  située  immédiatement  au-dessous  d'elle,  entre  la  rotule  et  le 
surtout  ligamenteux,  lequel  dépend  en  majeure  partie  du  fascia  lata. 

Quoique  toutes  les  bourses  séreuses  soient  susceptibles  d'être  atteintes 
par  des  affections  variées,  deux  d'entre  elles,  celles  qui  sont  situées  au- 
devant  de  la  rotule  et  derrière  Polécrane  y  sont  plus  fréquemment 
exposées  ;  ce  sont  surtout  les  altérations  présentées  par  ces  dernières 
qui  serviront  de  types  pour  la  description  générale  des  différentes 
lésions  qui  vont  être  passées  en  revue. 

Nous  aurons  lieu  d'examiner  successivement  les  blessures  et  les  con- 
tusions, l'inflammation,  les  épanchements  de  sérosité,  de  pus,  de 
sang,  les  concrétions,  les  fistules  et  les  ulcères  fistuleux. 

Blessures  et  con taisions.  —  Les  plaies  par  instruments  piquants 
et  tranchants  ne  donnent  lieu  à  aucune  considération  particulière  ;  elles 
guérissent  par  première  intention  si  l'on  en  opère  de  suite  la  réunion, 
aussi  bien  que  s'il  ne  s'agissait  que  d'une  plaie  simple  des  téguments, 
pourvu  qu'on  ne  les  irrite  pas  et  que  l'on  n'y  ait  point  introduit  de  corps 
étrangers  en  opérant  des  recberches  intempestives  avec  un  stylet,  ou  en 
eberebant  à  les  nettoyer  ou  à  les  panser  avec  un  topique  irritant.  A  la 
suite  de  la  guérison  de  ces  plaies,  lorsqu'il  n'est  pas  survenu  d'inflam- 
mation, la  cavité  de  la  poche  séreuse,  malgré  répancliement  de  sang 
dont  elle  a  pu  être  le  siège,  ne  se  trouve  point  oblitérée.  Il  faut  avoir 
soin  d'en  évacuer  par  des  pressions  méthodiques  ia  majeure  partie  du 
sang,  qui  peut  s'y  être  épanché,  et  opérer  ensuite  une  légère  compression 
sur  la  circonférence  de  la  bourse  séreuse,  tout  autour  de  la  plaie,  dont 
on  maintiendra  les  lèvres  exactement  réunies  par  une  suture  sèche  ou 
une  suture  entortillée,  disposée  convenablement. 

Les  corps  étrangers  introduits  sous  la  peau,  jusque  dans  une  bourse 
séreuse  ou  dans  son  voisinage,  doivent  être  extraits  de  suite.  Quelquefois 
ils  n'occasionnent  pas  d'inflammation  et  peuvent  s'enkyster.  J'ai  ren- 
contré dans  les  parois  de  la  bourse  séreuse  prérotulienne  deux  fragments 
d'une  épine  d'acacia,  d'un  centimètre  de  longueur,  qui  étaient  enkystés 
depuis  longtemps  dans  le  tissu  connectif,  sans  aucune  trace  d'irritation. 

Les  plaies  contuses  présentent  une  gravité  plus  considérable  :  elles 


480  BOURSES  SÉREUSES.  —  blessures  et  contusions. 

donnent  ordinairement  lieu  à  une  inflammation  aiguë  de  leurs  bords  et 
de  la  cavité  de  la  bourse  séreuse.  Vers  le  deuxième  ou  le  troisième 
jour  elles  donnent  écoulement  à  un  liquide  filant,  rougeâtre,  séro-puru- 
lent,  dont  la  quantité  n'est  pas  en  rapport  avec  l'étendue  des  surfaces 
traumatiques.  Si  la  désorganisation  des  parties  contuses  a  été  peu  grave 
l'inflammation  se  calme  sous  l'influence  d'un  traitement  convenable,  la 
sécrétion  séro-sanguinolente  ou  séro-purulente  diminue  progressivement  et 
la  cicatrisation  s'opère  encore  comme  dans  une  plaie  contuse  ordinaire  ; 
mais  quelquefois  la  cicatrisation  se  borne  aux  téguments  et  les  liquides 
s'amassent  dans  l'intérieur  de  la  bourse  séreuse,  qu'ils  distendent  en 
formant  une  tumeur  fluctuante.  Le  liquide  peut  être  résorbé  ou  bien  il 
continue  a  s'accumuler,  et  finit  alors  par  se  frayer  par  intervalle  une 
voie  au  debors  à  travers  la  cicatrice,  en  donnant  lieu  chaque  fois  à  une 
recrudescence  d'inflammation.  Finalement  la  solution  de  continuité  per- 
siste et  il  s'établit  une  plaie  fistuleuse.  Souvent  alors,  disent  Bérard 
et  Denonvilliers,  «  les  malades,  ignorant  l'importance  de  leur  blessure, 
continuent  à  travailler,  se  livrent  à  des  efforts,  exposent  la  petite  plaie  à 
des  constrictions  ou  à  des  frottements  plus  ou  moins  rudes,  et  l'inflam- 
mation s'étend  de  la  bourse  séreuse  aux  parties  voisines  :  le  membre 
tout  entier  s'engorge  et  se  couvre  d'une  rougeur  érysipélateuse,  le  tissu 
cellulaire  est  affecté  de  phlegmon  diffus,  un  ou  plusieurs  abcès  se  forment 
autour  de  la  poche  membraneuse,  qui  fournit  elle-même  de  la  matière 
purulente;  des  troubles  généraux  peuvent  survenir.  La  guérison  est  plus 
difficile  à  obtenir  et  ne  survient  qu'après  que  les  parois  de  la  bourse 
séreuse  se  sont  couvertes  de  granulations,  par  l'accollement  même  de  ses 
parois  qui  entraîne  l'oblitération  de  sa  cavité  et  entretient  le  membre 
dans  un  état  de  roideur  et  de  gêne  plus  ou  moins  durable.  » 

Les  contusions  simples  sont  loin  d'être  aussi  graves.  Elles  donnent  lieu 
à  un  froissement  des  parois  de  la  bourse  séreuse  sans  déchirure  des 
téguments,  comme  il  arrive  à  la  suite  d'un  coup,  d'une  chute.  Elles 
exposent  à  des  suffusions  sanguines  sou^-cutanées,  ainsi  qu'on  l'observe 
également  pour  d'autres  parties  de  la  peau.  Lorsque  le  sang  épanché  fait 
irruption  dans  la  cavité  de  la  bourse  séreuse  il  s'y  accumule  librement 
avec  rapidité  et  donne  lieu  à  des  tumeurs  sanguines,  qui  peuvent  quel- 
quefois masquer  des  lésions  plus  profondes,  ainsi  qu'il  peut  arriver  à  la 
suite  d'une  contusion  du  coude,  compliquée  de  fracture  de  l'olécrane. 
D'autres  fois  les  contusions  ont  pour  conséquence  une  inflammation  et 
donnent  lieu  à  un  épanchement  de  sérosité. 

Les  pressions,  même  faibles,  mais  permanentes,  comme  celles  qui 
résultent  d'attitudes  habituelles,  ou  du  maniement  de  certains  instru- 
ments, en  exposant  les  bourses  séreuses  ta  des  froissements  continuels  et 
en  déterminant  des  rougeurs  de  la  peau  qui  les  recouvre,  ont  ordinaire- 
ment pour  conséquence  la  formation  d'épanchements  séreux  répétés 
et  de  dépôts  de  concrétions  fîbrineuscs,  dans  l'intérieur  de  leur  cavité. 

Le  diagnostic  des  affections  précédentes  n'est  pas  entouré  de  difficultés. 
Le  siège  de  la  lésion  suffit  déjà  pour  éveiller  l'attention.  Lorsqu'il  y  a  une 


BOURSES  SEREDSES.  —  inflammation.  481 

blessure,  la  mobilité  des  bords  de  la  plaie,  comme  si  les  parties  sous- 
jacentes  étaient  décollées,  et  parfois  l'écoulement  d'un  liquide  analogue  à 
la  synovie,  achèvent  d'éclairer  le  chirurgien.  Il  est  en  général  inutile  de 
sonder  la  plaie,  à  moins  qu'on  ne  soupçonne  la  présence  d'un  corps 
étranger.  On  pourrait  confondre  le  liquide  filant,  renfermé  dans  les 
bourses  séreuses  dans  un  état  pathologique,  avec  celui  d'une  articulation 
voisine  ou  sous-jacente;  mais  l'erreur  ne  saurait  avoir  lieu  que  dans  des 
circonstances  exceptionnelles.  D'ailleurs  les  indications  thérapeutiques 
resteraient  les  mêmes. 

Le  traitement  des  contusions  et  des  plaies  des  bourses  séreuses  ne 
diffère  guère  de  celui  des  lésions  analogues  de  la  peau  en  général.  Dans 
les  cas  de  contusion  simple,  d'érythème  consécutif  à  des  pressions,  les 
lotions  résolutives  et  astringentes,  le  traitement  antiphlogistique  local 
suffiront  dans  la  plupart  des  cas,  soit  pour  prévenir,  soit  pour  calmer 
l'irritation.  Les  plaies  simples  devront  être  nettoyées  avec  soin  et  réunies 
immédiatement  avec  des  bandelettes  agglutinatives,  ou  au  moyen  de 
quelques  points  de  suture  entortillée,  ne  comprenant  point  la  bourse 
séreuse  et  laissés  à  demeure  pendant  un  à  deux  jours  seulement.  Il  faut 
également  laver  avec  soin  les  plaies  contuses  et  exprimer,  au  moyen  de 
pressions  méthodiques,  les  caillots  sanguins  et  les  liquides  qui  peuvent 
être  renfermés  dans  la  cavité  de  la  bourse  séreuse,  et  faire  un  pansement 
simple,  en  laissant  la  solution  de  continuité  à  découvert,  tout  en  exerçant 
autour  d'elle,  sur  la  circonférence  de  la  bourse  séreuse,  une  compression 
légère,  de  manière  à  empêcher  la  stagnation  des  liquides  dans  sa  cavité 
et  à  favoriser  leur  issue  par  la  plaie.  S'il  y  avait  lieu  de  craindre  une 
inflammation  intense,  par  suite  de  lésions  graves,  il  faudrait  entourer  les 
bords  de  la  plaie  avec  de  la  charpie  imbibée  de  sulfate  de  fer,  ou  faire 
des  irrigations  continues  avec  de  l'eau  froide.  Si  malgré  ces  moyens 
l'inflammation  s'est  emparée  des  bords  de  la  plaie,  on  aura  soin  de  main- 
tenir cette  dernière  ouverte  et  de  laisser  une  libre  issue  à  la  suppuration. 
On  aura  recours  en  même  temps  aux  lotions  émollientes,  narcotico- 
émollientes,  aux  cataplasmes  et  même  aux  émissions  sanguines  locales,  si 
la  tuméfaction  inflammatoire  devenait  menaçante.  Lorsque  la  suppuration 
est  bien  établie  on  traite  le  cas  comme  une  plaie  suppurante  simple,  en 
favorisant  par  une  compression  méthodique  la  réunion  de  la  solution  de 
continuité,  et  en  empêchant  la  stagnation  du  pus  et  des  liquides  sécrétés 
dans  la  cavité  de  la  bourse  séreuse.  Si  la  plaie  continue  à  fournir  une 
quantité  de  pus,  qui  n'est  pas  en  rapport  avec  l'étendue  apparente  de  la 
plaie,  il  faut  maintenir  une  issue  libre  à  la  suppuration,  au  moyen  d'un 
tube  en  caoutchouc,  largement  fenestré,  introduit  jusque  dans  la  cavité 
de  la  bourse,  ou  débrider  largement  de  manière  à  mettre  le  fond  de  la 
poche  suppurante  à  découvert  et  à  en  obtenir  la  cicatrisation  à  partir  de 
sa  profondeur,  afin  d'éviter  ainsi  la  formation  d'une  plaie  fistuleuse  ou 
d'une  tumeur  fongueuse. 

inflammation.  —  V inflammation  des  bourses  séreuses  offre  des 
caractères  analogues  à  celle  des  cavités  séreuses  en  général.  Elle  est  or- 

NOUV.    DICT.    MÉD.    ET  CHIR.  V.    —   31 


482  BOURSES  SÉREUSES.  —  inflammation. 

dinairement  consécutive  à  une  pression  continue,  à  un  frottement  vio- 
lent ou  prolongé,  à  une  contusion,  à  une  blessure  ;  elle  survient  parfois 
sous  l'influence  de  frottements  exagérés,  dans  les  circonstances  qui  ont 
donné  lieu  à  la  formation  de  la  bourse  séreuse;  elle  peut  encore  être 
consécutive  à  l'inflammation  des  tissus  voisins  ou  sous-jacents  ;  elle  est 
rarement  le  résultat  d'une  cause  interne. 

Dès  le  début  de  l'inflammation,  on  observe  une  tuméfaction  doulou- 
reuse de  la  bourse  séreuse,  dont  la  cavité  devient  de  suite  le  siège  d'une 
sécrétion  de  sérosité,  qui  distend  rapidement  ses  parois.  Les  téguments 
qui  la  recouvrent  sont  rouges,  œdémateux,  tendus  et  gênent  les  mouve- 
ments des  parties  voisines.  La  bourse  séreuse  enflammée  forme  une 
tumeur  rénitente,  fluctuante,  bornée  par  ses  limites  naturelles.  Si  l'in- 
flammation a  envabi  une  surface  considérable,  elle  s'accompagne  d'une 
réaction  générale  plus  ou  moins  prononcée.  Lorsque  l'inflammation  tend 
à  se  calmer  et  que  la  résolution  arrive,  ainsi  que  cela  s'observe  d'ailleurs 
à  l'ordinaire  ;  les  accidents  locaux  diparaissent  progressivement  et  la 
iuméfaction,  produite  par  l'épanchement  de  sérosité,  diminue  à  mesure 
que  cette  dernière  est  résorbée,  ce  qui  s'opère  tantôt  d'une  manière 
très-rapide,  ainsi  que  l'ont  observé  Bérard  et  Denonvilliers,  cbez  un 
jeune  garçon  qui  présentait  une  inflammation  aiguë  et  une  tuméfaction 
assez  considérable  de  la  bourse  séreuse  prérotulienne,  et  chez  lequel  le 
repos  au  lit  et  les  cataplasmes  émollients  suffirent  pour  faire  disparaître 
du  jour  au  lendemain  toute  trace  de  fluctuation,  et  pour  amener  une 
guérison,  qui  ne  se  fit  pas  attendre  plus  de  vingt-quatre  heures  ;  tantôt 
la  sérosité  ne  diminue  qu'avec  lenteur,  et  il  en  reste  une  partie  qui 
donne  lieu  à  une  tumeur  permanente,  à  laquelle  on  donne  le  nom 
d'hygroma.  Lorsque  rinflammation  est  abandonnée  à  elle-même  ou  est 
très-vive,  et  que  le  repos  et  des  soins  convenables  n'ont  pas  été  employés, 
elle  s'étend  et  se  propage  sous  forme  d'un  érysipèle  phlegmoneux;  la 
sérosité  épanchée  dans  la  bourse  séreuse  ne  tarde  pas  à  devenir 
purulente;  en  même  temps  les  tissus  ambiants  sont  également  envahis 
par  la  suppuration  ;  l'état  local  s'aggrave  jusqu'à  ce  que  finalement  la 
peau  se  perfore  et  livre  passage  au  pus,  si  l'on  tarde  à  intervernir  et  à 
faire  une  ouverture  artificielle. 

Le  diagnostic  de  rinflammation  d'une  bourse  séreuse,  au  début,  ne 
présente  pas  en  général  de  difficultés.  Cette  affection  pourrait  être  con- 
fondue avec  un  simple  phlegmon  ;  mais  son  siège,  les  circonstances  dans 
lesquelles  elle  s'est  développée,  l'épaississement  de  la  peau,  la  formation 
rapide  d'une  tumeur  fluctuante  dans  un  espace  circonscrit  avant  que  le 
pus  n'ait  eu  le  temps  de  se  former,  fournissent  un  ensemble  de  carac- 
tères qui  ne  permettent  pas  de  confondre  ces  deux  affections.  Si  on  n'a 
pu  suivre  l'évolution  de  la  maladie,  on  peut  en  méconnaître  le  point  de 
départ,  le  rapporter  à  une  affection  des  parties  sous-jacentes,  d'une  arti- 
ticulation,  d'un  os,  etc.  ;  mais  on  est  bientôt  mis  sur  la  voie  par  la  mar- 
che de  la  maladie. 

Le   pronostic  varie  suivant  l'intensité  de  l'inflammation,  son  étendue, 


BOURSES  SÉREUSES.  —  épaacheme.nt  séreux.  483 

son  siège,  les  circonstances  dans  lesquelles  elle  s'est  développée,  les 
complications  et  suivant  que  le  malade  est  à  même  de  se  donner  des  soins 
convenables. 

La  médication  antiphlogistique  secondée  par  une  position  élevée,  au- 
tant que  possible,  et  par  le  repos  de  la  partie  malade,  forment  la  base  du 
traitement.  Les  topiques  résolutifs,  les  lotions  avec  de  l'acétate  de  plomb 
ou  du  sulfate  de  fer  dans  les  cas  où  l'inflammation  est  peu  prononcée, 
suffisent  ordinairement  pour  amener  la  résolution.  Si  le  travail  inflam- 
matoire est  intense,  et  la  suppuration  imminente,  on  aura  recours  aux 
cataplasmes  émollients,  aux  émissions  sanguines  locales,  et  même  à  la 
saignée  du  bras,  autant  que  l'état  du  malade  le  permettra,  si  les  acci- 
dents locaux  s'accompagnent  de  symptômes  de  réaction  générale.  Vel- 
peau  a  employé  avec  succès,  comme  moyen  perturbateur,  le  vésicatoire 
volant,  renouvelé  à  plusieurs  reprises  pendant  les  8  ou  10  premiers 
jours,  aussi  longtemps  que  la  peau  n'est  pas  amincie  et  que  la  suppura- 
tion n'est  pas  évidemment  déclarée.  Le  vésicatoire  agit  en  entretenant  une 
irritation  superficielle  de  la  peau  et  l'activité  de  la  circulation  capillaire, 
ce  qui  favorise  la  résorption  des  liquides  épanchés. 

Épaiiclicments  séreux.  —  Les  épanchements  séreux  ont  été  dé- 
signés sous  le  nom  d'hygroma,  d'hydropisie  des  bourses  muqueuses, 
de  fungus,  etc.  Ils  peuvent  être  aigus  ou  chroniques.  Sous  le  nom  d'hy- 
groma que  Heister  a  appliqué  aux  kystes  séreux  du  cou,  on  a  décrit 
spécialement  les  épanchements  séreux  dans  la  bourse  prérotulienne  et 
dans  la  bourse  olécranienne,  où  on  les  observe  presque  exclusivement; 
cependant  ils  sont  aussi  très-communs  chez  les  individus  affectés  de 
pied  bot  varus  sur  la  face  dorsale  du  pied  qui  supporte  habituellement 
le  poids  du  corps,  et  chez  les  tailleurs  au  côté  externe  des  malléoles.  Les 
autres  bourses  séreuses  sont  plus  rarement  affectées. 

Les  épanchements  séreux  sont  consécutifs,  tantôt  à  une  inflammation 
aiguë,  tantôt  à  une  irritation  chronique  sous  l'influence  de  pressions, 
de  froissements  répétés,  et  qui  souvent  ne  donnent  lieu  qu'à  des  trou- 
bles locaux  tellement  peu  prononcés  que  les  malades  ne  soupçoanent 
pas  même  leur  action  sur  le  développement  de  leur  maladie.  L'hygroma 
de  la  bourse  prérotulienne  est  le  plus  commun.  On  l'observe  chez  les  per- 
sonnes qui  ont  l'habitude  de  se  tenir  habituellement  à  genoux,  chez  les 
blanchisseuses,  les  personnes  pieuses,  les  maçons,  les  couvreurs,  les  pa- 
veurs, etc.  ;  chez  les  terrassiers,  les  botteleurs,  etc.,  qui  ont  l'habitude 
de  se  servir  de  la  pression  du  genou  dans  l'exercice  de  leurs  professions. 
Les  épanchements  séreux  dans  les  autres  bourses  séreuses  ont  lieu  dans 
des  circonstances  analogues.  Le  mode  de  formation  et  la  marche  de  la 
maladie  ont  été  parfaitement  décrits  dans  le  Compendium  de  chirurgie 
dont  je  transcris  le  passage  suivant  :  «  Entretenue  par  l'action  insensible 
mais  persistante  des  pressions  et  des  froissements  répétés  dans  un  état 
d'irritation  sourde  et  continuelle,  la  membrane  séreuse  verse  dans  la 
poche  qu'elle  tapisse  un  excédant  de  liquide  qui  détermine  en  s'y  amas- 
sant la  formation  d'une  tumeur  subordonnée,  quant  à  son  progrès,  au 


48 i  BOURSES  SEREUSES.  —  épanchements  séreux. 

degré  d'irritation.  L'accroissement  en  est  souvent  lent  et  graduel;  ce  n'est 
qu'au  bout  d'un  ou  de  plusieurs  mois  qu'elle  atteint  des  dimensions  assez 
considérables  pour  fixer  l'attention,  et  cela  a  lieu  sans  qu'on  remarque 
pendant  son  évolution,  ni  douleurs  très-vives,  ni  phénomènes  inflamma- 
toires bien  appréciables.  Quelquefois  pourtant,  le  travail  sous  l'influence 
duquel  se  produit  l'épancliement  semble  plus  actif,  la  partie  malade  est 
chaude  et  sensible,  et  la  tumeur  parvient  assez  vite  à  son  maximum  de 
développement;  c'est  ce  qu'on  observe  surtout  quand  les  causes  habituel- 
les ont  été  secondées  par  quelque  circonstance  accessoire,  comme  une 
chute,  un  coup,  une  contusion  plus  ou  moins  forte.  Il  est  enfin  des  cas 
où  la  tumeur  ne  grossit  que  par  saccades,  et  en  passant  par  des  alterna- 
tives de  repos  et  d'activité.  »  La  tumeur  parvient  ainsi  à  un  volume  par- 
fois énorme,  surtout  au  genou,  où  elle  peut  atteindre  la  grosseur  du  poing 
et  même  d'une  tête  d'enfant,  et  contenir  jusqu'à  500  grammes  de  sérosité. 
La  forme  de  la  tumeur  est  en  général  arrondie,   aplatie  ;  quelquefois  elle 
est  irrégulière,  à  surface  inégale,  lorsque  la  bourse  séreuse  elle-même, 
est  irrégulière,  cloisonnée,  etc. 

Le  contenu  de  la  cavité  est  très-variable  :  tantôt  le  liquide,  très-séreux, 
est  jaunâtre,  incolore,  sanguinolent,  laiteux  et  tient  en  suspension  des 
flocons  de  fibrine,  tantôt  le  liquide  est  épais,  filant,  très-albumineux,  ana- 
logue à  de  la  synovie  ou  gélatiniforme,  transparent,  jaunâtre  ou  laiteux. 
Quelquefois  on  rencontre  dans  le  liquide  épanché  des  concrétions  de  con- 
sistance libro-cartilagineuse  analogues  à  celles  des  cavités  articulaires,  des 
gaines  synoviales  tendineuses.  Les  parois  de  la  cavité  séreuse  sont  tantôt 
normales,  tantôt  injectées,  épaissies,  incrustées  de  dépôts  de  fibrine  déplus 
d'un  centimètre  d'épaisseur  parfois  qui  lui  donnent  une  consistance  carti- 
lagineuse; mais  malgré  ces  modifications  la  bourse  séreuse  ne  contracte 
que  très-rarement  des  adhérences  avec  les  parties  voisines. 

L'hygroma  une  fois  formé,  peut  rester  stalionnaire  pendant  un  temps 
illimité,  et  n'incommoder  le  malade  que  par  la  difformité  et  la  gêne  qu'il 
occasionne.  Il  est  rare  de  le  voir  disparaître  spontanément.  Plus  souvent 
il  devient  le  siège  d'une  recrudescence  inflammatoire,  et  donne  alors  lieu 
aux  mêmes  accidents  consécutifs  que  l'inflammation  simple  mais  avec- 
une  intensité  et  une  gravité  plus  considérables  que  dans  ce  dernier  cas. 
Sous  l'influence  d'une  chute,  d'une  contusion,  les  parois  de  la  poche  dis- 
tendue peuvent  éclater.  Une  partie  du  liquide  s'infiltre  alors  dans  le  tissu 
cellulaire;  mais  la  déchirure  ne  tarde  pas  à  se  cicatriser  et  l'épanche- 
ment  persiste.  Par  suite  de  la  rupture  des  parois  il  peut  se  former  une 
hémorrhagie  qui  distend  rapidement  la  cavité  en  se  mêlant  à  la  sérosité 
qu'elle  renferme.  Les  blessures  donnent  lieu  aux  mêmes  conséquences  que 
celles  des  bourses  séreuses  à  l'état  normal,  mais  la  réaction  est  plus  vive, 
proportionnellement  au  volume  de  l'hygroma,  et  elles  sont  suivies  de 
complications  plus  graves.  On  observe  quelquefois  des  hygromas  qui 
naissent  sous  l'influence  de  causes  internes  et  qui  disparaissent  sponta- 
nément. C'est  ainsi  que  dans  l'affection  goutteuse,  dans  l'infection  puru- 
lente, on  voit  se  montrer  des  épanchements  qui  se  résorbent  du  jour  au 


BOURSES  SEREUSES.  —  épanciiemeints  séreux,  485 

lendemain  en  alternant  quelquefois  avec  des  épanchements  d'autres  cavi- 
tés séreuses.  Asselin  a  même  rapporté  un  cas  dans  lequel  un  hygroma  de 
la  bourse  prérotulienne  disparaissait  chaque  ibis  que  le  malade  était  pris 
de  vomissements  glaireux,  et  qui  recommençait  à  paraître  dès  que  les  vo- 
missements cessaient. 

Le  diagnostic  de  l'hygroma  ne  présente  pas  de  difficultés.  Lorsque 
l'affection  est  de  date  récente  et  que  les  parois  de  la  poche  n'ont  pas  subi 
d'altération  prononcée,  on  peut  aisément  constater  la  fluctuation.  La  forme 
arrondie  de  la  tumeur,  sa  mollesse,  son  indolence,  l'intégrité  de  la  peau 
qui  la  recouvre,  l'épaississement  de  L'épidermé,  son  siège  dans  une  région 
où  l'on  a  observé  des  bourses  séreuses,  les  habitudes  professionnelles,  con- 
slituent  un  ensemble  de  caractères  qui  ne  permette  guère  de  se  mépren- 
dre sur  la  nature  de  l'affection.  Si  l'épaississement  et  la  dureté  des  parois 
de  la  poche  pouvaient  dans  certains  cas  en  imposer  pour  une  tumeur  so- 
lide, les  renseignements  obtenus  sur  la  durée  et  la  marche  de  la  maladie, 
ne  manqueraient  pas  de  la  faire  reconnaître;  mais  l'erreur  même  n'aurait 
pas  de  conséquence  grave  dans  ce  cas,  puisque  la  tumeur  ne  pourraitalors 
être  traitée  avec  avantage  que  par  l'extirpation. 

Le  traitement  est  variable  suivant  les  cas. 

Si  l'affection  résulte  de  causes  internes  sous  l'influence  d'une diathèse 
goutteuse  ou  rhumatismale,  etc.,  on  aura  recours  aux  médications  usitées 
dans  ces  divers  états  morbides.  On  pourra,  dans  certains  cas,  imiter  les 
procédés  de  la  nature:  Asselin  ayant  remarqué  dans  le  cas  cité  plus  haut 
que  la  disparition  de  l'hygroma  coïncidait  chaque  fois  avec  des  vomisse- 
ments glaireux,  et  pensant  qu'il  devait  exister  une  relation  entre  les  sécré- 
tions de  la  bourse  séreuse  et  celles  de  l'estomac,  eut  l'idée  d'administrer 
un  vomitif  chaque  fois  que  l'hygroma  reparaissait  et  parvint  ainsi  à  en 
obtenir  la  guérison. 

Lorsque  Tépanchement  résulte  d'une  cause  externe,  la  première  indi- 
cation à  remplir  est  d'amoindrir  autant  que  possible  son  action  si  on  ne 
peut  pas  l'éloigner  complètement.  L'hygroma  est  rarement  susceptible  de 
résolution  complète  lorsqu'il  n'est  pas  de  date  récente.  On  a  essayé  avec 
succès  un  grand  nombre  de  médicaments  résolutifs  sous  diverses  formes, 
l'alcool  camphré,  la  teinture  d'iode,  les  pommades  iodurées,  mercuriel- 
les,  l'application  d'un  emplâtre  de  Vigo,  de  coton  saupoudré  de  sel 
ammoniac,  l'application  de  compresses  imbibées  d'une  solution  aqueuse 
concentrée  de  sel  ammoniac,  les  lotions  saturnées,  les  liniments  rubé- 
fiants, le  vésicatoire  volant,  la  compression,  etc. 

Ces  moyens,  parmi  lesquels  le  badigconnage  avec  la  teinture  d'iode 
est  préférable,  réussissent  d'autant  mieux  que  l'épanchemcnt  est  de  date 
plus  récente,  que  le  liquide  est  plus  séreux  et  que  les  parois  de  la  tumeur 
sont  moins  altérées,  épaissies.  La  résorption  du  liquide  est  d'autant  plus 
lente  que  l'épanchement  est  plus  ancien.  On  ne  saurait  conseiller  la  cau- 
térisation transcurrente  et  les  moxas  qui  ont  été  également  employés.  Ces 
moyens  douloureux  et  cruels  échouent  constamment  là  où  les  médications 
précédentes  n'ont  pas  réussi. 


486  BOURSES  SÉREUSES.  —  épakciiebiests  séreux. 

Quand  la  résolution  de  la  tumeur  ne  peut  être  obtenue,  si  d'ailleurs 
elle  reste  stationnaire  et  ne  cause  qu'une  gêne  supportable,  il  faut  aban- 
donner la  maladie  à  elle-même,  ou  recourir  à  une  opération  si  le  malade 
manifeste  la  volonté  formelle  d'en  être  débarrassé.  On  a  pratiqué  avec 
des  résultats  divers,  l'écrasement,  la  ponction,  l'injection  d'un  liquide 
irritant,  l'introduction  d'un  séton,  l'incision,  l'excision  partielle  et  l'ex- 
tirpation totale. 

L'écrasement  a  été  pratiqué  avec  succès  par  divers  cbirurgiens.  Ce 
moyen  est  en  général  violent  et  d'une  application  difficile  :  il  est  avanta- 
geux lorsqu'on  peut  l'appliquer  sans  violence,  lorsque  les  parois  de  la 
tumeur  sont  minces  et  que  son  volume  est  peu  considérable. 

La  ponction  sous-cutanée  avec  une  aiguille  à  cataracte,  proposée  par 
Cunin,  ou  avec  un  ténotome,  avec  incision  sous-cutanée  des  parois,  pro- 
posée par  Barthélémy,  combinée  avec  la  pression  des  doigts,  est  préfé- 
rable à  l'écrasement  brusque.  On  se  propose  de  refouler  ainsi  dans  les 
mailles  du  tissu  cellulaire  le  liquide  contenu  dans  la  poche  et  d'en  obtenir 
la  résorption. 

La  ponction  simple  avec  le  trocart  ou  avec  le  bistouri,  en  donnant  issue 
au  liquide,  ne  produit  souvent,  de  même  que  l'écrasement,  qu'une  amélio- 
ration temporaire-,  cependant  des  tumeurs  même  volumineuses,  à  parois 
minces,  arrivées  à  un  état  stationnaire,  ont  pu  être  traitées  ainsi  avec 
succès,  en  ayant  soin,  toutefois,  d'éloigner  complètement  les  causes  qui 
leur  ont  donné  naissance. 

La  ponction  avec  injection  d'un  liquide  irritant  a  été  pratiquée  à  di- 
verses reprises.  Cette  opération  n'est  applicable  qu'aux  tumeurs  volumi- 
neuses à  parois  minces.  Asselin  rapporte  un  cas  deguérison  d'un  hygroma 
du  genou,  au  moyen  d'une  injection  vineuse.  Vassilière  a  également 
traité  avec  succès  un  hygroma  de  la  bourse  olécranienne  avec  une  injec- 
tion de  vin  chaud  miellée. 

Velpeau  donne  la  préférence  aux  injections  iodées,  avec  de  la  teinture 
d'iode  étendue  de  trois  à  six  fois  son  volume  d'eau.  J'ai  réussi  également 
avec  une  solution  de  5  grammes  d'iode  et  de  5  grammes  d'iodure  de 
potassium  dans  100  grammes  d'eau,  que  j'emploie  habituellement  dans  le 
traitement  des  kystes  séreux. 

L'introduction  d'un  séton  à  travers  les  parois  de  l'hygroma  a  été  mise  en 
usage  à  diverses  reprises  ;  mais  ce  moyen  très-infidèle  expose  aux  graves 
accidents  qui  ont  été  signalés  à  l'occasion  des  plaies  des  bourses  séreuses. 
L'incision  a  été  fréquemment  mise  en  usage.  La  tumeur  doit  être  fen- 
due largement  dans  toute  son  étendue,  à  sa  partie  moyenne,  ou  en  croix, 
suivant  la  pratique  de  Gerdy,  de  manière  à  pouvoir  être  complètement 
débarrassée  de  son  contenu  et  à  pouvoir  être  maintenue  ouverte  large- 
ment jusqu'à  la  cicatrisation  complète  de  sa  cavité.  On  s'oppose  à  la 
réunion,  par  première  intention,  en  interposant  de  la  charpie  entre  les 
lèvres  de  la  plaie'  et  dans  la  cavité,  afin  d'y  exciter  un  certain  degré 
d'inflammation  et  la  formation  de  bourgeons  charnus,  ce  que  l'on 
n'obtient,  dans   certains  cas,  où  les  parois  sont  épaissies  que  par  des 


BOURSES  SÉREUSES.  —  épakchements  purulents,  abcès.  487 

cautérisations  plus  ou  moins  énergiques,  avec  l'iode,  le  nitrate  d'argent, 
le  perchlorure  de  fer,  le  nitrate  acide  de  mercure  ou  le  cautère  actuel. 
L'emploi  de  ces  derniers  moyens  peut  donner  lieu  à  une  réaction  locale 
très-vive,  compliquée  d'érysipèle,  de  phlegmon  diffus,  et  accompagnée 
d'accidents  généraux  graves.  L'incision  est  surtout  indiquée  lorsque  la 
bourse  séreuse  contient  des  concrétions  fîbrineuses,  dans  les  cas  où  les 
parois  de  la  poche  ne  sont  pas  notablement  épaissies. 

L'excision  partielle,  modification  du  procédé  suivant,  est  applicable 
dans  les  cas  de  tumeur  volumineuse  à  parois  épaissies,  implantée  sur 
des  parties  importantes  auxquelles  elle  est  adhérente,  que  Ton  risquerait 
d'intéresser  par  l'extirpation  totale  :  elle  consiste  à  retrancher  une  partie 
des  parois  de  la  tumeur  et  à  laisser  suppurer  celle  qui  est  restée  intacte. 

L'extirpation  totale  devra  être  pratiquée  chaque  fois  que  la  tumeur, 
unie  seulement  aux  parties  voisines  par  du  tissu  connectif  lâche,  offre 
des  parois  épaissies.  L'opération,  dans  ces  conditions,  ne  présente  pas 
de  difficultés.  On  mettra  la  tumeur  à  découvert  au  moyen  d'une  incision 
suffisante  parallèle  à  l'axe  du  membre  ;  la  peau  sera  disséquée  dans  une 
partie  de  l'étendue  de  la  bourse  séreuse  que  l'on  ouvrira  ensuite  pour  en 
évacuer  le  liquide  et  pour  faciliter  la  dissection  de  sa  base.  Les  parties 
seront  réunies  comme  dans  les  cas  d'une  plaie  ordinaire.  Naturellement 
la  gravité  de  l'extirpation  est  subordonnée  au  siège  de  la  bourse  séreuse, 
à  son  volume  et  à  ses  rapports  avec  les  parties  voisines.  C'est  ainsi  que 
l'extirpation  de  la  bourse  prérotulienne,  parfois  pratiquée  avec  succès, 
dans  certains  cas,  a  été  suivie  de  mort. 

Lorsque  la  guérison  a  été  obtenue  par  l'un  des  moyens  précédents,  le 
malade  n'est  pas  à  l'abri  de  la  récidive  s'il  reste  exposé  aux  mômes  causes 
qui  ont  donné  lieu  à  son  affection.  Peu  à  peu  il  se  formera  une  nouvelle 
bourse  séreuse,  soit  aux  dépens  de  la  cavité  primitive  qui  a  été  oblitérée, 
soit  à  côté  de  celle-ci,  parle  mécanisme  qui  donne  lieu  à  la  production  des 
bourses  séreuses  en  général  ;  partant  aussi  un  hygroma  est  susceptible  de 
se  reproduire  alors  sous  l'influence  des  mêmes  causes  qui  lui  ont  donné 
lieu  précédemment. 

En  résumé,  si  la  bourse  séreuse  a  des  parois  souples,  minces,  si  l'é- 
panchèment  a  résisté  à  l'emploi  des  topiques  et  est  arrivé  à  un  état  sta- 
tionnaire,  si  le  liquide  est  séreux  ou  peu  épais,  il  faut  d'abord  tenter  la 
ponction.  En  cas  de  récidive,  on  essayera  une  injection  iodée.  Enfin,  on 
aura  recours  à  l'incision,  à  l'excision  partielle  ou  à  l'extirpation  dans  les 
conditions  spéciales  qui  ont  été  indiquées. 

Épancliements  purulents,  abcès.  —  Lorsque  l'inflammation 
des  bourses  séreuses  est  très-vive  dès  le  début  et  qu'elle  s'accompagne  de 
troubles  généraux,  elle  est  ordinairement  suivie  de  suppuration.  La  séro- 
sité épanchée  dans  la  cavité  de  la  bourse  séreuse  devient  purulente  en 
même  temps  qu'il  se  forme  dans  le  tissu  cellulaire,  envahi  par  l'inflam- 
mation phlegmoneuse,  des  foyers  purulents  qui  s'ouvrent  au  dehors, 
ou  qui  communiquent  avec  la  cavité  séreuse  en  donnant  lieu  à  un  foyer 
commun.  Quelquefois,  au  contraire,  la  bourse  séreuse  trop  distendue 


488  BOURSES  SÉREUSES.  —  épanchesients  purulents,  abcès. 

se  rompt  elle-même  et  s'ouvre  dans  le  tissu  cellulaire  voisin  où  les 
liquides  qu'elle  renferme  viennent  ensuite  s'épancher.  Padieu  a  rapporté 
deux  cas  de  ce  genre;  toutefois,  la  guérison  eut  lieu  sans  qu'il  soit  sur- 
venu d'autre  accident.  Cependant,  si  le  liquide  épanché  s'infiltre  au  loin 
dans  le  tissu  cellulaire,  il  peut  avoir  pour  conséquence  une  inflammation 
phlegmoneuse  étendue  et  amener  les  suites  auxquelles  celte  complication 
peut  donner  lieu.  Lorsque  la  hourse  séreuse  repose  sur  des  gaines  tendi- 
neuses, ces  dernières  peuvent  également  être  envahies  par  l'inflammation 
et  par  la  suppuration,  et  communiquer  avec  le  foyer  primitif.  Enfin  Blan- 
din  a  observé  l'ouverture  d'un  abcès  consécutif  à  l'inflammation  de  la 
bourse  prérotulienne,  dans  l'intérieur  de  l'articulation  du  genou,  chez  un 
malade  qui  succomba  aux  suites  de  cette  lésion.  Le  plus  souvent  la  collec- 
tion purulente  s'ouvre  à  l'extérieur  en  se  comportant  comme  un  abcès 
des  tissus  sous-cutanés. 

Dès  que  le  pus  a  trouvé  une  issue  libre  au  dehors,  il  change  rapidement 
de  caractère  et  ne  tarde  pas  à  devenir  de  plus  en  plus  séreux.  Les  parois 
affaissées  de  la  bourse  séreuse  reviennent  peu  à  peu  sur  elles-mêmes,  et 
la  guérison  s'opère  comme  dans  les  cas  d'un  abcès  ordinaire.  Néanmoins 
iïecht  a  observé,  à  la  suite  d'un  hygroma  suppuré,  ouvert  spontanément 
au  dehors,  une  perforation  consécutive  de  l'articulation  du  genou  qui 
s'est  compliquée  d'accidents  généraux  graves.  Si  la  marche  de  la  cicatri- 
sation est  mal  dirigée,  il  peut  en  résulter,  comme  à  la  suite  des  plaies 
contuses,  soit  une  fistule,  soit  un  ulcère  fistuleux. 

Le  pronostic  d'une  collection  purulente  dans  une  bourse  séreuse  aban- 
donnée à  elle-même  est  grave.  Une  intervention  active  est  nécessaire  avant 
les  accidents  qui  peuvent  survenir,  et  avant  que  le  pus  ne  se  fraye  lui- 
même  une  voie. 

Le  diagnostic  d'un  épanchement  purulent  dans  une  bourse  séreuse  ne 
peut  guère  être  établi  qu'en  se  basant  sur  la  marche  de  la  maladie.  Lors- 
qu'on n'a  pas  été  appelé  dès  le  début,  l'affection  peut  être  confondue  avec 
un  simple  phlegmon,  une  affection  de  l'articulation  voisine  ou  des  parties 
sous-jacentes,  mais  le  siège  de  la  fluctuation  et  de  la  tumeur,  les  commé- 
moratifs,  la  marche  de  la  maladie  aideront  à  en  reconnaître  le  véritable 
point  de  départ.  Lorsque  la  collection  purulente  s'est  ouverte  au  dehors 
et  qu'il  existe  des  trajets  fistuleux,  l'exploration  au  moyen  du  stylet 
permettra  encore  de  reconnaître  la  nature  de  l'affection,  l'étendue  du 
décollement  et  les  dispositions  que  présentent  le  foyer  de  la  suppura- 
tion. 

Le  traitement  ne  diffère  pas  de  celui  d'un  abcès  ordinaire.  Il  faut  donner 
une  large  issue  au  pus  afin  de  prévenir  la  rupture  de  la  poche  séreuse, 
et  l'extension  de  l'inflammation  et  de  la  suppuration. 

La  plaie  devra  être  maintenue  largement  béante,  afin  de  faciliter  l'écou- 
lement du  pus,  et  de  laisser  la  cicatrisation  s'opérer  peu  à  peu  de  la  pro- 
fondeur vers  la  superficie,  comme  dans  les  cas  de  plaies  contuses  sup- 
purées,  de  manière  à  ne  pas  s'exposer  à  voir  l'ouverture  qu'on  a  faite, 
dégénérer  en  un  trajet  fistuleux. 


BOURSES  SÉREUSES.  —  épanchements  sanguins,  tumeurs.  489 

Épanchemeiits  sanguins.  —  Tumeurs  hématiques.    —    Les 

épanchements  sanguins  ont  été  observés  presque  exclusivement  dans  la 
bourse  séreuse  prérolulienne  et  dans  la  bourse  olécranienne.  Ils  sont 
presque  toujours  consécutifs  à  des  lésions  traumatiques,  à  des  contusions, 
à  des  froissements  brusques,  et  résultent  de  la  rupture  des  vaisseaux 
capillaires  sanguins,  dont  le  contenu  se  déverse  librement  dans  la  bourse 
séreuse,  jusqu'à  ce  que  cette  dernière  en  soit  complètement  distendue. 
J'en  ai  rencontré  deux  cas  à  l'olécrane  chez  des  sujets  scorbutiques. 
On  les  observe  aussi  chez  les  individus  affectés  d'hygroma  d'une  bourse 
séreuse,  à  la  suite  d'une  chute,  d'une  contusion  ou  d'une  pression. 
Sous  l'influence  de  la  contusion,  la  bourse  séreuse,  distendue  par  l'hu- 
meur qu'elle  renferme,  éclate,  une  partie  du  liquide  s'infiltre  dans  le 
tissu  cellulaire,  les  vaisseaux  rompus  donnent  lieu  à  une  hémorrhagie, 
et  le  sang  s'épanche  dans  la  cavité  séreuse,  où  il  se  mélange  au  liquide 
restant. 

Si  on  examine  les  tumeurs  à  différentes  époques  de  leur  évolution,  on 
constate  des  transformations  nombreuses  de  leur  contenu.  Le  sang  y  subit 
les  modifications  analogues  à  celles  des  foyers  sanguins  en  général.  Le 
coagulum  se  décolore  peu  à  peu  très-lentement,  de  la  circonférence  vers 
le  centre,  à  la  manière  des  corps  jaunes  des  ovaires,  etc.,  la  sérosité  dis- 
paraît peu  à  peu,  ainsi  que  la  matière  colorante,  et  il  finit  par  rester  un 
noyau  compact  adhérent  formé  par  de  la  fibrine  et  par  des  globules  du 
sang  en  partie  décolorés,  parsemés  de  cristaux  d'hématine.  au  centre, 
le  caillot  peut  rester  noir,  pulpeux,  ramolli.  C'est  dans  ces  conditions 
que  j'ai  observé  une  tumeur  sanguine  de  la  bourse  prérotulienne,  chez 
un  malade  qui  était  tombé  de  son  lit  sur  le  genou  quelques  jours  avant  sa 
mort,  et  chez  lequel  l'épanchement  sanguin  n'avait  donné  lieu  à  aucune 
réaction  locale.  Lorsque  la  tumeur  sanguine  a  été  malaxée,  le  caillot  san- 
guin se  réduit  en  fragments  qui  nagent  dans  la  sérosité  albumineuse, 
qui  prend  une  coloration  plus  ou  moins  foncée,  tandis  que  les  fragments 
de  caillots  se  décolorent  de  même  de  leur  surface  vers  leur  centre.  D'au- 
tres fois  le  liquide  prédomine  et  tient  en  suspension  des  concrétions 
fîbrineuses  compactes  ou  floconneuses.  Dans  certains  cas,  la  cavité  de  la 
bourse  séreuse  contient  une  matière  analogue  à  une  bouillie  brunâtre, 
ou  de  couleur  chocolat,  plus  ou  moins  épaisse.  Enfin  on  y  rencontre 
parfois  une  matière  grumeleuse,  grisâtre,  formée,  ainsi  que  les  dépôts 
précédents,  par  du  sang  et  de  la  fibrine  mélangés  à  du  pus,  à  divers  états 
de  transformation.  Velpeau  a  donné  le  nom  de  tumeurs  hématiques  aux 
tumeurs  qui  succèdent  à  ces  épanchements  sanguins  transformés. 

Les  épanchements  sanguins  se  forment  ordinairement  avec  rapidité  ; 
la  tumeur  paraît,  en  quelque  sorte,  instantanément,  et  prend  une  cer- 
taine rénitence,  due  à  la  distension  de  la  poche  ;  s'il  n'existe  pas  en 
même  temps  une  infiltration  sanguine  des  parties  voisines,  ses  contours 
accusent  nettement  la  forme  de  la  bourse  séreuse.  D'ailleurs,  les  jours 
suivants,  la  tuméfaction  produite  par  le  sang  infiltré  dans  les  mailles  du 
tissu  cellulaire  diminue,  l'ecchymose  se  décolore,  et  la  tumeur,  dont  la 


490  BOURSES  SÉREUSES.  —  épakchements  sanguins,  tumeurs. 

tension  a  également  diminué,  apparaît  avec  sa  forme  caractéristique. 
Il  devient  alors  possible  de  percevoir,  en  malaxant  la  tumeur,  une  sen- 
sation particulière  de  crépitation  due  à  l'écrasement  du  caillot  et  à  la 
collision  de  ses  fragments.  Quelquefois  une  inflammation  aiguë,  provoquée 
par  la  décomposition  du  sang  ou  par  le  traumatisme,  s'empare  de  la 
bourse  séreuse.  La  maladie  parcourt  alors  les  mêmes  phases  que  l'inflam- 
mation simple,  et  expose  aux  accidents  qui  ont  été  signalés  précédem- 
ment. Lorsque  le  caillot  se  ramollit  ou  se  désagrège  en  bouillie,  sous 
l'influence  des  pressions  réitérées,  la  tumeur  paraît  mollasse,  pâteuse  ; 
elle  prend  une  consistance  ferme  lorsque,  au  contraire,  la  sérosité  dispa- 
raît, et  qu'il  ne  reste  qu'un  noyau  dur  et  résistant.  Le  diagnostic  peut 
alors  être  très-obscur,  si  l'on  ne  peut  obtenir  de  renseignements  sur 
l'origine  et  l'évolution  de  l'affection. 

Le  traitement  varie  suivant  que  l'épanchement  sanguin  est  de  date  ré- 
cente ou  qu'il  a  subi  des  transformations. 

Au  début,  il  faut  exercer  une  compression  exacte,  pour  s'opposer,  au- 
tant que  possible,  à  la  continuation  de  Fhémorrhagie,  puis  faire  des 
applications  résolutives  dans  le  but  de  favoriser  la  résorption  des  liquides 
et  de  s'opposer  au  développement  de  l'inflammation. 

Si  l'épanchement  est  peu  considérable,  on  peut  abandonner  la  maladie 
à  elle-même  et  continuer  l'emploi  des  résolutifs,  et,  plus  tard,  des  lini- 
ments  rubéfiants,  de  la  teinture  d'iode,  des  vésicatoires  volants,  pour 
activer  la  résorption  de  la  sérosité.  L'absorption  des  liquides  sera  favo- 
risée, dès  le  début,  par  le  massage  de  la  tumeur,  dans  le  but  d'écraser 
le  caillot  qu'elle  contient,  de  le  pétrir,  en  quelque  sorte,  de  manière  à  le 
réduire  en  bouillie,  ainsi  que  l'a  conseillé  Velpeau.  Lorsque  l'on  parvient 
à  obtenir  le  retrait  de  la  tumeur,  il  ne  reste  plus  qu'un  noyau  mollasse 
ou  induré  formé  par  les  résidus  de  l'épanchement. 

On  n'a  rien  à  attendre  des  moyens  résolutifs,  lorsque  la  tumeur  san- 
guine est  considérable,  ou  lorsqu'il  s'est  fait  un  épanchement  sanguin 
dans  un  hygroma  déjà  volumineux.  Dans  ces  cas,  la  tumeur  persiste 
et  n'éprouve  qu'un  retrait  médiocre,  si  toutefois  il  ne  survient  pas  d'in- 
flammation. Lorsqu'on  est  appelé  dès  le  début,  le  meilleur  parti  à  prendre 
est  de  faire  une  ponction  dans  la  tumeur  avec  le  bistouri,  et  de  donner 
issue  au  sang  épanché,  en  empêchant  l'entrée  de  l'air  dans  la  poche,  et 
de  faire  la  réunion  immédiate  de  la  petite  plaie.  Si,  néanmoins,  il  sur- 
venait de  l'inflammation,  et  s'il  s'établissait  un  épanchement  dans  la 
bourse  séreuse,  on  traiterait  cette  complication  comme  il  a  été  exposé 
ci-dessus.  L'évacuation  immédiate  du  sang  est  surtout  indiquée  lorsque 
les  tissus  ont  été  fortement  contusionnés,  et  si  l'inflammation  est  immi- 
nente. 

Lorsque  l'inflammation  s'est  établie,  et  qu'elle  s'est  étendue  en  don- 
nant lieu  à  un  érysipèle,  à  un  phlegmon,  on  aura  recours  à  une  médi- 
cation antiphlogistique  active,  afin  de  combattre  et  de  prévenir  les  acci- 
dents graves  que  cette  redoutable  complication  entraîne  le  plus  souvent. 
On  donnera  une  position  élevée  à  la  partie  malade,  qui  sera  maintenue  en 


BOURSES  SEREUSES.  —  concrétions.  491 

repos,  on  prescrira  des  applications  émollientes,  des  sangsues,  des  sai- 
gnées, suivant  les  cas.  Si,  malgré  tous  ces  moyens,  il  se  produit  des 
foyers  de  suppuration,  il  ne  faut  pas  hésiter  à  ouvrir  largement  la  tumeur 
et  à  donner  issue  au  pus  et  aux  liquides  épanchés.  Le  traitement  consé- 
cutif consistera,  comme  dans  les  cas  d'épanchements  purulents,  à  main- 
tenir la  plaie  ouverte  et  à  obtenir  une  cicatrisation  régulière  à  la  suite 
du  bourgeonnement  de  la  cavité  séreuse. 

Lorsque  l'épanchement  sanguin  est  ancien,  les  parois  du  kyste  épais- 
sies, le  contenu  épais,  grumeleux,  mélangé  de  parties  compactes,  on 
devra,  suivant  les  circonstances,  ainsi  que  dans  les  cas  d'épanchements 
séreux,  recourir  à  l'incision  ou  à  l'extirpation  des  tumeurs  hématiques. 
L'extirpation  est  indiquée  lorsque  les  parois  de  la  poche  sont  épaissies, 
indurées,  et  ne  sont  pas  susceptibles  de  cicatrisation  régulière. 

Si,  au  contraire,  les  parois  ont  conservé  de  la  souplesse,  et  si  le  con- 
tenu peut  être  évacué  par  une  simple  ponction  ou  par  une  petite  incision, 
on  peut,  après  avoir  bien  vidé  la  poche,  se  contenter  de  pratiquer  une 
injection  irritante. 

Concrétions.  —  Les  concrétions  que  l'on  observe  dans  les  bourses 
sous-cutanées,  sont  très-variables  et  résultent  de  causes  diverses.  Elles 
sont  consécutives,  soit  à  un  épanchement  sanguin,  soit  à  un  épanche- 
ment  séreux,  soit  à  une  sécrétion  purulente. 

Les  concrétions  sanguines  donnent  lieu  aux  tumeurs  hématiques,  et 
ont  déjà  été  passées  en  revue.  Elles  sont  formées  par  des  caillots  plus  ou 
moins  concrets  et  décolorés,  dont  la  matière  colorante  a  été  en  partie 
dissoute  dans  la  sérosité. 

Les  concrétions  que  Ton  rencontre  dans  les  épanchements  séreux  sont 
ordinairement  blanchâtres,  lisses,  irrégulières,  arrondies,  de  consistance 
fibro- cartilagineuse,  et  sont  constituées  par  de  la  fibrine.  La  sérosité  ren- 
fermée dans  les  hygromas,  subit  souvent,  peu  de  moments  après  son 
extraction,  une  coagulation  en  masse  due  à  la  fibrine  dissoute  qu'elle 
renferme.  Cette  coagulation  s'opère  aussi  spontanément  dans  l'intérieur 
des  cavités  séreuses.  La  fibrine  se  précipite,  se  concrète  alors  sur  les 
parois  ,du  kyste,  qui  s'épaississent  ainsi  par  des  couches  successives, 
ou  bien  elle  donne  lieu  à  des  concrétions  libres,  plus  ou  moins  volumi- 
neuses, en  nombre  variable,  quelquefois  à  plusieurs  centaines,  suivant 
que  le  caillot  fibrineux  primitif  a  été  plus  ou  moins  écrasé  et  divisé  en 
fragments.  Ces  derniers  peuvent  s'accroître  par  des  couches  successives 
de  fibrine  provenant  de  la  sérosité  exhalée  pendant  les  alternatives  de  re- 
crudescence et  de  résorption  de  l'épanchement.  Les  mêmes  concrétions 
se  rencontrent  dans  les  gaines  tendineuses  et  dans  les  synoviales  articu- 
laires, qui  sont,  ou  qui  ont  été,  le  siège  d'un  épanchement  séreux.  Ces 
concrétions  ont  de  la  tendance  à  s'incruster  de  sels  calcaires,  à  se  créti- 
fier  partiellement,  de  même  que  les  dépôts  analogues  des  articulations, 
de  la  cavité  pleurale,  du  péricarde,  les  phlébolithes. 

Les  concrétions  consécutives  à  des  épanchements  purulents  sont  ordi- 
nairement blanchâtres,  et  se  présentent  sous  forme  d'un  magma  plus  ou 


492  BOURSES  SÉREUSES.  —  fistules,  ulcères,  bibliographie. 

moins  épais,  dans  lequel  les  globules  de  pus  sont  encore  reeonnaissables. 
J'ai  rencontré,  dans  une  tumeur  de  la  bourse  prérotulienne,  une  matière 
complètement  blanche,'  analogue  à  de  l'amidon  humecté  d'un  peu  d'eau, 
en  forme  de  bouillie  épaisse,  plastique,  crépitante  et  très-effervescente  en 
présence  des  acides.  Les  parois  de  la  cavité  qui  contenait  cette  matière 
étaient  un  peu  épaissies. 

Les  concrétions  une  fois  formées,  la  bourse  séreuse  s'habitue  à  leur 
contact,  et  elles  n'occasionnent  plus,  en  général,  qu'une  gêne  plus  ou 
considérable. 

Les  indications  thérapeutiques  sont  les  mêmes  que  dans  les  cas  d'épan- 
chements  sanguins  anciens. 

Fistules,  ulcères  fistuleux.  —  Les  fistules  et  les  ulcères  fistuleux 
des  bourses  séreuses  sont  consécutifs,  soit  à  des  plaies  simples  ou  con- 
tuses,  soit  à  des  épanchements  purulents,  soit  à  des  opérations,  lorsque 
le  malade  n'a  point  été  soumis  à  un  repos  assez  prolongé,  lorsque  la  ma- 
ladie a  été  abandonnée  à  elle-même,  ou  lorsque  la  marche  de  la  cicatri- 
sation n'a  pas  été  convenablement  surveillée  et  dirigée.  Ces  affections 
peuvent  être  entretenues  par  l'indocilité  du  malade,  par  les  mouvements 
communiqués  sans  cesse  à  la  partie  affectée,  par  la  disposition  de  la  plaie, 
par  les  pansements  irréguliers. 

Les  ouvertures  fistuleuses  donnent  issue  à  un  liquide  séro-purulent, 
dont  la  quantité  n'est  pas  en  relation  avec  l'étendue  apparente  du  mal. 
En  introduisant  un  stylet  dans  le  trajet  fistuleux,  on  pourra  reconnaître 
les  limites  de  la  cavité  suppurante,  et  en  déterminer  les  rapports  avec  les 
parties  voisines,  ce  qui  permettra  d'éviter  de  les  confondre  avec  une 
affection  des  tissus  sous-jacents,  d'un  os,  d'une  articulation,  etc. 

Le  traitement  consiste  à  donner  une  libre  issue  aux  liquides  sécrétés, 
et  à  modifier  la  surface  sécrétante  lorsque  le  pus  est  séreux  et  mal  lié.  La 
première  indication  est  d'empêcher  la  stagnation  du  pus  et  des  liquides 
sécrétés,  en  opérant  une  compression  régulière  tout  autour  du  trajet  fis- 
tuleux sur  les  limites  du  décollement,  de  telle  sorte  que  l'ouverture  fistu- 
leuse  dans  laquelle  on  introduira  un  tube  en  caoutchouc  fenestré,  reste 
parfaitement  libre.  Si  ce  pansement  simple  ne  suffit  pas  pour  amener  la 
guérison,  on  injectera  par  l'ouverture  fistuleuse  une  solution  irritante, 
iodée.  Enfin,  si  les  injections  échouent,  il  faudra  fendre  la  fistule  et 
mettre  le  fond  de  la  bourse  séreuse  à  découvert,  et  cautériser  directement 
ses  parois  avec  du  nitrate  d'argent,  du  perchlorure  de  fer,  ou  même  avec 
des  caustiques  plus  énergiques.  La  plaie  devra  être  maintenue  largement 
ouverte  pour  obtenir  peu  à  peu  le  bourgeonnement  et  la  cicatrisation  du 
fond  vers  l'extérieur.  Lorsque  les  parois  de  la  bourse  séreuse  sont  très- 
épaissies,  de  consistance  fibro-cartilagincuse,  et  se  prêtent  difficilement 
au  recollement,  il  vaut  mieux  recourir  à  leur  extirpation  totale  ou  par- 
tielle. 

Les  affections  des  bourses  séreuses  ont  été  décrites,  pour  la  première  fois,  par  Camper,  au 
genou  et  au  coude.  Jusqu'alors  elles  avaient  été  confondues  avec  d'autres  maladies  et  signalées 
en  passant,  en  tant  que  tumeurs,  abcès,  etc. 


BOUTON  D'ALEP.  —  définition.  495 

Ruef,  LibcUus  de  tumoribus  quibusdam  phlcgmaticis.  Zurich,  1556. 

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Schelhammer,  De  humani  corporis  tumoribus.  Iéna,  1695. 

Heister,  Institutiones  chirurgicae.  Amsterdam,  1739. 

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Risler,  De  tumoribus  cyslicis  serosis.  Strasbourg,  176G. 

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Mo.\ro,  A  descriptio  of  ail  the  bursae  mucosae  of  tbe  buman  boJy.  Edinburgh,  1788. 

Rosenmuli.er,  Alexandri   Wonroi  icônes   et    descript.     bursarum    mucosarum   corporis  humani 
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Asselix,  Considérations  sur  les  tumeurs  des  bourses  ou  capsules  muqueuses  du  genou.  Thèse. 

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Velpeau,    Sur    la   contusion   dans  tous  les  organes.   Thèse  de  concours.  Paris,  1839.   —  Re- 
cherches anatomiques,  physiologiques  et  pathologiques  sur  les  cavités  closes  naturelles  ou  ac- 
cidentelles de  l'économie  animale  (Ann.  de  la  chirurgie  française.  Paris,  1845). 
Ollivier,  Dict.  de  médecine  en  50  vol.  t.  Y.  1855. 
Lenoir,  L'Expérience,  janvier,  1857. 

Padieu,  Des  bourses  séreuses  sous-cutanées  (thèse  de  doctorat.  Paris,  1829). 
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Vidal  (de  Cassis),  Traité  de  pathologie  externe,  t.  I.  Paris  1861. 
Bérard  et  Dexonvilliers,  Compend.  dechir.  pratique,  t.  II.  Paris,  1845. 
Séduxot,  Traité  de  méd.  opérât.  Paris,  1865. 

Bleynie,  Anatomie  et  pathologie  des  bourses  celluleuses  sous-cutanées.  Thèse  de  doctorat.  Paris, 
1865.' 

Eugène  Kœbeklé. 

BOUTON  D'AIiEP.  —  uëfinition.  —  Le  bouton  d'Alep,  nommé 
en  arabe  liabab  el  seneh  (ulcère  d'un  an),  est  un  exanthème  tuberculeux 
se  développant  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané,  et  envahissant  ensuite 
la  peau  qu'il  ulcère;  la  durée  de  son  évolution  est  d'un  an;  il  siège 
habituellement  à  la  face  et  aux  extrémités;  il  est  apyrétique  et  rarement 
douloureux. 

La  dénomination  de  bouton  d'Alep  est  vicieuse  ;  car,  d'une  part,  elle 
est  vague,  peu  scientifique,  ne  désignant  pas  convenablement  l'altération 
qui  se  forme  à  la  peau  ;  d'autre  part,  elle  porte  à  croire  que  cette  maladie 
s'observe  exclusivement  à  Alep  ou  dans  ses  environs,  tandis  qu'on  la  con- 
state encore  dans  d'autres  contrées,  telles  que  le  Liban,  Bagdad,  Ispahan, 
l'Egypte,  etc.  Aussi  l'expression  de  bouton  ou  ulcère  d'Orient,  proposée 
par  le  docteur  Villemin,  serait  sans  doute  préférable. 

Causes.  —  L'étiologie  de  cet  exanthème  a  donné  lieu  à  de  nombreux 
travaux. 

La  plupart  des  médecins  et  des  voyageurs  qui  ont  écrit  sur  le  bouton 
d'Alep,  ne  l'ont  étudié  que  dans  cette  ville;  ne  supposant  pas  qu'il  pût 
naître  dans  d'autres  contrées,  ils  ont  été  entraînés  à  chercher  et  à  Irouver 
sa  cause  prochaine  dans  le  seul  pays  qui  fut  l'objet  de  leurs  explorations. 
Obligés  d'élaguer  de  son  étiologie  les  influences  climatériques,  si  puissantes, 
dans  le  développement  des  maladies  endémiques,  puisque  cet  exanthème 
se  manifeste  dans  toutes  les  saisons,  dans  des  localités  placées  à  des  alti- 
tudes variées,  et  dans  les  conditions  atmosphériques  les  plus  disparates, 
ils  pensèrent  que  la  cause  génératrice  de  cette  endémie  était  inhérente 
au  sol.  Adoptant  une  opinion  populaire  d'une  grande  valeur  pour  Alep, 


494  BOUTON  D'ALEP.  —  définition. 

ils  ont  invoqué  comme  élément  étiologique  réel  et  unique  l'usage  des 
eaux  de  la  rivière  Koïq  qui  traverse  la  ville. 

Cette  idée  très-ancienne,  admise  par  un  certain  nombre  d'écrivains, 
parmi  lesquels  je  citerai  Al.  Russel,  Volney,  B.  Poujoulat,  Guilhou,  Tho- 
masini,  Villemin,  etc.,  etc.,  repose  sur  des  faits  qui,  au  premier  abord 
paraissent  très-probants.  Le  docteur  Villemin,  qui  a  publié  un  mémoire 
très-intéressant  sur  le  bouton  d'Alep,  rapporte  que  de  hauts  fonctionnaires 
turcs,  obligés  de  résider  dans  cette  ville,  ont  eu  la  précaution  de  ne  faire 
boire  à  leurs  femmes  et  à  leurs  enfants  que  l'eau  de  la  source  nommée 
Ayn  Beyda,  et  aucune  personne  de  leur  famille  n'a  été  atteinte  de  la  ma- 
ladie. Guilhou,  dans  une  carte  tracée  par  Germain,  jointe  à  sa  thèse 
inaugurale,  montre  la  marche  du  bouton  calquée  sur  celle  du  Koïq;  d'a- 
près ce  médecin,  les  habitants  des  localités  arrosées  par  cette  rivière, 
qui  n'ont  à  boire  que  les  eaux  qu'elle  fournit,  en  sont  atteints,  tandis 
que  les  individus  demeurant  loin  de  son  cours,  et  qui,  par  conséquent, 
ne  peuvent  faire  usage  de  ses  eaux,  en  sont  exempts. 

Malgré  ces  faits,  il  importe  de  rappeler  que  la  maladie  dite  bouton 
d'Alep  se  rencontre  à  Orpha,  à  Mossoul,  à  Bagdad,  à  Ispahan,  dans  le 
Liban,  à  Beyrouth,  dans  l'île  de  Candie,  en  Egypte,  etc.  Ces  diverses 
localités  offriraient-elles  des  influences  identiques  à  celles  qui  régnent 
dans  le  pachalick  d'Alep?  Leurs  eaux  potables  auraient-elles  la  même 
composition  que  les  eaux  limoneuses  du  Koïq?  Les  eaux  du  Koïq  ont  été 
analysées  par  le  professeur  Bussy;  elles  ne  contiennent  que  des  sels  ordi- 
naires et  en  faible  quantité  ;  mais  elles  donnent  par  le  repos  un  dépôt 
très-abondant  de  matières  organiques.  Darcet  fils,  qui  a  aussi  examiné 
ces  eaux,  les  a  reconnues  alcalines.  Cette  alcalinité  a  été  considérée  par 
Guilhou  comme  la  cause  productrice  de  l'exanthème  alépin.  Cette  simili- 
tude, ou  analogie  des  causes,  serait  admissible,  mais  il  faudrait  des 
preuves  suffisantes,  et  ces  preuves  font  défaut.  On  observe  en  Egypte  une 
maladie  qui  a  beaucoup  de  rapports  avec  le  bouton  d'Alep  ;  elle  porte  le 
nom  de  bouton  du  Nil,  parce  que  les  riverains  de  ce  fleuve  l'attribuent 
à  l'usage  de  ses  eaux  ;  il  existe  pourtant  de  grandes  différences  entre  les 
eaux  du  Nil  et  celles  du  Koïq;  les  premières  sont  limpides  et  d'une  saveur 
très-agréable,  qualités  qui  expliquent  la  préférence  qu'on  leur  accorde 
sur  les  autres  eaux  potables  du  pays,  tandis  que  les  secondes  sont  sou- 
vent troubles  et  terreuses. 

L'exanthème  égyptien  présente  une  certaine  analogie  avec  celui  d'Alep. 
Un  de  mes  collègues  de  la  marine  impériale  m'a  raconté  que  pendant  un 
voyage  au  Caire,  il  eut  l'occasion  de  voir  le  docteur  Ernest  Godard,  de 
regrettable  mémoire,  qui,  atteint  d'un  ulcère  à  la  partie  antérieure  d'une 
des  jambes,  fut  obligé  de  séjourner  dans  cette  ville  durant  l'hiver  1861- 
1862.  Ce  médecin  distingué  appelait  sa  maladie  bouton  du  Nil,  et  lui 
reconnaissait  des  points  de  ressemblance  avec  celui  d'Alep;  néanmoins  il 
y  avait  cette  différence,  que  son  ulcère  était  douloureux,  tandis  qu'ordi- 
nairement celui  d'Alep  est  indolore. 

Il  est  vrai  de  dire  que  la  majorité  des  médecins  et  des  voyageurs  re- 


BOUTON  D'ALEP.  —  définition.  495 

connaît  comme  cause  principale  du  bouton  d'Alep  l'usage  des  eaux  du 
Koïq.  Néanmoins  des  auteurs  recommandables,  tout  en  tenant  compte  de 
leur  action,  pensent  qu'elles  ne  peuvent  à  elles  seules  provoquer  le  déve- 
loppement de  cette  singulière  maladie.  Comment,  en  effet,  expliquer  sa 
présence  dans  des  localités  éloignées  du  cours  du  Koïq?  Les  écrivains  qui 
se  sont  le  plus  attachés  à  faire  prévaloir  cette  étiologie,  émettent  presque 
tous,  quoique  indirectement,  des  doutes  sur  l'unicité  de  la  cause  pro- 
ductrice. Guilhou,  qui  ne  reconnaît  d'autre  influence  que  l'usage  des  eaux 
du  Koïq,  et  qui  pourtant  constate  une  conformité  parfaite  entre  l'exan- 
thème d'Alep  et  celui  qu'on  observe  dans  d'autres  contrées,  explique 
cette  identité  par  l'existence  dans  les  fleuves  et  les  sources  qui  fournissent 
les  eaux  potables,  d'un  principe  semblable  à  celui  que  charrie  le  Koïq. 
Willemin,  grand  partisan  de  l'influence  nocive  des  eaux  de  cette  rivière, 
en  proposant  de  nommer  la  maladie  d'Alep  bouton  ou  ulcère  d'Orient, 
admet  implicitement  que  son  étiologie  peut  être  diverse.  Ed.  Estienne, 
médecin  de  la  marine,  dans  sa  thèse  inaugurale  sur  le  bouton  d'Alep, 
s'élève  avec  force  contre  cette  étiologie  exclusive  qu'il  taxe  d'erreur  gros- 
sière, propagée  par  des  voyageurs  qui  n'ont  tenu  compte  que  des  idées 
populaires  répandues  dans  les  localités  qu'ils  visitaient;  cet  auteur  con- 
clut en  disant  qu'il  est  rationnel  d'avouer  que  jusqu'à  ce  jour  on  n'a  pu 
fixer  d'une  manière  rigoureuse  l'influence  productrice  de  cette  maladie, 
et  que  son  étiologie  est  encore  enveloppée  d'une  profonde  obscurité. 
Enfin  mon  excellent  ami  et  confrère,  le  docteur  Suquet  (de  Beyrouth), 
dans  une  note  qu'il  m'a  adressée  sur  ce  sujet,  après  avoir  discuté  la  pré- 
tendue influence  des  eaux  du  Koïq,  formule  ainsi  son  opinion  :  «  Les 
causes  du  bouton  d'Alep,  comme  celles  de  plusieurs  maladies,  sont  encore 
un  mystère  que  la  science  pourra  éclairer  un  jour,  il  faut  l'espérer,  mais 
qu'elle  ne  peut  encore  expliquer.  » 

Le  bouton  attaque  à  Alep  tous  les  indigènes  sans  exception  ;  il  se  déve- 
loppe ordinairement  pendant  la  première  enfance  ;  on  a  dit  qu'il  ne  se 
présentait  presque  jamais  sur  les  enfants  à  la  mamelle;  néanmoins  on  l'a 
quelquefois  observé  pendant  les  premiers  mois  de  la  vie;  il  sévit  avec 
plus  d'énergie  sur  les  sujets  d'un  tempérament  lymphatique  et  affaiblis 
par  des  maladies  diathésiques,  par  une  nourriture  insuffisante  en  qualité 
ou  en  quantité,  et  par  de  mauvaises  conditions  hygiéniques. 

Tous  les  auteurs  s'accordent  pour  refuser  au  bouton  d'Alep  toute  pro- 
priété contagieuse.  Villemin  rapporte  l'observation  d'une  jeune  enfant 
âgée  de  quinze  mois,  atteinte  du  mal  à  la  joue  gauche  depuis  dix  mois, 
et  depuis  quinze  jours  d'un  exanthème  occupant  tout  le  menton,  ainsi 
qu'une  partie  de  la  joue  opposée,  et  présentant  tous  les  caractères  de  cette 
maladie  cutanée  que  l'on  nomme  communément  croûte  de  lait  ;  la  mère 
de  l'enfant  attribuait  cet  exanthème  à  l'action  irritante  du  pus  provenant 
du  bouton.  Villemin  adopte  cette  manière  de  voir;  le  produit  spécifique 
n'a  pas  développé  un  exanthème  semblable  à  celui  qui  le  fournissait,  et  a 
déterminé  une  éruption  d'une  nature  bien  différente;  ce  fait,  dit  ce  mé- 
decin, est  une  preuve  de  la  non-contagion  du  bouton  d'Alep. 


496  BOUTON  D'ALEP.  —  symptômes. 

D'après  Guilhou  cet  exanthème  n'épargne  personne;  il  atteint  les  étran- 
gers comme  les  indigènes,  sans  distinction  de  race,  de  sexe,  de  tempéra- 
ment, d'âge,  de  profession,  pourvu  que  les  sujets  aient  subi  pendant  un 
temps  suffisant  l'influence  des  causes  endémiques  auxquelles  il  faut  rap- 
porter son  origine.  Cette  opinion  est  trop  absolue;  les  études  récentes 
faites  sur  cette  maladie  ont  établi  qu'il  existait  de  nombreux  cas  d'immu- 
nité; Guilhou  lui-même  cite  le  fait  très-remarquable  de  Germain  père, 
qui,  ayant  résidé  soixante-neuf  ans  à  Alep,  y  est  mort  à  l'âge  de  quatre- 
vingt-cinq  ans  sans  avoir  payé  son  tribut  à  cette  triste  endémie.  Requin 
raconte  que  Disant,  ancien  consul  à  Alep,  qui  avait  quitté  cette  ville  de- 
puis près  de  vingt  ans,  était  demeuré  indemne  jusqu'au  moment  de  la 
publication  du  troisième  volume  de  ses  Eléments  de  pathologie  interne 
(1852).  Le  docteur  Villemin  rapporte  plusieurs  exemples  d'individus  que 
le  bouton  a  épargnés,  malgré  un  séjour  plus  ou  moins  long  à  Alep;  le 
docteur  Thomasini,  qui,  en  1852,  exerçait  la  médecine  dans  cette  ville 
depuis  plus  de  quatorze  ans,  n'en  avait  jamais  été  atteint;  le  docteur 
Villemin,  qui  a  séjourné  un  mois  à  Alep,  en  1852,  a  présenté  jusqu'à  ce 
jour  une  immunité  semblable;  enfin  le  docteur  Suquet  (note  inédite)  dit 
qu'il  connaît  plusieurs  Européens  habitant  Beyrouth,  qui  sont  allés  plu- 
sieurs fois  à  Alep,  y  ont  séjourné  des  mois  et  des  années,  et  n'ont  jamais 
eu  le  bouton,  bien  qu'ils  aient  bu  de  toutes  les  eaux  du  pays.  Néanmoins 
il  est  des  personnes  qui  ont  contracté  cet  exanthème  peu  de  temps  après 
leur  arrivée  à  Alep  :  ainsi  presque  tous  les  Hongrois  qui  suivirent  Bem 
dans  cette  ville  et  y  restèrent  après  la  mort  de  ce  général,  furent  atteints 
du  bouton,  qui  ne  parvint  cependant  chez  aucun  au  même  développement 
que  sur  les  indigènes. 

De  ce  qui  précède,  on  peut  conclure  que,  si  le  séjour  à  Alep  expose 
l'Européen  à  contracter  l'exanthème,  il  n'entraîne  pas  cependant  ce 
fâcheux  résultat  d'une  manière  fatale. 

Quelques  auteurs  ont  avancé  que  le  bouton  pouvait  se  développer  sur 
des  individus  longtemps  après  leur  départ  d'Alep  ;  cette  assertion  a  été 
repoussée  absolument  par  les  uns,  et  admise  par  les  autres  avec  de  nom- 
breuses réserves.  Néanmoins  il  existe  des  observations  qui  prouvent  l'exi- 
stence réelle  de  la  longue  latence  de  cette  maladie.  Villemin  cite,  dans 
son  mémoire,  six  faits  qui  lui  ont  été  affirmés  par  les  sujets  eux-mêmes 
ou  par  des  personnes  digues  de  foi.  En  recherchant  les  limites  extrêmes 
de  l'apparition  de  l'exanthème  dans  ces  cas,  on  a  constaté  que  l'époque  la 
plus  hâtive  a  été  de  huit  mois,  et  la  plus  reculée  de  trente-cinq  ans. 

Symptômes.  —  Le  bouton  d'Orient  se  développe  inopinément  sans 
être  précédé  d'aucune  espèce  de  prodromes  ;  il  poursuit  son  évolution 
sans  mouvement  fébrile. 

Dans  sa  marche  lente,  mais  progressive,  cet  exanthème  présente  trois 
périodes  distinctes  :  1°  période  de  formation;  2°  période  de  ramollisse- 
ment; 3°  période  de  cicatrisation. 

Première  période.  —  Le  bouton  d'Alep  commence  par  une  légère 
élévation  que  l'on  perçoit  à  la  peau,  ne  déterminant,  quand  on  la  com- 


BOUTON  D'ALEP.  —  symptômes.  497 

prime,  aucune  douleur  :  sa  surface  est  d'un  rose  pâle  ;  dans  les  premiers 
mois  de  son  apparition,  cette  tumeur  est  tout  au  plus  du  volume  d'un 
pois  ou  d'une  petite  fève;  plus  tard  elle  fait  une  plus  grande  saillie  au- 
dessus  des  téguments,  et  offre  une  coloration  rouge  bien  marquée;  elle 
se  recouvre  ensuite  de  petites  écailles  ou  furfures  blanchâtres  qui  tombent 
et  se  reproduisent  promptement  ;  quand  la  tumeur  a  acquis  un  certain 
volume,  elle  est  parfois  le  siège  d'un  prurit  très-incommode. 

Deuxième  période.  —  Cette  période  est  annoncée  par  la  cessation  de 
la  sécrétion  furfuracée  et  par  l'exhalation  d'un  liquide  séreux  ;  celui-ci, 
d'abord  peu  abondant,  très-limpide,  devient  ensuite  plus  plastique,  se 
coagule  et  donne  naissance  à  une  croûte  ayant  la  forme  d'une  coquille  de 
Lepas  ;  au  début,  peu  épaisse,  elle  acquiert  graduellement  une  plus  grande 
consistance  :  tantôt  elle  est  sèche  et  se  détache  facilement,  tantôt  elle  est 
humide  et  plus  adhérente,  alors  elle  se  crevasse  et  tombe  par  fragments; 
elle  se  reproduit,  du  reste,  avec  une  très-grande  rapidité  ;  au-dessous 
d'elle  se  remarque  un  fond  situé  quelquefois  au  niveau  des  téguments, 
quelquefois,  et  plus  souvent,  creusé  dans  leur  épaisseur  ;  il  est  lisse  et 
presque  plan,  sans  bourgeons  charnus  ;  les  bords  en  sont  irréguliers,  d'un 
rouge  terne  et  unis  au  fond  de  l'ulcère  par  une  pente  peu  apparente;  l'au- 
réole qu'ils  circonscrivent  est  parsemée  de  petites  élevures  tuberculeuses,  en 
nombre  variable  et  augmentant  progressivement  de  volume;  cette  auréole 
est  insensible.  «  Cette  anesthésie  très-limitée,  que  je  crois  avoir  signalée 
le  premier,  est  pour  moi  le  caractère  distinctif  du  bouton  d'Alep  ;  il  rap- 
procherait cet  exanthème  des  excroissances  tuberculeuses  de  la  lèpre.  » 
(Suquet,  note  inédite.)  Dans  quelques  cas  le  fond  de  l'ulcère  repose 
sur  une  base  indurée  qui  s'étend  au  delà  de  ses  limites.  Pendant  cette 
période  le  malade  n'éprouve  que  des  douleurs  très-légères,  mais  quand 
la  croûte  est  détachée  par  accident  ou  volontairement  par  les  doigts 
du  sujet,  la  plaie  devient  le  siège  de  douleurs  assez  vives  qui,  du  reste, 
n'ont  pas  une  longue  durée. 

Le  liquide  que  fournit  l'ulcère  d'Orient  est  séreux  ou  séro-purulent9 
quelquefois  très-limpide,  et  parfiis,  mais  plus  rarement,  ayant  la  con- 
sistance et  l'aspect  du  pus  ;  il  est  ordinairement  inodore.  Ce  produit,  ainsi 
que  je  l'ai  déjà  dit,  est  très-plastique.  Aussi  à  peine  la  croûte  est-elle 
tombée,  qu'elle  se  rétablit  pour  se  détacher  et  se  renouveler  encore;  cette 
exfoliation  se  répète  six  à  huit  fois  et  même  davantage.  Elle  s'accompagne 
d'une  sensation  de  prurit  plus  ou  moins  pénible. 

Troisième  période.  —  La  cicatrisation  est  annoncée  par  la  diminution 
de  la  tumeur  et  la  disparition  de  la  rougeur  qui  l'entoure ,  une  dernière 
croûte  recouvre  l'ulcère;  n'étant  plus  pénétrée  par  le  liquide  dont  la 
sécrétion  diminue  et  tarit  ensuite,  elle  reste  plus  adhérente,  puis  tombe 
en  fragments  et  laisse  voir  le  fond  de  l'ulcère  parfaitement  sec.  La  cica- 
trice est  constituée  par  un  tissu  inodulaire  rougeâtre,  prenant  plus  tard 
et  peu  à  peu  une  teinte  pâle  qui  débute  par  le  centre.  Les  petits  tubercules, 
qui  entouraient  l'ulcère  ne  se  résolvent  qu'à  une  époque  plus  avancée 
la  sensibilité  des  parties  sur  lesquelles  ils  s'étaient  développés,  ne  se  réta- 

NOUV,    DICT.    MÉD.    ET    CIIIB.  V.    —   52 


498  BOUTON  D'ALEP.  —  variétés,  siège,  étendue  et  durée. 

blit  qu'ultérieurement  et  avec  une  extrême  lenteur.  D'après  Villemin,  si 
on  examine  à  la  loupe  le  champ  de  la  cicatrice,  on  voit  qu'il  est  couvert 
de  petites  lamelles  blanchâtres,  comme  écailleuses,  égales  entre  elles  et 
exactement  juxtaposées. 

La  cicatrice  définitive  est  d'un  blanc  mat  et  a  l'aspect  de  celle  qui  suc- 
cède à  une  brûlure;  elle  est  ordinairement  au  niveau  des  téguments;  ses 
bords  sont  irréguliers;  elle  est  indélébile. 

Quand  le  bouton  se  développe  sur  des  téguments  minces  comme  aux 
paupières,  ceux-ci  sont  détruits,  et  il  en  résulte  une  difformité  plus  cho- 
quante que  lorsqu'il  siège  sur  des  parties  épaisses  et  suffisamment  dou- 
blées de  tissu  cellulaire. 

Aucun  symptôme  général  ne  s'observe  pendant  la  durée  de  cette  ma- 
ladie; elle  ne  détermine  pas  de  douleur  bien  notable,  si  ce  n'est  quand 
elle  s'est  développée  sur  les  articulations  et  dans  les  points  où  la  peau  est 
presque  directement  appliquée  sur  les  os. 

La  marche  du  bouton  n'est  nullement  influencée  par  les  affections 
intercurrentes. 

Variétés.  —  L'exanthème  d'Orient  présente  de  nombreuses  variétés 
qui  dépendent  du  nombre  des  boutons,  de  leur  siège,  de  leur  étendue. 

Nombre  des  boutons.  —  Le  nombre  des  boutons  est  variable  ;  quand  il 
n'en  existe  qu'un,  les  Alépins  le  nomment  mâle;  quand  il  yen  a  plusieurs, 
on  les  nomme  femelles.  Il  est  rare  de  n'en  rencontrer  qu'un  seul  ;  les 
boutons  femelles  sont  les  plus  fréquents  :  Guilhou  rapporte  en  avoir  con- 
staté sur  un  Français  soixante-dix-sept  principaux,  entourés  d'une  mul- 
litude  de  plus  petits.  On  aurait  cru  au  premier  aspect  à  une  variole  con- 
tinente. Les  habitants  d'Alep  admettent  une  troisième  variété  de  bouton 
qu'ils  nomment  neutre;  celui-ci  est  peu  volumineux  et  suppure  peu  de 
temps,  sa  cicatrisation  plus  régulière  s'opère  plus  promptement. 

«ipgc  —  Le  bouton  d'Alep  se  développe  sur  toutes  les  parties  de  la 
peau,  mais  il  se  présente  de  préférence  à  la  face  et  aux  membres;  les 
Alépins  l'ont  presque  tous  au  visage,  et,  le  plus  ordinairement,  au  côté 
gauche.  Sur  les  étrangers  il  se  manifeste  le  plus  habituellement  aux  extré- 
mités et  presque  toujours  à  leurs  faces  dorsales. 

Étefiiclue.  —  L'ulcère,  qui  est  le  produit  du  ramollissement  du  tuber- 
cule, a  une  étendue  très-variable;  le  docteur  Villemin  en  a  mesuré  qui 
avaient  quatre  ou  cinq  centimètres  de  diamètre  :  ce  médecin  cite  un 
Hongrois  dont  le  nez  entier  et  la  portion  contiguë  des  deux  joues  étaient 
envahis  par  la  maladie  ;  elle  avait  eu  pour  rudiments  trois  tubercules  en 
triangle.  Heureusement  ces  cas  sont  fort  rares,  ordinairement  les  ulcères 
ont  de  petites  dimensions.  Villemin  dit  avoir  vu  assez  souvent  à  Alep  de 
jeunes  iilles  qui  portaient  aux  lèvres,  aux  joues,  aux  avant-bras,  de  petites 
cicatrices  arrondies  de  la  grandeur  d'une  pièce  de  cinquante  centimes, 
à  peine  plus  pâles  que  le  tégument  voisin,  dont  elles  atteignaient  presque 
le  niveau. 

Durée.  —  La  durée  du  bouton  d'Alep  est  ordinairement  d'un  an, 
cependant  quelquefois  cet  exanthème  n'arrive  pas  à  ce  terme,  et  dans 


BOUTON  D'ALLP.  —  diagnostic  et  récidives.  499 

•quelques  cas  il  le  dépasse.  Villemiii  rapporte  l'observation  d'un  Alépin 
dont  la  maladie  avait  duré  quatre  ans  ;  chez  un  autre,  qui  eut  le  visage 
entièrement  envahi,  elle  avait  duré  cinq  ans. 

Les  individus  doués  d'un  tempérament  robuste  n'ont,  en  général,  le 
bouton  qu'à  un  faible  degré,  et  son  développement  est  plus  lent  que  chez 
les  sujets  débiles. 

La  durée  des  périodes  que  parcourt  cet  exanthème  est  difficile  à  appré- 
cier. Néanmoins  en  consultant  les  observations  recueillies  par  divers  mé- 
decins, on  peut  établir  approximativement  que  la  période  d'évolution 
dure  quatre  mois,  celle  de  ramollissement,  six  mois,  et  celle  de  répara- 
tion, deux  mois. 

Diagnostic.  —  Pendant  la  période  de  ramollissement,  le  bouton 
d'Àlcp  présente  parfois  certains  caractères  particuliers  se  développant 
sous  l'influence  de  conditions  spéciales  dérivant  de  la  constitution  des 
malades  et  de  l'existence  de  maladies  diathésiques. 

D'après  Yillemin,  cet  exanthème  peut  emprunter  les  traits  de  toutes 
les  maladies  de  la  peau,  et  celles-ci  sont  fréquentes  à  Alep  ;  il  est  souvent 
difficile  d'établir  un  diagnostic  précis,  mais  en  observant,  pendant  quelque 
temps,  leur  marche  et  leurs  caractères,  on  pourra  presque  toujours  les 
différencier  avec  facilité.  Les  affections  cutanées  qui  déteignent  le  plus 
communément  sur  le  bouton  d'Alep,  sont  :  l' impétigo,  l'echtyma,  le  lupus, 
et  surtout  les  syphilides  pustuleuse  et  tuberculeuse. 

Malgré  ces  complications,  on  pourra  presque  toujours  établir  le  dia- 
gnostic d'une  manière  convenable,  en  s'appuyant  sur  les  caractères  géné- 
raux de  l'ulcère  d'Orient,  qui  consistent  dans  son  siège  à  peu  près  con- 
stant à  la  face  et  à  la  partie  dorsale  de  l'avant-bras,  de  la  main  et  du 
pied;  dans  sa  durée  assez  régulière  d'un  an;  dans  la  lenteur  de  son  dé- 
veloppement; dans  l'absence  de  douleurs;  dans  l'apparition  tardive  du 
ramollissement;  dans  l'insensibilité  des  bords  de  l'ulcère;  dans  l'aspect 
lisse,  sec,  uni  de  son  fond  après  la  chute  successive  des  croules. 

Pronostic.  —  L'ulcère  d'Orient  n'est  pas  le  plus  ordinairement  une 
maladie  grave;  mais  quand  il  atteint  des  sujets  dont  la  constitution  est 
altérée  par  des  affections  passées  ou  actuelles,  par  de  mauvaises  condi- 
tions hygiéniques,  il  peut  devenir  dangereux  et  même  se  terminer  par  la 
mort. 

Les  cicatrices  vicieuses  et  difformes  qu'il  occasionne,  surtout  quand 
il  siège  à  la  (ace ,  altèrent  les  traits  d'une  manière  notable  et  les  dé- 
forment quelquefois  complètement.  Quand  le  mal  siège  aux  extrémités, 
aux  environs  des  articulations,  il  peut  déterminer  une  gène  plus  ou  moins 
marquée  dans  les  mouvements,  et  s'il  s'est  développé  aux  membres  infé- 
rieurs, amener  un  certain  degré  de  claudication. 

D'après  le  docteur  Thomasini,  qui  exerce  la  médecine  à  Alep  depuis 
plusieurs  années,  la  maladie  a  perdu  graduellement  de  son  intensité  dans 
cette  ville,  tandis  qu'elle  serait  la  même  à  Orpha,  à  Mossoul,  à  Bagdad, 
où  parfois  elle  a  occasionné  la  mort. 

Récidives.  —   Les  médecins  et  les  voyageurs  qui  ont  observé  le 


500  BOUTON  D'ALEP.  —  traitement. 

bouton  d'AJep  ont  presque  tous  admis  qu'il  ne  se  développait  qu'une 
seule  lois  sur  le  même  sujet;  cependant,  par  suite  de  travaux  récents,  il 
paraîtrait  qu'une  seconde  évolution  peut  avoir  lieu;  d'après  Villemin,  le 
boulon  contracté  à  Orpha  et  à  Bagdad  ne  préserve  pas  de  celui  de  Mos- 
soul  et  d'Alep,  et  réciproquement,  bien  que  l'affection  paraisse  identique 
dans  ces  différentes  localités. 

A  Alep  la  récidive  est  commune,  surtout  chez  les  femmes,  les  enfants 
lymphatiques  et  les  individus  dont  la  constitution  est  affaiblie  ;  elle  se 
manifeste  par  une  éruption  tuberculeuse  dont  la  durée  est  d'un  an,  ayant 
la  même  marche,  se  recouvrant  d'une  croûte  pins  sèche,  plus  adhérente 
que  dans  la  première  évolution,  et  présentant  une  plus  grande  bénignité. 

Au  milieu  du  siècle  dernier,  le  médecin  anglais  Al.  Russel  avait  fait 
mention  de  cette  récidive  :  «  Outre  les  boutons  mâle  et  femelle,  dit-il,  il 
existe  une  troisième  espèce  qui,  bien  qu'elle  soit  habituellement  attri- 
buée à  la  morsure  du  mille-pieds,  me  semble  être  absolument  de  la  même 
nature,  seulement  d'un  plus  faible  degré.  » 

D'après  les  auteurs  qui  ont  visité  Alep,  cet  exanthème  de  seconde  date 
est  attribué  dans  le  pays  à  la  morsure  du  cloporte  (en  arabe,  Khars-el- 

Umm-Aly).    Des  expériences  faites  par  Villemin   et  par  X ,    consul 

sarde,  ont  suffisamment  prouvé  que  cet  insecte  ne  produit  rien  de  sem- 
blable au  bouton  d'Alep. 

Traitement.  —  Les  habitants  des  pays  où  cette  maladie  est  endé- 
mique, ne  la  traitent  pas,  car  on  ne  peut  considérer  comme  moyens  de 
traitement  les  pratiques  superstitieuses  et  souvent  bizarres  auxquelles  ils 
ont  recours  avec  la  confiance  la  plus  absolue,  mais,  en  même  temps,  ils 
maintiennent  l'ulcère  dans  un  grand  état  de  propreté,  en  le  lavant  très- 
souvent  avec  de  l'eau  tiède  savonneuse.  Pour  le  préserver  de  l'action  de 
l'air  et  des  corps  extérieurs,  ils  le  recouvrent  avec  des  feuilles  de  ci- 
tronnier, et  quelquefois  avec  des  tranches  de  citron;  ils  se  servent  aussi, 
pendant  la  suppuration,  de  la  pulpe  de  casse  et  du  suc  du  prunier  épi- 
neux :  en  somme  ces  topiques  sont  très-innocents,  et  on  peut  conclure 
que  l'expeetation  est  la  méthode  la  plus  répandue;  elle  est,  du  reste, 
fondée  sur  cette  opinion  universellement  adoptée  dans  les  pays  où  règne 
l'exanthème  spécifique,  à  savoir  :  que  des  maladies  graves  pourraient 
se  manifester  si  l'on  réussissait  à  entraver  sa  marche. 

Par  suite  de  cette  idée  populaire,  les  médecins  européens  sont  rarement 
appelés  à  traiter  le  bouton;  du  reste  presque  tous  s'accordent  à  admettre 
qu'aucune  médication  ne  saurait  modifier  son  évolution  fatale;  l'expérience, 
dit  Volney,  a  enseigné  que  le  meilleur  remède  est  de  n'en  point  faire. 
D'après  le  docteur  Suquet,  les  caustiques  et  les  incisions  employées  par 
quelques  médecins  n'ont  eu  pour  résultat  que  d'étendre  l'ulcère,  de  re- 
tarder sa  marche,  et  de  produire  des  cicatrices  plus  profondes. 

On  a  proposé  de  faire  avorter  le  bouton  tout  à  fait  au  début,  en  prati- 
quant une  incision  sur  la  peau  et  en  cautérisant  plusieurs  lois  la  plaie 
avec  le  nitrate  d'argent  ou  la  pâte  de  Vienne  ;  plusieurs  tentatives  ont  été 
faites  et  ont  été  couronnées  de  succès  :  «  Je  crois  plus  à  la  bonne  foi  des 


BOUTON  DES  ZiBANS  OU  DE  BISKRA.  501 

médecins  qui  ont  appliqué  ce  traitement  qu'à  la  valeur  de  leur  médication 
abortive,  dit  Suquet,  car  ils  peuvent  avoir  pris  pour  le  bouton  d'Alep  un 
exanthème  bénin  qui  aurait  disparu  sans  les  cautérisations.  » 

Inoculation.  —  On  a  cherché  à  inoculer  le  pus  de  l'ulcère  d'Orient  ; 
dans  le  siècle  dernier  et  au  commencement  de  celui-ci,  des  essais  furent 
tentés  sans  réussites  bien  avérées;  ils  ont  été  renoulevés  en  1859,  lors 
de  l'occupation  égyptienne;  d'après  les  rapports  des  médecins  de  l'expé- 
dition, les  inoculations  déterminèrent  un  bouton  bénin  et  de  courte  durée. 

Villemin,  pendant  son  séjour  à  Alep,  en  185c2,  n'ajoutant  pas  une 
grande  confiance  aux  faits  que  je  viens  de  citer,  désira  faire  de  nouvelles 
inoculations,  il  avait  l'intention  de  les  pratiquer  avec  du  pus  fourni  par 
l'ulcère  d'un  chien  (cet  animal  est  sujet  au  bouton),  mais  les  individus 
que  ce  médecin  avait  ta  sa  disposition  ne  consentirent  pas  à  se  soumettre 
à  cette  expérience,  et  on  fut  obligé  d'employer  le  liquide  recueilli  sur 
l'ulcère  d'un  homme. 

Les  résultats  de  l'inoculation  pratiquée  par  trois  incisions  à  la  région 
deltoïdienne,  ont  été  peu  concluants;  chez  les  quatre  sujets  qui  présen- 
tèrent une  éruption  manifeste,  on  observa  un  fait  très-remarquable;  c'est 
que  sur  les  trois  boutons  pustuleux  qui  apparurent,  deux  se  desséchèrent 
promptement,  tandis  que  l'autre  prit  du  développement;  celui-ci  sup- 
pura pendant  quelques  jours  et  se  cicatrica  au  bout  de  deux  ou  trois 
semaines  :  un  Alépin  qui  avait  eu  antérieurement  le  bouton,  et  qui  se 
soumit  à  l'inoculation,  a  présenté  cette  pustule  comme  ceux  qui  n'avaient 
jamais  eu  la  maladie,  de  sorte  qu'on  pouvait  conclure  de  ce  fait  que  le 
premier  exanthème  ne  préserverait  pas  d'une  seconde  éruption. 

Al.  Ri  ssel,  Histoire  naturelle  d'Alep  el  des  pays  voisins.  1756. 

D.  IIollanmie,  Du  Bouton  d'Alep  [Jour,  de  med.  de  lloux-Deslillets.  1782,  t.  XLVIII). 

VoLis-EY,  Voyage  en  Egypte  et  en  Syrie;  état  politique  de  la  Syrie,  du  pachalick  d'Alep.  1787. 

Alibert,  Noie  sur  la  pyrophlyctide  endémique,  ou  pustule  d'Alep  (Revue  médic.  juillet  18*29). 

Ed.  Estienne  (médecin  de  la  marine),  Du  Bouton  d'Alep.  Thèse  pour  le  doctorat.  Montpellier,  1850. 

n"6. 
Requin,  Du  Bouton  d'Alep  (Gaz.  med.   1852),  et  Éléments  de  pathologie  interne.  1852,  t.  III. 
Guilhou,  Du  Bouton  d'Alep,  Thèse  pour  le  doctorat.  Paris,  1855,  n°  165. 

B.  PoijouLAT,  Voyage  dans  l'Asie  Mineure,  en  Syrie,  en  Palestine  et  en  Egypte.  Bruxelles,  1841. 
A.  Villemin,  Mémoire  sur  le  Oouton  d'Alep.  Paris,  1854. 

A.  Barrallier  (de  Toulon). 


bouton  des  zibans  ou  de  biskba.  —  Depuis  1844,  époque  de 
l'occupation  par  l'armée  française  des  parties  de  l'Algérie  avoisinant  le 
Sahara,  les  médecins  de  l'armée  ont  observé  dans  ces  régions,  et  surtout 
dans  la  zone  des  Zibans,  à  Biskra,  une  éruption  particulière,  ayant  cer- 
taines analogies  avec  le  bouton  d'Alep;  cette  maladie  régnerait  aussi  dans 
l'ouest  de  la  province  d'Oran,  dans  le  Maroc,  et,  d'après  E.  Bertherand, 
dans  tout  le  Sahara. 

Le  bouton  de  Biskra,  nommé  par  les  Arabes  aba,  frina,  khabb,  bien 
étudié  dans  ces  dernières  années  par  les  médecins  de  l'armée  d'Afrique, 
commence,  comme  celui  d'Alep,  par  un  petit  tubercule  arrondi,  et  pré- 


502  BOUTON  DES  ZIBANS  OU  DE  BISKRA, 

sente  ensuite  trois  formes  principales,  la  première  ulcéreuse,  la  seconde 
fongueuse,  la  troisième  croûteuse. 

Ces  formes  ont  des  points  de  ressemblance  avec  les  périodes  que  par- 
court le  bouton  d'Alep,  néanmoins  elles  en  diffèrent  par  l'existence 
dans  la  maladie  des  Zibans  d'un  état  fongueux  précédant  l'encroûtement 
de  l'ulcère,  par  les  douleurs  éprouvées  par  les  malades,  par  l'absence  de 
l'ancsthésie  de  son  pourtour,  caractéristique  de  l'ulcère  d'Orient,  et  par 
l'épaisseur  très-considérable,  dans  quelques  cas,  de  la  croûte,  épaisseur 
qui  a  porté  le  docteur  Valette  à  considérer  le  bouton  de  Biskra  comme 
analogue  aux  rupia  simplex  et  proéminents. 

Unique  parfois,  le  bouton  africain  est  souvent  multiple;  son  siège  le 
plus  habituel  est  aux  membres  et  à  la  face. 

Sa  durée  est  moindre  que  celle  du  bouton  alépin  ;  elle  est  de  quatre 
mois  d'après  Masnou,  de  six  à  dix  d'après  Bédié. 

Il  attaque  les  indigènes  et  les  étrangers  sans  distinction  (.Vàge  et  de 
sexe,  et  a  une  incubation  qui  varie  d'après  Masnou,  de  deux  mois  à  un 
an,  et  qui  reste  en  puissance  même  loin  des  localités  suspectes. 

Il  n'est  du  reste  pas  impossible  qu'on  rencontre  le  bouton  de  Biskra 
accidentellement  chez  des  sujets  soumis  à  l'observation  sur  notre  propre 
territoire.  A.  Favre  (de  Lyon)  a  recueilli  une  observation  de  ce  genre,  et 
le  malade  qui  en  fait  le  sujet  a  été  présenté  à  la  Société  des  sciences  mé- 
dicales de  Lyon. 

Les  Arabes  attribuent  aux  dattes  fraîches  et  non  mûres,  le  développe- 
ment du  bouton  de  Biskra,  qu'ils  nomment,  pour  cette  raison,  Bess-el- 
Temenr  (maladie  des  dattes)  ;  les  médecins  de  l'armée,  frappés  des  ana- 
logies que  cette  éruption  avait  avec  le  bouton  d'Alep,  adoptant  l'opinion 
émise  par  Guilhou,  qui  attribuait  aux  eaux  potables  de  cette  ville  la  pro- 
duction de  cette  maladie,  ont  pensé  que  l'endémie  cutanée  des  Zibans 
devait  avoir  un  mode  de  production  semblable,  et  ont  considéré  les  eaux 
de  l'Oued-el-Kantara  chargées  de  chlorure  de  sodium  et  de  matières  or- 
ganiques, comme  en  étant  la  cause  réelle  ;  cette  manière  de  voir  a  été 
soutenue  par  Massip,  Quesnoy,  Hoffmann,  Bevlot,  etc. 

On  a  aussi  accusé  l'atmosphère  pulvérulente  des  Zibans  (Sonrier),  l'ac- 
tion dépuralive  qui  s'exercerait  par  la  peau  sous  l'influence  des  chaleurs 
excessives  du  pays  (Bertherand),  etc. 

En  résumé,  il  n'y  a  rien  de  déterminé  sur  les  causes  productrices  des 
boulons  d'Asie  et  d'Afrique  ;  le  problème  étiologique  de  ces  singulières 
maladies,  n'aura  sa  solution  qu'à  la  suite  d'une  étude  patiente  et  atten- 
tive des  conditions  hygro-thermo-électriques  des  localités  où  elles  sont 
endémiques. 

Le  tempérament  lymphatique,  les  maladies  diatliésiques,  les  excès  de 
tous  genres,  favorisent,  dans  les  deux  pays,  l'apparition  du  bouton  ;  la 
contagion  ne  peut  être  invoquée  pour  expliquer  sa  propagation,  et  l'expé- 
rience populaire  repousse  tout  traitement  et  recommande  l'expectation. 
Néanmoins  les  médecins  militaires  qui  ont  observé  le  bouton  de  Biskra, 
l'ont  combattu  sans  succès  par  divers  moyens,  entre  autres  par  la  cauté- 


BRAS.    ANATOWIE    CHIRURGICALE.  50o 

risation,  les  frictions  générales,  les  bains  de  vapeur  sulfureux  ou  aroma- 
tiques. 

Le  docteur  Massip  considère  les  mercuriaux  administrés  à  l'intérieur 
et  à  l'extérieur  comme  l'antidote  de  cette  éruption. 

Il  existe  donc  des  analogies  réelles  entre  les  deux  maladies,  mais  il  y  a 
aussi  des  différences;  j'ai  dit  plus  haut  que  l'ulcère  africain  était  dou- 
loureux, et  qu'il  ne  présentait  pas  l'anesthésie  qu'offre  l'ulcère  d'Orient, 
le  bouton  alépin  se  développe  dans  toutes  les  saisons,  et  celui  de  Biskra 
ne  se  montre  qu'en  automne  ;  déplus,  le  bouton  des  Zibans  diffère  encore 
de  celui  d'Alep  par  sa  bénignité  relative  et  sa  moindre  durée. 

Il  est  évident  que  ces  deux  maladies  ont  de  nombreux  points  de  rap- 
ports, mais  ils  sont  insuffisants  pour  établir  leur  complète  identité  ;  aussi 
je  dirai  en  terminant,  avec  le  docteur  Henri  Hamel,  qui  a  été  assez  heu- 
reux pour  les  observer  toutes  les  deux,  qu'il  n'est  pas  possible  actuelle- 
ment de  décider  cette  question  d'une  manière  scientifique. 

Poggioli,  Essai  sur  une  malidic  cutanée  nouvelle  observée  à  Biskra.  Thèse  de  Paris,  4847. 

Quesnoy,  Relation  médico-chirurgicale  de  l'expédition  de  Zaatcha  [Recueil  de  mémoires  de  mé- 
decine militaire,  2e  série,  t.  VI). 

Beylot,  Topographie  de  Biskra  [Recueil  de  médecine  militaire,  2e  série,  t.  "XI). 

Massip.  Essai  sur  le  bouton  de  Biskra  [Recueil  de  médecine  militaire,  2e  série,  t.  XI). 

E.  Bertherand,  Notice  sur  le  chancre  du  Sahara.  Lille,  1854. 

Sonrier,  Du  boulon  des  Zibans  [Gazette  médicale  de  l'Algérie,  mars  1857). 

Boldix,  Traité  de  géographie  et  de  statistique  médicales,  Paris,   1857,  t.  II. 

Masnou,  Du  bouton  des  Zibans  [Gazette  médicale  de  l'Algérie,  janvier  1859; . 

Hamel  (Henri),  Étude  comparée  des  boutons  d'Alep  et  de  Biskra  [Recueil  de  mémoires  de  méde- 
cine militaire,  5e  série,  t.  IV). 

Favre  (A.),  Du  boulon  de  Biskra  [Mémoires  et  Comptes  rendus  de  la  Société  des  sciences 
médicales  de  Lyon,  années  1861-1802,  t.  I,  p.  129). 

A.  Barrallier  (de  Toulon). 


BIMN  —  Pour  l'anatomiste  et  le  chirurgien,  le  bras  est  la  première 
section  du  membre  supérieur,  et  constitue  une  région  bornée  en  haut  par 
l'épaule  et  en  bas  par  le  coude. 

AKATOMIE     CHIRURGICALE, 

Le  bras  est  le  plus  long  des  segments  du  membre  supérieur,  sa  lon- 
gueur est  un  peu  plus  grande  que  celle  de  Favant-bras ,  d'un  cinquième 
environ  sur  l'adulte,  car  dans  le  fœtus  il  est,  au  contraire,  plus  court, 
n'atteint  que  graduellement,  pendant  l'enfance,  ses  proportions  défini- 
tives. 

La  forme  du  bras  est  à  peu  près  celle  d'un  cylindroïde,  comprimé  sur 
les  côtés,  mais  de  façon  que  le  demi-cylindre  antérieur  est  d'un  diamètre 
moindre  que  le  postérieur.  La  face  antérieure,  fortement  convexe,  oftre 
une  saillie  arrondie,  dont  l'extrémité  supérieure  se  cache  sous  le  re- 
lief oblique  produit  par  le  bord  antérieur  du  grand  pectoral,  tandis  que 
son  extrémité  inférieure  s'amincit  et  va  se  perdre  en  s'enfonçant,  au  pli  du 
coude,  entre  les  masses  musculaires  de  lavant-bras.  Cette  saillie  est  formée 
par  le  muscle  biceps  qui  repose  sur  le  brachial  antérieur,  et  elle  augmente 


504  BRAS.    ANATOMIE    CHIRURGICALE. 

par  la  contraction  de  ces  muscles  au  point  de  devenir  presque  globuleuse 
chez  les  sujets  à  muscles  vigoureux. 

La  face  postérieure,  moins  convexe  transversalement  que  l'antérieure, 
est  également  moins  bombée  dans  le  sens  vertical  ;  à  sa  partie  inférieure, 
elle  devient  presque  plane  dans  le  point  où  le  corps  musculaire  du  biceps 
s'arrête  et  se  transforme  en  un  tendon  étalé  sur  la  surface  de  l'humérus, 
devenu  plus  large  en  ce  point. 

Les  faces  latérales  du  bras  sont  planes  et  môme  légèrement  concaves, 
de  façon  qu'elles  représentent  deux  gouttières  longitudinales,  gouttières 
bicipitales,  importantes  à  considérer  au  point  de  vue  chirurgical.  Ces 
gouttières  sont  formées  par  l'intervalle  qui  sépare  en  dedans  et  en  dehors 
les  bords  du  biceps  et  du  triceps;  rapprochées  l'une  de  l'autre  à  la  partie 
inférieure,  elles  convergent,  au  pli  du  coude,  dans  la  fossette  qui  se  re- 
marque entre  les  reliefs  des  muscles  rond  pronateur  et  long  supinateur. 
A  la  partie  supérieure,  la  gouttière  bicipitale  interne,  plus  inarquée  que 
l'externe,  se  perd  dans  le  creux  de  l'aisselle.  La  gouttière  bicipitale  externe, 
au  niveau  du  sommet  du  deltoïde,  se  continue  avec  les  dépressions  qui 
répondent  aux  bords  antérieur  et  postérieur  de  ce  muscle.  Au-dessus  de  ce 
point,  la  dépression  de  la  face  externe  du  bras  est  remplacée  par  la 
convexité  de  la  partie  inférieure  du  deltoïde  qui  se  continue  avec  la  saillie 
de  l'épaule. 

Les  différents  détails  de  forme  dont  nous  venons  de  parler,  très-visibles 
sur  les  hommes  vigoureux,  sont  effacées  chez  les  femmes  et  les  enfants, 
et  en  général  sur  les  sujets  dont  les  muscles  sont  peu  développés  et  le  tissu 
adipeux  considérable,  dans  ces  cas  le  bras  s'arrondit,  au  lieu  des  dépres- 
sions latérales,  il  n'y  a  qu'un  léger  aplatissement  toujours  plus  marqué 
à  la  face  interne.  Cependant  la  fossette  qui  se  trouve  à  la  pointe  du  del- 
toïde est  toujours  reconnaissable.  Une  cause  tout  opposée  fait  encore  dispa- 
raître la  forme  comprimée  du  bras,  chez  les  sujets  émaciés,  lorsque  les 
muscles  eux-mêmes  ne  forment  plus  qu'une  couche  mince  appliquée  sur 
l'humérus,  dont  la  configuration  est  presque  reproduite  par  la  forme  ex- 
térieure du  membre. 

La  peau  du  bras  est  line  et  dépourvue  de  poils  en  avant  et  surtout  en 
dedans,  où  elle  devient  si  mince  qu'elle  laisse  apercevoir  par  transparence 
la  moindre  inflammation  des  vaisseaux  lympatiques  sous-jacents.  Son 
épaisseur  augmente  en  dehors  et  encore  plus  à  la  face  postérieure  qui 
participe,  principalement  en  haut,  aux  caractères  des  téguments  de  la 
force  dorsale  du  tronc,  et  présente  souvent  un  développement  considé- 
rable de  poils  chez  les  hommes  à  système  pileux  abondant. 

La  couche  sous-cutanée  est  formée  d'un  tissu  cellulaire  dans  lequel  on 
peut  distinguer  deux  couches,  l'une  superficielle  aréolaire,  l'autre  pro- 
fonde et  lamelleuse  ;  elle  renferme  toujours  du  tissu  adipeux,  et  acquiert, 
chez  les  sujets  gras,  une  très-grande  épaisseur.  Cette  couche  est  très- 
làche  et  donne  à  la  peau  une  très-grande  mobilité,  surtout  en  dedans. 
Cette  laxilé  est  beaucoup  moins  grande  au  point  de  réunion  des  gouttières 
deltoïdiennes  interne  et  externe  avec  la  gouttière  bicipitale  externe,  c'est 


BRAS.    ANATOMIE    GHIRDRGÎdALE.  505 

celle  disposition,  et  l'absence  de  fibres  musculaires  dans  ce  point,  qui  l'a 
l'ait  choisir  pour  l'application  des  cautères.  Le  tissu  cellulaire  sous-cu- 
tané du  bras  se  continue  avec  celui  de  l'aisselle  et  celui  de  l'avant-bras, 
ce  qui  rend  facile  l'extension  des  ecchymoses,  des  œdèmes  et  des  suppura- 
tions'diffuses  d'une  de  ces  régions  dans  l'autre. 

L'aponévrose  du  bras  forme  une  enveloppe  complète,  mais  générale- 
ment mince  et  cclluleuse,  surtout  en  avant,  elle  offre  plus  d'épaisseur  et 
de  consistance  en  arrière  et  sur  les  côtés,  mais  c'est  au  niveau  de  la  gout- 
tière bicipitale  interne  qu'elle  offre  le  plus  de  densité.  Intérieurement, 
elle  se  continue  avec  l'aponévrose  anti brachiale  ;  supérieurement,  avec 
l'aponévrose  qui  recouvre  le  deltoïde  et  les  muscles  grand  dorsal  et 
grand  pectoral  ;  entre  les  bords  de  ces  deux  derniers,  elle  se  continue  avec 
l'aponévrose  axillaire.  A  sa  face  profonde,  elle  forme  des  cloisons  qui 
vont  s'insérer  à  l'humérus  et  forment  autant  déloges  spéciales.  Deux  de  ces 
cloisons  répondent,  dans  une  grande  partie  de  leur  longueur,  aux  gout- 
tières bicipitales,  et  s'insèrent  au  bord  de  l'humérus,  jusqu'aux  tubéro- 
sités  de  son  extrémité  inférieure.  L'interne  forme  la  gaine  de  l'artère  et 
du  nerf  médian,  qui  l'abandonnent  en  bas  pour  se  porter  en  avant;  en 
haut,  elle  se  termine  en  adhérant  au  tendon  du  grand  rond.  L'externe 
aboutit  en  haut  à  la  pointe  du  deltoïde,  et  reçoit  dans  ce  point  les  cloisons 
qui  bornent  en  avant  et  en  arrière  la  loge  de  ce  dernier  muscle. 

L'aponévrose  brachiale  forme  donc  trois  loges,  une  supérieure  externe, 
loge  deltoïdienne,  qui  n'appartient  à  la  région  brachiale  que  par  sa  partie 
inférieure;  une  postérieure,  occupée  en  entier  par  le  triceps,  et  une  an- 
térieure, partagée  en  deux  loges  secondaires,  pour  le  brachial  antérieur  et 
le  biceps,  entre  lesquels  on  trouve  un  feuillet  celluleux  renfermant  à  peine 
quelques  éléments  fibreux. 

La  région  brachiale  antérieure,  comme  nous  l'avons  vu,  en  nous  occupant 
des  aponévroses,  renferme  deux  muscles,  le  biceps,  partagé  à  sa  partie 
supérieure  en  deux  faisceaux,  l'un,  courte  portion,  qui  s'insère  à  l'apo- 
physe coracoïde,  l'autre,  longue  portion,  qui  s'attache  à  la  partie  supé- 
rieure de  la  cavité  glénoïde,  après  avoir  glissé  dans  la  coulisse  bicipitale 
et  sur  la  tète  de  l'humérus,  seul  point  où  ce  muscle  soit  en  rapport  avec 
l'os  du  bras.  Son  insertion  inférieure  se  fait  sur  le  radius  ;  il  sert  à  pro- 
duire la  flexion  de  l'avant-bras  sur  le  bras,  et  à  le  porter  en  supination; 
aussi  ces  mouvements  amènent  de  la  douleur  dans  la  gaine  de  sa  longue 
portion,  lorsqu'elle  a  été  enflammée  soit  par  une  cause  rhumatismale, 
soit  comme  j'en  ai  observé  plusieurs  exemples  par  la  contraction  violente 
du  muscle  ou  par  une  cause  traumatique  directe. 

Sous  le  biceps,  on  trouve  le  brachial  antérieur  couvrant  les  faces  in- 
terne et  externe  de  l'humérus,  et  remontant  jusqu'au  deltoïde  dont  il  em- 
brasse la  pointe  dans  le  V  formé  par  ses  insertions  supérieures;  à  partir 
de  ce  point  ses  fibres  charnues  s'insèrent  sur  toute  la  surface  de  l'hu- 
mérus qu'il  recouvre  jusqu'auprès  du  coude  et  sur  la  face  antérieure  des 
cloisons  aponévrotiques  interne  et  externe.  A  la  partie  inférieure,  dans 
le  point  où  îe  brachial    antérieur  se  rétrécit,  il  se  trouve,  ainsi  que  le 


506  BRAS.    ASATOMIE    CHIRURGICALE. 

biceps,  entre  deux  masses  musculaires  appartenant  à  l'avant-bras,  et  qui 
sont  formés,  en  dedans,  par  l'extrémité  supérieure  du  rond  pronateur, 
et  en  dehors  par  celles  des  long  supinateur  et  premier  radial  externe,  à 
leurs  insertions  au-dessus  des  tubérosités  humérales. 

La  région  postérieure  est  occupée  par  un  seul  muscle,  le  triceps  bra- 
chial, formé  de  trois  portions,  deux  qui,  sous  les  noms  de  vaste  externe 
et  vaste  interne,  recouvrent,  en  s'y  insérant,  toute  la  face  postérieure  du 
corps  de  l'os  et  des  cloisons  intermusculaires  internes  et  externes,  et  une 
troisième,  longue  portion  qui  prend  son  point  d'attache  à  la  partie  infé- 
rieure de  la  cavité  glénoïde,  en  se  confondant,  comme  la  longue  portion 
du  biceps,  avec  le  bourrelet  glénoïdien.  Nous  n'avons  rien  à  ajouter  à  ce 
que  nous  avons  dit  du  deltoïde,  qui  appartient  moins  à  la  région  externe 
du  bras  qu'à  celle  de  l'épaule.  Enfin,  le  dernier  muscle  du  bras  est  le 
coraco-brachial ,  caché  sous  le  deltoïde  et  le  grand  pectoral,  en  arrière 
du  biceps,  en  avant  du  grand  dorsal  et  du  grand  rond.  Il  s'attache  en  haut 
à  l'apophyse  coracoïde  en  dehors  de  la  courte  portion  du  biceps,  et  en 
bas  au  bord  et  à  la  face  interne  de  l'humérus  vers  sa  partie  moyenne. 

L'artère  du  membre  supérieur  prend  le  nom  d'humérale  ou  brachiale 
au  niveau  du  bord  antérieur  de  l'aisselle  ;  elle  suit  une  ligne  étendue  de 
la  réunion  du  tiers  antérieur  avec  les  deux  tiers  postérieurs  de  l'aisselle, 
au  milieu  du  pli  du  coude  ;  dans  tout  ce  trajet,  elle  n'est  séparée  de  la 
peau  que  par  l'aponévrose  qui  lui  forme  une  gaine,  et,  chez  les  sujets  for- 
tement musclés,  par  quelques  fibres  du  bord  interne  du  biceps.  D'abord 
située  en  arrière  du  coraco-brachial,  entre  lui  et  le  grand  dorsal,  elle  se 
place  plus  bas  entre  le  biceps  et  le  triceps,  séparée  de  ce  dernier  parla 
cloison  intermusculaire  interne,  et  répondant  à  la  gouttière  bicipitale  in- 
terne ;  plus  bas,  lorsqu'elle  arrive  à  la  pointe  du  rond  promoteur,  elle 
suit  l'intervalle  qui  sépare  ce  muscle  du  biceps.  Dans  sa  gaine  cellulo-fi- 
breuse,  elle  est  accompagnée  par  le  nerf  médian  et  par  deux  veines  dont 
les  anastomoses  nombreuses  la  croisent  et  peuvent  gêner  le  chirurgien 
qui  veut  en  faire  la  ligature.  Dans  tout  son  trajet,  jusqu'auprès  de  sa  partie 
inférieure,  l'humérale  n'est  séparée  de  la  peau  que  par  l'aponévrose,  et 
repose  presque  à  nu  sur  la  face  interne  de  l'humérus,  de  façon  qu'elle  est 
facile  à  comprimer  dans  cette  région.  Parmi  les  branches  nombreuses 
qu'elle  donne,  les  suivantes  seules  méritent  une  mention  spéciale  : 
l'humé  raie  profonde  ou  collatérale  externe,  la  plus  volumineuse,  naît  au 
niveau  du  grand  rond,  se  porte  en  bas  et  en  arrière,  contourne  l'hu- 
mérus avec  le  nerf  radial,  recouverte  d'abord  par  le  triceps,  elle  sort  de 
dessous  ce  muscle  au-dessous  de  l'insertion  du  deltoïde.  Elle  fournit 
deux  branches  terminales  dont  une  accompagne  le  nerf  radial  et  l'autre 
se  termine  en  s'anastomosant  au-dessus  de  l'épicondyle  avec  les  récur- 
rentes externes  du  coude. 

La  collatérale  interne,  bien  moins  importante  que  la  précédente  et  sou- 
vent multiple,  se  sépare  de  l'humérale  à  sa  partie  inférieure  et  s'anasto- 
mose avec  la  récurrente  cubitale  antérieure. 

L'artère  humérale  présente  de  nombreuses  anomalies  dans  le  lieu  de 


BRAS.    ANATOMIE    CHIRURGICALE.  507 

sa  bifurcation,  qui  se  fait  souvent  très-haut,  et  même  quelquefois  presque 
à  son  origine;  dans  ce  cas,  il  peut  arriver  que  Tune  des  branches  de- 
vienne sous-cutanée,  tandis  que  l'autre  suit  le  trajet  normal  de  l'artère. 
Le  plus  souvent  ces  deux  branches  sont  la  radiale  et  la  cubitale  ;  mais 
dans  quelques  cas  il  n'en  est  pas  ainsi,  et  Cruveilhier  en  cite  un  où  l'une 
des  branches  de  la  bifurcation  prématurée  donnait  ces  deux  artères,  tan- 
dis que  l'autre  fournissait  les  interosseuses.  On  comprend  combien  il  est 
important  de  tenir  compte  de  ces  anomalies  lorsqu'on  doit  faire  la  ligature 
de  l'humérale  pour  une  plaie  ou  un  anévrysme. 

Nous  avons  parlé  des  veines  profondes;  les  veines  superficielles  for- 
ment deux  troncs  qui  rampent  dans  la  couche  profonde  du  fascia  sous- 
cutané,  ou  même  dans  l'épaisseur  de  l'aponévrose  ;  la  basilique  suit  le 
trajet  de  l'artère  le  long  de  la  gouttière  bicipitale  interne;  elle  se  jette 
dans  l'axillaire  ou  quelquefois  dans  une  des  veines  profondes.  La  cépha- 
lique  remonte  le  long  du  bord  externe  du  biceps,  puis  dans  l'interstice 
qui  sépare  le  deltoïde  du  grand  pectoral,  et  traverse  cet  interstice  pour 
aller  s'aboucher  dans  l'axillaire. 

Les  lymphatiques  profonds  suivent  le  trajet  de  l'artère  et  présentent 
trois  ou  quatre  ganglions  le  long  de  la  gouttière  bicipitale  interne.  Les 
lymphatiques  superficiels  sont  nombreux;  ils  se  réunissent  dans  la 
gouttière  bicipitale  interne  et  suivent  la  veine  basilique,  mais  ils  restent 
sous-cutanés  et  ne  s'enfoncent  pas  dans  l'aponévrose  comme  la  veine. 

Des  cinq  nerfs  qu'on  rencontre  au  bras,  le  médian  est  le  plus  important 
à  considérer  au  point  de  vue  de  la  médecine  opératoire,  à  cause  de  ses 
rapports  avec  l'artère.  D'abord  situé  en  dehors  de  ce  vaisseau,  à  sa  sortie 
de  l'aisselle,  il  lui  devient  bientôt  antérieur  jusqu'auprès  du  pli  du  coude, 
où  il  le  croise  de  nouveau  pour  se  placer  à  son  côté  interne. 

Le  cubital,  situé  dans  toute  sa  longueur  en  dedans  de  l'artère  et  dans 
une  autre  gaine,  se  porte  en  arrière  à  la  partie  inférieure  et  perce  la  cloi- 
son intermusculaire  interne  pour  se  placer  dans  la  région  postérieure  du 
bras  et  aller  passer  derrière  l'épitrochléc;  il  ne  donne  pas  de  branches 
au  bras. 

Le  radial  se  porte  en  arrière  et  se  place  bientôt  dans  la  gouttière  de 
l'humérus,  à  laquelle  il  donne  son  nom,  et  qu'il  parcourt  recouvert  par  le 
triceps,  auquel  il  donne  des  filets;  arrivé  au  bord  externe  de  ce  muscle, 
il  perce  la  cloison  intermusculaire  externe,  se  place  dans  la  gouttière  bi- 
cipitale externe,  et  arrive  ainsi  au  coude  en  fournissant  des  branches  au 
brachial  antérieur,  au  long  supinateur  et  aux  radiaux  externes. 

Le  musculo-cutané,  ou  cutané  externe,  croise  le  faisceau  vasculo-ner- 
veux,  traverse  le  muscle  coraco-brachial  en  lui  laissant  un  rameau,  puis 
passe  sous  le  biceps,  auquel  il  fournit  également,  et  gagne  enfin  la  face 
externe  du  bras  à  sa  partie  inférieure  et  les  régions  voisines  du  coude  et 
de  l'avant-bras. 

Le  cutané  interne  s'accole  à  la  basilique  et  l'accompagne  pour  aller 
se  distribuer  à  la  peau  de  la  partie  interne  du  coude  et  des  régions 
voisines.  Ces  filets  nombreux  sont  quelquefois   atteints  par  la  lancette 


508  BRAS.  —  vices  de  conformation. 

dans  les  saignées  de  la  basilique.  Les  téguments  de  la  partie  interne 
et  supérieure  du  bras  reçoivent  encore  des  rameaux  des  2e  et  5e  nerfs 
intercostaux. 

Le  corps  de  l'humérus  est  prismatique  et  triangulaire;  il  s'aplatit  et 
s'élargit  à  sa  partie  inférieure  en  approchant  de  la  surface  articulaire  du 
coude,  et  se  courbe  en  même  temps  un  peu  en  avant.  Ses  faces  interne 
et  externe,  ainsi  que  son  angle  antérieur,  sont  embrassés  par  les  inser- 
tions du  brachial  antérieur,  sa  face  postérieure  est  recouverte  par  le  tri- 
ceps, et  ses  bords  latéraux  donnent  attache  aux  cloisons  intermusculaires 
interne  et  externe,  de  sorte  que  dans  une  grande  partie  de  sa  longueur 
il  est  entièrement  couvert  d'insertions  musculaires.  La  face  interne, 
tournée  en  avant  et  en  dedans,  est  en  rapport  avec  l'artère  que  l'on  com- 
prime sûrement  sur  elle,  et  présente  le  trou  nourricier  vers  l'union  du 
tiers  moyen  de  l'os  avec  le  tiers  inférieur. 

Les  extrémités  supérieure  et  inférieure  de  l'humérus  seront  décrites  aux 
articles  épaule  et  coude,  nous  n'aurons  h  nous  en  occuper  qu'en  parlant 
des  fractures. 

Vices  de  conformation.  —  Le  bras  offre  rarement  des  dimensions 
moindres  que  celles  indiquées  plus  haut,  cependant  on  le  voit  quelque- 
fois, par  un  véritable  arrêt  de  développement,  rester  plus  court  que 
l'avant-bras,  et  présenter  ainsi  dans  l'âge  adulte  les  proportions  qui 
appartiennent  à  la  période  fœtale.  D'autres  fois  le  bras  ne  fait  que  parti- 
ciper a  un  arrêt  de  développement  qui  porte  sur  l'ensemble  du  membre 
supérieur.  Vel peau  rapporte  que  sur  deux  malades  qu'il  a  observés,  le  bras 
se  trouvait  ainsi  atrophié,  ou  pour  mieux  dire  offrait  un  véritable  défaut 
de  croissance,  l'un  de  ces  malades  avait  subi,  avant  son  entier  développe- 
ment, l'amputation  au-dessus  du  coude,  et  on  sait  qu'en  pareil  cas 
le  membre  cesse  plus  ou  moins  de  s'accroître;  chez  l'autre  malade, 
le  membre  était  paralysé  depuis  l'enfance,  dans  ce  cas  encore  la  crois- 
sance s'arrête  dans  les  parties  paralysées.  J'ai  eu,  l'année  dernière, 
dans  mon  service  de  l'hôpital  Necker,  un  malade  dont  le  membre  supé- 
rieur gauche  était  d'un  tiers  au  moins  plus  petit  que  le  droit  dans  toutes 
ses  dimensions;  il  était  en  même  temps  beaucoup  plus  faible,  mais  cette 
faiblesse  m'a  semblé  tenir  au  défaut  de  développement  des  organes  plutôt 
qu'à  une  paralysie  véritable. 

Ces  vices  de  conformation  ne  sont  pas,  à  proprement  parler,  des 
monstruosités.  Il  n'en  est  plus  de  même  lorsqu'il  y  a  absence  congénitale 
d'une  portion  plus  ou  moins  grande  du  bras  et  de  la  totalité  de  l'avant- 
bras  et  de  la  main.  Dans  ces  avortements  du  membre  supérieur  qui 
constituent,  suivant  leur  degré,  YEctromélie  et  Yhémimélie  d'Isidore 
Geoffroy  Saint-lliliaire,  il  n'existe  qu'un  tronçon  du  bras  ou  quelquefois 
un  bras  presque  entier,  mais  souvent  imparfait  ta  sa  partie  inférieure. 

Les  sujets  affectés  d'ectromélie  ou  d'bémimélie  des  membres  thoraci- 
qucs,  offrent  souvent  aux  membres  inférieurs  des  vices  de  conformation 
semblables  ou  des  phocomélies  ;  car  cette  dernière  monstruosité  est  plus 
fréquente  aux  membres  pelviens,  tandis  que  l'ectromélie  et  l'hémimélie 


BRAS.    —    VICES    DE    COïNFOIîMATION. 


509 


se  voient  plus  souvent  aux  membres  thoraciques.  C  est  ce  qui  avait  lieu 
sur  un  enfant  de  neuf  ans  dont  Breschet  à  publié  la  description  (fig.  57), 
Nous  n'en  reproduisons 
que  ce  qui  concerne  les 
membres  supérieurs.  — 
«  ...Les  membres  tbora- 
ciques  sont  formés  de 
deuxmoignons  coniques  ; 
celui  du  coté  gauehe  est 
un  peu  plus  long  et  plus 
pointu  que  celui  du  côté 
droit.  Les  tronçons  sont 
composés  d'une  omo- 
plate, d'une  clavicule  bien 
conformée  et  de  la  partie 
supérieure  de  l'humérus. 
L'extrémité  du  moignon 
droit  est  molle  et  n'offre 
aucune  espèce  de  cica- 
trice; à  sa  partie  anté- 
rieure, on  voit  un  petit 
tubercule  cutané.  Du  côté 
gauche,  le  moignon  pré- 
sente à  son  sommet  une 
petite  portion  de  l'extré- 
mité de  l'humérus,  qui 
est  nécrosé.  Le  moignon 
comme  le  précédent  et  dans  le  même  point  offre  un  tubercule  cutané. 

«  L'enfant  fait  mouvoir  ces  deux  tronçons  en  tous  sens,  il  peut  même 
les  porter  à  sa  bouche,  ce  qui  indique  que  tous  les  muscles  de  l'épaule 
existent...  » 

Cette  description  peut  donner  une  idée  suffisante  de  ce  genre  de  vice 
de  conformation. 

Dans  d'autres  cas  les  membres  thoraciques  sont  seuls  affectés,  comme 
dans  l'observation  d'Ambroise  Paré  (figure  58)  ;  d'après  ce  dessin,  les 
bras  manqueraient  presque  complètement,  et  les  membres  supérieurs  se- 
raient réduits  au  moignon  de  l'épaule.  Suivant  la  coutume  de  la  plupart 
des  auteurs,  A.  Paré  insiste  surtout  sur  la  perfection  avec  lequelle  cet 
homme  suppléait  aux  membres  qui  lui  manquaient,  et  c'est,  en  effet,  là 
un  sujet  curieux  d'observation.  Il  se  servait  d'une  cognée,  d'un  fouet 
qu'il  saisissait  entre  sa  tète  et  son  épaule,  il  mangeait  avec  ses  pieds, 
jouait  aux  cartes  et  aux  dés  et,  qui  plus  est,  il  trouva  moyen  d'être  voleur, 
meurtrier  et  de  mériter  la  potence. 

A  côté  de  ces  cas  se  placent  ceux  qu'on  a  désignés  sous  le  nom  d'am- 
putations spontanées  et  qui  sont,  comme  Ta  surtout  démontré  Montgo- 
mery,  le  résultat  de  l'étranglement,  soit  par  le  cordon  ombilical  enroulé 


Fig.  37.   —  Ectromélie  bithoracique  cl  phocomélïe  biabdomi- 
nable  asymétrique  (Breschet,  Bulletin  de  la  Faculté,  t.  VI). 


510 


BRAS. 


VICES    DE    CONFORMATION. 


autour  du  membre,   soit  par  des  brides  accidentelles  formées   dans  les 
membranes.  Dans  la  figure  50,  qui  représente  un  fœtus  de  4  mois  présenté 

à  la  Société  pathologique  de  Dublin 
par  Beaty,  on  remarque  une  ampu- 
tation presque  complète  du  bras 
gauche,  causée  par  la  constriction 
d'un  nœud  du  cordon  qui  agissait 
comme  une  ligature. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'entrer 
dans  des  détails  qui  trouveront  leur 
place  à  l'article  Monstruosités  ;  nous 


Fig.  58  —  Ectromélie  bithoracique  (àmbroise 
Paré,  t.  III,  p.  25), 


Fig.  59.  —  Fœtus  de  quatre  mois 
(Beaty). 


ferons  seulement  observer  que,  suivant  la  remarque  de  Debout,  on  peut 
distinguer  les  arrêts  de  développement  des  amputations  spontanées,  par 
l'absence  de  cicatrice  au  bout  du  moignon,  par  l'existence  à  peu  près 
constante  de  tubercules,  d'excroissances,  qui  sont  les  rudiments  des 
parties  manquantes,  et  dans  lesquels  on  peut  souvent  reconnaître  des 
doigts,  soit  à  leur  forme,  soit  aux  ongles  qui  les  garnissent  et,  lorsqu'on 
peut  disséquer  les  membres,  par  la  terminaison  des  nerfs  et  des  vaisseaux 
dont  la  continuité  est  brusquement  interrompue  dans  le  cas  d'ampu- 
tations spontanées,  tandis  qu'ils  se  terminent  dans  l'autre  cas  par  des 
extrémités  périphériques  véritables,  quoique  anormales. 

I.  Geoffroy  Saint-IIilaire  regardait  les  ectromélies  et  hémimélies  d'un 
seul  membre  comme  beaucoup  plus  rares  que  celles  qui  affectent  les  deux 
côtés  à  la  fois;  mais  Debout  a  démontré,  au  contraire,  qu'elles  sont  beau- 
coup plus  communes.  Pour  mon  compte,  j'en  ai  rencontré  plusieurs,  je 
me  souviens,  entre  autres,  d'une  ouvrière  fort  habile  qui  n'avait  qu'un 
bras  et  de  l'autre  côté  un  moignon  qui  avait  le  tiers  environ  de  la  longueur 
du  bras  sain. 

L'avortement  ou  l'arrêt  de  développement,  au  lieu  de  faire  disparaître 


BRAS.    VICES    DE    CONFORMATION. 


511 


l'extrémité  du  membre  supérieur  en  même  temps  qu'une  partie  du  bras, 
peut  porter  exclusivement  sur  les  segments  intermédiaires,  bras  et  avant- 
bras  en  laissant  la  main  à  l'état  normal  ou  à  peu  près.  Il  en  résulte  alors 
le  vice  de  conformation  que  I.  Geoffroy  Saint-Hilaire  désigne  sous  le 
nom  de  phocomélie,  et  dans  lequel  la  main,  plus  ou  moins  normalement 
conformée,  paraît  tenir  immédiatement  h  l'épaule  ou,  du  moins,  s'y  ratta- 
cher par  un  pédicule  à  peine  développé.  De  même  que  l'hémimélie  et 
l'ectromélie  du  bras,  la  phocomélie  peut  porter  sur  les  quatre  membres 
à  la  fois,  comme  cela  avait  lieu  sur  le  nommé  Cazotte,  qui  est  devenu 
célèbre  dans  les  ouvrages  de  tératologie;  mais  on  trouve  un  plus  grand 
nombre  de  cas  de  phocomélie  thoracique  sans  difformité  des  membres 
inférieurs. 

Nous  empruntons  au  musée  Dupuytren  la  pièce  suivante  qui  peut  être 
regardée  comme  un  type  de  phocomélie  bithoraciijue  (lig.  40). 


rj-^h-: 


c?, 


^:<^cv\.r\> 


Fig.  40.  —  Phocomélie  bilhoracique  (Musée  Dupuylren). 


((  Enfant  mort-né,  du  sexe  féminin,  ne  présentant  d'autre  anomalie 
que  l'arrêt  de  développement  des  membres  supérieurs.  Les  mains  sont 
complètes  et  bien  conformées;  le  reste  du  membre  est  constitué  par 
un  bourrelet  de  peau  qui  semble  être  le  prolongement  de  l'épaule.  Les  plis 
profonds  qu'on  y  remarque  sont  produits  par  des  brides  musculaires  E, 
qui  viennent  adhérer  au  tégument,  comme  pour  le  faire  concourir  à  la 
solidité  du  membre.  La  préparation  de  cette  pièce  tératologique  montre 
que  les  muscles  du  cou  sont  normalement  développés.  La  partie  supérieure 
du  grand  pectoral  A,  se  joint  au  deltoïde  C.  et  va  s'insérer  à  la  face  ex- 
terne du  bras;  sa  partie  inférieure  se  réunit  au  grand  dorsal:  quant  à  sa 
portion  moyenne,  elle  vient  se  fixer  à  une  intersection  fibreuse  qui  donne 
également  attache  aux  masses  musculaires  destinées  à  mouvoir  la  main. 
On  distingue  trois  de  ces    masses;  une  médiane  plus  volumineuse  H, 


51  "2  BftAS.    —    INFLAMMATIONS. 

destinée  à  la  flexion  des  doigts  et  deux  latérales,  qui  sont  les  vestiges  des 
muscles  radiaux  G,  et  des  muscles  cubitaux  L.  Entre  ces  masses  sont 
placées,  au  côté  externe  le  nerf  médian  K,  qui  va  fournir  deux  rameaux 
au  pouce,  à  l'index  et  au  médius,  et  au  côté  interne  le  nerf  cubital  I, 
qui  se  termine  dans  l'annulaire  et  le  petit  doigt.  A  la  partie  postérieure 
du  membre,  le  muscle  le  moins  incomplet  est  l'extenseur  des  doigts,  et 
encore  il  nous  a  paru  moins  développé  que  les  fléchisseurs.  »  (Debout.) 

Debout  pense  que,  dans  la  phocomélie  thoracique,  l'humérus  ne  man- 
que jamais.  Dans  un  certain  nombre  de  cas  il  est  facile  de  reconnaître  cet 
os.  Mais  dans  la  pièce  dont  nous  lui  avons  emprunté  la  figure,  de  même 
que  sur  Cazotte,  dont  la  description  a  été  donnée  par  Duméril,  cette  opi- 
nion nous  paraît  difficile  à  soutenir.  Duméril  regardait  la  pièce  osseuse 
qui  réunit  la  main  à  l'épaule  comme  représentant  un  os  du  carpe.  Et 
pour  nous,  nous  sommes  très-disposés  à  n'y  pas  considérer  comme  un 
humérus,  pas  plus  que  dans  l'observation  que  nous  avons  citée,  cette  pièce 
osseuse  dont  la  forme  ne  rappelle  pas  l'os  du  bras.  Ce  qui  nous  paraît  le 
plus  probant  contre  l'opinion  de  Debout,  c'est  que,  s'il  y  avait  un 
humérus,  les  muscles  grand  pectoral,  grand  dorsal  et  une  partie  des 
muscles  qui  se  rendent  à  la  main,  devraient  s'y  insérer;  or,  nous  avons 
vu  que  ces  muscles,  sans  points  d'attache  osseuse  du  côté  du  bras,  s'in- 
sèrent sur  une  intersection  fibreuse  intermédiaire.  Ce  serait  cette  inter- 
section que  nous  serions  tenté  de  regarder  comme  représentant  l'humé- 
rus avorté. 

PATHOLOGIE    CHIRURGICALE. 

inflanaafiisuioifis.  —  Les  dispositions  anatomiques  des  différentes  ré- 
gions du  bras  ont  une  grande  influence  sur  la  nature,  et  surtout  sur  la 
forme  des  affections  inflammatoires  qui  s'y  développent.  Ainsi  c'est 
presque  exclusivement  sur  les  faces  postérieure  et  externe  que  se 
montrent  les  furoncles  et  les  anthrax,  qui  trouvent,  dans  la  peau  et  le 
tissu  sous-cutané  de  ces  régions,  les  mêmes  conditions  de  structure 
qu'à  la  région  dorsale  du  tronc  où  ces  affections  sont,  comme  on  le  sait, 
très- fréquentes.  Les  conditions  de  structure  expliquent  aussi  la  fréquence 
plus  grande  des  inflammations  diffuses  dans  les  parties  antéro-internes,  et 
des  phlegmons  circonscrits  dans  la  région  postéro-externe.  Mais  il  ne 
faudrait  pas  voir,  dans  cette  fréquence,  une  loi  invariable,  carie  phlegmon 
diffus  gagne  souvent  la  face  postérieure  du  membre,  et  il  n'est  pas  rare 
de  trouver  des  phlegmons  circonscrits  à  la  face  antérieure.  En  effet,  le 
caractère  diffus  vient  moins  des  conditions  anatomiques  que  de  la  nature 
même  de  la  maladie,  qui  s'étend  seulement  plus  vite  et  plus  loin  si  elle 
rencontre  des  dispositions  favorables,  mais  qui  n'en  reste  pas  moins  dif- 
fuse, pour  être  ralentie  dans  sa  marche  par  les  obstacles  que  lui  oppose 
la  résistance  des  parties.  Du  reste,  ce  n'est  guère  qu'en  avant  et  eu 
dedans  que  les  affections  phlegmoneuses  offrent  des  caractères  parti- 
culiers sur  lesquels  nous  devons  insister. 

Les  inflammations  du  bras  ont  souvent  une  cause  locale  dans  la  partie 


BUAS.    I.NFL.UIMATIONS.  513 

elle-même,  telles  que  des  plaies,  des  contusions,  des  fractures  compli- 
quées, etc.,  les  vésicatoires,  les  cautères  qu'on  applique  de  préférence 
dans  ce  point  deviennent  parfois  le  point  de  départ  d'érysipèles,  d'éry- 
sipèles  phlegmoneux,  d'angioleucites.  On  a  encore  observé  ces  accidents 
à  la  suite  de  la  vaccine,  qu'on  a  trop  l'habitude  de  pratiquer  sans  s'oc- 
cuper des  influences  épidémiques  qui  peuvent  exister  et  de  l'état  de  santé 
du  sujet.  Si  légère  que  soit  l'opération,  on  ne  devrait  pas  oublier  que  c'est 
une  opération  qui  expose,  dans  certaines  limites,  aux  mêmes  accidents 
que  les  autres.  Mais,  outre  ces  causes  locales,  les  inflammations  du  bras 
ont  souvent  leur  point  de  départ  à  la  main,  au  poignet,  au  coude;  l'in- 
flammation de  la  bourse  séreuse  olécrànienne  expose  beaucoup  au  phlegmon 
diffus  du  bras  qui,  dans  ces  cas,  se  déclare  surtout  à  la  partie  postérieure 
du  membre;  d'autrefois,  un  phlegmon  diffus  de  l'avant-bras  remonte 
en  suivant  le  tissu  cellulaire  sous-cutané  ou  profond  ;  ou  bien  une  angio- 
leucite  partie  de  la  main  détermine  l'érysipèle  phlegmoneux  dans  le  voisi- 
nage des  vaisseaux  lymphatiques  que  nous  avons  vus  remonter  en  suivant 
la  gouttière  bicépitale  interne.  Les  lymphatiques  deviennent  encore  une 
cause  de  plegmons  profonds  dans  cette  région,  par  l'inflammation  des 
ganglions  que  nous  y  avons  signalés  ;  dans  ce  cas,  chaque  ganglion  de- 
venant un  centre  d'inflammation,  on  trouve  quelquefois  une  série  de 
phlegmons  rangés  le  long  du  bord  du  biceps  :  cette  disposition  n'est  pas 
très-rare.  Il  n'y  a  pas  longtemps  que  j'en  avais  un  exemple  remarquable 
dans  mon  service.  La  suppuration  peut  encore  se  propager  de  haut  en 
bas,  du  tissu  cellulaire  de  l'aisselle  à  celui  du  bras,  et  cette  communi- 
cation a  lieu  aussi  bien  dans  la  couche  sous-aponévrotique  que  dans  la 
couche  sous-cutanée.  Le  pus  vient  même  parfois  d'encore  plus  loin.  J'ai 
soigné,  il  y  a  quelques  mois,  un  malade  sur  qui  un  abcès  développé  dans 
la  région  sus-claviculaire  avait  fusé  dans  l'aisselle,  par  derrière  la  clavi- 
cule ,  et  de  là  à  la  région  interne  du  bras,  entre  l'aponévrose  et  les 
muscles  biceps  et  brachial  antérieur,  de  façon  à  former  une  vaste  collec- 
tion étendue  de  la  base  du  cou  à  la  partie  moyenne  du  bras.  Mais  on  voit  plus 
souvent  le  phlegmon  et  la  suppuration  se  diriger  en  sens  inverse  et  gagner 
le  creux  de  l'aisselle,  surtout  lorsqu'ils  siègent  dans  la  couche  sous-apo- 
névrotique ;  car,  dans  la  couche  sous-cutanée,  la  peau  est  si  mince  et  si 
délicate,  que  le  pus  la  perce  souvent  avant  d'avoir  produit  de  grands  décol- 
lements dans  le  tissu  cellulaire  de  cette  région,  malgré  le  peu  de  résistance 
qu'il  oppose. 

La  laxité  du  tissu  cellulaire  surtout  à  la  région  antérieure,  rend  souvent 
difficile  le  diagnostic  des  collections  purulentes  à  la  suite  du  phlegmon 
diffus,  comme  l'a  fait  observer  Yelpeau.  En  effet,  si  le  pus  est  sous-cu- 
tané, il  repose  sur  une  aponévrose  mince  presque  celluleuse  qui  ne  lui 
fournit  pas  un  point  d'appui  solide,  et  dans  la  couche  celluleuse  molle  ou 
il  se  développe,  répanchement  éprouve  trop  peu  de  résistance  pour  for- 
mer une  collection  où  la  fluctuation  soit  bien  évidente;  si,  au  contraire, 
la  suppuration  se  fait  entre  les  muscles,  le  biceps  par  sa  mobilité,  masque 
la  présence  d'un  abcès  toujours  mou  et  mal  limité  et   reposant  le  plus 

NOUV.   DICT.   MIÎD.    ET    CHIP..  .  V.   33 


514-  BRAS.  —  contusions,  plaies. 

souvent  sur  le  brachial  antérieur  qui  ne  lui  fournit  pas  un  point  d'appui 
solide.  Il  en  résulte  qu'on  est  très-exposé,  à  prendre  pour  une  collection 
purulente,  l'œdème  inflammatoire  qui  accompagne  le  phlegmon  diffus, et, 
par  contre,  à  ne  pas  reconnaître  la  fluctuation  d'un  abcès.  Il  est  surtout  très- 
difficile,  et  souvent  impossible  de  reconnaître  si  le  pus  est  superficiel  ou 
s'il  est  sous-musculaire,  principalement  lorsque  le  biceps  est  peu  déve- 
loppé. Ces  remarques  ne  s'appliquent  qu'à  la  région  antérieure  du  bras, 
car  en  arrière,  les  tissus  offrent  plus  de  fermeté  et  les  collections  liquides 
trouvent,  sur  l'aponévrose,  sur  le  biceps  et  sur  la  face  postérieure  de  l'hu- 
mérus, une  base  assez  résistante  pour  qu'on  sente  facilement  la  fluctuation. 

L'ouverture  des  abcès  du  bras  n'offre  pas  de  difficultés;  les  seules 
veines  superficielles  à  ménager  sont  la  basilique  et  la  céphalique  dont  la 
position  est  constante;  l'artère  est  facile  à  éviter  ainsi  que  les  nerfs  mé- 
dian et  cubital,  mais  il  faut  se  rappeler  la  possibilité  d'un  division  pré- 
maturée de  l'artère,  et  s'assurer  qu'une  de  ses  branches  ne  rampe  pas 
sous  la  peau  dans  le  point  qu'on  veut  inciser.  A  la  face  externe,  on  n'a 
à  ménager  que  le  nerf  radial  et  l'artère  numérale  profonde,  qui  l'accom- 
pagne, au  moment  où  ils  sortent  de  dessous  le  biceps  pour  se  placer  dans 
la  partie  inférieure  de  la  gouttière  bicépitale  externe.  Lors  donc  qu'on 
aura  à  pratiquer  l'ouverture  d'un  abcès  profond,  on  devra,  autant  que  la 
position  du  pus  le  permettra,  faire  l'incision  vers  le  bord  externe  du  biceps. 

Lorsqu'on  doit  faire  des  incisions  multiples  pour  un  phlegmon  diffus 
de  la  région  interne  du  bras,  il  faut  prendre  en  considération  la  finesse 
des  téguments  dans  ce  point,  et  la  facilité  avec  laquelle  ils  se  gangrènent 
et  s'ulcèrent  lorsqu'ils  sont  décollés.  Si  les  incisions  trop  rapprochées  ne 
laissent  entre  elles  que  d'étroites  bandes  de  peau,  on  risque  de  voir  ces 
points  détruits  par  la  gangrène.  Il  en  est  de  même  encore  des  bords  de 
l'incision,  lorsqu'elle  est  très-étendue.  On  devra  donc,  tout  en  ouvrant 
au  pus  un  écoulement  suffisant,  ne  faire  les  incisions,  ni  trop  grandes, 
ni  trop  multipliées.  Je  me  souviens  d'avoir  vu,  plusieurs  fois,  lorsque 
j'étais  étudiant,  dans  le  service  d'un  chirurgien  qui  ne  ménageait  pas 
assez  les  incisions,  les  téguments  de  la  face  interne  du  bras  tomber 
complètement  en  gangrène  et  laisser  à  nu  les  muscles  dans  un  tiers  ou 
un  quart  de  la  circonférence  du  membre. 

Contusions,  niaies.  —  Par  sa  position  et  ses  usages,  le  bras  est 
très-exposé  aux  blessures  ;  il  se  porte,  soit  instinctivement,  soit  de  propos 
délibéré,  au-devant  des  corps  vulnérants  pour  couvrir  la  tête  ou  la  poitrine 
contre  leur  atteinte.  Aussi,  quoiqu'il  échappe  dans  bien  des  cas  par  sa 
mobilité,  il  est  néanmoins  encore  une  des  parties  où  l'on  observe  le 
plus  de  plaies  et  de  contusions. 

Dans  les  contusions,  le  sang  s'infiltre  avec  la  plus  grande  facilité  sur- 
tout à  la  région  interne,  et  on  voit  des  ecchymoses  qui  gagnent  jusqu'à 
l'aisselle  et  quelquefois  jusqu'aux  parties  voisines  du  thorax.  Cependant 
cette  facilité  d'infiltration  ne  met  pas  les  parties  à  l'abri  des  épanche- 
ments  et  des  collections  sanguines  qui  décollent  la  peau  et  la  disposent  à 
la  gangrène,  surtout  si  elle  a  été  fortement  contuse.  En  outre,  il  n'est  pas 


UfiAS.    C0XTUS10NS,    PLAIES.  515 

rare,  dans  ces  circonstances,  que  l'inflammation  s'empare  des  tissus,  que 
la  suppuration  s'y  développe  et  produise  des  abcès  diffus,  qui  s'étendent 
au  loin  dans  les  tissus  pénétrés  de  sang.  Nous  avons  vu  qu'il  est  souvent 
difficile  de  diagnostiquer  les  abcès  du  bras,  mais  la  difficulté  est  plus  grande 
encore  lorsqu'il  s'agit  de  reconnaître  le  moment  où  l'épancliement  san- 
guin se  change  en  abcès.  On  doit  y  apporter  la  plus  grande  attention;  car, 
s'il  est  très-important  d'ouvrir  de  bonne  beure  l'épancliement  suppuré 
pour  éviter  la  formation  des  clapiers,  il  l'est  peut-être  encore  plus  de  ne 
pas  inciser  les  collections  sanguines  simples  tant  qu'on  peut  en  espérer 
la  résorption.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  l'épancliement  de  sang  n'offre 
pas  une  grande  gravité,  tant  qu'il  n'est  pas  exposé  au  contact  de  l'air, 
mais  qu'une  fois  ouvert  le  danger  devient  beaucoup  plus  grand,  et  que 
l'ouverture  d'un  semblable  foyer  expose  bien  plus  que  celle  d'un  foyer 
purulent.  De  là,  le  principe  général  d'attendre,  pour  inciser  les  collections 
sanguines,  que  la  suppuration  y  soit  bien  établie  et  les  ait  transformées 
en  abcès. 

La  position  du  faisceau  vasculo-nerveux  principal,  à  la  face  interne 
du  bras,  le  protège  contre  l'action  des  corps  vulnérants,  de  sorte  qu'il  est 
rarement  al  teint,  mais  il  n'en  est  pas  de  même  du  nerf  radial,  à  sa  partie 
inférieure  où  il  est  exposé  à  être  atteint  par  une  cause  traumatique  agis- 
sant sur  la  région  externe  du  membre.  Il  peut,  dans  ce  point,  èlre  faci- 
lement divisé  par  un  instrument  tranchant,  ou  désorganisé  par  l'action 
d'un  corps  contondant.  Il  en  résulte  uu^  paralysie  des  parties  auxquelles 
il  se  distribue  ;  aussi  ne  manque-t-on  pas  d'exemples  de  perte  des  mou- 
vements de  supination  de  la  main  et  d'extension  des  doigts  à  la  suite  de 
violences  sur  la  face  externe  du  bras.  Les  contusions  dans  cette  région, 
lorsqu'elles  sont  légères  produisent  souvent  des  douleurs  plus  ou  moins 
persistantes  dans  la  portion  correspondante  de  l'avant-bras,  et  dans  le 
pouce,  l'index  et  le  médius;  pins  fortes,  elles  sont  suivies  d'une  paralysie 
des  muscles  indiqués  plus  haut,  paralysie  qui  se  dissipe  habituellement 
avec  du  temps  et  un  traitement  convenable,  lorsque  la  lésion  n'a  pas  été 
jusqu'à  détruire  la  continuité  du  nerf.  Les  exemples  \\cn  sont  pas  très- 
rares  j'ai  eu  l'occasion  d'en  observer  plusieurs  fois  après  des  morsures  de 
cheval.  Le  musculo-culané  est  également  assez  exposé,  mais  on  s>sl 
moins  occupé  de  ses  lésions  traumatiques  parce  que  les  paralysies  qui 
en  résultent  ont  moins  de  gravité  par  rapport  aux  fonctions  du  membre. 

Les  plaies  du  bras  ne  donnent  pas  souvent  lieu  à  des  bémorrhagies 
inquiétantes,  l'humérale  profonde,  dans  le  point  où  elle  est  le  plus  expo- 
sée, à  sa  sorlic  de  dessous  le  triceps,  offrant  un  faible  volume,  et  l'hu- 
mérale étant  rarement  atteinte  par  suite  de  sa  position.  Du  reste  la 
ligature  de  l'artère  ouverte  est  rarement  difficile,  et  le  plus  souvent 
rhémorrhagie  s'arrêterait  d'elle-même  ou  par  la  compression  des  pièces 
de  pansements,  lorsqu'elle  n'est  pas  fournie  par  le  tronc  principal. 

A  la  suite  des  plaies  de  l'humérale  il  n'est  pas  rare  d'observer  l'ané- 
vrysme  diffus,  malgré  la  position  superficielle  du  vaisseau,  parce  que  la 
laxité  du  tissu  cellulaire  voisin  permet  au  sang  de  s'infiltrer  avec  la  plus 


516  BRAS.  —  contusion:,  plaies. 

grande  facilité,  pour  peu  qu'il  éprouve  de  résistance  à  sortir  par  la  plaie 
des  téguments.  On  trouve  encore  assez  souvent  des  anévrysmes  consécutifs 
ce  qui  peut  bien  tenir,  en  partie,  du  moins,  à  ce  que  la  facilité  avec 
laquelle  on  peut  comprimer  l'artère,  engage  souvent  à  tenter  ce  moyen 
pour  éviter  la  ligature;  on  obtient  ainsi  la  cessation  immédiate  de  l'hé- 
morrhagie,  mais  la  guérison  est  rarement  solide.  La  présence  des  deux 
grosses  veines,  satellites  de  l'artère,  explique  comment  les  anévrysmes 
varriqueux,  ne  sont  pas  rares  au  bras,  bien  que  moins  fréquents  qu'au 
pli  du  coude. 

L'humérus  lui-même  peut  être  divisé  complètement  ou  en  partie  par 
un  instrument  tranchant.  Tour  que  la  solution  de  continuité  soit  com- 
plète, il  faut  une  telle  division  des  parties  molles,  qu'on  a  peine  à  croire 
à  la  possibilité  de  la  réunion  d'une  semblable  plaie.  La  science  en  possède 
cependant  des  exemples  bien  avérés;  le  suivant,  qui  nous  a  été  conservé 
par  de  la  Faye  avec  des  détails  assez  complets,  suffit  pour  prouver  qu'en 
pareil  cas  il  ne  faut  pas  désespérer  de  la  conservation  du  membre.  Un  homme 
reçut  un  coup  de  hache  qui  coupa  obliquement  l'os  même  avec  les  mus- 
cles qui  l'environnent  ne  laissant  d'entier  que  le  cordon  des  vaisseaux 
avec  une  bande  de  peau  large  d'un  pouce,  les  deux  parties  coupées 
étaient  séparées  par  un  espace  de  huit  pouces.  On  le  conduisit  à  de  la 
Peyronie  qui  maintint  les  parties  affrontées  au  moyen  d'un  appareil 
convenable,  en  observant  de  le  faire  fenestré,  pour  pouvoir  panser  la 
plaie  sans  toucher  à  ce  qui  tenait  les  os  en  sujétion.  Il  fit  des  pansements 
rares;  le  quatorzième  jour  la  cicatrisation  commençait;  l'appareil  fut  levé 
le  cinquantième  jour,  et  la  guérison  était  complète  au  bout  de  deux  mois, 
à  un  peu  iV engourdissement  près  dans  la  partie.  On  voit  par  ce  fait  que, 
quoi  qu'en  aient  dit  certains  auteurs,  la  consolidation  des  os,  après  leur 
section,  n'est  pas  nécessairement  plus  lente  que  la  formation  du  cal  dans 
les  fractures. 

De  semblables  guérisons  prouvent  que  le  membre  supérieur  et  le  bras, 
en  particulier,  offre  de  bien  grandes  ressources  pour  la  guérison  des 
plaies,  mais,  d'un  autre  côté,  on  éprouve  souvent  de  grandes  difficultés 
pour  obtenir  la  réunion  immédiate;  en  effet,  la  peau  si  fine  de  la  région 
antéro-interne,  soutenue  par  un  tissu  cellulaire  qui  lui  permet  de  glisser 
avec  une  grande  facilité,  est  très-difficile  à  maintenir  eu  place  après  qu'on 
a  affronté  les  bords  d'une  solution  de  continuité,  parce  que  ces  bords  se 
roulent  en  dedans  avec  une  facilité  extrême,  et  que,  d'un  autre  côté  l'élasti- 
cité des  téguments,  qui  s'exerce  sur  toute  l'étendue  du  membre,  sans  être 
arrêtée  par  aucune  adhérence,  les  écarte  le  plus  souvent,  malgré  les 
moyens  employés  pour  les  retenir.  La  suture  entortillée  qui  empêche  bien 
le  renversement  des  lèvres  de  la  plaie,  ne  réussit  pas  toujours  à  assurer 
leur  contact,  et,  lors  même  qu'on  peut  y  arriver,  la  réunion  manque 
souvent  encore  par  suite  de  la  gangrène  qui  se  déclare  facilement  dans 
la  peau  décollée,  et  forme  un  liséré  qui  s'oppose  à  toute  adhérence. 

La  suture  entortillée  bien  faite  s'oppose  efficacement  au  renversement 
de  la  peau,  mais  elle  expose,  dans  une  région  où  la  peau  est  délicate,  au 


BRAS.  —  fractures  de  l' humérus.  .M  7 

danger  presque  infaillible  de  former  dans  les  points  serrés  contre  les 
épingles,  des  escharcs  qui  empêchent  la  réunion.  Il  vaut  donc  mieux 
recourir  à  la  suture  à  points  séparés  surtout  si  on  la  fait  au  moyen  de 
fils  métalliques  qui  soutiennent  les  lèvres  de  la  plaie  presque  aussi  bien 
que  les  épingles.  Mais  je  préfère  encore  les  scrrefines  lorsque  la  peau 
n'est  pas  trop  tendue,  et  en  ayant  soin  de  les  enlever  de  bonne  heure. 

Dans  les  plaies  profondes,  qui  divisent  plus  ou  moins  complètement  les 
muscles,  la  position  du  membre  est  de  la  dernière  importance;  on  le 
mettra  dans  la  flexion  pour  les  plaies  de  la  face  antérieure  et  dans  l'ex- 
tension pour  les  plaies  de  la  face  postérieure.  Cette  position  bien  main- 
tenue suffit,  le  plus  souvent,  pour  obtenir  l'affrontement  des  bouts  du 
muscle  divisé.  Lorsqu'un  nerf  a  été  coupé,  la  position  suffit  encore,  le 
plus  souvent,  pour  en  rapprocher  les  deux  extrémités;  mais  si,  par  suite 
d'une  perte  de  substance  ou  par  quelque  autre  cause,  elles  restent  à  dis- 
tance, on  pourra  les  amener  au  contact  en  faisant  la  suture  du  nerf,  qui 
a  déjà  réussi  plusieurs  fois. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  que  dans  les  sections  presque  complètes  du 
membre,  y  compris  l'humérus,  pourvu  qu'il  reste  entre  les  deux  portions 
un  lambeau  contenant  l'artère  et  les  nerfs  qui  raccompagnent,  on  doit 
suivre  l'exemple  de  la  Peyronie.  Le  plus  grand  risque  que  l'on  puisse 
courir,  est  d'échouer,  et  l'on  en  sera  quitte,  en  cas  d'insuccès,  pour 
faire  l'amputation  dès  que  le  développement  de  la  gangrène  montrera 
l'inutilité  d'efforts  plus  longtemps  prolongés. 

Antonin  Desormeaux. 

Luxai  ions  de  l'huniérus.  —  Les  luxations  de  l'humérus  sont  les 
plus  fréquentes  des  luxations  trauinatiqucs. 

Il  n'est  pas  de  place  que  la  tête  de  l'humérus  luxé  ne  puisse  occuper 
autour  de  la  cavité  glénoïde;  mais,  malgré  le  nombre  infini  et  la  variété 
des  rapports  possibles,  il  existe  des  types  principaux  qui  sont  au  nombre 
de  deux  pour  l'humérus  :  type  antérieur,  type  postérieur.  [Voij.  Épaule.) 

Fractures  de  l'humérus.  —  L'humérus  appartient  par  sa  tête  à 
la  région,  de  l'épaule;  par  son  corps,  à  la  région  du  bras,  et  par  son 
extrémité  inférieure  à  la  région  du  coude.  Il  serait  donc,  de  prime  abord, 
plus  raisonnable  de  diviser  l'étude  de  ses  fractures  en  trois  parties,  qui 
seraient  successivement  étudiées  à  l'article  Épaule,  Bras,  Coude.  C'est 
l'ordre  que  nous  avons  adopté  dans  le  travail  ex  professo  que  nous  avons 
publié  sur  les  luxations  et  les  fractures.  Mais  ici,  il  nous  parait  plus 
simple  de  décrire  dans  un  même  chapitre  toutes  les  fractures  de 
V  humérus. 

L'humérus  se  brise  à  toutes  les  hauteurs.  Les  fractures  de  l'humérus 
peuvent  consister  en  une  solution  de  continuité  complète  du  corps  de  l'os, 
ou  constituer  un  arrachement  (  arrachement  de  la  grosse  tubérosité , 
complication  fréquente  des  luxations,  etc.). 

Les  fractures  incomplètes  se  produisent  assez  souvent  à. l'humérus;  à 
la  suite  des  traumatismes  de  la  région  du  bras,  il  n'est  pas  rare  de  voir 


518  BRAS.    FRACTURES    DE    L'HUMÉRUS. 

le  corps  de  l'os  se  plier  et  conserver  une  position  plus  ou  moins  déviée  d< 
l'axe  ordinaire. 

Les  fractures  par  armes  à  feu  ne  présentent  au  bras  aucune  considé- 
ration qui  ne  rentre  dans  l'histoire  générale  des  fractures  par  armes  à  feu 
des  membres. 

Après  ces  quelques  généralités,  divisons  l'élude  des  fractures  de  l'hu- 
mérus en  :  1°  fractures  du  corps  ;  2°  fractures  de  l'extrémité  supérieure, 
5°  fracture  de  l'extrémité  inférieure. 

Fracture  du  corps  de  l'humérus.  —  Les  fractures  du  corps  de  l'humérus 
s'observent  presque  aussi  souvent  que  la  fracture  de  jambe.  Elles  sont  donc 
très-communes. 

Causes  et  mécanisme.  —  Les  causes  et  le  mécanisme  des  fractures  sont 
ce  qu'il  y  a  de  moins  connu  dans  l'histoire  si  intéressante  de  ces  lésions. 
Aussi  ne  nous  paraît-il  point  nécessaire  d'entrer  à  ce  sujet  dans  des  dis- 
cussions qui  ne  conduiraient  à  aucun  résultat.  Quelques  faits  présentés 
en  raccourci  permettront  mieux  de  comprendre  la  diversité  des  forces 
vulnérantes  et  les  difficultés  qui  surgissent  quand  on  veut  se  rendre  un 
compte  satisfaisant  de  leur  mode  d'action  : 

Deux  individus  veulent  éprouver  la  force  de  leur  poignet,  ils  se  placent 
en  face  l'un  de  l'autre,  les  doigts  entrelacés,  et  cherchent,  dans  cette  po- 
sition, à  renverser  en  dehors  le  poignet  et  Pavant-bras  de  leur  adversaire. 
Il  existe  dans  la  science  cinq  ou  six  observations  de  fractures  de  l'hu- 
mérus par  une  cause  de  ce  genre;  elle  siège  alors  habituellement  à  6  ou 
8  centimètres  au-dessus  des  condyles. 

La  fracture  de  l'humérus  a  quelquefois  été  produite  dans  un  effort  pour 
lancer  une  pierre,  ou  un  autre  projectile. 

Dans  un  cas  rapporté  par  Lonsdale,  nous  voyons  un  individu  glisser  et 
cherchant  à  se  retenir,  étendre  la  main  contre  une  muraille  voisine.  L'hu- 
mérus se  brisa  à  son  tiers  supérieur,  près  de  l'insertion  du  deltoïde. 

Voici  encore  quelques  faits  que  nous  avons  consignés  dans  notre  mono- 
graphie des  luxations  et  des  fractures. 

Une  femme  se  casse  l'humérus  en  étendant  le  bras  pour  saisir  un  enfant 
avec  qui  elle  jouait.  (Liston.) 

Une  dame  descend  de  voiture,  et  sentant  le  marchepied  se  rompre  sous 
elle,  se  retient  fortement  à  une  des  poignées  de  la  voiture  :  l'humérus  se 
brise  juste  au-dessus  du  deltoïde.  (Larrey.) 

Il  existe  des  observations  de  fracture  de  l'humérus  par  action  musculaire. 
Un  enfant  se  brise  le  bras  dans  un  accès  d'épilepsie.  (Volcamer.) 

Direction  de  la  ligne  de  fracture.  —  Les  fractures  du  corps  de  l'hu- 
mérus peuvent  affecter,  comme  direction  de  la  ligne  de  fracture,  toutes 
les  sinuosités  que  l'on  observe  dans  les  fractures  des  os  longs  ;  elles 
peuvent  être  transversales,  non  pas  que  la  cassure  soit  jamais  perpendi- 
culaire à  l'axe  du  corps  de  l'os,  ce  qui  constituerait  la  fracture  en  rave 
dont  l'existence  est  contestable;  mais  elle  peut  s'en  rapprocher  beaucoup 
présentant  cependant  toujours  des  dentelures.  Pour  rappeler  ces  différentes 
conditions  anatomiques  que  présentent  les  fractures  dites  transversales 


BRAS.    —    FRACTURES    I>K    L:iiUMÉRUS.  519 

par  les  anciens  auteurs,  nous  les  appellerons  fractures  transversales-den- 
telées ,  mot  composé  rappelant  deux  qualités  qui  se  trouvent  ensemble, 
et  qui  aura  l'avantage  d'éviter  toute  discussion. 

Les  fractures  du  corps  de  l'humérus  présentent  souvent  une  grande 
obliquité  de  la  ligne  de  fracture  ;  mais  quand  on  étudie  avec  soin  ces  frac- 
tures obliques,  on  s'aperçoit  que,  dans  presque  tous  les  cas,  la  ligne  de 
cassure  contourne  le  corps  de  l'os,  de  manière  à  décrire  une  spire  plus 
ou  moins   régulière,   plus  ou  moins   allongée  (fracture  spiroide). 

La  fracture  transversale  est  toujours  dentelée,  ce  qui  justifie  le  nom 
de  transversale-dentelée  que  nous  lui  avons  donnée ,  de  môme ,  dans 
l'immense  majorité  des  cas ,  la  fracture  oblique  est  en  même  temps 
spiroide  :  de  là,  l'utilité  incontestable  du  mot  oblique-spiroïde.  Il  y  a 
au  corps  de  l'humérus  des  fractures  multiples  ou  comminutives ,  des 
écrasements,  etc.,  etc. 

Fractures  dourles  du  corps  de  l'humérus.  —  Dans  les  fractures  doubles 
du  corps  de  l'humérus,  l'os  est  brisé  du  même  coup  dans  deux  points  de  sa 
longueur.  Ces  fractures  sont  assez  communes,  et  la  physionomie  qu'elles 
présentent  est  assez  souvent  celle  des  figures  41,  42  et  45. 

Dans  ce  cas,  la  consolidation  était  parfaite,  et  on  peut  voir  combien 
le  cal  était  solide  en  examinant  avec   soin  la  ligure  qui  présente   une 
coupe  sur  la  ligne  médiane  de  l'os  atteint  de  double  fracture  consolidée. 
Déplacements.  —  Les  déplacements  dans  la  fracture  du  corps  de  l'hu- 
mérus peuvent  se  produire  avec  une  égale  facilité  dans  tous  les  sens. 
Il  peut  y  avoir  : 
1°  Déplacement  angulaire; 
2°  Rotation  ; 

3°  Chevauchement,  etc.,  etc. 

Il  peut  se  faire  de  plus  que  tous  ces  modes  de  déplacements  existent 
ensemble,  ou  se  combinent  deux  à  deux. 

Il  n'y  a  donc  là  rien  de  spécial,  et  il  faut  regarder  comme  peu  scienti- 
fique le  tableau  de  l'action  musculaire  régulier  et  prévu  que  Boyer  a 
tracé. 

«  Lorsque  l'humérus  est  fracturé  au-dessus  de  l'insertion  du  deltoïde, 
le  fragment  inférieur  est  porté  en  dehors  par  l'action  de  ce  muscle,  pen- 
dant que  le  supérieur  est  tiré  en  dedans  par  le  grand  pectoral,  le  grand 
dorsal  et  le  grand  rond.  Le  poids  du  bras  est  cause  sans  doute  que  tous 
ces  déplacements  n'ont  lieu  que  selon  l'épaisseur  de  l'os,  ou  du  moins 
qu'ils  sont  très-peu  étendus  selon  la  longueur. 

«  Quand  la  fracture  est  située  au-dessous  de  l'insertion  du  deltoïde,  ce 
muscle  entraîne  en  dehors  et  un  peu  en  avant  le  fragment  supérieur, 
tandis  que  l'inférieur  est  entraîné  légèrement  dans  le  sens  contraire  par 
les  triceps. 

«  Quand  elle  a  lieu  dans  l'étendue  de  l'attache  du  brachial  antérieur,  le 
déplacement  est  peu  considérable,  parce  que  ce  muscle  contre-balance 
l'action  du  triceps,  et  que  les  fragments  ne  peuvent  guère  être  entraînés 
dans  aucun  sens.  Mais  quand  elle  est  située  très-près  de  l'articulation  du 


520 


BRAS. 


FRACTURES    DE    L  HUMERUS. 


coude,  le  déplacement  des  fragments  ne  peut  avoir  lieu  qu'en  arrière  ou 
en  avant,  attendu  que  les  muscles  brachial,  antérieur  et  triceps  ne  s'insè- 
rent point  à  l'os  dans  cette  région,  et  que  la  largeur  de  l'humérus  dans 
cette  partie  multiplie  l'étendue  du  contact  des  fragments  dans  le  sens 
transversal.  »  (Boyer.) 


J^^loiu 


Fig.  4L 


Fig.  42. 


Fig.  45. 

Fig-.  41.  —  Fracture  oblique -spiroïde  de  l'humérus.  —  A,  Grosse  tubérosilé.  — 
B,  Petite  tubérosilé.  —  B,  Pointe  du  fragment  supérieur.  —  S,  Pointe  du  fragment 
inférieur.  —  E.  Epicondyle.  —  T,  Épitrochlée. 

Fig.  42.  —  Coupe  médiane  de  la  fracture  double  de  l'humérus  vue  par  son  côté  externe 
(fig.  5.)  A,  Petite  tubérosité.  —  I,  Pointe  du  fragment  supérieur.  —  E,  Lame  com- 
pacte du  cal.  —  J,  Pointe  supérieure  du  fragment  moyen. —  K,  Partie  spongieuse 
du  cal. —  G-II,  Coupe  au  niveau  de  la  seconde  ligne  de  fracture. 

Fig.  43.  —  Vue  externe  de  l'humérus  atteint  de  fracture  double.  —  A,  Petite  tubéro- 
sité. —  B,  Grosse  tubérosité. —  C,  Trochlée.  —  D,  Epicondyle. —  E,  Pointe  du  frag- 
ment supérieur.  —  F,  Pointe  supérieure  du  fragment  moyen.  —  G-IÎ,  Ligne  de  frac- 
ture inférieure.  —  I,  Tendons  des  muscles  de  la  coulisse  bicépitale.  —  (i,  fibres 
tendineuses  d'insertion  du  deltoïde.  (Benjamin  Anger,  Luxations  et  fractures.) 


Boyer  exagère  manifestement  l'importance  et  la  fréquence  des  déplace- 
ments qui  en^réalité  acquièrent  rarement  une  grande  étendue.  Le  tableau 
qu'il  a  tracé,  et  que  nous  rapportons  ici  dans  son  entier  est  très-inté- 
ressant à  bien   connaître  ;   car  ces  idées  un  peu  trop   théoriques,   sans 


BRAS.    FRACTURES    DE    l'hUJIÉRUS.  521 

doute,  ayant  été  pendant  quelques  années  aeceptées  sans  contrôle,  il  est 
important  de  bien  voir  à  quoi  Malgaîgne  s'attaquait  dans  ses  critiques  qui 
avaient  beaucoup  de  vrai  ;  mais  qui  par  un  excès  peut-être  inévitable  dans 
ce  genre,  étaient  par  trop  entachées  du  génie  paradoxal.  —  Nous  avons 
vu,  comme  Malgaigne,  que  pour  que  des  déplacements  se  produisent,  il 
faut  que  le  périoste  soit  entièrement  rompu  ou  décollé  dans  une  grande 
étendue.  Le  périoste  de  l'humérus  est  très-fort,  et  l'os  est  quelquefois 
éclaté  en  plusieurs  fragments  que  le  périoste  a  peu  souffert  et  n'est  point 
rompu. 

Symptômes  et  diagnostic.  —  La  mobilité  anormale,  la  déformation  du 
membre,  la  crépitation,  véritables  et  uniques  signes  de  certitude  seront 
facilement  découverts,  le  corps'  de  l'os  étant  accessible  à  la  palpation  dans 
toute  son  étendue.  La  douleur,  les  ecchymoses,  l'impossibilité  de  se  servir 
du  membre,  pourront  bien  éveiller  l'attention  du  chirurgien  et  constituer 
des  signes  de  probabilité,  mais  ne  pourront  jamais  fournir  un  diagnostic 
certain. 

La  mensuration  n'a  que  peu  d'intérêt.  Cependant,  nous  avons  vu  dans 
un  cas  Nélaton  diagnostiquer  par  la  mensuration  une  fracture  ci é j à  an- 
cienne du  corps  de  l'humérus.  Le  membre  était  très-gonflé,  très-doulou- 
reux, le  sujet  extrêmement  gras  ;  l'humérus  peu  accessible  à  la  palpation  ; 
le  diagnostic  était  donc  douteux  si  on  s'en  rapportait  aux  seuls  symptô- 
mes locaux.  Nélaton  appliqua  le  long  du  membre,  une  bande  qui  partant 
de  l'angle  antérieur  de  l'acromion  se  dirigeait  en  bas  jusqu'à  l'épitro- 
chlée;  l'expérience  répétée  plusieurs  fois  donna,  comme  résultat  constant, 
un  raccourcissement  de  deux  centimètres. 

Nélaton  faisait  observer  à  cette  occasion  que  pour  que  les  résultats  de 
la  mensuration  aient  une  certaine  valeur,  il  était  nécessaire  que  la  men- 
suration accusât  constamment  une  différence  de  longueur  portant  au  moins 
sur  une  longueur  de  deux  centimètres. 

De  la  réduction  et  des  appareils  dans  les  fractures  du  corps  de  Vhu- 
mérus. 

La  réduction  des  fractures  du  corps  de  l'humérus  n'est  point  nécessaire 
dans  le  plus  grand  nombre  de  cas,  puisqu'il  n'y  a  pas  toujours  de  dépla- 
cement. 

Quand,  en  raison  des  déplacements,  il  devient  nécessaire  d'opérer  la 
réduction,  un  aide  placé  à  côté  du  blessé,  saisira  dans  ses  deux  mains 
l'extrémité  supérieure  de  l'humérus  en  l'immobilisant  d'une  façon  com- 
plète; un  second  aide  saisira  l'extrémité  inférieure  du  même  os  et  le 
coude  (l'avant-bras  étant  fléchi) .  L'extension  et  la  contre-extension  étant 
ainsi  opérées,  et  conduites  avec  une  force  en  rapport  avec  la  force  de  con- 
traction des  muscles  qui,  s'ils  sont  incapables  dans  l'immense  majorité 
des  cas,  de  produire  des  déplacements,  agissent  très-énergiquement  pour 
maintenir  les  déplacements,  quand  les  fragments  ont  été  écartés  par  la 
violence  qui  a  brisé  l'os. 

Là  comme  ailleurs,  le  chloroforme  peut  rendre  les  plus  grands  services; 
mais  c'est  un  moyen  qui  en  raison  de  ses  dangers  ne  doit  pas  être  em- 


K9.9 


BRAS.    FRACTURES    DE    l'hUMÉKUS. 


ployé  dans  les  cas  ordinaires,  et  doit  être  réservé  pour  les  cas  difficiles. 
Le  chirurgien,   placé  en  dehors  du  blessé,  aidera  par  des  pressions 

l'action  de  l'extension  et  de  la  contre-extension  et  opérera  la  cooptation. 

Une  fois  la  coaptation  obtenue,  l'extension  et  la  contre-extension  agissant 

toujours,  le  membre  sera  entouré  de  coussins,  &  attelles,  débandes,  etc.,  etc. 

Le  membre  sera,  en  un  mot,  mis  dans  un  appareil. 

Le  génie  du  chirurgien  lui  fera,  suivant  les  cas,  employer  les  bandes 

séparées  de  Scultet  (fig.  44),  tes  gouttières,  les  attelles  de  bois,  de  gutta- 

percha,  de  carton,  etc.  Il  pourra,  pensons- 
nous,  retirer  un  grand  avantage  des  attelles 
en  toile  métallique,  que  nous  avons  fait 
construire  pour  le  bras,  par  Mathieu,  après 
qu'il  nous  a  indiqué  tout  le  parti  que  Ton 
pouvait  tirer  en  chirurgie  de  toiles  métalli- 
ques à  mailles  serrées  et  cependant  flexibles. 
Le  docteur  Le  Maux,  qui  s'occupe  avec 
succès  du  traitement  des  traumatismes  des 
os  et  des  articulations,  nous  a  présenté  der- 
nièrement des  attelles  de  plomb,  qui  ont  cela 
de  commun  avec  les  attelles  métalliques, 
qu'elles  peuvent  se  mouler  facilement  sur  le 
membre  auquel  elles  forment  un  excellent 

Fig.  44.  —  Appareil  ordinaire  pour  i    ,«  ,  >    •  at  < c 

les  fractures  du  corps  de  Yhu-   squelette  extérieur.  Nous  préférons  cepen- 

mérus.  dant  les  attelles  en  toiles  métalliques   plus 

légères,  plus  faciles  à  travailler,  plus  rési- 
stantes et  permettant  de  passer  au  travers  de  leurs  mailles  les  lacs  qui 
réunissent  les  coussins  et  les  attelles  en  un  corps  d'appareil  régulier. 

Pseudarthroses  du  corps  de  V humérus.  —  Les  fractures  du  corps  de 
l'humérus  ne  se  consolident  pas  toujours  :  il  existe  un  nombre  assez  con- 
sidérables de  pseudarthroses  du  corps  de  l'humérus,  suites  de  fracture, 
et  ayant  persisté  pendant  toute  la  durée  de  la  vie.  Ces  pseudarthroses  en- 
traînent quelquefois  une  grande  infirmité;  dans  d'autres  cas  la  pseudar- 
throse  a  paru  compatible  avec  le  libre  exercice  des  fonctions  du  membre 
supérieur.  Ce  n'est  point  ici  le  cas  de  décrire  entièrement  le  traitement 
applicable  aux  pseudarthroses,  nous  dirons  seulement  que  s'il  s'est  écoulé 
un  grand  laps  de  temps  depuis  la  fracture,  que  toute  trace  d'inflammation 
ait  disparu,  on  devra  supposer  que  les  extrémités  des  fragments  sont 
éburnées  et  que  la  guérison  est  impossible  sans  avivement  des  os.  Vavi- 
vement  des  os  suivi  de  la  réunion,  constitue  le  seul  et  unique  mode  de 
traitement  des  pseudarthroses. 

Cet  avivement,  du  reste,  peut  être  produit  de  bien  des  façons;  le  chi- 
rurgien pourra  essayer  d'enflammer  de  nouveau  les  parties  par  le  séton, 
par  des  aiguilles  laissées  à  demeure  (D.  Brainard),  par  des  aiguilles  ù 
acupuncture,  par  des  injections  irritantes,  par  des  vésicat'ons  des  tégu- 
ments, par  le  frottement  des  fragments,  etc.,  etc.  Mais  les  os  étant  ébur- 
nés  à  leurs  extrémités  néarthrodiales,  si  la  néarthrose  est  bien  organisée. 


BRAS.  — ■  fractures  de  l'humérus.  525 

tout  est  fibreux  autour,  et  il  n'y  a  pas  d'autre  avivement  actif  à  proposer 
que  la  résection. 

La  résection,  comme  nous  l'ayons  dit  dans  un  autre  lieu,  devra  retran- 
cher toute  la  partie  éburnée  des  deux  os,  puis  un  bon  appareil  sera  appli- 
qué et  l'on  aura  alors  une  sorte  de  fracture  compliquée,  qui  pourra  en- 
traîner, il  est  vrai,  tous  les  accidents  de  ces  fractures;  mais  si  le  cas  est 
grave;  on  est  bien  justifiable  de  faire  courir  au  malade  quelque  péril. 

Si  pareil  cas  se  présentait  dans  notre  pratique,  nous  essayerions  dans 
la  résection,  de  tailler  en  pointe  le  fragment  inférieur,  et  de  le  faire  pé- 
nétrer de  un  ou  deux  centimètres  dans  le  canal  médullaire  du  fragment 
supérieur  préalablement  avivé.  On  imiterait  ainsi  les  fractures  par  péné- 
tration qui  guérissent  très-bien;  ce  serait  unir  du  même  coup  une  excel- 
lente suture  à  une  résection  complète. 

Roux  traita  autrefois  une  pseudarthrose  du  corps  de  l'humérus  par  le 
procédé  indiqué  ci-dessus.  L'humérus  se  consolida;  mais  il  est  dit  que 
l'os  se  brisa  plus  tard,  et,  si  j'ai  bonne  mémoire,  la  pseudarthrose  aurait 
reparu.  Le  seul  fait  clinique  n'est  donc  pas  convainquant. 

Procédé  du  docteur  Jordan  (de  Manchester).  —  Jordan  a  eu  l'idée 
séduisante,  au  premier  abord,  de  traiter  les  pseudarthroses  par  l'auto- 
plastie  périostique;  il  s'est  livré  à  un  grand  nombre  d'expériences  cada- 
vériques sur  le  bras.  Il  décolle  en  haut  et  en  bas  deux  manchons  pério- 
stiques,  puis  pratique  la  résection  des  extrémités  des  fragments  ainsi 
dénudés.  Les  manchons  périostiques  sont  réunis  par  la  nature,  et  le 
membre  est  fixé  dans  un  appareil.  Ce  procédé  n'a  pas  tenu  ce  qu'il  pro- 
mettait ;  il  est  d'une  exécution  difficile,  ce  qui,  certainement,  ne  serait 
pas  une  objection  si  la  consolidation  s'obtenait  ainsi  plus  facilement; 
mais,  après  avoir  été  expérimenté  plusieurs  fois  sur  le  vivant,  on  a  vu 
que  la  réunion  ne  se  faisait  ni  mieux,  ni  plus  mal  qu'à  la  suite  d'une 
simple  résection. 

Jordan,  dans  un  récent  voyage  à  Paris,  a  annoncé,  avec  la  probité  scien- 
tifique des  hommes  de  génie,  que  le  procédé  qu'il  avait  tant  étudié  et  si 
honnêtement  expérimenté  n'était  pas  bon,  et  qu'il  l'abandonnait  lui- 
même. 

Dans  le  cas  où  le  malade  se  refuserait  à  l'opération  de  la  pseudarthrose, 
ou  bien  encore  si  le  chirurgien,  en  raison  des  conditions  d'âge  et  de 
santé  du  sujet,  ne  croyait  pas  l'opération  indiquée,  un  appareil  appliqué 
d'une  manière  permanente  pourrait  faire  disparaître  en  partie  les  incon- 
vénients de  la  néarthrosc.  Il  faudrait  alors  avoir  recours  à  nos  fabricants 
qui  construiraient  sans  difficultés  un  brassard  plus  commode  et  plus  so- 
lide que  nos  appareils  ordinaires  pour  les  fractures  de  l'humérus. 

Fractures  de  l'extrémité  supérieure  de  l'humérus.  —  Les  fractures  de 
1  extrémité  supérieure  de  l'humérus  ont  été  partagées  par  les  auteurs  en 
fractures  du  col  anatomique  ou  de  la  tète  humérale,  et  en  fractures  du  col 
chirurgical.  Cette  division  de  fracture  du  col  de  l'humérus  ne  nous  paraît 
pas  d'une  grande  utilité.  Quand  riiumérus  est  brisé  très-haut,  il  est 
bien  difficile  souvent  de  préciser  si  c'est  le  col  anatomique  ou  le  col  chi- 


524  BRAS.  —  fractures  de  l'humérus. 

rurgical  qui  est  brisé.  C'est  déjà  bien  assez  de  se  demander  si  dans  ce 
cas  il  y  a  luxation  ou  fracture. 

Les  fractures  du  col  anatomique  s'étendent  souvent  au  col  chirurgical. 
Le  pronostic  et  les  indications  thérapeutiques  sont  les  mêmes.  Il  y  a  bien 
cependant  une  question  spéciale  intéressante,  la  pseudarthrose  est  très- 
commune  à  la  suite  des  fractures  intra-capsulaires  ;  elle  est  même  la 
règle;  mais  la  pseudarthrose,  quoique  très-rare,  existe  à  la  suite  des 
fractures  extra-capsulaires,  et  nous  eu  avons  recueilli  un  exemple.  C'est 
assez  pour  être  affîrmatif  dans  cette  assertion.  Ainsi  donc  il  y  a  pour  nous 
peu  d'utilité  à  conserver  dans  le  langage  chirurgical  ces  divisions,  frac- 
turcs  du  col  anatomique,  fracture  du  col  chirurgical. 

Les  fractures  de  l'extrémité  supérieure  de  l'humérus  sont  le  plus  sou- 
vent transversales  au  col  anatomique  et  au  col  chirurgical.  Au  voisinage 
du  corps,  elles  deviennent  généralement  obliques  et  spiroïdes,  du  reste  il 
y  a  des  variétés  nombreuses.  Souvent,  dans  le  cas  de  solution  de  conti- 
nuité à  la  ligne  chirurgicale,  il  se  fait  un  renversement  delà  tête,  et  con- 
sécutivement une  pénétration  de  la  diaphysc  en  dehors  dans  les  tubéro- 
sites  (fracture  par  pénétration  du  col  de  l'humérus). 

Nous  ne  voulons  point  insister  davantage  sur  toutes  ces  variétés  anato- 
miques  non  susceptibles  d'êtres  diagnostiquées. 

Les  exemples  de  fracture  de  l'extrémité  supérieure  de  l'humérus  par 
armes  à  feu  ne  sont  pas  rares.  Nous  en  représentons  plus  loin  quelques 
cas  d'après  Legouest.  (Voy.  Fracture  de  F  humérus  par  armes  à  feu, 
p.  552.) 

Déplacements  dans  la  fracture  de  V extrémité  supérieure  de  l'humérus. 
—  Les  déplacements  ne  sont  pas  rares  dans  la  fracture  de  l'extrémité  su- 
périeure de  l'humérus  ;  mais  il  est  encore  plus  fréquent  d'observer  cette 
fracture  sans  déplacement. 

Nous  avons  observé  :  1°  le  déplacement  du  fragment  inférieur  en  dedans, 
dans  l'aisselle,  de  manière  que  ce  fragment  dépassait  en  dedans  la  tète 
numérale  du  quart  ou  de  la  moitié  de  son  épaisseur;  2°  le  déplacement 
du  fragment  inférieur  dans  l'aisselle,  ce  fragment  ayant  complètement 
abandonné  la  tête;  5°  le  déplacement  du  fragment  inférieur  en  avant,  au- 
dessous  du  bord  antérieur  de  l'acromion  et  de  la  clavicule,  sous  la  peau 
ayant  traversé  les  fibres  du  deltoïde. 

Nous  avons  produit  expérimentalement  quelques  autres  déplacements 
plus  rares,  mais  cependant  observés  déjà  plusieurs  fois  :  1°  le  déplacement 
du  fragment  supérieur  en  arrière  et  en  dehors  ;  2°  le  renversement,  avec 
rotation,  de  la  tête,  en  avant,  en  arrière,  etc.  ;  5°  la  luxation  de  la  tête 
fracturée  dans  l'aisselle,  dans  le  dos. 

Rappelons,  en  terminant,  l'étude  des  caractères  anatomiques  de  la 
fracture  et  l'histoire  des  déplacements ,  les  propositions  formulées  à  la 
page  90  de  l'ouvrage  déjà  cité.  C'est  le  résultat  d'un  grand  nombre  d'ex- 
périmentations laborieusement  et  scientifiquement  exécutées  :  1°  «  Dans 
le  plus  grand  nombre  des  cas  de  fracture  du  col  de  l'humérus,  les  frag- 
ments ne  s'abandonnent  point  entièrement.  2°  La  conservation  de  la  con- 


BRAS. 


FRACTURES    DE    L  HUMERUS. 


521 


tinuité  du  membre,  après  la  fracture,  peut  tenir  à  une  pénétration  de  la 
partie  externe  de  la  diaphyse,  dans  la  partie  externe  de  la  tête.  5°  Les 
fractures  du  col  de  l'humérus  présentent  quelquefois  une  grande  obliquité 
de  la  ligne  de  fracture.  4°  Les  fractures  du  col  de 
l'humérus  sont  quelquefois  incomplètes.  5°  Dans 
un  grand  nombre  de  cas,  le  périoste  est  conservé 
et ,  quoique  décollé  ,  il  unit  encore  solidement  les 
différents  fragments.  (La  fig.  45  représente,  d'a- 
près Vircbow,  une  fracture  presque  transversale 
de  la  partie  supérieure  de  l'humérus.  Le  périoste 
avait  maintenu  les  fragments  unis  et  fourni  une 
virole  osseuse  ou  cal  périphérique.)  6°  Un  coup 
porté  au-dessous  de  la  tète  humérale,  l'os  portant 
à  faux,  peut  briser  l'humérus  à  une  certaine  dis- 
tance du  lieu  frappé,  par  exemple,  au  voisinage 
de  l'insertion  deltoïdienne;  dans  ce  cas,  la  ligne 
de  fracture  peut  être  spiroide  ou  mieux  oblique- 
spiroïde.  »  (Anger,  p.  90.) 

Causes  et  théorie  des  déplacements  dans  la 
fracture  du  col  de  l'humérus.  —  Les  fractures  du 
col  de  l'humérus  sont  le  plus  souvent  produites 
par  des  causes  directes,  c'est-à-dire  par  des  vio- 
lences appliquées  dans  l'endroit  même  où  l'os  se 
rompt;  c'est  tantôt  un  coup  porté  sur  l'épaule, 
tantôt  une  chute  dans  laquelle  cette  région  sup- 
porte tout  le  poids  du  corps. 

Il  existe  des  fractures  du  col  de  l'humérus  de 
cause  indirecte,  c'est-à-dire  produites  par  une 
violence  appliquée  sur  un  autre  point  de  l'hu- 
mérus, au  coude,  par  exemple. 

Nous  avons  décrit  ailleurs  comme  déplacement 
principal  dans  les  fractures  du  col  de  l'humérus 
le  déplacement  dans  lequel  le  fragment  inférieur 
fait  saillie  dans  l'aisselle. 

Boyer  regarde  comme  cause  du  déplacement 
principal  l'action  des  muscles  de  la  coulisse  bieé- 
pitale  :  «  Les  muscles  grand  pectoral,  grand  dor- 
sal et  grand  rond  portent  l'extrémité  supérieure 
du  fragment  inférieur  en  dedans,  pendant  que 
les  muscles   sus-épineux,  sous-épineux  et  petit 

rond  font  exécuter  au  fragment  supérieur  un  mouvement  qui  dirige  la 
surface  de  cassure  en  dehors.  Ainsi  le  déplacement  a  lieu  suivant  l'épais- 
seur de  l'os  et  il  est  extrêmement  rare,  ou  plutôt  il  n'arrive  jamais  qu'il 
soit  porté  assez  loin  pour  que  les  fragments  cessent  de  se  toucher.  Mais  si 
cela  arrivait,  le  fragment  inférieur  serait  tiré  en  haut  par  les  muscles 
coraco-brachial,  biceps,  de  l'ioïde  et  triceps  brachial,  dont  la  direction  est 


Fig.  45.  —  Fracture  transver- 
sale de  .l'humérus;  cal  en 
voie  de  formation,  âgé  d'en- 
viron quinze  jours.  —  On 
voit  au  dehors  la  capsule 
poreuse  du  cal  produite  par  le 
périoste  et  les  parties  molles 
environnantes.  A  droite,  la 
couche  la  plus  interne  est 
encore  cartilagineuse.  A 
gauche,  on  voit  une  coquille 
libre  provenant  de  la  por- 
tion corticale  de  l'os.  Les 
deux  extrémités  de  la  frac- 
ture sont  réunies  par  une 
couche  fibrincuse  et  hémor- 
rhagique,  qui  est  d'un  brun 
foncé  ;  la  moelle  des  deux 
côtés  est  d'un  rouge  noirâtre 
(par  suite  de  l'hyperémie  et 
de  l'extravasation).  —  Dans 
le  fragment  inférieur,  on  voit 
plusieurs  ilôts  poreux  de  cal 
produits  par  l'ossification  de 
la  moelle.  (Ynuaiow,  Patho- 
logie cellulaire,  Iig.  135.) 


526  BRAS.  —  fractures  de  l'humérus. 

presque  parallèle  à  l'axe  de  l'humérus,  et  le  déplacement  suivant  la  lon- 
gueur de  l'os  se  joindrait  bientôt  au  déplacement  suivant  l'épaisseur.  » 
(Boyer.) 

Ainsi,  d'après  Boyer,  L'extrémité  supérieure  du  fragment  inférieur  doit, 
quand  il  y  a  déplacement,  se  porter  en  dedans,  et  la  cause  de  ce  mouve- 
ment se  trouve  dans  les  muscles.  Il  y  a  là  un  abus  du  raisonnement  et 
de  la  théorie;  ce  sont  des  déductions  anatomiques  forcées  comme  nous 
l'avons  dit  d'ailleurs  dans  notre  longue  étude  des  fractures  du  col  de 
l'humérus.  Malgaigne  l'avait  bien  compris;  mais  cette  erreur  ne  saurait 
effacer  l'éclat  du  nom  de  Boyer. 

Le  déplacement  n'est  point,  comme  paraissait  le  croire  Boyer,  la  con- 
séquence de  l'action  musculaire,  mais  bien  le  résultat  de  la  violence  qui, 
après  avoir  brisé  l'os  sépare  les  fragments  en  continuant  son  action. 

Pseudarihroses  du  col  de  l'humérus.  —  Les  pseudarthroses  si  com- 
munes au  col  du  fémur  sont  relativement  très-rares  au  col  de  l'humérus. 
Nous  en  avons  observé  et  figuré  ailleurs  deux  exemples  remarquables. 
Dans  un  premier  cas  observé  par  nous,  la  fracture  du  col  de  l'humérus 
avait  brisé  l'os  en  trois  fragments.  Le  plus  petit  de  ces  trois  fragments 
formait  une  longue  esquille  unie  au  corps  de  l'humérus,  par  en  haut  et 
par  en  bas  seulement;  elle  était  séparée  du  corps  de  l'os  dans  la  plus 
grande  partie  de  son  étendue. 

La  partie  supérieure  de  l'humérus  était  terminée  par  une  facette  arron- 
die et  éburnée;  elle  était  en  contact  avec  une  facette  analogue  que  pré- 
sentait la  tête  de  l'humérus.  Une  capsule  de  nouvelle  formation  limitait 
les  mouvements  des  surfaces  néarthrodiales.  Enfin  nous  avons  fait  repré- 
senter (fig.  11,  page  92),  un  exemple  unique  jusqu'à  présent  de  pseudar- 
throse  du  col  chirurgical,  observé  par  nous  à  l'amphithéâtre  de  l'école  de 
Nantes.  Le  fragment  inférieur  avait  été  entraîné  en  dedans  par  son  extré- 
mité supérieure,  et  la  surface  de  fracture  du  fragment  supérieur  avait 
suivi  son  mouvement  de  telle  sorte,  que  les  deux  fragments  formaient  un 
angle  ouvert  en  dehors.  C'était  par  conséquent  un  exemple  du  déplace- 
ment principal  dans  la  fracture  du  col  de  l'humérus. 

Circonstance  bien  intéressante,  cette  néarthrose,  véritable  articulation 
inter-humérale  avait  entièrement  remplacé  l'articulation  scapulo-humérctle, 
qui  était  le  siège  d'une  lésion  curieuse.  Les  cartilages  de  la  cavité  glé- 
noïde  et  de  la  tête  numérale  étaient  adhérents  par  de  véritales  néo-mem- 
branes allant  de  l'une  des  surfaces  articulaires  à  l'autre,  susceptibles  de 
s'allonger,  mais  présentant  une  certaine  résistance  aux  tractions.  On  par- 
venait cependant  à  les  arracher  en  employant  la  force,  et  le  cartilage  ap- 
paraissait dépoli,  plus  mat  qu'à  l'ordinaire,  mais  présentant  à  peu  près 
son  épaisseur  normale;  l'altération  ne  portait  que  sur  sa  couche  la  plus 
superficielle. 

Symptômes  et  diagnostic  de  la  fracture  du  col.  —  Deux  cas;  il  y  a  ou 
il  n'y  a  pas  de  déplacement.  Quand  il  n'y  a  pas  de  déplacement,  la  frac- 
ture se  reconnaît  :  1°  à  l'ecchymose  qui  d'ordinaire  envahit  rapidement 
l'épaule,  le  bras,  l'aisselle  et  môme  la  poitrine;  2°  à  la  crépitation. 


BRA.S.  —  fractures  de  l'humérus.  527 

Dans  le  second  cas,  c'est-à-dire  quand  il  y  a  déplacement  ;  on  sent  en 
dedans  ou  en  avant  ou  en  dehors  la  pointe  du  fragment  inférieur,  etc. 

Dans  le  déplacement  principal,  le  fragment  inférieur  se  portant  en  de- 
dans, il  y  a  vide  sous  ïacromion  et  tumeur  clans  Vaisselle;  la  maladie  res- 
semble donc  beaucoup  à  une  luxation  de  l'humérus  en  avant;  mais  il  n'y 
a  pas  identité  complète  entre  les  deux  symptômes  de  la  fracture  du  col  de 
l'humérus  et  les  deux  symptômes  principaux  de  la  luxation  de  l'humérus 
en  avant.  Quand  on  pousse,  en  effet,  l'analyse  plus  loin,  on  aperçoit  que 
le  vide  sous-acromial,  dans  la  luxation,  est  immédiatement  au-dessous  de 
l'apophyse,  tandis  que,  dans  la  fracture,  le  vide  ne  se  prononce  bien 
qu'à  2  ou  5  centimètres  plus  bas.  La  cavité  glénoïde,  en  effet,  n'est  pas 
vide,  elle  contient  encore  sa  tête.  Quant  à  la  tumeur  axillaire,  dans  la 
fracture,  elle  ne  donne  pas  la  sensation  d'une  boule  bien  arrondie  comme 
dans  la  luxation,  c'est  un  angle  d'ordinaire  aigu;  quand  on  suit  avec  le 
doigt  la  face  interne  de  l'os,  on  trouve  qu'elle  finit  à  pic. 

Disons,  du  reste,  qu'il  n'est  pas  toujours  possible  de  faire  un  diagnos- 
tic certain.  Dans  le  doute,  on  se  conduira  pour  la  réduction  comme  s'il 
y  avait  luxation;  si  la  luxation  existe,  on  la  réduira;  s'il  y  a  fracture  on 
la  réduira  encore  souvent,  mais  la  réduction  ne  se  maintiendra  point  le 
plus  souvent.  Cela  est  si  vrai  que,  dans  le  cas  où  le  diagnostic  de  la  luxa- 
tion et  de  la  fracture  était  incertain,  Dupuytren  donnait  ce  précepte  im- 
portant :  Rendez  au  membre,  par  des  manœuvres  convenables,  sa  forme 
et  sa  longueur  naturelles;  retournez  auprès  du  malade  sept  ou  huit 
heures  après;  si  vous  trouvez  l'épaule  déformée,  soyez  assuré  que  vous 
avez  affaire  à  une  fracture.  (Dupuytren.) 

Réduction  des  fractures  du  col.  —  Appareils.  — La  réduction  des  frac- 
tures du  col  de  l'humérus,  quand  le  déplacement  est  considérable,  pré- 
sente les  plus  grandes  difficultés.  La  difficulté  de  la  réduction  nous  paraît 
consister  en  ce  que  le  chirurgien  n'a  de  prise  que  sur  le  fragment  infé- 
rieur. Le  fragment  supérieur,  qui  est  toujours  très-court,  est  en  même 
temps  très-mobile  dans  tous  les  sens,  et.  ne  peut  être  fixé  par  aucun 
moyen. 

Au  col  de  l'humérus  comme  au  corps,  on  pratiquera  l'extension  sur 
l'humérus,  la  contre-extension  sur  l'épaule  et  l'aisselle,  ei  le  chirurgien 
essayera  la  coaptation  en  pressant  fortement  sur  le  fragment,  de  manière 
à  lui  faire  parcourir,  en  sens  inverse,  la  route  qu'il  a  déjà  suivie. 

La  fracture  de  l'humérus,  accompagnée  de  luxation  est  une  lésion  le 
plus  souvent  irrémédiable.  Cependant  un  homme,  dont  le  mérite  est  ap- 
précié de  tous,  Richet,  a  réussi  dans  plusieurs  cas,  le  malade  étant 
préalablement  chloroformé  à  repousser  avec  les  mains  la  tète  numérale 
séparée  du  corps  de  l'os  et  luxée  dans  l'aisselle,  et  à  la  faire  rentrer 
dans  la  cavité  glénoïde. 

Quand,  dans  le  cas  de  luxation  avec  fracture,  la  réduction  ne  peut  être 
obtenue,  la  tête  se  soude  au  col,  et  il  se  fait  une  néarthrose  entre  le  sca- 
pulum  et  l'humérus;  nous  avons  reproduit  (planche  XX1Ï)  un  exemple 
bien  curieux  de  fracture  du  col  de  l'humérus  avec  luxation  de  la  fête 


528 


BRAS.    FRACTURES    DE    L  HUMÉRUss. 


humérale  en  avant;  l'union  de  la  tête  avec  le  col  était  intime,  et  il  y 
avait  une  néarthrose  seapulo-humérale  des  plus  parfaites. 

Appareils  pour  les  fractures  de  l'extrémité  supérieure  de  l'humérus. — 

La  réduction  des  fractures  du  col  de 
l'humérus  obtenue,  il  faut  entou- 
rer le  membre  d'un  appareil  solide 
qui  maintienne  la  réduction.  Dé- 
sunit entourait  le  bras  d'une  bande 
roulée,  il  disposait  ensuite  autour 
du  bras  trois  attelles  :  l'une  en  avant, 
la  seconde  en  dessous,  la  troisième 
en  arrière,  et  les  fixait  dans  cette 
position  au  moyen  de  lacs.  Un  cous- 
sin était  placé  entre  le  bras  et  le 
tronc,  et  ces  deux  parties  rappro- 
chées l'une  de  l'autre  au  moyen  de 
bandes.  Cet  appareil  est  surtout 
avantageux  dans  les  cas  de  déplace- 
ment principal  (fig.  46). 

Bonnet  (de  Lyon)  a  fait  construire 
un  appareil  très-compliqué  (fig.  47 
et  48)  composé  de  deux  gouttières,  dont  l'une  (fig.  47)  embrasse  la* moitié 
de  la  poitrine  du  côté  malade,  dont  l'autre  (fig.  48)  soutient  le  membre  su- 
périeur fléchi  au  niveau  du  coude.  La  gouttière  pectorale  que  l'on  voit  par 


Fig.  40.  —  Appareil  de  Desault  pour  le  traite- 
ment de  la  fracture  du  col. 


pIG    47,  —  Gouttière  pectorale  de  Bonnet  pour  Fig.  48.  —  Gouttière  brachiale  faisant  corps 

fractures  de   l'humérus  (face  interne),  munie  avec  celle  qui  entoure  la  poitrine.  (Bonnet, 

d'une  ceinture  horizontale  qui  l'assujettit  au-  Thérapeutique  des  maladies  articulaires. 

tour  du  tronc.  (Bonnet,  Thérapeutique  des  ma-  fig.  08.) 
ladies  articulaires,  fig.  07.) 

sa  face  interne  (fig.  47),  est  munie  d'une  ceinture  horizontale  qui  l'assu- 
jettit autour  du  tronc,  et  d'une  bretelle  qui  passe  au-dessus  de  l'épaule. 


BHAS.     —    FRACTURES    DE    L'HUMERUS. 


521 


La  gouttière  brachiale  fait  corps  avec  celle  qui  entoure  la  poitrine,  d'où 
résulte  que  le  bras  suit  le  tronc  dans  tous  les  mouvements  que  ce  dernier 
exécute.  La  figure  49  montre  l'appareil  applique.   On  y  a  ajouté    des 


Fig.  49.  —  Appareil  de  Bonnet  pour  fractures  du  col  de  l'humérus.  (Bonnet.  1  Itéra  ■ 
peutique  des  maladies  articulaires,  fig.  71.) 

moyens  accessoires  propres  à  opérer  l'extension;  c'est-à-dire  qu'on  a  fixé 
un  tourniquet  à  un  prolongement  de  la  gouttière  brachiale  et  que  l'on  a 
enroulé  sur  ce  petit  treuil  une  courroie  fixée  à  une  chaus- 
sette qui  entoure  l'extrémité  inférieure    du   bras,    etc. 
(Vidal.) 

Cet  appareil  a  rendu  de  grands  services  dans  quelques 
cas  de  fractures  du  col  à  déplacements  difficiles  à  main- 
tenir réduits. 

Appareil  de  Ant. 
Desormeaux.  — 
Dans  les  cas  ordi- 
naires, on  pourra 
se  contenter  de 
l'excellent  appa- 
reil de  Antonin 
Desormeaux  (  fi- 
gure  50);    il    est 

NOUV.    DICT.   MÉO.    ET   CHIC 


Fig.  50.  —  Gouttière  de  Antonin    Besoin  .eaux  pour 
la  fracture  du  col. 

V.  -  U 


BRAS. 


FRACTURES    DE    L  HUMERUS. 


composé  d'une  gouttière  en  gutta-percha  moulée  sur  le  membre  et  fixée 
au  moyen  d'une  bande  ordinaire  ou  de  bandelettes. 

Fractures  de  l'extrémité  inférieure  de  l'humérus.  —  Les  fractures  de 
l'extrémité  inférieure  de  l'humérus  nous  paraissent  devoir  être  divisées 
ainsi  qu'il  suit  :  1°  fracture  sus-condylienne;  —  2°  fracture  à  trois 
fragments  de  l'extrémité  inférieure  de  l'humérus  ;  —  5"  fracture  de  la 
trochlée  ;  —  4°  fracture  du  condyle  ;  —  5°  fracture  de  l'épicondyle  ;  — 
6°  fracture  de  l'épitrochlée. 

La  fracture  sus-condylienne,  divisant  transversalement  le  corps  de  l'hu- 
mérus au-dessus  des  tubérosités  ou  à  leur  niveau,  est  très-intéressante 
comme  diagnostic;  elle  simule  parfaitement  la  luxation  du  coude  en 
arrière. 

Quand,  en  effet,  l'humérus  se  trouve  brisé  à  sa  partie  inférieure,  si  les 
os  de  l'avant-bras  se  trouvent  portés  en  arrière,  entraînant  avec  eux  l'hu- 
mérus qui  forme  le  fragment  inférieur  de  la  fracture,  comme  cela  arrive 
ordinairement,  l'observateur  constatant  une  saillie  en  avant  du  coude 
et  une  tumeur  osseuse  en  arrière  aura  grande  tendance  à  conclure  à  la 
luxation  du  coude  en  arrière;  mais  si  le  diagnostic  présente  de  la  diffi- 
culté, il  y  a  des  moyens  certains  de  diagnostiquer  la  luxation  du  coude 
en  arrière  de  la  fracture  de  l'extrémité  inférieure  de  l'humérus.  Sans  par- 
ler, en  effet,  de  la  crépitation  qui  existera  quelquefois  dans  la  fracture 
mais  qui  n'existe  pas  nécessairement,  nous  trouvons  dans  les  déforma- 
tions seules  le  moyen  de  différencier  deux  maladies  chirurgicales, 
qui,  ont  entre  elles  une  parenté  incontestable. 


fracture  de  l  extremite  inferieure  de 

l'humérus. 
La  tumeur  osseuse  antérieure  est  située 
au-dessus  du  pli  du  coude,  parce  que  l'hu- 
niérus  est  raccourci  par  la  fracture. 


Tumeur  antérieure  irrégulière. 


Les  mouvements  de  flexion  et  d'extension 
sont  possibles,  l'articulation  étant  conser- 
vée. 

Réduction  facile,  mais  ne  se  maintenant 

|ias. 


LUXATION    DU   COUDE    EN    ARRIERE 

Comme  l'humérus  n'a  rien  perdu  de  sa 
longueur,  la  tumeur  osseuse  antérieure  se 
trouve  dans  un  point  qui  représente  exac- 
tement la  position  de  l'extrémité  inférieure 
de  Los. 

Tumeur  antérieure  reconnaissais  par  ses 
caractères  pour  l'extrémité  inférieure  de 
l'humérus. 

Mouvements  de  flexion  et  d'extension 
impossibles. 

Réduction  demandant  une  grande  force, 
mais  se  maintenant. 


Fracture  à  trois  fragments  de  V extrémité  inférieure  de  l'humérus,  — 
Sous  ce  titre,  nous  décrirons  un  genre  de  fracture  signalé,  dit-on,  pour 
la  première  fois,  par  Desault,  et  qui  consiste  dans  une  fracture  sus-con- 
dylienne de  l'extrémité  inférieure  de  l'humérus,  dans  laquelle  le  fragment 
inférieur  est  partagé  en  deux  par  une  ligne  de  fracture  verticale.  Ce  sont 
là  des  variétés  anatomiques  qu'on  ne  diagnostique  point.  Au  milieu  des 
parties  molles  épaisses  qui  recouvrent  l'articulation,  comment  se  per- 
mettre de  diagnostiquer  une  ligne  de  fracture  verticale  séparant  en  deux 


Bu  AS.    —    FRACTURES    DE    L'HUMÉRUS.  554 

un  fragment  inférieur  qui  ne  peut  avoir  plus  de  2  ou  5  centimètres  de 
hauteur  ? 

Fracture  de  la  trochlée.  —  Voici  les  symptômes  assignés  par  Astley- 
Cooper  à  la  fracture  de  la  trochlée  :  1°  Le  cubitus  paraît  luxé  à  cause 
de  la  saillie  que  cet  os  et  le  condyle  fracturé  font  derrière  l'humérus  pen- 
dant l'extension  de  l'avant-bras.  2°  Le  cubitus  reprend  sa  position  natu- 
relle lorsqu'on  place  l'avant-bras  dans  la  flexion.  o°  Si  l'on  applique  la 
main  sur  le  condyle  de  l'humérus,  tandis  qu'on  fléchit  et  qu'on  étend 
successivement  l'avant-bras,  on  perçoit  une  crépitation  qui  correspond 
au  condyle  interne.  4°  Quand  on  opère  l'extension  de  l'avant-bras,  l'ex- 
trémité inférieure  de  l'humérus  fait  au-devant  du  cubitus  une  saillie  facile 
à  sentir  à  la  'partie  antérieure  de  l'avant-bras. 

Fracture  de  répitrochlée  de  ï épicondyle ,  etc.  —  Nous  arrêtons  là 
l'étude  des  fractures  de  l'humérus;  il  n'y  a  que  peu  d'intérêt  à  décrire 
en  détail  les  fractures  de  l'épitrochlée,  qui  sont  tantôt  produites  par  des 
causes  directes,  d'autres  fois  par  des  arrachements,  et  qui  souvent  ne  se 
consolident  pas,  le  fragment  enlevé  se  trouvant  écarté  du  corps  de  l'os 
par  la  contraction  musculaire. 

Tout  cela  a  un  certain  intérêt;  mais  dans  ce  cas  la  pralique  a  peu  à 
bénéficier  de  la  théorie.  Le  diagnostic  sera  presque  toujours  impossible,  en 
ce  sens  qu'on  ne  pourra  pas  préciser  toutes  ces  variétés;  mais  on  saura 
qu'il  y  a  une  fracture;  c'est  tout  ce  qu'il  faut  pour  la  pratique. 

Appareil  pour  les  fractures  de  V extrémité  Inférieure  de  ï  humérus.  — 
Les  fractures  de  l'extrémité 
inférieure  de  l'humérus  étant 
réduites,    on    entourera    le 
membre    demi- fléchi    d'un 
bandage  roulé,  on  placera 
sur  le  bandage  roulé  des  at- 
telles   de    carton    mouillé, 
l'une  du  côté  de  la  flexion, 
l'autre  du  côté  de  l'exten- 
sion, en  les  fendant  de  côté    F,c-  M-  —Bandage  «le  floyer  pour  les  fractures  de  l'ex- 
et  d'autre  dans  le  quart  de 
leur  largeur,  au  niveau  du 
coude  ;  ces  attelles  sont  assujetties  le  long  du  bras  et  de  l'avant-bras 
au  moyen  d'une  seconde  bande  roulée,  etc.  (lig.  51). 

On  pourra  fléchir  l'avant-bras  sur  le  bras  et  entourer  le  membre  supé- 
rieur d'une  bande  :  une  attelle  coudée  et  concave  sera  placée  le  long  de 
la  face  postérieure  du  bras  et  de  l'avant-bras  ;  une  autre  du  côté  de  la 
face  antérieure  du  membre.  Les  deux  attelles  étant  assujetties  au  moyen 
de  courroies  (pratique  d'Astley  Cooper). 

On  pourra  encore,  à  l'exemple  de  Velpeau,  placer  une  compresse  gra- 
duée en  avant  du  pli  du  coude  ,  une  autre  compresse  en  arrière  sur  l'o- 
lécrâne.  Sur  ces  compresses,  [étant  appliquées  deux  attelles  de  carton 
mouillé  ;  en  recouvrant  le  tout  d'une  bande  dextrinée  ,  on  obtient  un  ap- 


trémité  intérieure  de  l'humérus.  [Vidal. 


552  BRAS.   —  FRACTURES  de  l'humérus. 

pareil  inamovible  solide  et  remplissant  parfaitement  les  indications  que 

présente  le  traitement  de  la  fracture  de  l'extrémité  inférieure  de  l'humérus. 

Ce  n'est  point  sans  inconvénient  qu'une  articulation  reste  longtemps 

immobilisée;  aussi,  Morel  Lavallée 
a-t-il  rendu  un  service  réel  à  bien 
des  malades  en  construisant  ses 
appareils  articulés.  La  figure  52 
représente  l'appereil  articulé  que 
Morel-Lavallée  employait  pour  les 
fractures  de  l'extrémité  inférieure 
de  l'humérus.  Cet  appareil  est 
formé  de  trois  parties  :  une  bra- 
chiale, une  antibrachiale  mobile 
sur  la  partie  médiane  qui  enve- 
loppe le  coude. 

Fractures  par  armes  à  feu.  — 

Les  fractures  par  armes  à  feu  sont, 

bien  entendu,  très-fréquentes  au 

bras;  nous  en  représentons  des  exemples  observés  à  la  tête  de  l'humérus 

(lig.  55),  quand  elles  ne  s'accompagnent  pas  de  trop  grands  délabrements 


Fig.  52.  — Bandage  avec  anneaux  imbriqués  qui  se 
meuvent  les  uns  sur  les  autres.  (Morel-Lavali.ée.) 
—  A,  coude;  B,  poignet. 


Fig.  55.  —  Fractures  de  la  tête  de  l'humérus  par  coups  de  feu.  —  L'humérus  a  éle 
réséqué  dans  les  cas  qui  ont,  fournijes  pièces  a,  b,  c,d  et  e.  (Musée  du  Val-do- 
Gràce  et  Legouest,  Chirurgie  d'armée.) 


elles  guérissent  très-bien  ;  mais,  en  raison  de  leurs  complications  fré- 
quentes, elles  constituent  souvent  un  cas  cï 'amputation  du  bras.  Les  frac- 
tures par  armes  à  feu  de  la  tête  humérale  nécessitent  souvent  la  résection 
(von.  Épaule),  et  la  pratique  des  chirurgiens  d'Amérique  dans  la  dernière 


BRAS 


NECROSE    ET    TUMEURS    DE    L  HUMERUS. 


OOJ 


pierre  a  montré  que  la  résection  de  la  tète  de  l'humérus,  dans  ce  cas, 
pouvait  donner  les  plus  beaux  succès. 

Nécrose  cie  l'humérus.  —  La  nécrose  de  l'humérus  se  présente 
souvent  dans  la  pratique.  On  rencontre  à  l'humérus  toutes  les  formes  de  la 
nécrose.  Nécrose  superficielle ,  nécrose 
largement  invaginée  (fig.  54),  etc.  Nous 
avons  observé  une  fois  une  nécrose  cir- 
culaire du  corps  de  l'os  ;  séparant  une 
rondelle  parfaitement  régulière  de  un 
centimètre  d'épaisseur  et  comprenant 
toute  la  diaphyse.  Le  travail  d'élimination 
était  très-avancé,  et  si  le  malade  n'avait 
pas  succombé  à  une  affection  vésicale,  il 
se  serait  fait  une  élimination  de  un  cen- 
timètre environ  du  corps  de  l'os;  élimi- 
nation qui  aurait  ainsi  diminué  la  lon- 
gueur du  corps  de  l'humérus.  Nous  re- 
produisons deux  beaux  types  de  nécroses 
invagïnécs  de  l'humérus  (fig.  54). 

Tumeurs  cBe  l'Iiuinerc:».  —  Toutes 
les  tumeurs  des  os  peuvent  s'attaquer  à 
l'humérus.  Nous  avons  observé  deux  exem- 
ples de  grosses  tumeurs  à  myéloplaxes  du 
corps  de  l'humérus,  et  on  connaît  le 
développement  énorme  que  peuvent  ac- 
quérir les  enchondronics  de  la  région.  On 
voyait,  il  y  a  trois  ans,  dans  Je  service 
de^Velpcau,  un  enchondrome  de  l'humé- 
rus dont  le  volume  était  plus  gros  que  le 
corps  du  malade.  La  tumeur  avait  envahi 
l'épaule,  et  Yelpeau  refusa  l'opération, 
qui,  exécutable  sans  doute  au  point  de 
vue  de,  la  médecine  opératoire,  aurait 
certainement  été  rapidement  suivie  de 
mort.  Si  la  tumeur  avait  été  d'un  volume 
moins  considérable,  la  résection  ou  l'am- 
putation aurait  dû  être  exécutée. 

Résection  de  l'humérus.  —  Les  maladies  de  l'humérus  peuvent  indi- 
quer la  résection  de  cet  os.  La  tète  de  l'humérus  est  la  partie  qui  a  été 
le  plus  souvent  enlevée  dans  les  opérations.  La  résection  de  la  tête  de 
l'humérus  est  une  des  opérations  les  plus  importantes  de  la  région  de 
1  épaule  (voy.  Epaule).  La  résection  de  l'extrémité  inférieure  de  l'humérus 
fait  partie  de  la  résection  du  coude  (voy.  Coude). 

Résection  de  la  partie  moyenne.  —  La  disposition  des  chairs  invite  à 
attaquer  le  membre  par  sa  partie  externe;  c'est  donc  entre  le  bord  externe 


g.  54.  —  A  Une  nécrose  de  L'humérus. 
—  Lm  nécrose  affecte  la  partie  moyenne 
de  l'os  ;  il  y  a  eu  extraction  de  séquestre. 
On  voit  l'os  nouveau  encore  incomplet, 
mince  et  fragile.  —  B  La  presque  tota- 
lité de  l'humérus  est  mortifiée.  L'os 
nouveau  est  complètement  solide.  On 
voit  les  cloaques,  ouvertures  qui  lais- 
sent apercevoir  le  grand  séquestre  mo- 
bile, libres  dans  la  cavité  de  l'os  nou- 
veau. (Musée  Dupuytren.) 


du  brachial  antérieur  et  le  bord  antérieur  du  ti 


iceps 


ou  mieux  dans  les 


554  BRAS.    ANEV-RYSOES    ET    KYSTES    AKÉVRYSMOÏDES. 

libres  les  plus  externes  du  brachial  antérieur,  que  l'incision  sera  prati- 
quée ,  l'os  dénudé  dans  une  étendue  en  rapport  avec  la  longueur  de  la 
partie  malade  ,  et  la  scie  appliquée  au-dessus  et  au-dessous  de  la  lésion. 
La  scie  à  chaîne  permettra  de  couper  les  os  avec  facilité,  sans  exposer  le 
moins  du  monde  les  parties  molles. 

Procédé  de  Y  auteur.  —  Dans  la  résection  de  la  partie  moyenne  de 
l'humérus  nous  avons  l'habitude  dans  nos  cours  de  faire  suivre  une 
marche  qui  permet  de  donner  à  l'opérateur  plus  de  facilité  et  en  même 
temps  plus  de  sécurité.  Nous  commençons  par  faire  pratiquer  à  la  partie 
externe  du  membre  une  petite  incision,  trois  à  quatre  centimètres  au 
plus  ;  l'os  est  légèrement  dénudé ,  et  la  scie  à  chaîne  passée  autour  de  la 
diaphyse.  La  section  de  l'humérus  est  pratiquée  ainsi  au  milieu  de  la 
partie  dont  l'ablation  doit  être  faite.  La  section  de  l'humérus  étant  prati- 
quée, nous  plions'le  membre  dans  sa  continuité  à  angle  droit  et  nous  fai- 
sons sortir  par  la  plaie  un  seul  des  fragments  dont  la  dissection  complète 
se  fait  avec  la  plus  grande  facilité,  et  qui,  étant  saisi  avec  une  tenaille  à 
son  extrémité  libre,  est  facilement  divisé  à  la  limite  du  mal  avec  la  scie  or- 
dinairement employée  dans  les  amputations.  Le  fragment  inférieur  est 
ensuite  attaqué  de  la  même  façon  et  avec  plus  de  facilité,  puisque  la 
place  où  manœuvre  le  chirurgien  s'est  trouvée  très-agrandie  par  l'ablation 
d'une  certaine  longueur  de  l'os. 

Nous  pratiquons  ainsi  avec  facilité  la  résection  de  l'humérus,  et  il  n'est 
jamais  nécessaire  d'avoir  recours  à  ces  instruments  complexes  (Ostéo- 
tome  de  Heine,  etc.)  inventés  pour  sectionner  les  os  en  respectant  les 
parties  molles  et  qui,  bons  en  théorie,  sont  inapplicables  en  pratique. 

Malle  a  guéri  par  la  résection  du  corps  de  l'humérus  un  militaire  qui 
depuis  longtemps  était  tourmenté  d'abcès  fîstuleux  par  suite  de  nécroses. 
Cette  opération  a  encore  été  pratiquée  par  Pétrequin  (de  Lyon). 

Anëvrjsmes  du  bras.  —  Les  anévrysmes  des  bras  sont  très-rares 
comme  anévrysmes  spontanés,  plus  communs  comme  anévrysmes  trau- 
matiques.  Ils  peuvent  porter  sur  l'humérale,  et  l'anatomie  indique  qu'ils 
peuvent  siéger  aussi  sur  l'humérale  profonde  ;  mais ,  jusqu'à  présent , 
du  moins,  nous  n'en  connaissons  pas  d'observation.  L'artère  humérale 
étant  superficielle,  tous  les  symptômes  des  anévrysmes  doivent  se  pro- 
noncer de  bonne  heure,  et  le  diagnostic  peut  être  porté  dès  le  début. 

Les  anévrysmes  du  bras  peuvent  être  attaqués  par  la  compression,  par 
la  ligature,  etc.,  etc. 

Kystes  anéi  r>  smoïdes.  —  Nous  donnons  le  nom  de  kystes  anévrys- 
moïdes  à  une  maladie  non  décrite  avant  nous,  et  dont  nous  avons  déjà  pu 
recueillir  deux  observations,  une  au  bras,  l'autre  à  Tavant-bras. 

Un  soldat  reçoit  à  Malakoff  une  balle  dans  le  biceps  brachial;  l'extrac- 
tion de  la  balle  est  pratiquée,  la  plaie  se  cicatrise,  trois  ans  après  il  entre 
à  rilôtel-Dieu  de  Nantes  pour  une  tumeur  soulevant  la  peau  de  la  région 
brachiale  antérieure,  et  ne  s'accompagnant  d'aucune  coloration  anor- 
male; cette  tumeur  est  molle,  fluctuante,  diffuse;  aucune  pulsation,  mais 
un  bruit  de  souffle  bien  perceptible  se  manifeste  à  l'auscultation. 


BRAS.    KYSTES    ANÉVRYSMOÏDES.  535 

Cette  tumeur  paraît  s'être  montrée  quelque  temps  après  la  cicatrisa- 
tion de  la  plaie  produite  par  la  balle,  et  s'être  accrue  régulièrement  et 
continuellement. 

On  diagnostiqua  un  anévrysme  faux  consécutif  de  l'artère  numérale, 
et  l'ouverture  du  sac  fut  décidée.  Une  incision  fut  pratiquée  à  la  peau  et 
divisa  une  assez  grosse  artère  comprise  dans  la  paroi  antérieure  de  la  tu- 
meur ;  la  ligature  en  fut  faite  sans  difficulté,  puis  le  sac  fut  ouvert.  Il 
sortit  une  quantité  considérable  de  caillots  noirs  et  diffluents,  que  l'on 
peut  évaluer  au  volume  du  poing;  ces  caillots  furent  projetés  en  quelque 
sorte  à  l'extérieur  par  une  ondée  sanguine  qui  s'écoulait  de   tous  les 
points  de  la  paroi  du  sac.  On  chercha  avec  le  plus  grand  soin  d'où  venait 
le  sang,  mais  il  ne  fut  pas  possible  de  reconnaître  une  seule  branche  ar- 
térielle ouverte,  et  cependant  l'hémorrhagie  était  menaçante.  On  recourut 
au  tamponnement;  des  boulettes  humectées  de  perchlorure  de  fer  furent 
introduites  dans  la  plaie,  et  un  bandage  compressifen  maintint  l'appli- 
cation. L'hémorrhagie  ne  s'arrêta  point,  le  sang  s'infiltra  dans  tous  les 
tissus,  le  délire  survint,  et  il  fallut  prendre  une  décision  ;  l'amputation 
fut  résolue,  et  le  bras  fut  coupé  par  le  docteur  Patureau  à  la  réunion 
du  tiers  supérieur  avec  les  deux  tiers  inférieurs.  L'amputation  fut  pra- 
tiquée au  milieu  de  tissus  infiltrés  de  sang. 

On  comprend  tout  l'intérêt  qui  s'attachait  à  la  dissection  du  membre; 
elle  fut  faite  avec  le  plus  grand  soin.  L'artère  numérale  lut  injectée  avec 
une  matière  solidifiable,  et  aucun  écoulement  notable  de  l'injection  ne  se 
lit  à  la  surface  du  sac  anévrysrral.  L'artère  numérale  était  intacte  dans 
toute  sa  longueur;  les  troncs  artériels  musculaires  étaient  également  in- 
tacts ;  il  n'y  avait  pas  d'anomalie  de  l'humérale.  Les  parois  du  kyste  san- 
guin étaient  formées  en  partie  par  les  fibres  du  biceps,  en  partie  par  le 
tissu  cellulaire.  Les  fibres  du  biceps,  au  voisinage  du  sang,  étaient  cou- 
pées, rougeâtres,  vascularisées  et  comme  villeuses  dans  quelques  points; 
elles  étaient  recouvertes  de  fausses  membranes  rouges  et  adhérentes  dans 
plusieurs  parties. 

L'écoulement  sanguin  si  menaçant  avait  donc  été  fourni  par  les  parois 
d'un  kyste  consécutif  à  une  plaie  profonde  du  bras,  cicatrisée  à  sa  sur- 
face. La  vascularisation  des  parois  avait  été  assez  considérable  pour 
donner  lieu  à  la  production  du  bruit  de  souffle. 

Ce  fait,  observé  avec  soin,  réveilla  notre  attention,  et,  en  1865,  nous 
eûmes  l'occasion  d'observer  dans  le  service  de  Velpeau  un  deuxième 
exemple  de  cette  maladie.  A  la  suite  d'une  blessure  de  Pavant-bras, 
une  tumeur  se  manifeste.  Celte  tumeur  n'était  point  sur  le  trajet  de  l'ar- 
tère radiale,  qui  battait  bien,  ni  sur  le  trajet  de  la  cubitale.  Pas  de  bat- 
tements, mais  un  bruit  de  souffle  bien  marqué.  La  tumeur  menaçant  de 
s  ouvrir,  Velpeau  l'incise  ;  il  sort  une  masse  considérable  de  caillots, 
puis,  la  poche  vidée,  on  découvre  un  kyste  bien  organisé,  ayant  même 
dans  quelques  points  des  parois  fibreuses,  et  donnant  du  sang  par  tous 
les  points  de  sa  surface,  etc. 

Aucune  artère  un  peu  importante  n'était  intéressée  dans  ce  cas.  La 


556  BRAS.    —    KYSTES   AM3VRYSM0ÏDES. 

compression  produite  dans  le  sac  réussit,  et  le  blessé  guérit  sans  ampu- 
tation. 

Ces  observations  justifient  le  titre  de  kystes  anévrysmoïdes  ;  c'est  une 
maladie  dont  l'histoire  est  encore  incomplète,  puisqu'elle  se  réduit  aux 
deux  cas  que  nous  produisons  en  ce  moment,  mais  qui  paraît  par  sa  gra- 
vité et  la  difficulté  de  son  diagnostic  digne  de  fixer  d'une  façon  toute 
particulière  l'attention  du  chirurgien. 

Ligature  de  l'artère  hcméràle  au  milieu  du  bras.  —  Le  chirurgien 
ayant  déterminé,  par  la  palpation,  la  position  précise  du  bord  interne  du 
biceps,  de  l'aponévrose  intermusculaire  interne,  qui  se  sent  très-bien  et 
forme  un  repère,  du  nerf  médian,  du  nerf  cubital,  qui  quelquefois  sous- 
tendent  la  peau  et,  dans  d'autres  cas,  roulent  sous  le  doigt  à  la  palpation. 
Les  battements  de  l'artère  ayant  surtout  été  bien  reconnus,  une  incision  de 
cinq  centimètres  divise  longitudinalement  la  peau  de  la  région  brachiale 
interne. 

L'aponévrose  superficielle  est  ouverte  avec  le  plus  grand  soin,  et  le  nerf 
médian  apparaît.  On  sait  que  ce  nerf  est  au  côté  externe  de  l'artère  dans 
l'aisselle,  en  avant,  au  milieu  du  bras  et  en  dedans,  au  pli  du  coude. 
Le  nerf  médian  croise  donc  l'artère  en  formant  un  x  très-allongé. 

Le  nerf  médian  est  écarté  avec  précaution,  et  au-dessous  on  aperçoit 
l'artère  numérale,  accompagnée  de  deux  veines.  Les  plus  grandes  pré- 
cautions sont  indispensables  pour  séparer  l'artère  numérale  de  ses  deux 
veines.  Un  fil  est  jeté  sur  l'artère,  et  l'opération  est  terminée. 

Il  faut  toujours  avoir  présente  à  l'esprit  la  possibilité  ^anomalies 
de  l'artère  numérale.  Ces  anomalies  consistent  dans  la  bifurcation  pré- 
maturée de  l'artère;  bifurcation  qui  se  fait  ou  dans  l'aisselle  ou  le  long 
du  bras.  D'après  Broca,  dans  tous  les  cas  d'anomalie,  il  existe  constam- 
ment, à  la  place  de  l'humérale,  un  canal  vasculaire  qui  en  reproduit  par- 
faitement la  direction  et  les  rapports  (canal  de  Meckel). 

Quelque  facile  que  soit  la  ligature  de  rhumérale,  cette  opération 
peut  présenter  des  difficultés  et  être  suivie  d'accidents.  1°  On  peut  prendre 
le  nerf  cubital  pour  le  médian  ;  2°  le  nerf  médian  peut  passer  en  arrière 
de  l'artère;  5°  on  peut  prendre  pour  l'artère  une  veine  ;  un  nerf,  une 
bande  anévrotique,  une  bandelette  de  tissu  cellulaire;  4°  on  peut  dé- 
coller les  muscles,  ouvrir  trop  largement  les  gaines,  ce  qui  prédispose  aux 
abcès  et  aux  fusées  purulentes. 

La  ligature  de  rhumérale  peut  entraîner  la  gangrène  des  membres; 
mais  c'est  là  un  accident  excessivement  rare.  L'humérale  profonde  et  les 
anastomoses  des  articulaires  ramènent  si  rapidement  le  sang  au  bout  in- 
férieur, que  ce  qu'il  y  a  de  plus  à  craindre  dans  une  ligature  de  l'humé- 
rale, c'est  de  manquer  le  but  par  le  retour  trop  rapide  du  sang. 

Pour  éviter  le  retour  du  courant  sanguin  anastomotique,  on  remplacera 
avec  avantage,  dans  les  hémorrhagies  de  l'humérale  et  les  anévrysmes  des 
bras,  la  ligature  simple  au-dessus  de  la  plaie  et  de  l'anévrysme  par  la 
ligature  double  au-dessus  et  au-dessous,  etc.,  etc. 

Amputation  du  bras.  —L'amputation  du  bras  et  celle  de  la  cuisse  doivent 


BRAS. 


KYSTES   ANEVRYSM01DES. 


DO, 


être  regardées  comme  le  triomphe  de  la  méthode  circulaire.  La  facile  ré- 
traction de  la  peau,  la  disposition  des  muscles  donnent  dans  ces  régions, 
à  l'amputation  circulaire  (fig.  55),  des  avantages  réels  comme  exécution,  et 


Fie.  55.  —  Amputation  circulaire  du  bras.  —  Procédé  de  Béclard  et  Dupuytren. 

comme  résultat  secondaire,  sur  les  méthodes  ovalaires  ou  à  lambeaux. 

La  peau  est  rétractée  avec  soin  par  un  aide  ;  un  second  aide  main- 
tient l'avant-bras.  Premier  temps  :  Le  chirurgien,  placé  en  dehors  du 
membre,  coupe  circulairemènt  la  peau  et  l'aponévrose  sans  toucher  aux 
muscles.  La  peau  rétractée  s'écarte.  Deuxième  temps  :  Le  chirurgien,  re- 
portant le  couteau  dans  la  plaie,  coupe  toutes  les  chairs  du  membre 
jusqu'à  l'os. 

L'aide  continuant  la  rétraction,  le  moignon  prend  la  forme  d'un  cône 
à  sommet  en  dehors.  Pour  obtenir  un  résultat  satisfaisant,  l'opérateur 
doit  donner  un  dernier  coup  de  couteau  qui  retranche  toute  la  moitié 
externe  du  cône,  et  scier  Los  au  niveau  de  cette  dernière  section  des 
parties  molles.  Le  résultat  donné  par  ce  procédé  de  la  méthode  circulaire 
(procédé  de  Béclard  et  de  Dupuytren)  est  constamment  très-beau. 

Les  ligatures  d'artères  sont  faciles  à  exécuter,  et  quelques  minutes  i>uï- 
lisent  pour  achever  l'opération. 

Exemples  de  méthodes  à  lambeaux,  d'après  Malle.  —  1°  Une  incision 
transversale  et  deux  incisions  longitudinales,  de  manière  à  tailler  un 
lambeau  aux  dépens  de  la  partie  antérieure  et  externe  du  deltoïde;  une 
fois  ce  lambeau  obtenu,  il  faut  le  relever  et  diviser  ce  qui  reste  des  par- 
ties molles  à  l'aide  d'une  incision  circulaire.  11  ne  reste  plus  qu'à 
isoler  les  os  et  à  les  scier.  (Sabatier.) 

L'opérateur,  placé  en  dedans,  soulève  les  chairs  avec  la  main  gauche 
pour  le  bras  droit,  et  réciproquement,  s'il  agit  sur  le  bras  gauche;  il 
taille  deux  lambeaux,  l'un  interne,  et  l'autre  externe,  de  8  centimètres 
environ  et  en  procédant  de  dehors  en  dedans;  une  fois  les  parties  molles 


538  BRAS.  —  prothèse. 

relevées  et  l'os  isolé,  la  scie  en  fait  la  section  à  l'endroit  désigné  d'avance. 
(Langenbeck.) 

Le  couteau  est  introduit  au  bord  radial  du  membre,  et  rase  la  surface 
de  l'os  pour  aller  sortir  au  bord  cubital.  Section  d'un  lambeau  circulaire 
long  de  5  centimètres.  Un  autre  lambeau  de  même  forme  est  taillé  à  la 
partie  postérieure,  etc.,  etc.  (Klein.) 

On  a  également  pratiqué  l'amputation  du  bras  par  la  méthode  ovalaire. 
Nous  recommandons  la  méthode  oblique- elliptique  de  Marcellin  Duval 
(de  Brest),  comme  un  procédé  un  peu  long  peut-être,  mais  sûr,  et  per- 
mettant de  pratiquer  l'opération  sans  crainte  d'hémorrhagie,  et  avec  un 
résultait  très-beau  au  point  de  vue  de  la  réunion. 

PROTHÈSE 

Les  infirmités  auxquelles  donnent  lieu  les  amputations  du  bras,  les 
phocomélies  du  membre  supérieur,  sont  nécessairement  très-graves; 
aussi  la  pensée  de  suppléer  au  membre  supérieur  par  un  mécanisme  sous 
la  dépendance  du  sujet  qui  le  porte,  a-t-elle  dû  venir  depuis  longtemps 
déjà  aux  chirurgiens  et  aux  ingénieurs  qui  fabriquent  les  instruments  de 
chirurgie. 

Le  nombre  des  bras  artificiels  est  considérable,  et  Debout,  dans  un 
remarquable  mémoire,  en  a  fait  dessiner  un  grand  nombre  de  modèles. 
Quoiqu'il  y  ait  encore  beaucoup  à  faire  dans  cette  voie,  et  que  l'art  de 
la  prothèse  des  membres  n'ait  pas  dit  son  dernier  mot;  on  a  obtenu 
des  résultats  importants  et  les  noms  de  Charrière,  de  Mathieu,  de  Martin, 
de  Duval,  etc.,  rappellent  autant  d'ingénieuses  dispositions  dont  pour- 
ront bénéficier  les  blessés  qui  ont  subi  l'amputation  d'un  bras  ou  des 
deux  bras. 

Dans  le  cas  si  remarquable  de  Roger,  Mathieu  construisit  l'appareil 
(fig.  56),  avec  lequel  le  célèbre  ténor  put  continuer  de  figurer  sur  la 
scène. 

Le  problème  était  complexe;  il  s'agissait  :  1°  de  faire  mouvoir  en  tous 
sens  les  doigts,  le  poignet  et  l'avant-bras;  2°  de  permettre  à  l'avant-bras 
de  se  plier  sur  le  bras,  de  venir  s'appliquer  sur  la  poitrine;  de  pouvoir 
l'étendre,  l'élever  au-dessus  de  la  tête,  le  porter  en  arrière,  en  dehors  et 
faire  les  saluts  d'usage.  Mathieu  a  obtenu  tous  ces  mouvements  à  l'aide 
d'un  système  de  courroies  unissant  le  membre  opposé  et  les  épaules  au 
bras  artificiel.  Ces  courroies  s'étendant  d'une  épaule  à  l'autre  avaient 
déjà  été  utilisées  dans  un  bras  artificiel,  construit  longtemps  avant  par  van 
Peeterssen  (voy.  Avant-Bras,  t.  IV,  p.  301),  mais  le  bras  de  ce  dernier 
inventeur  était  extrêmement  compliqué  et  bien  inférieur  à  l'appareil  de 
Mathieu. 

Grâce  au  mécanisme  ingénieux  employé  par  Mathieu,  Roger  pouvait 
obtenir  dans  son  membre  artificiel:  1°  la  pronation  et  la  supination; 
2°  l'ouverture  de  la  main  et  le  rapprochement  des  doigts  ;  5°  l'extension 
de  l'indicateur  indépendant  ou  solidaire  à  volonté  des  autres  doigts,  etc. 


BRAS.    PROTHÈSE. 


539 


La  légèreté  de  l'appareil  prothétique  de  Mathieu  a  été  obtenue  en  com- 
binant l'aluminium  et  l'acier  au  bois  le  plus  léger. 


Fig.  56.  —  Bras  artificiel  (modèle  Mathieu)  dont  se  sert  Roger.  —  a,  Corde 
qui  sert  à  produire  le  mouvement  de  flexion  de  l'avant-bras  sur  le  bras, 
et  qui  vient  se  fixer  en  avant  à  la  ceinture  du  pantalon,  en  traversant  la 
partie  dorsale  en  a.  —  e,  Coupe  de  l'avant-bras  à  l'endroit  où  le  mouve- 
ment de  pronation  et  de  supination  se  l'ait  au  moyen  de  la  corde  t  qui 
passe  en  b  et  vient  se  fixer  en  f  à  l'épaule  opposée.  —  c,  Corde  qui  fait 
manœuvrer  l'index  et  qui  vient  s'attacher  à  la  couture  du  pantalon  en  c. 
—  L'ouverture  de  la  main  se  fait  par  le  mouvement  de  torsion  de  l'avant- 
bras.  —  a,  Double  virole  concentrique  disposée  de  manière  à  produire 
le  double  mouvement  de  rotation  du  bras,  moyen  qui  permet  de  pouvoir 
passer  l'avant-bras  derrière  le  dos  et  le  porter  derrière  la  tète. 


Charrière  construisit  au  même  moment  pour  Roger  le  bras  artificiel  des- 
siné (fig.  57);  nous  n'en  donnerons  pas  la  description  minutieuse;  l'exa- 
men attentif  du  dessin  suffira  pour  faire  comprendre  les  dispositions  prin- 
cipales du  mécanisme.  L'appareil  prothétique  de  Charrière  est  en  cuir 
préparé,  terminé  au  poignet  par  deux  charnières  qui  permettent  la  flexion 
de  la  main. 

Une  courroie  placée  sur  le  dos  d'après  le  système  déjà  rapporté  à  son 
inventeur  van  Pecterssen,  unit  le  bras  au  tronc  et  rend  ses  mouvements 
dépendants  du  moignon  de  l'épaule  du  côté  amputé,  enfin  du  membre 
sain,  etc.,  etc. 


540  BRAS.    PROTHÈSE. 

Le  bras  artificiel  construit  par  Charrière  est  très-ingénieux,  mais 
parait  moins  simple  que  celui  construit  par  Mathieu.  La  simplicité  de 
l'appareil  de  ce  dernier  inventeur  nous  paraît  assurer  à  son  œuvre  une 
supériorité  incontestable. 


Fig.  58.  —  A,  L'un  des  deux  bras  artificiels  (mode 
Charrière)  qui  ont  été  employés  pour  Roger,  avec  l'ad 
dition  de  l'ancien  principe  de  traction  de  van  Pee 
terssen.  —  B,  Vue  de  la  coupe  de  l'avant-bras  d 
même. 

La  main  est  en  bois,  très-évidée,  pour  en  diminuer  1 
poids.  Les  phalanges  qui  doivent  former  les  doigts  sont 
en   acier  et  recouvertes    en  bois,    assemblées  et  assez 
serrées  pour  rester  dans  toutes  les  positions  qu'il  con- 
vient de  le*ur  donner.   Une  corde  à  boyau  A,  fixée  à 
l'avant-bras  au  point  C,  sert  à  attirer  ce  dernier,  en 
prenant   son    point  fixe  sur  le  brassard,  au  niveau  d 
l'épaule,  du  côté  sain.  On  fléchit  alors  le  coude   et 
poignet  en  élevant  le  moignon.  Le  triangle  que  forme 
cette  corde  de  traction  avec  le  bras  et  l'avant-bras  s 
évité  à  l'aide  d'une  poulie  de  renvoi. 

Ce  mouvement  fera  tirer  sur 
une  deuxième  corde  D  qui  est 
iixée  à  l'excentrique  E  de  la 
charnière  du  coude;  l'extré- 
mité de  cette  corde,  munie 
d'un  fort  ressort  en  spirale 
étant  fixée  dans  la  main  au 
point  F,  la  fera  fléchir  à  l'ar- 
ticulation du  poignet.  Mais 
aussitôt  que  la  traction  ne  se 
fait  plus  sur  la  corde  fixée 
derrière  l'épaule,  l'avant-bras 
se  redresse  par  la  force  de 
deux  élastiques  GG  placés  der- 
rière le  coude.  Le  poignet  se 
redresse  en  même  temps  que 
l'avant-bras  par  le  tirage  d'un 
ressort  en  spirale  plus  faible 
lixé  en  dehors  de  la  main  au 
point  H  et  à  l'avant-bras  au 
point  I. 

Les  mouvements  de  prona- 
tion et  de  supination  s'exécu- 
tent par  l'une  des  saillies  J 
placées  à  l'avant-bras,  au-des- 
sous de  la  jonction  K  des  par- 
ties inférieures  et  supérieures 
de  ce  dernier.  Les  mouvements 
de  rotation  s'exécutent  facul- 
tativement en  poussant  avec  la 
hanche  ou  avec  l'autre  main 
l'un  des  points  saillants  J. 


Fig. 


Appareils  prothétiques  après  l'amputation  des   deux  bras.  —  Ange 
Duval  de  (Brest)  a  fait  construire  pour  un   cas  d'amputation  des  deux 


BRAS.    PROTHÈSE. 


541 


bras,  un  appareil  (fig.  59  et  60),  qui  a  rendu  a  l'opéré  de  biens  grands 
services  ;  cet  appareil  se  compose  : 


Fjg.  59.  —  Appareil  d'Ange  Duval.  —  Jacques 
Bonin  au  repos.  (Debout,  observ.  72.) 


Fjg.  GO. —  Appareil  d'Ange  Duval.  Jacques 
Bonin  prenant  une  cuillerée  de  potage.  De- 
bout, observ.  72.) 


D'une  main  de  bois,  évidée  à  l'intérieur,  pour  diminuer  sa  pesanteur, 
terminée  par  quatre  doigts,  réunis  entre  eux  et  dans  la  demi-flexion, 
taillés  dans  le  même  morceau  de  bois.  Au  centre  de  la  main,  un  trou 
reçoit  une  spirale  d'acier  :  un  ressort  d'une  grande  force  qui  est  solide- 
ment fixé  et  qui,  d'autre  part,  est  uni  au  pouce.  Celui-ci,  D,  est  donc 
rapproché  énergiquement  des  extrémités  des  doigts,  imlex  et  médius.  La 
face  palmaire  de  ces  doigts  présente  une  surface  presque  plane  et  non 
convexe,  taillée  obliquement  afin  de  s'opposer  au  pouce  dans  une  plus 
grande  étendue;  une  fossette  ovalaire,  assez  profonde,  creusée  sur  le  bord 
externe  de  la  main,  reçoit  le  premier  métacarpien  qui  est  lormé  avec  le 
pouce  d'un  seul  morceau  de  bois.  J'avais,  dit  Duval,  articulé  dans  le 
principe  la  main  avec  le  cône  de  l'avant-bras;  les  mouvements  de  flexion 
et  d'extension  se  faisaient  avec  facilité  ;  mais,  peu  avant  le  départ  du 
blessé,  préférant  la  solidité  du  mouvement,  j'ai  fixé  la  main  à  l'avant- 
bras. 

Les  autres  parties  de  l'appareil  sont  formées  : 

D'un  tube  conique,  sorte  de  manchon  de  quinze  centimètres  environ, 


T)42  BRAS.    BIBLIOGRAPHIE. 

qui  reçoit  le  moignon  et  s'articule  au  coude  avec  le  brassard  en  cuir,  qui 
prend  son  point  d'appui  sur  le  moignon  et  sur  l'épaule. 

Enfin,  un  bracelet  entoure  le  moignon  du  bras  gauche  et  sert  de  point 
fixe  à  un  cordon  de  traction  qui  réunit,  les  deux  membres. 

Ange  Duval  a  eu  Jacques  Bonin  plusieurs  mois  sous  les  yeux,  et  l'ap- 
pareil que  ce  chirurgien  a  mis  en  usage  fonctionne  depuis  assez  long- 
temps pour  que  l'on  puisse  en  apprécier  l'utilité. 

Quelque  imparfaits  que  soient  généralement  les  appareils  prothétiques 
destinés  à  remplacer  les  membres,  ils  ont  déjà  rendus  d'immenses  ser- 
vices, ils  ont  rendu  la  vie  possible  à  des  malheureux  qui,  sans  cette  pré- 
cieuse ressource,  en  étaient  réduits  à  regretter  le  succès  de  l'opération 
qui  les  avait  guéris.  Là  ne  s'arrêtera  pas  la  prothèse,  et  nous  pouvons 
déjà  prévoir  tout  ce  qu'elle  pourra  donner,  si  les  chirurgiens  ne  dédai- 
gnent pas  de  se  faire  un  peu  mécaniciens,  ou  si  les  mécaniciens  s'inspi- 
rent de  la  physiologie. 

Hippocrate,  (Fuvres,  traduction  nouvelle  par  E.  Littré  :  Des  fractures.  8  Fractures  du  bras 
(avec  fig.).  Paris,  1841,  t.  III,  p.  445. 

Paré,  Œuvres.  Paris,  18  K>,  t.  II.  liv.  XIII  :  Delà  fracture  de  l'os  du  bras,  p.  317  ;  t.  III,  liv.  XIX  : 
Des  monstres,  p.  15,  édit.  Malgaigne. 

Manne,  Lettre  sur  les  fractures  dépendantdes  muscles  [Journ.  deméd.  de  Sédillot.  1805,  t.  XXIII, 
p.  265}. 

Bottentuit,  Observation  de  fracture  de  l'humérus  par  le  seul  effort  des  muscles  [Journ.  de  méd. 
de  Sédillot.  1805,  t.  XXIV,  p.  575). 

Mothe  (de  Lyon),  Mélange  de  médecine  et  de  chirurgie  ou  mémoires  sur  les  pansements,  luxa- 
tions, opérations  chirurgicales,  etc.  Lyon.  1812. 

Jacquemine  Observation  sur  une  fracture  de  l'humérus,  causée  par  la  forte  contraction  des  muscles 
moteurs  de  la  jambe  [Recueil  de  mémoires  de  méd.,  de  chirur.  et  dephar.  militaires.  1820, 
1-  série,  t.  VII,  p.  245). 

KuTTiNGER.  Observations  sur  deux  fractures  de  1  humérus  produites  par  l'action  musculaire  [Recueil 
de  mémoires  de  méd.,  chirur.  et  pharm.  militaires.  1820,  t.  VIII,  p.  258). 

Caffort,  Fractures  de  l'humérus  par  la  puissance  musculaire  [Arch.  génér.  de  méd.,  1827. 
lre  série,  t.  XV,  p.  150). 

Cloquet,  Absence  des  deux  tiers  supérieurs  de  l'humérus  [Arch.  de  méd.,  1829,  lre  si'rie. 
t.  XIX,  p.  619). 

Baffos,  Fracture  de  l'humérus  [Arch.  génér.  de  méd.,  1829,  lre  série,  t.  XXI  p.  449). 

Dupuytren,  Fracture  du  bras  sans  violence  extérieure,  et  produite  par  le  seul  effet  de  la  con- 
traction musculaire,  articulation  contre  nature,  traitement  [Gaz.  des  hôp.,  1835,  p.  29). 

Laugier  (S.),  Sur  une  espèce  rare  de  luxation  incomplète  de  la  tète  de  l'humérus  en  haut  et  en 
avant  [Arch. génér.  deméd.,  2e  série,  1854,  juin,  t    V). 

Geoffroy-Saint-Hilaire,  Histoire  générale  et  particulière  des  anomalies  de  l'organisation  chez 
l'homme.  Paris,  1836* t.  II  (Indications  bibliographiques). 

Liston,  American  Journal,  novembre  1846,  p.  249. 

Dictionnaire  des  étudesmédicales  pratiques.  Paris,  1858,  l.  II.  art.  Bras  (amputation  du\  par 
A.  Lenoir  ;  (fractures  et  luxations  du),  par  Sédillot. 

C.  Sédillot,  De  l'anatomic  pathologique  d'une  nouvelle  espèce  ou  variété  de  luxation  du  bras. 
Note  lue  à  l'Académie  de  médecine,  le  29  octobre  1839  [Ann.  de  la  chirur.  française  et 
étrangère.  Paris,  1841,  t.  III,  p.  62.  —  Voyez  aussi  le  rapport  fait  à  l'Académie  de  médecine 
par  Bouvier  [Bull,  de  l'Acad.  de  méd.,  t.  V,  p.  432). 

Malgaigne,  Anatomie  chirurgicale.  — Traité  des  fractures  et  des  luxations. 

Lekert  (de  Nogent-le-Rotrou),  Quelques  remarques  sur  la  meilleure  méthode  de  réduction  des 
luxations  de  la  cuisse  et  du  bras  [Bull,  génér.  de  thérap.,  1850,  t.  XXXVIII,  p.  177). 

Bonnet  (de  Lyon),  Traité  de  thérapeutique  des  maladies  articulaires.  Paris,  1855. 

Brainard,  Mémoire  sur  le  traitement  des  fractures  non  réunies  et  des  difformités  des  os.  Pa- 
ris, 1854. 

Jordan  (de  Manchester),  Traitement  des  pseudarthroses  par  l'autoplastie  periostique.  Paris,  1860. 

Morel-Lavallée,  Moyen  nouveau  et  très-simple  de  prévenir  la  roideur  et  l'ankylose  dans  les  fractures, 


BROME.  —  pnorr.iÉTÉs  physiques  et  chimiques.  545 

bandage  articulé.  Note  lue  à  l'Académie  de  médecine  [Bull,  de  thêrap.,  1860,  t.  LY11I,  p.  207). 

Virchow  ^R.),  La  pathologie  cellulaire  basée  sur  l'étude  physiologique  et  pathologique  des  tissus, 
traduit  de  l'allemand  par  P.  Picard.  Paris,  1866,  p.  370. 

Legouest,  Traité  de  chirurgie  d'armée.  Paris,  1866,  illustré  de  ligures.  Nous  avons  emprunté  à 
ce  livre  une  figure  de  pièces  pathologiques  de  la  collection  du  musée  du  Yal-de-Grâce . 

Trelat,  Etude  sur  les  résultats  statistiques  des  opérations  pratiquées  dans  les  hôpitaux  de  Paris,  lu 
à  l'Académie  impériale  de  médecine  le  22  mars  1862  (Mémoires  de  VAcad.  imp.  de  méd.  Pa- 
ris, 1865,  t.  XXVII,  p.  13'*  (Amputât,  du  bras). 

Debout,  Coup  d'oeil  sur  les  vices  de  conformation  produits  par  l'arrêt  de  développement  des 
membres  et  sur  les  ressources  mécaniques  offertes  par  la  prothèse  pour  rétablir  leurs  fonctions 
{Mémoires  de  la  Société  de  chirurgie.  Paris,  1864,  t.  VI,  et  BuU.de  thérap.,  t.  LXIII). 

Anger  (Benjamin),  Traité  iconographique  des  maladies  chirurgicales,  1866,  lre  monogr.  Luxa- 
tions et  fractures,  p.  139  et  suiv.,  pi.  XXXVI.  XXXVII.,  color.  et  fig.  34,  intercalée  dans  le 
texte  p.  145. 

Benjamin  Anger. 
BRIGHT  (Mal  de).  Voy.  Reins. 

BTCOJ?IFi.  —  Corps  simple  que  Bâtard  découvrit  en  1826,  et  dont  il 
fit  connaître  les  principales  propriétés..  Son  nom  lui  vient  de  la  mauvaise 
odeur  qu'il  exhale  (gpw[;.oc,  fétidité). 

Propriétés  physioues  et  chimiques..  —  Le  brome  est  liquide  à  la 
température  ordinaire.  Sa  couleur  est  d'un  rouge  brun,  qui  paraît  presque 
noir  quand  on  le  regarde  en  masse,  mais  qui  est  jaune  rougeâtre  quand 
on  l'observe  en  couche  mince  et  par  transmission.  Exposé  à  la  tempéra- 
ture de  20  degrés,  il  se  congèle  en  une  masse  cristalline  feuilletée  d'une 
teinte  grisâtre.  Il  entre  en  ébullilion  à  63  degrés,  mais  il  émet  des  vapeurs 
abondantes  môme  à  la  température  ordinaire.  La  densité  de  ces  vapeurs 
est  considérable  et  égale  à  5,59.  Celle  du  brome  liquide  est  2,9 1 . 

Le  brome  est  peu  soluble  dans  l'eau,  mais  il  se  dissout  assez  bien  dans 
l'alcool,  et  l'éther  le  dissout  en  toutes  proportions.  Mis  en  contact  avec 
l'amidon,  il  le  colore  en  rouge  orangé  :  cette  réaction  peut  servir  à  le 
distinguer  du  chlore,  qui  est  sans  action  sur  l'amidon,  et  de  l'iode  qui 
le  colore  en  bleu.  Le  chloroforme,  agité  avec  une  solution  aqueuse  de 
brome,  se  colore  en  rouge  plus  ou  moins  foncé,  suivant  la  richesse  de  la 
solution  :  il  forme  ainsi  une  couche  colorée  surnagée  par  un  liquide  inco- 
lore. Si  l'on  agite  cette  couche  chloroformique  avec  un  léger  excès  de 
potasse,  elle  perd  elle-même  sa  couleur,  et  la  reprend  ensuite  lorsqu'on 
sature  l'alcali  par  un  acide  étendu.  Le  sulfure  de  carbone  se  comporte 
avec  les  dissolutions  de  brome  comme  le  chloroforme;  seulement,  lorsque 
la  couleur  a  disparu  par  l'action  d'un  alcali,  elle  ne  reparaît  pas  par  l'ac- 
tion d'un  acide. 

L'histoire  chimique  du  brome  peut  se  calquer  sur  celle  du  chlore  et  de 
l'iode.  L'extrême  analogie  qui  se  révèle  entre  ces  trois  corps,  est  encore 
si  frappante,  quand  on  considère  leur  origine  ou  leur  manière  d'être  dans 
la  nature,  qu'on  est  tenté  de  se  demander  si  ce  ne  sont  pas  trois  modifi- 
cations de  la  môme  substance.  Leur  étal  physique  n'est  pas  le  môme,  il 
est  vrai;  car  le  chlore  est  gazeux,  le  brome  liquide,  et  l'iode  solide.  Mais 
ils  n'en  peuvent  pas  moins  se  remplacer  en  toutes  proportions  dans  les 
composés  définis,  dont  ils  n'altèrent  notablement  ni  la  forme,  ni  la  con- 
stitution chimique,  ce  qui  prouve  leur  isomorphisme. 


544  BHOME.  —  préparation. 

Toutefois  les  affinités  du  chlore  paraissent  plus  puissantes  que  celles  du 
brome  :  si  l'on  introduit  une  certaine  quantité  de  chlore  dans  une  disso- 
lution de  bromure  alcalin,  on  voit  la  liqueur  se  colorer  en  rouge  orangé 
par  la  mise  en  liberté  du  brome.  Agite-t-on  la  solution  avec  de  Féther, 
celui-ci  enlève  le  brome,  se  colore  à  son  tour  en  rouge  orangé,  et  la  li- 
queur redevient  presque  incolore. 

Le  brome  tache  la  peau  en  rouge  foncé  ;  il  décolore  la  teinture  de 
tournesol,  l'encre  ordinaire  et  la  dissolution  sulfurique  d'indigo.  Il  agit 
comme  poison  sur  l'économie  animale,  et  attaque  vivement  les  organes 
de  la  respiration. 

PrÉPARATioN.  —  On  soumet  à  l'action  d'un  courant  de  chlore  les  eaux 
mères  des  marais  salants,  dans  lesquelles  le  brome  existe  à  l'état  de  bro- 
mure. Le  brome  est  éliminé.  On  le  sépare  de  l'eau  au  moyen  de  Féther, 
et  on  traite  la  solution  éthérée  par  la  potasse  caustique,  qui  transforme 
le  brome  en  bromate  et  en  bromure.  On  calcine  et  on  obtient  tout  le 
brome  sous  forme  de  bromure. 

On  mêle  le  bromure  de  potassium  ainsi  obtenu  avec  du  bioxyde  de 
manganèse  ;  on  introduit  le  mélange  dans  une  cornue,  et  on  le  traite  par 
un  petit  excès  d'acide  sulfurique  préalablement  étendu  de  la  moitié  de 
son  poids  d'eau.  Par  une  légère  élévation  de  température,  on  voit  le  brome 
se  dégager  en  vertu  d'une  réaction  analogue  à  celle  qui  produit  le  chlore  : 
KBr  -h  2  (S05HO)  -f  MnO2  ==  KOSO3  -f-  MnOSO3  -f-  2IIO  +  Br. 

Acide  bromique,  acide  bromhydrique.  —  Le  brome  peut  se  combiner 
avec  l'oxygène  et  avec  l'hydrogène  pour  former  des  composés  analogues 
à  ceux  qu'on  obtient  avec  le  chlore  et  l'iode. 

L'acide  bromique,  BrO5,  s'obtient  en  décomposant  le  bromate  de  baryte 
par  une  quantité  proportionnelle  d'acide  sulfurique,  et  en  évaporant  la 
liqueur  surnageante  jusqu'à  consistance  sirupeuse. 

L'acide  bromhydrique,  IIBr,  se  prépare  ordinairement  par  l'action  de 
Feau  sur  le  bromure  de  phosphore.  C'est  un  gaz  incolore,  fumant  à  l'air, 
aussi  soluble  dans  l'çau  que  Facide  chlorhydrique,  décomposable  par  le 
chlore  qui  s'empare  de  son  hydrogène,  et  met  le  brome  à  nu. 

Cet  acide,  comme  le  précédent,  est  intéressant  au  point  de  vue  chi- 
mique; mais  les  deux  composés  sont  restés  jusqu'ici  sans  emploi  médical. 

Bromure  de  potassium.  —  Lorsqu'on  introduit  dans  une  dissolution  de 
potasse  assez  de  brome  pour  que  la  masse  devienne  légèrement  colorée, 
on  obtient  un  mélange  de  bromate  de  potasse  et  de  bromure  de  potas- 
sium. Il  suffit  d'évaporer  le  mélange  et  de  le  calciner  dans  une  capsule 
de  platine,  pour  obtenir  à  l'état  de  bromure  de  potassium  tout  le  brome 
mis  en  expérience.  On  reprend  ce  sel  par  Feau  et  on  le  fait  cristalliser. 

Le  bromure  cristallise  en  cubes.  Sa  densité  est  2,14.  Il  est  très-solublc 
dans  Feau,  et  donne  une  solution  que  le  chlore  colore  immédiatement 
par  la  séparation  du  brome. 

Le  bromure  de  potassium  que  l'on  trouve  dans  le  commerce,  est  souvent 
mêlé  de  chlorure  et  d'iodure.  La  présence  du  chlorure  se  reconnaît  par 
Faction  successive  du  nitrate  d'argent  et  de  l'ammoniaque  en  excès.  La 


BROME,    —    BROMURES    BE    FER,    BE    PLOMB    ET    PL    MERCUKE.  <H5 

solution  ammoniacale,  sursaturée  par  l'acide  nitrique,  reproduit  à  l'état 
de  chlorure  d'argent  tout  le  chlorure  de  potassium  primitivement  mêlé 
au  hromure.  Quanta  l'iodure  de  potassium,  ce  n'est  qu'accidentellement 
qu'il  peut  se  trouver  mêlé  au  bromure,  son  prix  étant  plus  élevé  que  celui 
de  ce  dernier  sel.  On  le  reconnaît  en  traitant  la  solution  suspecte  par  le 
bichlorure  de  mercure,  qui  ne  donne  rien  avec  le  bromure  pur,  et  qui 
l'orme  avec  l'iodure  de  potassium  un  très-beau  précipité  rouge  de  biodure 
de  mercure. 

Bromures  de  fer.  —  Le  brome  l'orme  avec  le  1er  deux  composés 
correspondant  aux  deux  chlorures  de  ce  métal. 

Le  protobromure,  FeBr,  se  prépare  en  traitant  le  brome  par  un  excès 
de  1er,  soit  par  voie  humide,  soit  par  voie  sèche.  A  l'état  anhydre,  ce  sel 
est  d'un  jaune  clair;  il  fond  très-facilement  par  la  chaleur,  et  présente, 
après  refroidissement,  une  structure  cristalline  et  lamelleuse.  Sa  solution 
dans  l'eau  possède  une  teinte  verdàtre  peu  sensible;  mais  une  partie  du 
fer  s'oxyde  sous  l'influence  de  l'air,  et  il  se  dépose  du  sesquibromure  de 
1er  basique  sous  l'orme  d'une  poudre  jaune.  Cette  facile  altération  du  pro- 
tobromure de  fer  a  porté  les  pharmacologistes  à  préparer  une  solution 
normale,  analogue  à  celle  de  proto-iodure  de  fer.  Voici  la  formule  de  cette 
solution  : 

Brome. .       10  I  Eau  distillée.    . 140 

Fil  de  fer 4, '25  Sucre 90 

F.  S.  A.  et  conservez  dans  des  petits  flacons  qui  en  soient  exactement 
remplis. 

Le  sesquibromure  de  fer,  Fe2Br*,  s'obtient  en  faisant  passer  de  la  vapeur 
de  brome  sur  du  fer  préalablement  chauffé.  Il  se  forme  du  sesquibro- 
mure de  fer  qui  se  sublime  et  se  condense  sous  forme  de  cristaux  rouges 
foncés. 

Bromure  fie  plomb.  —  Ce  sel  s'obtient  par  double  décomposition 
en  versant  du  bromure  de  potassium  dans  un  sel  de  plomb  soluble.  11  a 
pour  formule  PbBr,  et  ressemble  au  chlorure  de  plomb.  Il  est  presque  in- 
soluble dans  l'eau  froide;  mais  il  se  dissout  en  quantité  notable  dans 
l'eau  bouillante,  et  se  dépose  par  le  refroidissement  sous  forme  de  pe- 
tites aiguilles  blanches. 

Le  bromure  de  plomb,  soumis  à  l'action  de  la  chaleur,  se  fond  en  un 
liquide  rouge  qui  devient  jaune  citron  en  se  solidifiant. 

Bromures  «le  mercure.  —  Il  existe  deux  bromures  de  mercure 
analogues  aux  deux  iodures  et  aux  deux  chlorures. 

Le  protobromure,  Hg2Br,  s'obtient  par  double  décomposition  en  trai- 
tant un  protosel  de  mercure  par  la  quantité  équivalente  de  bromure  de 
potassium,  ou  mieux  encore  en  combinant  directement  le  brome  et  le 
mercure  au  contact  de  l'alcool.  C'est  un  sel  blanc,  volatil,  qui  devient 
jaune  quand  on  le  chauffe,  et  qui  reprend  sa  couleur  par  refroidissement. 
On  doit  le  conserver  à  l'abri  de  la  lumière. 

NOUV.    DICT.  MÉD.    ET  CUIR.  V.    —    55 


546  1JK0ME.    —    BROMOFORME.    —   THÉRAPEUTIQUE. 

Le  de uto bro mure  de  mercure,  HgBr,  s'obtient  en  sublimant  un  mé- 
lange à  parties  égales  de  brome  et  de  mercure.  Le  produit  sublimé  est  du 
deulobromure  cristallisé  en  aiguilles.  Il  se  dissout  dans  l'eau,  dans  l'al- 
•  ool  et  dans  I'étber.  Il  est  très-vénéneux  et  très-irritant. 

Bromoforraie.  —  Le  brome  entre  comme  élément  dans  un  grand 
nombre  de  composés  organiques,  parmi  lesquels  se  trouve  le  bromoforme, 
C2HBr3,  liquide  incolore  que  les  alcalis  transforment  facilement  en  for- 
miate  et  en  bromure  alcalin.  Sa  densité  est  2,10.  On  l'obtient  en  faisant 
agir  le  brome  sur  les  citrates  de  potasse  et  de  soude.  Il  correspond  au 
chloroforme  par  sa  composition.  Il  jouit  des  mêmes  propriétés  que  l'iodo- 
forme,  mais  il  est  irritant. 

Thérapeutique.  —  L'introduction  du  brome  et  de  ses  composés  dans  la 
matière  médicale,  a  été  déterminée  par  le  prix  successivement  croissant 
de  l'iode  et  de  ses  préparations.  L'extrême  analogie  que  les  deux  métal- 
loïdes présentent  au  point  de  vue  chimique,  a  conduit  à  penser  que  leurs 
composés  jouiraient  des  mêmes  propriétés  médicales.  On  a  constaté,  en 
effet,  que  le  brome  pouvait  être  employé  dans  tous  les  cas  où  l'iode  avait 
été  jusque-là  indiqué;  mais  on  a  reconnu  que  son  action  était  plus  irri- 
tante, et  qu'on  devait  se  montrer  plus  réservé  dans  son  emploi. 

Un  résultat  bien  remarquable  des  observations  d'Andral  et  Fournet, 
est  que  le  brome  fait  cesser  parfaitement  et  avec  rapidité  la  douleur  dans 
les  articulations  malades. 

Pourché  (de  Montpellier)  a  expérimenté  le  brome  et  le  bromure  de 
potassium  dans  le  traitement  des  scrofules,  et  en  a  obtenu  de  très-bons 
effets,  qui  ont  été  confirmés  depuis  par  Glover  et  Horing.  L'emploi  du 
bromure  de  fer  a  été  préconisé  par  Magendie.  Aux  Etats-Unis,  on  l'a 
employé  dans  le  traitement  des  dartres,  des  scrofules,  de  l'érysipèle  et 
de  l'aménorrhée.  Dillwyn  Parrish  propose  d'employer  la  solution  normale 
de  protobromure  de  fer  à  la  dose  de  20  à  40  gouttes  trois  fois  par  jour. 
Nous  avons  donné  plus  haut  la  formule  de  cette  préparation. 

Les  expériences  de  Werneck,  en  Autriche,  ont  montré  que  le  deutobro- 
mure  de  mercure  avait,  dans  la  syphilis,  une  incontestable  utilité. 

En  1856,  Ozanam  annonça  avoir  obtenu  les  succès  les  plus  remar- 
quables de  l'emploi  du  brome  dans  les  affections  pseudo-membraneuses. 
Les  cas  de  guérison  qu'il  rapporta  furent  si  nombreux  et  si  constants,  que 
le  brome  fut  considéré  par  lui  comme  un  véritable  spécifique  doué  d  une 
action  particulière  pour  désagréger  les  fausses  membranes.  La  prépa- 
ration employée  par  Ozanam  était  l'eau  bromée,  et  surtout  le  bromure 
de  potassium  donné  au  malade  depuis  la  dose  de  0gr,05  jusqu'à  celle 
de  0»",50. 

Selon  Bartholoz,  le  bromure  de  potassium,  après  avoir  été  absorbé 
dans  le  sang,  exerce  sur  l'axe  cérébro-spinal  une  action  particulière  qui 
a  pour  conséquence  une  sédation  du  cœur  et  différents  phénomènes  de 
sédation  locale  :  cette  action  n'est  toutefois  bien  manifeste  qu'autant  que 
les  centres  nerveux  ne  sont  le  siège  d'aucune  altération  anatomique  ap- 
préciable. Le  docteur  Fallani  a  également  constaté  que  le  bromure  de  po» 


BROME.    —    THÉRAPEUTIQUE. 


)4  / 


lassiuin  a  le  pouvoir  de  tempérer  l'irritabilité  nerveuse,  et  il  regarde 
même  l'action  calmante  obtenue  en  pareil  cas  comme  préférable  à  celle 
de  l'opium  et  des  substances  vireuses,  en  ce  qu'elle  ne  donne  lieu  à  au- 
cune excitation  ni  à  aucun  trouble  général  de  l'économie.  Ce  praticien 
ajoute,  il  est  vrai,  que,  si  l'effet  sédatif  du  bromure  est  plus  exempt  d'in- 
convénients, il  est,  en  définitive,  moins  sur  et  moins  bien  démontré. 

Voici  maintenant  les  diverses  formules  se  rapportant  à  l'emploi  médi- 
cal du  brome  et  de  ses  composés  : 

I.  Le  brome  en  nature  a  été  employé  à  la  dose  de  deux  à  vingt  gouttes 
dans  des  potions  ou  dans  l'eau.  A  l'extérieur,  la  dose  a  été  de  dix  gouttes 
à  \  grammes. 

Potion  bromée  (Ozanam). 

liau  bromée u«r,5U 

Potion  gommeuse. I50*r,00 

Mêlez  et  conservez  dans  l'obscurité. 

Eau  bromée  (Ozanam). 

Brome 0^,10 

Bromure  de  potassium. 0«r,10 

Eau  distillée I00*r,00 

V.  S.A. 

II.  Le  bromure  de  potassium  a  été  employé  sous  forme  de  pilules  et  de 
pommade  : 

Pilules  de  bromure  de  potassium  (Pourché). 

Bromure  de  potassium: 0*r,5U 

Lycopode Ur,00 

V.  S.  A.,  et  partagez  en  six  pilules  dont  on  prendra  deux  par  jour. 

Pommade  de  bromure  de  potassium  (Pourché). 

Bromure  de  potassium. 5er,00 

Axonge  récente 40*r,00 

K.  S.  A.  Deux  ou  trois  frictions  par  jour. 

III.  A  l'état  de  bromure  de  plomb,  le  brome  a  été  employé  sous  forme 
de  pilules  par  Van  den  Corput  pour  combattre  les  érections.  Voici  la  for- 
mule : 

Pilules  de  bromure  de  plomb  (Van  den  Cohih  t). 

Bromure  de  plomb )    ..  .    ...  na  .  n     ... 

hxtrait  de  belladone ' 

Lupulin i>r.0;> 

Pour  une  pilule.  En  faire  six  semblables.  On  en  prend  deux  à  trois 
par  jour  pour  les  uréthrites  ou  les  balano-postbites  accompagnées  d'érec- 
tions douloureuses. 

IV.  Les  deux  bromures  de  mercure  ont  été  employés  dans  les  maladies 
syphilitiques  par  Biett,  Mageiidie,  Ricordet  Cazenave. 


548  BRONCHES. 

Pilules  de  protobromure  de  mercure. 

Protobroniure  de  mercure lsr,00 

Extrait  de  réglisse ().  S. 

Y .  S.  A.,  et  divisez  en  soixante  pilules.  Trois  par  jour. 

Solution  de  deutobromure  de  mercure. 

Deutobromure  de  mercure 0«r,05 

Eau  distillée 60<r,00 

F.  S.  A.  On  emploie  cette  solution  à  la  dose  de  20  gouttes  par  jour. 
On  augmente  progressivement. 

Ces  formules  si  nombreuses  et  si  diverses  montrent  que  les  composés 
du  brome  sont  fréquemment  employés  en  médecine.  Mais  il  ne  faut  pas 
perdre  de  vue  que  leur  emploi  exige  une  grande  réserve,  et  qu'ils  peu- 
vent, dans  certains  cas,  produire  des  inconvénients  sérieux,  de  véritables 
accidents  toxiques  que  l'on  a  désignés  sous  le  nom  de  bromisme.  C'est  ce 
(jue  montre  surtout  une  observation  récente,  recueillie  par  le  docteur 
Léon  Marcq.  Il  s'agit  d'un  malade  atteint  d'une  laryngite  ulcéreuse,  au- 
quel on  avait  donné  avec  succès  une  solution  de  bromure  de  potassium 
dans  de  l'eau  sucrée  (0gr,10  par  jour).  Pour  compléter  la  guérison,  on 
pensa  devoir  augmenter  l'action  locale  du  bromure,  en  le  portant  direc- 
tement sur  les  parties  affectées,  au  moyen  d'un  pulvérisateur. 

Bien  que  la  quantité  de  bromure  ainsi  introduite  à  l'état  de  poussière 
liquide  fût  très-faible,  des  symptômes  graves  se  présentèrent  immédiate- 
ment :  teint  jaune,  yeux  excavés  avec  une  extrême  fixité  dans  le  regard, 
visage  sans  expression,  considérablement  amaigri,  jambes  vacillantes, 
mains  tremblantes,  etc. 

Le  docteur  Léon  Marcq  parvint  à  conjurer  ces  accidents  en  supprimant 
immédiatement  l'emploi  du  bromure,  et  prescrivant  une  tisane  diuré- 
tique, des  bains  sulfureux,  un  régime  exclusivement  lacté. 

Grange,  Sur  la  présence  de  l'iode  et  du  brome  dans  les  aliments  et  les  sécrétions  (Archives  gé- 
nérales de  médecine,  4e  série,  t.  XXIX,  p.  113). 

Ozanam,  Emploi  du  brome  dans  les  affections  pseudo-membraneuses  (Comptes  rendus  de  l'Aca- 
démie des  sciences,  l26  mai  1856,  t.  \Lll;  Bulletin  de  thérapeutique,  1850,  t.  LI,  p.  55).  — 
Formule  pour  l'emploi  du  brome  contre  les  affections  pseudo-membraneuses  (Répe  toire  de 
pharmacie,  1856;  Bulletin  de  thérapeutique,  1856,  t.  LI,  p.  75;  Gazette  des  hôpitaux, 
mai  1859). 

Babtholoz  (Cincinnati  Lancet,  novembre  1865). 

Fallam  (Gazetta  medica  italiana  Venele,  5  maggio  1866). 

L  .  Marcq  (Art  médical  de  Bruxelles,  1866). 

H.    BuiGINET. 


imONCHES.  —  Les  anciens  désignaient  sous  le  nom  de  bronches 

([ips^/oç,  gorge  ou  gosier),  la  tracbée-artère  et  ses  divisions;  aujourd'hui 
on  appelle  ainsi  les  deux  branches  de  bifurcation  de  la  trachée,  destinées 
l'une  au  poumon  droit,  l'autre  au  poumon  gauche. 


BRONCHES.  —  bronches  proprement  dites.  549 

ANATOMIE  ET   PHYSIOLOGIE. 

L'histoire  anatomique  des  bronches  comprend  deux  parties  bien  dis- 
tinctes, dont  il  est  facile  de  simplifier  la  description  en  étudiant  :  1°  les 
bronches  proprement  dites  ou  extra-pulmonaires,  c'est-à-dire  cette  partie 
des  conduits  aérifères  qui  s'étend  de  la  trachée  à  la  face  interne  des 
poumons;  2°  les  ramifications  bronchiques  elles-mêmes  ou  bronches  in- 
tra-pulmonaires . 

Il  sera  donc  ici  question  :  1°  des  bronches  proprement  dites  aux  divers 
points  de  vue  de  leur  forme,  de  leur  direction,  de  leur  longueur,  de  leur 
calibre  et  de  leurs  rapports;  2°  des  ramifications  bronchiques  au  point 
de  vue  de  leur  distribution  et  de  leurs  rapports  avec  le  parenchyme  pul- 
monaire; 3°  de  la  structure  des  canaux  aériens. 

Bronches  proprement  dites.  —  Les  conduits  membraneux  qui 
constituent  les  grosses  bronches  sont  formés  d'une  série  d'anneaux  cartila- 
gineux incomplets  qui  font  immédiatement  suite  aux  anneaux  analogues  de 
la  trachée.  La  partie  moyenne  du  dernier  cerceau  de  la  trachée,  au  lieu 
de  rester  horizontale,  s'infléchit  très-fortement  de  haut  en  bas  en  même 
temps  qu'elle  se  recourbe  en  arrière,  de  telle  sorte  qu'elle  forme  dans 
l'intérieur  de  la  trachée  un  éperon  saillant  beaucoup  moins  prononcé  chez 
l'homme  que  chez  certains  animaux. 

Parties  de  ce  point,  les  bronches  se  dirigent  vers  la  face  interne  des 
poumons,  et  constituent,  avec  les  nerfs  et  les  vaisseaux,  ce  faisceau  court 
et  un  peu  aplati  d'avant  en  arrière  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  pédicule 
du  poumon.  Elles  pénètrent  ensuite  dans  le  parenchyme  pulmonaire,  et 
s'y  divisent  successivement  en  une  foule  de  branches  de  plus  en  plus  pe- 
tites, les  ramifications  bronchiques,  qui  ont  été,  comme  nous  le  verrons 
plus  tard,  divisées  en  plusieurs  ordres,  d'après  leur  diamètre. 

Certains  points  de  l'histoire  anatomique  des  bronches  sont  les  mêmes 
pour  ces  deux  conduits  ;  d'autres  offrent  au  contraire  des  différences 
telles,  selon  qu'on  examine  la  bronche  droite  ou  la  bronche  gauche, 
que  l'on  est  obligé  d'insister  sur  ces  derniers  d'une  façon  toute  spé- 
ciale. 

Longueuh  et  volume.  —  Aucun  doute  ne  peut  s'élever  au  sujet  des  diffé- 
rences qui  existent  dans  la  longueur  et  le  calibre  des  deux  bronches.  Les 
anatomistes  ont  fait  de  très-nombreuses  recherches  pour  les  fixer  d'une 
manière  exacte;  lluschkc  est  celui  qui,  par  la  rigueur  de  ses  procédés, 
et  par  le  très-grand  nombre  de  sujets  sur  lesquels  il  a  observé,  paraît 
s'être  le  plus  rapproché  de  la  vérité.  Il  est  arrivé  aux  chiffres  suivants  : 


Bronches  droites. 
Bronches  gauches 


LONGUEUR. 

i,  Aiun.  un. 

de  1 1  à  15  Lignes. 
de  18  à  21  lignes. 

8  li»nes. 
7  lignes. 

L'air  inspiré  arrive  donc  au  poumon  droit  par  une  voie  pins  courte  et 
plus  large  que  celle  qui  le  mène  au  poumon  gauche,  ce  qui  explique 
pourquoi,  chez  les  enfants  qui   meurent  peu  de  temps  après  leur  nais- 


,'»50  BRONCHES.  —  rronches  proprement  dites. 

sance,  le  poumon  droit  est  généralement  plus  ou  moins  imprégné  d'air, 
tandis  que  le  gauche  paraît  encore  tout  à  fait  compacte. 

Rapports.  —  Les  bronches  comprises  dans  la  portion  supérieure  du 
médias  tin,  offrent  avec  les  organes  voisins  des  rapports  extrêmement  im- 
portants ;  ces  rapports  sont  communs  aux  deux  bronches  ou  spéciaux  à 
chacune  d'elles. 

La  bronche  est  la  plus  volumineuse  de  toutes  les  parties  qui  contri- 
buent à  former  le  pédicule  du  poumon  ;  ce  pédicule  est  recouvert  en 
partie  sur  ses  deux  faces  par  la  plèvre.  Dans  sa  migration  d'arrière  en 
avant,  cette  séreuse  se  réfléchit  de  dedans  en  dehors  derrière  ce  pédi- 
cule, revêt  une  petite  portion  de  la  région  postérieure  du  péricarde, 
revient  ensuite,  en  suivant  la  face  interne  du  poumon,  jusqu'à  la  partie 
antérieure  du  pédicule  qu'elle  recouvre,  pour  se  réfléchir  enfin  sur  les 
cotés  du  péricarde,  au-devant  duquel  elle  s'adosse  à  la  plèvre  du  coté 
opposé. 

En  avant  des  bronches,  se  trouvent  les  veines  et  les  artères  pulmo- 
naires. L'artère  pulmonaire  droite  dirigée  un  peu  plus  horizontalement  que 
la  gauche  se  place  devant  la  bronche  correspondante  et  derrière  les  veines 
pulmonaires  du  même  côté.  L'artère  pulmonaire  gauche  un  peu  plus 
oblique  que  la  précédente,  se  dirige  comme  elle  vers  le  pédicule  du  pou- 
mon, passe  en  avant  de  la  bronche  gauche  et  en  arrière  des  deux  veines 
pulmonaires. 

La  direction  un  peu  oblique  de  ces  deux  branches  artérielles  a  donné 
lieu  à  une  petite  remarque  anatomique  qu'il  est  bon  de  faire  ressortir, 
c'est  que  les  artères  pulmonaires  croisent  les  bronches  dans  leur  par- 
cours de  telle  façon  qu'inférieures  à  celles-ci  à  leur  point  de  départ,  elles 
leur  deviennent  supérieures  à  leur  entrée  dans  l'épaisseur  du  poumon  : 
il  existe,  en  un  mot,  un  véritable  entre-croisement  en  X. 

En  avant  des  artères  pulmonaires  se  trouvent  placées  les  veines  du 
même  nom.  Elles  forment  le  plan  antérieur  du  pédicule  pulmonaire  et  ne 
sont  en  contact  avec  la  bronche  que  tout  à  fait  à  la  partie  supérieure  et 
antérieure.  Elles  en  sont  ensuite  séparées  par  les  artères  pulmonaires  et 
s'en  éloignent  d'ailleurs  sensiblement  au  fur  et  à  mesure  qu'elles  se  rap- 
prochent de  l'oreillette  gauche. 

En  somme,  les  conduits  aérifères  et  les  vaisseaux  pulmonaires  forment 
donc  trois  plans  superposés,  et  Sappey  n'a  peut  être  pas  eu  complète- 
ment raison  quand  il  a  écrit  que  l'artère  pulmonaire  et  les  deux  veines  du 
même  côté  sont  contenues  dans  un  seul  et  même  plan. 

Les  nerfs  bronchiques  antérieurs,  branches  thoraciques  du  pneumo- 
gastrique, forment  un  lacis  de  rameaux  anastomosés  auxquels  on  a  donné 
le  nom  de  plexus  pulmonaire  antérieur.  Les  branches  de  division  de  ce 
plexus  s'appliquent  immédiatement  sur  la  face  antérieure  des  bronches 
et  pénètrent  ensuite  dans  le  poumon  où  elles  se  comportent  comme  il 
sera  dit  plus  bas. 

Les  branches  du  plexus  pulmonaire  postérieur,  au  lieu  d'affecter, 
comme  les  branches  du  plexus  antérieur,  une  direction  rectiligne,   eu- 


BRONCHES.  —  BRONCHES  proprement  dite*.  r>51 

globent,  pour  ainsi  dire,  les  faces  postérieure  et  inférieure  de  la  bron- 
che de  telle  sorte  que  les  conduits  aérifères  se  trouvent  entourés  par  un 
très-grand  nombre  de  filets  nerveux  du  pneumo-gastrique. 

Quant  au  plexus  cardiaque  qui  résulte  de  l'anastomose  et  de  l'entrela- 
cement des  branches  cardiaques  des  pneumo-gastriques  et  des  six  nerfs 
cardiaques  du  grand  sympathique,  il  n'est  en  rapport  avec  les  bronches 
qu'en  arrière  et  tout  à  fait  à  leur  partie  supérieure,  près  de  leur  bifur- 
cation. 

Les  bronches  sont  enfin  en  rapport  dans  tout  leur  parcours,  mais 
.surtout  à  leur  partie  supérieure  avec  une  très-grande  quantité  de  gan- 
glions lymphatiques  (ganglions  bronchiques),  particulièrement  nombreux 
au  niveau  de  l'origine  des  bronches,  variables  par  leur  nombre,  leur 
volume,  et  remarquables  surtout  par  leur  coloration  noirâtre,  d'autant 
plus  appréciable  que  les  sujets  sont  plus  avancés  en  âge.  Les  rapports  de 
ces  ganglions  avec  les  bronches  sont  tellement  immédiats,  que  lorsqu'ils 
deviennent  malades,  soit  qu'ils  s'enflamment  chroniquement,  soit  qu'ils 
s'infiltrent  de  matière  tuberculeuse  (phthisie  bronchique),  ce  qui  est  plus 
fréquent,  leur  maladie  retentit  nécessairement  sur  les  bronches.  L'aug- 
mentation de  volume  de  ces  ganglions  peut  amener  la  déformation  ou  le 
rétrécissement  des  canaux  aériens,  et  l'on  a  même  vu  assez  fréquem- 
ment les  foyers  tuberculeux  ramollis  des  ganglions  bronchiques,  s'ouvrir 
dans  les  bronches  elles-mêmes. 

La  bronche  droite  a  des  rapports  médiats  avec  la  veine  cave  supérieure. 
La  face  postérieure  de  ce  vaisseau  est  séparée  de  la  bronche  par  quel- 
ques-uns des  ganglions  lymphatiques  dont  il  vient  d'être  question.  La 
même  bronche  a  aussi  des  rapports  avec  la  grande  veine  azygos  qui  la 
contourne  pour  venir  s'ouvrir  dons  la  veine  cave  supérieure,  et  s'applique 
ainsi  d'abord  à  sa  partie  postérieure,  puis  à  sa  partie  supérieure. 

La  bronche  gauche  a  des  rapports  assez  étendus  avec  l'aorte  :  ce  vais- 
seau l'embrasse  en  effet  dans  sa  concavité  qui  répond  successivement  et 
tour  à  tour  k  sa  partie  antérieure  et  interne,  à  sa  partie  supérieure  et 
enfin  à  sa  partie  postérieure.  Ces  rapports  sont  immédiats  en  avant  et  en 
haut,  mais  en  arrière,  la  bronche  et  l'aorte  sont  séparés  par  le  plexus 
pulmonaire  postérieur  et  par  la  plèvre. 

Inutile  enfin  de  dire  que  les  bronches  sont  en  rapport  aussi  immédiat 
que  possible  avec  les  artères  bronchiques,  qui  nées  près  de  la  crosse 
de  l'aorte  se  portent  immédiatement  dans  la  bronche  correspondante, 
sur  laquelle  elles  se  distribuent  comme  il  sera  dit  plus  loin. 

Divisions  bronchiques.  —  Parvenues  à  la  face  interne  du  poumon  et  au 
moment  où  elles  cessent  de  faire  partie  du  pédicule  de  cet  organe  pour 
s'enfoncer  dans  son  parenchyme,  les  bronches  se  bifurquent.  Certains  au- 
teurs ont  écrit  que  la  bronche  droite  donne  trois  branches  dès  son  entrée 
dans  le  poumon,  une  pour  chacun  de  ses  lobes;  le  fait  n'est  pas  tout  à 
fait  exact,  et  voici  plutôt  comment  se  fait  cette  distribution.  Tandis  que 
la  branche  supérieure  de  division  se  rend  en  se  courbant  un  peu  en  haut, 
au  lobe  supérieur  du  poumon  correspondant,  la  division  inférieure,  plus 


.'i5c2  BRONCHES.  —  ramifications  bronchiques. 

volumineuse  que  la  précédente,  suit  la  direction  primitive  de  la  grosse 
bronche  elle-même;  celle  du  côté  gauche  se  rend  directement  dans  le 
lobe  inférieur,  tandis  que  celle  du  côté  droit  se  bifurque  de  nouveau  après 
un  trajet  de  près  de  trois  centimètres,  et  envoie  la  plus  petite  de  ces  deux 
nouvelles  branches  dans  le  lobe  moyen.  La  plus  volumineuse  suit  le  tra- 
jet primitif  et  se  rend  au  lobe  inférieur. 

Etant  locations  bronchiques.  —  Les  ramifications  bronchiques 
présentent  dans  toute  leur  étendue  des  divisions  dichotomiques;  grâce  à 
la  saillie  anguleuse  qui  se  trouve  au  niveau  de  ces  dichotomisations,  la 
colonne  d'air  est  facilement  divisée,  et  cette  disposition  est  la  plus  favo- 
rable à  la  circulation  des  fluides  aériens. 

Cette  facilité  de  circulation  de  l'air  est  encore  augmentée  par  cette  dis- 
position sur  laquelle  les  anatomistes  n'ont  peut-être  pas  assez  insisté,  et 
qui  est  telle  que  la  somme  de  deux  ramifications  bronchiques  quelcon- 
ques, donne  un  conduit  d'un  diamètre  plus  considérable  que  celui  de  la 
division  unique  qui  leur  a  donné  naissance,  de  telle  sorte  que  plus  l'air 
pénètre  profondément  dans  les  poumons,  plus  l'espace  dans  lequel  il 
circule  est  large. 

Les  ramifications  bronchiques  qui  sont  d'ailleurs  exactement  les 
mêmes  des  deux  côtés,  peuvent  comme  les  bronches,  être  examinées 
aux  divers  points  de  vue  de  leur  forme,  de  leur  calibre,  de  leur  direction 
et  de  leurs  rapports. 

Au  point  de  vue  de  leur  forme,  elles  diffèrent  notablement  des  bron- 
ches et  de  la  trachée,  car  elles  se  présentent  sous  la  forme  de  cylindres 
complets  et  non  pas  de  cylindres  incomplets  et  aplatis  sur  une  partie  de 
leur  pourtour  : 

Ces  conduits  aérifères  se  divisent  dans  l'épaisseur  du  poumon,  en 
branches  de  plus  en  plus  petites,  jusqu'à  leur  terminaison  dans  les  lobu- 
les pulmonaires  eux-mêmes. 

Au  fur  et  à  mesure  qu'elles  se  subdivisent,  les  ramifications  bronchi- 
ques diminuent  de  volume  et  leurs  parois  s'amincissent  de  plus  en  plus. 
Kobin,  refuse  de  donner  le  nom  de  ramifications  bronchiques  à  ces 
conduits  aériens  ultimes,  à  cause  de  leur  structure  spéciale  et  com- 
plètement différente  de  celle  des  bronches  plus  volumineuses;  leur  dia- 
mètre a  été  diversement  apprécié  par  les  auteurs;  pendant  que  certains 
prétendent  que  ce  diamètre  est  extrêmement  petit,  d'autres  soutiennent 
au  contraire,  que  les  conduits  de  sixième  ordre  ont  encore  au  moins  un 
millimètre  de  diamètre.  Sappey  explique  cette  divergence  par  les  diverses 
manières  dont  les  auteurs  s'y  sont  pris  pour  obtenir  les  chiffres  qu'ils 
ont  indiqués;  les  uns  ayant  examiné  des  poumons  à  l'état  frais,  dans  les- 
quels les  derniers  conduits  aérifères  reviennent  sur  eux-mêmes  et  s'obli- 
tèrent presque,  les  autres  s'étant  toujours  servis  pour  leurs  recherches 
de  poumons  secs  et  insufflés.  Ces  ramifications  peuvent  d'ailleurs  acqué- 
rir dans  certains  cas  pathologiques,  de  bronchites  capillaires  par  exemple, 
un  volume  beaucoup  plus  considérable. 

L'étude   des   dernières  ramifications   bronchiques,   qui   comporte  né- 


BRONCHES.    RAMIFICATIONS    BRONCHIQUES.  555 

cessai  rement  l'étude  de  leur  terminaison  dans  le  parenchyme  pulmonaire, 
a  donné  lieu  à  de  nombreuses  théories. 

La  structure  du  poumon  est  considérée  par  les  uns  comme  vésiculaire, 
par  les  autres  comme  aréolaire. 

Le  Fort  accepte  la  seconde  opinion  ;  il  distingue  dans  les  extrémités 
bronchiques,  que  quelques  auteurs  ont  désignées  sous  le  nom  de  bron- 
ches lobulaires,  deux  parties  bien  distinctes  auxquelles  il  donne  le  nom 
de  bronche  intralobulaire  et  de  bronche  intercellulaire.  «  Les  bronches, 
dit  le  même  auteur,  arrivées  au  sommet  du  lobule  primitif,  pénètrent 
dans  son  intérieur  avec  une  branche  de  l'artère  pulmonaire.  Le  tissu  fi- 
breux que  nous  avons  vu  à  la  racine  de  l'organe  former  une  sorte  d'étui 
protecteur  pour  ces  deux  conduits,  et  qui  s'était  converti,  en  se  raréfiant 
peu  à  peu  en  tissu  cellulaire,  les  abandonne  et  se  confond  avec  le  tissu 
cellulaire  interlobulaire.  Devenant  ainsi  plus  mince  et  presque  réduite  à 
sa  muqueuse,  la  bronche  se  dilate  aussitôt  son  entrée  dans  le  lobule  et 
prend  immédiatement  un  autre  caractère.  Sa  surface  extérieure,  qui  était 
jusque-là  lisse  et  cylindrique,  présente  dans  toute  son  étendue  et  sur 
toute  sa  circonférence,  des  boursouflements  très-facilement  appréciables 
sur  un  fragment  corrodé.  Ces  boursouflements  ne  sont  autre  chose  que 
les  saillies  produites  par  les  cellules  pariétales  qui  commencent  à  paraî- 
tre. En  effet,  si  nous  examinons  une  coupe  faite  selon  l'axe  de  la  bron- 
che, nous  verrons  manifestement  que  la  face  interne  de  la  bronche  pré- 
sente partout  de  petites  cavités  qui  ne  sont  autre  chose  que  l'intérieur  de 
ces  cellules  ;  leur  bord  vient  former  sur  toute  la  surface  une  sorte  de  mo- 
saïque assez  régulière.  » 

L'examen  microscopique  à  la  lumière  directe  et  sur  des  pièces  prépa- 
rées par  corrosion,  permet  d'apercevoir  les  parois  propres,  imperforées 
de  ces  divisions  bronchiques,  qui  arrivent  ainsi  jusque  dans  l'intérieur 
de  cette  partie,  que  L.  Le  Fort  désigne  sous  le  nom  de  Pyramide  tabu- 
laire. 

«  Ensuite,  dit-il,  cette  bronche  continue  son  trajet  vers  la  superficie, 
en  donnant  de  distance  en  distance  des  bronches  pour  chacun  des  lobules 
secondaires  qui  entrent  dans  la  composition  du  lobule  principal.  Jusque- 
là,  elles  conservent  les  caractères  que  je  viens  de  décrire,  c'est-à-dire  une 
paroi  propre,  mais  garnie  de  cellules;  il  n'en  est  plus  de  même  dès  leur 
entrée  dans  le  lobule  secondaire,  où  l'on  retrouve  le  mode  de  structure 
indiqué  par  Rainey.  Ces  bronches  se  terminent  en  une  sorte  de  bouquet 
finement  granulé,  mais  dont  les  granules  sont  cependant  assez  gros  pour 
être  distincts  à  l'œil  nu.  Cet  épanouissement  irrégulier,  c'est  le  lobule 
secondaire.;  les  granules,  ce  sont  les  cellules  ou  vésicules  pulmonaires. 

Lorsque  cette  bronche  est  arrivée  au  lobule  secondaire,  ses  carac- 
tères changent  :  les  cellules  pariétales  qui,  primitivement  ne  s'ouvraienl 
(jue  dans  la  bronche,  communiquent  maintenant  par  des  ouvertures 
existant  sur  une  des  parois  opposées  à  l'ouverture  bronchique  avec  d'au- 
tres cellules  placées  tout  à  fait  en  dehors  de  l'axe  du  conduit  aérien  ; 
toutes   prenant   ce  caractère,  il  en  résulte  que  la   paroi   de  la  bronche 


554  BRONCHES.  —  ramifications  bronchiques. 

n'est  plus  représentée  que  par  les  losanges  que  forment  les  parois  com- 
munes des  cellules  contiguês  qui  s'y  ouvrent  directement  et  n'existe  plus 
à  l'état  de  tube  distinct,  mais  seulement  de  passage  intercellulaire;  il 
arrive  bientôt  un  moment  où  l'intérieur  même  de  ce  passage  se  cloisonne 
à  son  tour,  de  sorte  qu'il  finit  en  un  cul-de-sac  qui  s'ouvre  à  la  fois  par 
son  extrémité  et  par  tous  les  points  de  sa  circonférence,  dans  un  grand 
nombre  de  cellules.  Ces  cellules,  qui  ne  sont  jamais  complètes,  communi- 
quent entre  elles,  c'est-à-dire  avec  toutes  celles  d'un  même  lobule  secon- 
daire, mais  seulement  avec  elles,  de  telle  sorte  que  les  lobules  secondaires 
d'un  même  lobule  principal  sont  indépendants  les  uns  des  autres. 

C'est  pour  distinguer  cette  distribution  particulière  et  cette  différence 
notable  dans  la  constitution  du  tube  bronchique  aux  différents  points  de 
sa  longueur,  que  Le  Fort  distingue,  comme  il  a  déjà  été  dit,  cette  bronche 
en  deux  parties  distinctes  :  la  bronche  intralobulaire,  partie  appartenant 
au  lobule  principal  ayant  des  parois  propres,  continues,  garnies  de  cel- 
lules pariétales,  mais  sans  perforation,  et  la  bronche  interçellulaire,  por- 
tion appartenant  au  lobule  secondaire  et  qui  n'est  plus  représentée  que 
par  une  sorte  d'intervalle  cylindrique  entre  les  cellules,  tube  manquant 
en  définitive  de  paroi  propre,  ou  du  moins  perforé  par  un  grand  nombre 
de  cellules  communiquant  toutes  les  unes  avec  les  autres. 

Structure.  —  La  structure  des  bronches  se  modifie  très-sensiblement 
au  furet  à  mesure  qu'on  s'approche  de  leurs  extrémités.  Pour  simplifier 
son  étude  on  peut  commencer  par  décrire  complètement  la  structure  des 
grosses  bronches  ou  bronches  proprement  dites,  pour  indiquer  ensuite  les 
modifications  que  subissent  chacun  des  éléments  constitutifs  dans  les  ra- 
mifications bronchiques  et  dans  les  bronches  lobulaires. 

Il  entre  dans  la  structure  des  grosses  bronches  :  1°  des  cerceaux  car- 
tilagineux incomplets,  reliés  entre  eux  par  un  véritable  étui  fibreux 
élastique  ;  2°  des  fibres  musculaires  ;  7>°  une  membrane  muqueuse  ; 
4°  des  glandes  très-multipliées  ;  5°  des  éléments  anatomiques  communs 
à  tous  nos  organes  :  artères,  veines,  lymphatiques  et  nerfs. 

Les  cerceaux  cartilagineux  des  bronches  situés  dans  l'épaisseur  de  leurs 
parois,  et  formant  les  trois  quarts  d'un  cercle,  se  présentent  sous  la  forme 
d'anneaux  incomplets  à  leur  face  postérieure.  Leur  nombre  est  différent 
dans  les  deux  bronches  :  la  gauche  en  possède  10  à  12,  la  droite,  plus 
courte  et  plus  grosse,  6  à  8. 

Ces  anneaux  donnent  aux  tuyaux  aériens  une  certaine  rigidité,  les 
maintiennent  toujours  ouverts,  ce  qui  est  d'une  haute  importance  pour 
la  partie  mécanique  de  la  respiration.  Comme  l'expansion  du  poumon 
pendant  l'inspiration  est  la  conséquence  d'une  ampliation  de  la  poitrine, 
cl  qu'elle  obéit  par  conséquent  à  la  loi  du  vide,  si  ces  cartilages  n'exis- 
taient pas,  les  bronches  s'affaisseraient  sur  elles-mêmes  chaque  fois  que 
l'air  tendrait  à  se  précipiter  dans  les  poumons,  ainsi  que  le  fait  très-ju- 
dicieusement remarquer  Sappcv,  et  il  n'y  aurait  pas  possibilité  de  faire 
une  inspiration  large  et  rapide. 

A  chaque  inspiration,  les  extrémités  de  ces  cartilages  se  rapprochent. 


BRONCHES.    -   -    RAMIFICATIONS    RRONCHIQUFS.  555 

et  les  anneaux  s'éloignent  les  uns  des  autres.  L'importance  et  la  nature 
«lu  rôle  que  ces  cerceaux  sont  appelés  à  jouer  sont  surabondamment  dé- 
montrés par  ce  fait,  que  ces  cartilages,  variables  de  forme  chez  les  divers 
individus  de  l'échelle  animale,  manquent  complètement  chez  les  animaux, 
qui  introduisent  l'air  dans  les  poumons,  non  par  des  mouvements  d'in- 
spiration, mais  par  simple  déglutition.  Leur  développement  est  en  raison 
directe  de  l'ampleur  et  de  la  rapidité  des  mouvements  respiratoires  ;  c'est 
ainsi  que  chez  les  oiseaux,  dont  le  thorax  se  dilate  très-largement  et  très- 
rapidement,  ils  entourent  tout  le  calibre  des  bronches  et  se  rapprochent 
au  point  de  se  toucher. 

La  hauteur  de  ces  cartilages  est  variable  ;  elle  mesure  généralemenl 
4  millimètres,  et  leur  épaisseur  1  millimètre.  Cette  épaisseur  n'est  pas  la 
même  sur  les  divers  points  de  l'étendue  d'un  même  cartilage  ;  leur  coupe 
verticale  présente,  comme  on  l'a  fait  remarquer,  l'aspect  que  donnerait 
la  section  d'un  œuf  fendu  longitudinalement  en  deux  portions  égales, 
c'est-à-dire  qu'elle  offre  en  dehors  une  surface  plane,  et  en  dedans  une 
surface  convexe  de  haut  en  bas  ;  cette  disposition  semble  accroître  en- 
core leur  élasticité. 

La  coloration  de  ces  cartilages  est  légèrement  rosée,  et  leur  structure 
interne  est  la  même  que  celle  des  cartilages  en  général  ;  elle  n'offre  rien 
de  particulier. 

Les  extrémités  de  ces  cartilages  sont  nettement  terminées,  et  leurs 
bords  sont  réunis  aux  bords  supérieur  et  inférieur  des  cerceaux  corres- 
pondants par  la  gaine  fibreuse  qui  se  présente  avec  la  disposition  sui- 
vante. 

Cette  gaine  fibreuse,  très-intimement  unie  aux  cerceaux,  semble  se  dé- 
doubler au  niveau  de  chacun  d'eux  pour  leur  constituer  un  périchondre, 
et  se  reconstituer  dans  leur  intervalle  pour  former  autant  de  ligaments 
qui  les  réunissent  les  uns  aux  autres.  Elle  est  composée  en  majorité  de 
libres  de  tissu  conjonctif  plus  ou  moins  condensées,  et  renferme  en 
outre,  dans  son  épaisseur,  un  assez  grand  nombre  de  fibres  élastiques. 
Ces  deux  sortes  de  fibres  sont  entre-croisées  dans  divers  sens,  s'enche- 
vêtrent les  unes  avec  les  autres,  et  cet  entre-croisement  contribue  à 
donner  à  cet  étui  fibreux  l'élasticité  dont  il  jouit. 

fl  existe  encore  dans  l'épaisseur  des  bronches  un  deuxième  ordre  de 
libres  élastiques  tout  à  fait  distinctes  des  précédentes,  et  qui  sont  sépa- 
rées de  l'étui  fibreux  par  des  fibres  musculaires  qui  seront  décrites  plus 
loin. 

Ces  dernières  fibres  élastiques  sont  longitudinales  ;  elles  se  présentent 
sous  forme  de  faisceaux  situés  entre  la  couche  dos  fibres  musculaires  et 
la  muqueuse;  ces  faisceaux  sont  intimement  unis  et  font  au-dessous 
d'elle  une  saillie  tellement  prononcée,  que  lorsqu'on  ouvre  les  bronches 
longitudinalement  par  leur  partie  antérieure  et  qu'on  écarte  les  lèvres 
de  la  solution  de  continuité,  ces  faisceaux  de  fibres  longitudinales  se 
présentent  sous  la  forme  de  colonnes  qui  soulèvent  la  muqueuse.  Us 
existent  surtout  à  la  partie  postérieure  des  bronches,  vis-à-vis  des  points 


556  BRONCHES.  —  ramifications  bronchiques. 

où  les  cerceaux  cartilagineux  sont  incomplets  ;  on  en  trouve  encore 
quelques-uns  moins  volumineux  sur  tout  le  reste  du  pourtour.  Ces  fibres 
longitudinales  s'envoient  réciproquement  des  bandelettes  plus  petites, 
de  telle  sorte  qu'elles  constituent  ainsi  un  réseau  à  mailles  très-larges. 
Les  filaments  constitutifs  de  ces  bandelettes  sont  très-minces,  aplatis,  à 
contours  opaques  et  mesurent  de  0mm,0050  à  0mm,0035  de  large;  ils 
paraissent  jouer  un  rôle  important  dans  le  retrait  du  poumon  pendant 
l'expiration,  en  diminuant  la  longueur  de  l'arbre  aérifère. 

Comme  les  fibres  élastiques  longitudinales,  les  fibres  musculaires  lisses 
des  grosses  bronches,  occupent  surtout  leur  portion  membraneuse. 

Elles  se  trouvent,  comme  il  a  déjà  été  dit,  entre  l'étui  fibreux  et  les 
libres  élastiques,  offrant  une  disposition  tout  à  fait  inverse  de  ces  der- 
nières, puisqu'au  lieu  d'être  longitudinales,  elles  sont  complètement 
transversales.  La  couche  qu'elles  forment  et  qui  mesure  de0""",7  à  l  mil- 
limètre d'épaisseur  a  été  désignée  par  quelques  auteurs  sous  le  nom 
de  muscle  trachéal.  Elles  se  fixent,  non  pas  comme  on  l'a  prétendu, 
aux  extrémités  des  cerceaux  cartilagineux  qu'elles  ont  pour  mission  de 
rapprocher,  mais  à  la  partie  avoisinante  de  leur  face  interne  par  de 
petits  tendons  élastiques  visibles  à  la  loupe,  et,  dans  l'intervalle  de  ces 
cerceaux  cartilagineux,  à  l'étui  fibreux  lui  même. 

Ces  fibres  lisses  mesurent  de  0m,u,005  à  0mm,009  d'épaisseur,  Haller, 
Bérard,  Trousseau,  Kôlliker,  Varner  les  ont  décrites  comme  des  libres 
musculaires  et  cette  dernière  opinion,  qui  est  la  vraie,  est  la  seule  qui 
ait  cours  aujourd'hui  dans  la  science.  Elles  ont  pour  usage  de  rétrécir  le 
calibre  des  bronches  et  d'aider  à  l'expulsion  des  mucosités  bronchiques. 
Leur  rôle  est  par  conséquent  assez  important. 

La  muqueuse  des  grosses  bronches  adhère  d'une  manière  très-intime 
aux  parties  sous-jacentes.  Elle  est  tellement  mince  qu'elle  laisse  aperce- 
cevoir  par  transparence  toutes  les  parties  situées  au-dessous  d'elle.  Cette 
muqueuse  qui  jouit  d'une  sensibilité  spéciale,  exquise,  et  dans  la  struc- 
ture de  laquelle  entrent  les  parties  habituelles  à  toute  muqueuse  en  géné- 
ral, est  recouverte  d'un  épithélium  vibratile.  Les  cellules  qui  consti- 
tuent cet  épithélium  mesurent  en  moyenne  0mm,01 4  de  longueur  ;  elles 
sont  cylindriques  où  coniques  comme  celles  qui  tapissent  les  parois 
latérales  des  fosses  nasales,  la  cavité  du  col  utérin  et  les  trompes  jusqu'à 
la  surface  extérieure  des  franges.  Elles  sont  par  conséquent  essentielle- 
ment différentes  des  cellules  vibratiles  arrondies  qui  constituent  l'épitlié- 
liimi  vibratile  pavimenteux  simple  des  cavités  du  cerveau  de  l'embryon, 
du  quatrième  ventricule  du  cerveau  des  adultes  et  de  la  cavité  du  tym- 
pan. 

En  examinant  cette  muqueuse  à  la  loupe,  on  la  voit  criblée  d'une  infi- 
nité de  petits  pertuis  qui  ne  sont  autres  que  les  orifices  des  conduits  ex- 
créteurs de  glandes  extrêmement  nombreuses,  plus  ou  moins  profondé- 
ment situées,  et  dont  le  volume  est  d'autant  plus  considérable  qu'elles 
sont  plus  profondes. 

Chaque  glande  possède  un  nombre  variable  <l<>  lobules  dont  les  canaux 


BRONCHES.    —    RAMIFICATIONS    BRONCHIQUES. 


excréteurs  se  réunissent  pour  former  un  canal  unique.  Ce  sont  ces  glandes 
qui  fournissent  le  liquide  transparent  et  peu  consistant  connu  sous  le 
nom  de  mucus  bronchique.  La  sécrétion  exagérée  et  viciée  de  ce  liquide 
fournit  toutes  les  variétés  de  coloration  et  de  consistance  que  nous  offrent 
les  mucosités  expectorées  dans  l'inflammation  chronique  des  bronches. 

Les  diverses  parties  qui  viennent  d'être  successivement  décrites  et  qui 
entrent  dans  la  structure  des  grosses  bronches,  se  modifient  sensible- 
ment au  fur  et  à  mesure  que  les  canaux  aériens  se  ramifient  dans  l'épais- 
seur des  poumons. 

Ainsi  les  cartilages,  après  avoir  formé  des  anneaux  presque  complets, 
deviennent  seulement  des  demi-anneaux,  et  plus  loin  ils  se  trouvent  ré- 
duits à  de  simples  lamelles  fort  irrégulières,  curvilignes,  quadrilatères 
ou  triangulaires,  réparties  non  plus  seulement  sur  la  face  antérieure  des 
bronches,  mais  encore  sur  tout  le  pourtour  des  canaux  bronchiques.  Ces 
lamelles  sont  d'abord  assez  grandes  et  très-rapprochées  les  unes  des  au- 
tres ;  peu  à  peu  elles  s'écartent  davantage  et  les  intervalles  qui  les  sépa- 
rent deviennent  de  plus  en  plus  larges;  puisonneles  retrouve  que  de  dis- 
tance en  distance,  et  surtout  à  l'origine  des  petites  bronches,  enfin  elles 
disparaissent  complètement.  Elles  cessent  d'être  visibles  sur  les  ramifica- 
tions qui  ont  moins  de  1  millimètre  de  diamètre,  c'est-à-dire  sur  les  bron- 
ches lobulaires.  Gerlach,  prétend  cependant  les  avoir  rencontrées  encore 
sur  des  bronches  de  0mm,5  de  diamètre,  mais  son  assertion  n'a  pu  être 
vérifiée  par  aucun  autre  anatomiste. 

Si  on  étudie  au  microscope  ces  cartilages  à  mesure  qu'ils  se  modifient 
dans  leur  aspect  extérieur,  on  constate  des  faits  curieux.  Dans  les  grosses 
bronches,  ils  présentent  à  leur  superficie  une  couche  de  cellules  plates  à 
grand  axe  dirigé  dans  le  même  sens  que  les  faces,  et  un  peu  plus  gran- 
des que  les  cellules  centrales  ;  mais  ceux  des  ramifications  bronchiques, 
au  contraire,  sont  constitués  par  un  tissu  finement  granulé  et  dont  les 
cellules  sont  d'un  égal  diamètre  dans  toute  l'épaisseur. 

Au  dire  de  Kôlliker,  les  fibres  musculaires  lisses,  transversales  des  con- 
duits aériens,  dont  le  nombre  et  le  volume  diminuent  au  fur  et  a  mesure 
qu'on  avance  en  âge,  se  retrouveraient  sur  des  rameaux  de  un  cinquième 
à  un  sixième  de  millimètre  et  s'étendraient  jusqu'aux  lobules  pulmonaires. 
L'opinion  de  Kôlliker  est  partagée  par  Le  Fort,  tandis  que  d'après 
Ch.  Robin,  au  contraire,  les  ramifications  bronchiques  qui  n'ont  plus 
que  1  millimètre  de  diamètre  cessent  d'avoir  des  fibres  musculaires.  Les 
recherches  de  Moleschott  et  Milne-Edwards  tendent  à  faire  admettre  que 
les  fibres  musculaires  existent  dans  les  parties  terminales  du  svstème. 

Quant  aux  glandes,  tous  les  micrographes  s'accordent  à  accepter 
qu'elles  disparaissent  sur  les  ramifications  bronchiques  qui  n'ont  que 
2  à  5  millimètres  de  diamètre. 

Enfin  la  muqueuse,  qui  dans  les  grosses  bronches  a  la  même  structure 
(pie  dans  la  trachée  elle-même,  s'amincit  peu  à  peu  et  graduellement,  de 
telle  sorte  (pie  les  bronches  au-dessous  de  1  millimètre  n'ont  que  des 
parois  extrêmement  délicates. 


558  BRONCHES.  —  ramifications  bronchiques. 

Mais  ici  encore  les  auteurs  sonl  en  désaccord  ;  ainsi  Rainey  «  ne 
croit  pas  à  la  continuité  de  cette  muqueuse  jusque  dans  les  lobules  pul- 
monaires, et  il  pense  que  dans  les  ramifications  ultimes,  les  vaisseaux 
sanguins  sont  réunis  seulement  par  des  fibrilles  interposées.  »  Sommering 
et  Magendie  prétendent  que  les  parois  des  cellules  pulmonaires  sont 
constituées  seulement  parle  réseau  vasculaire,  ce  qui  fait  que,  selon  tous 
ces  auteurs,  le  contact  entre  le  sang  et  l'air  atmosphérique  est  aussi  par- 
lait que  possible.  Le  Fort  tire  de  ses  recherches  la  conclusion  qu'il  n'en 
est  pas  ainsi  et  il  dit  que  quelque  parfaite  que  soit  l'injection  vasculaire, 
l'examen  au  microscope  laisse  encore  apercevoir  dans  leur  intervalle, 
une  membrane  très-mince,  mais  bien  distincte. 

L'épithélium  vibratile  de  cette  muqueuse  qui,  dans  les  bronches  au- 
dessus  de  o  millimètres  a  plusieurs  couches,  se  réduit  peu  à  peu  à  une 
simple  couche  de  cellules. 

D'après  Rossignol  et  Todd,  cet  épithélium  disparaîtrait  complètement 
dans  les  bronches  lobulaires.  D'après  certains  autres  analomistes,  au 
contraire,  ces  dernières  ramifications  posséderaient  encore  une  couche  de 
cellules  épithéliales,  mais  seulement  pour  les  uns  (Williams  et  Mandl), 
ce  serait  un  épithélium  hyalin  à  granules  obscurément  délimités,  et 
pour  les  autres  (Adriani,  Schrôder  van  der  Kolk  et  Kôlliker),  on  ne 
trouve  plus  dans  les  vésicules  pulmonaires  et  sur  les  dernières  ramifica- 
tions bronchiques,  qu'un  épithélium  pavimenteux  ordinaire  sans  cils 
vibratiles. 

Les  vaisseaux  qui  se  rendent  dans  les  diverses  parties  des  conduits 
aérifères  sont  artériels,  veineux  et  lympathiques. 

Les  premiers  naissent  des  artères  bronchiques  ordinairement  au  nom- 
bre de  deux,  une  droite  et  une  gauche;  ces  artères  ont  des  origines  va- 
riables. Quelquefois  elles  naissent  de  l'aorte  par  un  tronc  commun,  mais 
le  plus  souvent  la  gauche  seule  naît  de  l'aorte,  tandis  que  la  droite  vient 
de  la  première  intercostale  ou  de  la  sous-clavière,  parfois  de  la  mam- 
maire interne.  Il  existe,  en  outre,  assez  fréquemment  des  artères  bron- 
chiques supplémentaires. 

Les  artères  bronchiques  se  distribuent  surtout  aux  bronches,  ainsi  que 
leur  nom  l'indique,  mais  elles  donnent  aussi  des  branches  à  la  plèvre, 
au  tissu  cellulaire  interlobulaire  et  aux  ganglions  bronchiques.  Elles 
fournissent  encore  aux  vaisseaux  propres  du  poumon  leurs  vasa-vasorum. 

Essentiellement  destinées  aux  bronches  qu'elles  accompagnent  dans 
tout  leur  trajet,  jusqu'à  leur  conversion  en  bronches  intralobulaires,  en 
se  divisant  et  se  subdivisant  comme  elles,  les  artères  bronchiques  pénè- 
trent dans  les  bronches  par  la  partie  inférieure  de  leur  face  postérieure 
et  sont  accompagnées  dans  tout  leur  trajet  par  les  veines  et  les  nerfs  bron- 
chiques. Elles  cheminent  d'abord  sous  la  couche  fibreuse  et  enveloppent 
les  conduits  aériens  dans  un  réseau  très-serré.  Bientôt  elles  perforent  les 
diverses  (uniques  des  bronches  et  se  placent  sous  la  muqueuse,  au-des^ 
sous  de  laquelle  elles  forment  un  deuxième  réseau  aussi  serré  que  le  pre- 
mier. Ces  branches  artérielles  conservent  dans  tout  leur  trajet  cette  si- 


BKOINCHES.    RAMIFICATIONS    BKOJNCHIQUfcS.  559 

luatiou  sous-muqueuse,  de  telle  sorte  que  dans  les  bronches  de  cinquième 
et  de  sixième  ordre,  on  les  trouve  sur  leur  face  externe.  Les  artères 
bronchiques  cessent  de  donner  des  rameaux  aux  bronches,  à  partir  du 
point  où  commencent  les  bronches  intralobulaires,  qui  ne  reçoivent 
plus  alors  leurs  vaisseaux  que  des  artères  pulmonaires. 

Ces  ramifications  de  l'artère  bronchique  accolées  aux  parois  des  con- 
duits aériens  donnent  des  artérioles  au  tissu  cellulaire  interlobaire  et 
viennent  s'épanouir  sous  la  plèvre  par  sa  face  profonde.  Dans  certains  cas 
pathologiques  même,  de  fausses  membranes  pleurales  anciennes  et  orga- 
nisées, il  est  facile  de  constater  que  les  rameaux  artériels  de  ces  fausses 
membranes  viennent  des  artères  bronchiques. 

Les  branches  auxquelles  ces  artères  donnent  naissance  tout  le  long  de 
leur  trajet  et  qui  se  rendent  dans  les  parois  des  artères  et  des  veines  pul- 
monaires pour  leur  constituer  des  vasa-vasorum  ont  induit  en  erreur 
certains  anatomistes  qui  ont  cru  que  c'étaient  là  de  véritables  anastomo- 
ses. Ces  anastomoses  existent,  il  est  vrai,  mais  seulement  entre  les  ramifi- 
cations ultimes  qui  constituent  le  réseau  sous-pleural  et  les  ramifications 
correspondantes  de  l'artère  et  des  veines  pulmonaires. 

Les  veines  bronchiques,  ordinairement  au  nombre  de  deux,  vont  se 
jeter  :  celle  du  côté  droit  à  la  face  inférieure  de  la  veine  azygos,  quelque- 
fois dans  la  première  intercostale;  celle  du  côté  gauche  plus  souvent  dans 
l'intercostale  que  dans  la  petite  azygos.  Ces  veines  tirent  leur  origine  de 
trois  points  principaux  :  1°  des  bronches;  2°  du  tissu  cellulaire  sous- 
pleural  et  intralobulaire;  5°  des  ganglions  bronchiques. 

L'origine  aux  bronches  se  fait  par  un  réseau  très-serré  correspondant 
au  réseau  artériel  sous-muqucux  et  formé  comme  lui  de  branches  très- 
fines.  Elles  n'accompagnent  pas  aussi  longtemps  que  lui  les  ramifications 
bronchiques,  car  jamais  elles  ne  dépassent  leurs  trois  ou  quatre  premiè- 
res divisions.  Elles  se  réunissent  de  façon  à  former  de  petits  troncs  vei- 
neux qui  marchent  en  sens  inverse  des  branches  artérielles, suivent  la  cou- 
che fibreuse  et  viennent  se  placer  sur  la  face  postérieure  de  la  bronche 
s'aceolant  ainsi  à  la  division  artérielle  et  suivant  un  trajet  tout  à  fait  in- 
verse. 

L'artère  pulmonaire  ne  donne  aucune  branche  au  canal  aérien  dans 
toute  la  partie  où  existent  des  artères  bronchiques  ;  mais  arrivé  au  niveau 
du  lobule  primitif,  là  où  cesse  l'artère  bronchique,  le  rameau  artériel  pul- 
monaire commence  à  se  distribuer  à  la  bronche  intralobulaire.  D'après  Le 
Fort,  il  se  ramifie  sur  les  parois  de  ce  tube,  forme  des  mailles  polygonales 
visibles  sur  un  poumon  bien  injecté  et  qui  entourent  la  circonférence  de 
chacune  des  cellules  pariétales,  en  envoyant  un  réseau  très-serré  sur  toute 
la  partie  convexe  de  cette  cellule.  Ces  branches  montent  avec  les  bronches 
dans  l'intérieur  du  lobule,  arrivent  aux  bronches  intercellulaires  et  aux 
Cellules  où  les  capillaires  artériels  se  tranformant  en  capillaires  veineux, 
constituent  l'origine  des  veines  pulmonaires. 

Ces  mêmes  artérioles  pulmonaires  dont  la  distribution  sera  étudiée 
ailleurs   (voy.  art.  Poumon)  pénètrent   ensuite  entre  les   cellules   et   se 


560  'BRONCHES.  —  ramifications  bronchiques. 

distribuent  à  leurs  parois  en   formant  un  réseau  qui  couvre  leur  péri- 
phérie. 

«  Cette  existence  dans  le  réseau  veineux  des  bronches  de  deux  ordres  de 
vaisseaux  si  différents  au  point  de  vue  physiologique,  puisque  l'un  renferme 
du  sang  veineux  et  l'autre  du  sang  artériel  est  extrêmement  remarquable, 
ditL.  Le  Port.  L'artère  bronchique  apporte  au  canal  aérien  le  sang  néces- 
saire à  sa  nutrition  ;  peu  à  peu  ce  sang  perd  ses  propriétés  vivifiantes  à 
mesure  qu'il  pénètre  dans  la  trame  des  tissus;  à  la  racine  des  poumons,  il 
se  trouve  séparé  du  contact  de  l'air  par  toute  l'épaisseur  de  la  bronche,  il 
devient  veineux  et  doit  par  conséquent  retourner  aux  cavités  droites  du 
cœur,  de  là  l'existence  des  veines  bronchiques,  mais  à  partir  de  la 
deuxième  ou  troisième  division  des  conduits  aériens,  il  n'en  est  plus  de 
même  :  réduits  en  quelque  sorte  à  des  tubes  membraneux,  ils  permettent 
au  sang  de  l'artère  bronchique  un  contact  assez  intime  avec  l'air  qui  cir- 
cule dans  leur  intérieur,  pour  que  ce  sang  reste  artériel  et  puisse  en  consé- 
quence aller  directement  aux  cavités  gauches  du  centre  circulatoire  pour 
remplir  de  nouveau  son  rôle  de  fluide  vivilicateur  ;  il  passe  alors  parles 
veines  pulmonaires;  mais  qu'une  maladie  quelconque  donne  à  ces  parties 
une  épaisseur  anormale  qui  ne  permette  plus  à  l'air  d'exercer  sur  lui  son 
action,  ce  sang  deviendra  veineux  et  devra  retourner  aux  cavités  droites  ; 
c'est  alors  que  les  anastomoses,  véritables  soupapes  de  sûreté,  fonctionne- 
ront et  lui  permettront,  par  l'intermédiaire  des  veines  bronchiques,  d'ac- 
complir ce  trajet  rétrograde,  qui  sans  elles  eût  été  impossible.  » 

Lymphatiques.  — Les  vaisseaux  lymphatiques  des  poumons  sont  divisés 
an  profonds  et  en  superficiels,  les  premiers  seuls  suivent  les  bronches  et 
se  réunissent  en  troncules,  qui  arrivent  ainsi  jusqu'à  la  racine  de  l'arbre 
aérien;  ils  suivent  assez  exactement  le  trajet  des  bronches  et  des  vaisseaux 
sanguins,  et  sejettent  dans  les  ganglions  bronchiques. 

Ces  vaisseaux  lymphatiques  des  bronches  prennent  naissance  dans  l'é- 
paisseur de  la  muqueuse  bronchique  elle-même,  et  ils  forment  au-des- 
sous d'elle  un  réseau  extrêmement  serré:  ces  réseaux  ont  d'ailleurs  des 
anastomoses  assez  nombreuses  avec  les  réseaux  superficiels,  qui  seront 
étudiés  plus  tard,  lorsqu'il  sera  question  de  la  structure  du  poumon  ;  les 
troncs  communs  que  fournissent  ces  deux  sortes  de  réseaux  se  réunissent 
vers  le  hile  du  poumon  pour  se  jeter  dans  les  ganglions  bronchiques. 

NEUFS#  —  Les  filets  nerveux  destinés  aux  bronches  appartiennent  à  la 
fois  au  pneumo- gastrique  et  au  grand  sympathique,  ils  descendent  avec 
les  bronches  qu'ils  entourent  de  toutes  parts  ;  arrivés  au  hile  du  poumon 
ils  traversent  l'enveloppe  fibreuse  des  bronches  et  marchent  ainsi  jus- 
qu'aux divisions  de  troisième  ordre,  mais  à  partir  de  ce  point  ils  se 
placent  directement  sous  la  muqueuse;  il  est  permis  de  présumer  que  ces 
blets  nerveux  sont  exclusivement  destinés  à  la  muqueuse,  et  qu'ils  des- 
cendent jusque  dans  l'intérieur  des  lobules  pulmonaires  eux-mêmes. 

Bazin    Sur  la  structure  et  la  terminaison  des  bronches  pulmonaires  (Comptes  rendus  de  l'Aca- 
démie des  sciences,  t.  11,  p.  284,  590,  515,  570). 
ijiHALDËs,  Sur  la  terminaison  des  bronches  (Bulletin  de  la  Société  unatomitjue,  1859). 


BRONCHES.  —  bronchite  aiguë  (étiologie).  561 

àlquié,  Dispositions  des  ramifications  et  des  extrémités  bronchiques  démontrée  à  l'aide  d'injec- 
tions métalliques  (Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  t.  XXV.  p.  745). 

Robin  (Ch.),  Comptes  rendus  de  la  Société  de  biologie,  1853,  p.  93,  et  Dictionnaire  de  médecine 
12e  édition.  Paris,  1805. 

Le  Fort  (Léon).  Recherches  sur  l'anatomie  du  poumon  de  l'homme.  Thèse  de  doctorat.  Paris, 
1858  (Indicat.  bibliogr.).  —  Voyez  en  outre  la  bibliographie  de  l'article  Poumon. 

Oré. 

pathologie . 

Considérée  dans  son  ensemble,  la  pathologie  des  bronches  comprend: 
1°  la  bronchite  aiguë  des  grosses  bronches  ;  2°  la  bronchite  des  dernières 
ramifications  bronchiques  (bronchite  capillaire)  ;  5°  la  bronchite  chroni- 
que; 4°  la  bronchorrhée;  5°  la  dilatation  des  bronches;  6°  leur  rétrécis- 
sement ;  7°  les  broncliolithes  (concrétions  et  calculs);  8°  l'a  bronchite 
pseudo-7nembrcmeuse  (croup  bronchique);  9°  la  bronchite  convulsive (co- 
queluche) ;  10°  la  bronchite  épidémique  (grippe);  11° la  bronchorrhagïe; 
12°  l'emphysème  broncho-pulmonaire.  Ces  deux  dernières  affections,  ainsi 
que  la  coqueluche,  seront  traitées  dans  des  articles  spéciaux. 

Bronchite  aiguë.  — Définition.  —  On  appelle  en  général  bronchite 
l'inflammation  de  la  muqueuse  des  bronches  et  des  rameaux  bronchi- 
ques, c'est-à-dire  de  toute  la  partie  membraneuse  du  conduit  aérifère 
comprise  entre  la  trachée  cl  les  vésicules  pulmonaires.  Toutefois,  l'expres- 
sion de  bronchite  aiguë  est  spécialement  consacrée  à  désigner  l'inflam- 
mation plus  ou  moins  vive  de  la  membrane  qui  tapisse  les  grosses  bron- 
ches, par  opposition  à  celle  de  bronchite  capillaire,  qui  représente  la 
phlegmasie  de  la  muqueuse  des  dernières  ramifications  bronchiques. 

Synonymie.  —  Angine  bronchique,  catarrhe,  catarrhe  pulmonaire, 
catarrhe  rnuqueux,  lièvre  catarrlialc,  rhume  de  poitrine,  catarrhus, 
distillatio  pectoris,  peripneumonia  catarrhalis,  etc.,  etc.,  telles  sont  les 
principales  dénominations  qui  ont  été  données  à  la  maladie  dont  je 
m'occupe.  Laënnec  appelle  catarrhe  toutes  les  inflammations  de  la  mu- 
queuse des  bronches,  préférant  ce  mot  à  celui  de  bronchite,  parce 
que  les  catarrhes  forment  la  nuance  qui  réunit  les  inflammations  aux 
congestions  et  aux  flux  passagers,  et  parce  que,  dans  certains  cas  de 
catarrhe  chronique,  il  est  au  moins  douteux  que  la  maladie  soit  réelle- 
ment de  la  nature  des  inflammations.  Le  terme  générique  de  bronchite 
me  semble  préférable  à  celui  de  catarrhe  pulmonaire,  qui  indique  un  flux 
muqueux  souvent  indépendant  d'un  travail  inflammatoire,  et  parce  qu'il 
peut  y  avoir  phlegmasie  de  la  muqueuse  des  bronches  sans  qu'il  y  ait 
nécessairement  augmentation  dans  la  sécrétion  de  cette  membrane.  En 
outre,  le  mot  de  bronchite  exprime  mieux  le  caractère  et  le  siège  de  la 
maladie,  il  ne  heurte  nullement  les  principes  d'une  saine  nomenclature; 
aussi  est-il  accepté  par  les  pathologistes  modernes. 

Etiologie.  —  Causes  prédisposantes.  —  La  bronchite  s'observe  à  tout 
âge,  elle  est  cependant  plus  fréquente  aux  deux  extrémités  delà  vie  ;  elle  est 
favorisée  chez  les  enfants  par  deux  phénomènes  physiologiques,  la  dentition 
et  la  croissance  ;   chez  les  vieillards,  parla  lenteur  et  les  difficultés  de 

NOUV,   DICT.    WÉD.    ET   CHIR.  V.  —   5G 


56:2  BRONCHES.  —  bronchite  aiguë  (étiologie). 

l'hématose  pulmonaire,  de  la  circulation  cardiaque  artérielle,  et  surtout 
de  la  calorification ;  elle  est  plus  commune  chez  les  hommes  que  chez  les 
femmes;  elle  est  entretenue  par  une  hypersthénie  vasculaire  ou  nerveuse 
générale,  par  une  constitution  molle,  lymphatique,  une  convalescence 
imparfaite,  une  vie  sédentaire,  une  éducation  trop  délicate,  circonstances 
qui  rendent  très-vive  la  sensibilité  de  la  peau  aux  changements  de  tem- 
pérature, et  qui  augmentent  en  môme  temps  l'impressionnabilité  de  la 
muqueuse  bronchique.  Elle  se  montre  comme  symptôme  dans  le  cours 
de  certaines  fièvres  éruptives  (rougeole,  scarlatine,  variole),  dans  le 
deuxième  septénaire  de  la  fièvre  typhoïde  ;  elle  survient  encore  à  la  suite  . 
des  fièvres  intermittentes.  Elle  peut  être  entretenue  par  des  granulations 
pharyngées,  un  allongement  de  la  luette;  souvent  elle  succède  à  unelaryn- 
gite  ou  bien  à  une  trachéite,  par  suite  de  la  marche  progressive  de  l'in- 
flammation; elle  apparaît,  d'après  Peters,  du  troisième  au  dixième  jour 
de  la  diphthérie  laryngée;  elle  se  retrouve  dans  la  coqueluche,  dans 
l'asthme  ;  elle  se  rattache  à  des  altérations  chroniques  du  parenchyme 
pulmonaire,  à  des  maladies  organiques  du  cœur  qui  entraînent  une  gêne 
plus  ou  moins  grande  dans  la  circulation  ;  elle  est  un  symptôme  fréquent 
et  opiniâtre  des  troubles  de  l'estomac,  et  même  des  lésions  rénales  con- 
firmées. Elle  est  quelquefois  l'aboutissant  d'un  érysipèle,  qui,  ayant  dé- 
buté au  visage,  s'est  propagé  au  pharynx,  au  larynx,  et  a  gagné  succes- 
sivement les  ramifications  bronchiques.  Enfin  il  importe  de  rappeler  que, 
pendant  l'administration  de  l'iodure  de  potassium  à  haute  dose,  il  se 
développe  une  bronchite  liée  fréquemment  à  un  exanthème,  sans  qu'au- 
cune influence  morbifique  ait  atteint  la  peau  ou  les  muqueuses. 

Causes  efficientes.  —  Il  est  des  causes  plus  immédiates  de  la  bron- 
chite. Elles  sont  produites  par  des  agents  irritants  qui  atteignent  la  mu- 
queuse directement,  tels  que  l'introduction  dans  les  voies  aériennes  de 
poussières,  de  vapeurs  irritantes,  des  éclats  de  voix,  le  chant,  la  décla- 
mation; dans  ces  cas,  la  bronchite  résulte  d'une  cause  que  l'on  pourrait 
appeler  chimique  ou  mécanique,  et  dont  il  est  facile  de  se  rendre  compte  ; 
mais,  de  toutes  les  causes,  la  plus  commune  est  le  froid,  surtout  le  froid 
humide.  Les  variations  brusques  de  l'atmosphère,  l'immersion  du  corps 
dans  un  milieu  trop  froid;  la  transition  brusque  d'un  endroit  chauffé 
dans  un  autre  qui  ne  l'est  pas,  l'arriyée  d'un  couraut  d'air  froid  dans  un 
appartement  trop  chaud,  l'inspiration  d'un  air  frais  ou  humide,  l'ingestion 
d'un  liquide  froid  dans  l'estomac  le  corps  couvert  de  sueur,  l'abandon 
prématuré  de  vêtements  de  laine  aux  premiers  beaux  jours  du  printemps, 
telles  sont  les  causes  déterminantes  les  plus  ordinaires  de  la  bronchite; 
aussi  cette  maladie  sobserve-t-elle  principalement  en  automne  et  au 
printemps,  dans  les  climats  humides,  froids  et  brumeux,  dans  ceux  où 
régnent  de  nombreuses  variations  barométriques.  La  bronchite  provient 
donc,  le  plus  souvent,  de  l'impression  vive  exercée  par  le  froid,  soit  sur 
la  peau,  soit  sur  la  muqueuse  aérienne.  «  Je  sais  bien,  dit  Graves, 
que  la  nature  a  pris  de  grandes  précautions  pour  maintenir  à  une  tempé- 
rature toujours  égale  l'air  qui  est  introduit  dans  la  poitrine  à  chaque 


BHOlNCHES.    —    BRONCHITE    AIGUË    (SYMPTOMES).  565 

inspiration;  cet  air  traverse  la  bouche,  les  fosses  nasales  et  le  pharynx; 
là  il  est  réchauffé  par  son  contact  avec  une  muqueuse  très-étendue.  De 
plus,  après  une  expiration  ordinaire,  il  reste  dans  les  poumons  une  petite 
proportion  de  fluide  aérifère.  Ce  sont  là  des  conditions  qui  compensent 
avantageusement  l'abaissement  de  température  de  l'air  inspiré  dans  une 
atmosphère  très-froide.  Néanmoins  il  doit  exister  sous  ce  rapport  une 
différence  considérable  entre  l'air  inspiré  et  l'air  expiré;  conséquemment 
les  voies  aériennes  sont  exposées,  plus  que  toute  autre  partie  du  corps, 
à  des  alternatives  rapides  de  chaleur  et  de  froid.  11  faut  ajouter  que  la 
nature  a  sagement  approprié  la  vitalité  de  la  "muqueuse  bronchique  à  ces 
conditions  exceptionnelles,  et  que  l'influence  toute-puissante  d'une  habi- 
tude de  tous  les  instants  permet  aux  voies  aériennes  d'affronter  avec  im- 
punité les  changements  brusques  de  température.  »  Les  rapports  de  cause 
à  effet  dans  le  refroidissement  sont  faciles  à  saisir.  La  pathologie  ne  nous 
montre-t-elle  pas  les  relations  sympathiques  qui  existent  entre  la  peau 
et  la  muqueuse  bronchique?  Il  y  a  entre  elles  analogie  de  structure,  ana- 
logie et  correspondance  fonctionnelles  ;  aussi  rien  n'est  plus  commun  que 
de  voir  la  bronchite  et  les  affections  herpétiques  alterner  pendant  de 
longues  années,  la  bronchite  persister  tout  l'hiver  et  ne  cesser  que  pen- 
dant l'été,  c'est-à-dire  lorsque  la  chaleur  sollicite  le  réveil  des  éruptions 
périphériques  ou  l'augmentation  de  la  perspiration  cutanée. 

Symptômes.  —  La  bronchite  aiguë  se  présente  sous  deux  formes  dis- 
tinctes, elle  peut  être  légère,  apyrétique,  ou  bien  intense,  fébrile, 
s'accompagner  alors  de  phénomènes  généraux  et  locaux  d'une  certaine 
intensité.  Ces  deux  formes  ont  des  symptômes  différents,  de  là  la  nécessité 
de  les  étudier  séparément. 

Bronchite  aiguë  légère.  —  L'inflammation  débute  souvent  par  la  mu- 
queuse des  fosses  nasales,  puis  elle  gagne  le  larynx  et  les  bronches;  dans 
sa  marche  extensive,  elle  perd  souvent  de  son  acuité  ;  d'autres  fois  bénigne 
dès  le  principe,  elle  devient  ensuite  plus  intense;  elle  se  manifeste  par  de 
renchifrènement,  une  certaine  raucité,  un  timbre  nasillard  de  la  voix,  une 
toux  plus  ou  moins  fréquente.  A  ce  moment,  la  bronchite  est  constituée, 
elle  se  reconnaît  par  les  symptômes  suivants  :  sensation  de  chaleur  sous 
le  sternum,  toux  quinteuse,  sèche,  plus  tard  légèrement  humide;  il  se 
fait  dans  les  voies  respiratoires  comme  une  exsudation  qui  semble  avoir 
pour  but  de  déplacer  un  corps  étranger  irritant.  La  percussion  ne  fournit 
aucun  signe  anormal.  Le  bruit  respiratoire  qui  était  d'abord  naturel, 
s'accompagne  de  quelques  râles  humides  qui  se  dissipent  avec  une  grande 
facilité.  Cette  forme  de  bronchite  dure  un  ou  deux  septénaires,  elle  est 
apyrétique,  sans  phénomènes  généraux;  elle  se  juge  le  plus  souvent 
par  des  sueurs,  des  urines  abondantes  ou  des  selles  plus  ou  moins  nom- 
breuses. 

Bronchite  aiguë  intense.  —  Elle  témoigne  dès  son  début  de  la  gravité 
qu'elle  offrira  dans  son  évolution.  Tantôt  elle  commence  d'emblée,  tantôt 
elle  succède  à  un  coryza,  à  une  angine  ou  bien  encore  à  une  laryngite. 
On  constate  les  prodromes  des  maladies  aiguës  :  frissons  irréguliers, 


564  BRONCHES.  —  bronchite  aiguë  (symptômes). 

malaise,  céphalalgie,  courbature  générale,  horripilations,  sensibilité  au 
froid,  soif,  anorexie,  urines  rouges,  etc.,  puis  la  fièvre  se  prononce,  elle 
est  continue  avec  des  exacerbations  le  soir;  la  toux  est  fréquente,  courte, 
sèche,  elle  provoque  une  dyspnée  légère.  Ces  phénomènes  morbides  con- 
stituent la  période  d'invasion  delà  bronchite,  ils  deviennent  plus  accen- 
tués, ils  forment  la  période  à'état  qui  se  subdivise  en  deux,  l'une  de 
crudité  et  l'autre  de  maturation  ou  de  coction.  Examinons  les  symptômes 
de  chacune  de  ces  deux  périodes.  Et  d'abord  de  celle  de  crudité. 

La  douleur  est  souvent  le  premier  indice  de  la  bronchite.  Elle  siège 
derrière  le  sternum,  suit  la  direction  de  la  trachée  et  remonte  jusqu'au 
larynx.  Quelquefois  elle  se  propage  vers  la  base  et  sur  les  côtés  de  la 
poitrine,  simule  un  point  pleurétique  ou  une  névralgie  intercostale. 
D'autres  fois  elle  s'irradie  sous  forme  de  courbature  dans  les  régions  dor- 
sale et  lombaire.  Elle  consiste  en  une  gêne,  une  pesanteur,  une  tension, 
elle  peut  être  obtuse,  contusive  ou  déchirante. 

La  toux  est  le  plus  souvent  précédée  par  un  chatouillement  qui  a  pour 
siège  la  partie  supérieure  de  la  trachée.  Tantôt  elle  est  spontanée,  tantôt  elle 
est  provoquée  par  un  usage  intempestif  de  la  parole,  une  émotion  morale, 
l'impression  d'un  courant  d'air  froid  ;  elle  naît  de  l'excitation  produite  à 
la  surface  des  bronches  irritées  par  les  mucosités  qu'elles  sécrètent.  Elle 
se  montre  le  premier  ou  le  deuxième  jour  sous  forme  de  quintes;  une 
inspiration  profonde,  prolongée  est  suivie  de  cinq  ou  six  secousses  suc- 
cessives ;  le  malade  fait  en  quelque  sorte  provision  d'air  pour  le  temps 
qu'elles  doivent  durer,  la  toux  représente  assez  exactement  le  degré  de 
sensibilité  morbide  développée  dans  les  bronches  enflammées,  elle  est 
difficile,  sèche,  rauque,  parfois  bruyante,  d'autant  plus  forte  et  fréquente 
que  l'inflammation  est  plus  vive,  d'autant  plus  profonde  que  celle-ci  a 
pour  siège  le  centre  de  l'organe,  enfin  elle  a  un  timbre  qui  varie  suivant 
la  proportion  et  la  consistance  du  mucus  sécrété.  Elle  augmente  après 
le  repas,  trouble  les  digestions  et  détermine  par  la  contraction  forcée 
du  pharynx,  du  diaphragme  et  de  l'estomac,  des  vomissements  de  matières 
alimentaires.  Elle  augmente  en  général  le  soir,  interrompt  la  nuit  le 
sommeil.  Par  sa  fréquence,  elle  provoque  des  douleurs  au  niveau  des 
attaches  du  diaphragme  vers  les  fausses  côtes,  à  l'appendice  xiphoïde  et 
dans  la  région  dorso-lombaire. 

L'expectoration  est  un  des  symptômes  les  plus  importants  à  consulter. 
Dans  l'état  de  santé,  la  sécrétion  des  bronches  ne  nécessite  point  d'expec- 
toration. Bien  qu'elle  ne  soit  jamais  interrompue,  cette  sécrétion  n'est 
point  surabondante  parce  qu'une  certaine  quantité  du  liquide  est  em- 
portée par  l'air  de  l'expiration  ou  par  l'absorption  pulmonaire.  Un  indi- 
vidu en  bonne  santé  respirant  un  air  pur  n'éprouve  pas  le  besoin  de 
l'expectoration.  Dans  ces  conditions,  les  liquides  sécrétés  ne  renferment 
rien  que  l'air  expiré  ne  puisse  entraîner  sous  forme  de  vapeur,  de  sorte 
qu'il  ne  reste  aucun  résidu  qui  doive  être  éliminé  par  les  secousses  de  la 
toux.  Mais  la  phlegmasie  détermine  la  production  d'un  mucus  anormal 
qui  ne  peut  plus  être  emporté  par  les  procédés  naturels.  L'expectoration 


BRONCHES.    —    BRONCHITE    AIGUË    (SYMPTOMES) .  565 

est  indispensable  ;  elle  est  constituée  par  des  crachats  transparents, 
écumeux  à  leur  surface,  dilués  dans  une  certaine  quantité  de  salive, 
comparables  à  du  blanc  d'œuf  ou  à  une  solution  de  gomme  arabique; 
elle  peut  contenir  des  stries  de  sang,  ce  qui  est  dû  à  la  rupture  de 
quelques  vaisseaux  capillaires  lors  des  efforts  de  la  toux,  mais  ce  sang 
n'est  jamais  combiné  au  mucus  comme  dans  la  pneumonie,  ou  bien  des 
grumeaux  blanchâtres.  Ces  grumeaux  sécrétés  par  les  cryptes  mucipares 
du  pharynx  et  de  la  bouche,  s'écrasent  facilement  sous  le  doigt  et  ne 
doivent  pas  être  confondus  avec  la  matière  tuberculeuse.  Plus  tard 
les  crachats  deviennent  visqueux,  consistants,  muqueux,  ils  prennent  plus 
de  cohésion,  adhérent  aux  parois  du  vase  qui  les  reçoit.  Cette  viscosité 
indique,  comme  l'a  fait  remarquer  avec  juste  raison  James  Copland,  une 
certaine  intensité  de  l'inflammation.  Étudiés  au  microscope,  ces  crachats 
muqueux  contiennent  des  débris  d'épithélium  pavimenteux  et  quelquefois 
cylindriques,  de  jeunes  cellules  finement  granulées  en  quantité  considé- 
rable ce  qui  indique  une  exfoliation  épithéliale  plus  active  qu'à  l'état 
normal,  entraînant  non-seulement  la  chute  des  cellules  vieilles  mais  aussi 
celle  des  cellules  épithéliales  en  voie  de  formation.  Le  plasma  lui-même 
est  expulsé  sous  forme  d'une  matière  albumineuse  plus  ou  moins 
liquide.  (Schùtzenberger.  ) 

Dans  la  bronchite  qui  accompagne  la  rougeole,  l'expectoration  se  com- 
pose quelquefois  d'un  liquide  séro-purulent  très-abondant,  à  la  surface  du- 
quel surnagent  des  crachats  muqueux,  épais,  jaunâtres,  puriformes.  Il 
importe  d'être  prévenu  du  caractère  de  ces  crachats  qui  semblent  être 
fournis  par  des  cavernes  tuberculeuses.  Chez  l'enfant,  l'expectoration 
manque  le  plus  habituellement  pendant  tout  le  cours  de  la  bronchite. 

La  dyspnée  est  peu  considérable  pendant  les  premiers  jours  ;  à  mesure 
que  l'inflammation  augmente  en  intensité  et  en  étendue,  la  respiration 
devient  difficile,  pénible,  il  semble  que  l'air  ne  peut  pas  pénétrer  au  delà 
des  grosses  bronches,  ou  du  moins  son  entrée  et  sa  sortie  déterminent 
un  bruissement  appréciable  à  distance.  Cette  dyspnée  est  produite  par  les 
douleurs  thoraciques  ;  les  muscles  fatigués  ne  soulèvent  qu'incomplète- 
ment les  côtes  et  ne  donnent  pas  à  la  poitrine  un  degré  suffisant  d'ampli- 
tude; elle  est  due  surtout  à  la  présence  de  mucosités  abondantes  et 
épaisses  dans  les  canaux  bronchiques.  La  dyspnée  est  un  symptôme  très- 
fréquent  de  la  bronchite  chez  l'enfant  et  chez  le  vieillard. 

Vinspection  de  la  poitrine  ne  fournit  ainsi  que  la  mensuration  aucun 
renseignement  particulier. 

Il  n'en  est  pas  tout  à  fait  de  même  de  la  palpation.  Lorsqu'on  applique 
la  main  sur  la  paroi  thoracique,  on  perçoit  un  frémissement  vibratoire 
différent  de  celui  que  l'on  retrouve  dans  les  maladies  du  cœur  ;  il  répond 
aux  mouvements  respiratoires,  il  est  surtout  distinct  au  moment  de 
l'inspiration. 

La  percussion  est,  en  général,  sonore  dans  toute  la  poitrine;  ce  signe, 
quoique  négatif,  est  précieux  sous  le  rapport  du  diagnostic  comparatif. 
Cependant  la  sonorité  pourrait  être  exagérée,  ce  qui  tiendrait  à  un  em~ 


566  BRONCHES.  —  bronchite  aiguë  (symptômes). 

physème  conséquence  de  la  bronchite,  ou  bien  diminuée,  et  cette  matité 
serait  le  résultat  d'un  engouement  pulmonaire  lié  à  la  phlegmasie  bron- 
chique. 

V auscultation  fournit  des  signes  d'une  valeur  incontestable.  Au  début 
de  la  maladie,  le  bruit  respiratoire  est  rude;  plus  tard  il  est  masqué  ou 
remplacé  par  des  râles  sonores.  Ces  râles  sont  essentiellement  caracté- 
ristiques :  ils  attestent  la  présence  d'un  obstacle  au  passage  de  l'air 
dans  les  bronches,  mais  ils  prouvent  que  l'oblitération  est  incomplète. 
Dans  le  cas  contraire,  il  y  aurait  absence  du  bruit  respiratoire  dans  toute 
la  circonscription  du  poumon  desservie  par  le  rameau  obstrué.  Les  râles 
et  l'absence  du  bruit  respiratoire  peuvent  alterner;  l'obstruction  com- 
plète dans  un  moment,  cesse  dans  un  autre.  Cette  suspension  du  bruit 
respiratoire  doit  être  connue  du  praticien;  elle  pourrait  l'induire  en 
erreur  et  lui  faire  soupçonner  un  épanchement  ou  une  pneumonie,  si  la 
percussion  n'intervenait  pas  pour  assurer  le  diagnostic.  Les  râles  patho- 
gnomoniques  de  la  bronchite  offrent  des  nuances;  ils  ont  été  appelés 
vibrants  par  Beau  et  Raciborski  ;  ils  consistent  en  une  vibration  plus  ou 
moins  prolongée  qu'éprouve  la  colonne  d'air  en  franchissant  un  obstacle 
placé  sur  un  point  rétréci  des  bronches.  Piorry  les  appelle  rhonchus  larges. 
D'après  Laennec,  Barth  et  Roger,  le  râle  de  la  bronchite  est  sonore;  il 
comprend  deux  variétés  principales,  le  sonore  aigu  ou  sibilant,  le  sonore 
grave  ou  ronflant.  Le  râle  sibilant  est  un  sifflement  musical  d'un  ton 
plus  ou  moins  aigu;  il  accompagne  ou  masque  le  murmure  respiratoire. 
Le  râle  ronflant  est  caractérisé  par  un  bruit  musical  plus  grave,  il  imite 
le  ronflement  d'un  homme  endormi,  le  roucoulement  de  la  tourterelle, 
le  son  que  rend  une  corde  de  basse  sous  le  doigt  qui  la  touche.  Le  râle 
sibilant  semble  se  passer  dans  les  petites  bronches,  le  râle  ronflant  dans 
les  grosses.  Ces  deux  râles,  désignés  sous  le  nom  de  râle  sec,  sont  sou- 
vent réunis;  ils  se  remplacent  quelquefois.  Ils  se  produisent  pendant 
l'inspiration  et  l'expiration;  ils  sont  sujets  à  de  fréquentes  intermittences, 
varient  à  chaque  instant  de  siège,  de  force,  de  caractère.  Cette  variabilité 
est  la  conséquence  de  la  nature  de  la  cause  qui  les  produit;  ils  s'expli- 
quent l'un  et  l'autre  par  le  rétrécissement  des  bronches,  lequel  est  dé- 
terminé, soit  par  un  gonflement  de  la  membrane  muqueuse,  soit  par 
des  mucosités.  Ces  râles,  rarement  circonscrits,  se  perçoivent  ordinai- 
rement des  deux  côtés  de  la  poitrine  ;  ils  retentissent  du  sommet  à  la  base. 
Lorsque  la  muqueuse  des  bronches  s'humecte  de  liquides,  le  râle  sonore 
est  remplacé  par  le  sous-crépitant.  Ce  râle  humide,  qu'on  a  comparé  au 
bruit  qu'on  fait  en  soufflant  avec  un  chalumeau  dans  de  l'eau  de  savon,  est 
caractérisé  par  des  bulles  un  peu  grosses,  humides,  inégales  entre  elles;  il 
se  perçoit  aux  deux  temps  de  la  respiration,  surtout  à  l'inspiration,  dans 
toute  la  poitrine,  principalement  à  la  base  et  en  arrière.  Par  le  volume  de 
ses  bulles,  il  indique  quelle  est  la  partie  des  tuyaux  bronchiques  qui  est 
plus  spécialement  affectée;  à  bulles  moyennes,  il  dénote  une  phlegmasie 
des  ramifications  moyennes;  à  bulles  petites, il  signifie  que  la  maladie  ré- 
side dans  les  dernières  ramifications  bronchiques.  Le  gros  râle  sous-crépi- 


lîRONCHKS.    BRONCHITE    AIGUË    (SYMPTOMES).  567 

tant  atteste  qu'il  s'agit  d'une  bronchite  des  grosses  bronches;  quant  «à  la 
fréquence  de  ce  râle  à  la  partie  inférieure  de  la  poitrine,  elle  s'explique 
par  ces  diverses  circonstances.  A  la  base  les  bronches  sont  plus  nom- 
breuses qu'au  sommet,  les  chances  d'inflammation  y  sont  plus  grandes,  les 
liquides  sécrétés  y  séjournent  plus  longtemps  ;  enfin,  vu  leur  direction 
et  leur  disposition  anatomique,  les  canaux  bronchiques  à  la  partie  infé- 
rieure se  débarrassent  plus  vite  par  l'expectoration,  tandis  que  ceux  de 
la  partie  supérieure  se  vident  avec  plus  de  difficulté.  (Barth  et  Roger.) 

L'auscultation  ne  se  borne  pas  à  faire  reconnaître  l'existence  d'une 
bronchite,  elle  en  fait  découvrir  le  siège  et  l'étendue.  Lorsqu'elle  est 
partielle,  le  râle  se  limite  au  point  affecté  ;  si  elle  est  plus  étendue,  le 
râle  se  distingue  dans  toute  la  partie  du  poumon  qui  est  desservie  par 
les  tuyaux  phlogosés  ;  enfin,  si  la  bronchite  est  généralisée,  les  râles 
sonores  et  sous-crépitants  se  feront  entendre  dans  toute  la  poitrine. 

Symptômes  généraux.  —  La  fièvre  varie  beaucoup  d'intensité;  elle 
est  en  rapport  avec  la  gravité  et  l'étendue  de  l'affection.  Tantôt  elle  pré- 
cède les  symptômes  locaux,  tantôt  elle  les  suit.  Dans  le  premier  cas,  la 
maladie  s'annonce  par  des  frissons  plus  ou  moins  répétés,  auxquels  suc- 
cède une  chaleur  générale,  puis  la  lièvre  devient  continue  ;  elle  est  quel- 
quefois le  symptôme  le  plus  saillant,  elle  efface  en  quelque  sorte  la  phleg- 
masie  locale,  qui  ne  se  montre  que  secondairement.  C'est  à  cette  forme 
de  bronchite,  avec  prédominance  de  l'élément  fébrile,  qu'a  été  appliqué 
le  nom  de  fièvre  catarrhale.  La  bronchite  s'accompagne  souvent  de 
quelques  symptômes  particuliers  qui  se  rapportent  aux  organes  digestifs; 
ils  consistent  en  une  abolition  complète  ou  une  diminution  de  l'appétit, 
delà  soif,  des  nausées,  des  vomissements,  de  la  constipation. 

Tels  sont  les  principaux  phénomènes  qui  caractérisent  la  période  de 
crudité.  Mais  l'affection  tend  à  se  résoudre  graduellement,  les  symptômes 
offrent  alors  une  physionomie  nouvelle  ;  ce  changement  constitue  la 
période  de  coction  ou  de  maturation. 

A  ce  moment  l'inflammation  de  la  muqueuse  bronchique  a  diminué,  le 
mouvement  fébrile,  le  malaise,  la  rougeur  et  la  turgescence  de  la  face  ont 
presque  cessé  ;  la  peau  se  recouvre  d'une  légère  moiteur  ou  même  de 
sueur;  les  urines  deviennent  troubles  et  déposent  un  sédiment  abondant. 
La  douleur  sous-sternale  est  remplacée  par  un  endolorissement  sourd  au 
niveau  des  attaches  du  diaphragme;  la  toux  est  moins  fréquente,  humide; 
mais  l'indice  le  plus  certain  de  cette  période  de  coction  ou  de  maturation 
est  une  expectoration  plus  facile  de  crachats  abondants,  volumineux, 
opaques,  grisâtres,  jaune-verdàtres  ;  ils  sont  lourds,  gagnent  le  fond  du 
vase  quand  on  les  met  dans  l'eau,  ne  sont  point  aérés  ou  ne  présentent 
(pic  quelques  bulles  d'air;  quelquefois  ils  nagent  dans  un  liquide  transpa- 
rent, d'autres  fois  ils  paraissent  se  mêler  à  une  petite  quantité  de  salive 
battue  ;  ils  ne  répandent  aucune  odeur  ;  l'examen  microscopique  révèle 
l'existence  d'une  certaine  quantité  de  pus.  A  l'auscultation  on  constate 
des  râles  nombreux,  à  bulles  grosses,  irrégulières;  quelquefois  ils  se  rap- 
prochent du  gargouillement;   ainsi,   les  râles  humides  et  muqueux,  les 


568  BRONCHES.  —  bronchite  ak;uë  (variétés). 

crachats  abondants  et  épais,  constituent  les  symptômes  significatifs  de  la 
période  de  maturation  delà  bronchite. 

Marche,  durée,  terminaison.  —  Une  bronchite  aiguë  avec  ou  sans 
fièvre  tend  habituellement  vers  la  guérison,  surtout  lorsqu'elle  survient 
chez  un  adulte.  Si  elle  est  apyrétique,  elle  disparaît  au  bout  de  dix  à 
douze  jours;  accompagnée  de  fièvre  et  de  quelques  phénomènes  géné- 
raux, elle  peut  se  prolonger  plusieurs  semaines;  elle  est  souvent  entre- 
tenue par  des  attaques  successives  qui  en  prolongent  la  durée.  Chomel  et 
Blache  reconnaissent  à  cette  maladie  trois  périodes  :  la  première  caracté- 
risée par  une  toux  fréquente,  une  douleur  sous-sternale  et  une  expecto- 
ration d'un  liquide  écumeux;  la  seconde  par  l'humidité  de  la  toux  et  une 
plus  grande  consistance  des  crachats;  dans  la  troisième,  les  crachats 
sont  plus  opaques,  les  symptômes  ordinaires  de  la  bronchite  diminuent, 
et  il  survient  des  urines  plus  abondantes  et  sédimenteuses,  de  la  diarrhée 
ou  des  sueurs  copieuses.  v 

La  bronchite  passe  souvent  à  l'état  chronique.  Chez  les  vieillards, 
chez  les  personnes  délicates,  convalescentes  ou  habituellement  malades, 
les  récidives  sont  fort  à  craindre,  et  les  approches  de  l'biverles  rendent 
dans  nos  climats  pour  ainsi  dire  périodiques.  Elle  peut  se  terminer  par  la 
gangrène.  Ce  mode  de  terminaison,  qui  est  rare,  a  été  observé  par  Gué- 
neau  de  Mussy  et  Martin-Solon  :  les  crachats  répandaient  une  odeur  par- 
ticulière et  offraient  une  teinte  grisâtre.  Elle  peut  avoir  une  issue  fatale, 
soit  parce  que  se  manifestant  chez  des  sujets  affectés  d  une  maladie  orga- 
nique du  cœur  ou  des  bronches,  elle  hâte  la  marche  de  ces  maladies, 
soit  parce  que  survenant  chez  des  enfants  ou  des  vieillards,  et  s'étanl 
rapidement  propagée  aux  dernières  ramifications  bronchiques,  elle  occa- 
sionne une  sécrétion  de  mucosités  assez  considérable,  pour  amener  leur 
obstruction  et  produire  l'asphyxie. 

Variétés  et  eormes.  —  La  bronchite  peut  offrir  certaines  variétés  ou 
formes  spéciales.  Quelquefois  elle  prend  le  caractère  spasmodique  ou 
convulsif.  Elle  se  montre  alors  par  accès,  et  chaque  accès  se  caractérise 
par  une  toux  rauque,  stridente,  quinteuse,  avec  une  sorte  de  convulsion 
du  diaphragme,  des  muscles  intercostaux  et  de  ceux  de  la  glotte.  Bien 
différente  de  la  bronchite  simple  qui  a  une  marche  régulière,  cette  toux 
nerveuse  est  brusque  dans  son  début,  sèche,  capricieuse,  elle  produit  une 
certaine  turgescence  de  la  face,  des  efforts  de  vomissements,  une  véritable 
suffocation;  elle  se  termine  sans  expectoration,  quelquefois  cependant 
par  le  rejet  d'une  salive  blanchâtre  et  écumeuse.  Elle  ne  s'accompagne 
d'aucune  altération  d'organe,  n'entraîne  aucune  modification  morbide 
dans  les  résultats  de  la  percussion  et  de  l'auscultation.  L'accès  passé,  le 
malade  présente  toutes  les  apparences  de  la  santé.  Cette  toux  spasmo- 
dique qui  rappelle  la  coqueluche,  mais  qui  en  diffère  sous  bien  des  rap- 
ports, se  maintient  un  temps  plus  ou  moins  long,  sa  cause  est  difficile  à 
déterminer  :  elle  paraît  devoir  se  rattacher  à  une  disposition  spéciale  des 
sujets.  Le  plus  souvent  elle  se  montre  dès  l'origine  de  la  maladie  et  ne  cesse 
qu'avec  la  période    de    maturation;    puis   l'expectoration   devient    mu- 


BRONCHES.    —    BRONCHITE    AIGUË    ( VARIÉTÉS).  569 

qucuse,  abondante,  facile  ;  les  quintes  sont  rares  et  la  bronchite  reprend 
son  caractère  classique. 

La  bronchite  peut-elle  affecter  une  forme  intermittente?  Boisseau  l'ad- 
met sans  hésitation.  Broussais  et  Laennec  s'accordent  à  la  reconnaître. 
Boche  constate  dans  son  évolution  une  marche  aiguë  ou  chronique  conti- 
nue ou  intermittente;  Mongellaz  a  réuni  dans  son  ouvrage  sur  les  Irrita- 
tions intermittentes  plusieurs  exemples  de  bronchites  périodiques  qui 
avaient  été  signalés  par  ces  auteurs  sous  le  nom  de  toux,  fièvres  càtar- 
rhales  et  catarrhes  intermittents.  Andral,  Chomel,  Blache  (en  France), 
Williams,  James  Copland  (en  Angleterre),  ne  mentionnent  pas  cette  va- 
riété de  bronchite.  En  1857,  Bougard  (de  Bruxelles),  a  rapporté  un 
exemple  remarquable  de  bronchite  intermittente.  Exerçant  la  médecine 
dans  une  contrée  où  les  maladies  présentent  souvent  le  génie  intermit- 
tent, j'ai  quelquefois  observé  cette  bronchite  périodique.  En  général, 
elle  est  quotidienne,  elle  a  lieu  le  soir;  le  froid  est  peu  vif,  mais  la  cha- 
leur de  la  peau  est  assez  élevée.  A  ce  moment  la  toux  devient  plus  in- 
tense, l'expectoration  plus  abondante  et  l'oppression  plus  grande;  l'accès 
se  termine  par  de  la  sueur.  Traitée  par  la  médication  ordinaire  (révulsifs, 
narcotiques,  etc.),  cette  bronchite  persiste  avec  une  certaine  opiniâtreté; 
elle  cède  au  contraire  assez  facilement  à  l'usage  du  quinquina  et  de  la 
quinine. 

Je  mentionnerai  deux  variétés  de  bronchite  que  l'on  rencontre  dans 
l'enfance,  l'une  se  manifeste  périodiquement  la  nuit,  l'autre  se  rattache 
à  la  dentition. 

11  existe  chez  les  enfants,  dit  le  docteur  Behrend,  une  tonx  nocturne 
assez  fréquente  et  d'un  caractère  particulier.  Elle  s'observe  le  plus  sou- 
vent au  printemps  et  en  hiver.  Les  enfants  sans  aucun  vestige  de  toux 
pendant  le  jour  s'endorment  le  soir  à  l'heure  ordinaire;  après  deux  ou 
trois  heures  de  sommeil  ils  s'agitent,  toussent  fortement  avant  de  s'éveil- 
ler, ils  jettent  des  cris  et  pleurent,  la  toux  devient  de  plus  en  plus  vio- 
lente jusqu'à  produire  des  vomissements;  après  une  ou  deux  heures  de 
tourment  ils  s'endorment  de  nouveau  et  paraissent  bien  le  reste  de  la 
nuit.  La  toux  revient  à  la  même  heure  les  nuits  suivantes,  dure  pendant 
des  semaines  et  des  mois,  elle  finit  par  diminuer  et  disparaître  complète- 
ment et  spontanément;  les  accès  deviennent  peu  à  peu  plus  courts  et  se 
déclarent  à  des  heures  plus  avancées  dans  la  nuit,  en  sorte  que  le  som- 
meil qui  précède  la  toux  se  prolonge  davantage.  Cette  toux  nocturne  est 
le  plus  souvent  catarrhale,  accompagnée  de  râles  muqueux.  Quelquefois 
elle  est  sèche,  sifflante;  les  quintes  courtes,  isolées,  uniformes,  se  ré- 
pètent toutes  les  cinq  minutes  ou  se  bornent  à  une  ou  deux.  Cette  toux 
périodique  ne  saurait  être  confondue  avec  le  croup  qui  a  des  symptômes 
bien  tranchés,  avec  la  coqueluche  qui  s'observe  autant  le  jour  que  la 
nuit  et  qui  se  fait  remarquer  par  une  dyspnée  particulière.  Dans  la 
toux  périodique  il  n'y  a  pas  de  suffocation  véritable.  Elle  ressemble 
plutôt  à  la  bronchite  ordinaire,  mais  elle  s'en  distingue  par  l'absence 
presque    complète   des    signes   physiques,   par    la   périodicité    nocturne 


570  BRONCHES.  —  bronchite  aiguë  (complications). 

des  accès.  Le  docteur  Behrend  regarde  cette  toux  comme  dépendant 
d'une  affection  des  nerfs,  peut-être  du  nerf  vague  qui  préside  plus  par- 
ticulièrement à  la  vie  nerveuse  des  poumons. 

Chez  les  enfants  de  quelques  mois  à  deux  ou  trois  ans,  le  travail  de 
dentition  imprime  à  la  bronchite  un  caractère  particulier  qui  ne  doit  pas 
être  ignoré  des  médecins.  Il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  des  enfants  de 
cet  âge,  qui,  loin  de  présenter  le  flux  diarrhéiforme  sympathique  du 
travail  dentaire,  sont  au  contraire  constipés;  ils  offrent  souvent  alors  une 
hypersécrétion  de  la  muqueuse  bronchique,  se  traduisant  par  un  rhonchus 
spécial.  Ce  flux  doit  être  rapporté  à  révolution  dentaire,  il  commence 
avec  la  dentition,  en  suit  les  phases  de  repos  et  de  progrès,  et  finit  avec 
elle.  Il  coïncide  avec  la  constipation  et  semble  incompatible  avec  le  flux 
diarrhéique.  Le  rhonchus  est  en  général  plus  marqué  lorsque  l'enfant  est 
au  repos  éveillé,  il  augmente  lors  des  mouvements,  mais  il  est  surtout 
bruyant,  renforcé  pendant  le  sommeil,  ce  qui  provient  sans  doute  du 
ralentissement  que  le  sommeil  apporte  à  l'absorption  bronchique,  de  là 
la  stagnation  et  l'augmentation  relative  des  mucosités.  Ce  flux  bronchique 
doit  être  assimilé  au  flux  intestinal,  ces  deux  flux  chez  les  enfants  à  l'é- 
poque de  la  dentition  ont  une  même  signification,  ou  si  l'on  veut,  sont 
deux  groupes  de  phénomènes  du  même  ordre,  la  seule  différence  réside 
dans  le  lieu  d'élection  de  l'hypersécrétion  ;  il  est  déterminé  par  la  pré- 
disposition organique  particulière  à  chaque  enfant  et  en  vertu  de  la- 
quelle l'influence  sympathique  du  travail  dentaire  est  dirigée  chez  l'un 
sur  l'appareil  folliculaire  bronchique,  chez  l'autre  sur  l'appareil  follicu- 
laire intestinal.  La  toux  n'est  point  en  proportion  avec  l'intensité  du 
rhonchus,  elle  manque  même  quelquefois  malgré  l'abondance  du  flux  bron- 
chique. (Semanas.) 

Complications.  —  La  bronchite  peut  offrir  dans  ses  diverses  périodes 
des  complications  plus  ou  moins  sérieuses.  Dans  son  début,  elle  s'accom- 
pagnera d'une  angine,  d'une  laryngite,  plus  tard  l'inflammation  se  pro- 
pagera des  grosses  bronches  aux  petites,  la  bronchite  capillaire  est  une 
des  complications  les  plus  graves  de  la  bronchite  simple  chez  les  vieil- 
lards et  les  enfants.  La  bronchite  aiguë  peut  avoir  pour  conséquence 
l'emphysème  pulmonaire  ou  une  lésion  organique  du  cœur  ;  j'insisterai 
sur  ces  états  morbides  à  propos  de  la  bronchite  chronique. 

Plus  fréquemment  la  bronchite  se  montre  comme  complication.  Elle 
se  retrouve  dans  la  plupart  des  pneumonies  ou  des  pleurésies.  Elle  est  la 
compagne  presque  inévitable  de  la  phthisie  pulmonaire,  c'est  elle  qui  le 
plus  souvent  en  accélère  la  marche.  Fonssagrives  l'a  comparée  avec  rai- 
son à  une  bougie  allumée  qu'on  promène  au  milieu  d'un  sac  de  poudre. 
Elle  intervient  fréquemment  dans  l'asthme,  la  coqueluche,  dans  le  croup. 
Elle  est  une  complication  presque  constante  dans  la  lièvre  typhoïde. 
Latente  au  début  elle  se  généralise  plus  tard,  se  caractérise  par  de  la  dys- 
pnée et  des  râles  surtout  distincts  à  la  partie  postérieure  de  la  poitrine. 
Cette  bronchite  typhoïde  se  distingue  de  la  bronchite  ordinaire  par  l'ab- 
sence de  toux  et  de  crachats,  absence  qui  serait  due,  d'après  Beau,  à  un 


BRONCHES.  —  bronchite  aiguë  (diagnostic).  571 

état  analgésique  des  muqueuses  ;  celles-ci  auraient  perdu  une  partie  de 
leur  sensibilité  comme  la  peau  et  la  plupart  des  organes  des  sens.  La 
bronchite  se  retrouve  dans  la  plupart  des  fièvres  éruptives,  spécialement 
dans  la  rougeole,  elle  est  un  des  éléments  presque  constants  de  cette  ma- 
ladie, se  révèle  par  les  symptômes  les  plus  manifestes  et  persiste  même 
après  la  disparition  des  phénomènes  cutanés. 

Anatomie  pathologique.  —  Les  lésions  anatomiques  de  la  bronchite  ne 
sont  réellement  bien  dessinées  que  lorsque  la  maladie  a  atteint  un  cer- 
tain degré  d'intensité.  Comme  toutes  les  phlegmasies  des  muqueuses,  la 
bronchite  se  caractérise  anatomiquement  par  des  altérations  de  tissus  et 
par  des  produits  de  sécrétion. 

Parmi  les  altérations  de  la  muqueuse  bronchique,  la  rougeur  doit  être 
signalée  en  première  ligne;  tantôt  cette  rougeur  est  distribuée  par  petites 
plaques,  par  bandes  étroites,  par  îlots  ;  tantôt  elle  est  uniformément  ré- 
partie. Celte  coloration  varie  depuis  le  rose  jusqu'au  rouge  vif  et  aux 
nuances  plus  foncées  du  pourpre  et  du  brun.  Elle  paraît  être  le  résultat 
d'une  injection  qui  occupe  les  vaisseaux  de  la  muqueuse,  et  qui  quelque- 
fois s'étend  jusqu'au  tissu  sous-muqueux.  Le  lavage  ne  la  fait  point  dis- 
paraître. La  muqueuse  offre  souvent  un  aspect  granulé  ;  elle  est  épaissie, 
cet  épaississement  tient  à  l'injection  vasculaire  et  à  un  certain  afflux  de 
matière  coagulable.  Elle  peut  être  ramollie;  ce  mode  d'altération  est  plus 
fréquent  chez  l'enfant;  rarement  elle  offre  des  traces  d'ulcération  ou  de 
gangrène. 

Si  l'on  examine  les  produits  de  sécrétion  versés  à  la  surface  de  la  mu- 
queuse des  bronches,  on  constate  dans  les  divisions  bronchiques  enflam- 
mées des  mucosités  diaphanes,  visqueuses,  filantes,  et  en  quantité  assez 
considérable.  Plus  tard,  ces  mucosités  deviennent  verdàtres,  elles  sont 
mêlées  de  stries  jaunes,  puis  elles  s'épaississent  et  finissent  par  prendre 
un  aspect  purulent.  Elles  peuvent  obstruer  complètement  les  ramifications 
bronchiques,  surtout  celles  d'un  moyen  ou  d'un  petit  calibre;  cette  ob- 
struction est  d'autant  plus  redoutable,  que  le  mucus  a  plus  de  consistance 
et  de  ténacité.  Chomel  et  Blache  ont  constaté  le  gonflement  et  la  rou- 
geur des  ganglions  bronchiques. 

Requin  fait  remarquer  que  l'étendue  et  l'intensité  des  altérations  ana- 
tomiques ne  sont  pas  en  rapport  constant  avec  la  violence  des  symptômes; 
ainsi,  dans  la  bronchite  latente  qui  accompagne  la  fièvre  typhoïde,  la 
muqueuse  bronchique  est  souvent  rouge,  tuméfiée  dans  presque  toute 
son  étendue,  ramollie  en  divers  points  ;  tandis  que  dans  une  bronchite 
idiopathique  aiguë,  la  muqueuse  ne  se  montrera  altérée  que  partiel- 
lement. 

Diagnostic.  —  Le  diagnostic  de  la  bronchite  semble  ne  présenter 
aucune  difficulté.  La  toux,  la  nature  de  l'expectoration,  les  résultats  de 
la  percussion  et  de  l'auscultation  constituent  un  ensemble  de  symptômes 
suffisamment  caractéristiques;  cependant  il  est  quelques  maladies  qui 
peuvent  avoir  avec  elle  une  certaine  analogie.  Etablissons  à  leur  égard  le 
diagnostic  différentiel. 


572  BRONCHES.  —  bronchite  aiguë  (diagnostic). 

Laryngite.  —  Elle  se  caractérise  par  une  douleur  au  niveau  du  carti- 
lage thyroïde,  une  certaine  gêne  dans  la  déglutition  des  liquides,  une  mo- 
dification spéciale  de  la  voix  quiestrauque  et  même  complètement  éteinte, 
une  toux  quinteuse,  pénible,  parce  que  le  larynx  est  riche  en  nerfs,  une 
expectoration  peu  abondante  de  crachats  blancs  et  écumeux,  une  inspi- 
ration sifflante.  La  laryngite  striduleuse  des  enfants  pourrait- elle  en  im- 
poser pour  une  bronchite?  Mais  le  début  qui  a  lieu  le  plus  souvent  la 
nuit,  la  raucité  de  la  toux  et  de  la  voix,  le  caractère  de  la  dyspnée,  l'ab- 
sence de  raies  dans  la  poitrine,  sont  autant  de  signes  qui  permettent 
d'éviter  l'erreur.  Quant  à  la  laryngite  pseudo-membraneuse,  elle  se  tra- 
duit par  des  symptômes  qui  manquent  complètement  dans  la  bronchite, 
c'est-à-dire  le  timbre  particulier  de  la  toux  et  de  la  voix,  souvent 
l'aphonie,  la  dyspnée  revenant  par  accès,  la  diminution  du  murmure  res- 
piratoire avec  mélange  de  rhonchus  et  de  râles,  ce  bruit  de  soupape  si 
caractéristique,  enfin  et  surtout  par  l'existence  de  fausses  membranes  sur 
la  muqueuse  du  pharynx  et  leur  rejet  par  l'expectoration  ou  le  vomis- 
sement. 

Trachéite.  —  La  plupart  des  auteurs  ne  la  mentionnent  que  pour  mé- 
moire, ils  l'admettent  théoriquement,  et  on  lui  donne  dans  la  prati- 
que le  nom  de  bronchite;  et  cependant  ces  deux  affections  se  présentent- 
elles  avec  des  caractères  identiques?  Beau  a  parfaitement  établi  ce 
diagnostic  différentiel.  La  toux  et  l'expectoration  offrent  dans  ces  deux 
maladies,  a-t-il  écrit,  une  grande  analogie,  mais  l'auscultation  fournil 
des  signes  très-importants  et  véritablement  distinctifs.  Dans  la  trachéite, 
les  râles  sont  rares,  leur  absence  tient  à  ce  que  la  capacité  de  la  trachée 
est  considérable,  les  mucosités  peuvent  se  déposer  en  quantité  notable 
sur  ses  parois  sans  faire  obstacle  au  passage  de  l'air.  Ces  râles,  s'ils  exis- 
tent, sont  généralement  éphémères,  fugaces;  ils  se  distinguent  à  la  partie 
moyenne  du  cou  ;  un  mouvement  de  toux  les  produit,  un  mouvement  de 
toux  les  fait  disparaître.  Dans  la  bronchite,  au  contraire,  les  râles  sont 
permanents,  très-communs  à  cause  de  la  disposition  anatomique  des  ca- 
naux bronchiques;  ils  siègent  sur  toutes  les  régions  du  thorax.  La  dyspnée, 
symptôme  fréquent  de  la  bronchite,  en  rapport  avec  le  nombre  et  l'in- 
tensité des  obstacles  que  le  mucus  produit  dans  les  voies  bronchiques, 
est  au  contraire  rare  dans  la  trachéite.  On  en  comprend  le  motif.  L'em- 
physème, conséquence  possible  de  la  bronchite,  manque  dans  la  trachéite. 
11  existe  donc  une  différence  notable  entre  la  trachéite  et  la  bronchite, 
cependant  rien  n'est  plus  ordinaire  que  de  voir  la  bronchite  se  compli- 
quer de  trachéite  et  même  de  laryngite;  on  trouve  alors  réunis  les 
symptômes  de  ces  trois  maladies. 

Lorsque  la  bronchite  offre  la  forme  spasmodique,  elle  pourrait  avoir 
quelque  analogie  avec  la  coqueluche,  maladie  spécifique,  à  la  constitution 
de  laquelle  concourent  deux  éléments,  une  névrose  d'une  part,  une  in- 
flammation de  l'autre.  La  coqueluche  a  de  la  ressemblance,  en  effet,  avec 
la  bronchite,  à  cause  du  catarrhe  qui  marque  son  début,  mais  elle  s'en 
sépare  par  la  nature  des  quintes,  lesquelles  se  reproduisent  à  des  inter- 


BRONCHES.   BRONCHITE  AIGUË    (diagnostic).  575 

valles  plus  ou  moins  courts,  sous  tonne  d'accès,  et  se  terminent  par  une 
inspiration  longue,  sifflante,  l'expectoration  d'un  liquide  incolore  filant, 
des  vomissements  de  matières  alimentaires.  Dans  l'intervalle  des  accès, 
la  respiration  est  libre,  le  murmure  respiratoire  est  parfaitement  naturel, 
exempt  de  toute  espèce  de  râle.  Une  intermittence  aussi  marquée  ne  se 
retrouve  jamais  dans  la  bronchite.  J'ajouterai  que  la  coqueluche  est  une 
maladie  de  l'enfance,  qu'elle  est  rare  chez  l'adulte,  qu'elle  est  contagieuse 
•  et  n'attaque  les  sujets  qu'une  seule  fois,  circonstances  qui  ne  se  retrou- 
vent pas  dans  la  bronchite. 

La  bronchite  à  forme  spasmodique  pourrait-elle  être  confondue  avec  la 
toux  hystérique?  Cette  toux  hystérique,  si  bien  décrite  par  Graves,  Lasè- 
gue  et  Trousseau,  est  bien  différente  de  cette  variété  de  la  bronchite,  elle 
ne  s'accompagne  jamais  de  ces  spasmes  violents  qui  déterminent  des  accès 
de  suffocation,  des  menaces  d'asphyxie,  et  entraînent  à  leur  suite  des 
congestions  pulmonaires  ou  encéphaliques.  Cette  toux  ressemble  à  celle 
que  provoque  l'inspiration  de  certains  gaz,  le  chlore,  par  exemple;  sou- 
vent précédée  d'un  chatouillement  laryngé,  habituellement  sèche,  elle 
affecte  un  rbythme  monotone  ;  quelquefois  sonore,  retentissante,  elle  ne 
laisse  point  de  relâche,  elle  se  présente  avec  une  telle  violence,  une  telle 
continuité,  qu'on  s'étonne  de  ne  pas  voir  se  produire  quelques  ruptures 
des  cellules  aériennes  ou  des  vaisseaux  sanguins.  Dans  d'autres  circon- 
stances, la  toux  est  incessante,  elle  revient  toutes  les  deux  ou  trois  se- 
condes, elle  est  comparable,  pour  l'intensité  et  pour  le  timbre,  à  un  hem 
qui  revient  constamment,  et  qui,  par  cela  môme,  est  très-pénible.  Ordi- 
nairement, le  pouls  est  fréquent,  mais  c'est  le  pouls  fréquent  de  l'hysté- 
rie, et  non  pas  celui  de  l'inflammation  ou  de  la  fièvre.  En  général,  la 
toux  cesse  la  nuit,  et  se  rapproche  ainsi  des  convulsions  chorciques. 
L'examen  de  la  poitrine  ne  révèle  aucun  signe  particulier.  Cette  toux 
hystérique,  remarquable  par  sa  ténacité,  peut  durer  plusieurs  mois,  des 
années  entières,  elle  n'est  influencée  ni  par  la  menstruation  ni  par  les 
phénomènes  physiologiques  ou  pathologiques  qui  ont  lieu  durant  son 
cours.  Cependant,  lorsqu'elle  se  prolonge  longtemps,  elle  peut  avoir  un 
retentissement  sur  la  santé  générale;  j'ai  vu  cette  toux  hystérique  pré- 
céder une  tuberculisation  pulmonaire.  Le  praticien  ne  doit  donc  pas  la 
considérer  d'un  œil  indifférent. 

Pour  rendre  plus  complet  ce  diagnostic  différentiel,  je  comparerai 
encore  quelques  formes  de  bronchite  ou  de  toux  qui  ont  été  signalées  par 
(i raves  et  par  Jaccoud. 

La  syphilis  atteint  la  muqueuse  bronchique  aussi  bien  que  les  autres 
tissus  de  l'organisme.  La  toux  syphilitique  n'est  pas  très-rare;  elle  offre 
des  symptômes  analogues  à  ceux  de  la  phthisie;  aussi,  ces  deux  maladies 
sont-elles  facilement  confondues.  Le  diagnostic  s'établit  par  l'étude  des 
antécédents.  La  toux  syphilitique  coïncide  en  général  avec  des  accidents 
secondaires  (périostite,  angine,  éruptions  cutanées,  etc.).  Elle  peut  en- 
traîner des  phénomènes  généraux  qui  rappellent  ceux  de  la  phthisie  pul- 
monaire à  la  deuxième  période;   quant  aux  phénomènes  locaux,  ils  sont 


574  BRONCHES.  —  bronchite  aiguë  (diagnostic). 

légers  :  l'auscultation  et  la  percussion  ne  laissent  découvrir  aucun  des 
signes  physiques  des  tubercules.  Un  traitement  mercuricl  dissipe  assez 
rapidement  l'affection  bronchique. 

La  toux  due  à  la  présence  des  vers  dans  l'intestin  se  présente  avec  les 
caractères  d'une  bronchite  grave.  Cette  toux  verm'mease,  sèche,  sonore, 
creuse,  d'une  violence  extraordinaire,  revient  le  jour  comme  la  nuit,  pen- 
dant le  sommeil  comme  pendant  la  veille,  toutes  les  cinq  ou  six  minutes. 
Cependant,  les  malades  ne  perdent  pas  leur  embonpoint,  ils  n'ont  pas  de 
lièvre,  et  l'auscultation  ne  fait  entendre  que  les  ràlcs  ordinaires  de  la 
bronchite  sèche.  La  toux  disparaît  quand  les  vers  intestinaux  sont  expul- 
sés. Cette  toux,  causée  par  les  vers  intestinaux,  a  été  signalée  depuis  long- 
temps par  Mercurialis,  Sennert,  Mercatus  et  Van  den  Bosch.  Indépen- 
damment de  cette  toux,  dite  sympathique  par  les  anciens,  et  dans  laquelle 
on  ne  voit  aujourd'hui  qu'un  phénomène  réflexe  déterminé  par  l'irri- 
tation de  la  muqueuse  gastro-intestinale,  les  entozoaires,  ou,  pour 
mieux  dire,  les  ascarides  loinbricoïdes,  peuvent  déterminer  une  toux 
dont  la  signification  est  bien  autrement  grave,  puisqu'elle  révèle  un 
accident  qui  met  immédiatement  en  danger  la  vie  du  malade;  je  veux 
parler  de  la  toux  causée  par  l'introduction  des  vers  dans  les  voies 
aériennes. 

Une  irritation  de  la  muqueuse  bronchique  peut  naître  sous  l'influence 
de  la  diathèse  goutteuse.  La  goutte,  en  effet,  atteint  presque  tous  les  tis- 
sus; elle  parcourt  successivement  les  articulations,  les  muscles  et  leurs 
aponévroses,  le  cœur,  l'estomac,  le  foie,  les  intestins,  les  reins  ;  elle  af- 
fecte souvent  la  muqueuse  de  la  trachée  et  des  bronches.  La  toux  gout- 
teuse est  sèche,  fatigante,  opiniâtre.  Si  elle  survient  en  même  temps  que 
des  phénomènes  d'arthrite,  sa  véritable  nature  est  méconnue  ;  on  l'attri- 
bue à  un  refroidissement,  on  la  considère  comme  une  bronchite  ordi- 
naire. Mais,  quelle  que  soit  la  cause  qui  produise  une  phlegmasie  chez 
un  goutteux,  quel  que  soit  l'organe  intéressé,  l'affection  revêt  presque 
toujours  les  caractères  de  l'inflammation  goutteuse  franche.  Cela  tient  à 
ce  qu'elle  est  modifiée  par  la  disposition  constitutionnelle  qui  se  localise 
dans  la  partie  malade.  La  même  relation  existe  entre  la  bronchite  com- 
mune qui  se  développe  sous  l'influence  du  froid  chez  un  individu  gout- 
teux, et  la  bronchite  goutteuse  dont  elle  devient  la  cause  indirecte.  Ordi- 
nairement, l'inflammation  goutteuse  des  bronches  a  une  marche  chronique, 
elle  persiste  jusqu'à  ce  qu'une  attaque  de  goutte  articulaire  la  fasse 
disparaître. 

Une  irritation  bronchique  peut  dépendre  de  la  diathèse  scorbutique. 
La  toux  scorbutique  coïncide  avec  le  purpura,  avec  une  tendance  aux 
hérnorrhagies  par  le  nez,  l'estomac,  les  intestins,  la  vessie;  elle  s'accom- 
pagne d'hémoptysie,  elle  reconnaît  pour  causes  l'habitation  dans  un  lieu 
humide,  mal  aéré,  une  nourriture  insuffisante  ;  elle  réclame  un  traite- 
ment spécial  soit  pendant  la  période  d'état,  soit  pendant  la  convales- 
cence. 

Une  phlegmasie  de  la  muqueuse  bronchique  procède  quelquefois  de  la 


BRONCHES.  —  bronchite  aiguë  (diagnostic).  575 

scrofule.  La  toux  scrofuleuse  présente  les  formes  les  plus  variées,  de- 
puis la  bénignité  la  plus  grande  jusqu'à  la  gravité  la  plus  sérieuse.  Elle 
coïncide  avec  quelques  autres  manifestations  de  cette  diathèse.  (Graves.) 
La  toux  gastrique  ou  stomacale  est  produite  par  l'embarras  gastrique, 
ou  bien  elle  coïncide  avec  une  dyspepsie.  Elle  est  fréquente  chez  les 
vieillards  qui  passent  leur  vie  dans  l'oisiveté.  Elle  est  précédée  et  accom- 
pagnée de  troubles  de  la  digestion,  d'un  sentiment  de  pesanteur  à  l'épi- 
gastre,  de  nausées,  de  vomissements;  le  plus  ordinairement  elle  est  sèche, 
elle  cesse  après  un  vomissement.  Elle  a  pour  condition  palhogénique 
l'impression  anomale  subie  parmi  les  rameaux  gastriques  du  nerf  vague  ; 
transmise  par  un  trajet  rétrograde  jusqu'aux  centres  nerveux,  cette  im- 
pression retentit  sur  les  rameaux  bronchiques  du  même  nerf.  L'examen 
de  la  poitrine  ne  donne  que  des  résultats  négatifs. 

La  toux  hépatique  présente  deux  variétés  :  elle  peut  être  le  résultat 
i'une  gène  mécanique  causée  par  l'augmentation  de  volume  du  foie;  elle 
est  brève,  petite,  sèche,  s'accompagne  d'un  sentiment  de  pesanteur  dans 
l'hypochondre  droit.  Elle  est  aussi  la  conséquence  d'une  affection  orga- 
nique du  foie  :  elle  est  forte,  très-pénible,  douloureuse,  entrecoupée, 
enchaînée  comme  dans  l'inflammation  de  la  plèvre.  (Jaccoud.) 

La  bronchite  pourrait-elle  être  confondue  avec  une  pneumonie?  Chez 
l'adulte,  la  confusion  me  semble  impossible.  La  pneumonie  est  trop  nette- 
ment établie  par  ses  symptômes  généraux  (frissons  irréguliers,   fièvre, 
chaleur  élevée  de  la  peau,  etc.),  par  ses  symptômes  locaux  (douleur  de 
côté,  crachats  rouilles,  jus  de  pruneaux,  râle  crépitant,  souffle  tubairc, 
dyspnée,  etc.).  —  Le  diagnostic  différentiel  est  plus  difficile  chez  le  vieil- 
lard. A  cette  époque  de  la  vie,  le  tableau  de  la  pneumonie  est  incomplet  ; 
les  signes  fournis  par  l'inspection  des  matières  expectorées  manquent 
souvent;  le  râle  crépitant  est  rare,  ou,  du  moins,  mal  caractérisé;  il  est 
remplacé  par  des  bulles  assez  grosses,  humides  ;  la  dyspnée  est  peu  pro- 
noncée ;  les  phénomènes  généraux  se  réduisent  à  de  l'anorexie  et  à  une 
faiblesse  insolite.  Il  faut  alors  s'appuyer  sur  les  résultats  de  la  percussion  ; 
elle  acquiert  une  certaine  importance;  une  matité  circonscrite  indique 
presqu'à  coup    sûr   l'existence   d'une   pneumonie.  Il  est  un   signe   sur 
lequel  insistent  avec  raison  Hardy  et  Béhier.  A  un  âge  avancé,  dit  le 
professeur  Béhier  dans  sa  Clinique  médicale,  la  pneumonie  est  fréquem- 
ment latente.  Un  vieillard  présente  du  malaise,  de  la  sécheresse  de  la 
langue,  de  l'inappétence,  un  peu  de  toux,  il  mange  encore,  et  même  il 
sort.  Néanmoins  méfiez-vous,  peut-être  bien  ce  vieillard  promène-t-il  une 
pneumonie.  Les  phénomènes  caractéristiques  de  celle  affection  sont  peu 
accentués,  parce  que   l'inflammation  n'est  pas  franche,  que  l'effort  in- 
flammatoire local  a  peu  de  retentissement,  et  que  la  sensibilité  est  plus 
ou  moins  torpide;   mais  dans  ces  pneumonies  des  vieillards,  il  est  un 
symptôme  d'une  grande  valeur  comme  diagnostic,  c'est  la  rougeur  avec 
sécheresse  de  la  langue.  Cet  état  particulier  de  la  langue  coïncide  sou- 
vent avec  une  phlegmasic  plus  ou  moins  considérable  du  parenchyme  pul- 
monaire. —  Cette  difficulté  de  diagnostic  entre  la  bronchite  et  la  pneu- 


r>70  BRONCHES.  —  bronchite  aiguë  (thérapeutique). 

monie,  se  retrouve  plus  grande  chez  les  enfants.  Dans  ces  deux  affec- 
tions, les  signes  physiques  relatifs  à  la  percussion  et  à  l'auscultation  sont 
identiques,  le  bruit  respiratoire  offre  des  altérations  semblables  de  timbre 
et  d'intensité,  ce  sont  les  mêmes  râles  sibilants  et  muqueux.  On  sait,  en 
outre,  que,  chez  les  enfants,  les  signes  pathognomoniques  de  la  pneumonie 
(râle  crépitant,  bronchophonie,  souffle  tubaire,  expectoration  rouillée) 
manquent  fréquemment.  Le  diagnostic  serait  donc  entouré  de  difficultés 
peut-être  insurmontables,  si  l'on  ne  savait  que  lorsque  la  phlegmasie 
s'arrête  aux  bronches,  la  réaction  fébrile  est  le  plus  souvent  légère, 
tandis  que  si  le  parenchyme  pulmonaire  est  envahi,  la  fièvre  et  les  sym- 
ptômes généraux  sont  très-prononcés.  Donc  la  prédominance  des  signes 
physiques  sur  les  signes  fonctionnels  locaux  et  généraux,  doit  faire  songer 
à  une  bronchite, et  l'exagération  des  phénomènes  généraux  indiquera  plutôt 
l'existence  d'une  pneumonie. 

La  phthisie  à  marche  aiguë  offre  quelques  symptômes  qui  pourraient 
en  imposer  pour  une  bronchite;  mais  les  douleurs  plus  ou  moins  vives 
au  sommet  du  thorax,  les  bémoptysies,  la  matité  et  les  craquements  cir- 
conscrits dans  les  fosses  sus  et  sous-épineuses,  sous  les  clavicules, 
l'amaigrissement  général,  la  perte  des  forces,  la  fièvre  continue  avec 
exacerbation  le  soir,  dissiperont  toute  incertitude. 

Proxostic.  —  La  bronchite  légère  apyrétique  est  à  peine  une  modifi- 
cation de  l'état  habituel  de  santé  ;  elle  se  dissipe  avec  une  facilité  très- 
grande.  La  bronchite  fébrile  se  termine  aussi  d'une  manière  favorable. 
Cependant  on  est  généralement  trop  disposé  à  lui  prêter  une  chimérique 
bénignité.  Andral  a  dit  :  S'il  est  parfois  des  bronchites  si  légères  qu'elles 
constituent  à  peine  un  état  morbide,  elles  sont  souvent  si  intenses  qu'elles 
égalent  comme  danger  une  pneumonie  aiguë,  une  phthisie  pulmonaire, 
un  anévrysme  du  cœur.  C'est  qu'en  effet  la  bronchite  a  parfois  sa  gravité 
et  ses  périls.  Sans  parler  des  affections  qu'elle  provoque,  de  sa  tendance 
déplorable  aux  récidives  et  à  la  chronicité,  on  ne  peut  disconvenir 
qu'elle  est  souvent  fatale  pour  les  enfants  et  les  vieillards.  En  effet,  le 
danger  de  la  bronchite  dépend  surtout  de  l'âge  des  sujets.  Plus  les  enfants 
sont  jeunes,  plus  les  bronches  sont  étroites,  plus  facilement  aussi  elles 
peuvent  s'obstruer.  Chez  les  adultes,  la  bronchite  ne  menace  presque 
jamais  la  vie,  mais  chez  les  vieillards,  elle  prend  rapidement  un  caractère 
de  gravité,  si  surtout  elle  s'accompagne  d'un  mouvement  fébrile.  Il  est 
donc  nécessaire  de  ne  pas  se  montrer  dans  tous  les  cas  à  l'égard  de  la 
bronchite  d'une  trop  grande  sécurité. 

Thérapeutique.  —  La  bronchite  légère  apyrétique  n'exige  qu'un  traite- 
ment simple,  elle  cède  à  des  soins  hygiéniques,  à  des  tisanes  pectorales, 
à  quelques  préparations  calmantes  ;  mais  si  la  bronchite  s'accompagne 
de  fièvre,  d'une  toux  plus  ou  moins  vive,  d'oppression,  il  est  nécessaire 
d'avoir  recours  à  une  médication  active. 

Antiphlogistiques.  —  La  plupart  des  auteurs  les  recommandent;  la  sai- 
gnée du  bras  est  heureusement  secondée  par  des  émissions  sanguines 
locales  (sangsues ^  ventouses  scarifiées),    lorsqu'il    existe   une    douleur 


BKOJNCHES. BliOINCHITE    AIGUË    (THERAPEUTIQUE).  577 

thoracique.  —  Dans  les  cas  d'intensité  moyenne  une  application  de  sang- 
sues à  l'anus  est  suffisante. 

Révulsifs  cutanés.  —  Ils  constituent  un  des  agents  les  plus  énergiques 
dans  le  traitement  de  la  bronchite,  ils  ne  sont  conseillés  que  lorsque  les 
phénomènes  aigus  étant  dissipés,  la  dyspnée  persiste  ainsi  que  la  toux  el 
les  autres  symptômes  fournis  par  les  méthodes  physiques  d'exploration. 
Ce  sont  des  vésicatoires  placés  sur  la  poitrine  ou  aux  membres  inférieurs, 
des  applications  locales  d'huile  de  croton  tiglium  ou  de  tartre  stibié. 
Laennec  préconise  les  ventouses  sèches  ;  en  les  laissant  appliquées  assez 
longtemps  pour  que  la  tuméfaction  qu'elles  déterminent  ne  s'affaisse  pas 
trop  vite,  on  obtient  une  diminution  notable  de  l'oppression  et  des  au- 
tres symptômes  nés  de  la  congestion  de  la  muqueuse  bronchique.  Les 
révulsifs  sont  très-utiles  chez  le  vieillard;  bien  des  praticiens  les  redou- 
tent pour  les  enfants,  j'ai  souvent  constaté  leur  efficacité  à  cette  époque 
de  la  vie;  administrés  avec  discernement,  ils  sont  exempts  d'incon- 
vénients. 

Vomitifs.  —  Ils  sont  réservés  pour  les  bronchites  qui  s'accompagnent 
d'un  état  saburral  ou  qui  se  rapprochent  du  catarrhe  suffocant.  Ils  pro- 
voquent l'expectoration,  débarrassent  les  bronches  des  mucosités  qui  les 
remplissent,  ils  activent  la  transpiration  cutanée  si  utile  dans  le  cours  des 
maladies  aiguës  de  la  poitrine.  Le  vomitif  le  plus  habituellement  employé 
est  le  tartre  stibié  à  la  dose  de  cinq  à  quinze  centigrammes.  Laennec,  Girard 
(de  Marseille)  ont  insisté  sur  cette  médication.  Fon-ssagrives  a  préconisé 
la  potion  rasorienne  dans  la  bronchite  :  lorsque  cette  affection,  dit-il, 
n'est  ni  très-profonde,  ni  très-étendue,  qu'elle  n'a  pas  élu  domicile  dans 
un  poumon  d'une  étoffe  suspecte,  elle  tend  d'elle-même  à  la  guérison. 
Mais  quand  ces  conditions  rassurantes  n'existent  pas,  il  faut  avoir  recoins 
à  la  potion  émétisée  qui  a  le  triple  avantage  de  solliciter  quelques  vo- 
missements toujours  favorables  dans  ce  cas,  d'éteindre  le  travail  phleg- 
masique,  dont  la  muqueuse  est  le  siège  et  de  prévenir  le  passage  toujours 
si  regrettable  de  l'état  aigu  à  l'état  chronique.  Pécholier,  dans  un  travail 
lu  à  l'Académie  de  médecine  en  1864,  sur  l'action  thérapeutique  de 
l'ipécacuanha,  affirme  que  dans  la  bronchite  aiguë  avec  fièvre,  ce  médi- 
cament hâte  la  cessation  de  la  fièvre  et  de  la  toux  et  avance  l'époque  de 
la  convalescence. 

Les  vomitifs  sont  en  général,  très-efficaces  chez  les  enfants,  souvent  on 
préfère  pour  eux  l'ipécacuanha  qui,  répété  tous  les  deux  ou  trois  jours, 
détermine  un  amendement  notable.  Beau  a  insisté  d'une  manière  toute 
spéciale  sur  l'utilité  de  la  méthode  vomitive  dans  le  jeune  âge.  Chez 
les  enfants  affectés  de  catarrhe,  dit-il,  il  se  développe  après  la  période 
d'irritation,  ou  de  crudité  des  symptômes  d'embarras  gastrique  ou  in- 
testinal qui  sont  dus  à  l'introduction  dans  le  tube  digestif  de  la  matière 
sécrétée  par  la  muqueuse  bronchique.  Or,  ces  accidents  ne  pourraient-ils 
pas  être  déterminés  par  la  matière  du  catarrhe  laryngo-bronchique?  Qui 
oserait  nier  que  les  fièvres  typhoïdes  chez  les  enfants,  ne  proviennent  pas 
d'une  affection  gastro-intestinale  due  primitivement  à  l'ingestion  de  la 

NOUV.    UICT.    MÊD.    ET   CHIR.  V.    —    T>7 


578  BRONCHES.  —  bronchite  capillaire  (historique). 

matière  catarrhale?  Ces  matériaux  ne  doivent  pas  rester  impunément 
dans  l'estomac  et  les  intestins  ;  ils  ne  sont  pas  assimilés  comme  une  sub- 
stance alimentaire,  ils  peuvent  irriter  la  muqueuse  digeslive  par  leur 
contact,  ou  affecter  d'une  manière  funeste  toute  l'économie  par  leur 
transport  dans  les  vaisseaux.  Les  chirurgiens  s'opposent  à  la  stagnation 
des  liquides  délétères  dans  les  plaies.  Pourquoi  les  médecins  n'agiraient- 
ils  pas  aussi  sagement  dans  les  limites  de  leurs  moyens,  pour  expulser 
les  différents  produits  qui  peuvent  affecter  gravement  l'économie?  N'ou- 
blions pas  que  chez  les  enfants,  les  différentes  sécrétions  morbides  sont 
plus  irritantes  que  chez  l'adulte,  témoins  ces  flux  puriformes  de  la  con- 
jonctive, de  la  vulve,  et  ceux  des  affections  impétigineuses  et  eczémateuses. 
Purgatifs.  —  Ils  ont  été  prescrits  de  tout  temps  ;  ils  sont  indiqués  sur- 
tout quand  il  existe  de  la  constipation  ;  ils  n'agissent  que  d'une  manière 
indirecte  sur  l'affection  principale.  Je  citerai  l'huile  de  ricin  (15  à  50 
grammes),  la  manne  (30  à  60  grammes),  le  calomel  (1  gramme),  etc. 

Narcotiques.  —  Ils  sont  utiles  lorsque  l'inflammation  offre  peu  d'in- 
tensité ou  que  celle-ci  a  été  calmée  par  une  émission  sanguine.  —  Parmi 
les  agents  narcotiques  je  signalerai  l'opium  et  ses  alcaloïdes,  la  bella- 
done recommandée  par  Laennec,  le  datura  stramonium,  l'eau  de  laurier- 
cerise,  la  jusquiame.  On  a  essayé  à  l'aide  de  fumigations  de  porter  le  nar- 
cotique sur  la  muqueuse  bronchique;  ces  fumigations  sont  faites  avec  des 
feuilles  de  belladone  ou  de  datura  stramonium,  elles  ont  souvent  produit 
des  effets  très-avantageux. 

Parmi  les  médicaments  usités  dans  la  bronchite,  je  citerai  les  anti- 
nioniaux  ;  en  particulier,  l'oxyde  blanc  d'antimoine  (2  à  6  grammes), 
le  kermès  (20  centigrammes  à  1  gramme),  quelques  stimulants  diffusi- 
bles  (le  carbonate  et  l'acétate  d'ammoniaque).  Les  alcooliques,  véritable 
remède  populaire  (eau-de-vie  de  50  à  45  grammes  dans  100  grammes 
d'infusion  de  violettes  chaude),  provoquent  quelquefois  une  sueur  abon- 
dante et  amènent  une  guérison  rapide;  toutefois,  il  ne  serait  pas  pru- 
dent d'y  recourir  s'il  y  avait  de  la  fièvre  ou  quelques  symptômes  d'irrita- 
tion des  organes  digestifs.  De  pareils  moyens  purement  empiriques,  ne 
doivent  être  conseillés  qu'avec  une  grande  circonspection. 

isroiiciiite  capillaire.  —  Définition.  —  La  bronchite  capillaire  est 
l'inflammation  aiguë  de  la  muqueuse  qui  tapisse  les  dernières  ramifica- 
tions bronchiques. 

Historique.  —  Cette  maladie  était  connue  des  auteurs  anciens,  mais 
les  dénominations  diverses  qu'ils  lui  avaient  assignées,  les  différents  points 
de  vue  sous  lesquels  ils  l'avaient  envisagée,  prouvent  combien  était  grande 
leur  incertitude  à  son  égard.  Sydenham,  Boerhaave  et  van  Swieteu  la 
désignaient  sous  le  nom  de  peripneumonia  notha.  Sauvages,  considérant 
sa  fréquence  dans  les  fièvres  exanthématiques,  l'appelait  peripneumonia 
exanthematica  ou  catarrhalis.  Cullen  la  décrivait  sous  le  litre  de  fausse 
péripneumonie^  et  J.  P.  Frank  sous  celui  de  catarrhus  bronchiorum.  C'est 
Laennec  qui  le  premier,  après  avoir  éclairé  le  diagnostic  de  cette  affection, 
l'a  nommée  catarrhe  suffocant.  Andral,  dans  sa  Clinique  médicale ,  en  a 


BKOiNCHES.  —  bronchite  capillaire  (causes).  579 

rapporté  un  exemple,  et  en  a  placé  le  siège  dans  les  petites  bronches.  La 
bronchite  capillaire  a  été  étudiée  dans  ces  dernières  années  par  un  grand 
nombre  de  médecins,  nous  citerons  les  noms  de  Fauvel,  Foucart,  de  Mahol, 
Bonamy,  Marcé  et  Malherbe,  de  Hardy  et  Behier.  La  plupart  des  méde- 
cins qui  se  sont  occupés  de  la  pathologie  de  l'enfance,  Barrier,  Bailly  et 
Legendre,Rilliet  et  Barthez,  II.  Roger,  Bouchut,  ont  fait  de  cette  variété 
de  la  bronchite  une  étude  très-attentive.  Enfin,  nous  signalerons  quelques 
travaux  publiés  à  l'étranger  par  Ch.  Badham,  Elliotson,  James  Copland, 
Gairdner,  West  et  Friedleben. 

Causes.  —  La  bronchite  capillaire  est  plus  fréquente  dans  l'enfance 
et  surtout  dans  les  cinq  premières  années  de  la  vie  ;  elle  est  assez  com- 
mune dans  la  vieillesse.  Chez  l'enfant  la  densité  du  tissu  pulmonaire,  les 
modifications  nombreuses  qu'éprouve  la  circulation,  la  rapidité  avec  la- 
quelle s'effectue  l'hématose  pulmonaire,  la  difficulté  de  l'expectoration, 
sont  autant  de  circonstances  qui  favorisent  son  développement  et  qui 
augmentent  sa  gravité.  Chez  le  vieillard,  la  fréquence  des  affections  ca- 
(arrhales,  les  altérations  si  communes  des  organes  de  la  circulation, 
l'abondance  des  matières  sécrétées  par  les  bronches  expliquent  la  dispo- 
sition à  l'inflammation  des  petites  bronches. 

La  plupart  des  auteurs  admettent  qu'une  constitution  débile,  appau- 
vrie, un  tempérament  lymphatique,  sont  des  causes  prédisposantes 
non  douteuses.  Cependant  Fauvel  fait  remarquer  que  le  plus  grand  nom- 
bre des  enfants  observés  par  lui  étaient  bien  constitués;  ils  n'avaient  pas 
été  soumis  à  une  mauvaise  hygiène. 

La  bronchite  capillaire  succède  très-fréquemment  à  une  bronchite  or- 
dinaire, elle  résulte  de  l'extension  de  la  phlegmasie.  Les  affections  qui  se 
compliquent  de  bronchite  capillaire  secondaire  sont,  par  ordre  de  fré- 
quence, les  lièvres  éruptives,  surtout  la  rougeole,  la  coqueluche,  la  fièvre 
typhoïde.  Elles  offrent  toutes  une  circonstance  commune,  le  catarrhe, 
et  la  complication  est  d'autant  plus  fréquente  et  facile  que  le  catarrhe 
joue  un  rôle  important  dans  l'affection  primitive,  témoins  la  rougeole  et 
la  coqueluche. 

Parmi  les  causes  déterminantes  se  rangent  le  froid,  l'humidité,  les 
vicissitudes  atmosphériques;  aussi  l'influence  des  saisons  est-elle  évi- 
dente sur  la  production  de  cette  maladie  ;  et  règne-t-elle  plus  fréquem- 
ment pendant  l'hiver,  le  printemps  et  l'automne. 

Le  décubitus  dorsal  prolongé,  surtout  chez  les  sujets  naturellement  dé- 
biles ou  affaiblis  par  une  longue  maladie,  favorise  la  production  des  lé- 
sions pulmonaires  décrites  sous  le  nom  A* état  fœtal  ou  congestionne!. 

La  bronchite  capillaire  peut  régner  épidémiquement.  Ce  caractère,  re- 
gardé comme  possible  par  Rilliet  et  Barthez,  est  aujourd'hui  mis  hors  de 
doute.  Fauvel  a  publié  dans  sa  thèse  huit  observations  recueillies  dans  un 
espace  de  temps  assez  court  à  l'hôpital  des  enfants.  Les  docteurs  Mahot, 
Marcé,  Bonamy  et  Malherbe  ont  donné  la  relation  de  l'épidémie  de  bron- 
chite capillaire  qui  a  sévi  à  Nantes  en  1840.  Depuis  lors,  bien  des  méde- 
cins ont  signalé  le  caractère  épidéniique  de  cette  maladie. 


580  BRONCHES.  —  kkonchite  capillaire  (symptômes). 

Symptômes.  —  La  bronchite  capillaire  débute  de  deux  manières,  tautùl 
elle  succède  à  une  inflammation  des  grosses  bronches  et  s'établit  graduel- 
lement, tantôt  son  invasion  est  brusque  et  s'annonce  par  des  symptômes 
d'une  haute  gravité.  Ce  dernier  mode  est  le  plus  rare,  surtout  chez  l'a- 
dulte. Quelquefois  elle  apparaît  dans  le  cours  d'une  lièvre  éruptive,  la 
rougeole,  par  exemple,  ou  d'une  maladie  grave,  la  fièvre  typhoïde. 

Quand  la  bronchite  capillaire  succède  à  une  bronchite  des  grosses 
bronches,  qu'elle  survient  sans  cause  déterminée,  elle  débute  par  des  fris- 
sons bientôt  suivis  d'une  chaleur  incommode,  et  la  fièvre  s'établit.  Les 
symptômes  fonctionnels  locaux  sont  les  suivants  :  douleur  tantôt  bor- 
née à  la  région  sous-sternale,  tantôt  vague  et  disséminée  dans  toute  la 
poitrine,  tantôt  fixée  au  niveau  des  attaches  du  diaphragme,  simulant  un 
point  pleurétique;  toux  d'abord  sèche,  pénible,  quinteuse,  plus  tard  ac- 
compagnée de  crachats  visqueux,  transparents,  ordinairement  recouverts 
d'une  écume  blanchâtre  spumeuse.  La  poitrine  conserve  sa  sonorité  à 
peu  près  normale.  L'auscultation  fait  distinguer  un  râle  sonore  qui, 
d'abord  borné  au  trajet  des  principaux  rameaux  bronchiques,  prend  en- 
suite une  plus  grande  extension,  puis  il  devient  plus  humide,  et  il  est 
remplacé  par  des  râles  sous-crépitants. 

Quand  la  bronchite  capillaire  débute  brusquement,  les  symptômes  ac- 
quièrent de  suite  toute  leur  violence,  à  cause  de  la  gêne  extrême  de  l'hé- 
matose qu'entraîne  l'envahissement  subit  de  l'arbre  bronchique  dans  sa 
totalité.  Les  malades  sont  agités,  changent  à  tout  moment  de  position. 
La  position  qu'ils  prennent  est  variable  selon  leur  âge  et  selon  l'état 
de  leurs  forces.  Les  enfants  au-dessous  de  quatre  ans  restent  couchés 
sur  le  dos  ou  sur  le  côté.  Ils  ne  se  relèvent  que  lors  des  quintes.  A 
un  âge  plus  avancé,  ils  évitent  le  décubitus  dorsal,  les  uns  ont  la  tête 
penchée  en  avant  comme  dans  l'orthopnée,  les  autres  se  couchent  à 
droite  et  à  gauche;  on  en  a  vu  affecter  les  attitudes  les  plus  bizarres. 
Les  adultes  ont  le  plus  souvent  la  tête  relevée,  ceux  qui  sont  affai- 
blis conservent  le  décubitus  latéral,  la  face  offre  l'expression  d'une  vive 
anxiété,  de  la  souffrance  et  de  l'abattement,  elle  est  rouge  violacée, 
les  yeux  sont  cernés  et  saillants,  les  paupières  tuméfiées,  les  narines 
se  dilatent  fortement  comme  pour  ouvrir  une  voie  plus  large  à  l'air 
inspiré;  la  dyspnée  est  considérable,  sa  fréquence  est  en  raison  inverse 
de  l'âge;  on  compte  chez  les  enfants  jusqu'à  quatre-vingt-quatre  inspira- 
tions par  minutes  et  chez  les  adultes  jusqu'à  soixante-quatre.  L'inspiration 
est  sifflante,  courte,  précipitée,  elle  se  fait  avec  toutes  les  forces  possibles  : 
les  muscles  de  la  face,  de  la  poitrine,  des  bras,  tout  y  concourt;  on  re- 
marque surtout  la  contraction  des  muscles  de  la  région  sus-claviculaire,  et 
les  mouvements  de  l'abdomen  indiquent  combien  est  énergique  l'action 
du  diaphragme  ;  mais  l'air  ne  pénètre  pas,  l'hématose  est  incomplète, 
l'expiration  un  peu  allongée  est  accompagnée  de  bruits  trachéaux,  la  voix 
est  brève,  saccadée,  elle  s'éteint  et  devient  difficile  La  toux  est  fréquente, 
humide,  plutôt  sourde  que  rauque  ou  éclatante;  l'expectoration  rare, 
difficile  au  début,  ne  se  fait  en  général  que  vers  le  troisième  ou  le  qua- 


IMONCIIES.    —    BRONCHITE    CAPILLAIRE    (SYMPTOMES).  581 

trième  jour;  des  quintes  longues,  pénibles,  entraînent  des  crachats  mu- 
queux,  mucoso-purulents  ou  spumeux;  l'expectoration  présente  un  aspect 
tout  particulier,  quand  on  la  reçoit  dans  de  l'eau  ;  la  sécrétion  ca- 
tarrhale  des  petites  bronches  étant  moins  mélangée  d'air,  elle  est  plus 
lourde  que  l'eau,  et  tombe  au  fond  de  ce  liquide;  comme  elle  est  très- 
visqueuse,  non-seulement  elle  conserve  la  forme  des  petites  bronches, 
mais  encore  s'attache  aux  crachats  mêlés  d'air,  écumeux,  qui  proviennent 
des  grosses  bronches  et  nagent  à  la  surface  du  liquide. 

La  percussion  fournit  habituellement  un  son  normal,  quelquefois 
même  il  est  exagéré.  L'auscultation  fait  distinguer  des  râles  sonores 
et  des  raies  bullaires;  ces  derniers  sont  les  signes  stéthoscopiques  les 
plus  constants.  Le  râle  qui  appartient  plus  particulièrement  à  la  bron- 
chite capillaire  est  le  râle  sous-crépitant;  il  se  retrouve  surtout  à  la  partie 
postérieure  et  inférieure  de  chaque  poumon,  quelquefois  il  est  gros  et 
abondant;  par  le  nombre  de  ses  bulles  et  par  son  mélange  avec  le  râle 
ronflant,  il  simule  un  bruit  que  Récamier  a  voulu  caractériser  par  l'ap- 
pellation pittoresque  de  bruit  de  tempête.  Fauvel  a  constaté  chez  les 
enfants  et  chez  les  adultes  une  modification  remarquable  des  râles  sono- 
res. C'est,  tantôt  un  ronflement  se  produisant  pendant  l'expiration,  acqué- 
rant par  moment  les  caractères  d'un  cri  plutôt  que  d'un  râle;  tantôt  un 
bruit  rude  très-fort,  une  sorte  de  râclement  existant  aux  deux  temps  et 
semblant  tenir  à  la  fois  du  râle  crépitant  sec  et  du  râle  ronflant. 

Dans  quelques  cas,  on  a  trouvé  au  début  un  râle  crépitant  lin,  analogue 
à  celui  de  la  pneumonie;  c'est  lorsque  la  bronchite  débute  d'emblée  par 
les  petites  bronches.  Ce  râle  crépitant  occupe  presque  toute  la  partie  pos- 
térieure de  la  poitrine,  il  est  bientôt  remplacé  par  un  râle  sous-crépitant 
que  l'on  pourrait  bien  appeler  muqueux  ramuscidaïre,  dénomination  qui 
aurait  l'avantage  d'indiquer  son  siège  probable.  Si  le  râle  sous-crépitant 
a  été  précédé  d'un  râle  muqueux  gros,  c'est  que  la  phlegmasie  a  affecté 
les  grosses  bronches  avant  les  petites. 

Le  pouls  est  en  général  fréquent  ;  cette  fréquence  est  proportionnée 
à  la  gravité  de  la  maladie.  Plein,  large  et  résistant  au  début,  il  présente 
une  accélération  eu  rapport  avec  les  mouvements  respiratoires,  il  atteint 
quelquefois  chez  l'enfant  cent  vingt-quatre  et  cent  soixante  pulsations, 
chez  l'adulte  cent  trente-deux;  il  devient  faible,  dépressihle,  irrégulier, 
si  la   maladie  doit  se  terminer  d'une  manière  fatale. 

Les  voies  digestives  n'offrent  aucun  symptôme  important,  la  soif  est 
vive,  la  déglutition  souvent  pénible,  interrompue  par  la  toux  qu'elle 
excite,  l'anorexie  est  complète,  la  langue  large  et  humide,  blanche  au 
centre,  la  constipation  ordinaire. 

Les  troubles  cérébraux  sont  rares,  l'intelligence  reste  presque  toujours 
intacte,  cependant  un  certain  nombre  d'enfants  sont  pris  vers  la  fin  de 
la  maladie  d'un  délire  nocturne  ;  quelquefois  la  mort  est  précédée  de 
convulsions  générales  ou  partielles.  Il  est  un  symptôme  d'une  signiiication 
pronostique  plus  fâcheuse,  c'est  une  somnolence  alternant  avec  de  l'agi- 
lation,  elle  se  montre  ordinairemen!  vers  la  lin  de  la  maladie, 


582  BRONCHES.  —  bronchite  capillaire  (marche,  durée). 

Marche,  durée,  terminaison.  —  Si  l'on  considère  les  principaux  sym- 
ptômes de  la  bronchite  capillaire,  leur  ordre  d'apparition,  on  peut  établir 
dans  la  marche  de  cette  maladie  deux  périodes  :  dans  la  première,  la 
toux  est  quinteuse;  l'expectoration  pénible,  peu  abondante  est  consti- 
tuée par  des  mucosités  filantes,  mousseuses.  La  voix  a  son  timbre  nor- 
mal, la  parole  est  brève,  saccadée,  le  pouls  donne  de  cent  à  cent  qua- 
rante pulsations,  la  peau  est  sèche,  brûlante,  la  dyspnée  suit  une 
marche  ascendante  continue,  le  pouls  et  les  mouvements  de  la  respiration 
s'accélèrent  en  même  temps  et  le  malade  dont  les  forces  ne  sont  pas  épui- 
sées lutte  de  toute  son  énergie  contre  les  obstacles  qui  s'opposent  à 
l'accomplissement  régulier  de  l'acte  respiratoire;  il  contracte  violemment 
tous  ses  muscles  inspirateurs  pour  introduire  de  l'air  dans  ses  poumons 
et  se  livre  à  des  efforts  puissants  pour  expectorer,  mais  bientôt  ses 
forces  s'épuisent,  la  lutte  devient  impossible  et  il  tombe  en  proie  à  une 
asphyxie  progressive,  dont  la  mort  sera  bientôt  le  terme.  C'est  là  ce  qui 
constitue  la  deuxième  période  dite  asphyxique.  Il  ne  faut  pas  croire 
cependant  qu'il  existe  une  limite  nette  et  tranchée  entre  ces  deux  pério- 
des, la  marche  générale  de  la  maladie  est  essentiellement  continue.  Dans 
la  deuxième  période,  tous  les  symptômes  acquièrent  une  gravité  extrême, 
l'agitation  et  l'anxiété  sont  portées  au  plus  haut  degré,  les  malades 
épuisés  sont  dans  une  prostration  profonde,  le  pouls  qui  est  très-faible 
présente  une  fréquence  extraordinaire.  La  respiration  s'embarrasse  de 
plus  en  plus,  devient  stertoreuse,  l'expectoration  se  supprime,  la  face 
livide  se  couvre  souvent  d'une  sueur  abondante,  toute  la  surface  du 
corps  prend  une  teinte  violacée  et  la  température  s'abaisse.  Au  milieu 
de  ces  graves  symptômes  l'intelligence  reste  souvent  intacte  et  la  mort 
arrive  sans  secousses  au  milieu  d'une  tranquillité  trompeuse.  Chez  les 
enfants,  les  convulsions  surviennent  quelquefois  avant  le  terme  fatal. 

La  bronchite  capillaire  se  termine  fréquemment  d'une  manière  funeste, 
surtout  chez  les  enfants  et  chez  les  vieillards. 

Quand  elle  guérit,  des  raies  sonores  et  sibilants  font  place  peu  à  peu 
à  des  râles  sous-crépitants,  qui  sans  changer  de  rhythme  deviennent 
plus  humides  et  finissent  par  disparaître  de  la  partie  supérieure  à  la  base 
de  la  poitrine.  Les  crachats  diminuent  de  quantité  sans  perdre  de  leurs 
caractères  primitifs.  La  décroissance  des  phénomènes  généraux  se  fait 
aussi  d'une  manière  régulière,  c'est  le  mode  de  terminaison  par  résolution. 

La  bronchite  capillaire  suit  quelquefois  une  autre  marche,  elle  passe 
à  l'état  chronique.  Elle  reste  stationnaire  un  certain  temps  avec  des 
exacerbations  et  des  rémissions  alternatives;  puis  l'expression  de  la  face 
est  moins  anxieuse,  l'expectoration  plus  facile,  l'oppression  moindre,  la 
fréquence  du  pouls  et  des  mouvements  respiratoires  diminue,  l'appétit 
renaît  et  les  forces  se  rétablissent  graduellement;  mais  la  toux  et  l'ex- 
puition  des  crachats  abondants  persistent. 

La  bronchite  profonde  ne  s'épuise  pas  toujours  dans  les  rameaux 
qu'elle  a  primitivement  affectés.  Elle  se  transporte  sur  de  nouvelles  sur- 
faces, elle  suit  une  marche  ascendante  et  remonte  vers  les  grosses  bronches. 


BRONCHES.    BRONCHITE    CAPILLAIRE    (ANATOMIE    PATHOLOGIQUE),  583 

Longtemps  on  a  cru  que  la  bronchite  passait  fréquemment  à  l'état 
de  pneumonie  surtout  lorsqu'il  s'agissait  de  la  bronchite  capillaire.  Cli. 
Robin  (1858)  a  très-nettement  établi  les  causes  de  l'indépendance  de  la 
bronchite  par  rapport  à  la  pneumonie.  Ces  deux  maladies  peuvent  appa- 
raître simultanément  sous  l'influence  de  la  même  cause,  mais  elles  ne 
se  succèdent  pas  soit  par  extension  de  la  phlegmasie  des   bronches  à 
une  portion  plus  profonde  de  l'appareil  respiratoire,  soit  par  propagation 
du  parenchyme   pulmonaire  aux  bronches.  De  plus,  elles  se  comportent 
dans  leur  marche,  leurs  symptômes  et  leurs  terminaisons  comme  spéci- 
fiquement distinctes  lorsqu'elles  coexistent.  Les  différences  qui  les  sépa- 
rent, quant  à  leur  marche  et  à  la  rareté  de  leur  propagation,  resteraient 
incompréhensibles  et  conserveraient  quelque  chose  de  mystérieux,  si  Ton 
considérait  l'arbre  aérien  comme  tapissé  par  une  membrane  non  inter- 
rompue depuis  le  larynx  jusqu'à  l'extrémité  en  cul-de-sac  de  ses  subdivi- 
sions. Cli .  Robin  a  parfaitement  démontré  qu'il  existe  entre  les  bronches  et 
le  parenchyme  pulmonaire,  tant  dans  la  profondeur  qu'à  la  surface  des  con- 
duits aériens,  une  différence  de  composition  anatomique  et  de  texture  aussi 
grande  que  celle  qui  sépare  un  conduit  sécréteur  glandulaire  du  tissu  de 
cette  glande  et  dès  lors  n'est-il  pas  naturel  d'admettre  que  les  affections  qui 
portent  sur  l'une  ou  l'autre  de  ces  portions  de  l'appareil  respiratoire,  dont 
l'organisation  diffère  tant,  soient  très-distinctes?  0  est,  dit-il,  une  autre 
cause  plus  importante  à  prendre  en  considération,  qui  rend  surtout  rai- 
son delà  rareté  de  l'extension  de  l'inflammation  des  bronches  jusqu'aux 
poumons.  Dans  la  bronchite,  la  portion  du  système  capillaire  qui  est  le 
siège  de  l'inflammation  appartient  au  système  capillaire  proprement  dit 
en  général  et  reçoit  le  sang  qui  lui  arrive  des  artères  aortiques,  géné- 
rales ou  à  sang  rouge.  Dans  la  pneumonie,  au  contraire,  ce  sont  les  ca- 
pillaires du  système  de  la  circulation,  recevant  le  sang  noir  par  l'artère 
pulmonaire,  qui  sont  le  siège  de  l'inflammation.  Cette  doctrine  a  pour  elle 
la  sanction  que  lui  apportent  les  travaux  de  Le  Fort  sur  la  structure  du 
poumon.  Elle  est  acceptée  par  Hardy  et  Behier.  Ces  différences  dans  la 
texture  des  organes,  dans  le  mode  de  circulation,  dans  l'organisation  du 
poumon  expliquent  l'indépendance  de  la  bronchite  et  de  la  pneumonie 
malgré  le  voisinage  si    immédiat  des  bronches  et  du  parenchyme  pul- 
monaire et  malgré  leurs  relations  fonctionnelles  si  intimes. 

Anatomie  pathologique.  —  Altérations  des  bronches.  —  La  muqueuse 
bronchique  est  le  plus  souvent  rouge,  épaissie,  rugueuse,  granulée,  dé- 
polie. Elle  offre  des  arborisations  étendues,  des  plaques  rouges,  irrégu- 
lières; elle  peut  être  ramollie.  Dans  un  cas,  Fauvcl  a  constaté  des  ulcérations 
sur  la  muqueuse  des  bronches  moyennes  ;  ces  ulcérations,  au  nombre  de 
huit  ou  dix,  de  forme  irrégulière,  arrondies  ou  ovales,  à  fond  jaunâtre, 
occupaient  le  lobe  inférieur  du  poumon  droit,  presque  toujours  à  l'ori- 
gine d'une  division  bronchique  centrale  et  de  moyen  calibre.  Rarrier  a 
signalé  une  altération  qu'il  ne  faudrait  point  prendre  pour  des  ulcéra- 
tions de  la  muqueuse;  c'est  l'agrandissement  des  orifices  externes  des 
cryptes  muqueux.  Ces  follicules,  dont  la  fonction  est   surexcitée,  aug- 


584       BRONCHES.  —  bronchite  capillaire  (anatomie  pathologique). 

mentent  de  volume,  et  leur  orifice,  largement  ouvert,  peut  simuler  une 
ulcération;  ces  orifices  sont  faciles  à  distinguer  si  l'on  considère  leur 
forme  régulière  et  arrondie,  la  présence  du  mucus  dans  leur  cavité. 

Les  lésions  que  j'ai  signalées  (rougeur,  épaississement,  ramollisse- 
ment, etc.)  sont  surtout  marquées  dans  le  larynx  et  la  trachée.  A  mesure 
qu'on  avance  vers  les  petites  ramifications  bronchiques,  elles  disparaissent 
peu  à  peu,  et  dès  les  divisions  du  quatrième  ordre  la  muqueuse  reprend 
son  aspect  ordinaire  et  sa  coloration  normale.  Barthez  et  Rilliet  disent  que 
dans  la  bronchite  capillaire  la  muqueuse  des  petites  ramifications  bron- 
chiques est  pâle,  exempte  d'inflammation,  d'une  intégrité  parfaite;  il  n'y 
aurait,  d'après  ces  auteurs,  qu'une  lésion  de  sécrétion.  Peut-on  admettre 
que  la  membrane  qui  tapisse  les  petites  bronches  ait  été  pendant  la  vie 
le  siège  d'une  phlegmasie,  alors  même  qu'après  la  mort  il  soit  impos- 
sible d'en  trouver  quelques  traces?  Fauvel  répond  affirmativement  ;  il 
appuie  son  opinion  sur  les  différences  de  structure  que  présente  la  mu- 
queuse des  voies  aériennes.  Si  dans  la  trachée  et  les  grosses  bronches  la 
muqueuse  offre  bien  accentués  les  caractères  des  membranes  villeuses, 
elle  subit  des  modifications  profondes  à  mesure  qu'on  s'approche  des  di- 
visions les  plus  ténues,  dételle  sorte  qu'en  ces  derniers  points  elle  a  plus 
de  rapport  avec  les  séreuses  qu'avec  les  muqueuses.  Or,  quand  une  sé- 
reuse a  été  le  siège  d'une  inflammation,  on  la  trouve  fréquemment  re- 
couverte d'une  exsudation  plastique  plus  ou  moins  épaisse,  mais  son 
tissu  n'a  subi  aucune  modification  sensible.  Avec  Hardy  et  Behier,  je 
ferai  remarquer  d'ailleurs  que  les  altérations  qui  consistent  seulement  en 
des  changements  de  couleur  sont  susceptibles  de  disparaître  après  la  mort. 

Les  bronches  sont  remplies  tantôt  par  des  mucosités  purulentes, 
épaisses,  jaunâtres  ou  blanchâtres,  tantôt  par  un  liquide  grisâtre.  A  me- 
sure qu'on  s'approche  des  ramifications  les  plus  ténues,  les  matières  de- 
viennent moins  aérées,  plus  jaunâtres,  plus  tenaces,  plus  visqueuses  et 
plus  abondantes.  Elles  contiennent  quelquefois  des  concrétions  pseudo- 
membraneuses. Ces  fausses  membranes  sont  rares;  toutefois  elles  ont  été 
notées  par  Thomas  Bartholin,  signalées  par  Amiral,  Cazeaux,  Gendrin,  Le- 
gendre  et  Bailly,  Hardy  et  Behier,  et  par  les  médecins  qui  ont  décrit  l'é- 
pidémie de  Nantes. 

Les  bronches  capillaires  sont-elles  dilatées  par  suite  de  la  phlegmasie 
dont  elles  sont  le  siège?  Cette  dilatation  est  considérée  comme  fréquente 
par  Fauvel,  Rilliet  et  Barthez,  et  Barrier.  Quant  à  Lcgendre  et  Bailly,  sans 
la  nier,  ils  pensent  qu'on  en  admet  l'existence  trop  facilement.  Ils  signa- 
lent plusieurs  circonstances  qui  peuvent  rendre  possible  une  erreur  ;  ils 
font  remarquer  qu'à  l'état  normal  les  parties  les  plus  éloignées  des  ra- 
cines des  bronches,  tels  que  la  languette  du  lobe  supérieur  gauche,  le 
bord  postérieur  des  lobes  inférieurs,  sont  parcourues  parles  canaux  bron- 
chiques, qui  conservent  jusqu'à  la  périphérie  de  l'organe  un  calibre  uni- 
forme, lequel,  pour  les  enfants  de  deux  à  cinq  ans,  égale  celui  d'une 
plume  de  corbeau.  Quand  le  poumon  est  sain,  l'affaissement  des  pa- 
rois de  ces  canaux  empêche  d'en  constater  le  volume;    lorsque  le  tissu 


I 
CCS 


BRONCHES.    BRONCHITE    CAPILLAIRE    (aNATOMIE    PATHOLOGIQUE ) .  585 

pulmonaire  a  augmenté  de  densité,  ces  tuyaux  restent  béants.  L'observa- 
tour  non  prévenu  de  cette  disposition  prend  pour  une  dilatation  morbide 
es  dimensions  normales  qu'il  ignorait.  Hardy  et  Behier  n'admettent  pas 
causes  d'erreur;  pour  eux,  il  est  hors  de  doute  que  les  petites  bron- 
ches sont  dilatées  par  suite  d'un  état  phlegmasique.  Cette  dilatation  peut 
être  considérable.  Barthez  et  Rilliet  ont  mesuré  des  bronches  ayant,  près 
de  la  surface  pulmonaire,  jusqu'à  un  centimètre  et  demi;  ils  ont  encore 
signalé  la  dilatation  de  la  bronche  principale  de  la  languette  qui  contourne 
le  cœur  et  de  celles  de  la  partie  supérieure  et  inférieure  des  poumons, 
f/abondance  de  la  sécrétion  morbide,  l'inflammation  de  la  muqueuse  et 
l'imperméabilité  des  vésicules  pulmonaires  environnantes,  telles  sont, 
d'après  Rilliet  et  Barthez,  les  trois  causes  principales  de  la  dilatation  des 
bronches.  Laennec  expliquait  cette  dilatation  par  le  séjour  prolongé  des 
mucosités  purulentes.  Grisolle  et  Fauvel  admettent  cette  explication  mé- 
canique. A  la  présence  de  ces  mucosités,  ne  faut-il  pas  ajouter,  disent  Hardy 
et  Behier,  la  pression' violente  exercée  par  l'air  extérieur  dans  les  efforts 
d'inspiration  si  énergiques,  efforts  qui,  opérant  sur  une  colonne  de  liquide 
visqueux  tout  à  fait  impénétrable  pour  l'air  atmosphérique,  représentent 
en  quelque  sorte  la  force  appliquée  sur  un  coin  qu'on  cherche  à  faire  pé- 
nétrer, les  mucosités  opaques  formant  le  corps  étranger  poussé  dans 
toutes  les  divisions  qu'il  occupe,  et  où  il  s'accumule  par  l'effort  inspira- 
teur? William  Stokes  propose  une  autre  explication  de  la  dilatation 
des  bronches.  Selon  lui,  toute  inflammation  d'une  membrane  muqueuse 
produit  dans  le  système  musculaire  qui  lui  est  adjacent  d'abord  une 
surexcitation  nerveuse  qui  entraîne  les  douleurs  et  les  spasmes,  et  bien- 
tôt une  paralysie  plus  ou  moins  marquée,  et  dès  lors  il  se  demande  jus- 
qu'à quel  point  la  dilatation  des  bronches  n'est  pas  le  fait  de  la  paralysie 
consécutive  des  muscles  de  Reisseissen.  «  Cette  opinion,  ajoutent  Hardy 
et  Behier,  n'a  jusqu'ici  que  la  valeur  d'une  hypothèse,  mais  elle  cadre 
ingénieusement  avec  certains  faits  de  pathologie  et  avec  certaines  obser- 
vations thérapeutiques;  elle  fait  comprendre  l'utilité  des  vomitifs,  des 
stimulants  et  des  toniques  dans  les  cas  de  réplétion  des  bronches  par  des 
mucosités'  abondantes. 

Altérations  des  poumons .  —  En  ouvrant  la  poitrine,  on  trouve  les  pou- 
mons volumineux  distendus,  comme  insufflés.  Cette  distension  tient  à  ce 
que  l'air  introduit  par  l'inspiration  dans  les  bronches  et  les  vésicules  n'a 
pas  pu  être  chassé  par  l'expiration  au  delà  du  mucus  épais  qui  obstrue 
les  bronches;  elle  peut  tenir  à  ce  que  le  parenchyme  pulmonaire  a  perdu 
son  élasticité  normale  ;  elle  résulte  encore  d'un  emphysème  vésiculaire 
ou  interlobulaire,  dont  Rilliet,  Barthez  et  Fauvel,  ont  observé  des 
exemples. 

Le  poumon  est,  en  outre,  parsemé  à  sa  surface  et  dans  son  épaisseur 
de  granulations  opaques,  d'un  jaune  grisâtre,  dont  le  volume  varie  entre 
celui  d'un  grain  de  millet  et  celui  d'un  grain  de  chènevis.  Si  Ton  pique 
ces  granulations,  il  en  sort  un  liquide  jaunâtre,  puriforme  :  au  niveau  de 
la  granulation  saillante,  on  voit  une  dépression  à  laquelle  aboutit  près- 


586       BRONCHES.  —  bronchite  capillaire  (anatomie  pathologique). 

que  toujours  une  ramification  bronchique  pleine  du  même  liquide.  Ces 
caractères  empêcheront  de  confondre  ces  granulations  avec  les  grains  de 
matière  tuberculeuse.  Considérant  la  friabilité  du  parenchyme  pulmo- 
naire, la  teinte  grisâtre  qu'offre  son  tissu  lorsqu'il  est  divisé,  la  quantilé 
de  liquide  puriforme  dont  il  est  imprégné,  on  pourrait  croire  à  l'existence 
d'une  hépatisation  grise.  Mais  les  éléments  du  tissu  pulmonaire  ne 
sont  pas  confondus  comme  dans  l'hépatisation,  l'insufflation  rend  à  ces 
parties,  sinon  complètement,  au  moins  à  peu  près,  leur  volume  et  leur 
aspect  naturels.  Fauvel  compare  le  poumon  ainsi  occupé  par  ces  granu- 
lations au  foie  atteint  de  cirrhose.  Ces  granulations,  plus  fréquentes  chez 
l'enfant  que  chez  l'adulte,  s'observent  surtout  dans  la  languette  du  lobe 
supérieur  gauche  et  au  bord  antérieur  des  poumons.  Elles  sont  souvent 
limitées  à  quelques  cellules  ou  lobules  ;  elles  se  rencontrent  plus  habi- 
tuellement à  gauche  qu'à  droite. 

Quel  est  le  mécanisme  de  la  formation  des  granulations  purulentes? 
Deux  théories  sont  ici  en  présence. 

Billiet  et  Barthez  ont  pensé  que  le  pus  est  sécrété  sur  place  dans  les 
vésicules  enflammées,  et  que  les  granulations  sont  dues  à  la  distension 
des  vésicules  enflammées.  Telle  est  encore  l'opinion  de  BaillyetLegendre. 
La  granulation  serait  donc,  d'après  ces  auteurs,  le  deuxième  degré  de 
l'inflammation  catarrhale  des  vésicules  pulmonaires. 

ïl  est  une  deuxième  théorie  qui  cherche  à  établir  comme  cause  de 
cette  dilatation  le  refoulement  du  pus  des  premières  bronches  dans  les 
vésicules  dilatées.  Cette  théorie  est  en  germe  dans  l'ouvrage  deBertin; 
elle  a  été  soutenue  avec  talent  par  Fauvel.  Je  considère,  dit  ce  dernier, 
cette  lésion  (granules  purulents)  comme  résultant  du  passage  de  la 
sécrétion  bronchique  dans  un  petit  groupe  de  cellules  pulmonaires  di- 
latées ;  le  mécanisme  est  facile  à  concevoir.  Par  un  effort  expirateur, 
il  peut  arriver  qu'une  ou  plusieurs  cellules  se  débarrassent  de  l'air 
qui  les  distendait,  mais  si  une  inspiration  vigoureuse  survient,  alors  ces 
matières  bronchiques,  refoulées  par  la  colonne  d'air  qui  ne  peut  les 
traverser  facilement,  avancent  vers  la  périphérie  et  peuvent  envahir  les 
cellules  du  poumon. 

Hardy  et  Behier  proposent  de  désigner  cette  altération  sous  le  nom  de 
granules  gris;  et  ils  rattachent  les  granulations  purulentes  à  deux  con- 
ditions :  la  sécrétion  muco-purulento  abondante  des  bronches  d'une  part, 
et  de  l'autre  la  non-aération  du  poumon  permettant  son  envahissement  de 
plus  en  plus  profond  par  le  muco-pus  qui  dilate  d'abord  les  bronches,  et 
plus  tard  les  trabécules  du  parenchyme  lui-même.  Ces  granulations  pour- 
raient être  confondues  avec  des  tubercules,  mais  il  est  facile  de  les  dis- 
tinguer :  elles  se  laissent  aisément  diviser,  et  il  s'échappe,  lors  de  la 
section,  un  liquide  puriforme;  elles  offrent  à  leur  centre  un  point  dé- 
primé qui  est  l'orifice  du  canal  bronchique  s'ouvrant  dans  cette  granu- 
lation. Les  tubercules,  au  contraire,  fuient  sous  le  tranchant  du  scalpel, 
font  saillie  à  la  surface  incisée,  et  contiennent  dans  leur  centre  un  noyau 
plein  et  résistai!  1. 


BRONCHES.    —    BRONCHITE    CAPILLAIRE    (aNATOMIE    PATHOLOGIQUE).  587 

Le  poumon  présente  une  autre  altération  :  ce  sont  des  vacuoles,  c'est- 
à-dire  des  cavités  non  anfractueuses,  situées  à  sa  surface  ou  dans  sa  pro- 
fondeur, communiquant  avec  les  bronches,  et  contenant  de  l'air  ou  du 
muco-pus,  ou  même  ces  deux  éléments  réunis.  Elles  offrent  à  la  surface 
de  l'organe  l'aspect  de  bulles  s'affaissant  quand  on  les  pique.  Elles  va- 
rient dans  leurs  dimensions,  depuis  le  volume  d'un  pois  jusqu'à  celui 
d'un  œuf  de  pigeon.  Leurs  parois  sont  minces,  lisses,  transparentes  :  si 
elles  ne  sont  pas  sous-pleurales,  elles  sont  appenducs  au  rameau  bron- 
chique principal  comme  des  grains  de  raisin  à  la  grappe  ;  elles  commu- 
niquent entre  elles  et  avec  les  bronches  ;  un  stylet  introduit  dans  les 
bronches  pénètre  dans  les  vacuoles;  elles  sont  tapissées  par  une  mem- 
brane qui  se  continue  avec  celle  des  bronches,  et  présente  des  vasculari- 
sations  très-fines. 

Selon  Barrier,  Bailly  et  Legendre,  cette  altération  constitue  le  troi- 
sième degré  de  l'inflammation  catarrhale  des  vésicules,  et  elle  serait 
formée  par  la  fonte  purulente  des  vésicules  d'un  ou  de  plusieurs  lobules. 
Ililliet  et  Barthez  les  considèrent  comme  le  résultat  d'une  dilatation  des 
bronches  ;  Hardy  et  Behier  admettent  que  les  vacuoles  constituent  une 
lésion  de  nature  complexe,  participant  surtout  de  la  dilatation  des  bron- 
ches et  de  l'emphysème  pulmonaire. 

Le  Fort  fait  de  la  vacuole  une  dilatation  de  la  bronche  intracel- 
lulaire, et,  à  un  degré  plus  avancé,  de  la  bronche  intra-lobulaire. 
Je  crois  devoir  consigner  ici  l'opinion  de  cet  analomiste  distingué,  sur 
le  mode  de  développement  des  vacuoles  :  «  Les  vacuoles  peuvent  être 
formées  de  deux  manières  :  si  la  sécrétion  de  matière  muco-purulente 
continue  à  se  faire,  une  nouvelle  quantité  tend  à  chaque  inspiration 
à  pénétrer  dans  le  lobule;  lorsque  toutes  les  cellules  ont  été  remplies, 
l'effet  principal  porte  alors  sur  le  tube  bronchique  placé  au  milieu  de  ces 
cellules,  et  communiquant  avec  elles.  Ses  parois,  refoulées  excentri- 
quement,  arrivent  au  contact  avec  la  paroi  postérieure  ou  la  plus  éloi- 
gnée des  aréoles  qui  s'ouvrent  directement  dans  son  intérieur,  et  effacent 
leur  cavité  en  faisant  refluer  dans  le  conduit  bronchique  compresseur  le 
muco-pus  contenu  d'abord  dans  la  cellule.  Ce  refoulement,  se  conti- 
nuant de  proche  en  proche,  vient  constituer  une  cavité  plus  souvent 
lisse,  quelquefois  aufractueuse  lorsque  quelques  cloisons  ont  résisté, 
formée  par  cette  dilatation  de  la  bronche  en  vacuole.  Que  cette  action 
se  continue,  qu'au  lieu  de  porter  sur  un  lobule  secondaire,  elle  porte  sur 
le  lobule  principal,  nous  aurons  alors  une  plus  large  vacuole,  communi- 
quant directement  avec  une  bronche  d'un  certain  calibre,  lisse,  souvent 
injectée,  renfermant  de  l'air  et  du  mucus,  car  la  largeur  de  l'orifice  permet 
facilement  à  Pair  et  au  liquide  de  s'y  introduire  en  même  temps,  et  la 
vacuole  sera  alors  constituée  par  la  bronche  intralobulaire.  Lorsque  cette 
lésion  siège  à  la  surface,  la  plèvre  semble  recouvrir  directement  la  cavité 
anormale,  c'est  que  la  bronche  interccllulaire  se  prolonge  presque  jusqu'à 
la  superficie,  de  sorte  que  c'est  surtout  sur  les  parties  latérales  que  se 
fait  le  refoulement  des  cellules.  En  outre,  les  cloisons  qui  les  constituent 


*»88        BRONCHES.  —  bronchite  capillaire  (anatomie  pathologique). 

sont  si  minces,  que  la  compression  entre  deux  verres,  lors  de  l'étude,  la 
réduit  en  une  membrane  transparente  et  très-mince.  » 

La  plupart  des  auteurs  qui  ont  étudié  la  bronchite  capillaire,  mention- 
nent parmi  ses  complications  certaines  altérations  du  parenchyme  pul- 
monaire, lesquelles  sont  tantôt  bornées  à  quelques  lobules  isolés,  tantôt 
envahissent  une  grande  étendue  du  poumon.  Ces  altérations,  décrites 
sous  les  noms  de  pneumonie  tabulaire,  tabulaire  généralisée,  pseudo- 
lobaire,  marginale,  offrent  des  caractères  distincts  de  ceux  que  présente 
l'hépatisation  pulmonaire,  mais,  en  général,  elles  ont  été  attribuées  à  la 
phlegmasie  du  parenchyme  pulmonaire,  à  la  pneumonie  tabulaire.  Voici 
le  tableau  de  cette  lésion  anatoinique  tel  que  le  tracent  Hardy  et  Behier  : 
«  Le  tissu  qui  environne  les  bronches  malades  est  à  l'extérieur  déprimé, 
souple,  tlasque  et  charnu;  il  plonge  au  fond  de  l'eau,  sa  couleur  est  d'un 
rouge  violacé,  d'un  rouge  plus  pâle  ou  d'un  rouge  noirâtre,  selon  que  le 
sang  est  en  plus  ou  moins  grande  proportion.  Sa  surface  est  marbrée  par 
des  raies  blanches  disposées  en  losange  ou  en  carrés  qui  dessinent  les 
tabules,  lesquels  sont  pris  indépendamment  les  uns  des  autres,  et  peuvent 
être  entièrement  isolés.  A  la  loupe,  le  tissu  de  ces  points  est  sec,  coriace, 
rouge  ou  violacé,  lisse,  uniforme,  résistant  sous  le  doigt,  bien  loin  d'être 
ramolli.  La  pression  fait  suinter  un  peu  de  liquide  séreux,  sanguinolent, 
non  aéré,  et  on  distingue  parfaitement  la  texture  de  l'organe  et  des  diffé- 
rentes parties  qui  le  composent.  Si  on  gratte  sa  surface,  au  lieu  d'entraîner 
une  portion  du  parenchyme  avec  la  matière  lîbrineuse  et  plastique  comme 
dans  l'hépatisation,  on  n'enlève  que  du  sang  en  petite  quantité,  et  le 
parenchyme  reste  parfaitement  intact. 

Hardy  et  Behier  refusent  le  nom  de  pneumonie  à  cet  état  maladif:  ils 
voient  une  plus  grande  analogie  entre  cette  apparence  du  poumon  et  l'as- 
pect d'un  poumon  comprimé  par  un  ancien  épanchement  pleurétique  ou 
bien  avec  la  congestion  des  agonisants  ou  des  asphyxiés  qu'avec  l'hépati- 
sation pulmonaire.  Cette  altération  spéciale  a  été  appelée  carnification  ou 
état  d'affaissement  pulmonaire  simple  par  Rilliet  etBarthez  qui  la  compa- 
raient à  un  poumon  comprimé  par  un  épanchement  ou  bien  encore  au 
poumon  de  fœtus  qui  n'a  pas  respiré  ;  elle  a  été  décrite  par  Legendre  et 
Railly  sous  le  nom  d'état  frétai.  Cet  état  fœtal  peut  bien  ressembler  au  pre- 
mier aspect  à  l'hépatisation  par  sa  couleur  foncée,  sa  densité,  son  défaut  de 
crépitation  ;  projeté  dans  l'eau  il  se  précipite  au  fond  du  vase,  il  est  fa- 
cile de  comprendre  comment  on  a  pu  se  laisser  imposer  et  prendre  cette 
altération  pour  une  pneumonie  mamelonnée,  mais  avec  un  examen  plus 
attentif  l'erreur  se  découvre  et  on  constate  que  l'état  fœtal  et  l'hépatisa- 
tion sont  deux  états  distincts  impossibles  à  confondre.  Dans  l'hépatisation 
la  trame  cellulaire,  les  éléments  anatomiques,  artères,  veines,  ont  dis- 
paru. En  outre,  elle  n'est  pas  bornée  par  la  délimitation  des  lobules. 
Dans  l'état  fœtal,  les  éléments  du  tissu  pulmonaire  sont  distincts,  on  re- 
trouve les  divisions  tabulaires,  les  bronches,  les  vaisseaux,  et  la  lésion 
est  strictement  limitée  au  lobule.  Le  tissu  est  dense  et  compact  dans  les 
deux  cas,  mais  dans  le  premier  il  est  rénitent,  dur  au  toucher,  dans  le 


BRONCHES.    HR0NCH1TE    CAPILLAIRE    (aNATOMIK    PATHOLOGIQUE) .  <r>X9 

second  il  existe  toujours  un  certain  degré  de  flaccidité  et  de  souplesse. 
La  friabilité  est  un  caractère  pathognomonique  de  la  pneumonie.  Dans 
l'état  fœtal  le  tissu  pulmonaire  offre  une  cohésion  plus  grande  que  dans 
l'état  normal,  il  ne  se  laisse  que  difficilement  déchirer,  le  doigt  ne  le  pé- 
nètre qu'avec  peine  si  on  le  presse.  Les  parties  hépatisées  offrent  à  la 
loupe  un  aspect  grenu,  tandis  que  la  surface  de  la  section  de  l'état  fœtal 
est  lisse. 

Ces  caractères  différentiels  ont  une  grande  importance  ;  il  en  est  un 
décisif,  c'est  celui  fourni  par  l'insufflation.  A  l'aide  d'un  souffle  modéré, 
on  rend  aux  lobules  atteints  d'état  fœtal  leur  volume,  leur  souplesse  et 
leur  couleur  rosée;  il  est  impossible  de  distinguer  ces  lobules  des  lobules 
sains  qui  les  entourent.  Les  noyaux  d'hépatisation,  au  contraire,  n'é- 
prouvent aucune  modification  malgré  les  efforts  prolongés  de  l'insuffla- 
tion, ils  restent  bruns,  durs,  pesants,  friables  et  contrastent  plus  mani- 
festement encore  avec  les  lobules  environnants  distendus.  Bouchut  a 
voulu  diminuer  la  valeur  de  ce  dernier  mode  d'examen,  mais  la  discus- 
sion qui  a  eu  lieu  à  la  Société  médicale  des  hôpitaux  en  1854,  ne  laisse 
aucun  doute  sur  l'utilité  de  ce  mode  d'investigation.  On  comprend  facile- 
ment, disent  Hardy  et  Behier,  comment  l'insufflation  rend  l'apparence 
normale  au  tissu  pulmonaire  revenu  à  l'état  fœtal  et  ne  parvient  pas  à  ce 
résultat  pour  l'hépatisation,  puisque  c'est  seulement  une  sorte  de  retrait 
et  d'affaissement  des  vésicules  les  unes  sur  les  autres  qui  constitue  la  pre- 
mière altération  sans  exsudât  soit  à  l'intérieur  des  vésicules,  soit  dans  le 
tissu  cellulaire  environnant  le  lobule.  L'hépatisation,  au  contraire,  est 
constituée  par  l'épanchement  en  dedans  des  vésicules  et  dans  le  tissu  in- 
terlobulaire  de  Texsudat  plastique  qui  agglutine  les  unes  avec  les  autres 
les  différentes  parties  qui  constituent  le  poumon  ;  dès  lors  cet  organe  ne 
formant  plus  qu'une  seule  masse  est  imperméable  à  l'air  qu'on  y  insuffle. 

Il  est  encore  une  autre  forme  d'altération  du  parenchyme  pulmonaire 
que  l'on  rencontre  dans  la  bronchite  capillaire.  Il  n'y  a  pas  seulement  af- 
faissement des  vésicules,  mais  il  s'y  joint  encore  une  congestion  des  ré- 
seaux péri-vésiculaires  au  lieu  de  l'épanchement  intra  et  extra-vésiculaiir 
qui  constitue  l'hépatisation.  Lebert  a  prouvé  que  les  vésicules  n'étaient 
pas  malades  dans  leur  intérieur,  et  qu'il  existait  seulement  une  hyperé- 
mie  avec  exsudation  simplement  séreuse  autour  des  vésicules  pulmo- 
naires, en  un  mot  il  s'est  produit  en  divers  points  une  simple  congestion, 
qui  par  sa  durée  a  entraîné  autour  d'elle  un  épanchement  de  sérum  gra- 
nuleux et  sans  globules  distincts.  Cette  variété,  serait  selon  Bailly  et  Le- 
gendre,  la  seule  que  présentent  les  enfants  nouveau-nés.  Elle  correspond 
à  la  pneumonie  lobulaire  généralisée  de  Rilliet  et  Barthez,  pseudo- 
lobaire  deBarrier.  Elle  a  été  désignée  par  Bailly  et  Legendre  sous  le  nom 
d'état  fœtal  congestionne!. 

Ces  diverses  altérations  pourraient  être  confondues  avec  l'hépatisa- 
tion, mais  dans  celle-ci,  le  tissu  pulmonaire  est  plus  dense,  plus  pe- 
sant, plus  friable,  moins  souple,  d'un  rouge  acajou,  il  offre  par  suite  de 
la  section  une  surface  granuleuse,  peu  humide,  ne  laissant  rien  suinter 


590  BRONCHES.  —  bronchite  capillaire  (diagnostic). 

par  une  pression  modérée.  Enfin  l'insufflation  ne  détermine  aucun  chan- 
gement dans  l'aspect  des  poumons  qui  restent  imperméables,  tandis  que 
pratiquée  sur  les  tissus  affectés  de  ce  genre  d'altération  qui  complique  la 
bronchite  capillaire,  le  poumon  reprend  ses  qualités  normales. 

La  pneumonie  véritable  a  été  quelquefois  constatée  chez  les  individus 
qui  avaient  succombé  à  la  bronchite  capillaire.  Bailly  et  Legendre  l'ont 
trouvée  six  fois  sur  vingt-neuf  cas  qu'ils  ont  examinés. 

Les  ganglions  bronchiques  sont  presque  toujours  rouges,  tuméfiés,  ra- 
mollis. Une  fois  sur  huit  Fauvel  y  a  trouvé  de  la  matière  tuberculeuse; 
les  poumons  ont  été  rarement  le  siège  de  cette  dernière  altération. 

Les  autres  organes  n'ont  pas  offert  de  lésions  bien  remarquables.  Ce- 
pendant Fauvel  a  souvent  observé  la  distension  sanguine  des  cavités 
droites  du  cœur,  du  système  veineux  général  et  des  ramifications  de  l'ar- 
tère pulmonaire,  la  congestion  de  l'encéphale  et  de  ses  enveloppes,  enfin 
la  turgescence  sanguine  du  foie  et  de  la  rate,  toutes  lésions  propres  à  la 
mort  par  asphyxie. 

En  résumé,  les  altérations  propres  à  la  bronchite  capillaire  sont  une 
sécrétion  mucoso-purulente,  la  présence  de  fausses  membranes  dans  les 
bronches,  la  dilatation  de  ces  conduits,  l'existence  des  granules  qui  pas- 
sent ensuite  à  l'état  de  granulations  purulentes,  la"  présence  combinée  de 
la  dilatation  bronchique  et  de  l'emphysème  (vacuoles  pulmonaires),  alté- 
rations qui,  la  dernière  exceptée,  peuvent  se  rencontrer  avec  l'état  fœtal 
ou  la  congestion  lobulaire. 

Diagnostic.  —  Le  diagnostic  de  la  bronchite  capillaire  s'appuie  sur  un 
ensemble  de  symptômes  qui  lui  donnent  une  physionomie  spéciale.  En 
voici  les  principaux  traits  :  dyspnée  intense,  anxiété,  toux  humide,  vio- 
lente, revenant  souvent  par  quintes,  expectoration  difficile  d'une  matière 
épaisse,  non  aérée,  d'un  blanc  jaunâtre  et  de  mucosités  filantes,  parfois 
mousseuses  et  striées  de  sang,  voix  non  altérée,  parole  brève  et  saccadée, 
râles  sous-crépitants  disséminés  dans  toute  la  poitrine,  etc.,  etc.  Néan- 
moins recherchons  les  maladies  qui  peuvent  avoir  avec  elle  quelque  ana- 
logie. 

Bronchite  simple.  —  Que  l'inflammation  occupe  les  grosses  ou  les 
petites  bronches,  elle  est  dans  ces  deux  cas  de  nature  identique,  elle  ne 
diffère  que  par  son  siège  et  son  étendue,  mais  elle  se  traduit  par  des  phé- 
nomènes morbides  distincts.  L'absence  de  fièvre  intense,  de  phénomènes 
généraux,  de  gêne  de  la  respiration,  le  caractère  particulier  de  la  toux, 
de  l'expectoration,  les  râles  sibilants  et  sous-crépitants  indiquent  que  la 
phlegmasie  occupe  les  grosses  bronches. 

L'auscultation  est,  d'après  Graves,  le  moyen  le  plus  sûr  d'arriver  au 
diagnostic  différentiel.  Lorsque  l'inflammation  réside  dans  les  grosses 
bronches,  les  bruits  perçus  sont  relativement  peu  nombreux,  on  en  dis- 
tingue rarement  plus  de  deux  ou  trois  sous  le  champ  du  stéthoscope.  Au 
contraire,  si  les  bronches  capillaires  sont  affectées  on  entend  des  bruits 
très-nombreux,  ils  procèdent  d'une  portion  restreinte  du  poumon,  ils  sont 
circonscrits  dans  une  étendue  très-limitée.  Rien  ne  sera  donc  plus  sim- 


BRONCHES.    BRONCHITE    CAPILLAIRE    (DIAGNOSTIC) .  5'J  1 

plè,  dit  le  professeur  de  Dublin,  que  de  reconnaître  le  siège,  l'étendue  de 
la  lésion  ainsi  que  l'état  des  dernières  ramifications  des  bronches.  Faites 
d'abord  une  exploration  générale  rapide  en  appliquant  successivement  le 
stéthoscope  sur  la  région  supérieure  moyenne  et  inférieure  de  chaque 
poumon,  soit  en  avant,  soit  en  arrière.  Si  vous  entendez  partout  quelque 
bruit  anormal,  concluez  que  la  bronchite  est  généralisée.  Étudiez  avec 
attention  les  caractères  des  sifflements  que  vous  percevez,  si  vous  trouvez 
que  chaque  portion  du  poumon  donne  lieu  à  un  grand  nombre  de  bruits 
morbides,  si  vous  entendez  un  sifflement  distinct  sur  plusieurs  points 
très-rapprochés  les  uns  des  autres,  vous  pouvez  être  assuré  que  ces  sons 
proviennent  d'une  phlegmasie  des  petites  bronches,  car  dans  l'étroit 
espace  que  recouvre  le  stéthoscope,  les  grosses  bronches  ne  peuvent  pas 
être  assez  nombreuses  pour  produire  des  bruits  aussi  multipliés.  Toutes 
les  fois  donc  que  l'on  perçoit  dans  une  petite  étendue  un  très-grand  nom- 
bre de  sons  distincts,  on  est  certain  que  les  bronches  capillaires  sont  af- 
fectées. J'ai  eu  souvent  occasion  de  constater  la  vérité  de  ces  notions 
cliniques. 

Une  bronchite  simple  bornée  aux  grosses  bronches  peut  s'accompagner 
de  dyspnée,  c'est  lorsqu'elle  coïncide  avec  une  affection  du  cœur,  un 
épanchement  pleurétique,  un  emphysème  pulmonaire,  ou  lorsqu'elle  sévit 
chez  un  enfant,  un  vieillard,  un  sujet  affaibli  et  surtout  lorsque  les  ma- 
tières de  l'expectoration  sont  abondantes  et  difficilement  expectorées; 
l'exploration  de  la  région  du  cœur,  la  percussion  et  l'auscultation,  l'étude 
des  symptômes  concommittants  font  distinguer  ces  états  maladifs. 

Pneumonie  lobaire.  —  Le  frisson  initial,  la  fièvre  intense,  la  douleur 
sur  l'un  des  côtés  de  la  poitrine,  le  caractère  de  la  toux,  la  nature  des 
crachats,  la  matité  circonscrite,  le  raie  crépitant,  le  souffle  tubaire  sont 
autant  de  symptômes  qui  affirment  le  diagnostic.  Il  est  des  pneumonies 
qui,  par  le  lieu  qu'elles  occupent,  ne  se  dévoilent  pas  aux  yeux  de  l'obser- 
vateur par  les  symptômes  que  je  viens  d'énuinérer.  Dans  ces  pneumonies 
centrales  ces  symptômes  font  souvent  défaut,  mais  l'hésitation  ne  peut 
être  de  longue  durée,  une  pneumonie  ne  reste  pas  latente  longtemps  pour 
un  médecin  attentif,  grâce  aux  méthodes  physiques  d'observation.  Il  est 
deux  circonstances  à  noter  sous  le  rapport  du  diagnostic  comparatif.  La 
dyspnée  dans  la  bronchite  est  différente  de  celle  que  l'on  observe  dans 
la  pneumonie;  dans  cette  dernière  maladie  les  mouvements  respiratoires 
sont  précipités  et  incomplets,  la  dilatation  latérale  du  thorax  est  impar- 
faite, quelquefois  nulle,  souvent  même  la  respiration  ne  se  fait  qu'à  l'aide 
du  diaphragme.  Dans  la  bronchite  capillaire,  le  développement  du  thorax 
est  complet,  toutes  les  puissances  inspiratrices  sont  en  jeu,  la  dyspnée 
offre  la  plus  grande  analogie  avec  celle  des  asthmatiques.  En  outre,  la 
pneumonie,  type  des  phlegmasies,  a  des  allures  franches  et  rapides,  elle 
suit  ses  périodes,  elle  augmente,  persiste,  décline  et  marche  vers  une 
convalescence  légitime.  Enfin  la  bronchite  capillaire  affecte  une  marche 
essentiellement  irrégulière,  elle  est  exacerbante,  insidieuse,  elle  sV 
mende  en  un  point  pour  reparaître  en  un  autre. 


592  BRONCHES.  —  bronchite  capillaire  (diagnostic). 

Pneumonie  lobulaire.  —  Existe-t-il  quelques  caractères  distinctifs 
entre  la  pneumonie  lobulaire  et  la  bronchite  capillaire?  Cette  der- 
nière affection  se  caractérise  par  une  dyspnée  intense,  une  grande 
anxiété,  une  teinte  violacée,  par  des  symptômes  qui  témoignent  de 
l'asphyxie,  par  une  sonorité  normale  à  la  percussion,  par  des  râles 
sous-crépitauts  disséminés  dans  toute  l'étendue  de  la  poitrine.  Dans  la 
pneumonie  lobulaire,  les  symptômes  de  suffocation,  d'asphyxie,  sont 
moins  prononcés,  il  existe  de  la  matité,  et  le  râle  sous-crépitant  n'oc- 
cupe qu'un  espace  restreint  ;  à  mesure  que  la  pneumonie  lobulaire  l'ait 
des  progrès,  le  diagnostic  devient  plus  précis,  il  s'affirme  par  une 
inatité  plus  considérable  et  par  de  la  respiration  bronchique;  or 
celle-ci  ne  se  retrouve  point  dans  la  bronchite  capillaire.  Bouchul 
établit  le  diagnostic  différentiel  de  ces  deux  affections  d'après  cer- 
tains troubles  respiratoires  qu'il  désigne  sous  le  nom  de  respiration 
expiratrice.  Il  y  a  un  intervertissement  complet  du  rhythme  des  mou- 
vements respiratoires  ;  chaque  respiration  commence  par  un  mouve- 
ment actif  et  brusque  d'expiration  gémissante  et  saccadée,  suivie  d'une 
inspiration  passive  ;  chaque  expiration  est  accompagnée  du  resserrement 
latéral  de  la  base  du  thorax,  de  la  saillie  du  ventre  et  de  la  dépression 
du  sternum  et  des  parties  latérales  de  la  poitrine.  On  imite  facilement 
ce  mode  de  respiration  en  exécutant  un  mouvement  brusque  d'expi- 
ration immédiatement  suivi  dune  inspiration;  telle  est  la  perturbation 
que  l'on  constaterait  lorsque  plusieurs  lobules  pulmonaires  sont  af- 
fectés. Ce  mode  de  respiration  est,  il  est  vrai,  fort  remarquable,  mais 
il  n'a  peut-être  pas  la  valeur  diagnostique  que  lui  attribue  Bouchut; 
il  peut  se  rencontrer  dans  des  maladies  autres  que  la  pneumonie  lo- 
bulaire. 

Un  œdème  des  poumons,  qui  se  manifeste  par  une  dyspnée  considérable 
et  un  râle  sous-crépitant  abondant,  pourrait  simuler  la  bronchite  capil- 
laire, mais  l'œdème  pulmonaire  ne  survient  que  dans  des  circonstances 
spéciales,  alors  qu'il  existe  déjà  de  l'infiltration  dans  quelques  parties  du 
corps  ;  il  ne  s'accompagne  pas  ordinairement  d'un  appareil  fébrile,  intense, 
de  douleur  sternale;  il  ne  détermine  pas  d'expectoration,  ou  celle  qu'il 
produit  n'a  point  d'analogie  avec  les  crachats  de  la  bronchite  capil- 
laire. 

Lorsqu'il  est  signalé  par  du  râle  sibilant,  Y  emphysème  pulmonaire 
peut  être  confondu  avec  la  bronchite  capillaire;  mais  la  dyspnée  plus  ou 
moins  grande,  l'absence  de  phénomènes  fébriles,  l'aspect  des  crachats 
moins  abondants  et  moins  spumeux,  la  déformation  du  thorax,  la  so- 
norité exagérée,  la  diminution  du  bruit  respiratoire,  voilà  un  certain 
nombre  de  signes  qui  indiquent  d'une  manière  précise  la  nature  de  la 
maladie. 

Phthisie  aiguë.  —  Cette  affection  est  d'un  diagnostic  diflicile.  En 
général,  lorsque  les  granulations  miliaires  envahissent  rapidement  le 
parenchyme  pulmonaire,  elles  s'accompagnent  presque  toujours  de  bron- 
chite capillaire.  Or  ces  granulations  n'ont  par  elles-mêmes  aucun  symp- 


BUONCHES.    BRONCHITE    CAPILLAIRE    (DIAGNOSTIC) .  595 

tome  propre,  aussi  les  phénomènes  d'auscultation  et  de  percussion 
sont-ils  ceux  de  la  bronchite  capillaire.  Il  sera  dès  lors  bien  difficile  de 
reconnaître  si  cette  dernière  affection  est  simple  ou  subordonnée  à  une 
éruption  miliaire  au  sein  du  parenchyme  pulmonaire.  Les  bases  du  dia- 
gnostic seront  empruntées  à  diverses  circonstances;  la  bronchite  capil- 
laire est  rare  chez  les  sujets  tuberculeux,  mais  on  pourra,  pour  le  dia- 
gnostic, s'aider  des  considérations  suivantes  : 

1°  La  phthisie  miliaire  n'est  pas,  en  général,  bornée  aux  poumons, 
elle  a  envahi  le  plus  souvent  le  péritoine,  les  intestins,  d'où  ballonne- 
ment du  ventre,  diarrhée,  etc.; 

2°  Elle  se  produit  spécialement  chez  les  entants  débiles,  dont  la  généa- 
logie est  suspecte,  qui  sont  mal  nourris,  chez  ceux  qu'on  élève  au  biberon  ; 
de  là  la  nécessité  de  consulter  les  antécédents  et  les  commémoratifs. 

Chez  l'adulte,  le  diagnostic  est  plus  difficile.  Fauvel,  comme  résultat 
de  ses  observations,  donne  les  deux  propositions  suivantes,  dont  j'ai  plu- 
sieurs fois  constaté  l'exactitude  : 

1°  Lorsque  la  bronchite  capillaire  s'accompagne  de  râles  bullaires 
dont  la  grosseur  va  en  diminuant  de  la  base  au  sommet,  elle  n'est  pas 
symptomatique  de  l'existence  de  granulations  miliaires; 

2°  Au  contraire,  dans  les  cas  où  les  râles  sont  plus  gros  au  sommet 
que  partout  ailleurs,  la  plus  grande  probabilité  sera  pour  une  bronchite 
symptomatique  des  tubercules. 

Lorsque  la  phthisie  aiguë  affecte  la  forme  catarrhale,  elle  se  rapproche 
beaucoup  par  ses  symptômes  de  la  bronchite  capillaire.  Voyons  plutôt  la 
description  qu'en  a  donnée  Waller  :  la  maladie  débute  soit  par  un  frisson 
violent,  soit  par  une  toux  plus  ou  moins  vive  durant  plusieurs  jours,  et 
devenant  graduellement  de  plus  en  plus  fréquente.  Les  mouvements  respi- 
ratoires sont  pénibles,  augmentés  de  nombre  ;  la  respiration  est  courte  et 
si  gênée  que  le  malade  demeure  dans  une  position  assise  ou  inclinée  en 
avant.  Les  crachats  sont  abondants,  la  douleur  qui  manque  rarement 
n'offre  rien  de  caractéristique.  La  percussion  donne  un  son  normal  ou 
même  tympanique,  la  respiration  est  vésiculaire,  rude,  accompagnée  des 
râles  du  catarrhe.  La  face  du  malade  est  pâle,  anxieuse,  la  peau  très- 
chaude,' le  pouls  très-accéléré,  la  dépression  des  forces  considérable.  En 
peu  de  jours  les  accidents  augmentent  d'intensité,  on  observe  de  l'or- 
thopnée,  une  pâleur  des  extrémités  et  des  lèvres  remplacée  bientôt  par  une 
teinte  asphyxique,  et  le  malade  meurt  au  bout  de  quelques  jours  d'une 
paralysie  des  poumons.  Ce  tableau  de  la  phthisie  aiguë  ne  rappelle-t-il 
pas  d'une  manière  assez  exacte  celui  de  la  bronchite  capillaire? 

E.  Leudet  a  tracé  de  la  manière  suivante  le  diagnostic  différentiel  de 
la  bronchite  capillaire  et  de  la  phthisie  aiguë  (1851)  :  «  Quand  les  phéno- 
mènes de  bronchite  dominent  seuls,  le  diagnostic  est  plus  facile  à  établir, 
et  nous  en  donnerons  pour  preuve  le  fait  suivant  :  c'est  que  la  maladie  a 
été  nettement  reconnue  dans  tous  les  cas  de  cette  espèce.  Quand  on 
observe  les  malades  dès  le  début,  on  remarque  immédiatement  une  dif- 
férence tranchée  qui  distingue  la  phthisie  aiguë  de  ia  bronchite  capillaire  ; 

NOIIV.    DICT.   MÉD.    ET    CUIR.  V.    38 


504     BRONCHES.  —  broischite  capillaire  (pronostic,  thérapeutique). 

l'anxiété,  la  dyspnée,  sont  souvent  fort  marquées  avant  que  l'examen 
local  ne  lasse  reconnaître  les  bruits  anormaux  ordinaires  de  la  bronchite, 
et  même  quand  on  reconnaîtrait  épars  dans  le  poumon  quelques  râles 
sifflants  et  sonores,  cet  état  local  serait  encore  insuffisant  pour  rendre 
compte  du  trouble  général  de  la  santé.  L'expectoration  a  bien  quelque 
analogie,  mais  l'état  local  et  l'état  général  ne  sont  pas  en  rapport,  et  les 
phénomènes  généraux  indiquent  que  l'auscultation  peut  induire  en  erreur. 
C'est  donc  l'étude  isolée  et  comparée  des  dérangements  fonctionnels  qui 
peuvent  mettre  le  médecin  sur  la  route  du  diagnostic.  Quand  la  maladie 
atteint  une  période  plus  avancée,  la  percussion  peut  encore  faire  soup- 
çonner la  maladie  :  en  effet,  la  poitrine  n'est  pas  sonore  partout,  mais 
mate  par  place.  Ce  moyen  de  diagnostic  ne  peut  pas,  à  beaucoup  près, 
être  regardé  comme  suffisant  pour  arriver  à  la  connaissance  de  la  lésion. 
Piorry  reconnaît  lui-même  que  lorsque  les  tubercules  sont  à  l'état  mi- 
liaire  et  séparés  par  des  tissus  fins,  le  sentiment  de  résistance  perçu  au 
doigt  pendant  la  percussion  est  moins  évident  que  dans  les  masses 
tuberculeuses  ordinaires,  et  il  n'y  a  guère  que  de  l'obscurité  dans  le  son. 
Dans  la  bronchite,  on  ne  rencontre  pas,  d'ailleurs,  les  modifications 
indiquées  dans  le  timbre  du  bruit  respiratoire.  » 

Fièvres  éruptives.  —  Elles  peuvent  quelquefois,  dès  le  début,  coïncider 
avec  des  symptômes  de  bronchite  capillaire,  mais  bientôt  les  phénomènes 
morbides  qui  accompagnent  l'éruption  se  produisent.  Le  coryza  et  le  lar- 
moiement dans  la  rougeole,  l'angine  dans  la  scarlatine,  la  douleur  lom- 
baire dans  la  variole,  enlèvent  toute  incertitude,  et  si,  dans  ces  fièvres, 
des  râles  sous-crépitants  se  perçoivent,  ils  sont  bornés  à  une  faible 
étendue  de  la  base  des  poumons. 

Pronostic.  —  La  bronchite  capillaire  est  en  général  grave.  Sa  gra- 
vité est  plus  grande  chez  l'enfant  et  le  vieillard  que  chez  l'adulte,  dans 
la  forme  suffocante  que  dans  la  forme  congestive.  Survenant  dans  le  cours 
d'une  maladie  sérieuse,  d'une  pyrexie,  dune  fièvre  éruptive,  chez  un  en- 
fant débile,  pendant  une  saison  froide  ou  humide,  elle  est  presque  toujours 
mortelle.  Une  augmentation  dans  la  fréquence  de  la  respiration  coïncidant 
avec  une  accélération  plus  grande,  et  la  petitesse  des  battements  du  pouls, 
une  diminution  ou  une  suspension  brusque  de  l'expectoration,  devront 
faire  pressentir  une  terminaison  funeste.  Une  diminution  de  la  fréquence 
du  pouls  et  de  la  respiration,  une  expectoration  facile,  une  anxiété 
moins  grande,  une  teinte  violacée  moins  forte  devront  être  considérées 
comme  l'indice  d'une  terminaison  heureuse.  Lorsque  la  bronchite  se 
complique  de  quelque  affection  étrangère,  le  pronostic  varie  en  raison 
de  la  gravité  de  l'affection  concomitante  ;  cependant  on  peut  dire  d'une 
manière  générale  que  toute  complication,  quelle  qu'en  soit  la  nature, 
est  une  circonstance  fâcheuse. 

Thérapeutique.  —  Le  traitement  de  la  bronchite  capillaire  se  réduit  aux 
quatre  indications  suivantes  :  modérer  l'intensité  de  la  phlegmasie  bron- 
chique, favoriser  l'expulsion  des  produits  de  sécrétion,  en  diminuer 
l'abondance,  soutenir  les  forces  du  malade. 


BRONCHES.  —  bronchite  cai'illaihe  (thérapeutique) .  595 

Antiphlogistiques.  —  Ils  ne  doivent  être  employés  qu'avec  une  grande- 
réserve  ;  le  pouls  n'est  pas  développé  comme  dans  une  maladie  fran- 
chement inflammatoire,  il  est  simplement  accéléré;  cette  fréquence  du 
pouls  n'est  pas  en  raison  de  l'intensité  de  la  phlegmasie,  mais  bien 
de  la  gène  de  la  respiration.  Àndral  a  signalé  l'inutilité  et  même  les 
mauvais  effets  de  la  saignée  du  bras,  qu'il  accuse  de  déprimer  les 
forces,  et  par  là  même  d'augmenter  l'asphyxie.  Grisolle  exprime  une 
opinion  semblable.  Fauvel  conseille  la  saignée  au  début  de  la  maladie 
et  lorsque  l'âge  le  permet,  mais  il  faut,  dit-il,  chez  les  enfants,  chez  les 
vieillards  et  chez  les  sujets  affaiblis,  être  sobre  de  pertes  de  sang  qui 
épuiseraient  rapidement  les  forces.  Les  médecins  de  Nantes  consta- 
tèrent que  les  émissions  sanguines  produisaient  un  effet  avantageux  dans 
la  bronchite  capillaire  simple;  elles  n'obtinrent  qu'une  amélioration 
momentanée  dans  la  bronchite  capillaire  suffocante;  elles  étaient  formel- 
lement contre-indiquées  lorsque  cette  bronchite  capillaire  venait  se 
greffer  sur  une  fièvre  éruptive.  L'état  des  forces,  la  période  de  la  maladie, 
son  caractère  primitif  ou  secondaire,  voilà  les  points  qu'il  faut  examiner 
sérieusement  avant  de  conseiller  des  émissions  sanguines. 

VomUifs.  —Ils  forment  la  base  du  traitement  de  la  bronchite  capillaire. 
C'est  la  médication  par  excellence.  Ils  conviennent  dans  presque  tous 
les  cas  et  réussissent  souvent  seuls.  Laennec,  Andral,  Grisolle,  Trousseau, 
préconisent  l'emploi    de   l'émétique.    Les  uns    l'emploient  concurrem- 
ment avec  la  saignée,  les  autres  l'administrent  à  haute  dose.  Fônssa- 
grives  le  conseille  à  dose  élevée;  mais  une  condition  de  succès,  dit  il, 
est  que  le  médicament  soit  donné  dans   la  période  de  réaction.   Si  on 
attend  que  la  peau  soit  refroidie,  que  les  mains  soient  devenues  violacées, 
les  lèvres  bleuâtres,  on  ajoutera  aux  dangers  de  l'asphyxie  ceux  d  une 
dépression  vasculaire  et  nerveuse  redoutable;  on  fera  plus  de  mal  que 
de  bien.  Il  importe  donc  de  saisir  l'opportunité.  J1ai  souvent  employé 
l'émétique  à  dose  rasorienne,  et  j'en  ai  constaté  l'efficacité.  Michel  Lévy 
l'a  administré  seul  à  dose  nauséeuse,  5  à  10  centigrammes,  concurren- 
ment  avec  l'alimentation,  malgré  la  vivacité  du  mouvement  fébrile.  Il 
s'est  basé  sur  ce  fait  que  la  fréquence  du  pouls  dépend  plutôt  de  l'accu- 
mulation des  mucosités  dans  les  bronches  que  de  l'inflammation  de  ces 
canaux.  Sous  l'influence  de  cette  médication,  dit  M.  Lévy,  la  gêne  de  la 
respiration  diminue  d'une  manière  notable,  les  râles  sonores,  sibilants 
ou  sous  crépitants  deviennent  plus  gros,  plus  humides,  la  toux  est  moins 
sèche,  l'expectoration  plus  visqueuse,  plus  abondante,  le  pouls  perd  de 
sa  fréquence  ;  en  un  mot,  tous  les  phénomènes  qui  révèlent  une  bron- 
chite profonde  subissent  une  rémission  notable.  Chez  les  enfants,  les  vo- 
mitifs présentent  peut-être  plus  d'avantages  que  chez  les  adultes.  Par  les 
efforts  qu'ils  provoquent,  ils  favorisent  le  mouvement  des  mucosités  dans 
l'arbre  bronchique,  les  font  cheminer  des  petites  ramifications  dans  les 
grosses  et  facilitent  leur  expulsion;  par  les  secousses  que  ces  efforts  im- 
priment aux  organes  pectoraux,  le  poumon  éprouve  des  alternatives  de 
compression  et  de  dilatation  brusques,  l'air  circulant  avec  plus  de  force 


596  BRONCHES.  —  bronchite  capillaire  (thérapeutique). 

dans  ses  conduits,  pénètre  dans  des  tuyaux  obstrués  par  des  mucosités, 
peut  même  dilater  des  lobules  qui  commençaient  à  s'affaisser  et  à  pren- 
dre les  caractères  de  l'état  fœtal.  A  la  stimulation  passagère  que  provo- 
que le  vomitif  succède  presque  toujours  un  temps  de  repos,  une  période 
de  calme,  de  sédation  dans  laquelle  les  malades  soulagés  respirent  plus 
librement:  la  peau  devient  moins  chaude,  le  mouvement  fébrile  se  mo- 
dère, et  Tentant  peut  se  livrer  à  un  sommeil  réparateur.  Chez  les  jeunes 
sujets,  l'ipécacuanba  (0,50  à  1,0)  doit  être  préféré  :  son  action  est  plus 
sûre,  plus  prompte,  il  est  sans  inconvénients  pour  la  muqueuse  intesti- 
nale. Chez  les  adultes,  on  associe  le  tartre  stibié  et  l'ipécacuanba,  et 
cette  association  est  souvent  heureuse. 

Expectorants.  —  Ils  ont  pour  but  de  débarrasser  les  bronches  des  mu- 
cosités qui  les  remplissent.  J'ai  souvent  administré  le  kermès  à  la  dose 
de  10  à  80  centigrammes;  ce  médicament  m'a  paru  rendre  l'expectora- 
tion facile.  Dans  le  catarrhe  suffocant,  les  préparations  kermétisées  ne  pa- 
raissent pas  exercer  une  action  contro-slimulante  notable  sur  la  muqueuse 
bronchique  enflammée,  elles  ne  modifient  nullement  la  sécrétion  bron- 
chique dans  sa  nature  et  surtout  dans  sa  densité  ;  elles  exercent  une  in- 
fluence avantageuse  dans  la  bronchite  capillaire  simple.  Parmi  les  ex- 
pectorants, je  mentionnerai  encore  la  gomme  ammoniaque,  l'acétate 
d'ammoniaque,  qui  sont  en  même  temps  stimulants  diffusibles,  l'oxymel 
scillitique,  le  polygala,  etc. 

On  cherchera  à  tarir  la  source  des  sécrétions  morbides  en  donnant  des 
décoctions  de  bourgeons  de  sapin,  de  baies  de  genièvre,  du  sirop  de  gou- 
dron, de  térébenthine,  etc. 

Les  révulsifs  cutanés  sur  les  parois  de  la  poitrine  ou  sur  les  membres 
inférieurs  ont  souvent  diminué  la  gène  de  la  respiration.  Toutefois,  les 
praticiens  ne  sont  pas  d'accord  sur  ce  point  de  thérapeutique.  Foucart, 
dans  un  mémoire  couronné  en  1859  par  la  Faculté  de  médecine  de  Paris, 
avait  noté  l'inefficacité  des  vésicatoires  dans  la  bronchite  capillaire.  Je 
crois  cependant  qu'ils  peuvent  être  utiles,  ils  achèvent  avec  succès  l'œuvre 
des  antiphlogistiques  et  des  vomitifs,  ils  triomphent  de  la  ténacité  de  la 
maladie  et  préviennent  le  passage  à  l'élat  chronique. 

Il  peut  arriver  que  des  mucosités  abondantes,  accumulées  dans  la  par- 
tie supérieure  des  voies  aériennes,  déterminent  un  râle  trachéal  intense, 
des  accès  de  suffocation,  l'asphyxie,  en  un  mot  un  état  de  mort  appa- 
rente; Valleix  propose  de  pratiquer  l'insufflation,  d'extraire  les  muco- 
sités qui  obstruent  le  larynx,  de  provoquer  par  les  titillations  de  la 
glotte  des  mouvements  d'expulsion.  Dans  ce  but  il  introduit  le  petit 
doigt  dans  la  bouche  en  suivant  la  face  supérieure  de  la  langue  ;  il  arrive 
au  niveau  de  l'isthme  du  gosier  et  pénètre,  derrière  l'épiglotte,  sur  l'ou- 
verture du  larynx.  A  l'instant  surviennent  des  efforts  de  toux  et  de  vo- 
missement ;  les  mucosités  sont  expulsées  du  conduit  aérien,  on  en  retire 
une  partie  avec  le  doigt,  il  en  sort  aussi  entre  les  lèvres  sous  forme  de 
mousse  à  grosses  bulles.  Après  cette  extraction,  l'individu  est  fort  agité 
pendant  un  moment;  il  paraît  suffoqué  et  la   face  s'injecte  fortement, 


BRONCHES.  —  bronchite  chronique  (définition',  causes,  symptômes).  597 

mais  le  calme  ne  tarde  pas  à  renaître,  jusqu'à  ce  que  de  nouveaux  avant- 
coureurs  d'asphyxie  viennent  réclamer  derechef  cette  petite  opération. 

Enfin  il  importe  de  soutenir  les  forces  du  malade,  dès  que  la  prostration 
devient  imminente.  Cette  indication  est  surtout  impérieuse  chez  les  en- 
fants et  chez  les  vieillards.  Elle  est  remplie  par  les  préparations  de  quin- 
quina, des  tisanes  toniques  et  expectorantes,  et  une  alimentation  suffi- 
samment réparatrice. 

Broiiciiiio  ciaroMïqtie.  —  Définition.  —  La  bronchite  chronique 
est  l'inflammation  de  la  muqueuse  des  bronches  dont  la  marche  est  lente 
et  dont  la  durée  dépasse  quarante  jours. 

Elle  était  connue  des  anciens  sous  les  noms  de  toux  chronique,  catar- 
rhus,  catarrhe  muqueux,  pituiteux,  etc.  Sauvages  distinguait  le  rhume 
(rheuma),  le  catarrhe,  et  l'anaeatharsis  divisée  en  bilieuse,  phthisique, 
produite  par  une  vomique,  puriforme  et  asthmatique.  Laennec  a  admis 
des  catarrhes  chroniques  muqueux,  pituiteux,  latent,  enfin  un  catarrhe 
sec  extrêmement  commun  à  l'état  chronique. 

Causes.  —  La  bronchite  chronique,  rare  dans  l'enfance,  est  commune 
dans  la  vieillesse,  elle  s'observe  plus  spécialement  chez  les  sujets  d'une 
constitution  molle,  d'un  tempérament  lymphatique,  elle  est  souvent  la 
conséquence  de  bronchites  aiguës  réitérées,  elle  a  pour  causes  plusieurs  des 
circonstances  qui  déterminent  la  bronchite  aiguë,  c'est-à-dire  les  chan- 
gements brusques  de  température,  un  refroidissement,  l'introduction 
dans  les  voies  aériennes  de  poussières  et  de  vapeurs  irritantes,  la  sup- 
pression d'une  hémorrhagic,  d'un  écoulement  muqueux  habituel  ;  elle  est 
favorisée  dans  son  développement  et  entretenue  par  une  angine  granu- 
leuse chronique,  une  tuberculisation  pulmonaire;  elle  peut  accompagner 
une  lésion  organique  du  cœur,  une  gène  de  la  circulation  pulmo-cardiaque, 
une  altération  du  sang,  elle  peut  coïncider  ou  alterner  avec  une  maladie 
diathésique  (rhumatisme,  goutte,  syphilis)  ou  une  affection  cutanée  chro- 
nique. 

Symptômes.  —  La  bronchite  chronique  se  montre,  quelquefois  dès  le 
début,  avec  tous  ses  caractères  de  chronicité;  plus  souvent  elle  succède  à 
une  bronchite  aiguë,  alors  la  fièvre  se  dissipe,  la  toux  et  l'expectoration 
diminuent,  mais  le  moindre  exercice,  l'action  de  parler  ou  de  marcher, 
la  plus  légère  cause  suffisent  pour  provoquer  le  retour  de  la  toux.  Cette 
alternative  d'augmentation  et  de  diminution  dans  l'intensité  des  sym- 
ptômes est  l'un  des  caractères  de  cette  période  de  transition  de  l'état 
aigu  à  l'état  chronique. 

Le  plus  souvent  il  n'existe  point  de  douleur  thoracique  :  quand  elle  se 
fait  sentir,  elle  occupe  l'épigastre,  le  sternum,  la  région  inter-scapulaire, 
elle  consiste  en  un  sentiment  de  gène,  de  pesanteur,  de  constriction  ;  elle 
devient  vive,  déchirante  s'il  se  manifeste  une  recrudescence. 

La  toux  ne  manque  jamais  ;  tantôt  qninteuse,  pénible,  fatigante,  tan- 
tôt grasse,  facile,  elle  est  ordinairement  plus  fréquente  le  matin  et  le 
soir. 


598  BRONCHES.  —  bronchite  chronique  (symptômes). 

L'expectoration  est  un  symptôme  prédominant  de  la  bronchite  chro- 
nique ;  elle  est  habituellement  formée  de  crachats  abondants,  opaques 
grisâtres  ou  jaune  verdàtre,  tantôt  pelotonnés,  mamelonnés,  tantôt  apla- 
tis, nummulaires,  à  bords  ronds  ou  déchiquetés.  Ils  sont  quelquefois 
mêlés  à  une  certaine  quantité  de  liquide  blanchâtre  semblable  à  de  la  sa- 
live plus  ou  moins  aérée.  Dans  la  bronchite  désignée  par  Laennec  sous  le 
nom  de  catarrhe  muqueux,  les  crachats  sont  jaunes,  grisâtres,  opaques, 
cohérents,  puriformes.  Dans  le  catarrhe  pituiteux,  ils  sont  séreux,  trans- 
parents, spumeux  à  leur  surface,  semblables  à  du  blanc  d'œuf  délayé  dans 
de  l'eau  ou  à  de  l'eau  de  savon  épaisse.  Dans  le  catarrhe  sec,  ils  sont  pe- 
tits, perlés,  globuleux,  ils  ont  la  consistance  de  l'empois. 

Bamberger  a  déterminé  la  proportion  des  éléments  inorganiques  conte- 
nus dans  les  matières  expectorées  pendant  le  cours  de  diverses  affections  de 
l'appareil  respiratoire.  Ces  éléments  constituent  à  ses  yeux  le  squelette  chi- 
mique des  crachats.  Voici  le  résultat  de  l'analyse  qu'il  a  faite.  Dans  la  bron- 
chite chronique,  les  crachats  contiennent  pour  1 00  parties  :  eau,  95,022  ; 
substances  organiques,  5,705;  sels  minéraux,  0,675.  —  100  parties 
des  éléments  inorganiques  sont  représentées  par  :  chlorure  de  sodium, 
67,176;  phosphate  dépotasse,  25,414;  sulfate  de  potasse,  2,709;  car- 
bonate de  potasse,  2,055  ;  phosphate  de  chaux,  2,457  ;  phosphate 
d'oxyde  de  fer,  0,095;  phosphate  de  magnésie,  des  traces;  carbonate 
et  sulfate  de  chaux  et  de  magnésie,  0,475  ;  acide  silicique,  1,056; 
perte,   0,605. 

Il  est  certaines  bronchites  dans  lesquelles  les  excrétions  fournies  par  la 
muqueuse  des  voies  respiratoires  offrent  de  la  fétidité.  Le  professeur  Lay- 
cock,  d'Edimbourg,  a  constaté  par  l'analyse  chimique,  que  cette  fétidité 
comme  gangreneuse  des  matières  expectorées  était  due  à  la  présence  de 
l'acide  butyrique.  Il  est  important  de  connaître  cette  circonstance  pour 
ne  pas  confondre  la  bronchite  à  sécrétion  iétide  avec  la  gangrène  pulmo- 
naire. Laycock  attribue  ces  bronchites  avec  altération  du  produit  de  sécré- 
tion à  une  perversion  du  système  nerveux  du  genre  de  celles  reconnues 
par  Cl.  Bernard,  dans  ses  recherches  physiologiques  sur  l'apparition 
du  sucre  dans  le  sang  après  la  lésion  du  plancher  du  quatrième  ven- 
tricule. 

La  dyspnée  est  en  général  peu  considérable;  toutefois,  si  un  mucus 
épais  s'accumule  en  certaine  quantité  dans  les  bronches,  et  forme  par  sa 
présence  un  obstacle  au  passage  de  l'air,  la  respiration  devient  pénible, 
précipitée;  il  survient  même  de  l'orthopnée.  Tous  les  auteurs  n'attri- 
buent pas  au  mifleus  seul  la  dyspnée  intermittente  qui  simule  l'aspect  de 
l'asthme,  il  en  est  qui  la  rattachent  à  une  congestion  subite  de  la  mu- 
queuse bronchique  ou  à  une  névrose  de  l'appareil  respiratoire. 

La  conformation  de  la  poitrine  a  été  étudiée  avec  soin  par  Niemeyer 
dans  la  bronchite  chronique  :  «  Par  suite  de  la  dyspnée  persistante  e! 
des  efforts  continus  et  exagérés  des  muscles  inspirateurs,  ces  derniers 
s'hypertrophient.  Cette  hypertrophie  est  le  plus  fortement  prononcée  dans 
les  muscles  sterno-cleido-mastoïdiens  et  dans  les  scalènes  qui  font  de 


BRONCHES.    BRONCHITE    CHRONIQUE    (MARCHE,    DURÉE,    TERMINAISON).       .r»(,)9 

fortes  saillies  au  cou.  De  même  que  tous  les  muscles  hypertrophiés,  les 
muscles  inspirateurs  sont  constamment  dans  un  état  de  contraction 
modérée.  Tout  comme  on  reconnaît  facilement  un  serrurier,  un  forgeron, 
à  l'état  de  flexion  légère  et  permanente  des  bras,  même  au  repos,  de 
même,  dans  le  catarrhe  chronique,  le  thorax  est  continuellement  dans  la 
position  qu'il  a  au  moment  de  l'inspiration.  Le  cou  en  apparence  court, 
la  poitrine  bombée,  se  rencontrent  ici,  sans  que  l'emphysème  com- 
plique le  catarrhe  chronique  des  bronches.  Pendant  les  exacerbations 
violentes  et  de  longue  durée,  les  veines  jugulaires  des  malades  sont  sou- 
vent extrêmement  distendues,  la  cyanose  se  produit,  et,  dans  beaucoup 
de  cas,  on  voit  même  se  développer  une  hydropisie  assez  considérable. 
Comme  l'engorgement  des  veines  jugulaires,  la  cyanose  et  l 'hydropisie 
disparaissent  avec  la  rémission  du  catarrhe  lui-même,  et  non  d'une  com- 
plication intercurrente.  » 

La  percussion  ne  révèle  aucun  signe  important.  L'auscultation  fait  en- 
tendre à  !a  partie  postérieure  et  inférieure  de  la  poitrine,  des  deux  cotés, 
des  raies  tantôt  secs  (sibilants  et  ronflants),  tantôt  humides  (sous-crépi- 
tants  etmuqueux).  D'après  Laennec,  dans  certains  catarrhes  chroniques 
le  bruit  respiratoire  acquiert  le. caractère  puéril.  Dans  le  catarrhe  pitui- 
feux,  on  distingue  un  mélange  de  râles  sonores,  sibilants  et  ronflants, 
qui  imitent  le  bruit  d'une  corde  de  violoncelle  ou  le  chant  de  la  tourte- 
relle, quelquefois  des  raies  sous-crépitants.  Dans  le  catarrhe  sec,  le  râle 
sibilant  prédomine.  Laennec  a  constaté  dans  cette  variété  un  cliquetis 
analogue  à  celui  d'une  petite  soupape;  ce  bruit  est  rare;  il  ne  se  perçoit 
(pie  dans  les  inspirations  profondes,  avant  ou  après  la  toux  ;  il  serait  dû 
au  mouvement  d'un  crachat  perlé,  qui  serait  déplacé  par  le  passage  de 
l'air. 

Les  symptômes  généraux  sont  peu  prononcés.  La  bronchite  chro- 
nique n'éveille  presque  aucune  sympathie;  elle  ne  s'accompagne  pas  de 
fièvre,  ni  de  troubles  graves  du  côté  des  fonctions  digestives  et,  assimi- 
latrices.  Toutefois,  si  la  sécrétion  bronchique  est  considérable,  si  un 
mouvement  fébrile  se  manifeste,  il  peut  survenir  de  l'amaigrissement, 
une  dépression  notable  des  forces,  la  perte  de  l'appétit  et  du  sommeil, 
en  un  mot  des  symptômes  de  fièvre  hectique. 

Marche,  durée,  terminaison.  —  La  marche  de  la  bronchite  chronique 
n'a  rien  de  fixe  :  tantôt  eile  persiste  d'une  manière  continue,  tantôt  elle 
offre  des  exacerbations,  surtout  aux  approches  de  l'hiver  et  lors  des 
temps  humides  ;  elle  cesse  avec  les  chaleurs  de  l'été  pour  reparaître 
dans  des  conditions  atmosphériques  contraires.  Sa  durée  est  indéter- 
minée. 

Souvent  la  bronchite  persiste  bien  des  années  sans  exercer  une  in- 
fluence fâcheuse  sur  la  santé  générale.  Il  n'en  est  pas  toujours  ainsi. 
Lorsqu'elle  se  répète  fréquemment,  non-seulement  elle  produit  des  alté- 
rations plus  ou  moins  profondes  de  la  muqueuse  des  voies  aériennes,  mais 
encore  elle  entraîne  d'autres  conséquences  non  moins  graves.  L'inflam- 
mation peut  se  propager  aux  extrémités  des  canalicules  bronchiques  ; 


600     BRONCHES.  —  bronchite  chronique  (marche,  durée,  terminaison). 

rien  n'est  pins  commun  que  de  voir  le  vieillard  et  l'entant  succomber 
à  des  bronchites  capillaires  dont  le  point  de  départ  avait  été  une  phleg- 
masie  chronique  des  grosses  bronches.  D'autres  fois  la  bronchite  chro- 
nique amène  comme  conséquences  la  dilatation  ou  le  rétrécissement 
des  bronches,  l'emphysème  pulmonaire,  l'asthme,  et  diverses  lésions 
organiques  du  cœur.  L'influence  de  la  bronchite  sur  la  production  de 
l'emphysème  et  des  altérations  cardiaques,  reconnue  par  Laennec,  a 
été  surtout  étudiée  par  Louis,  Beau,  Valleix,  Gallard,  Gairdner,  Graves, 
Gouraud,  etc. 

La  bronchite  chronique  peut-elle  déterminer  la  formation  des  tuber- 
cules, ou  bien  ceux-ci  se  développent-ils  indépendamment  de  la  phleg- 
masie  chronique  des  bronches?  La  première  opinion  fut  soutenue  par 
Baglivi,  Stoll,  Pringle,  Avenbrugger,  Corvisart,  Broussais.  La  seconde  fut 
exprimée  par  Bayle,  Laennec;  elle  est  défendue,  de  nos  jours,  par  Louis. 
«  Des  80  malades.,  dit-il,  qui  avaient  pu  me  rendre  compte  des  affections 
qu'ils  avaient  éprouvées  antérieurement  au  début  de  la  phthisie,  25  seu- 
lement étaient  fort  sujets  au  catarrhe  pulmonaire  ;  50,  ou  les  deux  tiers 
environ,  en  étaient  rarement  atteints.  Que  conclure,  sinon  que  la  phthisie 
se  développe  indifféremment  chez  les  personnes  sujettes  au  catarrhe  pul- 
monaire et  chez  celles  qui  n'y  sont  pas  exposées  ;  que,  par  conséquent, 
ou  ne  saurait  considérer  la  phthisie  comme  une  des  suites  de  cette  ma- 
ladie, qu'il  n'existe  pas  entre  elles  une  relation  évidente.  » 

Àndral  ne  nie  pas  l'influence  des  phlegmasies  des  bronches  sur  la  pro- 
duction des  tubercules.  Il  pense  que  Broussais  a  été  trop  loin  en  affirmant 
que  ces  phlegmasies  les  engendraient  toujours.  Dans  un  autre  passage,  il 
ajoute  :  Pour  qu'une  inflammation  de  la  muqueuse  aérienne  soit  suivie 
de  la  production  de  tubercules,  il  faut  nécessairement  admettre  une  pré- 
disposition. Telle  est  l'opinion  à  laquelle  se  range  la  majorité  des  auteurs, 
entre  autres  Bouillaud,  Chomel,  Piorry,  Grisolle.  Graves  fait  remarquer 
que  des  diverses  formes  de  bronchite  qui  s'accompagnent  de  tuberculi- 
sation,  c'est  surtout  l'inflammation  scroiuleuse  de  la  muqueuse  bron- 
chique. 

L'expression  populaire  de  rhume  négligé  semblerait  militer  en  faveur 
de  l'antériorité  de  la  bronchite  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas.  Mais 
la  bronchite  qui  conduit  aux  tubercules  ou  plutôt  qui  éveille  une  prédis- 
position tuberculeuse  latente,  n'est  pas  la  phlegmasie  des  grosses  bron- 
ches, mais  bien  la  bronchite  capillaire.  L'observation  démontre,  dit 
J.  Cruveilhier,  que  la  phlegmasie  catarrhale  des  grosses  bronches  peu! 
persister  de  longues  années  sans  amener  la  tuberculisation  ;  ce  qui  a  fait 
lire  que  le  catarrhe  pulmonaire  était  en  quelque  sorte  un  préservatif 
outre  la  tuberculisation.  Si  la  phthisie  était  la  conséquence  fréquente 
le  la  bronchite  chronique,  elle  devrait  être  l'un  des  apanages  ordinaires 
le  la  vieillesse,  tandis  qu'elle  est  l'un  des  plus  cruels  attributs  de  l'âge 
adulte. 

Une  inflammation  chronique  des  bronches  ne  sera  donc,  eu  général, 
suivie  de  tubercules  pulmonaires  que  si  elle  est  accompagnée  de  circon- 


BRONCHES.    BRONCHITE    CHRONIQUE    (DIAGNOSTIC).  601 

stances  générales  on  diathésiques  qui  en  favorisent  le  développement; 
et  Laennec  a  en  raison  de  comparer  les  bronches  on  les  poumons  en- 
flammés à  une  terre  qui,  labourée  après  un  long  repos,  fait  germer  une 
multitude  de  graines  qu'elle  renfermait  dans  son  sein  depuis  plusieurs 
années. 

La  mort  peut  arriver  brusquement  dans  la  bronchite  chronique.  Cette 
terminaison  rapide  est  due  à  une  véritable  asphyxie,  laquelle  résulle  le 
plus  souvent  d'une  impuissance  des  bronches  à  expulser  les  mucosités  qui 
les  obsl ruent.  Cette  impuissance,  Stokes  l'attribue  à  la  paralysie  de  l'ap- 
pareil musculaire  des  bronches.  D'après  l'auteur  anglais,  cette  théorie 
expliquerait  les  succès  cpie  l'on  obtient  par  les  stimulants  pectoraux  dans 
la  dernière  période  dc^  bronchites  chroniques,  et  le  danger  de  continuer 
les  antiphlogistiques  qui  ne  peuvent  que  favoriser  la  stagnation  des  mu- 
cosités dans  les  conduits  de  la  respiration. 

Anatomie  pathologique.  —  Quand  l'inflammation  des  bronches  est 
passée  à  l'état  chronique,  la  membrane  muqueuse  offre  une  teinte  livide 
violacée,  ardoisée,  uniforme  ou  irrégulièrement  disposée  par  plaques. 
La  muqueuse  est  granulée,  quelquefois  ramollie.  C'est  à  tort  qu'on  a 
mentionné  comme  fréquentes  les  ulcérations  dans  la  bronchite  chronique  ; 
en  dehors  des  tubercules,  elles  n'existent  qu'à  titre  d'exception.  —  Une 
altération  plus  constante,  c'est  l'épaississement  des  parois  qui  peut  tenir 
à  une  hyperémie  de  la  membrane  muqueuse,  à  l'hypertrophie  de  son 
tissu,  ou  bien  encore  à  l'induration  de  la  couche  musculcuse  des  liss;  s 
cellulaire  et  fibreux  sous-jacents. 

En  même  temps  que  ces  tissus  s'épaississent,  l'élasticité  de  la  muqueuse 
et  de  la  couche  fibreuse  longitudinale  disparait,  les  muscles  des  bronches 
perdent  la  faculté  de  se  contracter.  Comme  conséquence  du  relâche- 
ment des  parois  bronchiques,  il  survient  une  dilatation  diffuse  des  bron- 
ches. —  L'épithélium  normal  manque  dans  la  plupart  des  bronchites 
chroniques;  la  muqueuse  peut  être  couverte  d'une  couche  abondante 
d'une  sécrétion  jaune  puriforme  au  lieu  d'un  mucus  visqueux,  glaireux,  à 
moitié  transparent. 

Diagnostic.  —  Le  diagnostic  de  la  bronchite  chronique  est  en  général 
assez  simple  :  toux  habituelle,  expectoration  abondante  de  crachats  mu- 
queux,  épais,  jauncs-verdàtres,  respiration  le  plus  souvent  facile,  sono- 
rité à  la  percussion,  raies  sous-crépitants  et  muqueux  à  la  base  de  la 
poitrine,  etc.,  tels  sont  les  principaux  signes  qui  la  caractérisent. 

La  bronchite  chronique  ne  sera  jamais  confondue  avec  la  pneumonie 
chronique;  elle  ne  présente  aucun  des  symptômes  qui  accompagnent  l'in- 
flammation chronique  du  parenchyme  pulmonaire,  c'est-à-dire  matité, 
respiration  bronchique,  mouvement  fébrile,  dépérissement,  etc. 

Elle  se  distingue  facilement  de  la  pleurésie  chronique.  Presqu'aucun 
des  symptômes  de  cette  dernière  affection  (matité  circonscrite  sur  un  des 
côtés  de  la  poitrine,  absence  du  bruit  respiratoire,  égophonie,  souille 
tubaire,  dyspnée,  toux  sèche)  ne  se  retrouve  dans  l'inflammation  chro- 
nique des  bronches. 


602  BRONCHES.  —  bronchite  chronique  (diagnostic). 

La  bronchite  chronique,  avec  expectoration  abondante,  épaisse,  puri- 
forme,  pourrait  elle  eu  imposer  pour  une  phthisie  pulmonaire?  Exami- 
nons les  différences  qui  séparent  ces  deux  maladies  dans  leurs  symptômes 
locaux  et  généraux  : 

La  douleur  est  rare  dans  la  bronchite,  elle  occupe  l'épigastre,  le  ster- 
num ;  elle  donne  une  sensation  de  chaleur  ou  de  constriction.  Elle  est 
très-commune  dans  la  phthisie;  elle  existe  principalement  sous  les  clavi- 
cules, sur  les  parties  latérales  du  thorax,  entre  les  épaules;  elle  est  spon- 
tanée ou  provo  |uée  par  la  pression,  et  simule  une  névralgie  intercostale 
ou  un  point  pi  curé  tique. 

La  toux  débute  dans  la  première  période  de  la  phthisie,  sans  cause  ap- 
préciable, au  milieu  des  apparences  de  la  sanlé;  elle  persiste,  petite  et 
sèche,  souvent  un  ou  deux  mois.  Dans  la  bronchite  chronique,  elle  est 
quinteuse  et  toujours  humide. 

L'expectoration  fournit  des  signes  d'une  certaine  importance.  De  la 
matière  tuberculeuse  dans  les  crachats,  tel  serait  le  véritable  symptôme 
pathognomonique  de  la  phthisie.  Très-difficilement  on  l'y  reconnaît, 
parce  qu'elle  est  ordinairement  ramollie  et  combinée  à  des  mucosités 
abondantes,  et  qu'elle  n'entre  que  pour  une  faible  partie  dans  la  com- 
position des  crachats.  Laennec  dit  bien  avoir  constaté,  dans  un  cra- 
chat, la  présence  de  la  matière  tuberculeuse  à  laquelle  adhérait  un  frag- 
ment de  tissu  pulmonaire  ;  ce  caractère  manque  le  plus  souvent  ;  on  est 
alors  obligé  d'en  rechercher  d'autres. 

La  présence  du  pus  a  été  longtemps  considérée  comme  un  signe  pa- 
thognomonique de  l'affection  tuberculeuse.  Comment  reconnaître  sa 
présence  dans  la  matière  expectorée?  On  a  dit  que  les  crachats  mis  dans 
l'eau  se  séparent  en  deux  couches,  dont  l'une  surnage,  c'est  du  mucus, 
et  l'autre  tombe  au  fond  du  vase,  c'est  du  pus.  Mais  ce  résultat  n'est 
ni  constant  ni  décisif.  Darwin  avait  affirmé  que  traité  par  l'acide  sulfu- 
rique,  le  pus  forme  un  sédiment  grisâtre  toujours  reconnaissable.  Amiral 
a  répété  cette  expérience  sans  obtenir  le  même  résultat.  Donné  a  constaté 
que  soumis  à  l'action  de  l'ammoniaque,  les  crachats  contenant  du 
mucus  deviennent  visqueux,  tandis  que  ceux  formés  par  du  pus  se  chan- 
gent en  une  gelée  consistante.  Je  ferai  remarquer  que  la  présence  du 
pus  dans  les  crachats  n'est  pas  un  signe  pathognomonique  de  l'existence 
des  tubercules,  puisque  des  crachats  analogues  se  retrouvent  dans  la 
bronchite  chronique.  Kuhn  prétend  avoir  trouvé  dans  les  crachats  de  la 
phthisie  des  fils  hyaloïdes  et  de  petites  granulations  de  détritus  du  tuber- 
cule. Lebert  déclare  qu'il  n'y  a  dans  les  matières  expectorées  des  phthi- 
siques  aucun  signe  microscopique  qui  les  distingue  des  crachats  fournis 
par  la  muqueuse  bronchique  enflammée.  Toutefois,  ayant  analysé  les 
fluides  des  cavernes,  il  a  constaté  des  globules  de  pus,  des  pyoïdes, 
des  globules  tuberculeux,  des  fibres  pulmonaires  et  beaucoup  de  frag- 
ments de  fausses  membranes.  La  plupart  de  ces  produits  ne  se  trouvant 
qu'en  très-faible  quantité  dans  les  crachats,  il  faut  en  conclure  qu'ils 
se  dissolvent  ou   se  détruisent  dans  les  bronches,  et  que  celles-ci  four- 


BRONCHES.    —    BRONCHITE    CHRONIQUE    (DIAGNOSTIC) .  605 

nissent  la  plupart  dos  éléments  qu'on  trouve  clans  les  matières  expec- 
torées par  les  phthisiques. 

Scbrôder  van  dcr  Kolk  a  indiqué  un  moyen  de  distinguer  les  crachats 
de  la  phthisie  de  ceux  de  la  bronchite  chronique.  Le  professeur  d'Utrecht 
a  ohservé  au  microscope,  dans  les  crachats  des  phthisiques,  des  fibres  par- 
ticulières constantes  qu'il  a  reconnues  pour  être  des  fibres  élastiques 
entourant  les  cellules  pulmonaires.  Ces  fibres  avaient  bien  été  entrevues 
par  Simon,  Vogo!,  fbilkmann  et  Lebert,  mais  elles  avaient  peu  fixé  leur 
attention.  D'après  Schrôdér  van  der  Kolk,  elles  se  retrouvent  dans  l'ex- 
pectoration de  tous  les  phthisiques,  quelle  que  soit  l'époque  de  la  mala- 
die. C'est  surtout  quand  la  caverne  est  à  son  début  que  les  fibres  sont 
plus  abondantes,  elles  en  sont  le  signe  le  plus  certain;  plus  la  caverne 
se  creuse,  moins  les  fibres  deviennent  apparentes. 

Le  caractère  que  signale  Schrôdér  van  der  Kolk  aurait  donc  l'immense 
avantage  de  fournir  des  indices  certains  quand  la  plupart  des  autres 
symptômes  font  encore  défaut.  Pour  découvrir  les  fibres  caractéristiques 
de  la  phthisie,  on  place  sur  le  porte-objet  du  microscope  mie  petite  por- 
tion de  la  partie  blanche  et  opaque  des  crachats,  on  les  recouvre  d'une 
lame  de  mica  très-mince  ou  de  verre,  on  comprime  et  on  expose  d'abord 
à  un  grossissement  de  deux  cents  fois:  quand  on  a  découvert  les  fibres, 
on  les  expose  à  un  grossissement  de  quatre  à  cinq  cents  fois,  atin  de  bien 
étudier  leur  direction  et  leur  composition.  Ces  fibres  ont  une  direction  ar- 
quée très-caractéristique,  sont  très-minces  et  à  bords  un  peu  aigus,  dont 
l'un  est  plus  obscur  que  l'autre.  Elles  se  présentent  ordinairement  eu 
faisceaux.  Elles  sont  parfois  épaissies  par  de  la  graisse  qui  s'accumule 
sur  elles,  l'éther  dissout  celle  graisse  et  les  fibres  reprennent  leur  aspect 
primitif.  Quand  on  examine  les  produits  de  l'expectoration,  il  faut  bien 
prendre  garde  aux  corps  étrangers  qui  s'y  trouvent  très-souvent  mélangés; 
une  conferve  s'y  développe  en  très-peu  de  temps  et  pourrait  être  prise 
pour  des  fibres  élastiques,  mais  on  la  reconnaît  assez  facilement  à  ses 
ramifications  terminées  par  des  -cellules  renflées.  Elle  se  développe  sur- 
tout dans  les  crachats  qui  contiennent  de  la  graisse. 

Schùtzenberger  arrive  à  ces  conclusions  :  Au  début  de  la  phthisie,  l'ex- 
pectoration est  analogue  à  celle  de  la  bronchite  chronique;  l'examen  di- 
rect, le  microscope  ne  révèlent  aucune  différence  sensible.  Quand  les  tu- 
bercules commencent  à  se  ramollir,  ou  bien  ont  subi  un  certain  degré  de 
ramollissement,  l'aspect  extérieur  des  crachats  ne  diffère  point  encore  de 
ceux  de  la  bronchite  chronique,  mais  à  l'examen  microscopique  on  trouve, 
à  coté  des  jeunes  cellules  des  différentes  phases  de  leur  évolution  grais- 
seuse, des  libres  de  tissu  élastique.  Ces  fibres,  tantôt  assez  longues,  pré- 
sentent leur  forme  normale,  tantôt  au  contraire,  elles  sont  courtes  et  for- 
mées par  de  simples  débris.  Le  nombre  plus  ou  moins  considérable  de 
ces  éléments  annonce  l'étendue  plus  ou  moins  grande  du  ramollissement. 
La  présence  de  ces  fibres  dans  l'expectoration  a  donc  une  véritable  im- 
portance diagnostique,  elle  permet  d'aflirmer  l'existence  d'une  affection 
tuberculeuse  dans  sa  deuxième  période.  Toutes  les  parties  de  l'expectora- 


604  BRONCHES.  —  bronchite  chronique  (diagnostic). 

tion  ne  contiennent  pas  de  fibres  élastiques,  ajoute  Schùtzenberger  ;  pour 
faciliter  leur  recherche,  voici  le  procédé  qu'il  faut  suivre  :  On  prend  une 
certaine  quantité  de  la  matière  expectorée  qu'on  mélange  a  de  l'eau  dans 
un  flacon.  On  a  soin  d'agiter  la  masse  de  manière  à  désagréger  les  cra- 
chats; les  parties  les  plus  denses  qui,  sous  la  forme  de  filaments,  gagnent 
le  fond  de  l'eau,  sont  celles  qui  contiennent  la  plus  forte  proportion  d'é- 
léments élastiques.  Quand  le  ramollissement  tuberculeux  est  plus  étendu, 
les  crachats  contiennent  de  petits  grumeaux.  Ceux-ci,  d'un  blanc  mat, 
jaunâtres,  ont  un  volume  qui  varie  d'un  grain  de  millet  à  celui  d'un 
pois.  Placés  dans  l'eau,  ils  se  déposent  au  bas  du  liquide,  ils  se  rattachent 
à  l'expulsion  d'une  certaine  quantité  de  matière  tuberculeuse. 

D'après  Andral,  la  matière  tuberculeuse  ramollie  pourrait  apparaître 
sous  forme  de  stries  jaunâtres,  l'examen  microscopique  démontre  que  ces 
stries  ne  sont  formées  que  de  graisse,  de  pus  et  de  jeunes  cellules.  Les 
expériences  chimiques  entreprises  pour  établir  la  nature  tuberculeuse 
des  grumeaux  et  des  stries  ont  été  complètement  insuffisantes.  A  la  der- 
nière période  de  la  phthisie  la  forme  des  crachats,  leur  coloration,  la 
présence  du  pus  attestée  par  l'examen  microscopique  et  les  réactions 
chimiques,  indiquent  bien  la  présence  des  cavernes,  mais  à  l'aide  de  ces 
caractères,  on  ne  peut  pas  acquérir  de  certitude  diagnostique  absolue, 
puisque  l'expectoration  offre  des  qualités  analogues  dans  la  bronchite 
chronique. 

L'hémoptysie,  assez  commune  dans  la  phthisie,  n'a  pas  lieu  dans  la 
bronchite  chronique. 

La  conformation  extérieure  de  la  poitrine  ne  subit  point  de  change- 
ment dans  la  bronchite  chronique.  Il  n'en  est  pas  de  même  dans  la 
phthisie  pulmonaire.  Hirtz  et  Woillez  ont  signalé  l'étroitessc  du  thorax 
dans  cette  dernière  maladie.  J'ai  voulu  déterminer  d'une  manière  exacte, 
à  l'aide  de  la  mensuration,  le  rapport  qui  peut  exister  entre  les  dimen- 
sions de  la  poitrine  et  la  marche  de  la  tuberculisation  pulmonaire.  Afin 
de  donner  à  cette  étude  séméiotique  une  base  solide,  j'ai  d'abord  établi 
1rs  dimensions  de  la  poitrine  chez  les  individus  qui  n'avaient  aucun  in- 
dice d'affection  pulmonaire;  c'était  un  terme  de  comparaison  indispen- 
sable. Puis  je  les  ai  constatées  chez  quatre-vingts  phthisiques.  Voici  le 
résumé  des  recherches  que  j'ai  présentées  à  l'Académie  de  médecine  dans 
sa  séance  du  23  septembre  1 86c2  : 

1°  La  poitrine  chez  les  phthisiques  offre  une  circonférence  moindre 
que  chez  les  individus  dont  les  poumons  sont  exempts  de  tubercules  , 

2°  Cette  diminution  dans  la  largeur  de  la  poitrine,  appréciable  dès  le 
début  de  la  tuberculisation,  augmente  avec  les  progrès  de  la  maladie. 
Elle  peut  atteindre  à  la  deuxième  période  :  10  centimètres  pour  la  cir- 
conférence supérieure,  8  pour  la  circonférence  mammaire,  et  6  pour 
l'inférieure; 

5°  La  circonférence  supérieure  du  thorax  présente,  à  très-peu  d'excep- 
tions près,  à  toutes  les  périodes  de  l'affection  tuberculeuse,  une  étendue 
plus  grande  que  les  circonférences  mammaire  et  inférieure; 


BRONCHES.    BRONCHITE    CUROMQUE    (THÉRAPEUTIQUE).  605 

4°  Si  la  circonférence  supérieure  se  maintient  plus  évasée,  c'est  celle 
cependant  qui  tend  le  plus  à  se  rétrécir.  Ainsi,  la  circonférence  supé- 
rieure diminue  de  7  à  9  centimètres  dans  la  deuxième  période,  tandis 
<jue  l'inférieure  n'offre  qu'une  diminution  de  5  à  7  centimètres; 

5°  L'intervalle  qui  sépare  les  deux  mamelons  chez  l'homme  donne  une 
idée  exacte  des  dimensions  du  thorax.  Il  représente  le  quart  de  la  cir- 
conférence mammaire.  Chez  l'adulte,  il  mesure  20  centimètres  à  l'état 
normal,  19  centimètres  à  la  première  période  de  la  phthisie,  17  centi- 
mètres à  la  deuxième  période. 

Donc  la  mensuration  de  l'espace  intermammaire  mérite  l'attention  du 
praticien,  et  doit  entrer  comme  élément  important  pour  établir  le  dia- 
gnostic différentiel  de  la  bronchite  chronique  et  de  la  phlhisie  pulmonaire. 
Les  tubercules  ayant  leur  siège  au  sommet  du  poumon,  c'est  dans  les 
régions  sous-claviculaires,  dans  les  fosses  sus  et  sous-épineuses  que  se 
trouvent  la  matité,  les  craquements  et  les  râles,  indices  de  la  lésion  tuber- 
culeuse. Dans  la  bronchite  chronique,  les  signes  fournis  par  la  percus- 
sion et  l'auscultation  sont  principalement  constatés  à  la  base  de  la 
poitrine. 

Les  phénomènes  généraux  ont  la  plus  grande  valeur  :  la  lièvre  hecti- 
que avec  redoublement  le  soir  et  sueur  la  nuit,  l'amaigrissement  progres- 
sif, la  pâleur,  la  faiblesse  générale,  sont  des  symptômes  à  peu  près  con- 
stants de  révolution  tuberculeuse;  ils  ne  se  rencontrent  pas  dans  la  bron- 
chite chronique. 

11  résulte  de  la  comparaison  qui  vient  d'être  établie,  que  la  bronchite 
chronique,  soit  par  ses  symptômes  locaux,  soit  principalement  par 
l'état  général  du  sujet,  se  distingue  nettement  de  la  phthisie  pulmo- 
naire. 

Pronostic.  —  La  bronchite  chronique  qui  pourrait  être  considérée 
comme  une  infirmité  sénile,  semble  quelquefois  compatible  avec  une 
certaine  forme  de  santé;  toutefois,  elle  peut  devenir  une  cause  d'in- 
commodité ou  de  maladies,  parce  qu'elle  a  une  tendance  indéfinie  à  s'ac- 
croître avec  le  temps,  parce  qu'elle  est  sujette  à  des  paroxysmes  plus  ou 
moins  fréquents,  parce  qu'elle  est  le  point  de  départ  d'accès  de  dyspnée, 
enfin  parce  qu'elle  crée  pour  l'individu  qui  en  est  atteint  une  condition 
spéciale  eu  vertu  de  laquelle  il  est  plus  apte  à  contracter  des  phlegmasies 
aiguës  de  l'appareil  respiratoire. 

Thérapeutique.  —  Émissions  sanguines.  —  Elles  ne  sont  que  rarement 
indiquées;  en  général  peu  efficaces,  elles  affaiblissent  les  malades,  favo- 
risent les  sécrétions  morbides  et  l'engouement  des  bronches.  Si  cependant 
le  sujet  est  assez  vigoureux,  d'un  âge  peu  avancé,  et  s'il  se  manifeste 
quelque  douleur  persistante  dans  un  des  côtés  de  la  poitrine,  des  sangsues 
ou  mieux  des  ventouses  scarifiées  deviennent  utiles. 

Les  révulsifs  cutanés  sont  souvent  avantageux,  ils  consistent  en  des 
frictions  sèches  aromatiques  sur  le  thorax,  des  emplâtres  rubéfiants  ou 
même  vésicants  (poix  de  Bourgogne,  vésicatoires),  des  frictions  avec 
l'huile  de  croton  tiglium  ou  la  pommade  émétisée. 


606  BRONCHES.  —  bronchite  chronique  (thérapeutique). 

Narcotiques.  —  Entre  tous  les  remèdes  employés  contre  la  toux,  il 
n'eu  est  pas  de  plus  universel,  ni  de  plus  efficace  que  l'opium.  Il  est 
essentiellement  palliatif  de  la  bronchite  chronique,  il  parvient  souvent  «à 
la  guérir  en  supprimant  les  éléments  qui  la  constituent.  Il  convient 
moins  aux  personnes  sanguines,  pléthoriques;  il  est  plus  avantageux  aux 
personnes  d'un  tempérament  nerveux  et  lymphatique.  Il  produit  de  bons 
effets  chez  les  enfants,  mais  son  emploi  réclame  beaucoup  de  prudence 
et  de  ménagements.  Il  en  est  de  même  pour  les  vieillards.  11  est  indiqué 
lorsque  la  fièvre  est  nulle  ou  légère,  la  toux  quinteuse,  la  respiration  libre. 
fl  est  contre-indiqué  lorsqu'il  existe  de  l'oppression,  des  crachats  abon- 
dants et  visqueux,  alors  il  aggrave  les  symptômes  en  supposant  à 
l'expulsion  des  crachats.  Parmi  les  préparations  d'opium,  je  citerai 
X* extrait  aqueux  ou  gommeilx,  l'un  des  plus  usités  et  des  plus  utiles;  la 
morphine,  la  codéine,  l'action  de  celle-ci  est  plus  faible;  enfin,  la  nar- 
céine,  qui  a  été  récemment  employée  avec  quelque  succès. 

Les  autres  sédatifs  du  système  nerveux  mis  en  usage  contre  la  bron- 
chite chronique,  sont  :  la  belladone,  la  jusquiame,  le  datura  stramo- 
nium,  la  ciguë,  Yaconït,  etc.,  etc. 

Le  Phellandrium  aquaticum,  qui  avait  été  vanté  en  Allemagne  par 
Herz  et  llufeland  comme  un  spécifique  de  la  phthisie  pulmonaire,  a  été 
préconisé  par  Michéa  dans  la  bronchite  chronique.  Les  semences  de  celte 
plante  calment  la  toux,  diminuent  ou  font  cesser  l'oppression,  faci- 
litent l'expectoration;  elles  paraissent  exercer  une  influence  favorable 
sur  les  organes  de  la  respiration. 

Le  tartre  stibié  a  été  souvent  conseillé  dans  la  bronchite  chronique. 
Laennec  le  donnait  à  la  dose  de  5  à  10  centigrammes  tous  les  deux  ou 
trois  jours.  Bernardeau  (de  Tours)  se  contentait  également  de  doses  très- 
faibles  (tartre  stibié,  0gr,05  centigrammes;  extrait  de  réglisse,  6  grammes, 
en  25  pilules  :  trois  par  jour,  jamais  au  delà  de  six).  Thompson  ad- 
ministrait 5,  10,  15  centigrammes  toutes  les  deux  ou  trois  heures, 
suivant  les  circonstances. 

A  la  clinique  interne  de  l'hôpital  Saint-André  (de  Bordeaux),  le  tartre 
stibié  a  été  fréquemment  employé  à  haute  dose  dans  la  bronchite  chro- 
nique, et  ses  effets  thérapeutiques  ont  été  l'objet  d'une  étude  toute  par- 
ticulière. Déjà,  dans  le  service  clinique  de  mon  père,  j'en  avais  appréei 
les  résultats,  et  j'avais  cherché  à  en  déterminer  l'action.  Plus  tard,  charg 
de  ce  service,  j'ai  continué  cette  expérimentation,  et  j'en   ai   suivi  le 
effets  avec  un  grand  intérêt. 

J'ai  recueilli  quarante-un  faits  (59  hommes,  c2  femmes)  de  bronchite 
traitée  par  cette  méthode  dont  l'importance  et  l'utilité  pratique  m'aulo- 
risenl  à  entrer  dans  quelques  détails  : 

8  malades  avaient  de ,    .  v20  à  ~»0  ans, 

14      —  —      de. 30  à  40  ans. 

6      —  —       de •.  40  à  .")')  ans, 

t(»  —       de 50  à  60  ans. 

2       —  —      de 60  à  70  ans. 

1       —  —       de 70  à  80  ans. 


IHiONCHtëS.    —    BRONCHITE    CHRONIQUE    (THÉRAPEUTIQUE) .  fit»? 

Ces  cas  de  bronchite  ont  donc  été  plus  communs  chez  les  individus  qui 
avaient  moins  de  cinquante  ans,  que  chez  ceux  qui  avaient  dépassé  cet 
âge;  ils  ont  été  plus  fréquents  de  vingt  à  trente  ans  que  de  soixante  à 
quatre-vingts  ans. 

La  plupart  des  malades  avaient  des  professions  qui  les  exposaient  aux 
vicissitudes  atmosphériques,  et  les  obligeaient  à  des  travaux  pénibles. 
Ainsi,  il  y  avait  16  terrassiers,  T>  charpentiers,  2  scieurs  de  long  et  2  por- 
tefaix. 

Presque  tous  avaient  été  atteints  d'affections  diverses  avant  leur  entrée 
à  l'hôpital  ;  quelques-uns  avaient  eu  des  lièvres  intermittentes,  d'autres 
une  pleurésie,  une  pneumonie  ou  une  hémoptysie.  En  général,  ils  avaient 
été  déjà  atteints  de  bronchite,  soit  aiguë,  soit  chronique,  dette  maladie 
remontait  à  un  an,  trois  ans,  quatre  ans,  cinq  ans,  six  ans,  sept  ans, 
onze  ans  et  quinze  ans  :  une  fois  elle  existait  depuis  l'enfance. 

La  dernière  attaque,  celle  pour  laquelle  les  malades  venaient  à  l'hôpi- 
tal, datait  18  fois,  de  2  mois;  7  fois,  de  5  mois;  3  fois,  de  \  mois;  au- 
tant de  5  et  6  mois  ;  1  fois  d'un  an  ;  2  fois  de  5  ans. 

Chez  un  grand  nombre,  la  bronchite  s'était  renouvelée  avec  une  grande 
facilité.  C'est  ordinairement  en  hiver  que  cette  phlegmasie  récidive  : 
toutefois  les  malades  ont  été  ainsi  distribués  :  il  y  en  a  eu  8  en  hiver, 
12  au  printemps,  14  en  été,  et  7  en  automne. 

Chez  tous,  on  observait  une  toux  fréquente,  opiniâtre,  qui  souvent 
s'exaspérait  la  nuit,  et  déterminait,  par  son  intensité,  des  vomissements, 
des  douleurs  dans  quelques  points  du  thorax  ou  de  l'abdomen. 

L'expectoration  était  très-abondante;  plusieurs  fois  les  crachats,  au 
début,  avaient  été  teints  de  sang;  dans  les  autres  cas,  ils  avaient  été 
d'abord  aqueux,  muqueux;  ils  avaient  pris  ensuite  de  la  consistance, 
et  étaient  devenus  épais,  jaunâtres,  et  d'aspect  purulent.  J'insiste  sur 
ces  caractères,  parce  qu'ils  méritent  de  fixer  l'attention.  La  quantité  de 
l'expectoration  était  considérable.  Tous  les  matins,  de  larges  surfaces 
étaient  recouvertes  de  ces  crachats,  que  l'on  eut  dit  provenir  de  vastes 
cavernes  pulmonaires. 

En  général,  la  respiration  n'était  pas  gênée;  il  n'y  eut  d'oppression 
que  chez  peu  d'individus. 

Le  thorax,  percuté,  offrait  de  la  sonorité  dans  presque  toute  son  éten- 
due ;  cependant  quelques  points  circonscrits  présentaient  de  la  matité, 
soit  d'un  côté,  soit  de  l'autre;  parfois,  vis-à-vis  de  l'angle  inférieur  du 
scapuluni;  plusieurs  autres  fois,  sous  l'une  des  clavicules. 

Le  murmure  respiratoire  s'entendait  assez  bien  dans  toute  la  poitrine, 
surtout  en  avant  et  sous  les  clavicules;  il  était  plus  faible  sur  les  cotes, 
Quelques  râles  se  firent  distinguer,  plus  souvent  le  muqueux  que  le  sibi- 
lant; parfois  des  craquements  aux  fosses  sus  et  sous-épineuses.  11  y  avait 
une  bronchophonie  bien  manifeste. 

Les  battements  du  cœur  étaient  réguliers,  le  pouls  était  plus  ou  moins 
fréquent;  il  y  a  eu,  néanmoins,  des  exacerbations  prononcées  et  même; 
des  accès  fébriles, qui  disparurent  sans  le  secours  du  sulfate  de  quinine; 


608  BRONCHES.  — -  bronchite  chronique  (thérapeutique). 

mais  cette  fréquence  du  pouls  était  bien  différente  de  celle  qui  a  lieu  dans 
la  phthisie  pulmonaire;  elle  n'augmentait  pas  le  soir,  il  n'y  avait  pas  de 
sueur  la  nuit. 

Les  voies  digestives  n'ont  présenté  que  de  faibles  ou  passagères  alté- 
rations. 

Plusieurs  moyens  avaient  été  employés  sans  succès.  La  saignée, 
les  ventouses  scarifiées,  les  vésicatoires  aux  membres  inférieurs  et 
sur  la  poitrine,  les  emplâtres  stibiés,  les  cautères,  le  kermès,  l'oxyde 
blanc  d'antimoine,  l'opium,  à  doses  diverses,  l'oxymel  scillitique,  etc., 
n'avaient  changé  en  rien  l'état  des  malades. 

Le  tartre  stibié  fut  donné  aux  doses  de  30,  40,  50  et  60  centigrammes, 
avec  5  ou  4  centigrammes  d'opium  ou  sans  opium.  Quatre  malades  en 
prirent  en  tout  moins  d'un  gramme;  huit,  de  1  à  2  grammes;  six,  de 
2  à  5  grammes;  quatre,  de  5  à  6  grammes:  trois,  de  7  à  8  grammes; 
un,  plus  de  8  grammes;  deux,  plus  de  9,  et  un  en  prit  10  grammes  et 
19  centigrammes. 

Ce  traitement  stibié  dura  chez  neuf  malades,  moins  de  5  jours;  chez 
treize,  de  5  à  10  jours;  chez  neuf,  de  10  à  15  jours;  chez  quatre,  de  15 
à  20  jours;  chez  trois,  de  c20  à  25  jours,  et  chez  trois  encore,  de  25  à 
7)0  jours. 

Les  effets  obtenus  furent  assez  prompts  ;  la  toux  céda  la  première.  Ce 
changement  s'est  effectué  chez  treize  malades  dès  le  deuxième  jour;  chez 
dix,  le  troisième  ;  chez  huit,  le  quatrième;  chez  six,  le  sixième;  chez 
quatre,  du  huitième  au  douzième  jour. 

La  diminution  de  l'expectoration  s'est  montrée  en  mémo  temps,  mais 
les  crachats  n'ont  cessé  de  présenter  l'aspect  purulent  que  quelques  jours 
après.  Cette  transformation  s'est  opérée  11  fois  avant  le  quatrième  jour  ; 
21  fois  du  cinquième  au  dixième  jour;  8  fois  du  onzième  au  trentième 
jour.  On  peut  donc  dire  que  ces  changements  ont  été  assez  facilement 
obtenus  le  plus  généralement  heureux  et  exempts  d'inconvénients. 

Chez  un  seul,  sur  41  malades,  le  tartre  stibié  n'a  apporté  aucune 
modification,  soit  dans  la   toux,  soit  dans  les  crachats. 

Le  pouls,  qui  était  en  général  calme  et  peu  fréquent,  a  conservé  le 
même  caractère  chez  52  malades;  5  fois  il  a  été  sensiblement  ralenti,  et 
4  fois  accéléré. 

Les  effets  sensibles  du  tartre  stibié  sur  les  organes  digestifs  ont  été 
peu  considérables  et  par  cela  môme  fort  remarquables. 

La  tolérance  s'est  établie  d'emblée  chez  11  malades  ;  elle  ne  s'est  main- 
tenue que  8  fois.  L'intolérance  a  persisté  pendant  toute  la  durée  du  trai- 
tement stibié,  chez  5  malades. 

Les  vomissements  ou  les  selles  liquides  ont  ordinairement  cessé  dès  le 
deuxième  ou  le  troisième  jour;  alors  le  tartre  stibié  était  supporté  avec  la 
plus  grande  facilité,  les  fonctions  digestives  n'étaient  nullement  trou- 
blées; les  malades  ont  pu  prendre  de  la  soupe,  du  riz  au  lait,  du  pain, 
et  même,  dans  les  derniers  temps  de  l'emploi  prolongé  du  tartre  stibié, 
ils  ont  pris  la  demi- portion  et  l'ont  très-bien  digérée. 


BRONCHES.  —  BROKCiiiTE  chronique  (thérapeutique).  609 

11  est  survenu  des  indices  d'irritation  à  l'entrée  des  voies  digestives.  11 
y  a  eu  de  la  rougeur  dans  le  pharynx  chez  un  malade,  éruption  pustu- 
leuse chez  quelques  autres.  Ces  affections  ont  cessé  rapidement. 

Après  les  résultats  qui  viennent  d'être  indiqués  et  qui  remontent  déjà 
à  plusieurs  années,  le  tartre  stibié  a  été  employé  maintes  fois  à  la  clinique 
interne  de  Bordeaux,  dans  les  cas  spéciaux  de  bronchite  opiniâtre,  avec 
expectoration  très-abondante  et  purilbrmc,  exempte  d'irritation  vive  des 
voies  respiratoires. 

Schùtzenberger  a  insisté  sur  l'utilité  des  expectorants  ;  il  a  cherché  à 
en  expliquer  l'action.  Deux  circonstances,  selon  lui,  réclament  cette 
médication  :  1°  l'accumulation  des  mucosités  dans  les  bronches  par  dé- 
faut d'expectoration  ;  2°  une  sécrétion  très-abondante  qui  verse  incessam- 
ment des  fluides  dans  les  voies  aériennes,  les  obstrue  et  rend  l'asphyxie 
imminente.  L'expectoration  a  longtemps  été  considérée  comme  le  résultat 
d'un  acte  de  compression  purement  mécanique  qu'éprouvent  les  pou- 
mons par  le  resserrement  du  thorax,  ayant  pour  effet  l'entraînement  des 
crachats  par  le  courant  de  l'air,  lors  des  efforts  de  la  toux.  Ces  actes,  dit 
le  professeur  de  Strasbourg,  concourent  bien  à  l'expulsion  des  liquides 
arrivés  dans  la  trachée,  le  larynx  ou  les  grosses  bronches  ;  mais  com- 
ment la  toux  peut-elle  débarrasser  les  ramifications  bronchiques  les  plus 
déliées,  celles  qui  avoisinentles  vésicules  pulmonaires?  Les  canaux  aériens 
ne  sont  pas  des  tubes  inertes,  ils  sont  doués  d'élasticité  et  jouissent 
d'une  certaine  contractilité.  Or,  quand  l'expectoration  est  diflicile  ou 
impossible,  il  surgit  une  indication  rationnelle,  celle  de  provoquer,  d'ex- 
citer la  contraction  des  canaux  dont  le  concours  est  nécessaire  à  l'expul- 
sion des  liquides.  Cette  indication  est  remplie  par  les  expectorants;  en 
tète  se  placent  les  antimoniaux,  en  particulier  le  tartre  stibié,  dont  il 
vient  d'être  fait  mention,  mais  qui,  comme  simple  expectorant,  s'admi- 
nistre à  la  dose  de  1  à  5  centigrammes  dans  une  potion  ou  en  pilules; 
le  kermès  minéral  qu'on  donne  à  la  dose  de  5  à  50  centigrammes  ;  Y  oxyde 
blanc  d'antimoine,  à  celle  de  1  à  4  grammes. 

Le  polygala  de  Virginie  est  donné  à  la  dose  de  2  à  10  grammes  dans 
un  litre  d'eau  pour  tisane,  et  dans  150  grammes  pour  une  potion. 

La  (jomme  ammoniaque  fait  la  base  des  bols  de  Galien  (styrax,  galba- 
num,  gomme  ammoniaque,  castoréum,  opium),  des  pilules  dites  balsa- 
miques de  Morton  (gomme  ammoniaque,  benjoin,  safran,  baume  de  Tolu, 
soufre  anisc).  Elle  est  conseillée  par  Van  deu  Corput  sous  la  forme  sui- 
vante :  extrait  de  scille,  5  à  8  centigrammes  ;  gomme  ammoniaque, 
10  centigrammes;  chlorhydrate  de  morphine,  5  milligrammes  ;  pour  une 
pilule,  on  en  donne  de  2  à  4  par  jour.  La  gomme  ammoniaque,  associée 
à  l'ipécacuanha,  est  encore  utile  dans  la  bronchite  chronique  quand  la 
sécrétion  est  visqueuse  et  l'expectoration  diflicile. 

Delvaux  donne,  dans  la  bronchite  chronique,  le  chlorhydrate  d'ammo- 
niaque à  la  dose  de  1  à  5  grammes  par  jour;  il  en  résulte,  dit-il,  ordi- 
nairement une  forte  transpiration,  des  urines  abondantes,  un  mouvement 
fébrile  momentané  ;  puis  la  dyspnée  diminue,  la  toux  devient  moins  pé- 

NOUV.    DICT.    MÉD.    ET   CHIB.  V.  50 


610  BRONCHES.  —  bronchite  chronique  (thérapeutique). 

nible,  l'expectoration  plus  facile  et  moins  abondante.  Saucerotte  (de  Lu- 
néville)  a  fait  usage  de  ce  médicament  avec  succès;  il  apporte  cependant 
à  son  emploi  quelques  restrictions.  Il  l'a  vu  déterminer  parfois  une 
hémoptysie,  et  il  considère  comme  contre-indication  formelle  l'état  fé- 
brile ou  une  certaine  activité  dans  les  organes  centraux  de  la  circu- 
lation. 

Les  excitants  balsamiques  sont  administrés  avec  avantage  dans  la 
bronchite  chronique,  mais  tout  phénomène  inflammatoire  doit  être  com- 
plètement dissipé.  Au  premier  rang  se  place  la  térébenthine.  Elle  est 
donnée  surtout  chez  les  vieillards  affectés  de  bronchite  mucoso-puru- 
lente,  sans  toux  notable,  sans  symptôme  d'irritation.  Elle  est  suspendue 
dans  une  émulsion  d'amandes,  à  la  dose  de  2  à  16  grammes  pour 
250  grammes  de  véhicule,  ou  dissimulée  dans  des  capsules  gélatineuses. 
Le  professeur  Trousseau  lui  accorde  une  valeur  thérapeutique  importante. 
C'est  en  bains  et  en  inhalations  que  Chevandier  (de  Die)  l'emploie  dans 
le  catarrhe  pulmonaire.  Il  a  imaginé  pour  cet  usage  un  appareil  spécial 
décrit  à  l'article  Bains  (voy.  t.  IV,  p.  489). 

Veau  de  goudron  est  une  des  boissons  les  plus  recommandées  dans  les 
flux  muqueux  et  muco-purulents,  dans  les  phlegmasies  chroniques  de  la 
membrane  trachéo-bronchique.  Elle  est  conseillée  par  Laennec  comme 
boisson  habituelle  (goudron,  1,000  grammes;  eau,  10  litres.  Faites  ma- 
cérer dix  jours,  décanter,  filtrer,  à  prendre  par  tasses,  coupée  avec  du 
lait).  Comparant  l'action  de  la  créosote  et  du  goudron  dans  les  affec- 
tions chroniques  de  la  poitrine,  Pétrequin  a  constaté,  à  la  suite  d'expéri- 
mentations cliniques  multipliées,  que  le  goudron  produisait  des  effets 
plus  avantageux.  Sales-Girons  a  vivement  préconisé  les  fumigations  de 
goudron  contre  la  bronchite.  Emollientes  et  toniques,  ces  vapeurs  de- 
viennent un  topique  spécifique  ;  c'est  le  baume  sur  la  plaie. 

L'infusion  de  bourgeons  de  sapin,  les  baumes  de  Tolu,  du  Pérou,  de 
la  Mecque,  le  benjoin,  sont  des  agents  utiles  de  la  médication  balsa- 
mique. 

L'influence  salutaire  du  baume  de  copahu  dans  la  blennorrhagie  a 
donné  l'idée  de  l'employer  dans  la  bronchite  chronique  avec  expectora- 
tion abondante  et  puriforme.  Halle,  Armstrong,  Ribes,  Delpech,  Laroche, 
lui  ont  dû  de  belles  guérisons.  Bretonneau  fit  disparaître  une  bronchite 
chronique  très-intense  à  l'aide  du  baume  de  copahu  administré  en  la- 
vement. Comment  agit  ce  médicament?  Est-ce  en  modifiant  par  une 
propriété  spécifique  la  vitalité  des  membranes  muqueuses,  ou  bien  en 
déterminant  une  action  stimulante  sur  l'intestin?  En  un  mot,  est-il  spé- 
cifique ou  révulsif?  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  reproduire  les  discussions 
soulevées  à  cet  égard  depuis  longtemps. 

Astringents.  —  Ils  sont  administrés  dans  le  but  de  donner  du  ton  à  la 
membrane  muqueuse  relâchée  et  d'arrêter  une  sécrétion  trop  abondante. 
Le  tannin,  le  cachou,  la  ratanhia,  la  monésia,  Y  acétate  de  plomb,  rem- 
plissent ces  indications. 

Headlam  Greenhow  recommande  la  teinture  (ïécorce  de  mélèze  contre 


BRONCHES.  —  bronchite  chronique  (thérapeutique).  Gil 

l'hypersécrétion  bronchique.  Il  prescrit  cette  teinture  à  la  dose  de  20  à 
30  gouttes  dans  une  potion  composée  de  teinture  de  gentiane,  d'acide 
chlorhydrique  et  d'eau  ;  il  y  ajoute,  suivant  les  indications,  du  vin 
d'ipécacuanha,  de  la  teinture  de  jusquiamc  ou  de  la  teinture  de  camphre 
composée. 

L'éther  acétique  est  peu  employé.  Turnbull  l'ayant  prescrit  dans  plu- 
sieurs cas  de  bronchite  chronique,  à  la  dose  de  20  à  40  gouttes  par  jour, 
affirme  qu'il  exerce  une  action  prompte  et  efficace  sur  la  muqueuse  des 
voies  aériennes,  il  calme  l'irritation  de  cette  membrane,  en  diminue  les 
sécrétions  trop  abondantes.  Je  l'ai  quelquefois  conseillé,  et  il  m'a  paru, 
dans  plusieurs  circonstances,  mériter  les  éloges  qui  lui  ont  été  décernés 
par  le  médecin  de  Liverpool. 

Laborde  a  étudié  l'action  du  chlorate  de  potasse  dans  la  bronchite  aiguë 
et  chronique.  D'un  certain  nombre  de  faits  cliniques,  il  conclut  que  ce 
médicament,  à  la  dose  de  10  grammes  dans  une  assez  grande  quantité 
de  véhicule,  exerce  une  action  modificatrice  incontestable  sur  la  mu- 
queuse bronchique  enflammée.  Cette  action  se  manifeste  par  les  effets 
suivants  :  modification  rapide  de  l'expectoration,  qui  devient  d'abord  plus 
liquide,  plus  diluée,  perd  ensuite  de  son  abondance  et  enfin  se  supprime 
complètement;  diminution  presque  immédiate  des  bruits  morbides, 
amendement  de  la  toux,  excitation  particulière  de  l'appétit. 

La  notion  des  bons  effets  de  Y  arsenic  contre  les  affections  pulmonaires 
chroniques  remonte  à  l'antiquité  la  plus  reculée,  puisque  Dioscoride  le 
donnait  à  l'intérieur  contre  la  toux  invétérée.  De  nos  jours,  ce  médica- 
ment, entre  les  mains  de  médecins  qui  le  manient  à  la  fois  avec  hardiesse 
et  avec  prudence,  a  donné  d'excellents  résultats.  Il  est  indiqué  lorsque 
la  bronchite  chronique  coïncide  ou  alterne  avec  des  éruptions  cutanées 
chroniques;  ces  deux  affections  étant  une  double  expression  de  l'état 
constitutionnel  désigné  sous  le  nom  de  diathèse  herpétique.  C'est  Trous- 
seau qui  a  vulgarisé  cette  médication.  L'arsenic  à  l'intérieur  et  en  fumi- 
gations, sous  forme  de  cigarettes,  produit  souvent  d'excellents  résultats 
(voy.  Arsenic,  t.  III,  p.  120). 

Graves  regarde  le  mercure  comme  un  agent  très-efficace  dans  quel- 
ques formes  de  bronchite,  toutefois  il  ne  faudrait  pas  en  conseiller  l'usage 
dans  tous  les  cas  indistinctement.  On  ne  sait  pas  assez  peut-être,  dit  ce 
professeur,  que  les  mercuriaux  peuvent  amender  et  même  guérir  les 
phlegmasies  chroniques  des  bronches,  entre  autres  les  catarrhes  anciens 
compliqués  de  symptômes  asthmatiques. 

Le  soufre  et  surtout  ses  préparations  sont  fréquemment  mis  en  usage 
dans  la  bronchite  chronique,  et  ils  rendent  des  services  incontestables. 
Le  soufre  pris  à  l'intérieur  est  éliminé  par  les  reins  sous  forme  de  sul- 
fate, parla  peau  et  les  muqueuses  sous  forme  d'hydrogène  sulfuré,  c'est 
ainsi  qu'on  a  expliqué  les  effets  qu'il  produit  dans  les  phlegmasies  chro- 
niques des  bronches.  Hoffmann  avait  l'habitude  d'ajouter  du  soufre  à  ses 
prescriptions  toutes  les  fois  qu'il  avait  à  combattre  la  toux  chez  des 
sujets  affaiblis.  Graves  affirme  que  le  soufre  à  la  dose  de  0,s'50  à  0gr,60 


612  BRONCHES.  —  bronchite  chronique  (thérapeutique). 

répétée  trois  ou  quatre  fois  par  jour  est  un  des  meilleurs  agents  thérapeu- 
tiques contre  les  toux  rebelles  compliquées  d'hypersécrétion  bronchique. 
La  médication  sulfureuse  est  une  de  celles  que  les  praticiens  conseillent  le 
plus  fréquemment,  et  qui  dans  les  phlegmasies  chroniques  des  bronches 
compte  le  plus  de  succès,  toutefois  il  importe  de  ne  l'employer  que  lors- 
que tout  phénomène  phlegmasique  est  dissipé,  et  d'en  mesurer  la  dose 
avec  un  grand  soin. 

Eaux  minérales.  —  Celles  qui  ont  pour  base  le  soufre  sont  en  général 
douées  d'une  grande  efficacité  contre  la  bronchite  chronique.  Elles  ont, 
pour  but  de  combattre  un  catarrhe  habituel  et  persistant  ou  d'empêcher 
la  tendance  aux  récidives.  Je  mentionnerai  les  eaux  de  Bonnes,  de  Cau- 
terets,  de  Labasserre,  d'Enghien,  du  Vernet,  d'Amélie  (Pyrénées-Orien- 
tales), d'Aix  (Savoie),  de  Pierrefonds,  d'Aix-la-Chapelle,  qui  me  paraissent 
plus  spécialement  indiquées.  Les  eaux  du  Mont-Dore,  d'Ems,  ont  été  sou- 
vent utiles  dans  des  circonstances  analogues.  (Voy.  les  articles  consacrés 
à  ces  diverses  stations  thermales.) 

Les  fumigations  sont  souvent  utiles  dans  la  bronchite  chronique.  On 
peut  se  passer  d'un  appareil  particulier.  Il  suffît  pour  cela  de  maintenir 
les  parties  malades  exposées  au-dessus  de  la  substance  qui  laisse  dégager 
la  vapeur.  Les  appareils  de  Mulki  et  de  Traube  usités  en  Allemagne,  l'ap- 
pareil deMandl,  de  Mayer,  l'aspirateur  hygiénique  de  Baillemont  seront 
décrits  à  l'article  Fumigation. 

Toulmouche  (de  Rennes)  a  employé  des  fumigatious  de  chlore,  il  con- 
clut de  ses  observations  que  le  chlore  ainsi  administré  dans  la  bronchite 
chronique  abrège  beaucoup  la  durée  de  cette  maladie. 

Rouxeau  a  été  conduit  par  le  hasard  à  user  des  inhalations  d'éther. 
Evidemment,  dit-il,  les  vapeurs  d'éther  doivent  se  rapprocher  de  tous 
les  médicaments  introduits  sous  forme  de  gaz  dans  les  voies  respira- 
toires modifiées  pathologiquement.  Leur  action  n'est  point  différente 
quant  au  fond  de  celle  des  vapeurs  de  benjoin,  d'arsenic,  de  goudron, 
de  chlore,  d'ammoniaque.  Moins  insupportables,  moins  violentes,  plus 
maniables  que  ces  dernières,  elles  sont  plus  efficaces,  plus  profondé- 
ment modificatrices,  bien  que  plus  fugaces.  Cette  action  lui  semble  de- 
voir être  comparée  à  celle  du  nitrate  d'argent  dans  les  phlegmasies  ou  les 
catarrhes  des  muqueuses.  Les  vapeurs  d'éther  peuvent  au  moyen  de  fortes 
inspirations  envahir  jusqu'aux  dernières  divisions  des  bronches.  Leur  ex- 
trême volatilité  est,  d'un  autre  côté,  une  sûre  garantie  contre  une  action 
trop  profonde  et  trop  prolongée. 

Pulvérisation.  —  C'est  à  Sales-Girons  que  revient  l'honneur  d'avoir 
constitué  cette  méthode  et  de  l'avoir  vulgarisée.  Les  substances  employées 
sous  forme  de  liquide  pulvérisé  dans  la  bronchite  chronique  sont  l'eau 
sulfureuse,  le  goudron,  les  solutions  d'iode,  de  chlore,  de  tannin,  de 
perchlorure  de  fer.  Souvent  ce  mode  d'administration  a  obtenu  d'excel- 
lents résultats.  Toutefois,  je  ferai  remarquer  (pie  si  quelques  méde- 
cins, comme  O'IIcnry  père,  Demarquay,  Moura-Bourouillou,  Tavernier, 
admettent  la  pénétration  des  poussières  liquides  jusque  dans  les  princi- 


BRONCHES.  —  bronchite  chronique  (thérapeutique).  613 

pales  ramifications  bronchiques,  Briau,  de  Pietra-Santa,  Delore,  Fournie, 
la  contestent  dune  manière  absolue.  {Voy.  Pulvérisation.) 

Injections  dans  les  bronches.  —  Ce  fut  en  1816  que  Charles  Bell,  le 
premier,  cautérisa  la  glotte  avec  succès  au  moyen  d'une  solution  concen- 
trée de  nitrate  d'argent.  En  1818,  Bretonneau  appliquait  aux  maladies 
du  larynx  cette  médication  topique,  que  Trousseau  a  plus  tard  préconisée 
avec  un  grand  talent.  Mais  Horace  Creen  (de  New-York),  avec  plus  d'au- 
dace probablement  que  de  bonheur,  a  voulu  généraliser  à  toute  l'éten- 
due des  voies  aériennes  cette  application  de  la  méthode  substitutive.  Il  a 
injecté,  du  moins  le  croit-il,  une  solution  de  nitrate  d'argent  dans  la  tra- 
chée, les  bronches  et  même  les  cavernes  pulmonaires.  L'appareil  de 
Grcen  consiste  en  un  cathéter  ordinaire  de  gomme  élastique  flexible 
et  une  petite  seringue  de  verre  ou  d'argent.  La  sonde  de  gomme  élas- 
tique a  environ  52  centimètres,  et  comme  la  distance  des  dents  inci- 
sives à  la  bifurcation  des  bronches  est,  chez  l'adulte,  d'environ  24  centi- 
mètres, si  le  cathéter  est  introduit  jusqu'à  ce  qu'il  n'en  reste  plus  que 
6  centimètres  environ  hors  de  la  bouche,  son  extrémité  inférieure,  pourvu 
qu'elle  ait  pénétré  dans  la  trachée,  parvient  nécessairement  à  Tune  ou 
l'autre  de  ses  divisions.  Green  prépare  ses  malades  en  introduisant  pen- 
dant une  ou  deux  semaines  la  sonde  de  gomme  élastique  à  l'entrée  de  la 
glotte,  jusqu'à  ce  que  la  sensibilité  du  larynx  soit  de  beaucoup  diminuée. 
Alors,  courbant  légèrement  cette  sonde,  il  la  plonge  dans  l'eau  froide,  ce  qui 
la  durcit  momentanément  et  rend  inutile  l'emploi  d'un  mandrin;  la  tète 
du  malade  est  maintenue  renversée  en  arrière;  il  abaisse  la  langue  et  porte 
l'extrémité  courbée  de  l'instrument  sur  la  face  laryngienne  de  l'épiglotte  ; 
puis,  la  glissant  rapidement  à  travers  la  glotte,  il  la  pousse  jusqu'à  la 
bifurcation  trachéale  ou  au  delà,  s'il  est  nécessaire.  Le  malade  doit  con- 
tinuer à  respirer;  l'intromission  de  la  sonde  est  plus  facile  pendant  l'in- 
spiration. La  canule  de  la  seringue  est  alors  portée  dans  l'ouverture  de  la 
sonde,  et  l'on  pousse  l'injection.  Ce  dernier  temps  de  l'opération  doit 
s'effectuer  aussi  vite  que  possible,  car  le  spasme  de  la  glotte  est  immi- 
nent. En  effet,  si  la  sensibilité  de  l'ouverture  de  la  glotte  n'a  pas  été  cal- 
mée déjà, par  des  injections  de  nitrate  d'argent,  ou  si  le  tube  touche  rude- 
ment les  lèvres  de  la  glotte,  il  se  produit  inévitablement  un  spasme  qui 
s'oppose  d'une  manière  absolue  à  la  suite  de  l'opération.  L'épiglotte  qui 
est  presque  insensible  sert  de  guide  pour  l'introduction  de  la  sonde.  La 
force  de  la  solution  injectée  est  de  6  à  15  décigrammes  par  50  grammes 
d'eau.  On  peut  successivement  élever  la  dose 

Dans  les  cas  de  bronchite,  d'asthme  et  de  tubercules,  l'injection  faite 
une  ou  deux  fois  par  semaine,  diminue  presque  infailliblement,  assure 
Green,  la  toux  et  l'expectoration,  notamment  dans  les  deux  premières 
de  ces  maladies;  beaucoup  de  malades  ont  guéri  par  ce  traitement  local, 
après  que  tous  les  autres  moyens  avaient  échoué.  Les  applications  de  la 
sonde  doivent  être  continuées  dans  l'intervalle  des  injections. 

Hugues  Bennett  (d'Edimbourg)  annonce  avoir  publiquement  introduit 
une  sonde  dans  le  conduit  trachéal  chez  sept  malades.  Cinq  des  sujets 


614  BRONCHES.  —  bronchite  chronique  (thérapeutique). 

étaient  phthisiques  à  divers  degrés,  .un  était  atteint  de  laryngite  chroni- 
que avec  bronchite  et  un  de  bronchite  chronique  avec  accès  *ô° asthme. 
Chez  la  plupart,  l'opération  a  été  exécutée  assez  facilement;  chez  quel- 
ques-uns, cependant,  il  ne  fut  pas  possible  de  pratiquer  le  cathétérisme, 
tantôt    l'épiglotte    ne    pouvait   être   convenablement  découverte,  tantôt 
l'isthme  du  gosier  était  trop  irritable,  ou  bien  encore,  la  pression  de  la 
spatule  produisait  trop  de  toux  et  d'irritation.  Le  sujet  affecté  d'asthme  a 
subi  onze  fois  le  cathétérisme  trachéal  avec  injection  au  moyen  d'une  se- 
ringue de  verre  de  8  grammes  d'une  solution  caustique  contenant  2  gram- 
mes de  nitrate  d'argent  par  50  grammes  d'eau.  Ce  traitement  a  amené  la 
suppression   momentanée  de   l'expectoration,  calmé  la  toux  et  éloigné 
les  accès  d'asthme.  Au  moment  de  l'injection,  la  malade  (femme  de  vingt- 
quatre  ans)  accusait  un  agréable  sentiment  de  chaleur  dans  la  poitrine.  Grie- 
singer  rapporte  l'observation  détaillée  d'un  individu  âgé  de  vingt-cinq  ans, 
atteint  de  bronchite  chronique  avec  dilatation  assez  uniforme  des  grosses 
bronches  particulièrement  développées  dans  le  lobe  inférieur  droit  avec 
induration  des  tissus  voisins  et  hypersécrétion  de  la  muqueuse.  Après 
avoir  employé  inutilement  un  certain  nombre  de  remèdes,  Griesinger  se 
décida  à  essayer  le  traitement  de  Bennett.  Yoici  comment  il  procéda  : 
Du  10  au  22  février  1845,  il  introduisit   deux  fois  par  jour  une  éponge 
fixée  au  bout  d'une  baleine,   d'abord  sur  l'épiglotte,  puis  à  travers  la 
glotte.  Le  8  mars,  il  y  poussa  une  sonde  élastique,  et  tous  les  jours  plus 
profondément.  Le  19  mars,  la  sonde  pouvait  être  introduite  très-libre- 
ment. L'expérience  avec  la  flamme  d'une  bougie  prouva  que  l'opération 
avait  réussi,  et  il  injecta  successivement  une  solution  de  nitrate  d'ar- 
gent (1,0  pour  eau  50,0),  de  plomb  et  de  sulfate  de  fer.  On  n'a  pas  fait 
connaître  le  résultat  de  cette  médication. 

Ce  mode  de  traitement  suscita  en  Amérique  des  débats  passionnés,  et 
une  vive  critique  de  la  part  des  écrivains. 

L'Académie  de  médecine  de  New-York,  après  une  discussion  sérieuse, 
adopta  les  conclusions  suivantes  d'un  rapport  que  lui  avait  soumis  une  com- 
mission nommée  dans  le  but  de  contrôler  les  expériences  d'Horace  Green  : 
1°  le  cathétérisme  des  voies  aériennes  remonte  au  temps  d'Hippocrate;  2°  le 
meilleur  témoignage  du  passage  de  l'instrument  dans  les  conduits  de  Pair 
est  fourni  par  les  signes  rationnels  (et  non  par  les  signes  physiques); 
3°  la  facilité  de  l'opération  dépend  de  la  bonté  de  l'instrument;  le  meil- 
leur est  un  tube  à  grande  courbure;  la  tige  de  baleine  munie  d'une 
éponge  est  moins  bien  disposée  pour  pénétrer  dans  la  trachée  ;  4°  la  baleine 
porte-éponge  peut  pénétrer  dans  les  cordes  vocales  et  au  delà  ;  5°  il  n'est 
pas  démontré  aux  yeux  de  la  commission  que  l'instrument  puisse  être 
introduit  à  volonté  dans  la  bronche  droite  ou  dans  la  bronche  gauche; 
6°  dans  la  majorité  des  cas  où  l'on  a  cru  que  les  injections  avaient  pé- 
nétré dans  le  poumon,  elles  avaient  passé  directement  dans  l'estomac; 
7°  quant  à  l'utilité  des  injections  au  nitrate  d'argent  dans  les  poumons, 
les  faits  recueillis  dans  les  expériences  de  la  commission  lui  font  regarder 
l'opération  comme  aussi  dangereuse  que  difficile  à  pratiquer. 


BRONCHES.  BRONCHORRHÉE   (historique,    causes).  615 

Ces  conclusions  furent  combattues  par  plusieurs  membres  de  la  com- 
mission. Barker  surtout  affirmait  qu'un  chirurgien  habile  parviendra  tou- 
jours aisément  à  introduire  le  porte-éponge  dans  la  trachée,  et  quant  au 
cathétérisme  des  bronches  et  à  l'injection  du  poumon,  il  les  regardait 
comme  une  des  conquêtes  de  la  médecine  moderne. 

Pour  être  sûr  d'avoir  réellement  pénétré  dans  la  trachée,  Green  et 
Griesinger  avaient  recours  à  l'épreuve  de  la  flamme  d'une  bougie  pré- 
sentée à  l'extrémité  libre  du  cathéter.  Comme  cette  flamme  était  attirée 
par  l'inspiration,  et  repoussée  lors  de  l'expiration,  ils  n'avaient  pas  hé- 
sité à  admettre  que  le  cathéter  portait  librement  les  injections  dans  les 
voies  aériennes.  Mais  une  contre-épreuve,  faite  dans  le  but  de  bien  con- 
stater que  le  cathéter  était  introduit  dans  les  voies  aériennes,  vint  jeter 
quelque  trouble  au  milieu  de  ces  expérimentations.  En  portant  une 
sonde  dans  l'œsophage,  on  constata  que  les  mouvements  imprimés  à 
la  flamme  étaient  absolument  les  mêmes  que  dans  les  essais  anté- 
rieurs, et  ce  résultat  inattendu  se  présenta  dans  tous  les  cas  où  l'on 
fit  le  cathétérisme  de  l'œsophage.  Le  moyen  véritablement  décisif,  eût 
été,  ainsi  que  l'a  proposé  Dechambre,  de  faire  inspirer  le  sujet  à  l'air 
libre,  puis  de  recueillir  dans  l'eau  les  gaz  chassés  par  le  tube  pen- 
dant l'expiration,  et  de  répéter  ainsi  l'épreuve  cinq  ou  six  fois.  Il  eût  été 
facile  de  s'assurer  si  ces  gaz  venaient  des  voies  respiratoires  ou  des  voies 
digestives. 

En  résumé,  le  succès  des  injections  médicamenteuses  dans  les  pou- 
mons reste  douteux  et  illusoire;  les  observations  rapportées  par  Green, 
Bennett  et  Griesinger,  ne  sont  pas  suffisamment  concluantes.  Je  dirai 
avec  Dechambre  :  Parcourir  le  larynx,  la  trachée  et  les  bronches  avec 
une  éponge  ou  un  cathéter,  injecter  un  liquide  caustique  dans  les  bron- 
ches, constituent  une  opération  qui  n'est  pas  précisément  à  la  portée  de 
tout  le  monde,  et  dont  les  avantages  ont  besoin  d'être  démontrés  d'une 
façon  plus  péremptoire. 

Bronciiorrbée.  —  La  bronchorrhée  est  une  maladie  caractérisée 
par  l'apparition,  fréquemment  subite,  d'une  expectoration  très-abondante, 
incolore,  transparente,  spumeuse,  avec  dyspnée  intense,  sans  mouvement 
fébrile  ni  phénomènes  inflammatoires  sensibles. 

Historique.  —  C'est  Laennec  qui  le  premier  a  décrit  cette  maladie  sous 
le  nom  de  catarrhe  pituiteux  ou  phlegmorrhagie  pulmonaire.  Il  en  a  établi 
les  caractères  avec  une  telle  précision,  que  les  auteurs,  qui  depuis  s'en 
sont  occupés,  n'ont  apporté  à  sa  description  que  très-peu  de  change- 
ments. Alard  mentionne  cette  affection  sous  le  titre  de  phlegmatorrhagie 
pulmonaire.  Andral  a  donné  quelques  observations  de  flux  séreux  des 
bronches.  Roche,  Delaberge  etMonneret,  Copland,  Bricheteau,  Trousseau, 
Grisolle  et  Cruveilhier  ont  consacré  des  articles  spéciaux  à  l'étude  de 
cette  maladie. 

Causes.  —  La  bronchorrhée  s'observe  surtout  chez  les  individus  d'un 
tempérament  lymphatique,  dont  la  constitution  a  été  affaiblie  par  la  mi- 
sère, des  fatigues  ou  des  excès  de  tout  genre;  elle  se  rencontre  chez  les 


610  BRONCHES.  —  diiOugiiorreée  (symptômes). 

vieillards,  chez  les  goutteux  ;  elle  est  quelquefois  héréditaire;  elle-sur- 
vient  après  des  rechutes  Fréquentes  de  bronchite  aiguë  ;  elle  succède  à  une 
bronchite  chronique;  alors  les  caractères  inflammatoires  sont  effacés,  et 
la  sécrétion  catarrhale  persiste  par  suite  d'une  habitude  morbide  des 
tissus.  Elle  est  produite  par  l'impression  du  froid,  de  l'humidité,  par 
l'inspiration  de  vapeurs  irritantes;  elle  se  manifeste  et  se  perpétue  sous 
l'influence  de  la  diathèse  herpétique  ;  dans  ce  cas,  elle  peut  alterner  avec 
des  éruptions  cutanées  chroniques.  Elle  coïncide  avec  des  lièvres  érup- 
tives,  la  rougeole  en  particulier.  Elle  peut  s'associer  à  la  plupart  des  ma- 
ladies des  poumons,  principalement  à  la  phthisie  tuberculeuse  dans 
toutes  ses  périodes.  Elle  accompagne  souvent,  d'une  manière  intercur- 
rente, la  laryngite,  la  laryngo-trachéite  chronique,  la  bronchite,  et  sur- 
tout la  bronchite  capillaire  chronique. 

Symptômes.  —  La  bronchorrhée  se  distingue  en  aiguë  et  chronique;  ces 
deux  formes  impriment  aux  symptômes  et  à  la  marche  de  la  maladie  des 
différences  notables;  de  là,  la  nécessité  de  l'étudier  dans  ces  deux  états. 
Puis  je  dirai  quelques  mots  d'une  variété  spéciale. 

Bronchorrhée  aiguë.  —  Elle  n'est  point,  en  général,  précédée  de  troubles 
des  fonctions  respiratoires  ;  habituellement,  elle  a  un  début  assez  brusque. 
En  quelques  instants,  le  malade  est  pris  d'une  toux  fréquente  et  convul- 
sive,  d'une  dyspnée  extrême,  il  sent  distinctement  que  sa  poitrine  est 
remplie  de  liquide,  il  éprouve  un  sentiment  d'angoisse  fort  pénible,  sa 
face  se  congestionne,  devient  violacée,  les  veines  du  cou  se  tuméfient, 
l'asphyxie  est  imminente.  A  ce  moment,  survient,  une  expectoration  subite 
et  très-abondante  de  crachats  presque  incolores,  demi-transparents,  plus 
ou  moins  mélangés  d'air,  semblables  à  de  l'albumine.  Si  l'on  renverse  le 
vase  dans  lequel  les  crachats  sont  accumulés,  ils  tombent  en  masse  et 
laissent  le  vase  complètement  vide,  à  peine  s'il  y  reste  un  peu  d'écume. 
Ces  crachats  sont  rejetés  en  telle  quantité,  que  les  malades  semblent  vo- 
mir. Immédiatement  après  cette  expulsion,  la  respiration  devient  libre, 
le  visage  offre  sa  coloration  normale,  l'individu  reprend  toutes  les  appa- 
rences de  la  santé.  Cette  suspension  des  accidents  n'est  que  momentanée, 
ils  se  reproduisent  à  des  intervalles  d'une  durée  variable. 

La  percussion  ne  fournit,  en  général,  que  des  signes  négatifs;  l'aus- 
cultation fait  entendre  un  râle  sonore,  grave  ou  sibilant,  qui  imite  tantôt 
le  chant  des  oiseaux,  tantôt  le  son  vibrant  d'une  corde  de  violoncelle, 
quelquefois  le  roucoulement  d'une  tourterelle.  Elle  fait  distinguer  encore 
quelques  râles  muqueux.  Ces  râles  peuvent  exister  dans  l'intervalle  des 
attaques,  mais  ils  sont  moins  retentissants;  ils  consistent  en  un  sifflement 
sourd  qui  se  prolonge  dans  toute  l'étendue  des  bronches.  La  nuance  de 
ce  phénomène  a  été  exprimée  par  Laennec  sous  le  nom  de  respiration 
snbsibilante.  Ces  divers  râles  sont  le  résultat  des  obstacles  qu'oppose  à 
la  circulation  de  l'air  un  mucus  visqueux  et  adhérent  dans  les  rami- 
fications bronchiques.  Par  leurs  caractères  et  leur  degré  d'intensité,  ils 
font  pressentir  la  qualité  et  la  quantité  de  ce  mucus.  Toutefois,  ils  ne 
constituent  point   des   signes  palhognomoniques,   puisqu'ils   se  retrou- 


BRONCHES.    BRONCHORRHÉE    (sïMPTOMEs).  617 

vent  dans  d'autres  affections,  l'œdème  pulmonaire,  la  bronchite  capil- 
laire, etc.,  etc. 

La  bronchorrhée  aiguë  peut  n'être  qu'un  accident  passager;  plus  fré- 
quemment elle  se  manifeste  sous  forme  d'accès  répétés;  elle  jette  l'indi- 
vidu dans  un  état  très-pénible,  et  en  apparence  fort  grave,  mais  qui  se  dis- 
sipe rapidement.  L'accès  terminé,  toute  apparence  de  maladie  cesse,  la 
guérison  s'effectue  sans  transition,  sans  convalescence.  Dans  certains  cas 
rares,  la  bronchorrhée  s'est  montrée  comme  une  crise  heureuse  ;  elle  a 
pu  opérer  la  guérison  en  quelques  jours,  ou  même  en  quelques  heures, 
d'une  anasarque,  d'une  ascite,  d'un  hydrothorax. 

Le  flux  muqueux,  par  son  abondance,  pourrait  engouer  les  voies 
aériennes  et  devenir  alors  cause  de  mort  par  asphyxie.  La  mort  est 
plus  rapide  encore,  si  au  flux  muqueux  se  joint  un  flux  séreux  vésicu- 
laire  (œdème  pulmonaire);  c'est  ce  que  l'on  observe  chez  les  vieillards 
à  poitrine  humide  sujets  à  des  accès  de  bronchorrhée.  Tout  l'arbre 
aérien,  bronches  grosses  et  petites,  trachée,  larynx,  et  même  pharynx, 
sont  remplis  de  mucosités. 

Bronchorrhée  chronique.  —  Andral  a  caractérisé  de  la  manière  sui- 
vante la  bronchorrhée  chronique  :  «  il  est  un  certain  nombre  de  bronchites 
chroniques  qui  sont  surtout  remarquables  par  l'extrême  abondance  de  la 
sécrétion  bronchique.  Cette  sécrétion  bronchique  semble  être  dans  beau- 
coup de  cas  la  cause  principale  de  l'épuisement  et  de  la  mort  des  malades. 
Ces  flux  muqueux,  séreux  ou  purulent  constituent  le  principal  élément 
de  la  maladie.  On  serait  porté  à  séparer  ces  flux  des  affections  inflam- 
matoires, sous  le  triple  rapport  de  la  nature,  des  symptômes  et  du  trai- 
tement. » 

La  bronchorrhée  chronique  a  rarement  une  invasion  brusque,  elle 
succède  le  plus  souvent  à  des  bronchites  aiguës  répétées,  ou  bien  à  une 
bronchite  chronique.  Elle  se  caractérise  par  des  accès,  qui  d'abord  assez 
éloignés  reviennent  à  des  intervalles  plus  rapprochés  ;  ces  accès  ont  lieu 
principalement  le  matin  et  le  soir,  souvent  après  les  repas;  ils  durent 
souvent  plus  d'une  heure.  Le  liquide  expectoré  est  tantôt  incolore,  filant, 
spumeux,  semblable,  sous  le  rapport  de  la  couleur  et  delà  consistance,  à 
de  l'eau  de  gomme,  tantôt  épais,  opaque,  muco-albumineux,  puriforme. 
Sa  quantité  est  souvent  d'un  kilogramme.  Lacnnec  assure  avoir  observé 
des  sujets  qui  en  crachaient  plusieurs  livres  dans  un  seul  accès  d'une  ou 
deux  heures.  Andral  parle  d'un  vieillard  qui  mourut  au  bout  de  cinq 
mois,  après  avoir  expectoré  chaque  jour  environ  un  kilogramme  de  mu- 
cosités. 11  peut  advenir  pour  le  flux  bronchique  ce  qui  arrive  pour  d'au- 
tres produits  de  sécrétion  ;  il  est  susceptible  d'acquérir,  sous  l'influence 
de  circonstances  particulières  une  extrême  fétidité.  Il  existe  de  la  toux, 
de  la  gêne  de  la  respiration.  La  dyspnée  est  en  rapport  avec  la  quan- 
tité et  la  qualité  des  mucosités  bronchiques;  elle  ne  cesse  que  lorsque 
les  bronches  sont  à  peu  près  libres.  Dans  l'intervalle  des  accès,  les  ma- 
lades jouissent,  en  apparence,  d'une  bonne  santé.  Le  retour  de  chaque 
accès  donne  à  la  maladie  une  forme  aiguë,  augmente  l'intensité  des  sym- 


618  BRONCHES.  —  bronchorrhée  (symptômes). 

ptomes,  en  suscite  même  d'accidentels.  Plus  tard,  au  lieu  de  se  ralentir, 
les  accès  se  renouvellent  fréquemment;  l'expectoration  qui  était  inter- 
mittente, continue  toute  la  journée,  comme  dans  les  formes  ordinaires 
de  la  bronchite  ;  elle  est  très-abondante,  épaisse,  d'un  jaune  verdàtre. 
Sans  forcer  l'analogie,  n'est-il  pas  permis  de  comparer  les  affections  ca- 
tarrhales  des  voies  respiratoires  accompagnées  de  flux  muqueux  abon- 
dants, aux  affections  catarrhales  chroniques  des  organes  génito-urinaires? 
C'est  cette  idée  que  le  professeur  Trousseau  a  rendue  par  l'expression 
pittoresque  de  blennorrhées  ou  blennorrhagies  pulmonaires  et  bron- 
chiques. 

La  bronchorrhée  chronique  a  une  marche  irrégulière,  une  durée  in- 
déterminée. Elle  n'exerce  pas  toujours  sur  la  santé  générale  une  influence 
fâcheuse.  C'est  une  chose  remarquable,  dit  Laennec,  que  l'énorme  dé- 
perdition journalière  qui  peut  avoir  lieu  par  des  flux  pituiteux,  et  le 
nombre  d'années  qu'ils  peuvent  durer  sans  que  le  malade  succombe  ; 
mais  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi.  Les  accès  de  toux,  s'ils  se  prolongent 
et  se  renouvellent  fréquemment,  peuvent  faire  de  la  bronchorrhée  une 
infirmité  sérieuse  et  même  une  maladie  grave.  Quelquefois  ils  favorisent 
le  développement  d'une  dyspnée  habituelle,  d'un  asthme,  d'un  œdème 
du  poumon,  de  la  dilatation  des  bronches,  d'un  emphysème  pulmo- 
naire, etc.  Par  suite  de  la  faiblesse  du  sujet  ou  de  l'abondance  et  de  la 
viscosité  des  mucosités,  l'expectoration  peut  devenir  impossible,  la  mort 
a  lieu  par  asphyxie.  J'en  ai  constaté  des  exemples. 

D'autres  fois,  les  individus  atteints  de  bronchorrhée  chronique  per- 
dent l'appétit,  deviennent  pâles,  les  fonctions  digestives  s'altèrent;  il  en 
résulte  une  perte  notable  des  forces,  un  amaigrissement  général,  et  la 
mort  arrive  par  une  sorte  d'état  cachectique.  Ces  conséquences  fâcheuses 
ne  sont  pas  rares  dans  les  hôpitaux. 

Bronchorrhée  estivale.  —  Il  est  une  variété  de  bronchorrhée  qui  ne 
doit  point  être  passée  sous  silence.  Bronchorrhée  estivale,  asthme,  ca- 
tarrhe, fièvre  de  foin,  catarrhe  d'été,  asthma-hay,  astlima-fever,  telles 
sont  les  dénominations  principales  qui  lui  ont  été  assignées.  Etudiée  en 
Angleterre  par  Bostock  (1828),  Gordon  et  Ellioston  (1829),  Wakefield 
Scott  (1842);  en  Allemagne,  par  Alfter  (1855);  en  France,  par  J.  J.Caze- 
nave  (1857),  Fleury,  Laforgue,  Théry  (1859),  Dechambre  (1860  et  62), 
Germain  Sée  (1866),  elle  a  été  de  la  part  de  Philipp  Phœbus  (de  Giessen) 
l'objet  d'une  monographie  remarquable  (1862),  dans  laquelle  l'auteur  a 
réuni,  non-seulement  les  observations  qui  lui  sont  propres,  mais  encore 
celles  qui  lui  ont  été  fournies  par  un  certain  nombre  de  médecins  fran- 
çais, anglais,  allemands  et  belges.  C'est  le  document  le  plus  complet  sur 
ce  sujet. 

Cette  bronchorrhée  se  manifeste  pendant  les  mois  de  mai  et  de  juin; 
elle  est  produite  par  l'action  des  odeurs  et  des  poussières  végétales,  sur- 
tout par  les  émanations  du  foin.  Phœbus  et  Dechambre  croient  que  l'on  a 
exagéré  Faction  de  cette  cause.  Mais  pourquoi  lui  refuser  une  influence 
que  l'on  accorde  volontiers  à  certaines  substances  animales,  végétales  ou 


BRONCHES.  —  bronchorrhée  (anatomie  pathologique).  619 

minérales?  La  période  de  floraison  des  plantes  exerce  sans  nul  doute  une 
influence  réelle  sur  la  production  de  cette  maladie.  Un  de  mes  clients, 
qui  occupe  un  rang  élevé  dans  la  société  bordelaise,  est  sujet  à  cette 
bronchorrhée  estivale;  il  a  parfaitement  constaté  que  c'est  la  floraison  des 
hautes  graminées  qui  lui  procure  cette  dyspnée  fatigante.  Aussi,  pendant 
l'époque  de  la  fenaison,  s'est-il  interdit  le  séjour  même  le  plus  court  dans 
ses  propriétés  rurales;  c'est  à  ce  point  qu'habitant  le  centre  de  la  ville, 
il  ne  peut,  sans  éprouver  quelques  atteintes  de  son  asthme  de  foin,  aller 
respirer  dans  la  banlieue  les  émanations  des  prairies  pendant  qu'on  les 
fauche. 

Cette  affection  débute  par  un  coryza  d'assez  longue  durée,  par  la  pré- 
dominance des  étcrnuements  et  une  abondance  excessive  du  flux  nasal  ; 
puis  survient  une  ophthalmie  catarrhaîe,  la  sécrétion  lacrymale  est  abon- 
dante, les  yeux  sont  le  siège  de  picotements  ;  du  côté  du  pharynx  on  ob- 
serve des  symptômes  d'irritation.  Il  existe  en  outre  de  la  céphalalgie, 
des  douleurs  nerveuses  dans  le  front  et  la  face,  parfois  même  une  né- 
vralgie bien  localisée,  des  picotements  au  visage  et  surtout  au  menton, 
des  vertiges,  des  bourdonnements  d'oreilles,  des  signes  de  congestion 
vers  la  tête,  mais  qui  n'ont  jamais  abouti  à  l'apoplexie.  Les  accidents 
laryngo-bronchiques  se  manifestent  bientôt,  s'accompagnant  de  dyspnée 
et  se  terminant  par  une  sécrétion  muqueuse  assez  abondante.  C'est  donc 
une  réunion  de  congestions  et  de  flux  vers  les  conjonctives  et  les  mu- 
queuses nasale,  laryngée  et  bronchique.  L'accès  peut  se  prolonger 
quelques  heures;  en  général  il  cesse  le  soir;  la  nuit,  le  sommeil  est 
calme.  Ainsi  le  catarrhe  d'été  est  une  forme  morbide  née  de  circon- 
stances spéciales  ;  il  est  caractérisé  par  des  symptômes  assez  saillants 
qui  s'enchaînent  dans  un  ordre  déterminé.  La  surexcitation  des  voies 
aériennes  sans  phlegmasie  réelle,  la  dyspnée  diurne,  la  durée  des  at- 
taques, leur  retour  à  des  époques  prévues,  la  sécrétion  bronchique 
très-copieuse  mais  simplement  muqueuse  qui  les  termine,  rapprochent 
cette  maladie  des  affections  catarrhales,  et  particulièrement  de  la  bron- 
chorrhée. 

Anatomie  pathologique.  —  Bronchorrhée  aiguë.  —  D'après  Laennec, 
les  lésions  anatomiques  se  réduisent  à  une  faible  rougeur  de  la  muqueuse 
bronchique,  avec  léger  gonflement  et  apparence  de  ramollissement.  Sous 
ce  rapport,  ajoute  l'illustre  inventeur  de  l'auscultation,  la  maladie  dont 
il  s'agit  semblerait  être  sur  la  limite  qui  sépare  les  congestions  séreuses 
des  congestions  sanguines  ;  elle  appartiendrait  plutôt  aux  premières  qu'aux 
dernières.  Amiral,  ayant  eu  occasion  d'ouvrir  des  individus  morts  dans 
le  cours  d'une  bronchorrhée,  a  trouvé  la  muqueuse  paie  dans  toute  son 
étendue.  Grisolle  a  constaté  un  état  analogue;  la  muqueuse  bronchique, 
entièrement  pâle,  avait  son  épaisseur  et  sa  consistance  normales.  Cru- 
veilhier  affirme  que  l'anatomie  pathologique  ne  donne  que  des  résultats 
négatifs.  J'ai  eu  l'occasion  de  faire  quelques  nécropsies  d'individus  atteints 
de  lésions  organiques  du  cerveau  et  de  la  moelle,  et  chez  lesquels  la 
bronchorrhée  avait  été  la  cause  probable  de  la  mort  ;  j'ai  pu  constater  un 


620  BRONCHES.  —  rrox^horrhée  (diagnostic). 

état  absolument  normal  des  bronches,  mais  elles  étaient  tapissées  d'une 
couche  épaisse  de  mucosités  blanchâtres  et  visqueuses. 

Bronchorrhée  chronique.  —  Les  lésions  anatomiques  ont  encore  ici  très 
peu  d'importance.  Le  flux  fourni  par  la  muqueuse  résulte  d'un  mélange 
plus  ou  moins  intime,  et  dans  des  proportions  diverses,  de  mucus,  de 
matière  albumineuse,  et  parfois  de  matière  d'aspect  purulent,  mais  la 
membrane  muqueuse  est  pcàle,  et  n'offre  ni  phlegmasie  ni  traces  de 
lésion  organique.  Cruveilhier  insiste  sur  ce  fait,  et  il  rapporte  un  exemple 
remarquable  de  bronchorrhée  purulente  avec  intégrité  parfaite  de  la  mem- 
brane muqueuse.  La  desquamation  épithéliale  est  le  seul  caractère  ana- 
tomique  que  permette  de  constater  l'inspection  microscopique. 

De  cette  absence  de  lésions,  il  est  permis  de  conclure  que  la  bron- 
chorrhée appartient  bien  à  la  classe  des  flux.  C'est  une  lésion  idiopa- 
thique  de  sécrétion  et  non  une  phlegmasie. 

Diagnostic.  —  L'apparition  soudaine  de  la  maladie,  sa  marche  rapide, 
l'expulsion  prompte  des  crachats,  leur  nature  particulière,  l'absence  de 
lièvre,  tels  sont  les  caractères  de  la  bronchorrhée  aiguë. 

Peut-on  confondre  cette  maladie  avec  une  attaque  de  croup?  — Laennec 
raconte  avoir  assisté  à  l'ouverture  du  corps  d'un  enfant  qu'on  disait  mort 
de  cette  dernière  affection  :  les  bronches  ne  contenaient  qu'une  sérosité 
(ilante  et  spumeuse,  la  membrane  interne  présentait  çà  et  là  quelques 
légères  rougeurs.  Cruveilhier  dit  avoir  vu  chez  un  enfant  de  six  mois  qui 
éprouvait  les  symptômes  du  croup,  la  trachéotomie  n'amener  autre  chose 
qu'un  mucus  transparent  et  très-abondant.  Le  soulagement  fut  immédiat 
et  la  guérison  rapide.  La  fièvre  plus  ou  moins  intense,  la  voix  sourde 
et  éteinte,  la  toux  rauque  et  sèche,  l'inspiration  sifflante,  l'expiration  pro- 
longée, la  présence  sur  les  amygdales  de  fausses  membranes  se  prolon- 
geant dans  le  larynx,  le  rejet  de  ces  fausses  membranes  par  l'expecto- 
ration et  le  vomissement,  l'engorgement  des  ganglions  du  cou,  tels  sont 
les  symptômes  qui  attestent  l'existence  du  croup  et  permettent  de  ne  pas 
le  confondre  avec  la  maladie  dont  je  m'occupe. 

La  bronchorrhée,  avec  sa  Jyspnée  sp  éciale,  son  expectoration  muqueuse 
et  fort  abondante,  constitue,  au  dire  de  Laennec,  une  des  variétés  les  plus 
graves  du  catarrhe  suffocant.  Bronchorrhée  et  bronchite  capillaire  se- 
raient donc  des  maladies  analogues.  Il  y  a  bien,  en  effet,  dans  les  deux  cas 
une  grande  gêne  de  la  respiration,  de  l'anxiété,  de  la  suffocation,  une 
teinte  violacée  du  visage  et  des  extrémités,  des  râles  ronflants  et  mu- 
queux;  mais,  dans  la  bronchite  capillaire,  la  marche  de  la  maladie,  la 
ténacité  des  accidents,  leur  extrême  gravité,  l'absence  de  cette  expectora- 
tion comme  albumineuse,  dont  l'abondance  même  est  une  cause  de  sou- 
lagement, sont  autant  de  circonstances  qui  distinguent  cette  maladie  de  la 
bronchorrhée  aiguë. 

La  bronchorrhée  chronique  pourrait  être  confondue  avec  une  bronchite 
chronique,  une  phthisie  pulmonaire  à  la  deuxième  période,  un  accès 
d'asthme,  un  épanchement  pieu  rétique  ouvert  dans  les  bronches. 

La  bronchorrl  ée  chronique  a  sans  doute  quelques  rapports  avec  la 


BRONCHES.   BltONCHORRÉE   (thérapeutique).  021 

bronchite  chronique  et  la  dilatation  des  bronches,  principalement  par  les 
produits  de  l'excrétion  morbide.  Elle  en  diffère  essentiellement  par  son 
invasion  brusque,  la  nature  albumineuse  de  l'expectoration,  la  quantité 
considérable  de  fluide  rapidement  évacué,  le  caractère  de  la  dyspnée,  la 
cessation  rapide  des  accidents,  enfin,  par  l'absence  de  lésions  anato- 
miques. 

Elle  pourrait  faire  supposer,  malgré  tous  les  perfectionnements  de  nos 
moyens  de  diagnostic  local,  une  phthisie  pulmonaire.  Celle-ci  se  dis- 
tinguera par  les  phénomènes  généraux  et  par  les  résultats  de  l'ausculta- 
tion plus  prononcés  au  sommet  des  poumons  qu'à  la  base. 

Elle  a  une  certaine  ressemblance  avec  l'asthme  humide,  mais  celui-ci 
s'en  sépare  par  l'invasion,  surtout  nocturne,  des  accidents,  par  un  sen- 
timent de  constriction  de  la  poitrine,  par  le  caractère  convulsif  de  la  toux 
la  difficulté  de  l'inspiration,   de  l'expiration,    enfin,  par    la  forme  de 
l'orthopnée. 

Pourrait-elle  être  confondue  avec  un  épanchement  purulent  ouvert 
dans  les  bronches?  Mais  les  circonstances  commémoratives,  la  marche 
de  la  maladie,  la  dilatation  de  l'un  des  côtés  du  thorax,  la  matité  cir- 
conscrite, le  souffle  amphorique,  le  tintement  métallique,  l'aspect  du 
fluide  évacué,  la  coïncidence  de  cette  expectoration  avec  la  diminution 
des  signes  de  l'épanchement,  enlèveront  toute  incertitude. 

La  bronchorrhée  et  la  pneumorrhée  vésiculaire  (œdème  pulmonaire) 
sont  souvent  réunies.  Est-il  possible  de  différencier  ces  deux  flux?  La 
gène  modérée  de  la  respiration,  la  nature  de  la  toux,  les  caractères  de 
l'expectoration,  la  matité  thoracique,  la  persistance  des  raies  sous-crépi- 
tants,  la  continuité  des  phénomènes  morbides,  la  coïncidence  d'un  flux 
séreux,  d'une  anasarque,  sont  des  symptômes  suffisamment  pathogno- 
moniques  de  l'hypersécrétion  des  vésicules  pulmonaires,  et  qui  serviront 
à  établir  le  diagnostic  différentiel. 

Sera-t-il  possilde  de  confondre  une  bronchorrhée  avec  une  gastror- 
rhée?  Cette  dernière  affection  se  caractérise,  il  est  vrai,  par  l'expulsion 
d'un  fluide  albumineux  qui  a  beaucoup  d'analogie  avec  celui  de  la  bron- 
chorrhée, mais  le  liquide  dans  la  gastrorrhée  est  rejeté  à  la  suite  d'efforts 
de  vomissements  ;  ce  rejet  est  précédé  ou  accompagné  de  phénomènes 
qui  dénotent  un  trouble  dans  les  fonctions  digestives. 

Thérapeutique.  —  N'y  a-t-il  pas  quelque  inconvénient  à  supprimer  un 
flux  bronchique  invétéré,  qui  pourrait  être  considéré  comme  un  émonc- 
toire  nécessaire  à  l'équilibre  général  de  réconomie?A  l'aide  d'une  thérapie 
prudente,  il  est  possible  d'arrêter  sans  danger  cette  fonction  accidentelle 
et  pathologique,  et  on  ne  devra  point  craindre  de  voir  surgir  des  acci- 
dents dans  un  autre  appareil  de  l'organisme. 

Les  émissions  sanguines,  générales  ou  locales,  sont  rarement  indi- 
quées; elles  pourraient  affaiblir  1  individu  et  ne  pas  lui  permettre  de 
faire  les  efforts  d'expectoration  nécessaires  pour  débarrasser  les  voies  res- 
piratoires. 

Des  révulsifs  cutanés  (vésicatoires   volants,  teinture  d'iode,  huile  de 


622  BRONCHES.  —  dilatation  (iiistoiuque). 

çrotpn-tiglium,  tartre  stibié)  sont  parfois  utiles;  des  dérivatifs  externes 
plus  puissants  (cautères,  sétons,  etc.),  peuvent  devenir  nécessaires  pour 
opérer  une  révulsion  énergique,  empêcher  le  retour  des  accès  et  prévenir 
les  fâcheux  effets  de  la  suppression  d'une  ancienne  sécrétion  morbide. 

L'administration  d'un  vomitif  (ipécacuanha  ou  tartre  stibié)  est  un 
des  moyens  les  plus  efficaces  ;  il  favorise  l'expulsion  des  liquides  épan- 
chés dans  les  voies  aériennes,  modifie  la  circulation  pulmonaire  et  mo- 
dère l'hypersécrétion  bronchique.  C'est  bien  souvent  l'ancre  de  salut. 
J'ai  employé  le  tartre  stibié  à  haute  dose  (0,50)  dans  la  bronchorrhée, 
et  j'en  ai  obtenu  d'excellents  effets.  Copland  donnait  la  préférence  au 
sulfate  de  zinc. 

Les  purgatifs  énergiques,  substituant  la  sécrétion  intestinale  aux  flux 
bronchiques,  peuvent  pendant  un  temps  donné  remplir  une  indication 
précieuse. 

Les  vomitifs  et  les  purgatifs  ont  surtout  pour  but  de  prévenir  un  ac- 
cident grave,  l'obstruction  des  rameaux  bronchiques;  mais  dans  l'in- 
tervalle des  accès,  il  importe  de  modifier  l'état  sécrétoire  de  la  muqueuse 
bronchique  à  l'aide  des  préparations  balsamiques.  L'expérience  a  sanc- 
tionné l'efficacité  de  ces  médicaments.  Ils  s'administrent  sous  forme  de 
capsules  gélatineuses,  et  Trousseau  se  félicite  de  les  avoir  conseillés  de 
cette  manière. 

Les  eaux  sulfureuses  de  Bonnes,  de  Cauterets,  celles  du  Mont-Pore, 
d'Ems,  rendent  encore  d'utiles  services. 

Le  kermès  à  dose  modérée,  la  gomme  ammoniaque,  l'acétate  d'ammo- 
niaque, sont  conseillés  avec  avantage. 

L'écume  bronchique  peut,  pendant  un  accès  de  bronchorrhée  aiguë, 
déterminer  par  son  abondance  une  asphyxie  ;  il  est  alors  urgent  de  dé- 
barrasser de  suite  les  bronches  par  des  moyens  mécaniques  irritants.  On 
porte  le  doigt,  une  barbe  de  plume  sur  l'arrière-bouche,  on  promène  ra- 
pidement sur  l'isthme  du  gosier  et  sur  le  pharynx  un  pinceau  imbibé 
d'ammoniaque  étendu  ;  ces  titillations  provoquent  un  mouvement  con- 
vulsif  des  bronches,  le  rejet  des  mucosités,  et  la  menace  d'asphyxie  est 
ainsi  conjurée. 

Il  est  une  médication  topique  dont  l'action  a  été  souvent  fort  utile. 
Ce  sont  les  inspirations  de  vapeurs  médicamenteuses  (goudron,  térében- 
thine, etc.).  Elles  jouent,  d'après  Trousseau,  le  rôle  des  injections  ca- 
thérétiques  dans  la  blennorrhagie  des  organes  génito-urinaires.  Elles  se 
font  à  l'aide  d'appareils  fumigatoires  ou  pulvérisateurs.  Trousseau  a  en- 
core préconisé  dans  ces  circonstances  les  fumigations  mercurielles  (mer- 
cure métallique  jeté  sur  un  carreau  chauffé),  les  cigarettes  de  papier  ar- 
senical et  nitré. 

L'hygiène  doit  occuper  une  place  importante  dans  le  traitement  de  la 
bronchorrhée.  Appliquée  avec  intelligence,  elle  peut  en  arrêter  les  pro- 
grès et  en  prévenir  les  retours. 

Dilatation  des  bronches.  — Historique.  — La  dilatation  des  bron- 
ches ou  bronchectasie,  terme  qui  porte  avec  lui  sa  définition;  n'a  point  été 


BRONCHES.  —  dilatation  (causes,  symptômes).  625 

signalée  par  les  auteurs  anciens.  Elle  fut  décrite  pour  la  première  fois  par 
Laennec,  et  pour  me  servir  des  expressions  de  Barth,  cette  description, 
comme  tout  ce  qu'a  fait  cet  homme  de  génie,  est  sortie  de  sa  plume  si 
nette  et  si  claire,  au  point  de  vue  anatomique  et  sous  le  rapport  de  la 
symptomatologie,  que  depuis  lors  on  n'a  fait  qu'ajouter  peu  de  chose  à  ce 
que  le  maître  avait  si  bien  ébauché.  On  doit  néanmoins  citer  comme 
ayant  contribué  à  donner  au  diagnostic  une  certaine  précision  :  Andral, 
Reynaud,  Louis,  les  auteurs  du  Compendïum  de  médecine,  Jamin  et 
Gelez,  Barthez  et  Rilliet,  Beau  et  Maissiat,  Fauvel,  Grisolle,  Valleix, 
Cruveilhier,  Lebert,  Barth,  Gombault,  Cazalis  et  Katz;  je  peux  mentionner 
encore  les  noms  de  Williams,  W.  Stokes,  Corrigan,  Gairdner,  Black  en 
Angleterre;  de  Rokitansky,  Bamberger,  Rapp,  Hasse,  Biermer  en  Allema- 
gne. Grâce  à  tous  ces  travaux,  la  dilatation  bronchique  a  pris  aujourd'hui 
une  place  définitive  dans  le  cadre  nosologique,  elle  y  occupe  un  rang 
important  non-seulement  au  point  de  vue  clinique,  mais  encore  sous  le 
rapport  de  la  physiologie  pathologique. 

Causes.  —  La  dilatation  des  bronches  s'observe  à  tout  âge;  elle  n'est 
point  rare  dans  l'enfance  (Grisolle),  elle  se  rencontre  chez  les  adultes, 
chez  ceux  surtout  qui  toussent  depuis  un  certain  nombre  d'années  ;  elle 
est  commune  à  un  âge  plus  avancé.  Il  est  facile  de  comprendre  cette  fré- 
quence quand  on  sait  que  cette  affection  est  la  conséquence  habituelle 
de  la  bronchite  chronique,  triste  privilège  de  la  vieillesse.  Chez  l'enfant, 
les  bronches  n'ont  pas  encore  acquis  leur  résistance  et  leur  élasticité  nor- 
males; chez  le  vieillard,  elles  les  ont  en  grande  partie  perdues;  de  là  un 
double  genre  de  prédisposition  à  la  dilatation  de  ces  conduits. 

La  dilatation  bronchique  se  rencontre  principalement  chez  les  sujets  à 
tempérament  lymphatique,  à  constitution  molle  ;  elle  est  indépendante  de 
toute  disposition  native  ou  héréditaire,  elle  se  développe  plutôt  sous  l'in- 
fluence de  causes  accidentelles,  des  alternatives  de  froid  et  de  chaud. 
Conséquence  habituelle  de  la  bronchite  chronique,  elle  serait,  d'après 
Grisolle,  fréquente  à  la  suite  de  la  bronchite  capillaire  chez  les  enfants  et 
les  adultes,  mais  rare  comme  lésion  concomittante  de  la  pneumonie  chez 
l'adulte. 

Dietrich  et  Virchow  ont  publié  des  observations  de  dilatations  bronchi- 
ques, suites  de  rétrécissements  consécutifs  à  des  ulcérations  syphili- 
tiques. 

Il  est  certaines  conditions  matérielles  qui  favorisent  d'une  manière 
toute  spéciale  l'élargissement  des  bronches  ;  elles  résideraient,  d'après 
Barth,  dans  les  bronches,  dans  le  parenchyme  pulmonaire  et  dans  les 
plèvres.  Je  reviendrai  sur  ces  conditions  à  propos  du  mécanisme  de  la 
dilatation. 

Symptômes.  —  La  dilatation  des  bronches  est  presque  toujours  précédée 
d'une  bronchite  qui  a  offert  une  certaine  intensité  et  une  durée  plus  ou 
moins  grande.  La  bronchite  chronique  serait  donc  la  période  prodromi- 
que  de  la  maladie  dont  je  m'occupe.  Cette  dilatation  constituée,  en  voici 
les  symptômes  : 


62i  BRONCHES.  —  dilatation  (symptômes). 

1°  Une  toux  fréquente,  revenant  par  quintes  plus  ou  moins  éloignées, 
humide,  rarement  douloureuse. 

2°  Une  expectoration  facile,  souvent  tellement  abondante,  que  les  ma- 
tières s'échappent  avec  violence  et  comme  par  flots  de  la  bouche  et  du  nez. 
On  dirait  une  vomique  ou  un  épanchement  pleurétique  s'ouvrant  dans 
les  bronches.  Barth  évalue  de  150  à  450  grammes  la  quantité  de  cra- 
chats rendus  dans  les  vingt-quatre  heures.  Biermer  cite  un  de  ses  ma- 
lades chez  lequel  le  poids  de  la  sécrétion  a  atteint  20  onces  en  vingt- 
quatre  heures.  Les  crachats  sont  en  général  muqueux,  parfois  mousseux 
à  la  surface,  plus  souvent  opaques,  d'un  jaune  verdàtre,  puriformes  ou 
purulents,  ou  constituant  souvent  une  masse  homogène;  ils  ont  d'autres 
fois  la  forme  nummulaire  des  cracbats  des  phthisiques,  ils  peuvent  encore 
être  épais,  pelotonnés,  adhérents  aux  parois  du  crachoir,  non  aérés  ou 
couverts  de  bulles  qui  semblent  prêtes  à  éclater  à  leur  surface. 

Versés  dans  l'eau,  assez  souvent  ils  surnagent  en  large  nappe  ou  des- 
cendent en  masse  à  une  certaine  profondeur,  ne  se  dissolvant  qu'en  pe- 
tite partie,  en  raison  de  la  combinaison  intime  du  mucus  et  du  pus,  ils 
ne  plongent  que  rarement  sous  forme  de  petits  globules  pelotonnés  ;  par 
l'agitation,  il  s'en  détache  des  parcelles  ténues  et  des  filaments  blan- 
châtres, nageant  dans  le  liquide  ou  descendant  lentement  au  fond  du 
vase,  mais  presque  jamais  on  ne  voit  des  grumeaux  opaques  et  lourds  se 
précipiter  au  fond  de  l'eau.  (Barth.) 

Schûtzenberger,  traçant  les  caractères  des  crachats  dans  la  dilatation 
des  bronches  s'exprime  ainsi  :  «  L'expectoration  est  d'un  jaune  verdàtre, 
d'une  consistance  peu  considérable;  la  laisse-t-on  pendant  un  certain 
temps  sans  l'agiter,  il  se  forme  différentes  couches;  au  fond  du  vase,  on 
remarque  un  sédiment  de  matière  puriforme,  au-dessus  duquel  se  trouve 
une  couche  de  matière  muqueuse  d'une  certaine  fluidité  au  milieu  de  la- 
quelle nagent  des  flocons  contenant  des  bulles  d1air.  Au  microscope,  la 
partie  inférieure  est  composée  presque  exclusivement  par  des  globules 
purulents,  la  supérieure  renferme  des  quantités  notables  de  graisse  libre, 
des  cellules  envoie  de  dégénérescence  graisseuse,  quelques  cellules  d'épi- 
thélium,  une  proportion  considérable  de  granulations  moléculaires,  enfin 
les  autres  éléments  de  l'expectoration  muqueuse.  Les  crachats  sont  sou- 
vent d'une  excessive  fétidité  ;  celle-ci  peut  s'expliquer  par  la  fermentation 
putride  que  les  crachats  subissent  pendant  leur  séjour  prolongé  dans  la 
cavité  dilatée  des  bronches.  » 

Bamberger  a  analysé  les  crachats  dans  la  dilatation  des  bronches,  afin 
de  déterminer  la  nature  des  éléments  volatils  qui  leur  communiquaient 
une  odeur  spéciale.  Les  résultats  obtenus  par  l'analyse  permettent  de 
conclure  que  ces  crachats  sont  formés  par  des  acides  appartenant  au 
groupe  C"II"04,  c'est-à-dire  les  acides  butyrique,  acétique  et  formique. 
Ils  contiennent  en  outre  de  l'ammoniaque  et  de  l'hydrogène  sulfuré. 
Toutes  ces  substances  proviennent  de  la  décomposition  des  matières  or- 
aniques  qui  se  fait  dans  ces  bronches  dilatées. 

5°  L'hémoptysie  n'est  point  rare.  Elle  a  été  constatée  parLaennec,  par 


BRONCHES.  —  DILATATION   (symptômes).  625 

Trousseau  ;  Barth  l'a  observée  chez  sept  de  ses  malades,  deux  fois  le  cra- 
chement de  sang  a  été  assez  copieux  pour  déterminer  la  mort.  Deux  fois, 
chez  des  malades  atteints  de  bronchectasie,  j'ai  noté  cette  expectoration 
hémorrhagique,  qui  n'a  jamais  été  assez  abondante  pour  inspirer  des  in- 
quiétudes. Ces  hémoptysies  s'expliquent,  le  plus  souvent,  par  la  gêne  que 
la  compression  du  tissu  pulmonaire  apporte  à  la  circulation  dans  cet  or- 
gane. Ne  pourraieut-elles  pas  être  aussi  le  résultat  d'une  congestion  pul- 
monaire momentanée? 

4°  La  voix  n'est  pas  altérée  ;  si  elle  le  devient,  il  faut  songer  à  la  coïnci- 
dence de  tubercules  pulmonaires,  ou  du  moins  à  une  laryngite  chronique. 

5°  La  dyspnée  est  en  général  modérée,  elle  se  manifeste  par  intervalles 
lors  des  accès  de  toux,  après  une  marche  fatigante;  elle  est  produite  en- 
core par  la  coïncidence  d'une  bronchite  aiguë  ou  par  la  stagnation  de 
mucosités  épaisses  dans  les  ramitications  bronchiques.  Elle  devient  con- 
tinue s'il  existe  quelque  complication  grave  du  côté  du  cœur  ou  des 
poumons. 

6°  Il  n'y  a  pas  habituellement  de  douleur  au  niveau  du  sternum  et  sur 
les  côtés  du  thorax,  à  moins  d'un  état  maladif  de  la  plèvre. 

7°  La  conformation  extérieure  de  la  poitrine  ne  subit  en  général  aucun 
changement  notable.  Barth  toutefois  a  noté  des  dépressions  partielles: 
la  mesure  de  la  circonférence  des  deux  côtés  de  la  poitrine  donnait  1 
et  même  2  centimètres  de  moins  pour  le  côté  malade.  Ces  dépressions 
résultent  de  l'oblitération  de  la  cavité  pleurale  et  de  l'atrophie  du  pou- 
mon; cependant,  s'il  existe  comme  complication,  un  emphysème  pul- 
monaire ou  un  hydropéricarde,  le  thorax  offre  au  lieu  d'une  dépression 
une  sorte  de  voussure. 

8°  La  percussion  aurait,  d'après  Laennec,  peu  de  valeur.  Telle  est 
encore  l'opinion  de  Louis.  La  sonorité  du  thorax  n'est,  d'après  Barth, 
sensiblement  exagérée  que  lorsqu'il  existe  quelque  complication  d'emphy- 
sème pulmonaire  ;  elle  est,  au  contraire,  diminuée  par  suite  de  l'atrophie 
ou  de  la  condensation  du  parenchyme  pulmonaire,  par  le  retrait  des  parois 
thoraciques,  parla  compression  du  poumon  ou  par  des  indurations  de  son 
tissu  consécutives  à  d'anciennes  pneumonies  incomplètement  guéries,  soit 
enfin  par  la  coïncidence  d'une  congestion  sanguine,  d'un  engouement 
œdémateux  ou  d'une  pleuro-pneumonie  de  date  encore  récente.  Lorsqu'une 
dilatation  ampullaire considérable  refoule  le  poumon,  on  constate,  au  point 
où  se  trouve  la  dilatation,  une  sonorité  qui  tranche  avec  lamatité  des  parties 
voisines.  Dans  la  dilatation  en  chapelet  (seconde  observation  de  Gom- 
bault),  on  a  entendu  sous  la  clavicule,  dans  l'endroit  même  où  siégeaient 
les  lésions,  un  bruit  qui  avait  une  telle  ressemblance  avec  celui  du  pot  fêlé 
que  l'on  pouvait  croire  à  l'existence  d'une  vaste  caverne  tuberculeuse.  Barth 
a  distingué  ce  bruit  chez  l'un  de  ses  malades,  et  il  le  différencie  de  celui 
de  pot  fêlé  par  l'absence  du  claquement  caractéristique.  J'ai  constaté  que 
les  phénomènes  fournis  par  la  percussion  variaient  selon  le  degré  de  plé- 
nitude ou  de  vacuité  de  la  dilatation  bronchique,  absolument  comme  pour 
les  cavernes  tuberculeuses. 

IÎOCV.    DICT.    MÉD.    F.T   CHW.  V.    —    il) 


t>26  BRONCHES.  —  dilatation  (marche,  durée,  terminaisons). 

9°  L'auscultation  fournit  des  résultats  qui  sont  eu  rapport  avec  les 
formes  et  les  degrés  de  la  dilatation  bronchique.  Le  murmure  respiratoire 
peut  être  affaibli,  altéré  ou  masqué  par  des  bruits  anormaux  (râles  sonores 
ou  bulleux),  il  peut  prendre  le  caractère  tubaire  ou  broncho-caverneux, 
constituer  un  souffle  caverneux,  suivant  l'étendue  et  l'ampleur  des  dila- 
tations, suivant  la  quantité  de  mucus  qu'elles  contiennent. 

Dans  les  dilatations  cylindriques,  le  murmure  respiratoire  est  d'abord 
diminué,  puis  il  fait  place  à  une  respiration  rude,  sonore,  se  rapprochant 
du  souffle  tubaire  ;  elle  est  due  au  passage  de  l'air  dans  des  canaux  di- 
latés entourés  d'un  parenchyme  induré.  En  même  temps  on  constate  des 
râles  sibilants,  ronflants  et  muqueux,  résultant  de  la  présence  de  muco- 
sités dans  les  bronches. 

Les  dilatations  ampullaires  se  distinguent  par  de  gros  râles  muqueux, 
véritable  gargouillement  qui  alterne  ou  coïncide  avec  un  souffle  tubaire 
ou  caverneux,  et  se  prolonge  surtout  pendant  l'expiration. 

La  voix  produit  au  niveau  des  parties  affectées  une  résonnance  pro- 
noncée. C'est  de  la  bronchophonie  dans  les  dilatations  cylindriques,  c'est 
un  retentissement  caverneux  avec  pectoriloquie  dans  les  dilatations  am- 
pullaires. 

J'ajouterai  que  les  caractères  des  râles  et  des  souffles  dépendent  de  la 
grandeur  des  excavations,  de  la  quantité  de  mucus  accumulé  dans  les 
bronches,  et  que  toutes  les  distinctions  établies  pour  les  variétés  de  bruits 
fournis  par  les  cavernes  tuberculeuses,  s'appliquent  aux  phénomènes  de 
sonorité  qui  se  produisent  dans  les  dilatations  ampullaires.  Ces  râles  sont 
essentiellement  mobiles,  ils  diminuent  par  moments,  ou  disparaissent 
même  après  des  quintes  de  toux  qui  ont  pour  résultat  de  vider  les  bron- 
ches des  mucosités  qui  les  remplissaient. 

10°  Les  phénomènes  généraux  sont  à  peu  près  nuls.  C'était  l'opinion  de 
Laenncc.  En  effet,  on  ne  retrouve  en  général  dans  le  cours  de  la  dilatation 
bronchique,  ni  amaigrissement,  ni  fièvre,  ni  sueurs,  ni  altération  des 
traits  du  visage,  ni  trouble  des  fonctions  digestives.  Ces  phénomènes, 
quand  ils  ont  été  constatés,  s'expliquaient  presque  toujours  par  la  coïn- 
cidence d'une  affection  diathésique  concomittante  (cancer,  phthisie), 
d'une  lésion  organique  du  cœur,  d'une  maladie  de  l'estomac,  du  foie 
ou  des  intestins.  La  dilatation  des  bronches  n'aurait  d'après  Barth,  au- 
cune influence  fâcheuse  sur  la  régularité  de  la  menstruation. 

Marche,  durée,  terminaisons.  —  La  dilatation  bronchique  a  une  marche 
et  une  durée  difficiles  à  préciser.  Rarement  on  peut  remonter  à  la  date 
exacte  de  son  origine.  Elle  succède  à  diverses  maladies  des  organes  respi- 
ratoires, à  des  bronchites,  des  pneumonies,  des  pleurésies  qui  n'ont  été 
guéries  qu'incomplètement.  Cette  période  prodromique  est  toujours  fort 
obscure  et  douteuse.  La  deuxième  période  commence  avec  l'élargissement 
des  canaux  bronchiques  au  sein  du  parenchyme  pulmonaire  plus  ou 
moins  compacte.  Cette  affection  souvent  stationnaire  n'est  pas  encore 
incompatible  avec  les  apparences  de  la  santé.  Dans  la  troisième  période, 
l'état  général  s'altère  souvent  par  le  développement  d'états  morbides  qui 


BRONCHES.  —  dilatation  (marche,  «urée,  terminaisons).  627 

semblent  en  être  la  conséquence  plus  ou  moins  directe.  De  ces  états  mor- 
bides, les  uns  sont  aigus,  intercurrents  (bronchite,  pneumonie,  gan- 
grène pulmonaire);  les  autres  sont  chroniques  ou  cachectiques  (phthisie, 
cancer,  lésions  organiques  du  cœur). 

La  durée  de  la  dilatation  bronchique  est  indéterminée.  Sur  52  cas  dont 
Barth  a  pu  h'xer  avec  quelque  précision  l'origine,  la  maladie  remontait 
7  fois  à  moins  de  1  an,  4  fois  elle  durait  de  1  à  2  ans,  5  fois  elle 
existait  depuis  2  à  5  ans,  5  fois  elle  datait  de  5  à  10  ans,  6  fois  elle  re- 
montait à  18,  25,  27,  54,  55  et  40  ans.  Enfin,  7  fois  le  nombre  d'années 
n'a  pas  pu  être  précisé.  La  dilatation  des  bronches  est  donc  une  maladie 
qui  peut  se  prolonger  presque  indéfiniment. 

La  bronchectasie  est-elle  susceptible  de  guérison?  L'expérience  cli- 
nique et  les  observations  anatomo-pathologiques  font  connaître  le  mé- 
canisme à  l'aide  duquel  se  rétablit  le  calibre  normal  des  bronches  di- 
latées. Ce  mode  de  guérison  peut  s'effectuer  :  1°  par  la  crétification  du 
contenu  des  dilatations  ;  2°  par  le  déversement  au  dehors  du  contenu  et 
la  disparition  de  la  cavité  anormale. 

Dans  les  dilatations  ampullaires,  la  matière  muco-purulente  qui  remplit 
le  sac  bronchique  s'épaissit,  se  concrète,  et  par  le  dépôt  de  ses  sels  cal- 
caires, finit  par  ne  plus  constituer  qu'une  masse  crétacée  que  la  paroi 
de  la  bronche  enveloppe  à  la  façon  d'une  capsule  fibreuse  plus  ou  moins 
adhérente.  Dès  lors,  si  le  sac  est  unique,  ou  si  la  transformation  s'est 
opérée  dans  toutes  les  dilatations,  la  guérison  est  définitive,  et,  à  l'ex- 
ception d'une  matité  persistante,  tous  les  signes  qui  révèlent  la  présence 
des  ectasies  disparaissent.  Cette  transformation  permet  de  comprendre  le 
mécanisme  d'après  lequel  peut  s'effectuer  la  guérison  de  grandes  dilata- 
tions bronchiques,  et  l'existence  à  l'autopsie  dans  les  poumons  de  masses 
crétacées  d'origine  nullement  tuberculeuse. 

Il  est  un  autre  mode  de  terminaison  fort  remarquable  ;  témoin  ce  fait 
queKatz  a  emprunté  à  Bamberger  :  une  bronchectasie  ulcérée  avait  déter- 
miné par  son  contact  avec  la  plèvre  une  pleurésie  aiguë,  et  comme  il 
existait  en  même  temps  des  adhérences  de  la  même  partie  du  poumon 
avec  la  paroi  costale,  le  contenu  du  sac  ne  s'était  pas  répandu  dans  la 
cavité  des  plèvres  ;  il  avait  détruit  la  paroi  pectorale  correspondante  qu'il 
soulevait  en  formant  une  tumeur  de  la  grosseur  d'un  œuf  de  pigeon. 
Une  ponction  y  fut  pratiquée,  et  après  six  semaines,  pendant  lesquelles 
il  s'en  était  écoulé  à  chaque  inspiration  du  pus  mêlé  d'air,  l'ouverture 
se  cicatrisa,  l'épanchement  fut  résorbé,  tous  les  symptômes  d'une  caverne 
disparurent,  et  la  santé  se  rétablit  complètement. 

Ces  deux  modes  de  guérison  sont,  il  faut  en  convenir,  exceptionnels. 

Briquet  et  Dietrich  ont  noté  comme  une  des  terminaisons  de  la  bron- 
chectasie, la  gangrène  des  dernières  ramifications  bronchiques  dilatées. 
Celle-ci,  indépendante  de  toute  altération  du  poumon,  résulterait  bien 
plutôt  de  la  nature  de  l'inflammation,  de  la  constitution  du  sujet,  que  de 
l'intensité  de  la  phlogose.  Elle  se  révèle  par  la  fétidité  de  l'haleine  et 
des  crachats,  mais  n'entraîne  aucune  modification  dans  la  percussion  et 


628  BRONCHES.  —  dilatation  (anatomie  pathologique). 

l'auscultation.  Après  avoir  duré  un  certain  temps,  les  accidents  dimi- 
nuent peu  à  peu,  puis  disparaissent,  et  le  malade  revient  à  son  état  de 
santé  habituelle.  Voyant  guérir  une  affection  généralement  considérée 
comme  mortelle,  on  en  avait  conclu  que  la  fétidité  de  l'haleine  et  des  cra- 
chats n'était  point  un  signe  de  gangrène  pulmonaire.  S'appuyant  sur  les 
faits  qu'il  a  observés,  Briquet  établit  qu'il  s'agissait  bien  d'un  véri- 
table sphacèle  des  extrémités  bronchiques  dilatées.  Dietrich,  recherchant 
la  relation  causale  qui  peut  exister  entre  la  bronchectasie  et  la  gan- 
grène pulmonaire,  considère  celle-ci  comme  produite  par  une  sécrétion 
bronchique  altérée.  Les  parois  des  bronches  dilatées,  en  contact  incessant 
et  immédiat  avec  cette  matière  putride,  deviennent  le  siège  d'un  pro- 
cessus inllammatoire  qui  amène  des  pertes  de  substance  plus  ou  moins 
profondes  ou  une  fonte  gangreneuse  sans  inflammation  préalable.  Mais 
cette  altération  ne  se  borne  pas  aux  bronches,  elles  se  propage  au  tissu 
pulmonaire  environnant.  La  combinaison  de  ces  deux  maladies  (dilata- 
tion des  bronches  et  gangrène)  serait  fréquente,  puisque  des  divers  cas 
de  gangrène  pulmonaire  observés  par  Dietrich,  un  septième  se  rattachait 
à  la  bronchectasie.  Bien  que  la  gangrène  pulmonaire  succédant  ou  coexis- 
tant avec  une  dilatation  bronchique  soit  souvent  fatale,  Dietrich  et  Bri- 
quet admettent  leur  curabilité  pour  les  cas  de  moyenne  intensité. 

La  mort,  dans  le  cours  de  la  dilatation  des  bronches,  peut  survenir  à  la 
suite  d'une  bronchite,  d'une  pneumonie  qui,  se  greffant  sur  l'affection 
chronique,  restreint  le  champ  si  limité  de  la  respiration  ;  elle  peut  être 
la  conséquence  d'hémoptysics  foudroyantes  ou  de  quelque  lésion  orga- 
nique du  cœur. 

Katz  mentionne  encore  parmi  les  exemples  de  terminaison  fatale,  les 
faits  suivants  :  les  parois  bronchiques,  distendues  et  amincies  par  l'ectasie, 
s'ulcèrent  ou  se  mortifient;  leur  contenu  s'épanche  dans  les  plèvres,  d'où 
résulte  une  pleurésie  purulente  qui  se  termine  rapidement  par  la  mort  ; 
ou  bien  encore  des  accidents  pyémiques  se  déclarent  subitement  par  suite 
de  la  résorption  de  la  matière  altérée  qui  remplit  les  ampoules  bron- 
chiques. Le  malade  est  pris  de  frisson,  sa  physionomie  s'altère,  et  il  meurt 
avec  tous  les  symptômes  delà  septicémie,  dont  on  retrouve  à  la  nécropsie 
les  traces  irrécusables. 

Anatomie  pathologique.  —  L'anatomic  pathologique  comprend  l'étude 
des  altérations  :  1°  des  bronches  ;  2°  des  matières  qu'elles  contiennent; 
5°  du  tissu  pulmonaire  environnant. 

I.  Altérations  des  bronches.  —  Les  dilatations  bronchiques  présentent 
des  différences  nombreuses  sous  le  rapport  de  leur  siège,  de  leur  éten- 
due, de  leur  largeur,  de  leurs  formes. 

Elles  occupent  en  général  un  seul  poumon  (dans  la  proportion  de  20 
à  17.  Barth),  sont  un  peu  plus  fréquentes  à  gauche  qu'à  droite,  se  ren- 
contrent plus  souvent  à  la  base  qu'au  sommet.  Laennec  regardait  le  lobe 
supérieur  et  le  bord  antérieur  du  poumon,  comme  le  siège  de  prédilec- 
tion de  cette  maladie. 

Elles  sont  rarement  limitées  à  un  seul  rameau  ou  à  un  petit  nombre 


BRONCHES.    —    DILATATION    (aNATÔHIE    PATHOLOGIQUE).  G'20 

do  divisions  bronchiques;  elles  affectent  ordinairement  la  plupart  des  ra- 
mifications d'un  lobe,  mais  à  des  degrés  plus  ou  moins  prononcés. 

Les  rameaux  élargis  peuvent  acquérir  jusqu'à  20  et  25  millimètres  de 
circonférence;  ce  sont  ces  dilatations  ampullaires  qui  offrent  les  varia- 
tions les  plus  grandes,  depuis  le  volume  d'un  pois  jusqu'à  la  dimension 
d'un  noisette,  d'un  œuf  de  pigeon. 

Le  plus  souvent  la  bronche  dilatée  est  précédée  d'un  rétrécissement, 
et  l'entrée  des  ramuscules  distendus  en  forme  d'ampoule  est  souvent  tel- 
lement étroite  qu'il  est  difficile  de  trouver  le  tuyau  qui  fait  communiquer 
la  cavité  avec  le  reste  du  système  bronchique.  A  leur  extrémité  termi- 
nale, les  bronches  tantôt  se  rétrécissent  plus  ou  moins  rapidement,  par- 
fois s'oblitèrent  brusquement  ou  se  terminent  en  culs-de-sac,  au  delà 
desquels  on  ne  reconnaît  plus  leur  structure.  D'après  Gombault,  elles  re- 
prennent leur  calibre  normal  ou  bien  elles  se  dilatent  progressivement 
jusqu'à  la  surface  du  poumon  qui  devient  emphysémateux.  Louis  fait  re- 
marquer à  ce  sujet  qu'il  ne  faudrait  pas  conclure  qu'il  y  eût  commu- 
nauté d'affection  entre  les  bronches  et  les  vésicules,  c'est-à-dire  que 
la  dilatation  des  unes  entraînât  nécessairement  l'élargissement  des 
autres. 

Les  dilatations  bronchiques  se  montrent  sous  des  formes  très-variables: 
on  a  cherché  sous  ce  rapport  à  établir  quelques  classifications. 

Laennec  en  distingue  deux  variétés  principales.  Dans  la  première,  la 
bronche*  est  dilatée  uniformément  dans  toute  son  étendue;  elle  ne  change 
point  d'aspect  et  conserve  sa  forme  cylindrique.  Dans  la  deuxième,  elle 
présente  sur  le  trajet  du  même  rameau  un  ou  plusieurs  renflements  suc- 
cessifs susceptibles  de  loger  un  grain  de  chenevis,  un  noyau  de  cerise, 
une  amande,  même  une  noix. 

Andral  décrit  trois  types  principaux  : 

1°  Dilatation  uniforme  et  souvent  considérable  des  bronches  (hypertro- 
phie du  tissu  des  parois)  ; 

2°  Dilatation  d'un  point  seulement  de  la  bronche,  formant  une  cavité 
qu'on  dirait  creusée  dans  le  poumon  et  offrant  l'aspect  d'une  caverne  tu- 
berculeuse ; 

5°  Dilatation  en  série  de  renflements  fusiformes  ou  en  chapelet. 

Cruveilhier  dislingue  une  dilatation  générale  et  une  dilatation  partielle. 
Cette  dernière  présente  deux  formes,  qu'on  trouve  tantôt  réunies,  tantôt 
séparées  :  la  dilatation  eylindroïde  et  la  dilatation  ampuilaire.  Celle-ci 
occupe  tantôt  toute  la  circonférence  de  la  bronche  (dilatation  ampuilaire 
circonférentielle),  tantôt  une  moitié,  un  tiers  de  la  circonférence  (dilata- 
tion ampuilaire  latérale). 

Gombault  propose  une  modification  de  la  classification  établie  par  Cru- 
veilhier; il  reconnaît  trois  espèces  principales  : 

1°  Une  dilatation  uniforme  générale  ou  partielle; 

2J  Une  dilatation  d'une  portion  de  bronche  fusiforme  ou  ampuilaire; 

5°  Une  dilatation  successive  de  plusieurs  points  de  la  bronche  ou  dila- 
tation en  chapelet. 


050  BRONCHES.  —  dilatation  (anatomie  pathologique). 

Barth  n'a  point  voulu  créer  de  nouvelles  divisions  ;  il  ne  discute  même 
pas  celles  qui  sont  établies  par  les  auteurs. 

C'est  à  la  classification  de  Cruveilhier  que  je  donne  la  préférence;  elle 
me  paraît  plus  simple  et  plus  complète. 

1°  La  dilatation  générale,  uniforme,  n'existe  le  plus  souvent  que  d'un 
seul  côté,  rarement  des  deux  à  la  fois.  Les  tuyaux  bronchiques  ont  dans 
toute  leur  étendue  un  volume  égal,  double,  triple  et  même  quadruple  du 
calibre  normal.  Deux  exemples  de  cette  forme,  qui  est  assez  rare,  ont  été 
cités  par  Barth  et  par  Barlow,  de  l'hôpital  de  Guy.  Il  est  quelquefois  dif- 
ficile de  déterminer  si  cette  dilatation  est  normale  ou  accidentelle.  Les  in- 
tervalles moindres  qui  existent  entre  ces  divisions  des  bronches,  le  dé- 
faut d'harmonie  entre  le  volume  du  poumon  presque  toujours  notablement 
diminué  et  la  capacité  des  conduits,  entre  le  diamètre  de  la  trachée  et 
celui  des  bronches,  peuvent  jeter  quelque  lumière  sur  cette  apprécia- 
tion. 

2°  La  dilatation  partielle  siège  surtout  au  sommet  des  poumons.  Cette 
forme,  plus  fréquente  que  la  précédente,  était,  avant  Laennec,  confondue 
anatomiquement  et  cliniquement  avec  les  excavations  tuberculeuses. 

La  dilatation  partielle  des  bronches  peut  affecter  la  forme  cylindroïde 
et  ampullaire. 

La  dilatation  partielle  cylindroïde  occupe  toute  la  longueur  ou  une 
bonne  partie  de  la  longueur  d'une  division  bronchique,  qui  se  renfle 
brusquement,  mais  d'une  manière  uniforme,  en  doublant,  triplant  de  ca- 
libre. Elle  s'accompagne  ordinairement  de  l'hypertrophie  des  fibres 
musculaires  et  des  bandes  longitudinales  des  bronches. 

La  dilatation  partielle  ampullaire  ressemble  quelquefois  à  une  caverne 
tuberculeuse  ;  tantôt  c'est  un  renflement  siégeant  en  un  point  d'une  ra- 
mification bronchique,  variant  du  volume  d'un  grain  de  chenevis  à  celui 
d'un  œuf  de  poule,  communiquant  avec  un  certain  nombre  de  tuyaux 
aériens;  tantôt  c'est  une  espèce  de  cul-de-sac  situé  à  l'extrémité  termi- 
nale d'une  bronche,  constitué  par  un  accolement  de  plusieurs  bronches 
dilatées,  au  milieu  desquelles  il  n'y  a  plus  trace  de  tissu  pulmonaire. 
Cruveilhier  la  décrit  ainsi  :  «  Si  elle- occupe  toute  la  circonférence  de  la 
bronche,  c'est  la  dilatation  ampullaire  circonférentielle.  Si  elle  n'occupe 
que  la  moitié,  le  tiers  de  la  circonférence  de  la  bronche,  c'est  la  dilata  - 
tion  ampullaire  latérale.  »  Puis  il  ajoute  :  «  Sous  le  rapport  de  la  struc- 
ture, il  existe  deux  espèces  distinctes  de  dilatation  ampullaire  latérale  : 
une  première  espèce,  dont  les  parois  sont  constituées  par  tous  les  tissus 
qui  entrent  dans  la  composition  de  la  bronche  hypertrophiée  ou  atrophiée, 
c'est  une  simple  dilatation.  Une  deuxième  espèce,  qui  est  formée  par  la. 
hernie  ou  protrusion  de  la  muqueuse  de  la  bronche,  à  travers  un  érail- 
lure  des  autres  tuniques,  c'est  une  véritable  hernie  tuniquaire,  un  sac 
ou  appendice  muqueux  qui  ne  communique  avec  la  bronche  que  par  un 
orifice  très-étroit.  » 

5°  La  dilatation  d'une  bronche  en  plusieurs  points  a  été  appelée  en  cha- 
pelet par  Elliotson,  moniliforme  par  Cruveilhier.  La  bronche  offre  une 


BROACHES.   DILATATfOlS   (anatomie   pathologique).  Col 

série  d'ampoules  séparées  les  unes  des  autres  par  un  tuyau  à  calibre  nor- 
mal ou  rétréci;  elle  présente  alternativement  des  étranglements  et  des 
dilatations  à  la  manière  d'une  file  d'aludel  ou  des  grains  d'un  chapelet. 

II.  Matières  conteimes  dans  les  bronches.  — Les  bronches  dilatées  sont 
remplies  par  un  mucus  jaunâtre,  verdàtre,  puriforme,  quelquefois  rou- 
geàtre,  lie  de  vin,  souvent  inodore  ou  d'une  odeur  fade,  quelquefois 
d'une  odeur  repoussante. 

Dietrich  s'est  occupé  des  modifications  que  subit  la  sécrétion  bronchi- 
que ;  il  en  décrit  trois  principales  : 

1°  Cette  sécrétion  perd  ses  éléments  aqueux,  s'épaissit,  elle  conserve  sa 
couleur  jaune  sale  et  prend  la  consistance  d'un  sirop  épais  ; 

2°  Elle  peut  se  transformer,  ainsi  que  je  Tai  déjà  dit,  par  le  dépôt  de 
sels  terreux  en  une  masse  crétacée,  calcaire;  il  en  résulte  une  concrétion 
qui  adhère  plus  ou  moins  intimement  à  la  paroi  interne  du  canal  dilaté. 
Cette  transformation  a  été  aussi  décrite  par  Roldtansky,  et,  d'après  lui, 
elle  se  produirait  chaque  ibis  que  le  sac  bronchique  s'est  isolé  de  ses  ra- 
musculeset  du  tronc  dont  il  dépend  pour  former  une  cavité  complètement 
close,  une  sorte  de  capsule  fibreuse  ; 

3°  Une  dernière  modification  consiste  dans  une  sorte  de  décomposi- 
tion putride  du  liquide  muco-purulent  qui  séjourne  dans  les  bronches 
dilatées.  Elle  se  trahit  pendant  la  vie  par  des  crachats  fétides,  confluents, 
d'abord  jaunes  verdàtres,  plus  tard  d'un  gris  sale,  tantôt  agglutinés  sous 
forme  de  bouchons,  tantôt  difflucnts. 

Ce  mucus  contient  quelquefois  des  cristaux  de  margarine  qui  se  pré- 
sentent sous  forme  d'aiguilles,  solubles  dans  féther  et  l'alcool  bouillant, 
insolubles  dans  l'eau  et  dans  les  acides.  D'après  Biermcr  (de  Wurzbourg) 
cité  dans  la  thèse  de  Schùtzenberger,  chaque  fois  qu'on  trouve  de  ces 
cristaux  dans  les  crachats,  on  est  en  droit  de  conclure  à  la  putridité  de 
ceux-ci  ;  aussi  la  dilatation  des  bronches  est-elle,  avec  la  gangrène  pul- 
monaire, la  maladie  dans  laquelle  on  les  trouve  le  plus  fréquemment. 

On  peut  rencontrer  encore,  mais  plus  rarement,  des  cristaux  de  cho- 
lestérine. 

La  muqueuse  qui  tapisse  les  bronches  affectées  de  dilatation  est  en  gé- 
néral d'un  rouge  plus  ou  moins  intense,  livide,  ou  d'une  teinte  grise 
ardoisée,  tantôt  lisse  et  polie,  tantôt  finement  grenue.  Habituellement 
elle  a  augmenté  d'épaisseur,  perdu  sa  transparence  naturelle,  elle  est  de- 
venue friable,  ramollie,  rarement  elle  est  parsemée  d'ulcérations  superfi- 
cielles. L'épithélium  vibratile,  d'après  Rapp,  a  disparu  dans  les  espaces 
dilatés,  on  ne  trouve  plus  que  l'épithélium  pavimenteux.  Barth  a  vu  une 
pellicule  pseudo-membraneuse  déposée  à  l'intérieur  d'une  bronche  dila- 
tée, mais  à  un  examen  attentif  il  a  constaté  surtout  dans  les  cavités  am- 
pullaires  une  disposition  remarquable  consistant  dans  des  espèces  de 
stries  irrégulièrement  circulaires,  sous  forme  de  petites  arêtes  à  peine 
saillantes,  ayant  toute  l'apparence  des  fibres  contractiles  des  bronches. 

Le  tissu  sous-muqueux  est  important  à  considérer  dans  les  dilatations 
ampullaires  et  dans  les  dilatations  cylindriques  un  peu  considérables.  Les 


632  BRONCHES.  —  dilatation  (anatomie  pathologique). 

fibres  élastiques  et  le  tissu  musculaire  sont  en  voie  d'atrophie  et  difficiles 
à  reconnaître,  dès  lors  toute  la  paroi  des  bronches  a  diminué  d'épaisseur. 
D'autres  fois,  elle  aurait  augmenté  de  volume,  ce  qui  tient  à  un  boursou- 
flement, à  un  épaissi ssement  de  la  muqueuse,  au  renforcement  de  la 
bronche  véritablement  atrophiée  dans  ses  éléments  par  l'adjonction  du  tissu 
oonnectif.  Les  tissus  fibreux  jaunes  élastiques  deviennent  le  siège  de  pro-  ' 
ductions  cartilagineuses,  ainsi  que  Barth  en  a  constaté  des  exemples. 
En  général  dans  ces  dilatations  un  peu  considérables,  le  tissu  élastique 
a  perdu  son  ressort,  le  tissu  musculaire  sa  contractilité. 

Ces  diverses  altérations  ne  sont  pas  le  résultat  direct  de  la  dilatation 
bronchique,  mais  bien  plutôt  de  la  phlegmasie  chronique  qui  a  favorisé  le 
développement  de  cet  état  morbide. 

III.  Altérations  des  poumons.  —  Il  est  un  point  sur  lequel  tous  les  au- 
teurs sont  d'accord,  c'est  l'absence  de  tubercules  dans  le  ■  parenchyme 
pulmonaire.  Barth  n'en  a  rencontré  qu'une  seule  fois  dans  quarante  au- 
topsies cadavériques.  Bamberger  n'en  a  jamais  constaté.  D'après  J.  Cru- 
veilhier,  il  existerait  un  double  antagonisme.  La  dilatation  des  bronches, 
suite  de  bronchite  chronique,  serait  comme  exclusive  de  la  dégénération 
tuberculeuse,  elle  serait  également  opposée  à  la  production  de  l'emphy- 
sème pulmonaire. 

En  général,  dans  la  dilatation  bronchique,  le  poumon  a  diminué  de  vo- 
lume, le  tissu  de  cet  organe  fuit  en  quelque  sorte  devant  la  bronche  dilatée, 
et  devient  tel  que  Laennec  l'a  comparé  au  poumon  qu'un  épanchement 
pleurétique  abondant  aurait  refoulé  contre  la  colonne  vertébrale. 

Barth  dit  avoir  constaté  vingt-sept  fois  sur  trente,  dans  la  partie  qui 
était  le  siège  de  la  lésion,  une  diminution  de  volume  due  à  une  espèce 
de  retrait  du  parenchyme  pulmonaire.  Le  tissu  de  cet  organe  est  le  plus 
ordinairement  revenu  sur  lui-même,  condensé,  plus  pesant,  moins  aéré 
que  dans  l'état  naturel  ;  il  a  quelquefois  une  certaine  analogie  avec  le 
tissu  de  la  matrice  après  l'accouchement,  .ferme  et  grisâtre,  ardoisé  ou 
infiltré  de  matière  noire,  dans  quelques  cas  il  est  induré  de  manière 
à  crier  sous  le  tranchant  du  scalpel.  Chez  quelques  sujets,  continue 
Barth,  le  poumon  était  atrophié  dans  l'intervalle  des  dilatations,  dans 
trois  cas  le  tissu  vésiculaire  comprimé  entre  les  ampoules  adossées  les 
unes  aux  autres,  avait  à  peu  près  complètement  disparu,  de  sorte  qu'il 
ne  restait  plus  qu'un  assemblage  de  vacuoles,  et  ces  portions  du  poumon 
distendues  par  l'insufflation  ressemblaient  à  des  espèces  de  kystes  multi- 
loculaires  se  dessinant  en  relief  à  la  surface  de  l'organe.  Grisolle  a  vu 
chez  un  enfant  cette  disposition  occuper  tout  le  sommet  d'un  poumon. 

Luys  a  étudié  avec  soin  l'état  anatomique  du  poumon  dans  la  dila- 
tation des  bronches,  et  il  trouve  la  plus  grande  analogie  entre  les  modifi- 
cations que  présente  cet  organe  et  celle  qu'a  subies  le  foie  dans  la  dégé- 
nérescence appelée  cirrhose.  Il  propose  de  désigner  par  ce  nom  toute 
production  de  tissu  plasmatique  par  exsudation.  Or,  cette  altération  se 
trouve  dans  les  poumons  sous  deux  formes  :  l'une  extra,  l'autre  intra-lo- 
bulaire.  —  Dans  la  première  forme,  les  traînées  de  tissu  fibreux  sont 


BRONCHES.  —  dilatation  (anatomie   PATIIOLO(ÏIQUe).  6Ô3 

largement  espacées,  sinueuses  ;  elles  isolent  des  groupes  de  vésicules  et 
de  lobules,  oblitèrent  les  conduits  vasculaires  de  façon  à  frapper  de 
mort  les  parties  isolées  et  à  provoquer  la  formation  rapide  de  vastes  ca- 
vités. —  La  deuxième  forme  de  développement  du  tissu  fibroïde  dans 
le  parenebyme  pulmonaire  peut  être  rapprochée  anatomiquement  de  la 
dégénérescence  spéciale  qui  caractérise  la  cirrhose  intra-lobulaire.  Dans  ce 
cas  les  tractus  fibreux  enserrent  de  toutes  parts  les  lobules  et  les  cellules 
pulmonaires,  et  amènent  une  condensation  très-notable  du  tissu  pulmo- 
naire qui  a  perdu  sa  perméabilité  et  sa  densité  propres.  Les  effets  pro- 
duits parla  dégénérescence  fibreuse  du  parenchyme  pulmonaire  offriraient 
des  variétés  en  rapport  avec  le  siège  même  occupé  par  la  production 
plastique.  C'est  ainsi  que  tantôt  la  lumière  des  canaux  bronchiques  serait 
effacée,  aplatie,  tantôt  le  tissu  nouveau  engainant  un  tuyau  bronchique  se 
rétracterait  à  la  manière  du  tissu  inodulaire  et  produirait  ainsi  la  dilata- 
tion bronchique,  qui  sera  ampullaire,  cylindrique,  etc.,  suivant  le  siège, 
rétendue,  le  degré  de  rétractilité  de  l'exsudation  plasmatique  primor- 
diale. La  bronchectasie  se  produirait  dès  lors  par  un  mécanisme  ana- 
logue à  celui  de  la  dilatation  des  canaux  biliaires  dans  la  cirrhose 
hépatique. 

Les  plèvres  ont  été  trouvées  presque  constamment  altérées,  épaissies, 
intimement  adhérentes  au  poumon  auquel  elles  forment  comme  une  coque 
fibreuse  et  résistante.  Cette  coexistence  est  très -fréquente;  pour  preuve, 
qu'il  me  suffise  de  dire  que,  vingt-huit  fois  sur  trente,  Barth  a  constaté 
cette  altération  de  la  plèvre  à  un  degré  généralement  très-avancé. 

Ainsi,  les  deux  altérations  qui  coïncident  plus  souvent  avec  la  dilata- 
tion bronchique  sont  :  l'induration  ou  cirrhose  pulmonaire  et  l'épaississe- 
ment  des  plèvres.  A  ces  deux  états  morbides  il  faut  joindre  la  bronchite 
chronique. 

En  dehors  du  poumon  on  a  noté  la  dilatation  du  cœur  droit. 

IV.  Quelques  altérations  pulmonaires  pourraient  être  prises  pour  des 
dilatations  bronchiques,  bien  que  les  caractères  qui  viennent  d'être  ex- 
posés soient  faciles  à  saisir.  Il  n'est  pas  inopportun  de  les  comparer. 
Cette  comparaison  a  été  faite  avec  une  grande  exactitude  par  Gombault. 
Elle  porte  sur  les  altérations  laissées  par  la  gangrène  ou  par  des  abcès 
pulmonaires  ou  par  des  cavernes  tuberculeuses. 

Les  cavités  qui  résultent  d'une  gangrène  pulmonaire,  irrégulières  à 
l'intérieur,  contiennent  un  détritus  noirâtre  et  sont  tapissées  par  une 
lausse  membrane.  Elles  n'ont  pas  de  communication  avec  les  bronches, 
ou  du  moins  si  celles-ci  s'ouvrent  dans  une  cavité,  elles  sont  coupées 
comme  par  un  emporte  pièce.  Le  liquide  contenu  a  l'odeur  caractéris- 
tique de  la  gangrène.  Enfin,  il  est  possible  de  distinguer  assez  nettement 
la  limite  qui  sépare  la  partie  vivante  de  celle  qui  est  sphacélée. 

Les  abcès  du  poumon  ont  leurs  foyers  recouverts  par  une  membrane 
pyogénique;  ils  ne  communiquent  pas  avec  les  bronches,  et  si  on  les  di- 
vise, on  constate  que  le  pus  provient  du  parenchyme  pulmonaire  lui- 
même  et  non  point  d'une  bronche.  Il  n'y  en  a  pas  d'ouverte  en  continuité 


654  BRONCHES.  —  dilatation  (physiologie  pathologique). 

avec  la  cavité  de  l'abcès;  ou  si  une  ouverture  existe,  on  reconnaît  qu'elle 
est  pathologique. 

Il  est  souvent  plus  difficile  de  distinguer  une  dilatation  des  bronches 
d'une  caverne  tuberculeuse.  Dans  cette  dernière,  les  excavations  occupent 
le  plus  souvent  le  sommet  du  poumon,  elles  ont  des  parois  inégales,  dé- 
chirées, sont  traversées  par  des  brides,  formées  des  débris  de  vaisseaux, 
elles  sont  tapissées  par  une  fausse  membrane  molle,  communiquent  entre 
elles  et  les  tuyaux  bronchiques  qui  y  aboutissent  sont  comme  taillés  à 
pic.  Le  tissu  pulmonaire  qui  forme  la  paroi  de  cette  cavité  est  induré, 
souvent  parsemé  de  tubercules  à  l'état  de  crudité. 

Par  opposition  à  ces  remarques,  on  peut  résumer  ainsi  les  caractères 
anatomiques  de  la  bronchectasie  :  cavités  le  plus  souvent  ovoïdes  et  sy- 
métriques à  parois  lisses,  tapissées  par  une  muqueuse  qui  est  continue 
avec  celle  des  bronches,  remplies  de  matières  muco-purulentes  plus  ou 
moins  abondantes  qui  suintent  par  les  extrémités  des  tuyaux  bronchi- 
ques; tissu  cellulaire  sous-muqueux  épaissi,  induré,  parenchyme  pulmo- 
naire atrophié,  condensé,  altéré  à  divers  degrés  par  l'inflammation  chro- 
nique, mais  non  infiltré  de  productions  hétéromorphes. 

Physiologie  pathologique.  —  Le  mode  de  formation  des  dilatations 
bronchiques  a  vivement  excité  l'attention  des  pathologistes.  Bien  des 
théories  diverses  ont  été  émises  à  cet  éga'rd.  Les  difficultés  et  le  désaccord 
résultent  de  la  texture  spéciale  de  l'organe  affecté,  de  la  nature  com- 
plexe de  la  maladie,  des  conditions  variées  qui  président  à  son  dévelop- 
pement. 

Laennec  attribuait  la  dilatation  des  bronches  à  l'accumulation  et  au 
séjour  prolongé  des  mucosités  dans  ces  canaux,  à  la  pression  que  ces 
mucosités  exercent  sur  leurs  parois.  La  stagnation  de  ces  sécrétions  dé- 
terminerait l'hypertrophie  ou  l'amincissement  de  la  paroi  bronchique,  de 
même  qu'un  obstacle  mécanique  à  la  circulation  du  sang  entraîne  tantôt 
la  dilatation,  tantôt  l'hypertrophie  du  cœur.  Dans  un  autre  passage  de  son 
ouvrage,  l'illustre  inventeur  de  l'auscultation  s'exprime  ainsi  :  Les  petits 
rameaux  bronchiques  sont  obstrués  par  les  crachats  ou  le  gonflement 
de  la  muqueuse.  Or,  comme  les  muscles  qui  servent  à  l'inspiration  sont 
forts  et  nombreux,  que  l'expiration,  au  contraire,  n'est  produite  que  par 
l'élasticité  des  parties  et  la  faible  contraction  des  muscles  intercostaux, 
il  doit  souvent  arriver  que  dans  l'inspiration  l'air,  après  avoir  forcé  la 
résistance  que  lui  opposent  les  mucosités  ou  la  tuméfaction  de  la  mu- 
queuse, ne  peut  la  vaincre  dans  l'expiration  et  se  trouve  emprisonné.  Les 
inspirations  suivantes  ajoutent  encore  à  la  dilatation  des  rameaux  aux- 
quels se  rend  la  bronche  obstruée.  Enfin,  la  dilatation  par  la  chaleur 
pulmonaire  de  Pair  introduit  froid  dans  la  poitrine,  contribuerait  à  la 
distension  des  canaux  aériens. 

Andral  considère  le  séjour  des  sécrétions  et  les  efforts  de  la  toux, 
comme  insuffisants  pour  expliquer  la  dilatation,  il  attache  une  grande 
importance  aux  altérations  primitives  de  nutrition,  telles  que  Pépai- 
sissement  ou  l'amincissement  des  parois,  leur  diminution  d'élasticité  et 


BRONCHES.  —  dilatation  (physiologie  pathologique).  G55 

il  considère  comme  la  cause  primordiale  de  la  dilatation  bronchique, 
l'inflammation  chronique  des  bronches. 

Dans  un  mémoire  lu  en  1858,  au  Collège  des  médecins  de  Dublin, 
Corrigan  rattache  la  dilatation  des  bronches,  à  cet  état  particulier  que 
j'ai  déjà  signalé  et  qui  a  reçu  le  nom  de  cirrhose  du  poumon.  Le  tissu  de 
cet  organe  devenu  dense,  blanchâtre,  ferme,  est  parcouru  par  des  bron- 
ches dilatées.  Sous  l'influence  d'un  travail  phlegmasique  le  tissu  pulmo- 
naire interstitiel  et  le  tissu  élastique  situé  en  dehors  de  la  couche  mus- 
culaire des  bronches,  deviennent  le  siège  d'une  infiltration  de  lymphe 
plastique,  celle-ci  s'organise  en  un  tissu  fibreux  nouveau,  lequel  en  se 
condensant,  écarte  les  parois  bronchiques,  et  en  dilatera  cavité.  —  C'est 
le  même  mécanisme  qu'invoquait  Leudet  (de  Rouen)  dans  une  séance  de 
la  Société  anatomique  (mars  1855),  pour  expliquer  une  dilatation  bron- 
chique dont  Maingault  présentait  un  exemple.  Le  tissu  du  poumon  était 
dense,  carnifié;  cette  altération  du  poumon,  cette  cirrhose  était,  d'après 
Leudet,  primitive  et  avait  amené  la  dilatation  bronchique.  C'est  encore 
la  même  opinion  que  formulait  Luys,  lorsque  devant  la  même  Société 
(avril  1861),  il  exposait  le  résultat  de  ses  recherches  sur  l'état  anato- 
mique du  poumon  dans  la  dilatation  des  bronches. 

Dans  son  traité  des  maladies  de  poitrine,  William  Stokes  consacre  un 
chapitre  à  la  dilatation  des  bronches  ;  il  considère  également  la  phleg- 
masie  des  bronches  comme  la  cause  essentielle  de  la  dilatation.  Cette 
phlegmasie  amène  une  diminution  dans  l'élasticité  des  fibres  longitudi- 
nales, la  paralysie  des  fibres  musculaires  ou  des  muscles  de  Reisseissen, 
enfin  la  cessation  des  mouvements  des  cils  vibratiles.  Or,  ces  cils  vi- 
bratiles,  dont  le  rôle  a  été  surtout  établi  par  Purkinje,  Yalentin  et 
Sharpey,  ont  pour  but  d'expulser  la  sécrétion  des  bronches.  Ce  mou- 
vement vibratile  étant  détruit,  la  sécrétion  pulmonaire  stagne  dans  le 
point  affecté  et  détermine  une  dilatation  par  son  accumulation  sur  une 
paroi  privée  d'élasticité  et  de  contractilité.  Si  l'action  phlegmasique 
n'a  lieu  qu'en  un  seul  point  de  la  bronche,  la  dilatation  est  unique;  si 
elle  intéresse  plusieurs  parties,  la  dilatation  est  multiloculaire  ou  moni- 
liforme. 

Vers  l'année  1840,  C.  J.  Williams  publiait  le  résultat  de  ses  recher- 
ches sur  la  dilatation  des  bronches.  Il  en  attribuait  la  formation,  moins  à 
la  diminution  de  l'élasticité  et  de  la  contractilité  de  ces  canaux  qu'aux 
alternatives  de  nutrition  produites  par  l'inflammation,  ou  bien  à  un  effort 
dilatateur  exercé  par  la  pression  atmosphérique. 

liasse  attribue  les  trois  sortes  de  dilatations  qu'il  a  décrites  :  la  pre- 
mière à  la  bronchite  ou  à  la  coqueluche;  elle  s'observe  à  la  suite  de 
dépôts  d'exsudations  fibrineuses,  qui,  en  amenant  l'oblitération  des  bron- 
chioles et  des  vésicules  pulmonaires,  favorisent  le  développement  d'une 
dilatation  complémentaire;  la  deuxième,  à  la  phthisie  ;  la  troisième,  à  la 
pleuro-pneumonie,  forçant  les  bronches  à  suppléer  au  vide  produit  par 
l'oblitération  des  vésicules  pulmonaires  avant  l'affaiblissement  graduel 
des  parois  thoraciques. 


656  BRONCHES.  —  dilatation  (physiologie  pathologique). 

Rokitansky  considère  la  dilatation  cylindrique  des  bronches  comme 
résultant  de  l'action  simultanée  de  la  pression  atmosphérique  et  des  accès 
de  toux  sur  les  parois  bronchiques,  lesquelles  seraient  préalablement 
comme  paralysées,  ou  du  moins  très-affaiblies.  Quant  à  la  dilatation  sac- 
ciforme,  elle  ne  se  développerait  point  dans  la  partie  des  poumons  affectée 
d'inflammation,  mais  au-dessus;  elle  serait  due  à  l'obturation  bron- 
•  chiale,  à  l'affaissement  du  tissu  pulmonaire  qui  en  résulte,  et  enfin  à  la 
dilatation  compensatrice  des  ramifications  moyennes. 

Beau  etMaissiat  ont  discuté  la  formation  des  dilatations  bronchiques.  Ils 
ne  croient  pas  que  l'accumulation  des  mucosités  soit  suffisante  pour  expli- 
quer la  dilatation*  les  mucosités  auront  plus  de  facilité  à  remonter  de 
proche  en  proche  dans  les  points  les  plus  spacieux  de  l'arbre  bronchique, 
qu'à  exercer  une  action  compressive  contre  les  parois  qui  les  auront  sé- 
crétées. Mais  que  l'air  intra-bronchique  soit  soumis  à  des  compressions 
puissantes  et  répétées,  comme  dans  les  toux  quinteuses,  il  agira,  en  vertu 
de  sa  propriété  éminemment  expansive  et  de  la  compression  qu'il  subit, 
contre  les  parois  des  bronches  déjà  affaiblies  par  l'inflammation  chro- 
nique. 

Mendelssohn,  en  Allemagne,  soutint  une  théorie  à  peu  près  analogue; 
il  attribuait  la  dilatation  des  bronches  à  la  pression  que  l'air  exerce  sur 
les  parois  bronchiques  pendant  les  accès  de  toux.  L'air  agit  énergique- 
ment  par  les  secousses  de  la  toux  sur  les  mucosités  qui  remplissent  les 
bronches  ou  sur  les  parois  bronchiques  paralysées  par  l'inflammation  ;  il 
détermine  ainsi  la  production  d'une  dilatation  en  ampoules. 

Barthez  et  Rilliet  distinguent  deux  variétés  de  dilatation  bronchique  : 
l'une,  aiguë,  fréquente  chez  les  enfants,  due  à  l'abondance  de  la  sécrétion, 
à  la  phlegmasie  de  la  muqueuse  et  à  l'imperméabilité  du  tissu  environnant  ; 
l'autre,  chronique,  rare  chez  les  enfants,  et  résultant,  soit  du  passage  à 
l'état  chronique  d'une  dilatation  aiguë,  soit  de  l'action  graduellement  dila- 
tatrice d'une  bronchite  chronique.  Ils  ajoutent  :  «  L'abondance  de  la  sécré- 
tion, la  phlegmasie  de  la  muqueuse,  l'imperméabilité  du  tissu  environ- 
nant, sont  les  trois  conditions  d'existence  de  la  dilatation  des  bronches. 
Toutes  les  trois  se  réunissent  le  plus  souvent  et  accompagnent  l'altération 
du  calibre,  mais  aucune  d'elles  n'est  absolument  nécessaire.  La  première, 
celle  qui  manque  le  moins  souvent,  l'imperméabilité  du  tissu,  est  la 
.moins  indispensable,  mais  peut  suffire  à  elle  seule.  Quel  est  le  rôle  de 
chacune  d'elles,  et  par  quel  mécanisme  se  produit  la  dilatation?  Elle  peut 
s'expliquer  d'une  manière  toute  physique  par  la  sécrétion  abondante  et 
le  séjour  prolongé  des  mucosités  purulentes  sans  cesse  poussées  par  les 
efforts  inspirateurs  des  gros  canaux  bronchiques  dans  les  plus  petits. 
Aussi,  lorsque  la  mort  est  survenue  très-rapidement,  la  dilatation  est-elle 
très-rare.  Cette  opinion  a  été  partagée  par  Fauvel  et  Grisolle;  la  phleg- 
masie de  la  muqueuse  favorise  la  dilatation  des  bronches  en  diminuant  la 
consistance  de  leurs  tuyaux,  ou,  suivant  l'idée  de  William  Stokes,  en  pa- 
ralysant les  muscles  circulaires  de  Reisseissen  et  en  activant  la  sécrétion. 
A  cette  action,  il  faut  joindre  sans  doute  celle  qui  résulte  de  l'affaisse- 


BRONCHES.  —  dilatation   (physiologie  pathologique).  G57 

ment  des  vésicules  pulmonaires.  En  se  rétractant,  le  tissu  intermédiaire 
aux  surfaces  pleurale  et  bronchique  tend  à  les  rapprocher  et  détermine 
ainsi,  d'une  part,  la  dépression  de  la  première,  et  d'autre  part,  la  dilata- 
tion de  la  bronche  au  niveau  des  tissus  condensés.  En  effet,  la  dilatation 
est  en  général  plus  considérable  dans  les  tissus  carnifiés  ;  c'est  même  là 
que  nous  avons  vu  les  bronches  de  la  surface  acquérir  plus  d'un  centi- 
mètre de  circonférence.  C'est  dans  ce  cas  aussi  que  la  phlegmasie  manque 
souvent,  en  sorte  que  la  dilatation  n'est  pas  rare  sans  inflammation  de  la 
muqueuse,  mais  c'est  dans  un  tissu  carnifié.  » 

La  dilatation  bronchique,  dit  Cruveilhier,  n'est  point  une  altération 
primitive,  elle  est  toujours  consécutive  à  une  bronchite  chronique,  et  sur- 
tout à  la  bronchite  capillaire  ;  elle  s'explique  surtout  par  les  efforts  con- 
sidérables de  la  toux,  et  par  les  mucosités  accumulées  dans  les  tuyaux 
bronchiques.  La  dilatation  bronchique  suppose  à  la  fois  et  la  perte  de  con- 
tractilité  musculaire  des  tuyaux  bronchiques,  et  la  perte  de  leur  élasticité. 
Elle  affecte  plus  souvent  les  dernières  divisions  bronchiques,  car,  d'une 
part,  c'est  contre  ces  dernières  divisions  que  porte  plus  particulièrement 
le  contre-coup  des  efforts  de  la  toux,  et,  d'autre  part,  leur  structure  est 
moins  résistante,  dépourvues  qu'elles  sont  de  squelette  cartilagineux. 

Gombault  regarde  comme  concourant  à  la  production  de  cette  maladie  : 
1°  l'inflammation  chronique  de  la  muqueuse;  2°  la  diminution  d'élasticité 
de  cette  membrane  et  la  paralysie  des  fibres  circulaires  de  Reisseissen; 
5°  l'accumulation  des  produits  de  sécrétion,  qui,  n'étant  plus  chassés  par 
la  contraction  musculaire,  séjournent  et  s'épaississent;  4°  un  rétrécisse- 
ment dû,  soit  au  pincement  de  la  muqueuse,  soit  au  rapprochement  des 
deux  points  opposés  du  tuyau  bronchique,  par  suite  d'une  phlegmasie 
plus  vive  en  ce  point  que  partout  ailleurs  ;  5°  l'air  contenu  qui,  ne  circu- 
lant pas  librement,  s'échauffe  ;  6°  enfin  des  adhérences  pleurales  et  la 
fixité  du  poumon. 

Barth  admet  que  trois  états  morbides  distincts  amènent  la  dilatation 
des  bronches  :  1°  la  pleurésie  à  résolution  lente,  dont  les  adhérences,  at- 
tirant la  paroi  thoracique  d'un  côté  et  amenant  son  retrait  incomplet,  ti- 
raillent d'une  autre  part  le  tissu  pulmonaire  et  finissent  ainsi  par  élargir 
les  canaux  aériens;  2°  les  engorgements  pulmonaires  chroniques.  Ces 
divers  états  maladifs  détruisent  l'expansibilité  du  parenchyme,  lui  don- 
nent comme  au  tissu  des  cicatrices  une  propriété  rétractile  qui  tend  à  le 
faire  revenir  sur  lui-même.  Alors,  si  les  côtes  ne  se  dépriment  pas  suffi- 
samment, ce  sont  les  bronches  qui  se  dilatent  ;  5°  les  bronchites  fréquentes 
et  répétées;  elles  tendent  à  détruire  peu  à  peu  la  souplesse  et  le  ressort 
des  parois  bronchiques. 

Que  l'on  suppose,  ajoute  Barth,  ces  trois  ordres  de  conditions  réunies 
par  l'existence  simultanée  de  la  bronchite,  de  la  pneumonie  et  de  la  pleu- 
résie ;  pour  peu  que  ces  états  morbides  se  prolongent  au  delà  de  leur  durée 
habituelle,  le  poumon,  longtemps  comprimé  et  altéré  dans  sa  structure, 
tend  à  revenir  sur  lui-même  ;  d'autre  part  il  est  accolé  aux  parois  pecto- 
rales par  des  adhérences  solides,  et  si  les  côtes  ont  perdu  leur  flexibilité 


638  BRONCHES.  —  dilatation  (physiologie  pathologique). 

de  manière  à  ne  pouvoir  céder,  le  tissu  pulmonaire  est  attiré  sans  cesse 
de  dedans  en  dehors;  enfin  les  bronches,  souvent  enflammées,  perdant 
leur  ressort,  comme  l'aorte  chez  les  vieillards,  se  laissent  facilement 
distendre  sous  l'influence  du  retrait  du  poumon  et  de  son  attraction  vers 
la  plèvre;  cet  effet  se  trouve  encore  accru  par  l'action  mécanique  des 
mucosités  accumulées  dans  leur  intérieur.  Une  dernière  influence  enfin, 
inhérente  à  l'acte  de  la  respiration,  c'est  que  si  l'air,  pénétrant  au  delà 
du  mucus  par  une  inspiration  énergique,  ne  traverse  pas  de  nouveau  ce 
même  mucus  dans  l'expiration,  il  s'échauffe  derrière  lui,  et  par  là  même 
il  augmente  de  volume  et  contribue  à  rendre  la  dilatation  des  rameaux 
bronchiques  de  plus  en  plus  considérable. 

Si  Ton  considère  les  diverses  théories  que  j'ai  cru  devoir  exposer  avec 
détails  à  cause  des  noms  qui  les  protègent,  on  trouve  que  la  dilatation 
des  bronches  a  été  successivement  attribuée  :  1°  à  une  phlegmasie  chro- 
nique de  la  muqueuse  des  bronches  ;  2°  à  la  pression  produite  par  l'ac- 
cumulation et  le  séjour  prolongé  des  mucosités;  3°  à  l'action  de  l'air 
emprisonné  dans  les  bronches  et  exerçant  contre  leurs  parois  une  pression 
expansive  ;  4°  à  la  traction  extra-bronchique  effectuée  par  l'induration 
et  le  retrait  du  tissu  pulmonaire  ;  5°  à  l'influence  des  adhérences  pleu- 
rétiques. 

Je  pourrais  m'en  tenir  à  ce  simple  résumé;  mais  l'intérêt  qui  s'attache 
à  cette  étude  m'autorise  à  examiner  si  une  de  ces  théories  est  la  véritable, 
ou  bien  si  la  dilatation  bronchique  n'émane  pas  plutôt  d'un  ensemble  de 
circonstances  diverses. 

1°  Une  phlegmasie  de  la  muqueuse  des  bronches  peut-elle  produire 
une  dilatation  des  bronches?  Si  l'on  considère  ce  qui  se  passe  dans  la 
bronchite  chronique,  on  voit  que  l'inflammation  de  la  muqueuse  se  pro- 
page au  tissu  sous-muqueux  ;  que  ce  tissu  et  surtout  l'élément  muscu- 
laire qui  entre  dans  sa  composition  se  ramollit  par  l'effet  de  cette  inflam- 
mation et  ne  forme  plus  aux  bronches  qu'une  paroi  flasque  et  inerte;  dès 
lors  celles-ci,  privées  de  toute  contractilité,  sont  incapables  de  résister 
aux  forces  qui  tendent  à  les  dilater.  Il  se  passe  dans  ce  cas  pour  l'appa- 
reil musculaire  des  bronches  ce  que  l'on  observe  pour  le  corps  et  le  col 
de  la  vessie  à  la  suite  d'une  phlegmasie  de  cet  organe,  c'est-à-dire  une 
paralysie  partielle.  La  paralysie  des  muscles  bronchiques,  conséquence 
d'une  ancienne  phlegmasie  de  la  muqueuse,  permet  aux  mucosités  de 
stagner.  Celles-ci,  par  leur  accumulation,  dilatent  les  tuyaux  privés  de 
leur  contractilité  et  de  leur  élasticité.  Trois  causes  se  trouvent  ainsi 
réunies  :  une  phlegmasie  chronique  de  la  muqueuse,  la  paralysie  des 
muscles,  et  la  pression  dilatatrice  des  mucosités.  La  bronchite  chronique 
joue  donc  Un  rôle  important  dans  la  pathogénie  de  la  dilatation  bron- 
chique. 

Une  bronchite  aiguë  peut-elle  amener  une  dilatation  des  bronches? 
Telle  est  l'opinion  de  Barthez  et  Rilliet.  Les  canaux  aériens  obstrués  par 
l'accumulation  de  mucosités  peuvent  bien  subir  dans  ce  cas  une  dilatation 
momentanée  ;  mais  tant  que  les  parois  bronchiques  ne  seront  pas  altérées, 


BRONCHES.  —  dilatation  (physiologie  pathologique).  639 

cette  dilatation  ne  pourra  pas  être  une  lésion  constante,  un  état  morbide 
caractérisé,  puisqu'elle  disparaîtra  avec  la  cause  qui  la  produit. 

Existe-t-il  une  relation  entre  la  bronchite  capillaire  et  la  dilatation  des 
bronches?  Fauvel  a  constaté,  dans  huit  autopsies  d'enfants  morts  de  bron- 
chite capillaire,  sept  fois  une  dilatation  partielle  ou  générale  des  bron- 
ches. Rilliet  et  Barthez  ont  observé  cette  même  coïncidence,  et  à  cet 
égard  ils  s'expriment  ainsi  :  «  Si  nous  considérons  l'abondance  et  la  re- 
production incessante  des  mucosités  bronchiques  chez  des  enfants  dont  la 
difficulté  naturelle  d'expectoration  est  encore  augmentée  par  la  position 
horizontale  et  plus  tard  par  l'affaissement  nerveux  résultant  du  défaut 
d'hématose,  si  nous  réfléchissons  de  plus  "que  cette  accumulation  se  fait 
dans  les  canaux  dont  les  petites  ramifications  présentent  des  parois  natu- 
rellement moins  résistantes  chez  les  jeunes  sujets,  et  qui  sont  encore  ra- 
mollies par  l'inflammation,  nous  n'aurons  pas  de  peine  à  comprendre 
pourquoi  ces  deux  affections  (bronchite  capillaire  et  dilatation  des  bron- 
ches) se  trouvent  si  fréquemment  réunies.  » 

2°  La  bronchectasie  est-elle  le  résultat  de  mucosités  accumulées  dans 
les  bronches?  Cette  assertion  est  peut-être  trop  absolue,  la  sécrétion  mu- 
queuse abondante  ne  se  retrouve  pas  toujours  dans  les  dilatations  des 
bronches.  W.  Stokes  cite  des  faits  de  dilatations  sans  sécrétion  morbide 
accumulée  dans  les  bronches,  il  en  conclut  que  le  rôle  des  mucosités  est 
secondaire.  D'autre  part,  Reynaud  cite  le  fait  d'un  rétrécissement  consi- 
dérable des  bronches  gauches  avec  accumulation  de  mucosités.  Biermer 
rapporte  l'observation  d'un  individu  mort  d'une  bronchite  chronique, 
avec  expectoration  abondante  et  fétide,  l'autopsie  ne  démontra  aucune 
trace  de  dilatation.  Donc  l'accumulation  des  mucosités  ne  détermine  pas 
nécessairement  la  dilatation  des  bronches,  elle  peut  cependant  devenir 
dans  certaines  circonstances,  une  cause  adjuvante.  —  Il  ne  faut  pas  ou- 
blier que  la  production  des  sécrétions  bronchiques,  leur  séjour  dans  ces 
canaux  constituent  un  phénomène  secondaire,  consécutif  à  certaines  alté- 
rations des  rameaux  aériens. 

5°  L'air  emprisonné  dans  les  bronches  peut-il  en  déterminer  la  dila- 
tation? —  Lebert  analysant  les  recherches  de  Gairdner  sur  l'affaissement 
des  vésicules  pulmonaires,  a  démontré  l'erreur  de  cette  opinion.  Les 
expériences  de  Hutchinson  et  de  Mendelssohn  prouvent  que  l'expiration 
est  d'un  tiers  environ  plus  puissante  que  l'inspiration.  Dans  les  efforts  de 
la  toux,  cette  puissance  de  l'expiration  est  augmentée  par  tout  l'avantage 
mécanique  d'une  impulsion  soudaine  et  de  la  force  expansive  qu'acquiert 
l'air  comprimé.  La  quantité  d'air  comprimé  derrière  un  obstacle  bron- 
chique ne  peut  pas  augmenter  ;  au  contraire,  elle  diminue.  Mais  que 
devient  cet  air?  il  est  peu  à  peu  expulsé  par  les  efforts  expirateurs  et 
n'est  point  remplacé  parce  que  le  bouchon  formé  par  les  matières  sécré^ 
tées  a  été  repoussé  vers  les  bronches  plus  petites  qu'il  ferme  complète-* 
ment.  Donc,  si  de  l'air  est  emprisonné  par  des  mucosités  bronchiques, 
loin  d'augmenter  en  quantité,  il  finit  par  disparaître,  et  la  partie  du  pou- 
mon qui  n'est  pas  en  communication  avec  l'air  atmosphérique  s'affaisse 


640  BRONCHES.  —  dilatation  (physiologie  pathologique). 

au  lieu  de  se  dilater.  L'air  emprisonné  peut-il,  par  la  chaleur  qu'il  ac- 
quiert dans  le  poumon,  se  dilater  au  point  de  déterminer  un  élargisse- 
ment des  bronches?  Cette  idée  est  hypothétique,  car  dans  les  limites  de 
température  auxquelles  est  soumis  cet  air,  le  changement  de  volume  ne 
peut  jamais  être  considérable. 

4°  Les  engorgements  chroniques  des  poumons,  la  cirrhose  en  particu- 
lier, peuvent-ils  devenir  cause  de  la  dilatation  des  bronches?  Lebert, 
dans  son  ouvrage  d'anatomie  pathologique,  s'inscrit  contre  une  telle  as- 
sertion. —  Lorsqu'on  a  examiné,  dit-il,  avec  soin  un  certain  nombre 
de  poumons  qui  étaient  le  siège  à  divers  degrés  de  la  dilatation  des 
bronches,  on  peut  se  convaincre  que  celle-ci  est  l'action  dominante 
et  que  les  modifications  du  tissu  pulmonaire  ne  sont  que  consécutives, 
aussi  ne  comprend-il  pas  qu'on  ait  établi  en  principe  une  analogie  entre 
la  condensation  pulmonaire  dans  ces  circonstances  et  la  cirrhose  du  foie, 
et  qu'on  ait  envisagé  la  dilatation  bronchique  comme  consécutive,  causée 
par  une  espèce  de  retrait  ou  de  résistance  moindre  du  tissu  pulmonaire 
ambiant.  En  face  d'assertions  aussi  contradictoires,  il  est  difficile  de  se 
prononcer  nettement,  cependant  il  me  semble  qu'avec  une  induration 
pulmonaire,  la  formation  des  ectasies  des  bronches  se  comprend  facile- 
ment. Les  parois  de  ces  canaux  sont  tiraillées,  écartées  mécaniquement 
l'une  de  l'autre,  par  la  traction  qu'exerce  sur  elles  le  tissu  connectif  de 
nouvelle  formation;  leur  élasticité  et  leur  contractilité  étant  épuisées, 
elles  doivent  subir  une  dilatation  permanente.  —  Le  tissu  connectif  après 
avoir  condensé  les  cellules  pulmonaires  ne  pouvant  exercer  sa  retractilité 
en  comprimant  concenlriquement  les  bronches,  ce  qui  éloignerait  les 
poumons  des  parois  costales,  les  tiraille  au  contraire  excentriquement, 
et  cette  traction  prolongée  amène  leur  dilatation.  J'ajouterai  que  la 
bronchectasie,  venant  à  la  suite  d'un  induration  chronique  du  poumon, 
s'explique  sans  qu'il  soit  néce-saire  d'admettre  une  altération  préalable 
des  parois  bronchiques  ;  cependant,  s'il  existait  un  ramollissement,  il  ne 
pourrait  que  favoriser  ce  mécanisme. 

5°  Les  adhérences  pleurétiques  ont-elles  une  influence  notable  sur  la  pro- 
duction de  la  dilatation  des  bronches?  Sur  trente  malades  atteints  de  dila- 
tation bronchique,  Barth  n'en  a  trouvé  que  deux  ne  présentant  pas  d'adhé- 
rences pleurales.  Ces  chiffres  permettent  de  conclure  que  les  adhérences 
de  la  plèvre  doivent  avoir  une  part  d'action  importante  dans  la  formation 
de  la  dilatation.  Si  donc,  elles  n'ont  pas  formé  les  dilatations,  elles  ont  joué 
un  certain  rôle  dans  leur  production.  Lors  de  l'épanchement  pleurétique 
qui  a  précédé  les  adhérences,  le  poumon  comprimé  a  perdu  son  élasticité, 
son  tissu  s'est  condensé,,  un  certain  nombre  de  vésicules  pulmonaires  sont 
devenues  imperméables,  conditions  nécessaires  à  la  formation  des  dila- 
tations. Puis,  le  poumon,  forcé  de  rester  en  contact  avec  les  parois  thora- 
ciques,  étant  tiraillé  en  tout  sens,  les  deux  feuillets  de  la  plèvre,  par  leur 
union,  le  maintiennent  toujours  dans  les  mêmes  limites.  L'organe  res- 
piratoire, malgré  les  obstacles  apportés  à  l'accomplissement  de  ses  mou- 
vements, continue  ses  fonctions  ;  il  s'établit  alors  une  lutte  entre  l'inertie 


BRONCHES.  —  dilatation  (diagnostic).  541 

que  tendent  à  donner  au  poumon  les  adhérences,  et  le  mouvement  d'ex- 
pansion qui  se  fait  à  chaque  inspiration.  L'augmentation  d'activité  fonc- 
tionnelle du  poumon,  et  les  tractions  incessantes  qu'il  subit,  finissent  par 
développer  le  calibre  des  bronches.  Tel  doit  être  le  rôle  des  adhérences 
pleurales  dans  la  pathogénie  des  dilatations  bronchiques. 

Ainsi  la  dilatation  des  bronches  ne  résulte  pas  d'une  seule  cause; 
elle  est  produite  par  un  ensemble  de  circonstances  diverses,  qui,  la  plu- 
part, ont  une  origine  phlegmasique  ;  tels  sont  les  épanchements  pleuré- 
tiques  anciens,  les  altérations  chroniques  des  poumons,  les  bronchites 
chroniques,  d'où  il  suit  que  la  bronchectasie  est  moins  une  entité  morbide 
qu'une  lésion  consécutive  à  divers  états  maladifs  des  poumons  et  des 
bronches;  toutefois,  elle  a  ce  caractère  particulier  qu'en  persistant,  elle 
devient  le  point  de  départ  d'altérations  nouvelles  masquant  ou  rempla- 
çant celles  qui  lui  avaient  donné  naissance. 

Diagnostic.  —  Malgré  toute  la  précision  que  les  procédés  modernes 
d'investigation  permettent  d'apporter  dans  la  détermination  exacte  des 
lésions  de  l'appareil  respiratoire,  le  diagnostic  de  la  dilatation  des  bron- 
ches offre  encore  de  sérieuses  difficultés.  Il  ne  s'appuie,  en  effet,  sur  au- 
cun symptôme  réellement  pathognomonique.  Les  phénomènes  locaux  et 
généraux,  les  résultats  de  la  percussion  et  de  l'auscultation  attestent  bien 
l'existence,  au  centre  du  parenchyme  pulmonaire,  d'une  cavité  anormale 
communiquant  avec  les  bronches,  mais  aucun  de  ces  signes  n'appartient 
exclusivement  à  la  dilatation  de  ces  canaux.  C'est  donc  plutôt  sur  la 
marche  de  la  maladie,  sa  durée,  l'étude  des  causes,  que  le  médecin  doit 
s'appuyer  pour  émettre  une  opinion. 

Est-il  possible  de  reconnaître  les  différentes  variétés  de  dilatation?  La 
dilatation  uniforme  aurait  pour  caractères  la  matité,  le  souffle  bronchique 
et  la  bronchophonie  mêlés  fréquemment  d'un  râle  muqueux  assez  pro- 
noncé. La  dilatation  ampullaire  donnerait  lieu  à  une  respiration  caver- 
neuse, au  râle  inuqueux  limité,  à  la  pectoriloquie.  Quant  à  la  dilatation 
en  chapelet,  elle  présenterait  tous  ces  signes  à  la  fois.  (Valleix.) 

La  dilatation  bronchique  se  distingue  assez  facilement  des  autres  mala- 
dies de  l'appareil  respiratoire,  qui  peuvent  avoir  avec  elle  quelque  analogie. 

L'emphysème  pulmonaire  en  diffère  par  la  dilatation  de  la  poitrine, 
l'exagération  du  son  à  la  percussion,  l'affaiblissement  du  murmure  respi- 
ratoire, des  accès  de  dyspnée  plus  ou  moins  violents,  une  toux  peu  fré- 
quente, des  crachats  mousseux,  aérés,  semblables  à  une  solution  de 
gomme,  ou  quelquefois  perlés  et  nacrés. 

La  pneumonie  se  distingue  par  le  frisson  initial,  par  le  râle  crépitant, 
le  souffle  tubaire,  une  coloration  spéciale  des  crachats  et  des  symptômes 
généraux  plus  ou  moins  prononcés. 

La  pneumonie  chronique  par  la  connaissance  des  antécédents  (pneu- 
monie aiguë  préexistante),  la  marche  de  la  maladie,  un  affaiblissement 
général,  une  fièvre  lente,  etc. 

Une  vomique  par  l'étude  des  antécédents,  les  frissons  répétés,  le  rejet 
brusque  d'une  grande  quantité  de  pus. 

NOUV.    DICT.    MÉD.    ET   CHin.  V.    —   41 


642  BRONCHES.  —  dilatation  (diagnostic). 

Une  gangrène  pulmonaire  diffère,  par  la  nature  des  crachats  sanieux, 
purulents,  d'une  odeur  particulière,  par  des  symptômes  généraux  d'une 
certaine  gravité.  Dans  la  dilatation  bronchique  quelquefois,  dans  la  gan- 
grène pulmonaire  toujours,  l'haleine  et  les  crachats  exhalent  une  extrême 
fétidité,  mais  dans  la  gangrène  pulmonaire,  cette  fétidité  très-forte  rap- 
pelle exactement  celle  du  sphacèle,  tandis  que  dans  la  bronchectasie 
elle  a  l'odeur  des  matières  animales  en  putréfaction. 

Une  pleurésie  chronique  avec  épanchement  purulent  ouvert  clans  les 
bronches  se  reconnaît  par  la  nature  des  crachats  et  leur  mode  d'expul- 
sion. En  effet,  les  crachats  de  la  dilatation  bronchique  ne  sont  pas  aussi 
uniformément  purulents  que  dans  l'empyème  ;  ils  sont  souvent  muqueux, 
mêlés  d'air;  ils  surnagent  à  l'eau  et  ne  s'y  dissolvent  pas  comme  le  pus 
séreux  des  plèvres,  c'est  toujours  à  la  suite  d'une  quinte  de  toux  qu'ils 
sont  rejetés;  tandis  que  dans  l'abcès  pletirétique,  le  pus  est  liquide,  sans 
mélange  d'air,  fétide,  souvent  il  s'échappe  sous  forme  de  jet  de  la  bouche 
du  malade  lorsque  celui-ci  incline  suffisamment  la  tête.  Enfin,  l'abcès 
pleural  ouvert  dans  les  bronches  se  dénote  par  une  résonnance  tympa- 
nique,  la  succussjon  du  thorax,  le  souffle  amphorique,  le  tintement  mé- 
tallique. 

Quant  à  la  phthisie  pulmonaire  le  diagnostic  différentiel  est  beaucoup 
plus  difficile.  On  comprend,  dit  Barth,  combien  il  est  important  de 
poser  un  diagnostic  précis  toutes  les  fois  qu'il  s'agit  d'une  affection  qui 
entraîne  de  si  graves  conséquences,  et  s'il  est  urgent  de  reconnaître  les 
tubercules  quand  ils  existent,  il  est  non  moins  intéressant  en  pratique  de 
ne  pas  les  admettre  quand  ils  n'existent  pas,  en  un  mot  il  faut  éviter  de 
confondre  avec  une  maladie  aussi  souvent  mortelle  que  la  phthisie  pul- 
monaire un  état  morbide  curable,  ou  qui,  du  moins,  peut  durer  nombre 
d'années,  sans  danger  sérieux  pour  la  vie. 

Dans  la  phthisie  pulmonaire  et  dans  la  dilatation  bronchique,  se  retrou* 
vent  des  symptômes  identiques,  toux,  crachats  épais  et  puriformes,  hémo- 
ptysies,  oppression,  matité,  respiration  caverneuse,  gargouillement,  pec- 
toriloquie.  L'analogie  est  plus  grande  encore  lorsque  la  dilatation  des 
bronches  occupe  le  sommet  d'un  poumon,  qu'elle  s'accompagne  d'une 
expectoration  inucoso-purulente,  d'un  amaigrissement  général,  etc.  Barth 
et  Gombault  ont  tracé  avec  beaucoup  de  netteté  ce  diagnostic  différentiel. 
Je  vais  le  tenter  à  mon  tour,  en  comparant  dans  ces  deux  affections, 
non-seulement  les  phénomènes  locaux  et  les  signes  physiques,  mais  en- 
core la  marche  de  la  maladie  et  toutes  les  conditions  étiologiques  ap* 
préciables. 

D'abord,  quant  aux  antécédents,  qu'il  est  toujours  bon  d'interroger, 
on  doit  noter  que  si  la  phthisie  pulmonaire  est  souvent  héréditaire,  et  fré- 
quente de  vingt  à  quarante  ans,  la  dilatation  des  bronches  est  plus  com- 
mune après  qu'avant  l'âge  de  cinquante  ans,  et  qu'elle  est  exempte 
d'influence  héréditaire.  Si  la  dernière  succède  d'emblée  à  une  bronchite 
intense  accompagnée  de  grands  efforts  de  toux,  la  première  arrive  insen- 
siblement sans  toux  préalable,  ou  du  moins,  à  la  suite  d'une  toux  telle- 


BRONCHES.   —  DILATATION   (diagnostic).  645 

ment  légère  que  souvent  elle  a  échappé  à  l'attention  du  malade  et  de  ses 
parents. 

La  phtbisie  se  présente  avec  les  formes  rétrécies  du  thorax  déjà  dé- 
crites (page  604),  avec  une  toux  souvent  sèche  au  début,  douloureuse, 
fatigante,  continue,  ou  du  moins  se  répétant  à  de  courts  intervalles  avec 
une  expectoration  d'abord  peu  abondante,  plus  tard  composée  de  crachats 
isolés,  nummulaires,  déchiquetés  ou  pelotonnés,  plongeant  dans  l'eau  et 
mêlés  de  grumeaux  plus  ou  moins  solides.  Dans  la  dilatation  des  bronches, 
la  poitrine  n'est  nullement  rétrécie,  la  toux  est  grasse,  humide,  facile; 
elle  se  reproduit  par  accès  séparés  par  de  longs  repos  ;  les  bronches  sem- 
blent se  vider  de  loin  en  loin  ;  il  se  fait  alors  une  expectoration  abon- 
dante de  crachats  muco-purulents,  fondus  en  une  masse  homogène  qui 
surnage  en  nappe  à  la  surface  de  l'eau,  ou  ne  plonge  qu'en  partie  dans 
le  liquide. 

Si  des  hémoptysies  se  montrent,  c'est  près  du  début  dans  la  phthisie, 
et  c'est  quand  son  cours  est  avancé  dans  la  dilatation  bronchique. 

La  voix,  si  souvent  éteinte  dans  la  phthisie,  est  toujours  conservée  dans 
la  dilatation  ;  ce  fait  s'explique  facilement  quand  on  réfléchit  que  cette 
maladie  est  toute  locale,  tandis  que  l'affection  tuberculeuse  envahit  suc^ 
cessivement  le  poumon,  le  larynx,  etc.  y 

Dans  la  phthisie,  on  observe  de  la  dyspnée,  surtout  dans  une  période 
avancée  de  la  maladie,  des  douleurs  thoraciques,  intercostales  et  inter- 
scapulaires  ;  dans  la  dilatation  bronchique,  la  dyspnée  est  habituelle- 
ment modérée;  il  n'existe  pas  de  douleur  fixe  sur  les  parois  de  la 
poitrine. 

Le  siège  le  plus  constant  des  tubercules  étant  le  sommet  des  poumons, 
c'est  là,  et  assez  souvent  des  deux  côtés,  que  les  signes  physiques  sont 
recueillis  avec  le  plus  de  netteté  ;  la  dilatation  des  bronches  a  lieu  le  plus 
ordinairement  d'un  côté,  autant  et  plus  vers  la  base  que  vers  le  sommet. 
La  percussion  y  donne  un  son  clair,  l'oreille  y  perçoit  un  souffle  caver- 
neux, du  gargouillement,  et  même  de  la  pectoriloquie;  mais  ces  phéno- 
mènes ont  lieu  dès  le  début  de  la  maladie,  tandis  que  dans  la  phthisie 
ils  en  marquent  la  troisième  période. 

Les  phénomènes  généraux  sont  de  plus  en  plus  graves  dans  la  tuber- 
culisation  :  mauvaises  digestions,  vomissements,  diarrhée,  sueurs  par- 
tielles, lièvre  hectique,  consomption  des  forces,  amaigrissement,  pâleur, 
changement  de  la  forme  des  doigts,  etc.,  présages  certains  d'une  ter- 
minaison inévitablement  funeste,  tandis  que  la  dilatation  des  bronches 
est  loin  de  présenter  un  tableau  aussi  inquiétant,  une  détresse  physique 
aussi  significative.  Elle  peut  faire  périr,  sans  doute,  mais  ce  n'est  jamais 
qu'au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins  long  et  par  l'effet  de  coïncidences 
rares  et  fortuites. 

Chacun  de  ces  caractères  différentiels  pris  séparément  n'a,  il  est  vrai, 
qu'une  importance  restreinte;  mais,  réunis,  ils  acquièrent  une  certaine 
valeur  et  établissent  d'une  manière  positive  le  diagnostic  différentiel  de 
la  phthisie  pulmonaire  et  de  la  dilatation  des  bronches. 


04i  BRONCHES.  —  dilatation  (pronostic  et  thérapeutique). 

Pronostic.  —  La  dilatation  des  bronches  peut  se  prolonger  indéfini- 
ment sans  déterminer  des  troubles  sérieux  dans  la  santé  du  malade.  Elle 
occupe  une  certaine  étendue  du  parenchyme  pulmonaire  ;  si  elle  affecte  les 
deux  poumons,  le  danger  est  réel;  il  est  facile  d'en  comprendre  le  motif. 
Le  malade  n'ayant  plus  pour  les  besoins  de  l'hématose  qu'une  faible  partie 
du  tissu  pulmonaire,  si  une  bronchite  ou  une  pneumonie  surviennent, 
la  respiration  devient  très-difficile,  et  la  mort  peut  être  la  conséquence 
de  la  diminution  progressive  et  continue  du  champ  de  l'hématose.  Lorsque 
les  dilatations  sont  nombreuses  et  remplies  d'un  ichor  putride,  la  mort 
peut  être  le  résultat  des  pertes  considérables  que  fait  chaque  jour  le  ma- 
lade par  la  suppuration  bronchique  ;  ne  peut-on  pas  craindre  que  cet 
ichor  putride,  en  contact  avec  les  surfaces  malades,  transporté  par  des 
inspirations  successives  dans  les  tuyaux  aériens  qui  aboutissent  aux  parties 
demeurées  saines,  ne  devienne  une  cause  d'infection  pour  l'économie, 
d'autant  plus  puissante  que  les  surfaces  respiratoires  ont  une  facilité 
d'absorption  très-grande;  du  reste,  on  comprend  que  le  degré  d'extension, 
la  largeur  des  dilatations,  l'ancienneté  de  la  maladie,  l'âge,  la  consti- 
tution du  sujet,  sont  autant  d'éléments  qui  font  nécessairement  varier  le 
pronostic. 

Thérapeutique.  —  La  dilatation  des  bronches  n'étant  jamais  primitive, 
le  traitement  préservatif  consiste  à  combattre  énergiquement  les  maladies 
qui  peuvent  lui  donner  naissance.  Mais  quelquefois,  malgré  l'emploi  de 
cette  prophylaxie,  l'affection  est  déclarée.  L'art  est-il  encore  impuissant? 
Non,  la  médecine  offre  des  ressources  qui,  si  elles  ne  guérissent  pas,  du 
moins  soulagent  et  prolongent  l'existence.  Débarrasser  les  voies  de  la 
respiration  des  mucosités  qui  les  obstruent,  modérer  le  flux  catarrhal 
afin  d'arriver  s'il  est  possible  à  en  tarir  la  source,  favoriser  la  résolution 
complète  des  lésions  pulmonaires  ou  pleurétiques  qui  souvent  persistent 
encore  à  cette  époque,  activer  autant  que  l'on  peut  y  contribuer  le  retrait 
graduel  et  progressif  des  parois  bronchiques  élargies,  surveiller  et  com- 
battre les  incidents  pathologiques  qui  ont  surtout  pour  effet  de  ranimer 
les  catarrhes  mal  éteints  et  deviennent  ainsi  la  cause  d'une  aggravation 
nouvelle,  enfin  soutenir  les  forces,  telles  sont  les  principales  indications 
que  le  médecin  doit  s'étudier  à  remplir. 

Les  agents  thérapiques  susceptibles  de  débarrasser  les  bronches  des 
mucosités  qui  les  remplissent  sont  :  le  kermès,  20  à  50  centigram- 
mes dans  un  julep  ou  un  looeh;  l'ipécacuanha,  sous  forme  de  sirop, 
à  la  dose  de  15  à  25  grammes,  ou  de  poudre  1  gramme  50  centi- 
grammes; le  tartre  stibié,  5  à  50  centigrammes  dans  eau,  125  grammes. 

Les  laxatifs  (manne,  huile  de  ricin)  sont  employés  avec  avantage. 

Les  opiacés  (extrait  gommeux,  morphine,  etc.)  calment  assez  bien  la 
toux  et  assurent  le  repos. 

Les  substances  dites  balsamiques  (tolu,  goudron,  térébenthine,  co- 
pahu,  etc.)  exercent  une  influence  réelle  sur  l'abondance  des  sécré- 
tions. 

Les  astringents  (cachou,  ratanhia,  diascordium)  combattent  à  la  fois 


BRONCHES.    —    RÉTRÉCISSEMENT    (CAUSES). 


'(.) 


et  la  sécrétion  bronchique  et  d'autres  accidents  tels  que  l'hémoptysie  et 
la  diarrhée. 

Les  eaux  sulfureuses  (Bonnes,  Cauterets,  Vernet,  Àmélie-les-Bains)  sont 
souvent  utilisées  pour  combattre  les  complications  pulmonaires  qui  en- 
tretiennent ou  aggravent  la  dilatation  bronchique. 

Quelques  révulsifs  cutanés  (vésicatoires  sur  le  thorax,  onctions  avec  la 
teinture  d'iode,  l'huile  de  croton  tiglium,  le  tartre  stibié)  ont  souvent 
produit  une  amélioration  manifeste. 

Trousseau  attache  une  grande  importance  aux  inspirations  de  substances 
médicamenteuses.  Il  compare  leur  action  sur  la  muqueuse  des  bronches 
à  celle  que  produisent  sur  la  muqueuse  uréthrale  les  injections  cathéré- 
tiques. 

Chez  les  malades  épuisés  par  la  toux  et  l'exagération  de  la  sécrétion 
bronchique,  les  préparations  de  quinquina  agiront  utilement  en  réveil- 
lant la  tonicité  des  tissus,  et  en  relevant  les  forces  générales. 

Rétrécissement  des  nroificlies.  —  Définition.  —  Le  rétrécisse- 
ment des  bronches  ou  broncho sténo si le  ou  bronehiartie,  consiste  en  une 
diminution  dans  le  calibre  des  bronches,  capable  d'apporter  un  obstacle 
au  passage  de  l'air  et  de  produire  des  troubles  plus  ou  moins  marqués 
dans  les  phénomènes  de  la  respiration  et  de  l'hématose. 

Cet  état  morbide  n'est  le  plus  souvent  que  la  conséquence  de  diverses 
affections  aiguës  ou  chroniques,  dont  le  conduit  aérien  peut  être  le  siège; 
aussi  la  plupart  des  auteurs  .classiques  ne  lui  consacrent-ils  qu'un  cha- 
pitre très-court. 

Causes.  —  Le  rétrécissement  des  bronches  a  pour  causes  principales  : 
une  compression  extérieure,  une  lésion  organique  des  parois,  un  spasme 
des  fibres  musculaires,  ou  bien  la  présence  dans  ces  canaux  de  corps 
étrangers. 

1°  Les  bronches  peuvent  être  rétrécies  par  des  corps  extérieurs  qui, 
appliqués  contre  leurs  parois,  en  diminuent  le  calibre.  Ces  corps  sont 
nombreux  et  de  nature  diverse. 

En  premier  lieu  se  placent  les  ganglions  lymphatiques  qui  entourent 
les  bronches  et  surtout  ceux  qui  sont  situés  à  l'angle  de  bifurcation 
et  à  la  racine  des  poumons.  Ils  offrent  des  dégénérations  multiples 
(hypertrophie  simple,  mélanique,  tubercules,  cancer,  etc.).  En  augmen- 
tant de  volume  et  de  consistance,  ils  dépriment  les  canaux  bronchiques. 
Louis,  qui  d'abord  n'avait  pas  attaché  d'importance  à  cette  altération,  a 
reconnu  plus  tard  que  ces  glandes  bronchiques  subissent  fréquemment 
la  transformation  tuberculeuse  non-seulement  dans  l'enfance,  mais  en- 
core dans  l'âge  adulte,  et  il  s'exprime  ainsi  :  «  La  situation  de  ces  gan- 
glions dans  le  voisinage  des  gros  vaisseaux,  des  bronches,  de  l'œsophage 
et  de  la  trachée,  entraîne  la  compression  de  ces  canaux  et  par  conséquent 
des  difficultés  dans  la  respiration,  la  déglutition,  la  circulation  et  même 
des  hémorrhagies  mortelles.  »  Cette  altération  des  ganglions  bronchiques 
avec  ses  conséquences  symptomatologiques  passa  quelque  temps  inaper- 
çue. Plus  tard  elle  a  été  signalée  chez  les  enfants  par  Becker,  Leblond, 


(H6  BRONCHES.  —  rétrécissement  (causes). 

II.  Ley,  Berton,  Rilliet  et  Barthez,  et  dans  ces  dernières  années  chez  les 
adultes  |>ar  Marchai  (de  Calvi),  Richel,  Duriau  et  Glaize,  Fonssagrives, 
Le  Boy  de  Méricourt,  Woillez,  etc. 

Les  ganglions  bronchiques  peuvent  devenir  cancéreux  ;  ils  acquièrent 
alors  un  volume  assez  considérable  et  atteignent  les  canaux  aériens  dont 
ils  diminuent  le  calibre.  Cruveilhier  a  vu  un  cancer  encéphaloïde  des 
ganglions  lymphatiques  qui  de  la  racine  des  poumons  s'était  propagé  le 
long  des  tuyaux  bronchiques  et  les  avait  notablement  rétrécis. 

Certaines  tumeurs  se  développent  dans  le  médiastin  antérieur  et 
compriment  plus  ou  moins  vivement  les  bronches.  Stokes  en  rapporte 
des  exemples.  Cruveilhier  a  donné  la  description  d'une  tumeur  située 
derrière  le  sternum  et  les  côtes  gauches,  qui  refoulait  en  arrière  le  cœur, 
les  poumons  et  la  trachée  ;  elle  envoyait  en  outre  un  prolongement  en- 
veloppant la  bronche  gauche  et  l'aplatissant  fortement.  j 

Une  cause  assez  fréquente  de  compression  de  la  partie  inférieure  de  la 
bronche  gauche  est  l'anévrysme  de  la  partie  ascendante  de  la  crosse  de 
l'aorte.  Robert  Spittal  a  rapporté  des  faits  de  ce  genre.  Legendre  a  donné 
(1854)  l'histoire  d'une  tumeur  anévrysmale  de  l'aorte  thoracique  qui 
comprimait  la  bronche  gauche.  Mon  père  a  publié  une  observation  d'ané- 
vrysme  de  l'aorte  qui,  par  la  compression  qu'il  exerçait  sur  la  bronche 
gauche,  avait  produit  des  accès  de  suffocation,  etc.  J'ai  vu  a  l'hôpital 
Saint-André,  dams  son  service  de  clinique,  un  anévrysme  de  la  crosse  de 
l'aorte,  comprimant  la  partie  inférieure  de  la  trachée  et  la  bronche 
gauche,  et  déterminant  une  oppression  très-considérable.  La  compression 
s'effectue  avec  d'autant  plus  d'intensité  que  l'aorte  dilatée  se  trouve 
placée  entre  le  sternum  qui  résiste  et  des  organes  qui  cèdent  et  se  laissent 
facilement  refouler  en  arrière. 

D'autres  fois,  c'est  le  cœur  hypertrophié  ou  quelque  partie  de  cet  or^ 
gane  dilaté  qui  fait  office  de  corps  comprimant.  King  a  publié  cinq  ob- 
servations d'aplatissement  de  la  bronche  gauche  par  suite  de  la  dilatation 
de  l'oreillette  gauche.  Barlow  a  rapporté  le  fait  d'un  jeune  homme  chez 
lequel  existait  un  rétrécissement  notable  de  la  trachée  et  des  bronches, 
par  suite  d'une  hypertrophie  du  cœur. 

Enfin,  des  tumeurs  volumineuses,  des  kystes  acéphalocystes,  en  se 
se  développant  dans  le  poumon  ou  la  plèvre,  exercent  sur  les  bronches 
une  compression  suffisante  pour  intercepter  la  respiration  dans  la  portion 
du  poumon  correspondante.  Baron,  Hérard  (1850)  ont  relaté  des  faits  de 
ce  genre. 

2°  La  cause  du  rétrécissement  peut  occuper  les  divers  éléments  qui  en- 
trent dans  la  structure  des  bronches.  L'origine  la  plus  ordinaire  de  cette 
lésion  de  canalisation  est  une  inflammation  chronique  ;  celle-ci  amène 
un  épaississement  de  la  membrane  muqueuse,  une  hypertrophie  des 
fibro-cartilages  des  bronches.  Mon  père  a  publié,  en  4844,  un  exemple 
de  rétrécissement  des  bronches  par  suite  de  cette  dernière  altération. 
Dans  un  cas  rapporté  par  Lebert,  les  anneaux  cartilagineux  avaient  triplé 
d'épaisseur.  Andra!  a  mentionné  un  cas  semblable  ;  la  bronche  princi- 


BRONCHES.    —    RÉTRÉCISSEMENT    (sYMPTOMEs).  647 

pale  était  tellement  rétrécie  qu'un  stylet  fin  pouvait  à  peine  franchir  l'ob- 
stacle, 

La  muqueuse  est  quelquefois  le  siège  d'ulcérations  syphilitiques;  et 
comme  celles-ci  se  manifestent  surtout  dans  les  grosses  bronches,  en  se 
cicatrisant  elles  amènent  des  rétrécissements  qui  gênent  la  respiration 
dans  le  côté  correspondant  de  la  poitrine. 

Dans  la  partie  des  bronches  qui  sont  munies  de  glandes  mucipares, 
l'hypertrophie  porte  de  préférence  sur  ces  corps.  La  muqueuse  bron- 
chique pourrait  être  encore  le  point  de  départ  de  productions  polypeuses, 
mais  ces  excroissances  sont  rares. 

5°  Le  spasme  doit  jouer  un  certain  rôle  dans  la  production  du  rétré- 
cissement des  voies  aériennes  ;  ainsi  que  le  fait  remarquer  Cruveilhier, 
il  agit  dans  toute  sa  plénitude  aux  deux  extrémités  des  canaux  aériens, 
c'est-à-dire  au  larynx  et  aux  divisions  ultimes  des  bronches. 

Beau  n'admet  pas  le  spasme  des  bronches  ;  il  explique  la  dyspnée  par 
la  présence  de  mucosités  visqueuses  et  tenaces  dans  l'arbre  aérien.  Ces 
mucosités,  en  rétrécissant  les  tuyaux  bronchiques,  produisent  les  râles 
bruyants  qu'on  entend  dans  cette  affection.  Cette  hypersécrétion  n'cst- 
elle  pas  soumise  à  la  perturbation  nerveuse?  Lorsque,  avec  Cruveilhier, 
on  considère,  d'une  part,  la  disposition  des  segments  cartilagineux  qui 
semblent  avoir  été  taillés  tout  exprès  pour  s'emboîter  les  uns  dans  les 
autres  par  leurs  extrémités,  et  pour  constituer  un  appareil  de  mouve- 
ment, et  d'autre  part,  l'existence  des  libres  contractiles  circulaires,  pla- 
cées à  la  face  interne  de  ces  segments,  on  ne  saurait  révoquer  en  doute 
les  mouvements  de  ces  segments  les  uns  sur  les  autres  ;  l'étendue  de  ces 
mouvements  peut  être  mesurée  par  l'espace  qu'ils  doivent  parcourir  pour 
arriver  au  contact.  Or,  l'arrivée  au  contact  doit  avoir  pour  résultat  la 
presque  oblitération  de  ces  conduits  si  leurs  parois  sont  épaissies  et  en- 
duites de  mucus.  Ces  faits  anatomiqucs  expliquent  les  phénomènes  de 
l'asthme  nerveux  et  de  la  suffocation  nerveuse.  Le  spasme  bronchique 
joue  un  rôle  très-important  dans  presque  toutes  les  maladies  des  voies 
respiratoires;  il  explique  les  alternatives  si  rapides  d'oppression  extrême 
et  de  respiration  libre,  les  quintes  suffocantes  de  la  coqueluche,  l'asthme 
symptomatique  des  maladies  du  cœur;  il  constitue  à  lui  seul  l'asthme 
idiopathique,  l'asthme  nerveux. 

4°  L'obstacle  au  passage  de  l'air  dans  les  bronches  peut  être  produit 
par  la  sécrétion  modifiée  de  la  muqueuse  ou  par  des  corps  étrangers  for- 
tuitement introduits  dans  les  voies  aériennes.  Dans  la  première  catégorie 
se  placent  les  mucosités  abondantes  et  concrétées,  les  tubes  pseudo- 
membraneux,  des  concrétions  plastiques,  fibrineuses  ;  dans  la  deuxième, 
se  rangent  les  corps  étrangers  venus  du  dehors  ;  les  annales  de  la  science 
renferment  un  grand  nombre  d'exemples  de  cette  dernière  catégorie.  Que 
ces  corps  étrangers  se  soient  développés  dans  les  bronches,  qu'ils  y  aient 
été  introduits,  ils  en  rétrécissent  nécessairement  le  calibre. 

Symptômes.  —  Les  symptômes  auxquels  donne  lieu  le  rétrécissement 
des  bronches  sont  les  suivants  : 


648  BRONCHES.  —  rétrécissement  (symptômes). 

Une  toux  sonore,  bruyante,  quinteuse,  habituellement  sèche  ou  suivie 
d'une  expectoration  spumeuse; 

Une  respiration  saccadée,  irrégulière,  par  moments  très-gênée.  —  La 
dyspnée  revêt  alors  la  forme  paroxystique,  elle  rappelle  l'angoisse  et 
l'orthopnée  de  l'accès  d'asthme; 

Des  douleurs  ou  plutôt  un  sentiment  de  gêne  au-devant  de  la  poi- 
trine; 

Une  voix  faible,  voilée,  comme  enrouée. 

La  percussion  ne  fournit  aucun  signe  d'une  valeur  réelle. 

L'auscultation  est  plus  significative.  Parmi  les  symptômes  qu'elle  per- 
met de  constater,  il  en  est  un  pathognomonique  de  la  compression  des 
bronches  :  c'est  le  cornage  broncho-trachéal  ;  ce  bruit  particulier  avait 
bien  été  signalé  par  Laennec,  par  Chomel,  par  Bouillaud,  parPiorry,  par 
Bouchut,  par  Monneret;  mais  c'est  Empis  qui,  dans  ces  dernières  années, 
en  a  décrit  avec  une  grande  exactitude  tous  les  caractères,  et  en  a  fait 
connaître  la  valeur  séméiologique. 

Ce  cornage  broncho-trachéal  est  entendu  à  distance,  il  est  lié  aux  deux 
temps  de  la  respiration,  il  a  néanmoins  son  maximum  d'intensité  dans 
l'inspiration,  il  se  perçoit  dans  toute  l'étendue  de  la  poitrine  surtout  à 
la  partie  antérieure  et  médiane,  puis  en  arrière  entre  les  deux  sca- 
pulums. 

Il  se  distingue  du  ronflement  que  détermine  la  respiration  dans  les  af- 
fections gutturales,  en  ce  que  ce  dernier  a  besoin  pour  se  produire  que 
l'air  inspiré  passe  par  les  narines  et  traverse  les  fosses  nasales.  Aussi, 
pour  le  distinguer,  il  suffit  de  pincer  le  nez,  de  fermer  les  narines,  et  dès 
que  l'air  est  intercepté  par  les  fosses  nasales,  le  ronflement  cesse  immé- 
diatement; il  continue,  s'il  s'agit  du  cornage  broncho-trachéal. 

Ce  cornage  diffère  de  la  respiration  bruyante  à  distance,  qui  se  fait  en- 
tendre dans  la  phthisie  laryngée,  l'angine  striduleuse,  le  croup,  l'œdème 
de  la  glotte,  et  se  caractérise  par  un  timbre  spécial  de  la  toux  et  de  la 
voix;  dans  ces  dernières  affections,  la  voix  est  enrouée,  rauque,  voilée, 
éteinte,  tandis  que  dans  le  cornage  broncho-trachéal,  le  larynx  reste 
libre,  et  la  voix  n'éprouve  pas  les  modifications  dont  je  viens  de 
parler. 

Il  se  distingue  de  la  respiration  bruyante  que  l'on  observe  dans  les  accès 
d'asthme,  dans  le  catarrhe  suffocant  des  vieillards,  dans  la  dyspnée  des 
emphysémateux.  Chez  ces  malades,  la  respiration  bruyante  a  son  maxi- 
mum d'intensité  pendant  l'expiration  qui  devient  très-prolongée  ;  dans  la 
compression  broncho-trachéale,  le  bruit  de  cornage  a  son  maximum  d'in- 
tensité pendant  l'inspiration.  Ainsi,  dans  les  premiers  cas,  le  bruit  pa- 
thologique est  expirateur,  tandis  que  dans  le  second,  il  est  inspirateur. 
En  outre,  dans  les  accès  d'asthme,  dans  l'emphysème  pulmonaire,  le  sif- 
flement expirateur  est  moelleux,  prolongé,  il  se  perçoit  surtout  en  avant 
au-dessus  des  mamelles,  en  arrière,  en  dedans,  et  au  niveau  des  fosses 
sous-épineuses,  et  dans  les  régions  sous-scapulaires.  Le  ronflement 
inspirateur  du  cornage  broncho-trachéal,  est  au  contraire  sec,  rude,  il 


BRONCHES.  —  rétrécissement  (diagnostic) .  649 

est  sensible  principalement  en  avant  sur  la  ligne  médiane,  au  niveau  du 
sternum,  puis  en  arrière,  entre  les  deux  scapulums. 

La  respiration  bruyante  ou  sifflante  de  l'angine  striduleuse,  du  croup 
a  des  traits  qui  la  spécilient.  En  même  temps  que  l'inspiration  est 
bruyante,  la  toux  et  la  voix  prennent  un  timbre  métallique,  sui  generis, 
et  deviennent  voilées  et  étouffées,  éteintes  et  aphones;  signes  de  haute 
valeur  qui  n'appartiennent  pas  au  cornage  du  râle  trachéal  produit  par 
des  corps  étrangers  (mucus,  sang,  pus,  etc.),  contenus  dans  la  trachée; 
ce  râle  trachéal  est  toujours  très-humide,  il  a  de  très-grosses  bulles;  en 
outre,  il  est  modifié  par  les  secousses  de  la  toux,  tandis  que  le  ronfle- 
ment du  cornage  est  tout  à  fait  sec  et  ne  présente  aucun  de  ces  carac- 
tères. 

Le  diagnostic  différentiel  du  cornage  broncho-trachéal  s'appuie  donc 
sur  le  caractère  de  ce  bruit,  sur  le  temps  de  la  respiration  et  la  région 
de  la  poitrine  où  il  a  son  maximum  d'intensité. 

Diagnostic  —  Les  détails  dans  lesquels  je  viens  d'entrer  peuvent  servir 
d'éléments  importants  pour  le  diagnostic;  actuellement  il  faut  essayer  de 
faire  connaître  le  siège  et  la  nature  de  l'obstacle  qui  produit  le  rétrécis- 
sement. 

Il  est  toutefois  une  question  importante  qu'il  me  paraît  nécessaire 
d'examiner.  Des  corps  étrangers  peuvent-ils  séjourner  quelque  temps 
dans  les  bronches  sans  déterminer  des  symptômes  particuliers?  Les 
exemples  attestant  l'innocuité  de  ces  corps  étrangers  sont  rares  mais 
incontestables.  Dans  une  observation  de  Dupuytren,  il  est  fait  mention 
d'une  pièce  d'or  qui  séjourna  dans  une  bronche  un  temps  assez  long 
sans  produire  d'accident.  Royer-Collard  a  rapporté  à  la  Société  anatomi- 
que  (1827)  le  fait  suivant  :  un  clou  long  d'un  pouce  et  demi  resta  engagé 
dans  la  bronche  gauche  pendant  deux  ou  trois  ans  sans  occasionner  de 
phénomène  morbide.  Il  mentionne  encore  cet  autre  exemple  :  un  os 
de  côtelette  séjourna  dix  ans  dans  une  bronche  sans  déterminer  de 
maladie  des  organes  respiratoires.  W.  Rose  cite  le  cas  d'un  enfant  de 
six  ans  chez  lequel  un  fruit  de  hêtre  fut  retenu  pendant  près  de  dix  ans 
dans  les  voies  aériennes,  sans  entraîner  une  lésion  de  ces  organes.  Mas- 
lieurat-Lagemard  lut  à  l'Académie  de  médecine,  en  1844,  l'histoire  d'un 
corps  étranger  qui  demeura  neuf  mois  dans  les  bronches  sans  inconvé- 
nient. 

1°  Détermination  du  siège  de  l 'obstacle.  —  C'est  l'auscultation  qui  per- 
met de  le  reconnaître.  Lorsque  la  compression  a  lieu  sur  l'une  des  deux 
bronches  ou  sur  l'une  des  principales  divisions,  le  poumon  correspondant 
à  la  bronche  comprimée,  ou  le  lobe  pulmonaire  correspondant  à  la  divi- 
sion bronchique  comprimée,  devient  le  siège  d'une  respiration  affaiblie. 
Cette  particularité  avait  été  notée  par  Stokes.  Elle  a  permis  à  Empis  d'an- 
noncer que,  chez  un  malade  atteint  de  cornage,  c'était  la  bronche  gauche 
qui  était  aplatie  par  une  tumeur  anévrysmale  ;  à  la  nécropsie  on  vérifia 
l'exactitude  du  diagnostic. 

Lorsque  la  respiration  est  affaiblie   des  deux  côtés  à  la  fois,  si  du 


650  BRONCHES.  —  rétrécissement  (diagnostic.) 

moins  l'auscultation  ne  permet  de  découvrir  aucune  différence  de  force 
entre  le  murmure  respiratoire  de  l'un  et  de  l'autre  côté  de  la  poitrine  et 
si  en  même  temps  il  existe  un  cornage  intense,  il  y  a  lieu  de  penser  que 
la  compression  se  trouve  à  l'angle  de  bifurcation  des  bronches. 

L'obscurité  du  bruit  respiratoire  dans  la  partie  du  poumon  où  va  se 
ramifier  la  bronche  comprimée  paraît  à  Fonssagrives  un  signe  déduit 
plutôt  théoriquement  de  la  nature  de  la  lésion  que  constaté  par  l'expé- 
rience. Cette  faiblesse  du  murmure  respiratoire,  généralisée  à  un  pou- 
mon ou  aux  deux  simultanément,  a  une  valeur  incontestable  :  elle  a  été, 
pour  Barth  et  Roger,  le  symptôme  principal  sur  lequel  ils  se  sont  appuyés 
pour  formuler  un  diagnostic.  Il  s'agissait  d'un  jeune  homme  de  dix-sept 
ans,  qui  offrait  les  symptômes  généraux  de  l'affection  tuberculeuse.  Le 
sommet  du  poumon  gauche  était  mat  à  la  percussion,  et  dans  les  mêmes 
points,  le  bruit  respiratoire  était  presque  nul.  On  pouvait  difficilement 
admettre,  soit  un  épanchement  circonscrit  au  sommet,  à  cause  de  la  ra- 
reté de  cette  situation  du  liquide,  soit  des  tubercules  crus  avec  densité 
du  parenchyme  pulmonaire.  Ces  états  morbides  se  traduisant  plutôt  par 
la  respiration  rude  ou  bronchique,  Barth  et  Roger  diagnostiquèrent  un 
rétrécissement  de  la  bronche  qui  se  distribue  au  sommet  du  poumon 
gauche.  Le  malade  mourut  d'une  hémoptysie  foudroyante,  et  ta  la  nécrop- 
sie,  on  trouva  effectivement  cette  bronche  comprimée  par  de  gros  tu- 
bercules, ses  parois  étaient  froncées  au  point  que  l'orifice  avait  à  peine 
le  diamètre  d'une  plume  à  écrire.  Il  y  a  donc  lieu  de  considérer  la  fai- 
blesse du  bruit  respiratoire  comme  un  signe  réel  de  la  compression  des 
bronches. 

2°  Détermination  de  la  nature  de  V obstacle.  —  Chercher  à  déterminer 
la  nature  de  l'obstacle  dont  le  siège  est  connu,  c'est  établir  le  diagnostic 
différentiel  des  diverses  affections  qui  peuvent  produire  le  rétrécissement 
bronchique. 

Les  ganglions  bronchiques,  lorsqu'ils  forment  une  tumeur  plus  ou 
moins  considérable,  compriment  certains  organes,  avec  lesquels  ils  sont 
en  contact,  et  modifient  leurs  fonctions.  Lorsqu'en  1826,  Andral,  dans 
sa  Clinique  médicale,  esquissait  l'histoire  de  cette  grave  lésion  chez 
l'adulte,  il  en  faisait  ressortir  la  rareté,  et  craignait  que  l'on  n'arrivât 
jamais  à  la  reconnaître  pendant  la  vie.  Mais  les  travaux  des  médecins 
dont  j'ai  déjà  cité  les  noms  ont  éclairé  ce  diagnostic,  et  permettent  de 
l'établir  sur  des  bases  assez  solides.  Les  ganglions  bronchiques  compri- 
ment-ils la  veine  cave  supérieure,  ils  déterminent  l'œdème  de  la  face,  la 
dilatation  des  veines  du  cou,  la  coloration  violacée  du  visage.  Pressent- 
ils  les  vaisseaux  pulmonaires,  ils  produisent  l'hémoptysie,  l'œdème  du 
poumon?  Agissent-ils  sur  le  nerf  pneumo-gastrique,  ils  entraînent  des 
altérations  dans  le  timbre  de  la  voix,  des  quintes  de  toux  qui  simulent 
la  coqueluche,  des  accès  d'asthme? 

Compriment-ils  les  bronches?  cette  compression  se  manifeste  par  des 
symptômes  particuliers  :  une  toux  quinteuse,  sèche,  bruyante,  des  dou- 
leurs qui  se  montrent  le  plus  souvent  du  côté  de  la  poitrine  correspon- 


BRONCHES,  —  rétrécissement  (diagnostic).  651 

dant  à  la  lésion,  et  qui  quelquefois  affectent  la  forme  d'une  névralgie 
cervico-occipitale,  un  sentiment  de  gêne  à  la  partie  antérieure  de  la  poi- 
trine, qui  prend  parfois  la  proportion  d'une  véritable  angoisse,  la  faiblesse 
de  la  voix  et  même  l'aphonie  ;  une  oppression  à  forme  paroxystique,  qui 
dépasse  celle  des  accès  d'asthme  les  plus  pénibles  ou  de  l'angine  de  poi- 
trine. 

La  percussion  ne  fournit  que  des  signes  négatifs. 

La  palpation  permet  de  constater  un  accroissement  des  vibrations  tho- 
raciques  normales  et  de  sentir  sous  l'une  ou  l'autre  clavicule  des  frotte- 
ments dus  à  de  gros  râles  sonores. 

A  l'auscultation,  le  murmure  vésiculaire  est  affaibli  dans  la  partie  du 
poumon  où  va  se  ramifier  la  bronche  comprimée  ;  il  est  quelquefois  mas- 
qué par  des  râles  vibrants.  C'est  à  Rilliet  et  Barthez  que  revient  l'honneur 
d'avoir  parfaitement  décrit  la  nature  de  ces  râles.  «  Lorsque  les  ganglions, 
disent-ils,  compriment  la  partie  inférieure  de  la  trachée  ou  les  bronches, 
il  existe  un  symptôme  spécial  à  cette  compression,  c'est  un  gros  ron- 
chus  bruyant,  sonore,  masquant  tout  bruit  respiratoire,  s'entendant  à 
distance,  différant  par  son  timbre  et  son  intensité  des  râles  sibilants  et 
ronflants,  et  remarquable  par  sa  persistance;  tandis  que  le  râle  sibilant, 
résultat  d'une  simple  bronchite,  disparaît,  en  général,  au  bout  de  peu 
jours  et  avec  une  grande  facilité. 

Marchai  (de  Calvi)  a  noté  dans  les  cas  de  cette  catégorie  trois  fois  sur 
quatre  des  hydropisies  partielles.  Leur  mécanisme  est  facile  à  expliquer; 
elles  étaient  dues  aux  ganglions  qui,  s'appuyant  sur  les  vaisseaux  de  la 
poitrine,  apportaient  un  obstacle  au  cours  du  sang. 

Quand  on  a  reconnu  que  ce  sont  les  ganglions  bronchiques  qui  s'op- 
posent au  passage  de  l'air,  il  reste  à  déterminer  quel  est  leur  mode  de 
lésion.  Le  diagnostic  est  à  ce  moment  entouré  de  difficultés.  L'hyper- 
trophie ganglionnaire  simple  n'a  pour  la  caractériser  aucun  symptôme 
particulier,  on  devra  néanmoins  la  soupçonner,  si  cette  altération  affecte 
déjà  les  ganglions  externes,  comme  dans  le  fait  rapporté  par  Bonfils. 
Même  difficulté  pour  l'hypertrophie  pigmentaire,  qui  est  heureusement 
fort  rare.  La  dégénérescence  tuberculeuse  étant  pour  les  ganglions  une 
affection  fort  commune,  on  a  une  tendance  à  admettre  ce  genre  d'alté- 
ration; cette  tendance  sera  plus  grande  encore,  et,  selon  toute  probabi- 
lité, on  sera  dans  le  vrai  s'il  existe  en  même  temps  les  indices  d'une 
phthisie  pulmonaire. 

Stokes  résume  ainsi  les  signes  communs  aux  tumeurs  du  médiastin  ; 
dysphagie,  sentiment  striduleux  de  la  trachée,  faiblesse  d'un  des  pouls, 
différence  du  bruit  respiratoire  par  suite  de  la  compression  des  canaux 
bronchiques,  déplacement  du  diaphragme  et  du  cœur,  dyspnée.  Il  si- 
gnale comme  symptôme  d'une  tumeur  cancéreuse,  une  respiration  sif- 
flante sans  altération  de  la  voix;  mais  ce  n'est  point  un  signe  particu- 
lier à  ce  genre  de  tumeur.  Iïeyfelder  a  appelé  l'attention  sur  un  autre 
signe,  dont  l'importance  est  bien  plus  grande,  c'est  la  coexistence  de 
tumeurs  multiples    et  disséminées   chez  l'individu   atteint  de  cornage 


652  BRONCHES.  —  rétrécissement  (diagnostic). 

broncho-trachéal;  l'apparition  de  ces  tumeurs  éclaire  la  nature  de  celles 
qui  peuvent  occuper  le  médiastin,  et  qui  sont  souvent  de  même  espèce. 

L'engorgement  des  ganglions  bronchiques  étant  une  affection  de  nature 
essentiellement  mécanique,  n'éveille  dans  les  autres  appareils  que  des 
symptômes  obscurs. 

Si  la  compression  des  bronches  est  due  à  un  anévrysme  de  l'aorte, 
elle  se  traduit  par  les  phénomènes  suivants  :  au  niveau  du  troisième 
espace  intercostal,  matité  exagérée,  bruit  de  souffle  ou  de  frémisse- 
ment vibratoire,  battements  insolites,  forts,  éclatants,  isochrones  au 
pouls,  simples,  quelquefois  doubles,  plus  ou  moins  voisins  de  l'oreille, 
siégeant  sur  le  sternum  à  droite  ou  à  gauche  de  cet  os,  perçus  d'autres 
fois  dans  le  dos  seulement;  pouls  large  et  vibrant,  dyspnée,  congestion 
de  la  face,  œdème,  etc.  Le  diagnostic  de  la  dilatation  aortique  ne  sera 
pas  mis  en  doute  si  une  tumeur  ou  une  voussure  se  montre  dans  l'espace 
qui  sépare  la  clavicule  gauche  du  troisième  espace  intercostal  du  même 
côté.  Quant  à  la  compression  bronchique,  elle  entraînera  les  symptômes 
que  j'ai  déjà  énumérés. 

Grisolle  fait  remarquer  que  la  compression  produite  sur  les  organes 
pectoraux  par  une  tumeur  anévrysmale  de  l'aorte  offre  ceci  de  remar- 
quable, que  les  phénomènes  morbides  varient  d'un  instant  à  l'autre;  c'est 
ainsi  que  la  dyspnée  peut  être  extrême,  puis  diminuer  et  devenir  presque 
nulle.  Le  bruit  respiratoire  affaibli  dans  un  côté  du  thorax  peut  y  re- 
prendre de  la  force,  l'inspiration  sifflante  cesser  tout  à  coup.  Cette 
variabilité  s'expliquerait,  d'après  l'honorable  professeur,  par  les  change- 
ments de  volume  que  la  tumeur  anévrysmale  présente  d'un  instant  à 
l'autre,  suivant  qu'elle  contient  plus  ou  moins  de  sang,  et  suivant  que 
les  caillots  sont  plus  ou  moins  revenus  sur  eux-mêmes.  Woillez  accorde 
également  une  grande  valeur  à  cette  variabilité  des  phénomènes  morbides 
sur  lesquels  Grisolle  a  fixé  l'attention,  et  il  dit  avoir  pu  plusieurs  fois,  à 
l'aide  de  ce  signe,  diagnostiquer  un  anévrysme  lorsque  le  malade  ne  pré- 
sentait que  de  la  dyspnée  et  du  cornage.  Quant  à  moi,  je  n'ai  pas  constaté 
cette  mobilité  de  symptômes  dans  les  cas  que  j'ai  observés. 

Le  rétrécissement  des  bronches  produit  par  un  anévrysme  de  l'aorte 
pourrait-il  être  confondu  avec  une  laryngite  œdémateuse? 

Rien,  en  effet,  ne  ressemble  davantage  à  un  accès  de  suffocation  par  un 
œdème  de  la  glotte  que  la  dyspnée  déterminée  par  la  compression  qu'exerce 
sur  les  bronches  l'aorte  dilatée?  Dans  un  cas  cité  par  Rayle  et  recueilli 
par  Cayol,  un  anévrysme  de  l'aorte  qui  comprimait  les  bronches,  fut  pris 
pour  un  œdème  de  la  glotte.  Cruveilhier  a  vu  un  chirurgien  distingué  se 
refuser  à  pratiquer  la  bronchotomie  dans  une  suffocation  qu'on  supposait 
produite  par  l'angine  œdémateuse.  Il  n'avait  pas,  disait-il,  la  certitude 
que  la  dyspnée  eût  pour  siège  le  larynx.  Le  malade  ayant  succombé,  on 
trouva  un  anévrysme  de  la  crosse  de  l'aorte  comprimant  la  partie  infé- 
rieure de  la  trachée  et  les  bronches.  Le  même  professeur  fut  sur  le  point 
de  pratiquer  la  trachéotomie,  croyant  avoir  affaire  à  une  angine  œdéma- 
teuse, tandis  qu'il  s'agissait  d'un  anévrysme  aortique.  Un  chirurgien  pra- 


BRONCHES.  —  rétrécissement  (diagnostic).  655 

tique  la  bronchotomie  et,  au  lieu  d'une  affection  du  larynx,  il  trouve  un 
anévrysme  de  l'aorte  aplatissant  une  bronche.  L'instrument  avait  ouvert 
l'anévrysme.  (Cheyne.)  En  1845,  un  malade  de  l'hôpital  Beaujon  est  opéré 
de  la  trachéotomie,  parce  qu'on  le  croyait  atteint  d'angine  œdémateuse; 
on  trouve  un  anévrysme  de  la  crosse  de  l'aorte.  (Sestier.) 

Comment  donc  distinguer  ces  deux  affections,  laryngite  œdémateuse  et 
compression  des  bronches  par  un  anévrysme  de  l'aorte. 

Les  symptômes  qui  les  rapprochent  sont  :  la  douleur,  la  gêne  au  la- 
rynx, la  dysphagie,  la  raucité  ou  l'extinction  de  la  voix,  la  toux,  la  diffi- 
culté et  la  sibilance  de  l'inspiration  faisant  contraste  avec  la  facilité  de 
l'expiration,  de  violents  accès  de  suffocation  revenant  plus  particulière- 
ment le  soir  et  la  nuit. 

Malgré  ces  analogies,  il  existe  des  différences  assez  nombreuses.  La 
douleur,  qui  dans  l'anévrysme  consiste  en  un  resserrement  continu,  en 
une  constriction,  un  picotement  rapporté  au  larynx,  est,  dans  l'angine 
œdémateuse,  la  sensation  d'un  corps  étranger  siégeant  au  fond  de  la 
gorge.  Dans  l'anévrysme  aortique,  la  toux  est  forte,  sonore,  revenant  par 
accès  longs  et  suffocants,  la  voix  est  aiguë  ou  simplement  voilée;  dans 
l'œdème  de  la  glotte,  la  toux  est  petite,  rauque,  la  voix  enrouée  et  très- 
affaiblie.  L'inspiration  est  bien  sifflante  dans  les  deux  maladies,  mais 
dans  l'angine  œdémateuse,  il  existe  un  contraste  entre  l'extrême  diffi- 
culté de  l'inspiration  et  la  facilité  de  l'expiration.  Dans  celte  angine,  le 
malade  est  assis  sur  son  lit,  la  tète  penchée  en  arrière,  les  membres  su- 
périeurs contractés  prennent  leur  point  d'appui  sur  les  objets  environ- 
nants; les  individus  atteints  d'anévrysme  de  l'aorte  ont  le  corps  penché 
en  avant,  la  tête  fléchie;  ils  semblent  par  cette  position  vouloir  diminuer 
la  pression  que  la  tumeur  anévrysmatique  exerce  sur  les  canaux  de  la 
respiration.  Dans  l'angine  œdémateuse  la  marche  est  rapide,  les  accidents 
présentent  presque  instantanément  un  très-haut  degré  de  gravité;  l'ané- 
vrysme aortique  a,  au  contraire,  des  périodes  successives,  une  marche 
lente,  et  ce  n'est  qu'après  un  temps  assez  long  qu'il  se  produit  des  phé- 
nomènes qui  annoncent  que  la  vie  est  compromise.  Enfin,  les  signes  phy- 
siques de  ces  deux  affections  permettent  de  fixer  d'une  manière  précise 
le  diagnostic.  Si  l'auscultation,  la  percussion,  font  reconnaître  la  tumeur 
aortique,  la  vue  et  le  toucher  font  constater  à  leur  tour  la  tuméfaction 
de  l'épiglotte  et  des  replis  arythéno-épiglotliques.  Enfin  il  ne  faut  pas 
oublier  qu'un  sujet  peut  être  affecté  à  la  fois  d'un  anévrysme  de  l'aorte  et 
d'une  angine  œdémateuse.  Green  a  rapporté  deux  observations  de  ce  genre. 

Le  rétrécissement  des  bronches  est-il  le  résultat  d'une  contraction 
spasmodique  des  fibres  musculaires  de  ces  canaux?  L'accès  de  dyspnée 
se  manifeste  avec  instantanéité  ;  il  arrive  immédiatement  à  un  très-haut 
degré  de  gravité,  disparaît  avec  une  rapidité  surprenante,  se  reproduit 
avec  irrégularité  ;  dans  les  intervalles,  la  respiration  est  libre,  la  santé 
générale  paraît  excellente;  tels  sont  les  caractères  à  laide  desquels  il 
est  permis  de  rattacher  la  coarctation  des  bronches  à  un  état  spasmo- 
dique. 


654  BRONCHES.  —  oblitération  ou  bronchiathésie. 

Le  rétrécissement  est-il  dû  à  la  présence  de  corps  développés  dans  les 
bronches  ou  venus  de  l'extérieur?  Les  commémoratifs,  les  antécédents, 
l'origine  de  la  maladie,  sa  marche,  formeront  les  bases  principales  du 
diagnostic. 

Pronostic.  —  La  terminaison  est  bien  différente  suivant  la  nature  de 
la  cause  qui  produit  la  bronchosténosie. 

En  général,  heureuse  lorsque  le  rétrécissement  est  dû  à  un  spasme  des 
bronches,  quelquefois  encore  favorable  lorsqu'il  a  pour  cause  la  présence 
d'un  corps  étranger,  la  terminaison  est,  au  contraire,  nécessairement 
fatale  s'il  est  déterminé  par  un  anévrysme  de  l'aorte,  par  une  lésion  or- 
ganique des  parois  bronchiques,  ou  par  quelque  tumeur  plus  ou  moins 
volumineuses. 

Dans  les  altérations  des  ganglions  bronchiques,  la  mort  peut  être  su- 
bite; elle  s'explique  par  l'excès  ou  l'étendue  du  rétrécissement  des  bron- 
ches et  par  la  compression  des  nerfs  respirateurs,  c'est-à-dire  la  paralysie 
des  nerfs  pneumo-gastriques  et  récurrents.  On  connaît  le  rôle  des  pneumo- 
gastriques dans  l'acte  de  la  respiration  et  plus  particulièrement  l'in- 
iluence  directe  que  le  nerf  récurrent  exerce  sur  le  larynx.  Or,  tous  les 
lymphatiques  du  poumon  et  des  conduits  aériens  aboutissent  à  des  gan- 
glions répandus  sur  l'origine  des  bronches,  autour  de  la  crosse  de  l'aorte 
et  des  autres  gros  vaisseaux.  C'est  au  milieu  de  cet  amas  ganglionnaire 
que  passent  les  pneumo-gastriques  et  les  récurrents;  ils  doivent  être 
comprimés  par  les  tumeurs  qui  les  enveloppent. 

Les  ganglions  altérés  et  hypertrophiés  peuvent  se  souder  aux  canaux 
bronchiques  avec  lesquels  ils  sont  en  rapport  comme  ils  se  sont  soudés 
entre  eux.  Leur  action  la  plus  ordinaire,  c'est  la  destruction  des  parois 
bronchiques;  on  ne  peut  mieux  la  comparer  qu'à  une  usure  lente,  suc- 
cessive. La  bronche  se  détruit  par  une  érosion,  la  paroi  est  remplacée 
dans  ce  point  par  la  membrane  externe  du  ganglion.  Si  le  développe- 
ment continue,  la  bronche  est  de  plus  en  plus  détruite,  elle  finit  par  l'être 
complètement.  La  bronche  ulcérée  s'ouvre,  le  ganglion  tuberculeux  peut 
s'engager  à  travers  l'ouverture  et  être  énucléé  au  dehors.  Becquerel  et 
Guersant  ont  cité  des  faits  de  ce  genre.  Kerstein  a  observé  treize  fois  la 
communication  des  glandes  bronchiques  avec  les  bronches  perforées  ou 
cicatrisées:  huit  fois  avec  les  bronches  droites,  trois  fois  avec  les  gauches, 
et  deux  fois  avec  celles  des  deux  côtés. 

Thérapeutique. — Le  traitement  du  rétrécissement  bronchique  varie  sui- 
vant la  nature  de  la  cause  qui  l'a  produit  ;  il  sera  plus  spécialement  dirigé 
contre  la  maladie  qui  en  a  provoqué  le  développement.  Le  rétrécissement 
qui  résulte  d'un  spasme  des  bronches  peut  être  combattu  avec  quelque 
avantage  par  les  vomitifs  et  les  antispasmodiques.  Quant  aux  autres  for- 
mes', il  est  probable  que  les  agents  thérapeutiques,  même  énergiques, 
resteront  sans  efficacité. 

Oblitération  <le*  nroaiclies  on  lironchlatréslc.  —  Ce  genre 
d'altération  auquel  on  n'a  porté  qu'une  faible  attention,  si  ce  n'est  Rey- 
naud  qui  en  a  fait  le  sujet  d'un  travail  remarquable,  offre  cependant  un 


BRONCHES.    OBLITÉRATION    0      BKOXCIIIATRÉSIE.  655 

certain  intérêt  par  l'influence  qu'il  exerce  sur  l'acte  de  la  respiration.  En 
effet,  il  n'en  est  pas  des  bronches  comme  des  vaisseaux  sanguins  ou 
lymphatiques  qui  ont  entre  eux  de  fréquentes  anastomoses  et  peuvent  se 
suppléer,  si  l'un  d'eux  a  cessé  d'être  perméable.  Les  bronches  se  distri- 
buent à  la  manière  des  branches  d'un  arbre,  et  lorsque  l'une  d'elles  est 
oblitérée,  la  partie  du  poumon  dans  laquelle  elle  se  divise,  est  privée 
d'air  de  la  manière  la  plus  absolue.  Si  les  canaux  aériens  n'avaient  pas 
une  immense  étendue,  si  dans  leur  distribution  ils  ne  mesuraient  pas  une 
très-vaste  surface,  la  perte  de  quelques  rameaux  bronchiques  aurait  une 
influence  désastreuse  relativement  à  l'hématose.  Cependant,  si  la  bronche 
oblitérée  est  volumineuse,  il  doit  nécessairement  en  résulter  des  consé- 
quences graves  quant  aux  fonctions  que  les  poumons  ont  à  remplir. 

Les  causes  des  oblitérations  des  bronches  sont  très-analogues  à  celles  de 
leurs  rétrécissements.  Toutes  s'y  retrouvent,  sauf  le  spasme,  qui  ne  saurait 
être,  du  moins  quant  aux  bronches  d'un  certain  calibre,  assez  énergique 
pour  en  effacer  complètement  la  cavité.  Mais  les  tumeurs  développées  au- 
tour des  bronches,  qui  dans  un  point  les  ont  aplaties,  peuvent,  par  une 
nouvelle  augmentation  de  volume,  produire  un  rapprochement  plus  im- 
médiat, un  contact  plus  intime  de  leurs  parois,  en  d'autres  termes,  leur 
oblitération.  Cette  conséquence  doit  accompagner  assez  souvent  le  déve- 
loppement des  tubercules,  lorsque,  malgré  leur  extension,  ils  conservent 
une  assez  grande  consistance. 

L'inflammation,  en  produisant  Tépaississement  des  tissus  constitutifs 
des  bronches  entraîne  d'abord  la  coarctation  de  ces  conduits,  plus  tard 
leur  occlusion  complète.  Ainsi,  une  bronchite  très-aiguë  ou  une  bronchite 
chronique  circonscrite,  appelant  dans  un  point  déterminé  du  poumon  d'in* 
cessantes  fluxions,  peut  créer  des  changements  considérables  d'organisa- 
tion, de  forme  et  de  capacité  dans  les  tuyaux  bronchiques.  Si,  en  même 
temps,  il  se  fait  une  sécrétion  librineuse  dans  les  canaux,  et  que  ce  fluide 
se  concrète,  l'oblitération  est  inévitable  ;  ou  encore  si  le  parenchyme  pul- 
monaire lui-même  est  le  siège  de  l'inflammation,  si  les  vaisseaux  intersti- 
tiels sont  gorgés  de  sang,  si  le  parenchyme  s'en  infiltre,  il  s'exerce  néces- 
sairement une  compression  énergique  sur  les  petites  bronches,  qui  non- 
seulement  sont  rétrécies,  mais  encore  oblitérées. 

Enfin  on  comprend  que  le  mucus  épaissi,  endurci,  accolé  aux  parois  de 
quelque  bronche  volumineuse  peut  l'obstruer,  que  les  concrétions  calcai- 
res ou  broncholithes  peuvent  encore  par  leur  accroissement  exagéré  fer- 
mer complètement  la  bronche,  sechatonner  dans  cette  cavité  amplifiée,  et, 
interrompant  complètement  l'accès  de  l'air  vers  les  vésicules  pulmonaires, 
rendre  inutiles  les  canaux  intermédiaires  qui  ne  tardent  pas  à  se  soli- 
difier. 

Dans  ces  diverses  circonstances,  il  est  facile  déjuger  que  l'oblitération 
n'est  que  la  période  extrême  du  rétrécissement  ;  il  est  probable  que  dans 
les  efforts  de  l'inspiration  l'obstacle  à  l'entrée  de  ce  fluide  dans  la  portion 
de  bronche  rétrécie,  lutte  vivement  contre  la  pénétration  de  l'air,  et  ce 
qui  prouve  l'effort  du  gaz  vivement  inspiré,  c'est  la  dilatation  bronchique, 


656  BRONCHES.  —  broscholiihie. 

qui  le  plus  ordinairement  se  trouve  immédiatement  au-dessus  du  rétré- 
cissement ou  de  l'oblitération. 

Les  signes  de  l'oblitération  des  bronches  sont  peu  saillants.  L'ausculta- 
tion ne  donne  ni  râle  ni  bruit  particulier,  mais  elle  ferait  connaître  l'ab- 
sense  totale  du  murmure  respiratoire,  si  l'oblitération  était  considérable. 
La  dyspnée  serait  dans  ce  cas  observée  ;  le  soulèvement  des  côtes  serait 
moindre  du  coté  correspondant  à  la  lésion.  Il  peut  encore  survenir  un 
aplatissement  plus  ou  moins  prononcé  du  thorax,  comme  le  prouve  l'ob- 
servation de  pathologie  comparée  rapportée  par  Reynaud. 

Les  modifications  de  texture  introduites  dans  les  poumons  par  l'oblité- 
ration de  quelques  bronches  de  fort  calibre  présentent  des  particularités 
assez  curieuses.  Lorsqu'on  introduit  un  stylet  dans  la  partie  supérieure  de 
cette  bronche,  il  s'y  meut  avec  facilité,  il  y  rencontre  même  un  espace 
assez  large,  mais  tout  à  coup  il  se  trouve  arrêté,  un  obstacle  l'empêche 
d'aller  au  delà,  c'est  le  cul-de-sac  que  forme  la  bronche.  Si  alors  on  ouvre 
cette  cavité,  on  trouve  une  interruption  complète  dans  la  continuité  du 
canal.  Dans  le  lieu  de  ce  resserrement  la  membrane  fibro-muqueuse  est 
devenue  à  la  fois  épaisse  et  dense,  tandis  que  les  canaux  placés  au-dessous, 
qui  vont  en  se  divisant  et  en  se  subdivisant  sont  atrophiés  et  convertis  en 
des  cordons  de  plus  en  plus  fins,  bien  que  fort  résistants.  Ils  peuvent  pro- 
duire sur  le  tissu  pulmonaire  une  sorte  de  rétraction,  de  dépression,  en 
même  temps  qu'a  lieu  la  compacité  complète  du  parenchyme  environnant. 
Ce  parenchyme  du  reste  peut,  selon  les  circonstances,  se  trouver  dans  un 
état  d'hépatisation,  d'œdème,  de  cirrhose  ou  d'induration  comme  squir- 
rheuse. 

Il  u'y  a  pas  de  traitement  spécial  à  opposer  à  l'oblitération  des  bronches, 
si  ce  n'est  celui  qui  a  pour  but  de  combattre  les  maladies  qui  la  font 
naître. 

Broncitoiâtiiie.  —  La  broncholithie  est  une  affection  qui  résulte  de  la 
production  de  concrétions  calcaires  dans  les  bronches.  Ces  corps  étran- 
gers (broncholithes)  qui  ont  pour  caractère  spécial  de  s'être  formés  de 
toutes  pièces  dans  les  canaux  bronchiques,  d'y  avoir  séjourné  un  temps 
plus  ou  moins  long,  doivent  être  distingués  de  ceux  qui  ont  pour  origine 
et  pour  siège  le  parenchyme  pulmonaire  (pneumolithes)  ou  bien  de  ceux 
qui  proviennent  du  dehors. 

Les  calculs  bronchiques  ont  été  signalés  pour  la  première  fois  par  Morga- 
gni;  il  s'exprime  ainsi  dans  sa  lettreXV  n°  19  :  «  Sans  doute,  je  n'ignore  pas 
que  les  glandes  bronchiques  s'endurcissent  quelquefois  comme  de  la  chaux, 
à  l'intérieur  comme  à  l'extérieur  des  poumons  ;  et  cependant  je  crois  que 
la  même  chose  arrive  bien  plus  souvent  à  une  humeur  épaisse,  ou  au  pus 
retenu  longtemps  dans  les  cellules  de  ces  viscères,  et  je  sais  positivement 
que  cela  a  lieu  dans  les  ramifications  des  bronches.  »  Andral  rapporte 
deux  exemples  de  concrétions  calculeuses  dans  les  poumons  exempts  de 
tubercules.  «  J'ai  trouvé,  dit-il,  à  la  Charité,  dans  les  poumons  d'un 
homme  d'une  soixantaine  d'années,  qui  n'avait  jamais  présenté  aucun 
signe  d'affection  de  poitrine,  plusieurs  calculs  d'une  dureté  pierreuse,  et 


BRONCHES.    —    BRONCHOLITHIE.  657 

offrant  plusieurs  embranchements  comme  en  offrent  souvent  les  calculs 
rénaux.  En  raison  de  leur  forme,  ces  calculs,  qui  avaient,  terme  moyen, 
le  volume  d'une  noisette,  ne  devaient-ils  pas  être  considérés  comme 
ayant  pris  naissance  plutôt  dans  les  ramifications  bronchiques  que  dans 
le  parenchyme  pulmonaire  ?  Ce  parenchyme  était  d'ailleurs  partout  très- 
sain.  » 

Dans  deux  de  ses  séances  (1865),  la  Société  médicale  des  hôpitaux  de 
Paris  a  mis  à  l'étude  la  question  des  concrétions  des  voies  respiratoires, 
et  Besnier  a  lu  un  rapport  intéressant  sur  ce  point  de  pathologie. 

Les  calculs  intra-bronchiques  donnent-ils  lieu  à  des  accidents  particu- 
liers qui  puissent  faire  soupçonner  leur  existence?  11  est  positif  que  sou- 
vent des  concrétions,  même  volumineuses,  sont  restées  latentes  pendant 
toute  la  vie  et  n'ont  été  constatées  qu'à  l'autopsie.  Solfanelli  a  publié 
l'histoire  d'un  individu  mort  d'une  pleuro-pneumonie  droite.  A  la  né- 
cropsie  il  fut  surpris  de  trouver  dans  la  bronche  droite,  à  l'endroit  ou 
elle  se  bifurque  pour  pénétrer  dans  les  lobes  moyen  et  inférieur,  un  calcul 
volumineux.  Ce  calcul  était  comme  enveloppé  d'un  kyste  de  consistance 
membraneuse,  attaché  à  la  paroi  bronchiale-,  il  avait  évidemment  agi  par 
sa  présence  sur  le  tissu  de  la  bronche  qui  avait  perdu  de  son  élasticité.  Placé 
à  cheval  sur  la  division  du  canal,  il  se  composait  d'une  partie  plus  large 
et  d'une  autre  plus  étroite,  laquelle  pénétrait  dans  la  division  bronchiale 
secondaire;  il  avait  la  forme  d'un  triangle  irrégulier,  à  surface  convexe, 
rugueuse,  mamelonnée,  une  couleur  d'un  blanc  cendré,  la  consistance 
d'une  matière  calcaire;  il  mesurait  3  centimètres  et  demi  en  longueur, 
1  centimètre  et  demi  en  largeur;  sou  poids  était  de  ir>(.)  grains;  il  était 
formé  de  carbonate,  de  sulfate  de  chaux,  d'albumine  et  de  mucus.  Or, 
affirme  Solfanelli,  ce  calcul  si  volumineux  cl  si  dangereusement  situé, 
n'avait  déterminé,  pendant  la  vie  de  l'individu,  aucun  symptôme  parti- 
culier. 

La  difficulté  du  diagnostic  résulte  de  l'analogie  qui  existe  entre  les 
symptômes  de  la  broncholithie  et  ceux  de  la  bronchite  chronique  oujie 
la  phthisie  pulmonaire;  en  effet,  les  symptômes  de  la  broncholithie  con- 
sistent en  une  toux  fréquente,  une  expectoration  copieuse,  épaisse  et  pu- 
riforme,  de  l'oppression,  des  hémoptysies  qui,  même  quelquefois  parieur 
abondance,  ont  déterminé  rapidement  la  mort.  Il  est  cependant  un  phé- 
nomène qui  doit  avoir  une  certaine  valeur  séméiologique,  en  ce  qu'il  a 
été  noté  dans  presque  tous  les  faits  de  broncholithie;  c'est  une  douleur 
profonde,  persistante,  circonscrite,  au  niveau  du  point  qu'occupe  le  corps 
étranger. 

Les  broncholithes  se  présentent  sous  la  forme  de  corps  arrondis,  d'un 
volume  qui  varie  de  la  grosseur  d'un  grain  de  millet  à  celle  d'une  noi- 
sette, plus  ou  moins  durs,  friables,  constitués  par  du  phosphate  et  du 
carbonate  de  chaux;  ils  offrent,  et  c'est  là  ce  qui  les  distingue,  une  dis- 
position cristalline,  une  stratification  en  couches  concentriques,  et  au 
centre  un  noyau  constitué,  soit  par  du  mucus  concrète,  soit  par  du  sang 
(Gubler). 

NOUV.   DICT.    MÉD.    ET   CUIR.  V.     —    42 


058  BRONCHES,  —  mioncholituie. 

Ce  noyau  central  serait,  selon  quelques  pathologistes,  un  corps  étranger 
fortuitement  introduit  dans  les  bronches.  Cette  explication  est  admis- 
sible pour  les  individus  qui,  par  leur  profession,  sont  obligés  de  vivre 
dans  une  atmosphère  pulvérulente.  En  effet,  les  molécules  peuvent  péné- 
trer dans  les  voies  aériennes,  s'y  arrêter,  s'y  accumuler,  et  devenir  ainsi 
l'origine  d'une  production  calculeuse  ;  mais  elle  ne  peut  pas  être  ac- 
ceptée pour  les  malades  qui  ne  sont  point  placés  dans  ces  conditions 
particulières. 

Tous  les  auteurs  admettent  l'existence  de  concrétions  développées  dans 
le  parenchyme  pulmonaire  ou  dans  les  ganglions  bronchiques.  On  est 
d'accord  sur  le  mécanisme  d'élimination  par  lequel  ces  concrétions  ar- 
rivent dans  les  bronches,  pour  être  ensuite  expulsées  au  dehors.  Le  dis- 
sentiment survient  lorsqu'il  s'agit  des  calculs  primitivement  formés  dans 
les  bronches.  Barth  affirme  n'en  avoir  jamais  rencontré  dans  ces  canaux  ; 
il  les  a  constamment  trouvés,  soit  dans  les  cavernes  tuberculeuses,  soit 
au  niveau  des  ganglions  bronchiques.  Les  calculs  bronchiques  seraient 
aussi  dus  à  des  tubercules  siégeant  primitivement  dans  les  ganglions,  puis, 
subissant  une  transformation  crétacée,  ils  corroderaient  les  bronches  et 
pénétreraient  dans  leur  intérieur.  D'un  autre  côté,  les  faits  cités  p3r  Gui- 
bout,  Vidal,  Bcsnier,  Gublcr,  ceux  de  Morgagni,  Laennec,  Andral,  prou- 
vent dune  manière  positive  que  ces  productions  calcaires  se  forment 
souvent  de  toutes  pièces  dans  les  bronches,  alors  même  que  les  poumons 
et  les  ganglions  bronchiques  sernt  exempts  d'altération  tuberculeuse.  Ils 
se  produisent  par  un  mécanisme  analogue  à  celui  qui  donne  naissance 
aux  calculs  rénaux. 

Le  pronostic  de  cette  affection  est  essentiellement  variable.  Tantôt  le 
broncholithe,  après  avoir  séjourné  dans  les  voies  respiratoires,  provoque 
des  accidents  qui  entraînent  la  mort  du  malade  ;  tantôt  il  est  expulsé  à  la 
suiîe  d'une  quinte  de  toux,  d'une  hémoptysie  ;  ce  rejet  est  le  plus  sou- 
vent suivi  d'une  amélioration  notable  dans  la  santé  ;  quelquefois  d'une 
guérison  définitive.  J'ai  eu  occasion  de  voir,  avec  mon  père,  un  jeune  mé- 
decin allemand  qui,  pendant  plusieurs  années,  avait  offert  les  symptômes 
généraux  et  quelques-uns  des  phénomènes  locaux  de  la  phthisie  pulmo- 
naire. Il  avait  eu,  à  diverses  reprises,  des  crachements  de  sang,  il  éprou- 
vait d'une  manière  presque  permanente  une  douleur  au-dessus  du  sein 
droit,  près  du  bord  externe  du  sternum.  L'auscultation  seule,  par  ses  résul- 
tats négatifs,  empêchait  d'affirmer  l'existence  de  tubercules  pulmonaires. 
Pendant  une  hémoptysie,  il  rejeta  un  calcul  bronchique  :  dès  ce  moment, 
tout  phénomène  morbide  cessa,  la  santé  se  rétablit;  depuis  lors  elle  s'est 
maintenue  excellente. 

Le  traitement  de  la  broncholithie  est  très-limité.  La  nature  se  charge 
seule  du  travail  qui  a  pour  but  l'expulsion  du  calcul  ;  mais  à  ce  moment 
peuvent  se  produire  des  phénomèues  résultant  d'une  excitation  locale 
vive,  c'est-à-dire  de  la  toux,  de  l'oppression,  des  hémoptysies,  quelque- 
fois de  la  fièvre;  or  il  importe  de  modérer  les  efforts  de  ce  travail  élimi- 
natoire; la  médication  calmante  et  émolliente  doit  alors  intervenir. 


BRONCHES. BRONCHITE  pseudo-membraneuse  (synonymie,  historique).  659 

Broncliife  pseudo-membraneuse.  —  Définition.  —  La  bron- 
chite pscudo-membrancuse  est  l'inflammation  des  bronches  ayant  pour 
conséquence  la  production  de  fausses  membranes  à  l'intérieur  de  ces 
canaux. 

Synonymie.  —  Polypes  des  bronches,  polypes  pulmonaires,  bronchite 
polypeuse,  bronchite  plastique,  bronchite  croupale,  plastic  bronchitis, 
bronchite  ou  pneumonie  fîbrineuse.  Le  nom  de  bronchite  pseudo-mem- 
braneuse est  aujourd'hui  presque  exclusivement  adopté.  L'idée  qu'il 
implique  du  siège  et  de  la  nature  de  la  maladie  justifie  la  préférence  de 
la  plupart  des  pathologistes. 

Historique.  —  Les  concrétions  pseudo-membraneuses  des  bronches  ont 
été  signalées  dès  la  plus  haute  antiquité. 

Hippocrate  paraît  les  avoir  observées.  Un  de  ses  malades,  Phérécide, 
après  avoir  eu  des  douleurs  dans  le  côté  droit  de  la  poitrine,  des  fris- 
sons, de  la  fièvre,  eut  une  petite  toux  qui  amena  des  matières  sèches. 
Après  un  léger  amendement,  la  fièvre  augmenta  le  neuvième  jour,  s'ac- 
compagna de  délire,  et  peu  avant  la  mort  il  expectora,  dit  le  vieillard  de 
Cos,  une  espèce  de  champignon  formé  de  mucosités  et  entouré  d'une 
pituite  blanche.  Ne  serait-ce  pas  là  une  concrétion  pseudo-membraneuse? 

Galien,  le  premier,  émit  une  opinion  sur  la  nature  de  ces  concrétions  ; 
il  les  considéra  comme  des  fragments  de  vaisseaux  pulmonaires  expecto- 
rés. Cette  hypothèse  de  Galien  a  trouvé  quelques  adhérents. 

Tulpius  rapporte  deux  exemples,  l'un  d'un  fragment  de  veine,  l'autre 
d'une  veine  très-ramiiïée  rejetés,  par  l'expectoration,  il  donne  même  le 
dessin  de  celle-ci  et  s'écrie  :  «  Divulsas  autem  hasce  venas,  ceu  miracu- 
lum  inauditum,  equidem  coram  vidi,  publiée  examinari,  a  prseceptore 
meo  Petro  Pawio,  plane  eadem  forma  qua  illas  expressit  sculptor.  » 

Thomas  Bartholin  (1648)  etMoèllcnbrocck  (1650)  citent  des  cas  dans 
lesquels  les  corps  solides  expectorés  furent  considérés  comme  des  vais- 
seaux artériels  des  poumons. 

La  doctrine  de  Galien,  aujourd'hui  complètement  inadmissible,  fut 
combattue  à  la  fin  du  dix-septième  siècle  par  Martin  Lister. 

Rob.  Clarke  observait  un  malade  qui  depuis  trois  ans  rendait  par  la 
bouche  de  temps  à  autre  des  concrétions  solides,  rameuses.  Il  en  envoya 
un  échantillon  à  Lister  pour  avoir  son  avis  sur  leur  nature.  Voici  la  ré- 
ponse de  ce  dernier  :  Les  corps  que  rend  votre  malade  sont  formés  dans 
les  dernières  ramifications  des  bronches  et  doivent  par  conséquent  avoir 
bien  de  la  peine  à  sortir.  Us  ne  sont  autre  chose  que  l'humeur  muqueuse 
des  petites  glandes,  laquelle  se  durcit  dans  ces  conduits  où  elle  prend  la 
forme  qu'elle  présente. 

L'opinion  de  Lister  fut  successivement  acceptée  par  Bussière,  chirur- 
gien français,  réfugié  à  Londres  (1704),  par  Samber,  par  Nichols.  Elle 
le  fut  aussi  par  Haller,  car,  après  avoir  admis  que  la  muqueuse  trachéale 
peut  se  détacher,  être  expectorée  et  se  reproduire,  il  attribue  au  mucus 
la  matière  solide  rendue  par  les  voies  respiratoires  :  «  Is  idem  mucus,  sed 
aliquo  ut  videtur  transsudante  sero  mixtus,  huic  tenuior,  nonnumquam 


060  BRONCHES.    BRONCHITE    PSEUDO-MEMBRANEUSE    (HISTORIQUE) . 

liguram  bronchi  ramorumque  exprimit,  atque  ramosa  vasis  aliqua  effigie 
conspicuus,  screando  redditus  est.  » 

Marcorelle,  de  Toulouse,  soignait,  en  1751,  un  maître  de  danse  qui, 
après  avoir  offert  tous  les  symptômes  d'une  pneumonie,  rejeta  des  corps 
ramifiés  de  trois  pouces  de  longueur,  tubuleux.  Il  traitait  en  1762,  avec 
Barthez,  une  femme  présentant  le  même  phénomène.  11  se  demande  si 
ces  masses  solides  étaient  constituées  par  les  membranes  internes  des 
bronches  ou  par  une  substance  moulée  dans  leur  cavité.  L'Académie  des 
sciences  consultée  (1762),  ne  se  prononça  pas.  Plus  tard  l'Académie  de 
chirurgie  adopta  la  dernière  opinion  sur  un  rapport  de  Sue  à  la  suite 
d'une  communication  du  chirurgien  Lebœuf. 

Leraery,  comparant  ces  sortes  de  concrétions  à  ce  que  de  son  temps 
on  appelait  polypes  du  cœur,  les  prend  pour  des  polypes  formés  dans  la 
veine  ou  dans  l'artère  pulmonaire.  «  Elles  doivent  être  sorties,  dit-il,  par 
quelque  ouverture  qui  s'était  faite  aux  vaisseaux  ;  aussi  étaient-elles  ac- 
compagnées de  sang.  » 

Murray  se  servant  des  mêmes  expressions,  en  leur  donnant  une  signi- 
fication différente,  désigne  sous  le  nom  de  polypes  des  bronches  des  con- 
crétions sanguines  formées  dans  les  voies  aériennes  par  suite  d'attaques 
réitérées  d'hémoptysies.  Le  fait  relaté  avec  détail  par  ce  savant  médecin, 
et  offert  par  un  jeune  homme  de  vingt  et  un  ans,  ne  laisse  aucun  doute 
sur  le  mode  de  production  du  corps  étranger  multifide,  que,  comme  Tul- 
pius,  il  a  fait  représenter  dans  son  mémoire.  Murray  pense  que  le  sang, 
ou  du  moins  la  partie  coagulable  de  ce  fluide,  successivement  déposé 
dans  la  trachée  et  dans  les  bronches,  y  forme  une  gelée  épaisse  ;  mais  il 
admet  que  cette  lymphe  coagulable  peut  à  elle  seule  former  des  fausses 
membranes,  comme  celles  du  croup. 

Les  idées  de  Murray  furent  adoptées  par  quelques  observateurs,  entre 
autres  par  Hunter,  Canstatt,  Michaelis,  Senac,  Reil. 

Selon  Louis,  les  fausses  membranes  eroupales  peuvent  se  prolonger 
jusque  dans  les  ramifications  bronchiques. 

Horteloup  (1828),  Barth,  en  citent  des  observations. 
Lobstein  divise  les  maladies  dans  lesquelles  se  forment  des  fausses 
membranes  en  trois  catégories  :  croup  laryngé,  croup  bronchique,  croup 
vésiculairc.  11  fait  remarquer  que  plus  l'individu  est  jeune,  plus  l'inflam- 
mation attaque  un  point  élevé  de  l'appareil  pulmonaire  ;  plus  il  est  avancé 
en  âge,  plus  cette  inflammation  descend.  Dans  le  croup  des  enfants,  la 
force  plastique  agit  de  haut  en  bas;  dans  le  croup  des  adultes,  l'activité 
pathologique  agit  de  bas  en  haut. 

Nonat  a  observé,  dans  l'épidémie  de  grippe  de  1857,  huit  cas  de  bron- 
chite librincuse  se  montrant  comme  complication  de  la  pneumonie.  Il  n'y 
eut  pas  de  fausses  membranes  expectorées,  mais  à  la  nécropsie  on  en 
trouva  les  bronches  remplies  jusque  dans  les  dernières  ramifications. 
En  1849,  Thore  a  publié  un  travail  sur  la  bronchite  fibrineuse. 
Thicrfeldcr  relate  des  observations  de  bronchite  croupale  et  regarde 
les  fausses  membranes  comme  un  produit  de  sécrétion. 


BRONCHES.    BRONCHITE    PSEUDO-MEMBRANEUSE    (CAUSES).  661 

Rapprochant  tous  ces  faits  et  considérant  que  les  concrétions  sont 
constituées  en  grande  partie  par  de  la  fibrine,  Rokitansky  les  réunit  en 
une  même  famille  sous  le  titre  d'inflammation  croupale  des  voies  respi- 
ratoires, en  les  distinguant  de  la  phlegmasie  catarrhale  dont  le  mucus  est 
le  produit. 

Dans  ces  dernières  années,  Remak,  ayant  trouvé  d'une  manière  presque 
constante  des  concrétions  ramifiées  dans  les  petites  bronches  chez  des 
individus  morts  de  pneumonie,  en  conclut  que  ces  concrétions  plasti- 
ques sont  le  phénomène  essentiel  de  cette  affection,  de  telle  sorte  que 
pour  lui  la  pneumonie  pourrait,  ajuste  titre,  être  considérée  comme  une 
bronchite  tibrineuse. 

Je  signalerai  encore  dans  cet  historique  succinct  les  travaux  de  Blaud 
(de  Beaucaire),  deFauvel,de  Leudet  (de  Rouen),  de  Michel  Peter.  Je  dois 
une  mention  spéciale  aux  recherches  cliniques  de  Schùtzenberger  (de 
Strasbourg)  ;  ce  sont  les  notions  puisées  dans  l'enseignement  de  ce  pro- 
fesseur savant  qui  ont  inspiré  les  thèses  de  Wiedemann  (Strasbourg, 
1854)  etdeCadiot  (Paris,  1855). 

Causes.  —  Les  causes  de  la  bronchite  pseudo-membraneuse  sont  diffi- 
ciles à  déterminer. 

Cette  maladie  s'observe  à  tout  âge;  elle  semble  cependant  plus  fré- 
quente chez  l'homme  que  chez  la  femme  ;  elle  frappe  de  préférence  les 
adultes,  ceux  qui  sont  restés  plus  ou  moins  longtemps  exposés  au  froid  ou 
à  l'humidité,  qui  vivent  dans  des  conditions  hygiéniques  mauvaises,  elle 
affecte  les  individus  affaiblis  par  des  peines  morales,  par  d'anciennes 
maladies  et  surtout  par  des  affections  chroniques  des  voies  respiratoires. 
Peacock  a  insisté  sur  l'importance  de  cette  cause  prédisposante. 

La  bronchite  pseudo-membraneuse  peut  se  présenter  d'une  manière 
isolée  :  les  accidents  diphthéri tiques  constituent  alors  toute  la  maladie. 

Plus  souvent  elle  apparaît  comme  une  extension,  une  complication, 
ou  bien  encore  un  mode  de  terminaison  d'un  autre  état  maladif;  elle 
peut  être  la  plus  haute  expression  et  le  caractère  spécial  d'une  influence 
épidémique.  Ainsi  elle  a  été  une  complication  grave  dans  certaines  épi- 
démies de,  bronchite  capillaire  (Fauvel;  Mahot  Bonamy,  Marcé  et  Mal- 
herbe), dans  l'épidémie  de  grippe  de  1837  (Nonat). 

Elle  se  retrouve  dans  la  pneumonie;  ces  concrétions  bronchiques  ap- 
paraissent du  troisième  au  cinquième  jour  de  la  maladie.  Depuis  long- 
temps cette  lésion  anatomique  de  la  pneumonie  est  consignée  dans  les 
traités  allemands  de  pathologie.  Elle  est  également  inscrite  dans  nos  ou- 
vrages classiques;  elle  a  été  dernièrement  étudiée  par  Cornil  dans  son 
travail  sur  l'anatomie  pathologique  de  la  pneumonie. 

La  bronchite  pseudo-membraneuse  est  souvent  la  conséquence  d'une 
laryngite  de  même  nature.  La  diphthérie  ne  se  concentre  pas  toujours 
exclusivement  dans  le  larynx  :  elle  parcourt  de  proche  en  proche,  et  sou- 
vent avec  une  grande  rapidité,  les  divers  segments  de  l'arbre  respira- 
toire ;  aussi  lorsque  le  larynx  est  tapissé  de  fausses  membranes,  la  tra- 
chée et  les  bronches  sont  menacées  d'être  envahies  à  leur  tour.  Millard 


662  BRONCHES.  —  bronchite  pseudo-membraneuse  (symptômes). 

a  signalé  la  diphthérite  des  bronches  comme  complication  fréquente  du 
croup;  il  rapporte  dans  sa  thèse  16  cas  de  cette  complication  sur  55  ob- 
servations de  croup.  Peter  a  examiné  l'état  des  bronches  dans  105  né- 
cropsies  de  croup  ;  52  fois  il  a  trouvé  des  fausses  membranes  dans  les 
canaux  bronchiques.  Il  ne  s'est  pas  borné  à  démontrer  cette  fréquence, 
il  a  fait  encore  voir  avec  quelle  rapidité  s'effectue  l'envahissement  di- 
plithéritique  de  la  muqueuse  des  bronches.  C'est  habituellement  de  deux 
à  quatre  jours  après  l'existence  de  la  laryngite  pseudo-membraneuse  que 
se  développe  la  diphthérite  des  bronches. 

Symptômes.  —  La  bronchite  pseudo-membraneuse  parcourt  ses  périodes 
tantôt  avec  rapidité,  tantôt  avec  une  certaine  lenteur;  de  là,  ses  deux 
formes  aiguë  et  chronique. 

La  bronchite  pseudo-membraneuse  à  forme  aiguë  débute  de  deux 
manières.  Elle  est  quelquefois  précédée  d'une  bronchite  simple  qui  se 
traduit  par  une  toux  sèche,  sans  fièvre  prononcée  et  sans  oppression,  et 
qui,  d'une  manière  subite,  en  quelques  heures,  acquiert  un  très-haut  degré 
de  gravité.  D'autres  fois  elle  n'a  point  de  prodromes,  elle  est  foudroyante 
et  constitue  une  sorte  de  catarrhe  suffocant. 

En  voici  les  principaux  symptômes  : 

Un  frisson  plus  ou  moins  violent  auquel  succède  une  fièvre  continue 
d'une  certaine  intensité. 

Une  douleur  dans  l'un  des  côtés  de  la  poitrine. 

Une  oppression  très-grande,  qui  précède  habituellement  l'expectoration 
des  fausses  membranes,  et  diminue  lors  de  leur  expulsion,  c'est-à-dire 
après  qu'a  été  rétabli  le  passage  de  l'air  dans  les  bronches.  Cette  dyspnée 
se  présente  sous  forme  d'accès  et  les  accès  se  reproduisent  à  des  inter- 
valles d'autant  plus  éloignés  que  la  maladie  marche  vers  une  solution 
favorable. 

Une  toux  quinteuse,  fréquente,  surtout  pénible  lors  du  rejet  des  con- 
crétions bronchiques. 

Une  expectoration,  d'abord  muqueuse,  jaunâtre,  visqueuse,  qui  plus 
tard  consiste,  et  c'est  là  le  symptôme  pathognomonique,  en  fausses 
membranes  ramifiées,  cylindriques,  souvent  canaliculées.  Ces  productions 
membraniformes  sont  blanches  ou  rougeàtres,  comme  pelotonnées;  elles 
peuvent  avoir  5  à  15  centimètres  de  long,  la  forme  d'un  ruban  aplati, 
ce  qui  les  a  fait  comparer  au  tamia  (Brenau),  ou  d'un  tube  creux,  ce  qui 
leur  donne  quelque  analogie  à  cause  de  cette  disposition,  de  la  couleur  et 
de  la  consistance,  avec  du  macaroni  bouilli  (Starr).  Lorsque  ces  fausses 
membranes  sont  canaliculées,  leurs  cavités  se  démontrent  par  l'introduc- 
tion d'un  stylet;  elles  contiennent  des  mucosités  spumeuses  et  des  bulles 
d'air  qui  se  déplacent  :  en  général  les  plus  petites  n'ont  pas  de  tubu- 
lures, ce  sont  des  cordons  pleins.  La  forme  réelle  de  ces  membranes  ne 
devient  bien  distincte  que  lorsqu'on  les  met  dans  l'eau  :  alors  se  déroulent 
le  tronc  et  les  divisions  et  subdivisions.  Elles  semblent  composées  de 
fibres  allongées  et  résistantes,  superposées  en  couches  concentriques,  ne 
cédant  que  dans  une  certaine  mesure  à  la  traction  ou  à  une  compression 


BRONCHES.  —  bronchite  pseudo-membraneuse  (symptômes).  G63 

assez  forte.  Maintenues  dans  l'eau  un  certain  temps,  elles  se  ramollissent. 
Par  leurs  caractères  physiques  elles  offrent,  d'après  Valleix,  la  plus  grande 
analogie  avec  la  fausse  membrane  du  croup  ;  cependant  Thore  affirme 
que  les  concrétions  bronchiques  s'en  distinguent  par  leur  couleur  qui  est 
d'un  blanc  mat  ou  légèrement  rosé,  par  leur  structure  qui  est  comme 
fibreuse,  par  leur  résistance,  leur  élasticité. 

Dans  la  bronchite  pseudo-membraneuse,  la  percussion  ne  fournit  en 
général  aucun  signe  déterminé,  si  ce  n'est  une  certaine  matité,  comme 
dans  la  bronchite  intense. 

1/ auscultation  donne  quelques  résultats  d'une  certaine  valeur.  Elle 
permet  de  constater  au  début,  surtout  si  la  pseudo-membrane  est  sèche, 
un  rhonchus  sonore;  plus  tard  un  mélange  de  rhonchus  et  de  râles  mu- 
queux  quand  se  fait  une  sécrétion  plus  ou  moins  abondante  de  mucosités. 
Barth  et  Cazeaux  ont  signalé  comme  symptôme  pathognomonique  un  bruit 
particulier  que  l'on  a  nommé  de  soupape,  de  tremblotement  ou  de  dra- 
peau. C'est  probablement  ce  même  bruit  que  Thore  a  comparé  au  son 
que  produirait  une  pelure  d'oignon  vibrant  à  l'intérieur  des  bronches. 
Mais  ce  bruit  peut-il  être  considéré  comme  pathognomonique?  Ne  doit-il 
pas  s'observer  chaque  fois  que  du  mucus  épaissi  et  en  certaine  quantité, 
séjournant  dans  les  bronches,  est  agité  par  l'air?  Ce  bruit,  qui  a  pour 
siège  la  trachée  et  les  grosses  bronches,  n'est  point  constant  :  il  n'a  lieu 
que  si  la  fausse  membrane  est  peu  étendue  et  libre  par  quelques-uns  de 
ses  bords.  Il  ne  se  produit  pas  si  elle  est  adhérente  et  si  elle  remplit 
exactement  le  calibre  bronchique. 

Quand  l'inflammation  est  bornée  aux  bronches,  la  voix  ne  subit  aucune 
modification,  et  malgré  la  dyspnée,  il  ne  survient  aucun  phénomène 
morbide  du  côté  du  larynx. 

De  l'anorexie,  de  la  soif,  de  la  constipation,  un  peu  de  céphalalgie, 
quelquefois  du  délire,  sont  les  symptômes  concomittants  principaux  que 
l'on  observe  dans  le  cours  de  la  maladie. 

Parfois  la  bronchite  pseudo-membraneuse  peut  affecter  la  forme  chro- 
nique. Les  symptômes  ne  sont  pas  alors  permanents;  ils  se  reproduisent 
à  des  intervalles  plus  ou  moins  éloignés,  et,  pendant  les  intervalles,  la 
santé  paraît  assez  bonne.  Du  reste  les  accès  se  caractérisent  par  les  phé- 
nomènes morbides  que  je  viens  de  signaler. 

Marche,  durée,  terminaisons.  —  La  bronchite  pseudo-membraneuse 
aiguë  peut  être  précédée  d'une  période  prodromique,  pendant  laquelle 
aucun  symptôme  ne  fait  pressentir  la  gravité  de  l'affection.  Mais,  dès 
qu'elle  est  sérieusement  constituée,  les  accidents  progressent  avec  une 
grande  rapidité  ;  ils  rappellent  assez  exactement  la  marche  de  la  bron- 
chite capillaire.  D'autres  fois  l'invasion  est  brusque,  et  les  accidents,  dès 
le  début,  présentent  une  grande  intensité.  La  maladie  dure,  en  général, 
de  six  à  huit  jours.  Dans  sa  forme  chronique,  la  bronchite  pseudo-membra- 
neuse peut  persister  un  temps  plus  ou  moins  long,  quelquefois  plusieurs 
années;  alors  elle  s'interrompt  dans  sa  marche  pour  reprendre  ensuite. 
Doit-on  admettre  que,  pendant  une  période  aussi  considérable,  la  maladie 


664     BRONCUES.  —  bronchite  pseudo-membraneuse  (anat.  patholoc). 

continue,  mais  à  un  faible  degré;  qu'elle  sommeille,  en  quelque  sorte, 
pour  se  réveiller  ensuite?  Ou  bien,  ces  accès,  qui  se  reproduisent  tous 
les  mois,  ou  plus  rarement,  sont-ils  une  véritable  récidive  et  comme  un 
retour  de  l'état  aigu?  J'accepte  ces  deux  suppositions. 

La  guérison  a  lieu  par  l'expulsion  des  fausses  membranes  lors  des 
vomissements.  Elle  peut  s'effectuer  par  un  autre  mécanisme;  les  con- 
crétions librineuses  qui  remplissaient  les  bronebes  se  dissolvent  ;  la 
fonte  qui  en  résulte  favoriserait  leur  expulsion  ;  mais  l'expectoration 
n'augmente  nullement,  et  l'analyse  n'y  découvre  pas  de  fibrine.  C'est 
sans  doute  par  une  autre  voie  que  la  masse  plastique,  qui  entravait  les 
fonctions  des  poumons,  se  trouve  éliminée.  On  pense  qu'une  résorption 
active  s'empare  des  produits  exsudés,  les  fait  rentrer  dans  le  torrent  cir- 
culatoire, qui  les  expulse  par  les  filtres  sécréteurs  des  glandes,  et  prin- 
cipalement par  les  reins.  Martin  Solon  et  Grisolle,  ont  signalé  comme 
phénomènes  critiques  très-heureux  dans  ces  circonstances  l'augmen- 
tation de  la  sécrétion  urinaire  et  l'apparition  de  l'albumine  dans  les 
urines. 

On  a  noté  comme  terminaison  possible  de  la  bronchite  pseudo-mem- 
braneuse, une  oblitération  des  canaux  aériens  avec  atrophie  et  cirrhose 
du  poumon  (Watts);  on  a  encore  parlé,  comme  suite,  de  l'emphysème 
pulmonaire,  de  l'œdème  pulmonaire  (Rokitansky). 

La  mort  est  une  terminaison  fréquente  de  la  bronchite  pseudo-mem- 
braneuse. 

Anatomie  pathologique.  —  Les  fausses  membranes  constituent  la  véri- 
table lésion  anatomique  de  cette  variété  de  bronchite.  Elles  affectent  la 
forme  de  cordons  ou  de  tubes,  et  se  ramifient  dans  les  divisions  bronchi- 
ques les  plus  ténues.  Elles  sont  constituées  par  un  tronc  duquel  naissent 
des  branches  qui  se  subdivisent,  s'épanouissent  en  fils  capillaires,  et  res- 
semblent ainsi  à  une  racine  avec  son  chevelu  (North).  D'après  Rokitansky, 
les  concrétions  des  grosses  bronches  seraient  formées  de  tubes  creux, 
tandis  que  dans  les  petites,  les  cylindres  seraient  pleins.  Il  est  facile  de 
comprendre  que  les  grosses  bronebes  ne  fournissent  pas  suffisamment  de 
matière  plastique  pour  constituer  des  cylindres  compactes  ;  quant  aux 
petites  bronches,  les  concrétions  ne  restent  creuses  que  si  l'exsudation 
plastique  est  très-peu  abondante.  Cependant  il  existe  des  faits  qui  prou- 
vent que  les  concrétions  des  grosses  bronches  peuvent  être  complètement 
solides,  tandis  que  celles  des  bronches  d'un  ordre  inférieur  ont  été  trou- 
vées tabulaires. 

Plusieurs  fois,  dans  des  nécropsies  d'individus  morts  de  bronchite 
pseudo-membraneuse,  j'ai  pu  constater  la  forme  canaliculée.  La  section 
transversale  mettait  à  découvert  deux  cercles  concentriques  :  l'interne, 
grisâtre,  assez  épais,  formé  par  la  fausse  membrane;  l'externe,  par  la 
bronche  elle-même.  Quelquefois  la  bronche  ayant  subi  une  sorte  de  retrait, 
rendait  plus  saillant  le  tube  de  la  fausse  membrane,  lequel  d'ailleurs,  peu 
adhérent  à  la  membrane  interne,  pouvait  en  être  détaché  dans  la  longueur 
ÔV quelques  millimètres. 


BRONCHES.  —  bronchite  pseudo-membraneuse  (anat.  pathoi.og.).     605 

Ces  concrétions  pseudo-membraneuses  se  composent  de  filaments  pa- 
rallèles, unis  fortement  entre  eux,  renfermant  dans  leur  intérieur  et  re- 
couverts de  cellules  granuleuses.  Elles  sont  constituées  par  de  la  fibrine 
et  de  l'albumine  unies  en  proportion  variable  à  d'autres  éléments.  Elles 
sont  insolubles  dans  l'eau  chaude  ou  froide,  ainsi  que  dans  les  acides; 
solubles  dans  les  alcalis;  l'alcool  les  rend  plus  denses;  desséchées,  elles 
brûlent  en  crépitant  sur  le  feu  (Rokitansky). 

Elles  offrent  une  consistance  qui  varie  depuis  celle  du  caillot  sanguin 
jusqu'à  la  consistance  élastique  et  dure  du  cuir  (Rokitansky).  Elles  sont 
en  général  plus  fermes  et  plus  élastiques  vers  le  tronc  principal  que  vers 
les  derniers  rameaux,  plus  molles  et  moins  denses  dans  la  partie  qui  se 
trouve  en  rapport  avec  la  muqueuse  bronchique,  probablement  à  cause 
de  la  sécrétion  visqueuse  dont  celle-ci  est  imprégnée. 

Elles  ont,  quant  à  leurs  caractères  physiques,  la  plus  grande  analogie 
avec  celles  du  croup  (Remak). 

Quelquefois  la  fausse  membrane  est  ténue,  blanche,  peu  adhérente, 
en  quelque  sorte  pelliculaire,  disposée  en  plaques  partielles  ou  en  petits 
îlots  mamelonnés,  confluents,  tranchant  par  leur  couleur  blanche  avec  le 
fond  rouge  violet  de  la  muqueuse  et  rappelant  les  sudamina  de  la  peau. 
C'est  comme  une  suette  de  diphthérite  (Peter). 

D'autres  fois  elle  est  diffluente,  d'aspect  puriforme.  Examinée  au  mi- 
croscope, elle  se  compose  d'un  amas  énorme  de  cellules  épithéliales  cy- 
lindriques à  cils,  de  globules  pyoïdes  et  de  matière  granuleuse  sans  mé- 
lange de  globules  de  mucus  et  de  pus.  Cette  matière,  semi-liquide,  a  la 
même  composition  élémentaire  que  la  fausse  membrane  solide.  C'est  de 
la  diphthérite  coulante  (Peter). 

Les  fausses  membranes  sont  assez  souvent  constituées  par  des  feuillets 
superposés.  On  remarque  à  leur  surface  externe  des  globules  de  pus  et 
de  sang;  à  l'intérieur  ce  ne  sont  plus  des  globules  de  sang,  mais  bien 
des  noyaux  moléculaires  et  des  corpuscules  de  pus.  Ces  derniers  se 
trouvent  principalement  aux  deux  extrémités  des  concrétions.  De  nom- 
breux globules  de  pus,  des  cellules  isolées  à  noyaux  et  des  conglomérats 
de  nucléoles  forment  la  base  du  liquide  muqueux  recueilli  dans  le  centre 
des  cylindres  membraneux. 

Dans  les  grosses  bronches,  les  fausses  membranes  sont  composées  sur- 
tout de  fibrine  et  de  cellules  épithéliales  ciliées.  Dans  les  bronches  de 
moindre  calibre,  les  concrétions  diphthéritiques,  reconnaissables  à  leur 
petit  volume,  offrent  de  l'épithélium  pavimenteux  ;  les  granulations  pig- 
mentaires  y  sont  rares  (Laboulbène). 

Suivant  une  opinion  admise  généralement,  les  concrétions  se  dévelop- 
pent par  couches  successives.  Un  épanchement  de  matière  croupale,  de 
pseudo-membrane,  se  forme  dans  une  certaine  étendue  des  canaux  bron- 
chiques. Puis  cette  fausse  membrane  se  détache  de  la  surface  muqueuse; 
elle  est  soulevée  par  une  deuxième  couche  qui  se  développe  entre  elle  et 
la  muqueuse. 

Ces  productions   pseudo-membraneuses  bronchiques  sont  en  général 


666         BRONCHES.  —  bronchite  pseudo-membraneuse  (diagnostic). 

le  résultat  d'un  travail  phlegmasique  spécial  développé  à  l'intérieur  des 
bronches.  Il  faut  donc  bien  les  distinguer  des  simples  concrétions  fibri- 
neuses  provenant  d'une  hémorrhagie  bronchique.  Celles-ci  résultent 
d'hémoptysies  qui  précèdent  la  maladie  :  ce  sont  deux  états  morbides  fort 
différents,  deux  conséquences  pathologiques  parfaitement  distinctes  déri- 
vant, dans  un  cas,  d'une  phlegmasie,  et,  dans  l'autre,  d'une  hémorrhagie. 

Diagnostic.  —  Le  rejet  par  la  bouche  de  fausses  membranes  ramifiées, 
la  perception  du  bruit  de  soupape  qui  masque  le  murmure  respiratoire, 
sont  deux  symptômes  pathognomoniques  de  la  bronchite  pseudo -mem- 
braneuse ;  et  cependant  le  diagnostic  de  cette  affection  est  souvent  en- 
touré de  très-graves  difficultés.  Elle  peut  se  confondre  avec  une  laryngite 
pseudo-membraneuse,  une  bronchite  convulsive,  une  bronchite  capil- 
laire généralisée,  un  emphysème  pulmonaire,  une  pneumonie  fibrineuse. 

La  diphthérie  reconnue,  il  importe  de  savoir  si  elle  est  laryngée  ou 
bronchique.  Cette  distinction  est  quelquefois  difficile  à  établir;  aussi  de 
nombreuses  erreurs  ont-elles  été  commises  à  cet  égard  par  les  praticiens 
les  plus  éminents.  Axenfeld  fait  remarquer  que  l'obstruction  diphthéri- 
tiqne  du  larynx  suffit  pour  affaiblir  et  même  abolir  le  bruit  vésiculaire, 
et  pour  que,  dans  toute  l'étendue  du  poumon,  l'oreille  ne  perçoive  que 
le  sifflement  de  l'air  traversant  la  glotte.  Les  signes  physiologiques  ne 
sont  pas  plus  certains,  et  un  desnré  avancé  d'asphyxie  ne  permet  nulle- 
ment d'affirmer  que  le  croup  a  envahi  les  bronches,  puisque  l'obstruc- 
tion de  la  glotte  produit  seule  le  même  résultat;  cependant,  si  l'on  se 
rappelle  que,  dans  la  bronchite  pseudo-membraneuse,  la  voix  a  conservé 
son  timbre  normal,  que  la  respiration  quoique  gênée  n'est  pas  sifflante, 
que  la  toux  n'a  pas  de  caractère  particulier,  si  ce  n'est  qu'elle  s'accom- 
pagne de  l'expulsion  de  fausses  membranes  ramifiées  et  canaliculées, 
que  le  bruit  respiratoire  est  mêlé  d'un  rhonchus  sonore  très-étendu,  et 
souvent  d'un  bruit  de  soupape;  si,  d'autre  part,  on  a  présent  à  la  mé- 
moire que,  dans  le  croup,  la  voix  est  modifiée  dans  son  timbre,  rauque, 
souvent  éteinte,  que  l'inspiration  est  rapide,  sifflante,  l'expiration  lente, 
assez  libre,  se  faisant  sans  bruit,  que  la  toux  est  rauque,  accom- 
pagnée à  chaque  quinte  d'un  sifflement,  que  le  bruit  respiratoire  est 
souvent  masqué,  que  des  fausses  membranes  sortent  par  lambeaux,  et  ne 
sont  jamais  ramifiées,  on  aura  les  bases  sur  lesquelles  devra  être  posé 
le  diagnostic  différentiel. 

Pourrait-on  confondre  la  bronchite  pseudo- membraneuse  avec  l'œdème 
de  la  glotte?  Mais  la  douleur  au-devant  du  larynx,  la  gêne  de  la  déglu- 
tition, le  rejet  des  boissons  par  le  nez,  la  toux  sèche,  déchirante,  la 
voix  rauque,  pénible,  la  gène  de  la  respiration,  l'inspiration  longue^ 
aiguë,  sifflante,  difficile,  l'expiration  courte,  facile,  le  râlement,  ou  plutôt 
le  ronflement  guttural  pendant  l'inspiration  ;  enfin,  l'existence  des  bour- 
relets arythéno-épiglottiques,  sont  autant  de  symptômes  caractéristiques 
de  la  laryngite  œdémateuse,  et  qui  empêchent  toute  incertitude. 

La  bronchite  convulsive  se  présente  sous  forme  de  quintes  plus  ou 
moins  vives.  Ces  accès  se  reproduisent  à  des  époques  rapprochées,  sac- 


BRONCHES.    BRONCHITE    PSEUDO-MEMBRANEUSE    (DIAGNOSTIC).  667 

compagnent  d'un  sifflement  laryngo-bronchique  assez  fort,  de  dyspnée  ; 
ils  se  terminent  par  une  expectoration  de  crachats  abondants,  épais, 
muqueux.  Dans  les  intervalles,  la  respiration  est  calme,  le  pouls  peu  fré- 
quent. Dans  la  bronchite  pseudo-membraneuse,  il  peut  y  avoir  par  mo- 
ment exagération  de  la  toux,  sifflement  laryngé,  gène  plus  grande  de  la 
respiration  ;  il  n'y  a  jamais  un  véritable  calme,  l'état  fébrile  est  perma- 
nent, et  les  phénomènes  généraux  conservent  toujours  une  certaine  gra- 
vité. 

Dans  la  bronchite  capillaire  générale  il  existe,  comme  dans  la  bron- 
chite pseudo-membraneuse,  de  la  fièvre,  de  la  dyspnée,  de  la  toux;  mais 
on  ne  trouve,  dans  la  première  de  ces  maladies,  ni  l'expectoration  de 
fausses  membranes,  ni  les  résultats  de  1  auscultation  que  l'on  observe 
dans  la  seconde.  L'embarras  augmente  si  la  bronchite  capillaire  se 
complique  de  fausses  membranes,  ainsi  que  Nonat  et  Fauvel  en  ont  cité 
des  exemples.  Mais  cette  production  n'est  qu'un  des  traits  accessoires  de 
la  maladie.  Ce  qui  la  caractérise  surtout,  c'est  une  tendance  à  se  pro- 
pager dans  toute  l'étendue  des  deux  poumons,  et  à  amener  l'asphyxie. 
La  bronchite  pseudo-membraneuse,  au  contraire,  se  limite  habituelle- 
ment à  une  partie  de  l'un  des  poumons. 

L'emphysème  pulmonaire,  enté  sur  une  bronchite  ancienne,  offrant 
des  accès  de  dyspnée,  la  voussure  du  thorax,  avec  une  sonorité  exa- 
gérée, la  diminution  du  bruit  respiratoire,  les  raies  sibilants  et  sous- 
crépitants,  se  distinguera  facilement  de  la  bronchite  pseudo-membra- 
neuse. 

Le  diagnostic  différentiel  sera  plus  difficile  à  l'égard  de  la  pneumonie. 
Schùtzenberger,  en  s'appuyant  sur  des  données  fournies  par  l'anatomie 
pathologique,  cherche  à  établir  que,  dans  certaines  pneumonies,  l'exsu- 
dation, au  lieu  d'être  séreuse,  séro-sanguinolentc  ou  mucoso-sanguino- 
lente,  est  solide,  iibrino-albumineuse  ;  qu'elle  oblitère  complètement  la 
lumière  des  petites  bronches  sous  forme  de  cylindres  et  y  empêche  l'accès 
de  l'air.  Il  appelle  cette  forme  de  pneumonie,  croupale  ou  librineuse. 
Selon  le  professeur  de  Strasbourg,  «  le  croup,  la  trachéite  pseudo-mem- 
braneuse, la  bronchite  plastique,  la  pneumonie  fibrineuse,  sont  des 
affections  identiques  quant  à  la  nature  du  travail  pathologique,  diffé- 
rentes seulement  par  leur  siège.  Le  tégument  épithélial  des  bronches 
est  le  siège  primitif  de  l'affection.  L'inflammation  et  le  farcissement  crou- 
pal  s'étendent  quelquefois  d'une  manière  ascendante  jusqu'aux  bronches 
lombaires.  A  la  période  d'engouement,  il  se  fait  dans  les  vésicules  bron- 
chiques une  sécrétion  abondante  de  sérum  mêlée  de  fibrine  spontanément 
coagulable,  en  petite  quantité,  colorée  par  de  la  matière  colorante,  du  sang 
et  des  corpuscules  sanguins  isolés.  A  la  période  d'hépatisalion  rouge,  la 
fibrine  séparée  du  sang  farcit  les  vésicules  et  les  petites  bronches.  Le 
poumon  est  anémique  par  la  compression  des  vaisseaux,  opérée  par  la 
matière  plastique.  La  surface  de  section  offre  des  lignes  blanches  formées 
par  le  tissu  pulmonaire,  et  un  aspect  granuleux  résultant  du  groupement 
de    la  matière  plastique.  Une  pression   latérale  fait  saillir  un  certain 


668  BRONCHES.  —  bronchite  pseudo-membraneuse  (diagnostic). 

nombre  de  points  du  volume  d'une  lentille  ou  d'une  tète  d'épingle,  glo- 
buleux, blancs,  jaunâtres,  et  quelquefois  comme  purulents;  c'est  en  tirant 
sur  un  de  ces  globules  qu'on  amène  ces  cylindres  blancs,  vermicelles, 
contenus  dans  les  bronchioles.  Par  l'effet  de  la  résorption  ou  de  la  trans- 
formation de  la  matière  colorante  du  sang,  l'iiépatisation  rouge  passe  à 
l'hépatisation  jaune  ou  grise.  La  fibrine  subit  alors  une  transformation 
purulente,  condition  essentielle  de  la  guérison.  Cette  fonte  purulente 
s'opère  sans  destruction  des  parois  des  vésicules.  Le  produit  est  rejeté 
sous  forme  de  crachats  purulents  composés  de  globules  de  pus  au  mi- 
croscope. » 

Gubler  a  parfaitement  démontré  (1858)  que  l'on  a  compris  sous  la 
dénomination  de  pneumonie  librineuse  les  faits  les  plus  dissemblables, 
des  bronchites  pseudo-membraneuses  et  des  pneumonies  franches  avec 
concrétions  hémoplastiques  abondantes.  Ces  concrétions  consistent  en 
des  filaments  allongés,  cylindriques,  pleins  dans  toute  leur  épaisseur. 
Elles  sont  ramifiées  à  la  manière  des  bronches,  et  offrent  une  touffe  de 
filaments  à  leur  extrémité  ou  bien  encore  forment  de  très-petits  lobes  qui 
se  sont  moulés  sur  les  cellules  pulmonaires.  Leur  couleur  varie  du  rouge 
sombre  ou  du  brunâtre  au  jaunâtre  et  au  blanc  rosé  par  suite  de  leur 
séjour  plus  ou  moins  prolongé  dans  les  bronches. 

A  l'examen  microscopique  on  retrouve  dans  les  concrétions  non-seule- 
ment un  réseau  fibrineux  mais  encore  de  la  fibrine  granuleuse  et  des 
globules  sanguins,  parfois  à  peine  altérés  lorsque  la  concrétion  d'un  rouge 
sombre  paraît  récemment  formée.  Puis  les  globules  sanguins  s'altèrent 
et  la  matière  colorante  disparaît  par  l'absorption  à  mesure  que  se  pro- 
longe le  séjour  dans  les  voies  respiratoires  ;  en  un  mot  les  caillots 
bronchiques  subissent  toutes  les  transformations  par  lesquelles  passent 
les  coagulations  sanguines  dans  les  veines.  Quand  ces  productions  fibri- 
neuses  hématiques,  comparables  aux  concrétions  polypiformes  valvu- 
laires,  aux  coagulums  veineux,  se  désagrègent,  elles  forment  des  amas, 
des  espèces  de  flocons  qui  finissent,  au  dernier  terme  de  leur  dissolu- 
tion, par  n'être  plus  qu'une  sorte  de  pulpe  rougeàlre  ou  jaunâtre.  On 
peut  donc  admettre  que  l'existence  d'une  pneumonie  librineuse  est  loin 
d'être  démontrée.  La  matière  qui  serait  la  caractéristique  de  cette  espèce 
de  pneumonie  se  retrouve  dans  toutes  les  pneumonies  franches.  Elle  est 
formée  par  du  sang  coagulé  dans  les  bronches,  et  n'est  que  l'expression 
de  la  tendance  hémorrhagique  qui  appartient  à  la  pneumonie  propre- 
ment dite. 

Mais  comment  reconnaître  alors  la  présence  de  cette  fibrine  concrétée? 
Si  chez  un  individu  atteint  de  pneumonie  on  constate  vers  le  deuxième  ou 
le  troisième  jour  une  matité  considérable  accompagnée  de  souffle  tubaire 
et  de  bronchophonic  intense,  si  les  râles  crépitants  ou  sous-crépitants 
n'ont  eu  qu'une  durée  éphémère,  si  l'expectoration  a  brusquement  cessé, 
si  des  phénomènes  généraux  d'une  certaine  gravité  se  sont  manifestés,  on 
doit  craindre  la  production  de  ces  concrétions  fibrineuses  dans  les  rami- 
fications bronchiques. 


BRONCHES.    BRONCHITE    PSEUDO-MEMBHANEUSF    (PRONOSTIC,    THERAP.).    669 

Pronostic.  —  Le  pronostic  de  la  bronchite  pseudo-membraneuse  est 
toujours  grave.  Moins  sérieuse  lorsqu'elle  est  idiopathique,  elle  est  le 
plus  souvent  mortelle  quand  elle  complique  un  autre  état  maladif,  et 
surtout  qu'elle  succède  à  un  croup  laryngé.  En  général,  la  gravité  est 
plus  grande  dans  la  forme  aiguë  que  dans  la  forme  chronique  ;  elle  dépend 
moins  de  l'étendue  des  phénomènes  locaux  que  de  la  forme  des  sym- 
ptômes généraux  concomittants.  Thierfelder  a  constaté  sur  treize  cas  de 
bronchite  pseudo-membraneuse  onze  décès.  Un  résultat  aussi  malheureux 
ne  tiendrait-il  pas  à  ce  que  l'on  aurait  quelquefois  confondu  cette  ma- 
ladie avec  la  bronchite  capillaire  compliquée  de  la  production  des  fausses 
membranes  bronchiques? 

Thérapeutique. —  La  diphthérie  bronchique  se  lie  à  un  travail  morbide, 
dont  la  nature  n'est  pas  toujours  parfaitement  connue.  De  là  la  difficulté 
du  traitement.  En  général,  les  émissions  sanguines,  lorsque  la  maladie 
est  constituée,  ne  produisent  point  de  résultats  heureux.  La  théorie 
ne  justifie-t-elle  pas  au  besoin  les  données  de  l'expérience?  Andral  et 
Gavarret  n'ont-ils  pas  démontré  que  le  nombre  des  saignées  augmente 
le  chiffre  de  la  fibrine?  et  cette  augmentation  ne  se  traduit-elle  pas 
par  une  couenne  plus  ou  moins  abondante  et  épaisse?  Toutefois  il 
faudrait  bien  se  garder  de  proscrire  toujours  les  émissions  sanguines. 
Employées  au  début,  avant  la  formation  de  l'exsudat  plastique,  elles 
peuvent  rendre  de  grands  services,  diminuer  l'engouement  et  arrêter 
le  travail  inflammatoire  qui  précède  la  formation  de  la  pseudo-mem- 
brane. 

Les  vomitifs  ont  été  conseillés,  et  spécialement  le  tartre  stibié,  l'ipéca- 
cuanha,  le  sulfate  de  cuivre,  le  vin  antimonié.  Lorsque  les  fausses  mem- 
branes se  trouvent  dans  les  grosses  bronches,  les  efforts  des  vomisse- 
ments peuvent  détacher  le  cylindre  fibrineux,  en  favoriser  l'expulsion  ; 
mais  si  elles  remplissent  les  petites  bronches,  le  vomitif  reste  le  plus  sou- 
vent insuffisant. 

Les  purgatifs,  ainsi  que  les  révulsifs  sur  la  peau,  n'ont  jamais  eu  que 
des  effets  indirects  très-incertains. 

Le  calomel  a  élé  plus  particulièrement  conseillé  ;  son  effet  est  complexe 
et  douteux.  Les  préparations  mercurielles  seraient,  d'après  Canc,Corrigan, 
Puchelt,  Schônlein  et  Schiitzenberger,  les  meilleurs  moyens  de  combattre 
la  bronchite  plastique;  elles  jouissent  de  la  faculté  de  diminuer  la  plasti- 
cité du  sang,  d'amener  sa  fluidité.  Schiitzenberger  préconise  les  frictions 
avec  l'onguent  napolitain,  et  à  l'intérieur  le  sublimé,  qui  posséderait 
des  propriétés  antiplastiques  plus  énergiques  que  le  calomel,  et  qui  n'au- 
rait pas,  autant  que  celui-ci,  l'inconvénient  de  déterminer  des  salivations 
souvent  si  fâcheuses. 

Le  chlorate  de  potasse,  conseillé  d'abord  par  Hunt  et  West,  en  Angle- 
terre, par  llerpin  (de  Genève),  contre  la  salivation  mercurielle,  plus  tard 
parBlache,  Barthez,  E.  J.  Bergeron  et  Isamhert,  dans  les  affections  diphthé- 
ritiques,  a  été  essayé  dans  la  bronchite  pseudo-membraneuse.  Son  action 
est  encore  assez  problématique,  mais  il  peut  être  employé  comme  un  ad- 


070  BRONCHES.  —  bibliographie. 

juvant;  aussi  ne  faut-il  pas  négliger  d'avoir  recours  en  même  temps  à 
des  agents  thérapeutiques  d'une  plus  grande  énergie. 

Ozanam  a  préconisé  le  brome  dans  les  affections  pseudo-membra- 
neuses; il  n'agirait  pas  seulement  comme  fluidifiant,  mais  il  modifierait 
la  force  vitale  dans  son  action  pathogénique  et  déterminerait  la  désagré- 
gation de  la  fausse  membrane.  C'est  un  moyen  sur  lequel  il  ne  faudrait 
pas  trop  compter. 

L'iodure  de  potassium,  à  la  dose  de  2  grammes  par  jour,  a  rendu  de 
bons  services  (Thierfelder). 

L'inspiration  de  vapeur  d'eau  chargée  d'éther,  l' introduction  des  pous- 
sières liquides  chargées  de  tannin,  ou  d'autres  substances  astringentes, 
ont  obtenu  quelques  effets  avantageux. 

Dans  une  maladie  qui  s'accompagne  souvent  d'une  profonde  adynamie, 
les  excitants  diffusibles,  les  toniques,  le  quinquina  en  particulier, 
peuvent  être  utiles. 

En  présence  d'une  asphyxie  menaçante,  y  aurait-il  quelque  espérance 
de  succès  à  faire  la  trachéotomie?  Peter  pense  qu'il  y  a  plutôt  indication 
que  contre-indication  à  pratiquer  cette  opération  quand  le  croup  coexiste, 
parce  que  le  rejet  des  fausses  membranes  bronchiques  est  impossible, 
le  larynx  étant  oblitéré.  Dans  une  complication  aussi  grave,  la  guérison 
n'est  pas  impossible.  Millard  en  a  relaté  quatre  exemples.  Néanmoins 
j'ai  peu  de  confiance  dans  la  trachéotomie.  Ne  serait-ce  pas  plutôt  le  cas 
de  tenter  dans  les  bronches  les  injections  caustiques  dont  j'ai  parlé  en 
traitant  de  la  bronchite  chronique? 

Bronchite  énidémique.  Voy.  Grippe. 

Itroncliotomie.    Voy.  Trachéotomie. 

La  littérature  ancienne  est  mentionnée  dans  les  Dictionnaires  et  Encyclopédies  publiés  au 
commencement  de  ce  siècle.  Nous  bornerons,  à  dessein,  nos  indications  bibliographiques  aux 
travaux  les  plus  modernes. 

Traités  généraux  :  de  la  Berge  et  Monneret,  Grisolle,  Hardy  et  Béhier,  Requin,  Valleix. 
Articles  des  Dictionnaires  de  médecine  en  50  vol.;  en  15  vol. 

BRONCHITE  AIGUË. 

La  Roche,  Essai  sur  le  catarrhe  pulmonaire  aigu.  Paris,  1802,  in-8. 

Badham,  On  the  inflammatory  affections  of  the  mucous  membrane  of  the  Bronchke.  London,  1810. 

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méd.,  ¥  série,  t.  III,  octobre  1843). 

Gintrac  (E.),  Hypertrophie  des  fibrocartilages  de  la  trachée  et  des  bronches  (Journ.  de  méd,  de 
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Weber,  Heidelberger  Annaleu,  1848. 
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Trousseau,  Bronchite  pseudo-membraneuse  (Bull.  Soc.  méd.  des  hôpit.  de  Paris,  8  janv.  1851). 
Barthez,  Bronchite  pseudo-membraneuse  (Bull.  Soc.  méd.  des  hôpit.  de  Paris,  8  janv.  1851). 
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Bouillacd,  Laryngo-bronchite  pseudo-membraneuse  ou  croup   chez  l'adulte  (Union  médicale, 

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676  BRONZÉE  (maladie). 

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5e  série,  1855,  t.  VI,  p.  474). 

Durante,  Bronchite  pseudo-membraneuse  [Bull.  Soc  anal.,  1859   p.  42). 

Laboulbè.ve,  Recherches  cliniques  et  anatomiques  sur  les  affections  pseudo-membraneuses.  1861. 

Peter  (MicheP,  Des  lésions  bronchiques  et  pulmonaires,  et  particulièrement  de  la  bronchite 
pseudo-membraneuse  dans  le  croup   [Gaz.  hebd.  de  méd.  et  de  chir.,  1865,  p.  468). 

Voyez  en  outre  la  bibliographie  des  articles  Catarrhe,  Coqueluche,  Grippe.  Phthisie,  Poumon 
(pathologie). 

Henri  Gintisac 


BROIVXÉG  (maladie)  ou  maladie  d'Addison.  —  Les  divers  états 
morbides  ou  accidentels,  caractérisés  par  un  dépôt  anormal  de  pigment 
noir,  peuvent  être  réunis  en  une  seule  classe  sous  la  dénomination  com- 
mune de  mélanopathies,  laquelle,  précisant  simplement  le  phénomène 
analomique,  ne  préjuge  rien  touchant  l'origine  et  la  signification  patho- 
logique de  ses  conditions,  d'ailleurs  entièrement  disparates.  Cette  classe 
des  mélanopathies  admet  naturellement  trois  genres  fondés  sur  le  siège 
du  pigment,  qui  peut  occuper  les  viscères,  le  sang  ou  les  éléments  de  la 
peau;  de  là  les  mélanopathies  viscérales,  la  mélanémie,  et  les  mélano- 
pathies cutanées  ou  mélanodcrmies.  Les  deux  premiers  genres  sont  hors 
de  cause  en  ce  moment,  je  ne  m'y  arrête  pas  davantage  ;  le  troisième 
renferme  plusieurs  espèces  :  telle  est,  par  exemple,  la  mélanodermie 
quasi  physiologique  de  la  grossesse;  telle  est  encore  celle  qui  est  pro- 
duite par  l'insolation,  par  l'exposition  à  un  foyer  de  chaleur  (ephelis 
ignealis),  celle  qui  accompagne  les  dermatoses  (pityriasis,  ichthyose), 
celle  qui  succède  à  l'absorption  des  sels  d'argent  ou  de  l'aniline.  Or,  à 
côté  de  ces  espèces  bien  définies,  dans  lesquelles  la  coloration  noire  du 
tégument  externe,  simple  épiphénomène,  ne  présente  aucun  caractère 
spécifique,  aucune  relation  constante  avec  un  état  constitutionnel  déter- 
miné, il  en  est  une  autre  qui  se  distingue  entre  toutes  par  des  modalités 
précisément  inverses;  ici  la  pigmentation  affecte  une  disposition  presque 


BRONZEE  (maladie).  677 

toujours  la  même,  et  cette  constance  de  la  forme  devient  pour  elle  un 
critérium  spécifique  de  premier  ordre  ;  d'autre  part,  cette  mélanodermie 
est  liée  à  un  complexus  morbide  dont  les  traits  fondamentaux  sont  tou- 
jours identiques  ;  enfin  ce  groupe  de  symptômes  se  rattache,  dans  l'im- 
mense majorité  des  cas,  à  des  lésions  variables  dans  leur  nature,  mais 
coustanles  dans  leur  siège;  ces  lésions  occupent  les  capsules  surrénales  et 
les  plexus  nerveux  qui  s'y  distribuent. 

Cet  ensemble  pathologique  que  Thomas  Addison  a  dégagé,  par  la  cli- 
nique, du  groupe  vague  des  anémies,  et  par  l'anatomie  pathologique, 
du  genre  hétérogène  des  mélanoses  cutanées,  a  reçu  diverses  dénomina- 
tions :  maladie  bronzée,  maladie  d'Addison,  mélasma  supra-rénale,  telles 
sont  les  principales  d'entre  elles  ;  la  désignation  de  mélanodermie  asthé- 
nique,  que  j'ai  proposée  il  y  a  deux  ans,  n'est  pas  moins  exacte  que  les 
précédentes  au  point  de  vue  clinique,  mais  je  m'arrêterais  plus  volontiers 
encore  à  une  qualification  à  la  fois  clinique  et  anatomo-pathologique, 
telle  que  asthénie  surrénale,  si  l'on  pouvait,  sans  amphibologie,  se  servir 
de  cette  épithète  pour  indiquer,  non  pas  les  capsules  surrénales  exclusi- 
vement, mais  ces  organes  et  les  plexus  sympathiques  qui  y  sont  unis. 
Que  si  je  me  sers  de  cette  dernière  expression,  il  doit  être  en  tout  cas 
bien  entendu  que  c'est  dans  le  sens  que  je  viens  de  préciser. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  question  de  terminologie,  l'étude  de  cet  état 
morbide  est  l'objet  de  cet  article.  Or,  comme  l'individualité  nosologique 
de  cette  maladie  est  mal  établie  encore,  comme  des  observations  contra- 
dictoires ont  pu  être  opposées  à  la  relation  découverte  par  Addison, 
comme  le  mode  paèhogénique  de  ce  processus  a  soulevé  des  débats,  dont 
la  solution  ne  peut  être  donnée  que  par  l'appréciation  et  la  comparaison 
attentives  des  faits  isolés,  il  m'a  paru  qu'il  ne  suffit  pas  de  procéder  a 
une  description  dogmatique  ;  celle-ci  doit  ressortir  de  l'analyse  impartiale 
des  cas  particuliers,  seule  méthode  qui,  en  pareille  matière,  puisse 
fournir  quelques  conclusions  autorisées.  C'est  pour  permettre  au  lecteur 
de  contrôler  les  éléments  de  cette  espèce  d'instruction  médicale  que  j'ai 
réuni  dans  les  tableaux  suivants  les  observations  avec  autopsie,  qui  se  rap- 
portent à  l'histoire  de  l'asthénie  surrénale.  Je  me  suis  efforcé  de  dresser 
des  tableaux  complets,  mais  j'en  ai  écarté  volontairement  un  certain 
nombre  de  faits,  soit  parce  que  la  coloration  noire  observée  à  la  surface 
du  corps  ne  répondait  point  du  tout  à  la  description  d'Addison,  soit 
parce  que  les  altérations  constalées  dans  les  capsules  surrénales  pouvaient 
être  regardées  comme  des  phénomènes  purement  cadavériques. 


678     BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  mélanodermie  avec  lésions. 


I.  Observations  de  mélanodermie  avec  lésions  des  capsules  surrénales. 


BlîlGHT. 


A prison. 


Apdison. 


Addison. 


Addison. 


Addison. 


Addison. 


SOURCE 
BUILIOGRAPHIQ. 


Me  die.   Ca- 
ses, 1829. 


Son  mémoi- 
re de  1855. 
Obs.  de  Th. 

FULLER. 


Eod.  loco. 
Observât,  de 
Goll. 


Eod.  loco. 
Obs.  de  Wil- 
liams. 


Mémoire  de 
1855. 

Obs.deWARD 
Clerk. 


Eod.  loco. 


Eod.  loco. 


Eod.  loco. 
Observât,  de 
Lloyd. 


SEXE 

ET 

DUREE 

AGE 

F. 

9 

9 

H. 

5  ans. 

52 

ans. 

H. 

6 

55 

mois. 

ans. 

H. 

7 

2G 

mois. 

ans. 

H. 

9 

22 

ans. 

H. 

1  an. 

? 

? 

F. 

9 

F. 

9 

60 

ANTECEDENTS 

ET   SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

A   MÉLANODERMIE 


Affaiblissement 
Amaigrissem.  Dé- 
lire et  coma  deux 
jours  avant  la  mort. 


Affaiblissement. 
Amaigrissem.  Dou- 
leurs lombaires  et 
épigastriques. 


Rhumatisme,  an- 
técédent. Affaiblis- 
sement. Délire.  Vo- 
missements. Dou- 
leurs épigast.  Con- 
stipât. Engourdis- 
sement des  doigts, 
des  jambes,  du  bout 
de  la  langue. 


Affaiblissement 
Amaigrissement.— 
Vomiluritions. Yer- 
tiges.  Syncopes.  — 
Douleurs  lombaires. 
Leucémie. 


Prostration     ex 

trême.  Vomisse 
ments.  Mort  dans 
le  collapsus. 


Anémie.  Affai- 
blissement crois- 
sant. Vomissements 
opiniâtres.  —  Mort 
brusque. 


Débilité.  Vomis- 
sements. Amaigris- 
sement. Céphalal- 
gie,   délire,    verti- 


Mélanodermiepar- 
tielle  (sur  les  bras). 


LESIONS 

DES 
CAPSULES 


La  gauche  con 
tient  2  drachmes 
de  pus  jaunâtre.  La 
droite,  épaissie,  in 
durée ,  augmentée 
de  volume,  a  subi 
la  transformation 
scrofuleuse. 


Hypertrophie  et 
induration  des  deux 
capsules. 


Concrétions  fibi 
neuses    semblables 
à    des     tubercules 
dans  les  deux  cap 
suies. 


Transformation 
strumeuse  des  deux 
capsules. 


Atrophie  et  indu 
ration  des  deux  cap- 
sules. 


Hypertrophie.  In- 
durat.  Noyaux  jau- 
nâtres, graisseux, 
regardéscommedes 
tubercules,  dansles 
deux  capsules. 


Tubercules  dans 
les  deux  capsules. 


Cancer  des  deux 
capsules. 


AUTRES   LESIONS. 


Atrophie  céré- 
brale avec  hydrocé- 
phalie interne  et 
externe. 


Pneumonie  an 
cienne 

Péricardite  ré- 
cente. 


Épaississementet 
érosion  de  la  mu 
queuse    gastrique 


Tubercules    pul 
monaires.  —  Cari 
vertébrale.     Abcès 
du  psoas. 


Épaississementet 
ulcération  de  la 
muqueuse  gastri- 
que. Tuméfaction 
des  ganglions  mé 
sentériques  et  delà 
rate.  Foiegras. 

Induration  des 
sommets  des  pou- 
mons. 


Péritonite  an- 
cienne. Abcès  de  la 
poitrine.  Paroti- 
dite. Arachnitis. 


Cancer  du  sein, 
du  poumon,  de  la 
plèvre,  du  foie. 


BRONZÉE  (maladie) 


OBSERVATIONS  DE  MELANODERMIE  AVEC  LESIONS. 


679 


il) 


13 


14 


13 


18 


Addison. 


Addison. 


Addison. 


Addison. 


Burrows. 


Barlow. 


Bakewell. 


Thompson. 


Curling. 


I'arre. 


Mémoires  de 
1855. 

Obs.  deWARD 
Clerk. 


SOURCE 
BIBLIOGRAl'HIQ. 


Eod.  loco. 
Obs.  de  Bar- 
low. 


Eod.  loco. 


Eod.  loco. 


Assoc.  med. 
Journ.,  is,j(i. 


Rapporté  par 
Gui.l. 

Med.  Times 
undGaz.,iSl'À). 


Reports    of 
Hic  pat  h  ol.  So 
ciety,  1856. 


Rapporté  pai 
Sibley.  Medic 
Times  and  Ga- 
zelle, 1856. 


Rapporté  par 
Rowe. 

Medic.  Times 
and  Cas.,  1856. 


Medic.  Times 
andGaz.A&SQ. 


SEXE 
ET 
AGE 

DURÉE 

F. 
55 

ans. 

H. 

58 
ans. 

5 

mois. 

? 

F. 
28 
ans. 

H. 

9 

? 

0 

H. 
M 

ans. 

8 
mois. 

II. 

24 

ans. 

mois. 

H. 

27 
à 

28 
ans. 

II. 

20 

ans. 

? 

6 
semai- 
nes. 

H. 

20 
ans. 

II. 

57 

ans. 

3 

mois. 

lan. 

ANTECEDENTS 

ET  SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OLTRE 

LA  MELANODERMIE 


Pbénomènes  gas- 
triff.    uniquement, 


Phénomènes  gas- 
triques.   Marasme. 


Coloration    à 
face  seulement. 


Spondylarthi'oca- 

ce  aiitéced.  Dou- 
leurs épigaslriques, 
Vomissem.  Amai- 
grissement. 


Affaiblissement 
Nausées,  vomisse- 
ments. Leucémie 
Urine  non  albumi- 
lieuse. 


Affaiblissement 
extrême. 


Affaiblissement 
subit.  Agitation 
Douleur  dan>  l'Iiy- 
pochondre  droit 


Affaiblissement 
Diarrhée  avec  ac- 
cès épileptiformes 
Vomissements.  Dé 
tire.  État  coma 
teux. 


Alcoolisme  et  de 
liriuni  tremens. 

Do  ti  le  lus  lombaires 
Fiat  typhoïde  arec 
agitation  et  délire 


LESIONS 

DES 
CAPSULES 


Cancer  de  la  cap- 
sule nauche. 


Tubercules  clans 
l'une  des  capsules. 


Cancer  de  la  cap- 
sule gauche. 


Cancer  de  l'une 
des  capsules. 


Fonte  purulente 
tuberculeuse  (?)  des 
deux  capsules. 


Transformât  ioi 
kystique  de  la  cap- 
sule gauche. La  dr 
contient  plusieurs 
aoyaus  dursde'con 
sistance  fibreuse. 


Atrophie  et dégé 

uérescence  calcaire 


Hypertrop.  énor- 
me. Le  tissu  nor- 
mal remplacé  pai 
une  masse  jaune , 
opaque,  de  consi- 
stance caséeuse.  Le 
microscope  a  mon- 
tré que  ce  n'est  pas 
du  tubercule. 


Atrophie  et dégé 

îresc.  (  aséeuse. 


Collection  pùru 
lente  dans  le  centre 
dés  capsules. 


AUTRES    LESIONS 


Cancer  do  l'esto- 
mac. 


Tubercules  de  la 
rate,  des  reins  et 
du  péritoine.  Dé 
générescence  grais- 
seuse de  l'un  des 
reins. 


Cancer  de   l'uté 
us. 


Cancer 

mon. 


pou 


Hypertrophie  du 
thymus.  Tuinéfac 
tion  et  hyperémie 
des  reins.  Ankylose 

incomplète  de^.Vel 
6°    vert,    dorsales. 


Rétraction  et  in 
durationdufoie.Dé- 
générescence  grais- 
seuse du  caëur. 


Forte  hyperémie 
du  foie.  Tuméfac- 
tion étendue  des 
follicules  intesti- 
naux isolés.  A  la 
lin  de  l'iléumdeux 
ulcérations  superfi- 
cielles. 


Arthrite  scrofu- 
leuse  du  genou 
Anémie  des  reins 


Abcès  de  lagro: 
seur  d'une  orang 
,|;ui>   le   lobe  droit 
du  foie. 


080     BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  mélanodermie  avec  lésions. 


19 


20 


24 


Rorertson. 


Ciiristie. 


&YMONDS 

RûOTEs, 


RaNKINC. 


Tayloii. 


Taylor. 


SOURCE 
U1BHOGRAPHIQ. 


Medic.  Times 
and  Gaz.  dans 
le    travail     de 

Hutchin^on, 
lSyj-àG-o7. 


Eod.  loco. 


Eod.  loco. 


Americ.  Jour- 
nal of  medic 
Se,  185G. 


'New-York 
Journal  of  Me 
dicine,  185G. 


25 


W.Monro. 


Eod.  loco. 


Assoc.  med. 
Journal,  1850. 


Il 
26 

ans. 


F. 
56 

ans. 


1  an. 


i 
moi 


semai- 
nes. 


6 

moi: 


Attaquesdegoutte 
etérysipèletrauma- 
tique.  Affaiblisse- 
ment. Accès  irré- 
guliers de  perte  de 
connaissance  arec 
convulsions  de  la 
face  et  du  côté 
gauche  du  corps. 
Mort  brusque  dans 
le  coma  après  dé- 
lire violent.  Colo- 
rât, un  peu  claire. 


ANTECEDENTS 

ET   SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

LA    MÉLANODERMIE 


Affaiblissement. 
Vomissements.  Dou- 
leurs dais  les  jam- 
bes et  dans  l'hypo- 
chondre droit  Urine 
non  albumineuse 
Leucémie  légère. 


Bronchite.  Dou- 
leurs dans  la  tête 
et  dans  les  lombes 
Amaigrissement.— 
Semi-paralysie  de 
la  face  à  droite 


LESIONS 

DES 
CAPSULES 


Intumescence  et 
transformation  ca- 
séeusedescapsules. 
{Examen  microsco- 
uique  par  Quain). 


Affaiblissement. 
Amaigrissement.  — 
Douleurs  dans  les 
jointures,  dans  1rs 
membres ,  dans  le 
cou.  Plus  tard  dé- 
lire et  coma. 


Suppuration  des 
ganglions  du  cou. 
Fièvreintermilt.kî- 
faiblissement  phy- 
sique et  intellec- 
tuel. Mort  dans  le 
coma.  Urine  sans 
albumine. 


Habitudes  alcoo- 
liques. Affaiblisse- 
ment progressif. 
Mort  dans  le  coma. 

Urine  albumm. 


Affaiblissement 
croissant.  Lipothy- 
mies. Diarrhée. 

Menstr.  et  urine 
normales.  Pas  de 
leucémie. 


Transformation 
kystique. Une  petite 
partie  de  la  subst. 
corticale  est  seule 
restée  intacte. 


Tuméfaction  con- 
sidérai).; à  la  coupe, 
aspect  d'une  glan- 
de tuberculeuse. 


Tuméfaction   et 
dépôts  tubercul. 


Dégénérescence 
tuberculeuse,  mar 
quée  surtout  dans 
la  capsule  gauche 
11  ne  reste  pas  trace 
de  la  subst.  médul 
laire.  A  peine  quel- 
ques vestiges  de  la 
corticale. 


AUTRES    LESION? 


Tubercules  pul 
monaircs. 


Tuméfaction  et 
ramollissement  de 
la  rate.  Le  crâne 
non  ouvert. 


Dégénérescence 
graisseusedu  cœur. 
Hyperémie  et  ra 
mollissemont  des 
reins.  Crâne  non 
ouvert. 


Tuberculisation 
du  rein  droit.  j 


Destruction  totale 
delà  substance  mé- 
dullaire. Au  micro- 
scopedes,  corpuscu- 
les, des  cellules  ir- 
régulières ,  de  la 
matière  amorphe, 
quelquesgouttesde 
graisse.  La  capsule 
gauche  n'a  plus  que 
le  quart  de  sa  gros- 
seur normale. 


La  capsule  droite 
est  quadruplée  de 
volume;  la  gauche, 
moins  volum.  Sub- 
stance médullaire 
remplacée  par  des 
dépôts  de  matière 
scrofuleuse. 


Dégénérescence 
graisseuse  desrein 
et  du  foie.  Tumé- 
faction de  la  rate 
Cicatrices  et  tuber 
cules  miliaires  ai 
sommet  des  pou- 
mons. 


Intumescence  et 
injection  des  nerf 
et  des  ganglions  du 
plexus  solaire.  Tu 
hercules  au  som- 
met des  poumons 


BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  mélanodermie  avec  lésions.      681 


26 


28 


S.  Féréol 


Trousseau. 


Malheiiue. 


2!» 


Metten- 

iii  un  i; 


MlNGONI. 


Wallace. 


Breiime. 


SOURCE 
RJRLIOGRAHIIQ. 

jEXE 
ET 
AGE 

PURÉE 

ANTÉCÉDENTS 

ET    SYMl'TpMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

LA    MÉLANODERMIE 

LÉSIONS 

DES 
CArSl'LES 

Gaz.  hôpit., 
1856. 

H. 

35 
ans. 

H. 

37 

ans. 

F. 
48 
ans. 

11. 

47 
ans. 

H. 

? 

F. 
48 

ans. 

H. 

? 

20 

mois. 

Fièvre  intermit- 
tente.   Fièvre    ty- 
phoïde.  Ictère.  Af- 
faiblissement. Dou- 
leurs dans  les  lom- 
bes, les  membres  et 
fèpigastre ,  cépha- 
lalgie, Nausées,  vo- 
missements,   diar- 
rhée. Mort  sansago- 
nie    par    faiblesse 
croissante. 

Hypertrophie  et 
induration.  Trans- 
formation     grais- 
seuse.Quelques  glo- 
bules de  pus,  pas  de 
tubercules  (Robin). 

Bulletin    île 
/' Acad.de  mal., 
1856. 

quel- 
ques 
mois, 

Affaiblissement. 
Diarrhée.    Refroi- 
dissement des  mem- 
bres,   Subdelirium- 
Urine  normale. 

Augmentation  de 
volume  et  tubercu- 
ljsation. 

Moniteur  des 
hôp.  et  Gazette 
hebdom,,\8S6. 

18 
mois. 

Affaiblissement. 
Amaigrissement. 
Diarrhée  et  vomis- 
sements. 

Tuberculisation 

générale. 

Deutsche  Kli- 
nik,  1856. 

L'autop.  dale 
de  1853. 

•) 

Affaiblissement. 
Douleurs  lombaires 
continues.    Consti- 
pai, opiniâtre.  Mort 
dans  le  coma. 

Les  capsules  sont 
remplac.  par  deux 
masses  cancéreu- 
ses. A  gauche.dépôt 
graisseux  et  choles- 
térine. 

Gazzet.  me- 
dica    italiana. 
Lombar.tWif}. 

20 
mois. 

Hémiplégie  passa- 
gère à  l'âge  de  huit 
ans.  Plusieurs  fois 
des  fièvres  intermit- 
tentes. Doul.   épi- 
fiaslriques  et  lom- 
baires. Affaiblisse- 
ment.  Refroidisse- 
ment. Ralentissent. 
croissant  du  pouls. 
Vomissements. 

Tuberculisation. 
A  gauche  on  recon- 
naît encore  un  peu 
de  substance  corti- 
cale. 

Assoc.  med. 
Journal,  1856. 

7à8 
mois. 

Prostration.   Vo- 
missements.    Syn- 
copes nombreuses. 
Convulsions     ulti- 
mes. 

Àtrophie.état  gra- 
nuleux des  deux 
capsules? 

Deutsche  Kli- 
nik,  1857. 

? 

9 

Hypertrophie  de 
la  capsule  droite. 
Atrophie  et  tuber- 
culisation (?)  de  la 
gauche. 

AUTRES    LESIONS 


Estomac  rétracté 
a  parois  épaissies,  à 
muqueuse  mame- 
lonnée. Foie  gras 
induré  et  icténque. 
Tubercules  dans 
l'intestin  grêle  et 
dans  les  glandes 
mésentériq.  Aug- 
mentation de  vo- 
lume de  la  rate  et 
des  reins. 


Hypertrophie  des 
reins,  quelques  tu 
hercules  au  som 
met  d'un  poumon. 


Tubercules  dans 
tous  les  ganglions 
lymphatiques.  In 
tumescence  et  hy 
perémie  du  rein 
droit.  Atrophie  et 
tuberculisation  du 
rein  gauche.  Rien 
dans  les  poumons 


Foie  muscade. 
Rate  grosse  et  ra- 
mollie. Rein  de 
Bright.  Dégénéres- 
cence graisseuse  du 
cœur.  Ossification 
des  artères  coro- 
naire. 


Cœur  fiasque  et 
mou.  Tubercules  au 
sommet  du  pou- 
mon gauche.  Lé- 
gère augmentation 
de  volume  du  rein 
gauche. 


Double  hydropi- 
sie  de  l'ovaire 
Reins  gros  mai; 
normaux.  Pancréas 
petit. 


Transformation 
lardacée  du  gan- 
glion lymphatique 
voisin  de  la  cap 
suie  gauche.  Tu- 
bercules dans  les 
poumons. 


682     BRONZKE  (maladie).  —  observations  de  mélanodermie  avec  lésion; 


g 
55 

AUTEURS 

SOURCE 
B1BLIOGIÏAPMQ. 

SEXE 
ET 

AGE 

DURÉE 

ANTÉCÉDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

LA    MÉLANODERMIE 

LÉSIONS 

DES 
CAPSULES 

AUTRES    LÉSIONS 

Fresne  et 

Levhat- 

Perroton. 

Abeille  mèd. 
et  Gaz.  hôpil., 
1857. 

F. 
50 

ans. 

F. 

51 

ans. 

H. 

45 
ans. 

F. 
14 
ans. 

F. 

18 
ans. 

H. 

II. 
56 

ans. 

1  an. 

Origin.d'un  pays 
de  fièvres,  mais  n'a 
pas  eu  de  fièvre. 

Douleurs  vagues 
dans  les  membres. 
Douleurs  lombaires 
pendant  la  marche 
et  dans  la  station 
assise.  Affaiblisse- 
ment.  Amaigrisse- 
ment. Menstruation 
et  urine  normales. 
Bruits  vasculaires 
très -marqués.    Vo- 
missements. 

Hypertrophie  des 
deux  capsules.  In- 
jection de  la  sub- 
stance   médullaire 
qui  estpar.semée  de 
petites  masses  jau- 
nâtres résistantes. 
Au  microsc,  masse 
amorphe  avec  cor- 
puscul.  granuleux  ; 
dans   la   substance 
corticale ,     grosses 
cellules  pigmentai- 
res. 

Légère  hyperé- 
mie  du  foie.  Dislo- 
cation du  rein 
droit  un  peu  atro- 
phié dans  la  fosse 
iliaque. 

54 

55 

56 

57 
58 

59 

Gromier. 

Gaz.  médic. 
Lyon,  1857. 

9 

Fièvres  intermit- 
tentes  pendant   la 
jeunesse  et  un  an 
avant  la  mort.  Dou- 
leurs dans  les  mem- 
bres et  d.  les  reins. 
Voihissem.     Doul. 
épigastriques.  Con- 
tracture du   biceps 
gauche.  Crampes  d. 
lesjambes,plustard 
aneslhésie  du  bras 
gauche.  Attaques  de 
convulsions. 

Tuberculisation 
des  deux  capsules. 

Foie  petit.  Cer- 
veau et  moelle  nor- 
maux. 

Tubercules  mi- 
liaires  au  sommet 
des  poumons. 

Page. 

British  med. 
Journal.  1857. 

semai- 
nes. 
? 

Carie    du    ster- 
num. Douleurs  lom- 
baires.   Rétraction 
du  testicule.  Affai- 
blissement. Insom- 
nie. Urine  normale. 

Tubercules    crus 
etramollis  desdeux 
côtés. 

Cavernes  pulmo- 
naires. Perforation 
du  sternum  et  in- 
duration des  tissus 
dans  le  médiastin 
antérieur. 

Cowan. 

Rapporté  par 
Ferme.  British 
med.  Journal, 
1857. 

5 
ans. 

Affaiblissement. 
Vomissements    in- 
coerciblesjusqu'àfa 
mort.  Mélanodermie 
non  uniforme. 

État caséeux, cré- 
meux par   places  ; 
sur  un  point,  dépôt 
calcaire. 

Quelques  rares 
tubercules  au  som- 
met des  poumons. 

Addison. 

Me  die.  Times 
and  Gaz.ASSl. 

2 

ans. 

Affaiblissement. 
Eblouissement. Pro- 
stration croissante. 

Désorganisation 
des  deux  capsules 
par  la  suppuration. 

- 

COTTON. 

Medic.  Times 
and  Gaz.,lSBl. 

5 
ans. 

En  1847,   abcès 
lombaire. 

En  1854,  altérât, 
génér.  de  la  santé, 
palpitations,  verti- 
ges,   constipation, 
vomissements. 

Enl856,mélano- 
derm.  Mort  en  1857 
par    affection  pul- 
monaire aiguë. 

Tuberculisation 
générale. 

Foie  et  pancréas 
gros. 

Teissieh 
et  Guuian. 

Gaz.  médic. 
Lyon,  1857. 

9 

Mélanodermie, 
symptôme     initial. 
Fièvre  typh.  Pneu- 

ii  km  ne.  bon  leur  fixe 
au  niveau  des  10''  et 
11"  v.  dorsales. 

Tuberculisation 
totale. 

Lésion  des  pla- 
ques de  Peyer. 
Pneumonie.  Tuber- 
cules dans  les  gan- 
glions bronch., non 
dans  les  poumons. 
Foie  gros  et  gras. 

BRONZÉE  (maladie). OBSERVATIONS  de  mélanodermie  avec  lésions. 


ANTÉCÉDENTS 

SOURCE 

SEXE 

ET    SYMPTOMES 

LESIONS 

>w 

ET 

DUREE 

DOMINANTS 

DES 

AUTRES    LESIONS 

BIBLIOGRAPHIE». 

z 

AGE 

OUTRE 
LA   MÉLANODERMIE 

CAPSDLES 

40 

Fletciier. 

Assoc.  med. 

H. 

18 

Affaiblissement. 

Tuméfaction   et 

Le  rein  droit  pré- 

Journal, 185G. 

45 
ans. 

mois. 

Syncopes   répétées. 
Douleurs  dansl'hy- 
pochond.  droit.  Vo- 
missements. Amai- 

induration. 

sente  le  premier 
st.adr*  de  la  lésion 
de  Bright;  le  gauche 

est  pâle.  Dégénéres- 

grissent. Urine  lé- 

cence graisseuse  du 

gèrement   albumin. 

cœur.  Lésions  (les- 

Leucémie peu  mar- 

quelles?)  de    toute 

quée. 

La   mère   serait 
morte  à  5V2  ans  avec 
les  mêmes  phéno- 

la muqueuse  gas- 
tro-intestinale. 

Injection  de  la 
base      de     l'hémi- 

mènes (?). 

sphère  céréb.  droit. 

41 

Fletciier. 

Eod.  loco. 

F. 

4 

Accouchement  pé- 

Les capsules   ne 

Congestion      des 

'61 

ans. 

nible,  déchirure  du 

peuvent  être  trou- 

rems. 

ans. 

périnée. 

Affaiblissement. 

vées. 

| 

Vomissements. 

42 

Jenffreson. 

British  med. 

H. 

9 

Douleur  thoraci- 

Un  kyste  dans  la 

Légère   intumes-- 

Journal,  1857. 

4U 

ans. 

mois. 

que  et  ictère.  Affei- 

blissement.iStfraco^. 
Céphalalgie.  Refroi- 
dissement.   Ralen- 
tissement du  pouls. 

capsule  gauche  ;  le 
contenu     est      ea- 
sleux. 

cence  du  foie. 

Convulsions    ultim. 

43 

Jenffreson. 

Eod.  loco. 

II. 

1  an. 

Douleurs  dans  l'é- 

Transformation 

Reins     gros     et 

63 

paule  droite.  Vomis- 

kystique  de   l'une 

flasques.      Enorme 

ans. 

sements.    Asthénie 

des  capsule-. 

surcharge       grais- 

croissante. 

seuse  du  cœur.  Le 
foie  normal  pré- 
sente une  cicatrice. 
Opalescence  et  œdè- 

me de  la  pie-mère. 

44 

Kent 

British  med 

F. 

1  an. 

Asthénie.  Amai- 

Pus et  tubercules 

Pas    d'autres  lé- 

Spender... 

Journal,  1857. 

ïll 

grissement,  lie  [rai- 
dissement.   Consti- 
pât. Nausées.  Dou- 
leurs dans  l'hypo- 

dans  les  deux  cap- 
sules [Examen  mi- 
croscopiq.  par  Mar- 
tigne). 

sion-. 

chondre  droit. 

45 

HoCHGES- 

Cité  par  Wa- 
gner  dans    sa 

11. 

5 

Pérityphlite  et  ca- 

Augmentation de 

Hypertrophie   de 

! 

ANDT. 

16 

mois. 

tarrhe  de  l'estomac. 

volume  et  transfor- 

la raie, des  glandes 

dissertât. sur  la 

ans. 

Phénomènes    ty- 

mation caséeuse. 

solitaires     et       de 

1 

maladie    d'An- 

phoïdes. 

Peyer.    Gonflement 

DISON. 

des  ganglions   mé- 

4G 

Giessen,  1858. 

H. 

senteriques. 

Addison. 

Rapporté  par 

5 

Syphilis. 

Transformation 

Injection    de    la 

1 

Lqvegrove. 

5*2 

ans. 

Asthénie    crois- 

scrofuleuse." 

muqueuse     gastri- 

1 

Medic.Times 

ans. 

sante. 

que.  Tumétaction 
des    glandes     soli- 

1 

andGa^.,1858. 

Si 

taires  et  de  Peyer. 

1 

Atrophie  des  nerfs 

1 

efférents  des  gan- 

47 

F. 

glions  semi-lunair. 

Kent 

British  med. 

g 

Asthénie.    Diar- 

Absence des  cap- 

Pigmentation des 

1 

Sl'E.NUER. 

Journal,  1858. 

53 

ans. 

mois. 

rhée. 

sules. 

poumons,  des  gan- 
glions bronchiques 
et  mésentériques. 

684     BRONZÉE  (maladie: 


OBSERVATIONS  DE  MELANODERMIE  AVEC  LÉSIONS. 


© 

■S 

48 

ACTEURS 

SOURCE 
BIBUOGRAl'HIQ. 

SEXE 
ET 
AGE 

H. 

45 
ans. 

F. 

50 

ans. 

DURÉE 

ANTÉCÉDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

LA  MÉLANODERM1E 

LÉSIONS 

DES 
CAPSULES 

AUTRES   LÉSIONS 

Y IRC HO  W. 

Sitzung  der 
med.  Gesellsch 
zuBerl.,m8. 

Canstatt's 
Jahresbericht , 
1858. 

6 

semai- 
nes. 

Refroidissement 
antérieur. 

Douleurs  dans  le 
thorax  et  dans  les 
membres.  Diarrhée, 
vomissements.  Fiè- 
vre. 

Albuminurie.  Co- 
ma. 

Tuherculisation 
de  la  capsule  gau- 
che. Conservât  de 
quelques  points  de 
suhst.médullaireet 
d'une  bonne  partie 
de  la  corticale. 

Tuberculose  ai- 
guë des  poumons. 

49 

50 

51 
52 
55 

54 

55 

56 

Martin. 

British  med. 
Journal,  1858. 

18 
mois. 

Asthénie.  Vomis- 
sements. 

Atrophie  totale  de 
la  capsule  gauche. 
La  droite  est  trans- 
forméeen  poche  pu- 
rulente. 

Thorax  et  crâne 
non  ouverts. 

Brittane. 

British  med. 
Journal,  1858. 

H. 
19 

ans. 

H. 

31 

ans. 

H. 

H. 

11 

ans. 

F. 
19 
ans. 

F. 
53 

ans. 

II. 

57 
ans. 

9 

? 

Augmentation  de 
volume    et   dépôts 
d'apparence  tuber- 
culeuse. 

Hypertrophie  du 
cœur.  Calculs  du 
rein  et  néphrite 
chronique. 

Brittane. 

Eod,  loco. 

9 

Asthénie.  Hémo- 
ptysie. 

Tubercules    ra- 
mollis danslesdeux 
capsules. 

Cavernes  pulmo- 
naires. 

Holmes. 

Transact.Pa- 
th.  Society  IX, 
1858. 

1 

Mélanoderm.  par- 
tielle et  en  taches. 
Pneumothorax. 

Tuherculisation. 

Abcès  du  rein. 
Calculs  rénaux. 

Risdon 
Bennett. 

Me  die.  Times 
and  Gaz.,lH58. 
Transact.  Pa- 
th.  Soc.  IX. 

Rapporté  par 
Uutchinson. 

Asthénie.  Amai- 
grissent. Diarrhée. 
Accès  convuls.  pen- 
dant la  dernière  se- 
maine de  la  vie. 

Désorganisation 
totale.  Transforma- 
tion crétacée  de  tu- 
bercules anciens. 

Tuherculisation 
des  ganglions  mé- 
sentériques. 

WlLKS. 

Med.   Times 
and  G  a:-.  ,1851. 

2 

ans. 

Rhumatisme  chro- 
nique. 
Asthénie. 

Les  capsules  du 
volume  d'un  œuf  de 
poule  sont  remplies 
de  pus. 

Nulles. 

Mackensie 
et 

Sanderson. 

Rapporté  par 
H  a  rle  y,    Lan- 
cet.-Brit.   and 
for.  med.  ehir. 
Revieiv,  1858. 

1  an. 

Dyspepsie. 
Asthénie. 

Tuherculisation. 

Adhérences  in- 
testinales. Tuber- 
cules du  foie.  Tu- 
méfaction îles  gan- 
glions niésenléri- 
ques. 

Thorax  et  crâne 
non  ouveits. 

Buss. 

Lancel  ,1858. 

0 
mois. 

Carie    vertébrale 
et    paraplégie    in- 
complète il  y  a  4 
ans. 

Mélanoderm.  par- 
tielle. 

Phénomènes  gas- 
triques   Vomissent. 
ksÙiènie.Amaigris- 
sement.  Doul.  dor- 
sale.Urine  normale. 

Transformat,  ca- 
séeusede  la  totalité 
des  capsules. 

Tubercules  au 
sommet  des  pou- 
mons. 

BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  mélainodermie  avec  lésions.     685 


lio 


Page. 


Welford. 


Pavv. 


Mackensie 

Bacoiv. 


'il 


62 


63 


source 

RIliLTOGKAPIIIQ. 


British  med. 
Journal,  1S5'J. 


Medic.  Times 
andCaz.ASbd. 


Laurel, \X>9. 


Medic.  Times 
and  G'«s.,1859. 


II. 

17 

ans 


jeune 

honi- 

e. 


15 
ans. 


X.  Cas  île 
Reading 
hospital. 


Grey  (îlo- 


61       SCHMIDT 

(de  Rotter- 
da 


Lflncg/,1859. 

H. 

16 

ans. 

Medic.Times 

II. 

and  Gaz.,  1859. 

S»U 

ans. 

Edinburgh 

H. 

med.  Journal, 

39 

1859. 

aq>. 

Arch.  f.  d. 
Hollandische 
BêUràge,1859. 


ïx 


mois. 


quel- 
ques 
mois. 


ANTECEDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

A    MÉLANODERMIE 


Vomissent.  Dou- 
leurs lombaires  et 
tpigastriqv.es.  Con- 
stipation. (Jrinenor- 
male.  Délire  et  coma. 


Asthénie.  Vomis- 
sements. 


Asthénie. Pas  d'à 

maigrissement.  Vo- 
missements. Quel- 
que mouvements 
clioréiformes. 


LESIONS 

DES 

CAPSULES 


Tuberculisation 
totale. 


Autops.p.  Wilks 
Transformation  al- 
Itumino-crétacéede 
l'une  des  capsule 


quel- 
ques 


.Asthénie.  Vomis- 
sements. Ulcères  ca- 
chectiques sur  les 
membr.  inférieurs. 
Céphalalgie.  Verti- 
ges. Dans  les  deux 
dern.  jours ,  anes- 
thésie  des  pieds  et 
d.  jctmbes,  douleurs 
danslesdoigtsetles 
orteils. 


bthénie. 


Asthénie.  Vomis- 
sements jusqu'à  la 
mort. 


5 

ans. 


quel- 
ques 
semai- 
nes. 


Carie  vertébral 
(de  la  10"  dorsale  à 
la  2'  lombaire), ab- 
cès des  deux  psoas. 

Asthénie.  Amai- 
grissement. Vomis- 
sements. Constipa- 
tion. 


Les  deux  capsules 
comprises  dans  une 
masse  d'exsudation 
solide  égale  aux  3/4 
du  volume  d'une 
orange  ordin.  La 
Iroite  est  ramollie 
en  totalité,  la  gau- 
che contientdu  pus 


AUTRES    LESIONS 


Tuberculisation 
des  ganglions  mé- 
entériques.  Tumé- 
faction des  glandes 
intestinales  solitai- 
res et  agminées.  Tu 
hercules  crus  dans 
le  poumon  droit 


Nulles 


Hypostasc  pul- 
monaire. Pigmen- 
tation du  foie. 
Quelques  ecchy- 
moses dans  la  por- 
tion cardiaque  de 
l'estomac. 


Tuberculisation 
totale. 


Tuberculisation 
totale. 


Augmentation  de 
volume  et  désorga 
nisation  complète 
Mélange  de  dépôt 
calcaires  et  de  por 
lions  diffluentes. 


Asthénie.   Amai- 
f/rissement.  Fièvre. 
Troubles  digestifs. 
Melanoderm.  par- 
tielle. 


Transformation 
casée use  des  deux 
capsules;  plus 
plète  " 


rauche. 


Tuberculisation. 
L'autopsie  est  de 


is:, 


Tuméfaction  de: 
ganglions  mésenté 
riques. 

Quelques  adhé 
rences  pleurales. 


Anciennes  adhé- 
rences pleurales  à 
droite. 


Lésions  de  la  ca- 
•ie  vertébrale. 


Tubercules  pul- 
monaires. Ulcéra- 
tions intestinales. 
Tuberculisation  de 
la  rate  et  des  gan- 
glions mésentéri- 
ques. 


686     BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  mélanodermie  avec  lésions. 


i;;> 


ut; 


68 


ScHMIDT. 


SCHMIDT. 


VOGEL. 


Il') 


SOUliCE 
lSllSLlOGIiAPllIQ. 


Eod. 
1859. 


loco, 


Eod.    loco, 
1859. 


Rapporte  par 
Buhl.  In  Wie- 
ner medic.Wo- 
chens,  1800. 


Wiener  med 
Wqchenschrift 
1860. 


Buhl. 


70       Buul 


Eod.  loco. 


Eod.  loco. 


5 

mois. 


ji'iiin' 
honi- 


ANTECEDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

LA  SIÉLANODERMIE 


Fièvres  intermit- 
tentes. 

Asthénie.  Amai- 
grissement. Vomis- 
sements. 

Mélanoderm.  par- 
tielle. 


Choléra,  4  ans  au- 
paravant; 5  mois 
avant  la  mort;  ar- 
rêt des  règles  par 
frayeur. 

Asthénie.  Amai- 
grissement. Refroi- 
dissement .  Douleurs 
lombaires  intenses. 
Palpitât.  Vomisse- 
ments,  diarrhée.  Ac- 
cès de  hoquet. 


Asthénie. 


Asthénie  et  amai- 
grissement. Leucé- 
mie. Absence  totale 
de  fibrine  dans  le 
sang. 

Mélanoderm.  par- 
tielle. 


LESIONS 

DES 
CAPSULES 


Fonte    tubercu- 
leuse. 


Transformation 
caséeuse. 

Çà  et  là  quelques 
vertiges  de  la  sub- 
stance corticale  et 
de  la  médullaire. 


Transformation 
caséeuse. 


Asthénie.  Pneu- 
monie. Pleur,  dou- 
ble. Absence  presque 
complète  de  fibrine 
dans  le  sang.  Leu- 
cémie. 

Mélanoderm.  par- 
tielle. 


Asthénie.  Amai- 
grissent. Sang  dif- 
fluent.  Œdème  des 
extrémités. 

Mélanoderm.  par- 
tielle. 


Tuherculisation 
totale. 


AUTUES    LESIONS 


Tubercules  pul- 
monaires. Erosions 
glandulaires  dan 
la  dernière  portion 
de  l'iléum.  Foie 
gros  et  congés 
tionné. 


Atrophie  consi- 
dérable du  sympa 
thique  autour  de 
l'aorte  abdominale. 
Tuméfaction  de 
glandes  intestinales 
(petit  et  gros).  In- 
duration lardacée 
(sans  tubercules 
des  ganglions  mé- 
sentériques.  Bâte 
grosse.  Pannicule 
adipeux  assez  épais. 
{Examen  microsco- 
pique par  Boogard). 


Tubercules  pul- 
monaires. Pigmen- 
tation des  glandes 
bronchiques  et  des 
follicules  intesti- 
naux. 


Cavités  remplies 
d'une  bouillie  dif- 
fluente.  Quelq.  tra- 
ces des  deux  sub- 
stances. 


Atrophie  des  élé- 
ments propres  par 
polifér.  du  stroma. 


Tuherculisation 
des  poumons. 

Intumescence  et 
tubercules  du  foie, 
de  la  rate  et  des 
ganglions  mésenté- 
riques. 

Tous  les  ganglions 
lymphatiques  de- 
puis la  mâchoire 
jusqu'aux  aines 
sont  tuberculeux. 

Atrophie  du  cer- 
veau. Dilatation  et 
hydropisie  des  ven- 
tricules. 


Tubercules  i 
lianes  du  foie  et  de 
la  rate.  Atrophie  d< 
la  substance  corti- 
cale des  reins. 


tubercules  nu- 
liaires  du  foie,  de 
la  rate  et  des  pou 
nions.  Tuméfaction 
des  ganglions  bron 
chiques  et  mésen 
tériques. 


BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  mélanodermie  avec  lésions.     687 


ANTÉCÉDENTS 

© 

SEXE 

ET    SYMPTOMES 

LESIONS 

—. 

AUTEURS 

SOURCE 

ET 

durée 

DOMINANTS 

DES 

AUTRES    LÉSIONS 

g 

AGE 

OUTRE 

CAPSULES 

71 

LA   MELANODERMIE 

Addison. 

Rapporté  par 

II. 

4 

Asthénie.  Vomis- 

Transformat,  en 

Nulles. 

Aldis.    Medic. 

12 

mois. 

sent.  Douleurs  lom- 

une masse  jaunât. 

Times,  1860. 

ans. 

baires.  Incontinence 

Tissu  normal  com- 

72 

H. 

d'urine. 

plètement  disparu. 

ROLLESTO.V. 

Rapporté  par 

quel- 

Asthénie.  Amai- 

Tuberculisation 

Tubercules     mi- 

C.ray.  M  éd.  Ti- 

47 

ques 

grissent.    Douleurs 

totale. 

liaires,    tubercules 

mes  and  Gaz., 

ans. 

mois. 

lombaires.    Vomis- 

ramollis et  ancien- 

1860. 

sements.  Constipa- 

nes   cavernes  dans 

75 

H. 

tion. 

les  poumons. 

IloUSLLY. 

Lancet,iHG0. 

10 

Asthénie.     Doul. 

Dépôts  scrofuleux 

Quelques    dépôts 

33 

mois. 

épigastriq.  et  lom- 

dans les  capsules, 

crétacés     dans     le 

ans. 

baires.    Vomissent. 
Constipation.  Méla- 
nodermie   presque 

transform.  en  mas- 
ses libro-alhumin. 
(VVilks). 

foie. 

74 

H. 

générale. 

Peacock. 

Medic. Times 

3 

Dans  l'enfance, tu- 

Abcès scrofuleux 

Autres     organes 

and  Gaz.,  1860. 

20 

ans. 

mois. 

meur  blanche coxo- 

fémorale.Epilepsie. 

Asthénie.  Mort  a- 

près  8  attaques  de 

(Bristowe). 

non  examines. 

75 

F. 

convulsions. 

Leeming. 

Medic. Times 

2 

Asthénie.  Amai- 

Tuberculisation 

Tubercules     des 

andGaz.,iS6i). 

47 

ans. 

grissent.   Douleurs 

complète,  surtout  à 

poumons,   du  pan- 

ans. 

lombaires  avec  irra- 
diations   utérines. 
Constipation.  Urine 
normale. 

droite. 

créas  et  de  la  raie. 

Dégénérescence 

graisseuse  du  cœur. 

76 

Dalton  . 

New-York 

H. 

7 

Asthénie.  Amai- 

Transformation 

Nulles. 

Journal,  1860. 

17 

ans. 

mois. 

grissent.    Douleurs 
dans  les  lombes  et 
dans  les  membres. 
Vertigcs.lmtemenl 
d'oreilles.  Deux  ac- 

calcaire   des    deux 
capsules. 

cès  épilepti  formes. 

77 

H. 

Délire.  Coma. 

Henoch. 

Med.  central 

3  1/2 

Asthénie.  Vomis- 

Transformation 

Pigmentation    et 

Zeitung,  1860. 

12 

mois. 

sements.  Constipa- 

caséeuse (A  peine 

hypertrophie      des 

ans. 

tion.  Respirai,  ex- 
trêmementfréquente 
jusqu'à  80.  Souffle 
vasculaire  au  cou. 
Mort  ap.  une  érlam- 
vsie  de  12  heures. 

quelques  vestig.  du 
tissu  normal). Proli- 
fération conjonctiv. 

ganglions  bron- 
chiques et  mésen- 
tériques.  Hypertro- 
phie du  foie  et  de 
la  rate.  Tuméfac- 
tion des  glandes  de 
l'intestin.  Dégéné- 
rescence graisseuse 

78 

H. 

du  Cœur. 

HlRZEL. 

Rapporté  par 

1  an. 

Asthénie.  Vomis- 

Tuberculisation 

Tubercules     mi- 

Dem.me. 

21 

sements  devenus in- 

complète,  pas  trace 

liaires  et  petits  ca- 

Schwciz.Mo- 

ans. 

coercibl.  Diarrhée. 

de  tissu  normal. 

vernes  dans  les  pou- 

nalschrifl,,1860 

Quelques  accès  con- 
vulsifs. Très-peu  de 
temps  av.  la  mort, 
exanthème  rubéoli- 
forme  sur  la  partie 
supérieure  delà  poi- 
trine et  autour  des 
genoux. 

mons.  Tuméfaction 
et  pigmentation  de 
la  muqueuse  intes- 
tinale. Quelques  ul- 
cérations glandu- 
laires dans  l'iléum, 
ulcérations  éten- 
dues dans  le  cœ- 
cum.  Tuméfaction 
des  ganglions  ab- 
dominaux. 

688     BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  mélanodermie  avec  lésions. 


ANTÉCÉDENTS 

SOURCE 

b;rliograi'iiiq. 

SEXE 

ET    SYMPTÔMES 

LÉSIONS 

AUTEURS 

ET 
AGE 

DUREE 

DOMINANTS 
OUTRE 

DES 
CAPSULES 

AUTRES    LÉSIONS 

LA  MÉLANODERMIE 

79 

GlLL. 

Rapporté  par 

F. 

2 

Aslhênie.Ni  sucre 

Transformation 

Pigmentation  du 

FoRMAN. 

57 

ans. 

ni  albumine    dans 

purulente  des  cap- 

péritoine   et    de  la 

Medic.  Times 

ans. 

Vurine. 

sules, quisont  unies 

muqueuse     gastri- 

andGas.,ifS6i. 

par  des  adhérences 
inflammatoires  aux 
organes  voisins. 

que  dans  la  région 
du  pylore.  Tumé- 
faction des  glandes 
isolées  et  de  Peyer. 
Pneumonie  chroni- 

80 

F. 

que   non   tubercul. 

Seaton 

Medic. Times 

6 

Asthénie.    Doul. 

Transformation 

Tuberculisation 

Reid. 

andGaz.,i8Ql. 

28 

mois. 

êpigaslriques.  Lipo- 

enmassescaseeuscs 

pulmonaire      éten- 

ans. 

thymies.  Syncopes. 
Urine  normale.  Vo- 

semblables à  du  tu- 
bercule. 

due.  Autres  orga- 
nes non  examinés. 

SI 

H. 

missements. 

Valentine. 

Medic.  Times 

quel- 

Douleurs dorso- 

Transformation 

Autres    organes 

andGàz.,m\. 

r>.rj 

ques 

lombaires.  Parésie 

lardacée  complète  ; 

non  examines. 

ans. 

mois. 

tempor.desmembr. 
inférieurs.  Asthén. 

pas  trace  de  tissu 
normal  (Wilks). 

82 

II. 

Vomissements. 

Valentine. 

Eod.    loco, 

4 

Asthénie.    Doul. 

Transformation 

Nulles. 

1861. 

bO 

mois. 

épiyastriq.  et  lom- 

scrol'uleuse compl. 

83 

ans. 
H. 

baires. 

Trier. 

Bibliothek. 

Près 

Asthénie.  Abais- 

Dégénéresc. tu- 

Tuméfaction    de 

for  Loger  XIV. 

24 

de 

sement,  de  la  tem- 

berculeuse ;  prolifé- 

toutes les   glandes 

Communiq. 

ans. 

2  ans. 

pérature.  Faiblesse 

ration  conjonctive. 

de     l'intestin    sans 

par  von   den 

de  la    circulation. 

Pas  trace  de  tissu 

inliltration  tubercu- 

Buscii de  Brè- 

Douleurs èpigasîr. 

normal. 

leuse.  Quelques  tu- 

me à  Meissner, 

et  lombaires.    1  o- 

bercules  ramollisau 

el rapporté  par 

missements.  Souffle 

sommet  des  poum. 

ce  dernier. 

vaseulaire  au  cou. 

InSclmiidt's 

Secousses  dans  1rs 

Jahrbucher 

merahv .  dont  la  sen- 

0X111,1862. 

sibilité  est  obtuse. 
Pas  de  leucémie. 

84 

Parker. 

M  éd.    Times 

H. 

4 

Asthénie.  Vomis- 

Tuberculisat. to- 

Tubercules   pul- 

andGaz.,i861. 

14 

mois. 

sements.    Douleurs 

tale. 

monaires. 

85 

ans. 
H. 

dans  l'hypochondre 
droit. 

Ulrich. 

Verhandlun ■ 

2à5 

Troubles  qaslriq. 

Tuberculisat.  to- 

Légère   tuméfac- 

(/en der  Berli- 

24 

ans. 

depuis  plusieurs  an- 

tale. Pas  trace  de 

tion  des  glandes  de 

ner  med.  Ge- 

ans. 

nées.    Suppuration 

tissu  sain. 

Peyer  et   de  quel- 

se/ls.   Sitzung 

de   plusieurs   gan- 

ques ganglions  nie- 

von    18.    Dec. 

glions  cervicaux. 

sentériques. 

1861.  Deutsche 

Aggravation  des 

Pas   d'autres   lé- 

Klinik, 1862. 

phénomènes  gastri- 
ques.Vomissements 
devenant   incoerci- 

sions. 

II. 

bles.  Asthénie.  Con- 
stipation. Céphalal- 
gie. Urine  normale. 
Dans   les  derniers 
jours  Je  poulsmonte 
à  140.  Refroidiss. 

8fi 

Stedman. 

Rapporté  par 

4 

Vomissements  el 

Abs.de  la  droite. 

Nulles. 

Wilks  in  Guy's 

24 

ans. 

diarrhée  dès  le  dé- 

La gauche  transfor- 

Ilosp. Reports 

ans. 

but.  Asthénie  crois- 

mée en  une  poche 

'■ 

VJI1,  1862. 

sante.  Pas  d'amai- 
grissement notable. 

rempl.  d'une  masse 
diffluente  a'vecquel- 

ques  corpusc.  cale. 

BRONZÉE  (maladie).  —  obsekvatioins  de  mélanodermie  avec  lésions.     689 


87 


80 


90 


91 


92 


*>:, 


Harkis. 


WlLh 


Seitz. 


VAN    ANDEL. 


Macker. 


Davin. 


Barclay. 


SOURCE 
BIBLIOGRAPHIQ. 


Eod.  loa 


Eod.  loco. 


Deutsche  Kli- 
tiik,  1802. 


Nederlandsch 
Tydschviftvoor 
Ùeneeskundc, 
1862. 


Gaz.  med.  de 
Strasb.,  1862. 


Hygiên  XXI, 

1SK2.  Rapporté 
par  Meissner. 


Lfl«f<;/,1861 


bEXE 
ET 
AGE 

H. 

46 
ans. 

F. 

26 
ans . 

F. 

47 
ans. 

F. 

F. 

27 
ans. 

F. 
34 

ans. 

H. 

25 

ans. 

DURÉE 

ANTÉCÉDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 
LA  MÉLANODERMIE 

2 
ans. 

Asthénie.    Nau- 
sées. Vomissements. 
Pendant  les  3  der- 
niers jours,  les  vo- 
missent,   n'ont  pas 
présenté  un  instant 
d'interruption. 

3 
ans. 

Cyphose    angul. 
dep.  l'enfance. Nau- 
sées. Douleurs  lom- 
baires intenses.  As- 
thénie   prof.    Mort 
brusque  5  jours  a- 
près  l'entr.  à  l'hôp. 

15 

mois. 

Phénomènes  gas- 
triques dès  le  dé- 
but.   Vomissements 
de  plus  en  plus  jrè- 
qnents.  Douleur  épi- 
gastrique.     Tumé- 
faction indolore  des 
ganglions  de  Faine. 

4à5 
mois. 

Deux  ictères  qui 
avaientdisparusans 

laisser  aucune  alté- 
ration de  la  peau. 
Phénomènes  gas- 
triq.  Vomissements. 
Asthénie.  Amaigris- 
sement. Mort  après 
des  accès  convuls. 

2 
ans. 

Phénomènes  gas- 
triques dès  le  dé- 
but. Douleurs  rives 
àl'épigastre  et  dans 
les  lombes.  Vomis- 
sements. Asthénie  et 
marasme.{7rme  sans 
albumine. 

1S 
mois. 

Fièvre  intermit- 
tente. Amaigrissent. 
Douleurs  à    l'épig. 
et  dans  lesmembres. 
Asthénie.  Dans   les 
dernières  semain., 
vomissements. 

15 

mois. 

Depuis  plusieurs 
années,  cpistaxis  a- 
bondantes. 

Tuméfaction  du 
foie.  Ascite. Œdème 
des  jambes.  Aggra- 
vation desépisiaxis. 
Asthénie.  Leucémie. 

LESIONS 

DES 

CAPSULES 


Augmentation  de 
volume  et  transfor- 
mation en  masses 
scrofuleuses. 


Transformation 
lardac.  et  caséeuse 
complète. 


Transformat,  en 
une  masse  tubercu- 
leuse  envoie  de  ré- 
gression. 


Tubercules  à  div. 
degrés  de  dévelop- 
pement.Plus  de  tis- 
su normal. 


Tuberculisat.  gé- 
nérale. 


Tuherculisation 
complète.  Dans  la 
caps,  gauche,  quel- 
ques débris  du  tis- 
su normal. 


Augmentation  de 
volume  et  conges- 
tion. 


AUTRES    LESIO.V 


Tubercules 
poumons. 


des 


Carie    des    der- 
nières      vertèbres 
dorsales     et      de: 
2   premières   loin 
baircs. 


Quelques  rares 
tubercules  crétacés 
au  sommet  des  pou- 
mons. Quelque 
noyaux  lenticu- 
laires tuberculeux 
sur  le  péritoine  et 
dans  la  rate.  Etat 
mamelonné  de  la 
muqueuse  gastri- 
que. Foie  gras. 


Alrop.  du  plexus 
solaire.  Pigmenta 
lion  brune  des  cel- 
lules ganglionnai- 
res. Pigmentai,  du 
péritoine.  Catarrhe 
purul. d'une  trompe 
utérine. 


Foie  petit  etaén 
inique,  infiltration 
granulo -graisseuse 

des   cellules   de.  la 
substance  corticale 
des    reins.   Thon 
non  ouvert. 


Adhérences  du 
foie  et  de  la  rate 
avec  les  parties 
voisines. 

Thorax  non  ou- 
vert. 


NOUV.    DICT.  MED.    ET  C1I1H. 


Petits    abcès    du 
poumon  semblables 
à  des  cavernes,  mais 
sans       tubercules 
caillots    cardiaque 
ne  contenant  dan: 
leurs    mailles    que 
des  globules  blan 
Hypertrophie       du 
foie,  de  la  rate,  des 
reins  et    de   quel 
ques  ganglions  mes 
entériques. 

V.  —  44 


690     BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  mélanodermie  avec  lésions. 


ANTÉCÉDENTS 

© 

soi hce 

B1BLIOGKAPBIQ. 

SEXE 

ET    SYMPTÔMES 

LESIONS 

AUTEURS 

ET 

DUREE 

DOMINANTS 

DES 

AUTRES    LÉSIONS 

OUTRE 

CAPSULES 

LA    MELANODERMIE 

94 

KÔHLER. 

Mediz.  Cor- 

F. 

5 

Depuis  4  à  6  ans, 

Simple  congestion 

Œilème    et  infil- 

respon.  Blatt, 

40 

mois. 

troubles  gastriques 

des  capsules  dont  le 

tration,   inflamma- 

1862. 

ans. 

et  vomissements.  De- 
)uis  5  mois,  affai- 
jlissement  considé- 
rable après  un  ac- 
couchera, avec  hé- 
morrhagie    abond. 
Deux  jours  avant  la 
mort,  douleurs  épi- 
gastriques  et  tom- 
bai r.,v  omissent  ents, 
mélanodermie  géné- 

tissu est  normal  au 
microscope. 

toire  du  tissu  cellu- 
laire    sous-périto- 
néal  de  la  2°  à  la  5e 
lombaire.    Sérosité 
transparente    dans 
le    péritoine.    Ra- 
mollissement de  la 
rate.  Augmentation 
de  volume  du  foie. 

95 

F. 

rale. Délire  et  coma. 

Mackenzie. 

M  éd.    Times 

2 

Asthénie. 

Transformat,  en 

Autres     organe? 

aiulGaz.,lSm. 

18 

ans. 

masses  purulentes 

non  examines. 

96 

ans. 
F. 

avec  dépôts  calcair. 

Erichsen. 

Petersburg 

8 

Début  par  la  mé- 

Dégénéresc.  ca- 

Exsudation    vas- 

medic.Zeitsch, 

21 

ans. 

lanodermie.  Symp- 

séo-graisseuse.Cor- 

cularisée  à  la  face 

1863. 

ans. 

tômes  généraux  plu- 

puscules calcaires. 
Cristaux  de  chole- 

interne  de  la  dure- 

sieurs  années  après. 

mère.  Pigmentation 

Vomissements,   as- 

stérine.  Pas   trace 

du     cerveau,     des 

thénie,     dans     les 

de  tissu  normal. 

poumons,  du  cœur, 

derniers  jours  cé- 

de   la  rate    et    du 

phalalgie,  syncopes, 

foie.     Tuméfaction 

délire,  convulsions, 

catarrhale    de'    la 

dilatation    des  pu- 

muqueuse   intesli- 

!>7 

pilles. 

nale. 

Ploss. 

Kiichcnmeis- 

11. 

8 

Refroidissement, 

Tubercules.   En 

Tubercules    pul- 

ker Zeitsch.  f. 

40 

mois. 

catarrhe  gastrique, 

outre,  un  foyer  hé- 

monaires.  Catarrhe 

Médecin,  1865. 

ans. 

arthrite    du  genou 
gauche.  Ulcérations 
buccales.   Douleurs 
lombaires.     Vomis- 
sements.   Asthénie. 
Amaigrissement.  — 
Délire.  Coma.  Méla- 

morrhagïque dans 
la  capsule  droite. 

gastrique.   Exsuda- 
tion arachnoïdienne 
analogue  à  des  tu- 
bercules miliaires. 

98 

H. 

nodermie  partielle. 

GUSSMANN. 

Archiv.  der 

4 

Troubles  gast.  et 

Augmentation  de 

Tubercules    du 

Heilkunde, 

33 

ans. 

vomissements.    As- 

volume et  transfor- 

poumon. Sarcocèle 

1865. 

ans. 

thénie.       Vomisse- 
ments.     Diarrhée. 
Dix-huit  mois  avant 
la  mort  tumeur  du 
testicule  droit;  six 
mois  plus  tard  ab- 
cès au    niveau   du 
coude   droit  et  du 
grand    trochanter. 
Mélanodermie  par- 
tielle    mais     très- 

mation  caséeuse.  A 
droite  il  reste  une 
partie  de  la   sub- 
stance corticale. 

testieulaire. 

99 

11. 

étendue. 

Oppolzei . 

Rapporté  par 

2 

Catarrhe     bron- 

Transformat, en 

Opacités   de    l'a- 

Lonuon. 

52 

ans. 

chique. 

une  masse  homo- 

rachnoïde.   Tuber- 

Oesterreich. 

uns. 

Douleurs  dans  les 

gène,  jaune,    casé- 

cules et  pigmenta- 

Zeits. f.prakt. 

deux  hypochondres. 

euse. 

tion  des    poumons. 

Heilkunde, 

7  mois  avant  la  mort 

Ramollissement  de 

1865. 

fièvre  intermittente 
pendant    trois    se- 
maines.    Asthénie. 
Dyspnée  subite. Dé- 

la   rate.  Hypertro- 
phie et   pigmenta- 
tion    des    glandes 
mésentériques. 

lire,     coma.    Urine 

non  albvmineuse. 

BRONZKE  (maladie).  —  observations  de  mélanodermie  avec  Lésions. 


691 


100 


101 


102 


103 


104 


105 


KuSSMAUL. 


SOURCE 
BIBLIOGRAPHIQ, 


Wûrzburg. 
med.  Zelt.scli. 
1863. 


WOKKMJ 


DUCLOS. 


Harrinson. 


W  OOD- 
HOUSE. 


VAN    DEN 

Coui'ut. 


British  med, 
Journal,  1863. 


Huile  tin  de 
thèrap.,  1863. 


British  med. 
Journal,  1865. 


British  med. 
Journ.,  1865. 


Presse  med. 
1865. 


SEXE 
ET 
AGE 

DURÉE 

H. 
19 

H. 

53 
ans . 

10 
mois. 

18 
mois. 

F. 
36 

ans. 

F. 

44 
ans. 

H. 

65 

ans. 

F. 

57 
ans. 

10 
mois. 

4 
mois. 

1 

mois. 

mois. 

ANTECEDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

LA    MÉLANODERMI 


Douleurs  à  Vèpi 
yaslre  et  dans  les 
membres.  Asthénie. 
imaigrissement.Ne 
;arde  le  lit  que  le 
jour  de  sa  mort.  An- 
goisse thoracique 
Perte  de  connais- 
sance. Convulsions. 


Chute  de  cheval 
trois  ans  aupara- 
vant; elle  nécessita 
un  séjour  de  pi 
sieurs  mois  à  l'hô- 
pital, c'est  la  région 
lombaire  qui  aurait 
le  plus  souffert. 

Asthénie.     Dysp 
née  croissante.  Ago- 
nie longue.  Mélano 
dermie  partielle. 


Asthénie.  Dou 
leurs  lombaires  per- 
sistâmes. Des  nau 
sées  et  des  vomis 
sements  constituent 
le  phénomène  ul- 
time. Souffle  au 
cœur  et  dans  les 
vaisseaux  du  cou 
Urine  normale. 


Vsthénie.  Doit' 
leurs  lombaires.  Vo 
missemenls.  Mor 
six  semaines  après 
le  développement 
de  la     mélanodei 


Goutte. 

Asthénie.  Hyper 
trophie  du  foie.  As- 
cite.      Amaigrisse 
ment.  Diarrhée. 


Asthénie.  Amai 
grissement.  Dou- 
leurs épigastriques 

Leucémie  légère. 
Pigment  dans  le 
sang.  (Mélanémie) . 


LESIONS 

DES 
lAPSULES 


Augmentation  de 
volume  Transfor- 
mat, caséeuse  pres- 
que complète.  La 
partie  qui  ne  l'a  pas 
encore  subie  pré- 
sente l'aspect  d'une 
crème  puriforme 
d'un  blanc  jaunàt. 

Prolifération  con- 
jonctive à  la  péri- 
phérie. Dans  le  con- 
tenu, noyauxlibres, 
cellules  à  plusieurs 
noyaux. 


Tuberculisation, 


Augmentation  de 
volume  et  dégéné- 
resc.  cancéreuse 


Capsules  complè- 
tement difflu  entes. 
L'enveloppe  seule 
est  intacte. 


AUTRES    LESION- 


Dégénérescence 
colloïde  du  corps 
thyroïde.  1  uber- 
cules  pulmonaires. 
Tubercules^du  foie. 
Ramollissement  de 
la  rate.  Tuméfac- 
tion considérable 
des  glandes  gastro- 
intestinales. 


Quelques  tuber- 
cules miliaires  dans 
les  poumons. 


Augmentation  de 
volume  et  tubercu- 
lisation. 


Tuberculisation. 
La  substance  corti- 
cale seule  conserv. 


Insignifiantes. 


Nulles. 


Granulations  du 
péritoine,  du  foie 
et  de  la  rate.  Ces 
deux  derniers  or- 
ganes très-gros 
Rien  dans  les  pou- 
mons. 


Pigmentation  de 
la  couche  corticale 
du  cerveau,  des 
poumons  et  des  gan- 
glions bronchiques 
Quelq.  tubercules 
crétacés  a.;  sommet 
du  poumon  gauche. 
Corpuscules  pig- 
mentaires  abon- 
dants surtout  dans 
le  sans  de  la  rate. 


692     BROiNZÉË  (maladie).  —  odservatioiNs  de  mélanodermie  avec  lésions. 


[06 


107 


108 


10!» 


110 


ni 


112 


Martineau. 


SOURCES 
BIBLIOGRAPHE 


Laii.ler  et 
Lasègue 


MoiSSENET. 


WlLKS. 


Hardwick. 


Hardwick. 


IlAL! 


De 
die  d' 
Paris, 
1863. 


la  ma  la-     1 
Addison. 
décemb.  ans. 


sEXL 
ET 
AGE 


Rapporté  par 

Martineau. 
Eod.  loeo. 


Rapporté  par 
Martineau. 
Eod.  loco. 


Med.    Times 
id  Gaz.,  18G4. 


Rapportépai 
Wilks. 
Eod.  loco. 


Rapportépai 
Wilks. 
Eod.  loco. 


mois 


H. 

42 
a  no. 


F. 

23 

ans. 


II. 

ans. 


Rapporté  par 
Wilks. 

Eod.  loco. 


11 

mois. 


2 

ans. 


9 

mois. 


ANTECEDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

LA   MÉLANODERMJ.E 


Apparition  des 
symptômes  géné- 
raux quinze  mois 
après  la  mél ano- 
de rmie. 

Asthénie.  Amai- 
grissement. Dou- 
leurs dans  les  hy- 
pochondres.  Vomis- 
sements. Urine  nor 
maie.  Convulsiom 
générales.  Coma. 

Pigmentât,  anor- 
male de  la  cho- 
roïde . 


Apparition  simul- 
tanée des  symp- 
tômes généraux  et 
de  la  mélanoder- 
mie.  Souffles  vas- 
CUlaires.  Asthénie. 
Amaigriss.  Dou< 
leurs  abdominales 
et  lombaires.  Dou- 
leurs à  l'épigastre 
et  dans  les  articu- 
lations. 


Quatre  ans  avant 
carie  vertébrale , 
cyphose,  abcès  ossi- 
fluent  ouvert  dans 
le  rectum.  Guéri - 
son.  Signes  de  tu- 
berculisalion.  As- 
thénie. Amaigris- 
sement. Céphalal- 
gie. Douleurs  lom- 
baires intenses. Con- 
stipation. Vomis- 
sements.  Pas  de 
souffles  vasculaires. 
Pas  d'album,  dans 
l'urine.  Coma. 


Asthénie.  Amai- 
grissement. Nau- 
sées. 


Carie  vertébrale 
antérieure. 

Asthénie.  Accès 
épileptif ormes.  Con- 
vulsions légères.— 
Vomissements.  Ab- 
cès du  psoas  et  de 
la  région  lombaire. 


Aslhén 
asme. 


Ma 


Asthénie.  Vomis- 
sements. 


LÉSIONS 

DES 
CAPSULES 

AUTtlEs  LÉSIONS 

Tuberculisation. 

Au  niveau  de  la  fa- 
ce antérieure  de  la 
caps,  gauche,  foyer 
purulent  qui  com- 
munique avec  l'in- 
térieur de  l'organe. 

Augmentation  de 
volume  et  conges- 
tion du  foie  et  de 
la  rate.  Congestion 
des  reins.  Quelques 
tubercules  pulmo- 
naires. 

Augmentation  de 
volume,  dégénéres- 
cence    graisseuse. 
Epaississemeut    de 
l'enveloppe  et    du 
stroma. 

Tubercules  pul- 
monaires.Foiegras. 
Congestion  et  aug- 
mentation de  vo- 
lume des  reins. 

Tuberculisation. 
La  droite  est  aug- 
mentée de  volume. 
La  gauche  est  très- 
atrophiée. 

Congestion  des 
reins,  du  foie  et  du 
cerveau.  Hypertro- 
phie et  diftluence 
de  la  rate. 

Quelques  tuber- 
cules pulmonaires. 

Autres  organes 
non  examinés. 

Transformat,  en 
masses   jaunes    a- 
morphes   avec  dé- 
pôts calcaires. 

Nulles. 

Tuberculisation. 

Lésion  des  ver- 
tèbres lombaires. 

Transform.  com- 
plète en  une  masse 
grise,  lardacée. 

Nulles. 

Transformat,  en 
une  masse  caséeuse 
molle,   de  couleur 
grise  et  jaune. 

Nulles. 

BRONZÉE  (maladie).  —  orservations  de  mélanodermie  avec  lésions.     69f> 


un 


114 


115 


n; 


118 


119 


AUTEURS 

SOIR TE 
MBLIOGKAI'IIIQ. 

sexe 

ET 
AGE 

H. 

24 
ans. 

F. 

45 

ans. 

F. 
32 
ans. 

F. 

40 
ans. 

F. 
53 

ans. 

F. 
19 
ans. 

H. 

17 

ans . 

DURÉE 

ANTÉCÉDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

LA    MÉLANODERMIE 

Greenhow. 

M  éd.  Time  h 
and  Gaz.,  1864. 

mois. 

Six  mois  avant, 
abcès  dans  le  flanc 
gauche. 

Asthénie.  Nau- 
sées. Vomissements. 
Doul.  èpigastriqnes. 
Constipation.  Ten- 
dance aux  syncopes. 
Syncopes  dans  les 
derniers  jours. 

J.  Meyer. 

Deutsche  K/i- 
nik<  1804. 

5 
mois. 

Asthénie.  — Nau- 
sées. —  Vomisse- 
ments. Doul.  lom- 
baires et  èpigas- 
triqnes. Syncopes. 
Epuisement  et  cya- 
nose. 

DVSTER. 

lancet,\%U. 

? 

Fièvres  intermit- 
tentes. 

Asthénie.  Vomis- 
sements. Constipa- 
tion, pas  de  leucé- 
mie. 

DUNCAN. 

Dublin  quart. 
Journal,  1864. 

Près 
de 

2  ans. 

Asthénie.  Pasd'a- 
maiyrissemenl.  Ir- 
ritation gastrique. 
Vomissements.  Mé- 
lanodermie  par- 
tielle. 

Page. 

Lancet,iSU. 

? 

Entrée  à  l'hôpi- 
tal pour  une  pneu- 
monie dont  elle  est 
morte. 

Mélanodermie  par- 
tielle. 

Habershon.' 

Guy'sHospi- 
tal  He ports, 
1864. 

ans. 

Douleurs  gas- 
triques et  mélano- 
dermie simultanées. 

Asthénie.  Arrêt 
de  la  menstruation 
qui  se  rétablit  eu- 
suite.  Vers  la  fin 
douleurs  abdomi- 
nales. Céphalalgie. 
Après  un  accès  de 
céphalalgie  plus  vio- 
lent que  d'habitude 
perte  de  connais- 
sance et  mort. 

Sturges. 

Laricet  ,1864. 

4 
mois. 

Asthénie.  Amai- 
grissement. Plus 
tard,  vomissements. 
Douleurs  lombaires 
et  épigaslriques.  Dé- 
lire. Coma.  Méla- 
nodermie partielle. 

LESIONR 

DES 
CArSULES 


Augmentation  de 
volume  et  transfor- 
mation en  une  mas- 
se d'un  blanc  jau- 
nâtre parsemée  de 
dépôts  caséeux.  Le 
microscope  montre 
dans  ceux-ci  desgra- 
nulat.  amorphes, 
des  cellules  eninvo- 
iulion,  des  noyaux 
et  quelques  gouttes 
de  graisse. 


Transform.  grais- 
seuse de  prod.  in- 
flammatoires qui 
ont  détruit  le  tissu 
normal. 


Tuberculisat.  to 
taie. 

AutopsieparWilk: 
et  Utterson. 


Inflammat.  chro 
nique  et  infiltration 

tuberculeuse. 


Augmentation  de 
volume  et  nombr. 
tubercules. 


Pas  trace  du  tissu 
normal  dans  la  cap- 
sule gauche,  qui  est 
transformée  en  une 
masse  adipo-créta- 
cée. 


Tuberculisation 
Augmentation  con- 
sidérable de  volu- 
me, surtout  à  gau- 
che. 


AUTRES    LESION* 


Carie  de  l'articu- 
lation sacro-iliaque 
jauche.  Etat  ca- 
séeux  et  tuméfac- 
tion des  ganglions 
mésentériques.  In- 
tumescence de  tou- 
teslesglandesintes- 
inales. 

Coloration  du 
ang  plus  foncée 
u'à  l'état  normal 


Injection  notable 
des  ganglions  semi- 
lunaires  et  des  bran 
ches  du  sijmpathi 
que,  surtout  de  cel 
les  qui  vont  aux  cap 
suies. 


Nulles. 


Autres     organes 
non  examinés. 


Pneumonie  tabu- 
laire.Exsudatspleu- 
raux  récents.  Séro- 
sité péri  tonéale.  Pas 
d'antres  lésions. 


Atrophiedes  ovai- 
res. Surcb.  grais- 
seuse du  cœur. 

Crâne  non  ou- 
vert. 


Hypertrophie  des 
glandes  isolées  et 
agminéesàla  partie 
inférieure  de  l'i- 
léum.  Quelques  tu- 
bercules dans  le 
poumon  droit. 


f>94     BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  mélanodermie  avec  lésions, 


1-2(1 


Habershon. 


121 

Stdrges. 

l  22 

Stirges. 

SOURCES 
BIBLIOGRAPHIQ. 


Lancet,lSCA. 


iEXE 
ET 

agi; 


123 


Eod.  loco. 


Eod.  loco. 


Sturges. 


1  an. 


Eod.  loco. 


F. 
59 

ans. 


12: 


Stark. 


Ienaïsche- 
zeitschrift, 

1864. 


Dublin  Jour- 
nal, 1864. 


H. 

16 

an-. 


ANTECEDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

LA   MÉLANODERMIE 


L'asthénie  crois- 
sante a  été  le  seul 
phénomènependant 
toute  la  durée  de  la 
maladie. 


10 

mois. 


LESIONS 
DES    CAPSULES 


Transformat,  ca- 
séeuse  et  calcaire 
des  deux  capsules. 


AUTRES   LESIONS 


Le  ganglion  semi 
lunaire  gauche  est 
tout  prés  de  la  cap 
suie  et  plusieurs  des 
rameaux  qui  enpar- 
tent  sont  englobés 
dans  la  masse  m  or 
bide.  Le  microscope 
ne  montre  aucune 
altération  dans  les 
cellules  ganglion- 
naires. Deux  tuber- 
cules crétacés  dans 
le  poumon  droit. 
Pas  d'autres  lé- 
sions. 


Asthénie.  Pas  d' a- 


Augmentation  de 


maigrissement.  Yo-  volume  et  rempla- 
missements  incoer-  cemeat  du  tissu 
cibles  dans  les  der-  normal  par  une  ma- 
niers  jours.  Urine  tière  caséeuse  sem- 
légérement  albumi-  blable  à  du  tuber- 
neuse.  Coma.  cule. 


Asthénie.  18  mois 
avant  la  mort,  ap- 
parition des  vomis- 
sements. —  Phéno- 
mènes chorèiformes 
pendant  quatre  se 
moines.  Mort  par 
les  progrès  de  l*a 
thénie. 


Asthénie.  Vomis- 
sements jusqu'à  la 
mort .  Remplace 
ment  des  cheveux 
châtain  foncé  par 
des  cheveux  noirs 
Cinq  jours  avant  la 
mort,  convulsions. 
Coma. 


Une       hvdatirle 
dans  le  foie. 


Transformat,  ca- 
seeusp. 


Augmentation  du 
volume,  surtout  à 
gauche.  Transfor- 
mation purulente, 
épaississement  et 
induration  des  par- 
ties périphériques. 

Autopsie  cl  exa- 
men microscopique 
par  Dickinson. 


Nulles 


6 

mois. 


Deux  ans  avant 
le  début  entérite 
chronique  qui  gué- 
rit. 

Céphalalgie,  ver- 
tiges. Doul.  lom- 
baires. Asthénie. 
Amaigrissement. 


Céphalalgie.  Con 
Slipation.  [Nausées 
Plus  tard  vomisse- 
ments. —  Douleurs 
abdominales  vires 
Urine  normale.  As- 
thénie, croissante, 
mort. 


Inflammat.  chro- 
nique. Pus  concret 
à  l'intérieur,  proli- 
fération conjoncti- 
ve. Pas  trace  de  tis- 
su normal.  {Examen 
microscopique  par 
E.  Wagner.) 


Quelques  rares 
tubercules  dans  le 
poumon  droit.  E 
paississement  de  la 
valvule  mitrale,  di- 
latation des  deux 
ventricules. 


Lésions  sembla- 
bles dans  les  pou- 
mons, le  foie,  la 
rate  et  les  ganglions 
lympathiques. 


Transformat,  ca- 
séeuse de  la  capsule 
gauche,  au  centre 
une  masse  purifor- 
me.  Au  miser os- 
cope,  petites  cellu- 
les granuleuses  m 
contours  mal  défi- 
nis. Débris  de  cel- 
lules. Granulations 
crayeuses. 


Nulles. 


BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  mélanodermie  avec  lésions.      695 


© 
ce 
>E9 

K 
126 

127 

AUTEURS 

SOURCE 
BIBLIOGRAPHIQ. 

SEXE 
ET 
AGE 

F. 
57 

ans. 

F. 
ans. 

DURÉE 

ANTÉCÉDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

LA   MÉLANODERMIE 

LÉSIONS 

DES 

CAPSULES. 

AUTRES   LÉSIONS 

Child. 

Lancet, 1865. 

4à5 
mois. 

Asthénie.  Vomis- 
sements. Constipa- 
tion. Céphalalgie  et 
tendance  au    som- 
meil. Douleurs  ab- 
dominales.   Délire. 

Mélanoderm.  par- 
tielle. 

Tuberculisation. 

Quelques  tuber- 
cules pulmonaires. 
Injection  de  la  mu- 
queuse intestinale. 
Tuméfaction  des 
ganglions  mésen- 
tériques  au  niveau 
des  reins. 

PlTMAN. 

Lancet,im. 

5 

ans. 

A    l'âge  d'un  an 
apparition  de  poils 
courts  et  noirs  sur 
toute  la  surface  du 
corps  ;    développe- 
ment  considérable 
du  tissu  graisseux 
et  des  organes  gé- 
nitaux externes.  As- 
thénie.— Vomisse- 
ments. 

La  mère  présen- 
tait une  coloration 
un  peu  foncée    de 
la  peau.  Les  autres 
membres  de  la  fa- 
mille étaient  sains. 

Augmentation  de 
volume  et  cancer  de 
la  capsule  gauche; 
constaté  par  le  mi- 
croscope. 

Petite  production 
encéphaîoïde  dans 
le  foie  et  au  som- 
met du  poumon 
gauche. 

Les  huit,  dernières  observations  de  ce  tableau  sont,  empruntées  au  remarquable  travail  de  II,  Meissncr 
in  Schmidl's  Jahr bûcher,  CXXVI,  1865. 

Pour  fournir  au  lecteur  les  éléments  nécessaires  à  une  appréciation 
éclairée  et  légitime,  ce  n'est  point  assez  d'avoir  mis  sous  ses  yeux  les  cent 
vingt-sept  observations  précédentes,  dans  lesquelles  l'autopsie  a  constam- 
ment justifié  le  rapport  établi  par  Addison  entre  l'astbénie  et  la  colora- 
tion noire  d'une  part,  et  certaines  lésions  profondes  des  capsules  surré- 
nales d'autre  part.  Tout  débat  suppose  des  arguments  contradictoires,  et 
puisque  la  relation  patliologique  signalée  par  le  médecin  de  Londres  a  pu 
être  niée.,  il  faut  bien  qu'un  certain  nombre  de  faits  soient  venus  ébranler 
la  théorie.  Malgré  l'aridité  d'un  tel  labeur,  je  me  suis  décidé  à  consigner 
également  ici  ces  observations,  car  il  m'a  paru  qu'il  y  avait  à  cela  un 
double  avantage.  Il  ne  sera  pas  inutile  de  réunir  et  de  présenter  en  un 
seul  faisceau  tous  les  faits  affirmatifs  ou  négatifs  qui  se  rapportent  à  la 
mélanodermie  d'Addison  ;  mais,  de  plus,  l'examen  attentif  et  impartial 
des  observations  réfractaires  en  dégagera  la  valeur  réelle,  et  partant,  nous 
permettra  d'estimer  exactement  l'atteinte  qu'elles  portent  à  la  doctrine. 

Cette  classe  de  faits  se  divise  naturellement  en  deux  groupes  :  dans  les 
uns  il  y  a  eu  mélanodermie  sans  lésion  des  capsules  surrénales,  dans  les 
autres  on  a  constaté  une  altération  de  ces  organes,  bien  que  la  coloration 
de  la  peau  fût  restée  normale  pendant  la  vie.  Or  le  premier  de  ces  groupes 
a  été  arbitrairement  grossi  d'un  grand  nombre  d'observations  qui  n'ont 
en  réalité  rien  à  voir  avec  la  maladie  bronzée  d'Addison  ;  il  ne  suffit  pas, 


096     BRONZÉE  (maladie).  — observations  de  mélanodermie  sans  lésions. 

on  effet,  pour  constituer  un  cas  réfractaire,  que  la  peau  ait  été  colorée 
en  brun  ou  en  noir  pendant  les  derniers  mois  de  la  vie,  et  que  les  cap- 
sules surrénales  soient  trouvées  saines  lors  de  l'examen  cadavérique,  il 
faut  que  cette  coloration  ait  présenté  les  caractères  particuliers  qui  font 
de  la  mélanodermie  d'Addison  une  forme  toute  spéciale  de  chromo- 
dermie.  C'est  avec  cette  réserve  rigoureuse  que  j'ai  dressé  les  tableaux 
qui  vont  suivre  ;  aussi  ai-je  éliminé  du  groupe  des  mélanodermies  sans 
lésion  des  surrénales  un  bon  nombre  de  faits  qui  ont  été  à  tort  portés  à  la 
charge  d'Addison  ;  et,  dans  le  groupe  des  lésions  surrénales  sans  symp- 
tômes caractéristiques,  j'ai  élagué  de  même  tous  les  faits  dans  lesquels 
la  prétendue  lésion  pathologique  peut  être,  à  bon  droit,  regardée  comme  le 
résultat  naturel  de  l'évolution  régressive  subie  par  les  capsules  chez  les 
individus  d'un  certain  âge  ;  la  transformation  graisseuse  pure  et  l'atrophie 
simple  tombent  sous  le  coup  de  cette  remarque,  ainsi  que  le  professeur 
Virchow  l'a  signalé  le  premier.  —  Cela  dil,  voici  les  faits  : 

II.  Observations  de  mélanodermie  sans  lésions  des  capsules  surrénales. 


ANTÉCÉDENTS 

© 

•S 

AUTEURS 

SOURCES 
BIBLIOGI'.APHIQ. 

SEXE 
ET 
AGE 

DURÉE 

ET    SYMPTOMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

ÉTAT 
DES   CAPSULES 

ETAT 

DES   AUTRES 

ORGANES 

1 

F. 

57 

ans. 

LA   MELANODERMIE 

Lutox. 

Mémoires  de 
la  Soc.  de  Bio- 
logie, 1856. 

9 

Tuberculis.  très- 
avancée. 

Mélanodermie  par- 
tielle. 

Normal. 

Tubercules  et  ca- 
vernes    pulmonai- 
res. 

2 

May. 

Britishmed. 
Journal,  1856. 

H. 

46 
ans. 

? 

Asthénie.  Vomis- 
sements. Diarrhée. 
Coma. 

Normal. 

9 

3 
4 

TlGRI. 

Gazzett.  me- 
dica  ital.  Tos- 
can a,  1857. 

F. 
8 

ans. 

H. 

9 

9 

9 

Mélanodermiepar- 
lielle. 

Normal. 

Pas  d'examen  mi- 
croscopique. 

Mélanose  du  foie 
et  de  la  rate. 

Tir.p.i. 

Eod.  loco. 

? 

Mort  de  pneumo- 
nie.                  • 

Normal. 

Pas  d'examen  mi- 

Mélanose du  foie 
et  de  la  rate. 

5 

H. 
50 

ans. 

Mélanodermie  par- 
tielle non  constatée 
pendant  la  vie. 

croscopique. 

Charcot  et 

V'ULPIAN. 

Mémoire  de 
laSoc.de  Bio- 
logie et   Gaz. 
liebdom.,ifô7. 

9 

Tuberculis.  avan- 
cée. Asthénie.  Algi- 
dité.  Diarrhée.  Al- 
buminurie. 

Mêlanoder.    par- 
tielle. 

l'as    de  pigment 
dans  le  sang. 

En  raison  de  leurs 
caraetèreslesmodi- 

Normal  à  l'œilnu. 
Aumicroscope,gra- 
nulat.  graisseuses, 
les  unes  libres,  les 
autres     répandues 
dans  les   éléments 
anatomiq.  La  sub- 
stance   médullaire 
ne  se  colore  plus  en 
rose  par  l'action  de 

Tubercules  et  ca- 
vernes   pulmonai- 
res. 

Ulcérations   tu- 
berculeuses de  l'in- 
testin. 

Etat  granul.  des 
reins.  Atrophie  lé- 
gère du  l'oie. 

licalions  microsco- 
piques des  capsules 
ne    me    paraissent 
pas  suffisantes  pour 

l'iode. 

constituer  une  lé- 
sion   pathologique 
de  ces  organes. 

BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  mélanodermie  sans  lésions.     697 


10 


11 


12 


13 


SOURCES 
BIBLlOGRAl'HIQ. 


IlOANE. 


Fricke. 


HUTCHINSOX. 


Simpson. 


Fl.ETCHER. 


L.OMRARD. 


Parkes  et 
Hakley. 


VlRCHOW, 


Poi.LOCK. 


Harley. 


Med.   Times 
and  Gaz.  ,1857. 


Amer  ic. med, 
chir.  Review  . 
1857. 


Pat  h.  Tran- 
mct.,  VIII,  1857 


Cité  par  Har- 
LEY.Èrilishand 

for  Review, 
1858. 


Britishmed. 
Journal,  1857. 


Moniteur  des 
hôpil.,  1858. 


Med.  Times 
and  Gaz.,  1858. 


Lettre  à  Har- 
ley. 

British  and 
for.  med.  chir. 
Review,  1858. 


LnncetAWï. 


Med.  Times 
MdGas.,1862. 


SEXE 
ET 
AGE 

F. 
21 

ans . 

H. 

25 
ans. 

H. 

25 
ans. 

F. 

19 

ans. 

H. 

9 

DURÉE 

5 

mois. 

4 

mois. 

? 

9 

? 

H. 

2G 
ans. 

? 

H. 

G6 
ans. 

5 
ans. 

II. 

? 

H. 

F. 

9 

0 

jours. 

4 
ans. 

ANTECEDENTS 

ET    SYMPTOMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

LA   MÉLANODERMIE 


Rhumatisme.  Ma- 
ladie du  foie.  Ana- 
sarque. 

Asthénie.  Vomis- 
sements. Diarrhée, 
Aphonie. 


Céphalalgie.  Nau 
sées.  Asthénie.  Con- 
stipation. 


Mort  par  mala- 
die aiguë  intercur- 
rente. 


Phthisieavancée. 


Melanoder.  par- 
tielle. 

Selles  graisseu- 
ses. 


Rhumatisme.  Fiè- 
vresintermittentes 

Onze  ictères. 

Melanoder.    par- 
tielle en  plaques. 

Érysipèle  ultime. 


Ictère  sept  ans 
avant.  Cirrhose  du 
l'oie  et  ascite. 

Asthénie  crois- 
sante. Ni  leucémie 
ni  mélanémie. 


Mélanodermie  en 
taches. 


Cinq  sem.  avant 
la  mort  eczéma  gé- 
néralise. Troisjours 
avant  la  mort  dé- 
veloppement rapide 
d'Une  mélanoder- 
mie générale  avec 
nausées  et  vomisse- 
ments. 


Asthénie.  Vomis- 
sements. Diarrhée. 
Convulsions. 


ETAT 

DES   CAPSULES 


Normal. 

Pas  d'examen  mi 
croscopique. 


Normal. 

Pas  d'examen  mi- 
croscopique. 


Normal. 


Un  seul  tuber- 
cule de  la  grosseur 
d'un  grain  de  mou- 
tarde dans  l'une  des 
capsules. 


Modifications  in- 
-ignifiantes? 


Capsules  noirâ- 
tres, friables,  ra- 
mollies.Sanstuber- 
cules. 


Parfaitement  nor- 
mal. (Examen  mi- 
croscopiq.  par  Har- 
ley.) 


Normal. 


Normal. 

Pas  d'examen  mi- 
croscopique. 


Normal. 


ÉTAT 

DES   AUTRES 

ORGANES 


Tubercules  des 
poumons  de  Pintes 
tin ,  des  ganglion 
mésentériq.  et  des 
reins. 


Cirrhose  du  foie. 


Tubercules  pul- 
monaires. Hyper- 
trophie du  foiéet  de 
la  rate. 


Transformat,  lar- 
dacée  du  pancréas. 
Quelques  noyaux  de 
substance  lardacée 
dans  le  foie.  Com- 
pression du  réser- 
voir de  Pecquet  et 
du  canal  thoraciq. 


Tubercules  pul- 
monaires. Hyper- 
trophie du  foie  et  du 
cœur.Epanchement 
dans  le  péricarde. 

Crâne  non  ouvert. 


Atrophie  granu- 
leuse du  foie.  Intu- 
mescence et  indu- 
ration de  la  rate, 
lndurat.  des  reins. 


Nul  h 


698     BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  lésions  sans  mélanodebmif. 


en 

O 

es 

s 
X 

16 

17 

AUTEURS 

sources 
bibliographie. 

SEXE 
ET 
AGE 

H. 
59 

ans. 

F. 

77 
ans. 

DURÉE 

ANTÉCÉDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

DOMINANTS 

OUTRE 

LA  MÉLANODERMIE 

ÉTAT 
DES   CAPSULES 

ÉTAT 

DES   AUTRES 

ORGANES 

Martineau. 

De  la  maladie 
d'Addison.  Pa- 
ris,   décembre 
1865. 

9 

Mélanoder.  par- 
tielle quelq.  jours 
avant  la  mort. 

Normal. 

(Examen  micros- 
copiq.  par  Gubler). 

Cancer  de  l'œso- 
phage. 

Vernois. 

Cité  par  Mar- 

TINEAU. 

Eod.  loco. 

9 

Asthénie.      Gan- 
grène sénile.  Diar- 
rhée. A  son  entrée 
à  l'hôpitalla  malade 
est  couverte  de  ver- 
mine, mais  la  mé- 
lanodermierésiste  à 
un  bain  de  sublimé. 

Normal. 

Pas  d'examen  mi- 
croscopique. 

Modifications  in- 
signifiantes dans  les 
viscères. 

III.  Observations  de  lésions  des  capsules  surrénales 
sans  mélanodermie. 


Addison. 


Delpierre, 


Grimsdale. 


sources 
bibl10graphiq, 


Med.  Times 
and  Gaz.,  1855. 


Moohe. 


Bazi; 


Martini  et 
Mortone. 


Gaz.  hôpit. 

1856. 


Med.  Times 
andGaz.Miï. 


Rapporté  par 
Sibley. 

Médical  Ti- 
mes and  Gaz., 
1856. 


Revue  m  éd., 
1850. 


Gaz.médic. 
1856. 


ANTECEDENTS 

ET   SYMPTÔMES 

PRINCIPAUX 


?  —  On  note  seu- 
lement l'absence  de 
coloration  bronzée. 


Cachexie  cancé- 
reux. Color.  jaune 
paille  de  la  peau. 


Mort  trois  jours 
après  l'accouche- 
ment par   éclamp- 


ETAT 
DES  CAPSULES 


Noyaux  cancer. 


Dégénérescence 
cancéreuse. 


Surface  noueuse 
et  dure.  Coupe  jau- 
ne avec  taches  rou 
ges.Plusdedistinc 
tion  entre  la  cor- 
ticale et  la  médul 
laire.  Infiltr.  grais 
seuse  compl.  (Exa- 
men microscopique 
par  Inman). 


Apoplexie  5  ans 
avant  la  mort.  Can- 
cer thoracique.  Hé- 
miplégie partielle. 
Mort. 


Cachexie  scrofu- 
leuse. 


Cachexie 
culeuse. 


tuber 


Dégénérescence 
cancéreuse. 


ETAT 

DES    AUTRES 

ORGANES 


Cancers  multipl 
Ont  débuté  par  le 
clitoris. 


Foie  et  rate  gros. 
Infarctusurique  des 
reins.  Caillot  à  la 
surface  de  la  moelle 
cervicale. 


Tuberculi^ation. 


Absence  congé- 
niale, 


Cancer  du  crâne 
av.  ramollissement 
du  cerveau. Anciens 
foyers  hémorrhagi- 
ques.  Noyaux  can- 
céreux du  foie  et 
des  ganglions  més- 
rntériques. 


Un  seul    rein 
5  lobes  à  cheval  sur 
le  promontoire.  Tu 
hercules  pulmonai 
r©s. 


BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  lésions  sans  mklanodermie.     699 


Dayot. 


S.  Féréol. 


Besnier. 


Il) 


Peacock. 


Peacock. 


Senhouse 

KIRKES. 


SOURCES 
BIBLIOGRAPHIO. 


Ballet,  de  la 
Soc.  anatom., 
1857. 


Bnllet.  de  la 
Soc.   anatom., 

1857. 


Bullet.  de  la 
Soc.   anatom 
1857. 


13    Senhouse 

KlRKES. 


Il 


16 


Médical  Ti- 
mes and  Gaz., 
1856-1857. 


Médical  Ti- 
mes and  Gaz., 
1856-1857. 


Eod. 
1857. 


loco 


Eod.   loco 
1857. 


Senhouse 
Kirkes. 


Senhouse 
Kirkes. 


Reks. 


Eod.    loco 
1857. 


Eod. 

1857. 


Médical  Ti 
mes  and  lia:. 
1857. 


^exe 
et 

AGE 

DURÉE 

ANTÉCÉDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

PRINCJPAUX 

ÉTAT 
DES   CAPSULES 

ÉTAT 

DES   AUTRES 

ORGANES 

H. 

55 

ans. 

Abcès  froid.  Mort 
)ar  congestion  pul- 
nonaire. 

Augmentation  de 
volume. Induration, 
iouges    au  centre 
aunes,   à  la  péri- 
phérie. Matière  gra- 
îuleuse     amorphe 
étouffant  les  cellu- 
les. Elles  sont  plus 
libres  à  la  périphé- 
rie.  (Examen   mi- 
<T0SC0//.parRolin). 

II. 

45 
ans. 

2 
ans. 

Cachexie    cancé- 
reuse. 

Dégénérescence 
cancéreuse.     Sub- 
stance   médullaire 
détruite. 

Cancer  de  l'esto- 
mac, du   foie,    des 
poumons. 

H. 

48 
ans. 

F. 
16 

ans. 

11. 

55 

ans. 

11. 
25 

ans. 

H. 

47 
ans. 

11. 
54 

ans. 

H. 

45 
ans. 

M. 

2 
ans. 

Cachexie    cancé- 
reuse. 

Pas  de  vomisse- 
ments. Pas  de  con- 
vulsions.    Pas    de 
leucémie.  —  Urine 
normale. 

Dégénérescence 
cancéreuse  totale. 

Cancer  des  reins, 
du  duodénum  et  du 
poumon. 

7 
mois. 

Cachexie   cancé- 
reuse. 

Dégénérescence 
encéphaloïde  totale. 

Cancer  des  reins, 
du    foie,   de  l'épi  - 
ploon, de>  ganglions 
lymphatiques. 

5 

mois. 

Cachexie    cancé- 
reuse. —  Vomisse- 
ments. 

Dégénérescence 
encéphaloïde. 

Cancer  des  côtes, 
du     poumon  ,     du 
cœur  et  de  l'un  des 
reins. 

6 
semai- 
nes. 

Asthénie  ,    ané- 
mie.  —    Vomisse- 
ments, syncopes. 

\ugmentat.devo- 
lume.Quelq.  noyaux 
d'une    mat.  jaune, 
caséeuse ,  crétacée 
par  places. 

Quelques    tuber- 
cules pulmonaires. 

Cachexie    tuber- 
culeuse. 

La  capsule  gau- 
che  contient  quel- 
ques noyaux jaunes 
opaques.  La  droite, 
non  examinée. 

Tubercules  du  la- 
rynx, delà  trachée, 
des  poumons  et  de 
l'intestin. 

Mort  dans  un  ac- 
cès d'épilepsie. 

Dans  la  capsule 
droite,   quelq.    tu- 
bercul.  jaunes  opa- 
ques. La  gauche  est 
saine. 

Tuberculisation 
généralisée. 

2 

ans. 

Cachexie   cancé- 
reuse et   hémiplé- 
gie. 

Dégénérescence 
totale  de  la  capsule 
gauche,  qui  a  le  vo- 
lume d'une  poire. 
La  droite  saine. 

Cancer  des  reins, 
des  poumons  et  du 
cerveau. 

— 

Cachexie.        Le> 
parties  exposées  à 
l'air  ont  une  colo- 
ration un  peu  plus 
foncée. 

Augmentation  dé 

volume  et  transfor- 
mât, fibreuse  com- 
plète. 

— 

700      BRONZER  (maladie).  —  observations  de  lésions  sans  mélanodermie. 


o 

si 

>H 
VU 

AUTEURS 

SOURCES 
BI1U.10GP.APIIIQ. 

17 

Ogle. 

Médical  Ti- 
mes and  Gaz., 
1857. 

18 

VlRCHOW. 

Soc.  méd.  do 
Berlin  et  Cans- 
tatt's  Jahres- 
beriht,  1857. 

19 

GOOLDEN. 

Lancet,\%f6~. 
Empr.  à  Wih- 
cnow.Canstalfs 
Jahresb,  1857. 

20 

Letenneuk. 

Gaz.  hôpit., 
1858. 

21 

Friedreich. 

Archio.f.pa- 
th.  Anat.  und 
Phys.  XL  Em- 
pr.   à  VlRCHOW 

CanstatCs  Jah- 
resb, 1858. 

22 

Friedueicii. 

Eod.  loco. 

23 

VlRCHOW. 

Canstatt's 
Jahresb,  1858. 

24 

Brinton. 

Pat  h.  Tran- 
sact.  IX,  1858. 

25 

Ogle. 

Eod.  loco. 

26 

MURCHISON. 

Eod.  loco. 

Laycock. 

Médical  Ti- 
mes and  Gaz., 
1858. 

sEXE 
ET 
AGE 


îl. 

62 

ans. 


F. 
62 

il  Ils. 


AMTECEDENTS 

ET   SYMPTÔMES 

PRINCIPAUX 


Cachexie    tuber- 
culeuse. Leucémie. 


Cachexie    cancé- 
reuse. 


Anémie  profonde. 
Battements  épigas- 
triques.  Vomisse- 
ments. Douleurs 
dans  la  région  de 
l'estomac. 


Cachexie    cancé- 
•euse. 


Cachexie    tuber 
culeuse. 


Cachexie    tuber- 
culeuse. 


Néphrite  chro- 
nique et  hydropi- 
sie. 


Plusieurs      atta- 
ques d'apoplexie. 


Cachexie    cancé- 
reuse. 


Cachexie   cancé- 


ETAT 

DES    CAPSULEi 


Les  capsules  aug- 
mentées de  volume 
sont  presque  entiè- 
rem.  remplies  d'un 
dépôt  scrofuleux 
blanc-jaunâtre  trè 
consistant. 


Dégénérescence 
cancéreuse  totale. 


La  droite,  trans- 
formée en  un  sac 
rempli  d'une  ma- 
tière granul.  cou- 
leur chocolat.  La 
gauche  contient  en- 
core un  peu  de  sub- 
stance médullaire. 


Transformat,  en- 
céphaloïde  totale  s 
droite.  Quelq.  reste; 
de  tissu  normal  ;' 
gauche. 


Dégénérescence 
amyloïde. 


Idem. 


Idem. 


La  substance  mé- 
dullaire remplacée 
par  une  masse  adi- 
po-calcaire. 


Augmentation  de 
volume.  Nodosités 
et  granulations  à  la 
surface  et  à  la  cou- 
pe. (Au  microscope.) 
transformat,  libro- 
raisseuse. 


Dégénérescence 
de  la  caps,  droite. 
La  oauclie  saine. 


Noyaux cancéreux 
dans  les  deux. 


ETAT 

DES  AUTRES 

ORGANES 


Tubercules  pul 
monaires.  Rate  vo 
lumineuse  et  ra 
mollie.  lnflamma 
tion  de  la  vessie  et 
des  reins. 


Cancer  de  Futé 
rus,  des  ganglion; 
lombaires  et  de: 
reins. 


Nulles,  mais  le 
crâne  n'a  pas  et 
ouvert, 


Cancer  des  reins 
du  pancréas  et  de- 
là parotide. 


Tuherculisatioi 
et  transformation 
amyloïde  de  plu- 
sieurs organes. 


Idem. 


Lésions  rénales. 


Foyer  de  ramol- 
lissement dans  le 
cerveau.  Foyer  pu- 
rulent derrière  l'uiï 
des  reins. 


Cancer  des  pou- 
mons, du  foie  et  de 
la  nuque. 


Cancer  de  tous 
les  ganglions  abdo- 
minaux.Tumeur  de 
la  rate. 


BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  lésions  sans  mélanodermie.      701 


28 


29 


50 


r>3 


55 


38 


38 


5*1 


40 


Ball. 


Van   der 
Byl. 


Klob. 


Davis. 


Davis. 


Br.lTTAN. 


H A RLE Y. 


Wallmann. 


Wallmann. 


Wallmann. 


Wallmann, 


Wallman: 


Wallmann 


SOURCES 
B1BLIOGRAPMQ. 


Bullct.  de  la 
Société  anal., 
1858. 


Cité  par  Har- 
ley.  Brit.  and 
for.  med.  ehir. 

Review,  1858. 


Cité  par  Har- 

LEY. 

Eod.  loco. 


Eod.  loco. 


Eod.  loco. 


Brilish  med. 
Jour  n.,  1858. 


Brilish  and 
for  med.  ehir. 
Review,  1858. 


Wiener 
Zeitsch,  1859, 


Eod.  loco. 


Eod.  loco. 


Eod.  loco. 


Eod.  loco. 


Eod.  loco. 


SEXE 
ET 

AGE 

H. 

56 
ans. 

H. 
40 
ans. 

DURÉE 

- 



H. 

19 
ans. 

11. 

11. 

50 

ans. 

H. 

27 
ans. 

H. 

70 
ans . 

II. 
24 

ans. 

H. 

24 
ans. 

H. 

22 
ans. 

- 

- 

- 

- 

" 

- 

ANTECEDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

PRINCIPAUX 


Cachexie   cancé- 
reuse. 


Cachexie     scro- 
fuleuse. 


Pas  de  détaih 


l'as  de  détails 


Idem. 


Cachexie    tuber 
cnleuse. 


Tuberculisation 

aiguë. 


Mal    de    Bright. 
Anasarquc.  Ascite. 


Cachexie  cardia- 
que. 


Marasme  sénile, 


Cachexie     palus 
tre. 


Mort    de     fièvre 
typhoïde. 


Affection  cancé- 
reuse. Œdème  de 
la  glotte. 


ETAT 
DES    CAPSULES 


Cancer  de  la  cap- 
sule gauche.  La  dr. 


Transformat,  gra- 
nulo-graisseuse. 


Dégénérescence 
des  deux  capsules. 


Idem. 


Idem. 


Tuberculisation 
complète. 


Tuberculisation 

complète. 


La  droite  saine. 
La  gauche  contient 
un  caillot  sanguin 
qui  occupe  toute  la 
substance  médul- 
laire. Athéromasie 
des  vaisseaux  cap- 
pilaires. 


Hémorrhagie  ré- 
cente dans  la  cap- 
sule gauche. 


Kystesércuxdans 
la  capsule  gauche. 


La  droite  saine. 
Evsudat  inflamma- 
toire en  régression 
dans  la  capsule  gau- 
che. 


Tuméfaclion.Con- 
gestion.  Friabilité. 
Infiltration  typhi- 
que  des  deux  cap- 
sules. 


Squirrhe    de   la 
cap=ule  droite. 


ETAT 

DES  AUTRES 

ORGANES 


Cancer  de  l'esto- 
mac. 


Abcès  scrofuleux 
au  cou ,  aux  ais- 
selles. Dégénéres- 
cence graisseuse  du 
cœur,  du  foie,  de 
la  rate. 


Tubercules   pul 
monaires. 


Tubercules    pul- 
monaires. 


Dégénérescence 
graiss.  des  reins. 


Insuffisance  mi 

traie. 


Tumeur  de  la 
rate.  Hydropisie  gé- 
nérale. Œdème  pul- 
monaire. 


Cancer  des  voies 
biliaires.  Atrophie 
du  foie.   Hydrop. 


702     BRONZÉE  (maladie).  —  observations  de  lésiuns  sans  mélanodermiè. 


13 


44 


i;> 


16 


17 


48 


49 


:,i 


AUTEURS 

SOI  RCES 
U1DU0GRAPIIIQ. 

SEXE 
ET 
AGE 

H. 

60 
ans. 

H. 

26 
ans. 

F. 

34 

ans. 

41. 

67 

ans. 

F. 
18  à 

19 
ans. 

H. 

26 

ans. 

H. 

47 
ans. 

DURÉE 

ANTÉCÉDENTS 

ET    SYMPTÔMES 

PRINCIPAUX 

Wallmann. 

Eod.  loto. 

Fièvre  intermit- 
tente trente -huit 
ans  avant.  Cachexie 
cancéreuse. 

Wallmann. 

Eod.  loco. 

4 

ans. 

Affection  cancé- 
reuse. Anasarque. 
Ascite. 

Ogle. 

Archiv.    of. 
med.,  1859. 

— 

Affection  cancé- 
reuse. 

MoNNERET. 

Union  med. 
et  Arch.de  mé- 
decine, 1859. 

9 
mois. 

Asthénie.  Amai- 
grissement. Infil- 
tration œdémateuse 
ultime 

Norris 
Davey. 

Medic.     Ti- 
mes and  Gaz., 
1859. 

Mort  subite  deux 
jours  après  un  ac- 
couchent, à  terme. 

DoEDER- 
LE1N. 

Zur  Diagnose 

d.  Krebsgesch- 
ivulsle.   Erlan- 
gen,  18G0. 

Cachexie  cancé- 
reuse. 

DoEDEK- 
LEIN. 

Eod.  loco. 
L'obs.  est  de 

KusSMAUL. 

Tumeur  abdomi- 
nale. Mort  par  em- 
bolie   pulmonaire. 

DoEDER- 
LEIN. 

Eod.  loco. 

II. 

45 
ans. 

F. 
22 
ans. 

mois. 

Cachexie  cancé- 
reuse. 

DoEDER- 
LEIN. 

Eod.  loco. 

- 

Cachexie  tuber- 
culeuse. 

Ogle. 

Medic.      Ti- 
mes a  ni  Gaz., 
1860. 

11. 
45 

ans. 

11. 

9 

- 

Épilepsie  an- 
cienne. Coma. 

Haldane. 

Ediiiburglt 
med.  Journal, 
1861. 

- 

Cachexie  cancé- 
reuse. 

ETAT 
DES    CAPSULES 


Cancermédullai- 
e  des  deux  capsu- 
es. 


Cancer  médullai- 
re des  deux  capsu- 
les. 


Cancer  médullai- 
re des  deur  capsu- 
les. 


Ramollissement 
pulpeux  diflluent 
des  deux  capsules. 


Dégénérescence 
graisseuse  avec  dé- 
pôts caséeux.  Au  mi- 
croscope, pas  trace 
de  tissu  normal. 


Dégénérescence 
complète  de  la  cap- 
sule droite.  La  gau- 
che, augmentée  de 
volume,  n'est  pasal- 
térée  dans  sa  struc- 
ture. 


Tumeur  sarcoma- 
teuse de  la  capsule 
droite. 


Infiltration  can- 
céreuse de  la  sub- 
stance médullaire, 
complète  à  droite 
Substance  corticale 
normale. 


Tuberculisation 
complète. 


llémorrhag.  mul- 
tiples à  l'intérieu 
des  deux  capsules 


Di^énérescence 
complète. 


ETAT 

DES  AUTRES 

ORGANES 


Cancer  des  pou- 
mons ,  des  gan- 
glions bronchi- 
ques, du  cœur,  des 
deux  reins  et  de 
plusieurs  muscles. 


Cancer  du  rein 
gauche,  du  foie,  du 
pancréas  et  de  la 
rate. 


Cancer  des  gan- 
glionsabdominaux 
du  foie  et  de  la  plè 
vre. 


Altération  com- 
plexe de  la  rate. 
Congestion.  Hémor- 
rhagie-phlegmasie 
exsudative  et  sup- 
purative.  Phlébite. 


Dégénérescence 
graisseuse  du  foie 
et  des  reins.  Ascite. 


Cancer  médul- 
laire du  péritoine, 
du  foie,  de  l'un  des 
reins,  etc. 


Déplacement  du 
ibieetdureindroit. 
Thrombose  de  la 
veine  cave  inf.  em- 
bolie de  l'art,  pul- 
monaire. 


Noyaux  cancé- 
reux dans  le  cer- 
veau, les  poumons, 
les  ganglions  bron- 
chiques, le  foie  et 
le  rein  gauche. 


Tubercules  pul- 
monaires. Gastrite 
hémorrhagique. 


Congestion  vei- 
neuse de  l'encé- 
phale. 


Cancers     viscé- 
raux multiple^. 


BHOiNZfcE  (MALADIE).  OBSERVATIONS  DE  LESIONS   SANS  MÉLAN0DERM1E.       705 


- 

AUTEURS 

SOURCES 
BIBLIOGRAPH1Q. 

SEXE 
ET 
AGE 

Enfant 
de  7 
ours. 

H. 

DURÉE 

ANTÉCÉUEVJ's 

ET    SYMPTÔMES 

PRINCIPAUX 

ÉTAT 

DES   CAPSULES 

ÉTAT 

DES    AUTRES 

ORGANES 

52 

Stkiten. 

Spital's  Zei- 

iiny,  1803. 

Liec-de-lièvre,  di- 
visiondelavoûlepa- 
atine.  Opérât.  Mort 
:inq  semaines  après 
)ar  diarrhée  et  nu- 
rition  insuffisante. 

Le  vol.  des  cap- 
sules égale  la  moi- 
tiéde  celui  d.  reins. 
F  ransformation  pu- 
tr.  d'un  foyer  san- 
guin. (Examen  mi- 
croscopique). 

Dégénérescence 
amyloïde  commen- 
çante du  foie  et  des 
reins. 

53 

IIaldane. 

Edinb.  med. 
Journal,  1803. 

Empruntée, 
ainsi    que    les 
trois  suivants, 
au  travail  déjà 
cité  de  Meiss- 

NER. 

Mort  par  rupture 
de    l'aorte     ascen- 
dante. 

La  droite   saine. 
La  gauche  n'a  plus 
de    tissu    normal. 
Masse     granuleuse 
amorphe  avec  cris- 
taux   de  cholesté- 
rine.  (Examen  mi- 
croscopique). 

:,.i 

GULL. 

Med.   Times 
andGaz.,186Z. 

H. 

31 

ans. 

H. 

30 
ans. 

F. 

20 
ans. 

H. 

60 
ans. 

mois. 

Asthénie.      Dou- 
leurs       lombaires 
continuelles.  Sensi- 
bilité abolie    dans 
une    moitié   de    la 
face,    obtuse    dans 
les  membres  infé- 
rieurs. —    Inconti- 
nence d'urine.   Pas 
de  leucémie. 

Transform.  com- 
plète en  masses  al- 
bumineuses    blan- 
ches, à  coupe  lisse, 
de  consistance  lar- 
dacée.  Cette  lésion 
est  jugée  récente  vu 
l'absence  de  matière 
jaune  et  crétacée. 

Augmentation  de 
volume.  Autopsie  en 
présence  de  Wilks. 

Le  ganglion  se- 
mi-lunaire droit  et 
ses  rameaux  elïc- 
rents  sont  englobés 
dans  la  masse  ;  à 
gauche  le  ganglion 
est  libre,  mais  ses 
rameaux  sont  en- 
tourés par  la  tu- 
meur. 

Pas  d'autres  lé- 
sions. 

55 

IIULKE. 

Med.    Times 
andGaz.,lHG7>. 

Abcès    par   con- 
gestion occupant  la 
région     lombo-in- 
guino-crurale   gau- 
che. 

Augmentation  de 
volume.  Nodosités. 
Induration.  Infiltra- 
tion récente  par  une 

matière     amorphe 
presq. transparente. 
11  reste  un  peu  de 
tissu  normal  (Exa- 
men microscopiq.). 

Carie  vertébrale. 
Quelques   tubercu- 
les pulmonaires. 

56 

51 
58 

1\)LAND. 

H apporté  par 
Meissner. 
Schmidt's 
Jahrbûcher, 
1865  CXXV1. 

Carie  vertébrale. 
Abcès  par  conges- 
tion. 

Augmentation  di 
volume.   Transfor- 
mation albumino- 
crétacée. 

Mattei. 

Lo  Sperimen- 
taie,  1864. 

Ulcères    anciens 
aux  jambes.   Dou- 
leurs    abdominales 
subites,     mort   au 
bout  de  24  heures. 

Hémorrhagie  des 
deux   capsules;    lu 
substance  corticale 
seule  conservée. 

Lésions  nulles. 

Mattei. 

Eod.  loco. 

Fret 
né 

usmort- 
i  terme. 

- 

Foyers  hémorrha 
giq.  multiples  dan? 
les  deux  capsules. 

l'as  d'autre  lésion 
qu'une  légère  con- 
gestion du  foie. 

J'ai  omis  à  dessein  le  l'ait  rapporté  par  Bright  concernant  une  femme 
tuberculeuse  de  trente-huit  ans,  à  l'autopsie  de  laquelle  on  trouva 
outre  les  lésions  pulmonaires  une  augmentation  de  volume  des  deux- 
capsules  surrénales,  qui  étaient  transformées  en  une  masse  jaunâtre 
ramollie  par  places.  La  relation  de  Bright  est  muette  quant  à  la  coloration 


704  BRONZÉE  (maladie).  —  symptômes  et  marche. 

des  téguments  externes,  de  sorte  que  cette  observation  ne  peut  prendre 
place  dans  aucun  des  groupes  précédents. 

Tel  est  le  bilan  casuistique  de  l'état  morbide  connu  sous  le  nom  de 
maladie  d'Addison,  maladie  bronzée  ou  melasma  supra-renale.  Quelle  que 
soit  l'importance  qu'on  veuille  accorder  aux  observations  contradictoires 
dont  nous  rechercherons  plus  tard  la  signification  véritable,  les  cent 
vingt-sept  de  la  première  classe  sont  amplement  suffisantes  pour  établir 
et  soustraire  à  toute  contestation  l'existence  d'un  syndrome  particulier, 
dont  la  caractéristique  est  la  relation  qui  unit  les  phénomènes  sympto- 
matiques  à  certaines  lésions  de  l'appareil  surrénal.  Que  cette  relation 
soit  obscure  dans  son  mode,  insaisissable  même  dans  ses  conditions 
efficaces,  c'est  là  une  circonstance  accessoire  qui  ne  peut  amoindrir  la 
portée  du  fait  en  lui-même.  Au  surplus,  cette  question  de  modalité 
pathologique  viendra  en  son  lieu  ;  en  ce  moment,  laissant  de  côté  toute 
théorie,  toute  conception  pathogénique,  je  veux  simplement  exposer  les 
caractères  cliniques  de  la  maladie  bronzée  d'Addison.  Cette  étude  n'a  plus 
pour  nous  de  difficultés,  elle  est  tout  entière  dans  la  synthèse  des  faits 
qui  ont  été  analysés  en  tête  de  ce  travail. 

Symptômes  et  marche.  —  Une  asthénie  croissant  jusqu'à  la  mort, 
une  mélanodermie  à  caractères  spéciaux,  des  troubles  gastriques,  des 
douleurs  lombo-abdominales,  tels  sont  les  quatre  ordres  de  phénomènes 
qui  constituent  essentiellement  la  symptomatologie  de  la  maladie  d'Ad- 
dison. Les  deux  premiers  sont  constants,  ils  peuvent  exister  seuls  pen- 
dant toute  la  durée  de  la  maladie  ;  les  autres  sont  assez  fréquents 
pour  être  caractéristiques  et  venir  utilement  en  aide  au  diagnostic  ; 
voici,  du  reste,  les  chiffres.  Sur  les  cent  vingt-sept  faits  analysés  plus 
haut,  les  vomissements  ont  été  notés  soixante-quatorze  fois,  et  il  ne 
s'agit  pas  de  vomissements  fortuits  ou  accidentels,  mais  de  vomis- 
sements opiniâtres,  parfois  incoercibles,  et  qui,  en  raison  même  de  leur 
persistance,  occupent  le  premier  plan  dans  la  scène  pathologique.  Les 
douleurs  lombo-abdominales  sont  signalées  71  fois  comme  phénomène 
dominant,  savoir  :  douleurs  lombaires,  54  ;  douleurs  épigastriques,  26  ; 
douleurs  dans  les  hypochondres,  11;  chez  neuf  malades  il  y  avait  en 
outre  des  irradiations  douloureuses  dans  les  membres. 

A  côté  de  ces  symptômes  fondamentaux,  se  place  un  groupe  de  phéno- 
mènes que  leur  fréquence  moindre  ne  permet  pas  de  faire  entrer  dans  la 
classe  précédente,  mais  qui  néanmoins,  comme  l'asthénie,  comme  les 
vomissements,  comme  les  douleurs,  se  rattachent  à  une  perturbation  pro- 
fonde du  système  nerveux  ;  je  veux  parler  de  la  céphalalgie,  des  convul- 
sions, des  vertiges,  du  délire  et  du  coma.  Comme  accident  passager,  la 
douleur  de  tête  a  été  observée  chez  un  grand  nombre  de  malades,  mais  je 
la  trouve  signalée  comme  persistante  et  opiniâtre  dans  onze  observations. 
Les  convulsions  sont  plus  fréquentes;  elles  sont  notées  d'une  manière  spé- 
ciale dans  dix-neuf  cas.  Ces  convulsions  sont  très-rarement  générales;  si 
nous  avons  soin  de  laisser  de  côté  certains  faits  dans  lesquels  les  attaques 
convulsives  reconnaissaient  pour  cause  immédiate  des  lésions  du  cerveau 


BRONZÉE  (maladie).  —  symptômes  et  marche.  705 

ou  de  la  moelle,  tout  au  plus  trouverons-nous  un  ou  deux  exemples  de  con- 
vulsions épileptiformes  et  choréiformes  ;  le  plus  ordinairement,  les  mou- 
vements convulsifs  sont  partiels  ;  ce  sont  des  secousses  agitant  un  ou 
deux  membres,  parfois  même  quelques  groupes  musculaires  seulement, 
les  muscles  de  la  face  ou  les  fléchisseurs  des  avant-bras,  par  exemple.  Il 
n'existe,  du  reste,  aucun  rapport  entre  l'apparition  de  la  céphalalgie  et 
des  convulsions,  et  l'âge  de  la  maladie  ;  mais  il  n'en  est  plus  ainsi  pour 
le  délire  et  le  coma,  accidents  le  plus  souvent  ultimes;  ce  sont  en  tous 
cas  des  phénomènes  tardifs  qui  caractérisent  la  dernière  phase  du  mal. 
Laissant  de  côté  les  observations  1,  7  et  97,  dans  lesquelles  le  délire  et  le 
coma  doivent  être  rapportés  aux  lésions  encéphaliques  constatées  à  l'au- 
topsie, et  les  observations  21  et  22,  dans  lesquelles  la  signification  de 
ces  symptômes  reste  douteuse,  parce  que  le  crâne  n'a  pas  été  couvert,  je 
trouve  que  le  délire  a  été  signalé  chez  dix  malades,  et  que  le  coma  est 
noté  dans  douze  cas.  Quant  aux  vertiges,  ils  sont  plus  rares  encore,  car 
ils  n'ont  été  que  six  fois  l'objet  d'une  mention  spéciale;  mais  les  lipothy- 
mies sont  très-communes,  et  les  syncopes  se  sont  reproduites  avec  une 
fréquence  variable  chez  neuf  malades.  Abstraction  faite  des  cas  de  com- 
plications cérébro-spinales,  les  troubles  de  la  sensibilité  et  de  la  motilité 
sont  vraiment  exceptionnels  ;  une  asthénie  partielle  des  bras  ou  des  jambes 
a  été  vue  quatre  fois,  un  malade  a  présenté  une  parésie  temporaire  des 
membres  inférieurs  (encore  la  moelle  n'a-t-elle  pas  été  examinée),  chez 
un  autre  on  a  observé  une  parésie  de  la  face  à  droite  (obs.  20),  enfin, 
dans  un  cas,  il  y  a  eu  incontinence  d'urine  ;  je  signale  ce  fait,  parce  que, 
bien  qu'isolé,  il  a  son  importance;  l'observation  71  est  d'Addison,  et 
l'autopsie,  faite  avec  soin,  n'a  pas  montré  d'autres  lésions  que  celles  des 
capsules  surrénales. 

Les  appareils  de  la  vie  végétative  ne  sont  pas  à  l'abri  des  troubles  de 
l'innervation  que  nous  étudions  en  ce  moment;  dans  trois  cas  il  y  a  eu 
de  violents  accès  de  palpitations,  et  une  dyspnée  véritable,  à  retours  plus 
ou  moins  fréquents,  a  été  mentionnée  trois  fois  ;  j'aurais  pu  facilement 
grossir  ces  chiffres,  si  je  n'avais  rigoureusement  écarté  les  faits  dans  les- 
quels les  palpitations  et  les  troubles  de  la  respiration  incombent  naturel- 
lement à  des  lésions  matérielles  du  cœur  et  des  poumons.  Toutefois  ces 
désordres  fonctionnels  sont  moins  exceptionnels  peut-être  que  cette  pro- 
portion restreinte  ne  le  ferait  supposer;  car  pour  laisser  à  ces  chiffres 
leur  valeur  réelle,  il  est  bon  d'ajouter  que  la  plupart  des  observations  sont 
muettes  sur  l'état  de  la  respiration  et  de  la  circulation,  et  nous  ne  pou- 
vons décider  si  ce  silence  est  dû  à  l'intégrité  de  ces  fonctions  chez  les 
malades,  ou  à  une  lacune  dans  l'observation.  Dans  deux  autres  cas,  le 
pouls  s'est  maintenu  à  90  et  à  140  pendant  plusieurs  jours,  mais  c'était 
chez  des  tuberculeux,  et  les  détails  manquent  pour  permettre  d'apprécier 
la  valeur  sémiologique  de  cette  accélération. 

En  présence  d'une  maladie  dont  le  caractère  constant  est  une  asthénie 
tellement  profonde  qu'elle  peut  amener  la  mort  par  elle-même,  sans 
intervention  d'aucun  autre  phénomène,  on  serait  tenté  de  croire  à  l'exis- 

KOIV.   DICT.    MÉD.    F.T   CH1R.  V.    —   45 


706  BRONZÉE  (maladie).  —  symptômes  et  marche. 

tence  non  moins  constante  de  l'amaigrissement,  de  l'albuminurie,  de  la 
leucocytose,  des  hémorrhagies,  des  souffles  vasculaires  et  de  la  diarrhée, 
qui  forment  le  cortège  ordinaire  des  asthénies  cachectiques;  cette  pré- 
somption, si  légitime  en  apparence,  est  absolument  démentie  par  les 
faits,  et  l'absence  de  ces  phénomènes  est,  au  contraire,  un  des  meilleurs 
caractères  de  l'asthénie  surrénale. 

Sur  nos  127  observations,  l'amaigrissement  n'est  signalé  que  52  fois, 
et,  dans  la  plupart  de  ces  faits,  il  s'agit  de  phthisiques,  chez  lesquels 
l'émaciation  ne  peut  être  imputée  à  la  maladie  d'Addison.  Pour  l'albumi- 
nurie, les  chiffres  sont  encore  plus  éloquents  ;  l'état  de  l'urine  n'est  indiqué 
que  dans  vingt-trois  cas,  or,  sur  ce  total,  quatre  fois  seulement  l'urine  a 
été  trouvée  légèrement  albumineuse,  et  cela  dans  des  cas  tellement  com- 
plexes que  l'on  n'est  point  autorisé  à  rattacher  le  trouble  de  la  sécrétion 
urinaire  à  la  maladie  bronzée  :  dans  l'un  de  ces  cas  (obs.  24),  il  y  avait 
une  dégénérescence  graisseuse  des  reins  et  du  foie  chez  un  homme  en 
puissance  de  l'alcoolisme;  dans  le  second  (obs.  40),  le  rein  droit  présen- 
tait le  premier  stade  de  la  lésion  de  Bright,  le  gauche  était  anémique; 
dans  le  troisième  (obs.  47),  il  y  avait  une  tuberculose  aiguë  des  pou- 
mons ;  reste  donc  le  seul  fait  de  Sturges  (obs.  122),  dans  lequel  l'urine 
ayant  été  trouvée  légèrement  albumineuse,  on  ne  constata,  avec  les  lésions 
des  capsules  surrénales,  d'autre  altération  viscérale  qu'une  hydatide  du 
foie. 

Nos  réserves  sont  plus  vraies  encore  pour  la  leucocytose.  A  ne  consi- 
dérer que  les  chiffres  bruts,  il  semble  tout  d'abord  que  ce  phénomène 
soit  beaucoup  plus  fréquent  que  l'albuminurie,  puisque  le  sang  ayant  été 
examiné  à  ce  point  de  vue  chez  onze  malades,  on  a  constaté  huit  fois 
l'existence  d'une  leucémie  plus  ou  moins  avancée.  Mais,  si  l'on  prend  la 
peine  d'y  regarder  d'un  peu  plus  près,  on  voit  bientôt  que  dans  aucun  de 
ces  huit  cas  l'excès  des  globules  blancs  n'est  imputable  à  la  maladie  sur- 
rénale elle-même.  Que  montre,  en  effet,  l'analyse  de  ces  observations? 
Dans  la  première,  par  ordre  de  date  (obs.  4),  il  s'agit  d'une  scrofulose 
ancienne  avec  tubercules  pulmonaires  et  carie  vertébrale;  dans  la  seconde 
(obs.  14),  les  capsules  surrénales  ont  seules  été  examinées  à  l'autopsie; 
ce  fait  est  donc  sans  valeur.  Même  remarque  pour  le  troisième  cas 
(obs.  19)  ;  dans  le  quatrième  (obs.  40),  je  trouve,  avec  les  altérations  des 
capsules,  les  lésions  du  mal  de  Bright,  des  lésions  généralisées  de  toutes 
les  glandes  intestinales,  c'est-à-dire  d'une  des  parties  de  l'appareil 
hémato-poiétique  ;  dans  le  cinquième  (obs.  68),  les  résultats  de  l'au- 
topsie sont  plus  significatifs  encore,  car,  avec  une  tuberculisation  pul- 
monaire, il  existait  une  intumescence  et  des  tubercules  du  foie,  de  la 
rate,  des  ganglions  mésentériques,  et  tous  les  ganglions  lympathiques, 
depuis  la  mâchoire  jusqu'aux  aines,  étaient  tuberculeux  ;  dans  le  sixième 
fait  (obs.  69),  le  foie  et  la  rate  étaient  le  siège  de  tubercules  miliaires; 
dans  le  septième  (obs.  95),  on  a  noté  une  hypertrophie  de  la  rate,  du 
foie  et  des  ganglions  mésentériques  ;  dans  le  huitième  enfin  (obs.  105),  il 
y  avait  des  lésions  des  ganglions  bronchiques  et  une  altération  de  la  rate 


BRONZÉE  (maladie).  —  symptômes  et  marche.  707 

assez  profonde  pour  donner  lieu  à  de  la  mélanémie.  Il  ressort  naturelle- 
ment de  cette  étude  que  la  leucémie,  dans  les  faits  connus  jusqu'ici,  doit 
être  considérée  comme  le  résultat  des  altérations  organiques  coexistant 
avec  les  lésions  surrénales,  et  non  point  comme  le  symptôme  direct  de 
ces  dernières. 

Quant  aux  hémorrhagies,  elles  sont  tellement  rares  qu'elles  ne  sont 
signalées  qu'une  fois  ;  dans  l'observation  95  nous  voyons  que  le  ma- 
lade était  sujet  à  des  épistaxis  abondantes,  mais  cet  homme  présentait 
une  hypertrophie  du  foie  avec  ascite,  de  sorte  que  les  épistaxis  doivent 
être  rattachées  à  l'altération  de  la  glande  hépatique.  Il  est  même  remar- 
quable que  dans  les  deux  cas  (obs.  68  et  69)  où  l'on  a  constaté 
l'absence  de  fibrine  dans  le  sang,  il  n'est  pas  question  d'hémorrhagies 
dans  la  relation  clinique. 

Voyons  ce  qui  a  trait  aux  souffles  vasculaires,  et  nous  serons  conduit 
encore  à  leur  dénier  toute  valeur  symptomatique  dans  la  maladie  qui 
nous  occupe.  Combien  de  fois  a-t-on  cherché  ce  phénomène  dans  les  cent 
vingt-sept  faits  analysés  plus  haut,  je  ne  puis  le  dire;  mais  il  n'en  est  fait 
mention  que  sept  fois,  et  dans  six  cas  sur  sept  on  a  constaté  l'existence 
d'un  souffle  plus  ou  moins  fort  dans  les  varsseaux  du  cou.  Or,  dans  un 
de  ces  cas  (obs.  53),  le  malade  avait  passé  une  partie  de  sa  vie  dans 
un  pays  à  fièvres;  dans  un  autre  (obs.  77),  il  s'agit  d'un  garçon  de 
douze  ans  qui  présenta  une  hypertrophie  des  ganglions  bronchiques  et 
mésentériques,  du  foie  et  de  la  rate,  et  une  dégénérescence  graisseuse  du 
cœur;  c'était  donc  un  scrofuleux,  et  la  valeur  du  souffle  vasculaire  reste 
au  moins  douteuse;  le  troisième  fait  (obs.  85)  concerne  un  phthi- 
sique;  de  même  pour  le  quatrième  (obs.  107).  Reste  un  seul  cas 
(obs.  10c2)  dans  lequel  on  ne  constata  d'autre  lésion  qu'un  cancer  des  deux 
capsules  ;  encore  le  squelette  ne  parait-il  pas  avoir  été  examiné,  et  le 
souffle  n'était  peut-être  que  l'un  des  effets  de  la  cachexie  cancéreuse. 
D'autre  part,  dans  l'obs.  108,  il  est  dit  expressément  que  le  souffle  a  été 
cherché  et  n'a  pas  été  trouvé.  On  voit  donc  que  ce  phénomène,  jusqu'à 
plus  ample  informé  du  moins,  ne  peut  être  mis  au  nombre  des  symptômes 
ordinaires  de  la  maladie  d'Addison. 

Reste  la  diarrhée,  et  ici  encore  l'étude  des  faits  donne  un  démenti  aux 
prévisions  les  plus  justifiées  en  apparence.  L'état  des  selles  a  été  noté 
d'une  façon  spéciale  dans  28  observations,  et  sur  ce  total  nous  trouvons 
dans  15  cas  la  constipation  comme  phénomène  prédominant;  dans  10  cas 
seulement  la  diarrhée.  Voilà  certes  une  proportion  bien  restreinte,  mais 
ce  n'est  pas  tout  ;  sur  ces  dix  cas  huit  se  rapportent  à  des  tuberculeux, 
un  concerne  un  scrofuleux,  et  le  dixième  (obs.  66)  se  rapporte  à  une 
fille  de  seize  ans,  chez  laquelle  on  a  trouvé  une  tuméfaction  notable  de 
toutes  les  glandules  intestinales,  avec  induration  lardacée  (non  tubercu- 
leuse) des  ganglions  mésentériques. 

L'absence  des  phénomènes  que  je  viens  de  passer  en  revue  donne  à 
l'asthénie  surrénale  une  physionomie  particulière  qui  apparaît  clairement 
dans  les  cas  types,  c'est-à-dire  lorsque  la  maladie  existe  seule,  dégagée  des 


708  BRONZEE  (maladie).  —  symptômes  et  marche. 

états  morbides  auxquels  elle  vient  s'ajouter  d'ordinaire.  C'est  par  ces 
caractères  négatifs  qu'Addison  a  distingué  d'abord  sans  préoccupation 
anatomique  cette  forme  d'asthénie  des  autres  formes  de  débilité  ;  c'est  là 
qu'il  faut  chercher  le  critérium  clinique  et  nosologique  de  cette  forme 
morbide;  il  importe  donc  d'être  parfaitement  fixé  sur  ce  point,  ne  fût-ce 
que  pour  éviter  les  erreurs  qui  ont  été  commises,  et  restreindre  à  ses 
limites  naturelles  le  domaine  de  l'asthénie  mélanodermique. 

En  fait,  cette  débilité  procède  insidieusement  et  à  bas  bruit,  sans  raison 
saisissable,  sans  cause  suffisante.  L'individu  touché  se  plaint  d'une  fatigue 
insolite  qui  lui  rend  de  plus  en  plus  pénible  l'accomplissement  de  ses 
travaux  ordinaires  ;  ce  n'est  point  une  torpeur  morale,  ou  l'apathie  née 
du  découragement  ou  de  l'ennui,  c'est  une  lassitude  purement  physique 
qui  domine  impérieusement  l'énergie  de  la  volonté  et  inspire  au  malade 
une  anxieuse  sollicitude  pour  l'avenir.  Craintes  légitimes,  car  cette  im- 
puissance mystérieuse,  qui  trahit  ses  efforts,  domptera  toute  résistance  et 
le  condamnera  aune  inertie  absolue.  Ce  résultat  est  fatal;  seule,  la  durée 
de  la  lutte  varie.  Contraint  tôt  ou  tard  de  renoncer  à  toute  espèce  de  tra- 
vail, le  patient  conserve  à  peine  la  force  de  faire  un  peu  d'exercice;  bien- 
tôt tout  mouvement  lui  devient  une  fatigue,  tout  déplacement  un  danger, 
car  sa  faiblesse  en  est  arrivée  à  ce  point  que  le  moindre  effort  est  suivi  de 
lipothymie  ou  de  syncopes.  Cependant,  l'examen  le  plus  attentif  ne  révèle 
aucune  lésion  organique  grave  ;  bien  plus,  il  n'y  a  pas  ordinairement  d'é- 
maciation,  et  chez  les  individus  mômes  qui  sont  tourmentés  par  des  vomis- 
sements et  des  douleurs  épigastriques  rebelles,  les  fonctions  digestives  ne 
sont  pas  nécessairement  troublées,  et  l'appétit  est  le  plus  souvent  conservé 
jusqu'aux  derniers  jours.  Dans  quatre  cas,  on  a  noté  un  abaissement  notable 
de  la  température,  mais  nous  ne  savons  pas  si  le  silence  des  autres  obser- 
vations sur  ce  point  tient  aux  résultats  négatifs  de  l'exploration,  ou  à 
l'omission  de  ce  genre  de  recherches. 

Je  le  répète,  la  coloration  spéciale  de  la  peau,  les  vomissements,  les 
douleurs  lombo-ab dominâtes  et  quelques  accidents  nerveux  sont  les  seuls 
phénomènes  liés  à  cette  débilité  remarquable;  encore  faut-il  ajouter  que, 
dans  un  certain  nombre  de  cas  (10  fois  sur  les  127  analysés),  l'asthénie  a 
été  le  seul  symptôme  observé  avec  la  pigmentation  cutanée,  pendant  toute 
la  durée  de  la  maladie.  De  signes  de  cachexie  dans  le  sens  classique  du 
mot,  point  ;  et  c'est  précisément  en  me  fondant  sur  les  caractères  si  tranchés 
de  cette  asthénie  surrénale  que,  dans  un  travail  antérieur,  j'ai  opposé  la 
mélanodermie  cachectique,  qu'on  observe  incidemment  dans  certaines 
cachexies  avancées,  à  la  mélanodermie  asthénique,  qui  constitue  la  maladie 
d'Addison  proprement  dite. 

Pour  terminer  l'exposé  symptomatique  de  cet  état  morbide,  je  dois 
maintenant  indiquer  les  caractères  spéciaux  de  la  coloration  noire.  Elle 
n'en  présente  pas  de  plus  important  que  sa  généralisation  à  toute  l'étendue 
du  tégument  externe.  Déjà  Addison  insistait  sur  ce  fait;  Wilks,  un  peu 
plus  tard,  en  démontrait  la  vérité  par  un  très-grand  nombre  d'observa- 
tions, et  c'est  pour  avoir  trop  oublié  ce  caractère  fondamental  qu'on  a 


BRONZÉE  (maladie).  —  symptômes  et  marche.  709 

grossi  outre  mesure  la  casuistique  de  la  maladie  bronzée;  c'est  aussi  pour 
cela  qu'on  a  pu  présenter  comme  difficile  le  diagnostic  clinique  de  la  mé- 
lanodermie  d'Addison,  alors  qu'en  réalité  il  n'en  est  pas  de  plus  aisé, 
puisque  cette  coloration  ne  ressemble  a  aucune  autre.  Il  est  vrai  de  dire 
qu'au  début  de  ses  recberches  le  médecin  de  Londres,  entraîné  par  l'en- 
tbousiasme  naturel  à  l'homme  qui  observe  un  fait  nouveau,  a  souvent  fait 
preuve  d'une  complaisance  trop  paternelle  pour  certains  cas  au  moins 
douteux;  mais  dans  ses  travaux  ultérieurs,  il  est  revenu  à  une  plus  sage 
réserve,  et,  appuyé  sur  un  plus  grand  nombre  de  faits  complets,  il  a  fixé 
avec  une  précision  absolue  les  conditions  que  doit  remplir  la  coloration  de 
la  peau  pour  qu'on  soit  en  droit  de  la  rattacher  à  la  maladie  surrénale. 

Donc,  la  mélanodermie  d'Addison  est  le  plus  souvent  générale;  en 
outre,  elle  est  uniforme  dans  sa  distribution;  ce  second  caractère  ne  le 
cède  pas  en  importance  au  premier.  Il  peut  bien  arriver  qu'en  regardant 
de  très-près  certaines  régions  du  tégument,  la  face,  par  exemple,  on  dé- 
couvre, sur  un  fond  plus  ou  moins  foncé,  de  petits  points  plus  colorés 
qui  donnent  à  l'ensemble  une  disposition  ponctuée  ;  mais  la  distribution 
de  la  teinte  anormale  n'affecte  presque  jamais  la  forme  tachetée;  une  fois 
la  maladie  confirmée,  on  ne  voit  pas  la  surface  du  corps  présenter  des 
taches  brunes  ou  noires  alternant  avec  des  portions  blanches  ;  foncée  ou 
claire,  la  teinte  se  répand  sur  tout  le  corps,  et  la  disposition  en  taches 
peut  être  tout  au  plus  observée  comme  forme  passagère  et  transitoire  a 
l'époque  du  début  de  la  maladie.  Sur  les  127  faits  que  j'ai  analysés,  la 
disposition  en  taches  (qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  la  mélanodermie 
partielle)  n'est  signalée  que  deux  fois  (obs.  56  et  52);  or,  dans  l'obs.  52, 
l'âge  de  la  coloration  n'est  pas  indiqué,  et  comme  il  s'agit  d'un  tubercu- 
leux mort  rapidement  d'un  pneumo-thorax,  il  est  bien  permis  de  supposer 
que  la  pigmentation  n'était  pas  très-ancienne,  et  clans  l'obs.  30,  la 
disposition  signalée  était  due  à  des  différences  dans  la  teinte  de  la  colora- 
tion, et  non  pas  à  une  distribution  tachetée  proprement  dite. 

L'examen  de  notre  tableau  analytique  n'est  pas  moins  instructif  en  ce 
qui  touche  la  généralisation  de  la  couleur  brune.  La  mélanodermie  n'est 
indiquée  comme  partielle  que  quatorze  fois,  et  si  nous  ajoutons  à  ces  faits 
les  deux  cas  de  coloration  tachetée  dont  nous  venons  de  parler,  nous 
voyons  que  sur  127  cas,  la  pigmentation  a  été  111  fois  générale  et  uni- 
forme dans  sa  distribution.  Il  est  d'ailleurs  une  autre  circonstance  qui  ne 
contribue  pas  peu  à  amoindrir  l'importance  des  seize  cas  exceptionnels  ; 
dans  aucun  d'eux,  la  maladie  d'Addison  n'était  simple;  il  s'agit  une  fois 
d'un  cancéreux,  quatorze  fois  de  tuberculeux,  une  fois  enfin  les  capsules 
surrénales  ont  seules  été  examinées.  En  revanche,  dans  les  cas  où  une 
autopsie  bien  complète  ne  montre  aucune  autre  lésion  que  celle  des  cap- 
sules, la  mélanodermie  présente  avec  une  netteté  typique  les  deux  carac- 
tères que  nous  venons  d'étudier. 

La  coloration  morbide  n'est  pas  toujours  limitée  cala  peau;  on  l'a  vue  dans 
bon  nombre  de  cas  occuper  aussi  la  muqueuse  labiale,  buccale  et  vaginale; 
rien  n'est  plus  fréquent  que  la  pigmentation  des  ganglions  lymphatiques, 


710  BRONZÉE  (maladie).  —  symptômes  et  marche. 

des  poumons  et  des  viscères  abdominaux  ;  on  a  même  observé  des  plaques 
brunes  sur  le  péritoine  ;  dans  un  cas  (obs.  36),  les  ongles  participaient  à 
la  coloration  brune;  une  fois  (obs.  54),  les  dents  ont  présenté  une  teinte 
semblable  à  celle  de  la  peau;  enfin,  chez  la  malade  de  Sturges  (obs.  125), 
des  cheveux  châtains  ont  été  remplacés  par  des  cheveux  noirs. 

La  teinte  de  cette  coloration  est  d'un  brun  foncé,  et  les  variétés  qu'elle 
présente  sont  contenues  dans  d'étroites  limites.  La  couleur  est  parfois  un 
peu  claire,  dans  d'autres  cas  elle  présente  des  reflets  qui  rappellent  le 
vert  olive;  ailleurs  encore  c'est  une  teinte  sépia,  mais  en  somme  il  est 
une  comparaison  qui  s'applique  avec  rigueur  à  l'immense  majorité  des 
cas,  et  qui,  comme  le  dit  justement  "Wilks,  vaut  mieux  que  toutes  les  des- 
criptions ;  le  malade  a  l'aspect  d'un  mulâtre.  Comme  chez  le  mulâtre,  la 
couleur  est  toujours  plus  foncée  aux  aines,  au  pubis,  aux  aisselles;  comme 
chez  le  mulâtre,  elle  résiste  au  frottement,  aux  lavages,  aux  bains  sim- 
ples ou  médicamenteux  ;  comme  chez  le  mulâtre,  elle  survit  à  l'ablation 
des  couches  superficielles  de  l'épiderme,  parce  que  l'infiltration  pigmen- 
taire  occupe  les  cellules  des  couches  plus  profondes,  dites  réseau  mu- 
queux.  Mais,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu  chez  les  gens  de  couleur,  la 
coloration  pathologique  est  toujours  plus  foncée  à  la  face,  aux  mains,  et 
d'une  manière  générale  sur  toutes  les  parties  exposées  habituellement  à 
l'action  de  l'air  et  de  la  lumière.  C'est  aussi  sur  ces  régions  qu'elle  se 
montre  d'abord  pour  s'étendre  de  là  plus  ou  moins  rapidement  au  reste 
de  la  surface  tégumentaire.  Enfin  cette  coloration  n'est  jamais  plus 
intense  que  dans  les  points  qui  ont  été  le  siège  d'une  irritation  superfi- 
cielle (vésicatoires,  application  d'huile  de  Croton).  Qu'on  prenne  en  con- 
sidération l'ensemble  de  ces  caractères,  et  l'on  verra  comme  moi,  je  le 
pense  du  moins,  que  cet  état  de  la  peau  n'offre  aucune  analogie  avec  les 
autres  formes  de  mélanodermic. 

Bien  que  trop  irrégulier  pour  que  l'on  puisse  formuler  à  ce  sujet  des 
propositions  absolues,  l'enchaînement  des  symptômes  présente  cependant 
une  particularité  fort  importante  au  point  de  vue  du  diagnostic,  je  veux 
parler  du  mode  de  début  de  la  maladie.  Il  est  extrêmement  rare  que  la 
coloration  de  la  peau  en  soit  le  premier  accident;  sur  nos  127  cas, 
le  début  par  la  mélanodermic  seule  n'est  signalé  que  6  fois,  chez  deux 
autres  malades,  la  pigmentation  cutanée  est  apparue  en  même  temps 
que  d'autres  phénomènes,  et  dans  toutes  les  autres  observations  nous 
voyons  le  mélasma  tégumentaire  être  précédé  pendant  un  temps  plus 
ou  moins  long  de  quelques-uns  des  autres  symptômes  ;  ce  fait  cli- 
nique était  bien  connu  d'Addison  ;  pour  le  mettre  en  lumière,  il  avait 
opposé  dans  la  symptomatologie  de  l'asthénie  surrénale  la  couleur  de  la 
peau  à  l'ensemble  des  autres  accidents, qu'il  désignait  en  bloc  parla  qua- 
lification d  état  constitutionnel,  et  maintes  fois  il  est  revenu  sur  cette 
proposition  :  l'état  constitutionnel  précède  la  coloration  noire. 

En  tant  que  phénomènes  initiaux,  les  symptômes  dits  constitutionnels 
sont  loin  de  présenter  une  égale  fréquence,  et  l'examen  de  nos  tableaux 
nous   fournit  encore  sur  ce  point  quelques  conclusions    intéressantes. 


BRONZEE  (maladie).  —  symptômes  et  marche.  71 

Onze  cas  doivent  être  laissés  de  côté,  parce  que  le  mode  de  début  n'est 
pas  précisé,  huit  autres  sont  à  éliminer,  parce  que  le  début  a  eu  lieu 
par  la  mélanodermie,  restent  donc  cent  huit  cas.  Or,  sur  ce  total,  l'asthé- 
nie a  été  cinquante  fois  le  symptôme  initial,  et  dans  un  bon  nombre  de 
faits,  cette  débilité  a  précédé  de  plusieurs  mois  et  même  de  plusieurs 
années  le  développement  des  autres  phénomènes.  Les  autres  observations, 
au  nombre  de  58,  se  décomposent  ainsi,  quant  au  mode  de  début  :  par  les 
vomissements,  17;  — par  les  douleurs  lombaires,  16;  —  par  les  douleurs 
épigastriques,  14;  —  par  la  diarrhée,  4;  —  par  les  syncopes,  5;  —  par 
des  douleurs  dans  les  hypochondres,  1; —  par  des  douleurs  dans  les 
membres,  1;  —  par  de  la  céphalalgie  et  des  vertiges  réunis,  1;  — par  la 
céphalalgie  seule,  1 . 

La  durée  de  la  maladie  offre  de  grandes  différences  qui  ressortent 
clairement  du  tableau  suivant  ou  j'ai  groupé,  à  ce  point  de  vue,  les  94  ob- 
servations dans  lesquelles  ce  renseignement  est  donné. 


REE   DE    LA   MALADIE. 

6  semaines.    .    .    . 

NOMBRE    DES   CAS. 

2 

DUREE 
1 

15 
15 

18 
20 
2 
5 
4 
5 
8 
9 

DE   LA   MALADIE, 
an 

NOMBRE  DES   CAS 
...           -U 

7  semaines.    .    .    . 

...         1 

mois 

mois 

mois 

mois 

ans 

1 

9  semaines     .    .    . 

...         1 

1 

5  mois. 

...       11 

c 

4  mois 

9 

2 

5  mois. 

...         2 

11 

6  mois. 

...         5 

9 

7  mois. 

...         4 

.   .    .         4 

8  mois 

...         2 

ans 

ans 

ans 

r> 

9  mois 

...        2 

i 

10  mois 

...         4 

1 

11  mois. 

...         1 

On  voit  par  ces  chiffres  que  55  fois,  sur  94,  la  durée  de  la  maladie  a 
été  comprise  entre  six  semaines  et  douze  mois,  et  21  fois  entre  treize  mois 
et  deux  ans.  Mais,  malgré  leur  rigueur  apparente,  ces  chiffres  n'ont  pas 
une  valeur  bien  précise.  La  maladie  surrénale,  comme  nous  le  verrons 
bientôt,  est  le  plus  souvent  un  état  secondaire,  et  les  différences  dans  sa 
durée,  peuvent  bien  tenir,  au  moins  pour  une  large  part,  à  la  nature  et  à 
la  période  des  affections  qu'elle  vient  compliquer.  Il  est  donc  prudent, 
pour  fixer  ce  point  de  pathologie,  d'interroger  exclusivement  les  obser- 
vations de  maladie  surrénale  primitive  et  isolée.  Ces  observations  pré- 
cieuses sont  au  nombre  de  55;  mais  5  sont  muettes  sur  la  durée  du  mal , 
les  autres  se  répartissent  ainsi  : 


DUREE   DE    LA   MALADIE. 

C  semaines.    .    .    . 

NOMBRE 

DES    CAS. 
1 

2 
5 
2 
2 
1 
1 
2 

DURÉE    DE    LA    MALADIE. 

Quelques  mois.  .    . 
1  an    . 

NOMBRE   DES   CA 

.    .   .        2 

4 

4  mois. 

2  ans 

.    .   .         2 

5  mois. 

Entre  2  et  5  ans.  . 

3  ans 

4  ans. .    . 

.  .      1 

0  mois. 

.    .    .         3 

7  mois. 

.    .    .         1 

9  mois. 

5  ans 

.    .         1 

10  mois. 

Dans  plus  des  deux  tiers  des  cas  (20  sur  28),  la  durée  de  la  maladie  est 


712  BRONZEE  (maladie).  —  diagnostic  et  drOiNOstic. 

comprise  entre  6  semaines  et  12  mois,  savoir  :  10  cas  de  6  semaines  à 
6  mois,  et  10,  de  6  à  12  mois  inclusivement;  chez  deux  individus  elle 
s'est  prolongée  pendant  2  ans,  chez  six  seulement  elle  a  dépassé  ce 
terme. 

La  marche  de  la  maladie  bronzée  n'est  pas  toujours  continue  ;  on  ob- 
serve assez  fréquemment  des  temps  d'arrêt  caractérisés  par  une  amélio- 
ration plus  ou  moins  grande  dans  l'état  constitutionnel,  et  même  par  une 
atténuation  dans  la  teinte  de  la  mélanodermie  ;  ces  rémissions,  qui  peu- 
vent durer  plusieurs  mois,  sont  parfois  assez  complètes  pour  que  le  ma- 
lade puisse  reprendre  son  genre  de  vie  habituel  ;  puis,  sans  cause  occa- 
sionnelle appréciable  ou  à  la  suite  d'une  trop  grande  fatigue,  les  symptômes 
caractéristiques  se  montrent  de  nouveau,  et  le  retour  des  accidents  géné- 
raux coïncide  toujours  avec  l'apparition  d'une  teinte  plus  foncée,  ou 
avec  l'extension  de  la  couleur  bronzée"]  à  des  parties  qu'elle  n'avait  pas 
atteintes  jusqu'alors.  C'est  en  raison  de  ces  rémissions  qu'il  est  difficile 
de  se  prononcer  sur  la  valeur  réelle  des  quelques  faits  qui  ont  été  cités 
comme  des  exemples  de  guérison,  et  jusqu'à  plus  ample  informé,  on 
peut  dire  que  la  terminaison  de  la  maladie  d'Addison  est  constamment 
fatale.  Le  plus  ordinairement  la  mort  est  lente,  elle  est  amenée  par  l'ag- 
gravation graduelle  des  phénomènes  antérieurs,  et  surtout  de  l'asthénie; 
dans  quelques  circonstances,  elle  est  précédée  de  symptômes  nouveaux, 
tels  que  le  délire  et  le  coma  (10  cas  pour  le  premier  —  12  [pour  le 
second),  ou  bien  encore  d'accès  convulsif  (19  cas.).  Dans  certains  cas 
bien  plus  rares,  la  mort  a  lieu  brusquement  par  syncope  ;  ailleurs  enfin 
elle  résulte  d'une  maladie  aiguë  intercurrente. 

Diagnostic  et  pronostic.  —  Les  détails  qui  précèdent  me  dispensent 
de  m'arrêter  sur  le  pronostic  ;  l'imminence  du  danger  est  mesurée  par  l'état 
des  forces,  par  l'apparition  et  la  fréquence  des  accidents  nerveux,  par  la 
persistance  des  vomissements  et  surtout  par  l'âge  de  la  maladie,  lorsqu'il 
peut  être  rigoureusement  établi.  Quant  au  diagnostic,  j'en  dirai  quelques 
mots,  encore  bien  que  l'erreur  soit  difficile,  si  l'on  a  soin  de  juger,  non 
d'après  un  seul  symptôme,  mais  d'après  l'ensemble  des  phénomènes  carac- 
téristiques que  nous  venons  d'étudier. 

L'élude  analytique  des  faits  nous  a  montré  que,  dans  la  grande  majorité 
des  cas  (108  sur  116),  la  mélanodermie  est  un  symptôme  tardif;  on  ne 
peut  donc  compter  absolument  sur  lui  pour  établir  le  diagnostic,  et  il  y  a 
nécessité  de  reconnaître  à  ce  point  de  vue,  dans  la  maladie  surrénale, 
deux  périodes  distinctes.  Durant  la  première,  qui  est  caractérisée  par  l'as- 
thénie, les  vomissements,  les  douleurs  lombo-gastriques,  le  diagnostic  ne 
peut  être  fait  que  par  exclusion.  En  voici  le  principe.  Un  individu  pré- 
sente une  débilité  qui  ne  peut  être  attribuée  ni  à  l'âge,  ni  à  l'influence 
d'une  maladie  actuelle  ou  antérieure;  cette  débilité  va  croissant,  sans 
s'accompagner  d'ailleurs  des  phénomènes  qui  forment  le  cortège  ordinaire 
des  cachexies  proprement  dites  ;  cependant,  l'examen  le  plus  minutieux 
ne  révèle  dans  les  viscères  aucun  désordre  qui  puisse  rendre  compte  de 
cette  asthénie  profonde;  les  vomissements,  lorsqu'ils  existent,  présentent 


BRONZEE  (maladie).  —  diagnostic  et  pronostic.  713 

certains  caractères  qui  les  rapprochent  positivement  des  vomissements 
d'origine  cérébrale;  ils  se  font  sans  efforts,  souvent  sans  nausées;  ils  ont 
lieu  le  plus  ordinairement  le  matin  à  jeun;  lorsqu'ils  deviennent  plus 
fréquents,  il  suffit  parfois  d'un  mouvement  brusque  pour  en  déterminer 
la  production,  et  même  alors,  fait  capital,  les  matières  alimentaires  sont 
habituellement  conservées,  ce  qui  explique  l'intégrité  relative  des  fonctions 
de  nutrition  ;  si  les  vomissements  deviennent  continuels,  il  n'en  est  plus 
ainsi,  cela  va  sans  dire,  mais  cela  n'arrive  guère  que  dans  les  périodes 
ultimes  de  la  maladie.  Eh  bien!  lorsqu'un  malade  présente  cet  ensemble 
de  caractères  positifs  et  négatifs,  on  est  autorisé,  même  en  l'absence  de 
la  mélanodermie,  à  songer  à  la  maladie  d'Addison,  qui  ne  mérite  guère 
alors,  comme  on  le  voit,  le  nom  de  maladie  bronzée;  ce  diagnostic  est 
encore  plus  légitime  si,  à  ces  symptômes,  s'ajoutent  les  douleurs  lom- 
baires et  gastriques,  ou  quelqu'un  des  accidents  nerveux  précédemment 
étudiés. 

Dans  la  pratique,  malheureusement,  il  faut  en  convenir,  les  choses  ne 
se  présentent  pas  toujours  avec  cette  netteté.  Le  diagnostic  précédent,  en 
effet,  se  rapporte  uniquement  à  la  maladie  d'Addison  primitive  ou  essen- 
tielle, et  nous  verrons  bientôt,  en  étudiant  Pédologie,  que  cet  état  morbide 
est  le  plus  souvent  secondaire  ou  symplomatique.  Or,  dans  ces  cas-là,  les 
phénomènes  caractéristiques  existent  encore,  cela  est  vrai,  mais  ils  per- 
dent toute  valeur  précise,  par  ce  fait  qu'ils  se  développent  chez  des  sujets 
atteints  déjà  depuis  un  temps  plus  ou  moins  long  d'une  affection  éminem- 
ment asthénique,  la  scrofule,  la  tuberculisation  ou  le  cancer,  par  exem- 
ple. A  supposer  même  que  ces  affections  ne  soient  pas  parvenues  encore  à 
un  degré  très-avancé,  il  est  évident  que  l'asthénie  sera  logiquement  rap- 
portée à  l'évolution  naturelle  de  la  maladie  première,  et  que  l'idée  d'une 
complication,  rare  d'ailleurs,  ne  devra  se  présenter  à  l'esprit  que  comme 
une  simple  possibilité.  Je  sais  bien  qu'on  a  conseillé  de  faire  alors  une 
appréciation  comparative  de  l'état  des  forces  du  sujet  et  des  désordres 
causés  par  la  maladie  primitive;  puis,  dit-on,  si  l'asthénie  est  hors  de 
proportion  avec  les  lésions  viscérales  bien  et  dûment  constatées,  on  sera 
en  droit  d'admettre  le  développement  de  la  maladie  d'Addison  à  titre  de 
complication  ;  mais,  sans  nier  d'une  manière  absolue  la  valeur  de  ce  mode 
de  jugement,  je  ne  puis  m' empêcher  de  faire  remarquer  que  ce  calcul  de 
probabilités  ou  de  rapports  proportionnels  peut  difficilement  servir  de 
base  à  un  diagnostic  rigoureux. 

Il  en  va  bien  autrement  lorsque  la  pigmentation  tégumentaire  est  ap- 
parue; alors,  à  vrai  dire,  il  n'y  a  plus  d'erreur  possible,  si  l'on  ne  perd 
pas  de  vue  les  caractères  spéciaux  de  la  mélanodermie  d'Addison.  D'une 
teinte  variant  du  brun  clair  au  brun  noir,  cette  coloration  est  le  plus  sou- 
vent générale  et  uniforme.  Lorsqu'elle  est  partielle,  elle  se  présente  sous  la 
forme  de  larges  plaques  séparées  par  des  intervalles  plus  ou  moins  éten- 
dus, dans  lesquels  le  tégument  est  normal  ;  dans  aucun  cas  authentique, 
jusqu'ici  du  moins,  elle  n'a  offert  la  disposition  de  petites  taches  dissé- 
minées plus  ou  moins  confluentes  sur  la  peau  saine.  D'un  autre  côté,  lors- 


714  BRONZÉE  (maladie).  —  diagnostic  et  pronostic. 

que  cette  mélanodermie  n'a  pas  son  uniformité  habituelle,  elle  revêt  l'un 
des  deux  aspects  que  voici,  ou  bien  la  teinte  brune  est  parsemée  çà  et  là 
de  taches  claires  à  dimensions  variables,  mais  à  forme  généralement  cir- 
culaire; ou  bien  le  fond  uniformément  sombre  du  tégument  présente  en 
nombre  plus  ou  moins  considérable  des  points  ou  des  taches  notablement 
plus  foncés.  Dans  le  premier  cas,  dont  j'ai  en  ce  moment  même  un  très- 
bel  exemple  sous  les  yeux,  le  pigment  est  moins  abondant  ou  fait  défaut 
par  places  ;  dans  le  second,  il  est  réparti  plus  richement  sur  certains  points; 
la  raison  de  ces  variétés  n'est  d'ailleurs  pas  connue.  Enfin,  il  faut  toujours 
se  délier  de  ces  cas  dans  lesquels  la  pigmentation  anormale  est  exclusive- 
ment limitée  à  la  face  et  aux  parties  découvertes  ;  si  alors  les  autres  symp- 
tômes de  la  maladie  ne  sont  pas  parfaitement  accusés,  il  est  prudent  de 
garder  une  certaine  réserve  dans  le  diagnostic.  En  revanche,  il  n'est  pas 
de  cas  plus  positifs  et  plus  nets  que  ceux  où  la  coloration  très-prononcée 
sur  tout  le  tronc  et  sur  la  partie  supérieure  des  membres  respecte  préci- 
sément la  face  et  les  mains;  ces  cas  sont  exceptionnels,  mais  la  femme 
que  j'observe  actuellement  dans  mon  service  répond  rigoureusement  à 
cette  description,  bien  que  chez  elle  la  mélanodermie  ait  au  moins  quatre 
mois  de  date. 

Avec  ces  données  précises,  je  le  répète,  le  diagnostic  est  facile;  je  signa- 
lerai pour  mémoire  les  plaques  brunes  produites  sur  les  cuisses  par  l'abus 
des  chaufferettes,  la  teinte  brune  du  visage  et  des  mains  résultant  de 
l'insolation  ou  de  l'exposition  prolongée  à  un  foyer  de  chaleur,  la  pigmen- 
tation temporaire  des  femmes  grosses,  les  taches  brunes  disséminées  que 
produisent  certaines  maladies  de  la  peau  (pityriasis  nigra,  vitiligo),  la 
teinte  jaune  paille  ou  terreuse,  et  le  chloasma  des  cachexies,  de  la  cancé- 
reuse, entre  autres,  et  je  m'arrêterai  avec  plus  de  détails  sur  quelques 
formes  de  mélanodermie  pouvant  plus  aisément  prêter  à  l'erreur. 

Généralement  ardoisée  et  limitée  à  la  face  et  aux  mains,  la  coloration 
produite  par  l'usage  interne  prolongé  des  sels  d'argent  peut  cependant  se 
généraliser  et  prendre  une  teinte  positivement  brune  et  même  noire  ;  c'est 
alors  par  les  commémoratifs  et  l'absence  des  symptômes  caractéristiques 
de  la  maladie  d'Addison  que  le  diagnostic  devra  être  assuré.  Il  en*  est  de 
même  pour  la  coloration  produite  par  l'absorption  des  préparations  d'ani- 
line; ici,  d'ailleurs,  la  teinte  franchement  violacée  s'éloigne  beaucoup 
déjà  de  la  mélanodermie  proprement  dite. 

On  a  beaucoup  dit  que  l'ictère  pouvait  être  une  source  de  confusion  ; 
pour  moi,  je  ne  vois  guère  la  possibilité  d'une  telle  erreur.  En  admettant 
même  que  l'on  ait  à  faire  à  ces  ictères  tellement  foncés,  qu'ils  sont 
plus  près  du  noir  que  du  vert  jaunâtre,  on  aura  toujours  pour  se  guider 
deux  phénomènes  certains.  Dans  l'ictère,  la  conjonctive  participe  constam- 
ment à  la  coloration  morbide,  tandis  que  dans  la  maladie  bronzée  elle 
tranche  par  sa  couleur  normale,  souvent  d'un  blanc  mat  ou  perlé,  sur  la 
teinte  des  téguments.  De  plus,  l'examen  de  l'urine  chez  l'ictérique  mon- 
trera qu'elle  contient  du  pigment  biliaire.  En  raison  de  la  fréquence  des 
lésions  du  foie  chez  les  individus  qui  succombent  à  la  maladie  d'Addison, 


BRONZÉE  (maladie).  —  diagnostic  et  pronostic.  715 

on  concevrait  à  la  rigueur  la  possibilité  de  la  coexistence  d'un  ictère  véri- 
table, mais  cette  présomption  n'est  justifiée  par  aucune  des  nombreuses 
observations  que  j'ai  analysées. 

La  nigritie,  qui  peut  être  générale  ou  partielle,  est  une  simple  malfor- 
mation souvent  congénitale;  c'est  une  hypersécrétion  pigmentaire  qui 
n'est  accompagnée  d'aucun  phénomène  morbide. 

La  mélanémie  (voyez  ce  mot)  est  surtout  caractérisée  par  une  teinte 
qui  varie  du  gris  cendré  au  brun  grisâtre,  par  la  présence  de  corpus- 
cules pigmentaires  plus  ou  moins  abondants  dans  le  sang  et  dans 
plusieurs  viscères,  enfin,  par  une  relation  constante  avec  une  intoxi- 
cation palustre  antérieure.  Ainsi,  teinte  plus  claire,  plus  profonde,  si  je 
puis  ainsi  dire,  toujours  générale;  constatation  facile  du  corps  du  délit 
dans  le  sang,  extrait  par  une  piqûre  ;  maladies  paludéennes  dans  les  anté- 
cédents de  l'individu,  voilà  les  signes  diagnostiques  qui  distinguent  la 
mélanémie  de  la  maladie  d'Addison.  Le  dernier  toutefois  est  loin  d'avoir 
la  même  valeur  que  les  deux  autres,  car  nous  verrons  bientôt  que  sur  nos 
127  cas,  9  fois  les  malades  avaient  eu  des  fièvres  intermittentes  plus  ou 
moins  prolongées.  En  présence  de  ces  caractères  différentiels,  on  ne  peut 
nier  que  la  mélanémie  ne  soit  un  état  distinct  de  l'asthénie  surrénale; 
mais  il  est  impossible  aussi  de  contester  l'étroite  analogie  qui  les  rapproche. 
Déjà,  dans  une  de  mes  annotations  à  la  clinique  de  Graves,  j'appelais  l'at- 
tention sur  cette  affinité;  dans  l'un  comme  dans  l'autre  cas,  il  s'agit  d'une 
hypergénèse  pigmentaire  ;  dans  la  mélanodermie  d'Addison,  le  produit 
morbide  siège  à  la  surface  de  la  peau  et  la  colore  ainsi  directement  ;  dans 
la  mélanémie,  il  est  dans  le  liquide  en  circulation,  et  la  coloration  anor- 
male qui  en  trahit  la  présence  est  une  coloration  par  transparence,  c'est 
pour  ainsi  dire  un  phénomène  indirect.  D'un  autre  côté,  il  n'est  pas  dé- 
montré que  le  sang  ne  contienne  pas  de  pigment  en  excès  dans  la  maladie 
d'Addison,  car  les  observations  sont  muettes  sur  ce  point;  deux  fois  seule- 
ment ce  fait  est  l'objet  d'une  mention  spéciale,  et  deux  fois  la  mélanémie 
a  été  constatée;  dans  l'obs.  105,  les  corpuscules  pigmentaires  ont  été  obser- 
vés directement,  et  trouvés  surtout  dans  le  sang  de  la  rate;  dans  l'obs. 
115,  on  s'est  borné  à  noter  une  coloration  très-foncée  du  sang.  Mais  dans 
plusieurs  autres  observations  où  l'état  du  sang  n'a  pas  été  examiné,  nous 
trouvons  signalée  une  pigmentation  anormale  des  viscères  ou  des  gan- 
glions lymphatiques  chez  des  sujets  encore  adultes,  et  c'est  justement  là  le 
caractère  anatomique  principal  des  trois  premières  formes  de  mélanémie 
décrites  par  Frerichs.  Il  est  donc  tout  au  moins  probable  que  la  mélanémie 
et  la  maladie  d'Addison  coexistent  plus  fréquemment  qu'on  ne  l'a  cru 
jusqu'ici;  tout  au  moins  est-il  sage  d'attendre  d'observations  plus  com- 
plètes une  réponse  définitive  à  cette  question. 

Il  est  enfin  une  forme  de  cancer  mélanique  qui  doit  trouver  place  dans 
cette  étude  diagnostique  ;  je  veux  parler  de  la  mélanose  sous-cutanée 
dont  Delvaux,  Eccles,  Ferber,  Demarquay  et  Wagner  ont  publié  de  remar- 
quables exemples.  Ici  la  coloration  plus  ou  moins  brune  du  tégument  est 
encore  un  effet  de  transparence;  elle   se  présente  sous  forme  de  taches 


716  BRONZEE  (maladie).  —  étiologie. 

plus  ou  moins  larges,  parfaitement  isolées  les  unes  des  autres  par  des 
intervalles  de  peau  saine;  au  niveau  de  ces  taches  colorées,  on  sent  une 
nodosité,  une  petite  tumeur  dure  siégeant  dans  le  tissu  cellulaire  sous- 
cutané;  or  si  la  saillie  de  ces  tumeurs  n'est  pas  appréciable  à  la  vue,  et  si 
ces  productions  sont  très-nombreuses  (plusieurs  centaines  dans  le  cas 
d'Eccles),  un  examen  superficiel  pourrait  faire  croire  à  la  mélanodermie 
d'Addison  ;  il  ne  faut  pas  compter  ici,  pour  faire  le  diagnostic,  sur  une 
différence  dans  la  teinte,  car  cette  différence  peut  être  très-légère  ;  le  ma- 
lade de  Demarquay,  par  exemple,  avait  l'aspect  d'un  Quarteron  ou  d'un 
Indien.  Mais  la  disposition  franchement  tachetée  de  la  coloration,  la  con- 
statation des  noyaux  d'induration  sous-cutanée  au  moyen  de  la  palpation, 
les  douleurs  dont  ces  tumeurs  sont  le  siège,  enfin  l'amaigrissement  rapide 
et  proportionnel  au  nombre  des  productions  mélaniques,  constituent  un 
ensemble  de  signes  qui  préviendra  toute  erreur.  Souvent  aussi  des  désor- 
dres fonctionnels  graves  permettent  de  reconnaître  l'existence  de  produits 
semblables  dans  les  principaux  viscères. 

La  maladie  d'Addison  une  fois  reconnue,  le  diagnostic  n'est  point  encore 
achevé;  il  reste  à  déterminer  si  elle  est  primitive  ou  secondaire.  Or,  si 
avec  la  mélanodermie  on  n'observe  que  l'asthénie  surrénale  pure  qui  a  été 
précédemment  étudiée  dans  ses  caractères  positifs  et  dans  ses  caractères 
négatifs,  ce  sera  déjà  une  forte  présomption  en  faveur  d'une  maladie 
bronzée  primitive;  le  jugement  sera  suspendu,  ou  plutôt  inverse  si  le 
malade  présente  quelques-uns  des  phénomènes  qui  appartiennent  aux 
cachexies  ordinaires  (émaciation,  albuminurie,  hydropisies,hémorrhagies, 
leucémie,  etc.).  D'autre  part,  la  maladie  d'Addison  secondaire  n'a  été  vue 
jusqu'ici  que  dans  trois  affections  :  la  scrofule,  le  tubercule  et  le  cancer, 
dont  elle  constitue  alors  une  manifestation  plus  ou  moins  tardive  ;  si  donc 
l'individu  observé  ne  présente  aucun  vestige  de  ces  affections,  on  pourra 
conclure  avec  certitude  qu'il  s'agit  d'une  asthénie  surrénale  primitive  et 
essentielle.  C'est  là,  du  reste,  le  cas  le  plus  rare,  ainsi  que  le  démontre 
péremptoirement  l'examen  des  conditions  étiologiques,  dont  nous  allons 
maintenant  nous  occuper. 

Étiologie.  —  La  maladie  bronzée  est  notablement  plus  fréquente  chez 
l'homme  que  chez  la  femme  ;  sur  le  total  de  nos  observations,  79  concer- 
nent des  individus  du  sexe  masculin  et  48  des  sujets  féminins.  Quant  à 
l'âge,  il  est  compris  entre  deux  limites  très-éloignées,  trois  ans  et  soixante- 
neuf  ans,  mais  la  fréquence  n'est  pas  la  même  pour  les  différentes  pério- 
des de  cet  intervalle;  ainsi,  de  5  à  10  ans,  je  ne  trouve  qu'un  seul  fait; 
de  10  à  20  inclusivement,  24  cas;  de  20  à  50,  50  cas;  de  50  à  40,  51  cas; 
de  40  à  50,  18  cas;  de  50  à  60,  8  cas;  puis  2  à  65  ans  et  1  à  69  ans; 
d'où  l'on  voit  que  la  fréquence,  augmentant  de  10  à  20  ans,  reste  sensi- 
blement la  même  entre  20  et  40  pour  décroître  assez  rapidement  de  40  à 
50,  et  plus  rapidement  encore  de  50  à  60.  Le  tableau  ci-dessus  ne  com- 
prend que  115  cas;  les  renseignements  font  défaut  dans  les  douze  autres 
observations. 

Il  est  vraisemblable  que  les  conditions  climatériques  ne  sont  pas  sans 


BRONZÉE  (maladie).  —  étjologie.  717 

influence  sur  le  développement  de  la  maladie,  car  jusqu'ici  elle  s'est  mon- 
trée incomparablement  plus  fréquente  en  Angleterre  que  dans  toute  autre 
contrée  ;  l'Italie,  les  Pays-Bas  et  l'Allemagne  viennent  ensuite,  et  la 
France  au  dernier  rang.  Est-ce  coïncidence,  lacune  dans  l'observation, 
silence  sur  les  faits  observés,  ou  influence  climatérique  réelle?  Il  serait 
téméraire  de  le  décider  dès  aujourd'hui. 

Sur  nos  127  observations,  il  y  en  a  "20  dont  l'insuffisance  ne  permet  pas 
de  décider  s'il  s'est  agi  d'une  maladie  d'Addison  primitive  ou  secondaire. 
Les  107  faits  restants,  étudiés  à  ce  point  de  vue,  se  décomposent  ainsi  : 
dans  33  cas  la  maladie  a  été  certainement  primitive;  —  dans  9  cas  elle  a 
été  probablement  primitive  ;  —  dans  65  cas,  enfin,  elle  a  été  positivement 
secondaire.  Pour  plus  de  rigueur,  laissons  de  côté  les  9  cas  dont  le  carac- 
tère n'est  que  probable  ;  et  nous  arrivons  à  cette  conclusion  intéressante  : 
sur  98  cas  la  maladie  a  été  secondaire  65  fois,  elle  a  été  primitive  «53  fois, 
c'est-à-dire  dans  le  tiers  des  cas  exactement.  Ce  n'est  pas  tout  :  l'analyse 
plus  approfondie  des  faits  nous  apprend  que  les  relations  qui  unissent  la 
maladie  bronzée  à  certaines  affections  constitutionnelles  ou  diatbésiques 
sont  loin  d'être  également  fréquentes  pour  chacune  d'entre  elles.  En 
effet,  sur  les  65  observations  de  maladie  d'Addison  secondaire,  45  res- 
sortissent  à  l'affection  tuberculeuse,  15  à  l'affection  scrofuleuse,  et  5  seu- 
lement à  l'affection  cancéreuse.  La  faiblesse  de  ce  dernier  chiffre  permet 
de  comprendre  que  quelques  auteurs  aient  nié  tout  rapport  entre  le  cancer 
et  la  maladie  surrénale  ;  la  proposition  ne  pèche  que  par  son  absolutisme. 
Il  importe  d'ajouter,  pour  conserver  aux  proportions  précédentes  toute 
leur  valeur,  que  cette  répartition  a  été  basée,  non  sur  les  renseignements 
cliniques  souvent  très-incomplets,  mais  sur  les  lésions  constatées  à  l'au- 
topsie. 

Voyons  maintenant  dans  quelles  conditions  s'est  développée  la  maladie 
d'Addison,  dans  les  35  cas  où  elle  a  été  positivement  primitive;  cet  exa- 
men complétera  utilement  cette  étude  étiologique.  Et  d'abord  quant  au 
sexe,  nous  trouvons  vingt  hommes  et  treize  femmes;  l'âge  des  malades 
est  compris  entre  12  ans  et  69  ans,  savoir  :  de  12  à  20  ans  inclusivement, 
6  cas  ;  —  de  21  à  50,  10  cas  ;  —  de  31  à  40,  8  cas  ;  —de  41  à  50,  2  cas  ; 

—  de  51  à  60,  2  cas  ;  —  1  cas  à  65  ans  et  1  à  69.  Dans  5  cas  l'âge 
n'est  pas  indiqué.  Ces  résultats  ne  s'éloignent  pas  de  ceux  que  nous  avons 
obtenus  en  étudiant  plus  haut  la  totalité  des  observations. 

Quant  à  l'état  antérieur  des  individus  atteints  par  la  maladie,  voici  les 
résultats  que  donne  l'analyse.  Dans  23  cas  rien  n'est  signalé  touchant 
les  conditions  antérieures  des  malades,  et  l'asthénie  surrénale  paraît  s'être 
développée  au  milieu  d'un  état  de  santé  parfait;  les  10  autres  observa- 
tions indiquent  comme  antécédents  les  conditions  pathologiques  les  plus 
disparates;  en  voici  rénumération  :  chez  des  rhumatisants  sans  attaque 
actuelle,  2  cas;  — chez  un  goutteux,  1  cas  ;  —  chez  un  syphilitique,  1  cas  ; 

—  après  des  fièvres  intermittentes,  1  cas;  —  chez  un  individu  originaire 
d'un  pays  palustre,  mais  n'ayant  jamais  eu  de  fièvre,  1  cas  ;  —  un  malade 
était  tourmenté  depuis  des  années  par  une  dyspepsie  habituelle;  chez  lui  le 


718  BRONZÉE  (maladie).  —  anatomie  pathologique. 

début  de  la  maladie  a  été  marqué  par  l'aggravation  des  phénomènes  gas- 
triques. —  Chez  une  femme,  le  développement  du  mal  surrénal  a  positi- 
vement coïncidé  avec  un  arrêt  subit  des  règles  à  la  suite  d'une  frayeur. 
—  Enfin,  dans  deux  cas,  il  y  avait  eu  quelques  mois  auparavant  un  ictère 
dont  la  cause  n'est  pas  spécifiée. 

Des  résultats  aussi  dissemblables  ne  peuvent  fournir  aucune  déduction 
certaine,  retenons  donc  simplement  ce  fait  capital  que  la  maladie  bron- 
zée peut  être  spontanée  et  primitive,  et  apparaître  chez  des  individus 
dont  l'état  de  santé  était  jusque-là  très-satisfaisant. 

Anatomie  pathologique.  —  Deux  ordres  de  faits  doivent  être  étu- 
diés ici;  les  lésions  des  capsules  surrénales,  et  celles  des  autres  organes; 
ces  dernières,  variables  dans  leur  nature,  tirent  de  leur  extrême  fré- 
quence une  importance  réelle,  et  cette  fréquence  est  la  démonstration 
anatomique  du  caractère  secondaire  ou  symptomatique  que  présente, 
dans  la  majorité  des  cas,  la  maladie  bronzée,  ainsi  que  je  l'ai  établi  plus 
haut. 

Si  nous  faisons  abstraction  de  deux  cas  (obs.  41  et  48),  dans  les- 
quels les  capsules  étaient  absentes,  nous  voyons  que  dans  toutes  nos  ob- 
servations les  capsules  surrénales  ont  été  plus  ou  moins  profondément 
altérées.  Sur  ces  125  faits,  neuf  fois  l'altération  portait  sur  une  seule 
capsule,  dans  les  116  autres  cas,  les  deux  organes  étaient  lésés.  Très- 
différentes  dans  leur  nature,  ces  lésions  se  répartissent  ainsi  pour  les 
116  cas  où  l'altération  était  double.  Transformation  scrofuleuse  ou  ca- 
séeuse,  58  fois;  —  tubercules,  45  fois;  —  abcès,  10  cas;  —  atro- 
phie, 7;  —  hypertrophie,  6;  — cancer,  4;  —  dégénérescence  grais- 
seuse, 5;  —  transformation  kystique,  2;  —  congestion  simple,  1. 

Dans  les  neuf  cas  où  une  seule  capsule  était  atteinte,  les  lésions  con- 
statées sont  les  suivantes  :  Transformation  scrofuleuse  ou  caséeuse,  1;  — 
tubercules,  3;  —  cancer,  5;  —  kystes,  2. 

Ces  chiffres  permettent  de  juger  dès  maintenant  l'assertion  de  Wilks, 
touchant  la  caractéristique  anatomique  de  la  maladie  surrénale.  D'après 
lui,  on  ne  devrait  accorder  cette  valeur  qu'à  la  lésion  spéciale  que 
nous  décrirons  dans  un  instant,  et  qui  est  connue  sous  le  nom  de 
transformation  ou  dépôt  scrofuleux  ;  les  autres  altérations  des  capsules 
ne  seraient  point  liées  à  l'asthénie  et  à  la  mélanodermie  spéciales  par 
cette  relation,  qui  est  le  propre  de  la  maladie  d'Addison.  Or,  il  est  clair 
que  cette  assertion  est  fort  exagérée.  Que  la  relation  soit  constante  avec 
la  transformation  scrofuleuse,  et  inconstante,  au  contraire,  avec  les 
autres  lésions,  cela  est  possible,  et  c'est  l'observation  ultérieure  seule 
qui  peut  nous  l'apprendre.  Mais  ce  qui  est  certain,  c'est  que  les  cas  du 
second  ordre  sont  déjà  en  nombre  très-considérable.  Dans  le  relevé  pré- 
cédent, en  effet,  nous  ne  trouvons  que  59  exemples  de  la  lésion  dite  scro- 
fuleuse sur  125  faits;  et  si  l'on  réunit  à  ces  59  cas  les  10  exemples 
d'abcès  qui  peuvent,  à  la  rigueur,  être  considérés  comme  des  formes  un 
peu  déviées  de  la  lésion  type,  cela  ne  fait  encore  que  49  observations 
contre  76. 


BRONZEE  (maladie).  —  anatomie  pathologique.  710 

Conséquent  avec  les  prémisses  posées  par  lui,  Wilks  a  particulièrement 
contesté  l'importance  de  la  tuberculisation  des  capsules  surrénales. 

«  Dans  les  cas  les  plus  nets,  dit-il,  il  n'y  avait  aucune  apparence  de 
tubercule  dans  un  point  quelconque  du  corps.  Dans  quatre  cas  seulement 
on  trouva  des  tubercules  pulmonaires,  encore  dans  deux  de  ces  cas  exis- 
tait-il simplement,  au  sommet  du  poumon,  une  induration  chronique  qui 
présentait  à  la  coupe  une  surface  granuleuse.  »  Voilà  une  proposition  qui 
est  tout  à  fait  inconciliable  avec  les  résultats  positifs  que  donne  l'analyse  ri- 
goureuse de  nos  observations  :  en  laissant  de  côté  deux  ou  trois  faits  dans 
lesquels  on  trouva  seulement  quelques  tubercules  crétacés,  nous  avons 
57  cas  de  tuberculose  pulmonaire  plus  ou  moins  étendue,  et  si  nous  te- 
nons compte  en  outre  de  quelques  faits  dans  lesquels,  en  l'absence  de 
tubercules  pulmonaires ,  il  existait  une  tuberculisation  des  ganglions 
lymphatiques  ou  de  quelque  viscère,  nous  voyons  que  45  fois  sur 
125,  la  maladie  bronzée  avec  lésions  surrénales  a  coïncidé  avec  une 
tuberculisation  de  siège  et  d'étendue  variables. 

Les  assertions  trop  absolues  de  Wilks  tiennent,  sans  doute,  à  l'in- 
suffisance du  nombre  des  observations,  ou  encore  à  l'omission  des  cas 
dans  lesquels  la  maladie  était  symptomatique.  Cette  double  modalité, 
par  suite  de  laquelle  le  mal  surrénal  peut  être  primitif  ou  secondaire,  ne 
me  semble  pas,  en  effet,  avoir  fixé  l'attention  du  savant  médecin  de 
Londres. 

Je  ne  veux  pas  aborder  l'étude  de  toutes  les  lésions  qui  ont  été  obser- 
vées dans  les  capsules  surrénales,  car  je  serais  conduit  ainsi  à  passer  en 
revue  la  presque  totalité  des  altérations  anatomiques  ;  mais  il  en  est  une 
qui  nécessite  une  description  spéciale,  parce  que  ses  caractères  ne  ressor- 
tent  pas  suffisamment  de  la  dénomination  qu'elle  porte,  je  veux  parler  de 
la  transformation  scrofuleuse  à  laquelle  Addison,  et  Wilks  après  lui, 
ont  attaché  une  si  légitime  importance  ;  je  transcris  textuellement  la  des- 
cription de  ce  dernier  observateur. 

«  Lorsque  la  maladie  est  récente,  l'organe  est  un  peu  augmenté  de  vo- 
lume, et  il  est  changé  en  une  masse  demi-transparente,  de  couleur  grise, 
molle  et  homogène;  examinée  au  microscope,  cette  masse  ne  présente  sou- 
vent aucune  structure,  parfois  elle  est  légèrement  fibrillaire,  ou  bien  elle 
contient  quelques  cellules  et  quelques  noyaux  avortés.  Ce  dépôt  de  matière 
lardacée  est  le  premier  stade  de  la  lésion,  elle  ressemble  alors  à  ce  qu'on 
observe  si  souvent  dans  les  premières  périodes  de  l'hypertrophie  scrofu- 
leuse des  ganglions  lymphatiques.  Ultérieurement,  cette  matière  subit, 
comme  dans  ces  ganglions,  une  régression  ou  dégénérescence,  et  elle  se 
transforme  en  une  substance  opaque  et  jaunâtre  ;  alors  les  deux  matières 
sont  constamment  trouvées  associées,  savoir  :  la  matière  grise,  transpa- 
rente avec  la  substance  jaune,  opaque.  A  une  époque  plus  avancée,  cette 
matière  peut  se  ramollir,  et  prendre  l'aspect  du  mastic,  comme  cela  a  lieu 
dans  un  ganglion  scrofuleux,  ou  bien  elle  peut  se  dessécher  en  abandon- 
nant ses  éléments  minéraux,  sous  forme  de  dépôt  calcaire,  dans  la  trame 
de  l'organe. —  Quelquefois  aussi  on  trouve,  autour  des  capsules,  du  tissu 


720  BRONZEE  (maladie).  —  anatomie  pathologique. 

fibroïde,  résultant  du  travail  inflammatoire,  qui  a  uni  ces  organes  au  rein, 
au  foie  et  aux  parties  adjacentes.  On  n'a  pas  assez  remarqué  que  plu- 
sieurs années  sont  nécessaires  pour  l'accomplissement  de  l'évolution  pré- 
cédente ;  si  donc  le  dépôt  morbide  présente  de  la  matière  calcaire,  on  ne 
peut  douter  qu'il  ne  s'agisse  d'une  lésion  d'ancienne  date.  Ce  fait  répond 
à  ce  que  nous  savons  de  la  durée  des  symptômes  dans  les  cas  les  mieux 
caractérisés.  » 

Je  n'ajouterai  rien  à  cette  description  dont  la  précision  est  pleinement 
satisfaisante;  on  trouvera  dans  notre  tableau  des  exemples  de  cette  lé- 
sion à  ses  diverses  périodes,  avec  indication  des  résultats  de  l'examen 
microscopique. 

Pour  apprécier  avec  justesse  l'état  des  capsules  surrénales  après  la 
mort,  il  importe  d'être  parfaitement  renseigné  sur  les  conditions  normales 
de  ces  organes,  et  surtout  sur  leur  volume,  qui  présente  des  variations 
notables  aux  différents  âges.  Evaluant  ce  volume  par  le  poids,  Brown- 
Séquard  avait  assigné  aux  capsules,  cbez  l'adulte,  un  poids  variant  entre 
7  et  12  grammes.  Le  professeur  Mattei  (de  Sienne)  est  arrivé  à  des  résultats 
différents,  auxquels  le  nombre  considérable  des  observations  donne  une 
importance  incontestable.  Voici  la  moyenne  des  poids  obtenus  : 


> 

VIE    FŒTALE. 

AGE. 

POIDS    MOYEN    EN 

GRAMMES. 

AGE.                                POIDS 

MOYEN   EN   GRAMMES 

3e  mois. 

.    .         0,392 

8e  mois 

1,767 

5e  mois. 

.    .         0,490 

9e  mois 

2.454 

6e  mois. 

.  .         1,423 

VIE    EXTRA-UTÉRINE. 

A  1  an. 

.   .        2,074 

De  51  à  60  ans.  .    . 

4,901 

De  2  à 

10  ans. 

.    .         2,194 

De  61  à  70  ans.  .    . 

5,596 

De  11  à 

20 

ans. 

.   .         5,000 

De  71  à  80  ans.  .    . 

5,886 

De  21  à 

30 

ans. 

.    .         4,550 

De  81  à  90  ans.  .    . 

5,251 

De  31  à 

40 

ans. 

.    .         4,340 

De  91  à  100  ans.    . 

6,184 

De  41  à 

50 

ans. 

.    .         4,697 

Ce  tableau  montre  que  les  capsules  augmentent  de  volume,  non-seu- 
ment  pendant  la  vie  fœtale,  mais  aussi  après  la  naissance,  et,  de  plus, 
que  cette  augmentation  n'a  pas  lieu  d'une  manière  régulière.  C'est  dans 
l'âge  adulte  qu'elle  paraît  le  plus  grande.  On  conçoit  combien  ces  notions 
sont  importantes  pour  le  jugement  à  tirer  du  volume  des  capsules  dans 
un  cas  donné. 

Il  est  un  autre  critérium  auquel  il  ne  faut  jamais  négliger  d'avoir  re- 
cours dans  les  cas  douteux,  je  veux  parler  des  réactions  chimiques  dont 
la  connaissance  est  due  aux  travaux  de  Vulpian  et  Virchow.  Au  contact  de 
la  teinture  d'iode,  le  tissu  des  glandes  surrénales  prend  une  teinte  d'un 
rouge  plus  ou  moins  foncé,  qui  souvent  ne  dépasse  pas  le  rose.  Ces 
organes,  d'après  mon  savant  collègue  Vulpian,  contiendraient  une  matière 
spéciale,  répandue  surtout  dans  la  substance  médullaire.  Traitée  par  le 
sesquichlorure  de  fer  ou  par  les  sels  de  sesquioxyde,  cette  matière  prend 
une  teinte  glauque,  quelquefois  noirâtre,  tirant  un  peu  sur  le  bleu  ou  le 


BRONZÉE  (maladie).  —  anatomie  pathologique.  721 

vert.  Virchow  a  vérifié  ces  diverses  réactions,  et  s'est  assuré  en  même 
temps  qu'elles  appartiennent  au  liquide,  plutôt  qu'aux  éléments  cellu- 
laires de  l'organe.  Le  suc  épaissi  se  couvre  de  pellicules  d'un  brun  violet, 
et  donne  avec  le  réactif  de  Pettenkofer  (sucre  et  SO5;  voy.  Bile)  une  réac- 
tion positive  ;  avec  l'acide  nitrique  il  prend  une  coloration  verte.  Ces  faits 
sont  en  rapport  avec  la  présence  de  l'acide  taurocholique  signalé  dans  les 
glandes  surrénales  par  Vulpian  et  Gloez.  D'après  Virchow,  elles  contien- 
nent aussi  beaucoup  de  leucine,  et  de  la  graisse  composée  de  margarine, 
de  myéline,  et  dune  huile  qui  se  colore  par  l'acide  sulfurique;  en  re- 
vanche, il  n'y  a  pas  de  trace  de  substance  amylacée  ou  amyloïde.  Les 
recherches  de  Seiigsohn,  sur  les  glandes  surrénales  du  bœuf,  y  ont  dé- 
montré la  présence  de  l'acide  benzoïque  et  d'une  matière  sulfurée,  qui  est 
vraisemblablement  de  la  taurine. 

Les  lésions  constatées  dans  les  autres  organes  sont  très-nombreuses,  et 
à  ce  point  disparates  que  je  dois  me  borner  à  une  énumération  pure  et 
simple.  Voici  donc  ce  qui  découle  de  l'analyse  des  faits. 

Dans  l'appareil  digestif  il  n'est  pas  un  organe  qui  n'ait  été  trouvé  lésé 
un  plus  ou  moins  grand  nombre  de  fois,  et  ces  altérations  de  nature  di- 
verse se  groupent  ainsi  : 

Estomac.  —  Hyperémie  de  la  muqueuse,  3  cas  ;  érosions,  2  cas  ;  état 
mamelonné,  2  cas;  cancer,  1  cas  (total,  8  cas). 

Foie. —  Augmentation  de  volume,  8  cas;  tubercules,  7;  état  grais- 
seux, 5;  hyperémie,  4;  atrophie  et  induration,  3;  foie  muscade,  1; 
abcès,  1;  cancer,  1  (total,  30  cas). 

Bâte.  —  Augmentation  de  volume,  15  cas;  tubercules,  8  (total, 
23  cas). 

Pancréas.  —  Augmentation  de  volume,  1  cas  ;  atrophie,  1  ;  tuber- 
cules, 1  cas  (total,  3  cas). 

Intestin.  —  Tuméfaction  des  glandes,  17  cas;  ulcérations,  4  (total, 
21  cas). 

Péritoine.  —  Péritonite  ancienne,  2  cas;  tubercules,  2  (total,  4  cas). 

Dans  l'appareil  respiratoire  les  lésions  ont  porté  sur  les  poumons  seu- 
lement, savoir  : 

Poumons.  —  Tubercules  à  divers  états,  37  cas;  cancer,  3  ;  pneumo- 
nie, 3;  abcès,  1  (total,  44  cas). 

Dans  l'appareil  circulatoire,  on  a  trouvé  des  altérations  du  cœur  et  des 
ganglions  lymphatiques. 

Cœur.  —  Surcharge  ou  dégénérescence  graisseuse,  8  cas;  ramollisse- 
ment, 1;  hypertrophie,  1  ;  péricardite  récente,  1  (total,  11  cas). 

Ganglions  mésentériques.  —  Tuméfaction,  13  cas;  tubercules,  6;  état 
lardacé,  1  (total,  20  cas). 

Ganglions  bronchiques.  —  Tuméfaction,  2  cas;  tubercules  (sans  tuber- 
cules pulmonaires),  1.  En  outre,  2  cas  de  tuberculisation  généralisée  de 
tous  les  ganglions  lymphatiques  (total,  5  cas). 

Dans  l'appareil  génito-urinaire,  les  lésions  ont  intéressé  les  reins  et 
l'utérus. 

NOUY.    DICT.    MLD.     ET   CUIR.  V.    46 


722  BRONZÉE  (maladie).  —  anatomie  pathologique. 

Reins.  —  Congestion,  8  cas;  hypertrophie,  5;  rein  de  Bright,  4; 
tubercules,  5;  état  graisseux,  2;  calculs,  2  ;  anémie,  1  (total,  25  cas). 

Utérus.  —  Cancer,  1  cas  ;  inflammation  purulente  d'une  des  trompes,  1  ; 
hydropisie  des  deux  ovaires,  1  (total,  5  cas). 

Le  système  osseux  a  présenté  huit  fois  des  caries  (scrofuleuses)  plus 
ou  moins  étendues,  et  dans  dix  cas  on  a  constaté  une  lésion  qui  est  plus 
directement  en  rapport  avec  la  maladie  bronzée,  savoir  une  pigmentation 
d'un  ou  de  plusieurs  viscères. 

Ces  dix  cas  ne  se  prêtent  pas  au  groupement,  et  pour  être  complet,  je 
suis  obligé  d'indiquer  pour  chacun  d'eux  le  siège  de  l'altération. 

1.  Poumons,  ganglions  bronchiques  et  mésentériques  (femme  de 
53  ans);  —  2.  Foie  (femme  de  26  ans);  —  5.  Ganglions  bronchiques  et 
follicules  intestinaux  (homme  de  20  ans);  —  4.  Ganglions  bronchiques  et 
mésentériques  (garçon  de  12  ans);  —  5.  Muqueuse  intestinale  (homme 
de  21  ans);  —  6.  Péritoine  et  muqueuse  gastrique  (femme  de  57  ans);  — 
7.  Péritoine  (femme  sans  indication  d'âge);  —  8.  Cerveau,  poumons, 
cœur,  rate  et  foie  (femme  de  21  ans);  —  9.  Poumons  et  ganglions  mésen- 
tériques (homme  de  52  ans);  —  10.  Cerveau,  poumon  et  ganglion  bron- 
chiques (femme  de  57  ans).  On  remarquera  que,  à  l'exception  des  cas  1  et 
9,  la  pigmentation  ne  peut  être  mise  sur  le  compte  de  l'âge. 

Reste  l'appareil  d'innervation.  Indépendamment  des  deux  cas  dans  les- 
quels on  a  constaté  une  pigmentation  anormale  de  la  couche  corticale  du 
cerveau,  les  lésions  observées  dans  ce  viscère  sont  rares  et  n'offrent  avec 
le  mal  bronzé  d'autre  rapport  que  celui  de  la  coïncidence  ;  c'était,  dans 
deux  cas,  une  atropine  des  hémisphères,  deux  fois  une  arachnitis,  une  fois 
une  hyperémie  notable;  inutile  de  nous  arrêter  sur  ces  altérations.  En 
revanche,  les  lésions  observées  dans  le  plexus  solaire  et  le  sympathique 
abdominal,  méritent  toute  notre  attention. 

Il  y  a  aujourd'hui,  à  ma  connaissance,  sept  exemples  positifs  et  au- 
thentiques de  ces  lésions.  Le  premier  en  date  a  été  mentionné  par  Addison 
lui-même,  mais  cette  mention  purement  incidente  et  reléguée  dans  l'in- 
troduction de  son  mémoire,  ne  permet  pas  de  déterminer  quelle  est, 
parmi  les  1 1  observations  citées,  celle  qui  a  présenté  cette  lésion  ;  toutefois, 
la  valeur  du  fait,  au  point  de  vue  anatomo-pathologique,  n'en  est  point 
diminuée  ;  on  peut  en  juger,  du  reste  ;  voici  le  passage  :  «  Je  dois  faire 
remarquer  que,  dans  un  cas  récemment  examiné,  le  cœur  avait  subi  la 
transformation  graisseuse,  et  que  M.  Quekett,  après  un  examen  micro- 
scopique, a  constaté  la  même  dégénérescence  dans  une  portion  des  gan- 
glions semi-lunaires  et  du  plexus  solaire.  » 

Le  second  fait  est  celui  de  W.  Monro  (obs.  25);  une  femme  de 
42  ans,  chez  laquelle  la  maladie  avait  duré  de  8  à  9  ans,  présenta  à  l'au- 
topsie la  transformation  scrofuleuse  des  capsules,  des  tubercules  pulmo- 
naires, et,  de  plus,  une  intumescence  et  une  injection  notables  des  nerfs 
et  des  ganglions  du  plexus  solaire. 

Le  troisième  cas,  observé  par  Addison,  rapporté  par  Lovegrove 
(obs.   40),  concerne  un   homme  de  trente-deux  ans  qui  succomba  par 


BRONZÉE  (maladie).  —  anatomie  pathologique.  725 

asthénie  croissante  au  bout  de  trois  ans  de  maladie.  On  trouva  la  transfor- 
mation scrofuleuse  des  glandes  surrénales,  quelques  tubercules  pulmo- 
naires crétacés  et  une  atrophie  totale  des  nerfs  efférents,  qui,  des  gan- 
glions semi-lunaires,  se  rendaient  aux  capsules.  Les  ganglions  eux-mêmes 
étaient  sains  ;  l'examen  microscopique  a  été  pratiqué  par  Wilks. 

Le  quatrième  fait  est  celui  de  Schmidt  (de  Rotterdam),  (obs.  66) 
que  j'ai  déjà  rapporté,  avec  celui  de  Quekctt,  dans  un  travail  antérieur. 
Il  s'agit  d'une  fille  de  seize  ans  morte  au  bout  de  cinq  mois,  chez  laquelle 
l'autopsie  montra  une  transformation  casécuse  des  glandes  surrénales,  une 
tuméfaction  de  toutes  les  glandes  intestinales,  une  induration  non  tuber- 
culeuse des  ganglions  mésentériques,  une  hypertrophie  de  la  rate  et  une 
atrophie  générale  (de  quelle  nature?)  des  nerfs  sympathiques  qui  enlacent 
l'aorte  abdominale.  L'examen  microscopique  a  été  fait  par  Boogard. 

Le  cinquième  exemple  appartient  à  van  Andel  (obs.  90).  Chez  une 
femme  morte  au  bout  de  quatre  à  cinq  mois,  il  trouva  une  tuberculisation 
des  capsules,  une  pigmentation  du  péritoine  et  une  atrophie  du  sympa- 
thique et  du  plexus  solaire;  les  cellules  nerveuses  étaient  atrophiées  sur 
plusieurs  points,  ailleurs  elles  présentaient  une  pigmentation  brune  telle- 
ment abondante  que  le  noyau  n'était  plus  reconnaissable  que  par  le  nu- 
cléole. Examen  microscopique  par  van  Andel. 

Le  sixième  cas  a  été  observé  par  J.  Meyer  (obs.  114).  Il  s'agit  d'une 
femme  de  quarante-trois  ans  qui  succomba  au  bout  de  trois  mois  de  ma- 
ladie, et  qui  présenta  à  l'autopsie  les  glandes  surrénales  en  voie  de  trans- 
formation graisseuse,  et,  de  plus,  une  injection  considérable  des  ganglions 
cœliaques  et  des  branches  du  sympathique  ;  cette  injection  était  surtout 
marquée  sur  les  rameaux  qui  se  rendaient  aux  capsules  (ils  étaient  forte- 
ment surchargés  de  sang,  dit  l'auteur).  La  structure  des  ganglions  n'était 
pas  altérée.  Examen  microscopique  par  Meyer. 

La  septième  observation  est  celle  d'Habershon  (obs.  1 20).  Sur  un 
homme  de  dix-huit  ans,  mort  au  bout  d'un  an  de  maladie,  il  trouva  une 
transformation  caséeuse  des  deux  capsules,  et  il  constata  en  outre  que  le 
ganglion  semi-lunaire  gauche  était  situé  tout  près  de  la  capsule  correspon- 
dante hypertrophiée  ;  les  rameaux  efférents  étaient  englobés  dans  la  niasse 
morbide,  les  cellules  ganglionnaires  n'étaient  pas  altérées.  Examen  mi- 
croscopique par  Habershon. 

L'importance  de  ces  données  anatomo-pathologiques  est  de  premier  ordre, 
et  justifie  les  détails  dans  lesquels  je  suis  entré  touchant  ces  faits  nou- 
veaux. Je  montrerai  bientôt  que  c'est  précisément  dans  l'altération  du 
sympathique  qu'il  faut  chercher  l'interprétation  pathogénique  des  phéno- 
mènes, qui  caractérisent  cliniquement  le  mal  bronzé. 

En  étudiant  l'étiologie,  nous  avons  vu  que,  sur  98  cas  par  lesquels  nous 
possédons  des  renseignements  suffisants,  la  maladie  a  été  secondaire 
65  fois,  et  primitive,  55  fois.  Or,  en  présence  de  la  multiplicité  des  lésions 
observées  chez  les  individus  qui  succombent  au  mal  d'Addison,  il  est  inté- 
ressant de  rechercher  quelles  sont  les  altérations  qui  ont  été  observées  en 
dehors  des  glandes  surrénales  dans  ces  55  cas  simples. 


724  BRONZÉE  (maladie).  —  anatomie  pathologique. 

Dans  quatorze  observations  (44,  54,  58,  71,  76,  82,  86,  105, 109, 
111,  11^,  115,  122,  125)  il  est  dit  expressément  que  l'on  ne  trouva  pas 
d'autres  lésions  que  celles  des  glandes  surrénales,  et  les  noms  des  obser- 
vateurs qui  ont  procédé  à  l'examen  cadavérique,  donnent  à  ce  résultat 
une  valeur  indiscutable.  D'autre  part,  dans  quatre  cas,  les  lésions  consta- 
tées en  dehors  des  capsules  sont  de  telle  nature  qu'elles  peuvent,  sans 
erreur,  être  assimilées  à  des  lésions  nulles  ;  ainsi,  dans  l'obs.  62,  il 
s'agit  d'anciennes  adhérences  pleurales  dans  le  côté  droit  du  thorax  ;  dans 
l'obs.  73,  on  a  trouvé  de  petits  dépôts  crétacés  dans  le  foie;  dans 
l'obs.  105,  il  est  dit  que  les  poumons  et  les  reins  étaient  normaux,  et  il 
n'est  pas  fait  mention  d'autres  désordres;  enfin,  dans  l'obs.  121,  on 
trouva  une  hydatide  dans  le  foie.  On  le  voit,  il  n'y  a  dans  tout  cela  que 
des  lésions  insignifiantes  ou  des  faits  de  pure  coïncidence,  etnous  pou- 
vons réunir  ces  4  cas  aux  14  observations  de  tout  à  l'heure;  d'où  cette 
conclusion  que,  sur  les  55  cas  de  maladie  bronzée  simple  ou  primitive, 
il  y  en  a  18  dans  lesquels  les  glandes  surrénales  étaient  seules  lésées. 
Quant  aux  15  autres  cas,  ils  ont  présenté  les  lésions  suivantes  : 
Obs.  2,  Pneumonie  ancienne,  péricardite  récente.  Obs.  5,  Épaississe- 
ment  et  érosion  de  la  muqueuse  gastrique.  Obs.  15,  Rétraction  et  indu- 
ration du  foie,  dégénérescence  graisseuse  du  cœur.  Obs.  16,  Hyperémie 
du  foie,  tuméfaction  des  follicules  intestinaux,  deux  ulcérations  dans 
l'iléum.  Obs.  21,  Tuméfaction  de  la  rate.  Obs.  55,  Hyperémie  du  foie. 
Obs.  42,  Hyperémie  du  foie.  Obs.  45,  Hypertrophie  de  la  rate,  des  glandes 
solitaires  et  de  Peyer  et  des  glanglions  mésentériques.  Obs.  46,  Injection 
de  la  muqueuse  gastrique,  tuméfaction  des  glandes  solitaires  et  de  Peyer, 
atrophie  du  sympathique.  Obs.  59,  Pigmentation  du  foie,  quelques  ecchy- 
moses dans  l'estomac.  Obs.  60,  Tuméfaction  des  ganglions  mésentériques. 
Obs.  66,  Atrophie  du  plexus  solaire,  induration  des  ganglions  mésenté- 
riques, rate  grosse.  Obs.  85,  Tuméfaction  des  glandes  de  Peyer  et  des 
sanglions  mésentériques.  Obs.  90,  Atrophie  du  plexus  solaire,  pigmen- 
tation du  péritoine.  Obs.  114,  Injection  des  ganglions  semi-lunaires  et 
de  leurs  branches  efférentes. 

Les  lésions  les  plus  fréquentes  sont  donc  celles  des  glandes  intestina- 
les et  des  ganglions  mésentériques,  et  les  congestions  du  foie  et  de  la 
rate.  Or,  la  maladie  bronzée  ayant  été  simple  et  primitive  dans  tous  ces 
cas,  il  est  permis  de  penser  que  ces  lésions  y  sont  rattachées  par  une  tout 
autre  relation  que  celle  de  coïncidence.  Quant  aux  altérations  du  sympa- 
thique abdominal,  il  est  intéressant  de  noter  que  sur  les  sept  exemples 
connus,  quatre  se  rapportent  précisément  à  des  cas  de  maladie  bronzée 
primitive  ;  deux  autres  concernent  des  tuberculeux  (encore  chez  l'indi- 
vidu de  l'observation  120,  il  n'y  avait  que  deux  tubercules  crétacés  au 
sommet  du  poumon  droit);  le  septième  enfin  (celui  de  Quekett)  ne  per- 
met pas  de  détermination. 

Quant  à  la  cause  anatomique  de  la  mélanodermic,  c'est  comme  je  l'ai 
dit  déjà,  l'accumulation  plus  ou  moins  abondante  de  corpuscules  pig- 
mentaires  dans  la  couche  dite  muqueuse  de  la  peau.  Ce  fait  complète  la 


BRONZÉE  (maladie).  —  pathogénie.  725 

similitude  qui  existe  entre  la  coloration  bronzée  d'Addison  et  la  teinte 
des  mulâtres  et  des  hommes  de  couleur.  Dans  le  plus  grand  nombre  des 
cas  le  dépôt  de  pigment  est  limité  aux  parties  les  plus  profondes  du  ré- 
seau muqueux,  mais  quelques  faits  prouvent  qu'il  peut  occuper  aussi  les 
couches  plus  superficielles  de  l'épiderme. 

Patiiogénie.  —  L'état  morbide,  connu  sous  le  nom  de  maladie  d'Ad- 
dison est  le  résultat  d'une  altération  du  système  sympathique  abdominal. 
Cette  proposition,  par  laquelle  je  me  ralliais  en  1864  à  l'opinion  de 
Schmidt  (de  Rotterdam),  résume  toute  la  théorie  pathogénique  de  la 
maladie  bronzée,  et  une  étude  plus  complète  a  changé  ma  présomption  à 
une  conviction  arrêtée. 

La  réalité  d'une  altération  primordiale  du  système  nerveux  est  démon- 
trée par  trois  ordres  de  faits,  savoir  :  1°  les  symptômes;  2°  les  lésions  de 
la  maladie;  5°  la  structure  des  glandes  surrénales.  Examinons  rapide- 
ment ces  diverses  preuves. 

Une  asthénie  croissant  au  point  de  causer  la  mort,  des  douleurs  épi- 
gastriques  et  lombaires  avec  ou  sans  irradiation  dans  les  membres  in- 
férieurs, des  vomissements  parfois  aussi  incoercibles  que  ceux  de  la 
grossesse,  des  palpitations,  des  syncopes  et  des  vertiges  voilà  avec  la 
mélanodermie  les  phénomènes  symptomatiques  les  plus  ordinaires. 
Qu'on  songe  maintenant  que  dans  les  cas  simples,  ces  symptômes  se 
développent  et  progressent  en  l'absence  de  toute  lésion  viscérale  impor- 
tante, sans  anémie,  sans  albuminurie,  sans  hémorrhagie,  sans  diar- 
rhée, et  l'on  y  verra  sans  doute,  avec  moi,  le  résultat  direct  et  immédiat 
d'une  perturbation  du  système  nerveux.  Il  en  est  de  même  pour  l'exa- 
gération de  la  production  pigmentaire  qui  cause  la  coloration  spéciale  ; 
elle  ne  peut  être  mise,  comme  on  l'a  prétendu,  sur  le  compte  d'une  alté- 
ration préalable  du  sang  (les  cas.de  mélanémie  réservés)  puisqu'elle 
n'envahit  pas  au  même  instant  et  avec  la  même  intensité  toute  l'étendue 
du  tégument  externe.  Elle  résulte  donc  d'un  travail  morbide  qui  a  lieu 
sur  place,  et  l'intégrité  de  la  peau  à  tous  les  autres  points  de  vue  con- 
clut nécessairement  à  rapporter  cette  perturbation  à  cette  partie  du  sys- 
tème nerveux,  qui  intervient  dans  les  actes  sécrétoires. 

La  preuve  tirée  des  lésions  anatomiques  est  plus  péremptoire  encore 
puisque  nous  possédons  sept  autopsies  dans  lesquelles  les  nerfs  sympa- 
thiques abdominaux  ont  été  trouvés  matériellement  altérés;  dans  bien 
d'autres  cas,  peut-être,  on  eût  constaté  des  lésions  analogues  si  des  re- 
cherches spéciales  eussent  été  dirigées  sur  ce  point,  mais  il  n'est  pas  be- 
soin de  recourir  à  cette  probabilité  ;  car  dans  toutes  les  circonstances 
où  les  capsules  sont  profondément  lésées,  on  peut  par  cela  seul  affirmer 
une  altération  du  système  sympathique,  et  cela,  en  raison  de  la  structure 
des  glandes  surrénales.  Ici  intervient  notre  preuve  du  troisième  ordre. 

Déjà,  en  1839,  Bergmann  appelait  l'attenlion  sur  le  nombre  considé- 
rable de  nerfs  qui  se  rendent  aux  glandes  surrénales  ;  la  plupart  d'entre 
eux  proviennent  du  ganglion  semi-lunaire  et  du  plexus  rénal,  quelques 
filets  sont  envoyés  sur  le  nerf  vague  et  le  phrénique.Surla  capsule  droite 


720  BRONZÉE  (maladie).  —  pathogénie. 

de  l'homme,  Kolliker  a  compté  trente-trois  petites  branches  nerveuses, 
composées  exclusivement  ou  du  moins  en  grande  partie  de  tubes  à  bords 
foncés,  de  tous  les  calibres  ;  ces  nerfs  portent  des  ganglions  de  différentes 
grosseurs,  et  ils  sont  spécialement  destinés  à  la  substance  dite  médul- 
laire, qui  présente  dans  les  trabécules  du  stroma  conjonctif  un  réseau  ex- 
trêmement riche  de  tubes  nerveux  fins.  De  là,  cette  conclusion  par  la- 
quelle l'illustre  anatomiste  de  Wûrzburg  assimile  la  substance  corticale  au 
tissu  des  glandes  vasculaires  sanguines,  tandis  qu'il  regarde  la  substance 
médullaire  comme  un  appareil  faisant  partie  du  système  nerveux,  et  dans 
lequel  les  éléments  celluleux  et  les  plexus  nerveux  agissent  les  uns  sur  les 
autres  comme  dans  la  substance  nerveuse  grise.  Les  faits  anatomiques  sur 
lesquels  se  base  cette  conclusion  ont  été  vérifiés  par  tous  les  micrographes, 
et  les  recherches  de  Virchow  ont  positivement  établi  que  la  substance 
médullaire  contient ,  indépendamment  des  plexus  nerveux ,  un  certain 
nombre  de  cellules  ganglionnaires.  Conséquemment  la  séparation  entre 
la  substance  corticale  et  la  médullaire  est  légitime,  et  l'assimilation  de 
cette  dernière  à  un  appareil  nerveux  dépendant  du  système  sympathique 
abdominal  n'est  que  l'expression  incontestable  d'un  fait  anatomique. 

On  le  sait  donc,  toutes  les  fois  que  les  glandes  surrénales  sont  altérées 
dans  leur  substance  médullaire,  c'est  le  système  sympathique  qui  est  lésé 
dans  un  de  ses  organes,  et  notre  proposition  de  tantôt  :  la  maladie  d'Ad- 
dison  est  le  résultat  d'une  altération  du  nerf  sympathique  abdominal, 
reçoit  une  consécration  qui  lui  donne  la  valeur  d'un  axiome.  Aussi  les  au- 
torités ne  font-elles  pas  défaut  à  cette  manière  de  voir  qui  rallie  les  noms 
d'Addison,  Wilks,  Schmidt,  Ilarley,  llabershon,  Mattei,  Taylor,  etc.  C'est 
cette  opinion  que  j'ai  cherché  à  faire  prévaloir  dans  mon  premier  tra- 
vail, c'est  à  la  même  conclusion  qu'est  arrivé,  de  son  côté,  notre  colla- 
borateur Martineau  dans  son  intéressant  mémoire  sur  ce  sujet. 

Mais  avec  cette  proposition  tout  n'est  pas  dit  encore  et  la  question  pa- 
thogénique  présente  un  second  problème  qui  n'a  pas  été  franchement 
abordé  :  comment  la  lésion  de  l'appareil  nerveux  surrénal  produit-elle  les 
symptômes  caractéristiques  de  la  maladie  bronzée? 

Or,  on  peut  affirmer  tout  d'abord  que  l'inertie  fonctionnelle  de  ce  dé- 
partement nerveux  limité  ne  suffit  pas  pour  rendre  compte  des  phéno- 
mènes morbides.  Les  expériences  variées  d'un  grand  nombre  de  physio- 
logistes, entre  lesquels  je  citerai  Gratiolet,  Berruti,  Perosino,  Harley  et 
Schiff,  ont  prouvé  que  ces  organes  ne  sont  pas  indispensables  à  la  vie,  'et 
que  lorsque  la  mort  survient  rapidement  après  leur  ablation,  elle  résulte 
ou  bien  du  traumatisme  et  de  ses  suites  (péritonite  par  exemple)  ou  bien 
de  la  lésion  simultanée  des  ganglions  semi-lunaires  ou  de  leurs  plexus  ; 
ces  expériences  pratiquées  tour  à  tour  sur  des  chevaux,  des  chiens,  des 
chats,  des  cochons  d'Inde  et  des  rats,  ne  permettent  pas  d'accepter  les 
conclusions  opposées  de  Brown-Séquard,  car  dans  des  expérimenta- 
tions de  cet  ordre,  le  fait  de  la  survie  est  beaucoup  plus  démonstratif  que 
le  fait  de  la  mort,  cela  ne  peut  faire  question. 

Ce  premier  point  fixé,  voici  comment  je  conçois  la  relation  pathogé- 


BRONZÉE  (maladie).  —  pathogénie.  727 

nique  qui  unit  la  lésion  des  glandes  surrénales  aux  symptômes  de  la  ma- 
ladie bronzée.  Tout  processus  morbide  qui  se  passe  dans  ces  organes,  et 
notamment  dans  leur  substance  médullaire,  est  une  cause  permanente 
d'excitation  agissant  à  la  périphérie  du  plexus  solaire  sur  un  département 
nerveux  qui  est  relié  directement  à  ce  vaste  plexus,  et  qui  se  distingue 
entre  tous  par  l'abondance  des  nerfs  et  des  cellules  ganglionnaires.  Cette 
assertion  n'a  rien  d'hypothétique,  elle  résulte  de  la  structure  même  des 
capsules. 

Or,  vu  les  lois  bien  connues  de  la  conductibilité  nerveuse,  cette  ex- 
citation anormale  est  incessamment  transmise  aux  organes  qui  repré- 
sentent pour  les  nerfs  surrénaux  des  centres  d'innervation,  c'est-à-dire 
aux  ganglions  semi-lunaires;  suivant  l'intensité  de  l'excitation,  ou  la 
susceptibilité  (excitabilité)  de  ces  premiers  récepteurs,  cette  étape  ini- 
tiale pourra  être  dépassée,  et  l'impression  anormale  s'étendre  à  des 
centres  ganglionnaires  plus  éloignés,  et  môme  au  centre  cérébro-spinal  ; 
mais  cela  importe  peu  en  ce  moment,  il  me  suffit  d'avoir  établi  que  la  lé- 
sion des  glandes  surrénales  a  pour  premier  et  constant  effet  de  maintenir 
les  ganglions  semi-lunaires  dans  un  état  permanent  d'excitation.  Je  puis 
dès  lors  faire  un  pas  de  plus.  En  vertu  de  la  transmission  réflexe,  cette 
excitation,  qui  arrive  aux  ganglions  par  les  nerfs  surrénaux,  impressionne 
secondairement  les  nombreux  rameaux  qui  partent  de  ces  centres  d'in- 
nervation; et  nous  avons  ainsi  un  vaste  circuit  diastaltique  qui  a  pour  por- 
tion afférente  les  glandes  et  les  nerfs  surrénaux,  pour  centre  de  réflexion  les 
ganglions  semi-lunaires,  et  pour  portion  efférente  les  innombrables  ra- 
meaux qui,  de  ces  ganglions,  se  distribuent  aux  viscères  abdominaux,  no- 
tamment à  l'estomac,  au  foie,  à  la  rate,  au  mésentère  et  à  l'intestin.  Les 
rapports  des  nerfs  surrénaux  avec  le  petit  splanchnique  qui  naît  des  gan- 
glions thoraciques,  les  connexions  intimes  des  divers  territoires  du  grand 
sympathique  les  uns  avec  les  autres  et  avec  la  moelle,  enfin  les  relations 
anatomiques  des  capsules  et  des  ganglions  semi-lunaires  avec  les  pneumo- 
gastriques, nous  montrent  que  les  voies  réflexes  de  l'excitation  anormale 
subie  par  ces  ganglions,  s'étendent  bien  au  delà  de  la  cavité  abdominale, 
et  qu'elles' peuvent  n'avoir  d'autres  limites  que  celles  du  système  ner- 
veux lui-même.  Ainsi  l'anatomie  et  la  physiologie  contemporaines  justi- 
fient les  dénominations  de  centre  nerveux  de  la  vie  nutritive,  de  cerveau 
abdominal  que  les  anciens  avaient  attribuées  au  plexus  solaire. 

Avec  ces  données  l'interprétation  des  symptômes  n'a  plus  de  difficulté 
sérieuse.  A  l'impressionanormale  d'un  département  nerveux  répond  tou- 
jours une  modalité  fonctionnelle  anormale  dans  les  points  correspondants 
de  la  périphérie,  et  les  douleurs  gastriques,  hypochondriaques,  intesti- 
nales et  lombaires,  les  vomissements,  les  nausées,  sont  l'expression  di- 
recte de  l'excitation  morbide  des  plexus  stomachiques,  hépatiques  et 
mésentériques.  L'activité  nutritive  exagérée  d'où  dérivent  la  tuméfaction 
des  ganglions  mésentériques  et  celle  des  glandes  intestinales  résulte 
vraisemblablement  de  la  même  cause,  opinion  à  laquelle  la  découverte 
des  plexus  intestinaux  sous-muqueux  de  Meissner  et  des  plexus  inventé- 


728  BRONZÉE  (maladie).  —  pathogénie. 

riques  d'Auerbach  donne  un  haut  degré  de  probabilité.  Les  palpitations, 
qui  sont  bien  plus  rares  d'ailleurs  que  les  symptômes  précédents,  sont  la 
conséquence  de  la  participation  des  ganglions  thoraciques  à  l'excitation 
anormale  ;  les  syncopes  et  la  mort  par  syncope  peuvent  être  imputées  à 
l'inertie  subite  des  ganglions  semi-lunaires,  ainsi  que  nous  l'ont  appris 
les  recherches  de  Lobstein,  de  Brown-Séquard  et  de  Mattei  ;  enfin  la 
dyspnée  observée  chez  quelques  malades  n'a  rien  qui  puisse  surprendre, 
si  l'on  ne  perd  pas  de  vue  les  rapports  des  glandes  surrénales  et  des 
ganglions  cœliaques  avec  les  nerfs  vagues. 

On  sait  que  la  puissance  d'innervation  n'est  pas  illimitée,  et  que  le 
sympathique,  en  dernier  ressort,  tire  son  activité  de  l'appareil  cérébro- 
spinal ;  si  donc  le  sympathique  est  dans  un  état  permanent  d'excitation 
anormale,  si,  par  suite,  il  fait  incessamment  appel  aux  sources  de  son 
innervation,  ce  sont  les  centres  nerveux,  en  définitive,  qui  feront  les  frais 
de  cette  dépense  exagérée,  et  par  une  compensation  fatale  résultant  de 
ce  déplacement  de  forces,  les  fonctions  qu'ils  tiennent  directement  sous 
leur  dépendance  ne  pourront  être  maintenues  à  leur  degré  physiologique. 
De  là  cette  asthénie  générale  si  caractéristique,  qui,  en  l'absence  d'amai- 
grissement notable,  finit  par  condamner  les  malades  à  Un  repos  absolu. 

Une  réserve  cependant  doit  être  faite.  Les  observations  sont  muettes 
quant  à  l'état  de  la  moelle;  c'est  une  lacune  qu'il  est  indispensable  de 
faire  disparaître  ;  il  se  peut  que  des  lésions  secondaires  se  développent 
dans  cet  organe,  en  particulier  dans  la  substance  grise,  et  que  l'asthénie 
caractéristique  en  soit  la  manifestation  directe.  En  l'état  actuel  des  choses, 
les  éléments  font  défaut  pour  le  jugement  de  cette  présomption;  mais  je 
tenais  néanmoins  à  la  signaler  à  l'attention  des  observateurs.  A  mon  sens, 
l'histoire  anatomique  et  pathogénique  de  la  maladie  d'Addison  ne  sera 
complète  que  lorsqu'on  aura  soumis  la  moelle  à  l'analyse  microscopique 
dans  un  grand  nombre  de  cas  non  douteux. 

Reste  la  mélanodermie.  J'ai  montré  plus  haut  que  l'hypersécrétion 
pigmentaire  ne  peut  être  mise  sur  le  compte  d'une  altération  préalable 
du  sang,  et  qu'elle  doit  être  rapportée  à  cette  partie  du  système  nerveux 
qui  intervient  dans  les  actes  sécrétoires;  précisant  davantage,  je  dirai 
que  c'est  le  système  des  nerfs  sympathiques  vaso-moteurs  qui  est  ici  en 
cause;  ils  participent  nécessairement,  eux  aussi,  à  l'excitation  qui  a  son 
point  de  départ  dans  les  glandes  surrénales,  et  son  centre  d'irradiation 
dans  les  ganglions  semi-lunaires,  et  l'hyperémie  pigmentaire,  sur  la 
muqueuse  et  dans  les  viscères,  est  le  résultat  de  cette  modalité  fonction- 
nelle anormale.  Je  rappelle  que,  chez  quelques  malades,  on  a  constaté 
un  abaissement  de  la  température,  fait  qui  vient  à  l'appui  de  mon  opi- 
nion. Du  reste,  l'influence  des  nerfs  sur  la  production  du  pigment,  est 
bien  connue  comme  fait  général  ;  Érasmus  Wilson  et  Barlow,  ont  tous 
deux  rappelé  l'attention  sur  ce  point.  Quelques  faits  tendent  même  à 
prouver  que  la  surexcitation  des  nerfs  périphériques  est  accompagnée 
d'hyperémie  pigmentaire,  tandis  que  l'inertie  de  ces  mêmes  nerfs  a  pour 
résultat  la  diminution  de  cette  sécrétion.  Ainsi  Barlow  a  observé  un  homme 


BRONZEE  (maladie).  —  pathogénie.  729 

qui,  après  avoir  ressenti  pendant  une  année  des  douleurs  prurigineuses 
sur  la  presque  totalité  de  la  surface  cutanée,  devint  peu  à  peu  brun  comme 
un  mulâtre.  Il  ne  présentait,  du  reste,  aucun  autre  symptôme  de  la 
maladie  d'Addison.  Un  peu  plus  tard  une  paraplégie  vint  compliquer  son 
état  et  en  éclairer  l'origine.  Dans  un  autre  cas,  qui  est  rapporté  dans 
les  Annales  médicales  de  Vlnde,  il  s'agit  d'une  anesthésie  persistante  de 
la  cinquième  paire;  au  bout  d'un  certain  temps,  le  pigment  avait  disparu 
dans  toutes  les  parties  innervées  par  le  rameau  frontal  ;  puis  la  guérison 
eut  lieu,  et  la  coloration  normale  reparut  peu  après  la  sensibilité. 

Je  ne  sais  quel  accueil  est  réservé  à  l'interprétation  pathogénique  que 
je  viens  de  formuler;  je  ferai  simplement  remarquer  que,  fondée  tout 
entière  sur  Panatomie  et  la  physiologie,  elle  me  paraît  mieux  que  toute 
autre  rendre  compte  de  la  totalité  des  phénomènes.  Elle  a,  en  outre, 
deux  conséquences  extrêmement  importantes. 

Ce  n'est  pas  par  elles-mêmes  que  les  lésions  des  glandes  surrénales 
donnent  lieu  aux  symptômes  de  la  maladie  d'Addison,  c'est  par  l'influence 
qu'elles  exercent  sur  le  plexus  solaire  ;  on  conçoit  donc  que  d'autres 
lésions  abdominales  puissent  produire  les  mêmes  phénomènes,  du  mo- 
ment qu'elles  auront  sur  les  nerfs  et  les  ganglions  cœliaques  un  effet 
analogue  ;  mais  on  conçoit  aussi  que  cette  condition  sera  bien  plus  rare- 
ment réalisée,  vu  qu'aucun  organe  abdominal  ne  présente  avec  le  plexus 
solaire  des  connexions  aussi  intimes  et  aussi  multipliées  que  les  capsules 
surrénales. 

D'un  autre  côté,  le  mode  de  production  que  j'ai  assigné  aux  symptômes 
montre  clairement  que  la  mélanodermie  est  celui  dont  l'apparition  exige 
le  plus  de  temps  ;  les  douleurs,  les  vomissements,  la  faiblesse,  sont  des 
phénomènes  qui  peuvent  succéder  immédiatement  à  la  perturbation  ner- 
veuse qui  les  cause,  mais  une  hypersécrétion  suffisante  pour  altérer  la 
teinte  normale  de  la  peau,  ne  peut  être  l'œuvre  d'un  instant  ;  aussi  con- 
çoit-on que  des  individus,  à  l'autopsie  desquels  on  trouve  des  lésions  sur- 
rénales, aient  succombé,  après  avoir  présenté  tous  les  symptômes  de  la 
maladie  d'Addison,  sauf  la  mélanodermie.  Les  observations  récentes  de 
Hulke,  Gull  et  Haldane,  le  prouvent  péremptoirement.  Ces  deux  ordres  de 
faits,  pour  lesquels  manquait  une  explication  satisfaisante,  n'ont  plus  rien 
d'anormal  dans  la  théorie  que  j'ai  exposée;  et  muni  de  ces  données,  nous 
pouvons  examiner  d'un  peu  plus  près  les  cas  réfractaires  dont  j'ai  donné 
plus  haut  les  tableaux.  Cet  examen  est  le  complément  logique  de  cette 
étude  de  pathogénie. 

Dans  un  premier  groupe  j'ai  réuni  17  observations  de  mélanodermie 
sans  lésions  des  capsules  surrénales.  Or  je  me  suis  attaché  à  le  montrer, 
la  mélanodermie,  et  surtout  la  mélanodermie  partielle,  ne  suffit  pas  pour 
constituer  le  mal  d'Addison;  il  y  a  d'autres  symptômes  qui,  pour  être 
moins  frappants,  ne  sont  pas  moins  nécessaires,  et  si  j'examine  à  ce  point 
de  vue  ces  17  observations,  je  vois  que,  dans  six  cas  seulement  (obs.  2, 
6,  7,  12,  14,  15),  les  malades  ont  présenté  l'ensemble  des  phénomènes 


750  BRONZÉE  (maladie):  —  pathogénie. 

caractéristiques.  Les  autres  faits  sont  donc  des  exemples  de  coloration 
brune  plus  ou  moins  étendue  des  téguments,  ce  ne  sont  pas  des  exemples 
de  maladie  d'Addison.  Malheureusement,  dans  les  six  cas  qui  ne  tombent 
pas  sous  le  coup  de  cette  objection,  il  n'y  a  pas  eu  d'examen  microsco- 
pique, de  sorte  que  l'intégrité  des  capsules  peut  bien  n'avoir  été  qu'appa- 
rente; il  est  bien  certain  que  dans  l'observation  14,  due  à  Pollock,  par 
exemple,  les  lésions  ne  devaient  pas  être  bien  considérables,  puisque  la  mé- 
lanodermie,  les  nausées  et  les  vomissements  ne  se  sont  montrés  que  trois 
jours  avant  la  mort.  Enfin,  dans  plusieurs  des  cas  où  la  mélanodermie  a 
été  le  seul  phénomène,  il  y  avait  dans  l'abdomen  d'autres  lésions  pouvant 
agir  indirectement  sur  le  plexus  solaire,  ainsi  que  je  le  disais  plus  haut. 
Cette  première  série  de  faits  ne  prouve  donc  rien  ni  contre  les  127  obser- 
vations positives  sur  lesquelles  est  basée  notre  étude,  ni  contre  la  théorie 
que  j'ai  exposée. 

Le  second  groupe  comprend  58  faits  dans  lesquels  on  a  constaté  des 
lésions  des  capsules  surrénales,  chez  des  individus  qui  n'avaient  pas  pré- 
senté de  mélanodermie.  Eh  bien,  tous  ces  faits,  à  l'exception  de  trois 
(obs.  12,  19,  54),  présentent  une  lacune  qui  en  diminue  singulièrement 
la  valeur.  Il  est  bien  dit  que  la  mélanodermie  a  fait  défaut,  mais  il  n'est 
pas  dit  si  les  autres  symptômes  de  la  maladie  d'Addison  ont  également  man- 
qué, et  l'absence  de  ce  renseignement  important  rend  le  jugement  difficile 
et  l'appréciation  douteuse.  D'autre  part,  dans  douze  cas,  une  seule  capsule 
était  lésée,  et  il  est  permis  de  croire  que  l'unité  ou  la  dualité  de  la  lésion 
n'est  pas  indifférente  quant  aux  résultats  produits.  Puis,  dans  neuf  autres 
cas  où  la  mort  a  été  plus  ou  moins  brusque,  il  est  dit  expressément  que 
la  lésion  capsulaire  était  de  date  récente,  de  sorte  que  la  mélanodermie  a 
bien  pu  manquer,  ainsi  que  cela  a  eu  lieu  chez  les  malades  des  obs.  12, 
19  et  54,  qui  ont  présenté,  eux,  les  symptômes  du  mal  surrénal,  sauf  la 
coloration.  Notons  en  passant  que  dans  un  de  ces  cas  (obs.  54),  le  ganglion 
semi-lunaire  droit  et  ses  rameaux  efférents  étaient  englobés  dans  la  masse 
morbide  formée  par  la  capsule;  à  gauche  le  ganglion  était  libre,  mais  ses 
rameaux  étaient  entourés  par  la  tumeur.  L'autopsie  a  été  faite  par  Gull, 
en  présence  de  Wilks. 

Je  ferai  remarquer  en  outre  que,  dans  un  grand  nombre  de  cas,  la 
lésion  des  capsules  était  partielle,  et  que  l'insuffisance  des  détails  ne  per- 
met pas  de  juger  de  l'état  de  la  substance  médullaire^  On  conçoit  toute 
la  gravité  de  cette  lacune. 

Enfin,  un  dernier  point  me  frappe,  qui  mérite  d'être  signalé,  c'est  la 
grande  fréquence  des  lésions  cancéreuses  dans  les  cas  de  ce  second  groupe;  sur 
58  faits  il  y  en  a  21  dans  lesquels  on  a  trouvé  avec  un  cancer  des  capsules 
des  cancers  viscéraux  plus  ou  moins  nombreux.  Or,  en  étudiant  plus  haut 
les  cas  de  maladie  d'Addison  symptomatique,  nous  avons  vu  que  sur  65, 
5  seulement  se  rapportaient  à  la  diathèse  cancéreuse;  ainsi,  sur  127  ob- 
servations positives  de  maladie  bronzée  complète  avec  lésions  surrénales, 
5  fois  seulement  le  mal  a  coïncidé  avec  l'affection  cancéreuse,  et  sur  les 
58  cas  dits  négatifs  de  lésion  sans  symptômes,  21  appartiennent  à  cette 


BRONZÉE  (maladie).  —  traitement.  731 

diathèse.  Il  y  a  vraiment  lieu  de  s'arrêter  sur  cette  différence  de  chiffres, 
et  l'on  peut  se  demander  si  la  nature  de  la  lésion  n'a  pas,  aussi  bien  que- 
son  siège,  une  influence  réelle  sur  le  développement  des  accidents  consti- 
tutionnels et  cutanés.  L'observation  ultérieure  répondra  à  cette  question, 
mais  je  tenais  d'autant  plus  à  la  poser  qu'elle  permet  déjuger  plus  exac- 
tement la  portée  des  faits  négatifs  dont  nous  venons  de  nous  occuper. 

En  résumé,  les  observations  complètes  et  probantes  sont  aujourd'hui 
assez  nombreuses  pour  dissiper  tous  les  doutes  sur  la  réalité  de  la  maladie 
d'Addison.  Tout  imparfait  qu'il  est,  ce  nom  serait  préférable  peut-être  à 
celui  de  maladie  bronzée,  qui  a  l'inconvénient  de  désigner  la  maladie  par 
un  symptôme  unique,  lequel,  comme  tous  les  symptômes,  peut  manquer  ; 
mais  la  dénomination  de  maladie  ou  d'asthénie  surrénale  me  paraît  la  meil- 
leure, à  condition  qu'on  attache  à  cette  expression  l'idée  d'une  maladie 
dépendant  d'une  perturbation  de  l'appareil  nerveux  surrénal  et  du  plexus 
solaire.  Ainsi  précisée,  la  relation  pathogénique  est  juste,  mais  elle  ne 
l'est  pas  dans  les  termes  d'Addison  et  des  auteurs  qui  établissent  un  rap- 
port direct  et  immédiat  entre  la  lésion  des  glandes  surrénales  et  les  phé- 
nomènes symptomatiques.  Ce  rapport  est  médiat,  la  lésion  de  ces  organes 
n'est  pas  la  seule  qui  puisse  le  mettre  en  jeu,  et  le  foyer  de  production 
des  symptômes  est,  dans  tous  les  cas,  le  plexus  solaire  et  ses  dépendances. 
C'est  là,  du  moins,  ce  que  j'espère  avoir  établi,  et  ce  qui  me  paraît  res- 
sortir directement  de  l'étude  des  faits.  On  peut  donc  assimiler  le  com- 
plexus  morbide,  maladie  surrénale,  à  une  névrose,  qui,  chez  les  individus 
prédisposés,  se  développe,  suivant  un  mécanisme,  toujours  le  même,  soit 
sous  l'influence  de  lésions  des  glandes  surrénales,  soit  sous  l'influence 
d'autres  lésions  abdominales,  agissant  sur  les  ganglions  semi-lunaires  à  la 
manière  des  altérations  surrénales.  Cette  névrose  peut-elle  naître  sponta- 
nément en  l'absence  de  toute  lésion  remplissant  le  rôle  de  cause  excitante, 
et  par  le  seul  fait  d'une  excitabilité  exagérée  du  sympathique  abdominal  ? 
La  chose  est  possible,  mais  elle  n'est  point  démontrée. 

Traitement.  —  Ce  paragraphe  doit  malheureusement  être  très-court; 
ce  que  nous  avons  dit  du  pronostic  en  fait  assez  comprendre  la  raison. 
Une  médication  puissamment  reconstituante,  telle  est  l'indication  formelle 
que  fournit  l'asthénie,  et  cette  indication  sera  remplie  par  les  préparations 
de  fer  et  de  quinquina,  auxquelles  on  joindra  quelque  vin  riche  en  alcool, 
du  Banyuls,  par  exemple.  Si  la  maladie  est  symptomatique,  le  traitement 
devra  être  subordonné  à  celui  de  l'affection  génératrice  ;  ainsi,  chez  les 
scrofuleux,  chez  les  tuberculeux,  on  administrera  concurremment  l'huile 
de  foie  de  morue.  Lorsque  la  maladie  est  primitive,  il  faut  avoir  soin  de 
se  renseigner  complètement  sur  les  antécédents  du  patient,  car  si  l'on 
découvre  chez  lui  des  traces  d'intoxication  palustre,  de  syphilis,  de 
goutte  ou  de  rhumatisme,  le  quinquina,  l'iodure  de  potassium,  les  pré- 
parations alcalines  et  arsenicales  pourront  être  utilement  adjoints  à  la 
médication  tonique.  Dans  certains  cas,  les  vomissements  et  les  douleurs 
gastriques  sont  tellement  prédominants,  qu'il  faut  les  combattre  directe- 
ment; en  raison  de  leur  origine,  c'est  aux  révulsifs  cutanés  et  aux  moyens 


732  BRONZEE  (maladie).  —  bibliographie. 

dits  antispasmodiques  qu'il  convient  d'avoir  recours;  je  crois  qu'on  pour- 
rait obtenir  de  bons  résultats  avec  les  injections  sous-cutanées  d'atropine 
dans  la  région  épigastrique. 

Le  bromure  de  potassium  a  produit  parfois  une  rémission  favorable 
dans  la  marche  des  accidents,  et  le  bromure  d'ammonium,  entre  les  mains 
de  Gibb,  a  amené  également  une  amélioration  momentanée.  Je  n'oserais, 
pour  ma  part,  insister  sur  l'emploi  de  ces  agents;  leur  action  hyposthéni- 
sante  n'est  certainement  pas  limitée  à  la  sphère  du  sympathique,  et  je 
craindrais  qu'elle  ne  contribuât  à  augmenter  la  torpeur  des  centres  ner- 
veux. Mais,  en  raison  de  la  genèse  probable  des  symptômes,  on  pour- 
rait tenter  de  combattre  l'influence  du  processus  local  qui  y  donne 
lieu,  au  moyen  de  vésicatoires  ou  de  cautères  dans  la  région  des  glandes 
surrénales.  Enfin,  si  cette  médication  révulsive,  qui  n'est  applicable 
que  dans  les  premières  phases  de  la  maladie,  reste  inefficace,  si  l'asthénie 
torpide  de  la  dernière  période  apparaît,  on  devra  recourir  à  l'emploi 
méthodique  de  l'électricité,  dans  le  but  de  réveiller  et  de  soutenir 
l'excitabilité  défaillante  du  système  nerveux  central. 

Dans  l'index  qui  suit,  je  n'ai  pas  reproduit  les  indications  bibliographiques  contenues  dans  mes 

tableaux;  mais  j'ai  consigné  les  travaux  et  les  mémoires  qui  ne  se  bornent  pas  à  la  simple  re- 
lation de  quelques  faits. 

Addison',  On  the  constitutional  and  local  Effects  of  disease  of  the  suprarenal  capsules.  London, 
1855. 

Hutchinson  (J.),  Séries  iilustrating  the  connexion  between  bronzed  skin  and  disease  of  the  supra- 
renal capsules  [Med.  Times  and  Gaz.,  1855-1850). 

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1855). 

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desima  (Gaz.  med.  ital.  Statisardi,  1857). 

X...,  Sulla  malaltia  bronzina  o  dell'  Addison,  e  sulle  capsule  soprarenali    Gaz.  med.  ital.  Lom- 
bardia, 1857). 

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Fereer,  Melanotiscber  Krebs  (Archiv.  der  Heilkunde,  1865). 
Eccles,  Case  of  Melanosis  (Med.  Times  and  Gaz.,  1864). 
Wagner  (E),  Pigmentkrebs  (Archiv.  der  Heilkunde,  \SQi). 
Greenhow,  Addison's  Disease  (Med.  Times  and  Gaz.,  1864). 
Meyer,  Fall  von  Addison'scher  Krankheit  (Deutsche 'Klinik,  1864). 
Dyster,  The  Lancet,  1864. 

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Stark,  lena'sche  Zeitschr.,  1864. 
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ANATOMIE    ET   PHYSIOLOGIE. 

Les  travaux  que  j'ai  cités  dans  le  cours  de  l'article  sont  seuls  consignés  ici. 

Bergmann,  Dissert,  de  glandulissuprarenalibus.  Gœttingen,  1859. 

Henle,  Anatomie  générale. 

Berrutie  Perosino,  Giornale  délia  B.  Accademiadi  Medicina  di  Torino,  1856. 

Bbown-Sequard,  Coînpt.  rend.  Acad.  Se.  Paris,  1856.  —  Arch.  gén.  de  méd.,  1856.  —  Journ,  de 
physiolog.,  1858. 

JIabershon,  Gug's  Hospital  Beports,  1856. 

Vulpian,  Compt.  rend.  Acad.  Se.  Paris.  185G. 

Gratiolet,  Eod.  loco,  1856. 

Pmilipeaux,  Eod.  loco,  1857. 

Seugsoiin,  De  pigmentis  pathologicis  ac  morbo  Addisonii,  adjecta  chemia  glandularum  suprarena- 
lium.  Berolini.  1858. 

Tigri,  Sulle  granulazioni  grassose  corne  elemento  morfologico  normale  délie  cassule  soprarenali, 
e  suU'  origine  del  coloramento  rosso  di  questi  organi,  trattati  con  alcuni  reagenti  (lo  Speri- 
mentale, 1858). 

Harley,  The  Histology  of  the  suprarenal  Capsules  (Med.  chir.  Beview,  1858). 

Benvenisti,  Sulle  capsule  soprarenali,  sul  diabète  e  sulla  saccariiicazione  animale  morbosa  (Acca- 
demia  die  Padova.  —  Arch.  gén.  de  méd.,  1857). 

Kolliker,  Handbuch  der  Gewebelehre  des  Menschen.  Leipzig.  1865. 

Schiff  (M.),  SulPestirpazione  délie  capsule  soprarenali  (/' Impartiale ,  1863). 

Jaccoud. 


BRUCINE.    CHIMIE    ET    PHARMACOLOGIE.  755 

Ititl  4  D  \  E.  —  La  brucine  est  un  alcaloïde  qui  accompagne  la  stry- 
chnine dans  la  noix  vomique,  et  qui  s'en  distingue  par  la  coloration 
rouge  qu'elle  acquiert  au  contact  de  l'acide  nitrique.  Son  nom  lui  vient 
de  ce  que  l'écorce  de  la  fausse  angusture,  d'où  elle  fut  d'abord  retirée 
en  1819,  par  Pelletier  et  Caventou,  était  improprement  appelée  Brucea 
dijsenterica  (voy.  Angusture  fausse,  torne  II,  512). 

Chimie  et  pharmacologie.  —  La  brucine  est  une  substance  blanche, 
solide,  cristallisable  en  prismes  droits,  à  base  rhomboïdale  ,  qui  ren- 
ferment 8  équivalents  ou  14,45  pour  100  d'eau  de  cristallisation.  Sa  for- 
mule chimique  est  C46H2GAz2Os8HO.  Obtenue  d'une  dissolution  alcoolique 
saturée,  elle  a  la  forme  d'écaillés  nacrées,  et  présente  l'apparence  de 
l'acide  borique.  Sa  saveur  est  très-amère  ;  elle  est  peu  soluble  dans  l'eau, 
quoiqu'elle  s'y  dissolve  mieux  que  la  strychnine.  L'alcool  la  dissout  très- 
facilement,  et  la  solution  dévie  à  gauche  le  plan  de  polarisation  de  la  lu- 
mière. Le  pouvoir  rotatoire  de  la  brucine  est  exprimé  par  :  [a],.  = 
—  Gl°27.  L'éther  et  les  huiles  grasses  ne  la  dissolvent  pas;  elle  est  peu 
soluble  dans  les  huiles  volatiles. 

Exposée  aune  température  un  peu  supérieure  à  celle  de  l'eau  bouillante, 
la  brucine  fond  dans  son  eau  de  cristallisation,  et  présente  alors  l'appa- 
rence de  la  cire  en  fusion. 

L'acide  nitrique  concentré  donne,  avec  la  brucine,  une  réaction  carac- 
téristique; même  à  froid,  il  la  colore  immédiatement  en  rouge  foncé,  et 
si  l'on  ajoute  du  protochlorure  d'étain  au  mélange,  on  voit  la  coloration 
rouge  se  changer  en  un  beau  violet. 

Le  chlore  ne  produit  aucun  effet  immédiat  sur  une  solution  de  bru- 
cine ;  mais;  au  bout  de  quelque  temps,  il  y  fait  naître  une  coloration 
jaune,  qui  vire  progressivement  au  rouge.  La  teinture  d'iode,  versée  dans 
une  solution  alcoolique  de  brucine ,  y  détermine  un  précipité  orange 
à'iodobriitine,  combinaison  d'iode  et  de  brucine. 

Pour  obtenir  la  brucine,  on  prend  les  eaux  mères  de  la  préparation 
de  la  strychnine,  on  les  évapore  en  consistance  sirupeuse,  et  on  y 
ajoute  de  l'acide  sulfurique,  de  manière  à  dépasser  légèrement  le  terme 
de  la  saturation.  Le  mélange,  abandonné  à  lui-même  pendant  quelques 
jours,  dépose  des  cristaux  de  sulfate  de  brucine.  Ces  cristaux  sont 
redissous  dans  l'eau  bouillante,  et  la  solution,  décolorée  par  le  char- 
bon animal,  abandonne  de  la  brucine  à  peu  près  pure  par  l'action  de 
l'ammoniaque. 

La  brucine  se  combine  avec  les  acides  en  donnant  des  sels  cristalli- 
sables,  caractérisés  par  la  coloration  rouge  qu'ils  prennent  au  contact  de 
l'acide  nitrique.  Ces  sels  sont  décomposés,  non-seulement  par  les  alcalis 
minéraux,  mais  encore  par  la  morphine  et  par  la  strychnine  qui  en  préci- 
pitent la  brucine.  Étendus  d'eau  et  mélangés  avec  un  léger  excès  d'acide 
tartrique,  ils  ne  se  troublent  pas  par  l'addition  des  bicarbonates  alcalins. 

Thérapeutique.  —  La  brucine  agit  sur  l'économie  animale  à  la  manière 
de  la  strychnine,  mais  avec  beaucoup  moins  d'énergie.  C'est  précisément 
en  raison  de  cette  circonstance,  que  Bricheteau  regarde  son  emploi  théra- 


736  BïlUCINE.  —  bibliographie. 

peutique  comme  très-précieux,  puisqu'elle  peut  être  maniée  plus  facile- 
ment que  la  strychnine,  et  qu'elle  est  moins  sujette  à  occasionner  des 
accidents. 

C'est  surtout  dans  les  diverses  espèces  de  paralysies  que  Bricheteau  a 
employé  la  brucine  avec  succès.  Il  cite  des  cas  de  paralysie  saturnine  et  de 
paralysie  datant  de  plusieurs  mois,  où  l'emploi  de  la  brucine  a  complè- 
tement réussi.  Il  en  a  également  obtenu  de  bons  effets  dans  le  traitement 
des  hémiplégies  survenues  à  la  suite  d'apoplexie;  mais  il  fait  remarquer 
qu'en  pareil  cas  il  est  nécessaire  d'attendre  que  six  mois  se  soient  écoulés 
depuis  l'attaque.  Toute  tentative  de  guérison  avant  ce  terme  est  dange- 
reuse et  peut  entraîner  des  accidents  graves,  par  suite  d'une  action  toxique 
de  la  brucine  sur  le  système  cérébro-spinal. 

Les  premières  observations  de  Bricheteau  l'avaient  porté  à  croire  qu'on 
devait  commencer  par  donner  au  malade  1,  2  ou  5  centigrammes  de  bru- 
cine, et  s'arrêter  à  10  centigrammes.  Mais  depuis,  cet  habile  praticien 
s'est  assuré  qu'on  pouvait  commencer  sans  inconvénient  par  6  et  même 
10  centigrammes,  et  augmenter  progressivement  de  1  à  2  centigrammes 
par  jour  jusqu'à  50  centigrammes,  en  suivant,  toutefois,  avec  attention, 
les  effets  du  médicament,  et  en  se  préparant  à  réduire  la  dose,  si  les 
secousses  sont  trop  fortes. 

Dans  un  travail  récent  adressé  à  l'Académie  de  médecine ,  Lepelletier 
a  cherché  à  résumer  les  effets  physiologiques  et  thérapeutiques  de  la  bru- 
cine. Les  effets  physiologiques,  quoique  analogues  sous  certains  rapports 
à  ceux  de  la  strychnine,  présenteraient,  selon  lui,  des  particularités 
dignes  d'intérêt.  Jamais  la  brucine  ne  détermine  cette  roideur  tétanique 
que  l'on  observe  si  fréquemment  après  l'emploi  de  la  strychnine,  ni  les 
spasmes  produits  par  le  dernier  agent  dans  les  muscles  élévateurs  de  la 
mâchoire,  le  pharynx  et  l'œsophage.  Les  muscles  du  pénis  sont,  au  con- 
traire, manifestement  influencés  par  la  brucine. 

Sous  le  rapport  thérapeutique,  Lepelletier  a  cru  reconnaître  que  la 
brucine  réussit  surtout  dans  la  paralysie  succédant  à  une  myélite  arrêtée 
dans  sa  marche,  ou  à  une  simple  congestion  de  la  moelle.  C'est  sous 
forme  pilulaire  qu'on  doit  l'administrer,  afin  de  déguiser  son  amertume. 
On  la  donne  d'abord  à  la  dose  de  2  centigrammes  ;  le  lendemain,  on  la 
porte  à  4  centigrammes,  et  on  augmente  ainsi  progressivement  en  propor- 
tionnant les  doses  aux  effets  produits.  On  peut,  suivant  Lepelletier,  arriver 
jusqu'à  75  et  même  90  centigrammes,  sans  crainte  de  voir  survenir 
d'accidents. 

Bricheteau,  Emploi  de  la  brucine  dans  les  paralysies  (Gazette  des  hôpitaux,  janvier  1845;  Bull, 
de  thérapeutique,  t.  XXVIII,  p.  157). —  De  l'emploi  de  la  brucine  dans  le  traitement  de  la 
paralysie  (Bull,  de  thérapeutique,  184G,  t.  XXX,  p.  65).  —  Paraplégie  datant  de  plusieurs 
mois;  emploi  de  la  brucine  à  haute  dose  (Bull,  de  thérapeutique ,  Paris,  1848,  t.  XXXIV. 
p.  559).  —  Bons  effets  de  la  brucine  dans  la  paralysie  saturnine  (Bull,  de  thérapeutique,  1850, 
t.  XXXIX,  p.  524). 

Lepelletier,  Sur  les  effets  physiologiques  et  thérapeutiques  de  la  brucine  (Bull,  de  thérapeutique. 
1851,  t.  XL,  p.  154). 

II.    BuiGNET. 


BRULURE.  737 

BRULURE.  —  On  doit  donner  le  nom  de  brûlure  à  l'inflammation 
et  à  la  désorganisation  que  produit  sur  les  tissus  vivants  l'action  intense  ou 
prolongée  du  calorique.  Cette  action  d'un  corps  chargé  de  calorique  sur 
nos  tissus  s'exerce  à  distance  ou  au  contact  ;  de  là  deux  variétés  des  brû- 
ures,  brûlure  par  rayonnement,  brûlure  au  contact.  L'effet  de  la  brûlure 
à  distance  ou  par  rayonnement  varie  avec  la  chaleur  du  foyer  et  la  pro- 
longation de  son  action.  La  distance  peut  être  énorme  puisque  les  rayons 
solaires  la  produisent  ;  ils  donnent  lieu  au  coup  de  soleil  le  plus  souvent 
simple  érythème,  mais  par  exception  accompagné  d'une  vive  inflam- 
mation et  même  parfois  de  gangrène  (Dupuytren),  un  foyer  ardent  à  pe- 
tite distance  agit  de  la  même  manière  :  la  vive  irritation  qu'il  cause  sur 
une  partie  découverte  est  utilisée  dans  la  thérapeutique  chirurgicale  ;  la 
peau  devient  rapidement  rouge  et  cuisante,  cette  irritation  n'est  alors 
que  temporaire,  mais  on  observe  souvent  chez  les  femmes  qui  font  usage 
de  chaufferettes,  et  les  vieillards,  qui  restent  pendant  des  heures  au  coin 
du  feu  sans  garantir  leurs  jambes,  un  autre  effet  de  l'action  modérée,  et  à 
la  fois  prolongée  et  répétée  du  calorique  à  distance,  la  peau  des  parties 
exposées  soit  à  nu,  soit  même  revêtues;  se  couvre  de  plaques  brunes, 
violacées,  marbrées,  irrégulières,  qui  ne  disparaissent  plus,  et  quelquefois 
d'ulcérations  rebelles. 

La  brûlure  au  contact  est  produite  dans  des  circonstances  si  variées 
qu'il  est  nécessaire  d'entrer  dans  quelques  détails  sur  les  diverses  con- 
ditions des  corps,  qui  transmettent  par  contact  le  calorique  à  nos  tissus. 
Ils  sont  solides,  liquides,  ou  gazeux. 

Les  solides  produisent  des  brûlures  d'autant  plus  profondes  qu'ils  ont 
plus  de  capacité  pour  le  calorique,  et  que  leur  application  a  plus  de  du- 
rée. Leur  faculté  conductrice  joue  un  grand  rôle;  aussi  les  métaux  en 
ignition  sont  de  tous  les  solides,  ceux  qui  produisent  les  brûlures  les 
plus  profondes  dans  le  plus  court  espace  de  temps.  La  rapidité  de  leur 
action  est  prodigieuse  quand  ils  sont  en  fusion,  Bégin  a  rapporté  l'his- 
toire d'un  jeune  homme,  qui  ayant  posé  par  mégarde  le  pied  dans  une 
rigole  où  le  métal  en  fusion  allait  couler,  fut  atteint  par  le  flot  delà  fonte, 
et  n'en  retira  qu'un  membre  privé  du  pied  et  de  la  partie  inférieure  de 
la  jambe.  Les  verriers,  les  forgerons,  sont  exposés  aux  brûlures  causées 
par  les  solides  en  ignition.  Parmi  ces  solides,  il  en  est  qui  fondent  en  brû- 
lant, et  s'attachent  aux  tissus  qu'ils  consument,  tels  sont  le  phosphore, 
le  soufre,  les  résines  ;  leur  effet  se  rapproche  de  ceux  de  la  flamme,  qui 
résulte  de  la  combustion  des  gaz,  du  bois,  des  vêtements.  Or  la  flamme, 
dont  l'intensité  peut  varier  suivant  les  corps,  qui  la  fournissent,  a  pour 
caractère  de  s'attacher  aux  tissus,  qu'elle  embrasse,  et  suivant  Dupuytren, 
de  les  entraîner  à  partager  le  mouvement  de  combustion,  dont  elle  est 
animée;  elle  dessèche  et  racornit  les  téguments,  les  fait  éclater,  et  arrive 
aux  couches  graisseuses,  qui  bientôt  bouillonnent  en  quelque  sorte,  et 
produisent  une  flamme  nouvelle,  dont  l'effet  s'ajoute  à  la  première  et 
étend  ses  ravages  ;  aussi  les  brûlures  produites  par  la  flamme  des  vête- 
ments sont-elles  aussi  profondes  qu'étendues  en  surface. 

NOi:V.    DICT.    WÉD.   ET   CHIP.  V.    47 


758  BRULURE. 

La  conflagration  des  gaz  donne  lien  à  des  brûlures  remarquables  par 
leur  rapidité  et  leur  étendue  en  surface  :  l'alcool,  l'éther,  la  térébenthine^ 
la  benzine,  le  gaz  des  latrines,  l'huile  de  pétrole  enflammée  par  impru- 
dence offrent  fréquemment  l'occasion  d'observer  cette  variété  de  brûlure. 
La  poudre  à  canon  produit  un  effet  semblable,  et  par  le  fait  de  l'explo- 
sion introduit  dans  les  téguments  une  plus  ou  moins  grande  quantité  de 
grains  de  poudre  et  de  poussière  de  charbon;  comme  je  l'ai  dit  plus  haut, 
c'est  plus  encore  par  leur  étendue  en  surface  que  par  leur  profondeur 
que  les  brûlures  causées  par  les  gaz  enflammés  sont  dangereuses.  Les 
gaz  en  s'enflammant  font  une  explosion  soudaine  accompagnée  d'un  dé- 
gagement de  calorique  instantané,  qui  agit  largement,  mais  dont  l'effet 
se  dissipe  promptement.  On  peut  en  dire  autant  de  la  vapeur  d'eau  lors 
de  l'explosion  des  machines  à  vapeur;  cependant  si  le  jet  de  la  vapeur 
continue  pendant  quelques  minutes  sur  les  mêmes  parties,  les  brûlures 
sont  très-profondes  ;  les  tissus  brûlés,  imbibés  d'eau  bouillante,  sont  ra- 
pidement cuits  et  se  détachent  à  une  traction  modérée  ;  leur  résistance 
n'est  pas  supérieure  à  celle  des  aliments  que,  dans  l'art  culinaire,  on  dit 
cuits  au  court  bouillon.  Lors  de  l'horrible  accident  du  chemin  de  fer  de 
Versailles  en  1842,  qui  coûta  la  vie  à  Dumont  Durville,  le  cadavre  d'une 
jeune  femme  fut  tellement  cuit  par  la  vapeur  d'eau,  que  l'un  de  ses  pieds 
resta  dans  la  main  d'un  homme  chargé  d'extraire  des  wagons  les  corps 
des  brûlés.  11  n'avait  fallu  que  quelques  minutes  pour  produire  un  pareil 
degré  de  ramollissement  des  tissus  trempés  par  la  vapeur. 

Aucun  récit  ne  peut  donner  une  idée  plus  juste  et  plus  terrible  des 
effets  de  la  vapeur  de  l'eau  bouillante  que  la  relation  consignée  dans  le 
Traité  de  chirurgie  navale  de  Saurel  (1861)  de  l'explosion  de  la  chau- 
dière du  yacht  royal  le  Comte  d'Euj Je  2  août  1847,  et  de  celle  de  la 
chaudière  du  Roland,  le  24  septembre  1858. 

On  y  constate  à  la  fois  la  brûlure  et  pour  ainsi  dire  la  coction  des  tégu- 
ments extérieurs  et  intérieurs,  car,  dans  Tévaporation,  la  vapeur  a  péné- 
tré profondément  dans  le  pharynx,  le  larynx,  la  trachée  et  les  bronches, 
en  arrêtant  toutefois  son  action  en  deçà  des  dernières  ramifications  bron- 
chiques, ce  qui  a  été  démontré  par  l'autopsie  des  cadavres,  et  qui  s'ex- 
plique, ce  me  semble,  plutôt  par  la  moindre  étendue  de  l'inspiration  dans 
la  vapeur  que  par  l'épuisement  de  son  action  pendant  son  trajet  dans  les 
voies  aériennes,  ainsi  que  cela  a  été  avancé.  Il  suffira  de  citer  les  lésions 
observées  après  quelques  minutes  de  l'immersion  des  malheureux  blessés 
dans  la  vapeur  pour  avoir  une  idée  de  la  rapidité  et  de  la  profondeur  de 
son  action.  Trois  cadavres  et  seize  blessés  sont  retirés  de  la  chambre  des 
machines  et  portés  sur  le  pont  du  yacht  le  Comte  d'Eu.  A  la  place  où  le 
cadavre  d'un  des  chauffeurs  a  été  relevé  du  parquet  de  la  machine,  se 
trouve  un  vaste  lambeau  représentant  la  surface  de  toute  la  partie  pos- 
térieure du  corps  de  cet  homme,  qui  était  nu  au  moment  de  l'accident. 
En  déshabillant  les  brûlés,  on  entraîne  avec  leurs  vêtements  des  portions 
de  peau  et  il  apparaît  de  vastes  surfaces  dénudées...  Plusieurs  de  ces 
malheureux  sont  entièrement  dépouillés  d'épiderme,  les  ongles  des  pieds 


BRULURE.  739 

et  des  mains  pendent  à  l'extrémité  des  lambeaux  ;  en  quelques  heures, 
six  des  blessés  succombent,  deux  dans  le  coma,  deux  autres  à  la  douleur 
et  dans  un  délire  furieux,  deux  enfin  en  présentant  des  accidents  compa- 
rés par  le  narrateur  aux  accès  d'une  véritable  laryngite  diphthéritique, 
tous  avaient  respiré  la  vapeur  et  se  plaignaient  à  des  degrés  différents 
d'une  ardeur  insupportable  au  larynx  et  de  suffocation,  plusieurs  étaient 
pris  de  toux  convulsive;  l'un  deux,  matelot-chauffeur,  en  proie  à  d'af- 
freux accès  de  suffocation,  mourut  au  bout  de  quelques  heures  dans 
une  véritable  asphyxie,  au  milieu  d'une  lutte  effrayante;  un  autre,  au  bout 
de  cinq  mois  et  après  une  toux  continuelle,  succomba  à  la  phthisie  pul- 
monaire; enfin  un  contre-maître,  qui  survécut,  toussa  continuellement 
depuis  cette  époque  et  présentait  dix  ans  après  une  laryngo-bronchite 
chronique. 

Des  phénomènes  analogues  à  peu  près  identiques  sont  observés  à  la  suite 
de  l'explosion  de  la  chaudière  du  Roland,  le  2i  septembre  1858.  «  La 
peau  de  la  face  était  chez  presque  tous,  blanche,  sans  ressort,  comme 
bouillie...  Chez  quelques-uns,  la  brûlure  était  générale,  toute  la  peau 
humide  et  grisâtre  perdait  son  épiderme  comme  un  cadavre  de  plusieurs 
semaines,  les  ongles  pendaient  au  bout  des  doigts  avec  l'épiderme  déta- 
ché en  gantelets.  Ceux  dont  les  voies  aériennes  étaient  profondément 
atteintes  avaient  la  voix  rauque  et  entrecoupée,  faisaient  entendre  de 
sourds  gémissements,  ils  rendaient  avec  effort  l'épiderme  de  la  langue, 
des  parois  de  la  bouche  et  même  de  l'épiglotte  ;  on  voyait  au  fond  du 
gosier  l'épithélium  roulé  en  faisceaux  blanchâtres,  etc.,  etc.  » 

Une  autopsie  faite  pour  constater  l'état  des  voies  aériennes  et  de  la 
partie  supérieure  du  tube  digestif,  donna  les  résultats  suivants  :  la  mu- 
queuse des  lèvres  est  pâle,  comme  macérée,  il  est  très-facile  de  la  déta- 
cher des  tissus  sous-muqueux  et  glanduleux.  La  langue,  complètement 
dépouillée,  est  rouge  et  saignante;  on  distingue  assez  facilement  la  direc- 
tion des  fibres  du  génio-glosse  mis  à  nu.  La  voûte  palatine  et  le  voile  du 
palais  sont  également  privés  de  muqueuse.  Celle  du  pharynx  est  ré- 
duite en  une  espèce  de  pulpe  blanchâtre  mêlée  à  du  mucus  gluant;  la 
muqueuse  de  l'épiglotte,  boursoufflée,  surtout  vers  sa  surface  supérieure, 
semble  avoir  disparu  sur  les  bords  de  ce  fibro-cartilage. 

La  cavité  du  larynx  est  rouge-brun...  La  muqueuse  se  détache  avec 
la  plus  grande  facilité,  même  au  simple  contact  du  doigt.  Mêmes  désor- 
dres dans  la  trachée  et  les  bronches,  mais  à  un  moindre  degré  ;  la  surface 
extérieure  des  poumons  est  d'une  teinte  générale  lie  de  vin,  leur  paren- 
chyme coloré  comme  la  rate  est  gorgé  de  sang  noir;  cependant  ils  surna- 
gent, et  la  pression  en  exprime  un  mucus  spumeux. 

L'incendie  du  bagne  flottant  le  Santi-Petri,  dans  la  nuit  du  5  au  6 
janvier  1862,  a  fourni  l'observation  de  lésions  des  voies  respiratoires 
produites  dans  des  conditions  un  peu  différentes.  L'atmosphère  dans 
laquelle  les  victimes  ont  été  plongées,  était  une  forte  fumée  entraînant  des 
matières  en  ignition;  le  nez,  la  bouche,  le  larynx,  la  trachée  ont  été  en 
contact  avec  un  air  très-chaud  chargé  de  poussières  de   charbon  bru- 


740  BRULURE. 

lantes.  Sur  les  quarante-deux  forçats  entrés  à  l'hôpital  et  sur  lesquels 
cinq  sont  morts,  on  a  observé  la  rhinite,  la  stomatite  et  la  pharyngite,  la 
larvngo-bronchite  et  la  pneumonie;  à  l'autopsie,  on  ne  trouve  pas  le 
ramollissement  de  la  muqueuse  comme  sur  les  victimes  de  l'explosion 
du  Roland;  ce  sont  des  brûlures  par  places,  des  érosions,  des  ulcérations 
disséminées  sur  une  rougeur  érythémateuse.  Elles  sont  l'effet  du  contact 
des  parcelles  charbonneuses,  et  c'est  à  ces  brûlures  qu'ont  été  attribués 
les  symptômes  d'asphyxie,  à  des  degrés  divers,  constatés  sur  les  quinze 
malades  reçus  à  l'hôpital  le  premier  jour,  la  toux  suffocante,  la  dyspnée, 
la  teinte  violacée  de  la  face  et  enfin  les  bronchites  et  pneumonies  aux- 
quelles quelques-uns  ont  succombé,  accidents  qui  se  sont  présentés  soit 
d'emblée  soit  consécutivement.  La  peau  n'a  été  le  siège  que  d'une  éry- 
thème  analogue  à  l'effet  de  l'insolation  et  encore  tous  les  malades  n'en 
ont-ils  pas  offert  l'exemple. 

Les  liquides  bouillants  dans  lesquels  une  partie  plus  ou  moins  grande 
du  corps  est  plongé  quelques  instants,  et  qui  imbibent  les  vêtements,  pro- 
duisent aussi  des  brûlures  très-étendues  ;  en  général,  les  brûlures  ne  pé- 
nètrent pas  au  delà  des  couches  superficielles  de  la  peau.  Pour  apprécier 
leur  profondeur  probable,  il  ne  faut  pas  seulement  tenir  compte  de  la  du- 
rée de  l'immersion,  mais  encore  delà  nature  du  liquide  et  de  sa  capacité 
pour  le  calorique.  Ceux  qui  sont  épais  et  visqueux,  comme  le  sucre  fondu, 
les  huiles,  les  graisses  ;  ceux  qui,  comme  les  solutions  salines,  demandent 
pour  leur  ébullition  une  grande  quantité  de  calorique,  enfin  les  caus- 
tiques liquides  comme  l'acide  sulfurique,  etc.,  causent  de  vastes  et  pro- 
fondes brûlures,  tous  parce  que,  en  raison  de  leur  fluidité,  ils  s'étalent  sur 
une  large  surface,  quelques-uns  parce  que,  en  vertu  de  leur  viscosité,  ils 
s'attachent  et  adhèrent  aux  tissus,  les  autres  enfin  par  leurs  qualités  caus- 
tiques. Ph.  Bevan  a  signalé,  en  1860,  un  genre  de  brûlures  internes,  ob- 
servées chez  les  enfants  auxquels  on  ingère,  à  l'aide  des  longs  tuyaux  mé- 
talliques des  biberons,  des  liquides  trop  chauds.  Ces  enfants  succombent 
à  ces  lésions,  quelquefois  sans  qu'on  ait  soupçonné  la  cause  de  leur  mort. 
Nous  aurons  à  revenir,  en  étudiant  l'anatomie  pathologique  des  brûlures, 
sur  certaines  particularités  relatives  à  celles  des  membranes  muqueuses. 

Enfin  la  foudre  produit  des  brûlures  à  divers  degrés  sur  les  tissus  vi- 
vants que  l'on  ne  peut  certes  attribuer  à  la  durée  de  son  application, 
mais  à  l'intensité  du  calorique  qu'elle  contient. 

Quant  à  la  cautérisation  par  les  cautères  potentiels,  malgré  une  no- 
table analogie  d'action,  elle  diffère  cependant  essentiellement  de  la  brû- 
lure par  cela  seul  qu'elle  n'est  pas  le  produit  du  calorique,  et  que  ces 
agents  détruisent  la  texture  des  organes  en  se  combinant  avec  leurs  élé- 
ments chimiques,  de  telle  sorte  qu'ils  y  éteignent  la  vie;  elle  produit  né- 
cessairement des  escarrhes. 

Certaines  circonstances  favorisent,  ou  au  contraire  modèrent  l'effet  du 
calorique.  Une  peau  fine  et  délicate  est  plus  rapidement  brûlée,  tout  le 
monde  sait  par  contre  que  les  forgerons  ont  l'épiderme  de  la  paume  des 
mains   tellement  épais  qu'ils   peuvent   impunément  saisir  le  bout  des 


BRULURE.  —  division  des  brûlures  suivant  leur  profondeur.        741 

barres  de  fer  dont  l'autre  extrémité  est  rougie  au  feu.  Des  vêtements  lé- 
gers, de  gaze  par  exemple,  non-seulement  sont  attirés  vers  le  foyer  d'une 
cheminée  ou  d'une  rampe  de  théâtre  par  le  courant  d'air  qui  s'établit  vers 
le  foyer,  mais  ils  brûlent  avec  flamme,  et  une  rapidité,  qui  quelquefois 
permet  de  les  éteindre,  mais  qui  répand  cette  flamme  sur  de  larges  sur- 
faces, comme  je  l'ai  déjà  dit  plus  haut.  Les  vêtements  ont  aussi  pour  effet 
fâcheux  de  s'imbiber  des  liquides  bouillants  et  de  prolonger  la  durée  de 
leur  application,  par  conséquent  de  rendre  leur  action  plus  profonde. 

L'hiver  multiplie  les  occasions  de  brûlures;  non-seulement  les  foyers 
sont  plus  nombreux,  mais  le  froid  conduit  beaucoup  d'individus  à  user 
de  liqueurs  alcooliques,  qui  les  portent  au  sommeil  auprès  des  poêles,  des 
chaufferettes,  des  réchauds.  L'asphyxie,  volontaire  causée  par  l'acide  car- 
bonique n'aboutit  quelquefois  qu'à  produire  de  profondes  et  larges  brû- 
lures, qui  causent  une  mort  plus  cruelle  et  plus  sûre  que  le  charbon  : 
même  chose  arrive  aux  épileptiques  qui  tombent  sur  un  foyer  et  dont  les 
vêtements  prennent  feu. 

ni  vision  des  brûlures  suivant  leur  profondeur.  —  C'est 
à  Fabrice  de  Hilden  qu'appartient  la  première  étude  méthodique  de 
la  brûlure.  Il  signale  dans  le  titre  de  son  traité  sur  ce  genre  de  lé- 
sions la  brûlure  par  la  foudre.  «  De  ambustionibus  quse  oleo  et  aquà  fer- 
vidis,  ferro  candente,  pulvere  tormentario,  fulmine  et  quâvis  alia  materia 
ignita  fiunt.  »  Il  admet  trois  degrés  :  le  premier  comprend  la  rougeur 
de  la  peau  et  la  formation  des  phlyctènes  ;  dans  le  second,  les  phlyc- 
tènes  sont  immédiates,  et  de  plus  la  peau  est  contractée  et  épaissie,  enfin 
dans  le  troisième,  les  phlyctènes  sont  rompues;  au-dessous  d'elles,  la 
peau  est  noire,  et  des  plaies  avec  suppuration  succèdent  à  la  chute  des 
escarrhes. 

Heister  reconnaissait  quatre  degrés  de  brûlure  ;  dans  les  deux  pre- 
miers, inflammation  plus  ou  moins  vive  de  la  peau  ;  dans  le  troisième,  la 
peau,  la  graisse  et  la  chair  même  sont  réduites  instantanément  en 
croules  ;  enfin,  dans  le  quatrième  la  chaleur  est  telle  que  toutes  les  par- 
ties sont  détruites  jusqu'aux  os.  Boyer  n'a,  comme  Fabrice  de  Hilden,  ad- 
mis que  trois  degrés,  mais  il  les  a  mieux  délimités.  Le  premier  degré  est 
une  inflammation  de  la  peau,  qui  tient  du  caractère  de  l'érysipèle;  le  se- 
cond présente  des  phlyctènes  suivies,  d'un  ulcère  superficiel  comme  les 
vésicatoires  ;  dans  le  troisième  il  y  a  désorganisation,  production  d'es- 
carrhe,  qu'environne  plus  tard  un  cercle  inflammatoire,  véritable  travail 
d'élimination.  On  voit  que  ces  divers  essais  de  classification  sont  tous 
fondés  sur  la  profondeur  de  la  brûlure  et  la  variété  des  lésions  produites 
sur  les  tissus  en  rapport  avec  cette  profondeur. 

La  classification  de  Dupuytren,  aujourd'hui  généralement  adoptée,  n'est 
qu'un  perfectionnement  des  divisions  précédentes  :  on  y  retrouve  l'éry- 
thèine,  la  vésication  et  rescarrhification  des  degrés  adoptés  par  Boyer. 
Le  quatrième  degré  de  Heister  est  reproduit  mot  pour  mot  dans  les  cin- 
quième et  sixième  degrés  de  Dupuytren.  Mais  il  faut  reconnaître  que  cet 
éminent  chirurgien,  en  analysant  avec  plus  de  détails  les  lésions  de  ï'enve- 


742       BRULURE.  —  division  des  brûlures  suivant  leur  profondeur. 

loppe  tégumentairc  externe,  est  arrivé  à  une  description  plus  exacte  et 
plus  méthodique  des  brûlures  qu'on  observe  d'ordinaire  au  lit  du  malade, 
et  des  accidents  qui  se  manifestent  le  plus  souvent  en  rapport  avec  la 
profondeur  de  l'altération  de  la  peau.  Il  a  établi  six  degrés  de  la  brûlure. 

Le  premier  degré  est,  en  général,  produit  dans  la  brûlure  à  distance, 
ou  par  l'application  instantanée  de  vapeurs  brûlantes  ou  l'immersion  dans 
un  liquide  au-dessous  de  cent  degrés.  Il  est  caractérisé  par  une  sensation 
de  chaleur  cuisante,  qui  persiste  après  la  cessation  de  la  cause,  une  rou- 
geur érysipélateuse  plus  ou  moins  foncée,  qui  dure  avec  la  cuisson  quelques 
heures,  quelquefois  un  petit  nombre  de  jours,  et  qui  est  suivie  d'une  légère 
dcsquammation  de  l'épiderme,  qui  se  fendille  et  se  détache  par  écailles. 
C'est  ce  degré  de  brûlure  souvent  répété,  et  devenu,  pour  ainsi  dire,  ha- 
bituel à  certaines  parties  du  corps,  qui  cause  des  taches  brunes  et  mar- 
brées dues  au  développement  du  réseau  vasculaire  sous-épidermique  et 
à  peu  près  indélébiles. 

Le  second  degré  reconnaît  une  cause  plus  énergique  ou  plus  prolongée. 
C'est  la  flamme  d'un  corps  en  ignition,  d'un  gaz,  le  contact  de  l'eau 
bouillante,  d'un  corps  métallique  non  rougi,  mais  déjà  fort  chaud,  comme 
un  tuyau  de  poêle. 

Le  caractère  de  ce  degré  est  la  formation  immédiate  ou  du  moins  ra- 
pide de  phlyctènes,  remplies  de  sérosité  claire,  jaunâtre  et  limpide;  une 
douleur  vive,  acre,  brûlante,  se  fait  sentir  ;  elle  devient  tensive  après  la 
formation  des  phlytènes.  Celles-ci  se  déchirent  ou  sont  percées,  la  sérosité 
s'écoule,  puis  se  reproduit  pour  s'écouler  encore,  sa  quantité  diminue,  sa 
sécrétion  se  tarit,  l'épiderme  soulevé  se  dessèche,  et  bientôt  tombe  par 
lambeaux  et  laisse  voir  au-dessous  de  lui  un  épiderme  de  nouvelle  for- 
mation, qui  protège  le  corps  muqueux  mis  à  nu  par  la  brûlure. 

Si  l'épiderme  a  été  détaché  du  corps  muqueux,  déchiré,  et  n'a  pas 
formé  d'ampoules,  les  douleurs  sont  des  plus  vives,  et  une  légère  suppu- 
ration de  la  surface  dénudée  est  inévitable,  mais  elle  n'est  pas  de  longue 
durée,  et  bientôt  le  derme  cesse  de  suinter,  et  il  he  reste  plus  qu'une 
rougeur,  qui  disparaît  et  ne  laisse  aucune  trace. 

Le  troisième  degré  est  caractérisé  par  une  escarrhe  superficielle  du 
derme.  Il  est  dû  à  l'action  un  peu  plus  prolongée  des  causes  du  deuxième 
degré  ou  par  l'action  des  corps  gras,  résineux,  qui  adhèrent  à  la  peau; 
à  celles  du  phosphore  ou  du  cautère  transcurrent.  La  brûlure,  dans  ce  de- 
gré, se  présente  sous  deux  aspects  :  tantôt,  comme  dans  le  cas  précédent, 
ce  sont  des  phlyctènes,  seulement  la  sérosité  qui  les  remplit,  au  lieu 
d'être  citrine  et  limpide,  est  trouble,  sanguinolente,  violacée,  roussàtre; 
si  l'épiderme  a  été  déchiré,  le  derme  dénudé  laisse  voir  immédiatement 
ou  à  l'époque  du  travail  inflammatoire  des  plaques  insensibles,  grisâtres, 
blanchâtres,  encore  adhérentes,  ou  molles  et  moljiles  ;  tantôt  (et  c'est  l'effet 
du  cautère  transcurrent,  du  moxa,  qui  brûle  vite  comme  celui  qui  est  im- 
prégné de  nitrate  de  potasse,  enfin  de  la  déflagration  de  la  poudre  de 
guerre)  la  brûlure  a  opéré  si  rapidement  la  dessiccation  du  tissu  touché,  que 
l'épiderme,  desséché  lui-même,  est  resté  combiné  avec  le  corps  papillaire, 


BRULURE.  —  division  des  brûlures  suivant  leur  profondeur.        743 

converti  en  escarrhes  souples,  jaunâtres.  Quelle  que  soit  la  première  forme 
de  la  brûlure,  au  bout  de  peu  de  jours,  les  douleurs,  d'abord  très-vives, 
mais  qui  s'étaient  calmées  après  la  première  ou  la  seconde  journée,  se  ra- 
niment en  même  temps  que  l'inflammation  éliminatoire  se  développe; 
les  escarrhes  se  détachent  peu  à  peu  et  tombent  par  fragments;  à  leur 
chute,  succède  une  plaie  inégale  baignée  d'une  suppuration  abondante, 
et  dont  la  base  est  formée  des  couches  du  derme,  qui  ont  résisté  à  l'action 
du  calorique.  Après  avoir  fourni  une  quantité  de  pus  souvent  considérable, 
la  plaie  se  dessèche,  et  laisse  après  elle  une  cicatrice  d'un  blanc  mat, 
ordinairement  d'inégale  épaisseur,  qui  restera  toujours  apparente,  mais 
sans  être  bridée,  comme  celle  qui  suit  les  brûlures  du  quatrième  degré. 

Le  quatrième  degré  est  signalé  par  la  destruction  de  toute  l'épaisseur 
de  la  peau.  Le  corps  en  ignition  est  resté  appliqué  sur  la  partie  plus  ou 
moins  longtemps,  ou  bien  c'est  la  flamme  des  vêtements,  comme  cela  se  voit 
chez  des  individus  retirés  du  milieu  de  l'incendie.  La  douleur  a  d'abord 
été  violente,  mais  elle  a  cessé  dès  que  la  cause  a  cessé  elle-même.  La  peau 
brûlée  est  devenue  sèche,  insensible  au  toucher,  jaunâtre,  brune  ou  noi- 
râtre, assez  semblable  aux  plaques  desséchées  qu'on  voit  sur  la  peau  d'un 
cadavre  dans  les  places  dépouillées  d'épiderme.  Souvent  on  y  reconnaît  de 
petites  veinules  ou  artérioles  dans  lesquelles  le  sang  est  coagulé,  ce  qui 
indique  qu'une  couche  du  tissu  cellulaire  sous-cutané  a  été  aussi  morti- 
fiée et  comprise  dans  l'escarrhe.  Celle-ci  donne  à  la  percussion  le  son  du 
cuir  tanné,  ou  même  du  bois.  La  peau  saine  qui  l'environne  est  froncée, 
et  forme  des  plis  rayonnes,  qui  prouvent  la  désorganisation  de  toute  l'épais- 
seur de  la  peau,  et  marquent  le  degré  de  racornissement  qu'elle  a  subi. 
Autour  de  l'escarrhe,  Christison  a  bien  décrit  une  zone  rouge,  large  de 
6  à  12  millimètres,  séparée  du  point  brûlé  par  un  espace  d'un  blanc  mat, 
bornée  de  ce  côté  par  une  ligne  de  démarcation  bien  nette,  et  de  l'autre 
côté  se  fondant  insensiblement  dans  une  rougeur  générale  et  graduelle- 
ment décroissante. 

Au  bout  de  quelques  jours,  un  cercle  inflammatoire  commence  autour 
de  l'escarrhe,  dont  l'élimination  aura  lieu  du  quinzième  au  vingtième 
jour.  Des  douleurs,  qu'on  pourrait  appeler  phlegmoneuses,  accompagnent 
ce  travail,  et  dès  son  début  ou  peut  constater  qu'il  n'a  point  lieu  seule- 
ment autour  de  l'escarrhe,  mais  sous  elle;  en  effet,  si  on  la  comprime,  on 
cause  au  malade  des  douleurs,  qui  sont  dues  à  l'irritation  déjà  produite 
des  parties  sous-jacentes.  Ce  phénomène  est  beaucoup  plus  marqué  dans 
le  quatrième  degré  que  dans  le  troisième,  et  on  le  retrouve  encore,  quoi- 
que plus  tard  et  plus  profondément,  dans  le  cinquième  degré. 

Au  cercle  rouge  qui  cerne  les  escarrhes,  succède  un  sillon  entre  elles 
et  les  parties  vivantes,  une  abondante  suppuration  est  sécrétée  autour  et 
au-dessous  des  tissus  désorganisés  peu  à  peu  détachés;  après  leur  chute, 
un  travail  de  réparation  commence,  les  bourgeons  charnus  végètent  avec 
vigueur,  et  la  perte  de  substance  se  comble  en  même  temps  par  la  con- 
traction de  la  .membrane  des  granulations,  qui  rapproche  la  circonférence 
de  la  plaie  de  son  centre  avec  une  énergie  qu'aucun  autre  genre  de  plaie 


744  BRULURE.  —  diagnostic. 

ne  surpasse  et  même  ne  présente  au  même  degré.  La  cicatrice  une  fois 
formée,  le  tissu  modulaire  qui  la  constitue  continue  ce  rapprochement 
des  bords  vers  le  centre;  de  là  ces  saillies  et  cet  aspect  chagriné  des  cica- 
trices de  certaines  brûlures,  ces  brides  saillantes  dont  leur  surface  est 
parsemée,  les  tiraillements  des  parties  environnantes  mobiles,  les  adhé- 
rences et  les  rétractions  des  membres,  les  oblitérations  ou  le  renverse- 
ment des  orifices  naturels,  etc. 

Dans  le  cinquième  degré,  l'escarrhe  comprend  les  aponévroses,  les 
muscles,  leurs  tendons,  les  vaisseaux  et  les  nerfs  jusqu'aux  os;  elle  met 
beaucoup  plus  de  temps  à  se  détacher,  et  au  moment  de  sa  séparation 
surviennent  quelquefois  des  hémorrhagies,  qui  prouvent  que  les  vaisseaux 
ont  en  quelques  points  résisté  à  l'action  du  feu.  La  cicatrice  qui  ne  se 
forme  qu'après  un  long  travail  de  suppuration  est  enfoncée,  informe, 
adhérente,  et  entraîne  des  pertes  de  mouvements  aussi  étendues  qu'irré- 
médiables. 

Le  sixième  degré  ne  diffère  du  précédent  que  parce  que  toute  l'épais- 
seur des  membres  est  envahie,  y  compris  les  os.  Malgré  sa  profondeur, 
il  est  quelquefois  produit  avec  une  rapidité  extrême,  ainsi  que  le  prouve 
l'observation  de  Bégin,  citée  plus  haut.  Au  tronc,  ce  serait  la  mort  pres- 
que immédiate,  aux  membres,  c'est  une  indication  formelle  d'amputation 
primitive,  quand  elle  est  possible. 

Diagnostic.  —  Les  descriptions  précédentes  rendent,  en  général,  le 
diagnostic  très-facile,  et  il  semblerait  même  qu'il  est  impossible  d'hésiter 
sur  le  degré  de  la  brûlure  qu'on  a  sous  les  yeux;  cependant,  il  n'est  pas 
toujours  aisé  de  déterminer  à  l'avance  quels  seront  les  changements  d'as- 
pect et  de  profondeur  qu'amènera  l'inflammation  ;    telle  partie  rubéfiée 
passera  promptement  à  la  vésication  ;   la  gangrène  parviendra  dans  une 
autre,  qui  ne  paraissait  pas  devoir  être  atteinte  aussi  profondément;  telle 
est  l'origine  de  la  croyance  populaire  que  les  brûlures  font  des  progrès, 
jusqu'au  neuvième  jour,  époque  à  laquelle,  en  effet,  l'inflammation  a 
atteint  son  plus  haut  degré  d'intensité,  et  a  opéré  les  modifications  qui 
peuvent  justement  lui  être  attribuées.  Suivant  Dupuytren,  il  faut  toujours 
considérer  une  partie  mortifiée  par  le  feu  comme  reposant  sur  une  couche 
de  parties  qui  passeront  à  la  gangrène  par  l'effet  de  l'inflammation  ;   il 
en  est  de  même  des  tissus  situés  à  sa  circonférence.  L'escarrhe  détachée 
est  toujours  plus  grande  qu'elle  ne  paraissait  au  moment    de  la  brûlure. 
L'incertitude  que  l'on  peut  éprouver  touchant  la  profondeur  de  l'escarrhe 
est  particulièrement  intéressante  quand  la  brûlure  occupe  les  tissus  péri- 
articulaires.   L'articulation  à  la  chute  de  la  partie  morte  sera-t-elle  ou 
non  ouverte?  Il  faut  observer  une  sage  réserve,  car  l'irritation  de  voisi- 
nage, qui  peut  donner  lieu  à  un  éjianchement  articulaire,  n'est  pas  tou- 
jours une  preuve  de  la  pénétration,  et  ce  n'est  souvent  qu'à  la  séparation 
de  Fescarrhe  que  l'ouverture  de  l'article  donne  lieu  à  des  accidents  graves, 
qui,  du  reste,  même  quand  il  s'agit  d'une  grande  articulation,  comme  le 
genou,  ne  se  manifestent  pas  toujours.  J'en  ai  en  ce  moment  un  exemple 
sous  les  yeux. 


BRULURE.    PHÉNOMÈNES   GÉNÉRAUX.  745 

Dans  les  premiers  degrés,  la  connaissance  de  la  cause  est  quelquefois 
indispensable  pour  le  diagnostic.  Il  peut  se  rencontrer  telle  circonstance 
où  cette  cause  soit  dissimulée  par  le  malade,  ou  cachée  au  chirurgien  par 
d'autres  personnes.  Il  est  exposé  à  confondre  alors  le  premier  degré  avec 
l'érysipèle  ou  l'érythème,  qui  vient  de  l'application  d'un  sinapisme,  le 
deuxième  degré  avec  l'effet  des  substances  vésicantes,  l'escarrhe  de  la 
brûlure  avec  celle  de  la  contusion  au  troisième  et  quatrième  degrés,  car 
la  contusion  est  susceptible  de  divisions  analogues  à  celles  de  la  brûlure, 
suivant  la  profondeur  de  l'altération  des  téguments. 

Mais,  somme  toute,  les  circonstances  dans  lesquelles  le  chirurgien 
ignore  le  fait  de  la  brûlure,  quand  il  existe,  sont  si  rares,  qu'on  ne  voit 
guère  de  méprise  de  ce  genre  ;  c'est  au  médecin  légiste  de  déterminer  si 
la  brûlure  a  été  produite  sur  un  individu  décédé,  avant  ou  après  la  mort. 
En  ce  dernier  cas,  ni  la  zone  rouge  à  la  circonférence  de  l'escarrhe,  ni  les 
phlyctènes  n'existent.  Sont-elles  constantes,  d'autre  part,  quand  la  mort 
a  suivi  de  près  la  brûlure?  Renvoyons  la  solution  de  cette  question  aux 
articles  de  médecine  légale.  (Voyez  Plaies,  médecine  légale.) 

Phénomènes  généraux.  —  Quand  la  brûlure  est  très-peu  éten- 
due, quel  que  soit  son  degré,  la  maladie  peut  être  regardée  comme  locale, 
et  ses  suites  n'ont  d'importance  que  par  rapport  à  l'organe  affecté. 

Les  trois  premiers  degrés  ne  donnent  alors  lieu  à  aucune  réaction, 
mais  déjà  le  quatrième  degré,  si  la  surface  brûlée  atteint  un  pouce  et 
demi  à  deux  pouces  carrés,  exige  un  travail  d'élimination,  qui  pourra 
causer  de  la  fièvre.  Le  cinquième  et  le  sixième  degrés,  s'ils  pouvaient  se 
rencontrer  circonscrits  dans  la  surface  d'un  moxa,  comme  on  le  conçoit 
à  la  rigueur  par  l'introduction  à  travers  un  membre  d'une  barre  de  fer 
rougie  à  blanc,  seraient  graves  par  les  accidents  phlegmoneux  et  la  des- 
truction de  muscles  ou  de  tout  autre  organe  important,  tels  que  les  vais- 
seaux et  les  nerfs. 

Lorsque  la  brûlure  est  étendue,  tous  les  degrés  sont  graves;  le  pre- 
mier degré  lui-même  est  accompagné  de  douleurs  si  vives,  qu'il  peut 
causer  la  mort  en  quelques  instants;  mais  les  premières  vingt-quatre 
heures  passées,  et  surtout  les  deux  premiers  jours,  ainsi  que  Ta  remarqué 
Dupuytren,  tout  le  danger  cesse,  parce  qu'alors  la  résolution  de  la  rubé- 
faction commence  à  s'opérer. 

La  brûlure,  au  second  degré,  est  beaucoup  plus  grave,  surtout  quand 
les  phlyctènes  ont  été  déchirées.  Plusieurs  individus,  et  notamment  des 
femmes  recueillies  à  l'hôpital  Necker,  à  la  suite  de  l'accident  du  chemin  de 
fer  de  Versailles,  déjà  signalé  plus  haut,  avaient  rapidement  succombé  à 
des  brûlures  du  second  degré,  étendues  à  presque  toute  la  surface  du 
Corps.  J'ai  vu,  entre  autres,  le  cadavre  d'une  jeune  modiste  de  Rouen, 
venue  à  Paris  en  partie  de  plaisir,  et  qui  trouva  cette  horrible  mort  sans 
avoir  du  reste  subi  aucune  autre  lésion  ;  mais  si,  par  un  traitement  quel- 
conque, la  période  de  la  dessiccation  commence,  les  accidents  se  dissipent 
et  la  guérison  est  prompte. 

Le  troisième  degré  expose  les  blessés  à  tous  les  dangers  des  deux  pre 


746  BRULURE.  —  aNatomïe  pathologique. 

miers,  et  de  plus  à  la  série  d'accidents  qui  viennent  de  l'inflammation 
éliminatoire  ;  la  lièvre,  les  vomissements,  la  constipation  et  la  douleur  con- 
tinue et  sans  cesse  exaspérée  par  l'élimination  successive  des  escarrhes; 
l'insomnie,  les  convulsions,  et  parfois  le  tétanos,  en  sont  le  résultat. 

Les  trois  derniers  degrés  donnent  lieu  à  des  accidents  d'un  autre  genre. 
Ainsi  que  je  l'ai  dit  plus  haut,  l'irritation  et  la  douleur  primitives  ne 
durent  que  le  temps  de  l'application  de  la  cause;  elles  peuvent  amener  la 
mort  du  malade  presque  immédiatement,  mais  la  cause  enlevée,  la  dou- 
leur et  l'irritation  cessent.  Ce  n'est  plus  alors  à  ces  accidents  que  la  mort 
est  due  dans  les  premières  vingt-quatre  heures  ;  souvent  les  malades 
restent  plongés  dans  la  stupeur,  ils  sont  envahis  par  un  froid  glacial  et 
s'éteignent  après  vingt-quatre  ou  quarante-huit  heures  au  plus  ;  chez 
d'autres,  avec  une  brûlure  moins  profonde  et  d'une  moindre  surface,  la 
vie  se  soutient,  mais  du  cinquième  au  neuvième  jour,  le  travail  élimina- 
toire les  enlève  à  son  début  ;  d'autres  encore  ont  résisté,  mais  ils  suc- 
combent à  l'abondance  de  la  suppuration,  aux  complications  qui  sur- 
viennent, à  un  phlegmon  diffus  qui  s'étend  au  delà  des  escarrhes  dans  les 
parties  voisines,  à  une  hémorrhagie  au  moment  de  leur  chute,  à  la  lièvre 
purulente,  aux  abcès  métastatiques,  à  Férysipèle,  à  la  pourriture  d'hô- 
pital, aux  congestions  des  organes  internes  du  thorax  ou  de  l'abdomen,  que 
je  vais  signaler  en  faisant  l'anatomie  pathologique  des  brûlures,  à  l'épui- 
sement qui  résulte  de  l'impossibilité  de  fournir  la  sécrétion  du  pus  pen- 
dant des  semaines  et  des  mois,  et  quelquefois  enfin,  chose  remarquable, 
à  la  cessation  de  cette  sécrétion,  quand  de  larges  plaies  ont  fini  par  se 
cicatriser,  la  sécrétion  du  pus  devenue  habituelle  étant  remplacée  par 
des  épanchements  séreux  considérables  dans  les  grandes  cavités. 

Dupuytren  avait  désigné  quatre  époques  différentes  dans  lesquelles,  à  la 
suite  des  brûlures  étendues,  la  vie  des  malades  est  successivement  mena  cée  : 
période  d'irritation,  période  d'inflammation,  période  de  suppuration,  et 
période  d'épuisement.  Ses  remarques  sont  admirablement  justifiées  dans  la 
pratique,  et  n'ont  pas  moins  de  valeur,  à  nos  yeux,  que  sa  classification  de 
la  brûlure  en  six  deurés. 

ANATOMIE    PATHOLOGIQUE. 

Les  autopsies  cadavériques  ont  démontré  chez  les  malheureux  qui  suc- 
combent peu  d'instants  ou  d'heures  après  la  brûlure,  l'existence  de  con- 
gestions sanguines  viscérales  multiples.  Dupuytren,  en  résumant  les 
altérations  cadavériques,  attribuait  la  plupart  des  phénomènes  morbides 
observés  pendant  la  vie,  tels  que  la  fièvre,  les  vomissements,  la  consti- 
pation, les  convulsions,  la  fièvre  hectique,  plus  tard  la  diarrhée,  etc.,  à 
l'irritation  gastro-intestinale  dont  les  traces  offrent  des  différences  suivant 
l'époque  de  la  maladie.  Après  la  mort  presque  immédiate  dans  les  flam- 
mes, afflux  considérable  vers  la  membrane  muqueuse,  qui  est  injectée  et 
gorgée  de  sang,  hémorrhagie  par  exhalation  a  sa  surface,  altérations  sem- 
blables de  la  membrane  muqueuse  des  bronches,  enfin  sérosité  sanguino- 
lente dans  l'arachnoïde,  les  plèvres,  le  péricarde,  b  péritoine  et  toutes 


BRULURE.    ANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  747 

ces  séreuses  à  la  fois.  Après  quelques  jours  de  survivance,  l'ouverture  du 
corps  fait  reconnaître,  disait-il,  la  gastro-entérite  la  mieux  caractérisée, 
et  enfin  si  le  sujet  n'a  succombé  que  beaucoup  plus  tard,  le  tube  intes- 
tinal est  généralement  décoloré,  et  on  n'y  trouve  plus  que  quelques 
plaques  d'un  rouge  plus  ou  moins  vif,  avec  ou  sans  ulcération,  engorge- 
ment des  ganglions  lymphatiques  du  mésentère,  etc.,  Dupuytren  attribuait 
ce  retentissement  des  brûlures  à  une  irritation  sympathique,  ce  qui  ne  veut 
pas  dire,  comme  on  l'a  pensé,  à  l'effet  de  la  douleur.  Follin  admet  que  ces 
congestions  internes  viennent  plutôt  d'un  arrêt  subit  de  la  circulation  dans 
les  vaisseaux  superficiels,  mais  cette  explication  ne  pourrait  convenir,  ce 
me  semble,  qu'aux  brûlures  profondes  des  quatrième  et  cinquième  degrés, 
tout  au  plus  dans  certains  cas  du  troisième,  car  pour  le  premier  et  le 
deuxième  degrés  anatomiques,  qui  peuvent  être  aussi  suivis  de  congestions 
sanguines  internes  mortelles,  elle  me  paraît  inadmissible.  Les  recherches 
ont  un  peu  modifié  les  assertions  de  Dupuytren  ;  son  idée  favorite  delà  gas- 
tro-entérite était  en  partie  une  adhésion  trop  absolue  aux  opinions  de  l'école 
de  Broussais.  En  effet,  on  constate  plus  souvent  des  congestions  vasculaires 
dans  le  cerveau,  la  protubérance  annulaire,  les  viscères  thoraciques; 
celle  des  viscères  abdominaux  est  moins  fréquente;  on  a  noté,  comme  je 
l'ai  déjà  exposé  plus  haut,  de  profondes  altérations  des  membranes  mu- 
queuses du  pharynx  et  du  larynx  par  inspiration  d'air  chaud,  de  la  va- 
peur d'eau,  et  peut-être  même  de  la  flamme.  11  en  résulte  de  l'œdème  du 
tissu  sous-muqueux,  de  la  dysphagie,  et  pour  le  larynx  une  dypsnée  la- 
ryngienne, du  spasme  de  la  glotte.  (Follin.) 

Si  le  malade  survit  du  deuxième  jour  au  quinzième,  on  voit  encore  le 
cerveau  congestionné,  de  la  sérosité  abondante  dans  les  ventricules,  un 
état  congestif  phlegmoneux  du  poumon.  Les  lésions  intestinales  sont  fré- 
quentes; la  muqueuse  intestinale  est  enflammée,  épaissie.  Les  recher- 
ches de  Long,  de  Curling  et  surtout  d'Erichsen  ont  établi  que  c'est  surtout 
vers  le  duodénum  qu'on  observe  une  congestion  avec  hyperthrophie  glan- 
dulaire de  la  muqueuse,  et  qu'on  voit  plus  tard  des  ulcérations.  Cette 
ulcération  du  duodénum  a  été  reconnue  seize  fois  sur  cent  vingt-cinq  cas 
de  brûlure  terminée  par  la  mort;  cinq  malades  avaient  succombé  dans  la 
première  semaine,  cinq  dans  la  seconde,  les  six  derniers  plus  tard, 
un  d'eux  le  soixante-quinzième  jour.  C'est  immédiatement  au-dessous 
du  pylore  que  se  voit  l'ulcération;  elle  est  indolente,  tantôt  unique, 
tantôt  formée  de  plusieurs  ulcères  réunis  par  un  point  de  leur  circon- 
férence. Au  début,  elle  n'attaque  que  la  muqueuse,  et  semble  faite  par 
un  emporte-pièce  ;  mais  elle  pénètre  plus  profondément ,  et  on  trouve 
une  fausse  membrane  à  son  niveau  sur  la  face  péritonéale  de  l'in- 
testin. L'ulcère  commence  t-il  par  un  élargissement  d'une  glande  de 
Brunner?  Ces  glandes  ont  augmenté  de  volume.  Le  diagnostic  est  incertain 
puisque  les  symptômes  sont  souvent  nuls;  pas  de  douleurs,  pas  de  tension 
de  l'abdomen  ;  cependant,  quelquefois  y  a  vomissement,  et  on  a  observé 
la  péritonite  par  perforation  de  l'intestin,  l'hématemèse  ou  le  mélœna 
par  ulcération  de  l'artère  pancréatico-duodénale.  Dans  ces  cas  de  perfo- 


748  BRULUKE.   —  prokostic,  traitement. 

ration  intestinale  ou  vasculaire,  la  mort  arrive;  mais  l'ulcère  du  duodénum 
n'est  pas  constamment  mortel  puisqu'on  Ta  trouvé  en  voie  de  cicatrisation 
dans  des  cas  où  le  brûlé  avait  péri  sans  avoir  présenté  de  troubles  gas- 
triques. 

Wilks,  qui  a  particulièrement  étudié  la  cause  de  la  mort  chez  les 
enfants  brûlés,  a  signalé  la  fréquence  de  l'altération  du  sang  manifestée 
par  des  taches  de  purpura  sur  les  plèvres,  dans  la  substance  corticale  du 
rein  et  autres  parties  du  corps.  Il  a  trouvé  des  dépôts  fibrineux  dans  divers 
organes,  et  surtout  dans  les  veines  ;  mais  la  cause  de  mort  la  plus  fré- 
quente est  la  pneumonie  avec  hépatisation,  et  la  broncho-pneumonie;  les 
bronches  sont  pleines  de  mucosités. 

Pronostic.  —  Ce  que  j'ai  dit  plus  haut  des  accidents  de  chaque  degré 
de  la  brûlure  suffit  en  grande  partie  à  établir  le  pronostic  de  ce  genre  de 
lésions.  Il  est  évident  qu'il  résulte  de  l'étendue  en  largeur  et  en  profon- 
deur; mais  il  peut  dépendre  aussi  de  l'âge,  de  la  constitution,  du  siège 
et  même  de  la  nature  de  la  cause.  Les  entants  et  les  femmes  résistent 
moins  aux  accidents  primitifs;  si  les  sujets  sanguins  et  vigoureux  sont 
plus  exposés  à  une  violente  réaction  inflammatoire,  ils  supportent  mieux 
les  suites  d'une  abondante  suppuration  que  ne  pourraient  le  faire  des 
vieillards  débilités  ;  la  cause  de  la  brûlure  peut  être  un  caustique  véné- 
neux ;  enfin,  le  siège  de  l'accident  a  une  grande  portée  sur  le  pronostic, 
et  il  peut  être  considéré  alors  soit  au  point  de  vue  du  danger  pour  la  vie 
des  blessés,  soit  par  rapport  aux  organes  atteints  et  aux  altérations  de  leurs 
fonctions.  La  brûlure  du  cuir  chevelu  peut  être  suivie  de  délire  et  de  pro- 
pagation de  l'inflammation  au  cerveau,  et  les  brûlures  de  l'œil  compro- 
mettent l'existence  même  de  l'organe  ;  celles  qui  intéressent  des  parties 
délicates  et  mobiles,  comme  les  paupières,  les  narines,  la  bouche  ,  en- 
traînent des  déformations,  des  déviations  à  la  suite  desquelles  l'œil  sain 
d'ailleurs  reste  à  nu,  exposé  à  mille  contacts  nuisibles,  les  narines  sont 
oblitérées,  les  lèvres  tiraillées,  ou  la  bouche  rétrécie;  les  doigts  et  les 
orteils  sont  renversés,  adhérents  entre  eux,  etc.,  enfin  de  la  situation  de 
la  brûlure  résulte  un  grand  nombre  de  déplacements  d'organes  mobiles 
et  d'adhérences  des  parties  contiguës,  dont  une  histoire  détaillée  sera  faite 
à  l'article  Cicatrice. 

Traitement.  —  Les  indications  à  remplir  varient  avec  le  degré  de  la 
brûlure.  Dans  les  trois  premiers,  c'est  la  douleur,  qu'il  s'agit  tout  d'a- 
bord de  calmer  afin  de  prévenir  et  d'arrêter  les  accidents  nerveux,  aux- 
quels elle  donne  lieu.  Le  premier  soin  dans  ce  but  est  de  débarrasser  le 
malade  de  ses  vêtements  avec  les  précautions  convenables  ;  il  faut  les  en- 
lever sans  précipitation,  les  fendre  avec  des  ciseaux,  les  retirer  lente- 
ment afin  d'éviter  l'arrachement  de  l'épidémie,  s'il  a  été  soulevé  par  la 
sérosité.  Gela  fait,  on  enlève,  à  l'aide  de  l'eau  fraîche,  les  substances  étran- 
gères et  quelquefois  caustiques,  qui  pourraient  être  restées  adhérentes.  Les 
parties  brûlées  étant  complètement  à  nu,  on  ouvre  dans  les  deuxième  et 
troisième  degrés  les  phlyetènes  avec  une  aiguille,  la  pointe  d'un  bistouri  ; 
on  les  vide  ainsi  de  la  sérosité  dont  la  présence  cause,  comme  je  l'ai  ditr 


BRULURE.    TRAITEMENT.  749 

une  douleur  tensive;  selon  Aviccnne,  on  pourrait  même  en  prévenir  la 
formation  dans  le  second  degré  par  l'application  répétée  de  l'eau  glacée. 
On  combat  la  douleur  par  des  applications  locales,  et  par  des  calmants 
pris  à  l'intérieur.  Les  moyens  locaux  agissent  de  diverses  manières  :  sui- 
vant leur  nature,  ce  sont  les  réfrigérants  qui  produisent  sur  la  surface 
brûlée  un  refroidissement  proportionné  à  leur  température,  les  astrin- 
gents, qui  resserrent  les  tissus  et  empêchent  l'afflux  du  sang,  les  topiques 
qui  protègent  contre  l'action  de  l'air,  enfin  les  émollients,  qui  combattent 
et  restreignent  l'inflammation. 

Réfrigérants.  —  On  compte  en  première  ligne  la  glace,  l'eau  froid i, 
l'eau  de  Goulard,  et  les  liquides,  qui  produisent  le  froid  par  leur  vapori- 
sation rapide  comme  l'éther,  l'alcool,  l'ammoniaque  étendu  d'eau,  l'huile 
essentielle  de  térébenthine  ;  mais  ces  derniers  liquides  exercent  sur  les 
tissus  vivants  une  action  irritante,  surtout  si  l'épiderme  a  été  enlevé,  et  on 
doit  leur  préférer  de  beaucoup  l'eau  froide  soit  par  immersion,  en  plon- 
geant, s'il  est  possible,  la  partiebrûlée  dans  ce  liquide,  soit  en  appliquant 
incessamment  des  compresses  mouillées  sur  la  brûlure,  soit,  mieux  en- 
core, en  dirigeant  sur  la  région  malade  une  irrigation  continue.  Larrey 
accuse  l'eau  froide  de  produire  dans  les  brûlures  profondes  la  gangrène, 
mais  d'abord  il  faut  faire  remarquer  que  dans  les  brûlures  profondes  la 
mortification  est  déjà  produite  puisqu'elle  est  un  de  leurs  caractères; 
d'autre  part  on  peut  la  réserver  pour  les  brûlures  plus  superficielles,  et  il 
ne  faut  aussi  s'en  servir  que  dans  des  portions  limitées  des  membres,  à  la 
face  et  jamais  au  tronc,  surtout  si  la  surface  brûlée  est  étendue.  On  peut 
alors  lui  préférer  les  bains  d'eau  tiède  qui  n'appartiennent  plus,  il  est 
vrai,  à  la  classe  des  réfrigérants,  mais  a  celle  des  topiques  émollients. 

Les  astringents  usités  sont  la  dissolution  de  sulfate  de  fer,  d'alun, 
l'encre,  le  vinaigre  étendu  d'eau,  etc.,  etc.;  mais  ces  liquides  sont  plus 
ou  moins  irritants,  et  quelques-uns  relativement  coûteux,  il  n'y  aurait 
donc  aucune  raison  de  les  préférer  à  l'eau  pure  ;  mais  celle-ci  peut  aussi 
être  remplacée  par  un  troisième  ordre  de  moyens,  dont  l'effet  est  de  sous- 
traire la  partie  brûlée  au  contact  de  l'air,  car  ce  contact  est  des  plus  dou- 
loureux. Les  substances,  qui  jouissent  de  cette  propriété  sont  les  unes 
pulvérulentes  comme  l'amidon,  la  farine,  le  carbonate  de  chaux,  qui  pro- 
jetées, et  étalées  à  la  surface  de  la  peau  brûlée  préalablement  humectée 
forment  à  la  surface  une  couche  impénétrable  à  l'air,  et  jouent  le  rôle 
d'un  nouvel  épiderme  dans  les  deuxième  et  troisième  degrés  de  la  brû- 
lure. H  y  a  déjà  longues  années  que  pour  atteindre  le  même  but,  j'ai  ima- 
giné de  verser  sur  la  partie  brûlée  et  autour  d'elle  une  solution  sirupeuse 
de  gomme  arabique,  qui  me  sert  à  coller  sur  cette  partie  un  ou  deux  feuil- 
lets de  peau  de  baudruche  qui  s'applique  avec  facilité,  adhère  et  consti- 
tue comme  un  épiderme  nouveau.  Avant  d'en  étudier  la  valeur  relative, 
indiquons  parmi  les  applications  analogues  les  plus  vantées  et  les  plus 
employées,  celles  des  bandelettes  de  diachylon  gommé,  du  typha,  du  co- 
ton cardé,  dont  l'avantage  signalé  par  la  plupart  des  chirurgiens,  n'est 
pas  seulement  de  soustraire  la  brûlure  au  contact  de  l'air,  mais  de  for- 


750  BRULURE.  —  traitement. 

mer  une  sorte  de  pansement  inamovible  d'une  utilité  incontestable  dans 
le  premier  et  même  le  secontl  degré.  Enfin,  on  petit  avec  J.  Cloquet  con- 
sidérer la  brûlure  comme  une  inflammation  ordinaire  de  cause  externe, 
notamment  dans  les  deux  premiers  degrés,  soit  même  quand  ces  degrés 
environnent  des  parties  plus  profondément  attaquées,  c'est-à-dire  escarri- 
fiécs.  Partant  de  cette  vue  qu'il  faut  avant  tout  borner  l'inflammation,  on 
peut,  suivant  le  conseil  de  cet  éminent  chirurgien,  essayer  d'emblée  la 
méthode  antiphlogistique,  poser  de  trente  à  quarante  sangsues  autour  des 
surfaces  brûlées,  au  lieu  de  débuter  par  des  répercussifs,  dont  l'action  est 
plus  que  douteuse  et  quelquefois  dangereuse.  Ce  genre  de  traitement  pa- 
raît surtout  applicable  aux  individus  forts,  sanguins,  et  lorsque  déjà  une 
tuméfaction  considérable  existe.  Malheureusement  il  arnve  trop  souvent 
que  les  brûlures  étendues  en  surface,  quelle  que  soit  leur  profondeur,  s'ac- 
compagnent d'une  profonde  débilité,  et  d'une  véritable  stupeur  qui  ne 
permettraient  pas  l'emploi  d'une  méthode  dont  les  applications  heureuses 
sont  possibles,  puisque,  du  consentement  unanime  des  chirurgiens,  il  est 
des  cas  où  la  saignée  générale  peut  convenir.  Remarquons  d'ailleurs  que 
dans  les  brûlures  larges  et  profondes,  il  faut  penser  à  la  longueur  cer- 
taine du  traitement,  et  à  la  nécessité  pour  le  malade  de  pourvoir  aux 
frais  d'une  longue  et  abondante  suppuration,  qui  trop  souvent  l'épuisé, 
quelques  efforts  que  l'on  fasse  pour  soutenir  ses  forces. 

Au  nombre  des  moyens  du  traitement  abortif  de  l'inflammation,  il  faut 
signaler  aussi  la  compression  préconisée  dès  l'année  1815  parBretonneau 
et  depuis  par  Velpeau,  qui  en  a  fait  un  bon  emploi  dans  les  trois  premiers 
degrés  de  la  brûlure,  et  lui  a  reconnu  des  avantages  soit  pour  calmer  la 
douleur,  soit  pour  prévenir  la  formation  des  phlyctènes,  ou  obtenir  leur 
disparition,  soit  enfin  pour  empêcher  ou  résoudre  l'érysipèle,  quand  il 
vient  à  compliquer  les  brûlures.  Bretonneau  la  pratiquait  à  l'aide  d'une 
bande  roulée,  imbibée  d'un  liquide  résolutif,  laissée  en  place  jusqu'à  la 
guérison.  Avant  l'application  les  phlyctènes  ont  été  vidées,  et  le  derme 
dénudé  recouvert  d'un  taffetas  ciré  très-fin.  Velpeau  a  substitué  à  la  bande 
roulée,  les  bandelettes  de  diachylon  gommé,  qui  lui  ont  donné  des  gué- 
risons  très-rapides.  Comme  je  viens  de  le  dire,  la  compression,  qui  fait 
partie  du  traitement  abortif  peut  aussi  constituer  un  pansement  définitif 
répondant  aux  diverses  périodes  de  la  brûlure.  Il  en  est  de  même  du  co- 
ton et  de  la  baudruche  rendue  adhérente  par  la  solution  de  gomme  :  sous 
ce  rapport  le  coton  a  l'assentiment  général,  il  est  vanté  jusqu'ici  sans 
restriction,  non-seulement  comme  préservatif  de  la  douleur  primitive,  ce 
qui  est  réel  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas,  mars  comme  curatif  dans 
tous  les  degrés  de  la  brûlure.  Anderson,  de  Glasgow,  a  fait,  il  y  a  au 
moins  une  trentaine  d'années,  un  mémoire  dans  lequel  il  cherche  à  faire 
prévaloir  les  qualités  du  coton  dans  les  brûlures,  et  à  faire  considérer  ce 
topique  déjà  fort  ancien  en  Ecosse,  et  populaire  presque  en  tous  lieux 
comme  un  véritable  spécifique.  Son  utilité  toutefois,  il  le  reconnaît,  varie 
suivant  le  degré  de  la  lésion.  La'guérison  a  lieu  en  quelques  jours  dansle 
second  degré  ;  il  faut  plus  de  temps  nécessairement  dans  les  degrés  sui- 


BRULURE.    —   T.RA1TEMEKT.  751 

vants,  mais,  suivant  Anderson,  avec  le  coton  la  réaction  est  toujours  très- 
modérée,  et  la  suppuration  beaucoup  moins  abondante  qu'avec  les  panse- 
ments ordinaires  des  plaies.  Aussi  en  fait-il  un  pansement  inamovible 
que  toutefois  il  faudra  changer  tous  les  douze  ou  quinze  jours  à  partir  du 
troisième  degré,  parce  que  la  suppuration  à  cette  époque  prend  une  odeur 
fétide,  ce  qui  n'empêche  pas  de  trouver  la  plaie  dans  de  bonnes  condi- 
tions, c'est-à-dire,  pourvue  de  bourgeons  charnus,  sains  et  vermeils.  Il 
est  à  peine  besoin  de  dire  comment  il  procédait  au  pansement  :  il  com- 
mençait par  évacuer  la  sérosité  des  phlyetènes,  puis  il  lavait  à  l'eau  tiède 
les  brûlures  superficielles,  à  l'alcool  de  Lavande  ou  l'huile  essentielle  de 
térébenthine  les  brûlures  plus  profondes  ;  cela  fait,  une  couche  mince  de 
coton  cardé  était  posée  sur  la  surface  de  la  plaie,  puis  une  seconde,  une 
troisième,  de  manière  à  la  garantir  de  toute  impression  extérieure;  un 
bandage  approprié  maintenait  en  place  le  coton.  C'est,  en  effet,  de  cette 
manière  que  le  pansement  des  brûlures  par  le  coton  est  encore  fait  au- 
jourd'hui ;  et  comme  à  F  envi  tous  les  ouvrages,  même  les  plus  récents, 
en  font  valoir  les  avantages,  cela  sans  aucune  restriction,  comme  si  ce 
procédé  de  pansement  convenait  à  toutes  les  régions  du  corps  et  n'avait 
en  réalité  jamais  aucun  inconvénient.  Il  n'en  est  pourtant  pas  ainsi,  la 
pratique  donne  d'autres  résultats  :  comment  se  servir  du  coton  cardé  dans 
une  brûlure,  qui  occupe  la  face  entière  et  surtout  la  région  des  orifices  de 
la  bouche,  des  narines  et  les  paupières?  Dans  les  autres  régions  du  corps 
le  coton  convient  admirablement  pour  les  deux  premiers  degrés  de  la  brû- 
lure, mais  à  partir  du  troisième  son  action  n'est  pas  irréprochable  :  après 
quelques  jours  si  le  coton  adhère  aux  bords  de  la  plaie,  il  est  séparé  par 
la  suppuration  dans  son  centre  ;  imbibé  par  le  pus  il  ne  tarde  pas  à  se 
transformer  en  une  plaque  dure,  imperméable,  adhérente,  comme  je 
viens  de  le  dire,  aux  bords  qu'elle  blesse  par  son  contact,  et  ne  protégeant 
plus  la  surface  de  la  brûlure  ;  aussi  les  douleurs  vives,  l'insomnie  repa- 
raissent et  le  pansement  doit  être  renouvelé,  mais  comme  il  est  difficile  à 
détacher,  ce  renouvellement  demande  beaucoup  de  temps  et  occasionne 
une  grande  douleur  :  dira-t-on  que  pour  le  rendre  plus  facile  on  pourrait 
plonger  le  malade  dans  un  bain  local  ou  général  suivant  le  siège  et  l'é- 
tendue de  la  partie  brûlée?  Il  est  visible  que  dans  une  foule  de  brûlures 
étendues,  un  bain  ne  pourrait  être  supporté.  L'état  général  des  forces,  et 
les  vives  douleurs  causées  par  les  mouvements  ne  le  permettraient  pres- 
que jamais.  Aussi,  à  partir  du  troisième  degré,  je  préfère  de  beaucoup  le 
pansement  fait  avec  la  baudruche  et  la  solution  de  gomme  arabique  ;  j'ai 
vérifié  un  grand  nombre  de  fois  la  supériorité  de  ce  pansement  sur  l'em- 
ploi du  coton,  notamment  dans  des  cas  où  j'avais  d'abord  employé  celui- 
ci  sans  pouvoir  assurer  la  tranquillité  et  le  sommeil  des  malades  ;  j'ai  la 
conviction  profonde  d'avoir  ainsi  sauvé  un  grand  nombre  de  brûlés  voués 
à  une  mort  certaine.  Des  articles  faits  sans  ma  participation  dans  divers 
journaux,  en  particulier  dans  la  Gazette  des  Hôpitaux,  constatent  l'exacti- 
tude de  ces  faits,  et  il  me  semble,  sans  partialité,  qu'il  y  a  lieu  de  s'étonner 
que  ce  mode  de  pansement  soit  assez  peu  connu  pour  qu'il  n'en  soit  fait 


752  BRULURE.  —  traitement. 

aucune  mention  dans  les  derniers  traités  de  pathologie  chirurgicale  pu- 
bliés en  France.  L'épiderme  nouveau  constitué  par  la  baudruche  est  assez 
protecteur  pour  que  dans  toute  espèce  de  plaie  il  soit  possible  de  prome- 
ner les  doigts  sur  sa  surface  une  fois  revêtue  de  cette  membrane  sans  cau- 
ser au  blessé  la  moindre  sensation  douloureuse.  La  transparence  de  la 
baudruche  est  d'ailleurs  très-commode  pour  l'observation.  On  voit  la  plaie 
et  on  peut  constater  son  état  sans  lever  le  pansement.  En  certains  points, 
la  baudruche  adhérente  recouvre  un  épiderme  déjà  formé,  et  permet  de 
reconnaître  la  cicatrisation  obtenue;  en  d'autres  places,  la  suppuration 
plus  ou  moins  plastique,  plus  ou  moins  liquide  s'accumule  entre  elle  et 
la  plaie  :  dans  ce  cas,  elle  ne  tarde  pas  à  décoller  la  baudruche  sur  un 
point  déclive  de  la  circonférence  de  la  plaie,  et  le  trop  plein  s'écoule,  où 
bien,  si  ce  décollement  n'a  pas  lieu,  rien  de  plus  simple  que  de  donner 
issue  au  pus  accumulé  en  incisant  la  baudruche,  où  en  l'excisant  partout 
où  elle  a  été  soulevée  par  ce  liquide.  On  verse  de  nouveau  la  gomme  ara- 
bique sur  la  partie  de  la  plaie  découverte,  et  on  réapplique  la  baudruche. 
On  la  laisse,  au  contraire,  en  place  dans  tous  les  points  où  elle  adhère  à 
un  tissu  cicatriciel  plus  ou  moins  avancé;  rien  de  plus  facile  que  d'appli- 
quer ce  pansement  sur  le  front,  les  paupières,  les  narines,  les  lèvres  :  on 
l'enlève  avec  la  plus  grande  facilité  par  des  lotions  d'eau  tiède,  et  jamais 
son  adhérence  n'occasionne  de  douleur;  il  faut  s'abstenir  d'environner  la 
partie  pansée  avec  des  compresses  ou  pièces  de  linge  quelconques,  parce 
qu'elles  adhèrent  à  la  baudruche  et  la  déchirent  quand  on  veut  les  en  sé- 
parer. Il  faut  convenir  que  c'est  là  une  difficulté  quand  il  s'agit  des  brû- 
lures des  régions  postérieures  du  tronc,  mais  on  y  échappe  en  plaçant 
les  malades  sur  le  ventre  dans  une  position  un  peu  inclinée  ;  je  pour- 
rais citer  à  l'appui  de  ce  que  j'avance  l'observation  recueillie  à  la 
Pitié  d'un  jeune  garçon  dont  les  reins,  les  fesses,  les  cuisses  en  arrière 
étaient  brûlées  au  troisième  degré,  et  qui  pendant  plusieurs  jours  pansé 
avec  le  coton  remplissait  la  salle  de  plaintes  incessantes,  et  privait  de 
sommeil  les  autres  malades.  J'avais  hésité  à  employer  la  baudruche  à 
cause  de  la  situation  des  brûlures,  mais  convaincu  que  le  blessé  allait  ra- 
pidement succomber  épuisé  par  la  douleur,  je  le  plaçai  sur  le  ventre  un 
peu  de  côté;  la  baudruche  fut  appliquée,  et  une  demi-heure  après  le 
sommeil  s'emparait  de  lui  pour  vingt-quatre  heures  :  la  guérison  fut  ob- 
tenue. Ce  que  je  viens  de  dire  de  l'utilité  de  la  baudruche  dans  les  brû- 
lures est  applicable  aux  autres  plaies,  aux  phlegmons  diffus  avec  ou  sans 
perte  de  substance,  mais  ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'insister  sur  les  diverses 
applications  de  ce  mode  de  pansement. 

Dans  les  brûlures  au  quatrième  et  cinquième  degrés  ce  n'est  plus  la 
douleur  qui  fournit  les  indications  du  traitement,  c'est  l'inflammation 
qui  doit  présider  à  Uélimination  des  escarrhes.  Suivant  Dupuytren,  il  y  a 
cette  différence  entre  la  gangrène  produite  par  le  feu  et  celle  qui  est  due 
à  toute  autre  cause  que,  dans  ce  dernier  cas,  il  faut  presque  toujours  ex- 
citer l'inflammation,  et  dans  le  premier  la  modérer.  Il  est  certain  qu'à 
l'époque  de  son  développement  on  couvre  la  partie  brûlée  de  cataplasmes 


BKULURE.  —  traitement.  755 

émollients  au  double  point  de  vue  de  borner  l'inflammation  et  de  favo- 
riser la  séparation  des  escarrhes.  Il  ne  convient  d'employer  les  balsa- 
miques et  les  suppuratifs  tels  que  l'onguent  styrax,  ainsi  que  le  conseille 
Larrey,  qu'autant  que  l'inflammation  deviendrait  languissante,  auquel 
as  il  est  utile  aussi  de  donner  au  malade  quelques  toniques  à  l'intérieur, 
le  l'eau  rougie  pour  tisane,  et  môme  un  peu  de  vin  pur,  en  même  temps 
qu'on  lui  accorde  une  alimentation  suffisante  au  travail  d'élimination 
|ui  doit  s'accomplir  ;  il  s'exécute  par  les  seules  forces  de  la  nature.  L'es- 
carrhe  doit  se  détacher  d'elle-même;  quand  elle  est  large,  détachée  à  sa 
circonférence,  où  elle  forme  des  lambeaux  mobiles  et  flottants,  mais  en- 
core adhérents  au  centre,  il  ne  faut  pas  croire  qu'il  soit  avantageux  de 
couper  ces  lambeaux  à  l'aide  de  ciseaux  sous  prétexte  de  régulariser  et 
de  déblayer  la  plaie,  d'enlever  une  cause  d'infection,  et  de  faciliter  le 
pansement  de  la  partie  de  la  plaie  sous-jacente  aux  escarrhes. 

Cette  pratique,   qui  n'est  que  rarement  avantageuse,   peut  avoir  de 
graves  inconvénients,  donner  lieu  à  des  douleurs  vives  ou  à  des  hémor- 
rhagies  fâcheuses  chez  des  individus  déjà  fort  débilités,  s'il  est  arrivé  que 
des  nerfs  ou  des  vaisseaux  aient  continué  à  vivre  dans  l'épaisseur  des 
escarrhes.  Il  est  donc  mieux  d'attendre  la  séparation  complète  et  spon- 
tanée des  parties  mortifiées.  Si  toutefois  on  avait  reconnu  une  collection 
purulente  au-dessous  d'une  escarrhe,  il  n'y  aurait  aucune  raison  pour  n'y 
pas  pratiquer  une  incision  et  donner  issue  à  la  suppuration.   Quand  les 
escarrhes  sont  complètement  séparées,  on  trouve  au-dessous  d'elles  une 
plaie  en  général  inégale,   quelquefois  anfractueuse  et  qui  fournit  une 
quantité  abondante  de  pus  :  il  ne  s'agit  plus  (pie  du  traitement  des  plaies 
ordinaires,  et  il  faut  renoncer  aux  cataplasmes  émollients,  dont  l'usage 
prolongé  aurait  l'inconvénient  d'accroître  la   suppuration,  et  de  rendre 
les  bourgeons  charnus  blafards,  volumineux  et  mollasses.  Le    pansement 
sera  fait  suivant  les  procédés  ordinaires  avec  le  linge  cératé,  la  charpie, 
quelquefois  la   charpie   sèche  après  des  lotions  de  décoction   de   quin- 
quina, ou  de  vin  aromatique.  L'exubérance  des  bourgeons  charnus  sera 
réprimée  par  la  cautérisation  à  l'aide  du  crayon  de  nitrate  d'argent,  la 
poudre  d'alun  et   la  compression.  Des  précautions  particulières  seront 
prises  pour  empêcher  l'oblitération  ou  le  rétrécissement  des  orifices  dont 
le  contour  a  été  brûlé,  tels  que  les  narines,  la  bouche,  le  conduit  auditif: 
dans  ce  but  on  fait  usage  de  mèches  de  charpie  cylindriques,  de  fragments 
d'épongé   et    mieux   de  canules   de   gomme    élastique   ou  d'os  ramolli. 
Il  faut  tâcher  d'empêcher  aussi  l'adhérence  de  parties  contiguës  comme 
les  doigts,  les  orteils,  dont  les  commissures  ont  élé  attaquées  au  troisième 
et  quatrième  degrés;  la  flexion  permanente  complète  ou  incomplète  de 
parties  mobiles  les  unes  sur  les  autres   au  moyen  d'articulations  gingly- 
moïdales  ou  orbiculaires,  et  qui  dans  l'état  sain  jouissent  de  mouvements 
libres  de  flexion,  d'extension  et  de  circumduction.  Les  moyens  dont  l'art 
dispose  dans  ce  but  sont  avec  la  cautérisation  déjà  indiquée  les  emplâtres 
a ggluti natifs,  la  position  et  les  bandages.  Les  emphàtres  agglutinatifs  ser- 
vent de  deux   manières  ;  tantôt  on  les  emploie  pour  opérer  directement 

NOUV.    DICT.    MÉU.    ET  tlllli.  V.    —    i8 


754  BRULURE.  —  traitement. 

la  compression  sur  des  chairs  trop  saillantes  et  qui  tendent  à  combler 
des  intervalles  qu'il  faut  ménager,  et  à  produire  des  adhérences  vicieuses 
de  parties  contiguës  comme  les  doigts  ;  on  pose  alors  sur  les  bourgeons 
saillants  de  petits  cylindres  de  charpie  assez  fermes  que  l'on  maintient 
fortement  par  de  longues  bandelettes  de  diachylon  gommé  :  tantôt  on 
s'en  sert  pour  écarter  l'un  de  l'autre  les  bords  de  la  solution  de  continuité 
attirés  vers  son  centre  par  la  contraction  de  la  membrane  des  bourgeons 
charnus.  La  position  destinée  à  rendre  la  cicatrice  la  plus  large  possible 
doit  être  telle  qu'elle  donne  aux  parties  une  situation  opposée  à  celle  que 
la  cicatrice,  qui  se  forme,  tend  à  leur  faire  prendre  ;  c'est  ainsi  que  dans 
les  brûlures  de  l'aisselle,  le  bras  sera  placé  sur  un  coussin  épais  et 
résistant  pour  le  maintenir  éloigné  du  tronc,  que  la  jambe  sera  main- 
tenue dans  l'extension  pour  la  guérison  régulière  des  brûlures  du 
jarret,  etc. 

Mais  si  la  position  exige  pour  être  continue  l'action  des  muscles, 
dont  la  permanence  ne  serait  pas  possible,  il  faut  y  suppléer  par  l'action 
des  bandages  et  même  de  certaines  machines  appropriées.  Ces  bandages 
qui  ne  diffèrent  pas  de  ceux,  dont  on  se  sert  pour  la  réunion  des  plaies, 
bien  que  leur  traction  soit  employée  dans  un  sens  opposé  devront 
être  décrits  à  l'article  des  plaies  en  général,  et  ne  peuvent  être  ici  qu'in- 
diqués. 

Enfin  quand  un  membre  est  largement  et  profondément  brûlé,  le 
danger,  qu'entraînerait,  si  on  en  attendait  le  moment,  la  réaction  in- 
flammatoire ,  ou  la  suppuration  prolongée  qui  devrait  infailliblement 
succéder  à  l'élimination  des  escarrhes,  devient  une  indication  positive  de 
l'amputation.  11  est  rare  cependant  qu'en  pareille  circonstance  elle  soit 
pratiquée,  parce  que  presque  toujours  des  brûlures  profondes  et  étendues 
du  tronc  compliquent  la  lésion  du  membre  et  rendraient  le  sacrifice  inutile. 
On  cite  toutefois  des  exemples  extraordinaires  dans  lesquels  la  vie  a  été 
conservée  au  prix  de  l'amputation  successive  delà  cuisse  gauche  et  du  bras 
droit;  de  la  jambe  et  de  l'avant-bras,  des  deux  bras,  et  même  des  deux 
cuisses  mortifiées,  quoique  d'autres  brûlures  existassent  à  la  face,  à  la 
poitrine  et  aux  mains  (Larrey.  Mémoires  de  chirurgie  militaire).  Ce  qui 
arrive  plus  souvent,  c'est  qu'en  pratiquant  la  désarticulation  d'un  mem- 
bre, on  soit  forcé  de  conserver  des  lambeaux  en  partie  brûlés,  d'où  ré- 
sulte une  cicatrice  moins  régulière,  comme  j'ai  été  obligé  de  le  faire  chez 
une  épileptique  de  dix-neuf  ans,  à  laquelle  j'ai  désarticulé  le  bras  droit. 
La  guérison  n'en  fut  pas  moins  obtenue,  bien  que  des  brûlures  très- 
profondes,  mais  peu  étendues  en  surface,  existassent  à  la  main  gauche  et 
à  d'autres  parties  du  corps. 

Si  on  doit  s'abstenir  de  l'amputation  des  membres  dans  une  foule  de 
cas,  où  il  existe  en  même  temps  sur  le  tronc  des  brûlures  étendues,  il 
n'en  est  pas  moins  certain  que,  considérée  en  elle-même  et  bornée  à  un 
membre  ou  à  une  de  ses  portions  plus  ou  moins  étendues,  le  pied,  la 
jambe,  la  cuisse,  la  brûlure  au  sixième  degré,  comprenant,  comme  on 
sait,  une  grande  partie  des  chairs  et  les  os  eux-mêmes,  est  une  indication 


BRULURE.    BIBLIOGRAPHIE.  755 

formelle  d'amputation  immédiate,  si  l'état  général  des  forces  ne  contraint 
pas  à  la  différer  d'un  ou  deux  jours. 

J'ai  parlé  avec  assez  de  détails  du  traitement  local  de  la  brûlure,  et  les 
moyens  que  j'ai  indiqués  ont  une  grande  portée  sur  les  accidents  généraux 
observés  en  pareils  cas;  cependant  il  est  quelques  indications  à  suivre  qui 
diffèrent  des  applications  locales,  et  qu'il  est  bon  d'indiquer  succinctement. 

Comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  Dupuytren  a  distingué  les  accidents  des 
brûlures  en  primitifs  et  en  consécutifs.  Les  accidents  primitifs  sont  la 
douleur,  l'agitation,  les  spasmes,  la  lièvre,  qui,  suivant  lui,  caractérisent 
la  période  d'irritation,  qu'il  rapporte  aux  brûlures  superficielles  ;  celles 
qui  sont  profondes  ont  en  général  pour  accident  primitif  la  stupeur.  A  la 
période  d'irritation,  indépendamment  des  répercussifs ,  il  conseillait 
d'opposer  la  diète,  la  saignée,  les  boissons  calmantes,  les  antispasmo- 
diques, et  même  les  bains  ;  à  la  stupeur,  les  cordiaux,  les  toniques,  le 
vin,  donnés  en  petites  quantités  à  la  fois,  mais  assez  répétées  pour  ra- 
nimer le  plus  promptement  possible  la  sensibilité  générale  et  la  circula- 
tion. Le  corps  du  malade  doit,  en  sus,  être  enveloppé  dans  des  draps 
chauds  dont  la  température  sera  entretenue. 

Les  accidents  consécutifs  sont  d'abord  l'inflammation,  qui  doit  être 
modérée  et  contenue  dans  les  justes  bornes  nécessaires  à  l'élimination 
des  escarrhes  :  aux  topiques  émollients  déjà  indiqués  s'associe  le  traite- 
ment général  antiphlogislique  ;  puis  arrive,  après  la  chute  des  escarrhes, 
la  période  de  suppuration  dont  l'abondance  est  en  proportion  des  pertes 
de  substance,  et  à  laquelle  il  faut  pourvoir  par  un  régime  fortifiant  cal- 
culé suivant  les  forces  digestives;  c'est  à  l'aide  d'aliments  analeptiques, 
de  vins  généreux,  du  quinquina,  etc.,  que  l'on  prévient,  s'il  est  possible, 
la  période  d'épuisement  pendant  laquelle  le  même  régime  doit  être  con- 
tinué, jusqu'à  ce  que  la  nature  ait  pu  suffire  au  travail  de  la  cicatrisation, 
toujours  prolongé  dans  les  brûlures  des  troisième,  quatrième  et  cin- 
quième degrés,  et  trop  souvent  même  interrompu  çà  et  là  par  l'ulcération 
et,  la  destruction  de  la  membrane  des  bourgeons  charnus,  ce  qui  exige 
des  efforts  réitérés  de  la  part  de  l'organisme. 

Fabhice  de  Hilden,  De  ambustionibus,  quœ  oleo  et  aquà  fervidis,  l'erro  candeule,  pulvere  tormen- 
tario,  fulmine  et  quavis  aliâ  materià  ignita  fiunt.  Bâle,  1607,  in-8°.  Oppenheim,  1614.  in-8°. 

Cleghorn  (Dav.),  Account  of  a  particular  melhod  of  curing  Burns  and  Scalds.  iti  Med.  faits.  1792, 
t.  II,  p.  120. 

Dupuytren,  Des  brûlures,  etc.  (Leçons  orales,  t.  IV.  p.  505). 

Sabatier,  Médecine  opératoire.  Nouvelle  édition  par  Sanson  et  Begin,  t.  I,  p.  475. 

Moulinié  (J.),  Brûlures.  Thèses  de  Paris,  1812,  n°  87. 

Bretonneau,  De  l'utilité  de  la  compression  dans  les  inflammations  idiopathiques  de  la  peau.  Thèses 
de  Paris,  1815,  in-4°. 

Velpeau,  Mémoire  sur  l'emploi  du  bandage  compressa'  dans  le  traitement  de  l'érysipèle  phlegmo- 
neux  de  la  brûlure  et  de  plusieurs  autres  inflammations,  t.  XI.  —  Nouveau  traitement  de  la 
brûlure,  lu  à  l'Académie  des  sciences  (Bévue  médicale,  1855,  t.  II  et  111).  [Archives  géné- 
rales de  médecine.  1826.  lre  série). 

Aubayë,  Aperçu  sur  les  avantages  de  l'eau  froide  employée  comme  topique  dans  quelques  ma- 
ladies chirurgicales.  Thèse  Montpellier,  1850,  n°  79. 

Christison  (Rob.),  Recherches  expérimentales  sur  les  différences  que  présentent  les  brûlures 
faites  avant  et  après  la  mort  (Edinburgh  médical  and  surgical  Journal,  avril,  1851.  — 
Archives  générales  de  Médecine.  lre  série,  1851,  t.  XXVI,  p.  246). 


75ti  BRYONE.  —  description,  propriétés  et  usages. 

James  Long,    On    Ihc  post   morlem  Appearances    found  after  Burns    (the    Loudon   médical 

Gazette,  febr.  18i0). 
(jiampouillon,  Possibilité  de  reproduire  après  la  mort  quelques  caractères  des   brûlures  faites 

pendant  la  vie  {Armâtes  d'hygiène  publique  et  de  médecine  légale.  l,e  série,  1841). 
Curling,    On  the  ulcération  of  ibe  Duodénum  after  Burns  (Medico-chirurg.  Transact.  18  i2. 

vol.  XXV. 
Erichsen,  On   ibe  Palhology  of  Burns  [London  médical  Gazette,   January  1844.  vol.    XXXI, 

p.  544-588). 
A.  Behaiîu  et  Deïsonvilliers,  Compendium  de  cbirurgie.   Paris,  1845.  Art.  Brûlure,  t.  I,  p.  254 
Mottet,  De  la  brûlure  et  de  la  congélation,  appréciations  fournies  par  la  colonne  expéditionnaire 

du  24  février  au  24  avril  1852.  Paris,  1852.  ln-8. 
Hervez  de  Chegoin,  Traitement  de  la  brûlure.  Paris,  1852,  in-8. 
Gerdï,  De  la  Brûlure  (Bulletin  de  la  Société  de  chirurgie.  Séance  du  15  septembre  1852.  Paris, 

1852,  t.  III,  p.  115). 
Moras,  Délation  des  brûlures  par  l'explosion  de  la  ebaudière  du  yacht  royal  \e  Comte  d'Eu  (Sau- 

rel,  Chirurgie  navale,  p.  157). 
Lalluyeaux  d'Ormay,  Observations  sur  les  brûlures  produites  par  l'explosion  du  Roland,  24  sep- 
tembre 1858,  et  traitées  à  1  hôpital  principal  de  la  marine  de  Toulon  [Gazette  médicale  de 

Paris,  1851),  p.  20,  et  Saurel,  Chirurgie  navale.  Paris,  1861,  p.  1G0). 
Bevan(P1i.),  Dublin  Quarterlg  Journal.  February  1860.  Vol.  XXIX. 

Wilks,  Gutjs  Hospitals  Reports,  3e  série,  t.  VI,  p.  146,  et  Archives  de  médecine,  mai  1861. 
FolliiN,  Traité  de  Pathologie  externe,   Patis,  1861,  t.  I,  p.  521. 
Baraduc  (II.),  Des  causes  de  la  mort  à  la  suite  des  brûlures  superficielles.  Des  moyens  de  l'éviter. 

Paris,  1862. 
Ollivieb  (de  Toulon),  Incendie  du  bagne  flottant  le  Sanli-Petri.  Étude  sur  les  états  morbides 

présentés  par  quarante-deux  forçats  à  la  suite  de  cet  incendie  (Archives  de  médecine  navale, 

1864,  t.  I,  p.  555). 
Thelmier,  Des  accidents  dans  les  laboratoires  de  chimie,  thèse  de  doctorat  en  médecine.  Paris, 

1866  (Brûlures). 

S.  Laugier. 

BIWOIVIv  —  Description.  —  Le  genre  Bryonia,  de  la  famille  des 
Cucurbitacées,  contient  un  grand  nombre  d'espèces,  mais  une  seule  est 
utilisée,  c'est  la  Bryonia  dioica,  Jacq.  —  C'est  une  plante  très-commune 
dans  les  haies  ;  elle  grimpe  le  long  des  arbres  à  l'aide  de  vrilles;  ses  tiges 
sarmenteuses  portent  des  feuilles  palmées  et  des  fleurs  d'un  vert  blan- 
châtre donnant  pour  fruits  de  petites  baies  de  la  grosseur  d'un  pois, 
vertes  d'abord,  devenant  rouges  plus  tard.  La  racine,  qui  est  la  seule 
partie  employée,  est  grosse  comme  le  bras,  pivotante,  charnue,  jaunâtre 
à  l'extérieur,  blanche  à  l'intérieur.  Sa  saveur,  surtout  prononcée  quand 
la  plante  est  fraîche,  est  amère,  nauséeuse  et  désagréable.  Dans  les 
pharmacies,  on  la  trouve  sous  forme  de  rondelles  sèches  qui  conservent 
encore  une  amertume  très-grande. 

Propriétés  et  usages.  —  On  a  fait  plusieurs  fois  l'analyse  de  cette 
plante,  et  toujours  on  y  a  trouvé  un  principe  particulier  qu'on  a  appelé 
Bryonine.  Mais  les  caractères  de  ce  principe  ont  varié  suivant  les  ob- 
servateurs, de  telle  sorte  qu'on  ne  peut  rien  avancer  de  positif  sur  sa 
nature. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'expérience  a  démontré  que  la  Bryone,  employée 
à  trop  haute  dose,  est  un  poison  irritant.  A  dose  médicamenteuse,  elle 
n'est  que  purgative,  et  certains  auteurs  ont  été  jusqu'à  la  placer  sur  le 
même  rang  que  le  Jalap.  Il  serait  utile  d'étudier  cette  substance  sous 
ce  point  de  vue.  Beaucoup  de  praticiens  en  vantent  l'emploi  dans  l'hy- 
dropisie,  le  rhumatisme  chronique,  les  paralysies  atoniques,  la  pneu- 


BUBON.    SYNONYMIE,    APERÇU    HISTORIQUE,  757 

îiionie  bilieuse,  etc.  On  reconnaît  là  toutes  les  maladies  où  les  drastiques 
sont  indiqués. 

La  Bryone  broyée  a  été  prescrite  comme  topique  excitant  pour  ame- 
ner la  dérivation. 

Des  auteurs  rapportent  qu'en  lui  faisant  subir  certaines  préparations 
un  peut  l'utiliser  comme  aliment. 

Doses  et  mode  d'administration.  —  Au  printemps,  les  paysans  de  quel- 
ques contrées  creusent  au  sommet  de  la  racine  une  petite  cavité;  celle-ci 
se  remplit  d'un  liquide  qu'ils  appellent  eau  de  Bryone,  et  dont  ils  se  ser- 
vent à  la  dose  d'une  cuillerée  pour  se  purger. 

On  peut  administrer  la  poudre  de  racine  sèche  en  pilules,  «à  la  dose  de 
50  centigrammes  à  4  grammes;  l'extrait  à  la  dose  de  0,25  centigrammes 
à  0,75  centigrammes;  enfin,  on  mettra  15  à  30  grammes  de  racines  sè- 
ches pour  un  litre  d'eau,  quand  on  voudra  la  donner  en  décoction. 

Léon  Marchand. 

Ml' BOA  —  Le  terme  de  bubon  (de  gôuêwv,  aine)  ne  désignait  origi- 
nairement que  les  tumeurs  glandulaires  des  régions  inguinales  ;  plus  tard 
et  par  extension,  cette  dénomination  devint  synonyme  d'affection  gan- 
glionnaire en  général  et  fut  indistinctement  appliquée,  en  dépit  de  sa  si- 
gnification étymologique,  aux  engorgements  des  glandes  lymphatiques  de 
toutes  les  régions. 

Ce  terme  n'a  pas  de  sens  bien  précis.  On  ne  saurait  dire  ce  en  quoi 
le  bubon  diffère  de  l'adénite.  Toutefois,  dans  le  langage  vulgaire  comme 
dans  la  langue  médicale,  on  paraît  désigner  plus  particulièrement  sous 
le  nom  de  bubon  les  adénopathies  auxquelles  se  rattache  l'idée  d'une 
spécificité  diathésique  ou  virulente  (bubons  vénérien,  syphilitique,  scrofu- 
leux,  scarlatineux,  morveux,  pestilentiel,  etc.),  et  l'on  réserve  plus  vo- 
lontiers le  nom  à'adéniie  aux  inflammations  simples  des  ganglions  lym- 
phatiques. 

Nous  n'avons  à  traiter  ici  que  des  bubons  vénériens,  c'est-à-dire  des 
affections  ganglionnaires  symptomatiques  de  maladies  primitives  d'ori- 
gine vénérienne  ou  résultant  du  simple  rapprochement  sexuel. 

Synonymie  $  gou6o>v,  bubo ;  apostema  inguinis;  dragunzelus,  dra- 
gonneau  de  l'aine;  ulcéra  qu«e  fiunt  in  inguine  ;  tumores  gallici;  poulain 
(dénomination  triviale,  paraissant  reconnaître  '  pour  origine  une  assi- 
milation singulière  de  la  démarche  embarrassée  des  malades  affectés  de 
bubon  avec  l'allure  des  jeunes  chevaux  ou  poulains)  ;  adénite  ;  adénite 
vénérienne,  spécifique,  virulente;  bubon  sympathique,  inflammatoire, 
chancreux,  virulent;  ganglionnite  ;  adénopathie  vénérienne;  chancre 
ganglionnaire,  etc., 

Aperçu  historique,  —  I.  Le  bubon  a  été  connu  dès  la  plus  haute 
antiquité.  Sa  relation  pathogénique  avec  les  maladies  des  organes  génitaux 
se  trouve  indiquée  jusque  dans  Hippocrate,  Son  caractère  vénérien  paraît 
même  avoir  été  de  connaissance  vulgaire  dans  la  société  romaine.  Ainsi, 
nous  voyons  un  satirique,  Martial,  reprocher  à  une  courtisane,  comme 


758  BUBON.  —  aperçu  historique. 

un  stigmate  de  débauche,  les  cicatrices  qu'elle  portait  aux  régions  ingui- 
nales. 

Les  Arabes  et  les  arabistes  mentionnèrent  de  même  les  tumeurs,  les 
apostèmes  et  les  ulcères  de  l'aine,  en  indiquant  les  rapports  du  bubon 
avec  les  maladies  de  la  verge  et  de  la  vulve.  Pour  ne  citer  qu'un 
exemple,  Guillaume  de  Salicet  signale,  au  chapitre  xlii  de  sa  Chirurgie 
(De  apostematibus) ,  le  bubon  de  l'aine  ou  dragonneau  qui  survient  à  la 
suite  d'un  commerce  impur  ou  qui  est  provoqué  par  des  lésions  de  la 
verge  :  «  Haec  segritudo  vocatur  bubo,  vel  dra'gunzelus,  vel  apostema 
inguinis...  Cumhomo  infirmatur  in  virgâ  propter  fœdam  meretricem  vel 
aliam  causam,  redit  materia  ad  locum  inguinum,  propter  affinitatem 
quam  habent  ista  loca  cum  virgâ  corruptâ.  » 

On  trouve  de  même  le  bubon  vénérien  parfaitement  indiqué  par 
Lanfranc  (de  Milan),  par  Guy  (de  Chauliac),  par  Pierre  Argelata  (de  Bo- 
logne), etc. 

ÏI.  L'antiquité  et  le  moyen  âge  ne  connurent  que  le  bubon  inflamma- 
toire, celui  qui  fait  tumeur,  qui  s'abcède,  qui  produit  ou  peut  produire 
un  ulcère  de  l'aine.  Avec  la  syphilis  parut  une  nouvelle  espèce  de  bubon, 
le  bubon  froid,  indolent,  qui  ne  suppure  pas  et  qui  n'est  pas  suivi  d'ul- 
cérations inguinales. 

Ce  bubon  fut  observé  dès  les  premiers  temps  de  l'invasion  du  mal 
français.  Ainsi  Gaspard  Torella  nous  a  transmis  l'observation  d'un  de 
ses  malades  chez  lequel  «  un  ulcère  virulent  de  la  verge  avait  déterminé 
une  sorte  de  callosité  longitudinale  qui  s'irradiait  vers  les  aines.  »  Nul 
doute  qu'il  ne  s'agisse  dans  ce  fait  d'une  lymphangite  indurée  avec  un 
double  bubon  inguinal.  Néanmoins,  les  auteurs  qui  assistèrent  à  la  nais- 
sance de  la  syphilis  méconnurent  ou  négligèrent  presque  tous  cette  adé- 
nopathie  ;  ils  ne  la  signalèrent  pas  parmi  les  symptômes  du  mal  français, 
ce  qui,  du  reste,  trouve  son  explication  toute  naturelle  dans  les  carac- 
tères mêmes  du  bubon  syphilitique,  lequel,  indolent  de  sa  nature,  peu 
volumineux,  non  inflammatoire,  etc.,  pouvait  facilement  passer  inaperçu 
au  milieu  des  manifestations  nombreuses  et  plus  saillantes  de  la  maladie 
nouvelle  (Bassereau). 

Le  bubon  syphilitique  toutefois  ne  tarda  guère  à  être  reconnu  et  décrit. 
On  fît  même  cette  remarque  qu'il  différait  des  bubons  que  Ion  avait  ob- 
servés autrefois,  que  c'était  un  état  morbide  nouveau,  dont  les  médecins 
de  l'antiquité  n'avaient  pas  eu  connaissance  :  «  In  inguinibus,  dit  Fallope, 
tumores  gallici  suboriuntur,  quos  non  novit  antiquitas.  »  De  plus,  nombre 
d'auteurs  furent  frappés  de  ce  fait  que  ce  bubon  symptomatique  du  mal 
français  (tumor  gallicus)  ne  se  conduisait  pas  comme  les  adénites  ordi- 
naires, qu'il  ne  suppurait  pas,  «  qu'il  s'en  retournait  au  dedans  par  dé- 
litescence »  (A.  Paré),  tandis  que  les  bubons  qui  suppuraient  n'étaient 
pas  suivis  des  symptômes  propres  au  mal  français  (  Nicolas  Massa, 
Ant.  Gallus,  Thierry  de  lléry,  Rondelet,  etc.). 

JIJ.  La  pathogénie  du  bubon  n'était  pas  explicable  avant  la  découverte 
des  lymphatiques.   On  considérait  vaguement  les  engorgements  glandu- 


BUBON.    APERÇU    HISTORIQUE.  759 

laires  comme  une  manifestation  du  vice  vénérien,  comme  un  accident  «  dû 
à  la  rétrocession  du  virus  vers  les  glandes  de  l'aine,  »  comme  une  lésion 
sympathique  «  analogue  à  la  production  de  la  hernie  humorale  (orchite) 
dans  la  gonorrhée  »,  comme  «  un  émonctoire  naturel  du  poison  vénérien, 
un  effet  de  la  force  répulsive  de  la  nature,  »  etc.,  etc..  Tout  cela  n'é- 
tait que  théories  et  hypothèses  spéculatives.  La  découverte  du  système 
lymphatique  vint  ouvrir  une  ère  nouvelle  au  buhon.  Alors  seulement, 
comme  le  dit  Hunter,  on  put  comprendre,  de  par  l'anatomie,  la  rela- 
tion qui  rattachait  les  affections  ganglionnaires  aux  accidents  dont  elles 
étaient  la  conséquence  et  le  rôle  que  jouait  l'absorption  dans  leur  déve- 
loppement. 

IV.  Si  les  différentes  espèces  d'adénopathies  vénériennes  ont  été  dès 
longtemps  reconnues  et  signalées,  ce  n'est  guère  que  dans  notre  siècle 
qu'elles  ont  été  différenciées  les  unes  des  autres,  étudiées  séparément, 
classées,  catégorisées,  et  que  chacune  d'elles  a  été  rapportée  ta  sa  véritable 
origine. 

Du  moyen  âge  jusqu'à  une  époque  voisine  de  la  nôtre,  tous  les  bubons 
vénériens  ont  été  considérés  comme  des  expressions  diverses  d'une  seule 
et  même  maladie.  On  admettait  sans  hésitation  qu'ils  relevaient  tous 
d'une  même  cause,  d'un  même  virus,  qu'ils  étaient  tous  identiques,  si- 
non comme  forme,  du  moins  comme  nature,  et  partant  qu'ils  pouvaient 
tous  entraîner  à  leur  suite  les  mêmes  accidents.  Il  n'y  avait  pas,  à  vrai 
dire,  plusieurs  bubons;  il  n'en  existait  qu'une  seule  espèce,  susceptible 
de  variétés  et  de  modifications  symptomatologiques  d'importance  secon- 
daire. Ce  bubon  unique,  qu'il  se  manifestât  avec  tels  ou  tels  caractères, 
qu'il  succédât  à  un  chancre  ou  à  une  blennorrhagie,  qu'il  se  produisît 
même  isolément  et  d'emblée  sans  accident  primitif,  était  toujours  et  in- 
variablement le  témoignage  d'une  infection  vénérienne  et  pouvait  être 
suivi  des  symptômes  propres  à  ce  qu'on  appelait  la  vérole  confirmée. 

Cette  doctrine  ou,  pour  mieux  dire,  cette  confusion,  se  perpétua 
d'âge  en  d'âge  jusqu'à  notre  siècle.  Ce  fut  Ricordqui  jeta  la  lumière  sur 
ce  chaos,  et  qui,  par  ses  observations,  par  ses  expériences,  sépara  les 
diverses  espèces  du  bubon  étrangement  réunies  et  assimilées  jusqu'à  lui. 

Non-seulement  Ricord  reconnut  et  décrivit  plus  complètement  qu'on 
ne  l'avait  encore  fait  les  espèces  multiples  du  bubon  vénérien,  mais  de 
plus  il  démontra  qu'elles  constituent  des  types  pathologiques  très-diffé- 
rents comme  nature  et  comme  origine  ;  que  les  unes  sont  de  simples 
adénites  inflammatoires,  ne  présentant  rien  que  d'analogue,  d'identique 
avec  les  adénites  non  vénériennes;  que  les  autres  sont  des  adénopathies 
spéciales  et  même  spécifiques;  qu'en  outre  ces  espèces  diverses  ne  se  dé- 
veloppent pas  indifféremment  à  la  suite  de  tout  accident  vénérien  ; 
que  bien  au  contraire  chacune  d'elles  est  soumise  dans  son  expression 
symptomatologique  à  la  nature  de  la  lésion  dont  elle  dérive;  que  le  bu- 
bon virulent  ou  spécifique  ne  se  produit  jamais  (V emblée,  primitive- 
ment; que  toutes  les  adénopathies  vénériennes  ne  comportent  ni  les 
mêmes  dangers  immédiats,  ni  les  mêmes  conséquences  d'avenir,  ni  les 


760  BUBON.  —  division. 

mêmes  indications  thérapeutiques,  etc,  En  un  mot,  il  établit,  contradic- 
toirement  aux  idées  anciennes,  qu'il  existe  des  bubons  multiples  et 
divers,  tout  comme  il  y  a  des  symptômes  primitifs  multiples  et  dif- 
férents. 

A  dater  du  jour  où  ces  idées  pénétrèrent  dans  la  science,  l'histoire 
pathologique  du  bubon  s'éclaira  d'un  jour  tout  nouveau.  Des  espèces  in- 
dépendantes furent  distinguées  et  décrites  ;  chacune  d'elles  fut  rapportée 
à  son  origine  respective,  et  l'ordre  nosologique  s'établit  là  où  ne  ré- 
gnaient anciennement  que  l'anarchie  et  la  confusion. 

Je  crois  pouvoir  le  dire  en  toute  justice,  la  connaissance  du  bubon 
vénérien,  telle  que  nous  la  possédons  aujourd'hui,  est  presque  entière- 
ment due  aux  travaux  et  à  l'enseignement  de  Ricord. 

Division.  —  Le  bubon  ne  constitue  pas  à  lui  seul  une  maladie,  une 
entité  morbide,  au  moins  dans  l'énorme  majorité  des  cas.  Ce  n'est  pres- 
que jamais  qu'un  symptôme,  qu'un  phénomène  consécutif,  qu'une  mani- 
festation secondaire.  Très-exceptionnellement  il  existe  seul,  sans  lésion 
antérieure;  il  est  dit  alors  essentiel  ou  idiopathique. 

Les  affections  d'origine  vénérienne  peuvent  exercer  sur  les  ganglions 
lymphatiques  deux  modes  d'action  très-différents  : 

1°  Tantôt  elles  n'agissent  qu'au  titre  d'irritations  communes,  non  spé- 
ciales ;  elles,  influencent  alors  les  ganglions  à  la  façon  des  excitants  vul- 
gaires, tout  comme  le  fait  une  phlegmasie  simple,  une  lésion  acciden- 
telle, un  traumatisme,  etc.  Dans  ce  cas,  ce  qu'elles  déterminent,  c'est 
une  inflammation  ganglionnaire  dépourvue  de  toute  spécificité,  c'est 
une  véritable  adénite.  —  Le  bubon  qui  se  développe  dans  ces  conditions 
est  dît  bubon  simple  ou  inflammatoire.  On  le  trouve  encore  décrit  sous  les 
noms  de  bubon  bénin,  bubon  sympathique,  bubon  cl  irritation,  bubon  par 
retentissement  inflammatoire,  etc. 

2°  Tantôt,  au  contraire,  ces  maladies  agissent  sur  les  ganglions  au 
titre  d'affections  spécifiques,  pour  y  développer  des  lésions  spécifiques 
que  les  causes  d'irritation  vulgaire  ne  sauraient  produire. 

Deux  d'entre  elles  seulement  (chancre  simple  et  syphilis)  sont  sus- 
ceptibles  de  ce  mode  d'action. 

Ajoutons  aussitôt  que  le  bubon  spécifique  qu'elles  déterminent  est 
essentiellement  différent  pour  chacune  d'elles,  comme  nous  l'établirons 
par  ce  qui  va  suivre.  Ce  que  produit  le  chancre  simple,  c'est  le  bubon 
ehunereux,  le  chancre  ganglionnaire  ;  ce  que  développe  la  syphilis,  c'est 
une  adénopathie  spéciale,  froide,  indolente,  ayant  son  individualité 
propre  aussi  nettement  accusée  que  possible. 

En  résumé,  donc,  les  bubons  d'origine  vénérienne  peuvent,  ce  me 
semble,  être  classés  très-naturellement  comme  il  suit  : 

ï.  Bubon  simple  (adénite  inflammatoire). 

11.  Buboins  spécifiques,  comprenant:  1°  le  bubon  chaîicreux;  T  Yadéuo- 
pathie  syphilitique. 

Nous  allons  étudier  en  détail  ces  espèces  diverses. 


IHJHON.    —    BUROlN    SIMPLE    OU    INFLAMMATOIRE    (CAUSES,    SYMPTOMES).  7(M 

I,    BUBON  SIMPLE    OU    INFLAMMATOIRE. 

(rosi,  comme  nous  l'avons  dit,  une  adénite  simple,  purement  inflam- 
matoire, dépourvue  de  toute  spécificité  virulente, 

Ce  bubon  se  produit  à  la  suite  des  lésions  vénériennes  primitives,  tout 
comme  l'adénite  se  développe  à  propos  d'irritations  de  la  peau  ou  des 
muqueuses,  d'excoriations,  de  plaies,  de  brûlures,  de  vésications,  etc. 

Vénérien  d'origine,  il  n'offre  ni  dans  ses  symptômes,  ni  dans  sa  mar- 
che, ni  dans  ses  modes  de  terminaison,  rien  qui  le  distingue  de  l'adé- 
nite simple  ou  vulgaire.  Nous  n'avons  donc  à  le  décrire  que  très-Succinc- 
tement, l'histoire  pathologique  de  l'adénite  devant  être  exposée  en  détail 
dans  un  autre  article  de  cet  ouvrage. 

Causes.  —  les  causes  qui  peuvent  déterminer  ce  bubon  sont  les 
suivantes  : 

1°  Excitations,  irritations  mécaniques  de  la  verge,  résultant  du  com- 
merce sexuel; 

2°  Déchirures,  érosions,  plaies  du  pénis  produites  dans  le  coït,  puis 
entretenues  ou  irritées  par  de  mauvais  pansements,  par  des  cautérisa- 
tions intempestives,  par  la  non-interruption  ou  la  reprise  prématurée  des 
rapports,  etc.  ; 

5°  Blennorrhagie  (voy.  ce  mot);  urétrites;  lésions  de  l'urètre; 

4°  Balanite  (voy.  ce  mot);  posthite;  balano-posthite; 

5°  Enfin  et  surtout,  chancre  simple,  lequel  peut  agir  sur  les  gan- 
glions au  titre  de  plaie  simple,  d'irritant  vulgaire,  indépendamment 
de  sa  spécificité  virulente. 

De  même,  cette  adénite  peut  encore  résulter  de  lésions  non  véné- 
riennes de  la  verge  :  herpès,  furoncles,  eczéma,  érysipèle,  traumatisme, 
opérations  chirurgicales,  etc. 

Dans  l'énorme  majorité  des  cas,  ce  bubon  simple  reconnaît  pour  ori- 
gine une  lésion  apparente,  et  son  point  de  départ  est  facilement  consta- 
table.  Mais  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi.  Certaines  adénites  inguinales 
paraissent  pouvoir  être  légitimement  considérées  comme  vénériennes, 
alors  même  qu'il  n'existe  pas  de  lésions  appréciables  des  parties  sexuelles. 
Il  est  vrai,  comme  on  l'a  dit,  que  la  lésion  primitive  peut  être  assez  su- 
perficielle, assez  éphémère  pour  passer  inaperçue.  Mais  rien  ne  répugne, 
ce  me  semble,  à  admettre  qu'elle  puisse  faire  absolument  défaut.  11  n'est 
pas  impossible  que  l'excitation  du  coït  retentisse  sur  les  ganglions  au 
même  titre  que  la  marche,  l'exercice  forcé,  la  fatigue  musculaire.  Tou- 
jours est-il  que  cette  adénite,  dite  par  quelques  auteurs  essentielle  ou 
idiopathique,  est  excessivement  rare  et  véritablement  exceptionnelle. 

Symptômes.  —  Les  symptômes  de  ce  bubon  sont  ceux  de  l'adénite 
simple  (voy.  Lymphatique  (ganglion). 

Ils  se  présentent  sous  deux  formes  : 

4°  La  première  consiste  simplement  en  une  tuméfaction  légère  avec 
endolorissement  d'un  ou  de  plusieurs  ganglions.  C'est  une  fluxion,  une 


762  BUBON.  —  p.ubon  simple  ou  inflammatoire  (pronostic). 

tension  ganglionnaire,  plutôt  qu'une  véritable  adénite.  Elle  se  termine 
toujours  par  résolution  dans  l'espace  de  quelques  jours. 

Cette  forme  s'observe  très-communément  dans  la  blennorrhagie  uré- 
trale.  On  la  rencontre  aussi  à  la  suite  des  balanites,  des  balano-posthites, 
des  érosions  simples  de  la  verge,  des  déchirures  produites  mécanique- 
ment dans  le  coït  et  irritées  par  des  causes  diverses.  Elle  est  beaucoup 
plus  rare  au  contraire  avec  le  chancre  simple,  qui,  très-généralement, 
retentit  sur  les  ganglions  d'une  façon  bien  plus  aiguë. 

2°  La  seconde  forme  est  une  adénite  vraie,  se  caractérisant  par  les 
symptômes  habituels  des  inflammations  ganglionnaires  :  tuméfaction 
d'une  ou  plus  rarement  de  plusieurs  glandes,  avec  empâtement  des  tissus 
périphériques,  rougeur  plus  ou  moins  vive  des  téguments,  sensibilité 
très-douloureuse  à  la  pression,  difficulté  de  la  marche,  etc.  —  Ces  symp- 
tômes persistent  plusieurs  jours  avec  une  intensité  variable,  puis  abou- 
tissent à  des  terminaisons  diverses,  soit  à  une  résolution  graduelle,  soit 
à  la  formation  d'un  abcès,  soit  à  l'induration  chronique.  —  Une  seule 
chose  est  à  remarquer  ici,  c'est  que,  dans  les  cas  où  ce  bubon  arrive  à 
suppurer,  le  pus  qu'il  fournit  est  un  pus  simple,  phlegmoneux,  non  vi- 
rulent, non  spécifique,  non  susceptible  de  convertir  en  ulcère  chancreux 
le  foyer  qui  le  contient  et  les  tissus  périphériques. 

Ce  bubon  peut  d'ailleurs  subir  diverses  complications  qui  n'offrent  non 
plus  rien  de  spécial  et  que  l'on  observe  à  la  suite  des  adénites  de  tout 
genre  :  passage  à  la  forme  chronique;  —  dégénérescence  strumeuse  chez 
les  sujets  lymphatiques  ou  scrofuleux  ;  — ■  décollements  de  la  peau  plus 
oumoinsétendus; — fusées; —  fistules  persistantes;  — accidents  diversd'ir- 
radiation  inflammatoire;  érysipèle;  phlegmon  diffus,  etc. 

Cette  seconde  forme  d'adénite  s'observe  surtout  avec  le  chancre 
simple. 

Le  chancre  simple,  en  effet,  peut  agir  sur  les  ganglions  indépendam- 
ment de  sa  spécificité  virulente.  Comme  l'a  dit  Ricord,  «  il  constitue  à  la 
fois  pour  les  glandes  lymphatiques  une  cause  d'irritation  commune  et  une 
source  de  virulence  spécifique.  Il  est  susceptible  de  retentir  sur  elles  à  la 
façon  d'une  plaie  simple,  d'un  excitant  quelconque,  ou  bien  au  titre 
d'ulcère  virulent...  Dans  le  premier  cas,  le  bubon  qu'il  produit  est  une 
adénite  simple,  qui  présente  dans  son  développement  et  dans  sa  marche 
les  caractères  propres  aux  adénites  non  spécifiques  ;  c'est  une  phlegmasie 
ganglionnaire  qui  suit  les  phases  de  toutes  les  phlegmasies,  qui  peut 
se  terminer  par  résolution,  qui  peut  suppurer,  mais  dont  le  pus  ne  pré- 
sente jamais  aucun  caractère  de  spécificité  virulente...  Dans  le  second,  ce 
qu'il  détermine,  c'est  un  bubon  d'un  tout  autre  genre,  virulent  par  ex- 
cellence, non  susceptible  de  résolution  :  c'est  un  bubon  chancreux,  un 
véritable  chancre  ganglionnaire.  » 

Pronostic.  —  A  de  très-rares  exceptions  près,  ce  bubon  ne  présente  au- 
cun accident  sérieux.  Les  complications  qu'il  peut  subir  ne  sont  pas  dif- 
férentes de  celles  que  comporte  l'adénite  simple.  Il  diffère  essentiellement 
à  ce  point  de  vue  de  l'espèce  que  nous  allons  décrire. 


BUBON.    —   BUBON    CHANCREUX    (ÉTIOLOGIE,    PATHOGÉNIE).  763 

Nous  exposerons,  à  la  fin  de  cet  article,  le  traitement  qui  lui  est  ap- 
plicable. 

II.    BUBONS   SPÉCIFIQUES. 

I.  Bubon  cliancrewx — Espèce  très-distincte,  différente  à  tous  égard  s 
et  de  celle  qui  précède  et  de  celle  que  nous  étudierons  plus  loin  sous  le 
nom  d'adénopathie  syphilitique. 

Ce  bubon  est  dit  chancreux,  non  pas  en  raison  du  chancre  qui  le  pré- 
cède, mais  en  raison  de  ce  fait  que  lui-même  est  constitué  par  un 
chancre.  C  st  moins,  en  effet,  une  adénite  qu'un  chancre  ganglion- 
naire. 

Spécifiât  chancreuse,  tel  est  le  caractère  essentiel  de  ce  bubon.  Ce 
caractère  est  réel,  incontestable.  Il  ressort  à  la  fois  et  de  l'examen  cli- 
nique et  des  résultats  fournis  par  l'inoculation. 

La  clinique,  en  effet,  nous  montre  la  plaie  consécutive  à  l'ouverture 
de  ce  bubon  revêtant  l'aspect  et  la  forme  du  chancre. 

L'expérimentation  d'autre  part  nous  apprend  que  le  pus  sécrété  par 
cette  plaie  reproduit  par  inoculation  un  accident  spécial  qui  est  le 
chancre  simple. 

De  plus,  et  cela  n'est  pas  moins  important  à  spécifier,  cette  es- 
pèce de  bubon  appartient  en  propre  et  exclusivement  au  chancre  simple. 
On  ne  l'observe  jamais  ni  avec  le  chancre  infectant,  ni  avec  la  blennor- 
rhagie,  ni  avec  aucune  affection  soit  vénérienne,  soit  d'autre  nature. 
C'est  en  quelque  sorte  la  propriété,  l'apanage  d'une  entité  morbide  spé- 
ciale, le  chancre  simple. 

Étiologie,  pathogénie.  —  Le  bubon  chancreux  se  produit  à  la  suite  du 
chancre  simple  comme  un  épiphénomène  spontané.  Il  n'est  pas  de  cause 
occasionnelle,  provocatrice,  qui  en  détermine  le  développement.  Les  fati- 
gues, le  défaut  d'hygiène,  les  pansements  irritants,  les  influences  diverses 
qui  exercent  une  action  manifeste  sur  la  production  de  l'adénite,  sem- 
blent ne  jouer  aucun  rôle  dans  la  pathogénie  de  ce  bubon.  On  le  voit  se 
produire  sur  tels  sujets  en  dépit  du  traitement  le  plus  méthodique,  de 
l'hygiène,  la  mieux  observée,  et  faire  défaut  inversement  chez  tels  autres 
dans  les  conditions  les  plus  aptes  en  apparence  à  en  provoquer  la  mani- 
festation. 

Il  est  probable  qu'une  cause  unique  préside  au  développement  de  ce 
bubon,  et  que  cette  cause  est  Y  absorption  du  pus  chancreux  à  la  surface 
des  ulcérations  chancreuses.  Très-vraisemblablement,  les  choses  se  pas- 
sent de  la  façon  suivante  :  le  pus  est  absorbé  par  les  vaisseaux  lym- 
phatiques ulcérés  ;  puis  de  là  il  est  charrié  et  transporté  de  proche 
en  proche  par  ces  vaisseaux  jusque  dans  le  ganglion  le  plus  voisin,  qu'il 
inocule  alors  et  qu'il  convertit  en  foyer  chancreux.  Ce  qui  milite  en  fa- 
veur de  cette  absorption,  c'est  que  le  pus  ganglionnaire  présente  exac- 
tement les  mêmes  caractères  que  le  pus  de  l'ulcération  primitive.  Ce  qui, 
d'autre  part,  démontre  encore  la  réalité  d'un  transport  s' opérant  du 
chancre  au  ganglion,  c'est  que  le  pus  virulent  contamine  parfois  au  pas- 


704  BUBON.   — -  BUBON  chancreux   (fréquence). 

sage  les  vaisseaux  lymphatiques,  de  façon  à  y  développer  de  véritables 
abcès  chancreux  [lymphangites  chancreuses).  Dans  les  cas  de  cette  nature, 
on  a  la  piste,  pour  ainsi  dire,  du  pus  chancreux  et  le  témoignage  de  sa, 
migration  dans  le  système  absorbant. 

Si  tel  est  son  mode  de  pathogénie,  le  bubon  chancreux  mérite  bien  la 
dénomination  qui  lui  a  été  donnée  de  bubon  d'absorption, 

Comme  corollaire  naturel  de  ce  qui  précède,  la  richesse  d  une  région 
en  vaisseaux  lymphatiques  doit  favoriser  éminemment  la  production  du 
bubon  chancreux.  Cette  induction  théorique  se  trouve  confirmée.  Ainsi 
ce  bubon  est  une  complication  particulièrement  fréquente  p  jrles  chan- 
cres situés  sur  des  points  où  les  lymphatiques  abondent,  forment  un 
lacis  serré  ou  des  foyers  de  convergence  (rainure,  méat  uréti  I,  et  surtout 
région  du  frein). 

Quant  aux  conditions  qui  entravent  ou  favorisent  l'absorption  à  la 
surface  des  ulcérations  chancreuses,  elles  sont  restées  inconnues  jus- 
qu'à ce  jour;  elles  nous  échappent  absolument. 

Fréquence.  —  Le  bubon  chancreux  est  bien  loin  de  se  produire  à  la 
suite  du  chancre  simple  avec  le  même  degré  de  fréquence  que  l'adéna- 
pathie  syphilitique  à  la  suite  du  chancre  infectant.  En  effet  : 

lu  D'une  part,  le  chancre  simple  n'exerce  pas  sur  les  ganglions  une 
action  constante  et  presque  fatale,  comme  le  chancre  syphilitique.  Sou- 
vent, le  plus  souvent  même,  il  n'a  pas  de  retentissement  ganglionnaire. 
D'après  une  statistique  personnelle,  il  ne  se  compliquerait  de  bubon  que 
1  fois  sur  5  environ,  comme  le  montrent  les  chiffres  suivants  : 

Malades  atièctés  de  chancres  simples .     207 

Chancres  simples  s'élant  compliqués  de  bubon 65 

—  —      ne  s'étant  pas  compliqués  de  bubon 442 

Diverses  statistiques  publiées  dans  ces  derniers  temps  (Belhomme  et 
Martin,  Nayrand,  etc.),  fournissent  une  proportion  peu  différente  de  la 
nôtre. 

2°  D'autre  part,  lorsque  le  chancre  simple  affecte  les  ganglions,  ce 
n'est  pas  toujours  un  bubon  chancreux  qu'il  détermine;  c'est  souvent, 
comme  nous  l'avons  dit,  une  adénite  simple,  dépourvue  de  toute  spécifi- 
cité virulente. 

La  fréquence  relative  de  ces  deux  espèces  de  bubons  serait  curieuse  a 
déterminer.  Malheureusement,  la  science  est  loin  d'être  fixée  sur  ce 
point,  et  nous  ne  pouvons  que  signaler  cette  lacune  à  l'attention  des 
observateurs. 

On  s'accorde  généralement  à  considérer  le  bubon  chancreux  comme 
notablement  plus  rare  chez  la  femme  que  chez  l'homme;  mais  sur  ce 
point  encore  nous  manquons  de  documents  précis  et  de  statistiques  suf- 
fisantes. Ce  qui  est  très-certain,  c'est  que  le  bubon,  en  général,  est  moins 
fréquent  chez  la  femme  que  chez  l'homme  ta  la  suite  du  chancre  simple. 
Ce  fait  peut  s'expliquer  par  la  différence  du  genre  de  vie,  des  habitudes 
sociales,  des  fatigues  professionnelles,  etc.;  mais  il  est  difficile  de  com- 


BUBOÎN.  —  buboïn  ghamcreux  (siège).  7(55 

prendre  que  le  bubon  chancreux  résultant  d'un  acte  physiologique, 
l'absorption,  soit  moins  commun  dans  un  sexe  que  dans  l'autre.  Si  la  ra- 
reté relative  de  cet  accident  chez  la  femme  est  bien  réelle,  elle  est  due 
sans  doute  à  quelque  condition  particulière,  restée  méconnue  jusqu'à  ce 
jour. 

Siège.  —  Le  bubon  chancreux  a  pour  siège  presque  constant  la  région 
inguinale  et  les  ganglions  superficiels  de  cette  région. 

Exceptionnellement  on  la  observé  sur  d'autres  points  :  dans  la  région 
de  l'aisselle,  à  la  suite  d'inoculations  pratiquées  sur  le  bras;  à  la  région 
parotidienne,  à  la  suite  d'un  chancre  inoculé  sur  la  joue  (Huebbenet  de 
Kieff). 

Dans  l'aine,  il  affecte  le  plus  souvent  les  ganglions  situés  au  centre 
même  du  groupe  glandulaire,  au-devant  des  vaisseaux  cruraux;  bien 
plus  rarement  il  se  développe  sur  ceux  qui  sont  internes  ou  externes  par 
rapport  à  ces  derniers. 

Le  bubon  chancreux  de  l'aine  est  habituellement  unilatéral.  Dans  ce 
cas,  il  siège  en  général  du  même  côté  que  le  chancre  dont  il  dérive.  Par- 
ibis  cependant  il  est  croisé,  c'est-à-dire  (pie  le  chancre  occupant,  je  sup- 
pose, la  moitié  droite  de  la  verge,  le  bubon  se  fait  à  gauche,  ou  inverse- 
ment. Cette  anomalie  apparente  est  simplement  due  à  l'entrecroisement 
des  lymphatiques  sur  la  ligne  médiane. 

Plus  rarement,  ce  bubon  est  bilatéral  ou  double.  On  l'observe  dans 
trois  conditions  différentes  :  soit  avec  des  chancres  multiples  siégeant  sur 
l'un  et  l'autre  côté  de  la  verge  ;  —  soit  avec  un  chancre  unique  situé 
sur  la  ligne  médiane  (exemple,  chancre  du  frein);  —  soit  même  avec  un 
chancre  unique  limité  à  l'un  des  côtés  du  pénis,  ce  qui  s'explique  par 
une  anastomose  et  un  entrecroisement  des  lymphatiques. 

Du  reste,  ces  dispositions  diverses  n'ont  rien  de  spécial  au  bubon 
chancreux;  on  les  rencontre  soit  avec  l'adénite  simple,  soit  avec  le  bubon 
symptomatique  du  chancre  infectant. 

Un  fait  bien  plus  intéressant,  c'est  que  ce  bubon,  ou,  d'une  laçon  plus 
générale  le  bubon  symptomatique  du  chancre  simple,  «  ne  se  produit 
jamais,  comme  l'avait  déjà  signalé  llunter,  que  sur  les  ganglions  superfi- 
ciels; c'est  qu'il  se  borne  toujours  au  premier  groupe  de  glandes  où 
viennent  se  rendre  les  lymphatiques  de  la  partie  malade. 

«  Jamais  dans  les  ganglions  profonds,  jamais  dans  les  lymphatiques 
qui  viennent  y  aboutir  ou  qui  en  émanent,  vous  ne  rencontrerez  ce  qui 
caractérise  le  bubon  spécifique,  c'est-à-dire  le  pus  virulent,  inoculable, 
primitif.  Il  est  comme  une  sorte  de  barrière  que  le  pus  chancreux  ne 
peut  franchir,  et  cette  barrière,  c'est  le  premier  groupe  de  ganglions 
qui  se  trouve  en  rapport  direct  avec  le  chancre. 

«Mais,  chose  plus  remarquable  encore,  alors  même  que  l'une  des 
glandes  superficielles  suppure  spécifiquement  à  la  suite  d'un  chancre, 
c'est-à-dire  se  trouve  convertie  en  un  véritable  foyer  chancreux,  l'absorp- 
tion qui  doit  s'exercer  sur  le  pus  de  ce  bubon  n'infecte  point  les  vaisseaux 
lymphatiques  qui  en  émergent  non  plus  que  la  glande  qui  leur  fait  suite. 


766       BUBON.  —  bubon  chancreux  (époque  d  apparition,  symptômes). 

Comme  si  l'infection  virulente  ne  pouvait  se  transmettre  d'un  ganglion 
à  un  autre  par  la  voie  des  lymphatiques  inter-ganglionnaires. 

«  Ce  résultat  singulier  de  l'observation  clinique  la  plus  rigoureuse,  la 
théorie  ne  peut  en  rendre  compte.  Hunter,  qui  l'interprétait  ou  croyait 
l'interpréter  «  par  une  inaptitude  des  (/landes  profondes  à  devenir  le 
«  siège  de  l'irritation  vénérienne,  »  n'a  fait  en  réalité  que  reculer  la 
question  sans  la  résoudre.  A  cette  hypothèse,  j'en  préférerais  peut-être 
une  autre  que  repousse  cependant  le  même  auteur  :  c'est  que  la  matière 
vénérienne  se  trouve  modifiée  et  altérée  dans  son  trajet  à  travers  les  pre- 
mières glandes,  ce  qui  expliquerait  pourquoi  elle  n'infecte  pas  une  se- 
conde et  une  troisième  série  de  ganglions.  Mais  ce  n'est  là,  je  le  répèle, 
qu'une  hypothèse  dont  je  suis  loin  de  m'exagérer  la  valeur. 

«  Quelle  qu'en  soit  l'interprétation,  le  fait  subsiste,  et  je  puis  vous 
donner  comme  incontestable  cette  proposition  :  le  rayonnement  morbide 
du  chancre  simple  se  limite  au  premier  groupe  de  ganglions  le  plus  voi- 
sin de  la  surface  ulcérée;  il  ne  le  dépasse  jamais;  il  ne  s'étend  jamais 
au  delà  »  (Ricord,  Leçons  sur  le  chancre). 

Époque  d'apparition.  —  Le  bubon  chancreux  se  manifeste  très-géné- 
ralement dans  les  premières  semaines  qui  suivent  l'apparition  du  chancre. 
Mais  son  développement  n'a  rien  de  fixe,  de  régulier;  il  peut  être  pré- 
coce ou  tardif;  il  peut  même  ne  se  faire  qu'à  une  époque  très-reculée. 
Ainsi,  le  docteur  Puche  a  vu  se  produire  une  adénite  virulente  après 
trois  ans  de  durée  d'un  chancre  simple  à  forme  serpigineuse  ;  le  pus  de 
cette  adénite,  interrogé  par  l'inoculation,  fournit  la  pustule  spécifique  du 
chancre. 

Symptômes.  —  Le  bubon  chancreux  se  présente  avec  l'ensemble  des 
symptômes  qui  caractérisent  l'adénite  aiguë  :  développement  inflamma- 
toire d'un  ganglion,  tuméfaction  périphérique,  rougeur  des  téguments, 
endolorissement  local  et  sensibilité  très-vive  à  la  pression,  troubles  fonc- 
tionnels (gène  des  mouvements,  difficulté  delà  marche),  etc. 

En  un  mot,  c'est  une  adénite,  une  adénite  aiguë,  vivement  inflamma- 
toire. 11  n'est  pas  un  signe  qui,  dans  les  premiers  temps  de  son  déve- 
loppement, distingue  ce  bubon  d'une  simple  phlegmasie  ganglionnaire. 

Règle  presque  absolue,  les  symptômes  se  localisent  sur  une  des  glandes 
de  la  région.  «  Le  bubon  chancreux,  dit  Ricord,  est  essentiellement 
mono-ganglionnaire  {monadénite  chancreuse).  »  A  ce  point  de  vue,  il 
diffère  donc  complètement  de  l'adénopathie  syphilitique,  laquelle,  dans 
la  région  inguinale,  a  pour  caractère  habituel  d'affecter  plusieurs  gan- 
glions. 

Une  fois  déclaré,  ce  bubon  évolue  avec  rapidité.  Les  symptômes  in- 
flammatoires s'accroissent  d'une  façon  continue,  et  s'accroissent  quoi 
qu'on  puisse  faire  pour  les  modérer.  La  tumeur  augmente  de  volume, 
la  peau  se  distend,  les  douleurs  deviennent  de  plus  en  plus  vives;  tout 
annonce  la  formation  d'un  abcès,  alors  même  que  la  fluctuation  n'est 
pas  encore  perceptible. 

C'est  qu'en  effet  un  abcès  se  prépare.  11  se  forme,  il  se  constitue 


BUBON.    —    BUliOlN    CHANCREUX    (SYMPTÔMES).  767 

dès  îes  premiei     instants  de  la  maladie  ;  mais,  renfermé  dans  la  coque 
ganglionnaire,  L  ne  devient  manifeste  que  plus  tardivement. 

Cet  abcès  est  fatal,  inévitable.  Rien  n'entrave  la  marche  de  la  ma- 
ladie vers  la  suppuration,  rien  ne  peut  empêcher  la  genèse  du  pus. 
«  Avec  le  bubon  chancreux,  dit  Ricord,  la  résolution  est  impossible. 
La  suppuration  est  fatale,  nécessaire;  c'est  qu'en  effet  elle  est  Pexorde 
même  de  la  maladie,  c'est  qu'elle  en  constitue  la  manifestation  essen- 
tielle et  primitive...  Le  bubon  chancreux  est  moins  une  adénite  qu'un 
chancre  ganglionnaire.  Son  point  de  départ,  c'est  une  inoculation  de  la 
glande,  c'est  une  suppuration  établie  dans  le  ganglion.  »  La  preuve  de 
ce  fait,  c'est  que,  dans  les  cas  où  Ton  ouvre  la  glande  longtemps  avant 
l'époque  où  la  fluctuation  peut  être  perçue,  dans  les  premiers  jours  même 
où  le  bubon  se  déclare,  on  voit  presque  toujours  s'écouler  par  l'incision 
un  liquide  paraient.  Ce  phénomène  a  été  très-nettement  constaté  par 
Broca  dans  ses  observations  sur  le  traitement  abortif  du  bubon.  Ponc- 
tionnant des  ganglions  qui  n'avaient  encore  que  «  le  volume  d'une  noi- 
sette, »  et  exerrant  sur  eux  une  très-forte  pression,  ce  chirurgien  en  fai- 
sait sourdre  «  une  matière  demi-liquide,  jaunâtre,  visqueuse,  laquelle, 
dit-il,  est  du  pas  encore  mal  élaboré.  » 

Ce  qui  succède  à  l'inoculation  du  parenchyme  ganglionnaire  par  le 
virus  chancreux  est  facile  à  prévoir.  C'est  d'abord  la  fonte  purulente  du 
ganglion  ;  c'est  ensuite,  comme  conséquence,  l'inflammation  de  l'atmo- 
sphère cellulo-adipeuse  qui  entoure  la  glande. 

Or,  cette  inflammation  de  voisinage,  sorte  de  phlegmon  simple  péri- 
ganglionnaire  (péri-adénite),  aboutit  presque  toujours  à  suppuration.  De 
la  sorte,  à  un  instant  donné,  deux  foyers  purulents  distincts  se  trouvent 
constitués  et  superposés  :  l'un  renfermé  dans  la  coque  ganglionnaire, 
véritable  kyste  chancreux;  l'autre  libre,  diffus,  périphérique  à  la  glande 
et  plus  superficiel  que  le  précédent.  Le  premier  contient  un  pus  spéci- 
fique, chancreux;  le  second  un  pus  simple,  dépourvu  de  toute  spécificité 
virulente. 

Cette  distinction  des  deux  collections  purulentes  juxtaposées  n'est  pas 
seulement  théorique,  elle  est  réelle  et  démontrable  expérimentalement. 
«  A  l'époque,  dit  Ricord,  où  les  deux  foyers  sont  encore  distincts,  vous 
pouvez  instituer  la  très-curieuse  expérience  que  voici  :  attaquez  prudem- 
ment le  bubon  en  divisant  les  tissus  couche  par  couche  ;  recueillez  une 
gouttelette  de  la  première  nappe  purulente  que  vous  rencontrerez  sous  le 
bistouri,  et  pratiquez  avec  elle  une  inoculation;  puis  plongez  profondé- 
ment le  bistouri  dans  la  tumeur,  et  faites  une  seconde  inoculation  avec 
le  pus  sortant  du  ganglion.  Si  l'expérience  a  été  bien  conduite  et  si  les 
deux  pus  n'ont  pas  été  mélangés,  je  vous  prédis  sans  crainte  que  la  pre- 
mière de  vos  inoculations  restera  stérile,  et  que  la  seconde  vous  fournira 
la  pustule  caractéristique  du  chancre.  » 

Mais,  on  le  conçoit  sans  peine,  ces  deux  nappes  purulentes  ne  restent 
pas  longtemps  distinctes.  Bientôt  une  communication  s'établit  entre  elles 
par  l'ulcération  et  la  rupture  de  la  coque  ganglionnaire.  Le  pus  virulent 


768  BUBON.  —  bubon  chancreux  (symptômes^ 

se  mêle  alors  au  pus  phlegmeneux  et  inocule  les  parois  du  loyer  super- 
ficiel, qui  se  trouve  de  la  sorte  converti  secondairement  en  un  loyer 
chancreux. 

A  cette  époque,  si  l'on  n'ouvre  pas  la  voie  au  pus  par  le  bistouri 
ou  les  caustiques,  il  se  produit  ee  qu'on  observe  dans  tous  les  abcès  : 
ramollissement  progressif  de  la  tumeur  inflammatoire,  «'étendant  de 
proche  en  proche;  fluctuation  devenant  de  plus  en  plus  manifeste; 
amincissement  rapide  de  la  peau,  laquelle,  ulcérée  et  détruite  dans  ses 
couches  profondes,  se  réduit  à  l'état  d'une  pellicule  épidermique  et 
finit  par  se  perforer  sur  un  ou  plusieurs  points  ;  puis  issue  d'une  quantité 
de  pus  toujours  assez  considérable.  Ce  pus  n'est  pas  lié,  jaune  et  homo- 
gène comme  le  pus  simple,  phlegmoneux;  il  a  mauvais  aspect,  il  est 
en  général  diffluent,  sanieux,  jaune  grisâtre  ou  jaune  roux;  souvent 
aussi  il  est  mêlé  de  détritus  organiques  et  comme  panaché  de  stries  d'un 
brun  cliGcolat. 

Tout  n'est  pas  fini  avec  l'ouverture  de  l'abcès.  Loin  de  là.  Un  nouvel 
ordre  de  phénomènes  commence.  L'abcès  chancreux  est  à  découvert; 
un  véritable  chancre  inguinal  se  trouve  constitué  ;  que  va-t-il  devenir? 

Souvent  les  choses  se  passent  d'une  façon  très-simple  et  très-heu- 
reuse. Les  lèvres  de  la  plaie,  converties  en  surfaces  chancreuses,  ne 
s'ulcèrent  que  sur  une  très-petite  étendue  ;  le  fond  du  foyer  s'élève,  se 
déterge,  perd  son  aspect  spécifique  et  bourgeonne;  la  perte  de  substance 
se  comble  peu  à  peu;  finalement,  la  cicatrisation  se  fait  après  un  temps 
plus  ou  moins  long. 

Mais,  en  d'autres  cas  tout  aussi  fréquents,  des  complications  diverses 
entravent  et  retardent  la  guérison. 

Ainsi,  parfois  les  téguments  amincis  et  décollés  dans  une  étendue  plus 
ou  moins  considérable  se  perforent  sur  plusieurs  points,  se  criblent  et 
se  détruisent  irrégulièrement.  Le  foyer  profond,  découvert  en  partie  seu- 
lement, offre  une  vaste  surface  ulcérée,  inégale,  anfractueuse,  à  bords 
durs  et  engorgés,  à  diverticules  sous-cutanés  difficilement  accessibles  aux 
agents  modificateurs,  etc.  Toutes  ces  conditions  sont  éminemment  défa- 
vorables au  travail  de  cicatrisation. 

D'autres  fois,  il  s'est  produit  une  énorme  perte  de  substance,  au  point 
qu'on  pourrait  loger  une  noix  ou  même  un  petit  œuf  dans  l'excavation 
creusée  par  l'abcès.  La  peau,  dans  ce  cas,  se  trouve  séparée  du  fond  de 
l'ulcère  par  un  espace  vide  considérable;  elle  forme  une  sorte  de  pont 
au-dessus  de  la  caverne  chancreuse.  Cette  disposition  rend  impossible 
l'accolement  des  parois  opposées;  elle  entretient  la  rétention  du  pus,  elle 
favorise  la  production  de  fusées  en  divers  sens,  elle  entrave  indéfiniment 
la  guérison. 

Souvent  encore,  les  surfaces  ulcérées  conservent  longtemps  leur  spé- 
cificité virulente.  En  dépit  de  tous  les  traitements,  elles  restent  chancreuses 
pendant  des  semaines,  pendant  des  mois  entiers,  sans  subir  la  moindre 
modification.  Parfois  même  ces  ulcérations  deviennent  envahissantes.  Non- 
seulement  alors  elles  détruisent  la  peau  qui  recouvre  le  foyer  (ce  qui  peut 


BUBON.  —  iîubon  chancreux  (symptômes).  769 

constituer  une  disposition  favorable  à  la  cicatrisation),  niais  elles  s'é- 
tendent sur  les  téguments  voisins,  créant  ainsi  un  chancre  cutané  qui 
s'ajoute  au  foyer  primitif;  ou  bien  encore  elles  se  creusent,  s'excavent  et 
détruisent  en  profondeur.  Elles  peuvent  enfin  revêtir  cette  terrible  forme 
<pie  nous  décrirons  plus  loin  sous  le  nom  de  pbagédénisme  chancreux 
d'origine  ganglionnaire. 

Quant  aux  caractères  que  revêt  l'ulcération  du  bubon  chancreux,  ce 
sont  exactement  ceux  du  chancre  simple  :  surface  inégale,  déchiquetée, 
vermoulue,  offrant  une  teinte  grisâtre  ou  d'un  gris  brun,  souvent  re- 
couverte en  partie  de  dépôts  pultacés  ou  pseudo-membraneux  ;  bords 
irréguliers,  taillés  à  pic  sur  certains  points,  et  sur  d'autres  décollés,  ren- 
versés, enroulés  sur  eux-mêmes  et  repliés  vers  le  fond  de  l'abcès;  — 
suppuration  abondante,  sanieuse,  non  homogène,  parfois  roussàtre,  et 
ne  prenant  l'aspect  du  pus  phlegmoneux  qu'à  l'époque  où  la  répa- 
ration commence  à  se  faire  ;  —  sécrétion  inoculable  au  malade  et  repro- 
duisant un  chancre  simple,  etc.  —  L'évolution  de  cet  ulcère  est  généra- 
lement assez  lente,  comme  celle  du  chancre  simple,  et  présente  la  même 
série  de  phases  successives  [augmenta  étal,  réparation) .  Seulement,  à  sa 
dernière  période,  elle  est  le  plus  souvent  retardée  par  des  complications 
locales  que  nous  avons  mentionnées  précédemment  (décollements  de  la 
peau,  irrégularités  de  la  surface  ulcérée,  fusées,  fistules,  etc.),  et  qui, 
sans  l'intervention  de  l'art,  pourraient  prolonger  presque  indéfiniment  la 
durée  de  la  maladie. 

Enfin  la  cicatrice  que  laisse  à  sa  suite  le  bubon  chancreux  est  néces- 
sairement variable  suivant  les  cas  :  petite,  restreinte,  et  devenant 
presque  invisible  avec  le  temps  si  l'ulcération  s'est  limitée;  large,  irrégu- 
lière, gaufrée,  enfoncée,  blanchâtre  et  indélébile,  s'il  s'est  produit  des 
destructions  considérables  en  surface  et  en  profondeur. 

Accidents  et  complications .  —  Le  bubon  chancreux  est  sujet  à  toutes 
les  complications  des  adénites  suppurées  :  accidents  inflammatoires,  dé- 
collements consécutifs,  fistules  persistantes,  érysipèle,  phlegmon  dif- 
fus, etc. 

De  plus,  il  est  exposé  à  un  accident  tout  spécial  que  Ton  n  observe  ja- 
mais avec  aucune  autre  variété  d'adénite.  Cet  accident,  qui  lui  appartient 
en  propre,  qui  lui  est  exclusif,  c'est  le  phagédénisme  (voy.  ce  mot). 

Ce  phagédénisme  se  produit  à  la  suite  du  chancre  ganglionnaire 
comme  à  la  suite  du  chancre  primitif.  Ce  n'est  pas  une  complication 
propre  au  bubon,  c'est  un  accident  du  chancre,  quel  qu'en  soit  le  siège. 
Remarque  curieuse  :  le  phagédénisme  d'origine  ganglionnaire  n'est 
qu'assez  rarement  la  conséquence  du  phagédénisme  chancreux.  S'il 
succède  parfois  à  des  chancres  phagédéniques,  il  se  développe  plus  sou- 
vent à  la  suite  de  chancres  ne  présentant  qu'une  étendue  moyenne,  sui- 
vant une  évolution  régulière,  complètement  dépourvue  en  un  mot  de 
cette  malignité  spéciale  qui  constitue  le  phagédénisme.  C'est  là  du  moins 
une  remarque  qui  résulte  de  mon  observation  personnelle. 

Comme  symptômes,  le  phagédénisme  ganglionnaire  est  l'analogue  du 

NOUV.   D1CT.    MÉD.    ET    CHIR.  V.    —    4(J 


770  BUBON.  —  bubon  chancreux  (symptômes). 

phagédénisme  ch-ancreux,  dont  il  reproduit  les  différentes  variétés.  Tan- 
tôt il  s'étend  en  surface;  tantôt,  ce  qui  est  heureusement  plus  rare,  il 
creuse  en  profondeur;  d'autres  fois  encore,  il  creuse  et  s'étale  en  même 
temps. 

Le  plus  habituellement,  il  affecte  la  forme  dite  serpigineuse,  c'est-à- 
dire  qu'il  s'étend  en  surface,  en  présentant  cette  particularité  singulière 
de  progresser  par  une  extrémité  de  l'ulcération  et  de  se  cicatriser  par 
l'autre. 

De  l'aine  comme  point  de  départ,  l'ulcère  phagédénique  s'irradie  en 
divers  sens.  Il  se  porte  vers  l'abdomen,  vers  la  crête  iliaque,  vers  la  ré- 
gion pubienne,  vers  la  cuisse,  etc.  Parfois  il  se  bifurque  ou  se  divise  en 
ramifications  multiples  et  divergentes  qui  font  chacune  leur  voie  iso- 
lément et  envahissent  des  surfaces  plus  ou  moins  considérables. 

Cette  ulcération  n'offre  rien  de  fixe  ni  de  régulier  dans  sa  marche. 
Assez  souvent  elle  progresse  avec  rapidité  dans  les  premiers  temps  de  son 
existence  pour  prendre  ensuite  une  allure  plus  lente.  D'autres  fois,  elle 
s'étend  d'une  façon  continue  et  égale.  D'autres  fois  encore  elle  procède 
par  poussées  successives  et  intermittentes,  c'est-à-dire  qu'elle  s'accroît  et 
se  limite  tour  à  tour  par  saccades  inattendues. 

Le  trajet  qu'elle  parcourt  n'est  également  soumis  à  aucune  règle.  Elle 
s'étend  en  ligne  droite  ou  bien  se  contourne  en  demi-cercle,  s'inlléchit 
capricieusement  en  divers  sens  et  revient  même  parfois  sur  ses  pas  en 
détruisant  la  traînée  de  cicatrice  qui  s'est  formée  derrière  elle. 

Sa  durée  est  très-variable  et  non  susceptible  de  limitation.  Certaines 
ulcérations  se  cicatrisent  en  quelques  semaines,  d'autres  en  plusieurs 
mois,  d'autres  persistent  des  années  entières,  deux,  trois,  quatre  années 
et  même  au  delà.  J'ai  dans  mes  notes  l'observation  d'un  ulcère  serpigi- 
neux,  consécutif  à  un  chancre  ganglionnaire,  qui  n'était  pas  encore  cica- 
trisé après  quatorze  ans  d'existence! 

Un  autre  point  curieux  de  l'histoire  symptomatologique  de  ces  ulcéra- 
tions, ce  sont  les  recrudescences ,  les  rechutes  inattendues,  se  produisant 
à  une  époque  où  la  guérison  parait  acquise,  et  cela  sans  provocation 
aucune,  sans  la  moindre  cause  appréciable.  J'ai  vu  pour  ma  part  plu- 
sieurs cas  de  ce  genre  où  le  phagédénisme,  après  s'être  limité,  après 
avoir  paru  s'éteindre,  se  réveillait  brusquement  en  quelque  sorte,  ulcé- 
rait les  cicatrices  déjà  formées  et  déterminait  de  nouveaux  envahisse- 
ments. Tout  récemment  encore  j'ai  eu  l'occasion  d'observer  un  fait  sem- 
blable. Un  malade  était  entré  dans  mon  service,  il  y  a  quelques  mois, 
porteur  de  trois  vastes  ulcérations  de  l'aine,  de  l'abdomen  et  de  la  cuisse, 
consécutives  à  un  bubon  chancreux  phagédénique.  Sous  l'influence  du 
traitement  qui  fut  dirigé  contre  elles,  ces  plaies  s'étaient  modifiées  assez 
rapidement  et  cicatrisées  presque  en  totalité  ;  une  guérison  complète  pa- 
raissait ne  pouvoir  tarder  au  delà  de  quelques  jours,  lorsque  tout  à  coup, 
sans  aucun  motif,  sans  aucune  imprudence,  sans  aucun  changement  ap- 
porté dans  la  médication,  la  tendance  phagédénique  se  reproduisit  ino- 
pinément, les  cicatrices  se  rompirent  sur  tous  les  points,  s'ulcérèrent, 


BUBON.  —  bubon  chancreux  (diagnostic).  771 

s'élargirent,  si  bien  qu'en  moins  d'une  semaine  les  trois  plaies  se  trou- 
vèrent reconstituées  dans  l'état  où  elles  étaient  lors  de  l'entrée  du  malade 
à  l'hôpital. 

Le  phagédénisme  d'origine  ganglionnaire  est  quelquefois  terrible.  Il 
peut  labourer,  détruire  les  téguments  sur  une  étendue  considérable.  On 
l'a  vu  remonter  de  l'aine  jusqu'à  l'ombilic,  contourner  l'abdomen  jus- 
qu'aux lombes,  descendre  au  périnée,  dépouiller  la  cuisse  jusqu'au  ge- 
nou. De  plus,  et  ceci  est  bien  autrement  grave,  il  peut  détruire  en  pro- 
fondeur, fouiller,  creuser  les  tissus,  rongeant  le  tissu  cellulaire  et  les 
aponévroses,  disséquant  les  muscles,  dénudant  les  nerfs  et  les  vaisseaux, 
notamment  l'artère  fémorale  qu'on  a  vu  parfois  battre  à  nu  dans  le  fond 
de  la  plaie.  Non-seulement  alors  il  détermine  des  pertes  de  substance  irré- 
parables, non-seulement  il  expose  les  malades  à  des  accidents  immédiats 
de  la  plus  haute  gravité,  mais  de  plus  il  devient  l'origine  de  suppurations 
excessives  qui  se  prolongent,  qui  s'éternisent,  qui  finalement  peuvent 
aboutir  au  marasme  et  à  la  mort. 

J'ai  vu,  dans  le  service  de  Ricord,  en  1856,  le  plus  déplorable 
exemple  de  phagédénisme  ganglionnaire.  Un  malade  avait  contracté, 
en  1849,  un  chancre  de  la  verge,  chancre  simple  qui  se  cicatrisa  sans 
accidents,  mais  se  compliqua  d'un  bubon  aigu.  Ce  bubon  s'abcéda,  s'ou- 
vrit et  suppura  plusieurs  mois  sans  présenter  de  tendance  à  s'élargir.  Puis, 
à  un  moment  donné,  l'ulcération  inguinale  commença  à  s'étendre  et  prit 
le  caractère  du  phagédénisme  serpigïneux.  Dès  lors,  en  dépit  de  tous 
les  traitements,  malgré  l'intervention  de  l'art  la  plus  énergiquement  ré- 
pressive, cette  ulcération  ne  cessa  de  progresser;  elle  envahit  toute  la 
région  de  l'aine,  contourna  le  flanc,  remonta  vers  les  lombes  et  dépouilla 
toute  la  fesse;  puis,  toujours  rebelle,  redescendit  sur  la  cuisse,  dont  elle 
laboura  les  faces  postérieure  et  externe  dans  toute  la  longueur  du 
membre,  parvint  jusqu'au  genou,  le  dépassa,  et  s'étala  finalement  à  ce 
niveau  sur  une  énorme  surface.  Tout  fut  mis  en  œuvre  contre  cette  hor- 
rible plaie,  tout  échoua.  Le  malade  quitta  l'hôpital  non  guéri  et  déses- 
péré. Plusieurs  années  après,  je  rencontrai  ce  malheureux  dans  les  rues 
de  Paris,  pâle,  affaibli,  se  traînant  avec  peine;  il  me  raconta  qu'il  avait 
été  soumis  sans  succès  à  divers  traitements  et  que  son  ulcération  per- 
sistait toujours.  De  plus,  la  jambe  s'était  coudée  sur  la  cuisse  à  angle 
droit  par  la  rétraction  des  cicatrices  de  la  face  postérieure  du  membre. 
La  maladie  datait  à  cette  époque  de  plus  de  quatorze  ans  ! 

Diagnostic.  —  Le  bubon  chancreux  ne  peut  guère  être  confondu  qu'a- 
vec l'adénite  aiguë  symptomatique  du  chancre  simple. 

Or,  comme  nous  l'avons  laissé  pressentir  par  ce  qui  précède,  il  n'est 
de  diagnostic  certain  à  établir  entre  ces  deux  bubons  que  consécutive- 
ment à  l'ouverture  de  l'abcès,  d'après  l'aspect  et  les  tendances  de  la 
plaie  qui  lui  succède.  C'est  dire  qu'on  ne  constate  la  nature  chancreuse 
du  bubon  qu'à  l'époque  où  l'on  a  le  chancre  sous  les  yeux. 

On  a  prétendu  toutefois  que  ce  diagnostic  différentiel  pouvait  être 
institué  dès  la  première  période  de  la  maladie.  Il  y  a  tout  lieu,  a-t-on  dit^ 


772  BUBON.  —  bubon  chancreux  (diagnostic). 

de  supposer  l'existence  d'un  bubon  chancreux  si  les  symptômes  inflam- 
matoires présentent  un  haut  degré  d'acuité  (douleurs  intenses,  rougeur 
et  chaleur  vives  de  la  peau,  gêne  plus  grande  des  mouvements,  etc.), 
s'ils  affectent  une  marche  rapide,  si  la  suppuration  s'établit  hâtivement, 
si  la  tumeur  se  ramollit  presque  simultanément  dans  toute  sa  masse, 
si  la  complication  ganglionnaire  s'est  développée  au  delà  de  la  seconde 
semaine  après  le  chancre,  etc.  Ces  divers  signes,  à  part  le  dernier  peut- 
être,  n'ont  à  mon  sens  aucune  valeur  séméiologique.  Ils  ne  sauraient  au 
plus  que  fournir  de  vagues  présomptions,  mais  pas  de  certitude  réelle 
sur  la  nature  de  l'engorgement  ganglionnaire. 

En  revanche,  lors  de  l'ouverture  de  l'abcès,  il  est  deux  signes  qui  per- 
mettent d'établir  le  diagnostic. 

C'est  d'abord  la  nature  du  pus  qui  s'écoule  de  la  tumeur,  la  suppu- 
ration chancrcuse  étant  notablement  différente  de  celle  que  fournit  l'a- 
dénite simple  (voy.  pages  767  et  768);  ce  premier  signe  toutefois  est  loin 
d'être  absolu;  il  ne  donne  qu'une  probabilité  et  rien  de  plus. 

C'est  en  second  lieu  et  surtout  V aspect  de  la  plaie  consécutive.  Si 
cette  plaie  présente  une  surface  inégale,  irrégulière,  déchiquetée,  sa- 
nieuse,  grisâtre,  recouverte  çà  et  là  de  dépôts  pseudo-membraneux, 
circonscrite  par  des  bords  abrupts  et  taillés  à  pic,  si  surtout  elle  tend  à 
s'élargir  et  manifeste  une  tendance  ulcéreuse,  tous  les  doutes  sont  le- 
vés; c'est  bien  un  bubon  chancreux  auquel  on  a  affaire. 

Encore  faut-il  tenir  compte  de  certains  cas  difficiles  et  embarrassants 
qui  sont  loin  d'être  rares  en  pratique.  Les  caractères  objectifs  de  l'ulcéra- 
tion ne  sont  pas  toujours  assez  nettement  accusés  pour  permettre  un  dia- 
gnostic différentiel.  Une  plaie  chancreuse  ne  se  présente  pas  toujours 
avec  l'aspect  classique  du  chancre;  et  réciproquement  il  est  des  foyers 
ganglionnaires  consécutifs  à  des  bubons  simples  qui  simulent  à  s'y  mé- 
prendre les  foyers  chancreux. 

Ajoutez  que  la  tendance  ulcéreuse  de  la  plaie,  c'est-à-dire  le  signe  dé- 
monstratif par  excellence  de  la  spécificité  virulente,  peut  faire  absolu- 
ment défaut  avec  le  bubon  chancreux,  lequel  se  concentre  parfois  dans 
son  siège  primitif  sans  envahir  les  parties  voisines.  L'absence  de  ce  signe 
ajoute  une  incertitude  de  plus  au  diagnostic. 

Dans  les  cas  de  ce  genre,  l'inoculation  seule  pourrait  juger  la  question 
en  litige;  mais  il  n'est  pas  toujours  permis,  il  n'est  même  ni  prudent  ni 
utile  pratiquement  d'y  avoir  recours. 

Donc,  il  est  des  cas  où,  même  après  l'ouverture  de  l'abcès,  le  médecin 
se  trouve  dans  l'impossibilité  de  déterminer  la  nature  du  bubon.  S'agit-il 
d'un  bubon  simple  ou  d'un  bubon  chancreux,  on  ne  saurait  le  dire. 
Plus  d'une  fois  pour  ma  part,  je  me  suis  trouvé  en  face  de  cette  difficulté 
diagnostique,  que  je  m'étonne  de  ne  pas  voir  signalée  dans  les  traités 
spéciaux  ;  plus  d'une  fois  il  m'est  arrivé  de  traiter  des  bubons  abeédés  à 
la  suite  de  chancres  simples,  sans  parvenir  à  en  préciser  le  caractère 
même  après  guérison. 

A  un  point  de  vue  tout  différent,  il  est  certaines  conditions  qui  peuvent 


BUBON.    BUBON    SYMTTOMATIQUE    DE    l'aCCFDENT    INITIAL    (FRÉQUENCE).     775 

donner  le  change  sur  la  nature  du  bubon  chancreux.  Tels  sont  les  cas  où 
le  chancre  est  cicatrisé,  disparu  même,  à  l'époque  où  l'on  est  appelé  à 
constater  l'engorgement  ganglionnaire  ;  tels  sont  encore  ceux  où  l'accident 
initial,  en  raison  de  son  siège  insolite  ou  larvé,  court  risque  de  passer 
inaperçu.  Les  commémoratifs  et  l'examen  minutieux  des  parties  per- 
mettent seuls  alors  de  remonter  à  l'origine  du  bubon  et  d'en  soupçonner  la 
spécificité. 

Pronostic.  —  Le  bubon  chancreux  est  le  plus  grave  de  tous  les  bu- 
bons vénériens.  En  tant  qu'adénite,  il  est  susceptible  de  tous  les  acci- 
dents qui  peuvent  compliquer  les  inflammations  ganglionnaires  ;  en 
tant  que  foyer  virulent,  il  comporte  tous  les  dangers  du  chancre 
simple. 

Ce  n'est  pas  à  dire  toutefois  qu'il  soit  toujours  grave  et  toujours  plus 
grave  que  les  autres  espèces  d'adénopathies.  Loin  de  là.  Il  est  des  bubons 
chancreux  qui  se  terminent  d'une  façon  rapide  et  heureuse;  il  est  au 
contraire  des  bubons  simples  qui  présentent  parfois  des  complications 
plus  ou  moins  sérieuses  (décollements,  fistules,  fongosités,  accidents 
inflammatoires  de  voisinage,  etc.),  et  qui  affectent  une  durée  bien  autre- 
ment longue. 

Mais  ce  qu'il  ne  faut  pas  oublier,  c'est  que  le  bubon  chancreux  peut 
devenir  l'origine  d'un  accident  spécial  et  terrible,  c'est  qu'il  contient  en 
puissance  un  germe  de  phagédénisme. 

IL  Bubon  sypliili tiquai*.  —  La  syphilis  détermine  des  adénopathies 
de  deux  ordres  :  1°  les  unes  précoces,  immédiates,  se  produisant  à  la  suite 
de  l'accident  originel  de  la  maladie,  se  développant  comme  des  épiphé- 
nomènes  locaux  à  l'occasion  du  chancre  initial,  dont  elles  sont  en  quelque 
sorte  les  satellites;  — 2°  les  autres  plus  tardives,  ultérieures,  n'apparais- 
sant qu'à  une  époque  plus  ou  moins  éloignée  du  début  de  l'infection,  se 
manifestant  loin  du  siège  du  chancre,  au  titre  d'accidents  diathésiques 
soit  essentiels,  soit  symptomatiques  de  lésions  consécutives. 

Nous  n'étudierons  ici  que  celles  du  premier  ordre,  c'est-à-dire  celles 
qui  se  produisent  à  la  suite  du  chancre. 

Bubon  symptomatique  de  l'accident  initial  de  la  syphilis.  —  Il  diffère 
essentiellement,  comme  nous  allons  le  voir,  soit  de  l'adénite  simple,  soit 
du  bubon  chancreux. 

Fréquence.  —  A  de  très-rares  exceptions  près,  c'est  un  symptôme 
constant  de  l'infection  syphilitique  primitive. 

«  Le  bubon,  dit  Ricord,  accompagne  invariablement,  fatalement,  l'ac- 
cident initial  de  la  syphilis;  il  suit  le  chancre  comme  l'ombre  suit  le 
corps;  c'est  le  compagnon  fidèle,  obligé,  du  chancre  infectant...  Sans 
doute  il  peut  offrir  des  variétés  de  forme  et  de  degré,  sans  doute  il  peut 
être  plus  ou  moins  développé,  plus  ou  moins  manifeste  aux  différentes 
époques  de  son  existence  ;  mais  il  ne  fait  jamais  défaut...  Pas  de  chancre 
infectant  sans  bubon,  voilà  ce  qu'on  peut  donner  hardiment  comme  une 
loi  pathologique.  » 

Nous  avons  vu  précédemment  que  tout  au  contraire  le  bubon  fait  sou- 


774  BUBON.  —  bubon  symftomatique  de  l'accident  initial  (fréquence). 

vent  défaut  à  la  suite  du  chancre  simple,  qui  n'exerce  pas  sur  les  gan- 
glions d'action  fatale  et  nécessaire. 

Toutefois,  il  est  certains  cas  qui  font  exception  à  la  loi  formulée  par 
Ricord.  Il  est  très-positivement  des  chancres  syphilitiques  qui  ne  déter- 
minent pas  d'engorgement  ganglionnaire.  Ce  sont  là  des  faits  très-rares, 
tout  à  fait  exceptionnels,  que  l'on  n'observe  certes  pas  plus  d'une  fois  ou 
deux  sur  cent  malades,  mais  dont  cependant  il  importe  de  tenir  un 
compte  sérieux  au  point  de  vue  séméiologique. 

11  serait  très-curieux  de  déterminer  les  conditions  qui,  dans  les  cas  de 
ce  genre,  empêchent  l'action  syphilitique  de  se  porter  sur  les  ganglions. 
Or,  sur  ce  point,  nous  devons  avouer  notre  ignorance  absolue.  Tout  au 
plus  nous  a-t-il  été  permis  de  saisir  quelques-unes  des  circonstances 
dans  lesquelles  cette  immunité  ganglionnaire  a  été  observée  et  qu'il 
n'est  pas  sans  intérêt  de  faire  connaître. 

En  premier  lieu,  Ricord  a  remarqué  et  j'ai  remarqué  après  lui  d'une 
façon  très-certaine  que  le  chancre  infectant  phagédénique  n'exerce  parfois 
aucun  retentissement  sur  les  ganglions.  Lephagédénisme  paraîtrait  donc 
être  une  des  conditions  qui  empêchent  l'action  syphilitique  de  s'irradier 
sur  les  ganglions. 

En  second  lieu,  «  le  système  ganglionnaire,  dit  Ricord,  est  assez  ha- 
bituellement en  relation  inverse  de  développement  avec  le  système  adi- 
peux. Chez  les  individus  très-gras,  les  ganglions  sont  petits;  à  la  suite 
du  chancre  infectant,  ils  sont  souvent  peu  développés;  parfois  même, 
mais  rarement,  ils  font  défaut  »  {Communie,  orale). 

De  même  encore,  d'après  notre  maître,  l'adénopathie  peut  manquer 
avec  le  chancre  induré  de  récidive,  c'est-à-dire  se  développant  à  nouveau 
sur  des  sujets  autrefois  syphilitiques. 

Enfin  elle  paraît  avoir  fait  défaut,  en  quelques  cas  très-rares,  à  la  suite 
du  chancre  infectant  à  forme  d'érosion  superficielle  ou  de  papule  exul- 
cérée,  ne  présentant  qu'une  induration  à  peine  perceptible  ou  même 
presque  douteuse. 

J'ai  voulu  me  rendre  un  compte  exact  et  numérique  de  la  fréquence 
du  bubon  à  la  suite  de  l'accident  initial  de  la  syphilis.  Or,  voici  ce  que 
m'a  fourni  sur  ce  sujet  l'analyse  de  265  observations  très-soigneusement 
étudiées  à  ce  point  de  vue  spécial  : 

Sur  205  cas  de  chancres  indurés,  suivis  d'accidents  non  douteux  de  syphilis  constitu- 
tionnelle, j'ai  constaté  : 

229  fois  Tadénopathie  classique  que  nous  allons  décrire,  très-nettement  formulée; 

15  fois  des  adénopathies  médiocrement  accusées,  non  douteuses,  mais  peu  significatives 
au  point  de  vue  séméiologique; 

5  fois  des  adénopathies  de  développement  moindre  et  sans  valeur  séméiologique  véri- 
table  ; 

9  fois  des  adénopathies  à  dégénérescence  strumeuse; 

2  fois  des  bubons  suppures  à  la  suile  de  phénomènes  inflammatoires  ou  de  dégénéres- 
cence strumeuse. 

Cinq  fois  seulement  sur  265  cas,  le  bubon  fit  défaut  ou  ne  put  être  constaté.  —  Or, 
ces  5  cas  sont  curieux  à  analyser  : 


BUBON.  —  mjbon  symptomatjqtje  dk  l'acgtdent  initial  (siège).        775 

1°  Dans  l'un,  le  malade  était  affecté  d'un  chancre  phagédénique  de  la  verge,  horrible, 
monstrueux;  il  ne  présentait  aucun  développement  ganglionnaire  dans  les  régions  ingui- 
nales; 

2°  Dans  deux  autres  cns,  les  malades  offraient  un  embonpoint  tel  qu'il  était  fort  diffi- 
cile, pour  ne  pas  dire  impossible,  d'explorer  l'état  des  ganglions.  Peut-être  l'adénopathie 
s'était-elle  développée  et  n'était-elle  que  masquée  par  la  surabondance  du  tissu  adipeux  ; 
en  tout  cas,  elle  ne  put  être  constatée; 

5°  Le  quatrième  fait  est  relatif  à  un  jeune  homme  qui  présenlait  sur  la  rainure  glnndo- 
prépûtiale  un  chancre  d'étendue  moyenne,  reposant  sur  un  énorme  noyau  d'induration 
cartilagineuse.  Je  ne  pus  saisir  dans  les  aines  le  moindre  développement  ganglionnaire. 

4°  Dans  le  dernier  cas,  au  contraire,  le  début  de  l'infection  se  fit  par  des  érosions 
herpétiformes,  aussi  limitées  et  aussi  superficielles  que  possible,  offrant  à  peine  à  leur 
base  un  très-léger  degré  de  rénitence.  Ces  érosions,  que  je  pris  tout  d'abord  pour  des 
herpès,  ne  s'accompagnaient  d'aucun  engorgement  des  ganglions;  elles  n'en  devinrent 
pas  moins  l'origine  d'une  syphilis  des  mieux  caractérisées. 


Au  total,  donc,  sur  265  cas  j'ai  rencontré  260  fois  l'adénopathie.  Cinq 
fois  elle  ne  put  être  constatée,  mais  trois  fois  seulement  elle  lit  défaut 
d'une  façon  certaine. 

Cette  proportion  est  assez  significative  pour  n'avoir  pas  besoin  de  com- 
mentaires. Il  est  peu  de  symptômes  donnés  en  pathologie  comme  con- 
stants qui  présentent  un  égal  degré  de  fréquence. 

Siège.  —  Comme  tous  les  bubons,  l'adénopathie  spécifique  du  chancre 
infectant  est  en  relation  directe  de  siège  avec  l'accident  dont  elle  dérive. 
Or,  ce  chancre  pouvant,  comme  nous  l'établirons  ailleurs,  se  développer 
sur  n'importe  quel  point  des  surfaces  tégumentaires  ou  muqueuses  ac- 
cessibles au  contact  du  virus  syphilitique,  il  suit  de  là  que  son  bubon 
doit  s'observer  sur  les  régions  les  plus  diverses.  C'est  en  effet  ce  qui  a 
lieu.  Les  chancres  de  la  région  génitale  étant  de  beaucoup  les  plus  fré- 
quents, c'est  à  l'aine  que  Ton  rencontre  le  plus  communément  le  bubon 
syphilitique.  C'est  à  l'aine  que  se  produisent  également  les  adénopathies 
symptomatiques  des  chancres  de  l'anus,  de  l'extrémité  antérieure  de 
l'urèthre,  du  périnée,  du  col  utérin  (Ricord,  Uobert,  Bernutz,  Legendre, 
etc.),  des  fesses,  des  cuisses,  de  la  portion  inférieure  de  l'abdomen,  etc. 
Mais  ce  bubon  s'observe  sur  bien  d'autres  points  :  assez  souvent  à  la  ré- 
gion sous-maxillaire  (chancres  de  la  bouche,  des  lèvres,  de  la  langue,  du 
menton,  etc.);  —  plus  rarement  dans  l'aisselle  (chancres  du  sein,  chan- 
cres des  doigts);  —  exceptionnellement  sur  d'autres  ganglions  de  siège 
divers  :  ganglions  cervicaux,  sus-hvoïdiens,  parotidiens,  pra?-auriculaire, 
épitrochléen,  etc. 

Dans  un  cas  de  chancre  occupant  la  voûte  palatine,  j'ai  constaté  l'exis- 
tence d'un  gros  ganglion  dans  l'épaisseur  même  de  la  joue.  Dans  un 
autre  cas,  où  l'infection  fut  très-certainement  transmise  par  le  cathété- 
risme  de  la  trompe  d'Eustache,  il  existait  à  la  région  parotidienne 
deux  ganglions  volumineux,  situés  l'un  exactement  au-dessous  du  lo- 
bule de  l'oreille,  et  l'autre  un  peu  plus  intérieurement  sous  la  branche  du 
maxillaire. 

A  l'aine,  le  bubon  du  chancre  infectant  peut,  comme  celui  du  chancre 


776     BUBON.  —  rubon  symptomatïque  de  l'accident  initial  (symptômes). 

simple,  être  direct  ou  croisé;  il  peut  aussi  être  unique  ou  double,  c'est- 
à-dire  affecter  une  seule  des  régions  inguinales  ou  les  deux  à  la  fois. 

Mais  ce  qu'il  présente  de  spécial,  c'est  sa  tendance  à  se  porter  à  la  fois 
sur  les  ganglions  des  deux  aines.  Très-fréquemment,  alors  même  que  le 
chancre  d'origine  est  unique  et  ne  siège  que  sur  un  des  côtés  de  la  verge, 
le  bubon  est  double,  bi-inyuinal. 

Cette  adénopathie  double  est  parfois  égale  d'un  côté  à  l'autre;  mais 
bien  plus  souvent  on  rencontre  la  disposition  suivante  :  du  côté  corres- 
pondant au  chancre  une  pléiade  bien  formulée,  et  de  l'autre  un  seul 
ganglion  ou  un  petit  nombre  de  ganglions  d'un  développement  moins 
considérable. 

Epoque  d'apparition.  —  Tandis  que  le  bubon  du  chancre  simple  n'a 
pas  de  période  fixe  pour  son  développement,  l'adénopathie  syphilitique 
se  manifeste  au  contraire  à  la  suite  du  chancre  infectant  avec  une  régula- 
rité, avec  une  ponctualité  chronologique  qui  constitue  l'un  de  ses  carac- 
tères différentiels.  Elle  coïncide  presque  invariablement  avec  l'époque  où 
se  produit  l'induration  chancreuse  ou  la  suit  de  très-près.  C'est  dire 
qu'elle  apparaît  dans  le  cours  du  premier  ou  du  second  septénaire  après 
le  début  du  chancre  ;  il  est  très-rare  qu'elle  tarde  davantage  à  se  mani- 
fester (Ricordh 

Sur  ce  point,  les  données  de  l'expérimentation  sont  d'accord  avec  les 
résultats  de  la  clinique.  A  la  suite  des  inoculations  de  pus  syphilitique, 
c'est  en  moyenne  dans  le  cours  du  second  septénaire  qu'on  a  vu  se  déve- 
lopper le  bubon. 

Symptômes.  —  Considéré  dans  ses  caractères  les  plus  généraux,  le  bu- 
bon du  chancre  infectant  est  simplement  constitué  par  une  tuméfaction 
ganglionnaire,  présentant  une  dureté  spéciale  et  complètement  dépourvue 
de  phénomènes  inflammatoires. 

Etudions  en  détail  ces  trois  signes  qui  forment  la  caractéristique  de 
ce  bubon  . 

I.  La  tuméfaction  n'est  guère  que  moyenne.  Règle  presque  générale, 
le  bubon  syphilitique  présente  un  développement  très-inférieur  à  celui 
de  l'adénite  simple  ou  du  bubon  chancreux.  Le  plus  communément,  le 
ganglion  affecté  n'est  que  doublé  ou  tout  au  plus  triplé  de  volume;  de 
plus,  il  n'offre  pas  d'engorgement  périphérique.  A  l'aine,  par  exemple, 
chacune  des  glandes  qui  constituent  ce  qu'on  appelle  la  pléiade  ne  dépasse 
guère  le  volume  d'une  petite  noisette.  Il  en  est  de  même  pour  celles  qui 
constituent  les  pléiades  axillaires  à  la  suite  des  chancres  du  sein.  Les 
ganglions  sous-maxillaires,  symptomatiques  des  chancres  buccaux,  sont 
généralement  un  peu  plus  volumineux;  cependant  ils  ne  sont  pas  plus 
gros  qu'une  amande  ou  qu'une  moitié  de  noix. 

R  n'est  pas  rare  toutefois  que  ce  bubon  présente  un  développement 
plus  considérable,  et  cela,  soit  par  l'exagération  de  volume  d'un  seul  gan- 
glion, soit  par  l'agglomération  de  plusieurs  glandes  en  une  seule  masse, 
soit  encore  en  raison  de  complications  inflammatoires  ou  de  dégénéres- 
cence strumeuse  des  glandes.  Nous  aurons  à  revenir  sur  ces  divers  points. 


BUBON.    —    BUBON    SYMPTOMATIQUE    DE    L'ACCIDENT    INITIAL    (SYMPTOMES).      777 

II.  La  dureté  de  la  glande  affectée  est  remarquable;  elle  est  même 
spéciale,  comme  ledit  Ricord.  Pressé  entre  les  doigts,  le  ganglion  four- 
nit absolument  la  même  sensation  que  la  base  du  chancre  induré;  c'est 
une  dureté  sut  generis,  chondroïde,  élastique,  résistante;  «  c'est,  pour 
ainsi  dire,  l'induration  chancreuse  transportée  dans  le  ganglion.  » 
(Ricord.) 

III.  Ce  qu'offre  de  plus  caractéristique  le  bubon  du  chancre  infectant, 
c'est  V absence  de  tout  phénomène  inflammatoire. 

Ce  bubon  se  produit  et  se  développe,  non  pas  comme  une  adénite, 
mais  comme  un  simple  engorgement  ganglionnaire  froid  et  indolent.  Il 
naît,  évolue  et  se  termine  sans  le  plus  léger  signe  de  réaction  locale. 

Le  ganglion  se  tuméfie  et  s'indure;  c'est  là  tout  le  bubon  syphili- 
tique. 

De  là,  quelques  conséquences  d'un  haut  intérêt  séméiologique  : 

1°  L'indolence  remarquable  de  la  région  où  siège  l'adénopathie.  Le 
ganglion  malade  n'éveille  aucune  douleur  spontanée;  il  n'est  pas  senti, 
il  passe  souvent  inaperçu.  Il  n'est  guère  plus  douloureux  à  la  pres- 
sion; très-communément,  il  présente  même  une  insensibilité  absolue 
sous  le  doigt. 

2°  La  conservation  de  la  teinte  normale  des  téguments  qui  ne  présentent 
jamais  la  rougeur  inflammatoire  qu'on  observe  dans  l'adénite  ou  le  bubon 
chan creux. 

3°  Uintégrité  de  forme,  la  mobilité  et  V indépendance  du  ganglion. 

Tout  en  se  tuméfiant,  le  ganglion  conserve  sa  forme  anatomique.  De 
plus,  il  ne  s'entoure  jamais  de  cette  atmosphère  d'empâtement  et  d'en- 
gorgement diffus  qui  englobe  habituellement  les  glandes  enflammées.  Il 
reste  libre,  mobile,  indépendant  des  parties  voisines  avec  lesquelles  il  ne 
contracte  pas  d'adhérences. 

Lorsque  le  bubon  est  poly-ganglionnaire,  les  différentes  glandes  qui 
le  composent  restent  de  même  indépendantes  les  unes  des  autres  et 
forment  autant  de  petites  tumeurs  isolées  qui  glissent  librement  sous  la 
peau. 

A  ces  points  de  vue  divers,  l'adénopathie  syphilitique  diffère  essen- 
tiellement soit  de  l'adénite  simple,  soit  du  bubon  chancreux. 

IV.  Aux  signes  qui  précèdent  s'ajoute  souvent  un  caractère  moins  gé- 
néral, mais  non  moins  intéressant;  c'est  la  multiplicité  des  glandes  affec- 
tées par  le  bubon  syphilitique. 

A  l'aine  notamment,  comme  du  reste  dans  toutes  les  régions  où  plu- 
sieurs glandes  lymphatiques  se  trouvent  réunies,  l'action  du  chancre  ne 
s'exerce  pas  seulement  sur  une  de  ces  glandes  ;  elle  s'étend  à  plusieurs,  à 
trois,  à  quatre,  à  six,  voire  même  à  dix  ou  à  douze,  c'est-à-dire  à  l'en- 
semble du  groupe  ganglionnaire.  C'est  à  cet  engorgement  multiple  que 
Ricord  a  donné  le  nom  très-pittoresque  de  pléiade. 

La  pléiade  se  compose  donc  d'une  série  de  ganglions  affectés  spécifique- 
ment et  offrant  l'ensemble  des  caractères  que  nous  venons  de  décrire. 
Ces  ganglions  sont  inégalement  développés  comme  volume,  mais  ils  pré- 


778    BUBON. —  bubon  symptomatique  de  l'accident  initial  (marche,  etc.). 

sentent  tous  comme  caractères  communs  l'indolence  et  l'induration  spé- 
cifique. Mobiles  et  indépendants,  ils  figurent  comme  une  série  de  petites 
noisettes  qu'on  peut  avec  le  doigt  faire  rouler  sous  la  peau. 

Dans  cette  pléiade,  on  trouve  presque  toujours,  remarque  curieuse,  un 
ganglion  plus  saillant  et  plus  développé  que  les  autres.  «  C'est  celui,  dit 
Ricord,  auquel  viennent  aboutir  directement  les  lymphatiques  qui  éma- 
nent de  la  partie  ulcérée;  c'est  celui  qui  deviendrait  ou  pourrait  devenir, 
dans  le  cas  d'un  chancre  simple,  le  siège  d'une  suppuration  spécifique. 
Je  Tappelle  le  ganglion  anatomique  ou  direct  de  la  pléiade,  supposant 
qu'il  subit  directement  l'influence  du  chancre  par  voie  de  continuité, 
tandis  que  les  glandes  environnantes  ne  seraient  affectées  que  par  sym- 
pathie diathésique.  » 

Le  nombre  de  glandes  qui  constituent  la  pléiade  est  très-variable  sui- 
vant les  sujets,  comme  aussi  d'un  côté  à  l'autre  sur  le  même  individu.  Il 
ne  paraît  influencé  ni  par  le  tempérament  du  malade,  ni  par  le  nombre 
des  chancres,  ni  par  le  volume  de  l'induration.  Il  est  même  remarquable, 
en  certains  cas,  de  voir  un  chancre  unique  et  restreint  développer  une 
pléiade  aussi  riche  et  aussi  volumineuse  que  pourrait  le  faire  une  série  de 
chancres  multiples  et  étendus  (M.  Robert). 

Du  reste,  ce  caractère  de  multiplicité  des  glandes  n'est  pas  absolu.  Par- 
fois, on  ne  rencontre  dans  l'aine  qu'un  seul  ganglion.  Dans  ce  cas,  le 
ganglion  unique  qui  constitue  le  bubon  prend  généralement  un  dévelop- 
pement assez  considérable  ;  il  présente  le  volume  dune  grosse  noisette  ou 
même  d'une  petite  noix. 

Ce  bubon  monoganglionnaire  est  assez  rare  à  l'aine;  il  s'observe  d'une 
façon  plus  fréquente  relativement  à  la  région  axillaire. 

V.  Ajoutons,  pour  compléter  ce  tableau,  que  fréquemment  le  bubon 
est  relié  au  chancre  dont  il  dérive  par  de  petits  cordons  durs,  suivant 
l'axe  de  la  verge,  facilement  perceptibles  sous  la  peau  et  donnant  au  doigt 
à  peu  près  la  même  sensation  que  le  canal  déférent.  Ces  cordons  ne  sont 
autres  que  des  lymphangites  indurées,  servant,  pour  ainsi  dire,  de  trait- 
d'union  entre  les  ganglions  et  le  chancre. 

Nous  renvoyons  à  un  autre  article  de  cet  ouvrage  la  description  de  ces 
lymphangites  chancreuses  (voy.  Chancre). 

Marche,  durée,  terminaison.  —  I.  Ce  bubon  s'accroît  assez  vite.  En 
huit,  dix  ou  quinze  jours,  il  a  généralement  acquis  son  développement 
complet.  Il  reste  ensuite  stationnaire  et  persiste  sans  modification  no- 
table pendant  un  temps  toujours  assez  long,  plusieurs  semaines,  par- 
fois même  deux  ou  trois  mois.  De  telle  sorte  que,  règle  presque  générale, 
il  survit  au  chancre  et  coexiste  avec  les  premières  poussées  des  manifesta- 
tions secondaires.  Puis  il  diminue,  mais  lentement,  si  bien  qu'il  n'est  pas 
rare  de  le  rencontrer  encore,  à  des  degrés  atténués,  dans  le  quatrième, 
le  cinquième,  le  sixième  mois  de  la  maladie,  et  même  bien  au  delà. 
Ricord  dit  en  avoir  retrouvé  «  des  vestiges  non  équivoques  à  plusieurs 
années  d'intervalle  du  début  de  l'infection.  » 

Il  est  des  cas,  toutefois,  où   l'adénopathie  diminue  et  disparaît  assez 


BUBON.    BUBON    SYMPTOMATIQUE    DE    L  ACCIDENT    INITIAL    (TERMINAISON).     770 

rapidement;  ce  sont  là,  je  ne  dirai  pas  des  exceptions,  mais  des  faits 
assez  rares. 

La  persistance  habituelle  du  bubon  à  la  suite  du  chancre  offre  un  grand 
intérêt  séméiologique.  Le  chancre,  en  effet,  est  parfois  éphémère  et  super- 
ficiel; il  peut  disparaître  en  quelques  jours  sans  laisser  de  traces;  il  peut 
être  ignoré,  méconnu,  dissimulé.  Le  bubon,  au  contraire,  subsiste  avec 
des  caractères  facilement  saisissables.  C'est  un  signe  posthume,  en  quelque 
sorte,  par  rapport  à  l'accident  initial  de  l'infection;  c'est  un  indice  qui 
lui  survit,  qui  l'accuse  quand  il  n'est  plus,  qui  en  décèle  à  la  fois  et  la 
nature  et  le  siège.  «  Ne  négligez  jamais,  nous  disait  Ricord  dans  ses  cli- 
niques, d'interroger  les  ganglions,  lorsqu'un  malade  affecté  d'accidents 
constitutionnels  se  présente  a  vous  en  niant  toute  espèce  d'antécédent 
suspect.  L'adénopathic  spécifique  est  pour  le  chancre  infectant  l'effet  qui 
suit  la  cause.  Eh  bien,  remontez  à  la  cause  par  l'effet...  De  la  sorte,  vous 
serez  mis  sur  la  voie  des  chancres  à  siège  insolite,  de  ceux  dont  le  ma- 
lade aura  méconnu  l'existence  ou  la  nature,  comme  de  ceux  qu'il  vou- 
drait vous  cacher.  C'est  ainsi  qu'une  adénopathie  épitrochléenne  ou  axil- 
laire  vous  indiquera  un  chancre  siégeant  sur  le  membre  supérieur  et  le 
plus  généralement  un  chancre  digital;  que  le  bubon  sous-maxillaire  vous 
révélera  un  chancre  de  la  bouche;  que  l'engorgement  des  ganglions  ex- 
trêmes des  pléiades  inguinales  vous  fera  suspecter  un  chancre  de  l'anus  ; 
et  de  même  pour  tant  d'autres  accidents  à  siège  plus  ou  moins  insolite, 
plus  ou  moins  immoral,  dont  les  malades  cherchent  souvent  à  dissimu- 
ler l'existence.  » 

Ce  précepte  de  Ricord  trouve  son  application  fréquente  en  pratique. 
Plus  d'un  cas  obscur  et  extraordinaire  ne  reçoit  son  explication  naturelle 
que  grâce  aux  données  fournies  par  les  ganglions.  Le  plus  souvent,  en 
effet  (je  pourrais  dire  presque  toujours),  la  nature  d'un  chancre  situé  en 
dehors  de  la  région  génitale  est  méconnue  par  les  malades,  et  lorsque  ce 
chancre  a  disparu,  il  ne  reste  plus  que  les  ganglions  pour  en  attester  le 
passage.  J'ai  eu  l'occasion,  par  exemple,  de  voir  trois  jeunes  gens  qui, 
présentant  des  accidents  syphilitiques  non  douteux,  soutenaient  de  la 
meilleure  foi  du  monde  n'avoir  jamais  eu  de  chancres.  Ce  fut  l'état  des 
ganglions  épitrochléens  et  axillaires  qui  me  conduisit,  dans  ces  trois  cas, 
à  découvrir  que  l'infection  reconnaissait  pour  origine  des  chancres  di- 
gitaux. 

II.  Il  n'est  guère  pour  le  bubon  syphilitique  qu'un  mode  presque  uni- 
que de  terminaison,  la  résolution  progressive. 

Cette  résolution  se  fait  en  général  avec  une  grande  lenteur,  comme 
nous  l'avons  dit  précédemment.  Le  ganglion  diminue  de  volume  ;  il  perd 
insensiblement  sa  dureté  pathologique,  puis  rentre  dans  ses  conditions 
normales. 

C'est  dire  qu'il  n'offre  aucune  tendance  à  s'abeéder,  à  suppurer.  La 
suppuration,  en  effet,  est  pour  le  bubon  du  chancre  infectant  une  termi- 
naison aussi  rare  que  possible  et  véritablement  exceptionnelle. 

Ainsi,  sur  le  nombre  considérable  de  chancres  indurés  qui,  pendant 


780  BUBON.  —  bubon  symptomatique  de  l'accident  initial  (terminaison). 

l'année  1856,  furent  traités  soit  dans  le  service  de  Ricord  soit  aux 
consultations  du  Midi,  trois  seulement  s'accompagnèrent  de  bubons  sup- 
pures. Dans  ces  trois  cas,  la  suppuration  ne  se  produisit  qu'à  la  suite 
d'une  dégénérescence  strumeuse  des  ganglions. 

De  même  la  statistique  que  j'ai  citée  précédemment  ne  fournit  que  deux 
cas  de  bubons  abcédés  pour  un  total  de  265  chancres  infectants  (Rap- 
port :  :1:  152). 

Aussi,  tout  en  tenant  compte  de  certains  faits  exceptionnels,  peut-on 
accepter  comme  vraie  et  comme  applicable  a  l'énorme  majorité  des  cas 
cette  loi  formulée  par  Ricord  : 

Le  bubon  qui  suppure  n'est  pas  syphilitique. 

Le  fait  seul  de  la  suppuration  d'un  bubon  à  la  suite  d'un  chancre  a 
donc  une  importance  considérable  au  triple  point  de  vue  du  diagnostic, 
du  pronostic  et  du  traitement.  De  ce  seul  indice,  il  y  a  tout  lieu  de  con- 
clure :  1°  que  le  chancre  n'est  pas  syphilitique;  —  2°  que  des  accidents 
constitutionnels  ne  se  développeront  pas  à  sa  suite;  —  5°  qu'un  traite- 
ment général  antisyphilitique  ne  doit  pas  être  prescrit. 

L'absence  de  manifestations  constitutionnelles  à  la  suite  du  bubon  ab- 
cédé  n'avait  pas  échappé  aux  anciens  observateurs.  C'était  un  fait  connu 
de  longue  date,  dont  on  croyait  même  avoir  l'explication.  Si  la  vérole, 
disait-on,  ne  se  développe  pas  à  la  suite  de  ïapostème  suppuré  de  l'aine, 
c'est  que  de  la  sorte  la  suppuration  débarrasse  l'organisme  du  principe 
virulent;  c'est  que  le  virus  est  expulsé  de  l'économie  par  un  émonctoire 
naturel  ;  c'est  que  le  sang  infecté  chasse  ainsi  sa  gourme  au  dehors. 

Aujourd'hui,  au  contraire,  nous  disons  avec  Ricord  :  Si  le  bubon  sup- 
puré n'est  pas  suivi  d'accidents  constitulionnels,  c'est  que  ce  bubon  n'est 
pas  lui-même  une  manifestation  syphilitique  ;  c'est  qu'il  est  l'expression 
d'états  pathologiques  étrangers  à  la  syphilis. 

III.  De  plus,  et  ceci  n'est  pas  moins  important  à  établir,  dans  les  cas 
très-rares  où  ce  bubon  s'enflamme  et  s'abcède,  le  pus  qu'il  fournit  n'est 
pas  susceptible  de  reproduire  un  chancre  par  auto-inoculation;  jamais 
non  plus  il  ne  convertit  en  ulcère  chancreux  le  foyer  qui  le  contient  ni 
les  tissus  qui  l'environnent. 

Cela  ressort  rigoureusement  de  la  clinique  et  de  l'expérimentation. 
Ainsi,  l'on  n'observe  jamais  comme  cortège  du  chancre  induré  ni  l'ulcère 
chancreux  ni  le  phagédénisme  ganglionnaire.  De  même,  le  pus  de  ce  bu- 
bon inoculé  au  malade  ne  reproduit  jamais  une  ulcération  chancreuse. 

Ricord  a  même  dit  que  le  pus  de  l'adénopathie  syphilitique  «  est  un 
pus  simple,  phlegmoneux,  vulgaire,  et  sans  mélange  de  virus.  »  Cela 
peut  être,  mais  cela  n'est  pas  démontré.  Je  ne  sais  et  personne  ne  sait 
encore  ce  que  produirait  l'inoculation  de  ce  pus  à  un  sujet  sain.  Il  est 
bien  possible  que,  résultant  d'une  inflammation  simple  ou  d'une  dégéné- 
rescence strumeuse  de  la  glande,  cette  suppuration  soit  innocente  et  dé- 
pourvue de  toute  spécificité.  Cependant,  sécrétée  par  un  organisme  infecté, 
fournie  par  une  glande  qui  s'est  abeédée  à  l'occasion,  sinon  par  l'effet 
d'un  chancre,  elle  pourrait  à  bon  droit,  ce  me  semble,  être  tenue  pour 


BUBON.    - —    BUBON    SYMPTOMAT1QUE    DE    l'aCCIDEJN'T    INITIAL    (VARIÉTÉS).       781 

suspecte.  En  tout  cas,  l'expérience  n'a  pas  été  faite,  et  elle  est  assez 
périlleuse  pour  qu'on  ait  garde  de  l'instituer. 

Variétés.  —  Après  avoir  décrit  la  l'orme  type  du  bubon,  il  me  reste  à 
signaler  les  modifications  qu'elle  peut  subir  et  les  quelques  variétés  d'im- 
portance secondaire  dont  elle  est  susceptible. 

I.  Il  est  d'abord  des  différences  de  degré  dans  le  développement  du 
bubon. 

xVinsi,  l'aciénopathie  peut  s'accuser  faiblement,  ne  consister  qu'en  une 
glande  ou  un  petit  nombre  de  glandes  légèrement  augmentées  de  volume. 

D'autres  fois,  et  plus  souvent,  la  tuméfaction  ganglionnaire  dépasse  les 
proportions  que  nous  lui  avons  assignées  comme  habituelles.  La  glande 
prend  alors  le  volume  d'une  noix  on  d'un  petit  œuf.  On  dit  même  avoir 
rencontré  des  bubons  beaucoup  plus  considérables  ;  mais  dans  ces  cas 
exceptionnels  le  développement  excessif  de  l'adénopathie  n'était  proba- 
blement du  qu'à  des  complications  inflammatoires  ou  à  des  lésions  scro- 
fuleuses  des  ganglions. 

Disons,  à  ce  propos,  qu'il  n'est  pas  de  relation  à  établir  entre  la  tumé- 
faction ganglionnaire  et  l'induration  cbancreuse.  Si  parfois  l'on  observe 
avec  une  induration  volumineuse  un  bubon  volumineux,  très-souvent 
aussi  l'on  constate  un  bubon  moyen  ou  petit  avec  un  noyau  d'induration 
considérable,  et  inversement.  Il  n'est  rien  de  régulier,  rien  de  fixe  à  cet 
égard. 

II.  En  second  lieu,  des  variétés  nombreuses  tiennent  à  des  modifications 
de  caractères  que  peut  subir  le  bubon. 

1°  Les  ganglions  ne  présentent  pas  toujours  cette  dureté  cliondroïde 
que  nous  avons  donnée  comme  spécifique.  Ils  n'offrent  parfois  qu'une 
simple  rénitence  peu  différente  de  celle*  des  glandes  qui  commencent  à 
s'enflammer  ou  des  autres  variétés  d'adénopathies. 

2°  L'indolence  n'est  pas  absolue  dans  tous  les  cas.  Il  n'est  pas  rare  que 
le  bubon  devienne  légèrement  douloureux  sous  des  influences  diverses 
(fatigue,  marche,  excitation  du  chancre  par  des  pansements  irritants  ou 
des  cautérisations  intempestives,  complications  inflammatoires,  etc.). 
Mais  cette  sensibilité  pathologique  n'est  jamais  que  de  très-courte  durée; 
elle  disparaît  généralement  en  quelques  jours,  soit  d'une  façon  sponta- 
née, soit  à  l'aide  du  repos  et  de  quelques  soins  très-simples  (cataplasmes, 
bains,  etc.). 

5°  Des  symptômes  inflammatoires  peuvent  se  produire.  Le  plus  souvent, 
ils  ne  sont  que  légers  et  éphémères.  Très-rarement  ils  persistent  et  pren- 
nent une  certaine  intensité.  Une  adénite  vraie  tend  alors  à  se  substituer 
à  l'engorgement  froid  et  indolent  qui  constitue  le  bubon  syphilitique. 

«  Il  ne  faudrait  pas  croire,  en  effet,  que  l'existence  d'un  bubon  induré 
constituât  pour  les  ganglions  une  immunité  contre  les  différentes  causes 
d'inflammation  vulgaire.  Loin  delà,  c'est  plutôt  une  prédisposition.  L'état 
morbide  des  glandes  affectées  par  la  syphilis  est  très-certainement  un  appel 
pour  les  diverses  influences  pathologiques  qui  peuvent  s'exercer  sur  elles... 
C'est  ainsi  qu'il  n'est  pas  rare  de  voir  le  bubon  du  chancre  infectant  de- 


78*2     BUBON.  —  bubon  symptomatique  de  l'accident  initial  (variétés). 

venir  l'origine  d'un  engorgement  strumeux  chez  les  sujets  prédisposés 
à  la  diaihèse  scrofuleuse.  De  même  les  causes  multiples  d'inflammation 
peuvent  traduire  à  leur  façon  leur  influence  spéciale  sur  les  ganglions 
indurés  par  la  vérole,  et  y  provoquer,  en  dehors  de  toute  action  viru- 
lente, un  travail  phlegmasique  susceptible  même  d'aboutir  à  suppura- 
tion »  (Ricord). 

L'adénite  qui  complique  ainsi  le  bubon  du  chancre  infectant  se  résout 
presque  toujours.  Elle  n'arrive  à  suppuration  que  d'une  façon  très-excep  • 
tionnelle,  comme  nous  l'avons  établi  précédemment.  Parfois  encore  elle 
offre  une  particularité  très-intéressante.  Elle  se  ramollit  et  devient  fluc- 
tuante clans  une  certaine  étendue,  puis  elle  ne  s' ouvre  pas;  elle  reste  fluc- 
tuante quelque  temps,  diminue,  se  concentre,  se  résout  et  disparaît.  Elle 
constitue  de  la  sorte  un  abcès  qui,  chose  surprenante,  est  susceptible  de 
se  résorber.  Plusieurs  fois  déjà  j'ai  été  témoin  de  faits  de  ce  genre.  J'ai 
cru  tout  d'abord  m'être  laissé  abuser  par  un  sentiment  de  fausse  fluctua- 
tion, mais  dans  les  cas  ultérieurs  qui  se  sont  présentés  à  moi  et  que  j'étu- 
diai avec  une  attention  minutieuse,  j'ai  constaté  dûment  une  fluctuation 
très-manifeste,  ne  pouvant  laisser  de  doute  sur  l'existence  d'un  abcès,  et 
j'ai  très-positivement  vu  cet  abcès  disparaître  sans  s'ouvrir,  se  résorber 
progressivement. 

Je  dois  ajouter  que  jusqu'à  ce  jour  je  n'ai,  pour  ma  part,  rien  observé 
de  semblable  pour  le  bubon  du  chancre  simple. 

4U  Les  ganglions  qui  composent  la  pléiade  ne  sont  pas  toujours  isolés 
et  indépendants  les  uns  des  autres.  Parfois  ils  se  groupent,  deviennent 
cohérents  et  se  confondent  en  une  seule  masse. 

Cette  disposition  altère  la  forme  du  bubon  qui,  bien  que  polygan- 
glionnaire,  n'est  plus  alors  constitué  que  par  une  tumeur  unique.  Cette 
tumeur  est  volumineuse;  elle  fait  dans  l'aine  une  saillie  très-marquée, 
globuleuse,  généralement  ovoïde  et  à  grand  axe  parallèle  au  pli  de  la 
cuisse.  Elle  est  mobile  en  totalité,  mais  moins  mobile  que  ne  le  sont  habi- 
tuellement les  ganglions  isolés  de  la  pléiade  ;  parfois  même  elle  est  fixée 
par  des  adhérences  aux  tissus  ambiants. 

En  d'autres  cas,  cette  tumeur  est  cylindroïde,  fusiforme,  moniliforme. 
Souvent  elle  constitue  une  sorte  de  crête  ou  de  corde  dure  qui  suit  le  pli 
de  l'aine  dans  l'étendue  de  plusieurs  cenlimètres. 

Bassereau,  qui  a  eu  l'occasion  de  disséquer  plusieurs  de  ces  tumeurs, 
les  a  trouvées  formées  par  des  ganglions  cohérents,  que  réunissaient  les 
uns  aux  autres  de  gros  vaisseaux  lymphatiques  indurés  et  des  couches 
épaissies  de  tissu  cellulaire. 

III.  Il  est  certaines  conditions  qui  modifient  les  caractères  normaux 
du  bubon.  Nous  avons  déjà  signalé  les  complications  inflammatoires;  il 
nous  reste  à  parler  de  la  dégénérescence  strumeuse  des  ganglions  et  des 
coïncidences  pathologiques . 

1°  La  dégénérescence  strumeuse  des  glandes  affectées  par  le  bubon  sy- 
philitique est  loin  d'être  rare.  Elle  s'observe  non-seulement  chez  les  su- 
jets manifestement  scrofuleux*  mais  chez  les   individus  à  tempérament 


BUBON.    BUBON    SYMPTOMATIQUE    DE    L  ACCIDENT    INITIAI,    (VARIÉTÉS).       785 

lymj)hatique,  à  constitution  affaiblie,  «à  tendance  scrofuleuse  latente. 
—  Lorsqu'elle  se  produit,  le  bubon  spécifique  perd  ses  caractères  pour 
prendre  ceux  de  l'engorgement  strumeux.  Les  ganglions  augmentent  de 
volume;  ils  se  réunissent,  ils  se  soudent  les  uns  aux  autres,  deviennent 
cohérents,  de  façon  à  ne  plus  constituer  qu'une  seule  masse;  de  plus  ils 
contractent  adhérence  avec  le  tissu  cellulaire  périphérique  et  même  avec 
la  peau  qui  devient  immobile  à  leur  surface;  la  dureté  spécifique  fait 
place  à  un  empâtement  diffus;  plus  tard  la  tumeur  devient  mollasse, 
fongueuse,  se  ramollit  et  suppure,  en  suivant  l'évolution  propre  aux  en- 
gorgements ganglionnaires  de  la  scrofule  (voy.  ce  mot). 

Ce  bubon  sypkilo -strumeux  peut  se  produire  sur  tous  les  ganglions; 
mais  il  a  plus  de  tendance  à  se  développer  à  l'aine  que  partout  ailleurs. 

2°  Les  caractères  du  bubon  peuvent  encore  être  modifiés  par  la  coïn- 
cidence avec  le  chancre  infectant  de  lésions  diverses  :  chancre  simple, 
blennorrhagie,  balauite,  balano-posthite,  inflammations,  cancer,  états 
morbides  variés  de  la  région  où  s'est  développé  l'accident  initial,  etc. 

Ces  lésions  de  coïncidence  sont  le  plus  souvent  des  affections  véné- 
riennes, soit  antérieures  en  développement,  soit  simultanées,  soit  posté- 
rieures. Il  en  est  une  spécialement  qui,  réagissant  d'une  façon  active  sur 
les  ganglions,  peut  altérer  complètement  la  forme  du  bubon  syphilitique 
et  même  se  substituer  à  lui;  c'est  Je  chancre  simple. 

Or,  il  n'est  pas  excessivement  rare  que  le  chancre  simple  coexiste  avec 
le  chancre  infectant,  soit  qu'il  ait  été  contracté  dans  le  même  rapport, 
soit  qu'il  dérive  d'une  contagion  ultérieure.  On  l'a  même  vu  se  dévelop- 
per sur  la  surface  ulcérée  de  ce  dernier  chancre  ou  sur  la  cicatrice  indu- 
rée qui  lui  succède.  Que  dans  ces  conditions  il  vienne  à  réagir  sur  le 
système  ganglionnaire  et  à  développer  le  bubon  qui  lui  est  propre,  ou 
trouve  alors  associées  des  manifestations  pathologiques  que  nous  avons 
données  comme  incompatibles,  à  savoir  :  l'induration  spécifique  de  la  sy- 
philis et  le  bubon  chancreux,  le  bubon  chancreux  et  les  manifestations 
consécutives  de  l'infection  constitutionnelle. 

Ces  combinaisons  fortuites  peuvent  être  la  source  d'erreurs  pratiques  et 
doctrinales.  Il  importe  d'appeler  sur  elles  l'attention  des  observateurs. 
Qu'il  me  soit  donc  permis  de  citer  comme  exemple  le  fait  suivant. 

Un  jeune  homme  était  traité  à  la  consultation  du  Midi  pour  un  chancre 
induré  de  la  rainure  giaudo-préputiale.  Ce  chancre  avait  déterminé  dans 
les  aines  son  bubon  classique,  c'est-à-dire  une  adénopathie  bi-inguinale 
à  ganglions  multiples,  durs  et  indolents.  Tout  allait  pour  le  mieux;  l'ul- 
cération se  réparait,  se  cicatrisait,  lorsque  le  malade  eut  commerce  avec 
une  femme  affectée  de  chancres  simples.  Il  contracta  dans  ce  rapport 
cinq  chancres  simples,  dont  l'un  s'implanta  précisément  sur  le  noyau 
d'induration  du  premier  chancre.  Quelques  jours  plus  tard,  l'une  des 
pléiades  inguinales  se  transformait  en  un  bubon  aigu,  vivement  inflam- 
matoire, qui  s'abeéda,  et  dont  l'inoculation  démontra  le  caractère  vi- 
rulent. 

IV.   Enfin,  au  point  de  vue  de  sa  marche,  de  son  évolution,  l'adéno- 


784  BUBON.  —  bubon  symitomatique  de  l'accident  initial  (pronostic,  etc.). 

pathie  syphilitique  présente  encore  quelques  variétés  intéressantes  à  si- 
gnaler. 

Elle  peut  tarder  à  se  produire.  Je  l'ai  vue,  dans  un  cas  (cas  unique,  il 
est  vrai),  n'être  bien  appréciable  que  vers  le  vingt-septième  jour  après  Le 
début  du  chancre. 

Il  est  moins  rare  qu'après  s'être  annoncée  dans  le  délai  normal,  elle  ne 
s'accroisse  plus  tard  qu'avec  une  certaine  lenteur.  Je  trouve  dans  mes 
notes  que  sur  plusieurs  malades  elle  n'acquit  son  développement  complet 
que  vers  le  vingt-septième,  le  trente-cinquième,  le  quarante-deuxième 
jour. 

On  l'a  vue  encore  s'accroître  par  saccades,  par  poussées  successives. 
En  certains  cas,  paraît-il,  ce  développement  consécutif  a  coïncidé  d'une 
façon  manifeste  avec  la  première  explosion  des  accidents  constitutionnels. 

Pronostic,  diagnostic.  —  I.  L'adénopathie  du  chancre  infectant  est 
essentiellement  bénigne.  Elle  se  résout  d'elle-même;  elle  ne  présente 
aucun  accident  sérieux. 

Vient-elle  à  s'enflammer,  son  pronostic  est  celui  d'une  adénite  simple, 
qui  peut  se  résoudre  et  suppurer,  mais  qui  reste  toujours  indemne  des 
dangers  propres  au  bubon  chancreux  (ulcération  spécifique  consécutive  à 
l'ouverture  de  l'abcès,  phagédénisme). 

Sa  seule  complication  un  peu  importante,  c'est  la  dégénérescence  stru- 
meuse,  laquelle,  à  vrai  dire,  est  moins  imputable  à  la  maladie  qu'à  la 
constitution  même  du  malade. 

En  revanche,  ce  bubon  est  l'indice  d'une  affection  grave.  Au  même 
titre  que  l'induration  chancreuse,  il  annonce  l'infection  de  l'organisme; 
c'est  un  indice  précurseur  des  manifestations  dites  constitutionnelles  ; 
c'est  un  symptôme  de  syphilis. 

II.  Le  diagnostic  n'offre  ni  embarras,  ni  difficultés.  Ce  bubon,  en  ef- 
fet, a  des  caractères  tellement  nets,  tellement  accentués,  qu'il  se  dis- 
tingue aisément  de  toute  autre  tumeur.  Il  reçoit  d'ailleurs  sa  signification 
propre  du  chancre  qui  le  précède  et  dont  il  dérive. 

En  tant  qu'engorgement  glandulaire,  il  ne  saurait  être  confondu 
qu'avec  certains  états  morbides  des  ganglions  de  caractère  non  inflam- 
matoire, indolent  et  chronique  (hypertrophie  ganglionnaire,  adénite 
chronique,  adénite,  etc.).  Il  est,  par  exemple,  certains  sujets  qui  en  de- 
hors de  toute  contamination  syphilitique,  présentent  dans  les  aines  un  ou 
plusieurs  ganglions  hypertrophiés,  durs,  indolents  et  assez  analogues  à 
ceux  du  bubon  spécifique.  C'est  là  ce  que  Ricord  appelait  les  ganglions 
du  malade,  par  opposition  aux  ganglions  de  la  maladie. 

Ces  diverses  adénopathies  peuvent  bien  se  rapprocher  plus  ou  moins 
du  bubon  syphilitique  par  quelques-uns  de  leurs  caractères  ;  mais  elles 
en  seront  facilement  distinguées  par  l'ensemble  des  phénomènes  mor- 
bides, par  les  commémoratifs,  et  surtout  par  l'absence  du  chancre  ou 
de  l'induration  cicatricielle  qu'il  laisse  après  lui. 

Quant  au  bubon  du  chancre  simple,  il  ne  court  pas  risque  d'être  con- 
fondu avec  le  bubon  syphilitique.  Il  en  diffère  à  ce  point,    sous  Tune  ou 


BUBON.    BUBON    SYPHILITIQUE    (DIAGNOSTIC).  785 

l'autre  de  ses  formes,  qu'on  aurait  peine  à  l'en  rapprocher  par  quelque 
analogie  de  symptômes.  Cela  ressort  des  caractères  que  nous  avons  as- 
signés à  chacune  de  ces  entités  morbides  et  qu'il  ne  sera  peut-être 
pas  sans  avantage,  au  point  de  vue  doctrinal,  de  résumer  ici  parallè- 
lement. 


BUBON    DU   CHANCRE    INFECTANT  : 

I.  C'est  un  symptôme  constant ,à  de  très- 
rares  exceptions  près.  Il  se  produit  presque 
fatalement  à  la  suite  de  l'accident  originel 
de  la  syphilis. 

II.  11  a  son  époque  cl 'apparition  fixe,  ré- 
gulière. Il  se  développe  toujours  dans  le 
cours  du  premier  ou  du  second  septénaire 
après  le  début  du  chancre. 

III.  C'est  une  adénopathie  toute  spéciale, 
spécifique  même,  ayant  pour  caractères  dis- 
tinctifs  : 


1°  Une  tuméfaction  ganglionnaire  de  vo- 
lume moyen  ou  peu* considérable; 


2°  Une  dureté  spéciale  de  la  glande  ou 
des  glandes  affectées  ; 

5°  U absence  de  phénomènes  inflamma- 
toires, sinon  toujours,  du  moins  dans  ré- 
norme majorité  des  cas.  Ainsi  : 

Pas  de  rougeur  des  téguments  ; 

Indolence  presque  absolue  ; 

Indépendance  de  la  glande  qui  ne  con- 
tracte pas  d'adhérence,  reste  mobile  et  glisse 
librement  sous  le  doigt.  —  L'état  morbide 
de  la  glande  ne  retentit  pas  sur  le  tissu 
cellulaire  périphérique. 

4°  Dans  les  régions  à  ganglions  multiples, 
le  bubon  est  le  plus  souvent  poly ganglion- 
naire, et  forme  des  pléiades  spécifiques. 


IV.  Terminaison  presque  constante  par 
résolution  progressive.  —  Jamais  de  sup- 
puration, si  ce  n'est  en  des  cas  très-excep- 
tionnels et  sous  l'influence  de  complications 
étrangères  (phénomènes  inflammatoires, 
dégénérescence  strumeuse) . 

V.  Dans  les  cas  très-rares  où  la  suppura- 
tion se  fait,  fie  pus  du  bubon  n'est  ja- 
mais inoculable  au  malade  ; 

NOl'V.    DÏCT.    MÉD.    ET    CH1U. 


BUBON    DU    CHANCRE    SIMPLE  '. 

I.  C'est  une  complication  éventuelle  du 
chancre  simple.  Il  ne  se  produit  environ 
que  dans  un  cas  sur  trois. 

II.  27  n'a  pas  d'époque  fixe  de  déve- 
loppement. S'il  se  produit,  en  général,  dans 
les  premières  semaines  qui  suivent  l'appari- 
tion du  chancre,  il  peut  aussi  bien  ne  se  ma- 
nifester qu'à  une  période  plus  reculée. 

III.  C'est  tantôt  une  adénite  simple,  tan- 
tôt une  inoculation  ganglionnaire  par  le  pus 
chancreux  (bubon  chancreux).  —  Sous 
l'une  ou  l'autre  de  ces  formes,  ce  bubon 
diffère  essentiellement,  comme  symptômes, 
de  l'adénopathie  syphilitique  : 

1°  Tuméfaction  bien  plus  considérable, 
la  phlegmasie  n'affectant  pas  seulement  la 
glande,  mais  retentissant  sur  les  tissus  pé- 
riphériques. 

2°  La  tumeur  ne  présente  que  la  réni- 
tence  propre  aux  engorgements  inflamma- 
toires ; 

3°  Bubon  essentiellement  inflamma- 
toire. Ainsi  :- 

Rougeur  plus  ou  moins  vive  des  tégu- 
ments ; 

Phénomènes  douloureux  del'adénite  aiguë; 

Empâtement  général  de  la  région  (péri- 
adénite)  ;  la  glande  se  trouve  englobée  et 
confondue  dans  le  phlegmon  périphérique. 


4°  Ce  bubon  est  le  plus  souvent  mono- 
ganglionnaire (monadénite  de  Ricord  ). 
Jamais  on  ne  rencontre  de  pléiades  inflam- 
matoires ou  chancreuses,  analogues  aux 
pléiades  syphilitiques. 

IV.  Le  bubon  simple  peut  se  résoudre 
ou  suppurer.  —  Le  bubon  chancreux  sup- 
pure fatalement. 


V.  Lorsque  le  bubon  est  chancreux,  l°le 
pus  qu'il  fournit  est  inoculable  au  malade 
et  reproduit  un  chancre  simple  ; 

Y.  —  r.o 


786 


BUBON. 


DU    PRETENDU    BUBON    D  EMBLEE. 


BUBON    DU    CHANCRE    INFECTANT   '. 

2°  L'abcès  ganglionnaire  ne  se  convertit 
jamais  en  ulcère  choncreux; 

5°  Il  n'est  jamais  envahi  par  le  phagé- 
dénisme. 

VI.  Pronostic  essentiellement  bénin.  Ja- 
mais de  complications  sérieuses. 


En  revanche,  ce  bubon  est  l'indice,  au 
même  titre  que  l'induration  chancreuse, 
d'une  infection  constitutionnelle. 

VII.  Ce  bubon  se  résout  de  lui-même, 
sans  traitement. 


Inutilité  absolue  d'une  médication  locale, 
.sauf  dans  les  cas  de  complications. 

Le  traitement  général  lui-même  par  les 
antisyphilitiques  n'exerce  sur  ce  bubon 
qu'une  action  très-peu  marquée,  lente,  et 
presque  contestable. 


BUBON    DU   CHANCRE    SIMPLE    : 

2°  Le  foyer  ganglionnaire  est  un  véritable 
chancre,  qui  peut  s'étendre  aux  parties  voi- 
sines; 

3°  Le  chancre  ganglionnaire  peut  être 
l'origine  de  complications  pkagédéniques. 

VI.  Pronostic  plus  sérieux,  parfois  grave. 
Ce  bubon  est  susceptible  de  complications  de 
deux  ordres:  1°  complications  communes  de 
l'adénite  (décollements,  fistules  consécuti- 
ves, fusées,  accidents  inflammatoires,  etc.); 
—  2°  complications  spéciales,  propres  au 
chancre  simple  (tendance  exlensive,  pha- 
gédénisine). 

En  revanche,  pronostic  d'avenir  très- 
favorable.  Pas  d'accidents  ultérieurs  à  re- 
douter. 

VII.  Utilité  évidente,  nécessité  d'une 
médication  locale,  laquelle  peut  enrayer 
le  bubon  simple,  limiter  le  bubon  chan- 
creux,  prévenir  ou  atténuer  les  complica- 
tions. 

Inutilité  absolue  de  la  médication  anti- 
syphilitique. 


Du  prétendu  bubon  d'emblée.  — Je  ne  consacrerai  qu'une  courte  mention 
au  prétendu  bubon  d'emblée,  qui,  après  avoir  soulevé  de  nombreux  débats, 
ne  saurait  plus  ôtre  considéré  de  nos  jours  comme  constituant  une  espèce 
nosologique  distincte. 

On  décrivait  autrefois  sous  ce  nom  un  engorgement  ganglionnaire 
se  produisant  d'emblée  comme  premier  symptôme  de  l'infection  véné- 
rienne, c'est-à-dire  sans  être  précédé  d'aucune  lésion  locale. 

Ce  bubon,  de  nature  virulente  et  à  pus  auto-inoculable,  était  con- 
sidéré comme  pouvant,  au  même  titre  que  le  chancre  ou  la  blennorrha- 
gie,  servir  de  prélude  à  l'infection  constitutionnelle.  C'était  un  des  modes 
de  la  pénétration  du  virus  dans  l'économie,  une  des  formes  primitives  de 
la  vérole. 

La  doctrine  du  bubon  d'emblée  a  joui  d'une  longue  faveur.  Acceptée 
par  des  hommes  éminents  (Fallope,  Astruc,  Hunter,  etc.),  elle  a  été  vive- 
ment soutenue  dans  notre  siècle  par  Baumes,  H.  de  Castelnau,  Bertherand, 
Aug.  Vidal,  etc.  Elle  n'est  tombée  que  sous  les  attaques  et  la  critique  de 
notre  maître. 

Je  ne  crois  pas  devoir  reproduire  ici  toutes  les  objections  qui  ont  été 
dirigées  contre  cette  doctrine.  C'est  là  une  de  ces  questions  épuisées  qu'il 
serait  superflu  de  discuter  à  nouveau.  Je  ne  ferai  donc  que  mentionner 
d'une  façon  sommaire  les  arguments  principaux  qui  ont  exclu  le  bubon 
d'emblée  du  cadre  pathologique. 


BUBON.    TRAITEMENT.  787 

I.  Tout  d'abord  il  est  faux,  absolument  faux,  que  le  virus  syphilitique 
pénètre  dans  l'économie  par  une  sorte  d'absorption  latente,  qu'il  traverse 
l'enveloppe  cutanée  ou  muqueuse  pour  s'insinuer  jusqu'aux  ganglions 
sans  laisser  trace  de  son  passage  sur  les  surfaces  où  il  a  été  primitivement 
appliqué.  Tout  ce  que  nous  apprend  la  clinique,  tout  ce  que  nous  ensei- 
gne l'inoculation,  dément  un  tel  mode  de  pathogénie.  Dans  tous  les  faits 
qui  ont  été  sérieusement  et  complètement  observés,  on  a  toujours  con- 
staté le  développement  d'une  lésion  locale  sur  le  point  même  où  le  virus 
syphilitique  avait  été  déposé.  Dans  les  expériences  d'inoculation,  jamais 
l'on  n'a  vu  la  piqûre  se  cicatriser  et  les  ganglions  s'affecter  primitivement. 
Toujours,  au  contraire,  l'évolution  pathologique  s'est  faite  de  la  façon 
suivante  :  production  au  niveau  de  la  piqûre  d'une  lésion  spéciale,  d'un 
chancre,  lequel,  pour  ainsi  dire,  ouvre  la  scène  sans  jamais  faire  dé- 
faut; et  secondairement,  invasion  des  glandes  par  l'adénopathie  sympto- 
matique. 

C'est  qu'en  effet,  comme  l'a  dit  Ricord,  la  syphilis  ne  pénètre  jamais 
sans  effraction.  Elle  fait  son  empreinte  sur  le  point  qui  lui  sert  de  porte 
d'entrée  dans  l'organisme,  et  cette  empreinte,  c'est  l'accident  initial  de 
la  diathèse,  c'est  le  chancre.  Quant  à  l'engorgement  ganglionnaire,  il 
n'est  jamais  que  consécutif  ;  jamais  surtout  il  ne  se  produit  seul,  à  l'ex- 
clusion du  chancre. 

II.  Il  est  tout  aussi  faux  que  la  syphilis  puisse  débuter  par  un  bubon 
virulent,  à  pus  auto-inoculable.  Le  propre  du  bubon  syphilitique,  c'est, 
comme  nous  l'avons  établi  précédemment,  de  ne  pas  suppurer  ou  de  ne 
suppurer  que  par  le  fait  de  complications  accidentelles  ou  étrangères  ; 
et  de  plus,  le  propre  des  suppurations  syphilitiques,  c'est  de  ne  pouvoir 
être  inoculées  aux  malades  qui  les  fournissent. 

III.  Quant  aux  quelques  faits  qui  ont  été  donnés  comme  exemples  de 
bubons  d'emblée,  ils  ne  résistent  pas  à  une  analyse  sérieuse.  S'ils  pou- 
vaient déjà  passer  pour  suspects  à  une  époque  où  les  connaissances  sy- 
philiographiques  étaient  bien  moins  avancées  qu'elles  ne  le  sont  de  nos 
jours,  ils  ont  en  vérité  perdu  toute  valeur  pour  les  pathologistes  con- 
temporains. Ce  sont,  il  faut  le  dire,  des  faits  mal  observés  ou  mal  inter- 
prétés. En  les  relisant  aujourd'hui  on  se  convainc  facilement  que  ces  pré- 
tendus bubons  d'emblée  n'étaient  que  des  adénites  simples,  réputées 
vénériennes  pour  cette  seule  raison  qu'elles  siégeaient  à  l'aine,  ou  bien 
des  bubons  symptomatiques  de  chancres  méconnus,  ou  bien  encore 
des  adénopathies  d'ordre  divers  développées  chez  des  sujets  syphili- 
tiques, etc. 

En  somme,  il  n'existe  pas  de  bubon  d'emblée  ;  il  n'est  pas  d'adéno- 
pathie  à  laquelle  on  puisse  appliquer  cette  dénomination. 

Traitement.  —  On  s'est  ingénié  à  traiter  le  bubon  de  cent  façons 
différentes.  On  a  préconisé  contre  lui  les  méthodes  thérapeutiques  les  plus 
diverses,  méthodes  prophylactiques,  abortives,  palliatives,  curatives,  etc. 
Il  eût  été  plus  sage  de  rechercher  tout  d'abord  si  tous  les  bubons  ont 
besoin  de  traitement  pour  guérir,  s'ils  sont  tous  susceptibles  des  mêmes 


788     BUBON. —  traitement  (bubon  syphilitique;  bubon  inflammatoire). 

accidents,  et  s'ils  donnent  lieu  conséquemment  à  des  indications  iden- 
tiques. 

Or,  au  point  de  vue  thérapeutique  comme  à  tant  d'autres  égards,  des 
différences  profondes  séparent  les  trois  espèces  d'adénopathie  que  nous 
avons  caractérisées  précédemment.  C'est  là  ce  que  nous  allons  essayer 
d'établir. 

I.  Bubon  syphilitique.  —  Cette  espèce  est  la  moins  embarrassante  à 
traiter.  Elle  fait  le  triomphe  de  toutes  les  méthodes  thérapeutiques,  par 
la  raison  qu'elle  guérit  seule  et  spontanément. 

Dix-neuf  fois  sur  vingt  pour  le  moins,  elle  ne  réclame  aucune  inter- 
vention de  l'art,  parce  qu'elle  ne  gêne  en  rien  les  fonctions,  parce  qu'elle 
n'offre  qu'une  disposition  exceptionnelle  à  s'enflammer,  parce  qu'enfin 
elle  se  résout  seule  et  sûrement  en  un  temps  donné. 

Dans  la  grande  majorité  des  cas,  la  conduite  à  tenir  se  résume  donc 
à  ceci  :  s'abstenir  de  toute  médication  locale;  recommander  simplement 
au  malade  d'éviter  la  fatigue,  les  marches  forcées,  et  toutes  les  causes 
d'excitation  qui  pourraient  retentir  sur  l'engorgement  ganglionnaire. 

Se  manifeste-t-il  une  légère  tendance  inflammatoire  dans  les  ganglions, 
quelques  soins  d'hygiène  en  ont  promptement  raison  :  repos,  bains  ré- 
pétés, cataplasmes  émollients,  etc.  —  Si  l'inflammation  devenait  plus 
intense,  il  y  aurait  lieu  de  recourir  à  des  antiphlogistiques  plus  actifs  et 
de  mettre  en  œuvre  le  traitement  de  l'adénite  aiguë  ;  mais  ce  cas  ne  se 
présente  que  très-rarement. 

Lorsqu'après  s'être  enflammée,  la  tumeur  (ce  qui  est  plus  rare  encore) 
se  ramollit  et  suppure,  elle  doit  être  ouverte  et  évacuée  comme  un 
abcès.  Toutefois,  l'incision  n'est  pas  toujours  indispensable,  car  cette 
variété  de  bubon,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  précédemment,  est  encore 
susceptible  de  se  résoudre  après  avoir  offert  des  signes  non  douteux 
de  suppuration.  Si  donc  le  foyer  ne  parait  pas  considérable,  s'il  n'y  a 
pas  menace  de  décollements  étendus,  on  peut  attendre  et  différer  l'ou- 
verture. J'ajouterai  que  dans  ce  cas  l'application  d'un  large  vésicatoire 
sur  la  tumeur  m'a  semblé  n'être  pas  sans  avantage  pour  favoriser  la  ré- 
sorption purulente. 

La  dégénérescence  strumeuse  qui  complique  parfois  le  bubon  syphili- 
tique donne  lieu  à  des  indications  d'un  ordre  spécial.  Elle  appelle  l'in- 
tervention d'un  traitement  général  destiné  à  combattre  l'élément  scrofu- 
leux  :  iodiques,  huile  de  foie  de  morue,  ferrugineux,  toniques,  amers, 
bains  salés  ou  sulfureux,  alimentation  reconstituante,  campagne,  aéra- 
tion, etc.. 

II.  Bubon  inflammatoibe. —  Le  traitement  du  bubon  vénérien  inflamma- 
toire est  celui  de  l'adénite  aiguë  simple  [voy.  ce  mot).  Que  ce  bubon  soit 
symptomatique  d'une  blennorrhagie,  d'une  balanite,  d'un  traumatisme, 
ou  même  d'un  chancre,  peu  importe;  les  indications  qu'il  réclame  ne 
varient  pas  en  raison  de  son  origine.  C'est  une  inflammation  simple  qu'il 
faut  traiter  comme  une  inflammation. 

Donc,  au  début  :  traitement  antiphlogistiqve,  proportionné  à  Tintcn- 


BUBON.    TRAITEMENT    (CUBON    INFLAMMATOIRE).  789 

site  de  la  phlegmasie  (repos,  cataplasmes  émollienls,  onctions  calmantes, 
bains  répétés,  et  même,  au  besoin,  émissions  sanguines  locales,  etc.). 

Pins  tard,  de  deuxeboses  rime  :  ou  bien  le  bubon  tend  à  se  résoudre, 
ou  bien  la  suppuration  s'établit.  Dans  le  premier  cas,  insister  quelque 
temps  sur  les  moyens  qui  précèdent  et  qui  suffisent  en  général  à  com- 
pléter la  guérison.  Si  la  résolution  est  un  peu  lente,  on  peut  l'activer 
par  des  badigeonnages  à  la  teinture  d'iode  et  par  la  compression  appli- 
quée suivant  un  procédé  que  nous  décrirons  plus  loin.  — Dans  le  second 
cas,  évacuer  le  pus  dès  que  la  fluctuation  devient  manifeste. 

A  ce  dernier  propos,  comment  et  à  quelle  époque  donner  issue  à  la 
suppuration? 

L'incision  est  le  procédé  le  plus  simple  et  le  plus  rapide.  Elle  est  moins 
douloureuse  que  les  caustiques  ;  elle  a  l'avantage  sur  ces  derniers  de  ne 
pas  laisser  de  larges  cicatrices;  elle  assure  au  même  degré  la  libre  éva- 
cuation du  pus,  pour  peu  qu'on  ait  le  soin  de  faire  l'ouverture  un  peu 
large  et  de  la  maintenir  béante  dans  les  premiers  temps. 

Elle  doit  être  pratiquée,  ai-je  dit,  dès  les  premiers  temps  où  la  fluc- 
tuation devient  manifeste.  Devancer  cette  époque  est  s'exposer  à  ouvrir 
un  bubon  qui  peut  se  résoudre  ou  dans  lequel  le  pus  n'est  pas  encore 
collecté.  Temporiser,  différer  plus  ou  moins  longtemps  au  delà  de  ce 
moment,  c'est  entretenir  la  maladie,  provoquer  des  fusées  purulentes, 
favoriser  des  décollements  de  la  peau,  etc.  ;  c'est  créer,  en  un  mot,  les  con- 
ditions les  plus  défavorables  au  travail  ultérieur  de  cicatrisation. 

L'incision  faite,  surveiller  et  assurer  l'évacuation  du  pus;  continuer 
encore  pendant  quelques  jours  l'emploi  des  antiphlogistiques  (bains,  ca- 
taplasmes, etc.);  puis,  dès  que  les  symptômes  inflammatoires  sont  amen- 
dés, recourir  aux  résolutifs  (notamment  badigeonnages  à  la  teinture  d'iode 
et  compression  métbodique). 

Ce  très-simple  traitement  suffit  presque  toujours  à  la  guérison. 
Une  seule  réserve  doit  être  faite  aux  indications  que  je  viens  de  for- 
muler.  Elle  est  relative  à  l'emploi  des  sangsues  dans  le  cas  de  bubon 
symptomatique  d'un  ebancre  simple.  Elle  présente  une  excessive  impor- 
tance en  pratique. 

L'application  des  sangsues  ta  la  surface  des  bubons  qui  compliquent  la 
blennorrbagie,  la  balanite,  les  lésions  traumatiques  de  la  verge,  ou  même 
le  chancre  induré,  ne  présente  jamais  le  moindre  danger.  Elle  est  très- 
périlleuse,  au  contraire,  sur  le  bubon  du  chancre  simple  ;  elle  expose  à 
ïinoculation  des  piqûres,  qui,  contaminées  par  le  pus  ganglionnaire,  peu- 
vent se  transformer  en  autant  d'ulcérations  virulentes. 

Ricord  a  fort  bien  exposé  ce  point  important  de  pratique.  «  Soit,  dit-il, 
un  bubon  symptomatique  d'un  chancre  simple.  Qu'allez-vous  faire  en 
appliquant  des  sangsues  sur  une  tumeur  dont  vous  ne  connaissez  pas  la 
nature?  Est-ce  un  simple  engorgement  inflammatoire,  est-ce  un  foyer 
chancreux-,  vous  l'ignorez.  S'il  ne  s'agit  que  d'une  adénite  simple,  tout 
sera  pour  le  mieux;  vous  soulagerez  le  malade,  vous  préviendrez  souvent 
la  suppuration,  ou  pour  le  moins  vous  modérerez  le  travail  inflamma- 


790  BUBON.  —  traitement  (bubon  chancreux). 

toire.  Mais  si,  par  contre,  c'est  un  bubon  virulent  que  vous  attaquez  de 
la  sorte,  que  va-t-il  arriver?  Dans  quelques  jours,  avant  que  la  cicatri- 
sation des  piqûres  soit  achevée,  ce  bubon  s'ouvrira;  le  pus  qu'il  contient 
pourra  toucher  quelques-unes  ou  la  totalité  de  ces  piqûres,  les  inoculer 
et  les  convertir  en  autant  d'ulcérations  chancreuses.  Quel  résultat!  Pour 
un  espoir  incertain  de  prévenir  la  suppuration,  voilà  cinq,  dix,  quinze 
plaies  virulentes  que  vous  aurez  produites!...  J'ai  vu  les  conséquences 
les  plus  déplorables  de  ces  applications  intempestives  de  sangsues  sur  les 
bubons.  J'ai  vu  les  chancres  inguinaux  ainsi  produits  s'accroître  déme- 
surément, puis  se  réunir  en  une  large  plaie  de  caractère  phagédénique. 
Je  me  rappelle  ainsi  l'observation  d'un  malade  sur  lequel  trente  piqûres 
•  de  sangsues  se  convertirent  en  trente  chancres  inguinaux,  qui  prirent  la 
marche  serpigineuse  ! 

«  Tel  est  le  danger  des  sangsues.  Renoncerez-vous  pour  cela,  dans  tous 
les  cas  et  de  parti  pris,  à  cette  médication?  Nullement.  Mais,  avant  d'y 
recourir,  il  est  quelques  indications  importantes  que  vous  devrez  con- 
sulter. 

«  Tout  d'abord,  si  vous  arrivez  au  début  ou  dans  les  premiers  jours  de 
la  maladie,  ce  danger  n'est  pas  à  craindre  ;  car  si  le  bubon  doit  suppurer, 
vous  êtes  encore  assez  éloigné  de  l'époque  où  le  pus  se  fera  jour  au  de- 
hors pour  que  les  piqûres  aient  le  temps  de  se  cicatriser  avant  l'ouver- 
ture du  foyer. 

«  Etes-vous  appelés,  au  contraire,  à  une  période  déjà  avancée  de  la 
maladie,  abstenez-vous,  car  peu  de  temps  vous  sépare  du  moment  où  le 
foyer  peut  s'ouvrir. 

«  Enlin,  imposez-vous  comme  règle  de  ne  jamais  placer  de  sangsues 
sur  un  bubon  où  la  suppuration  s'est  faite. 

«  Ce  n'est  pas  tout.  Si  vous  vous  décidez  à  une  application  de  sang- 
sues, placez-les  toujours  plutôt  sur  la  circonférence  de  la  tumeur  que  sur 
le  centre  ou  sur  le  point  où  vous  supposez  que  l'ouverture  pourra  se 
faire. 

«  Que  si,  par  malheur,  la  suppuration  se  produit  plus  tôt  que  vous  ne 
l'aviez  supposé,  différez  l'incision  tant  que  vous  pourrez  le  faire  sans 
inconvénient.  Le  bubon  ouvert,  garantissez  les  piqûres  encore  récentes  ; 
protégez-les  contre  la  possibilité  d'une  inoculation  par  tous  les  moyens 
que  vous  jugerez  applicables.  Aucune  précaution  ici  ne  sera  superflue.  » 
{Leçons  sur  le  chancre.) 

III.  Bubon  chancreux.  —  C'est  Fcspèce  la  plus  délicate  et  la  plus  diffi- 
cile à  traiter. 

Trois  périodes  doivent  être  établies  dans  le  traitement  du  bubon  chan- 
creux :  1°  période  de  début  s'étendant  de  l'origine  même  du  bubon  à 
l'époque  où  la  suppuration  devient  manifeste;  —  2°  période  de  suppura- 
tion confirmée;  —  3°  période  d'ulcération  consécutive  à  l'ouverture  du 
foyer. 

1°  Dans  la  première,  le  caractère  chancreux  du  bubon  ne  peut  être 
que  soupçonné.  Ce  que  l'on  constate,  c'est  une  adénite,  et  rien  de  plus. 


BUBON.    TRAITEMENT    (BUBON    CHANCREUX).  791 

Or,  sans  pouvoir  être  taxé  d'optimisme,  le  médecin  doit  régler  sa  con- 
duite sur  un  légitime  calcul  de  probabilités.  Il  est  des  chances  nom- 
breuses pour  que  cette  adénite  ne  soit  pas  un  bubon  chancreux,  et  rien 
ne  démontre  qu'on  n'ait  pas  affaire  à  une  simple  phlegmasie.  C'est  dans 
cette  dernière  hypothèse  que,  très-rationnellement,  la  médication  doit 
être  instituée  tout  d'abord. 

A  cette  époque  donc,  le  traitement  sera  celui  d'une  adénite  simple. 
Aucune  indication  spéciale  ne  se  présente  encore  à  remplir. 

2°  Plus  tard,  la  suppuration  se  manifeste.  Par  ce  seul  fait,  les  chances 
en  faveur  de  l'adénite  diminuent,  et  le  bubon  chancreux  est  d'autant  plus 
à  craindre.  Cependant  il  n'est  rien  encore  de  démontré,  de  certain,  puisque 
le  bubon  le  plus  simple  est  susceptible  de  s'abcéder. 

Que  faire  à  ce  moment?  Sans  hésitation,  sans  retard,  donner  issue  à 
la  suppuration. 

L'indication  d'ouvrir  la  tumeur  est  aussi  précise,  aussi  formelle  que 
possible.  C'est  la  seule  pratique  rationnelle.  Elle  répond  avantageusement 
aux  deux  éventualités  qui  sont  en  présence. 

D'une  part,  en  effet,  s'il  ne  s'agit  que  d'une  adénite  simple,  l'ouverture 
du  foyer,  à  l'époque  où  la  suppuration  est  devenue  manifeste,  ne  peut 
qu'être  opportune  et  favorable. 

D'autre  part,  le  bubon  est-il  chancreux,  il  y'a  un  intérêt  énorme  à  évacuer 
de  bonne  heure  le  pus  virulent,  sans  lui  donner  le  temps  d'inoculer  les 
tissus  de  proche  en  proche  et  de  constituer  un  vaste  chancre  à  la  fois 
întra  et  extra-ganglionnaire.  L'évacuation  hâtive  de  l'abcès  présente  alors 
cet  avantage  capital  de  circonscrire  le  foyer  virulent. 

On  a  même  conseillé,  pour  atteindre  ce  but  plus  sûrement,  de  pré- 
venir, de  devancer  en  quelque  sorte  la  fluctuation,  et  d'inciser  la  tumeur 
avant  même  que  la  présence  du  pus  soit  démontrée  par  son  signe  patho- 
gnomonique.  Ce  qui  fait,  a-t-on  dit,  le  danger  principal  du  bubon  viru- 
lent, c'est  l'extension  du  chancre  en  dehors  du  foyer  ganglionnaire,  c'est 
l'inoculation  transmise  aux  tissus  péri-adéniques,  ce  sont  les  fusées,  les 
décollements  de  la  peau  ,  toutes  les  conditions,  en  un  mot,  qui  ont  pour 
résultat  la  formation  d'un  vaste  clapier  chancreux.  Or,  n'est-il  pas  ra- 
tionnel d'aller  au-devant  de  ces  complications  en  attaquant  le  bubon 
dès  son  origine,  en  évacuant  le  foyer  glandulaire  avant  qu'il  ait  eu  le 
temps  de  retentir  sur  les  parties  voisines  et  de  franchir  les  limites  du 
ganglion  ?  Broca,  surtout,  a  développé  cette  idée  et  préconisé  l'ouverture 
précoce  du  bubon  virulent.  Voici  comment  cet  auteur  expose  sa  mé- 
thode : 

«  Dès  que  la  tumeur  naissante,  dit-il,  a  acquis  le  volume  d'une  petite 
noisette,  on  la  saisit  entre  deux  doigts  de  la  main  gauche,  de  manière  à 
fixer  à  la  fois  la  peau  et  le  ganglion,  puis  on  plonge  directement  un 
bistouri  jusqu'au  centre  du  ganglion.  Sans  lâcher  prise,  on  retire  le 
bistouri,  qu'on  remplace  par  une  sonde  cannelée;  alors  on  exerce  une 
très-forte  pression  latérale  sur  la  petite  tumeur.  On  voit  bientôt  glisser 
dans  la  cannelure  de  la  sonde  une  matière  demi-liquide,  jaunâtre,  vis- 


792  BUBON.  —  traitement  (bubon  chakcreux). 

queuse;  c'est  le  pus  encore  mal  élaboré  qui  existait  au  centre  du  gan- 
glion. Il  y  en  a  quelquefois  fort  peu,  mais  j'en  ai  toujours  trouvé  une  , 
quantité  appréciable,  quelque  précoce  du  reste  que  fût  l'opération.  On 
exprime  la  tumeur  jusqu'au  sang,  afin  d'être  bien  certain  de  n'y  pas 
laisser  de  pus.  Cette  manœuvre  est  ordinairement  assez  douloureuse. 
S'il  existe  plusieurs  ganglions  engorgés,  on  les  vide  ainsi  successive- 
ment, dans  une  seule  séance,  par  autant  de  ponctions  distinctes...  Le 
lendemain,  la  tumeur  s'est  légèrement  accrue,  mais  elle  est  ordinairement 
moins  volumineuse  qu'avant  l'opération.  Il  s'est  formé  une  petite  quan- 
tité de  pus  qu'il  faut  évacuer.  La  petite  ouverture  de  la  peau  s'est  déjà 
refermée,  mais  on  y  pénètre  aisément  avec  la  sonde  cannelée,  qu'on 
pousse  jusqu'au  centre  du  ganglion.  On  comprime  de  nouveau  très-forte- 
ment la  tumeur  pour  évacuer  la  totalité  du  pus,  et  on  recommence  ainsi 
chaque  matin  pendant  plusieurs  jours,  jusqu'à  ce  que  la  suppuration  soit 
tarie  ou  que  la  petite  ouverture  soit  devenue  fistuleusc.  »  Dans  le  but  de 
protéger  l'incision  contre  l'inoculation  cbancreuse,  Broca  fait  suivre 
chaque  jour  l'évacuation  du  pus  d'une  injection  iodée.  Il  ne  considère 
du  reste  cette  injection  que  comme  accessoire,  et  attribue  tout  le  mérite 
des  résultats  obtenus  à  l'incision  prématurée  de  la  tumeur.  «  J'ai  traité, 
jusqu'ici,  ajoute-t-il,  neuf  bubons  par  cette  méthode,  avec  ou  sans  injec- 
tion iodée,  et  dans  aucun  cas  je  n'ai  vu  survenir  le  moindre  accident.  La 
suppuration  du  tissu  cellulaire,  le  décollement  et  l'ulcération  de  la  peau 
ont  été  constamment  évités.  Une  fois  la  guérison  complète  a  été  obtenue 
en  4  jours,  trois  fois  en  5  jours,  une  fois  en  6  jours,  c'est-à-dire  que  plus 
de  la  moitié  des  cas  ont  été  guéris  en  moins  d'une  semaine.  Je  pense 
qu'aucune  méthode  n'a  fourni  d'aussi  beaux  résultats.  Dans  les  autres 
cas,  la  guérison  a  été  moins  prompte;  elle  s'est  fait  attendre  12,  13, 
57  jours  ;  une  fois  enfin  elle  n'a  été  complète  qu'au  bout  d'un  mois  et 
demi...  Le  traitement  abortif  que  j'ai  mis  en  usage  n'a  pas  la  prétention 
de  faire  avorter  le  bubon  à  proprement  parler;  mais  en  l'arrêtant  à  sa 
première  période,  en  empêchant  le  développement  des  complications  qui 
lui  donnent  sa  gravité,  il  en  modifie  entièrement  la  marche,  il  en  abrège 
considérablement  la  durée  ;  il  transforme  une  affection  sérieuse  en  une 
affection  légère.  On  peut  dire  par  conséquent  que,  s'il  ne  fait  pas  avorter 
V adénite,  il  fait  réellement  avorter  le  bubon.  » 

Que  penser  de  cette  méthode? 

Si  tous  les  bubons  qui  se  développent  à  la  suite  du  chancre  simple 
étaient  fatalement  destinés  à  devenir  chancreux,  l'incision  prématurée 
serait  parfaitement  rationnelle  et  légitime.  Mais,  fort  heureusement,  les 
choses  ne  se  présentent  pas  ainsi.  C'est  souvent,  très-souvent,  une  adénite 
simple  que  produit  ce  chancre.  Or,  à  l'époque  où  cette  incision  doit  être 
faite  pour  réaliser  ce  qu'on  attend  d'elle,  il  n'est  pas  de  diagnostic  pos- 
sible à  établir  entre  l'adénite  et  le  bubon  chancreux.  A  supposer  donc 
que  ce  mode  de  traitement  soit  appliqué  comme  méthode  générale,  qu'ar- 
rivera-t-il?  C'est  qu'une  fois  sur  deux  environ,  le  bistouri  portera  sur 
une  adénite  simple,  laquelle  avait  chance  de  se  résoudre  et  ne  réclamait 


BUBON.    —   TRAITEMENT.  793 

en  rien  une  intervention  chirurgicale;  c'est  qu'une  fois  sur  deux  on 
condamnera  les  malades  à  une  opération  inutile. 

Ajoutons  que  cette  opération  est  très- douloureuse  si  on  la  pratique 
comme  l'indique  Broca.  Au  dire  même  de  ce  chirurgien,  un  des  malades 
soumis  à  ce  traitement  ne  cessa  «  pendant  toute  l'opération  de  pousser 
de  véritables  hurlements.  »  C'est  qu'en  effet  on  n'exerce  pas  sur  un  gan- 
glion enflammé  «  une  très-forte  pression  jusqu'au  sang  »  sans  éveiller 
de  très-vives  souffrances.  Si,  de  plus,  il  importe  au  succès  de  la  mé- 
thode que  cette  pression  soit  répétée  plusieurs  jours  de  suite,  la  douleur 
devient  alors  une  objection  avec  laquelle  il  faut  compter. 

Puis,  il  n'est  pas  toujours  facile,  comme  j'ai  pu  m'en  convaincre  en 
expérimentant  la  méthode  de  Broca,  de  tomber  juste  sur  le  ganglion,  qui, 
même  à  une  époque  assez  rapprochée  du  début  de  l'inflammation,  est 
parfois  englobé  et  confondu  dans  l'empâtement  des  tissus  périphériques. 
On  ne  sait  guère  alors  où  porter  le  bistouri,  et,  l'incision  faite,  on  n'est 
pas  toujours  sûr  d'avoir  pénétré,  comme  le  recommande  Broca,  «  jus- 
qu'au centre  du  ganglion.  » 

L'ouverture  prématurée  peut  prévenir  certaines  complications,  telles 
que  les  fusées  purulentes,  les  décollements,  les  vastes  collections  péri- 
ganglionnaires;  mais  elle  ne  saurait  mettre  à  l'abri  d'autres  accidents 
qui  sont  les  conséquences  de  la  nature  même  de  l'affection,  à  savoir  : 
l'inoculation  de  la  plaie  par  le  pus  virulent,  l'extension  du  chancre  aux 
parties  voisines,  la  déviation  phagédénique,  etc.  Elle  a  les  avantages 
d'une  incision  faite  en  temps  opportun,  mais  elle  ne  modifie  nullement 
le  caractère  essentiel  de  la  maladie,  c'est-à-dire  la  spécificité  chancreuse 
qui  en  constitue  l'élément  pronostique  le  plus  important  et  le  plus  re- 
doutable. 

De  la  discussion  qui  précède,  il  résulte  pour  nous  au  point  de  vue 
pratique  :  1°  Que  tout  bubon  symptomatique  d'un  chancre  simple  doit 
être  ouvert  dès  le  premier  instant  où  l'on  est  en  droit  de  soupçonner  la 
présence  du  pus  (incision  hâtive)  ;  —  2°  qu'il  n'y  a  pas  nécessité  à 
l'ouvrir  avant  d'avoir  reconnu  la  présence  du  pus  (incision  prématurée), 
parce  que  d'une  part  ce  bubon  a  chance  de  se  résoudre  s'il  n'est  qu'in- 
flammatoire, et  que  d'autre  part,  s'il  est  virulent,  l'incision  hâtive  réa- 
lise à  peu  près  les  mêmes  avantages  que  l'incision  prématurée.  Cette 
dernière  n'est  légitimement  applicable  que  dans  les  cas  très-rares  où  la 
nature  chancreuse  du  bubon  peut  être  suspectée  d'après  quelques  pré- 
somptions rationnelles. 

La  nécessité  d'ouvrir  le  bubon  une  fois  reconnue,  il  se  présente  plu- 
sieurs questions  à  résoudre. 

Comment  ouvrir  ce  bubon?  faut-il  l'inciser;  faut-il  donner  la  préfé- 
rence aux  caustiques  sur  le  bistouri? 

Quelle  que  soit  la  méthode  à  laquelle  on  ait  recours,  la  plaie  d'ouverture 
sera  certainement  inoculée  par  le  pus  du  bubon,  si  ce  pus  est  virulent. 
Ce  serait  en  effet  s'abuser  étrangement  que  de  considérer  l'eschare 
produite  par  les  caustiques  comme  une  barrière  opposée  à  l'inoculation. 


794  BUBON.  —  traitement. 

—  Donc,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  il  est  légitime  de  donner  la 
préférence  au  procédé  qui,  ouvrant  à  la  suppuration  une  voie  suffisante, 
expose  à  son  contact  une  surface  de  moindre  étendue.  Le  bistouri  faisant 
une  plaie  moindre  que  les  caustiques  me  semble  à  ce  titre  d'un  emploi 
plus  rationnel. 

Une  simple  ponction  suffit  en  général.  Ce  n'est  que  dans  les  cas  où  le 
foyer  est  considérable  qu'il  est  nécessaire  de  pratiquer  une  incision 
d'une  certaine  étendue  pour  assurer  le  libre  écoulement  de  la  suppura- 
tion. 

Il  y  a  de  même  intérêt  à  ne  faire  qu'une  seule  ponction,  sauf  indica- 
tions particulières.  Si  le  pus,  en  effet,  qui  sort  du  bubon  est  de  nature 
virulente,  multiplier  les  ouvertures,  c'est  offrir  à  l'inoculation  autant  de 
surfaces  à  contaminer,  c'est  créer  autant  de  chancres  nouveaux.  Les 
ponctions  multiples  ne  sont  que  très-rarement  indispensables  ;  elles  ne 
sont  indiquées  que  par  l'étendue  considérable  du  foyer,  l'évacuation 
difficile  de  l'abcès,  les  décollements,  les  fusées,  etc. 

5°  Le  bubon  ouvert,  de  nouvelles  indications  se  présentent  à  remplir  : 
surveiller  l'écoulement  du  pus  en  protégeant  contre  son  contact  les 
parties  susceptibles  d'inoculation  (piqûres  de  sangsues,  excoriations  de 
voisinage,  etc.);  —  assurer  la  libre  évacuation  du  foyer  (pressions  répé- 
tées plusieurs  fois  dans  les  vingt-quatre  heures;  injections  détersives; 
au  besoin,  mèche  de  charpie  ou  tube  à  drainage  laissé  dans  l'ouver- 
ture, etc.);  —  enfin  et  surtout,  modifier  le  caractère  des  surfaces 
ulcérées. 

Cette  dernière  indication  sera  remplie  par  des  injections  lancées  à 
l'intérieur  du  foyer.  Ces  injections  seront  faites  soit  avec  une  dissolution 
de  nitrate  d'argent  (un,  deux  ou  trois  grammes  de  ce  sel  pour  cent 
grammes  d'eau  distillée),  soit  avec  la  teinture  d'iode  plus  ou  moins 
étendue,  soit  enfin  avec  divers  liquides  usuellement  prescrits  comme 
modificateurs  du  chancre  simple  (vin  aromatique,  tartrate  de  fer  et  de 
potasse,  etc.). 

Si  l'ulcération  s'étend  au  dehors  sur  les  téguments,  ou  bien  si  le  fond 
du  foyer  se  découvre  par  usure  progressive  et  destruction  de  la  peau,  les 
surfaces  seront  pansées  à  plat,  exactement  comme  un  chancre.  C'est  le 
traitement  du  chancre  simple  (voy.  ce  mot),  qui  doit  alors  être  institué. 

Le  plus  souvent,  huit  fois  sur  dix  environ,  il  suffit  de  ces  quelques 
soins  pour  que  l'ulcération,  après  avoir  évolué  comme  fait  le  chancre 
et  présenté  les  phases  successives  qui  lui  sont  habituelles,  perde  son 
aspect  spécifique,  se  répare  et  se  cicatrise. 

Il  est  toutefois  un  certain  nombre  de  cas  où  l'emploi  de  médications 
plus  énergiques  devient  indispensable.  Ainsi  : 

1°  Parfois  l'ulcération  demeure  stationnaire.  En  dépit  de  tous  les 
modificateurs,  elle  ne  se  modifie  pas;  elle  semble  tendre  à  se  prolonger 
d'une  façon  indéfinie.  Il  devient  alors  indiqué,  pour  activer  une  guérison 
qui  pourrait  tarder  très-longtemps,  d'intervenir  d'une  façon  violente.  Les 
caustiques  en  fournissent  le  moyen.  Ce  qu'il  y  a  de  mieux  à  faire  en  pa- 


BUBON.    —   TRAITEMENT.  795 

reil  cas,  c'est  d'étaler  à  la  surface  du  bubon  une  large  couche  de 
pâte  de  Vienne,  de  façon  à  détruire  toute  l'étendue  de  l'ulcération.  L'es- 
cliare  tombée,  il  ne  reste  plus  qu'une  plaie  simple,  laquelle,  dépourvue 
de  toute  virulence  et  n'ayant  plus  de  cause  d'entretien,  se  cicatrise  alors 
sans  difficulté. 

Il  est  indispensable  au  succès  de  cette  petite  opération  que  toute  la 
surface  ulcérée  soit  atteinte  par  le  caustique  ;  car  si  le  moindre  point,  la 
moindre  anfractuosité  lui  échappe,  tout  est  perdu,  tout  est  à  refaire.  Si 
minime  que  soit  ce  point  oublié,  c'est  une  étincelle  qui  rallume  l'incen- 
die, c'est  un  germe  chancreux  qui  réinocule  les  parties  cautérisées  et  re- 
constitue le  chancre  primitif. 

Or,  il  n'est  pas  toujours  facile  d'étendre  sûrement  l'action  du  caus 
tique  à  toute  la  surface  du  chancre  ganglionnaire,  surface  irrégulière, 
anfractueuse,  et  dérobée  partiellement  à  la  vue.  Il  convient  donc  de 
procéder  avec  une  circonspection  excessive.  Il  faut  avant  d'agir,  explorer 
soigneusement  le  foyer,  le  sonder  en  tous  sens,  en  relever  le  plan,  pour 
ainsi  dire,  dans  ses  moindres  détails.  Souvent  même  il  sera  nécessaire  de 
pratiquer  des  débridements  ou  de  sacrifier  des  portions  de  peau  saine, 
pour  mettre  à  découvert  des  diverticules  ou  des  trajets  fistuleux  et  rendre 
accessible  au  caustique  toute  1  étendue  de  l'ulcération. 

2°  D'autres  fois,  des  conditions  toutes  locales  et  dépourvues  de  tout 
caractère  spécifique  retardent  ou  même  entravent  complètement  le  travail 
de  cicatrisation.  Ce  sont,  par  exemple  :  des  décollements  étendus  de  la 
peau  qui  se  trouve  séparée  du  fond  du  foyer  par  un  espace  plus  ou  moins 
considérable  et  forme  ainsi  une  sorte  de  soufflet  où  s'accumule  et  stagne 
la  suppuration;  —  l'amincissement  excessif  de  cette  membrane  qui, 
privée  en  partie  de  ses  connexions  vasculaires,  n'a  plus  de  vitalité  suffi- 
sante pour  bourgeonner  et  contracter  des  adhérences  avec  les  parties 
sous-jacentes  ;  —  des  diverticules  sinueux,  des  trajets  fistuleux  entre- 
tenus par  diverses  causes,  etc.  Dans  tous  ces  cas,  la  guérison  se  ferait 
attendre  d'une  façon  presque  indéfinie  si  Ton  n'intervenait  par  des 
moyens  chirurgicaux.  Le  meilleur  parti  à  prendre,  c'est  d'agir  sans 
retard,  de  sacrifier  les  portions  de  peau  décollées  et  amincies,  d'ouvrir 
les  fistules,  de  mettre  largement  le  fond  du  foyer  à  découvert,  etc.  Les 
caustiques  sont  fort  utiles  pour  remplir  ces  indications  diverses,  et  leur 
emploi  est  presque  toujours  suivi  d'un  succès  rapide. 

5°  Enfin,  si  l'ulcération  menace  d'envahir  les  parties  voisines,  si  sur- 
tout elle  manifeste  la  moindre  tendance  au  phagédénisme,  l'indication 
des  caustiques  devient  aussi  formelle  que  pressante.  Quelque  difficile, 
quelque  douloureuse  que  puisse  être  leur  application,  il  n'est  pas  à  hé- 
siter; toute  demi-mesure,  toute  temporisation  est  une  faute  grave  qui 
permet  au  mal  d'étendre  ses  ravages  et  de  créer  des  complications  re- 
doutables. 

C'est  ici  surtout  que  la  cautérisation  doit  être  employée  dans  toute  sa 
rigueur.  Les  caustiques  légers,  superficiels,  seront  rejetés  comme  insuffi- 
sants ;  c'est  aux  caustiques  profonds  et  réellement  destructeurs  qu'il  faut 


796  BUBON.  —  traitement. 

s'adresser  pour  avoir  raison  de  la  virulence  (pâte  de  Vienne,  pâte  carbo- 
sulfurique,  chlorure  de  zinc). 

Il  n'est  pas  moins  essentiel  de  faire  choix  d'un  caustique  qui  puisse 
s'adapter,  pour  ainsi  dire,  à  la  configuration  des  surfaces  ulcérées,  en 
pénétrer  tous  les  diverticules,  toutes  les  anfractuosités,  en  un  mot  se 
mouler  sur  elles  en  quelque  sorte.  Les  pâtes  caustiques  (pâte  de  Vienne, 
pâte  carbo-sullurique)  répondent  parfaitement  à  cette  indication,  que  le 
fer  rouge  au  contraire  ne  saurait  remplir. 

Dans  certains  cas  où  des  portions  considérables  de  tissus  doivent  être 
sacrifiées,  la  cautérisation  s'élève  presque  au  rang  d'une  grande  opéra- 
tion chirurgicale  et  légitime  l'emploi  des  anesthésiques. 

II.  Je  viens  d'exposer  les  princip.es  généraux  qui  président  au  traite- 
ment du  bubon.  Il  me  reste,  pour  compléter  cette  étude,  à  examiner  en 
particulier  certaines  méthodes  thérapeutiques  qui  ont  été  préconisées 
contre  cette  affection,  et  dont  il  importe  de  déterminer  la  valeur. 

I.  MétJiode  dite  abortive.  —  Prévenir  ou  faire  avorter  le  bubon  serait 
un  résultat  considérable.  Un  tel  but  à  atteindre  ne  pouvait  manquer 
d'appeler  l'attention  des  palhologistes  et  de  solliciter  l'expérimentation. 
Nombre  de  méthodes,  en  effet,  ont  été  imaginées  et  appliquées  au  trai- 
tement abortif  du  bubon.  La  plupart,  il  est  vrai,  ont  été  discréditées  ra- 
pidement; mais  quelques-unes  ont  paru  fournir  des  succès  merveilleux, 
et  se  sont  même  imposées  dans  la  science.  Voyons  si  elles  ont'droit  de 
conserver  la  faveur  dont  elles  ont  longtemps  joui. 

11  est  tout  d'abord  une  objection  capitale  à  opposer  aux  prétendus  suc- 
cès des  méthodes  dites  abortives;  c'est  que  toutes  ou  presque  toutes  ont 
été  appliquées  au  traitement  du  bubon  en  général,  et  non  de  telle  ou  telle 
espèce  de  bubon. 

C'était  une  opinion  acceptée  autrefois  que  tous  les  engorgements  gan- 
glionnaires d'origine  vénérienne  étaient  également  aptes  et  enclins  à  sup- 
purer; partant  de  là,  on  se  félicitait  comme  d'un  succès  de  la  résolu- 
tion d'une  adénopathie  ;  tout  bubon  était  considéré  comme  avorté  alors 
qu'il  n'avait  pas  abouti  à  former  un  abcès,  ou  qu'il  n'avait  pas  présenté 
ce  développement  considérable  et  ces  allures  inflammatoires  qui  sont  le 
propre  seulement  de  certaines  variétés.  Si  donc,  après  l'emploi  d'une 
médication  quelconque,  on  voyait  un  bubon  se  résoudre,  on  ne  manquait 
pas  d'attribuer  ce  résultat  à  l'action  du  traitement;  puis,  additionnant 
une  série  de  faits  semblables,  on  arrivait  à  constituer  une  statistique  des 
plus  satisfaisantes  en  l'honneur  de  la  médication  dont  les  vertus  abortives 
étaient  alors  proclamées. 

De  telles  illusions  ne  sont  plus  permises  aujourd'hui.  On  sait  que  tous 
les  bubons  ne  sont  pas  destinés  à  s'enflammer  et  à  suppurer  ;  on  sait 
qu'un  très-grand  nombre  se  résolvent  sans  le  secours  d'aucun  traitement, 
et  l'on  ne  fait  plus  honneur  à  la  médication  de  ce  qui  est  la  marche  na- 
turelle et  la  terminaison  spontanée  de  la  maladie. 

Pour  apprécier  à  leur  juste  valeur  les  méthodes  prétendues  abortives, 
il  faut  les  étudier  séparément  dans  leur  application  à  chacune  des  espèces 


BUBON.    TRAITEMENT.  797 

d'adénopathie  dont  nous  avons  établi  précédemment  les  caractères  dif- 
férentiels. 

Or,  1°  le  bubon  du  chancre  infectant  n'est  pas  susceptible  d'avorter. 
Quoi  qu'on  puisse  faire  pour  le  prévenir,  il  se  développe,  il  évolue  fatale- 
ment à  la  suite  de  l'accident  initial  dont  il  est  en  quelque  sorte  «  le  com- 
pagnon obligé.  »  Il  se  produit  alors  même  que  l'on  supprime  le  chancre 
soit  par  les  caustiques,  soit  par  l'excision.  Pour  ma  part,  je  puis  affirmer 
qu'en  plusieurs  cas  où  j'ai  eu  l'occasion  de  détruire  ab  ovo  l'érosion 
chancreuse  syphilitique,  je  n'en  ai  pas  moins  vu  les  ganglions  se  prendre 
et  le  bubon  se  constituer,  comme  si  j'avais  laissé  le  chancre  suivre  ses 
périodes  normales. 

Ce  qu'on  peut  faire,  c'est  de  prévenir  les  complications  inflammatoires 
ou  autres  qui  s'ajoutent  parfois  à  l'adénopathie  spécifique;  mais  quant  à 
prévenir  le  bubon  lui-même,  il  n'y  faut  pas  songer;  c'est  là  un  résultat 
au-dessus  des  ressources  de  l'art. 

J'ajouterai  du  reste  que,  possédât-on  une  méthode  réellement  abortive, 
il  n'y  aurait  pas  grand  intérêt  à  l'appliquer  au  traitement  du  bubon  sy- 
philitique, lequel,  comme  on  le  sait,  est  le  bubon  bénin  par  excellence 
et  se  résout  très-habituellement  sans  le  secours   d'aucune  médication. 

2°  Le  bubon  chancreux  n'est  pas  plus  apte  à  subir  l'action  des  mé- 
thodes abortives. 

D'une  part,  si  le  bubon  résulte,  comme  il  y  a  tout  lieu  de  le  croire, 
de  l'absorption  du  pus  chancreux  par  les  lymphatiques  ulcérés,  il  n'est 
pas  en  notre  pouvoir  d'empêcher  un  acte  physiologique  de  se  produire. 
La  section  des  lymphatiques  (Diday)  pourrait  seule  s'opposer  mécanique- 
ment au  transport  du  pus  dans  les  ganglions;  mais  c'est  là  réellement 
une  opération  impraticable,  qui  ne  doit  pas  franchir  le  domaine  de  la 
théorie. 

D'autre  part,  l'absorption  une  fois  produite  a  pour  conséquence  fatale, 
nécessaire,  l'inoculation  de  la  glande  et  la  formation  d'un  foyer  virulent. 
Il  n'est  pas  de  traitement  qui  puisse  enrayer  cette  évolution  pathologique 
et  faire  avorter  le  chancre  ganglionnaire. 

On  a  trop  facilement  accordé  la  dénomination  de  méthodes  abortives  à 
quelques  procédés  chirurgicaux  qui  n'ont  pour  résultat  que  de  prévenir 
certaines  complications  de  la  maladie,  sans  exercer  sur  elle  une  action 
réellement  abortive.  L'incision  prématurée,  par  exemple,  peut  réussir  à 
limiter,  à  concentrer  le  foyer  chancreux,  à  éviter  les  suppurations  péri- 
glandulaires,  les  fusées,  les  décollements,  etc.  ;  mais  elle  fait  si  peu  avor- 
ter le  bubon  qu'elle  n'en  modifie  en  rien  le  caractère  virulent,  et  qu'elle 
laisse  subsister  les  dangers  spéciaux  qui  relèvent  de  cette  virulence. 
Ce  n'est  qu'un  mode  de  traitement,  ce  n'est  qu'un  procédé  curatif,  et  rien 
de  plus. 

Il  n'est  qu'une  méthode  préventive  du  bubon  chancreux,  c'est  la  des- 
truction du  chancre.  Détruire  le  chancre,  c'est  tarir  la  source  où  les  lym- 
phatiques puisent  le  pus  virulent  pour  le  transporter  aux  ganglions,  c'est 
supprimer  la  cause  dont  le  bubon  est  l'effet. 


98  BUBON.    —   TRAITEMENT. 

3°  Seul,  le  bubon  inflammatoire  peut  réellement  avorter  ;  il  le  peut 
comme  l'adénite  d'origine  non-vénérienne,  comme  toute  phlegmasie 
simple. 

C'est  ainsi  que  les  adénopathies  symptomatiques  de  la  blennorrhagie, 
de  la  balanite  et  même  du  chancre  simple,  etc.,  sont  très-souvent  en- 
rayées dans  leur  développement  par  l'emploi  de  médications  diverses, 
seules  dignes  du  titre  d'abortives. 

Quelles  sont  ces  médications?  Il  en  est  une  foule  de  préconisées  dans  la 
science  :  antiphlogistiques  (émissions  sanguines  locales,  bains,  émol- 
lients,  etc.)  ;  —  vésicatoires  ;  —  applications  d'eau  froide  ou  de  glace  ;  — 
compression;  —  topiques  astringents  (tannin,  eau  blanche,  etc.);  — 
pommade  au  nitrate  d'argent  (Lutens)  ;  —  incisions  prématurées,  dites 
résolutives;  —  ponctions  multiples;  —  vésicatoires  suivis  de  panse- 
ments avec  une  solution  de  sublimé  (Malapert)  ou  de  badigeonnages  à 
la  teinture  d'iode  (S.  Pirondi)  ;  —  collodion;  —  émétique  à  l'inté- 
rieur,   etc.,  etc. 

De  toutes  ces  médications,  il  n'en  est  guère  que  deux  dont  l'action 
soit  bien  certaine  ;  ce  sont  les  antiphlogistiques,  en  première  ligne,  et  les 
vésicatoires.  Toutes  les  autres  n'ont  qu'une  efficacité  bien  plus  douteuse; 
quelques-unes  même  (telles,  par  exemple,  que  le  tannin,  le  collodion  et 
l'émétique)  sont  absolument  inertes  et  tombées  dans  un  juste  discrédit. 

Ces  divers  modes  de  traitement  seront  étudiés  en  détail  à  l'article  Lym- 
phatiques (ganglions);  je  ne  fais  donc  que  les  signaler  ici. 

En  résumé,  il  ressort  de  la  discussion  précédente  :  1°  que  les  mé- 
thodes abortives  n'ont  aucune  influence  sur  les  bubons  vénériens  spécifi- 
ques (bubon  syphilitique,  bubon  chancreux)  ;  —  2°  qu'elles  n'ont  d'ac- 
tion que  sur  le  bubon  inflammatoire,  c'est-à-dire  sur  l'adénite  simple, 
à  laquelle  l'origine  vénérienne  ne  confère  ni  symptômes  spéciaux  ni  gra- 
vité particulière. 

II.  Résolutifs,  fondants.  —  On  a  préconisé  sous  ce  titre  d'âge  en  âge 
une  foule  de  remèdes  :  onctions  mercurielles  ;  pommades  de  toute  sorte, 
dites  fondantes;  emplâtres  de  savon,  deVigo;de  ciguë,  etc.;  cataplasmes 
froids,  applications  d'eau  froide  ou  de  glace  ;  liniments  astringents  (acé- 
tate de  plomb,  alun,  chlorhydrate  d'ammoniaque,  tannin,  noix  de  galle, 
sels  de  cuivre,  etc.);  iodiques  (iodure  de  potassium,  iodure  de 
plomb),  etc.,  etc.  Bien  que  consacrés  par  la  tradition,  ces  divers  re- 
mèdes n'ont  qu'une  action  très-secondaire;  la  plupart  même  sont  absolu- 
ment inertes.  Celui  de  tous  auquel  s'est  attaché  le  plus  de  faveur  et  qui 
conserve  encore  le  plus  de  crédit,  c'est  le  mercure,  appliqué  sous  forme 
de  frictions  à  la  surface  des  engorgements  ganglionnaires.  Or,  le  mer- 
cure, tant  célébré  depuis  des  siècles,  est  bien  loin  de  mériter  dans  le 
traitement  du  bubon  les  éloges  qu'on  lui  a  décernés.  Il  ne  possède 
aucune  action  spécifique  sur  l'adénite  simple  ni  sur  le  bubon  chan- 
creux. En  tant  qu'agent  résolutif,  il  ne  me  semble  avoir  qu'une  effica- 
cité très-douteuse  et  très-contestable;  du  moins  je  n'ai  jamais  rien  vu, 


BUBON.    TRAITEMENT.  799 

pour  ma  part,  qui  légitime  les  vertus  résolutives  qu'on  lui  a  peut-être 
trop  facilement  attribuées. 

III.  Médication  révulsive.  —  Sous  ce  chef  viennent  naturellement  se 
ranger  plusieurs  méthodes  thérapeutiques  qui  ont  été  vivement  préco- 
nisées dans  le  traitement  du  bubon. 

1°  Baditjeonnages  à  la  teinture  d'iode.  —  Ces  badigconnages,  répétés 
une  ou  deux  fois  par  jour  à  la  surface  du  bubon,  constituent  une  sorte 
de  vésicatoire  lent,  dont  Faction  résolutive  ne  saurait  être  mise  en  doute. 
Ils  sont  particulièrement  utiles  contre  les  engorgements  froids  et  indo- 
lents qui  succèdent  parfois  aux  phlegmasies  ganglionnaires,  ou  contre 
les  adénopathies  qui  revêtent  d'emblée  la  même  forme  avec  tendance  à 
la  chronicité. 

2°  Vésicatoire.  —  Il  n'est  pas  d'agent  thérapeutique  qui  ait  été  vanté 
dans  le  traitement  du  bubon  à  l'égal  du  vésicatoire.  Non-seulement  on  a 
attribué  à  la  méthode  vésicante  une  action  abortive  et  résolutive,  mais 
on  lui  a  accordé  en  plus  des  vertus  de  tout  genre.  On  a  dit  qu'elle  pou- 
vait déterminer  la  résorption  d'abcès  phlegmoneux,  évacuer  le  pus  sans 
incision,  résoudre  le  bubon  chancrem,  guérir  tous  les  bubons  sans  laisser 
de  cicatrices,  etc.  Examinons  ce  qu'il  y  a  de  vrai  dans  ces  diverses  as- 
sertions. 

Il  n'est  pas  contestable  tout  d'abord  que  le  vésicatoire  exerce  une  ac- 
tion résolutive  sur  l'élément  inflammatoire  du  bubon.  Tout  le  monde  est 
d'accord  sur  ce  point.  «  Voilà  plus  de  trente  ans,  dit  Velpeau,  que  j'ex- 
périmente cette  médication;  j'y  ai  eu  recours  si  souvent  qu'il  m'est  per- 
mis aujourd'hui  d'en  affirmer  nettement  l'importance...  Les  vésicatoires 
ont  une  action  fondante  et  résolutive  sur  l'adénite;  ils  arrêtent,  ils  font 
souvent  rétrograder  l'inflammation;  dans  les  cas  moins  heureux,  ils  cir- 
conscrivent au  moins  le  foyer  morbide  et  le  concentrent  en  quelque  sorte 
autour  des  ganglions...  Ce  sont  des  résolutifs  puissants.  » 

A  ce  titre  donc,  le  vésicatoire  est  applicable  à  l'adénite  vénérienne 
simple,  comme  aussi  à  l'adénopathie  syphilitique  qui  vient  à  se  compli- 
quer accidentellement  de  phénomènes  inflammatoires. 

De  plus,  cette  action  résolutive  du  vésicatoire  est  également  très-remar- 
quable sur  les  engorgements  ganglionnaires  subaigus  ou  à  forme  froide 
et  languissante.  C'est  dire  qu'on  peut  en  tirer  un  utile  parti  dans  plu- 
sieurs cas  d'ordre  divers  :  contre  les  bubons  qui,  primitivement  aigus, 
tendent  plus  tard  à  prendre  les  allures  de  l'état  chronique;  contre  ceux 
qui  d'emblée  revêtent  les  mêmes  caractères  ;  contre  les  complications 
strumeuses  des  bubons  vénériens  (bubon  blenno-strumeux,  syphilo-stru- 
meux,  etc.). 

Il  est  positif  encore  qu'on  a  vu  le  vésicatoire  déterminer,  en  certains 
cas  de  bubons  inflammatoires  abcédés,  une  véritable  résorption  du  pus. 
«  Des  foyers  ganglionnaires  dûment  fluctuants,  recouverts  de  larges  vé- 
sicatoires volants,  se  sont  dissipés  par  résolution  simple,  sans  incision, 
sans  ouverture  d'aucune  sorte.  La  possibilité  de  ce  fait  n'est  pas  contes- 
table aujourd'hui  »  (Velpeau). 


800  BUBON.    —    TRAITEMENT. 

Si  réel  cependant  qu'il  puisse  être,  ce  fait  n'est  pas  moins  une  rareté 
pathologique.  La  règle,  c'est  que  le  vésicatoire  ne  prévienne  pas  l'ouver 
ture  des  abcès  en  général,  non  plus  que  celle  des  abcès  ganglionnaires 
en  particulier. 

Enfin,  d'après  quelques  auteurs,  les  vésicatoires  auraient  parfois  pour 
effet  d'évacuer  les  foyers  ganglionnaires  par  un  mécanisme  tout  particu- 
lier. Ils  détermineraient  une  sorte  de  transsudation  purulente,  c'est-à-dire 
qu'ils  permettraient  au  pus  de  filtrer  à  travers  le  derme  «  de  la  même 
façon  que  le  mercure  traverse  une  peau  de  chamois.  »  Très-surprenant 
au  premier  abord,  ce  phénomène  n'a  rien  d'impossible  ni  d'invraisem- 
blable. Il  ne  répugne  nullement  d'admettre  que  le  derme,  entamé  dans 
ses  couches  superficielles  par  une  vésication  prolongée,  usé  et  aminci 
dans  ses  couches  profondes  par  l'abcès  sous-jacent,  puisse  subir  une  série 
de  petites  perforations  et  se  convertir  en  une  sorte  de  crible  qui  tamise, 
pour  ainsi  dire,  le  pus  du  bubon. 

Quant  à  l'action  que  l'on  a  attribuée  aux  vésicatoires  sur  le  bubon 
chancreux,  elle  est  beaucoup  plus  hypothétique,  et  j'oserai  même  dire 
qu'à  mon  sens  elle  est  absolument  illusoire. 

Certains  auteurs  ont  avancé  que  la  méthode  vésicante  peut  prévenir 
ou  faire  avorter  ce  bubon.  Ce  n'est  là  qu'une  assertion  dénuée  de  preuves 
et  complètement  injustifiable. 

On  a  dit  encore  que  les  vésicatoires  «  faisaient  rétrograder  la  suppura- 
tion du  bubon  chancreux  et  provoquaient  la  résorption  du  pus  virulent.  » 
A  cela  se  présente  une  objection  toute  naturelle  :  Les  bubons  que  l'on  a 
guéris  de  la  sorte  étaient-ils  véritablement  chancreux?  Rien  ne  saurait 
le  démontrer. 

D'après  Alph.  Guérin,  les  vésicatoires  coup  sur  coup  constitueraient  le 
traitement  par  excellence  du  bubon.  «  Ce  sont,  dit-il,  de  puissants  abor- 
tifs  ;  ils  arrêtent  la  suppuration  du  bubon,  quelle  que  soit  sa  nature, 
quelle  que  soit  sa  période...  Il  n'est  jamais  trop  tard  pour  empêcher  l'ou- 
verture de  l'abcès  ganglionnaire...  Qu'il  soit  virulent  ou  non,  le  bubon 
ne  suppurera  pas  si  vous  avez  recours  à  ce  traitement...  Il  nest  pas  un 
seul  bubon  traité  par  moi  qui  laisse  une  cicatrice.  »  Admirons  de  si  mer- 
veilleux résultats,  en  regrettant  de  n'être  ni  assez  habile  ni  assez  heureux 
pour  en  avoir  jamais  obtenu  de  semblables. 

Une  dernière  remarque  peut  avoir  son  importance  pratique.  Est-il 
prudent  d'appliquer  une  série  de  vésicatoires  à  la  surface  d'un  foyer  dont 
il  y  a  lieu  de  suspecter  le  caractère  chancreux?  Si  ce  foyer  vient  à  s'ou- 
vrir, qu'adviendra-t-il  de  cette  vaste  étendue  de  téguments  dépouillée 
d'épiderme  et  exposée  sans  défense  au  contact  du  pus  virulent?  L'inocu- 
lation n'est-elle  pas  à  redouter?  N'est-ce  pas  là  un  danger  sérieux,  dont  il 
importe  d'éviter  les  chances  aux  malades  ? 

Ce  que  je  viens  de  dire  du  vésicatoire  s'applique  également  à  cer- 
taines méthodes  mixtes  où  la  vésication  est  combinée  avec  l'emploi  de 
topiques  divers  (teinture  d'iode,  sublimé,  etc.).  Ces  méthodes  ont  une 
action  révulsive  et  résolutive  qui  ne  saurait  leur  être  contestée.   Elles 


BUBON.    —   TRAITEMENT.  801 

peuvent  avoir  fourni  des  suceès  dans  le  traitement,  de  l'adénite  simple, 
mais  elles  n'ont  aucune  action  spéciale  sur  le  bubon  chancreux  dont 
elles  ne  sont  nullement  aptes,  quoi  qu'on  ait  pu  dire,  à  modifier  le  carac- 
tère virulent.  Ajoutons  que  ce  sont  des  procédés  douloureux;  la  méthode 
de  Malapert  notamment  (vésicatoire  suivi  de  pansements  au  sublimé) 
provoque  parfois  d'atroces  souffrances,  ce  qui  l'a  très-justement  discré- 
ditée. 

5°  Caustiques.  —  L'action  révulsive  des  caustiques  a  été  également 
exploitée  dans  le  traitement  du  bubon.  C'est  tantôt  au  fer  rouge  que  l'on 
s'est  adressé  (cautérisation  transcurrente,  cautérisation  ponciuée),  tantôt 
aux  caustiques  chimiques  (pâte  de  Vienne,  potasse,  etc.). 

Le  regrettable  Melch.  Robert  a  beaucoup  vanté  cette  dernière  méthode, 
qu'il  appliquait  de  la  façon  suivante  :  il  faisait  sur  la  tumeur  une  série 
de  mouchetures  à  la  pâte  de  Vienne  (de  trois  à  dix,  suivant  les  cas),  et 
déterminait  ainsi  de  petites  escharres  intéressant  tonte  l'épaisseur  de  la 
peau  et  le  tissu  cellulaire  sous-cutané;  après  la  chute  des  escharres,  il 
entretenait  les  plaies  en  suppuration  par  des  pansements  à  l'onguent  épi- 
spastique,  ou  même  il  les  transformait  en  cautères.  Cette  méthode,  dit-il, 
fournit  d'excellents  résultats;  elle  présente  pour  avantages  :  «  1°  d'agir 
avec  assez  d'énergie  sur  les  engorgements  chroniques  pour  les  réduire  à 
un  très-petit  volume;  2°  d'amender  avec  une  incroyable  rapidité  les  acci- 
dents inflammatoires  locaux;  5°  de  faire  rétrograder  dans  quelques  cas  la 
suppuration  du  bubon  ;  4°  de  prévenir  le  décollement  des  parois  du 
foyer  en  établissant  de  bonne  heure  des  adhérences  entre  la  peau,  le 
tissu  cellulaire  et  les  parties  sous-jacentes  ;  5°  d'ouvrir  un  écoulement 
facile  au  pus  sans  faire  de  larges  plaies,  et,  dans  les  cas  de  virulence, 
de  s'opposer,  autant  que  faire  se  peut,  à  l'inoculation  des  bords  de  la 
plaie.  )> 

Nul  doute  que  plusieurs  de  ces  avantages  ne  soient  réels;  nul  doute 
que  les  caustiques,  appliqués  d'après  le  procédé  de  Robert  ou  de  toute 
autre  façon,  ne  possèdent  une  action  résolutive  sur  les  engorgements 
inflammatoires  aigus  ou  chroniques,  qu'ils  ne  préviennent  les  décolle- 
ments, qu'ils  ne  préparent  au  pus  une  issue  facile,  etc.  Mais  ces  avan- 
tages sont-ils  de  tel  ordre  qu'ils  ne  puissent  être  réalisés  par  d'autres 
méthodes  thérapeutiques  plus  simples  et  moins  douloureuses  ;  ne  sont-ils 
pas  compensés  d'ailleurs  par  des  inconvénients  sérieux  dont  il  faut  tenir 
compte  (douleurs,  suppurations  multiples,  longueur  du  traitement,  cica- 
trices indélébiles,  etc.)?  Voyons  du  reste  quels  sont  les  cas  qui  légiti- 
ment ou  contre-indiquent  l'emploi  de  cette  médication  : 

1°  L'application  des  caustiques  sur  le  bubon  syphilitique,  qui  guérit 
seul,  serait  aussi  irrationnelle,  aussi  déplacée  que  possible. 

T  En  tant  que  résolutifs,  les  caustiques  ne  sont  d'aucune  utilité 
contre  le  bubon  chancreux.  Ils  ne  le  font  pas  plus  résoudre  que  tonte 
autre  méthode;  ils  n'en  modifient  en  aucune  façon  le  caractère  virulent. 
En  tant  qu'évacuants,  nous  les  avons  jugés  dans  les  pages  qui  précèdent. 

5°  Ils  ne  sauraient  avoir  d'action  résolutive  que  sur  le  bubon  inlïam- 

NOUV.  MCT.   MÉD.  ET   CHIR.  V.  51 


802  BUBON.    —   TRAITEMENT. 

matoire,  dépourvu  de  toute  virulence.  Mais  l'adénite  réclame-t-elle  un 
tel  mode  de  traitement?  N'avons-nous  pas  contre  elle  des  moyens  moins 
pénibles  et  tout  aussi  sûrs?  Qui  de  nous  consentirait  à  se  laisser  couvrir 
laine  de  cautères  pour  une  affection  qui  peut  se  résoudre  ou  qui  ne  de- 
mande au  pis  aller  qu'une  incision  pour  guérir? 

4°  En  revanche,  l'emploi  des  caustiques  est  parfaitement  légitime 
dans  les  cas  d'adénopathies  froides,  tendant  à  la  forme  chronique  ou 
subissant  la  déviation  strumeusc.  Ici  cette  méthode  offre  des  avantages 
incontestables  ;  elle  exerce  une  révulsion  puissante  sur  les  engorgements 
ganglionnaires  de  cette  nature;  elle  les  anime,  elle  les  fouette,  pour  ainsi 
dire  ;  elle  y  provoque  très-certainement  une  excitation  résolutive. 

Dans  les  cas  de  ce  genre,  le  fer  rouge  est,  je  crois,  préférable  aux 
agents  chimiques.  La  cautérisation  ponctuée  surtout  est  éminemment 
résolutive.  Elle  se  pratique  très-simplement  avec  une  tringle  de  rideau 
dont  on  fait  chauffer  à  blanc  l'extrémité  coudée.  Elle  est  à  peine  doulou- 
reuse lorsqu'elle  est  faite  rapidement  et  elle  est  d'autant  mieux  sup- 
portée que  le  1er  est  plus  chaud.  Elle  ne  laisse  pas  de  cicatrices,  si  l'on 
a  soin  de  mouclieter  la  peau  sans  la  cautériser  profondément.  On  fait 
quinze  à  vingt  de  ces  mouchetures  sur  la  surface  du  bubon,  et  l'on  ré- 
pète cette  petite  opération  tous  les  huit  ou  dix  jours.  Ce  mode  de  trai- 
tement a  été  très-vivement  préconisé  parHicord;  je  lui  dois,  pour  ma 
part,  de  nombreux  succès. 

IV.  Compression.  —  C'est,  après  le  vésicatoire,  la  méthode  qui  a  été 
le  plus  vantée  dans  le  traitement  du  bubon.  On  est  allé  jusqu'à  dire  dans 
un  enthousiasme  immodéré  «  qu'elle  triomphait  sans  peine  de  tous  les 
bubons,  à  toutes  périodes,  et  particulièrement  à  l'état  de  suppuration  ac- 
tive ;  qu'il  n'était  plus  de  bubon  à  ouvrir  depuis  son  introduction  dans  la 
pratique,  etc.  »  (Sergcant,  Fergusson).  Malheureusement  cette  «  infail- 
lible »  méthode  est  bien  loin  de  réaliser  de  tels  prodiges. 

Divers  procédés  de  compression  ont  été  mis  en  usage  :  compresses  gra- 
duées, disques  d'agaric,  etc.,  soutenus  par  un  spica;  plaques  de  plomb; 
planchette  de  bois  adaptée  à  un  appareil  de  courroies  ;  bandages  her- 
niaires, etc.  Le  mode  le  plus  simple  consiste  en  une  série  de  compresses 
en  pyramide  appliquées  sur  la  tumeur,  puis  solidement  fixées  et  immobi- 
lisées par  une  forte  bande  de  toile  ou  mieux  encore  de  caoutchouc. 

La  compression  a,  comme  toutes  les  méthodes  thérapeutiques,  ses  in- 
dications légitimes  et  ses  contre-indications  formelles. 

Elle  est  inutile  contre  le  bubon  syphilitique;  —  dangereuse  dans  les 
cas  d'adénite  aiguë  et  intolérable  même  en  raison  des  douleurs  qu'elle 
détermine  ;  —  dépourvue  de  toute  action  contre  le  bubon  cliancreux;  — 
inopportune  au  dernier  degré  contre  toutes  les  variétés  de  bubons  à  la 
période  de  suppuration  confirmée. 

Elle  se  présente  au  contraire  avec  des  avantages  très-sérieux  dans 
deux  ordres  de  cas  :  1°  contre  les  décollements  consécutifs  aux  vastes 
foyers  de  suppuration  ;  —  2°  contre  les  adénopathies  à  forme  chronique  ou 
strumeusc,  et  les  indurations  qui  succèdent  souvent  aux  bubons  aigus. 


BUBON.    —   BIBLIOGRAPHIE.  805 

Combinée  aux  révulsifs  locaux  (badigeonnages  à  la  teinture  d'iode,  vési- 
catoires,  ou  même  au  besoin  cautérisation  ponctuée),  elle  constitue  le 
traitement  par  excellence  de  ces  variétés  d'engorgements  ganglionnaires. 

D'après  quelques  auteurs,  une  compression  méthodique,  appliquée 
tout  à  fait  au  début  sur  un  bubon  inflammatoire,  suffirait  parfois  à  en 
arrêter  le  développement.  Si  ce  fait  ne  peut  être  contesté,  il  n'est  pas 
moins  exceptionnel. 

Enfin  on  a  émis  cette  idée  que  la  compression  pourrait  bien  en  certains 
cas  jouer  le  'rôle  de  méthode  préventive.  «  Une  observation,  dit  Ri- 
cord,  que  j'ai  été  à  même  de  répéter  très-souvent,  c'est  que,  chez  les  in- 
dividus portant  des  bandages  herniaires  bien  faits,  ce  n'est  presque  ja- 
mais du  côté  de  cet  appareil  compressif  que  se  développent  les  bubons.  » 
Remarque  curieuse,  mais  peu  susceptible,  je  pense,  d'application  pra- 
tique. 

V.  Si  j'avais  à  tracer  le  tableau  complet  de  la  thérapeutique  du  bu- 
bon, il  me  resterait  à  parler  d'une  foule  de  traitements  qui  ont  été  préco- 
nisés contre  cette  maladie  :  incision  sous-cutanée  des  ganglions,  ponc- 
tions à  l'aiguille,  écrasement,  excision,  extirpation,  drainage,  séton 
filiforme,  électro-puncture,  etc.;  remèdes  internes,  fondants,  résolutifs, 
ciguë,  calomel,  vomitifs,  etc.,  etc..  De  ces  innombrables  méthodes  qui 
encombrent  la  science  plutôt  qu'elles  ne  l'enrichissent,  les  unes,  je  puis 
dire  la  plupart,  sont  tombées  dans  un  juste  oubli  ;  les  autres  n'offrent 
rien  de  spécial  au  bubon  vénérien  et  seront  étudiées  dans  un  autre  ar- 
ticle de  cet  ouvrage.  Von.  Lymphatiques  (ganglions),  etc.  Je  crois  donc 
devoir  me  restreindre  aux  indications  générales  que  j'ai  formulées  pré- 
cédemment. 

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Consultez  de  plus  la  bibliographie  des  articles  Chancre,  Syphilis,  Balanïte,  IIlexxorrhagie,  Gan- 
glions, Scrofule,  etc, 

Alfred  Fournier. 


BULLES,  BULLEFSES  (affections).  807 

BUIjIjES,  BUULEUSES  (affections).  —  En  dermatologie  on 
donne  le  nom  de  bulle  à  une  saillie  élevée  au-dessus  du  niveau  de  la  peau 
et  due  à  un  soulèvement  de  l'épidémie  distendu  par  la  collection  d'un 
liquide  séreux,  sero-purulent  ou  sero-sanguin. 

La  dimension  des  bulles  varie  depuis  le  volume  d'un  pois,  jusqu'à  ce- 
lui d'une  noix  et  même  d'une  orange;  quelquefois  elles  sont  régulières, 
ovales  ou  arrondies;  plus  souvent  leurs  contours  sont  inégaux  et  leur 
forme  est  irrégulière.  Le  liquide  contenu  dans  la  poche  épidermique  qui 
forme  la  bulle  est  tantôt  une  sérosité  claire,  transparente,  d'une  couleur 
citrine,  semblable  au  sérum  du  sang,  produit  albumincux  se  coagulant 
par  la  chaleur  et  l'acide  azotique;  tantôt  c'est  un  mélange  de  pus  et  de 
sérosité,  blanc,  verdàtre  ou  jaune;  souvent  ce  liquide  contient  des  flocons 
pseudo-membraneux.  Dans  quelques  cas  plus  rares  la  sérosité  est  rouge 
ou  brune  par  l'addition  d'une  certaine  quantité  de  sang. 

La  bulle  développée  spontanément  par  l'effet  d'un  travail  morbide  res- 
semble complètement  dans  son  apparence  extérieure  au  soulèvement  de 
l'épiderme  qui  suit  l'action  momentanée  du  calorique  dans  la  brûlure  au 
second  degré  et  surtout  l'application  d'un  emplâtre  vésicant.  La  ressem- 
blance est  telle  que  des  médecins  ont  été  trompés  par  des  individus  simu- 
lant une  maladie  huileuse  à  l'aide  d'une  préparation  de  cantharides  main- 
tenue appliquée  sur  la  peau  pendant  quelque  temps. 

La  bulle  diffère  de  la  vésicule  par  son  volume  plus  considérable  et  aussi 
par  son  isolement  habituel;  les  vésicules  sont  le  plus  souvent  réunies, 
groupées  les  unes  à  côté  des  autres;  les  bulles  sont  ordinairement  dis- 
tinctes et  séparées.  La  pustule  se  distingue  de  la  bulle  par  son  volume 
moins  considérable,  par  sa  forme  plus  régulière  et  par  son  liquide  plus 
franchement  purulent. 

La  bulle  atteint  dans  un  temps  assez  court  le  volume  qu'elle  doit 
avoir,  dans  l'espace  de  quatre  à  cinq  jours.  Au  début,  à  l'endroit  où  doit 
se  développer  la  bulle,  on  voit  l'épiderme  se  rider,  se  soulever  sous 
forme  de  petites  saillies  inégales,  lesquelles  en  augmentant  de  volume  et 
en  se  réunissant  forment  promptement  une  bulle  qui  grossit  par  l'accu- 
mulation'graduelle  du  liquide  sécrété.  Tantôt  à  la  place  que  doit  occu- 
per la  bulle  il  existe  d'abord  une  tache  rouge,  tantôt  la  rougeur  ne  se 
développe  que  sous  forme  d'auréole  autour  de  la  bulle  et  à  mesure  que 
cette  dernière  se  forme;  d'autres  fois  il  n'y  a  aucun  changement  de  colo- 
ration ni  à  la  place  de  la  bulle  ni  à  ses  contours. 

Une  fois  formée  et  arrivée  à  son  volume,  il  est  rare  que  la  sérosité  se 
résorbe  sans  la  rupture  de  la  poche;  le  plus  ordinairement,  après  un  in- 
tervalle plus  ou  moins  long,  l'épiderme  se  rompt  et  le  liquide  s'épanche 
au  dehors;  il  survient  alors  à  la  place  occupée  par  la  bulle  une  ulcération 
superficielle  recouverte  par  des  débris  d'épidémie  et  par  une  partie  du 
liquide  concrète,  laquelle  plaie  tantôt  se  dessèche  assez  vite  par  la  for- 
mation d'un  nouvel  épidémie,  tantôt  se  recouvre  de  croûtes  plus  ou  moins 
épaisses,  variant  du  jaune  clair  au  noir  et  tombant  au  bout  d'un  temps 
variable.  À  la  place  occupée  antérieurement  par  les  inities  et  par  ses  lé- 


808  BULLES,  BULLEOSES  (affections). 

sions  consécutives,  il  existe  plus  tard  une  tache  violette  qui  ne  tarde  pas  à 
s'effacer  complètement  pour  ne  laisser  aucune  trace.  Les  croûtes  sont 
surtout  épaisses  et  elles  persistent  pendant  un  temps  assez  long  lorsque 
le  liquide  contenu  dans  la  bulle  est  épais  et  purulent. 

La  formation  de  la  bulle  est  souvent  accompagnée  d'un  sentiment  de 
chaleur,  de  picotement,  d'élancements  à  l'endroit  où  elle  se  développe. 
Cette  douleur  peut  se  prolonger  jusqu'à  la  rupture  de  la  bulle  et  même 
un  peu  au  delà  ;  quelquefois  elle  n'existe  qu'au  début  de  la  bulle  ;  chez 
quelques  malades,  le  soulèvement  de  l'épiderme  est  complètement  indo- 
lent. Dans  certains  cas,  il  existe  en  même  temps  que  les  bulles  un  vif 
sentiment  de  démangeaisons  auquel  les  malades  résistent  difficilement; 
l'espèce  de  pemphiques,  désignée  par  quelques  auteurs  sous  le  nom  de 
pemphiques  prurigineux,  offre  un  exemple  de  cette  démangeaison  associée 
au  développement  des  bulles. 

Nous  ne  parlerons  pas  ici  des  phénomènes  généraux  qui  peuvent  accom- 
pagner la  formation  des  bulles,  ils  varient  dans  chaque  cas  particulier; 
nous  dirons  seulement  que  la  formation  des  bulles,  continuée  pendant 
un  certain  temps,  finit  par  amener  de  la  faiblesse,  de  l'amaigrissement 
et  tous  les  signes  d'une  altération  profonde  de  la  nutrition,  altération 
qui  est  commune  à  toute  sécrétion  exagérée  prolongée  pendant  un  cer- 
tain temps. 

La  formation  des  bulles  paraît  être  le  résultat  de  l'inflammation  de  la 
couche  la  plus  superficielle  du  derme,  du  corps  muqueux;  quelques  au- 
teurs ont  voulu  aller  plus  loin  dans  cette  question  et  ont  cherché  à  spécilier 
davantage  le  siège  anatomique  de  la  bulle  en  accusant  l'inflammation  spé- 
ciale d'un  des  éléments  de  l'enveloppe  cutanée.  C'est  ainsi  que  Cazenave, 
considérant  la  formation  des  vésicules  comme  le  résultat  de  l'inflammation 
d'un  conduit  sudoripare,  pense  que  ia  bulle,  qu'il  regarde  comme  l'exagéra- 
tion de  la  vésicule,  est  le  résultat  de  l'inflammation  d'un  grand  nombre  de 
conduits  sudoripares  atteints  en  même  temps  et  sur  un  point  donné.  Au- 
cune recherche  d'anatomie  pathologique  ni  de  micrographie  ne  nous  au- 
torise à  spécifier  ainsi  le  siège  élémentaire  de  la  bulle,  et,  pour  notre 
part,  sans  nous  prononcer  absolument  sur  ce  point  qui  exige  de  nou- 
velles recherches,  nous  croyons  que  dans  les  affections  huileuses  comme 
dans  les  affections  vésiculeuses  la  lésion  anatomique  siège  dans  plusieurs 
éléments  de  la  peau.  La  seule  chose  que  nous  ayons  pu  constater  sur  une 
petite  parcelle  de  peau  appartenant  à  un  sujet  mort  d'un  pemphigus 
chronique,  c'est  une  vascularisation  considérable  de  la  peau  et  un  déve- 
loppement très-marqué  des  papilles  nerveuses. 

Affections  huileuses.  —  Les  bulles  se  rencontrent  dans  un  assez  grand 
nombre  d'états  morbides  ;  on  les  voit  se  développer  artificiellement  à  la 
suite  de  l'application  d'un  emplâtre  vésicant  et  particulièrement  des  pré- 
parations de  cantharides  ;  elles  existent  dans  la  brûlure  au  second  degré, 
sous  forme  de  phlyetènes  dans  la  gangrène  de  la  peau  et  des  tissus  sous- 
jacents;  on  les  voit  assez  fréquemment  dans  l'érysipèle  ;  on  peut  les  ren- 
contrer dans  quelques  cas  rares  d'eczéma  et  particulièrement  aux  mains 


BUSSANG.  809 

et  aux  pieds,  elles  ne  sont  là  que  le  résultat  de  la  réunion  de  plusieurs 
vésicules  agminées  se  réunissant  par  la  rupture  des  cloisons  qui  les  sépa- 
raient primitivement;  suivant  les  auteurs  qui  partagent  les  opinions  de 
Willan,  ce  sont  alors  de  fausses  bulles.  Mais  on  rencontre  surtout  les 
bulles  dans  le  pemphigus,  et  la  plupart  des  auteurs  contemporains  ad- 
mettent également  la  bulle  comme  la  lésion  élémentaire  du  rupia  (voyez 
ce  mot). 

A  proprement  parler  les  affections  huileuses  devraient  être  celles  dans 
lesquelles  on  rencontre  des  bulles  ;  mais  les  dermatologistes  modernes 
qui  ont  cherché  à  classer  les  maladies  cutanées  d'après  les  lésions  de  la 
peau,  ont  rétréci  davantage  ce  champ  et  ne  considèrent  comme  affections 
huileuses  que  celles  qui  sont  caractérisées  essentiellement  et  au  début  par 
cette  lésion.  Même  ainsi  définies,  les  maladies  huileuses  ne  sont  pas  les 
mêmes  pour  tout  le  monde  :  c'est  ainsi  que  Plenck  place  parmi  les  mala- 
dies huileuses  qui  constituent  sa  quatrième  classe  le  phyma  (eethyma  ou 
tourniolle),  les  bullx  (les  bulles  des  vésicatoires,  de  la  gelure,  du  calo- 
rique), etc.,  le  pemphigus;  tandis  que  Willan  comprend  dans  sa  classe 
des  bulles  l'érysipèle  et  le  pemphigus;  Bateman,  dans  les  dernières  édi- 
tions de  son  ouvrage,  place  l'érysipèle  dans  les  exanthèmes,  considérant 
avec  raison  la  phlyetène  qu'on  rencontre  souvent  dans  cette  maladie 
comme  une  lésion  accessoire,  et  ne  compte  parmi  les  maladies  huileuses 
que  le  pemphique  et  le  rupia.  Tous  les  auteurs  contemporains,  Biett, 
Cazenave,  Gibert,  Devergie,  Bazin,  ont  imité  Bateman  dans  la  déter- 
mination des  espèces  constituant  la  classe  des  alfections  huileuses;  moi 
seul  j'ai  cru  devoir  faire  une  réserve  relativement  au  rupia  que  je  ne  con- 
sidère pas  comme  une  espèce  nosologique  distincte  et  que  je  rattache  à 
l'ectyma,  suivant  sur  ce  point  l'exemple  déjà  donné  par  Willan.  Mais  ce 
n'est  pas  le  lieu  d'entrer  dans  cette  discussion,  ni  dans  le  détail  des 
maladies  huileuses,  nous  renvoyons  pour  cela  aux  articles  Pemphigus  et 
Bupia.  Alfred  Hardy. 

BUSSAltfGr  (Vosges,  arrond.  de  Bcmiremont),  à  40  kilomètres  de 
Plombières. 

L'eau  dé  Bussang,  froide  (15  degrés  centigrades),  ferrugineuse,  bicar- 
bonatée, est  limpide,  d'une  saveur  aigrelette  et  ferrugineuse. 

Les  sources  qui  la  fournissent  {F  ontaine-d' en-haut  et  F ontaine-cT en- 
bas),  dont  le  débit  est  de  2,500  litres  par  journée  de  vingt-quatre  heures, 
sont  situées  à  deux  kilomètres  de  Bussang  même.  La  F  ontaine-d' en-bas 
seule  est  ferrugineuse  et  offre  de  l'intérêt.  L'eau  de  Bussang  a  été  ana- 
lysée par  Barruel  (1829)  et  par  0.  Henry  (1840).  G.  Henry  a  donné  dans 
V Annuaire  les  résultats  suivants  pour  la  F 'ont aine-d en-bas  : 

Gaz.  —  Acide  carbonique  libre,  41  centilitres. 

Sels.  —  lgr,486  de  minéralisation  par  litre  d'eau;  carbonate  de 
soude,  0gr,789;  de  chaux,  0S'',540  ;  de  magnésie,  0gr,15O  ;  de  strontiane, 
traces  de  fer,  0g,,017  ;  crénate  de  fer,  manganèse  et  traces  de  chlorure 
de  sodium,  0=r,078  ;  sulfates  de  soude  et  de  chaux,  chlorure  de  sodium 


810  BUSSEROLE.  —  description. 

et  crénate  de  soude,  0gr,110;    silicate  de  soude,   de  chaux,  d'alumine, 
0gr,002. 

Chevallier  et  Schaeuffele  ont,  cri  outre,  trouve  de  l'arsenic  dans  les  deux 
sources  de  Bussang. 

Il  n'y  a  pas  d'établissement  à  Bussang.  Celui  qui  fut  incendié  en  1799 
n'a  pas  été  reconstruit.  Aussi  on  n'utilise  l'eau  de  Bussang  que  trans- 
portée. Elle  supporte  les  voyages  sans  subir  d'altérations  notables,  et 
surtout  sans  perdre  son  acide  carbonique. 

Ses  qualités  d'eau  légèrement  bicarbonatée  sodique  et  gazeuse,  sa 
saveur  assez  agréable,  la  rendent  d'un  usage  fréquent  comme  eau  de 
table  et  comme  eau  digestive.  La  quantité  notable  de  principes  martiaux 
qu'elle  renferme  marque  sa  place  parmi  les  agents  de  la  médication  fer- 
rugineuse. Aussi  est-ce  principalement  chez  les  dyspeptiques,  chez  les 
gastralgiques,  dans  la  chlorose,  l'anémie,  chez  ceux  qui  supportent  diffi- 
cilement des  préparations  de  fer  et  des  eaux  bicarbonatées  sodiques 
puissamment  minéralisées,  que  l'eau  de  Bussang  trouve  particulièrement 
ses  applications. 

Chez  les  individus  affaiblis,  anémiques,  à  digestions  languissantes, 
comme  on  en  observe  beaucoup  parmi  ceux  qui  sont  affectés  de  catarrhe 
de  la  vessie,  les  eaux  bicarbonatées  sodiques  ferrugineuses,  telles  que 
celles  de  Bussang,  des  sources  ferrugineuses  de  Vichy,  peuvent,  selon  la 
remarque  de  Durand-Fardel,  être  employées  avantageusement  pour  modi- 
fier l'état  local  et  la  disposition  générale  au  catarrhe,  à  condition  toute- 
fois que  les  symptômes  dysuriques  soient  peu  développés. 

L.  Desxos. 

BUSKEROIjE.  —  Arbutus  uva  ursi,  Linn.  vulg.,  Raisin  d'ours. 
Famille  des  Éricinées.  C'est  un  petit  arbrisseau  toujours  vert,  commun 
dans  les  montagnes,  les  Alpes,  le  Jura,  les  Pyrénées,  les  Vosges. 

On  n'emploie  que  ses  feuilles. 

Desciuptio^.  —  Ces  feuilles  sont  entières,  ovales,  oblongues,  épaisses, 
coriaces,  luisantes,  d'un  vert  foncé  en  dessus,  d'une  couleur  plus  claire 
en  dessous,  un  peu  élargies  au  sommet  qui  est  émoussé  et  même  quel- 
quefois marqué  d'une  échancrure  peu  profonde,  ne  présentant  pas  de 
nervures  transversales  saillantes.  Sèches,  elles  conservent  leur  couleur 
verte;  elles  sont  comme  chagrinées  des  deux  cotés.  En  examinant  la  face 
inférieure  avec  soin,  à  la  loupe,  on  y  distingue  un  réseau  très-délié,  rou- 
geàtre,  dû  à  des  nervures  secondaires  très -fines.  Triturées  avec  de  l'eau, 
ces  feuilles  donnent  une  liqueur  jaunâtre  qui,  par  le  sulfate  de  fer,  préci- 
pite en  bleu. 

On  leur  substitue  souvent  la  feuille  du  buis  ou  celle  de  l'airelle  ponc- 
tuée. Voici  à  quels  caractères  on  pourra  reconnaître  la  fraude. 

Les  feuilles  de  Buis,  Buxus  sempervirens,  Linn.,  Buxinêes,  sont 
ovales,  oblongues,  très-souvent  échancrées  au  sommet,  jamais  chagri- 
nées; la  face  inférieure  présente  une  nervure  médiane,  saillante,  d'où 
partent  des  nervures  secondaires  transversales,  parallèles,  non  ramifiées 


BUSSLROLL.  —  doses  et  mode  d'administration.  811 

cl  non  saillantes,  mais  qui  sont  très-apparentes,  grâce  au  fin  duvet  blanc 
qui  les  recouvre.  Triturées  avec  de  l'eau,  elles  donnent  une  liqueur  qui, 
par  le  sulfate  de  fer,  précipite  en  gris  verdàtrc. 

Les  feuilles  d'airelle,  Vaccinium  vitis-id&a,  Linn.,  famille  des  Vacci- 
iniées,  sont  d'un  vert  brunâtre,  moins  épaisses  que  celles  de  Bussérole,  à 
bord  quelque  peu  denté,  et  repliées  en  dessous,  les  nervures  transversales 
sont  très-saillantes;  l'épiderme  de  la  face  inférieure  est  lisse,  uni,  blan- 
châtre et  marquée  de  points  bruns  très-apparents.  Si  on  les  triture  avec 
de  l'eau,  on  obtient  une  liqueur  qui  filtrée  donne,  par  le  sulfate  de  fer, 
un  beau  précipité  vert  qui  se  dépose  par  la  suite. 

Propriétés  et  usages.  —  La  Bussérole,  telle  qu'on  la  délivre  dans  les 
pharmacies,  a  une  odeur  assez  forte  et  désagréable,  une  saveur  astrin- 
gente très-marquée,  due  à  ce  qu'elle  contient  une  grande  quantité  de 
tannin. 

La  présence  de  ce  principe  explique  l'emploi  de  la  Bussérole  comme 
astringent,  mais  elle  a  été  vantée  dans  bien  d'autres  circonstances,  sur- 
tout dans  les  maladies  des  voies  urinaires,  gravelle,  colique  néphrétique, 
catarrhe  chronique  de  la  vessie,  albuminurie. 

Ilarris,  Béarnais  et  Cazin  l'ont  indiquée  comme  succédanné  du  seigle 
ergoté,  et  ont  constaté  son  action  sur  la  matrice.  Costilhes  a  publié  une 
observation  qui  vient  à  l'appui  de  l'assertion  de  Beauvais,  et  j'ai  moi- 
même  rapporté  (Médecine  contemporaine)  un  fait  récent  qui  vient  en- 
core s'ajouter  aux  précédents.  Cependant  on  doit  dire  qu'il  est  néces- 
saire d'expérimenter  de  nouveau  avant  de  placer  la  Bussérole  dans  les 
excitants  certains  des  libres  musculaires  de  l'utérus. 

Doses  et  mode  d'administration.  —  1°  En  infusion  ou  en  décoction 
15  à  50  grammes  pour  un  litre  d'eau;  2°  en  poudre,  2  à  8  grammes; 
5°  en  extrait,  1  à  4  grammes. 

Costilhes,  Gazelle  hebdomadaire  de  méd.  et  de  chirurg.  Paris,  18G2,  t.  VIII,  n°  32,  p.  514. 
Marchand  (L.),  Médecine  contemporaine.  Taris,  18(32,  t.  IV,  p.  417. 

Léon  Marchand. 


E  IN     DU    ! 0 M E     G  t  N Q  U  t  È H E . 


ERRATA. 

Article  Bile,  p.  28,  ligne 2,  au  lieu  de:  (Valentiner) ,  lisez  :  (Valciilincr,  —  Ncubauer  et  Vogel); 
Même  page,  ligne  15,  au  lieu  de  :  agiter,  lisez  :  agiter  trop  violemment* 


TABLE  DES  AUTEURS 

AVEC   INDICATION   DES  ARTICLES   CONTENUS  DANS  LE  TOME   CINQUIÈME 


ANGER  (Be.nj.)--  •  •  Bras  (palhologie.chirurgicale  [luxations,  fractures,  nécrose,  tumeurs,  ané- 
vrysmes,  kystes  anévrysmoïdes,  amputation,  prothèse]),  517. 

BARRALLIER.   .  .   .     Bouton  d'Alep,  493.  —  Bouton  des  Zibans  ou  de  Biskra,  501. 

BUIGNET  (II.)  .  .  .  Bismuth  (chimie  et  pharmacologie),  105.  —  Borax  ou  Bon  a  te  de  soude 
(chimie,  pharmacologie  et  thérapeutique),  592.  —  Brome  (propriétés 
physiques  et  chimiques,  thérapeutique),  545.  —  Bhucine  (chimie,  phar- 
macologie, thérapeutique),  735. 

DESNOS  (L.).  .  .  .  Boues  minérales,  451.  —  Bourdon-  l'Archambault,  457.  —  Bourbox- 
Lancy,  462,  —  Bourbonne-les-Bains,  405.  —  Bourboule  (La),  409.  — 
Bussang,  809. 

DESORMEAUX  (Ant.)  Bougie,  432.  —  Bras  (anatomie  chirurgicale  [anomalies],  pathologie  chi- 
rurgicale [contusions,  plaies]),  503. 

FERNET  (Cu.).  .  .   .     Bouchf.  (considérations  analomiques,  séméiotique),  399. 

FOURNIER  (A.).   .   .     Blennorriiagie  et  ses  complications.  129.  —  Bubon,  757. 

GINTRAC  (H) Bismuth  (thérapeutique),  108.   —  Bonnes  (Eaux  de),  379.  —  Bronches 

(pathologie  [bronchite  aiguë,  bronchite  capillaire,  bronchite  chronique, 
bronchorrhée,  dilatation  des  bronches,  rétrécissement  des  bronches, 
oblitération  ou  bronchiatrésie,  broncholilhie,  bronchite  pseudo-mem- 
braneuse]), 561. 

GOSSELIN  (L.)..  .  .     Blli'harite,  262.  —  Blépharoptose,  291.  — Blépuarospiiasme,  294. 

HARDY  (A.) Bulles,  Bulleusus  (affections),  807. 

HÉBERT  (L.) Boissons  (Boissons  alcooliques  fermentées  [vin,  cidre  et  poiré,  bière,  bois- 
sons économiques];  boissons  distillées  [eaux-dc-vie,  rhum  et  tafia, 
kirschenwasser,  gin  ou  genièvre,  absinthe,  liqueurs  :  cassis,  curaeo, 
anisetlc,  chartreuse,  élixir  de  Garus]  ;  boissons  spiritueuses;  boissons 
acidulés  gazeuses  et  non  gazeuses;  boissons  aromatiques  [thé,  caféj),  327. 

—  Bols,  576. 

JACCOUD Bile  (Caractères  physiques,    chimiques,   oiigine  et  mode  de  production, 

évaluation  quantitative  de  la  sécrétion  biliaire,  évolution  et  résorption 
physiologiques,  action  pathogénique,  réactifs  de  la  bile),  1. —  Bronzée 
(maladie),  676. 

KŒBERLÉ Bourdonnement,  472.  — Bourses  séreusls  sous-cutanées  (anatomie,  bles- 
sures et  contusions,  inflammation,  épanchements  séreux,  épanchcmcnls 
purulents,  abcès,  épanchements  sanguins,  tumeurs  hématiques,  concré- 
tions, fistules,  ulcères  fisluleux),  476. 

LAUGIER  (S.).   .    .   .     Brûlures,   757. 

LUTON  (A.) Billiaires  (Voies]  (anatomie  et  physiologie  [anomalies  et  vices  de  conforma- 
tion], pathologie  médico-chirurgicale  [lésions  traumatiques  :  plaies,  rup- 
ture; inflammation;  dégénérescences  diverses  :  atrophie  de  la  vésicule, 
ossification,  cancer,  hydatides;  affection  calculeuse,  enlozoaires,  occlu- 
sion], 55. 

MARCHAND  (Léon).  .     Bistorte,  122.  —  Bouillon-Blanc,  448.  —Bourrache,  476.  —  Bryone,  756. 

—  BlSSEROI.E,    810. 

MARTINEAU  (L.).   .     Bobborygmes,  5Ç6.  —  Boulimie,  450. 

ORÉ Bronches  (anatomie  et  physiologie),  548. 

ROUSSIN Bonbons,    376.  —   Bouillons  (bouillons  alimentaires,    bouillons    médici- 
naux), 55. 
SARAZIN  (Cu.)..  .   .     Bistouri,  125. 
TARDIEU  (A.).  .  .  .     Blessures  (médecine  légale),  297. 


PARIS.    —    1MP.    SIMON    BACON    ET    COMP-,    RUE    D ERFURTH, 


La  BlbtlotkçLquz 
Université  d'Ottawa 
Echéance 


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Uni  vers ity  of  Ottawa 
Date  Due 


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